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1 juin 2022 3 01 /06 /juin /2022 17:14

« Lorsque les allégations ont été faites, lorsqu’elles ont fait le tour du monde, disant aux gens que j’étais un ivrogne menaçant et sous cocaïne, qui battait les femmes, soudainement, dans la cinquantaine, c’est fini. Vous êtes fini. Quelle que soit l’issue de ce procès, à la seconde où ces accusations ont été portées contre moi, et où elles se sont métastasées pour alimenter les médias, j’ai perdu. J’ai perdu, et je porterai cela pour le reste de ma vie. (…) [Amber Heard] a un besoin de conflit, un besoin de violence. Ça sort de nulle part. » (Johnny Depp, le 20 avril 2022).



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Très étrange sensation que l’ultramédiatisation du procès entre Johnny Depp et Amber Heard, deux acteurs américains qui rejouent le film "La Guerre des roses" de Danny DeVito (sorti le 4 décembre 1989) avec Michael Douglas et Kathleen Turner. Cette impression est tout à fait surréaliste dans un univers tout à fait étranger où l’on parle en millions de dollars, où l’on parle du énième appartement au bord de la mer, où l’on parle de substances plus ou moins illicites, où l’on parle de violences conjugales plus ou moins avérées, où l’on parle de millions de fans et de millions de détracteurs… En France, on en parlerait même plus que de la campagne des élections législatives (elle a commencé le 30 mai 2022, le sait-on ?) ou même que la guerre en Ukraine et ses épouvantables drames.

Johnny Depp (qui va avoir 59 ans le 9 juin) a tourné dans de nombreux films et a déjà, depuis plus de vingt ans, son étoile au Walk of Fame à Hollywood. L’ancien mari de la Française Vanessa Paradis est notamment le premier rôle dans "Edward aux mains d’argent" de Tim Burton, "Pirates des Caraïbes" de Gore Verbinski, "Charlie et la Chocolaterie" de Tim Burton, etc. Amber Heard (36 ans) s’est fait connaître également par une série télévisée avant d’embrayer au cinéma notamment dans "Délire Express" de David Gordon Green et "Aquaman" de James Wan.

En gros, depuis 2016, le couple qui s’était marié quelques mois auparavant s’est déchiré d’une manière totalement inédite : le public est pris à témoin, les médias se régalent, les réseaux sociaux s’agitent, soutiennent ou fustigent, et dans cette "affaire" (qui est un bien grand mot), les avocats s’enrichissent. Le procès en question est le deuxième ou troisième, et ce n’est pas un procès sur des coups et blessures éventuelles, c’est un procès en diffamation, celui-ci à l’initiative de l’acteur, Johnny Depp, qui a commencé le 11 avril 2022 au tribunal du comté de Fairfax, en Virginie, et qui vient de se terminer ce mercredi 1er juin 2022 avec un verdict qui a condamné les deux protagonistes, mais plus sévèrement l’ex-épouse que l’ex-époux. En effet, Amber Heard a été condamnée à verser 15 millions de dollars à son ancien mari tandis que Johnny Depp 2 millions de dollars à son ancienne femme.

On s’aperçoit ainsi que tous les faits et gestes de chaque membre du couple ont été enregistrés, notés, mémorisés dès le départ par l’autre, ce qui montre un couple quand même bien étrange et qui fait un étalage de faits quotidiens complètement inintéressants et parfois glauques.

Ce sujet serait dérisoire s’il ne revenait pas sur un sujet essentiel, un double sujet essentiel : d’une part, les violences conjugales, avec les paroles qui se délient sur des drames trop souvent passés sous silence, d’autre part, les réputations salies par des accusations abusives et diffamatoires.

Nous y voilà au nœud du problème : comment peut-on dénoncer des violences réelles sans accuser leurs auteurs ? Dans le cas de ce couple de personnes très célèbres, chaque nouveau fait est mis dans la boîte à buzz. La présomption d’innocence ne suffit pas dans une telle situation, car ce qui fait ou défait les réputations, ce sont les informations publiques (imaginez simplement que vos problèmes de couple, le cas échéant, soient mis sur la place publique et soient légèrement déformés). Or, la possibilité de départager deux antagonistes, c’est le rôle des juges, qui doivent être imperméables à toutes pressions, en particulier médiatiques ici (mais aussi politiques, économiques, etc.), et tout doit rester dans un cadre discret où la rumeur publique ne règne pas.

Aux États-Unis, la situation est simpliste : il faut être pour ou contre. Pour ou contre les femmes dont la parole se libère, pour ou contre l’un ou l’autre des acteurs, pour ou contre le patriarcat (mot typiquement introduit par les féministes qui laisse entendre que la violence conjugale proviendrait du seul fait de l’homme alors que cette violence existe également, de même intensité, dans des couples homosexuels, même de femmes).

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Beaucoup de militants anti-féministes (comment les appeler autrement ?) ont soutenu Johnny Depp dans les réseaux sociaux, au point d’en faire une affaire symbolique contre les femmes. En citant en début d’article Johnny Depp et pas Amber Heard, j’ai moi-même, en quelque sorte, choisi aussi mon camp, même si je me moque de cette affaire et qu’elle me dépasse aussi.

Ce qui m’intéresse, en revanche, c’est l’idée qu’on puisse accuser publiquement à tort une personne au point de salir sa réputation. Le "à tort", dans cette phrase, est essentiel et c’est le juge qui le détermine, car a contrario, lorsqu’il y a réellement de la violence, lorsque c’est avéré, je la trouve inacceptable, surtout dans le cadre de relations affectives (a priori, quand on aime, on ne tape pas, on est plutôt en confiance), je souhaite alors que son auteur soit sévèrement sanctionné, condamné tant pénalement que médiatiquement ou, pour des personnes moins célèbres, au moins sanctionnée professionnellement pour qu’il ou elle ne recommence pas.

Et que l’auteur des violences soit une femme ou un homme. Même si la violence des femmes est minoritaire, elle existe et des hommes meurent aussi de violences conjugales (à peu près dans la proportion d’un homme pour trois femmes). J’ai connu une femme violente qui menaçait d’un couteau à la gorge son "mec" (pour une raison que je n’ai pas saisie) et son enfant de 8 ans avait fermé à clef la porte d’entrée de l’appartement. Pour sortir de ce piège, j’ai même imaginé me saisir du fer à repasser qui était à ma portée pour l’envoyer sur la femme et libérer son compagnon (mais je n’aurais jamais pu assumer un geste d’une telle violence). Le dialogue a heureusement suffi à apaiser cette situation compliquée mais cette violence était en elle-même insupportable et d’autant plus glauque qu’elle en a rendu son garçon complice.

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Les jurés de Fairfax, je le rappelle, n’ont répondu qu’à la problématique de réputation et de diffamation, et ne devaient pas se prononcer sur les gestes de violences plus ou moins avérés sur l’un ou sur l’autre (Johnny Depp a ou aurait été par exemple profondément blessé au majeur de sa main d’un éclat de verre d’une bouteille de vodka lancée sur lui par son ex-épouse).

J’aurais pu citer aussi Amber Heard lors de son audition le 4 mai 2022, très larmoyante : « Je n’oublierai jamais la première fois qu’il m’a frappée (…). Je n’ai pas bougé parce que je ne savais pas quoi faire d’autres (…). Il m’a frappée une nouvelle fois. Violemment. Je perds mon équilibre et je réalise que le pire est en train d’arriver. ».

On serait tenté de croire à une tentative de manipulation et de rendre très intéressant financièrement le divorce quand on entend la réaction d’Amber Heard à l’écoute du verdict, se victimisant et victimisant toutes les femmes : « J’ai le cœur brisé que la montagne de preuves ne soit toujours pas suffisante pour résister au pouvoir, à l’influence et à l’emprise disproportionnée de mon ex-marie (…). C’est un retour en arrière, un retour en arrière à l’époque où une femme qui parlait et s’exprimait pouvait être publiquement blâmée et humiliée. Un retour en arrière à l’époque où la violence contre les femmes n’était pas prise au sérieux. (…) Je suis triste d’avoir perdu cette affaire. Mais je suis encore plus triste d’avoir perdu un droit que je pensais avoir en tant qu’Américaine : parler librement et ouvertement. ».

Même aux États-Unis, on convient que la liberté des uns s’arrête là où celle des autres s’arrête. Durant ce procès, Amber Heard est apparue pour beaucoup comme abusive, menteuse, manipulatrice, violente, presque psychopathe, et surtout, elle n’a apporté aucun élément de preuve de ce qu’elle avait avancé dans ses accusations.

Quant à Johnny Depp, il n’a pas fanfaronné mais il a remercié les jurés et il a remercié tous ceux qui l’ont soutenu malgré les coulées de détritus qui se sont déversés sur lui. Il voudrait que ce verdict soit un encouragement à continuer à résister pour les hommes accusés injustement de violences conjugales.

Au contraire de la France, ce procès pouvait être filmé, ce qu’il a été, et il a été diffusé en direct vingt-quatre heures sur vingt-quatre sur des chaînes de télévision ou sur Internet. Ainsi, des internautes pouvaient suivre la moindre intervention dans ce procès fleuve. Il fera probablement date comme ayant provoqué cette nouvelle folie médiatique renforcée par Internet, et aussi comme une action corrective de cette nécessaire fin du silence sur les violences aux femmes initiée depuis longtemps mais amplifiée par le mouvement MeToo. Parler, oui, mais dire n’importe quoi sur les autres, non. Dans ce domaine, seul le juge peut faire la part du vrai et du faux. Et certainement pas les voyeurs qui nous sommes tous un petit peu plus ou moins.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (01er juin 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Johnny Depp, Amber Heard et les violences conjugales ?
Peut-on confondre dragueur lourd et violeur ?
Burkini, c’est fini ?
La République, le voile islamique et le "vivre ensemble".
Couvrez ces seins que je ne saurais voir !
Ne nous enlevez pas les Miss France !
Alexandra Richard, coupable ou victime ?
Dégenrer les Lego.
La PMA pour toutes les femmes désormais autorisée en France.
Genrer la part du Lyon ?
L’écriture inclusive.
Femmes, je vous aime !
Parole libérée ?
L’avortement.
Ni claque ni fessée aux enfants, ni violences conjugales !
Violences conjugales : le massacre des femmes continue.








https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220601-amber-heard.html

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/06/02/39503229.html





 

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25 mai 2022 3 25 /05 /mai /2022 03:16

« Quand, pour l’amour de Dieu, allons-nous affronter le lobby des armes ? » (Joe Biden, le 24 mai 2022 à Washington).




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La tuerie dans l’école primaire d’Uvalde qui a eu lieu ce mardi 24 mai 2022 et qui a entraîné la mort d’au moins 21 personnes dont 19 enfants, repose une fois encore la question du Deuxième Amendement de la Constitution des États-Unis et de cette sacro-sainte liberté de détenir et d’utiliser des armes à feu. Le Président Joe Biden arrivera-t-il à réussir là où son prédécesseur Barack Obama avait échoué ?

En tout cas, c’est l’objectif de la Maison-Blanche : provoquer par l’émotion générale de cette tragédie une salutaire prise de conscience que la sécurité des citoyens ne passe pas nécessairement par la liberté sur les armes mais au contraire par leur contrôle strict voire leur restriction.

Uvalde est une petite ville de 15 000 habitants très à l’ouest du Texas, proche du Mexique (à 100 kilomètres de la frontière). Après avoir tiré sur sa grand-mère (dont l’état de santé n’a pas été communiqué), un jeune homme de 18 ans, muni d’un fusil, est allé à l’école primaire Robb et a tiré sur des enfants d’une dizaine d’années, il a tué au moins 19 enfants et 2 enseignants et en a blessé d’autres. Lui-même a été tué par la police arrivée sur place. À deux jours près, les écoliers auraient commencé leurs grandes vacances.

Malheureusement, ce genre d’acte horrible n’est pas le premier et ne sera probablement pas le dernier au "pays des cow-boys". Quelques jours auparavant, le 14 mai 2022, un attentat a eu lieu à Buffalo, une ville aux confins de l’État de New York, dans une supérette, qui a fait 10 victimes, commis par un suprématiste blanc biberonné par la théorie complotiste du "grand remplacement" (où l’on découvre par ailleurs, pour ceux qui n’en ont pas encore conscience, que les théories les plus stupides ne sont pas que des mots et peuvent tuer, on le sait bien depuis le covid-19).

Depuis 1967, il y a eu plus de 150 fusillades de masse (plus de 4 victimes) aux États-Unis, dont certaines furent très meurtrières, comme celle d’Orlando dans une boîte de nuit LGBT le 12 juin 2016 (49 victimes) et celle de Las Vegas au cours d’un festival de musique country le 1er octobre 2017 (58 victimes). Beaucoup d’entre elles ont eu lieu dans le milieu scolaire ou universitaire, les précédentes du genre avaient eu lieu le 14 décembre 2012 à l’école primaire de Sandy Hook, près de Newtown, dans le Connecticut, où 27 personnes dont 20 enfants avaient péri, et le 16 avril 2007 à l’Université Virginia Tech, où 32 personnes dont (il me semble) 28 étudiants avaient été tuées.

En dehors des attentats soit d’extrémistes de droite ou de gauche, soit de fondamentalisme religieux, il y a plusieurs causes à ces actes souvent issus de personnes seules : un effet d’imitation de ces fusillades très médiatisées, un besoin de gloire et célébrité, un écart entre les ambitions sociales de l’assassin et son échec social, l’incapacité du gouvernement à contrôler le profil des personnes qui possèdent une arme à feu et l’augmentation de l’accessibilité des armées à feu. En revanche, les dérangements mentaux ne seraient pas un facteur décisif dans la mesure où ce genre de massacres augmente bien plus vite que le nombre de personnes atteintes de troubles mentaux (de plus, pour organiser une telle tuerie, il faut une organisation très rationnelle).

Notons que la France a hélas connu aussi des tueries de masse hors attentats, et parfois en raison d’un profil d’échec social de leur auteur, en particulier dans le cas de la tuerie au conseil municipal de Nanterre le 27 mars 2002, qui a entraîné la mort de 8 élus et blessé 19 autres. C’était à quelques semaines du premier tour de l’élection présidentielle de 2002.

