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21 janvier 2021 4 21 /01 /janvier /2021 03:15

« Nous n’allons pas diriger seulement par l’exemple de notre pouvoir, mais aussi par le pouvoir de l’exemple. » (Joe Biden, au Capitole de Washington, le 20 janvier 2021).


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C’est fait. Enfin fait : « La volonté du peuple a été entendue et la volonté du peuple a été respectée. ». La démocratie américaine a triomphé, « la démocratie l’a emporté ! », le peuple a été écouté, le candidat élu, et élu très largement, a été enfin investi 46e Président des États-Unis. Le "enfin" serait étonnant hors contexte puisque cela fait très longtemps que les Présidents élus sont investis un 20 janvier et donc, c’est une date normale. Mais depuis le début du mois de novembre 2020, campant dans un déni de réalité qui fera date dans les livres plus de psychologie que d’histoire, les adorateurs du gourou Donald Trump voulaient encore croire au tout dernier moment qu’il y aurait un coup d’État. Quinze jours plus tôt, il y a plutôt eu un coup d’éclat assez pitoyable, qui a fait la risée internationale des Américains qui, comme tout le monde, détestent une humiliation de cette ampleur, disqualifiant tous ces sauvageons trumpistes et les renvoyant dans un extrémisme heureusement peu représentatif de l’électorat même de Donald Trump.

Bref, Joe Biden est enfin reconnu par tous comme le Président des États-Unis et va pouvoir commencer à travailler dès ce 20 janvier 2021. Son premier tweet (de Potus) : « Il n’y a pas de temps à perdre quand il s’agit d’affronter les crises que nous traversons. C’est pourquoi, aujourd’hui, je me rends au bureau ovale pour me mettre au travail, lancer des actions audacieuses et soulager immédiatement les familles américaines. ». Des mesures sanitaires, des mesures sociales et des mesures diplomatiques.

Il y a une sorte de "ouf" de soulagement. Comme un retour de la raison et de l’ordre après quatre années cacophoniques d’un mandat de Donald Trump pourtant contrasté et qui a eu pourtant, malgré tout, quelques aspects positifs. Mais la fin du mandat, l’entre élection et investiture, a été tellement pénible, tellement scandaleux, tellement ridicule, que l’histoire perdra ces points positifs et ne sauvegardera des oubliettes de l’histoire que cette journée de honte nationale que fut le 6 janvier 2021.

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Jamais je n’avais douté du légitimisme constitutionnel et patriotique des citoyens américains. Pour preuve, à cette cérémonie très sobre d’investiture, ont été présents, très dignement, le Vice-Président sortant Mike Pence, résolument dans le camp des loyalistes, ainsi que l’ancien Président républicain George W. Bush et son Vice-Président Dick Cheney. Également les anciens Présidents démocrates Barack Obama et Bill Clinton (venu avec sa femme Hillary Clinton qui doit se dire que décidément, c’était bien elle que les Américains ne voulaient pas). Quant à Jimmy Carter, qui a plus de 96 ans, il n’a pas pu faire le déplacement mais il a parlé avec Joe Biden la veille, le cœur y était.

Donald Trump a refusé d’être présent à la cérémonie d’investiture. Cela ne s’était pas passé depuis le 4 mars 1869 (le Président sortant Andrew Johnson avait refusé d’assister à l’investiture de son successeur Ulysses Grant qui ne voulait pas être accompagné dans la même calèche que lui, comme c’était alors la tradition). On n’a pas eu besoin de le déloger de la Maison-Blanche, il a finalement pris l’avion pour aller dans son golf de Floride. La veille, il avait diffusé un très beau discours d’unité nationale et s’est montré (enfin) sport, en souhaitant à Joe Biden bonne chance ! Il était temps mais il vaut toujours mieux tard que jamais. Que l’histoire retiendra-t-elle de ce mandat ? La journée du 6 janvier 2021 …ou le fait qu’il a été l’un des rares derniers Présidents des États-Unis à n’avoir déclaré aucune nouvelle guerre, comme il s’en est, avec raison, glorifié le 19 janvier 2021 ? Ou encore un de ses derniers actes, la grâce présidentielle totale ou partielle pour 143 délinquants parmi ses proches ?

L’heure n’est pas au bilan mais à l’action. Il y a comme un arrière-goût que toutes les choses à l’envers sont en train d’être remises à l’endroit, comme si un cataclysme institutionnel avait balayé la raison et la courtoisie et qu’on commence à y remettre bon ordre. Ainsi, ce n’est pas anodin que dès le premier jour de pouvoir, Joe Biden a remis les États-Unis dans l’Accord de Paris, geste essentiel pour le monde. Le Président Emmanuel Macron l’a immédiatement salué par un tweet : « Je salue le retour des États-Unis au sein de l’Accord de Paris pour le climat : Welcome back ! ». Joe Biden a aussi demandé une minute de silence pour les 400 000 victimes de la pandémie de covid-19 et a averti que l’avenir proche serait encore plus dur avec le virus (« la phase la plus dure et la plus mortelle »).

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La cérémonie d’investiture était étrangement vide. Pour cause de pandémie, le grand public ne pouvait pas être présent, au contraire de la tradition. Tous les invités institutionnels étaient masqués, et les masques noirs donnent un parfum de pompes funèbres. Lady Gaga et Jennifer Lopez y ont chanté pour Joe Biden et Kamala Harris.

Joe Biden est le Président des États-Unis le plus âgé de tous les temps. Il commence son mandat à 78 ans, ce qui fait 82 ans à la fin de celui-ci. C’est exceptionnel. Autre fait exceptionnel mais pas sans précédent : il est catholique, comme l’était John Kennedy (mais n'est pas Kennedy qui veut dans la formulation des discours, voir au chapeau). Le pape François l’a d’ailleurs félicité sur Twitter en ces termes : « À l’heure où les graves crises auxquelles est confrontée notre famille humaine, elles appellent des réponses clairvoyantes et unies, je prie pour que vos décisions soient guidées par un souci de construire une société marquée par une justice et une liberté authentique, ainsi qu’un respect sans faille pour les droits et la dignité de chaque personne, en particulier des pauvres, des personnes vulnérables et de celles qui n’ont pas de voix. ».

Bien sûr, l’âge importe moins qu’un véritable fait historique : Kamala Harris (56 ans) est la première femme à être investie Vice-Présidente des États-Unis, et cela compte d’autant plus que l’âge du Président est très élevé. Il y a déjà eu des femmes candidates à la Vice-Présidence (Geraldine Ferraro, Sarah Palin) et même à la Présidence (Hillary Clinton) mais aucune n’avait encore gagné une élection présidentielle.

Cependant, il faut rester très prudent tant sur l’influence réelle de Kamala Harris pendant ce mandat Biden que sur son avenir politique. À l’exception peut-être de la Présidence Barack Obama, qui avait délégué beaucoup de pouvoir en politique étrangère à son très expérimenté Vice-Président Joe Biden, et un peu de la Présidence Bill Clinton qui avait délégué à Al Gore les négociations pour créer une véritable diplomatie écologique (le Protocole de Kyoto, signé le 11 décembre 1997), la plupart des Vice-Présidents ont joué un rôle très mineur dans le gouvernement américain et leur avenir politique a été rarement une évidence : beaucoup d’anciens Vice-Présidents ont échoué à l’élection présidentielle.

Le retournement de balancier politique n’est pas nouveau aux États-Unis et il est un peu le même aussi en France depuis le milieu des années 1970 et la fin des Trente Glorieuses (chocs pétroliers, début du chômage de masse, développement de la mondialisation, etc.). En effet, à l’exception de 1988 et de l’élection du Vice-Président sortant George H. W. Bush, il y a eu sans arrêt un changement de majorité à la Maison-Blanche (c’est encore plus complexe au Congrès où les renouvellements sont deux fois plus fréquents). En effet, après Gerald Ford seul Président non élu après la démission de Richard Nixon, Jimmy Carter lui a succédé, lui-même emporté par la prise des otages américains à Téhéran, mettant au pouvoir Ronald Reagan (et Bush père). Mais malgré le succès de la guerre au Koweït, George H. W. Bush a été battu par un jeune démocrate peu connu Bill Clinton, George W. Bush le fils l’a ensuite emporté sur Al Gore en 2000 (dans un scrutin historiquement serré, rien à voir avec celui de 2020), ensuite Barack Obama démocrate sur le républicain John MacCain, puis retour de balancier Donald Trump et enfin Joe Biden.

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La différence peut-être, c’est que Joe Biden, loin d’être un "communiste" (comme des sauvageons trumpistes le qualifiaient !), est plutôt un "centriste" et un "modéré". Il serait certainement plus proche de certains élus républicains que de Bernie Sanders, par exemple. Ce qui est d’ailleurs une nécessité avec un Sénat exactement à parité politique 50 républicains et 50 démocrates, et son Président, qui n’est autre, constitutionnellement, que la Vice-Présidente, avec une voix prépondérante.

C’était tout le sens de son discours d’une vingtaine de minutes devant le Capitole, de nouveau occupé comme le voulaient la démocratie et les institutions. Joe Biden a énuméré toutes les crises et tous les enjeux : pandémie de covid-19, sécurité, justice ethnique, racisme, suprémacisme, précarité, chômage, pauvreté, bouleversements climatiques, etc. et a appelé tous les Américains à l’unité, seule moyen pour réussir : « Nous allons restaurer l’âme de l’Amérique. Et pour cela, nous avons besoin d’unité. (…) Aujourd’hui, j’ai comme objectif d’unir tous les Américains. Nous devons nous unir contre l’inégalité, le désespoir, la violence. Nous allons surmonter les épreuves. (…) Je vous le promets, je serai un Président pour tous les Américains, je me battrai autant pour ceux qui m’ont défendu que pour ceux qui m’ont combattu. ». C’est un discours, certes traditionnel lors d’une investiture, mais qui est très attendu par le peuple américain.





Voici quelques citations de son discours.

Sur l’assaut du Capitole : « Nous avons découvert que notre démocratie était fragile, mais la démocratie a gagné. ».

Sur le suprémacisme : « On voit surgir aujourd’hui l’extrémisme politique, le suprémacisme blanc et le terrorisme intérieur. Nous devons les affronter et nous allons les vaincre. ».

Sur la raison et la science : « Nous devons être meilleurs, nous devons bannir la suspicion, croire dans les faits et la science. ».

Parmi ses derniers propos, il y a ce côté arrogant de "maîtres du monde" qui donne toujours ce goût amer qui nourrit l’antiaméricanisme primaire : « Je vous donne ma parole de défendre la Constitution, la démocratie, tous les Américains. Nous allons écrire une histoire ensemble, de dignité, de grandeur, d’espoir et de justice. Ces valeurs ne sont pas mortes. L’Amérique doit demeurer un phare pour le monde. ». À mettre en parallèle avec cette phrase, quelques minutes auparavant : « Le monde nous regarde aujourd’hui. Je lui dis que nous allons redevenir un exemple. Nous serons un partenaire de confiance pour la paix mondiale. ».

Depuis le 3 novembre 2020, celui qu’on appelait souvent le sénateur gaffeur (il fut sénateur pendant trente-six ans, de 1973 à 2009) a fait un sans-faute, refusant de se laisser en emporter par l’hystérie trumpienne et appelant sans relâche à l’unité et à la raison. Joe Biden, au-delà d’avoir gagné l’élection américaine (ceux qui refusent sa légitimité sont pourtant pour la concurrence mais refusent le jeu réel de la concurrence, ils sont pour une concurrence faussée par des menteurs), a mérité la Maison-Blanche car les Américains avaient besoin plus que jamais d’un patriarche bienveillant pour remettre de l’ordre dans le pays et surtout, redonner la fierté du peuple américain passablement humilié ces derniers jours. Il n’a plus besoin de prouver qu’il est un homme d’État.

Il se dit lui-même pape de transition, mais l’avenir n’est jamais écrit…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (20 janvier 2021)
http://www.rakotoarison.eu



Pour aller plus loin :
Joe Biden : enfin la démocratie restaurée !
Capitole : Trump et la dictature du moi.
Il y a 20 ans : George W. Bush vs Al Gore.
De la Démocratie en Amérique.
USA 2020 : and the Winner is Joe Biden !
Il y a 20 ans : George W. Bush vs Al Gore.
USA 2020 : le suspense reste entier.
Bill Gates.
Albert Einstein.
Joe Biden.
Rosa Parks.
Jean-Michel Folon.
Henri Verneuil.
Benoît Mandelbrot.
Covid-19 : Donald Trump, marathonman.
Bob Kennedy.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210120-biden.html

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/joe-biden-enfin-la-democratie-230351

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/01/20/38770895.html




 

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12 janvier 2021 2 12 /01 /janvier /2021 03:16

« Fort d’un appui que n’avaient point ses prédécesseurs, il foule aux pieds ses ennemis personnels partout où il les trouve, avec une facilité qu’aucun Président n’a rencontrée ; il prend sous sa responsabilité des mesures que nul n’aurait jamais avant lui osé prendre ; il lui arrive même de traiter la représentation nationale avec une sorte de dédain presque insultant. » (Tocqueville, 1840).



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Dans sa description du Président Andrew Jackson dans "De la Démocratie en Amérique", Tocqueville esquissait presque la personnalité de …Donald Trump !

Donald Trump, Président pour encore une semaine, va justement prendre la parole dans la journée du 12 janvier 2021, la première fois depuis le 6 janvier 2021.

Je reviens sur cet assaut contre le Capitole à Washington par une horde de trumpistes extrémistes. On aurait tendance à dire aujourd’hui : Sale temps pour Trump. Mais aussi pour les États-Unis. La honte mondiale. Le Président iranien en est même venu à fanfaronner et à faire la leçon à la démocratie américaine, un comble ! Mais pourquoi s’en priverait-il ? La tentation était trop grande. Les Américains se souviendront longtemps de cette honte, bien plus longtemps que l’humiliation de la prise d'otages américains à Téhéran en 1979 qui a coûté la réélection de Jimmy Carter. Donald Trump, en exhortant les futurs émeutiers à marcher sur le Capitole quelques heures auparavant, est en partie responsable de cet acte à la fois violent et antidémocratique, qu’on pourrait qualifier de barbare.

Dans le parc The Ellipse, près de la Maison-Blanche, à deux kilomètres du Capitole, à Washington, Donald Trump, Président sortant des États-Unis, a appelé ses militants à s’opposer à la loi et à la Constitution, lui qui s’était engagé sur la Bible à la défendre loyalement le 20 janvier 2017 : « Vous ne reprendrez jamais notre pays avec faiblesse. Vous devez faire preuve de force et vous devez être forts. Vous devez vous battre comme des diables. Nous en sommes venus à exiger que le Congrès fasse ce qu’il faut et ne compte que les électeurs qui ont été légalement désignés. Je sais que tout le monde ici se dirigera bientôt vers le bâtiment du Capitole pour, pacifiquement et patriotiquement, faire entendre votre voix aujourd’hui. ». Il n’y a eu ni pacifisme, ni patriotisme dans cet assaut !

En parlant de "diable", Donald Trump a, sans le savoir, repris Léon Bloy. Le pape François a dit le 6 janvier 2021 (voir plus loin) : « L’être humain a besoin, oui, d’adorer, mais il risque de se tromper d’objectif ; en effet, s’il n’adore pas Dieu, il adorera des idoles, il n’y a pas de demi-mesure, ou Dieu ou les idoles, ou pour prendre une expression d’un écrivain français, Léon Bloy : "Celui qui n’adore pas Dieu, adore le diable", et au lieu d’être croyant, il deviendra idolâtre. ».

Non, ce n’est pas le peuple américain qui a envahi par la force le Congrès américain, temple de la démocratie américaine. Non, ce n’est pas le peuple américain qui a saccagé les bureaux des parlementaires, qui a volé les ordinateurs. Non, ce ne sont même pas les électeurs de Donald Trump, dont beaucoup regrettent le choix aujourd’hui. Ce ne sont que quelques centaines, peut-être quelques milliers d’extrémistes qui ne représentent ni le peuple, ni l’électorat de Donald Trump (les sondages sont assez clairs à ce sujet), ce sont des extrémistes même particulièrement lourds. Certains arboraient des tee-shirts noirs, certains avec l’inscription "Auschwitz", d’autres avec celle-ci, encore plus claire : "6MWE". Ah, que veut dire 6MWE ? Six Million Wasn’t Enough. Six millions, ce n’est pas assez…

Extrémistes et violents. Cinq personnes sont mortes dans ce stupide assaut. Un policier et quatre émeutiers, dont une femme à l’intérieur du Capitole, blessée mortellement par un policier a eu peur. Cinquante-six autres personnes ont été blessées. On pourrait même dire, au pays de la gâchette facile ou plutôt, de la détente sensible, que c’est un exploit qu’il n’y ait pas eu plus de victimes. Quand on voit le comportement habituel des forces de l’ordre (George Floyd, par exemple), on peut s’étonner de la facilité de pénétration des émeutiers extrémistes. Il semblerait que la police ne fût pas armée.

Des armes provenant des émeutiers ont été retrouvés dans les bureaux du Congrès. Notamment un engin explosif a été retrouvé dans les "décombres". Certains voulaient même pendre immédiatement le Vice-Président Mike Pence, qui présidait la séance de certification au Congrès, pour traîtrise. On voit l’esprit démocrate de ces trumpistes. Retour à la Terreur toute …française !

Refuser le verdict électoral, ce n’est pas soutenir le peuple, c’est l’assassiner. Donald Trump a pourtant bénéficié de la démocratie en 2016 en se faisant élire Président des États-Unis alors que lui-même ne s’y était pas préparé. Personne ne s’est opposé à cette réalité. Refuser le peuple, refuser le choix du peuple, et vouloir faire un retournement sémantique est une sorte de folie qui a, je le rappelle, coûté la vie à cinq personnes.

