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25 septembre 2017 1 25 /09 /septembre /2017 05:06

« Nous ne devons pas oublier que nous sortons d’une législature exceptionnellement difficile. Je suis donc heureuse que nous ayons atteint les objectifs stratégiques de notre campagne électorale. Nous sommes le premier parti, nous avons un mandat pour former le prochain gouvernement et il ne peut y avoir de gouvernement de coalition contre nous. (…) Nous espérions un meilleur résultat. Nous sommes face à un nouveau grand défi, l’entrée de l’AfD au Bundestag. Nous allons reconquérir ces électeurs et ces électrices. » (Angela Merkel, le 24 septembre 2017).


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Je reste toujours étonné par la manière qu’ont les journalistes de commenter les résultats des élections. Ce fut le cas pour les élections fédérales en Allemagne, autrement dit, les élections législatives, qui ont eu lieu ce dimanche 24 septembre 2017 et dont le scrutin fut clos à 18 heures.

Car il faut toujours revenir aux fondamentaux. L’objectif des élections législatives dans un pays, c’est d’élire une assemblée qui soutiendra un gouvernement qu’on pourra donc qualifier de démocratique si l’élection de l’assemblée a été libre, sincère et à bulletins secrets.

Or, les résultats des élections en Allemagne sont très clairs : la Chancelière sortante, Angela Merkel, a gagné son pari du quatrième mandat. C’est donc, concrètement, une victoire historique que seuls ont pu obtenir Konrad Adenauer et Helmut Kohl, c’est-à-dire les deux plus importants chanceliers de l’histoire démocratique de l’Allemagne.

Évidemment, en m’exprimant ainsi, je pourrais avoir l’impression de dire l’essentiel mais j’oublierais le principal sur le plan politique : la victoire de la CDU-CSU, si elle est bien réelle (la coalition de centre droit est bien arrivée en tête et est appelée à gouverner), est très décevante malgré tout en nombres de voix (le score le plus faible) et risque le service après-vente de cette victoire risque d’être très laborieux.

Pourquoi ? Parce que l’autre événement de ces élections allemandes, c’est l’arrivée massive au Bundestag de députés de l’AfD (Alternative pour l’Allemagne), le parti d’extrême droite qui a fait toute sa campagne sur les thèmes d’islamophobie et d’opposition forcenée et obsessionnelle à toute immigration et en particulier à la politique d’accueil des réfugiés mise en place par Angela Merkel depuis deux ans. Alice Weidel, la coprésidente de l’AfD, a d’ailleurs annoncé qu’elle voulait rapidement créer une commission parlementaire pour enquêter sur Angela Merkel et que ses amis feraient tout pour lui nuire.

Donc, cette victoire d’Angela Merkel est effectivement bien en demi-teinte, mais il faut quand même bien replacer les priorités : son objectif a été atteint, elle continuera à diriger le gouvernement allemand, en principe pour les quatre prochaines années. Ce quatrième mandat commencera donc nécessairement dans une ambiance de fin de règne mais elle continue aussi à bénéficier d’une image très solide et surtout, d’une absence de personnalité de son parti qui pourrait se positionner comme un dauphin incontestable.

Revenons un peu plus dans les détails.


1. Le mode de scrutin

Avant d’évoquer les résultats en détails, quelques explications sur le mode du scrutin. Inutile de dire que c’était très difficile de connaître à la clôture du scrutin la configuration exacte du Bundestag et encore moins le nombre exact de députés !

Le scrutin est double : pour (à peu près) la moitié des députés, le scrutin est de type britannique, scrutin majoritaire uninominal à un tour, le candidat placé en premier dans sa circonscription est élu (même s’il n’a pas la majorité absolue) ; pour (à peu près) l’autre moitié des députés, le scrutin est à la proportionnelle intégrale dans chaque région (Land) avec un seuil de 5% au niveau national (ce seuil avait empêché les centristes libéraux du FDP d’obtenir une représentation nationale aux précédentes élections du 22 septembre 2013, avec seulement 4,8%).

