« Des volontaires, munis de pelles et de pioches, ont travaillé sans répit pour trouver des survivants à la suite du séisme de samedi, qui a entièrement détruit six villages du district rural de Zenda Jan et affecté plus de 12 000 personnes, selon l’ONU. Fournir des abris en grande quantité, à l’approche de l’hiver, sera un défi pour les autorités talibanes, qui ont pris le pouvoir en août 2021 et entretiennent des relations tendues avec les organisations d’aide internationale. » ("Le Monde" du 11 octobre 2023).
Un premier tremblement de terre a eu lieu de magnitude 6,3, puis quelques minutes plus tard, une réplique de magnitude 5,5, et deux autres séismes de magnitude 6,3 et 5,9 dans l'heure qui a suivi. Un autre séisme, avec des répliques, a encore secoué la région d'Hérat dans la nuit du 10 au 11 octobre 2023, de magnitude 6,3 qui a, semble-t-il, provoqué peu de victimes (1 mort et 130 blessés selon les autorités).
Selon Sarah Château, responsable des opérations en Afghanistan pour Médecins Sans Frontières, interrogée par France Culture le 11 octobre 2023, la ville d'Hérat a été plutôt épargnée et c'est la campagne rurale autour qui a été beaucoup touchée : « Ce sont des habitats traditionnels construits avec des matériaux rudimentaires qui ont été touchés. Énormément de femmes et d’enfants sont morts dans les secousses. ».
L'Afghanistan est situé dans une zone à tremblements de terre, coincée entre la plaque eurasienne et la plaque indienne. Sept séismes de magnitude supérieure à 6,0 ont déjà eu lieu récemment dans la région. En plus d'être situé sur une faille sismique, le pays est aussi composé d'un relief très difficile pour l'accès aux secours. Les montagnes en effet rendent difficiles les opérations de sauvetage dans des villages complètement détruits par le tremblement de terre.
Les bilans généralement augmentent toujours au fil du temps, celui de découvertes de nouvelles victimes. C'était un peu différent pour ce séisme puisque les autorités afghanes (désormais sous domination talibane depuis deux ans) ont d'abord communiqué sur 2 053 morts du premier séisme (puis, il était question de 2 400 morts et de 9 000 blessés). Le 11 octobre 2023, elles ont rectifié à la baisse le bilan, en étant cependant assez vague, avec « plus de 1 000 morts » (ce qui n'est pas vraiment contradictoire avec 2 000), et 2 400 blessés. L'erreur du premier bilan provient d'un comptage double de victimes issus de plusieurs organismes de secours.
Il y a plusieurs problèmes pour secourir les rescapés de ces nouveaux séismes. Le premier est de faire arriver l'aide internationale, or le gouvernement taliban est en froid depuis son arrivée au pouvoir avec les organisations d'aide humanitaire qui essaient de faire prévaloir leurs urgences. En outre, la mobilisation de la solidarité internationale est difficile à amorcer dans le contexte de sidération mondiale de l'attaque terroriste du Hamas en Israël et de la succession des horreurs qui sont découvertes jour après jour.
Sarah Château a ainsi précisé les relations entre les ONG et les talibans : « C’est une collaboration qui dure depuis plusieurs années, car les talibans étaient présents sur le territoire afghan avant leur prise de pouvoir. Ils nous connaissent et nous laissent travailler, même s’ils imposent un cadre et certaines restrictions. S’ils nous ont demandé de mettre en place une ségrégation entre les hommes et les femmes, Médecins Sans Frontières a continué à fonctionner normalement. Nous n’avons rien changé, mais c’est une lutte permanente avec les talibans. ». Le principal problème des organisations humanitaires, c'est le manque de soignants : les talibans interdisent aux femmes de travailler au sein de ces ONG et il y a donc un manque cruel de soignants.
Enfin, la situation humanitaire avant le séisme était déjà très délicate en Afghanistan (en raison de la crise économique) et la catastrophe naturelle vient encore un peu plus assombrir une situation très noire. L'objectif des secours est, d'une part, de retrouver le maximum possible de survivants dans les villages reculés, d'autre part, de permettre aux dizaines de milliers de rescapés, qui n'ont plus d'abri, de trouver une solution d'hébergement avant l'arrivée de l'hiver toujours très rude dans ces régions montagneuses.
La responsable chez MSF a poursuivi : « Nous avons doublé le nombre de patients admis dans nos consultations cette année. De janvier à juin 2023, plus de 150 000 personnes sont arrivées en urgences pédiatriques. On a une augmentation des personnes malnutries, avec des maladies chroniques qui ne sont pas prises en charge. Il n’y a plus de vaccination non plus. La situation était tout de même fragile avant l’arrivée des talibans et 75% du système de santé était financé par une aide internationale. Le système de santé a toujours été précaire en Afghanistan. ». La situation désastreuse de l'Afghanistan appelle donc à une mobilisation accrue de la "communauté internationale" comme on a pu heureusement l'observer pour le Maroc.
« C'est le défi de l'ambition juste. (…) Je suis convaincu que nous avons un chemin qui est celui de l'écologie à la française qui n'est ni le déni (…) ni la cure qui consiste à dire ça va être un massacre, les agriculteurs vont arrêter leurs activités, on va fermer des sites industriels. Il y a un chemin d'écologie à la française qui est une écologie de progrès. » (Emmanuel Macron, le 24 septembre 2023 sur TF1 et France 2).
Il avait alors annoncé deux mesures fortes, la fin des centrales à charbon (fermeture des deux dernières centrales en France, dont celle de Saint-Avold rouverte à cause de la maintenance trop massive du parc nucléaire en hiver 2022), et le passage à la voiture électrique en lâchant ce petit mot populaire ("bagnole") : « Il faut continuer (…) l'électrification de nos véhicules. C'est le grand défi qui est le nôtre. Et donc on doit accompagner. Et ça, on doit le faire de manière intelligente, c'est-à-dire qu'on doit pousser nos ménages à céder les vieux diesel et les vieux véhicules thermiques, comme on dit, pour aller plus vers ou de l'hybride et de l'électrique, et progressivement de plus en plus de l'électrique. Mais on doit le faire en étant intelligent, c'est-à-dire en les produisant chez nous, les véhicules et les batteries. (…) On est attaché à la bagnole. On aime la bagnole, et moi, je l'adore. Mais la voiture, dans notre pays, il faut le dire, ça a été de la restructuration industrielle ces vingt dernières années. On a perdu beaucoup d'emplois. (…) Ce que nous avons fait ces dernières années, c'est qu'on a relocalisé grâce à l'écologie. Et donc, nous sommes en train de reproduire des véhicules électriques sur le sol français. (…) Comme ils sont à plus haute valeur ajoutée, on peut les produire en France. D'ici à la fin du quinquennat, on aura au moins un millions de véhicules électriques qu'on produit, ça veut dire qu'on réindustrialise par l'écologie. (…) Et ensuite, il faut accompagner les ménages. Qu'est-ce qu'on fait ? Ben, notre fameux bonus malus, donc, on encourage et on allège le coût du véhicule électrique et d'ici à la fin de l'année, on va mieux encore accompagner nos ménages, on va finaliser ce leasing que j'avais promis, c'est-à-dire qu'on va, à la fin de l'année, mettre en place un système, à horizon d'environ 100 euros par mois, on va permettre à des ménages d'acheter des véhicules produits en Europe, électriques, qu'ils vont pouvoir amortir. ».
On a le droit de rester sceptique sur l'objectif final, non qu'il ne soit pas vertueux (au contraire), mais si tout le parc automobile français devait se transformer ainsi en véhicules électriques, "toute chose égale par ailleurs", il faudrait alors doubler notre capacité de production d'électricité, ce qui, dans les perspectives actuelles, est loin d'être le cas (au mieux, dans la même période, on augmenterait de 10% le nombre de réacteurs nucléaires). Donc, ce point, crucial, doit être étudié en profondeur, en rajoutant aussi une demande supplémentaire pour le chauffage des bâtiments qui utilisera nécessairement plus d'électricité si on veut sortir du fuel et surtout, du gaz. Bref, au-delà du cahier des charges technologique qui mérite d'être amélioré pour être un plus par rapport aux véhicules thermiques (autonomie en distance, durée de charge), il faut aussi se préoccuper de cette explosion future de la demande en électricité qui n'est pas encore résolue.
Ce lundi 25 septembre 2023, Emmanuel Macron est donc intervenu à l'Élysée pour la conclusion des quatorze mois de travaux du conseil de planification écologique, un conseil interministériel visant à décliner dans tous les domaines la planification écologique. Les réactions de la classe politique étaient plutôt gênées car même les écologistes ont admis que le Président de la République avait su faire un plan de grande envergure et les timides critiques restaient prévisibles : il n'est pas allé assez loin. L'enjeu est plutôt : jusqu'à quel niveau le peuple français est-il capable d'accepter autant de changements aussi rapidement, car la planification écologique concerne des pans entiers de la vie quotidienne : les transports, le logement, l'alimentation, la consommation, etc. ?
Définissons d'abord ce qu'est la planification écologique. Emmanuel Macron a rappelé l'objectif en préambule : « C'est de bâtir une écologie à la française qui répond à un triple défi, qui n'est pas que le nôtre mais celui de la planète. Celui du dérèglement climatique et de ses conséquences, celui d'un effondrement de notre biodiversité, et celui que je qualifiais, il y a plus d'un an, de "fin de l'abondance" et au fond, de la rareté de nos ressources, qu'il s'agisse de l'eau, des matériaux et des terres rares, etc. Pour cela, nous avons bâti une stratégie de baisse des émissions de CO2 et d'adaptation visant également à renforcer notre souveraineté, et donc réduire nos dépendances, compatible avec notre objectif de réindustrialisation et de plein emploi, et qui vise également à accompagner à la fois les territoires et les personnes qui sont les plus fragiles et donc de bâtir un chemin de transition juste. ».
Durant le premier quinquennat, entre 2017 et 2022, la réduction des émissions de CO2 a été deux fois plus rapide qu'avant, à savoir une baisse de 2% chaque année. Depuis 1990, la France a accompli la moitié du chemin pour réduire de 55% ses émissions à l'horizon de 2030, mais pour atteindre cet objectif, il faut aller 2,5 fois plus vite dans le futur proche, à savoir une baisse de 5% par an entre 2022 et 2030, au lieu de 2%. Petit commentaire personnel : je reste toujours stupéfait de la facilité déconcertante avec laquelle on parle de % en les additionnant. Comme les intérêts du livret A (petit exercice à l'école), les % se composent ou se décomposent avec l'évolution de la valeur. 1% des émissions de CO2 aujourd'hui est dans l'absolu plus faible que 1% il y a dix ans, puisqu'elles ont diminué entre-temps.
En fait, je ne suis pas certain qu'Emmanuel Macron soit très convaincu de cette nécessité écologique, d'autant plus que l'effort de la France seul ne parviendra pas à "sauver" la planète si les autres pays, et surtout, les plus gros pollueurs (Chine, États-Unis, Russie, Inde, Brésil, Corée du Sud, etc.) ne font aucun effort (ce n'est pas anodin qu'à ce conseil de planification écologique, Catherine Colonna, la Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, y a participé, à la droite du père).
En revanche, je suis convaincu qu'en bon pragmatique, le Président de la République n'a pas hésité à saisir l'occasion pour mener la France dans un nouveau paradigme industriel, comme l'avait fait De Gaulle dans les années 1960 et Valéry Giscard d'Estaing dans les année 1970 (grands projets sur l'énergie avec les raffineries et le nucléaire civil, les transports avec Airbus et le TGV, l'aérospatial avec Ariane, etc.), un mouvement qui a permis de nombreuses innovations dans ces domaines. Pour lui, c'est une aubaine politique et c'est bien pour cela qu'il insiste sur cet aspect des choses : la transition écologique doit bénéficier à la France qui a perdu beaucoup d'industries et qui se réindustrialise à cette occasion (en particulier dans les batteries électriques).
De plus, l'argument écologique (sauvegarde de la biodiversité et bouleversements climatiques) est devenu un argument d'autorité, à la fois à la mode et aussi de vertu : personne, même ceux qui nient tant la réalité du réchauffement climatique que sa supposée origine anthropique, personne ne peut contredire le fait qu'émettre moins de polluants est une chose intelligente, et si ce n'est pas pour la planète, ce sera au moins pour la santé des citadins. C'est pour cela que cette planification écologique a beaucoup de mal à être critiquée par les oppositions. Personne ne peut refuser que l'eau soit plus pure ou l'herbe plus verte.
Car l'idée générale du gouvernement, c'est que la transition écologique, c'est d'un côté, polluer moins, et donc protéger tant les humains (leur santé) que leur environnement (la planète, les autres êtres vivants dans leur biodiversité), et de l'autre côté, plus d'industrie (verte, c'est-à-dire vertueuse), plus d'innovation (pour relever des défis technologiques importants comme celui de la batterie électrique), plus d'emplois et donc, plus de richesses produites. Cette « écologie de progrès » que veut Emmanuel Macron tente de faire sa place entre de déni ricaneur et la décroissance larmoyante. Mais Jean-Marc Jancovici a déjà répondu qu'il était thermodynamiquement impossible de préserver la planète et de continuer, "en même temps", cette course à la croissance, qui, "soit dit en passant", a permis de sortir des milliards d'individus de la précarité, de la famine et de la maladie (j'aurai l'occasion d'y revenir).
Le Président de la République a insisté sur le fondement de sa réflexion : « C’est une écologie qui est basée sur la science et sur les résultats objectifs. Tout ce qui est présenté dans ce plan repose sur les études du GIEC, sur tout ce que je viens d'évoquer du premier quinquennat, et donc des éléments élaborés, documentés par nos scientifiques. C'est pour ça que ça n'est ni une écologie du déni, ni une écologie de la cure qui serait incompatible avec la tenue d'un modèle productif et social qui est le nôtre. Ensuite, c'est une écologie souveraine. Et j'insiste sur ce point. Et notre souveraineté est en effet renforcée par la décarbonation. En effet, au fond, toute cette stratégie va nous permettre de réduire notre dépendance à ce qu'on appelle les énergies fossiles, essentiellement le charbon, le pétrole, le gaz ; énergie que d'ailleurs nous ne produisons pas, dont nous dépendons. Les études ont très bien montré, et elles ont conforté cette stratégie, qu'on va passer au fond de 60% d'énergie fossile à 40% en raison de 2030 grâce à cette stratégie. ».
La première mesure, déjà annoncée la veille, est la fin définitive de l'exploitation des centrales à charbon au 1er janvier 2027 pour produire de l'électricité. Plus généralement, il s'agit de la décarbonation de notre production d'énergie et du renforcement de notre souveraineté : « C'est ainsi que nous consoliderons le renforcement de notre souveraineté, cette décarbonation de notre production d'énergie. Tout ça s'accompagne aussi de notre stratégie européenne, parce que cette écologie souveraine, c'est celle que nous portons en Europe avec la taxe carbone aux frontières, c'est celle aussi qui nous a conduits (…) à développer des filières industrielles sur notre sol et à avoir une stratégie du made in Europe. (…) Notre dépendance aux énergies fossiles, ça nous coûte 120 milliards par an. ».