Michel Scott, journaliste qui connaît bien la vie politique américaine, expliquait le 8 janvier 2021 que Donald Trump, appelé "l’homme aux 20 000 mensonges" (qui ont été répertoriés depuis le début de son mandat), tordait la réalité, au moins deux fois : sur les résultats de l’élection présidentielle du 3 novembre 2020, en refusant d’admettre sa défaite pourtant très large aux voix (peuple et grands électeurs), cela n’a rien à voir avec le scrutin serré entre George W. Bush et Al Gore, et aussi, bien sûr, sur la pandémie de covid-19, en ne prenant pas en compte la réalité sanitaire de son pays. D’ailleurs, comme je l’avais évoqué il y a quelque temps, les meetings électoraux de Donald Trump ont eu lieu sans port du masque, ce qui aurait provoqué, selon certains décomptes, plus de 30 000 contaminations et plus de 700 décès, dont celui du puissant homme d’affaires Herman Cain le 30 juillet 2020…

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Le Vice-Président Mike Pence, au contraire de "son" Président, a montré un grand sens des responsabilités et de l’État et nul doute que ce n’est pas gratuit. Il vise évidemment l’élection de 2024 et pour l’instant, il serait le mieux placé chez les républicains, à cela près qu’il ne rassemblera certainement plus la frange extrémiste du trumpisme, mais se débarrasser de cette frange, ne plus en être l’otage est certainement un avantage.

Très logiquement, risquant une inculpation pour sédition, Donald Trump se retrouve maintenant très isolé. La plupart de ses (derniers) collaborateurs ont démissionné depuis le 6 janvier 2021 (Stephanie Grisham, Mick Mulvaney, Rickie Niceta, Sarah Matthews, Tyler Goodspeed, Matthew Pottinger, etc.) ainsi que trois ministres (Elaine Chao, Betsy DeVos, Chad Wolf)… Tous ont maintenant peur d’être considérés comme complices de cette insurrection.

C’est la débandade chez les trumpistes, non seulement des personnes mais aussi des idées. Avec ce fait d’armes, il y aura un argument majeur de plus pour enfin réglementer la vente et la possession d’armes à feu. Le risque est maintenant grand que des individus soient en capacité de terroriser, d’agresser des représentants du peuple.

Ce lundi 11 janvier 2021, les représentants démocrates ont entamé une procédure d’impeachment pour destituer Donald Trump dont le mandat finit le 20 janvier 2021. Pourquoi faire alors qu’il ne reste plus que quelques jours ? Peut-être pour éviter de nouvelles "bêtises" trumpiennes (qui sait quelle est sa capacité de nuisance contre sa nation et son peuple ?). Aussi pour le symbole, pour que Donald Trump soit définitivement rayé de la respectabilité institutionnelle.

Et parallèlement, Donald Trump s’est finalement avoué vaincu en reconnaissant enfin la victoire de Joe Biden et en assurant que la transition se ferait pacifiquement (ce qui est déjà trop tard : cinq morts, je le rappelle !). Il était temps qu’il reconnaisse sa (large) défaite. Elle n’est pas seulement électorale, elle est maintenant politique et surtout morale.

Je reviendrai plus tard sur la suppression du compte Twitter de Donald Trump et sur la suspension longue de son compte FaceBook et d’autres réseaux sociaux (Youtube, etc.). Contrairement à ce qu’une très large majorité proclame, il ne s’agit pas ici d’un problème de censure ou de liberté d’expression mais je ne suis pas naïf non plus et c’est plutôt une décision hypocrite prise par les GAFAM qui ont beaucoup profité des messages de Donald Trump pendant de longues années avant de vouloir se refaire une virginité devant le nouveau Président Joe Biden.

Dans l’analyse de cette insurrection, on a cherché un certain nombre d’analogies et probablement que l’un des points forts de Donald Trump, c’est qu’il est inimitable, c’est qu’il est incomparable. Mais essayons de reprendre deux analogies entendues ici ou là. Elles sont toutes les deux européennes : 1934 et 1981.

La journée d’émeute du 6 février 1934 qui a abouti à la démission du gouvernement du radical Édouard Daladier et qui a durablement alourdi la mémoire collective d la Troisième République finissante, en plein contexte d’arrivée des nazis au pouvoir en Allemagne. Elle a été provoquée très précisément par l’affaire Stavisky (excellemment retracée au cinéma dans un film d’Alain Resnais sorti le 15 mai 1974 avec Jean-Paul Belmondo, François Périer, Anny Duperey, Michael Lonsdale, Claude Rich, Pierre Vernier, etc., et même Gérard Depardieu et Niels Arestrup à leurs débuts).

La grande différence, c’était que les émeutiers ne faisaient pas partie du pouvoir mais de l’opposition, à l’instar du colonel de La Rocque qui a finalement refusé de marcher sur l’Élysée (ce que l’histoire retiendra). Au contraire, le colonel de La Rocque, dont les Croix-de-feu avaient atteint l’esplanade des Invalides, a refusé d’occuper le Palais-Bourbon puis de marcher vers l’Élysée, et a même réussi assez vite à disperser ses troupes. Il était beaucoup plus responsable que Donald Trump en 2021. Néanmoins, une partie des émeutiers s’est rejointe place de la Concorde et ce fut la confrontation avec la police. Au bilan, une trentaine de morts et plus de deux mille blessés.

L’autre analogie est espagnole. Le 23 février 1981, le Congrès des députés à Madrid fut envahi et occupé par des militaires franquistes, pour empêcher l’élection de Leopoldo Calvo-Sotelo à la Présidence du gouvernement espagnol. Le putsch a échoué grâce au sang-froid du jeune roi mis en place par Franco pour sa succession, Juan Carlos Ier qui a osé s’opposer aux putschistes à la télévision. Il n’y a pas eu de victimes. Les militaires putschistes ont tous été arrêtés et la démocratie s’est installée en Espagne, ainsi que la monarchie grâce à l’autorité conquise par le roi.

L’analogie ne tiendrait que si Joe Biden était Juan Carlos, mais certainement pas Donald Trump qui, lui, serait du côté des putschistes. Là aussi, des parlementaires ont été bafoués par des extrémistes.

Honte nationale, honte internationale.

Dans les suites plus politiciennes en France de cet assaut du Capitole, on peut noter deux critiques périphériques. Des opposants au Président français Emmanuel Macron lui ont stupidement reproché d’avoir pris la parole avec un drapeau américain dans son dos, comme s’il s’était pris pour le Président des États-Unis. C’était encore ne rien comprendre à la diplomatie.

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D’abord, il n’avait pas que le drapeau américain mais aussi le drapeau français et européen. Ensuite, à chaque rencontre bilatérale, il est de coutume, lors des conférences de presse des représentants des deux pays, que le fond soit doté des couleurs nationales des deux pays. Dans une rencontre franco-allemande, les deux drapeaux sont présents, comme dans une rencontre franco-américaine. Il n’y a donc rien d’extraordinaire à ce qu’un Président français, par solidarité avec la démocratie américaine, s’exprimât devant les drapeaux américain, français et européen. C’est au contraire une fierté française que la France se soit positionnée du côté de la démocratie, du droit, de l’ordre et du peuple face aux séditieux et aux émeutiers. Emmanuel Macron ne l’aurait pas fait qu’on le lui aurait reproché, peut-être les mêmes qui lui reprochent aujourd’hui cette allocution.

Néanmoins, les macronistes ne sont pas en reste et ils ont raison. Ils ont ainsi largement repris les appels à la révolte de certains responsables politiques ces dernières années qui ne valaient pas mieux que ceux de Donald Trump, et qui pourraient donc aussi aboutir à un 6 janvier 2021 à la sauce française.

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J’en a noté trois sur Twitter. Contre Marine Le Pen : « Trump dit à ses troupes d’aller au Capitole… Comme Marine Le Pen a dit à ses gilets jaunes d’aller sur les Champs-Élysées en octobre 2018… ». Contre Jean-Luc Melenchon : « "Je vous encourage à vous rebeller (…). Il faut chasser Macron, les macronistes et tous ceux qui y ressemblent de près ou de loin qui ont collaboré à cette horreur du pouvoir". Jean-Luc Mélenchon : vous n’êtes pas un rempart, vous êtes le danger populiste. ». Contre FI : « Pour rappel, c’était le 20 janvier 2020 : Raquel Garrido, chroniqueuse et compagne du député France Insoumise Alexis Corbière, déclarait : "Louis XVI, on l’a décapité, Macron, on peut recommencer". ». Éloquents de violence.

L’assaut du Capitole est un nouvel exemple de ce que le philosophe Henri Bergson a appelé "l’imprévisibilité fondamentale du réel". Celui-ci était évitable, selon le terme d’une ministre démissionnaire, et provient en particulier de l’ego bien trop développé de Donald Trump pour imaginer l’intérêt général.

Terminons avec la très rafraîchissante homélie du pape François au Vatican le même jour, le 6 janvier 2021, jour de l’Épiphanie pour les chrétiens. Le pape a évoqué à la basilique Saint-Pierre l’Évangile selon saint Matthieu. Il a notamment commenté l’expression "lever les yeux" : « C’est une invitation à mettre de côté la fatigue et les plaintes, à sortir des exiguïtés d’une vision étroite, à se libérer de la dictature du moi, toujours enclin à se replier sur soi-même et sur ses propres préoccupations. (…) "Lever les yeux" : ne pas se laisser emprisonner par les fantasmes intérieurs qui éteignent l’espérance, et ne pas faire des problèmes et des difficultés le centre de l’existence. Cela ne veut pas dire nier la réalité, en faisant semblant ou en croyant que tout va bien. Non, il s’agit au contraire de regarder d’une manière nouvelle les problèmes et les angoisses, en sachant que le Seigneur connaît nos situations difficiles, écoute attentivement nos invocations et n’est pas indifférent aux larmes que nous versons. ».

Le pape n’était pas encore au courant de cet assaut à Washington qui a eu lieu quelques heures plus tard, mais on pourrait y entendre un petit clin d’œil à Donald Trump : libère-toi de la dictature du moi !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (11 janvier 2021)
http://www.rakotoarison.eu



Pour aller plus loin :
Capitole : Trump et la dictature du moi.
Il y a 20 ans : George W. Bush vs Al Gore.
De la Démocratie en Amérique.
USA 2020 : and the Winner is Joe Biden !
Il y a 20 ans : George W. Bush vs Al Gore.
USA 2020 : le suspense reste entier.
Bill Gates.
Albert Einstein.
Joe Biden.
Rosa Parks.
Jean-Michel Folon.
Henri Verneuil.
Benoît Mandelbrot.
Covid-19 : Donald Trump, marathonman.
Bob Kennedy.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210111-trump.html

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/capitole-trump-et-la-dictature-du-230153

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11 janvier 2021 1 11 /01 /janvier /2021 03:49

« Fort d’un appui que n’avaient point ses prédécesseurs, il foule aux pieds ses ennemis personnels partout où il les trouve, avec une facilité qu’aucun Président n’a rencontrée ; il prend sous sa responsabilité des mesures que nul n’aurait jamais avant lui osé prendre ; il lui arrive même de traiter la représentation nationale avec une sorte de dédain presque insultant. » (Tocqueville, 1840).



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Dans sa description du Président Andrew Jackson dans "De la Démocratie en Amérique", Tocqueville esquissait presque la personnalité de …Donald Trump !

Donald Trump, Président pour encore une semaine, va justement prendre la parole dans la journée du 12 janvier 2021, la première fois depuis le 6 janvier 2021.

Je reviens sur cet assaut contre le Capitole à Washington par une horde de trumpistes extrémistes. On aurait tendance à dire aujourd’hui : Sale temps pour Trump. Mais aussi pour les États-Unis. La honte mondiale. Le Président iranien en est même venu à fanfaronner et à faire la leçon à la démocratie américaine, un comble ! Mais pourquoi s’en priverait-il ? La tentation était trop grande. Les Américains se souviendront longtemps de cette honte, bien plus longtemps que l’humiliation de la prise d'otages américains à Téhéran en 1979 qui a coûté la réélection de Jimmy Carter. Donald Trump, en exhortant les futurs émeutiers à marcher sur le Capitole quelques heures auparavant, est en partie responsable de cet acte à la fois violent et antidémocratique, qu’on pourrait qualifier de barbare.

Dans le parc The Ellipse, près de la Maison-Blanche, à deux kilomètres du Capitole, à Washington, Donald Trump, Président sortant des États-Unis, a appelé ses militants à s’opposer à la loi et à la Constitution, lui qui s’était engagé sur la Bible à la défendre loyalement le 20 janvier 2017 : « Vous ne reprendrez jamais notre pays avec faiblesse. Vous devez faire preuve de force et vous devez être forts. Vous devez vous battre comme des diables. Nous en sommes venus à exiger que le Congrès fasse ce qu’il faut et ne compte que les électeurs qui ont été légalement désignés. Je sais que tout le monde ici se dirigera bientôt vers le bâtiment du Capitole pour, pacifiquement et patriotiquement, faire entendre votre voix aujourd’hui. ». Il n’y a eu ni pacifisme, ni patriotisme dans cet assaut !

En parlant de "diable", Donald Trump a, sans le savoir, repris Léon Bloy. Le pape François a dit le 6 janvier 2021 (voir plus loin) : « L’être humain a besoin, oui, d’adorer, mais il risque de se tromper d’objectif ; en effet, s’il n’adore pas Dieu, il adorera des idoles, il n’y a pas de demi-mesure, ou Dieu ou les idoles, ou pour prendre une expression d’un écrivain français, Léon Bloy : "Celui qui n’adore pas Dieu, adore le diable", et au lieu d’être croyant, il deviendra idolâtre. ».

Non, ce n’est pas le peuple américain qui a envahi par la force le Congrès américain, temple de la démocratie américaine. Non, ce n’est pas le peuple américain qui a saccagé les bureaux des parlementaires, qui a volé les ordinateurs. Non, ce ne sont même pas les électeurs de Donald Trump, dont beaucoup regrettent le choix aujourd’hui. Ce ne sont que quelques centaines, peut-être quelques milliers d’extrémistes qui ne représentent ni le peuple, ni l’électorat de Donald Trump (les sondages sont assez clairs à ce sujet), ce sont des extrémistes même particulièrement lourds. Certains arboraient des tee-shirts noirs, certains avec l’inscription "Auschwitz", d’autres avec celle-ci, encore plus claire : "6MWE". Ah, que veut dire 6MWE ? Six Million Wasn’t Enough. Six millions, ce n’est pas assez…

Extrémistes et violents. Cinq personnes sont mortes dans ce stupide assaut. Un policier et quatre émeutiers, dont une femme à l’intérieur du Capitole, blessée mortellement par un policier a eu peur. Cinquante-six autres personnes ont été blessées. On pourrait même dire, au pays de la gâchette facile ou plutôt, de la détente sensible, que c’est un exploit qu’il n’y ait pas eu plus de victimes. Quand on voit le comportement habituel des forces de l’ordre (George Floyd, par exemple), on peut s’étonner de la facilité de pénétration des émeutiers extrémistes. Il semblerait que la police ne fût pas armée.

Des armes provenant des émeutiers ont été retrouvés dans les bureaux du Congrès. Notamment un engin explosif a été retrouvé dans les "décombres". Certains voulaient même pendre immédiatement le Vice-Président Mike Pence, qui présidait la séance de certification au Congrès, pour traîtrise. On voit l’esprit démocrate de ces trumpistes. Retour à la Terreur toute …française !

Refuser le verdict électoral, ce n’est pas soutenir le peuple, c’est l’assassiner. Donald Trump a pourtant bénéficié de la démocratie en 2016 en se faisant élire Président des États-Unis alors que lui-même ne s’y était pas préparé. Personne ne s’est opposé à cette réalité. Refuser le peuple, refuser le choix du peuple, et vouloir faire un retournement sémantique est une sorte de folie qui a, je le rappelle, coûté la vie à cinq personnes.

Michel Scott, journaliste qui connaît bien la vie politique américaine, expliquait le 8 janvier 2021 que Donald Trump, appelé "l’homme aux 20 000 mensonges" (qui ont été répertoriés depuis le début de son mandat), tordait la réalité, au moins deux fois : sur les résultats de l’élection présidentielle du 3 novembre 2020, en refusant d’admettre sa défaite pourtant très large aux voix (peuple et grands électeurs), cela n’a rien à voir avec le scrutin serré entre George W. Bush et Al Gore, et aussi, bien sûr, sur la pandémie de covid-19, en ne prenant pas en compte la réalité sanitaire de son pays. D’ailleurs, comme je l’avais évoqué il y a quelque temps, les meetings électoraux de Donald Trump ont eu lieu sans port du masque, ce qui aurait provoqué, selon certains décomptes, plus de 30 000 contaminations et plus de 700 décès, dont celui du puissant homme d’affaires Herman Cain le 30 juillet 2020…

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Le Vice-Président Mike Pence, au contraire de "son" Président, a montré un grand sens des responsabilités et de l’État et nul doute que ce n’est pas gratuit. Il vise évidemment l’élection de 2024 et pour l’instant, il serait le mieux placé chez les républicains, à cela près qu’il ne rassemblera certainement plus la frange extrémiste du trumpisme, mais se débarrasser de cette frange, ne plus en être l’otage est certainement un avantage.

Très logiquement, risquant une inculpation pour sédition, Donald Trump se retrouve maintenant très isolé. La plupart de ses (derniers) collaborateurs ont démissionné depuis le 6 janvier 2021 (Stephanie Grisham, Mick Mulvaney, Rickie Niceta, Sarah Matthews, Tyler Goodspeed, Matthew Pottinger, etc.) ainsi que trois ministres (Elaine Chao, Betsy DeVos, Chad Wolf)… Tous ont maintenant peur d’être considérés comme complices de cette insurrection.