La situation des armes aux États-Unis pose un véritable problème. Barack Obama avait tenté d’en limiter la prolifération par une loi que le Sénat a finalement rejetée. En effet, le vrai problème est la puissance du lobby des armes, représenté par la NRA (National Rifle Association), forte de ses 4 à 6 millions d’adhérents et du financement de campagne de certains candidats (en particulier Donald Trump).

Actuellement, selon les chiffres du Ministère de la Justice des USA, 393 millions d’armes circulent dans ce pays de 329 millions d’habitants. En vingt ans, la production d’armes a progressé énormément. Entre 2000 et 2020, le nombre d’entreprises fabriquant des armes a plus que septuplé (passant de 2 200 à 16 963) et le nombre d’armes produites a triplé (de 3,9 millions à 11,3 millions). Pendant ces deux dernières décennies, 137 millions d’armes ont été produites.

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Durant la seule année 2021, 21 000 personnes aux États-Unis sont mortes d’une arme à feu. 30% des Américains possèdent au moins une arme à feu chez eux.

La détention d’arme est une véritable tradition, et cela m’écorche de le dire, mais une tradition démocratique. En effet, la rédaction du Deuxième Amendement de la Constitution américaine, inclus dans la Déclaration des droits, adopté le 15 décembre 1791, est très clair, court et clair : « Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d’un État libre, le droit du peuple de détenir et de porter des armes ne doit pas être transgressé. ». Il y a beaucoup d’explication pour comprendre cette rédaction (entre autres, pour maintenir l’esclavage dans les États du Sud), mais la principale veut que si les citoyens sont armés, un État policier ne pourra pas les soumettre à la dictature. Ce principe a aussi sa traduction en Suisse où le sujet avait fait débat.

Lorsqu’il y a eu le massacre dans la boîte de nuit à Orlando, le 12 juin 2016, en pleine campagne présidentielle entre Hillary Clinton et Donald Trump, ce dernier avait prétendu que si les clients avaient été armés, ils auraient pu mettre hors d’état de nuire l’assassin. Sauf que justement, il y avait des hommes armés dans ce lieu et ils n’ont pas pu le maîtriser malgré tout, car c’est un métier, la sécurité et il faut des compétences pour l’exercer avec efficacité.

La multiplication des armes en circulation dans la population, en particulier par des détenteurs au profil psychologique incertain, a fortiori quand ces armes sont des fusils d’assaut, rend ce genre de massacre récurrent aux États-Unis, à cause de ce principe constitutionnel. Souvent, les assassins sont des adolescents ou de jeunes adultes pas plus mûrs que des adolescents, en mal être, qui choisissent une solution nihiliste qui entraîne leur entourage dans l’abîme. Par ailleurs, de nombreux accidents ont eu lieu, commis par des enfants qui ont eu accès d’une manière ou d’une autre à une arme de leurs parents.

Concrètement, il y a des législations très différentes d’un État à un autre, avec un accès plus réglementé en Californie qu’au Texas ou en Floride, mais la Cour Suprême a en revanche rappelé le droit de chaque citoyen américain à posséder une arme. Seules, les conditions de cette possession peuvent être discutées.

En outre, vouloir modifier la Constitution et son Deuxième Amendement est une opération politique très incertaine en raison de la grande contrainte de l’article V de la Constitution américaine : pour la réviser, il faut en effet réunir les deux tiers des parlementaires du Congrès (les deux chambres, Chambre des représentants et Sénat) et ensuite, le faire ratifier par les trois quarts des États. Autant dire que ce serait mission impossible, car la règle permet aux petits États d’avoir une représentation disproportionnée au Sénat (un État, deux sénateurs, quelle soit la population de l’État).

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Le Président américain Joe Biden, qui revenait d’un voyage en Asie, a pris la parole à la Maison-Blanche avec gravité juste après ce massacre à Uvalde. Il comprend tout à fait la peine des parents de ces 19 écoliers car lui-même a perdu, à deux reprises, un enfant. Son émotion était palpable : « J’espérais en devant Président ne pas avoir à faire cela. ». Faire quoi ? S’attaquer au lobby des armes. Il a voulu profiter de ces circonstances pour faire évoluer la loi : « Il est temps de transformer cette douleur en action pour chaque parent, pour chaque citoyen de ce pays. ».

Et il a ainsi argumenté : « Ne me dites pas que nous ne pouvons pas avoir d’impact sur ce carnage. (…) Les fabricants d’armes ont passé deux décennies à promouvoir avec agressivité les armes d’assaut qui leur procurent les plus importants profits. ». Il voudrait ainsi faire systématiquement des vérifications du casier judiciaire et des antécédents psychiatriques des acheteurs d’armes : « Ceux qui bloquent ou retardent des législations de bon sens sur les armes (…), nous ne les oublierons pas ! ». Entre 1994 et 2004, les fusils d’assaut étaient pourtant interdits d’achat aux simples citoyens. Les parlementaires républicains bloquent aujourd’hui toute réglementation sur les armes.

Toutefois, limiter l’acquisition de nouvelles armes n’influerait certainement pas beaucoup sur la prévention de tels massacres, vu le grand nombre d’armes qui circulent déjà dans le pays sans contrôle de l’État (393 millions). La seule mesure réellement efficace et particulièrement forte qui aurait de l’efficacité, ce serait de confisquer la plupart des armes actuellement détenues par les Américains, ce qui serait ressenti comme une véritable atteinte à leur liberté individuelle. Comme une violation de leur propriété privée.

Terminons par la réaction du Président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui avait adressé un message au Festival de Cannes 2022 et qui ne rate aucune occasion de communication pour montrer sa proximité et sa compassion avec les peuples amis : « Je veux présenter mes condoléances à tous les proches et familles des enfants qui ont été tués dans la terrible fusillade d’une école à Texas. Il est terrible d’avoir des victimes de tireurs en temps de paix. ». Rien d’hypocrite à cette déclaration, et c’est même traditionnel dans la diplomatie d’être solidaire des peuples meurtris. Après tout, le premier dirigeant étranger à avoir présenté ses condoléances et exprimé sa compassion et solidarité pour les victimes des attentats du 11 septembre 2001 fut… Vladimir Poutine lui-même.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (25 mai 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Massacre d’Uvalde : faut-il interdire les armes aux États-Unis ?
Armes à feu.
Téléréalité.
Christina Grimmie.
Vanessa Marquez.
Michael Collins.
Marnie Schulenburg.
Nicholas Angelich.
Melissa Lucio.
Bob Dole.
John Glenn.
Joséphine Baker.
Gary Hart.
Les attentats du World Trade Center.
Shailene Woodley.
Charles Bronson.
Adrian Monk.
Noël à la télévision.
Colin Powell.
Jesse Jackson.
Walter Mondale.
Marathonman.
Bob Kennedy.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220524-uvalde.html

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/massacre-d-uvalde-faut-il-241792

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/05/25/39491904.html









 

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8 décembre 2021 3 08 /12 /décembre /2021 01:15

« Je ne sais pas ce que vous pourriez dire d’une journée au cours de laquelle vous avez vu quatre magnifiques couchers de soleil. » (John Glenn).



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L’astronaute John Glenn est né il y a 100 ans, le 18 juillet 1921 dans l’Ohio. Il a fait partie de cette génération de héros américains qui ont redoré le blason spatial des États-Unis après la double victoire de l’URSS de Spoutnik (le 4 octobre 1957) et de Youri Gagarine (le 12 avril 1961).

John Glenn fut le premier Américain à avoir fait un vol orbital autour de la Terre, lors de la mission Mercury-Atlas 6. John Glenn a décollé le 20 février 1962 au bord de la capsule Friendship 7 lancée par une fusée Atlas LV-3B, il fut ainsi mis sous orbite et après cinq heures de vol et après avoir effectué trois tours de la Terre, John Glenn a atterri dans l’Océan atlantique. Il fut également le troisième homme au monde à avoir fait un vol orbital dans l’Espace. Il a ouvert la voie de la conquête de l’Espace par la face américaine qui a abouti au programme Apollo puis aux navettes spatiales.

À l’âge de 20 ans, après l’attaque de Pearl Harbor, John Glenn s’est engagé dans les Marines pour être pilote de chasse. Il a continué son engagement militaire dans la guerre de Corée puis il est resté pilote d’essai (il a accumulé 9 000 heures de vol dont 3 000 dans un avion à réaction). Il fut sélectionné par la NASA le 9 avril 1959 pour faire partie des sept pilotes d’essai de la première promotion d’astronautes, dans le cadre du programme Mercury. De justesse pour la limite d’âge.

Cette sélection fut très rigoureuse puisqu’ils étaient 550 candidats sur la ligne de départ. Parmi les critères de sélection, une grande forme physique, un excellent esprit intellectuel, des grandes capacités de  travail tant en équipe que seul, et puis, une force psychologique exceptionnelle. Au-delà de l’âge (37 ans), John Glenn avait un autre handicap, il n’avait pas de diplôme universitaire car il avait abandonné ses études pour s’engager dans la guerre. Les sept sélectionnés furent considérés comme des héros à l’instar de Christophe Colomb avant même que voler dans l’Espace. John Glenn fut à la fois le doyen d’âge de ces sept héros et en même temps le dernier survivant pendant trois ans jusqu’à sa mort le 8 décembre 2016 dans l’Ohio, à l’âge de 95 ans.

Le (futur) colonel John Glenn aurait pu être considéré comme un héros de la guerre avant d’avoir été sélectionné comme astronaute, et il était déjà connu comme un des meilleurs pilotes d’essai après un vol supersonique le 16 juillet 1957 en battant le record de vol transcontinental (il a parcouru 3 935 kilomètres en 3 heures 23 minutes et 8 secondes). Il a évidemment été encore plus un héros après avoir effectué le premier vol orbital américain.

Il ne faut pas sous-estimer le courage et surtout les risques encourus. Parmi les sept têtes brûlées sélectionnées, une, Virgil Grissom, qui a fait un vol suborbital le 21 juillet 1961 et un essai habité du vaisseau Gemini le 23 mars 1965, a péri le 27 janvier 1967 avec deux autres coéquipiers dans un incendie lors d’un essai au sol en conditions réelles dans le cadre de la mission Apollo 1 (les trois hommes devaient voler au bord du module Apollo du 21 février 1967 au 7 mars 1967).

Force de caractère : ces sept premiers astronautes ont assisté le 18 mai 1959 à Cap Canaveral, au premier lancement d’une fusée Atlas, la même que celle qui les lancerait plus tard, mais la fusée a explosé en plein vol devant leurs yeux stupéfaits. Aucun n’a démissionné et l’un d’eux, Alan Shepard (qui fut par la suite commandant de la mission Apollo 14, il fut, le 5 février 1971, l’un des rares hommes à avoir marché sur la Lune), a juste lâché à John Glenn : « Eh bien, je suis content qu’on l’ai éliminée ! ».

Alan Shepard (1923-1998) a été l’astronaute de la première mission, celle du premier vol suborbital américain, le 5 mai 1961, soit trois semaines après Youri Gagarine, alors que ce vol avait été prévu initialement pour le 26 avril 1960, puis le 5 décembre 1960, etc. John Glenn a regretté de n’avoir été que le pilote de remplacement pour les deux premières missions de leur petit groupe, des vols suborbitaux, car il se jugeait le plus apte, mais en fait, pour lui, c’était plus valorisant de faire le premier vol orbital. Il était devenu d’ailleurs si populaire que, comme Gagarine du côté soviétique, il était peu question de prendre le risque d’un second vol.

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La carrière d’astronaute de John Glenn s’est terminée le 16 janvier 1964 à sa demande. En effet, il se savait probablement trop âgé pour être recruté dans les futures missions Apollo et il a donc donné sa démission (il fut officiellement à la retraite le 1er janvier 1965).

La raison de son retrait avait une autre motivation : dès décembre 1962, il fut poussé par Bob Kennedy, à l’époque l’équivalent de Ministre de la Justice, à s’engager dans la vie politique au sein du parti démocrate et à prendre le siège d’un sénateur démocrate dans l’Ohio, son État natal. Il fut donc candidat dès le 17 janvier 1964 aux élections primaires pour désigner le candidat démocrate aux sénatoriales. Malheureusement, un accident domestique l’a empêché de faire campagne et il retira sa candidature le 30 mars 1964.

Après avoir été recruté par une entreprise privée, John Glenn n’a pas lâché la politique pour autant et a soutenu activement Bob Kennedy lors des primaires démocrates de 1968. John Glenn était très proche de Bob Kennedy au point de l’avoir accompagné à l’hôpital lorsqu’on a tiré sur lui. Le couple Glenn s’est alors occupé des enfants de Bob Kennedy et John Glenn fut parmi ceux qui ont porté le cercueil du candidat assassiné.

Malgré le soutien de la famille Kennedy à John Glenn dans l’Ohio, ce dernier n’a pas pu avoir le soutien du parti démocrate de l’Ohio en 1970 pour un siège sénatorial. Le vieux sénateur démocrate sortant Stephen M. Young ne s’est pas représenté et John Glenn fut battu de justesse aux primaires (49% contre 51%), mais le candidat démocrate Howard Metzenbaum a été battu par le candidat républicain Robert Taft Jr (Howard Metzenbaum a fini par gagner ce siège en 1976, faute d’avoir conservé son siège de 1974).

Autre sénateur de l’Ohio, le républicain Walter Bart Saxbe fut nommé procureur général des États-Unis (l’équivalent de Ministre de la Justice) par le Président Richard Nixon après un épisode de l’affaire Watergate (démission du procureur général précédent, etc.). Par conséquent, son siège de sénateur fut vacant et c’était au gouverneur de l’État de nommer un remplaçant jusqu’aux prochaines élections. Ce gouverneur, démocrate, John Gilligan, dont l’ambition était de se présenter à l’élection présidentielle, a proposé à John Glenn de le nommer lieutenant-gouverneur, ce qui l’amènerait à lui succéder lorsque le gouverneur aurait des responsabilités fédérales. Néanmoins, John Glenn refusa cette combine car il voulait être sénateur.

Pour autant, Howard Metzenbaum fut nommé sénateur en janvier 1974 par le gouverneur, mais lors du renouvellement en novembre 1974, John Glenn a fait une campagne très efficace, si bien il a arraché l’investiture démocrate à 54% contre le sortant Howard Metzenbaum qui avait été particulièrement méprisant pour les militaires ayant risqué leur vie, comme John Glenn, courageux militaire qui est parvenu à gagner le siège face au candidat républicain, Ralph Perk, le maire de Cleveland.