Parmi les autres mesures, il y a la décarbonation de l'industrie française. Le Président de la République a indiqué que les cinquante sites industriels français les plus émetteurs de CO2 sont en cours de décarbonation ; leurs dirigeants ont été reçus à l'Élysée il y a un an : « Tous ont désormais un plan usine par usine qui permet d'atteindre la réduction d'émissions à hauteur 2030 de 45%. Ces plans seront signés fin octobre-début novembre, pour la totalité d'entre eux, ce qui nous permettra de tenir l'objectif. Tout ça a été fait grâce à l'effort collectif, un investissement massif de l'État pour changer les modes de production et décarboner. Et nous allons ensuite l'étendre à nos petites et moyennes entreprises et nos entreprises de taille intermédiaire. ».
En outre, toujours sur le plan industriel, l'État va faire un grand inventaire des ressources minières nécessaires à la transition écologique pour sécuriser la souveraineté des matières premières, et renforcer les investissements dans des technologies de rupture, « en particulier hydrogène et capture et séquestration de carbone ».
Sur les transports, le gouvernement veut développer les transports collectifs avec des RER métropolitains : « C'est de développer ces RER métropolitains pour favoriser le transfert justement de la voiture individuelle vers du transport collectif moins émetteur. C'est un chantier à la fois d'aménagement du territoire, mais également un chantier industriel. Au total, il représentera 10 milliards d'euros. Il va faire travailler les industriels français massivement et donc on a retenu 13 projets, là aussi, notre objectif est dépassé. Il y a plusieurs autres projets moins mûrs, qui sont, si je puis dire, dans la file d'attente. Et donc ces RER métropolitains, nous engageons dès aujourd'hui 700 millions d'euros de l'État pour accompagner les projets et ils donneront lieu à une planification. On aura donc dès octobre la signature des contrats de plan État-Région, le déploiement des financements sur ces 13 premiers projets en même temps que le plan ferroviaire. Tout ça est extrêmement cohérent et ça permettra de lancer là aussi des projets pour notre industrie ferroviaire et les emplois qui vont avec. ». L'autre projet pour les transports, déjà annoncé la veille, c'est le renforcement des investissements pour produire en France un million de véhicules électriques d'ici à 2027.
Pour le logement, l'incitation a été retenue sur l'interdiction : « Là où nous aurions pu, comme certains autres, interdire totalement les chaudières à gaz, nous avons décidé, parce que nous sommes une grande nation de production de chaudières à gaz, d'être plutôt sur une politique d'incitation. Nous avons décidé d'encourager nos compatriotes, sans interdiction mais en les incitant à changer plus vite, à développer une filière industrielle de production de pompes à chaleur qui est un formidable levier de substitution, qui est beaucoup moins consommateur et émetteur. Nous avons décidé de tripler la production de pompes à chaleur d'ici à 2027 et d'arriver donc à produire 1 million de pompes à chaleur sur notre territoire et de former en parallèle 30 000 installateurs. Cet objectif nous permettra de tenir, là aussi, nos chiffres de réduction d'émissions, mais nous permettra de créer et de développer véritablement toutes ces filières. ».
Ne séparant jamais l'écologie de l'économie, Emmanuel Macron a aussi confirmé un principe important de sa politique : « Nous voulons une écologie compétitive et c'est un point clé. Si nous voulons être souverains, si nous voulons créer de la valeur économique, eh bien, on doit avoir des solutions décarbonées qui sont pleinement compétitives. D'abord, c'est cohérent avec la stratégie économique qui est la nôtre, celle que nous déployons à travers le programme qui nous permet aujourd'hui d'être le pays le plus attractif d'Europe et nous allons continuer de le faire. (…) Et surtout, il y a un point très important qui est au cœur de ce projet et que nous annoncerons en octobre, c'est de reprendre le contrôle du prix de notre électricité. Il n'y a pas d'écologie qui soit compétitive si on a un prix de l'électricité dont on ne reprend pas le contrôle et qui, en quelque sorte, ne nous permet pas d'être soutenable à la fois pour nos entreprises et pour nos ménages. (…) Nous allons reprendre d'ici la fin de l'année le contrôle sur les prix de notre électricité au niveau français et européen. ». Nul doute que cette "reprise de contrôle" du prix de l'électricité voulue par la France va engendrer bien des discussions et des négociations sur le plan européen.
Ce principe de compétitivité fait aussi appel à une taxe carbone pour les produits franchissant les frontières européennes, en guise de clause miroir : « Cette écologie accessible et juste, elle passe là aussi par la cohérence au niveau européen international, les clauses miroirs que nous défendons à l'international et qui protègent nos industriels et nos agriculteurs. La taxe carbone aux frontières, qui est un mécanisme absolument essentiel pour de la justice et de la loyauté à l'égard de nos producteurs. (…) Il n'y a pas de politique loyale sans une taxe carbone aux frontières pour nos Européens ».
Autre principe cher à l'Élysée, en effet, c'est de prôner une écologie socialement juste : « Nous voulons une écologie accessible et juste, c'est-à-dire une écologie qui ne laisse personne sans solutions. C'est d'ailleurs le cœur de notre investissement et de l'investissement de la nation. C'est d'accompagner ceux qui sont le plus loin. Permettre l'accès, c'est permettre en particulier de mettre en place des mécanismes très innovants, nous serons les premiers à le faire en Europe. ».
Quatre exemples. Le premier pour les véhicules électriques : « Dès le mois de novembre, nous serons en situation justement de révéler ce dispositif de leasing à 100 euros pour les premiers modèles de véhicules électriques. Ce ne sera pour l'année 2024 que quelques dizaines de milliers de modèles, mais ce sera l'ouverture de ce guichet. Pourquoi ? Parce que d'abord, nous voulons qu'il soit juste, bien ciblé. Et ensuite, nous voulons qu'il permette l'accès à des véhicules électriques qui sont produits en Europe pour éviter que nous ayons une politique d'accès qui, en quelque sorte, viendrait contredire notre politique industrielle. ».
Le deuxième exemple, la rénovation thermique des bâtiments : « Il nous faudra donc accompagner les ménages qui sont les plus modestes. Au-delà de ce que nous avons commencé à faire avec MaPrimeRénov’, nous sommes en train de continuer sa réforme et sa transformation. Et ce, avec une stratégie qui va se lancer dans le logement social, dès octobre, avec la finalisation de l’ensemble de nos mécanismes d’accompagnement pour la rénovation des logements en novembre, qui va nous permettre de mieux accompagner les ménages les plus modestes mais aussi les familles moyennes tout en accompagnant là aussi les bailleurs sociaux et les acteurs les plus structurants pour pouvoir rénover plus rapidement le parc, avec là aussi une exemplarité du côté de l’État. Nous allons donc accélérer nos investissements pour la rénovation thermique de nos propres logements. ».
Le troisième exemple, l'agriculture : « Avoir une écologie accessible, c'est ne jamais laisser des agriculteurs sans solution. C'est la politique que nous avons retenue pour le glyphosate, celle de toujours chercher le bon point d'équilibre. Néanmoins, en France, nous allons baisser de 30%, ce qui est unique en Europe, notre dépendance. Nous ne laisserons jamais d'agriculteurs sans solutions et sans impasse. Ça se fera donc par une stratégie d'investissement dans la recherche d'investissements, dans l'accompagnement, sans surtransposition, et en veillant à ce qu'il n'y ait pas justement de différences entre pays européens pour ne jamais nous placer dans la situation de perdre là aussi notre compétitivité. ».
Le quatrième exemple, l'aménagement du territoire : « Nous allons mettre en place des budgets verts territoriaux, des vraies libertés d'action, mais en même temps des objectifs clairs et des responsabilités partagées au niveau des territoires. La maille est régionale, mais c'est au fond chaque bassin de vie qui sera responsabilisé et donc nos communes auront un rôle très important à jouer. Nos intercommunalités d’agglomération et évidemment les départements seront insérés dans ce jeu avec un accompagnement en matière d'ingénierie territoriale pour que les bonnes réponses soient apportées sur le terrain. ».
Cette planification écologique, sur le papier, a donc l'air à la fois cohérente et intéressante. Elle essaie de rendre compatibles beaucoup de considérations antagonistes, écologiques, économiques, sociales, diplomatiques. Elle est cependant très ambitieuse, il faudra surveiller de près son application, les budgets mis en œuvre, mais Emmanuel Macron a la chance d'avoir encore du temps, près de quatre années pour mettre tout en musique. Il a aussi l'avantage politique de ne plus avoir de réformes impopulaires à imposer, comme c'était le cas pour la réforme des retraites l'an dernier. Il reste que les aides à la transformation écologique, que ce soit pour les logements ou pour les véhicules, resteront toujours trop faibles pour une partie de la population qui est trop riche pour être convenablement aidée et pas assez riche pour supporter l'effort financier que cette transition impose. En quelque sorte, justement le profil des gilets jaunes...
CONSEIL DE PLANIFICATION ÉCOLOGIQUE À L'ÉLYSÉE LE 25 SEPTEMBRE 2023
DISCOURS DU PRÉSIDENT EMMANUEL MACRON LE 25 SEPTEMBRE 2023 SUR LA PLANIFICATION ÉCOLOGIQUE
25 septembre 2023 Conclusion du Conseil de planification écologique.
Je tiens à remercier Madame la Première Ministre et l’ensemble des ministres qui ont été présents pour ce Conseil de planification écologique.
L’objectif qui est le nôtre, dont nous avons débattu pendant 2h30 et qui était l’objet du travail du Gouvernement depuis maintenant 14 mois, c’est de bâtir une écologie à la française, qui répond à un triple défi, qui n’est pas que le nôtre mais celui de la planète. Celui du dérèglement climatique et de ses conséquences, celui d’un effondrement de notre biodiversité et celui de ce que je qualifiais il y a un petit peu plus d’un an de “fin de l’abondance” et au fond de la rareté de nos ressources, qu’il s’agisse de l’eau, des matériaux et terres rares, etc.
Pour cela, nous avons bâti une stratégie de baisse des émissions de CO2 et d’adaptation visant également à renforcer notre souveraineté, et donc réduire nos dépendances, compatible avec notre objectif de réindustrialisation et de plein emploi, et qui vise également à accompagner à la fois les territoires et les personnes qui sont les plus fragiles et donc de bâtir un chemin de transition juste.
J’avais pris durant la campagne présidentielle un engagement : que la Première Ministre soit en charge de la planification écologique, qu’elle ait auprès d’elle un secrétariat général de la transition, ce qui a été fait dès le début de ce quinquennat, et que deux ministres soient principalement chargés de ces dossiers, un ministre en charge de la transition écologique, environnementale et des territoires, et une ministre en charge de la transition énergétique. Ces engagements ont été tenus et la planification, qui a été validée aujourd’hui, est le fruit de 14 mois à la fois de travaux, de concertations, dans le cadre des Conseils nationaux de la refondation qui ont été largement débattus.
Le plan d’aujourd’hui ainsi validé décline plusieurs dizaines d’actions qui vont nous permettre de réduire nos émissions de CO2. Il sera complété par une stratégie biodiversité qui sera présentée en octobre et un plan d’adaptation qui sera présenté en décembre. Et c’est en quelque sorte dans ce triptyque que nous ferons avancer le pays.
Ce plan, je veux ici le dire, s’inscrit d’abord sur un bilan, et c’est ce qui fait notre crédibilité. Nous avons ces dernières années commencé le travail pour la biodiversité en luttant contre l’artificialisation des sols, en protégeant nos forêts, en abandonnant aussi des grands projets, de la Montagne d’or en Guyane à Europa City en région parisienne.
On a renforcé aussi une politique de souveraineté écologique ces dernières années. Pour les voitures, nous avons une stratégie batterie qui nous permet d’avoir 4 grandes usines de batteries, en particulier dans les Hauts-de-France, qui sont le fruit de ce travail. Nous avons développé une stratégie claire sur l’aérien avec l’interdiction des vols domestiques dès qu’il y a une alternative en train, relancé les petites lignes, les trains de nuit en lien avec nos régions, relancé le chantier à la fois de la régénération de notre réseau ferroviaire avec les réformes et les réinvestissements, et des lignes à grande vitesse partout où elles étaient adaptées.
Donc c’est sur cette base, et je ne veux pas être trop long sur le bilan, mais c’est tout ce bilan qui nous permet d’avoir d’abord des résultats : nous avons durant les cinq dernières années réduit nos émissions de CO2 deux fois plus vite qu’auparavant. Et là où on les réduisait d’environ 1% par an, on les a réduites de 2% par an entre 2017 et 2022. Pour que nos compatriotes mesurent l’effort qui est demandé, au fond si on prend l’effort total depuis 1990, on a fait la moitié du chemin. C’est l’autre moitié qui nous reste pour atteindre la réduction de 55% des émissions de CO2 à horizon 2030. C’est donc un chemin qui est atteignable, il suppose d’aller 2,5 fois plus vite sur les 5 années à venir. Et donc là où on a ces 5 dernières années baissé de 2% par an les émissions, de réussir à baisser sur la période 2022-2030 de 5% par an ces émissions. Et de le faire par une stratégie qui correspond à la philosophie d’ensemble qui a toujours été la nôtre, qui est une politique de sobriété mesurée – ce qu’on a fait sur l’eau, ce qu’on a fait sur l’énergie ces derniers mois – où les efforts sont partagés.
Une politique d’innovation, où on investit là aussi sur l’innovation technologique c’est ce que porte la mission France 2030 et chacun des ministères ; et une politique de transformation de tous les comportements, ceux du consommateur par entre autres l'étiquetage, la responsabilisation, ceux des producteurs, ceux des financeurs, qu’ils soient publics ou privés avec les mécanismes d’éco-conditionnalité. Donc c’est cet ensemble que nous allons continuer de décliner.
Au fond, cette écologie française, pour moi, repose sur quelques principes simples que je veux ici détailler pour conclure notre propos et le plan d’action qui tient en quelques dizaines de pages et est beaucoup plus ambitieux que je ne saurais ici y revenir en détail.
D’abord, j’insiste sur ce point : c’est une écologie qui est basée sur la science et sur les résultats objectifs. Tout ce qui est présenté dans ce plan repose sur les études du GIEC, sur tout ce que je viens d'évoquer du premier quinquennat, et donc des éléments élaborés, documentés par nos scientifiques. C'est pour ça que ça n'est ni une écologie du déni, ni une écologie de la cure qui serait incompatible avec la tenue d'un modèle productif et social qui est le nôtre. Ensuite, c'est une écologie souveraine. Et j'insiste sur ce point. Et notre souveraineté est en effet renforcée par la décarbonation. En effet, au fond, toute cette stratégie va nous permettre de réduire notre dépendance à ce qu'on appelle les énergies fossiles, essentiellement le charbon, le pétrole, le gaz ; énergie que d'ailleurs nous ne produisons pas, dont nous dépendons. Les études ont très bien montré, et elles ont conforté cette stratégie, qu'on va passer au fond de 60 % d'énergie fossile à 40 % en raison de 2030 grâce à cette stratégie.