C’est la débandade chez les trumpistes, non seulement des personnes mais aussi des idées. Avec ce fait d’armes, il y aura un argument majeur de plus pour enfin réglementer la vente et la possession d’armes à feu. Le risque est maintenant grand que des individus soient en capacité de terroriser, d’agresser des représentants du peuple.

Ce lundi 11 janvier 2021, les représentants démocrates ont entamé une procédure d’impeachment pour destituer Donald Trump dont le mandat finit le 20 janvier 2021. Pourquoi faire alors qu’il ne reste plus que quelques jours ? Peut-être pour éviter de nouvelles "bêtises" trumpiennes (qui sait quelle est sa capacité de nuisance contre sa nation et son peuple ?). Aussi pour le symbole, pour que Donald Trump soit définitivement rayé de la respectabilité institutionnelle.

Et parallèlement, Donald Trump s’est finalement avoué vaincu en reconnaissant enfin la victoire de Joe Biden et en assurant que la transition se ferait pacifiquement (ce qui est déjà trop tard : cinq morts, je le rappelle !). Il était temps qu’il reconnaisse sa (large) défaite. Elle n’est pas seulement électorale, elle est maintenant politique et surtout morale.

Je reviendrai plus tard sur la suppression du compte Twitter de Donald Trump et sur la suspension longue de son compte FaceBook et d’autres réseaux sociaux (Youtube, etc.). Contrairement à ce qu’une très large majorité proclame, il ne s’agit pas ici d’un problème de censure ou de liberté d’expression mais je ne suis pas naïf non plus et c’est plutôt une décision hypocrite prise par les GAFAM qui ont beaucoup profité des messages de Donald Trump pendant de longues années avant de vouloir se refaire une virginité devant le nouveau Président Joe Biden.

Dans l’analyse de cette insurrection, on a cherché un certain nombre d’analogies et probablement que l’un des points forts de Donald Trump, c’est qu’il est inimitable, c’est qu’il est incomparable. Mais essayons de reprendre deux analogies entendues ici ou là. Elles sont toutes les deux européennes : 1934 et 1981.

La journée d’émeute du 6 février 1934 qui a abouti à la démission du gouvernement du radical Édouard Daladier et qui a durablement alourdi la mémoire collective d la Troisième République finissante, en plein contexte d’arrivée des nazis au pouvoir en Allemagne. Elle a été provoquée très précisément par l’affaire Stavisky (excellemment retracée au cinéma dans un film d’Alain Resnais sorti le 15 mai 1974 avec Jean-Paul Belmondo, François Périer, Anny Duperey, Michael Lonsdale, Claude Rich, Pierre Vernier, etc., et même Gérard Depardieu et Niels Arestrup à leurs débuts).

La grande différence, c’était que les émeutiers ne faisaient pas partie du pouvoir mais de l’opposition, à l’instar du colonel de La Rocque qui a finalement refusé de marcher sur l’Élysée (ce que l’histoire retiendra). Au contraire, le colonel de La Rocque, dont les Croix-de-feu avaient atteint l’esplanade des Invalides, a refusé d’occuper le Palais-Bourbon puis de marcher vers l’Élysée, et a même réussi assez vite à disperser ses troupes. Il était beaucoup plus responsable que Donald Trump en 2021. Néanmoins, une partie des émeutiers s’est rejointe place de la Concorde et ce fut la confrontation avec la police. Au bilan, une trentaine de morts et plus de deux mille blessés.

L’autre analogie est espagnole. Le 23 février 1981, le Congrès des députés à Madrid fut envahi et occupé par des militaires franquistes, pour empêcher l’élection de Leopoldo Calvo-Sotelo à la Présidence du gouvernement espagnol. Le putsch a échoué grâce au sang-froid du jeune roi mis en place par Franco pour sa succession, Juan Carlos Ier qui a osé s’opposer aux putschistes à la télévision. Il n’y a pas eu de victimes. Les militaires putschistes ont tous été arrêtés et la démocratie s’est installée en Espagne, ainsi que la monarchie grâce à l’autorité conquise par le roi.

L’analogie ne tiendrait que si Joe Biden était Juan Carlos, mais certainement pas Donald Trump qui, lui, serait du côté des putschistes. Là aussi, des parlementaires ont été bafoués par des extrémistes.

Honte nationale, honte internationale.

Dans les suites plus politiciennes en France de cet assaut du Capitole, on peut noter deux critiques périphériques. Des opposants au Président français Emmanuel Macron lui ont stupidement reproché d’avoir pris la parole avec un drapeau américain dans son dos, comme s’il s’était pris pour le Président des États-Unis. C’était encore ne rien comprendre à la diplomatie.

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D’abord, il n’avait pas que le drapeau américain mais aussi le drapeau français et européen. Ensuite, à chaque rencontre bilatérale, il est de coutume, lors des conférences de presse des représentants des deux pays, que le fond soit doté des couleurs nationales des deux pays. Dans une rencontre franco-allemande, les deux drapeaux sont présents, comme dans une rencontre franco-américaine. Il n’y a donc rien d’extraordinaire à ce qu’un Président français, par solidarité avec la démocratie américaine, s’exprimât devant les drapeaux américain, français et européen. C’est au contraire une fierté française que la France se soit positionnée du côté de la démocratie, du droit, de l’ordre et du peuple face aux séditieux et aux émeutiers. Emmanuel Macron ne l’aurait pas fait qu’on le lui aurait reproché, peut-être les mêmes qui lui reprochent aujourd’hui cette allocution.

Néanmoins, les macronistes ne sont pas en reste et ils ont raison. Ils ont ainsi largement repris les appels à la révolte de certains responsables politiques ces dernières années qui ne valaient pas mieux que ceux de Donald Trump, et qui pourraient donc aussi aboutir à un 6 janvier 2021 à la sauce française.

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J’en a noté trois sur Twitter. Contre Marine Le Pen : « Trump dit à ses troupes d’aller au Capitole… Comme Marine Le Pen a dit à ses gilets jaunes d’aller sur les Champs-Élysées en octobre 2018… ». Contre Jean-Luc Melenchon : « "Je vous encourage à vous rebeller (…). Il faut chasser Macron, les macronistes et tous ceux qui y ressemblent de près ou de loin qui ont collaboré à cette horreur du pouvoir". Jean-Luc Mélenchon : vous n’êtes pas un rempart, vous êtes le danger populiste. ». Contre FI : « Pour rappel, c’était le 20 janvier 2020 : Raquel Garrido, chroniqueuse et compagne du député France Insoumise Alexis Corbière, déclarait : "Louis XVI, on l’a décapité, Macron, on peut recommencer". ». Éloquents de violence.

L’assaut du Capitole est un nouvel exemple de ce que le philosophe Henri Bergson a appelé "l’imprévisibilité fondamentale du réel". Celui-ci était évitable, selon le terme d’une ministre démissionnaire, et provient en particulier de l’ego bien trop développé de Donald Trump pour imaginer l’intérêt général.

Terminons avec la très rafraîchissante homélie du pape François au Vatican le même jour, le 6 janvier 2021, jour de l’Épiphanie pour les chrétiens. Le pape a évoqué à la basilique Saint-Pierre l’Évangile selon saint Matthieu. Il a notamment commenté l’expression "lever les yeux" : « C’est une invitation à mettre de côté la fatigue et les plaintes, à sortir des exiguïtés d’une vision étroite, à se libérer de la dictature du moi, toujours enclin à se replier sur soi-même et sur ses propres préoccupations. (…) "Lever les yeux" : ne pas se laisser emprisonner par les fantasmes intérieurs qui éteignent l’espérance, et ne pas faire des problèmes et des difficultés le centre de l’existence. Cela ne veut pas dire nier la réalité, en faisant semblant ou en croyant que tout va bien. Non, il s’agit au contraire de regarder d’une manière nouvelle les problèmes et les angoisses, en sachant que le Seigneur connaît nos situations difficiles, écoute attentivement nos invocations et n’est pas indifférent aux larmes que nous versons. ».

Le pape n’était pas encore au courant de cet assaut à Washington qui a eu lieu quelques heures plus tard, mais on pourrait y entendre un petit clin d’œil à Donald Trump : libère-toi de la dictature du moi !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (11 janvier 2021)
http://www.rakotoarison.eu



Pour aller plus loin :
Capitole : Trump et la dictature du moi.
Il y a 20 ans : George W. Bush vs Al Gore.
De la Démocratie en Amérique.
USA 2020 : and the Winner is Joe Biden !
Il y a 20 ans : George W. Bush vs Al Gore.
USA 2020 : le suspense reste entier.
Bill Gates.
Albert Einstein.
Joe Biden.
Rosa Parks.
Jean-Michel Folon.
Henri Verneuil.
Benoît Mandelbrot.
Covid-19 : Donald Trump, marathonman.
Bob Kennedy.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210111-presidentielle-us2020d.html

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/01/13/38756421.html



 

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24 novembre 2020 2 24 /11 /novembre /2020 03:25

« Souvent c’est faire un grand gain que de savoir perdre à propos. » (Fénelon, 1687).


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Où en est-on avec l’élection présidentielle américaine du 3 novembre 2020 ? Donald Trump vient de reconnaître (enfin) implicitement sa défaite en acceptant la collaboration de son gouvernement pour la transition. Le Président élu Joe Biden a annoncé ce lundi 23 novembre 2020 ses premières nominations (voir plus loin). Depuis le samedi 7 novembre 2020, il n’y a plus de suspense : Joe Biden a bel et bien gagné l’élection. Ce samedi-là, tout le monde était au rendez-vous car tous les médias américains ont proclamé Joe Biden Président élu, notamment CNN et AP (Associated Press).

Cela peut paraître étonnant mais en raison de la structure fédérale des États-Unis, aucun organisme officiel (fédéral) ne s’occupe de recueillir et de comptabiliser officiellement les résultats de tous les États des États-Unis. Il faut donc attendre soit la tendance en cours de dépouillement soit les résultats officiels de chacun des États et faire les totaux soi-même pour avoir une idée du vainqueur. Je rappelle que ce qui compte, ce n’est pas le nombre de voix mais le nombre de grands électeurs, obtenus ou perdus par État. Ce sont donc quelques États qui étaient cette année très intéressants à observer scrupuleusement.

Le 7 novembre 2020, même Fox News, chaîne pourtant ouvertement trumpiste, a reconnu l’élection de Joe Biden. Il faut dire que Fox News jouit d’une grande réputation sur la justesse de ses résultats électoraux. Risquer de mettre à mal cette crédibilité, au profit d’un combat perdu d’avance, c’est perdre l’une de ses valeurs ajoutées. Le journal républicain "New York Post" lui a titré "Trump, you’re fired !" qu’on peut traduire par : Z’êtes viré ! de la célèbre exclamation de l’ancien animateur de télévision Donald Trump qui saluait ainsi un candidat ayant échoué dans son émission de téléréalité.

Le même jour (7 novembre 2020), la plupart des chefs d’État et de gouvernement étrangers ont adressé leurs félicitations à Joe Biden, en particulier Emmanuel Macron, Boris Johnson, Angela Merkel, le dalaï-lama (beaucoup, mais pas tous, pas Vladimir Poutine qui a préféré attendre la consolidation des résultats électoraux).

Le 13 novembre 2020, avec la victoire de l’Arizona (11 grands électeurs), même le site Real Clear Politics, pourtant hyperprudent dans le comptage des résultats, a attribué la majorité absolue des grands électeurs à Joe Biden.

La plupart des recours judiciaires sur la sincérité des votes, faits par le camp Trump, ont été rejetés le 14 novembre 2020 par les tribunaux. Toute l’armée d’avocats au service de Donald Trump s’est désistée sauf son patron, Rudy Giuliani, l’ancien maire de New York (au moment des attentats du WTC) et ancien candidat aux primaires républicaines en 2008, qui, à 76 ans (moins que Biden), s’est trompé de sujet dans une plaidoirie. La vieillesse est un naufrage, écrivait De Gaulle… Là, ce naufrage a un prix qui va ruiner Donald Trump : Rudy Giuliani a accepté sa mission impossible de plaider les fausses fraudes massives en raison de son salaire, 20 000 dollars par jour ! Les électeurs de Donald Trump apprécieront sans doute de le savoir.

Le 21 novembre 2020, la Géorgie a certifié la justesse de ses résultats donnant gagnant Joe Biden dans cet État. Le 23 novembre 2020, ce fut au tour du Michigan de certifier les résultats en faveur de Joe Biden. Plus rien, plus d’incertitude ne s’oppose au serment que va prêter Joe Biden le 20 janvier 2021 lors de la cérémonie d’investiture très particulière, sans public, pour cause de covid-19.

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Au total, Joe Biden a recueilli 306 grands électeurs sur 538, soit supérieur à la majorité absolue (270) et Donald Trump 232. En nombre de voix, la victoire est éclatante : Joe Biden a obtenu 79 815 509 voix, soit 51,0% et Donald Trump 73 786 569 voix, soit 47,2%. Les deux candidats ont fait exploser les records d’obtention de voix par un candidat à une élection présidentielle américaine, car jamais la participation n’a été aussi forte depuis le début du siècle dernier : ont voté 66,9% des 239 247 182 électeurs inscrits, soit 11,2 points de plus qu’en 2016. Cela a fait 160 millions de votants, et 153 millions de suffrages exprimés.

Comme on le voit, la victoire de Joe Biden est triplement large : large en grands électeurs (c’est l’essentiel pour gagner), un écart de 74 grands électeurs (soit presque 14%) ; large en électeurs tout court, une avance de plus de 6 millions de voix (soit presque 4% !) ; enfin, comme je viens de l’écrire, une large participation, historique, inédite depuis 120 ans. Bref, il n’y a pas "photo".

Et la réalité, c’est que, de ceux qui criaient aux fraudes massives, il ne reste plus que Donald Trump lui-même, dans le rôle de l’enfant capricieux aux désirs refoulés, sa famille (et encore, demandez à sa nièce Mary Trump ce qu’elle en pense !), quelques fidèles de fidèles du clan, Poutine (qui avait tout fait pour faire battre Hillary Clinton en 2016), et, chose très curieuse, une bande de quelques excités complotistes français qui ont besoin d’une univocité de pensée (Trump-hydroxychloroquine-antivaccin) même si cette univocité est un peu incohérente (Trump a abandonné depuis longtemps l’hydroxychloroquine et est sans doute le meilleur agent commercial des vaccins contre le covid-19) et totalement hors sol (puisqu’ils ne votent pas aux États-Unis).

Je me réjouis bien sûr de l’éviction de Donald Trump de la Maison-Blanche et du retour d’une certaine responsabilité et sagesse d’État. Dans ses premiers entretiens téléphoniques avec les dirigeants européens, Joe Biden a voulu rassurer en disant que l’Amérique était de retour (qui était le slogan de Ronald Reagan). L’Europe et plus généralement, le monde vont pouvoir reprendre des relations diplomatiques de confiance avec les États-Unis, sans peur de se faire tirer dans le dos dès qu’on l’aura tourné.

Dès le début du processus électoral, mon analyse portait sur deux éléments qui m’ont paru évidents et qui contredisaient généralement ce qu’en disaient les médias français.

Premier élément, la réélection de Donald Trump était largement possible, et il ne fallait pas tomber comme en 2016 sur l’impossibilité de sa réélection, comme on avait dit l’impossibilité de sa première élection. Certes, il n’a pas été réélu, et de loin (le scrutin n’était pas si serré que cela), mais en électeurs net (c’est-à-dire, en valeurs absolues), Donald Trump a convaincu plus d’électeurs qu’en 2016, insuffisamment pour gagner, mais cela montre quand même une Amérique coupée en deux, très clivée, avec une ligne de clivage où les pauvres votent pour le triple milliardaire Trump, une ligne qui sépare "l’etablishment" et les élites d’une part, les petites gens, d’autres part, les "États-Unis d’en bas" pour parodier la "France d’en bas". Près de 74 millions de citoyens américains ont voté pour un second mandat de Donald Trump, ce n’est pas rien. Il faut se rappeler qu’une première élection peut se faire par défaut, par hasard, grâce aux circonstances, mais jamais une réélection (ce sera le pari du Président Emmanuel Macron en 2022). La nuit de l’élection, j’ai même cru que Donald Trump avait pris un léger avantage sur Joe Biden parce que le Texas et la Floride avaient donné ses grands électeurs au candidat républicain. Cette crainte s’est vite dissipée.

Second élément, il n’y aurait pas de révolution dans les rues et pas de contestation du résultat des élections. Je ne savais pas qui allait gagner, mais je savais que le vainqueur serait accepté par le peuple américain. Pour une raison simple : les Américains sont des citoyens légitimistes et loyalistes, ils reconnaissent l’autorité du Président même s’ils sont dans l’opposition, c’est pour cela qu’ils comprennent mal comment nos Présidents français peuvent être aussi ouvertement malmenés par des supposés citoyens français car pour eux, cela relèverait de l’antipatriotisme. Le Président est une institution, la première du pays, et il faut la soutenir une fois qu’elle est pourvue. Les États-Unis sont le pays de l’État de droit par excellence, le pays des juristes et des avocats. Impossible donc qu’il y ait un fort courant d’insoumission face à une élection.

Du reste, malgré les jérémiades et les dénis infantiles de Donald Trump, la très grande majorité du peuple américain reconnaît l’élection de Joe Biden. Un sondage donnait environ 95% des sondés dans cette reconnaissance, ce qui est énorme. Depuis plusieurs semaines, il pleut des CV provenant de collaborateurs de la Maison-Blanche, pas fous, il faut bien qu’ils se recasent. Et surtout, les parlementaires républicains, qui restent discrets car Trump vaut quand même 74 millions d’électeurs, il ne faut pas hypothéquer l’avenir, ils ont déjà tourné la page (Mike Pence et Mike Pompeo sont déjà dans la course pour 2024) et souhaitent déjà rendre la tâche de Joe Biden difficile au Sénat (où les républicains restent majoritaires).