Concrètement, cela signifie que les électeurs allemands (ce 24 septembre 2017, ils étaient 61 675 529 électeurs) doivent voter deux fois, une fois pour les candidats au scrutin majoritaire et une fois au scrutin proportionnel. On peut évidemment ne pas choisir le même parti pour ces deux votes.

J’ai écrit "à peu près", car c’est l’expression qui prévaut ici et qui montre la complexité du scrutin. Le nombre de députés élus au scrutin majoritaire est fixe et normalement, devrait être de moitié de l’assemblée, soit 299. Le nombre minimal de députés est donc de 598.

Mais en fait, les calculs pour attribuer les sièges du scrutin proportionnel sont tels qu’il faut souvent rajouter des sièges pour acquérir la "bonne" proportionnalité. En effet, la proportionnalité concerne tous les sièges du Bundestag, pas seulement ceux pourvus avec le scrutin proportionnel, si bien qu’il peut y avoir des partis qui ont trop de députés déjà élus au scrutin majoritaire et dont le nombre est supérieur à sa représentation proportionnelle. Résultat, comme on ne peut pas retirer à ce parti des sièges pourvus au scrutin majoritaire, on attribue des sièges supplémentaires aux autres partis pour corriger la répartition (des mandats appelés Überhangmandate). C’est donc une véritable usine à gaz mise en place avec le nouveau code électoral de 2013.

En clair, en 2013, il y a eu en tout 631 sièges attribués (au lieu des 598) et en 2017, si j’en crois les derniers résultats qui paraissent définitifs (sous réserve que je me trompe), il y en a 709 !

Enfin, sur ce mécanisme, je fais aussi la même remarque que lors des élections législatives au Royaume-Uni : l’Allemagne a donc 709 députés en 2017, bien plus qu’en France (un petit moins si l’on rapporte ce nombre au nombre d’électeurs inscrits). Le Royaume-Uni a aussi plus de députés dans sa chambre basse qu’en France pour une population équivalente.

Je fais cette remarque pour dire que deux grand pays dont on ne critiquera jamais ni le caractère et la tradition démocratiques ni l’efficacité de sa gouvernance ont un nombre de députés pas moins pléthorique qu’en France. La proposition de réduire le nombre de parlementaires en France ne réduira ni la défiance des électeurs par rapport à la classe politique ni même les coûts de la démocratie (puisque l’objectif serait de donner plus de moyens aux parlementaires restants). En effet, cette mesure est surtout démagogique et aura peut-être même du mal à se mettre finalement en place après les élections sénatoriales de ce même dimanche 24 septembre 2017 (j’y reviendrai).


2. Les résultats en voix et en sièges

La participation électorale a été de 76,2%.

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Six partis se répartissent les sièges du Bundestag.
La CDU-CSU (centre droit) a obtenu 33,2% des voix et 246 sièges (dont 46 pour la CSU).
Le SPD (sociaux-démocrates) a obtenu 20,4% des voix et 153 sièges.
L’AfD (extrême droite nationaliste) a obtenu 13,0% des voix et 94 sièges.
Le FDP (centristes libéraux) a obtenu 10,7% des voix et 80 sièges.
Die Linke (la gauche extrémiste) a obtenu 9,1% des voix et 69 sièges.
Die Grünen (les Verts, écologistes) ont obtenu 9,0% des voix et 67 sièges.

Donc, en tout, il y a 709 députés et la majorité absolue est de 355.

95,4% du vote populaire qui s’est réparti vers les six principaux partis sont donc représentés au Bundestag. Cette grande proportion est due non seulement au mode de scrutin mais aussi (et surtout) au comportement des électeurs qui n’ont pas dispersé leurs voix en les portant sur des petites formations (au sens du mode du scrutin, à savoir représentant moins de 5% des électeurs au niveau national).


3. La CDU-CSU

Comme je l’ai écrit, le parti d’Angela Merkel est arrivé en tête du scrutin et donc, le contrat a été rempli, cette alliance dirigera le prochain gouvernement dans la mesure où aucune coalition ne l’incluant pas ne pourra s’y opposer.