On va réduire notre dépendance avec pour moi, un objectif qui est absolument fondamental dans cette décarbonation, c'est la sortie du charbon. Je pense que la priorité que nous nous sommes donnée pour le pays et que nous allons porter à l'Europe et à l'international, c'est sous ce mandat, et donc d'ici au 1er janvier 2027, d'être totalement sortis du charbon pour la production de notre électricité. Et c'est cette sortie du charbon qu'il faut porter en Européens et pour le monde et qui correspond là encore aux objectifs que nous fixe le GIEC, qui fixe la barre de 2030 pour sortir du charbon. La France sera en avance sur ce rendez-vous grâce à cette stratégie.
L'écologie souveraine, c'est aussi celle que nous avons déployée à travers la stratégie dite de Belfort, c'est-à-dire notre triptyque : sobriété et efficacité énergétique, déploiement des ENR, des énergies renouvelables, et nucléaire. Donc, sur ce volet-là, la stratégie que nous avons validée aujourd'hui, s'appuyant là aussi sur ce que nous avons consolidé, permettra de mettre en consultation notre politique pluriannuelle de l'énergie dès octobre, d'avoir réunion politique en octobre et novembre sur le déploiement de l'éolien en mer, qui permettra de lancer le débat public sur l'éolien en mer et qui nous permettra de tenir l'objectif des appels d'offres sur l'éolien en mer à horizon fin 2024, ce qui est absolument clé, et d'avoir une loi sur la production d'énergie pour le mois de décembre. C'est ainsi que nous consoliderons le renforcement de notre souveraineté, cette décarbonation de notre production d'énergie.
Tout ça s'accompagne aussi de notre stratégie européenne, parce que cette écologie souveraine, c'est celle que nous portons en Europe avec la taxe carbone aux frontières, c'est celle aussi qui nous a conduits, et je vais y revenir dans un instant, à développer des filières industrielles sur notre sol et à avoir une stratégie du made in Europe.
Deuxième élément justement, c'est une écologie qui crée de la valeur économique et qui s'appuie sur une stratégie industrielle. C'est ça qu'il y a derrière ce plan et sur lequel il faut ici insister. Au fond, notre dépendance aux énergies fossiles, ça nous coûte 120 milliards par an. Et nos compatriotes doivent l'avoir en tête, c'est le prix de notre dépendance. Ce qu'on veut progressivement faire, c'est pouvoir le réinvestir, ce qui va nous améliorer la balance commerciale, moins dépendre et éviter d'ailleurs ensuite, quand il y a des déséquilibres des cours mondiaux, de devoir les compenser comme on est en train de le faire aujourd’hui sur les carburants ou sur d’autres éléments qu’on importe sur lesquels nous sommes totalement dépendants. C’est aussi pour ça que c’est la bonne stratégie économique et de pouvoir d'achat dans la durée, cette stratégie de décarbonation et cette stratégie écologique que nous portons.
Alors en matière justement d’une écologie qui crée de la valeur économique, on a lancé il y a un an la décarbonation des 50 grands sites industriels les plus émetteurs. Ils ont été reçus à l'Élysée il y a un an. Tous ont désormais un plan usine par usine qui permet d'atteindre la réduction d'émissions à hauteur 2030 de 45 %. Ces plans seront signés fin octobre-début novembre, pour la totalité d'entre eux, ce qui nous permettra de tenir l'objectif. Tout ça a été fait grâce à l'effort collectif, un investissement massif de l'État pour changer les modes de production et décarboner. Et nous allons ensuite l'étendre à nos petites et moyennes entreprises et nos entreprises de taille intermédiaire.
Ensuite, on va accélérer sur la partie industrielle avec deux grands chantiers qui s'ouvrent devant nous. D'abord, un grand inventaire de ressources minières qui sont nécessaires à la transition écologique, parce qu'on doit disposer d'une carte précise des ressources en matière de lithium, de cobalt qui se trouvent sur notre territoire pour sécuriser cette souveraineté de nos matières premières. C'est là où la rareté est en quelque sorte jumelle de la décarbonation. Et nous devons aussi regarder précisément les gisements d'hydrogène naturel qui pourraient jouer un rôle majeur pour produire cette énergie du futur.
Et puis, le deuxième chantier sur lequel on va accélérer en matière d'industrie, c'est celui des technologies de rupture, en particulier hydrogène et capture et séquestration de carbone. Et sur ce dernier sujet, une consultation est en cours et à l'issue, il faut que nous soyons capables de développer au moins un site en France, là aussi pour réduire notre dépendance à l'extérieur.
Et enfin, l'industrie et ses filières, mais aussi la recherche, ce sont les laboratoires à solutions pour cet immense défi. Et c'est ce qui est au cœur de la loi pluriannuelle de l'enseignement supérieur et de la recherche et de la mission France 2030 qui vont se concentrer sur ces enjeux.
Je vais insister sur quelques autres grandes filières industrielles et de transformation économique, sur cette écologie créatrice de valeur, c'est la question des transports. C'est une question d'aménagement du territoire, d'égalité de nos territoires, mais également là aussi de filières, parce qu'on a des grands acteurs industriels très forts en la matière. Nous avons lancé là aussi il y a un an une ambition, c'est de développer ces RER métropolitains pour favoriser le transfert justement de la voiture individuelle vers du transport collectif moins émetteur. C'est un chantier à la fois d'aménagement du territoire, mais également un chantier industriel. Au total, il représentera 10 milliards d'euros. Il va faire travailler les industriels français massivement et donc on a retenu 13 projets, là aussi, notre objectif est dépassé. Il y a plusieurs autres projets moins mûrs, qui sont, si je puis dire, dans la file d'attente. Et donc ces RER métropolitains, nous engageons dès aujourd'hui 700 millions d'euros de l'État pour accompagner les projets et ils donneront lieu à une planification. On aura donc dès octobre la signature des contrats de plan État-Région, le déploiement des financements sur ces 13 premiers projets en même temps que le plan ferroviaire. Tout ça est extrêmement cohérent et ça permettra de lancer là aussi des projets pour notre industrie ferroviaire et les emplois qui vont avec.
L'autre grand sujet sur les transports, c'est évidemment la voiture électrique. Là-dessus, je le disais, nous avons beaucoup avancé. Nous avons structuré d'abord des volumes. On aura au moins 1 million de voitures électriques produites d'ici 2027 sur le sol de France, nous aurons aussi ouvert les 4 grandes usines de production de batteries électriques de Dunkerque à Douai, dans cette vallée de la batterie qui nous permettra, là aussi, d'être exportateur de batteries électriques à horizon 2027. Et nous continuons donc d'accroître l'investissement en la matière.
De la même manière, cette écologie créatrice de valeur économique, c'est celle que nous voulons pour le logement. Là aussi, je l'ai évoqué hier en parlant aux Françaises et aux Français, là où nous aurions pu, comme certains autres, interdire totalement les chaudières à gaz, nous avons décidé, parce que nous sommes une grande nation de production de chaudières à gaz, d'être plutôt sur une politique d'incitation. Nous avons décidé d'encourager nos compatriotes, sans interdiction mais en les incitant à changer plus vite, à développer une filière industrielle de production de pompes à chaleur qui est un formidable levier de substitution, qui est beaucoup moins consommateur et émetteur. Nous avons décidé de tripler la production de pompes à chaleur d'ici à 2027 et d'arriver donc à produire 1 million de pompes à chaleur sur notre territoire et de former en parallèle 30 000 installateurs. Cet objectif nous permettra de tenir, là aussi, nos chiffres de réduction d'émissions, mais nous permettra de créer et de développer véritablement toutes ces filières. Et donc, vous le voyez, sur l'ensemble de ce spectre, on a véritablement une écologie qui crée de la valeur économique.
Je pourrais vous parler aussi de la stratégie agricole qui est la nôtre, de la stratégie forêt, biomasse etc. C'est ce qu'il y a dans ce plan.
L'autre élément de principe, c'est que nous voulons une écologie compétitive et c'est un point clé. Si nous voulons être souverains, si nous voulons créer de la valeur économique, eh bien, on doit avoir des solutions décarbonées qui sont pleinement compétitives. D'abord, c'est cohérent avec la stratégie économique qui est la nôtre, celle que nous déployons à travers le programme qui nous permet aujourd'hui d'être le pays le plus attractif d'Europe et nous allons continuer de le faire. À cet égard, le projet de loi qui sera bientôt mis en œuvre pour l'industrie verte va nous permettre de garder cette compétitivité en baissant le coût d'investissement pour les grands industriels comme pour nos agriculteurs, et en favorisant l'industrie verte de manière compétitive pour, en particulier, tenir face à la Chine et aux États-Unis. C'est cette compétitivité qui nous pousse aussi à avoir une politique européenne qui doit investir davantage pour gagner la bataille européenne en matière de compétitivité.
Et surtout, il y a un point très important qui est au cœur de ce projet et que nous annoncerons en octobre, c'est de reprendre le contrôle du prix de notre électricité. Il n'y a pas d'écologie qui soit compétitive si on a un prix de l'électricité dont on ne reprend pas le contrôle et qui, en quelque sorte, ne nous permet pas d'être soutenable à la fois pour nos entreprises et pour nos ménages. Parce que nous avons nationalisé Electricité De France, parce que nous avons une chance qui est notre base installée nucléaire, parce que nous avons cette stratégie de Belfort que j'évoquais, nous pourrons en octobre véritablement annoncer les prix de l'électricité qui sont compatibles avec cette compétitivité et qui vont donner de la visibilité à la fois aux ménages et à nos industriels et avoir des prix qui nous mettent dans une situation tout à fait favorable et compétitive au niveau européen. Nous allons reprendre d'ici la fin de l'année le contrôle sur les prix de notre électricité au niveau français et européen.
Ensuite, nous voulons une écologie planifiée, donc c'est l'objet même de ce plan présenté et validé aujourd'hui et financé, financé d'abord au niveau de l'État. Là où nous investissons aujourd'hui 33 milliards en 2023, nous allons passer à 40 milliards d'euros d'investissements et donc faire plus 7 dès 2024. Nous avons une trajectoire pluriannuelle qui est inscrite dans nos textes et qui est consolidée avec une méthodologie de budget vert qui est validée, qui correspond aux critères de l'OCDE et qui est maintenant la norme. Notre objectif va être dans les prochaines semaines de consolider notre trajectoire pluriannuelle, de mieux mobiliser d'autres acteurs publics, en particulier la Caisse des dépôts et Consignations, de développer une méthodologie commune avec les collectivités territoriales pour qu'elles se dotent aussi de budgets verts avec des critères homogènes et de pouvoir avoir une stratégie toutes administrations publiques cohérentes avec ce financement.
Ensuite, on doit avoir une politique européenne cohérente avec cette approche. C'est pourquoi l'un des combats que nous mènerons dans les prochains mois sera d'avoir un pacte de stabilité cohérent avec cette approche. L'Europe doit plus l’investir dans la transition écologique et il ne peut pas y avoir une transition écologique européenne et une vraie stratégie européenne de décarbonation s'il n'y a que de la réglementation et pas d'investissements. Et donc, la France se battra pour avoir une stratégie d'investissement massif pour l'ensemble de nos territoires. Et puis enfin, il nous faut avoir des meilleures incitations pour le secteur privé. Et donc au cœur de cette écologie planifiée et financée, il y a tout un travail qu'on va mener sur les crédits carbone et leur sincérisation - aujourd'hui ils ne fonctionnent pas parce qu'ils sont trop faibles - et la mise en place aussi de crédits biodiversité sur lesquels nous ferons un point d'étape à la fin de l'année.
Ensuite, nous voulons une écologie accessible et juste, c'est-à-dire une écologie qui ne laisse personne sans solutions. C'est d'ailleurs le cœur de notre investissement et de l'investissement de la nation. C'est d'accompagner ceux qui sont le plus loin. Permettre l'accès, c'est permettre en particulier de mettre en place des mécanismes très innovants, nous serons les premiers à le faire en Europe, par exemple, pour les véhicules électriques. C'est pourquoi, dès le mois de novembre, nous serons en situation justement de révéler ce dispositif de leasing à 100 euros pour les premiers modèles de véhicules électriques. Ce ne sera pour l'année 2024 que quelques dizaines de milliers de modèles, mais ce sera l'ouverture de ce guichet. Pourquoi ? Parce que d'abord, nous voulons qu'il soit juste, bien ciblé. Et ensuite, nous voulons qu'il permette l'accès à des véhicules électriques qui sont produits en Europe pour éviter que nous ayons une politique d'accès qui, en quelque sorte, viendrait contredire notre politique industrielle. Mais donc nous allons mettre en place des dispositifs pour rendre accessible le véhicule électrique.
De la même manière, la rénovation thermique des bâtiments doit doubler d’une politique de justice et d'accessibilité. Il nous faudra donc accompagner les ménages qui sont les plus modestes. Au-delà de ce que nous avons commencé à faire avec MaPrimeRénov’, nous sommes en train de continuer sa réforme et sa transformation. Et ce, avec une stratégie qui va se lancer dans le logement social, dès octobre, avec la finalisation de l’ensemble de nos mécanismes d’accompagnement pour la rénovation des logements en novembre, qui va nous permettre de mieux accompagner les ménages les plus modestes mais aussi les familles moyennes tout en accompagnant là aussi les bailleurs sociaux et les acteurs les plus structurants pour pouvoir rénover plus rapidement le parc, avec là aussi une exemplarité du côté de l’État. Nous allons donc accélérer nos investissements pour la rénovation thermique de nos propres logements.
Quand je parle d'une écologie accessible et juste, c'est évidemment aussi le travail que nous devons faire pour accompagner nos agriculteurs. Avoir une écologie accessible, c'est ne jamais laisser des agriculteurs sans solution. C'est la politique que nous avons retenue pour le glyphosate, celle de toujours chercher le bon point d'équilibre. Néanmoins, en France, nous allons baisser de 30 %, ce qui est unique en Europe, notre dépendance. Nous ne laisserons jamais d'agriculteurs sans solutions et sans impasse. Ça se fera donc par une stratégie d'investissement dans la recherche d'investissements, dans l'accompagnement, sans surtransposition, et en veillant à ce qu'il n'y ait pas justement de différences entre pays européens pour ne jamais nous placer dans la situation de perdre là aussi notre compétitivité.
Et puis, cette écologie accessible et juste, elle passe là aussi par la cohérence au niveau européen international, les clauses miroirs que nous défendons à l'international et qui protègent nos industriels et nos agriculteurs. La taxe carbone aux frontières, qui est un mécanisme absolument essentiel pour de la justice et de la loyauté à l'égard de nos producteurs.
Mais plus largement, quand on parle de justice, je veux ici souligner que beaucoup des transformations que nous sommes en train de faire, portent en elles-mêmes des éléments de justice parce qu'elles sont nécessaires pour les plus modestes d'entre nous. Réduire les émissions, c'est réduire la pollution dans nos villes, c'est avoir une politique de prévention pour lutter contre la bronchiolite ou la détresse respiratoire qui touchent souvent les plus vulnérables d'entre nous, et les personnes âgées comme les femmes enceintes ou les enfants des milieux les plus modestes. C'est de la véritable justice.