Ce fut ainsi que John Glenn, le héros de l’Espace, fut élu sénateur de l’Ohio, en novembre 1974, et il fut réélu sénateur en novembre 1980, en novembre 1986, et en novembre 1992, jusqu’en novembre 1998 où il ne s’est pas représenté (il a annoncé son futur retrait le 20 février 1997 et est resté en fonction jusqu’en janvier 1999). Sa parole était importante car il était ultraconnu.

En été 1976, John Glenn comptait tellement au sein du parti démocrate qu’il faisait partie de la "short list" des candidat possibles à la Vice-Présidence de Jimmy Carter qui venait de remporter les primaires démocrates. Jimmy Carter nomma en fin de compte un homme politique très expérimenté, Walter Mondale, protégé d’Hubert Humphrey, et le ticket gagna l’élection générale contre Gerald Ford (en équipe avec Bob Dole).

En 1984, John Glenn était donc un homme politique déjà expérimenté lorsqu’il a retenté l’investiture présidentielle, mais cette fois-ci comme candidat à la Présidence. Son concurrent était justement l’ancien Vice-Président Walter Mondale (Carter et Mondale avaient été battus en 1980 par Ronald Reagan). Au départ, John Glenn militait pour la candidature de Ted Kennedy, le jeune frère de JFK, mais Ted Kennedy refusa toute idée de candidature (après ses échecs en 1972 et 1980).

L’ancien astronaute pensait que seul un candidat de forte notoriété pouvait battre le charismatique Ronald Reagan. John Glenn a alors annoncé sa candidature le 21 avril 1983. Il était le favori des démocrates dans les sondages. Au cours de sa campagne, un fait nouveau aurait pu l’aider, la sortie le 21 octobre 1983 du film "L’Étoffe des héros" de Philip Kaufman. Loin de l’aider, ce film, qui pourtant l’encensait et le couronnant en héros, l’a placé dans un rôle qui n’avait rien à voir avec Président des États-Unis. Rapidement, il a perdu les primaires dans les premiers États, et abandonna la course présidentielle le 16 mars 1984. Walter Mondale fut choisi et échoua face à Ronald Reagan en novembre 1984.

Comme on le voit, John Glenn, bien que populaire, est toujours resté à la marge du parti démocrate, c’était un homme peut-être trop franc et sincère, probablement aussi parce qu’il avait une position centriste, or le climat très conservateur des années Reagan incitait les démocrates à vouloir un leader de l’aile progressiste.

Malgré cela, l’ancien astronaute était un sénateur on ne peut plus traditionnel, travaillant beaucoup, très actif sur de nombreux sujets pendant ses vingt-quatre ans de mandat. Il prônait l’arrêt de la prolifération de l’arme nucléaire, souhaitait plus d’attentions écologiques, etc. Il s’intéressa particulièrement aux problèmes de la vieillesse, non seulement trouver des moyens de financement pour se soigner (son père a failli vendre la maison familiale pour soigner son cancer), mais aussi sur le plan scientifique : il estimait qu’il fallait faire des recherches sur la vieillesse dans l’Espace et évidemment, il se proposa à partir de 1995 de retourner une seconde fois dans l’Espace. C’était à l’époque de la Présidence de Bill Clinton.

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On ne sait pas très bien s’il y a eu des pressions du gouvernement pour cela (probablement), mais toujours est-il que John Glenn fut sélectionné pour faire partie de l’équipage de la navette Discovery dans le cadre de la mission STS-95. Ce dernier avait réussi tous les tests nécessaires pour confirmer cette sélection. Il avait un double rôle dans cette mission : observer son corps pour avoir une connaissance scientifique approfondie du vieillissement dans l’Espace et réaliser les photographies de la mission. L’équipage de six personnes a décollé le 29 octobre 1998 et atterri le 7 novembre 1998, le temps de tourner 134 fois autour de la Terre (au lieu des trois ou quatre fois en 1962). À ce titre, John Glenn, qui fut le premier Américain à être allé dans l’Espace, fut aussi l’homme le plus vieux ayant été dans l’Espace, à l’âge de 77 ans. Il était encore sénateur et se retirait de la vie politique quelques semaines plus tard.

Une polémique a eu lieu pour savoir si cela avait été utile ou pas que John Glenn fît partie de la mission spatiale. Par la suite, pour justifier son vol, il a toujours prôné une utilité scientifique à faire des tours d’orbite, au point de fustiger le premier vol spatial "touristique". En effet, l’homme d’affaire californien Dennis Tito a payé 20 millions de dollars à l’Agence Roscosmos (l’équivalent de la NASA pour la Russie) pour faire un vol spatial et même un arrimage à la Station spatiale internationale dans le cadre de la mission Soyouz TM-32. Avec six coéquipiers, le millionnaire a décollé le 28 avril 2001 et est revenu sur Terre le 5 mai 2001. Il y a peu de doute que John Glenn aurait également critiqué avec la même fougue l’initiative du milliardaire britannique Richard Branson (71 ans, il est né le même jour de l’année que John Glenn) à faire un vol suborbital "pour le plaisir" le 11 juillet 2021 dans son avion spatial VSS Unity de Virgin Galactic.

Cependant, les études sur le vieillissement dans l’Espace n’ont pas été poursuivies après John Glenn et sont apparues comme un prétexte pour permettre à John Glenn de reprendre du service. Par la suite, n’ayant jamais eu sa langue dans sa poche, John Glenn a vivement critiqué, le 19 avril 2012 près de Washington, l’arrêt des missions des navettes spatiales.

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John Glenn fut l’un des quatre astronautes les plus honorés des États-Unis, avec le fameux équipage d’Apollo 11, Neil Armstrong (1930-2012), Buzz Aldrin (toujours vivant) et Michael Collins (1930-2021). À sa mort le 8 décembre 2016, il y a bientôt cinq ans, John Glenn fut honoré par toute la classe politique, tant le Président sortant Barack Obama que le Président élu Donald Trump, ainsi que l’adversaire de celui-ci, Hillary Clinton. Barack Obama : « Avec le décès de John, notre Nation a perdu une icône et Michelle et moi avons perdu un ami. John a passé sa vie à briser les barrières. ». John Glenn représentait bien le symbole de l’Amérique qui gagne, prête à prendre des risques, prête aussi à prendre ses responsabilités, voire à diriger politiquement. Néanmoins, il n’est pas sûr que la popularité de l’exploration spatiale soit compatible avec la dureté du combat politique.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (11 juillet 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
John Glenn.
John Glenn est mort.
Michael Collins.
Atterrissage de la navette Atlantis le 21 juillet 2011.
SpaceX en 2020.
Thomas Pesquet.
60 ans après Vostok 1.
Youri Gagarine.
Spoutnik.
Rosetta, mission remplie !
Le dernier vol des navettes spatiales.
André Brahic.
Les petits humanoïdes de Roswell…
Evry Schatzman.
Le plan quantique en France.
Apocalypse à la Toussaint ?
Le syndrome de Hiroshima.
L’émotion primordiale du premier pas sur la Lune.
Stephen Hawking, Dieu et les quarks.
Les 60 ans de la NASA.
La relativité générale.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211208-john-glenn.html

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/12/06/39250466.html










 

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6 décembre 2021 1 06 /12 /décembre /2021 03:50

« Il a perdu les élections et je regrette qu’il ait perdu, mais ils ont gagné. » (Bob Dole, le 22 juillet 2021).



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L’ancien sénateur du Kansas Bob Dole est mort ce dimanche 5 décembre 2021 à l’âge de 98 ans (il est né le 22 juillet 1923, un an avant Jimmy Carter et George H. W. Bush). Bob Dole, bien que représentant de la classe politique traditionnelle, a toujours soutenu à fond Donald Trump, tant en 2016 qu’en 2020. Il craignait aussi que les conditions de campagne en 2020 aient désavantagé son candidat. En revanche, il a pleinement reconnu la défaite de 2020 et s’est même déclaré "Trumped out" : « I’m a Trumper… I’m sort of Trumped out, through ! » (dans un entretien avec Susan Page pour "USA Today" à son 98e anniversaire).

Dans le paysage politique américain, Bob Dole jouit d’une place très grande au sein du parti républicain et plus largement, dans tout le monde politique et médiatique, presque une légende ; son avis était toujours très écouté. Il aurait pu devenir, en 1996, l’équivalent républicain de Joe Biden : longue expérience de sénateur et candidature âgé. Des candidats âgés, il y en a eu beaucoup après ses premières tentatives en 1976, Ronald Reagan, John MacCain, Donald Trump, Hillary Clinton… mais c’est l’âge qui l’a, lui, disqualifié au moment d’arriver à la fin de la course.

Blessé en Italie pendant la guerre où il a perdu son bras droit et avocat après la guerre, Bob Dole s’est engagé au sein du parti républicain du Kansas très tôt, d’abord élu local à partir de 1951, puis élu au niveau fédéral, membre du Congrès à Washington à partir de 1961 : représentant (1961-1969) puis sénateur (1969-1996). Il fut président du comité national des républicains (l’équivalent de chef de parti) de 1971 à 1973. Au Sénat, son expérience a été jusqu’à diriger les sénateurs républicains de 1985 à 1996, un poste important lorsque les républicains étaient majoritaires au Sénat entre 1985 et 1987 et 1995 à 1996 (il a quitté son siège de sénateur pour se présenter aux présidentielles).

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Celui qui fut le candidat malheureux à la Vice-Présidence en 1976 sur le "ticket" du Président sortant Gerald Ford (Jimmy Carter et Walter Mondale ont gagné) a sans arrêt voulu reprendre le leadership du parti républicain sans beaucoup de succès. Aux primaires républicaines de 1980, alors qu’il était le plus "naturel", il fut devancé par une dizaine de candidats dont les deux premiers Ronald Reagan et George H. W. Bush. En 1988 encore, ce dernier, Vice-Président sortaint, fut candidat et élu. À ces primaires de 1988, Bob Dole est arrivé en deuxième position avec 19,2% des voix contre 67,1% pour Bush Sr.

Il a fallu attendre l’échec de sa réélection en 1992 pour enfin atteindre la candidature des républicains en 1996, dans un contexte très favorable aux républicains au Congrès (victoire en 1994 de la majorité à la Chambre des Représentants et au Sénat), mais bien trop âgé face à un jeune Président sortant de vingt-trois ans son cadet, Bill Clinton. Aux primaires républicaines de 1996, il a gagné avec 58,8% des voix face à Pat Buchanan 20,8% et Steve Forbes 11,4%. Il a fait appel à Colin Powell pour figurer sur son "ticket" mais après le refus du général, il a choisi Jack Kemp, autre candidat aux primaires. 8,5% de voix (plus de 8 millions de voix) ont séparé Bob Dole de Bill Clinton qui a bénéficié, comme en 1992, de la candidature de Ross Perot (1930-2019) qui a obtenu 18,9% en 1992 et 8,4% en 1996.

La seconde femme de Bob Dole, Elizabeth Dole, fut également une femme politique passionnée, qui fut ministre de Ronald Reagan et de George H. W. Bush avant d’être élue sénatrice de Caroline du Sud. Elle était populaire en 2000 et a voulu se présenter aux primaires républicaines (mais elle manquait de moyens financiers), puis elle a fait partie des candidats potentiels à la Vice-Présidence dans les tickets avec George W. Bush en 2000 et John MacCain en 2008.

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Malgré son état déjà très faible, Bob Dole, depuis longtemps en fauteuil roulant, s’est levé pour rendre hommage à George H. W. Bush le 4 décembre 2018 au Capitole, l’ancien Président qui venait de disparaître et qu’il considérait aussi comme son compagnon de guerre, tous les deux vétérans de la Seconde Guerre mondiale. Capitaine, Bob Dole fut promu colonel de l’armée américaine le 8 octobre 2019 : « J’ai eu une belle vie, et c’est en quelque sorte la cerise sur le gâteau. Ce n’est pas que je dois être colonel ; j’étais heureux d’être capitaine et ça paie pareil ! ». Parmi les ouvrages qu’il a publiés, un classement des Présidents des États-Unis ayant le plus d’humour, dont lui-même ne manquait pas. Cette légende politique aurait certainement bien voulu y figurer.

Dans les années 2000, Bob Dole fut opéré de la prostate pour un cancer et ayant eu des dysfonctionnements de l’érection, il a fait la publicité du Viagra (il a fait aussi la promotion de Pepsi). En février 2021, il a annoncé un cancer des poumons qui l’a finalement tué dans son sommeil le dimanche 5 décembre 2021 au matin. Nul doute que dans les prochaines jours, il sera honoré par toute la classe politique américaine.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (05 décembre 2021)
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Pour aller plus loin :
Bob Dole a 95 ans.
Bob Dole.
John Glenn.
Joséphine Baker.
Gary Hart.
Les attentats du World Trade Center.
Shailene Woodley.
Charles Bronson.
Adrian Monk.
Noël à la télévision : surenchère de nunucheries américaines.
Colin Powell.
Jesse Jackson.
Walter Mondale.
Marathonman.
Bob Kennedy.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211205-bob-dole.html

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/bob-dole-le-candidat-permanent-237725

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27 novembre 2021 6 27 /11 /novembre /2021 03:14

« J’ai vu les journalistes devenir des bêtes, littéralement. » (Gary Hart évoquant la campagne de 1987 dans "The New York Times" du 22 mars 1998).



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L’ancien homme politique américain Gary Hart fête son 85e anniversaire ce dimanche 28 novembre 2021. Né dans le Kansas, cet avocat de Denver (dans le Colorado) a été élu deux fois sénateur du Colorado de 1975 à 1987 et il est surtout connu sur le plan international pour avoir été deux fois candidat à l’élection présidentielle et même, il était le grand favori de l’élection présidentielle de 1988.

En 1972, Gary Hart a été le directeur de campagne de George MacGovern aux primaires démocrates puis, après son succès, à l’élection présidentielle qu’il a perdue face à Richard Nixon. Il a ensuite battu le sénateur républicain sortant en novembre 1974 avec 57,2% des voix, et a été réélu de justesse en novembre 1980 avec 50,3% (contre 48,7% à sa concurrente républicaine : moins de 20 000 voix les séparaient). Au Sénat, Gary Hart a dirigé l’enquête concernant l’accident nucléaire de Three Mile Island.