D’ailleurs, l’un des arguments pour discréditer complètement les accusations de fraudes massives, c’est-à-dire, de fraudes qui auraient changé le sens de l’élection, c’est que les hypothétiques méchants fraudeurs démocrates (accusés même dans des États dont le gouverneur est républicain !) auraient transformé le vote en faveur de Trump par un vote en faveur de Biden, mais n’auraient pas été jusqu’au bout : en effet, les bulletins sont uniques pour élire les sénateurs et le Président et les fraudeurs auraient "oublié" de faire élire un sénateur démocrate. Pourtant, cela serait très utile pour un gouvernement démocrate car, en cas de majorité opposée, le régime risque rapidement de se paralyser (ce fut le cas à l’époque de Barack Obama avec des shutdown).

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De toute façon, cette lubie de la fraude massive est désormais levée et l’actualité est passée à autre chose. Pour Joe Biden, à la préparation de son futur gouvernement, en particulier, car c’est l’urgence, à la capacité à faire une campagne de vaccination contre le covid-19 rapidement. Sur ce point, Donald Trump pourra espérer que cette campagne commence avant le 20 janvier 2021, ce qui sera pour lui une petite victoire à l’intérieur de sa grande défaite. Pour Donald Trump, cela continue en vaudeville, peut-être plus pitoyable que rigolo, d’un homme blessé dans son amour-propre qui pleurera jusqu’au bout. Et jusqu’au bout, il aura montré, à la grande honte de bien des élus républicains, à quel point Donald Trump n’a jamais été à la hauteur d’un homme d’État dont la première qualité est de respecter la démocratie et le verdict des urnes.

Depuis le 3 novembre 2020, Joe Biden a fait un parcours sans-faute. Il aurait pu, comme pendant la campagne (ce qui n’était pas très heureux), faire du Trump, mais il s’est bien gardé de riposter, polariser, hystériser, en revendiquant sa victoire. Il n’a jamais revendiqué sa victoire, il a toujours été très prudent, il a au contraire fait profil bas, sûr de sa victoire. Il veut avoir le triomphe modeste car il a une ambition forte, celle de réconcilier le peuple américain particulièrement clivé, comme je l’ai indiqué plus haut. Or, réconcilier, c’est donner aux adversaires d’hier des raisons de se calmer. Plus Donald Trump s’agite, plus Joe Biden reste calme. En gardant sa hauteur de vue, Joe Biden évite d’humilier ses adversaires.

Le 20 janvier 2021, il y aura donc deux nouveautés : Joe Biden sera le Président des États-Unis investi le plus âgé et Kamala Harris sera la première femme Vice-Présidente des États-Unis. Cette dernière, à 56 ans, avec déjà une solide expérience et de grandes compétences en droit, aura probablement un rôle majeur à jouer dans son parti et dans son pays dans les années à venir. Jusqu’en 2020, il n’y a eu que deux femmes candidates à la Vice-Présidence, la démocrate Geraldine Ferraro en 1984 et la républicaine Sarah Palin en 2008. Sans oublier évidemment Hillary Clinton, candidate à la Présidence en 2016.

Dès ce 23 novembre 2020, Joe Biden a déjà fait ses premières nominations, dont certaines devront être ratifiées par le Sénat. J’en citerai deux importantes. Antony Blinken (58 ans) sera le futur Secrétaire d’État (Ministre des Affaires étrangères). Il a fait ses études secondaires en France et parle couramment le français (ce qui est rare pour un ministre américain). Il a été le numéro deux du Département d’État à la fin de la Présidence de Barack Obama (du 9 janvier 2015 au 20 janvier 2017). En outre, John Kerry, ancien candidat démocrate en 2004, a été nommé représentant spécial du Président pour le climat (ne fera pas partie du gouvernement).

J’ajoute deux autres nominations intéressantes : Alejandro Mayorkas (61 ans) sera Secrétaire à la Sécurité intérieure (il en était le numéro deux sous Obama) et Avril Haines (51 ans) sera directrice du renseignement national (director of national intelligence) avec rang de ministre, ce sera la première femme de l’histoire à occuper ce poste stratégique (elle en était sous-directrice sous Obama). On le voit, le gouvernement Biden reprend beaucoup d'acteurs du gouvernement Obama.

Par ailleurs, parmi les conseillers du Président pour la transition, ont été nommés notamment Pete Buttigieg (ancien candidat aux primaires démocrates en 2020), Susan Rice (ancienne ambassadrice auprès des Nations Unies) et Cindy MacCain (la veuve de l'ancien candidat républicain John MacCain).

Joe Biden a défini quatre priorités pour son mandat de 2021 à 2025 : la lutte contre la pandémie de covid-19, trop longtemps sous-estimée dans son pays, le redressement de l’économie, la lutte contre le bouleversement climatique et l’équité sociale. Le monde entier lui souhaite donc bonne chance !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (23 novembre 2020)
http://www.rakotoarison.eu



Pour aller plus loin :
USA 2020 : and the Winner is Joe Biden !
Il y a 20 ans : George W. Bush vs Al Gore.
USA 2020 : le suspense reste entier.
Bill Gates.
Albert Einstein.
Joe Biden.
Rosa Parks.
Jean-Michel Folon.
Henri Verneuil.
Benoît Mandelbrot.
Covid-19 : Donald Trump, marathonman.
Bob Kennedy.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20201123-presidentielle-us2020b.html

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6 novembre 2020 5 06 /11 /novembre /2020 03:51

« Stop the count ! » (Donald J. Trump, tweet du 5 novembre 2020 à 3:12 pm, heure de Washington).


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Deux jours que les bureaux de vote sont fermés et le pays dont la tradition démocratique n’est pourtant plus à démontrer est incapable de dire quel a été le message de son peuple. Quand un candidat, qui plus est Président sortant, crie depuis deux jours pour dire : "stop ! arrêtez de compter ! ça suffit ! j’ai gagné !", comment ne pas se croire dans un vaudeville surréaliste ? Les États-Unis sont aussi un peuple d’artisans bricoleurs, chaque État, chaque comté bricole son code électoral.

À cette heure, aucun candidat n’a encore été proclamé vainqueur, mais cela risque de durer encore longtemps, peut-être plus d’un mois. Joe Biden semble avoir un peu d’avance (et je m’en réjouis), mais ceux qui parlent de coup d’État pour évoquer le cri désespéré de Donald Trump se trompent : s’il devait y avoir un coup d’État, Donald Trump aurait recruté une armée de miliciens armés de fusils-mitrailleurs jusqu’aux dents, pas une armée de (mille ?) avocats armés… de leur tarification d’honoraires. Après tout, ce pays est aussi celui des avocats et la loi, à la fin, devrait triompher.

Mais comment ne pas se rappeler il y a exactement vingt ans, une autre élection présidentielle américaine, le 7 novembre 2000 ?  Le match entre le Vice-Président démocrate sortant Al Gore (futur Prix Nobel) et le gouverneur du Texas, républicain, et par ailleurs fils de son père, George W. Bush avait également fait vibrer de nombreux avocats à défaut du peuple américain.

Un peu comme dans le match Joe Biden vs Donald Trump, le candidat républicain avait recueilli la majorité des contrées rurales, des États du Sud, etc. tandis qu’Al Gore avait séduit les grosses agglomérations de la côte est, de la côte ouest et des Grands lacs. À Bush Jr l’espace, le territoire, à Gore la population, les villes.

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Très vite, les résultats de tous les États furent reconnus, sauf ceux de la Floride (et du Nouveau Mexique, mais ce dernier très brièvement). Sans compter les 25 délégués de la Floride, Al Gore avait obtenu 266 délégués et George W. Bush 246 délégués. Pour gagner, il en faut 270 : la Floride devenait ainsi l’État clef non seulement de l’élection, de la vie politique américaine, mais aussi de tous les avocats américains !

Les résultats partiels en Floride étaient extrêmement serrés : du genre 2 890 321 voix pour Bush Jr et 2 884 261 pour Gore, en sachant que celui qui remporte le plus grand nombre de voix remporte la totalité des délégués attribués à la Floride, à savoir 25 délégués.

Pour corser le tout, le gouverneur de la Floride n’était autre que le frère du candidat républicain, Jeb Bush (qui a tenté sa chance aux primaires républicaines de 2016), dont certains démocrates ont accusé d’un manque de neutralité dans cette élection. Après le dépouillement, le 8 novembre 2000, Bush Jr a eu une avance de 1 784 voix par rapport à Gore (soit moins que 0,5%).

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Parmi les choses contestées, la conception même des bulletins de vote. Dans certains comtés, il s’agissait de perforer au bon endroit pour choisir son candidat. Très mal conçu (par une démocrate pourtant !), la position des candidats faisait que l’électeur qui voulait choisir Gore pouvait se tromper et perforer au niveau de Pat Buchanan. Ces perforations ont le but d’être utilisées par une machine à voter, chaque trou permet d’incrémenter le nombre de voix correspondant. Mais certains électeurs n’ont pas perforé jusqu’au bout, si bien que la machine à voter a considéré le vote nul au lieu de prendre en compte le nom du candidat "mal perforé". Wikipédia a publié un exemple de bulletin à Palm Beach, qui est éloquent.

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Le raisonnement des démocrates fut le suivant : dans les dépouillements, le candidat républicain est très légèrement en avance, mais beaucoup de bulletins favorables à Gore ont été comptabilisés comme des bulletins nuls, à tort, ce qui a eu pour conséquence d’inverser complètement le sens du vote en Floride et donc, aux États-Unis eux-mêmes ! Et on pourrait même ajouter le destin de l’Irak.

Ainsi, les démocrates ont demandé un recomptage des bulletins, mais de manière manuelle, pour pouvoir comptabiliser les bulletins mal perforés au nom de Gore. La loi électorale en Floride était cependant la suivante : le recomptage se faisait électroniquement, et seul, le recomptage manuel de quatre comtés au maximum était possible. Par ailleurs, la loi précise que si l’écart des voix est inférieur à 0,5% (ou 1%, selon d’autres États), le recomptage est gratuit et pas aux frais du demandeur.

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Le 10 novembre 2000, le premier recomptage, électronique, confirma la faible avance de George W. Bush, de 327 voix (sur environ 6 millions de voix !). Pour passer au recomptage manuel, le camp d’Al Gore a choisi trois comtés qu’ils considéraient comme les plus démocrates (dont Miami et Palm Beach). Mais les résultats n’ont pas changé l’avance de Bush Jr. Les démocrates ont alors demandé de nouveaux recomptages avec des méthodes différentes, mais certains comtés l’ont refusé car ils considéraient que leur premier recomptage était correct.

La secrétaire d’État de Floride (fonction interne à l’État généralement chargée des élections) Katherine Harris (républicaine) a accepté ces recomptages jusqu’au 14 novembre 2000. Mais saisie par les démocrates, la cour suprême de la Floride (avec six juges démocrates sur sept) a décidé de prolonger ces recomptages jusqu’au 25 novembre 2000. Katherine Harris a annoncé la victoire de Bush Jr en Floride avec 537 voix d’avance. Mais des recomptages manuels dans certains comtés ont continué.

C’est sur l’absence de norme fixée par la cour suprême de la Floride que les avocats du camp républicain ont riposté en portant l’affaire au niveau fédéral. En effet, en n’imposant pas une manière identique de recompter dans tous les bureaux de vote de l’État, la cour suprême de la Floride a violé le 14e amendement de la Constitution qui veut l’égale protection des lois.

Dans un premier temps, le 9 décembre 2000, la Cour Suprême des États (donc au niveau fédéral), pas moins partiale que celle de la Floride (à l’époque, sept juges républicains sur neuf), a ordonné l’arrêt des recomptages manuels (le "stop count !" de Trump, mais là, c’était du recomptage ; Donald Trump, lui, veut arrêter le premier comptage des voix !!!!).

Dans un second temps, le 12 décembre 2000, la Cour Suprême des États-Unis a continué à donner raison aux républicains en considérant que la cour suprême de la Floride a pris une décision anticonstitutionnelle. Pour sept juges sur neuf, le recomptage voulu par la cour suprême de la Floride était anticonstitutionnel, et pour cinq juges sur neuf, ces recomptages violaient le principe d’équité et d’égalité devant la loi, ce qui a eu pour conséquence d’annuler complètement les recomptages manuels (qui étaient presque achevés, mais de toute façon, Bush Jr avait gardé encore un peu d’avance malgré tout). Dans son jugement, la Cour Suprême fédérale était on ne peut plus stupéfiante : « Même si le recomptage était juste en théorie, il était injuste en pratique. » !

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Ainsi, George W. Bush fut proclamé vainqueur de la Floride, a obtenu ses 25 délégués et a donc gagné en tout 271 délégués, soit un de plus que la majorité absolue. Georges W. Bush fut donc déclaré élu Président des États-Unis (formellement élu par les délégués) avec 271 délégués contre 266 délégués pour Al Gore. Ce qui pourrait être troublant (mais ce n’est pas unique dans l’histoire des États-Unis, notamment en 2016), c’est qu’Al Gore avait, au niveau général, reçu plus de voix que son adversaire déclaré élu : 50 999 897 voix (48,4%) contre 50 456 002 voix (47,9%) pour Bush Jr.

L’affaire s’est terminée par la reconnaissance de sa défaite par Al Gore le 13 décembre 2000 (tout en désapprouvant la décision de la Cour Suprême fédérale). On peut imaginer qu’en 2020, Donald Trump ne reconnaîtra jamais sa défaite, mais Joe Biden a aussi annoncé qu’il ferait valoir sa victoire jusqu’au bout. Le problème en 2020, c’est qu’il n’y a pas qu’un seul État litigieux (comme la Floride en 2000), mais plusieurs : la Pennsylvanie, le Wisconsin, le Michigan, le Nevada, l’Arizona. Or, pour contester l’élection de Joe Biden, il faut multiplier les recours, les affaires dans chaque État litigieux. L’armée d’avocats de Donald Trump a déjà fait 260 recours, dont de nombreux pour supposées fraudes en rapport avec le vote par correspondance (très nombreux).

L’épilogue fut moins connu : en mars 2001, un consortium privé regroupant des médias a finalement effectué, à ses frais, le recomptage manuel après s’être procuré, grâce à l’Université de Chicago, tous les bulletins de vote de la Floride, mais avec des méthodes différentes. 

Ce qu’avaient demandé les avocats d’Al Gore (recomptages manuels de certains comtés), selon ces recomptages privés, n’aurait pas inversé le sens de l’élection : en effet, Bush Jr serait resté encore victorieux avec une avance de 225 à 493 voix. En revanche, avec un recomptage de toute la Floride, ce que n’avait pas demandé Al Gore, ce dernier aurait été victorieux avec une avance de 60 à 171 voix sur le candidat républicain. Ces résultats contrastés renforcent l’impression de confusion générale qu’a engendrée cette élection très controversée.

Pour terminer, j’évoque l’un des candidats aux primaires républicaines de 2000, concurrent de George W. Bush, pour le but de faire le lien entre 2000 et 2020.

Il s’agit de l’homme d’affaires Herman Cain, issu de l’aile très conservatrice du parti républicain. Ayant eu beaucoup de succès dans le monde des affaires (exemple méritant de l’ascenseur social), Herman Cain fut le puissant représentant de près de 400 000 restaurateurs. Il renonça à sa candidature en 2000 pour soutenir celle du milliardaire Steve Forbes, puis, après le retrait de ce dernier, finalement celle de George W. Bush. Il rata d’être candidat républicain aux élections sénatoriales de 2004.

Herman Cain retenta sa chance aux primaires républicaines de 2012. Il concurrença sérieusement la candidature de Mitt Romney en octobre 2011 en séduisant le Tea Party, mais a dû renoncer deux mois plus tard après être mis en cause dans une histoire de harcèlement sexuel. En 2016, il a soutenu la candidature de Donald Trump qui, une fois élu, a même envisagé de le nommer à la tête de la Federal Reserve (banque centrale des États-Unis), Herman Cain avait été président de la FED Kansas City de 1994 à 1996.

L’homme se sentait manifestement avoir la baraka, puisqu’il a eu en 2006 un cancer métastasé dont il s’est sorti malgré de très faibles chances de survie. Probablement que cela, ainsi que son âge, 74 ans, ne l’ont finalement pas aidé. Opposant très fort au port du masque pour cause de pandémie de covid-19, Herman Cain a assisté au premier meeting de campagne de Donald Trump à Tulsa, dans l’Oklahoma, le 20 juin 2020. Sans masque, évidemment. Comme beaucoup d’autres dans ces meetings. Le 29 juin 2020, il a annoncé qu’il avait été contaminé au covid-19. Et il en est mort le 30 juillet 2020. Certains ont compté au moins 30 000 cas de contaminations provenant des meetings de Donald Trump, qui auraient provoqué …700 décès. Le coronavirus touche tout le monde, personne n’est à l’abri. Pas même les républicains.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (05 novembre 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Il y a 20 ans : George W. Bush vs Al Gore.
USA 2020 : le suspense reste entier.
Bill Gates.
Albert Einstein.
Joe Biden.
Rosa Parks.
Jean-Michel Folon.
Henri Verneuil.
Benoît Mandelbrot.
Covid-19 : Donald Trump, marathonman.
Bob Kennedy.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20201107-gore-vs-bush-jr.html

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/il-y-a-20-ans-le-match-electoral-228388

https://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/11/03/38628180.html






 

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4 novembre 2020 3 04 /11 /novembre /2020 03:50

« Un bulletin de vote est une balle. On ne vote pas tant qu’on ne voit pas la cible, et si la cible est hors d’atteinte, on garde le bulletin dans la poche. » (Malcom X, 3 avril 1964 à Cleveland).