Ensuite, nous voulons une écologie qui protège les Français et la nature. C'est la mission qui nous est donnée. C'est aussi pour ça que je crois que l'écologie a quelque chose de régalien à cet égard. Et ce qui est au cœur de la stratégie d'ensemble qui est la nôtre. Travailler avec les agriculteurs pour leur permettre d'avoir par l'écologie une réponse à la baisse des rendements par l'agrivoltaïsme, la biomasse, les carburants durables qui sont des mécanismes de revenus complémentaires mais qui vont permettre justement de protéger leurs revenus. Travailler avec les forestiers pour leur permettre, là aussi, de protéger, reconstituer la forêt et qui viendront compléter la stratégie forestière qui est la nôtre à la fois de protection et de plantation d'un milliard d'arbres nouveaux d'ici 2030. Travailler avec nos Outre-mer, qui concentre l'essentiel de notre biodiversité pour avoir cette stratégie que nous déploierons en octobre. Travailler pour, au fond, protéger notre nature et nos paysages, ce qui montre que notre écologie est aussi une stratégie de préservation de notre cadre de vie, de notre richesse de biodiversité et au fond, de nos paysages qui constituent l’identité profonde de la France.
Ensuite, nous voulons une écologie qui soit territorialisée. La stratégie qui a été présentée aujourd’hui est détaillée point à point, est une stratégie qui est le fruit d’un très gros travail d’une concertation qui a associé toutes les parties prenantes. La Première Ministre et le ministre en charge de la Transition lanceront un débat au mois d’octobre, sur le terrain, dans chaque région. Notre objectif est maintenant que ces objectifs nationaux soient partagés au niveau des territoires et qu'ils soient déclinés avec, au fond, des objectifs qui sont eux intangibles et une liberté qui est donnée sur les moyens et le chemin des indicateurs et des responsabilités clairement établies. Ceci, pour que nous puissions distinguer, si je puis m'exprimer ainsi, ceux qui sont engagés ont des résultats de ceux qui, en quelque sorte, décident de ne pas jouer le jeu, et pour que ce soit clair pour l'ensemble de nos compatriotes.
Et donc nous allons mettre en place des budgets verts territoriaux, des vraies libertés d'action, mais en même temps des objectifs clairs et des responsabilités partagées au niveau des territoires. La maille est régionale, mais c'est au fond chaque bassin de vie qui sera responsabilisé et donc nos communes auront un rôle très important à jouer. Nos intercommunalités d’agglomération et évidemment les départements seront insérés dans ce jeu avec un accompagnement en matière d'ingénierie territoriale pour que les bonnes réponses soient apportées sur le terrain.
Enfin, c'est une écologie que nous portons partout dans le monde. Nous sommes le premier pays à nous doter d'une stratégie nationale. Mais elle correspond point à point à ce que nous portons à l'international. La sortie du charbon avant 2030, la décarbonation industrielle, la stratégie d'investissement, la stratégie biodiversité reposant sur la protection et le renforcement de nos forêts et la protection de nos océans, c'est une stratégie que nous portons au cœur de l'Europe et à l'international, que nous avons encore défendue et qui est au cœur du Pacte de Paris pour les peuples et la planète.
C'est cette cohérence qui, je crois, nous donne beaucoup de force et c'est l'ensemble de ces points qui structurent cette écologie à la française que j'évoquais. Qui ne décide pas de rouvrir des centrales à charbon. Qui décide de ne pas abandonner ses objectifs, même quand c'est difficile, mais qui sait concilier une ambition climatique avec plus de souveraineté, avec une stratégie industrielle, avec la création d'emplois à travers les principes que je viens d'évoquer.
Je souhaite que l'ensemble des formations politiques qui concourent à la vie de la nation, lorsqu'elles condamnent parfois trop vite le nucléaire, se rendent compte que tous les scientifiques nous disent qu'il n'y a pas une stratégie qui existe sans le nucléaire. Que ceux qui nous expliquent qu'au fond, la taxe carbone aux frontières ne serait pas une bonne chose, quand ils refusent de la voter à l'Europe, se rangent à notre solution parce qu'il n'y a pas de politique loyale sans une taxe carbone aux frontières pour nos Européens et que sur chacun des points que je viens d'évoquer, nous puissions bâtir le maximum de concorde.
J'ai compris que c'était ce qui ressortait des consultations politiques que la Première Ministre avait tenues à l'exception d'une formation politique qui a fait le choix de ne pas s'y rendre pour des raisons qui m'ont encore échappé. Mais je ne peux pas imaginer que ce ne soit par désintérêt, c'était sans doute par oubli.
En tout cas, sur tous ces sujets, je veux remercier Madame la Première Ministre, les ministres en charge, le secrétariat général à la transition écologique. Très bon travail, on le voit. Les prochaines semaines seront marquées par la déclinaison de tout ce que nous nous sommes dit, par des investissements nouveaux, par des actions que nous allons conduire et par cette territorialisation absolument essentielle ; et sur le plan international, par des rendez-vous européens-internationaux qui iront jusqu'à la COP 28 en fin d'année dans laquelle nous porterons chacun de ces objectifs. Je vous félicite en tout cas pour le travail conduit.
Nous avons maintenant la mise en œuvre qui ne sera pas plus simple, mais dans laquelle il va nous falloir associer toutes les forces vives et partager les responsabilités. Je compte sur vous pour cela et je vous remercie de tout le travail qui a été mené.
Merci à vous. Merci beaucoup, Messieurs, Dames.
Emmanuel Macron, le lundi 25 septembre 2023 au Palais de l'Élysée à Paris.
« En ce moment, nos pensées vont aux milliers de personnes touchées dans leurs communautés, nous sommes solidaires de toute les populations en Libye pendant cette période difficile. » (Stéphane Dujarric, porte-parole du Secrétaire Général de l'ONU, le 12 septembre 2023 à New York).
Des équipes de l'ONU seraient déjà sur les lieux ce 12 septembre 2023 : « Nous mobilisons des ressources et des équipes d’urgence pour secourir les personnes touchées et travaillons avec des partenaires locaux, nationaux et internationaux pour acheminer l’aide humanitaire d’urgence aux personnes dans les zones sinistrée. » (Stéphane Dujarric).
Quelques heures après le séisme désastreux du Maroc, l'Afrique du Nord a été touchée très durement par un autre dérèglement météorologique et environnemental, à savoir la tempête Daniel qui, après avoir dévasté la Grèce et la Bulgarie, est arrivé sur les côtes libyennes, surtout au nord-est de la Libye, touchant les villes de Benghazi, Al-Marj, Al-Bayda et Derna (en Cyrénaïque). Des pluies torrentielles ont secoué ces zone le 10 septembre 2023 au point de provoquer de très graves inondations et coulées de boue.
414 millimètres de pluie sont tombés dans la journée. Le plus grave se trouve à Derna car les pluies torrentielles auraient détruit deux barrages en amont de cette ville de 100 000 habitants, ce qui aurait entraîné une crue énorme et submergé plusieurs quartiers dont certains, emportés, sont allés à la mer.
Jamais le pays n'a connu ce genre de situation catastrophique. Elle provient de conditions météorologiques particulières, une zone à forte pression coincée entre deux dépressions et un air très chaud.
Les autorités du pays ont évoqué le 12 septembre 2023 environ 3 800 morts et plus de 10 000 personnes disparues. Deux jours plus tard, il serait question de plus de 11 000 morts et de plus de 6 000 disparus. On compterait aussi 40 000 personnes déplacées, mais la docteure Margaret Harris, porte-parole de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a affirmé que 1,8 million de personnes auraient été touchées par ces pluies torrentielles, avec un vent jusqu'à 80 kilomètres par heure, qui ont détruit tout sur leur passage, même des hôpitaux : « Le travail consiste maintenant à rassembler du matériel de secours, y compris, malheureusement, des sacs mortuaires et des kits de traumatologie. (…) Notre seconde priorité est de veiller aux personnes déplacées. (…) Beaucoup de gens vivaient déjà dans des conditions précaires. Et nous devons établir quel type d’hôpitaux de campagne et de cliniques mobiles peuvent être mis en place. ».
Cette catastrophe en Libye a été beaucoup moins médiatisée que le séisme au Maroc ou que l'arrivée massive de réfugiés à Lampedusa (6 800 réfugiés en une seule journée sur le sol italien), mais probablement que la Libye a besoin encore plus d'aide internationale. Pour compliquer les secours, la Libye est dirigée par deux administrations rivales, une de Tripoli, reconnue par la "communauté internationale" et une autre issue d'une légitimité parlementaire à l'Est de la Libye.
Le gouvernement de Tripoli a envoyé des aides à l'Est qu'il ne contrôle pas. Le Croissant rouge est complètement dépassé par la catastrophe et des équipes internationales sont mobilisées pour les secours et l'aide humanitaire.
Différentes instances de l'ONU ont commencé à récolter des dons (l'objectif serait de venir en aide à 250 000 personnes pour la somme de 71,4 millions de dollars ; ensuite 800 000 personnes à aiders). La Turquie, l'Égypte, l'Algérie, la Jordanie et le Qatar ont déjà mobilisé des aides pour la Libye.
La France, dans le cadre de l'Union Européenne, participe aussi aux secours. Elle a envoyé un hôpital de campagne à l'aéroport d'Al Abraq tandis que l'Italie s'occupe plutôt de Derna avec l'arrivée de deux hélicoptères. Le 13 septembre 2023, une équipe d'une soixantaine de sapeurs-pompiers et de sauveteurs français venus du Gard est partie pour la Libye. L'Allemagne, la Finlande, la Belgique, les Pays-Bas, la Roumanie et la Suède participent aussi aux interventions européennes.
Autre grave difficulté, la Libye est un passage obligé pour l'immigration hors de l'Afrique : les réfugiés d'une quarantaine de pays d'Afrique passent en effet par la Libye pour aller en Europe. Paul Dillon, le porte-parole de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), craint que le nombre de victimes des inondations en Libye soit bien plus grand encore : « Nous sommes conscients qu’environ 600 000 migrants sont en Libye à l’heure actuelle et qu’une partie d’entre eux se trouvait dans des zones touchées. Mais à ce stade précoce, vu les nombreux problèmes d’accès auxquels les intervenants humanitaires sont confrontés, nous n’avons pas encore une vision claire de la gravité de leur situation. » (12 septembre 2023).
La Libye, terre de passage ? Selon certains, pas toujours. Certains réfugiés d'origine subsaharienne s'y retrouvent sans identité et en l'état d'esclaves, ce qui est un scandale aussi grave voire plus grave que le grand nombre de réfugiés qui échouent à Lampedusa, sans compter les malheureux passagers qui se noient par naufrage dans la Méditerranée à cause de passeurs criminels sans scrupules.
Mais tout cela est très différent de ces rescapés de la tempête Daniel qui comptent encore leurs morts et qui tentent d'aider et de sauver les personnes qui ont tout perdu, domicile, biens, etc. Solidarité aussi au peuple libyen dans ces moments graves.
« C'est une bonne nouvelle qui montre qu'on peut arriver à améliorer les choses ! » (Didier Hauglustaine, le 10 janvier 2023 sur franceinfo).
Saluons la bonne nouvelle ! Pour une fois, on peut parler avenir de la planète, protection des 8 milliards d'êtres humains (et de la faune et de la flore qui les entourent), mesures écologiques... en positif, et avec optimisme ! Il s'agit de la couche d'ozone.
Comme de nombreuses substances naturelles (en particulier l'oxygène, c'est-à-dire la molécule composée de deux atomes d'oxygène), l'ozone (qui est la molécule composée de trois atomes d'oxygène) a des effets à la fois dévastateurs et protecteurs et indispensables à la vie. En effet, lorsque l'ozone est dans l'atmosphère, ou plutôt, la troposphère (atmosphère en dessous d'une vingtaine de kilomètres d'altitude, là où se trouvent toutes les activités terrestres, y compris les vols aériens), l'ozone est un fort polluant qui a un impact sur le climat et sur la qualité de l'air. Mais en revanche, la couche d'ozone qui est dans la stratosphère (entre 20 et 50 kilomètres d'altitude) est bénéfique à la planète et surtout, à tout ce qui est vivant, puisqu'elle permet de filtrer les pires rayons ultraviolets du Soleil.
Au début des années 1980, on a commencé à s'inquiéter parce que justement, un trou s'était formé dans la couche d'ozone, au niveau de l'Antarctique, réduisant notre protection UV de manière très dangereuse (un hausse du nombre de cancers de la peau était notamment observée en Australie). L'une des raisons de la formation de ce trou, c'étaient les gaz CFC (chlorofluorocarbones), et plus généralement, les gaz comportant des halogènes (chlore, fluor, brome, etc.). En effet, le chlore est dissocié du reste du gaz polluant par les rayons UV pour aller se mettre avec un atome d'oxygène pris à l'ozone, formant un monoxyde de chlore et une molécule d'oxygène (détruisant l'ozone). Il s'agit aussi des gaz HFC (hydrofluorocarbones) utilisés à l'époque dans les aérosols, les réfrigérateurs et les climatiseurs, ainsi que d'autres gaz employés dans les extincteurs et les pesticides. Les CFC sont interdits depuis la fin des années 1980 dans la plupart de ces pays.
À partir de ces observations alarmistes, l'ONU a cherché à engager une coopération internationale afin de réduire drastiquement les émissions des gaz mis en cause dans la formation du trou de la couche d'ozone. Le Protocole de Montréal en 1987, qui a été ratifié par 198 pays, a ainsi permis de réduire énormément l'émission de ces gaz dans l'atmosphère.
Ce lundi 9 janvier 2023 a été publié le rapport rédigé par 230 scientifiques sur la situation de la couche d'ozone en 2022 pour le compte de l'ONU (on peut télécharger son résumé ici). Pour une fois dans ce genre de rapport produit par l'ONU souvent alarmiste sur la situation de la planète, ce rapport est optimiste et montre que les mesures internationales mises en place depuis quelques décennies ont prouvé leur efficacité sur la couche d'ozone.
Ces scientifiques ont notamment constaté : « L'élimination progressive de près de 99% des substances interdites qui détruisent l'ozone a permis de préserver la couche d'ozone et contribué de façon notable à sa reconstitution dans la haute stratosphère et à une diminution de l'exposition humaine aux rayons ultraviolets (UV) nocifs du soleil. ». La coopération internationale a donc été efficace.
Efficace au point d'effacer à terme ce trou d'ozone provoqué par l'homme : « Si les politiques actuelles restent en place, la couche d'ozone devrait retrouver les valeurs de 1980 (avant l'apparition du trou dans la couche d'ozone) d'ici à environ 2066 au-dessus de l'Antarctique, 2045 au-dessus de l'Arctique et 2040 dans le reste du monde. ». Si c'est si long, c'est parce que certaines molécules nocives ont une durée de vie très longue (de 50 à 100 ans) et leur concentration dans l'atmosphère diminue donc très lentement.
C'est une très bonne nouvelle qui a déjà son impact sur la santé : certains ont évalué que cela pourrait éviter jusqu'à 400 millions de cancers de la peau pour les seuls États-Unis d'ici à la fin du siècle.
Le climatologue Didier Hauglustaine, directeur de recherches au CNRS, s'est montré ainsi très enthousiaste, face à cette bonne nouvelle, au micro de franceinfo le 10 janvier 2023 : « Cela montre que le protocole signé en 1987 a fonctionné et que ces gaz qui détruisent l'ozone ont diminué dans l'atmosphère et que lentement, l'ozone est en train de guérir (…). Cela montre aussi que lorsqu'il y a une mobilisation des scientifiques et une sensibilisation des politiques et des industriels, on peut prendre des mesures utiles. ». L'ozone est un sujet très précis tandis que le bouleversement climatique est un problème global. Le chercheur est donc plus inquiet sur ce dernier sujet : « C'est beaucoup plus compliqué d'agir sur le réchauffement climatique car on parle d'un changement de toute la société. ».