En revanche, le score de 33,2% est très faible par rapport aux espérances : les sondages attribuaient plutôt 35-36%. C’est l’un des pires scores historiques (en 1949, 31%) et c’est 8,3% de moins qu’en 2013. En sièges, le parti majoritaire a perdu 65 mandats (mais avec un nombre total différent, voir plus haut). C’est donc un échec relatif et une victoire non relative.

Pourtant, Angela Merkel a montré un bilan assez enviable de sa politique : un taux de chômage de seulement 5% de la population active (en France, c’est le double !) et des finances publiques largement assainies (des budgets publics souvent en excédent !), sans compter la balance commerciale largement excédentaire (250 milliards d’euros en 2016 !).

La cause de cette chute est pourtant assez facilement explicable et confirmée par le score de l’AfD : l’accueil des réfugiés voulu par Angela Merkel, au point de susciter des incompréhensions à l’intérieur même de son parti, lui a fait perdre des électeurs au profit d’un mouvement particulièrement opposé à cette politique, à savoir l’AfD. C’est très sensible en Bavière où la CSU, avec 38%, a perdu beaucoup d’électeurs au profit de l’AfD. La Bavière sera d’ailleurs une région cruciale avec des élections régionales dans un an, en automne 2018.

Il y aura probablement un temps pour des explications au sein de la CDU-CSU. Horst Seehofer, le président de la CSU (bavarois), a déjà déclaré le 24 septembre 2017 : « Ne tournons pas autour du pot. Le résultat de l’élection constitue une amère déception. Nous avons délaissé notre flanc droit et il nous appartient de combler le vide avec des positions tranchées. ».

Les commentateurs français (de certains journaux) parlent des "conservateurs" pour évoquer la CDU-CSU, mais c’est assez ridicule d’être taxé de conservateurs quand on accepte plusieurs centaines de milliers de réfugiés chaque année ! Le mot est plus la conséquence d’une paresse intellectuelle pour simplifier à l’extrême un paysage politique étranger alors que le paysage politique français est pourtant particulièrement compliqué (vu de l’étranger).

Par ailleurs, de la part de ces mêmes commentateurs français, il aurait été un peu plus honnête intellectuellement de reprendre le score de l’ensemble CDU-CSU-FDP qui était la coalition gouvernementale traditionnelle depuis l’arrivée au pouvoir du Chancelier Helmut Kohl en automne 1982. Si Angela Merkel a dû se résoudre à la grande coalition, en 2013, c’était justement à cause de l’absence de députés FDP qui auraient dû compléter la majorité d’Angela Merkel. Or, en 2017, le FDP (voir plus loin) a réalisé une très bonne performance en dépassant les 10% des voix. Vue ainsi, la chute électorale semble alors nettement moins grave : on passe de 46,3% des voix (en 2013) à 43,9% (en 2017), ce qui fait une baisse de seulement 2,4% des voix, cela relativise beaucoup la chute !


4. Le SPD

Le SPD a perdu, pas à cause de Martin Schulz mais malgré Martin Schulz : « Aujourd’hui est un jour difficile pour la social-démocratie allemande. (…) Nous sommes le bastion de la démocratie dans ce pays. ». L’ancien Président du Parlement Européen avait commencé sa campagne électorale avec une hausse vertigineuse de sa popularité en fin 2016 et début 2017 et pouvait raisonnablement se présenter comme le successeur possible d’Angela Merkel.

Au-delà de l’effet de nouveauté que sa candidature avait apporté au SPD, cette embellie dans les sondages est retombée assez vite au fur et à mesure que Martin Schulz a fait sa campagne sur le thème de la justice sociale. Lorsqu’un pays a une économie prospère, on se soucie probablement moins du social (ce qui est une erreur puisque c’est justement quand il y a prospérité qu’il est plus facile de redistribuer).

Résultat, le SPD a perdu 5,3% des voix et 40 sièges. C’est son plus bas score historique depuis la guerre et le risque disparition est le même qu’en France, en Espagne ou en Grèce, le risque que le SPD ne représente plus un parti d’avenir et de progrès social.