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Les électeurs américains étaient convoqués ce mardi 3 novembre 2020 pour élire leur nouveau Président des États-Unis. Comme on pouvait sérieusement le craindre, la situation n’est pas encore très claire à la fin de la nuit électorale. Les deux principaux candidats Joe Biden et Donald Trump ont annoncé leur victoire, l’un moins assuré que l’autre. Je ne suis pas madame Soleil et je me garderais de faire quelques pronostics, mais il y a déjà un certain nombre d’enseignements qu’on peut faire.

Certes, à l’heure actuelle, Joe Biden jouit d’une légère avance avec 227 délégués élus face à Donald Trump, seulement 214 délégués. Pour être élu, il faut au moins 270 délégués (sur 538 au total). Chaque État apporte son "lot" de délégués (proportionnel au nombre d’habitants), avec cette règle que (dans la plupart des États, il y a néanmoins deux exceptions), le candidat qui arrive en tête de l’État remporte tous les délégués attribués à l’État. Cette règle permet à des candidats minoritaires en voix (nombre de voix dans tout le pays) de gagner en obtenant malgré tout la majorité absolue des délégués (c’était le cas de Donald Trump en 2016, de George W. Bush en 2000, etc.). Cette règle rappelle l’importance historique de chaque État, qui doit rester libre et écouté, respecté, au sein de la fédération.

S’il y a une légère avance pour Joe Biden, ce n’est qu’un trompe-l’œil car la position de Donald Trump est un peu plus enviable à l’heure actuelle, puisqu’il a déjà remporté deux gros États, la Floride et le Texas, qui étaient pourtant incertains, ce qui montre une très forte résilience de la candidature de Donald Trump, malgré les affaires, les scandales et aussi les détestations qu’il a pu susciter au cours de son mandat et autour de sa personne. Plus généralement, les résultats en Pennsylvanie, en Géorgie et dans le Michigan seront certainement déterminants dans l’identification du vainqueur.

Parmi les enseignements, évoquons déjà les opérations électorales, puis la situation de 2020.

J’ai rappelé plus haut très succinctement la règle électorale. Elle peut être injuste (un minoritaire en voix peut être majoritaire en délégués) mais elle est la règle commune depuis plus de deux siècles et le liant de la fédération des États-Unis. Les candidats qui acceptent de concourir à l’élection acceptent bien entendu la règle et aucun Président des États-Unis n’a souhaité, une fois élu, dépoussiérer (car il s’agit bien de cela) cette règle. C’est un ciment national qu’on ne veut pas toucher. Cela peut donc paraître étrange, mais tout le monde respecte "religieusement" cette règle, et probablement que cela continuera ainsi dans l’avenir.

Le plus étrange est la manière dont les opérations électorales, les opérations de vote se déroulent. Il ne s’agit plus de mode de scrutin mais de la manière très basique de voter.

Un citoyen français qui observerait les opérations de vote aux États-Unis aurait raison d’être fier de son pays : la France a des procédures électorales qui garantissent, d’une part, la sincérité du vote, c’est-à-dire qu’il n’est pas "forcé" (par exemple, une représentant des forces de l’ordre qui vérifie que tout se passe bien dans un bureau de vote n’a en fait pas le droit de pénétrer dans un bureau de vote car il est armé, or le code électoral interdit qu’une personne armée soit présente dans un bureau de vote pour éviter de faire pression sur un électeur, ce qui n’est pas du tout interdit aux États-Unis et dans certains endroits, tous les électeurs viennent voter armés de peur de leur sécurité !), d’autre part, le secret du vote (or, si l’on veut voter par correspondance, il faut s’inscrire et indiquer pour qui on vote, aux États-Unis).

De plus, le vote doit rester libre, et équitable (ce qui signifie qu’on doit tous voter de la même manière, indépendamment d’un mode de scrutin plus ou moins "juste"). Enfin, cette sincérité, ce secret, cette liberté et cette équité doit être vérifiable par tout électeur (et observateur éventuel) pour s’assurer que le scrutin se déroule dans les bonnes conditions (ce que ne permettent pas le vote électronique, ni le vote par correspondance).

Et ensuite, il y a le dépouillement et les résultats. En France, généralement, sauf dans des cas extrêmement rares où le scrutin est très serré, on connaît le résultat dès la minute de la fermeture du dernier bureau de vote. Sondages sortie des urnes, dépouillement de bureaux de vote de petits villages qui votent habituellement comme la moyenne nationale, sondes dans des bureaux de vote clivants (un bureau habituellement acquis à gauche qui se retourne à droite ou l’inverse), bref tout est bon pour avoir le nom du gagnant avec une marge d’erreur plus faible que l’écart entre les candidats, nom d’ailleurs souvent connu avant 20 heures, plutôt vers 18 heures 30 (avant la fin du scrutin) en raison des sondages sortie des urnes (interdits d’être publiés sauf …sur Internet à l’étranger !).

À chaque élection présidentielle américaine, on peut donc rester toujours étonné par ce contraste très fort d’un pays qui est à la fois dans l’ultramodernité technologique (inutile de donner des exemples) mais aussi dans un état de vétusté très important (des outils de production qui ont plus de quarante ans, de l’eau non filtrée qui sort rougeâtre du robinet dans des appartements à New York, etc.). Or, ce contraste est sensible aussi dans les opérations de vote.

D’une part, on n’a pas le nom du gagnant à la fin du scrutin. Un pays si moderne incapable de cela, c’est très étonnant, d’autant plus que s’il y a des États où les résultats sont serrés, apparemment, cela ne semble pas aussi serré qu’en 2000. D’autre part, il y a vraiment l’impression que pour cette démocratie, c’est l’industrie qui l’emporte pour la campagne (il faut compter le nombre de milliards dépensés pour la campagne, 2020 est un sommet, et, au contraire de la France depuis une trentaine d’années, il n’y a pas de plafond, c’est donc le candidat qui a su le plus recueillir de l’argent qui va avoir un avantage marketing, donc des suspicions de collusion avec des grands groupes financiers capables de financer ces campagnes), mais c’est l’artisanat et le bricolage amateur pour les opérations matérielles de vote et de dépouillement.

Et l’équité, aux États-Unis, n’est pas assurée. Ainsi, il est possible de voter par correspondance. Plus de 97 millions d’électeurs ont voté par correspondance, c’était environ 55 millions en 2016. La raison principale est évidemment la pandémie de covid-19 mais certains États acceptent de recevoir les bulletins de vote après le 3 novembre 2020 (si postés avant), d’autres non. De toute façon, avec les fuseaux horaires, certains électeurs de la côte ouest pouvaient avoir les premiers résultats de la côte est avant de voter.

Il n’y a rien de nouveau dans ce constat, et cela donc reste très étonnant pour un Français qui sait que son pays est très bien rôdé, très efficace, dans les opérations de vote (ce n’est pas pour rien qu’on fait souvent appel à la France lorsqu’un pays est en processus de démocratisation sincère).

Venons-en maintenant au scrutin particulier du 3 novembre 2020. Je ne sais pas qui va gagner finalement l’élection mais je peux dire déjà que les sondages, une fois encore, se sont trompés. Les sondages envisageaient que la participation serait favorable à Joe Biden. C’est faux, la participation va bénéficier aux deux candidats. D’où l’incertitude.

Beaucoup de monde a voté pour Donald Trump. Apparemment, s’il était réélu, ce ne serait pas par défaut mais par adhésion. Ce que les journalistes et observateurs, pas seulement étrangers mais aussi américains, ont toujours du mal à comprendre : le problème, une fois encore, n’est pas Donald Trump mais ceux qui l’ont élu et qui sont toujours là, voire se renforcent. La société américaine est très clivée, très divisée, très contrastée, et les candidats qui accentuent ces clivages est avantagés par rapport aux candidats plus "centristes", plus "tièdes". Même si ces candidats clivants sont parfois plus détestés, ils sont capables de plus mobiliser leur électorat.

D’ailleurs, si Joe Biden gagnait, la société américaine resterait autant divisée et il faudrait alors beaucoup d’habileté pour reconstruire une société unie, pour réconcilier le peuple américain, pour réduire le fossé entre "l’etablishment" et le "peuple d’en bas". (On peut toujours s’étonner que le milliardaire Donald Trump puisse être apprécié par les plus pauvres : son parler très simpliste est audible et permet l’identification ; les personnes plus éduqués, plus dans la nuance et la complexité, ne peuvent que détester la manière dont Donald Trump s’exprime en tant que Président des États-Unis).

Plus généralement, il y a les impressions de campagne à côté des "chiffres". Je pourrais faire l’analogie avec une maladie : il y a les tests PCR, il y a les analyses de sang, etc. qui donnent des chiffres, qui donnent une situation quantitative, avec des seuils de normalité dépassés ou pas, et puis, il y a les signes cliniques : quand on a la grippe, on ne fait pas des tests pour savoir quel est le virus en cause.

Or, dans les signes cliniques de la campagne présidentielle américaine de 2020, il y a incontestablement, comme en 2016 du reste, l’évidence qu’il n’y a eu qu’un seul candidat qui a fait campagne, Donald Trump, avec beaucoup de ténacité, malgré l’adversité de sa contamination (qui, finalement, l’a plutôt rendu sympathique auprès d’électeurs hésitants). Joe Biden, à cause de son âge, sa crainte de se faire contaminer, probablement son caractère (il est très gaffeur), a fait très peu campagne et cela ressort probablement dans les temps d’occupation d’antenne à la télévision ou dans le nombre d’articles dans la presse. Celui qui faisait l’actualité, c’était Donald Trump, pas Joe Biden.

Autre élément qu’il faudra probablement démentir, c’est lorsqu’on a évoqué la contestation de la légitimité du futur candidat proclamé élu. Les Américains sont des légitimistes et des légalistes. Le légitimisme se traduit par un avantage au Président sortant sauf s’il a fait des énormités. C’est une incompréhension à l’étranger : peu de monde aux États-Unis considèrent que Donald Trump a fait des énormités. Au contraire, selon leur point de vue, il a plutôt agi dans l’intérêt des États-Unis, la rupture du multilatéralisme, la focalisation sur les relations commerciales avec la Chine, le désengagement des troupes américaines un peu partout dans le monde (et probablement, il est le Président américain qui a fait ou poursuivi le moins de guerres, malgré des sorties verbales inquiétantes sur la Corée du Nord ou l’Iran).

Le légalisme se traduit par le respect des règles. Et à ceux qui penseraient qu’une guerre civile éclaterait à la suite d’une non-reconnaissance du candidat proclamé élu, je leur dirais que les déclarations de Donald Trump durant cette nuit le confirment : il s’est placé en victime, en disant qu’on voulait lui voler la victoire. Ce n’est pas la déclaration d’un futur dictateur, c’est la déclaration d’un candidat qui craint d’être lésé. Au contraire, Donald Trump montre son "légalisme" en annonçant qu’il allait "se plaindre" à la Cour Suprême.

Bien entendu, c’est du "théâtre" (Joe Biden a été plus prudent dans sa conviction d’avoir été élu). Lorsque les résultats seront proclamés dans les derniers États, et même s’il faut passer par la Cour Suprême, la reconnaissance sera au rendez-vous parce qu’apparemment, la situation de 2000 (j’y reviendrai) ne semble pas devoir se répéter avec une marge de seulement quelques centaines de voix (les écarts seraient plutôt de quelques centaines de milliers de voix, ce qui reste très faible mais suffisamment significatif pour être acceptable par tous).

Enfin, je termine sur une petite observation : les Vice-Présidents n’ont jamais eu beaucoup de chance avec les élections présidentielles. Je parle de ceux qui n’ont pas eu à succéder au Président en cours de mandat et qui ont repris le flambeau, mais deux ceux qui, après la fin régulière du ou des mandats de leur Président, ont voulu lui succéder. Depuis la fin de la guerre, la liste des échecs est éloquente. Deux seuls ont réussi, et encore, à moitié !

Alben William Barkley, Vice-Président d’Harry Truman, a été battu en 1952 aux primaires démocrates par Adlai Stevenson, lui-même battu par Dwight Eisenhower. Richard Nixon, Vice-Président de Dwight Einsenhower, a été battu en 1960 par John Kennedy (mais a quand même été élu et réélu en 1968 et 1972). Hubert Humphrey, Vice-Président de Lyndon B. Johnson, a été battu en 1968 par Richard Nixon. Spiro Agnew, Vice-Président de Richard Nixon, n’a même pas eu la possibilité de faire quoi que ce fût car poussé à la démission en 1973 dans un scandale. Walter Mondale, Vice-Président de Jimmy Carter, a été battu en 1984 par Ronald Reagan. Dan Quayle, Vice-Président de George H. W. Bush (père), a été battu en 2000 aux primaires par George W. Bush (fils). Al Gore, Vice-Président de Bill Clinton, a été battu en 2000 par George W. Bush (fils). Dick Cheney, Vice-Président de George W. Bush, n’a pas été candidat. Le seul Vice-Président qui a gagné l’élection présidentielle directement à la fin de son mandat, ce fut George H. W. Bush (père), Vice-Président de Ronald Reagan, qui a été élu en 1988, mais il a été battu ensuite en 1992 par Bill Clinton. Enfin, il reste Joe Biden, Vice-Président de Barack Obama, dont le destin national va être très rapidement réglé dans les heures ou jours qui viennent (ou semaines ?).

À cette heure, il manque encore les résultats de neuf États. Allez, je vais quand même me risquer à un pronostic : je donnerais un léger avantage à Donald Trump, il a réussi à maintenir un fort niveau électoral et surtout à déjouer les sondages. Mais je regretterais sa réélection si elle devait survenir. Dans tous les cas, on pourrait imaginer que débute dès maintenant le match de 2024 : Mike Pence vs Kamala Harris…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (04 novembre 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
USA 2020 : le suspense reste entier.
Bill Gates.
Albert Einstein.
Joe Biden.
Rosa Parks.
Jean-Michel Folon.
Henri Verneuil.
Benoît Mandelbrot.
Covid-19 : Donald Trump, marathonman.
Bob Kennedy.

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30 octobre 2020 5 30 /10 /octobre /2020 03:33

« C’est facile d’être Vice-Président : vous n’avez rien à faire ! » (Joe Biden).



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Le Président américain Donald Trump termine son mandat le 20 janvier 2021. L’élection présidentielle pour désigner son successeur a lieu le mardi 3 novembre 2020. En fait, environ tiers de l’électorat a déjà voté, y compris Donald Trump la semaine dernière (il y a environ 250 millions d’électeurs inscrits mais la participation dépasse rarement la moitié). À quelques jours de l'élection, le candidat démocrate Joe Biden semble garder une certaine avance dans les sondages.

Joe Biden est un homme politique américain très expérimenté, trop pour certains qui pointent du doigt son âge : dans trois semaines, il aura en effet 78 ans, ce qui ferait 82 ans à la fin du mandat. Sénateur au long cours, de janvier 1973 à janvier 2008 (pendant trente-cinq ans !), il fut élu et réélu Vice-Président des États-Unis du 20 janvier 2009 au 20 janvier 2017, en "ticket" avec Barack Obama.

Cela dit, Donald Trump n’est pas non plus un candidat de la toute dernière fraîcheur : il aurait lui-même 78 ans à la fin de son éventuel second mandat. Mais son tempérament, son dynamisme jusqu’au physique (plus encore après avoir été malade du covid-19) l’ont rendu "jeune" en comparaison à Joe Biden, très timoré, qui a fait une campagne minimale, qui, par peur de la pandémie de covid-19, ne s’était même pas déplacé lors du meurtre de George Floyd le 25 mai 2020 ni lors des grandes manifestations à la suite, alors que le sujet pouvait lui apporter un précieux complément de son électorat traditionnel.

Sans doute que le choix très judicieux, le 11 août 2020, de la sénatrice Kamala Harris, femme de 56 ans qui a déjà une longue expérience des responsabilités publiques, en particulier en tant que procureure générale de Californie de janvier 2011 à janvier 2017, comme colistière de Joe Biden pourrait réduire les craintes sur l’éventualité d’une fin de vie prématurée du Président américain : la successeure putative a toutes les qualités et la stature pour occuper la Maison-Blanche. La mère de Kamala Harris (aujourd’hui disparue) était même cancérologue, ce qui lui a fait connaître les enjeux médicaux un peu mieux que Donald Trump. Un atout en ces temps troublés par la crise sanitaire.

La campagne électorale est "pourrie". Jamais le niveau n’a été aussi bas, et si Donald Trump, le Président sortant y est pour une grande part, il n’en est pas l’unique responsable. Certes, ses tweets spontanés ont le don d’agacer sinon d’inquiéter régulièrement la planète, mais cette méthode de gouvernance peu aux normes traditionnelles influe-t-elle vraiment sur la politique américaine de longue durée ? Il reste de ces Présidents qui ont toujours voulu regarder les intérêts américains, notamment commerciaux, avant tout autres considérations, notamment diplomatiques.

La campagne est "pourrie" aussi par la crise sanitaire majeure qui a fait déjà plus de 234 000 morts aux États-Unis depuis le début de la pandémie avec plus de 9 millions de personnes dépistées positives dont 3 millions encore malades (plus de 27 000 en réanimation). Le comportement de Donald Trump a été peu mature : refusant de prendre des mesures restrictives, ne les comprenant pas, donnant des conseils qui pourraient tuer des citoyens un peu trop crédules (par exemple, rincer les poumons avec du détergent !), etc. Le masque lui-même fut ultrapolitisé (de manière très stupide) : le masque est démocrate, le non-port du masque est républicain. Et puis, Donald Trump a eu le covid-19 le 2 octobre 2020, a été gravement atteint mais a réussi à recevoir un traitement de choc, triple ou quadruple, très coûteux, qui l’a remis en forme de manière quasi-miraculeuse dès le 5 octobre 2020, si bien qu’aujourd’hui, il ne cesse de fanfaronner face à un candidat qui, visiblement, a peur de l’attraper.