En 2016, l'Accord de Kigali a prévu la suppression définitive des HFC qui, au-delà de détruire la couche d'ozone, sont également très nocifs pour le climat. Le rapport de l'ONU explique que si l'accord était respecté par tous les pays, la fin des émissions de HFC permettrait de réduire de 0,5°C le réchauffement climatique d'ici à la fin du siècle, ce qui n'est pas négligeable.
Mais le rapport pointe aussi le doigt sur une menace : pour réduire le réchauffement climatique, on pourrait néanmoins prendre des mesures contre l'ozone. C'est le paradoxe de la complexité de la nature. En effet, dans la recherche pour prévenir le réchauffement climatique, il y a des projets de géo-ingénierie qui placeraient du soufre dans la stratosphère, les particules de soufre ayant pour fonction de réfléchir les rayons solaires. Le risque, encore incertain, d'un tel procédé serait de détruire l'ozone en même temps et recréer un nouveau trou dans la couche d'ozone.
Il est donc impératif de faire savoir cette bonne nouvelle sur la couche d'ozone : par l'action humaine, un trou a été formé, mais par la prise de conscience de l'ensemble des pays, l'ozone se reforme et le trou s'efface également par l'action humaine. Cela signifie, d'une part, qu'une action en faveur de la planète n'est pas vaine, mais, d'autre part, qu'elle nécessite évidemment une coopération mondiale pour être efficace car c'est un problème planétaire.
Et puis, face aux nombreux sujets d'actualité plus déprimants les uns que les autres, un petit rayon d'optimisme n'est pas superflu, surtout en début d'année, pour rappeler assurément que l'humanité peut se sauver elle-même. Si elle le veut.
Le 9 janvier 2023, 230 experts de l'ONU ont publié un rapport très encourageant sur la fin du trou de la couche d'ozone grâce aux mesures prises au Protocole de Montréal en 1997 et à la coopération internationale. On peut lire le résumé de 57 pages de ce rapport.
« Plus une discussion en ligne se prolonge, plus la probabilité d'y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler [ou la Shoah] s’approche de un. » (Mike Godwin, en 1990).
L'avocat américain Mike Godwin, qui a été par la suite directeur juridique de la Fondation Wikimédia, a énoncé une loi mathématique lors de ses échanges sur le réseau Usenet, en 1990. Cette loi s'est avérée confirmée par la suite sur Internet en général, et plus particulièrement sur les réseaux sociaux et le Web 2.0.
En gros, au bout d'échanges souvent stériles entre deux internautes (ou plus) sur un sujet donné (n'importe lequel), cela finit souvent par l'un disant à un de ses contradicteurs qu'il est comme Hitler ou que ce qu'il avance est une nouvelle Shoah, fermant ainsi toute discussion. Cette disqualification rhétorique qui a pour but de mettre le contradicteur hors d'état de débattre sans évoquer le fond du sujet est dite aussi reductio ad hitlerum, selon l'expression proposée en 1953 par le philosophe allemand Léo Strauss, qui est toutefois légèrement différente de la loi de Godwin. Lorsque l'argument est avancé par l'un des débatteurs (sur Internet ou même dans la "vraie vie"), l'observateur consciencieux lui attribue alors un point Godwin. Personne ne précise si, au bout d'un certain nombre de points, le débatteur est interdit de débattre (comme un chauffard qui n'a plus de point à son permis de conduire est interdit de conduire).
Cette loi s'est illustrée récemment à l'encontre du Président Emmanuel Macron. Comme il est aux responsabilités, c'est normal qu'il soit la cible de nombreuses critiques (pour caricaturer, tout ce qui va mal en France est de la faute du Président de la République, même quand les défauts proviennent d'avant sa naissance !). Parmi les critiques, certaines sont plus crédibles ou plus justifiées que d'autres. Lorsqu'on atteint le point Godwin, la critique n'a plus aucun crédit, même si elle peut être justifiée. C'est ainsi l'erreur d'un éditorialiste que j'apprécie pourtant beaucoup, même si nous n'avons pas souvent les mêmes convictions, car il sait parfois souligner, avec des éclairs de bon sens et d'impartialité, quelques manipulations de l'audiovisuel, j'ai nommé Daniel Schneidermann, qui anime l'émission puis le site "Arrêt sur Images" qui analyse les séquences à la télévision. Ses éditoriaux quotidiens sont souvent très contrastés.
L'un de ses derniers éditoriaux, publié le 4 janvier 2023, évoquait les vœux présidentiels et surtout, les réactions à ses vœux. Il a ainsi parlé de scientifques qui avaient été choqués par une phrase d'Emmanuel Macron dans son allocution télévisée du 31 décembre 2022 : « Je repense aux vœux que je vous présentais à la même heure, il y a un an. Qui aurait imaginé à cet instant, que, pensant sortir avec beaucoup de difficultés d’une épidémie planétaire, nous aurions à affronter en quelques semaines, d’inimaginables défis (…) ? Qui aurait pu prédire la vague d’inflation, ainsi déclenchée ? Ou la crise climatique aux effets spectaculaires encore cet été dans notre pays ? ».
Et parmi les "effets spectaculaires", cet été 2022, il y a eu les nombreux incendies de forêt jusqu'en Bretagne, la grande sécheresse, la surmortalité due à la vague de chaleur, etc. Cela fait beaucoup en plus du fait que l'année 2022 a été considérée comme la plus chaude depuis qu'on mesure la température régulièrement et que l'hiver 2022-2023 commence de manière particulièrement douce (ce qui est rassurant avec la crise énergétique).
Cette petite phrase présidentielle a eu le don d'agacer les scientifiques qui ont travaillé sur le climat depuis une trentaine d'années. Interrogé le 2 janvier 2023 par Thomas Baïetto de France Télévisions, le paléoclimatologue Jean Jouzel, Médaille d'or du CNRS (2002), Prix Vetlesen (2013), vice-président du GIEC entre 2002 et 2015 et à ce titre, Prix Nobel de la Paix (2007), par ailleurs soutien malheureux de la candidature de la maire de Paris Anne Hidalgo à l'élection présidentielle de 2022, se rappelait avoir présenté les conclusion du cinquième rapport du GIEC dans les salons de l'Élysée en septembre 2013 devant le Président François Hollande et y participait aussi son conseiller économie Emmanuel Macron : « J'aurais pu parier que, pendant son mandat, il y aurait au moins une année d'événements extrêmes. La surprise, ce serait qu'une année comme 2022 n'existe pas ! (…) Ce qui se produit aujourd'hui, c'est ce que nous avions anticipé. ».
Vous l'avez compris, alors que le Président de la République dit innocemment "Qui aurait pu prédire la crise climatique ?", les climatologues, eux, disent qu'il l'avaient prédite depuis au moins trente ans si ce n'est cinquante ans (avec René Dumont). Mais il faut aussi se dire que crier au loup ne fait pas forcément venir le loup (je me rappelle qu'à une certaine époque, à chaque début d'année, une astrologue charlatan prédisait la mort de Khomeiny, jusqu'à ce qu'une année, celle-ci se produisît).
Co-auteur du dernier rapport du GIEC, le géologue Gonéri Le Cozannet a tweeté le 1er janvier 2023 : « C'est amusant, c'est exactement une de mes boutades préférées pour moquer les politiciens qui vivent hors du réel. ». Et il a ajouté pour francinfo : « Au début, j'ai cru que c'était sorti de son contexte. J'ai regardé et j'ai trouvé ça assez stupéfiant. Il y a déjà eu six rapports du Giec, 27 COP, des alertes dans les années 1970 et 1980... On ne peut pas dire qu'on ne l'avait pas prévu (…). Que personne [de l'entourage présidentiel, conseillers, relecteurs, etc.] n'ait relevé cette phrase, cela montre que les enjeux ne sont pas compris. ». D'autres climatologues français ont aussi réagi dans le même sens, stupéfaits par l'étonnement présidentiel.
Sur le fond, cette petite phrase d'Emmanuel Macron est évidemment critiquable, en tout cas étonnante (son étonnement est étonnant), mais si elle est maladroite, elle peut être compréhensible. D'une part, de son point de vue de Président de la République qui n'a pas du tout été le maître des horloges, il a été soumis à un calendrier contraint par de multiples crises et cet été, avec la vague de chaleur et surtout, les feux de forêt, toutes ces crises ont été subites. D'autre part, dans son sens de l'énumération (guerre en Ukraine, pénurie de gaz et de pétrole, etc.), il a péché par emphase en rajoutant la crise climatique qui a commencé déjà (effectivement) depuis plusieurs années.
Il est clair que les dirigeants politiques restent souvent sur des considérations de court terme, à cause de la durée brève de leur mandat (quelques années), et aussi à cause des soubresauts de l'opinion qui doit être ménagée (on l'a vu pour les gilets jaunes). Les anticipations sont plus fortes depuis une vingtaine d'années en matière budgétaire, avec le vote de lois de programmation sur plusieurs années, mais les horizons à plus de cinq ou dix ans sont très difficiles à appréhender, tant pour les responsables politiques que pour les simples citoyens qui se préoccupent d'abord de finir le mois. Souvent, les horizons lointains en temps sont des exercices farfelus rarement sincères ou grandiloquents lorsqu'ils sont proposés par des responsables politiques.
Prenant la balle au bond, Daniel Schneidermann, dans son éditorial du 4 janvier 2023, va beaucoup plus loin, et si sur le fond, cela peut se discuter, la manière d'aborder le sujet m'a paru particulièrement malsaine et inutilement polémique.
Il commence fort en dramatisant et en surinterprétant : « Le pire est que Macron est probablement sincère. Il n'a pas cru les rapports du GIEC qu'il a reçus. Il n'a pas cru les climatologues qu'il a réunis à de multiples reprises à l'Élysée pour entendre, de leur bouche, la même chose. Il n'a pas cru les paroles qu'il a lui-même, à d'aussi multiples reprises, prononcées, sur le thème "la politique que je mènerai sera écologique ou ne sera pas". Si les mots ont un sens, il avoue qu'il fut, qu'il est encore, climatosceptique, non pas sur l'origine humaine du réchauffement, mais sur son ampleur. », sans imaginer la possibilité, la plus probable, d'une simple maladresse de communication ; une de plus, serais-je tenté d'écrire puisque Emmanuel Macron en a fait déjà beaucoup, à la grande réjouissance de ses détracteurs patentés. C'est d'ailleurs la version du député européen écologiste Pascal Canfin, un temps pressenti à Matignon l'an dernier, qui a assuré : « Ce serait vraiment un faux procès d'en conclure qu'il n'est pas conscient de la situation. ».
Mais Daniel Schneidermann, qui a cité Pascal Canfin pour être objectif, y décèle plutôt une sorte de sidération de la classe politique à appréhender l'enjeu climatique : « Il est permis d'y voir une incapacité psychologique à se figurer le "unprecedented", le sans précédent, que constitue le changement climatique, alors que Météo France devrait annoncer cette semaine que l'année 2022 fut la plus chaude depuis le début des relevés. Cette incapacité peut frapper des personnes sous-informées. Elle peut aussi frapper des dirigeants surinformés. Cela n'a rien à voir avec le niveau d'information. Et d'autant moins que les dirigeants surinformés sont généralement entourés de courtisans admiratifs. ». Là encore, il n'a peut-être pas tort. Après tout, la crise du covid-19 aussi a mis un certain temps (deux mois) avant d'être prise réellement en compte par les dirigeants (on se souvient que quelques jours avant le premier confinement, Emmanuel Macron est allé assister à une représentation dans un théâtre et a expliqué qu'il fallait continuer à vivre).
Mais l'éditorialiste dérape, à mon sens, lorsqu'il finit par une comparaison avec les camps d'extermination nazis : « Vint un moment, vers la fin de 1942, où les indices d'une extermination massive des Juifs par les nazis s'accumulèrent aux États-Unis, de source incontestable. Quand les autorités juives (qui avaient retenu l'information plusieurs semaines) obtiennent alors du gouvernement américain l'autorisation de tenir une conférence de presse sur le sujet, une demi-douzaine de journalistes y assistent. La situation est comparable. L'information sur la catastrophe est certaine, mais inopportune : bombarder les voies ferrées qui mènent aux camps d'extermination bouleverserait les plans de guerre des Alliés. Et l'un de ces reporters, frais émoulu de Columbia, rapporte sa réaction : "Ai-je écrit un article là-dessus ? Oui. A-t-il été transmis ? Oui. Les journaux l'ont-ils pris ? Oui. Quelqu'un y a-t-il cru ? J'en doute. Y ai-je cru moi-même ? Oui, peut-être à moitié. J'y ai cru un peu, mais pas tout à fait. Ça dépassait la compréhension de tout le monde dans ce pays". ». Et il conclut effrontément : « "Peut-être à moitié" : Macron en est là. ».
Peut-être Emmanuel Macron n'y croit qu'à moitié, je ne suis pas dans sa conscience (l'éditorialiste non plus), mais ce qui est sûr, en revanche, c'est que la situation n'est pas comparable. Aurait-il été convaincu, alors Emmanuel Macron aurait-il dû bombarder et quoi ? Rien n'est simple. Du reste, sur le sujet lui-même de la réaction face à l'information de l'existence des camps d'extermination, la réponse était beaucoup plus complexe qu'il ne veuille bien l'affirmer : bombarder les camps ou les voies ferrés aurait fait des dizaines de milliers de victimes parmi les déportés et même si la plupart étaient voués à une mort certaine (certains en ont quand même réchappé), une réponse des Alliés n'était pas logique sauf à ce qui s'est historiquement passé, à savoir libérer les camps dès que le terrain fut préalablement conquis, ce qui s'est produit. Cette question restera sans doute encore en débat plusieurs décennies mais elle n'est pas facile comme semble le croire Daniel Schneidermann.
En tout cas, et je m'en vois désolé car je l'apprécie plutôt, ce dernier a donc bien mérité un point Godwin...
« Nous attendons la naissance du huit milliardième habitant de la planète Terre. C’est l’occasion de célébrer notre diversité, de reconnaître notre humanité commune et de nous émerveiller des progrès en matière de santé qui ont permis d’allonger la durée de vie et de réduire considérablement les taux de mortalité maternelle et infantile. » (Antonio Guterres, le 11 juillet 2022).
Selon les prévisions des Nations Unis dans un rapport de juillet 2022, la Terre connaîtra 8 milliards d'habitants le 15 novembre 2022. Cette estimation est basée sur des calculs qui se sont affinés au fil des années, prenant en compte le taux de fécondité et de mortalité de chaque pays du monde. Pour le Secrétaire Général de l'ONU Antonio Guterres, c'est l'occasion de revenir aux fondamentaux : « C’est un rappel de notre responsabilité partagée de prendre soin de notre planète, et un moment pour réfléchir aux domaines dans lesquels nous ne respectons pas encore nos engagements les uns envers les autres. ». En pleine COP27, cette phrase de l'été a un sens.