À une époque peu propice aux démocrates, dans les années 1980, Gary Hart a créé la surprise chez les démocrates. Les primaires démocrates de 1984 se déroulaient à la fin du premier mandat du Président républicain Ronald Reagan fort populaire (1984, la Reaganmania avait traversé l’Atlantique et déteint sur Jaques Chirac mais aussi François Mitterrand !) et il était largement favori à sa réélection. L’ancien Président démocrate Jimmy Carter, battu en 1980, avait laissé son parti dans une absence durable de leaders.

Parmi les concurrents à ces primaires de 1984, trois candidats se sont détachés : l’ancien Vice-Président de Jimmy Carter, à savoir Walter Mondale qui avait le plus de légitimité et était présenté comme représentant de l’aile progressiste à un moment où les sociétés européennes et américaines avaient toutes basculées dans le néo-libéralisme (sauf la France !), le pasteur Jesse Jackson qui a fait une bonne campagne de représentation des minorités, et un homme politique "sorti de nulle part" qui a fait sensation par son charisme, Gary Hart. Le "sorti de nulle part" est une expression pas vraiment exacte car il était au Sénat depuis près d’une dizaine d’années, mais il n’avait pas à l’époque une forte notoriété. Parmi les autres concurrents, il y avait des "losers" comme John Glenn et George MacGovern dont la crédibilité était passée (leur temps était plutôt les années 1970).

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Gary Hart correspondait au portrait idéal d’un Président, ne serait-ce que par l’âge (autour de 50 ans), pas trop jeune mais aussi pas trop vieux, et l’âge était un élément important mis en avant en 1984 par les démocrates, car Ronald Reagan avait déjà 75 ans et sollicitait un second mandat (Joe Biden, à cet égard, a battu tous les records de vieillesse). Gary Hart a été soutenu par des personnalités comme Stephen King.

Parce qu’il se voulait le représentant des minorités, Jesse Jackson ne constituait pas la plus forte menace pour Walter Mondale, tandis que Gary Hart était l’élément perturbateur : non seulement il était plus jeune que lui (de seulement 8 ans quand même), mais Gary Hart proposait une politique démocrate plus recentrée, moins "gauchiste" (dans le sens français, donc moins "progressiste"). Il faut imaginer un équivalent du futur Tony Blair par exemple. Gary Hart voulait mobiliser la jeunesse américaine qui voyait dans la Silicon Valley l’avenir des États-Unis et qui avait été captée par le discours moderniste (économiquement) de Ronald Reagan.

Walter Mondale a gagné les primaires dans les États industriels du centre mais il n’avait pas encore la majorité des délégués lors de la Convention démocrate de San Francisco le 16 juillet 1984. Les résultats aux voix étaient serrés : la différence était de moins de 450 000 électeurs. Walter Mondale avait obtenu 6,95 millions de voix (38,3%) et Gary Hart 6,50 millions de voix (35,9%) tandis que Jesse Jackson 3,28 millions de voix (18,1%). Mais c’est le nombre de délégués qui comptait.

C’est seulement avec les super-délégués, c’est-à-dire, les représentants de l’appareil du parti dévoués à Walter Mondale, que ce dernier a obtenu 2 191 délégués, soit la majorité absolue (Gary Hart a eu 1 201 et Jesse Jackson 466). L’échec de Walter Mondale à l’élection a définitivement montré que l’aile progressiste des démocrates n’avait aucune chance aux élections générales (encore aujourd’hui, c’est la raison des échecs répétés de Bernie Sanders). Ronald Reagan, en outre, avait fait de son âge un atout pour rassurer les classes dirigeantes.

Après 1984, tout le monde estimait que Gary Hart serait le favori des élections suivantes, tant pour les démocrates que les élections générales pour la succession de Ronald Reagan. Il a même renoncé à se représenter au Sénat en novembre 1986 afin de se consacrer pleinement à sa campagne présidentielle. Sans forcément connaître le candidat républicain (George H. W. Bush et Bob Dole étaient les deux plus probables), ce dernier serait un sexagénaire bien passé, alors que Gary Hart pourrait incarner à la fois la jeunesse (une relative jeunesse de quinquagénaire) et l’expérience.

L’espoir des démocrates pour la Maison-Blanche était redevenu possible avec la victoire des démocrates au Sénat aux élections intermédiaires de novembre 1986 et l’Irangate qui plomberait la campagne des républicains. Mais encore fallait-il trouver le bon candidat.

Les primaires démocrates pour 1988 s’envisageaient donc de manière très simple : Gary Hart en favori, toujours Jesse Jackson mais sans espoir de les remporter, et d’autres personnalités ont renoncé à la candidature, en particulier le gouverneur très populaire de New York, Mario Cuomo, ou encore le sénateur Ted Kennedy, frère de John et Bob, qui n’a jamais pu réellement s’offrir un destin. D’autres personnalités quinquagénaires ou quadragénaires étaient aussi en piste, à tel point que certains journaux les appelaient les sept nains : le gouverneur du Massachusetts Michael Dukakis, le sénateur du Texas Lloyd Bentsen, le sénateur du Tennessee Al Gore, le député du Missouri Dick Gephardt, le sénateur de l’Illinois Paul Simon, l’ancien gouverneur de l’Arizona Bruce Babbitt …et un certain Joe Biden, sénateur du Delaware. C’était une nouvelle génération de leaders du parti démocrate qui allait émerger.

Gary Hart a annoncé officiellement sa candidature le 13 avril 1987. Il était le favori en 1987 car il avait créé la surprise en 1984 et la défaite de Walter Mondale a renforcé la justesse de son positionnement centriste. Son seul handicap était de taille : des rumeurs sur des relations extraconjugales (il aurait suivi par un détective privé en décembre 1986 en train d’aller chez une maîtresse). Comme toujours, c’est l’arrogance qui nuit aux politiques. Pour se défendre, Gary Hart a mis au défi les journalistes de trouver des preuves… et le 3 mai 1987, dans "The Miami Herald", le scandale a éclaté, selon lequel Donna Rice (qui n’avait pas encore été identifiée) avait eu une liaison extraconjugale avec Gary Hart la veille. Un autre article sur le sujet est sorti le même jour dans le "New York Times".

Lee Ludwig, qu’il a épousée en 1958 et qui l’avait toujours soutenu malgré ses écarts, est morte récemment, le 9 avril 2021 à 85 ans. Elle avait fait partie du dispositif de campagne de Gary Hart en 1984, s’affichant avec lui dans les meetings pour montrer la famille modèle, même si, avant même 1984, ils s’étaient séparés plusieurs fois (Lee avait même entamé une procédure de divorce) car Gary Hart ne s’occupait pas assez de sa famille.

Au départ, l’équipe de campagne de Gary Hart a négligé l’importance électorale du scandale car un sondage réalisé par Gallup pour "Newsweek" avait affirmé que 54% des sympathisants démocrates croyaient les démentis de Gary Hart et 44% expliquaient qu’ils s’en moquaient pour leur choix. 64% pensaient que Gary Hart avait été victime d’un mauvais traitement des médias, 70% désapprouvaient la surveillance de la vie privée du candidat par ces médias, et 53% estimaient que l’infidélité conjugale n’a rien à voir avec la capacité à gouverner.

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Mais en fait, c’était un véritable coup de massue médiatique et politique qui l’a fait suspendre la campagne le 8 mai 1987 pour préserver sa famille. Il est alors parti en Irlande avec son fils pour s’éloigner du scandale et il expliquait : « Seule une moitié de moi veut être Président. (…) L’autre moitié veut écrire des romans en Irlande. Mais les 50% qui veulent être Président sont bien plus importants que les 100% de l’autre moitié. ». Sa directrice de campagne Patricia Schroeder s’est en tout cas lancée dans la course des primaires, puis s’est finalement ravisée et retirée le 28 septembre 1987.

Gary Hart a étonné tout le monde en persévérant et en reprenant finalement sa campagne le 14 décembre 1987 (« Laissons le peuple décider. »), la menant à nouveau en tête dans les sondages avant de définitivement abandonner le 11 mars 1988, après des échecs successifs aux primaires dans les premiers États et au Super Tuesday du 8 mars 1988 (seulement 5% des voix). Finalement, Michael Dukakis fut désigné le candidat démocrate avec Lloyd Bentsen comme Vice-Président et Georges H. W. Bush a gagné.

Le film "Front Runner : le scandale" de Jason Reitman (sorti le 21 novembre 2018) évoque cet épisode de la vie politique américaine, film que je n’ai pas vu mais qui, selon les critiques, a bien traduit le climat politique et le lâchage sinon le lynchage des médias.

Quatre ans plus tard, c’est un obscur jeune gouverneur de l’Arkansas Bill Clinton qui est sorti du lot, une sorte de Gary Hart bis, et qui fut élu et réélu Président des États-Unis, et très étrangement, il a également été au centre d’un scandale de relations extraconjugales qui a failli lui coûter la Maison-Blanche.

À la fin de l’année 2002, Gary Hart a sondé pour voir la faisabilité d’une nouvelle candidature présidentielle, il a lancé un blog au printemps 2003, mais finalement, il a soutenu la candidature de John Kerry. En cas de victoire, John Kerry l’aurait nommé Ministre de la Défense ou Ministre de la Sécurité intérieure selon le "National Journal" du 23 octobre 2004. Entre 2005 et 2007, il s’est souvent opposé au Vice-Président Dick Cheney qu’il soupçonnait de vouloir déclarer la guerre en Iran.

Après l’amère expérience politique de 1988, Gary Hart a rebondi en reprenant ses activités d’avocat puis comme  journaliste et universitaire (il a soutenu une thèse de doctorat de sciences politiques en 2001 à l’Université d’Oxford sur le rétablissement de la république, et fut nommé professeur de l’Université du Colorado à Denver en 2006), commentant régulièrement la vie politique dans les médias et surtout, publiant plus d’une vingtaine d’ouvrages (dont une biographie du Président John Monroe en 2005), aussi des romans (sous pseudonyme). Là encore, il est amusant d’observer que Bill Clinton a également publié récemment un roman.

Par ailleurs, en 1998, il fut chargé par Bill Clinton d’étudier la sécurité intérieure des États-Unis. Gary Hart a prononcé un discours le 4 septembre 2001, une semaine avant les attentats du World Trade Center, où il annonçait que d’ici aux vingt-cinq prochaines années, il y aurait un attentat terroriste qui feraient beaucoup de morts sur le territoire national. Le 6 septembre 2001, il a rencontré la conseillère de la Maison-Blanche à la sécurité nationale Condoleezza Rice pour lui dire : « Vous devez rapidement renforcer la sécurité intérieure. Un attentat va se produire. ». Il a beaucoup critiqué George W. Bush pour ne pas avoir écouté ces avertissements. Sous la Présidence de Barack Obama, Gary Hart a repris des fonctions officielles. Il a été vice-président du Comité consultatif de sécurité intérieure du 5 juin 2009 au 8 février 2011, puis il fut l’envoyé spécial des États-Unis en Irlande du Nord du 21 octobre 2014 au 20 janvier 2017.

Ce n’est pas le premier ni le dernière présidentiable qui a gâché sa carrière politique avec ses mœurs. Il faut bien rappeler qu’il n’y avait rien d’illégal à entretenir une relation extraconjugale si c’était avéré, mais que c’était immoral pour la majeure partie de l’électorat. En France aussi, on a eu des candidats qui ont été plombé par leurs relations affectives. On peut évidemment penser à Dominique Strauss-Kahn, mais bien avant l’époque de MeToo, la candidature de Jacques Chaban-Delmas avait elle aussi été plombée par une affaire fiscale, qui n’avait rien d’illégal, et aussi par le simple fait d’avoir été divorcé, veuf et remarié (certains d’ailleurs ne supportaient pas le bonheur trop voyant de Jacques Chaban-Delmas et de Micheline). L’Amérique a sans doute perdu l’occasion d’un grand Président pour un détail somme toute mineur.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (27  novembre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Gary Hart.
Les attentats du World Trade Center.
Shailene Woodley.
Charles Bronson.
Adrian Monk.
Noël à la télévision : surenchère de nunucheries américaines.
Colin Powell.
Jesse Jackson.
Walter Mondale.
Marathonman.
Bob Kennedy.

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18 octobre 2021 1 18 /10 /octobre /2021 17:48

« Il ne fait aucun doute que Saddam Hussein possède des armes biologiques et la capacité de produire rapidement plus, beaucoup plus. » (Colin Powell, le 5 février 2003 à New York).



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L’ancien chef de la diplomatie américaine, le général Colin Powell vient de mourir ce lundi 18 octobre 2021 à l’âge de 84 ans (né le 5 avril 1937 à New York) dans un hôpital près de Washington, des suites du covid-19. Il était pourtant vacciné avec deux doses, mais était atteint par un cancer qui s’en prenait à son système immunitaire. Il a eu moins de chance qu’un autre.

Sa mort rappelle sa brillante carrière de militaire mais, hélas, sa postérité sera rude pour un tel général, il s’en doutait, car inévitablement marquée par son discours mensonger du 5 février 2003 devant le Conseil de Sécurité de l’ONU afin de justifier l’entrée en guerre des États-Unis contre l’Irak de Saddam Hussein.

Le plus ridicule (difficile de dire "comique" quand des centaines de milliers de personnes sont mortes pour cette raison) fut lorsqu’il a montré ostensiblement une petite fiole en prétendant que qu’elle contenait de l’anthrax. Non seulement c’était faux, mais cela aurait été vrai que cela aurait été complètement irresponsable et dangereux de sa part de l’avoir apportée et manipulée devant des dizaines voire des centaines de personnes !

Revenons à sa brillante carrière de militaire. Il s’est engagé à l’armée le 9 juin 1958 et son aptitude à commander avait déjà été décelée par sa hiérarchie.

L’une de ses premières missions d’officier (il était alors capitaine) fut d’avoir été envoyé en juin 1962 par le Président John Kennedy au Vietnam où il a été blessé. Il y est retourné en 1968-1969. Au Vietnam, il a fait preuve de courage et bravoure qui lui a valu plusieurs décorations, il a aussi beaucoup soutenu le mouvement des droits civiques de Martin Luther King.