Mais la réponse à la crise sanitaire est plus du ressort des gouverneurs que du gouvernement fédéral, si bien que la responsabilité de Donald Trump dans la très mauvaise gestion de la crise sanitaire est surtout le fait de ses paroles irresponsables que de mesures concrètes, ou absence de mesures concrètes. Du reste, Joe Biden instrumente de son côté ces 234 000 morts de manière très électoraliste. Ce qui, moralement, n’est pas très glorieux.

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Les sondages restent encore favorables à Joe Biden, mais là encore, le fait qu’il puisse être majoritaire en voix n’a pas de sens dans le système électoral américain (il y a quelques semaines, il avait encore un rapport 52% contre 42%). Pas trop de sens car Hillary Clinton a perdu en 2016 alors qu’elle avait le plus de voix. Tout comme Al Gore en 2000. L’important est de gagner les États "tangents", qui peuvent basculer dans un camp ou dans l’autre. Chaque État a un nombre de délégués (proportionnel à la population), et lorsqu’un candidat obtient la majorité relative dans un État, il remporte la totalité des délégués (sauf dans quelques cas où la représentation proportionnelle est prévue).

Cela signifie que dans les États où les rapports de force sont de 60% contre 40% ou avec un plus grand écart, le candidat favori dans ces États n’a aucune raison d’y mener campagne puisque ces délégués lui sont quasiment acquis. La clef, c’est donc de mener campagne dans des grands États qui sont électoralement hésitants.

Selon le site RealClearPolitics, particulièrement utile en période électorale, il y a  une semaine, Joe Biden était assuré d’avoir 232 délégués face à Donald Trump assuré de 125 délégués. Et 181 délégués étaient encore "incertains". Pour résumer grossièrement, les États de l’Amérique profonde, ceux du Middle West, ou des États assez pauvres, comme la Louisiane sont plutôt du côté de Donald Trump, tandis que les États riches, les États "intellectuels", les États "artistiques", à savoir la côte est (New York, Washington DC, etc.) et la côte ouest (Californie, État de Washington, etc.) sont plutôt acquis à Joe Biden.

En tout, pour être élu Président des États-Unis, il faut rassembler au moins 270 délégués. Cela signifiait qu’il lui restait à convaincre des États de manière à obtenir les 38 manquants, ce qui signifiait qu’il lui suffisait de convaincre les habitants du Texas (38 délégués), ou les habitants de la Floride (29 délégués) et de la Géorgie (16 délégués), ou encore les habitants de la Pennsylvanie (20 délégués) et de l’Ohio (18 délégués), etc. Tandis que Donald Trump, très en retard, devait convaincre beaucoup plus d’États.

Mais le 29 octobre 2020, Joe Biden a "reperdu" le Michigan (16 délégués) qu’il avait "gagné" il y a peu. L’écart se resserre aussi dans les intentions de vote, au 29 octobre 2020, Joe Biden n’a plus que 7 points d’avance sur Donald Trump, alors que c’était 10 points d’avance le 13 octobre 2020. Près de 9 points séparent les partisans des opposants de la politique de Donald Trump (son bilan est désapprouvé par 53% des sondés).

Lors du dernier débat télévisé, le 22 octobre 2020, Joe Biden a pris le risque d’évoquer la "fin du pétrole", ce qui a permis à Donald Trump d’utiliser cet argument dans certains États "pétroliers" américains. Pourtant, cela peut être une stratégie électorale gagnante de miser sur la lutte contre le réchauffement climatique en retournant dans l’Accord de Paris.

De son côté, Donald Trump étonne par son bluff, son côté odieux, son côté "trop gros" pour être pris au sérieux, mais c’est une erreur de ne pas comprendre que Donald Trump n’est pas la cause mais la conséquence de l’évolution d’une partie du peuple américain qui a besoin d’idées simples pour ne pas dire simplistes.

Or, paradoxalement, Donald Trump, milliardaire (car fils de milliardaire, et plus abonné aux faillites qu’aux réussites), est très apprécié des "pauvres", et il essaie de faire une percée chez les jeunes d’origine hispanique, ce qui peut être très étonnant mais s’explique par trois arguments : d’une part, avant la crise covid, Donald Trump a réussi à assurer une économie prospère avec quasiment le plein emploi, taux de chômage très faible ; d’autre part, il est le symbole du combat contre "l’etablishment", celui qui connaît la vraie vie face aux technocrates de la côte est (cet argument a porté George W. Bush) ; enfin, Donald Trump porte la puissance américaine, cette America First qui a cassé tout le multilatéralisme, qui a remis en cause les accords commerciaux, qui a boudé des structures internationales (Unicef, OMS, etc.).

S’il devait y avoir pour moi un élément déterminant pour soutenir la candidature de Joe Biden, ce serait à l’évidence sa position en faveur de l’abolition de la peine de mort aux États-Unis. Barack Obama s’était bien gardé d’y toucher. Mesure intégrée en 2019, le programme de Joe Biden indique en effet : « Eliminate the death penalty » [supprimer la peine de mort] et explique : « Plus de 160 personnes condamnées à mort dans ce pays depuis 1973 ont été ensuite innocentées. Parce que nous ne pouvons pas garantir que nous avons à chaque fois des cas justes de peine de mort, Biden travaillera à adopter une législation qui supprimera la peine de mort au niveau fédéral et incitera les États à suivre l’exemple du gouvernement fédéral. Ces personnes devraient purger des peines à perpétuité sans période de probation ni libération conditionnelle. ».

Comme je ne suis pas Madame Soleil, je suis bien incapable de dire qui va gagner, mais j’ai à l’esprit deux choses certaines. La première, c’est que les deux candidats peuvent gagner, autant Joe Biden que Donald Trump. Ceux qui, en 2016, étaient sûrs que Donald Trump ne gagnerait pas n’ont pas su entendre le peuple américain. Cela ne faisait aucun doute que le seul candidat qui avait réellement marqué la campagne présidentielle de 2016, tant celle de l’élection générale que des primaires, était manifestement Donald Trump.

En 2020, la situation est un peu différente. Hillary Clinton avait un taux non négligeable de haine et détestation qui faisait qu’elle était un repoussoir dans une partie de son propre électorat (d’où une forte abstention et absence de mobilisation chez les démocrates). Joe Biden, lui, jouit d’une stature moins détestée, plus centriste, plus conservatrice aussi, mais il est pourtant connu pour ses "gaffes" et ses maladresses, si on peut parler de "maladresses" des gestes pour le moins inappropriés notamment avec des femmes. Une spontanéité trop hâtive.

L’autre chose qui me paraît certaine, c’est que le candidat qui sera déclaré élu sera reconnu comme tel par son adversaire, même si Donald Trump a menacé du contraire. Que les résultats soient serrés semble très probable, mais ceux qui pensent que les résultats seront tellement contestés que cela mènerait à une grave crise institutionnelle se trompent à mon avis et prennent leurs désirs (d’antiaméricanisme primaire) pour des réalités. Il suffit de revenir vingt années en arrière avec l’élection présidentielle du 7 novembre 2000.

À l’époque, Al Gore avait obtenu beaucoup plus de voix que George W. Bush mais ce fut le comptage des bulletins très controversés de la Floride (dont un frère était gouverneur, Jeb Bush), pour comprendre le légitimisme des Américains. En effet, les bulletins étaient des cartes perforées, et c’était difficile de perforer, si bien que des bulletins ont été considérés comme nuls car le trou n’était pas assez formé. Il a fallu recompter une ou deux fois, à un moment avec la victoire d’Al Gore (la victoire de la Floride suffisait pour l’un ou l’autre pour gagner), et finalement, la Cour Suprême a tranché en disant qu’il n’était plus utile de terminer un nouveau recomptage et en proclamant élu George W. Bush. Le légitimisme de reconnaissance est très important aux États-Unis car le Président des États-Unis est leur premier symbole du patriotisme.

Je crois donc probable que les résultats seront serrés, mais je crois que, même au prix d’une crise comme en 2000, le légitimisme prédominera dans la reconnaissance du candidat vainqueur. Les Américains ne pardonneront d’ailleurs pas les mauvais joueurs.

Dans ce duel de vieillards, beaucoup y voient le déclin des États-Unis. C’est oublier de voir que les États-Unis ne se résument pas qu’à leur Président : chacun participe à son niveau à la puissance américaine, et les contre-pouvoirs sont tels que la seule tête de l’exécutif ne peut pas faire grand-chose sans l’appui du Parlement (du Congrès). Quant au renouvellement, il n’y a pas d’inquiétude à avoir : la nature a horreur du vide.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (29 octobre 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Joe Biden.
Rosa Parks.
Jean-Michel Folon.
Henri Verneuil.
Benoît Mandelbrot.
Covid-19 : Donald Trump, marathonman.
Bob Kennedy.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20201029-joe-biden.html




https://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/10/22/38604430.html



 

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6 octobre 2020 2 06 /10 /octobre /2020 03:22

« Will back on the Campaign Trail soon !!! The Fake News only shows the Fake Polls. » (Donald Trump, sur Twitter le 6 octobre 2020 à 00h23, heure de Paris) ["Serai bientôt de retour sur le terrain pour ma campagne !!! Les fausses nouvelles ne montrent que les faux sondages"].



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L’annonce de la contamination au covid-19 du Président américain Donald Trump le 2 octobre 2020 a fait l’effet d’une bombe, et cela pour plusieurs raisons. La première, c’est que Donald Trump est à la tête de l’exécutif d’un grand pays et que cette fonction, dans un monde sans arrêt mouvant et troublant, à l’actualité accélérée, nécessite une forme sportive de gouvernance. La possibilité d’une vacance institutionnelle était donc dans tous les esprits, du moins temporaire puisqu’une personne contaminée doit s’isoler en quatorzaine.

La deuxième raison, c’est que les États-Unis sont en pleine campagne présidentielle, et le fait que le coronavirus s’invite en campagne est inédit, du reste, c’était aussi le cas pour les élections municipales en France et cela avait entraîné une abstention massive, assez rare pour ce type de scrutin. Au-delà des interprétations, supputations, jugements de valeur, l’absence même du candidat Trump impacte nécessairement sur le déroulement de la campagne électorale ; son adversaire Joe Biden a dû supprimer toutes les attaques personnelles contre Donald Trump et lui a souhaité un prompt rétablissement pour pouvoir rester dans les convenances humaines les plus élémentaires.

La troisième raison, c’est aussi que Donald Trump, à 74 ans, avec non seulement un surpoids mais aussi des problèmes de santé qui n’ont jamais été très clairs (la santé de Donald Trump avant et pendant son mandat est restée toujours un sujet très opaque, au contraire de l’habituelle transparence américaine ; les États-Unis ne sont pourtant pas la France de Georges Pompidou ni de François Mitterrand), fait partie de ces "personnes vulnérables" qui pourraient développer une forme sévère de la maladie.

Les plus mauvaises langues (certaines issues du Parti démocrate) pourraient d’ailleurs dire que Donald Trump a eu ce qu’il méritait. C’est vrai que la légèreté à laquelle il a abordé ce problème mondial avait de quoi se taper la tête contre un mur. En sous-estimant la gravité du coronavirus, puis, en refusant dans un premier temps les gestes barrières (pas de poignée de main, port du masque), Donald Trump a politisé la gestion de l’épidémie aux États-Unis avec, en gros, le port du masque synonyme de l’appartenance à la tendance démocrate, l’absence du masque à la tendance républicaine. Pendant un certain temps.

Le pire a été probablement quand Donald Trump a imaginé de traiter la maladie en s’injectant de l’eau de javel dans les poumons. Au contraire de son rattrapage sur les pieds en disant qu’il plaisantait ("bien sûr"), Donald Trump n’avait simplement fait que réfléchir tout haut, montrant son ignorance scientifique et même son ignorance tout court (pas besoin d’être chimiste ni médecin pour imaginer ce que fait de l’eau de javel dans les poumons, ne serait-ce que des vapeurs, les "ménagères" l’imaginent très bien).

C’est sa spontanéité qui avait encore une fois parlé. Et si, dans ce cas, elle est dangereuse, car il est quand même le Président des États-Unis et à ce titre, des esprits faibles pourraient le prendre au mot et s’envoyer en l’air les poumons avec de l’eau de javel (un couple d’Américains s’était déjà massacré avec du nettoyant d’aquarium à base de chloroquine), cette spontanéité, écris-je, est probablement ce qui en fait un homme attachant, faillible, plein de vie, sans calculs alambiqués, brut de décoffrage, bref, un vrai représentant d’un Américain moyen (ou d’un citoyen moyen, ce n’est pas spécifiquement américain, évidemment, mais ce sont les Américains qui votent, ou pas, pour lui).

C’est aussi une raison supplémentaire de s’inquiéter, comme on pouvait s’inquiéter qu’il puisse déclencher une guerre contre la Corée du Nord, et paradoxalement, il est le premier (et l’unique) Président des États-Unis à avoir rencontré physiquement le Président nord-coréen, Baby Kim. À ce titre, il pourrait même recevoir le Prix Nobel de la Paix cette semaine. La seule chose qu’on sait aujourd’hui, c’est que le professeur Didier Raoult ne recevra pas le Prix Nobel de Médecine cette année, parce qu’il est déjà attribué ce lundi 5 octobre 2020 !

En cassant voire dépassant tous les codes habituels, de la politique, de la diplomatie, de l’économie, du commerce international, la politique de Donald Trump est mondialement anxiogène, et pourtant, le pire n’est jamais certain et la démonstration est que la méthodologie inquiétante n’entraîne pas forcément des actions catastrophiques. C’est une sorte de politique du bluff menée au sommet, le bluff étant ici à la fois sincère et argumentaire. Mais à force de trop jouer au bord de la falaise, on peut chuter.

C’était mal comprendre l’Amérique que d’avoir refusé d’imaginer son élection en 2016. C’était le cas des démocrates eux-mêmes qui, empêtrés dans leur seule défense des minorités, en ont été à oublier la majorité du peuple américain. Or, à mon sens, Donald Trump n’a pas hystérisé le peuple américain, il n’est qu’un symptôme éloquent d’un peuple déjà hystérisé.

Hystérisé par quoi ? Probablement par le nouveau mode de vie et d’information, celui des réseaux sociaux, des sites de désinformation, des messages beaucoup trop courts pour faire de la pédagogie dans un monde complexe, bref, dans un mode d’information à l’emporte-pièce où la rigueur et la véracité n’ont plus leur place, et Donald Trump avait excellé pendant les élections de 2016, tant primaires républicaines que générales, en ayant été l’un des candidats ayant le moins dépensé d’argent pour son élection puisque son principal outil de campagne était …Twitter !

Alors, ceux qui disent aujourd’hui que Donald Trump ne peut pas être réélu sont les mêmes qui disaient qu’il ne pouvait pas être élu en 2016. Ce qui est remarquable, c’est que Donald Trump a un soutien inconditionnel d’une partie pas négligeable de la population, un noyau dur très élevé, peut-être 30% ou 35% de l’électorat, qui lui est acquis quoi qu’il en soit, quelles que soient les nombreuses informations qui, pour dix mille fois moins graves, ont cassé la lente ascension de François Fillon en France. La dernière en date, le fait que Donald Trump n’aurait payé que 750 dollars d’impôts en 2016 ! Au-delà de la magouille fiscale (les Américains sont très rigoristes et légalistes), cela montre aussi qu’il n’a pas si bien mené ses entreprises (beaucoup de ses projets ont fait faillite, dans le passé) et qu’il est loin de la "réussite américaine". Cela, ajouté aux accusations récurrentes de harcèlement, de machisme, etc. Et pourtant, il a toujours ce matelas très épais d’inconditionnels.

Ce qu’on voyait en 2016, c’était que ceux qui avaient voté pour Donald Trump n’avait pas été plus nombreux que les adversaires républicains de Barack Obama des précédentes élections, mais l’électorat démocrate ne s’était pas mobilisé pour Hillary Clinton. Va-t-il se mobiliser pour Joe Biden, le sénateur et ancien Vice-Président connu pour ses gaffes et boulettes ? Pas sûr : à 78 ans, il a surtout montré une certaine trouille avec le coronavirus. Il n’a même pas osé se déplacer en juin dernier lors de la mort de George Floyd et des manifestations en sa mémoire, alors que c’était une occasion en or pour lui de redémarrer une campagne un peu poussive.

Qui voterait pour un vieillard incapable de se déplacer à l’intérieur même de son territoire quand il faut maintenant élire un marathonien en pleine forme pour s’occuper de toutes les affaires du monde ? Le "risque" d’une faible mobilisation des électeurs démocrates est donc toujours présent, d’autant plus que le Parti démocrate n’a plus personne à proposer de réellement opérationnel (seulement des vieillards gauchistes à l’exception de Joe Biden qui a eu l’investiture par cette seule circonstance, par défaut).

Certes, dans les sondages d’intentions de vote, Joe Biden aurait entre 10 et 15 points d’avance sur Donald Trump, mais des sondages nationaux n’apportent aucune prévisibilité sur l’issue du scrutin puisque ce dernier est à deux niveaux et qu’il faut surtout conquérir les États "litigieux" (ceux à l’issue incertaine), et Donald Trump avait d’ailleurs recueilli moins de voix, au total, sur tout le pays, que sa concurrente Hillary Clinton.