Cela fait plus d'une cinquantaine d'années que certains évoquent le péril démographique. C'est d'ailleurs l'un des désastres annoncés par des écologistes précurseurs, comme René Dumont. L'idée peut se comprendre à première vue : plus il y a d'êtres humains, plus il faut de quoi les nourrir, les chauffer, les vêtir... Et les ressources de la planète Terre sont finies. D'où, problème.
Oui, mais... Cette idée très malthusienne d'une surpopulation humaine, elle reste très simpliste, simplissime, même. Pourquoi ? Parce que justement, la forte croissance démographique a commencé avec toutes les modernités, j'écris "modernités" au pluriel car il y en a eu beaucoup, il y en a même toujours eu, mais on peut considérer que les navigations, la découverte de l'Amérique, l'éveil de l'individu par les philosophes des Lumières, les progrès de la médecine, et enfin, et surtout, la (première) révolution industrielle ont contribué à cette envolée démographique.
Et c'est vrai que cette envolée est vertigineuse. En 1800, il y avait environ 1 milliard d'êtres humains sur Terre. En 1927, on est passé à 2 milliards. En 1950, 2,5 milliards. En 1960, 3 milliards. Et puis, ça s'est exponentialisé : 4 milliards en 1974, 5 milliards en 1987, 6 milliards en 1999, 7 milliards en 2011 et maintenant, 8 milliards en 2022. Ceux qui voudraient s'effrayer pourraient noter que dans les anciennes prévisions, ce seuil de 8 milliards d'humains devait être atteint seulement en 2024 voire 2025.
Cette petite vidéo du Muséum américain d'histoire naturelle montre cette évolution rapide. La première étape de progression de la population mondiale, ce fut le début de l'agriculture et de la sédentarité.
Mais faut-il avoir peur ? Peur que ça continue à progresser ? Peur d'être en surpopulation ? La progression à long terme n'est pas évidente : malgré la forte croissance, on constate que depuis plusieurs décennies un ralentissement de la croissance (la dérivée qui décroît). On peut aussi le constater avec le taux de croissance de la population mondiale d'une année à l'autre : ce taux aujourd'hui décroît, depuis 1975, et en près de cinquante ans, est passé de 2,1% à 1,0%.
Dès février 2020, le démographe Hervé Le Bras écrivait un éditorial en mettant les pieds dans le plat : « Contrairement à ce qu’indiquent les projections des Nations Unies, il y a de bonnes raisons de penser que la population mondiale cessera de croître vers 2065 avant de décliner. (…) L’explosion démographique toucherait-elle à sa fin ? ». A priori, le plateau aurait lieu un peu plus tard, vers 2080, selon les récentes données de l'ONU, mais pas de croissance linéaire comme imaginée auparavant.
Hervé Le Bras a constaté que les prédictions de l'ONU étaient bonnes dans leur globalité, mais pas en détails : « Les Nations Unies élaborant des projections démographiques de la même manière depuis 1963, on peut tester la qualité de ces dernières en les comparant aux effectifs observés depuis lors. Pour la population mondiale, le résultat est bon. Pour les populations de chaque pays, c’est une autre histoire. Par exemple, les Nations Unies, qui en 1994 prédisaient 163 millions d’Iraniens pour 2050, n’en prévoient plus maintenant que 103 millions après être descendues à 94 millions en 2014. Même jeu de yoyo pour la France, où la projection pour 2050 était de 60 millions d’habitants en 1994, puis de 73 millions en 2014 et de 68 millions en 2019. Jusqu’ici, la bonne prévision de la population mondiale résulte donc d’une compensation entre des prévisions inexactes pour de nombreux pays. Il est douteux que cet heureux résultat se maintienne, car les hypothèses sur la fécondité future de maints États paraissent irréalistes au vu des évolutions les plus récentes. ».
C'est pourquoi il faut toujours rester très prudent dans ces prospectives : « La prospective à long terme en matière de population n’a aucune raison d’être plus sûre que celle qui a trait à l’économie ou à la politique. Illustrons ce point par la liste des pays africains et asiatiques où la fécondité est la plus élevée. En Afrique, on trouve, par ordre décroissant, le Niger, la Somalie, le Mali et la République démocratique du Congo, et en Asie, l’Afghanistan, l’Irak, le Yémen et la Palestine, soit la plupart des pays en proie à de graves troubles. Autrefois, on aurait attribué leurs guerres civiles à leur surpopulation, mais ces huit pays ne sont pas les plus densément peuplés, loin de là. Il faut renverser la causalité : ce sont les troubles civils qui entretiennent une fécondité élevée, en rendant difficile l’accès aux contraceptifs, en empêchant les filles d’être scolarisées comme le font Boko Haram et les talibans et, plus généralement, en accentuant le pouvoir des hommes. Les guerres civiles n’étant pas prévisibles, l’évolution de la fécondité en devient aussi incertaine. ».
Le problème des projections sur plusieurs décennies, voire siècles, c'est qu'on linéarise : on n'imagine aucun événement pouvant modifier l'évolution actuelle, mais pourtant, la technologie avance, et toujours de manière exponentielle (juste un exemple parmi d'autres : depuis quarante ans, regardez la mémoire vive d'un ordinateur, ou le volume d'un octet de mémoire externe, et leur évolution). D'une certaine manière, même la pandémie de covid-19 (les experts démographiques de l'ONU ont estimé qu'en deux ans, 15 millions de personnes auraient péri à cause du covid-19 dans le monde, principalement des hommes et des personnes âgées, au lieu des 6,7 millions qui ont été déclarés aux autorités sanitaires), il y a eu beaucoup de morts, qui ont eu un impact sur la population mondiale, mais faible en comparaison aux grandes épidémies dans l'histoire du monde. L'arrivée du vaccin moins d'un an après la découverte du virus est un élément majeur de maintien de la croissance démographique. A contrario, les guerres peuvent amputer les pyramides des âges.
Si on linéarise le taux de croissance annuelle de la population mondiale, alors on voit que ce taux devient nul dans le dernier quart du siècle puis est négatif, c'est-à-dire que la population mondiale sera sur un plateau puis décroîtra dans une cinquantaine d'années (avec un sommet autour de 10-11 milliards d'habitants vers 2080). Mais rien n'est sûr dans un sens ou dans un autre, ce qui nous fait une belle jambe.
L'anthropologue et démographe Gilles Pison, professeur au Muséum national d'histoire naturelle et conseiller scientifique auprès de l'INED, a repris les données de l'ONU sur le taux de fécondité, dont dépendent principalement les projections pour l'avenir (l'autre facteur est le taux de mortalité). Ces taux sont en fait beaucoup plus bas que dans les prévisions anciennes et après une cloche, les courbes tendent à atteindre environ 1,85, soit en dessous du seuil de renouvellement (qui est 2,1). Et le chercheur d'insister : « Ces chiffres sont des prévisions et l’avenir n’est évidemment pas écrit. Il demeure que les projections démographiques sont relativement sûres lorsqu’il s’agit d’annoncer l’effectif de la population à court terme ; c’est-à-dire pour un démographe, les 10, 20 ou 30 prochaines années. » (10 juillet 2022).
Interrogé par Guillaume Delacroix dans "Le Monde" du 11 juillet 2022, Gilles Pison a confirmé que le plateau serait atteint plus tôt que dans les précédentes projections : « [Il y a trois ans], l’ONU n’envisageait de stabilisation démographique qu’au cours du XXIIe siècle. ». Le taux de fécondité global, de 2,3 en 2022, pourrait tomber à 1,8 dès 2100.
Le contrôle des naissances est finalement très récent, un petit demi-siècle, et encore, pas dans tous les pays, dans les premiers pays, certains pays n'ont pas ce contrôle des naissances. Je vois que j'utilise la mauvaise expression : "contrôle des naissances", pour moi, cela signifie surtout que les individus aient des enfants quand ils le souhaitent, c'est-à-dire que la contraception leur permettent de ne plus faire, comme avant, des enfants non désirés. Et le désir d'enfants diminue avec la richesse d'une société, c'est un fait observé partout. L'ONU a précisé que 47 millions de femmes n'avaient pas accès à la contraception, ce qui engendrerait 7 millions de naissances non désirées pour les six prochains mois.
Et beaucoup plus récemment, oserais-je dire depuis une dizaine d'années, ou serait-il plus réaliste de dire ...dans la prochaine décennie, on commence à limiter aussi la consommation des ressources. Au début de la révolution industrielle, on ne limitait rien : on produisait, on polluait, on vendait, on innovait, et on consommait. Maintenant, d'abord pour des raisons économiques, ensuite pour des raisons écologiques, certains pays (pas tous) tentent d'avoir une croissance contrôlée de l'exploitation des ressources.
Rien que l'exemple de la Chine est intéressant. Première puissance démographique depuis longtemps, la politique de l'enfant unique a été un désastre, installant une très forte disparité entre les filles et les garçons. Les projections montrent que la population chinoise va décroître dans les prochaines années, 2023 verra probablement son dépassement par la population indienne. Les projections évoquent une baisse de la population (qui est de plus de 1,4 milliard) à moins du milliard (certaines projections baissent évoquent même en dessous de 700 millions). Pour enrayer cette tendance, le gouvernement chinois autorise désormais le troisième enfant !
S'il y avait un responsable politique français qui était visionnaire en la matière, c'était bien Michel Debré qui, jusqu'à la fin de sa vie, a fait de la natalité son thème prioritaire numéro un. D'un point de vue national, c'est une évidence : un nation qui croît démographiquement croît nécessairement économiquement et géopolitiquement. De plus, lorsqu'on a basé tout le système de retraite sur le principe de répartition, c'est-à-dire que les pensions des retraités sont payés par les actifs au même moment, le taux entre actifs et retraités est un facteur essentiel de stabilité du système, au contraire de tout système par capitalisation. Notre modèle social nécessite une croissance démographique.
Dans les projections pour les prochaines années, l'ONU prévoit, outre le dépassement de la Chine par l'Inde, d'autres montées importantes : le Nigeria pourrait prendre la quatrième voire la troisième place, après les États-Unis, le Pakistan aussi continuera à croître et devancera l'Indonésie, la République démocratique du Congo et l'Éthiopie entreront dans le top 10, au détriment de la Russie, du Mexique, du Japon, etc.
Plus généralement, les grandes tendances générales sont les suivantes : un ralentissement démographique de l'Asie de l'Est et du Sud-Est asiatique (Chine, Japon), parallèlement à une montée de l'Asie centrale et de l'Asie du Sud (Inde, Pakistan, Bangladesh) ; une forte montée de l'Afrique subsaharienne qui doublerait en une trentaine d'années (de 1,2 milliard en 2022 à 2,1 milliards d'habitants en 2050). L'Égypte, les Philippines et la Tanzanie seront en forte croissance. Selon les Secrétaire Général adjoint de l'ONU chargé des affaires économiques et sociales Liu Zhenmin : « La réalisation des objectifs de développement durable, en particulier ceux qui concernent la santé, l’éducation et l’égalité des sexes, contribuera à réduire les niveaux de fécondité et à ralentir la croissance démographique mondiale. ».
Après, la question est : la planète peut-elle supporter une population infinie ? Bien sûr que non, mais la population mondiale ne sera jamais infinie. Elle peut être élevée, selon des critères d'époque (j'imagine qu'un milliard d'habitants lors de l'empire romain, c'était inimaginable !), mais elle n'est jamais infinie. Pas plus que les ressources de la Terre. Et j'y viens : tous ceux qui ont la trouille d'une trop forte population ont du mal à croire en l'avenir et au progrès. Déjà dans les années 1950 (2,5 milliards d'habitants), on nous prédisait les pires désastres à cause de la population : aujourd'hui, la population a triplé, et il y a moins de famines qu'à l'époque, et s'il y a des risques de famine en 2023, c'est de manière très circonstancielle à cause de la guerre en Ukraine. Et cela au même moment qu'il y a un fort exode rural partout dans le monde, c'est-à-dire un effondrement massif et généralisé du taux d'agriculteurs par habitant.
Pourquoi ? Parce qu'on a trouvé des techniques nouvelles pour produire de la nourriture. Je ne dis pas que c'est la panacée, au contraire, on s'aperçoit que l'agriculture intensive a ses limites, tout comme les OGM, et qu'il faut améliorer les techniques en prenant en compte de nouveaux critères complémentaires. Mais cela a évité des famines qu'on disait inéluctables. En clair, les trois fléaux démographiques habituels de l'histoire de l'humanité sont aussi en capacité d'être limités sinon totalement supprimés : les famines (grâce à la technologie, et elle n'en finit pas de progresser, je pense aux cellules souches pour produire de la viande par exemple, je ne sais pas si c'est une bonne piste mais c'est une piste), les épidémies (notre capacité de réaction est maintenant immédiate et efficace, c'est heureux mais parfois aléatoire, selon le virus), enfin les guerres, et depuis soixante-quinze ans, de nombreuses structures internationales ont été créées avec plus ou moins de bonheur pour réduire les risques de guerre sinon les éliminer définitivement (on doit comparer notre époque avec les siècles précédents).
Pour l'énergie, bien sûr que les énergies fossiles sont limitées, mais avec l'énergie nucléaire, les réserves de matériaux fissibles suffisent très largement sur Terre à tous les besoins présents et futurs pour de nombreuses générations. D'autres formes d'énergie pourraient aussi se développer, certaines peut-être totalement impensables encore aujourd'hui au même titre que parler d'énergie nucléaire à Napoléon Bonaparte, ce serait lui qui vous aurait envoyé à l'hôpital psychiatrique, pas l'inverse malgré son chapeau pointu et sa mégalomanie.
Quant à l'eau et à l'air, c'est essentiellement un problème d'énergie pour filtrer, purifier etc. En clair, la Terre n'a pas une infinité de ressources, mais l'être humain est encore bien loin d'avoir tout usé, et surtout, il a une infinité de ressources d'imagination, de créativité, d'innovation, de bonnes idées... et les préoccupations écologiques, sous la pression d'une peur probablement justifiée de bouleversements climatiques, vont dans le même sens de faire attention à ce qu'on a, de ne pas le gâcher et de l'optimiser.
Le changement raisonné des comportements peut d'ailleurs s'adapter à une croissance démographique (par exemple, manger moins de viande, etc.). Ceux qui souhaite réduire la population ont des idées souvent inquiétantes, à l'instar du commandant Jacques-Yves Cousteau qui n'hésitait pas à dire crûment : « Une Terre et une humanité en équilibre, ce serait une population de cent à cinq cents millions de personnes, mais éduquées et capables d'auto-subsistance. Le vieillissement de la population n'est pas le problème. C'est une chose terrible à dire, mais pour stabiliser la population mondiale, nous devons perdre 350 000 personnes par jour. C'est une chose horrible à dire, mais ne rien dire l'est encore plus. ». Rien ne justifiait ce seuil dont le dépassement n'a pas entraîné les désastres annoncés.
Il faut se méfier des prophètes à propos de démographie. Ils véhiculent souvent, sans être très explicites, certaines idéologies. Ils se trompent toujours, parce que l'être humain s'adapte beaucoup mieux qu'on ne le dit. Et pour tout ce qui concerne l'humain, sujet extrêmement sensible, il faut surtout se garder d'énoncer des oracles définitifs. Les pages ne sont pas encore écrites.