Néanmoins, il fut chargé en particulier d’enquêter sur le massacre de My Lai du 16 mars 1968 (entre 350 et 500 villageois vietnamiens massacrés par des soldats américains) pour occulter la vérité (il était déjà un spécialiste du fait). Son rapport en effet concluait : « Dans la réfutation de cette représentation, (…) les relations entre les soldats de l’Americal Division [23e division d’infanterie] et le peuple vietnamien sont excellentes. ». Beaucoup plus tard, en mai 2004 à CNN, il confia : « J’étais dans une unité qui était responsable de My Lai. Je suis arrivé après que My Lai soit arrivé. Alors, dans la guerre, ces sortes de choses horribles se produisent de temps en temps, mais elles doivent être déplorées. ».

Après des études pour obtenir un MBA en 1971, Colin Powell a poursuivi sa carrière avec certaines missions sur le terrain, colonel le 11er février 1976 et général le 4 avril 1989. Mais avant d’être général, Colin Powell a mis le pied dans la vie politique en étant nommé le conseiller à la sécurité nationale du Président Ronald Reagan avec qui il s’est beaucoup entendu. C’était un poste très important puisqu’il présidait le conseil de la sécurité nationale du pays, de 1987 à 1989. À cette occasion, il a gardé une fidélité et loyauté au parti républicain soutenant la philosophie de se prendre en main et de ne rien d’attendre des autres, un message qui devrait être suivi, selon lui, par les plus pauvres.

Son "bâton de maréchal", Colin Powell l’a reçu en étant nommé par le Président George H. W. Bush (père) chef d’état-major des armées des États-Unis du 1er octobre 1989 au 30 septembre 1993, à une période clef de l’histoire militaire américaine puisqu’il a supervisé la première guerre du Golfe du 2 août 1990 au 28 février 1991. Il a donc attaqué l’armée irakienne de Saddam Hussein pour libérer le Koweït que le dictateur avait voulu annexer. Auparavant, il a également supervisé l’intervention militaire contre le général Manuel Noriega au Panama le 20 décembre 1989 (qui coûta la vie à des milliers de civils et qui provoqua de vives protestations de la "communauté internationale").

Auréolé de la victoire militaire sur l’Irak, Colin Powell était devenu un "présidentiable" très sérieux pour de nombreux observateurs de la vie politique américaine, après l’échec de George H. W. Bush en novembre 1992. Il aurait pu être le candidat des républicains en 1996 face au Président sortant Bill Clinton. Le candidat investi des républicains Bob Dole lui a proposé d’être son Vice-Président mais il a refusé. En revanche, il n’a pas refusé la proposition du Président suivant, George W. Bush (fils), élu de justesse en novembre 2000. Colin Powell fut nommé Secrétaire d’État, autrement dit, le Ministre américain des Affaires étrangères (et numéro deux du gouvernement) du 20 janvier 2001 au 26 janvier 2005.

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C’était une bonne idée de Bush fils qui tentait de reprendre des hommes d’expérience d’une autorité et d’une compétence indiscutables. Colin Powell était un excellent militaire et connaissait bien la vie politique et les relations internationales, il était donc tout indiqué pour ce poste très exposé. Peut-être trop exposé.

Dans la préparation psychologique de la guerre contre l’Irak, les États-unis ont cherché par tous les moyens de prouver que Saddam Hussein cachait des armes de destruction massive, et cela avec des dossiers de services de renseignement bidons et des fakes, comme on dit aujourd’hui.

Le point d’orgue fut sa déclaration devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies le 5 février 2003, avec la présence à ses côtés du directeur général de la CIA. C’est le principal collaborateur du Vice-Président Dick Cheney qui a rédigé le discours et Colin Powell l’a lu à l’ONU avec beaucoup de réticence, pressentant bien que c’était du bidonnage (en association aussi avec les services de renseignement du Royaume-Uni). Il a mis sa réputation morale en jeu et il l’a considérablement perdue.

Répondant en quelque sorte à ce discours belliqueux, le Ministre français des Affaires étrangères Dominique de Villepin, par son discours du 14 février 2003, a été l’honneur de la France et de l’Europe (l’aventure du discours a été retracée dans la bande dessinée et le film "Quai d’Orsay"). Devant le même Conseil de Sécurité de l’ONU, il déclara : « N’oublions pas qu’après avoir gagné la guerre, il faut construire la paix. Et ne nous voilons pas la face : cela sera long et difficile, car il faudra préserver l’unité de l’Irak, rétablir de manière durable la stabilité dans un pays et une région durement affectés par l’intrusion de la force. ».

Puis, s’en prenant directement à Colin Powell : « Il y a dix jours, le Secrétaire d’État américain, M. Powell, a évoqué des liens supposé entre Al-Qaida et le régime de Bagdad. En l’état actuel de nos recherches et informations menées en liaison avec nos alliés, rien ne nous permet d’établir de tels liens. En revanche, nous devons prendre la mesure de l’impact qu’aurait sur ce plan une action militaire contestée actuellement. Une telle intervention ne risquerait-elle pas d’aggraver les fractures entre les sociétés, entre les cultures, entre les peuples, fractures dont se nourrit le terrorisme ? ».

À l’occasion de la sortie en France de ses mémoires ("J’ai eu de la chance", éd. Odile Jacob), Colin Powell a répondu à Washington aux questions de Vincent Jauvert pour "Le Nouvel Obs" du 1er mars 2013 : « Depuis que j’ai découvert qu’un grand nombre d’informations que l’on m’avait fournies étaient inexactes, je ne cesse de me demander : qu’aurais-je dû faire pour éviter cela ? (…) Ce n’était pas un mensonge délibéré de ma part. Je croyais à ce que je disais. Tout le monde, le Président, les membres du gouvernement et le Congrès y croyaient. Le Président m’a choisi parce que j’étais le plus crédible vis-à-vis de la communauté internationale, mais encore une fois, je ne faisais que transmettre ce que les seize agences de renseignement disaient. (…) [On avait dit] que Saddam Hussein avait des centaines de tonnes d’armes chimiques (…) alors qu’il n’en possédait pas un gramme ! ».

La vraie question restera : a-t-il été incompétent (n’a pas vérifié par lui-même les sources des informations qu’il annonçait personnellement) ou a-t-il été manipulé (ce qui n’est pas un signe de grande gouvernance) ? Il a eu au moins la décence de dire très tôt qu’il s’était trompé et qu’il avait trompé ses interlocuteurs. Et précisons manipulé par qui : par le Vice-Président Dick Cheney et son ancien mentor, le Secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld, qui est mort il y a quelques mois.

Ayant souffert de cette "tache" indélébile de son action et probablement du fait qu’on l’ait ainsi manipulé, Colin Powell a prévenu George W. Bush qu’il ne voudrait plus continuer à occuper sa fonction pour son (éventuel) second mandat.  Probablement parce qu’il s’est senti trahi par les caciques du parti républicain, Colin Powell s’est senti libéré et a apporté son soutien, in extremis, à Barack Obama en 2008, puis en 2012, enfin, il a soutenu en 2020 la candidature d’un autre futur Président démocrate, Joe Biden.

L’entretien avec "Le Nouvel Obs" au début du second mandat de Barack Obama est très intéressant, au-delà de son témoignage sur la guerre en Irak. Deux éléments sont instructifs.

Le premier, c’est son diagnostic que la situation internationale en 2013 (évidemment, avec Daech, cette considération a considérablement changé la face du monde) : « Notre situation internationale est celle-ci : depuis la fin de l’URSS, il n’y a plus de puissance équivalente à la nôtre qui veuille nous attaquer. Les deux seules nations ayant la population et le potentiel économique de rivaliser avec les États-Unis sont la Chine et l’Inde. Mais aucun des deux États n’a la moindre intention d’être notre ennemi. (…) Les Chinois possèdent 2 000 milliards de notre dette ! Comment voudraient-ils faire exploser tout cela ? Ils vont moderniser leur armée, tout faire pour protéger les îles qu’ils considèrent être les leurs, mais ils n’ont aucun intérêt à devenir notre ennemi. ».

À cet égard l’étonnement amusé arrive lorsque Colin Powell évoquait l’Iran. En privilégiant l’option diplomatique, il prenait des accents villepiniens : « Je suis un vieux soldat qui a vu ce que la politique d’endiguement et la dissuasion peuvent accomplir. (…) Je continue de penser que, même dans le cas de l’Iran, la dissuasion marche. ».

Le second, enfin, est plus personnel, une sorte de testament personnel, c’était ce qu’il voudrait qu’on retienne de lui. Bien sûr, ce ne sera pas ce qu’il souhaite, qu’il a bien servi son pays et qu’il a préparé des traités qui ont fait détruire de grandes quantités d’ogives nucléaires. Ce ne sera pas cela car il était très lucide : « Malheureusement, on n’oubliera pas le discours à l’ONU, qui occupera une grande place dans ma nécrologie… ». Il aurait pu être un nouvel Einsenhower. Il n'a été que lui-même.

Au moins, l’ONU était en 2003 le cœur de la communauté internationale, le lieu central du débat diplomatique. Et c’est la responsabilité de tous les acteurs d’aujourd’hui pour que cela le redevienne…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (18 octobre 2021)
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Pour aller plus loin :
Colin Powell.
Jesse Jackson.
Walter Mondale.
Marathonman.
Bob Kennedy.

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7 octobre 2021 4 07 /10 /octobre /2021 03:38

« Nous sommes réunis cette après-midi pour honorer un grand ami de la France, de notre République, quelqu’un qui jouit dans notre pays d’une très grande affection et d’une rare popularité, et pas simplement dans notre pays, un homme visionnaire qui, par son talent, a rassemblé et entraîné, et par son courage moral et physique maintes fois éprouvé, a contribué à changer le destin de l’Amérique, notre plus vieil allié, et en vérité, a orienté le cours du monde vers le meilleur. Cher révérend Jesse Jackson, c’est une longue marche que la vôtre vers l’émancipation et la justice. » (Emmanuel Macron, le 19 juillet 2021).



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The Great Unifier, c’est ainsi qu’il est appelé par certains de ses amis. Le pasteur Jesse Jackson fête son 80e anniversaire ce vendredi 8 octobre 2021. Proche de Martin Luther King, son mentor et ami, dont il a continué la lutte pour les droits civiques des minorités aux États-Unis, Jesse Jackson a été reçu en grandes pompes par le Président Emmanuel Macron au Palais de l’Élysée le 19 juillet 2021… sans beaucoup de distanciation physique.

C’était une sorte d’hommage rendu par la France à un homme qui l’a beaucoup aimée et qui a contribué aussi à faire vivre dans le monde notre devise. Emmanuel Macron lui a remis les insignes de commandeur de la Légion d’honneur.

Il est considéré comme "La conscience de la nation", mais la popularité de Jesse Jackson s’étend bien au-delà des frontières américaines. La preuve, c’est la joie de nombreux Français de le recevoir chez eux. Il est désormais devenu une légende.

Ce jour-là, le Président français s’est adressé à un homme très grand, très souriant mais qui semblait épuisé, malade (il l’est), aux gestes un peu hésitants (par la maladie) : « Notre amitié et notre alliance, cher Jesse Jackson, vont au-delà des héritages historiques. Les valeurs pour lesquelles vous vous êtes battu et continuez à vous battre sont tout simplement les mêmes valeurs que celles de la République française. Vous n’êtes pas simplement notre ami et notre allié, vous êtes notre frère. (…) Comme votre ami Nelson Mandela qui a théorisé la nation arc-en-ciel, le monde auquel vous aspirez est un monde égal et juste où les injustices historiques sont rectifiées et les injustices du présent corrigées. C’est aussi un monde sans préjugés, sans barrières artificielles, sans séparations, un monde où notre bien le plus précieux est notre espace commun pour vivre ensemble, pour décider ensemble, pour assumer nos responsabilités ensemble, dans le respect de notre diversité, mais avec le souci constant du bien commun. ».

On pourrait croire qu’entre grands de ce monde, et même s’il n’a jamais été au pouvoir, Jesse Jackson, par sa trajectoire (qui est loin d’être celle d’un saint, elle est celle d’un homme parfois en colère avec ses failles et ses excès), par son symbole, peut être considéré comme un grand de ce monde, on pourrait croire, donc, qu’on se refile les médailles et les décorations entre soi.

Il y a toutefois quelques petits faits qui ont rendu la France très reconnaissante de l’action de Jesse Jackson. Ainsi, au moment de la première guerre du Golfe, il a négocié avec Saddam Hussein pour la libération d’otages français au Koweït qui lui doivent leur libération.





Il s’agissait de 262 otages français qui ont été retenus au Koweït et en Irak par Saddam Hussein à partir du début du mois d’août 1990. Un article de l’Encyclopaedia Universalis précise que le 22 octobre 1990 à Bagdad, Saddam Hussein a proposé au Parlement irakien la libération des otages français, proposition votée à l’unanimité des 240 députés irakiens présents le lendemain. La France a protesté en réclamant la libération de tous les otages étrangers, pas seulement ceux de la France.

Le 30 octobre 1990 peu après minuit, les otages français ont atterri à Roissy. Deux jours auparavant, en marge du Conseil Européen de Rome, le 28 octobre 1990, « François Mitterrand dément qu’un émissaire ait négocié le départ des otages français. ». D’après Emmanuel Macron, il y avait donc bien un émissaire, et il s’appelait Jesse Jackson, mandaté par le gouvernement américain.

Au-delà des associations qu’il a créées (notamment PUSH, people united to serve humanity en 1971, et Rainbow Coalition en 1984) pour lutter en faveur des droits civiques, Jesse Jackson a acquis une célébrité internationale avec ses ambitions présidentielles. En effet, il fut deux fois candidat aux primaires du parti démocrate pour les élections présidentielles de 1984 et de 1988. Certes, il n’a pas gagné, mais il aurait pu être en mesure de gagner, il était un candidat sérieux (placé à l’aile progressiste du parti démocrate) dont la candidature a entraîné l’inscription de millions de personnes sur les listes électorales.

Aux primaires démocrates de 1984, Jesse Jackson a fait une très bonne campagne et a été soutenu le maire de Washington DC Marion Barry, par l’ancien gouverneur d’Arkansas Orval Faubus, et aussi par le champion de boxe Mohammed Ali. Il a remporté plusieurs États du Sud (Caroline du Sud d’où il est originaire, Virginie, Louisiane, Mississippi). Jesse Jackson a obtenu 3,3 millions de voix, soit 18,1%, et 358 délégués, derrière Walter Mondale (7,0 millions de voix, soit 38,3%, et 1 929 délégués) et Gary Hart (6,5 millions de voix, soit 35,9%, et 1 164 délégués).