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Donald Trump étonne car lui aussi est vieillard et à la fin de son éventuel second mandat, il aura aussi 78 ans (mais Joe Biden, il aura 82 ans !). Le fait d’avoir eu le covid-19 pourrait même le servir électoralement. Ceux qui imaginent que "c’était bien fait", en raison du manque de précaution de son propre comportement, en seraient pour leurs frais car il peut dire aussi qu’il a connu ce que des millions d’Américains ont connu, une maladie dont on ne peut vraiment comprendre la gravité qu’en la voyant de très près : « J’ai beaucoup appris sur le covid-19 ! ». Voilà l’empathie dont Barack Obama avait récemment souligné l’absence.

Hospitalisé du 3 au 5 octobre 2020, Donald Trump a reçu des doses particulièrement fortes d’un antiviral américain très connu (remdesivir) et d’un produit à base d’anticorps de synthèse (de Regeneron) non encore commercialisé (à ce titre, Donald Trump a été dans l’expérimentation), ces deux traitements (très coûteux) pour éviter la duplication du virus, plus (entre autres) un corticoïde (dexaméthasone) pour réduire les effets sur les poumons, du zinc aussi. Et l’hydroxychloroquine ? Complètement laissée de côté, puisqu’elle n’a aucun effet ! C’est assez clair qu’un "Américain moyen" atteint du covid-19 n’aurait jamais pour obtenir si rapidement et si massivement le traitement de Donald Trump, mais cela ne devrait pas choquer, il est quand même le Président des États-Unis et les problèmes de sécurité doivent l’emporter sur une impossible égalité devant les soins.

Les familles des plus de 200 000 victimes du covid-19 aux États-Unis pourraient aussi en vouloir à Donald Trump sur la très mauvaise gestion de l’épidémie. Et pourtant, il faut se rappeler que Donald Trump n’a occupé que le ministère de la parole à ce sujet, une mauvaise parole, qui pouvait être mal interprétée, mais seulement une parole, pas des actes qui sont du ressort des États (on a un peu de mal à le comprendre en France très centralisée, les États-Unis sont un pays fédéral). En revanche, Donald Trump a déjà rendu hommage à ces victimes très officiellement, ce qui, à ma connaissance, n’a pas encore été le cas en France. Nos victimes françaises, à mon sens, le mériteraient autant que les victimes américaines et que les victimes de tous les autres pays, bien entendu.

Boris Johnson, plus réfléchi que Donald Trump, a lui aussi été contaminé au covid-19 et a été lui aussi hospitalisé. En s’en sortant, il a reçu une forte sympathie, très naturelle, de la part de ses compatriotes britanniques. Peut-être sera-ce le cas pour Donald Trump s’il sort de l’enfer ? Enfin, il faut rester prudent, c’est au bout de huit à dix jours qu’on sait, en principe, si on développe ou pas la forme sévère de la maladie. Jusque-là, tout reste possible. Donald Trump, tout paradant avec son masque dans sa voiture blindée (encore une nouvelle imprudence alors qu’il est en quatorzaine), n’est pas encore tiré d’affaire.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (06 octobre 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Covid-19 : Donald Trump, marathonman.
Janis Joplin.
Jimi Hendrix.
Joe Dassin.
Maureen O'Hara.
Deux faces des États-Unis : George Floyd et SpaceX.
Le dernier vol des navettes spatiales.
Kirk Douglas.
Alfred Hitchcock.
George Steiner.
Roman Polanski.
Le krach de 1929, de sinistre mémoire…
G7 à Biarritz : Emmanuel Macron consacré prince du multilatéralisme.
L’ardeur diplomatique d’Emmanuel Macron.
Le Sommet du G7 à Biarritz du 24 au 26 août 2019.
L’émotion primordiale du premier pas sur la Lune.
Michael Jackson.
John Wayne.
Dwight Eisenhower.
La NASA.
Richard Nixon.
Jean-Michel Basquiat.
Noël 2018 à la télévision : surenchère de nunucheries américaines.
Noam Chomsky.
George HW Bush.
Rakenews : le râteau de Forest Trump.
La guerre commerciale trumpienne.
Tristes Trumpiques.
George Gershwin.
Leonard Bernstein.
Spiro Agnew.
Michael Dukakis.
Vanessa Marquez.
John MacCain.
Bob Dole.
Bob Kennedy.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20201006-trump.html

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/covid-19-donald-trump-marathonman-227600

https://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/10/05/38571886.html





 

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3 juin 2020 3 03 /06 /juin /2020 03:32

« Le moindre sujet, même d’apparence minuscule, ne peut être connu que dans et par son contexte. (…) Ce que j’ai toujours cherché à percevoir et concevoir : la complexité dans son originel de tissu commun. J’ai toujours essayé de reconstituer ce tissu commun, parce que mon constat fondamental, c’est que toutes nos connaissances sont compartimentées, séparées les unes des autres, alors qu’elles devraient être liées. » (Edgar Morin, "Carnets de science" n°4 de mai 201).



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Il est toujours difficile d’évoquer les États-Unis. C’est un pays très contrasté et très dynamique, aux changements très rapides. Parler des Américains (dans le sens citoyens des États-Unis), c’est aussi stupidement généralisant que parler des Européens (alors qu’il n’y a pas un peuple européen mais plusieurs peuples européens). Les Américains de la Côte Est n’ont rien à voir à ceux de Californie, ni du Texas, ni du Middle West. La dernière semaine de mai 2020 en a donné une très amère illustration.

La récession est une catastrophe économique et sociale très rapide, mais la reprise se fait avec la même vitesse. Nos amortisseurs sociaux absorbent nos crises économiques en France, mais empêchent ou plutôt freinent le redémarrage. La crise de la pandémie du covid-19 est assez particulière, pas par sa mondialisation, mais par le fait que l’arrêt économique a été commandé par le confinement.

Avant la crise sanitaire, les États-Unis étaient un pays qui avait réussi à retrouver sa prospérité économique, avec même le plein emploi (3% de chômage dans certains États !), ce qui en faisait la fierté de Donald Trump dont la réélection devenait probable avec un tel bilan. Il insistait d’ailleurs sur le fait que cette prospérité était partagée, que ce n’étaient pas seulement les plus riches qui en avaient profité mais que toute une partie de la population souvent pauvre, parmi les minorités ethniques, en avait beaucoup bénéficié. Je ne sais pas si c’est exact, mais c’était le genre d’argument affiché.

Avec la crise sanitaire, cette prospérité s’est transformée en récession démente. Des dizaines de millions de personnes se sont retrouvées au chômage du jour au lendemain, et le confinement a accentué les inégalités sociales, du reste comme en France ou ailleurs. Des pans entiers de l’économie américaine se sont effondrés (exemple : les voitures de location). Et parallèlement, l’incapacité de Donald Trump à prendre la mesure de la gravité de la pandémie a fait que le bilan sanitaire est désastreux, avec (à ce jour) près de 110 000 décès dus au covid-19 et près de 2 millions de personnes contaminées (malgré les 18 millions de tests de dépistage), et les victimes sont souvent parmi les populations les moins aisées et les minorités ethniques (qui ont trois plus de chance d’en mourir).

Deux événements ont effectivement eu lieu cette même dernière semaine de mai 2020 qui marqueront sans doute l’histoire des États-Unis. Pas les États-Unis de Donald Trump, mais les États-Unis tout court.

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Le premier est un événement tragique qui a eu lieu le 25 mai 2020 dans la soirée, la mort de George Floyd, grand gaillard de 46 ans, à Minneapolis, tué lors de son interpellation par quatre policiers, dont un qui est resté le genou appuyé sur sa nuque, l’homme à terre, jusqu’à ce qu’il en soit mort.

 Je ne veux pas donner les noms de ces policiers qui ne méritent que les oubliettes du temps. Les quatre policiers ont été limogés. Le policier auteur de cet homicide a été arrêté le 29 mai 2020 pour deux chefs d’inculpation graves (meurtre de troisième degré et homicide volontaire coupable de deuxième degré). Ce policier aurait déjà été impliqué dans plusieurs plaintes à la suite d’interpellations "musclées", et son épouse, profondément choquée par cette mort, aurait demandé le divorce et serait solidaire de la famille de George Floyd.

George Floyd n’avait rien fait d’autre que payer des cigarettes avec un faux billet de 20 dollars, et rien n’indique à ce jour qu’il savait que ce billet était faux. Il avait un travail mais s’est retrouvé au chômage à cause du confinement. Selon les nombreux témoins et les caméras de surveillance, il s’était laissé arrêter et n’avait pas opposé de résistance. Pourquoi mourir ? Certains policiers peuvent vouloir jouer les gros bras. Surtout quand la peau est de couleur noire. Scène de racisme ? Probablement. Beaucoup de violences policières sont sur fond de racisme, mais il ne faut pas généraliser.

Hélas, ce n’était pas le premier homicide de ces circonstances, mais cette fois-ci, il a véritablement déclenché "quelque chose" de grave. De nombreux manifestants ont envahi des rues dans des dizaines de grandes villes, malgré la crise sanitaire, et chaque jour depuis cette mort. Ils demandent justice. La mémoire de George Floyd ne sera pas vaine, et les manifestants scandent : Je ne peux plus respirer. Car ce qui est choquant, et visible sur des films de smartphone, c’est que de nombreux passants avaient mis en garde le policier que George Floyd n’arrivait plus à respirer (il le disait lui-même) et il semble d’ailleurs que le policier soit resté sur lui pendant encore deux ou trois minutes après sa mort.

Beaucoup de manifestations dans beaucoup de villes américaines (dont Détroit, San Francisco, Los Angeles), ont dégénéré en émeutes, incendies, casses… Les gilets jaunes pourront comprendre à quel point la police française est "douce" par rapport à des actes insurrectionnels. Honte à Jean-Luc Mélenchon de mettre de l'huile sur le feu en faisant l’amalgame dans un tweet du 2 juin 2020 en s’en prenant à Christophe Castaner au sujet des manifestations à propos de la mort d’Adama Traoré (le 19 juillet 2016) : « La violence c’est vous et votre préfet qui la provoquez ! Ca suffit ! Le pays mérite mieux que votre jeu d’apprenti sorcier. Donald Trump n’est pas un modèle. ». Je dirais plutôt : cela suffit, Mélenchon, prenez vite votre retraite, 69 ans, il est largement temps !

Le plus impressionnant fut les manifestations près de la Maison-Blanche, à Washington, la nuit du 30 au 31 mai 2020, Donald Trump a dû se barricader plusieurs fois dans son bunker pour assurer sa sécurité physique. Le 1er juin 2020, Donald Trump est cependant apparu hors de son palais, allant à pied pas loin des manifestants jusqu’à l’église Saint-Jean avec une Bible à la main.

Ces émeutes, qui ont déjà provoqué la mort d’une quinzaine de personnes (dont une à Indianapolis le 30 mai 2020), ressemblent à celles de 1992 à Los Angeles (à l’époque, on avait filmé un fait-divers du même type avec un caméscope). Mais beaucoup disent que leur intensité se rapproche de celles qui ont eu lieu après l’annonce de l’assassinat de Martin Luther King il y a plus de cinquante-deux ans (pour dire, à mon sens de manière erronée, que rien n’a changé depuis ce temps-là).

Une situation aussi explosive est très inquiétante, surtout que l’épidémie dans le pays est loin d’être terminée (environ un millier de décès et une vingtaine de milliers de nouveaux cas de maladie chaque jour). Cela à quelques mois des élections présidentielles, et ce n’est pas le timide soutien de Joe Biden, l’adversaire du Président sortant, qui a de quoi rassurer une catégorie de la population particulièrement indignée et en colère (on a reproché à Joe Biden, qui se terrait depuis le début de la crise sanitaire, de ne pas être allé à Minneapolis).

Des manifestations calmes ont eu lieu également à l’étranger, notamment à Berlin, Londres, Paris, Bordeaux, Bruxelles, Dublin, Amsterdam, Manchester, Zurich, etc.

Une analyse simpliste pourrait laisser croire que ce serait la faute de Donald Trump. Évidemment, non, puisque le problème est très antérieur à son élection à la Maison-Blanche. Certes, Donald Trump a largement exprimé son soutien aux forces de l’ordre en général en disant qu’il les couvrirait éventuellement, ce qui pourrait être mal interprété… Et surtout, ses réactions face aux émeutes ont manqué de finesse et ont attisé le feu plutôt que l’éteindre, une sortie en disant que si cela continuait, il leur enverrait les chiens, une allusion à l’esclavage particulièrement mal venue ici, et dans son allocution du 1er juin 2020, il a menacé de déployer l’armée pour défendre l’ordre, ce qui n’était pas non plus un moyen d’apaiser la situation.

Et pourtant, il ne faut pas non plus oublier que dès la mort de George Floyd, c’est Donald Trump qui a saisi le directeur du FBI et qui lui a donné comme priorité de faire la lumière sur cette mort. Comme Barack Obama, Donald Trump a présenté ses condoléances à la famille de George Floyd. Le jeune maire démocrate de Minneapolis aussi soutient la famille de George Floyd et a licencié les quatre policiers, mais a été très ferme contre les émeutiers dans sa ville. Et du côté des manifestants, certains sont en colère contre les émeutiers car ils sont persuadés que les violences militent contre leur camp et que l’important serait d’aller demander la reconnaissance des droits à la Cour suprême. Beaucoup de policiers et de militaires ont été solidaires des manifestants en mémoire à George Floyd et ont posé un genou au sol en signe de solidarité.

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L’autre événement marquant est beaucoup plus heureux, puisqu’il s’agit d’une première mondiale, une entreprise privée, SpaceX (créée le 6 mai 2002 par Elon Musk), a réussi à envoyer dans l’Espace deux astronautes, Douglas G. Hurley (53 ans), commandant, et Robert L. Behnken (49 ans), tous les deux ayant déjà fait deux missions en navette spatiale.

Certes, c’était en partenariat avec la NASA avec de "substantielles" subventions publiques, mais c’est quand même une première commerciale. Rien n’empêcherait des mastodontes financiers comme Microsoft, Apple, FaceBook, Google, Amazon etc. de faire la même chose.

Le message publicitaire de SpaceX est clair : « The Commercial Crew Program represents a revolutionary approach to government and commercial collaborations for the advancement of space exploration. » [Le programme d’équipage commercial représente une approche révolutionnaire de partenariats public-privé dans le développement de l’exploration spatiale].

Initialement prévu le 27 mai 2020, le lancement de la fusée Falcon 9 a eu lieu le 30 mai 2020 à 21h22 (heure de Paris) et l’arrimage du Crew Dragon Demo 2 à la Station spatiale internationale (ISS) a eu lieu le lendemain, le 31 mai 2020 à 16h16 (heure de Paris).

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Paradoxalement, cette approche "privée" a redonné la souveraineté spatiale à la nation américaine qui, depuis près de neuf ans, devait passer par des fusées russes (Soyouz) pour envoyer des astronautes dans l’Espace. Historiquement, cela signifie en effet que depuis l’abandon des navettes spatiales (la dernière mission, STS-135, avec Atlantis, s’est achevée le 21 juillet 2011), les États-Unis retrouve un moyen de locomotion pour ses vols habités dans l’Espace. D’un point de vue commercial, ce n’est pas une perspective très réjouissante pour l’avenir d’Ariane Espace, avec l’arrivée de nouveaux concurrents pleins d’ambition (sans compter que la Chine se développe aussi à vive allure dans le domaine spatial).

Ces deux événements représentent bien cette diversité que sont les États-Unis, un pays très avancé technologiquement, avec des entrepreneurs impressionnants (et redoutables), et parallèlement, un petit goût d’arriéré, des policiers assez bourrins, fortement tentés par le racisme primaire, et se croyant protégés par un pays qui a du mal, comme du reste beaucoup de démocraties, à décliner les droits écrits en droits réels pour tous ses citoyens.

D’où l’importance du Président des États-Unis, quel qu’il soit, dont le rôle est justement de rassembler ces Amériques-là dans un sentiment patriotique très fort à l’esprit des citoyens américains. Donald Trump a ainsi un geste historique à faire, celui d’apaiser la situation et de redonner confiance à ceux qui, se sentant exclus du rêve américain, n’ont plus rien à perdre. Donald Trump sera-t-il le Hoover de 2020, ou son Roosevelt ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (02 juin 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Deux faces des États-Unis : George Floyd et SpaceX.
Le dernier vol des navettes spatiales.
Kirk Douglas.
Alfred Hitchcock.
George Steiner.
Roman Polanski.
Le krach de 1929, de sinistre mémoire…
G7 à Biarritz : Emmanuel Macron consacré prince du multilatéralisme.
L’ardeur diplomatique d’Emmanuel Macron.
Le Sommet du G7 à Biarritz du 24 au 26 août 2019.
L’émotion primordiale du premier pas sur la Lune.
Michael Jackson.
John Wayne.
Dwight Eisenhower.
La NASA.
Richard Nixon.
Jean-Michel Basquiat.
Noël 2018 à la télévision : surenchère de nunucheries américaines.
Noam Chomsky.
George HW Bush.
Rakenews : le râteau de Forest Trump.
La guerre commerciale trumpienne.
Tristes Trumpiques.
George Gershwin.
Leonard Bernstein.
Spiro Agnew.
Michael Dukakis.
Vanessa Marquez.
John MacCain.
Bob Dole.
Bob Kennedy.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200530-spacex-george-floyd.html

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/deux-faces-des-etats-unis-george-224879

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28 mars 2019 4 28 /03 /mars /2019 03:41

« Cette conjonction d’une immense institution militaire et d’une grande industrie de l’armement est nouvelle dans l’expérience américaine. Son influence [est] totale, économique, politique, spirituelle même (…). Dans les assemblées du gouvernement, nous devons donc nous garder de toute influence injustifiée, qu’elle ait ou non été sollicitée, exercée par le complexe militaro-industriel. Le risque d’une désastreuse ascension d’un pouvoir illégitime existe et persistera. Nous ne devons jamais laisser le poids de cette combinaison mettre en danger nos libertés et nos processus démocratiques. Nous ne devrions jamais rien prendre pour argent comptant. Seule une communauté de citoyens prompts à la réaction et bien informés pourra imposer un véritable entrelacement de l’énorme machinerie industrielle et militaire de la défense avec nos méthodes et nos buts pacifiques, de telle sorte que sécurité et liberté puissent prospérer ensemble. » (17 janvier 1961, à Washington).