« (…) Pour passer l’hiver, c’est de sauver l’énergie que nous pouvons sauver : c’est la sobriété énergétique. Je veux vraiment insister sur ce point parce que nous avons chacun un rôle à jouer en la matière et il est très important. La meilleure énergie, c’est elle qu’on ne consomme pas. » (Emmanuel Macron, le 5 septembre 2022).
À l’évidence, nous allons revenir aux années 1970, après le premier puis le second chocs pétroliers, nous allons recommencer à chasser les gaspis ! Emmanuel Macron était trop jeune pour se souvenir de cette période, mais l’étonnant, c’est qu’on ne soit pas resté à garder cette sobriété énergétique. Rappelons-nous aussi que dans les années 1980, on disait que si le super était à 10 francs le litre, il y aurait une révolution ; le prix montait surtout à cause de la chute du franc par rapport au dollar, ce que subit aujourd’hui l’euro de manière historique. La réduction de l’inflation, le retour à des jours meilleurs pour le prix du pétrole, l’absence de problème de fourniture ou de livraison, et même mieux depuis une dizaine d’années, l’apparition du gaz de schiste américain qui vont conduire les États-Unis à l’autosuffisance énergétique, tout cela, malgré quelques chocs pétroliers d’origine géopolitique (les nombreuses crises politiques au Moyen-Orient), on a pensé qu’on aurait toujours autant d’énergie que voulu.
La situation est étrange car il y a la convergence de plusieurs phénomènes dont la résultante va dans le même sens : consommer moins et consommer mieux. La crise de l’énergie depuis un an n’a pas eu pour cause la guerre en Ukraine mais le redressement économique mondial après un an de pandémie de covid-19, ce qui a provoqué une très forte demande mondiale. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a rappelé l’importance stratégique de la souveraineté énergétique, et ce qui est étonnant, c’est que la crise du covid-19 avait déjà conclu à ce besoin de souveraineté industrielle dans d’autres secteurs (médicaments, alimentation, etc.).
Les enjeux sont à la fois à court, moyen et long termes. Long terme, c’est la transition écologique, pour réagir face au changement climatique dont on voit les effets étés après étés. Pour cela, il faudrait réduire les émissions de gaz à effet de serre, donc, il faudrait réduire la consommation d’énergie fossile. Le court terme est beaucoup plus inquiétant, c’est : pourrons-nous passer l’hiver ? En d’autres termes, aurons-nous toute l’énergie nécessaire pour nous chauffer pendant cet hiver, et cela dépendra aussi de la chance (hiver plus ou moins rigoureux) et de la géopolitique (Vladimir Poutine coupera-t-il ou non complètement la fourniture de gaz). Enfin, en moyen terme, l’enjeu du prix de l’énergie, catastrophique pour les ménages, enjeu d’équilibre budgétaire pour les finances publiques (soit l’État aide les ménages, soit pas), et enjeu de lutte efficace contre les spéculations sur l’énergie (réelles et massives).
Sur le plan énergétique, globalement et sur du long terme, la France a fait le bon choix dès le début des années 1970 en construisant un parc de centrales nucléaires qui assure l’indépendance de la France. Au contraire, pour des raisons électoralistes, le choix de l’ancienne Chancelière allemande Angela Merkel d’arrêter toute énergie nucléaire et de dépendre complètement du gaz russe met aujourd’hui l’Allemagne dans de plus sales draps que la France.
C’était la raison de cette (courte) conférence de presse du Président de la République (seulement trois quarts d’heure, réponses aux questions comprises), faire le point sur la situation énergétique en France et en Europe, et cela quelques minutes après une visioconférence avec le Chancelier allemand Olaf Scholz. Ils ont convenu qu’au-delà des solidarités européennes qu’ils comptent mettre en place (notamment des achats groupés de gaz comme l’Europe l’avait fait pour les vaccins contre le covid-19), il y aurait une solidarité franco-allemande dans le domaine de l’énergie.
Emmanuel Macron a annoncé que l’aide mutuelle entre l’Allemagne et la France serait la suivante : la France pourra aider l’Allemagne en gaz tandis que l’Allemagne pourra aider la France en électricité. Pourquoi en électricité ? Parce que la France risque d’en manquer cet hiver, malgré son parc nucléaire, pour une raison très circonstancielle mais qui arrive très mal : environ la moitié des réacteurs ne sont actuellement pas en service pour cause de maintenance. Les décisions et leurs applications prennent beaucoup de temps et la crise de l’énergie n’était pas en vue quand cette stratégie de maintenance a été adoptée.
À cet égard, Emmanuel Macron s’est emporté sur les incompréhensions concernant la centrale nucléaire de Fessenheim : il n’était pas question de la rouvrir parce que la décision a été prise il y a bien trop longtemps, et cela faisait déjà cinq ans qu’il n’y avait plus un seul investissement dans la maintenance des équipements. Remettre en marche Fessenheim aurait mis en danger la sécurité des réacteurs (indépendamment de leur ancienneté).
Le Président Macron a rappelé l’enjeu stratégique et les progrès déjà accomplis : « Début 2022 (…), 25% de toute l’énergie de l’Union Européenne était du gaz et 50% de ce gaz venait de la Russie. (…) Nous [la France] avons surtout, dans la période, accéléré cette diversification en allant chercher d’autres fournisseurs de gaz, ce qui a permis en quelques mois de passer de 50% que j’évoquais de gaz russe, 9% aujourd’hui dans notre mix. ».
À court terme, la France est en train de remplir ses stocks de gaz pour l’hiver, actuellement remplis à 93% de leur capacité maximale, en sachant bien sûr que 100% ne correspond pas au besoin énergétique de l’hiver (cela correspondrait à environ un tiers, il me semble).
Le plan se tient en trois points. Électrifier nos usages, aller vers plus de renouvelables et de nucléaire, s’engager dans la sobriété énergétique : « Ces trois piliers (…) fondent à la fois la stratégie européenne et la stratégie française. ».
Le premier point est un véritable changement de société, de comportement, de technologies (comme le troisième point). Électrifier nos pratiques, c’est surtout se focaliser sur les véhicules électriques (fin du moteur thermique), sur la rénovation thermique des bâtiments (nouvelles normes pour le neuf, mais surtout, fin des passoires thermiques pour l’ancien, et cela, c’est très difficile à faire car très coûteux), enfin, faire de l’hydrogène une énergie clef pour le transport de l’énergie. C’est du moyen et long termes.
Le deuxième point a été abordé à Belfort lors d’un discours le 9 février 2022, où le Président de la République a relancé le programme nucléaire français (sur conseil entre autres du Haut-commissaire au Plan, François Bayrou, qui l’avait proposé il y a dix-huit mois). C’est du long terme, faire un mix énergétique nucléaire & renouvelables.
Le troisième point, c’est important car tout le monde est concerné et cela a un impact immédiat, c’est la sobriété énergétique. L’expression est maintenant très utilisée. Emmanuel Macron ne souhaite pas s’aventurer comme d’autres pays européens (Allemagne, Espagne, etc.) en imposant des critères de sobriété (limitation de l’eau chaude, de la température de chauffage, etc.), ce qui serait très étatique et très intrusif, invasif dans la vie privée des personnes. Il veut faire surtout des recommandations et que chacun prenne ses responsabilités : d’une part, pour ne pas épuiser tout le stock de l’hiver ; d’autre part, pour réduire l’empreinte carbone et aller vers la transition écologique. Il a indiqué le nom d’un site gouvernemental qui met toute la transparence sur l’état de l’énergie au jour le jour (https://www.monecowatt.fr/ecogestes/) et qui renseigne sur les petits gestes quotidiens pour chassez le gaspi.
L'objectif présidentiel est donc de convaincre et pas de contraindre : « Notre objectif, c’est, par ce biais-là, d’économiser environ 10% de ce qu’on consomme habituellement. C’est faisable par une série de gestes simples, en étant d’abord dans une logique volontariste, si je puis dire, et pas coercitive, en appelant à la responsabilité de chacun et en partageant toutes les informations qui sont les nôtres. On est déjà en train d’économiser de l’énergie par rapport à nos comportements habituels parce qu’elle coûte un peu plus cher, il faut bien le dire, et parce que tout le monde est en train d’intégrer cette nécessité. (…) Si on fait ces petits efforts collectifs, alors assez spontanément, le pays pourra atteindre ses objectifs de sobriété. ». Et si ça ne suivait pas, on passerait à « un plan de sobriété renforcée, voire de rationnement », ce qui « nous protégera in fine des coupures ».
Enfin, au-delà des solidarités européennes, Emmanuel Macron souhaite réformer complètement le marché européen de l’électricité, notamment sur la détermination du prix du kWh : « Aujourd’hui, le prix de l’électricité sur le marché européen est beaucoup trop dépendant des contributions marginales, et en particulier celles du gaz, en particulier en moments de pic. Ce qui, pour des pays comme le nôtre et certains autres, est aberrant et fait que vous avez un prix d’électricité qui est déconnecté de la réalité des coûts de production. C’est ce qui fait d’ailleurs que vous avez certains opérateurs qui, du coup, font des bénéfices excessifs. (…) Donc, il faut pouvoir le réformer. ».
On pourra toujours critiquer Emmanuel Macron, l’opposition a les postures politiciennes qu’elle peut, mais il faut reconnaître qu’il affronte avec courage les problèmes très complexes de notre époque impossible avec une force volontariste hors du commun, en posant un diagnostic, en apportant une vision, en fixant des objectifs, en déployant des moyens et en définissant un calendrier. Comme un chef d’entreprise. Pas sûr que dans l’état actuel de la classe politique, d’autres personnalités politiques françaises soient capables d’en faire autant avec la même efficacité dans les actions et la même clarté dans la communication, deux conditions pour retrouver la confiance des citoyens.
Conférence de presse du Président Emmanuel Macron le 5 septembre 2022 sur l’énergie au Palais de l'Élysée
CONFÉRENCE DE PRESSE DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN EUROPE
Bonjour. Merci pour votre patience.
Je souhaitais, en effet, faire un point rapide sur la situation énergétique et économique pour notre pays et pour l’Europe dans le contexte que nous connaissons, après avoir tenu un Conseil de défense et de sécurité nationale sur, justement, l’énergie, et après des coordinations intenses ces derniers jours, à la fois avec la Commission européenne et avec l’Allemagne ; j’étais à l’instant avec le Chancelier SCHOLZ sur ce sujet.
En effet, depuis plusieurs mois, notre pays et notre continent ont été soumis d’abord à une hausse des prix de l’énergie qui a été largement conduite par une reprise de l’activité post-Covid très intense, situation qui a été ensuite aggravée par la guerre lancée par la Russie en Ukraine et ce compte tenu de ce que représente la Russie sur le marché des énergies fossiles, qu'il s'agisse du gaz comme du pétrole. Début 2022, je vais ici rappeler la situation, 25 % de toute l'énergie de l'Union européenne était du gaz et 50 % de ce gaz venait de la Russie. C'est la situation dont nous partons. Et donc, très clairement, cette situation macroéconomique qui existe à partir de la fin de l'année 2021, puis le déclenchement de la guerre, ont fait peser sur notre Europe une situation inédite, où ce qui paraissait jusqu'alors être des évidences, c'est-à-dire que nous ne manquerions pas de ces ressources fossiles et que nous pourrions mener notre transition climatique au rythme où nous l'avions décidé, a été remis en cause. Et donc, nous avons aujourd'hui un objectif qui est d'abord de sécuriser la fourniture de gaz et, le plus vite possible, d'accélérer notre transition pour pouvoir nous en passer et évidemment, dans ce contexte et dans cet entre-temps, de maîtriser les prix et l'inflation qui en découle. Je le dis dans un contexte où en un an de temps, les prix du gaz ont été multipliés, sur le marché, par cinq ou six et les prix de l'électricité ont atteint des niveaux qu'ils n'avaient jamais connus, avec des phénomènes spéculatifs extrêmement importants.
Dès le début de la guerre, nous avons réagi en Européens. La France avait alors la présidence du Conseil. C'est l'agenda de Versailles, dès le mois de mars 2022, qui a acté qu'il nous fallait au plus vite sortir de la dépendance au charbon, au pétrole et au gaz russes, avec une stratégie qui consiste à confirmer et accélérer notre agenda climatique. L'agenda, qu'on appelle en bon français « Fit for 55 », est cet agenda que nous avons porté durant la Présidence française, en passant de nombreux textes. C'est celui qui nous permet d'accélérer la sortie des énergies fossiles. Il prendra néanmoins, nous le savons, plusieurs années, mais la situation actuelle le confirme et le conforte, c'est-à-dire que c'est un agenda par lequel nous allons électrifier nos usages, aller vers plus de renouvelables, de nucléaire, de sobriété énergétique ; ces trois piliers qui fondent à la fois la stratégie européenne et la stratégie française.
Le deuxième pilier est celui que j'évoquais : c'est d'accélérer les économies d'énergies, je vais y revenir, qui lui, en plus de l'efficacité, est à court terme.
Le troisième pilier, de contingences, a consisté dès le mois de mars à décider de diversifier nos sources d’énergie, y compris fossiles, pour faire face à ce risque géopolitique. Cette diversification a produit ses effets mais avec des choix qui ont été faits dans certains pays de rouvrir des centrales à charbon, avec les licences que nous nous sommes accordées de maintenir certaines centrales thermiques que nous voulions fermer en France — et c'est ce que nous avons permis par la loi —, avec l'ouverture de nouveaux terminaux gaziers — plusieurs en Allemagne qui sont en train d’être finalisés le seront — et, à moyen terme en France, un terminal au Havre qui nous permettra de recevoir plus de gaz liquéfié. Nous avons surtout, dans la période, accéléré cette diversification en allant chercher d'autres fournisseurs de gaz, ce qui a permis en quelques mois de passer de 50 % que j'évoquais de gaz russe, à 9 % aujourd'hui dans notre mix. Et puis, à côté de ça, de manière plus structurelle évidemment, nous diversifions nos sources de production pour aller vers plus de renouvelables et de nucléaire, ce qui, dans notre mix, est plus cohérent pour sortir de cette dépendance.
Maintenant, au moment où nous nous parlons, nous avons, à court terme, deux enjeux. Je pense à la question que se posent beaucoup de nos compatriotes : comment être sûr qu'il n'y a pas de coupure et comment être sûr qu'on maîtrisera au mieux les prix ? En effet, à court terme, notre volonté est de faire face, évidemment, aux prochains mois et en particulier aux mois d'hiver, et nous nous sommes préparés — c’est ce que j'ai demandé au Gouvernement, ce qu'ont fait l'ensemble des services — à un scénario d'un hiver froid et à un scénario dans lequel il y aurait une coupure complète du gaz russe. C'est celui, je dirais, dont les hypothèses de départ seraient les plus adverses, avec un objectif qui est le nôtre, qui est de n'avoir aucune coupure de gaz et d’électricité et de préserver notre activité économique pour ne pas rentrer dans une crise économique.