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À la convention démocrate de San Francisco le 16 juillet 1984, il a recueilli 465 mandats sur 3 882 mandats au total, derrière Walter Mondale (2 191 mandats) et Gary Hart (1 200 voix). C’était loin d’être ridicule. À cette convention, George MacGovern a recueilli 4 mandats, John Glenn 2 mandats et Joe Biden 1 mandat !

Aux primaires démocrates de 1988, Jesse Jackson a bénéficié d’une plus grande notoriété que lors des précédentes primaires et aussi du vide politique au parti démocrate après deux mandats de Ronald Reagan et la mise hors-jeu du candidat favori démocrate Gary Hart. Ainsi, Jesse Jackson a nettement progressé avec 6,9 millions de voix, soit 29,3%, et 1 023 délégués, arrivé en deuxième position, derrière Michael Dukakis (10,0 millions de voix, soit 42,4%, et 1 792 délégués) mais devant Al Gore (3,2 millions de voix, soit 13,5%, et 374 délégués), Dick Gephardt (1,5 million de voix, soit 6,1%, et 137délégués) et Paul Simon (1,1 million de voix, soit 4,7%, et 161 délégués).

À la convention démocrate d’Atlanta le 18 juillet 1988, Jesse Jackson a recueilli 1 219 mandats sur 4 105, derrière Michael Dukakis (2 877 mandats). Parmi les dispersions de voix : Joe Biden et Dick Gephardt avaient chacun 2 mandats, Lloyd Bentsen et Gary Hart 1 seul mandat. Arrivé en numéro deux, Jesse Jackson a revendiqué d’être le candidat à la Vice-Présidence des États-Unis mais Michael Dukakis le lui a refusé au profit de Lloyd Bentsen, afin de conforter le vote démocrate au Texas dont ce dernier était sénateur (le Texas est un grand Étant en nombre de délégués).

Shirley Chisholm ("représentante", c’est-à-dire députée fédérale) a certes été la première candidate dite "afro-américaine" à des primaires démocrates, en 1972, mais elle s’était présentée seulement pour le symbole (femme et couleur de peau), sans autre ambition que de se faire entendre (elle a obtenu un score "symbolique", 430 703 voix, soit 2,7% et a obtenu 152 mandats sur 3 014 à la convention démocrate de Miami Beach le 19 juillet 1972). Mais Jesse Jackson a été le premier candidat "afro-américain" solide, capable de concourir sérieusement.

Ses deux candidatures ont ouvert la voie à d’autres et lorsque Jesse Jackson a appris en 2008 l’élection de Barack Obama, il en a pleuré, se rappelant quarante ans de combats depuis l’assassinat de Martin Luther King. Auparavant, le Président Bill Clinton l’a récompensé le 3 août 2000 du plus grand honneur, la Médaille présidentielle de la Liberté.

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Quelques semaines après sa venue à Paris, le révérend Jesse Jackson a attrapé le covid-19. Il s’était pourtant fait vacciner en janvier 2021 devant les caméras pour inciter ses compatriotes à faire de même. On ne répétera jamais assez qu’un vaccin n’est jamais 100% efficace. Jesse Jackson a été hospitalisé le 21 août 2021 au Northwestern Memorial Hospital de Chicago (en même temps que sa femme Jacqueline, tous les deux en soins intensifs).

Le 4 septembre 2021, Jacqueline Jackson a quitté l’hôpital tandis que Jesse Jackson est resté en convalescence avec des soins spécifiques car le virus a aggravé les symptômes de sa maladie de Parkinson qui a été diagnostiquée il y a quatre ans. Probablement que le vaccin a empêché d’autres complications encore plus graves.

Avec son anniversaire, je lui souhaite donc également un rapide rétablissement après cette épreuve douloureuse. Qu’il tienne bon et ne lâche rien ! Happy birthday !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (03 octobre 2021)
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Pour aller plus loin :
Jesse Jackson.
Jimmy Carter.
Spiro Agnew.
Bill Clinton.
Jeff Bezos.
L’exploit de Blue Origin, la fabrique du tourisme spatial écolo-compatible.
John Glenn.
George W. Bush (fils).
Il y a 20 ans : George W. Bush vs Al Gore.
George H. W. Bush (père).
Donald Rumsfeld.
Louis Armstrong.
Jim Morrison.
Ella Fitzgerald.
Michael Collins.
George Floyd : la vie d’un homme, l’honneur d’un pays.
Décollage vers l'ISS.
Deux faces des États-Unis : George Floyd et SpaceX.
Walter Mondale.
Covid-19 : Donald Trump, marathonman.
Bob Kennedy.

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https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/jesse-jackson-le-grand-unificateur-236284

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1 octobre 2021 5 01 /10 /octobre /2021 03:50

« Le lien qui nous lie à notre humanité commune est plus fort que ce qui nous divise par nos peurs et nos préjugés. Dieu nous donne la capacité à choisir. Nous pouvons choisir de soulager la souffrance. Nous pouvons choisir de travailler ensemble pour la paix. Nous pouvons apporter ces changements, et nous le devons. » (Jimmy Carter, le 10 décembre 2002 à Oslo).



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L’ancien Président des États-Unis Jimmy Carter fête son 97e anniversaire ce vendredi 1er octobre 2021. Il est à ce jour non seulement le plus ancien des Présidents américains encore en vie (il a quitté la Maison-Blanche le 20 janvier 1981, soit il y a plus de quarante ans) mais celui de tous les Présidents américains qui a vécu le plus longtemps.

Jimmy Carter est surtout le survivant des dirigeants politiques de toute une époque, celle des années 1970, avec ses homologues Leonid Brejnev, Margaret Thatcher (à la fin du mandat), Valéry Giscard d’Estaing, Helmut Schmidt, etc. Son nom même ne rajeunit pas ceux qui, à l’époque, suivaient déjà l’actualité.

Malgré ces temps anciens qu’on peut croire révolus, Jimmy avait très bien compris les difficultés à venir, la perte de confiance du peuple dans les institutions publiques qu’il avait appréhendée dès le 15 juillet 1979 au cours d’une déclaration à la télévision : « Notre peuple perd cette confiance à l’égard du gouvernement, il perd aussi sa confiance en lui, pour ce qui concerne sa propre capacité à rester maître de notre démocratie. (…) Au moment où nous perdons notre confiance en l’avenir, nous commençons également à fermer la porte à notre histoire. (…) L’identité humaine n’est plus définie par ce que l’on fait, mais par ce que l’on possède. Cependant, nous avons découvert que posséder des choses et consommer ne satisfait pas notre désir de sens. Nous avons appris que l’accumulation de biens matériels ne peut combler le vide d’existences sans confiance ni but. ».





Jimmy Carter a échoué dans sa réélection en novembre 1980 à cause de facteurs extérieurs assez déplorables : l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS qui montrait que le dialogue avec les Soviétiques était vain, et sa conséquence, le boycott des américains et de leurs alliés aux Jeux olympiques de Moscou en 1980, le second choc pétrolier… Et surtout, ce qui a humilié pendant plus un an la puissance américaine, la prise des otages américains à Téhéran avec une opération militaire qui a lamentablement échoué. Jimmy Carter a reconnu en août 2015 qu’il aurait dû mettre plus de moyens dans cette intervention : « Je regrette de ne pas avoir envoyé un hélicoptère de plus pour récupérer les otages. Nous les aurions sauvés et j’aurais été réélu. ».

Pourtant, l’histoire jugera peut-être avec plus de clémence que ses électeurs la Présidence de Jimmy Carter qui a fait beaucoup avancer la paix, en particulier avec la signature des accords SALT II, la rétrocession du canal de Panama, et surtout les Accords de Camp David.

Après son échec électoral (battu par Ronald Reagan qui a justement redonné confiance au peuple américain), Jimmy Carter s’est consacré à des œuvres de développement et de pacification. C’était pour toutes ses actions qu’il a reçu le Prix Nobel de la Paix le 11 octobre 2002. À la cérémonie de réception à Oslo, le 10 décembre 2002, Jimmy Carter a voulu définir des "standards internationaux" comme : « l’abolition des mines antipersonnelles et des armes chimiques ; la fin des essais, de la prolifération et du déploiement des armes nucléaires ; les conséquences du réchauffement climatique ; l’abolition de la peine de mort, au moins pour les enfants ; et un tribunal pénal international pour décourager et punir les crimes de guerre et les génocides ». Encore en 2014, il a consacré un livre sur la violence faite aux femmes.

Son indépendance d’esprit lui permettait de critiquer ses successeurs également démocrates, comme Barack Obama, pour contester l’utilisation de drones pour tuer des supposés terroristes (lire à ce sujet l’excellent roman suédois "Trois minutes" d’Anders Roslund et Börge Hellström, sorti en 2016), le programme de surveillance généralisée, la prison de Guantanamo qu’il n’a pas démantelée, etc. Et ce fut la même indépendance d’esprit qui l’a poussé à dire que Donald Trump mériterait un Prix Nobel de la Paix s’il parvenait à un traité de paix avec la Corée du Nord.

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Il y a six ans, Jimmy Carter a annoncé qu’il était malade, un cancer au cerveau dont il a pu guérir quelques mois plus tard. En octobre 2019, lors des nouvelles primaires démocrates, Jimmy Carter mettait en garde les candidats âgés (comme Bernie Sanders et Joe Biden) en disant qu’il était difficile de diriger un pays à 80 ans (il a connu les deux !), et a mis ses espoirs dans la jeunesse, notamment les deux candidats démocrates qu’il a rencontrés, Pete Buttigieg, maire de South Bend (dans l’Indiana) et la sénatrice du Minnesota, Amy Kobuchar, proche de Walter Mondale, qui fut son Vice-Présdent (originaire du Minnesota). Même s’il a finalement salué la victoire de Joe Biden qu’il a connu pendant sa Présidence, le rêve de Jimmy Carter reste de voir avant de partir une femme à la Maison-Blanche. Peut-être Kamala Harris, la première Vice-Présidente femme ?

Jimmy Carter est avant tout un sage et un idéaliste, qui sait qu’on n’améliore le monde qu’avec des actions simples et concrètes. Un exemple : à partir de 1989, sa fondation a ainsi contribué, avec l’UNICEF, l’OMS et d’autres organisations, à quasiment éradiquer la maladie du ver de Guinée (dracunculose), une infection due à un parasite provenant des eaux stagnantes, qui avait fait 3,5 millions de victimes en 1986 dans vingt et un pays et qui a été réduit à seulement 28 cas en 2018, 54 cas en 2019, 27 cas en 2020 et 5 cas entre janvier et mai 2021 (en 1947, il y avait près de 50 millions de cas et en 1976, 10 millions de cas, selon l’OMS).

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Ainsi, le 8 février 2007, malgré son âge (82 ans), Jimmy Carter s’est déplacé à l’hôpital de Savelugu, dans le nord du Ghana, pour rencontrer des enfants victimes de cette infection. Un exemple parmi plein d’autres qui a fait de lui l’un des Présidents américains les plus humains de l’histoire. Et des plus dynamiques…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (26 septembre 2021)
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Pour aller plus loin :
Jimmy Carter a 90 ans.
Jimmy Carter.
Spiro Agnew.
Bill Clinton.
Jeff Bezos.
L’exploit de Blue Origin, la fabrique du tourisme spatial écolo-compatible.
John Glenn.
George W. Bush (fils).
Il y a 20 ans : George W. Bush vs Al Gore.
George H. W. Bush (père).
Donald Rumsfeld.
Louis Armstrong.
Jim Morrison.
Ella Fitzgerald.
Michael Collins.
George Floyd : la vie d’un homme, l’honneur d’un pays.
Décollage vers l'ISS.
Deux faces des États-Unis : George Floyd et SpaceX.
Walter Mondale.
Covid-19 : Donald Trump, marathonman.
Bob Kennedy.

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17 septembre 2021 5 17 /09 /septembre /2021 03:22

« Un esprit de masochisme national prévaut, encouragé par une corporation décadente de snobs impudents qui se définissent eux-mêmes comme des intellectuels. » (Spiro Agnew, le 20 octobre 1969 dans le "New York Times" pour dénoncer la manifestation du Moratorium Day contre la guerre du Vietnam).



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Entre l’innovateur territorial et le gaffeur corrompu. L’ancien Vice-Président des États-Unis Spiro Agnew est mort il y a vingt-cinq ans, le 17 septembre 1996, à Berlin, pas la capitale allemande mais la ville du Maryland. Il avait 77 ans, né le 9 novembre 1918. Son nom a été synonyme de magouilles, de corruption et d’affairisme et sa postérité s’arrête surtout sur le fait qu’il a été le second Vice-Président à avoir dû donner sa démission en cours de mandat et le premier pour des raisons de scandale financier. C’était le 10 octobre 1973.

Précisons qu’un Vice-Président aux États-Unis n’est pas comme le Premier Ministre en France. Il est élu en même temps que le Président des États-Unis (ils forment ce qu’on appelle un "ticket") alors qu’en France, le Premier Ministre, bien que responsable devant le Parlement, n’est que nommé par le Président de la République dans sa totale puissance et sa légitimité émane de lui et pas du peuple.

Fils unique d’un restaurateur venu du Péloponnèse aux États-Unis en 1897 (à l’âge de 21 ans) et qui a connu la pauvreté dans les années 1930, Spiro Agnew a servi dans l’armée comme commandant d’une compagnie de la 10e Division blindée en 1942 sur le sol européen et il a fait une année de plus pour la guerre de Corée, selon le livre de Frank F. White Jr. ("The Governors of Maryland 1777-1970", 1970).

Avocat spécialisé dans le droit social et homme d’affaires, il s’est engagé au parti républicain, dans son aile centriste et progressiste. D’ailleurs, il s’est implanté électoralement dans l’État du Maryland, où il est né (à Baltimore), dont la sociologie était plutôt de tendance démocrate (un État qui a compté trente et un gouverneurs démocrates à ce jour). Spiro Agnew était donc un réformateur, républicain apprécié des démocrates (le genre de tendance aujourd’hui introuvable au sein du parti républicain où le Tea Party fait maintenant figure d’aile modérée face à Donald Trump). Côté obscur : le Maryland était un État fortement corrompu, où régnait la collusion entre la politique et le crime pendant des décennies (années 1950 à années 1970).