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Lorsque l’ancien Président des États-Unis Dwight D. Eisenhower (Ike pour les intimes) est mort à Washington il y a cinquante ans, le 28 mars 1969, à l’âge de 78 ans (il est né le 14 octobre 1890 au Texas), son ancien Vice-Président Richard Nixon, qui, après un échec et une traversée du désert, est devenu entre-temps lui-même Président des États-Unis, a dû se dire qu’il n’était plus observé par le "maître".

On ne le sait pas vraiment, mais c’était en tout cas la sensation du Président français Georges Pompidou lorsque son propre mentor, le Général De Gaulle, est mort le 9 novembre 1970, un an et demi après son élection à l’Élysée ; au-delà de la peine naturelle, il se sentait un peu plus libre de ses mouvements, il ne se sentirait plus sous surveillance permanente du père, l’œil du commandeur, il volerait réellement de ses propres ailes. Les deux Présidents, français et américain, ont eu l’occasion d’échanger cet étrange sentiment mêlé de perte affective et de liberté politique qu’ils allaient partager jusqu’à la fin de leur propre Présidence, pour chacun, écourtée pour diverses raisons personnelles.

Est-ce à dire qu’il faudrait faire un parallèle entre Eisenhower et De Gaulle, et même, entre Nixon et Pompidou ? Pas sûr.

Certes, Eisenhower et De Gaulle furent deux généraux, tous les deux de la même génération (à cinq semaines près, ils avaient le même âge), qui montrèrent leur sens de l’État et de la victoire sous la Seconde Guerre mondiale. Certes, chacun de son côté, ils ont publié des articles entre les deux guerres pour promouvoir l’usage des chars d’assaut (Eisenhower en corédaction avec le futur général George Patton). Mais Eisenhower fut un "vrai" général, en ce sens qu’il a brillé pour des raisons militaires. Il ne faut pas renier évidemment la compétence militaire de De Gaulle pendant la guerre, mais son action exceptionnelle fut d’ordre avant tout politique, représenter la France libre, à l’extérieur comme à l’intérieur de la France. Et son grade de "général" était "à titre provisoire", si bien que des ministres de la guerre sous la Quatrième République auraient voulu régulariser la position et le grade de De Gaulle dans l’armée, mais ce dernier a toujours refusé en leur disant : la mort régularisera bien assez vite.

Quant à Nixon et Pompidou, là encore, les deux dauphins étaient très différents. Nixon était un pur animal politique, ambitieux et prêt à tout (l’histoire l’a marqué plus tard) pour atteindre ses objectifs. Pompidou, c’était le contraire, c’était plus comme Raymond Barre ou même Emmanuel Macron, venus en politique par des chemins professionnels détournés, et ces trois personnages cités (avec Pompidou) n’envisageaient probablement pas le destin qu’ils ont eu lorsqu’ils ont fini leurs études.

Revenons à Eisenhower. Il était une personnalité politique à part des États-Unis. Très respecté et populaire, il fut la gloire de nombreux Américains d’après-guerre.

Formé à West Point (il en sortit lieutenant en 1915), Eisenhower n’a pas réussi à partir combattre en Europe pendant la Première Guerre mondiale ; il est resté au pays à former les futures recrues, comme capitaine. Après la Première Guerre mondiale, il a "grimpé" rapidement, major en 1920, puis, après 1925, il fut remarqué et formé pour des postes de commandement malgré des idées jugées trop révolutionnaires (usage des chars), et fut affecté auprès des généraux John Persing et Douglas MacArthur. Après un bref passage à Paris (en 1929), il a rejoint le Ministère de la Guerre. Promu lieutenant-colonel en 1936, puis colonel en juin 1941, puis général en septembre 1941, Eisenhower fut nommé auprès du général George Marshall en février 1942, et fut nommé commandant en chef des forces américaines en Europe en juin 1942.

Ce fut à partir de 1942 qu’il a pris sa pleine mesure dans les opérations militaires en Europe et en Afrique du Nord : faisant preuve de beaucoup de diplomatie pour rendre cohérentes l’ensemble des troupes alliées, il commanda le débarquement en Afrique du Nord (novembre 1942), le débarquement en Sicile puis en Italie (1943) avant de superviser le débarquement en Normandie (en juin 1944). Ce fut sur l’insistance de De Gaulle que le général quatre étoiles Eisenhower a accepté que la 2e division blindée du général Leclerc libérât Paris en août 1944 (à l’origine, les Américains ne voulaient pas perdre du temps à Paris qu’ils voulaient contourner pour foncer vers l’Allemagne).

Pour ces opérations, Eisenhower a été choisi par le Président Franklin Roosevelt car il souhaitait garder à ses côtés le général George Marshall. Par ailleurs, en 1964, Eisenhower a déposé dans un cimetière américain en Normandie des documents d’archive dont il a accepté l’accès seulement à partir du 6 juin 2044, au centenaire du débarquement en Normandie. Pas sûr que je serai encore là pour en avoir l’information, mais j’y compte bien !

Les armées sous commandement d’Eisenhower arrivèrent jusqu’à Berlin en mai 1945, parallèlement aux armées soviétiques venant de l’Est, et ils ont obtenu la capitulation sans condition de l’Allemagne nazie détruite sous un déluge de bombes. Avant même cette capitulation, Dwight Eisenhower fut promu "general of the army" (général cinq étoiles) le 20 décembre 1945 (il fut également créé compagnon de la Libération en juin 1945 par De Gaulle). Eisenhower fut en quelques sortes le Foch des Américains, en ce sens qu’il a dirigé l’ensemble des troupes interalliées jusqu’à la Victoire et qu’il l’a fait en ayant été capable de beaucoup de diplomatie pour coordonner des troupes de cultures très différentes.

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Eisenhower fut ensuite nommé gouvernement militaire de la zone américaine en Allemagne du 8 mai 1945 au 10 novembre 1945, puis chef d’état-major général des forces armées des États-Unis du 19 novembre 1945 au 5 février 1948, puis commandant en chef de l’OTAN en 1950, ainsi que commandant suprême des forces alliées en Europe du 2 avril 1951 au 30 mai 1952, basé à Paris puis à Louveciennes (le siège de l’OTAN fut déménagé à Bruxelles en 1967 après la décision de De Gaulle de retirer la France du commandement intégré). Par ailleurs, il fut aussi le président de la prestigieuse Université de Columbia du 7 juin 1948 au 19 janvier 1953.

Approché par le Président (démocrate) Harry Truman en 1948 pour être sur son "ticket" (comme Vice-Président) pour sa réélection, Eisenhower refusa (pour rester militaire), mais dès 1950, les responsables du Parti républicain l’ont convaincu de se présenter à l’élection présidentielle de 1948.

Eisenhower a eu quelques concurrents aux primaires républicaines, dont le général Douglas MacArthur. Lors de la Convention républicaine de Chicago en 1952, il a fallu deux tours à Eisenhower pour être désigné candidat. Au premier tour, il n’a eu que 595 délégués sur 1 206 (contre 500 au sénateur Robert Taft), et au second tour, 845 délégués. Le jeune sénateur de Californie Richard Nixon, très anticommuniste, fut choisi comme candidat à la Vice-Présidence.

Du côté démocrate, Harry Truman a renoncé à se présenter après des premières primaires décevantes, mais il pouvait se représenter car la limitation à deux mandats s’appliquait seulement à son successeur, après le vote du 22e amendement à la Constitution des États-Unis le 21 mars 1947 et sa ratification le 27 février 1951. Ce fut Adlai Stevenson, gouverneur de l’Illinois, son concurrent démocrate (Humbert Humphrey avait aussi participé à ces primaires démocrates de 1952).

La campagne pour Eisenhower fut très efficace, avec des slogans très porteurs : "We like Ike", "Ike is for us", "Ike and Dick, All-American Partners", etc. Sur le plan politique, Eisenhower s’en est pris à la politique de Truman contre la guerre de Corée et aux communistes à une époque où le sénateur Joseph MacCarthy dénonçait l’entrisme des communistes jusque dans l’armée américaine (bien qu’à l’origine démocrate, MacCarthy a soutenu Eisenhower et présidé la fameuse commission pour débusquer les communistes dans l’administration américaine, du 23 avril 1953 au 17 juin 1953, ce qui a conduit au départ de Charlie Chaplin). Le "ticket" Eisenhower/Nixon fut très complémentaire et efficace : à Eisenhower le discours sur l’avenir de la nation américaine, à Nixon les "basses œuvres", les attaques contre l’adversaire, les financements, etc. (Nixon fut même accusé d’enrichissement personnel mais l’affaire s’est arrêtée d’elle-même).

Ainsi, le général Dwight Eisenhower fut élu 34e Président des États-Unis le 4 novembre 1952 avec 55,2% des voix (et 83,2% des grands électeurs). C’était plutôt exceptionnel qu’un "jamais élu" fût élu à la Maison-Blanche (d’autres furent élus alors qu’ils étaient plutôt de la "société civile", comme Woodrow Wilson, voire Ronald Reagan, mais ils avaient déjà reçu des mandats de gouverneur ou de sénateur), même si le Président d’aujourd’hui, Donald Trump, est dans le même cas. C’était également exceptionnel que ce fût un militaire, même si au XIXe siècle, c’était moins exceptionnel. Malgré une crise cardiaque le 24 septembre 1955 d’Eisenhower, le même "ticket" Eisenhower/Nixon fut réélu le 6 novembre 1956 très largement, avec 57,4% des voix et 86,1% des grands électeurs. Le concurrent démocrate était toujours Adlai Stevenson et fut devancé par plus de 9 millions de voix (les Démocrates restèrent cependant majoritaires au Congrès). Dwight Eisenhower exerça donc les fonctions de Président des États-Unis du 20 janvier 1953 au 20 janvier 1961.

Durant sa Présidence, la diplomatie américaine fut très active : fin de la guerre de Corée (annoncée le 26 juillet 1953), détente dans les relations Est/Ouest après la mort de Staline et contacts avec les dirigeants soviétiques (visite officielle de Nikita Khrouchtchev aux États-Unis du 15 au 27 septembre 1959), mise en œuvre de la dissuasion nucléaire (notamment face à la Chine populaire, 16 mars 1955) et développement du nucléaire civil (discours devant l’ONU le 8 décembre 1953), condamnation de l’invasion de Suez par les Français, Britanniques et Israéliens, en raison d’une doctrine qui fut ensuite formulée le 5 janvier 1957 et qui visait à réduire au maximum la déstabilisation des pays arabes pour éviter l’expansion de l’influence communiste au Moyen-Orient.

Par ailleurs, voici quelques autres réalisations conséquentes de la Présidence Eisenhower : démarrage de la conquête spatiale (avec le lancement du premier satellite américain Explorer 1 le 31 janvier 1958 et la création de la NASA le 29 juillet 1958, en réaction au lancement de Spoutnik par les Soviétiques), grand programme de construction d’autoroutes (29 juin 1956), première loi sur les droits civiques (9 septembre 1957) et intégration de deux nouveaux États aux États-Unis (l’Alaska le 3 janvier 1959 et Hawaii le 21 août 1959).

Premier Président pour qui le 22e amendement de la Constitution fut appliqué, Dwight Eisenhower n’a pas pu se représenter pour un troisième mandat. Son Vice-Président Richard Nixon tenta de lui succéder mais il fut battu de justesse par John Fitzgerald Kennedy le 8 novembre 1960 en ne recueillant que 49,55% des voix et 40,8% des grands électeurs (contre JFK, 49,72% des voix et 56,4% des grands électeurs).

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Eisenhower a soutenu Richard Nixon lors des élections présidentielles du 5 novembre 1968 au cours desquelles Nixon fut élu avec 43,42% des voix (56,0% des grands électeurs) contre Hubert Humphrey, 42,72% des voix (35,5% des grands électeurs). Ike est mort deux mois après la prise de fonction de Nixon. Les deux hommes étaient liés également familialement par le mariage du petit-fils de Dwight Eisenhower, David, avec Julie, la fille de Richard Nixon (rappelons aussi que Ike s’appelait complètement Dwight David Eisenhower).

Je termine sur le dernier discours que le Président Eisenhower a prononcé en forme d’adieu aux citoyens américains, dans une allocution télévisée d’un quart d’heure (texte intégral lisible ici), le soir du 17 janvier 1961 avant de quitter la Maison-Blanche.

Après avoir évoqué les guerres qui ont éclaté dans le monde au XXe siècle, Eisenhower a donné un sens à la domination internationale des États-Unis : « En dépit de ces holocaustes, l’Amérique est aujourd’hui la nation la plus forte, la plus influente et la plus productive au monde. S’il est compréhensible que nous soyons fiers de cette prééminence, nous nous rendons pourtant compte que la première place et le prestige des USA ne dépendent pas simplement de notre progrès matériel inégalé, de notre richesse et de notre force militaire, mais aussi de la façon dont nous employons notre puissance dans l’intérêt de la paix dans le monde et de l’amélioration de la condition humaine. ». La traduction du discours provient de Pascal Delamaire.

Cette ambition était presque arrogante, du moins prétentieuse et sûrement pompeuse, même si, justement, Eisenhower mettait en garde contre l’arrogance : « Nos buts premiers ont été de préserver la paix, de stimuler les progrès de la réalisation humaine et de faire grandir la liberté, la dignité et l’intégrité parmi les peuples et les nations. Ne pas s’efforcer d’en faire autant serait indigne d’un peuple libre et religieux. Tout manquement dû à l’arrogance, au manque de compréhension ou de promptitude au sacrifice nous infligerait d’ailleurs un grave préjudice moral, ici comme à l’étranger. ». Paroles qui ont un goût prémonitoire.

Eisenhower mettait en garde aussi contre l’ennemi extérieur (le communisme) : « Nous faisons ici face à une idéologie globale hostile, athée dans son caractère, impitoyable dans ses buts et insidieux dans ses méthodes. Malheureusement, le danger qu’elle présente promet de durer longtemps. ».

Voici ce qu’il disait de la recherche scientifique : « Dans cette révolution, la recherche est devenue centrale, elle est également plus formalisée, plus complexe, et coûteuse. (…) Aujourd’hui, l’inventeur solitaire, bricolant au fond de sa boutique, a été dépassé par des troupes de choc formées de scientifiques dans les laboratoires et des centres d’essai. De la même manière, l’université libre, historiquement source d’idées et de découvertes scientifiques nées dans la liberté, a vécu une révolution dans la conduite de la recherche. En bonne partie à cause des coûts énormes impliqués, obtenir un contrat avec le gouvernement devient quasiment un substitut à la curiosité intellectuelle. Pour chaque vieux tableau noir, il y a maintenant des centaines d’ordinateurs. ».

Note en passant : ce qu’Eisenhower a dit était vrai pour les grands programmes scientifiques (spatiaux, nucléaires, etc.) mais pas forcément dans l’informatique où, au contraire, le mythe du petit génie dans son garage a prospéré (Apple, Microsoft, Google, FaceBook, etc.).

Il a cité trois menaces, ce qui a rendu très célèbre son discours par l’expression de la première menace qui est celle du complexe militaro-industriel (lire la citation du début d’article).

La deuxième menace que le futur ancien Président pressentait, c’était celle-ci : « Nous devons également être attentif à un danger à la fois aussi grave et opposé, à savoir que l’ordre public puisse devenir captif d’une élite scientifique et technologique. C’est la tâche de l’homme d’État que de mouler, équilibrer, intégrer toutes ces forces, anciennes et nouvelles, aux principes de notre système démocratique. ».

Enfin, la troisième menace paraît aujourd’hui, presque soixante-dix ans plus tard, teintée d’une très grande clairvoyance si l’on songe au réchauffement climatique (mais probablement qu’il songeait à d’autres sources d’inquiétude, et en premier lieu, à l’endettement public) : « Nous devons (…) éviter la tentation de vivre seulement pour le jour qui vient, pillant pour notre propre aisance et à notre convenance les précieuses ressources de demain. Nous ne pouvons pas hypothéquer les actifs de nos petits-enfants sans risquer de dilapider également leur héritage politique et spirituel. Nous voulons que la démocratie survive pour les générations qui viennent, pas pour devenir le fantôme insolvable de demain. ».

Lorsqu’on lit ce qui fut finalement le testament politique du général Eisenhower, on s’aperçoit que le peuple américain a eu beaucoup de chance de l’avoir hissé à sa tête (et le monde également, par effet indirect). Quand on voit aussi la qualité de la classe politique américaine actuelle, il peut être justifié d’avoir cet air nostalgique de passéiste avec cette réflexion bateau : avant-c’était-mieux. Il faut cependant dire aussi qu’il n’y a jamais eu de personnes exceptionnelles en dehors de circonstances exceptionnelles…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (26 mars 2019)
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Pour aller plus loin :
Allocution télévisée du Président Dwight Eisenhower le 17 janvier 1961 à Washington (texte intégral).
Dwight Eisenhower.
La NASA.
Richard Nixon.
Jean-Michel Basquiat.
Noël 2018 à la télévision : surenchère de nunucheries américaines.
Noam Chomsky.
George HW Bush, seigneur républicain des États-Unis.
Les tweets moqueurs des Finlandais.
Rakenews : le râteau de Forest Trump.
La guerre commerciale trumpienne.
Tristes Trumpiques.
George Gershwin.
Leonard Bernstein.
Spiro Agnew.
Michael Dukakis.
Vanessa Marquez.
John MacCain.
Bob Dole.
George HW Bush a 94 ans.

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