Pour faire face à cela, nous avons d'ores et déjà pris toutes les mesures que j'évoquais : diversifier et nous protéger. Le premier élément, c'était stocker. Stocker le gaz, puisqu’il peut se stocker pour, à la fois, être consommé par les ménages ou pouvoir produire de l'électricité. Nous nous étions donnés des objectifs européens et français. L'objectif de 80 % que nous nous étions donnés en Européens est en train d'être atteint. A cet égard, l'Europe est en avance de quelques semaines sur les objectifs qu'elle s'était donnés, ce qui a montré une mobilisation de tous les pays. En France, nous sommes autour de 92-93 % de stockage par rapport à nos capacités. Là aussi, nous sommes en avance sur les objectifs que nous nous étions donnés, ce qui veut dire qu'on a tous réussi à se mobiliser, à consommer un peu moins que prévu durant les dernières semaines et surtout, à mobiliser des capacités pour stocker et préparer l'hiver.
Le deuxième élément clé de cette stratégie pour passer l'hiver, c'est de sauver l'énergie que nous pouvons sauver : c'est la sobriété énergétique. Je veux vraiment insister sur ce point parce que nous avons chacun un rôle à jouer en la matière et il est très important. La meilleure énergie, c'est celle qu'on ne consomme pas. Et donc, à cet égard, le Gouvernement a élaboré une première série de mesures. Il en a préparé une série d’autres et nous avons — je vais être simple, la Première ministre et les ministres entreront dans les prochains jours et les prochaines semaines dans le détail. Mais notre objectif, c’est, par ce biais-là, d’économiser environ 10% de ce qu’on consomme habituellement. C’est faisable par une série de gestes simples, en étant d’abord dans une logique volontariste, si je puis dire, et pas coercitive, en appelant à la responsabilité de chacun et en partageant toutes les informations qui sont les nôtres. On est déjà en train d’économiser de l’énergie par rapport à nos comportements habituels parce qu’elle coûte un peu plus cher, il faut bien le dire, et parce que tout le monde est en train d’intégrer cette nécessité. Mais si nous nous mobilisons, et c’est bien un plan de mobilisation active auquel j’appelle, nous pouvons atteindre cet objectif de 10% dans les consommations publiques, dans les bâtiments tertiaires, chez les ménages et évidemment dans tous les secteurs d’activité. Le Gouvernement va décliner, secteur par secteur, ce plan, mais chacun d’entre vous a son rôle à jouer. Une bonne partie de cet effort, c’est de baisser un peu la clim’ quand il fait chaud, ce qui est plutôt le cas en ce moment, et c’est d’essayer de se caler sur une référence de chauffage dès qu’il commencera à faire froid, autour de 19 degrés dans la pièce pour maintenir la température ambiante. Si on fait ces petits efforts collectifs, alors assez spontanément, le pays pourra atteindre ses objectifs de sobriété. Le Gouvernement donc va décliner cet objectif. Pour moi, ce plan de sobriété, c’est ce qui doit nous éviter d’aller vers quelque chose de plus coercitif et qui serait, à ce moment-là, un plan de sobriété renforcée, voire de rationnement, et qui, évidemment, nous protégera in fine des coupures.
Donc, vous le voyez, en quelques sortes, c’est par gradation. Le premier étage de la mobilisation générale, c’est la sobriété volontaire. Et pour cela, il va y avoir une déclinaison secteur par secteur, un travail de communication du Gouvernement, et puis on va essayer aussi que chaque personne, que chacun de nos compatriotes ait des outils. D’ores et déjà, j’invite chacun à regarder Ecowatt, où vous avez de manière très concrète la situation énergétique du pays, des conseils pour des gestes concrets et qui nous permet chacun d’être, en quelques sortes, mobilisé. Donc vous voyez, pour faire face à ces difficultés de court terme, il y a le stockage ; il y a ensuite sauver l’énergie et ce plan de sobriété, en jouant sur la responsabilité de chacun là où il est, des particuliers comme des secteurs économiques, du secteur tertiaire et des administrations publiques.
Et puis, le troisième levier, c’est la solidarité européenne. Je veux insister sur ce point parce que, à court terme, nous l’avons beaucoup travaillé, en particulier en franco-allemand et je veux ici vous dire la coordination et la solidarité franco-allemande qui va s’établir sur ce sujet, sur laquelle nous travaillons depuis le début de la crise. Si je devais simplifier les choses, l’Allemagne a besoin de notre gaz et nous, nous avons besoin de l’électricité produite dans le reste de l’Europe et en particulier en Allemagne. Cela n’a rien avoir avec le conflit en Russie, mais c’est lié à un phénomène conjoncturel qui est que, aujourd’hui, le parc nucléaire installé en France est face à des défis techniques qui ont conduit le superviseur de l’Autorité de sûreté nucléaire à demander des travaux à EDF. Ce qui fait que nous avons plus de centrales que prévu qui sont en maintenance. Ça vient s'ajouter à la problématique que je viens d'expliquer, ce qui fait qu'on produit moins d'électricité en franco-français que prévu et on a besoin de la solidarité européenne. Et donc, au fond, nous allons contribuer à la solidarité européenne en matière de gaz et bénéficier de la solidarité européenne en matière d'électricité dans les semaines et les mois qui viennent. Ça va se traduire en franco-allemand de manière très concrète : nous allons finaliser, dans les prochaines semaines, les connexions gazières nécessaires pour pouvoir livrer du gaz à l'Allemagne s'il y avait un besoin de solidarité, et à chaque fois qu'il y en aura besoin. D'ores et déjà aujourd'hui, pour la première fois depuis très longtemps, la France est exportatrice de gaz vers l'Est de l'Europe. Nous allons renforcer cela, et nous mettre en situation d'être solidaires sur le plan gazier avec l'Allemagne si l'hiver est difficile et que l'Allemagne en a besoin. Les travaux ont été actés lors du conseil de vendredi. Ils se feront dans les prochaines semaines et ils sont prêts pour l'hiver.
De la même manière, l'Allemagne s'est engagée à une solidarité électrique à l'égard de la France, et donc se mettra en situation de produire davantage d'électricité, et surtout nous apporter dans les situations de pics, sa solidarité électrique en la matière. Cette solidarité franco-allemande, c'est l'engagement que nous avons pris avec le Chancelier SCHOLZ, c'est celle que nous tiendrons dans les prochains mois, et qui s'inscrit plus largement dans une solidarité européenne qui a été structurée par les communications de la Commission européenne dès le début de l'été, qui a appelé à de la solidarité entre les pays et à un plan de sobriété partout en Europe, tel que je viens de le décliner. Ça, c'est pour passer l'hiver. Si nous faisons ce que je viens de dire, et que nous nous mettons en situation, notre vision est que nous pouvons regarder sereinement les choses. Et donc, en quelques sortes, les solutions sont d'ores et déjà aujourd'hui dans nos mains si nous savons être au rendez-vous de la sobriété et de la solidarité.
Ensuite, il y a la question des prix, évidemment, qui préoccupe beaucoup nos compatriotes. Sur ce sujet, les mesures sont d'abord nationales, et ce sont des mesures, en quelques sortes, de correction. La France les a pris, parmi les premiers pays, dès octobre-novembre 2021. Nous avons mis en place des séries de boucliers, face, en particulier, à l'envolée des prix de l'électricité et du gaz. Nous avons aussi pris des dispositions par rapport au prix de l'essence qui se sont accrues des dernières contributions que nous avons obtenues ces dernières semaines, avec des effets concrets à la pompe ces jours-ci. En quelques sorte, nous avons évité une hausse d'environ 50 % à 70 % des prix du gaz et d'électricité pour nos compatriotes. Ce qui fait que la France est l'un des pays qui a le plus protégé les ménages et les petites et moyennes entreprises en Europe. Beaucoup de pays sont en train, aujourd'hui, de rejoindre nos mesures, et c'est d'ailleurs le sens du plan qui a été annoncé hier par le Gouvernement allemand, qui rejoint la logique de beaucoup de nos dispositifs.
Tout ça fait qu'aujourd'hui, la France est parmi les pays qui ont les taux d'inflation les plus faibles en Europe, parmi les taux les plus faibles de la zone euro, et qu'aujourd'hui nous avons au maximum protégé les ménages et les entreprises sur ce sujet. Néanmoins, nous le savons, dans les prochains mois, il nous faudra encore mieux cibler et avoir une réponse plus structurelle pour aider plutôt à la rénovation thermique et à l'électrification des pratiques et cibler nos réponses pour accompagner les ménages.
Ceci doit s'accompagner de mesures européennes. La Commission est en train de préparer le travail - j'ai eu l'occasion d'avoir plusieurs échanges avec la présidente de la Commission – et au fond, nous avons un travail depuis plusieurs mois en la matière. Je veux ici dire en tout cas la position de la France quant aux grands axes qui semblent se dessiner. D'abord, nous sommes favorables à des pratiques d'achats communs du gaz. Ceci permettrait à l'Europe, en achetant groupés d'acheter moins cher. Donc, nous continuerons d'agir, et je crois pouvoir dire que le Chancelier SCHOLZ partage cette vision, nous en avons parlé à un instant, d’agir concrètement en fonction de ce que nous avons acté au niveau européen.
La deuxième chose, si la Commission venait à décider de mettre un plafond au prix du gaz acheté à travers les gazoducs à la Russie, la France soutiendrait une telle mesure. Il me paraît de nature à être cohérente avec notre politique de sanctions et à réduire ces prix.
La troisième chose, c'est que nous défendons un mécanisme de contribution européenne qui serait demandé donc aux opérateurs énergétiques pour ceux dont les coûts de production sont très inférieurs au prix de vente sur le marché. Il y a en effet des bénéfices indus qui sont faits par des opérateurs de marché aujourd'hui, et la bonne approche c'est qu'une contribution leur soit demandée au niveau européen. Cette contribution pourrait ensuite être reversée aux Etats membres pour financer leurs mesures nationales ciblées. C'est l'approche que nous soutenons et c'est l'approche que la France et l'Allemagne soutiennent. Elle est la plus cohérente pour éviter les distorsions entre pays européens. Elle est la plus juste et elle serait la plus efficace. Si une telle approche ne pouvait aboutir au niveau européen, alors nous serions obligés de la regarder au niveau national. D'ores et déjà, c'est ce que nous avons fait avec certains opérateurs ces derniers mois, comme vous avez pu le remarquer. Il y a en tout cas là aussi une convergence franco-allemande pour défendre un tel mécanisme de contribution européenne si la Commission le proposait dans les prochains jours.
Enfin, pour réduire la volatilité des prix, il nous paraît indispensable d'avoir des mesures de lutte contre les pratiques spéculatives qui permettraient de mieux encadrer les pratiques d'appels de marges et de couverture sur les marchés qui ont conduit à l'envolée des prix et à la démultiplication, en quelque sorte, des effets réels sur les marchés par certains opérateurs. Nous souhaitons là-dessus avoir au moins un accord franco-allemand, nous avons pris l'engagement tout à l'heure avec le Chancelier SCHOLZ, et notre souhait est qu'il puisse y avoir des mécanismes de contrôle de ces opérations spéculatives au niveau européen.
Ça, c'est pour le volet prix à court terme. Et donc, je souhaite que la Commission puisse parachever son travail dans les tout prochains jours, et je veux ici redire tout le soutien de la France au travail de la Commission européenne depuis le début de la crise et sur ces mesures.
A moyen terme, ça veut dire dans les prochains mois, il nous faut continuer à avancer à marche forcée, d'abord pour produire davantage et produire davantage de sources alternatives d'énergie et tout particulièrement d'électricité, en France et en Europe. C'est pourquoi j'ai demandé au gouvernement de parachever des textes législatifs pour permettre d'accélérer nos projets de production d'énergies renouvelables et de nucléaire. Aujourd'hui, nos rythmes, quant aux travaux pour permettre les capacités de production en renouvelable ou en nucléaire montrent que nos projets sont trop lents. Je serai dès que possible à Saint-Nazaire pour inaugurer le champ d'éoliennes en mer, ce que je devais faire aujourd'hui mais que le temps n'a pas permis, ce qui me permet d'avoir le privilège d'être devant vous et ce qui m'a permis d'échanger avec mon homologue allemand. Mais imaginez que ce projet a été lancé par mon anté-prédécesseur. Donc, face au défi qui est le nôtre aujourd'hui, on doit aller beaucoup plus vite dans la production de ces énergies renouvelables, et donc simplifier les choses drastiquement. Nous sommes en guerre, c'est un état de fait. L'énergie fait partie des instruments de guerre utilisés par la Russie, et donc nous devons absolument nous mettre en situation de produire plus vite des sources alternatives d'électricité.
Le deuxième point, c'est d'accélérer l'électrification de nos pratiques et donc d'aller beaucoup plus vite sur la rénovation thermique des bâtiments, sur la conversion du parc automobile et sur l'installation comme modèle, aussi clé, de transport d'énergie de l'hydrogène au niveau européen.
Puis le troisième élément à moyen terme, c'est de réformer le marché de l'électricité. Aujourd'hui, vous le savez, ce marché au niveau européen a deux défauts, et je souhaite que, en franco-allemand, nous puissions y travailler. Il y a maintenant un accord franco-allemand sur ce sujet et nous avons une vraie convergence de vue avec l'Italie aussi.
D'abord, nous devons parachever le réseau européen électrique et multiplier les connexions électriques européennes pour que l'électricité puisse circuler de la manière la plus efficace et rapide entre les pays.
Ensuite, le prix sur ce marché européen de l'électricité doit être formé de manière beaucoup plus cohérente et en lien avec les coûts de production. Aujourd'hui, le prix de l'électricité sur le marché européen est beaucoup trop dépendant des contributions marginales, et en particulier celles du gaz, en particulier en moments de pic. Ce qui pour des pays comme le nôtre et certains autres, est aberrant et fait que vous avez un prix d'électricité qui est déconnecté de la réalité des coûts de production. C'est ce qui fait d'ailleurs que vous avez certains opérateurs qui, du coup, font des bénéfices excessifs. Ce que la Commission européenne, je l'espère, s'apprête à corriger à court terme. Donc à moyen terme, il ne faut pas que le marché européen ait en quelque sorte cette distorsion, et donc il faut pouvoir le réformer. Voilà donc les trois grands axes à moyen terme sur lesquels nous voulons avancer.
Voilà les quelques mots que je souhaitais donner, en quelque sorte les axes que je souhaitais dresser pour vous expliquer quelle est la stratégie à la fois française et européenne en la matière. Tout cela va donner lieu à la déclinaison d'une stratégie que la Première ministre et les ministres compétents vont expliquer. D'abord sur le plan de sobriété qui donnera lieu donc à une présentation et surtout un échange avec l'ensemble des branches économiques, puis donnera lieu à des engagements successifs. Puis, en parallèle de ça, évidemment, la Première ministre aura aussi à lancer des exercices structurants pour le pays : la stratégie nationale bas carbone, la programmation pluriannuelle de l'énergie, qui seront dès cet automne lancés pour pouvoir déboucher sur des exercices législatifs fin d'année, début d'année prochaine. Nous aurons l'occasion d'y revenir de manière claire. Tout ça aussi au niveau européen donnera lieu à des travaux de la Commission dans les prochains jours, qui seront explicités dans le cadre du collège de la Commission. Et évidemment, tout ça sera travaillé lors du prochain Conseil européen à Prague et nous permettra d'avancer là aussi en Européens. Voilà les quelques mots que je voulais dire avant de répondre à vos questions.