Après quatre ans d’implantation locale à Baltimore (il fut à l’origine de la première loi sur les logements publics avec obligation de construire des espaces verts et des parcs dans les nouveaux lotissements), Spiro Agnew a été élu le cinquante-cinquième gouverneur du Maryland, le 8 novembre 1966 (il exerça peu longtemps, à peine deux ans, du 25 janvier 1967 au 7 janvier 1969), ce qui fut une performance pour un républicain (le cinquième du Maryland). Avec cette élection, Spiro Agnew fut le premier gouverneur d’un État américain d’origine grecque (le nom de son père était Anagnostopoulos). Le deuxième fut Michael Dukakis au Massachusetts entre 1975 et 1979. Pour la famille, c’était une très forte ascension sociale.

Son élection, purement personnelle (car les républicains n’ont pas eu la majorité dans les instances législatives), il l’a eue un peu par la chance, car les démocrates (sortants) étaient très divisés et se sont autophagocytés (il a été soutenu par des dizaines de milliers de démocrates). Il s’était engagé à faire une profonde réforme fiscale, en passant de l’impôt foncier à l’impôt sur le revenu pour financer les collectivités locales, et en rendant l’impôt sur le revenu progressif. Ce fut sa principale réussite comme gouverneur.

En bonne coopération avec le législatif dominé par les démocrates, il a aussi proposé un nouveau mode de gouvernance : « Ce sera la résolution de cette administration à poursuivre une voie d’excellence dans l’exercice de ses fonctions de gouvernement. Chaque programme, chaque loi, chaque crédit sera mesuré pour s’assurer qu’il atteint des normes élevées d’excellence. Ce sera la marque distinctive de la nouvelle administration pour exiger l’excellence dans les programmes et les services… à travers ce nouveau leadership. ». Spiro Agnew a voulu aussi doter le Maryland d’une nouvelle Constitution souhaitée par les électeurs, il a fait réunir une Convention constitutionnelle à Annapolis du 12 septembre 1967 au 10 janvier 1968 pour rédiger le nouveau texte mais la nouvelle Constitution fut rejetée massivement par les électeurs. Ce fut son principal échec comme gouverneur.

Soutenu en 1966 par les partisans de Martin Luther King, Spiro Agnew a perdu leur soutien après l’assassinat de leader charismatique, les émeutes de Baltimore et son refus, le 11 avril 1968, de rencontrer les étudiants du Bowie State College qu’il a fait fermer pour l’évacuer. Spiro Agnew a dit un peu plus tard, le 7 janvier 1969, quand il a démissionné de son poste de gouverneur pour la Maison-Blanche : « Regarder une ville brûler, marcher à travers des blocs anéantis comme par les bombes d’une attaque aérienne ennemie est douloureux. On ne peut pas sortir indemne d’une telle expérience. ». D’ailleurs, le Maryland n’a pas voté en faveur du ticket Nixon-Agnew en novembre. Effectivement, Spiro Agnew allait avoir un "destin".

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Aux primaires républicaines de 1968, Spiro Agnew a soutenu la candidature du gouverneur de New York, Nelson Rockefeller mais après l’abandon de ce dernier en mars 1968, il s’est mis à soutenir la candidature de Richard Nixon. Il a notamment prononcé un discours très élogieux pour Richard Nixon, qui « a combattu tout au long de sa carrière politique pour des principes et qui n’a pas hésité à payer le prix de l’impopularité en défendant ces principes, un homme qui peut négocier la paix sans sacrifier la vie, la terre et la liberté, un homme qui a eu le courage de se relever des profondeurs de la défaite il y a six ans et de faire le plus grand retour politique de l’histoire américaine, le seul homme dont la vie prouve que le rêve américain n’est pas un mythe brisé et que l’esprit américain, sa force et son sens de la stabilité, restent constants ».

La désignation de Spiro Agnew comme candidat à la Vice-Présidence par l’ancien Vice-Président Richard Nixon à l’élection présidentielle du 5 novembre 1968 a étonné et avait pour but d’être complémentaire et de permettre de se concentrer sur les relations entre les territoires et Washington. Lorsqu’il a été désigné le 8 août 1968 à la Convention de Miami, il était un inconnu au niveau fédéral : « Bien sûr, je ne suis pas connu, mais je me ferai connaître. ». Et c’était vrai, il a commencé à se faire connaître… comme un gaffeur à répétition (Joe Biden l’est aussi), c’est-à-dire que dans ses interventions, il commettait souvent des maladresses. Au fil de la campagne électorale, Spiro Agnew handicapait plus que n’aidait Richard Nixon, si bien que ses conseillers ont écourté son itinéraire de campagne.

Néanmoins, Spiro Agnew représentait bien une nouvelle génération de responsables politiques : « des banlieusards majoritairement autodidactes qui ont pris de l’importance non pas dans les salles enfumées des clubs politiques à l’ancienne, mais dans l’atmosphère éclairée par des lampes fluorescentes du supermarché et le monde homogénéisé des association de parents d’élèves » (Franck F. White).

Le "ticket" a été gagnant (élu de justesse avec 43,4% face à Hubert Humphrey) et il a été réélu très largement à l’élection présidentielle du 7 novembre 1972 (avec 60,7% des voix face à George MacGovern). Spiro Agnew a donc succédé le 20 janvier 1969 à Hubert Humphrey, Vice-Président sortant et candidat malheureux à la Présidence.

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Lors de la première élection de Spiro Agnew, Jacques Amalric, dans "Le Monde" du 8 novembre 1968, a présenté le nouveau Vice-Président des États-Unis, peu connu des Français, ainsi : « Ce fils d’un immigrant grec (…), qui a travaillé dur pour se faire une place au soleil, ainsi qu’il aime à le rappeler, est un parfait prototype de l’habitant des "suburbs", ces îlots confortables aux rues bordées d’arbres (…). Leur principal contact avec le monde extérieur est alors la télévision, et c’est sur les petits écrans qu’ils assistent tous les étés à la désagrégation de cités qu’ils se félicitent, avec un effroi rétroactif [rétrospectif plutôt], d’avoir abandonnées à temps. ».

Richard Nixon a donné à Spiro Agnew un peu de pouvoir. Le Vice-Président avait même un bureau à la Maison-Blanche (normalement, il siège au Capitole comme Président du Sénat) et il était chargé des relations entre l’État fédéral et les collectivités locales, avec un bilan qui a été positif même s’il a été masqué par les affaires financières et les controverses.

Pendant son mandat, malgré ses bourdes, ou plutôt, grâce à ses bourdes, Spiro Agnew était populaire car il avait un franc-parler qui l’honorait, à la limite du populisme, porte-parole de la majorité silencieuse, de l’Américain moyen, un peu comme bien plus tard Donald Trump (mais il n’y avait pas d’Internet). Ses saillies contre les pacifistes opposés à la guerre du Vietnam, contre les médias, etc. sont connues et étaient à l’époque très appréciées dans les milieux populaires. En 1972, Richard Nixon aurait voulu l’évincer de son second mandat, mais il n’y est pas parvenu. Spiro Agnew fut l’un des hommes les plus contrastés du moment, admiré par certains (il a su collecter les fonds républicains pour les élections) et détesté par d’autres, méprisé par les intellectuels, la jeunesse américaine, etc. Bref, un homme qui ne laissait pas indifférent.

Il est d’ailleurs surprenant voire amusant de lire un sondege réalisé par Gallup en 1970 sur la perception que le peuple avait du Vice-Président. Il montrait la réputation de Spiro Agnew dans le pays : « un Vice-Président courageux, honnête, intègre et franc, un élu qui n’est pas un homme de main présidentiel, mais plutôt la voix de l’Amérique profonde, qui personnifie toutes les belles qualités et caractéristiques enrichissantes qui ont fait la grandeur du pays ». C’était sans savoir le niveau d’affairisme dont il serait redevable trois ans plus tard.

Les Américains sont plus lucides qu’en France sur les failles du système. Lorsqu’une personnalité politique est prise la main dans le sac, elle le reconnaît, elle s’efface honorablement et elle paie les pots cassés. En France, à de très rares exceptions près (comme Jérôme Cahuzac, eh oui !), quasiment aucune personnalité politique, même condamnée définitivement, même ayant purgé sa peine en prison, ne reconnaît quoi que ce fût de ses actes répréhensibles et certains sont même prêts à repartir à la bataille pour laver l’affront judiciaire (par exemple, le plus éloquent, Alain Carignon à Grenoble en 2020).

Les premières affaires de pots-de-vin furent révélées par les journaux en 1973. Les accusations contre lui concernaient tant des actes commis comme ancien gouverneur (on parlait d’argent caché au fisc) que comme Vice-Président (on parlait de corruption, ce qui était beaucoup plus grave).

Dans un premier temps, Spiro Agnew a nié en bloc, et dénoncé la calomnie. Il est même allé rencontrer Elliott Richardson, le procureur général des États-Unis (une sorte de super ministre de la justice, indépendant du gouvernement), mais ce dernier a courageusement refusé de l’aider. Les preuves contre lui étaient accablantes et le procureur du Maryland, Georg Beall, a annoncé à Spiro Agnew le 1er août 1973 qu’il poursuivrait l’enquête judiciaire.

Cherchant à bénéficier du vide juridique (la Constitution des États-Unis n’indiquait rien sur l’éventualité de poursuivre un Président ou un Vice-Président s’ils avaient commis un crime ou un délit au cours de leur mandat), Spiro Agnew a mis au défi le Speaker (Président) de la Chambre des Représentants Carl Albert de lancer une procédure d’impeachment (destitution) contre lui.

La politologue canadienne Karine Prémont a expliqué l’objectif de cette démarche sur Radio-Canada le 27 mars 2019 : « [Spiro Agnew] sait bien que les chances d’être destitué sont à peu près nulles. L’histoire l’a démontré. Et c’est la seule façon pour lui de prendre connaissance des actes d’accusation qui pèsent réellement sur lui. Et il joue aussi sur l’idée de peut-être gagner l’opinion publique à son égard. ».

Mais Carl Albert a refusé et l’inculpation allait suivre. Donc, dans un second temps, Spiro Agnew a reconnu les faits, du moins, il n’a pas contesté les accusations mais il n’a pas non plus plaidé coupable. Il a seulement négocié son départ immédiat de la Vice-Présidence en échange de ne pas aller en prison. C’est toujours troublant, ces négociations avec la loi.

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Gerald Ford a été désigné Vice-Président par Richard Nixon, désignation confirmée par le Congrès, ce qui, ici, pourrait sembler se rapprocher du mode de désignation d’un Premier Ministre en France. Mais comment aurait-il pu en être autrement quelques mois après une élection présidentielle ? On n’allait pas non plus proposer un poste de suppléant au Vice-Président alors que ce dernier est avant tout le suppléant du Président. Comme la démission de Richard Nixon a suivi d’assez près de celle de Spiro Agnew, Gerald Ford fut le (seul) Président des États-Unis à n’avoir jamais été soumis aux suffrages populaires (d’autant plus qu’il a échoué lors de sa tentative de réélection en 1976).

Bien plus tard, Spiro Agnew a laissé entendre dans ses Mémoires que Richard Nixon aurait été à l’origine des accusations qui l’ont fait tomber afin de défocaliser l’attention des médias sur le scandale du Watergate, scandale bien plus grave qui a finalement balayé Richard Nixon. Il aurait même reçu des menaces d’assassinat de la part du futur chef de la diplomatie américaine Alexander Haig (alors dircab de Nixon) s’il ne démissionnait pas.

Objet de sarcasmes ou de mépris de la part des journaux, Spiro Agnew avait depuis longtemps une dent contre la presse américaine, bien avant que le scandale sur ses affaires n’éclatât : « Il y a des journaux qu’on croirait seulement destinés à protéger le fond des cages à oiseaux. ». Une belle tournure pour exprimer la chienlit d’une certaine presse…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 septembre 2021)
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Pour aller plus loin :
Spiro Agnew.
Bill Clinton.
Jeff Bezos.
L’exploit de Blue Origin, la fabrique du tourisme spatial écolo-compatible.
John Glenn.
George W. Bush (fils).
Il y a 20 ans : George W. Bush vs Al Gore.
George H. W. Bush (père).
Donald Rumsfeld.
Louis Armstrong.
Jim Morrison.
Ella Fitzgerald.
Michael Collins.
George Floyd : la vie d’un homme, l’honneur d’un pays.
Décollage vers l'ISS.
Deux faces des États-Unis : George Floyd et SpaceX.
Walter Mondale.
Covid-19 : Donald Trump, marathonman.
Bob Kennedy.

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18 août 2021 3 18 /08 /août /2021 03:34

« Nous réalisons tous de meilleures choses lorsque nous travaillons ensemble. Nos différences comptent, mais l’humanité que nous avons en commun importe davantage. » (Bill Clinton).



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Ce jeudi 19 août 2021, Bill Clinton fête son 75e anniversaire, cinq ans de plus qu’un aspirant Président Jean-Luc Mélenchon, un jour de plus qu'un ancien aspirant, Laurent Fabius. Pour cet ancien jeune Président des États-Unis en exercice du 20 janvier 1993 au 20 janvier 2001, pendant longtemps, il n’a pas été question de retraite : son épouse Hillary Clinton lui a emboîté le pas et s’est lancée, elle aussi, à la conquête de la Maison-Blanche, en 2008 puis et en 2016. Sans succès.

Alors, quand, en 2007, Bill Clinton a entendu le Président de la République française en exercice Jacques Chirac affirmer son soutien à Hillary Clinton, il n’était pas difficile d’imaginer l’état d’esprit de celui qui croyait encore qu’il allait être le premier époux de la première Présidente des États-Unis. Lorsque le 30 septembre 2019, Bill Clinton est venu à Paris pour rendre un dernier hommage à Jacques Chirac, il se rappelait cet épisode de grande amitié : « Je me souviens de lui qui brandissait un pin’s de Hillary en 2007. C’était un risque politique, et il disait : " Ça m’est bien égal si tout le monde sait que c’est mon amie". J’ai adoré ça. Et je me rappelle aussi que c’est notre alliance dans l’OTAN qui a permis de mettre fin à la guerre des Balkans et d’empêcher un bain de sang ethnique au Kosovo. ».

En fait, la mort de Jacques Chirac a suscité peu de réactions diplomatiques de la part des États-Unis de Donald Trump (juste un communiqué très poli de Mike Pompeo) et aucune réaction de l’ancien Président George W. Bush (fils) qui avait regretté le manque de soutien de la France à la guerre en Irak. Par conséquent, ce fut Bill Clinton qui est venu représenter son pays aux funérailles de l’ancien Président français à l’église Saint-Sulpice (qui remplace Notre-Dame de Paris pendant les travaux) aux côtés de nombreux dirigeants du monde, actuels ou anciens (dont Vladimir Poutine, Gerhard Schröder, Abdou Diouf, Jose Luis Rodriguez Zapatero, Sergio Mattarella, Viktor Orban, Charles Michel, Saad Hariri, etc.).

Après un déjeuner à l’Élysée avec le Président Emmanuel Macron, Bill Clinton a répété qu’il venait de perdre un ami : « Tu me manqueras, Jacques ! Je l’aimais bien et il me manquera. J’aimerais bien que ce vieux Jacques soit encore là ! ». Et de compléter : « Il était toujours très français, très protecteur des intérêts français. Mais d’une manière qui réunissait les gens, pas qui les divisait. ».

Il faut dire que les deux hommes s’aimaient beaucoup parce qu’ils étaient de la même espèce, des animaux politiques qui n’abandonnent jamais même quand tout paraît incertain. D’ailleurs, l’une des formules de Bill Clinton, très américaine, c’est : « Si vous avez une longue vie, vous ferez des erreurs. Mais si vous apprenez d’elles, vous serez une personne meilleure. Il s’agit de la manière dont vous gérez l’adversité, pas de la façon dont elle vous affecte. La chose la plus importante est de ne jamais abandonner, jamais. ». La ténacité de Jacques Chirac fut d’ailleurs certainement supérieure à celle de Bill Clinton.

Les deux hommes ont su s’apprécier assez rapidement. Dans le livre "Dear Jacques, Cher Bill" de Gilles Delafon et Thomas Sancton, sorti en 1999 chez Plon, analysant les relations entre les deux hommes, voici une impression de Jacques Chirac parlant de Bill Clinton : « C’est un homme très ouvert. Moi-même je suis un homme de contact. Ça a tout de suite marché. Clinton est un homme d’ouverture, de vision, d’intelligence. C’est ce qu’on fait de mieux comme Américain. Il a toutes les qualités qu’un Américain peut avoir. Et pas ses défauts. ». Et les auteurs du livre d’ajouter : « Il y a cette admiration sincère que Jacques Chirac éprouve pour Hillary. Il apprécie son intelligence et son courage, et n’hésite pas à confier : "Elle aurait fait un bon Président". Bien qu’ils viennent d’horizons politiques apparemment opposés, Chirac et Clinton préfèrent des solutions pratiques aux principes idéologiques. ».

Et revenons à la genèse de leurs relations. Bill Clinton s’est rendu en France pour célébrer le cinquantième anniversaire du Débarquement le 6 juin 1994. C’était l’occasion de rencontrer les responsables politiques français à quelques mois de la prochaine élection présidentielle française. Bill Clinton avait donc prévu de rencontrer les principaux personnages français : le Président de la République François Mitterrand, en fin de mandat, le Premier Ministre Édouard Balladur que tous les sondages donnaient largement vainqueur de la prochaine élection, le Ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, très apprécié des diplomates américains, le fougueux Président de l’Assemblée Nationale Philippe Séguin.

Alors, pourquoi rencontrer aussi le maire de Paris, Jacques Chirac, que tous les sondages donnaient perdant ? Ce fut l’ambassadrice des États-Unis en France, Pamela Harriman, excellente observatrice de la politique intérieure française, qui a réussi à convaincre les conseillers diplomatiques de Bill Clinton de rencontrer Jacques Chirac : « Parce qu’il peut être Président ! ». D’ailleurs, la diplomate, qui avait rencontré le maire de Paris au cours d’un dîner en décembre 1993, avait été très séduite par le "coté entier" et "volontaire" de Jacques Chirac qui connaissait bien les États-Unis (il y avait fait un grand tour très formateur en 1953).

Pour Jacques Chirac, venu à l’ambassade américaine, près de l’Élysée, le 7 juin 1994, c’était une reconnaissance internationale bienvenue avec ces mauvais sondages. Il est arrivé, accompagné de trois conseillers dont Pierre Lellouche et Jérôme Peyrat. C’était sa première rencontre avec Bill Clinton, et assez vite, le courant est bien passé : « Les témoins notent immédiatement un certain mimétisme entre les deux hommes. Même taille, même carrure, même chaleur naturelle, même simplicité. Même savoir-faire de circonstance aussi. Celui des bêtes politiques. » (livre cité). Les deux "bêtes" ont alors évoqué les essais nucléaires français (que Jacques Chirac voulait reprendre en cas d’élection, au grand dam des Américains), le trafic de drogues, la situation dramatique en Algérie, etc.

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Bon contact en surface, car la réalité était moins évidente. De retour de cet entretien, Jacques Chirac qui admirait George H. W. Bush (père) pour son excellente connaissance des relations extérieures, n’était pas vraiment enthousiasmé par son successeur : « À l’arrière, Chirac grommelle et lance une plaisanterie peu flatteuse pour Clinton. En lui, il a reconnu un pro de la politique, guère plus. L’homme ne lui as pas paru préoccupé par les affaires de la planète. ». La réaction de ses conseillers : « Ce type est séduisant, mais il incarne le pur politicien américain. Le gars qui assène à chacun de ses interlocuteurs exactement ce qu’il a envie d’entendre. » (on dirait une critique à l’adresse d’Emmanuel Macron !). Un autre conseiller : « Ce n’est pas Bush [père]. Lui avait une vision du monde et connaissait parfaitement les relations internationales. Remarque, ce n’est pas Reagan non plus, avec son folklore et ses trois idées fixes. ».

Parmi les festivités, le 7 juin 1994, Bill Clinton s'est rendu au Palais-Bourbon. Témoignage de Michèle Cotta dans ses "Cahiers secrets" : « Bill Clinton est reçu aujourd’hui en grande pompe à l’Assemblée Nationale par Philippe Séguin. Après le roi d’Espagne, le voici donc face aux députés [français]. (…) Il commence, de sa voix légèrement voilée, reconnaissable entre toutes, par remercier François Mitterrand de son invitation en France : "Ce que j’ai vu hier en Normandie, dit-il, ce sont des souvenirs pour toute ma vie". Il évoque ensuite (…) la coopération entre les États, en Bosnie notamment (…). Lorsqu’il a fini de parler, les députés de tous bords se lèvent pour une standing ovation. Ce n’est pas tant ce qu’il a dit que la façon dont il l’a dit, la force qui émane de lui, son énergie, que l’on applaudit dans les travées ou dans les tribunes réservées au public (…). Joli coup de pub pour Philippe Séguin ! ».

Bill Clinton qui avait sablé le champagne le 10 mai 1981 pour fêter la victoire socialiste, était très apprécié de François Mitterrand : « Chez Clinton, Mitterrand aime l’intelligence, la capacité à écouter, la volonté de comprendre. Il déplore même que son attitude de quasi-déférence empêche leur relation de s’approfondir à travers une bénéfique confrontation. Il le trouve trop timide avec lui. ».

La consécration du président du RPR, ce fut un peu plus tard, lors de sa rencontre avec Bill Clinton à la Maison-Blanche le 20 septembre 1994. Une visite à la fois diplomatique et électorale, où le candidat gaulliste a aussi rencontré les deux leaders républicains du moment, Bob Dole (qui fut le candidat à l’élection présidentielle américaine de 1996) et Newt Gingrich, futur Président de la Chambre des représentants ("speaker") après la victoire des républicains au Congrès en novembre 1994, tous les deux très conservateurs.

Après cet entretien à la Maison-Blanche, Jacques Chirac a été "convaincu" par Bill Clinton. Et Pamela Harriman qui l’accompagnait « est aux anges. Le voyage monté par son staff se déroule parfaitement. Chirac et Clinton se sont bien entendus. Dès lors, l’équipe de l’ambassade américaine à Paris ne cache plus que dans la présidentielle française, elle aura "les yeux braqués sur Chirac". ». Belle preuve d’anticipation.

Après son élection à l’Élysée en mai 1995, Jacques Chirac a donc pu nouer des relations très proches avec Bill Clinton qui avait cru en ses chances d’être élu. En fait, si Bill Clinton ne connaissait rien en politique étrangère, il savait apprendre rapidement, et le sujet qui n’a jamais cessé d’obséder Jacques Chirac, c’était la guerre dans l’ex-Yougoslavie. Il voulait maintenir l’embargo des armes en Bosnie et créer au sein de l’ONU une force de réaction rapide (FRR) pour protéger les troupes de la FORPRONU ainsi que la population civile bosniaque.

Peu avant le sommet du G7 à Halifax, ce fut de manière très volontariste que Jacques Chirac a réussi, lors d’une rencontre à Washington le 14 juin 1995, à convaincre Bill Clinton de le soutenir au Conseil de Sécurité de l’ONU, dans un contexte de politique intérieure américaine très compliqué (la majorité était républicaine au Congrès et le vote de nouveaux crédits était difficile à obtenir).

Appréciation d’un diplomate américain : « Chirac est désormais perçu comme le leader avec lequel il va falloir compter, le futur interlocuteur européen : "Il est vu comme un partenaire très important, confie un diplomate américain. Il vient de remporter une énorme victoire et il a une immense majorité parlementaire. Clinton a aussi admiré la façon dont il a su se mettre au centre de la scène à Halifax. Il sait jouer des coudes". ».

Un autre diplomate américain : « Chirac veut réaffirmer les prérogatives présidentielles en matière de politique étrangère, après des années de cohabitation. Il a une dynamique, un désir de trancher, de prendre des décisions. Il est reaganien aussi dans le sens où ses discours témoignent d’une exaspération à l’égard de la technocratie de la politique étrangère. Il a la volonté de devenir un grand communicateur. ».

Le succès, ce fut les accords de paix. Voici comment a vu les choses Michèle Cotta le 20 décembre 1995 : « Juste quelques lignes (…) sur la fin de la première année de l’ère Chirac : j’en retiens surtout un état paradoxal, en particulier au mois de décembre [1995] qui s’achève. D’un côté, les grèves (…). De l’autre, presque aussi spectaculaire, les accords de paix en Yougoslavie qui viennent d’être signés à l’Élysée, par les Présidents de la Serbie, de la Croatie et de la Bosnie, sous le regard de bonnes fées qui ont pour noms Bill Clinton, Helmut Kohl, John Major et Felipe Gonzalez. D’un côté (…), la France qui râle. À l’Élysée, la réussite de la ligne Chirac dans le conflit yougoslave. ».

Bill Clinton est l’ami de la France, oui, mais il était d’abord l’ami de Jacques Chirac. Et c’était réciproque. La preuve : Jacques Chirac, le dimanche 13 septembre 1998, a appelé Bill Clinton pour un entretien téléphonique, dans le cadre classique d’échanges entre les deux chefs d’État. Mais cet appel était un peu particulier. Jacques Chirac voulait manifester à Bill Clinton son soutien personnel pour l’épreuve qu’il traversait. Deux jours auparavant, le procureur Kenneth Starr avait en effet rendu public son rapport qui a humilié le Président américain, l’accusant de mensonge lors de sa déposition sous serment le 17 janvier 1998 (dans l’affaire Monica). Étalage de la vie privée, et volonté de lynchage médiatique de la part du procureur et aussi des parlementaires républicains.

Gilles Delafon et Thomas Sancton ont précisé : « "Mais c’est incroyable !" s’est exclamé Jacques Chirac en découvrant vendredi ce déballage sur la chaîne américaine d’information permanente CNN. L’atteinte à la vie privée, caractérisée, que constitue cette affaire le révulse. (…) Depuis la publication du rapport, le Président [français] réfléchit à la façon dont il pourrait manifester son soutien à Bill Clinton. (…) Le Président américain fait pitié [depuis le 17 août], tant il multiplie les excuses publiques. (…) La publication du rapport Starr (…) constitue l’ultime humiliation qui pousse Chirac à réagir. Par solidarité, mais aussi parce que la tournure prise par les événements menace sérieusement l’autorité du plus puissant chef d’État. (…) Dès le début de leur conversation téléphonique, Chirac confie ainsi à Clinton : "Bill, je veux que tu saches combien je me trouve à tes côtés et je vais le déclarer officiellement. (…) Personne ici ne comprend comment la démocratie américaine a pu se dévoyer ainsi". ». La réponse de Bill Clinton : « Jacques, les mots que tu viens de prononcer ont une valeur inestimable. ».

Une très forte complicité liait effectivement les deux hommes : « À un moment, Clinton formule une requête : "Jacques, si tu faisais un communiqué précisant tout cela, cela m’aiderait". Le Président français n’y voit aucun inconvénient. Au contraire. Et les deux hommes se mettent d’accord, ensemble, sur la formulation de la déclaration française. Peu après leur entretien, dans la déclaration qu’il fera publier, Jacques Chirac renouvellera son soutien à Bill Clinton, mais ajoutera également une phrase d’importance : "Le monde, dans les épreuves qu’il traverse, a besoin d’une Amérique en état de marche". ».

En amitié comme en amour, il y a des choses intangibles : c’est d’en donner des preuves.


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Sylvain Rakotoarison (14 août 2021)
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Pour aller plus loin :
"Dear Jacques, Cher Bill. Au cœur de l’Élysée et de la Maison-Blanche, 1995-1999" par Gilles Delafon et Thomas Sancton, éd. Plon (1999).
Bill Clinton, le roi du charisme.
Bill Clinton, l’ami de la France.
Jeff Bezos.
L’exploit de Blue Origin, la fabrique du tourisme spatial écolo-compatible.
John Glenn.
George W. Bush (fils).
Il y a 20 ans : George W. Bush vs Al Gore.
George H. W. Bush (père).
Donald Rumsfeld.
Louis Armstrong.
Jim Morrison.
Ella Fitzgerald.
Michael Collins.
George Floyd : la vie d’un homme, l’honneur d’un pays.
Décollage vers l'ISS.
Deux faces des États-Unis : George Floyd et SpaceX.
Walter Mondale.
Covid-19 : Donald Trump, marathonman.
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