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L’explication la plus entendue est que la participation du SPD à la grande coalition CDU-SPD de 2013 à 2017 lui a été très négative sur le plan électoral : en effet, il avait les inconvénients d’une participation au pouvoir (les mécontents pouvaient s’en prendre à eux) mais sans en avoir les avantages (c’est Angela Merkel qui a revendiqué les mesures sociales que la coalition lui a imposées, comme le salaire minimum, etc.).

Le SPD est donc devenu "inutile" et c’est la raison pour laquelle, à peine les premières estimations connues, Martin Schulz a annoncé que le SPD refuserait de participer à une nouvelle grande coalition pour reprendre son indépendance et retrouver son identité. Cette décision est peut-être favorable aux intérêts du SPD (celle de se retrouver, quoi qu’il arrive, dans l’opposition), ce n’est pas peut-être très responsable et favorable aux intérêts de l’Allemagne si la CDU-CSU est incapable de se mettre d’accord avec les deux autres alliés possibles passablement antagonistes, le FDP et les Verts.


5. L’AfD

C’est difficile de parler de surprise car c’était pressenti avant les élections, mais peut-être pas avec une telle ampleur, et c’est en tout cas un fait historique qui fera dire aux Allemands qu’il y a un avant 24 septembre 2017 et un après 24 septembre 2017, un peu comme on a parlé en France du 21 avril 2002, même si, avec l’arrivée de Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle française de 2017, cela n’aurait aujourd’hui plus beaucoup de sens (en raison de la banalisation électorale et politique du FN en France).

En 2013, l’AfD n’avait pas réussi à obtenir des sièges et n’avait recueilli que 4,7% des voix, en dessous du seuil des 5%. En 2017, ce parti a gagné 8,3% des voix et 94 sièges ! Le parti a frôlé les 6 millions de suffrages, passant en quatre ans de 2,1 à 5,9 millions d’électeurs (presque le triple).

C’est énorme et sa présence parlementaire va lui donner une "respectabilité" élevée, au point que l’objectif de ses dirigeants est d’être en mesure de gouverner dès les prochaines élections en septembre 2021. L’AfD a gagné beaucoup de terrain en Bavière (8% de plus pour l’AfD au détriment de la CSU qui a perdu 11% !) mais aussi dans certaines régions de l’Allemagne de l’Est où la pauvreté est plus importante et où l’AfD est devenue la deuxième force politique après la CDU (en Saxe, l’AfD est même la première force politique avec 27%).

En 2017, il est évidemment exclu que l’AfD participe à une coalition gouvernementale puisque celle-ci serait nécessairement dirigée par Angela Merkel qui est sa principale bête noire.

Précisons à propos de l’AfD. Contrairement au FN qui a cherché à se respectabiliser, l’AfD tient des propos très violents contre les immigrés (au point que des manifestations ont eu lieu à Berlin, Francfort, Leipzig, Cologne, Hambourg, etc. dès le soir des élections pour protester contre son entrée au Bundestag). Pour autant, l’AfD ne souhaite pas trop "copiner" avec Marine Le Pen qui a une très mauvaise image en Allemagne, même si la présidente du FN s’est félicitée de l’entrée massive de l’AfD au parlement allemand (elle laissera alors la respectabilité pour plus tard), en évoquant « un nouveau symbole du réveil des peuples européens ».

L’AfD est-elle un parti néo-nazi ? Il n’est pas exact de l’affirmer aussi simplement. Il y a effectivement des éléments néo-nazis, mais si l’ancienne présidente Frauke Petry a été évincée, c’était justement, selon Frédéric Lemaître, correspondant du journal "Le Monde" à Berlin entre 2010 et 2016, parce qu’elle n’avait pas réussi à les exclure de ce parti. L’AfD est en tout cas probablement plus extrémiste que le FN en France. Et ce qui choque, c’est évidemment que cela se passe en Allemagne, terre natale du nazisme. Dans sa conférence de presse du 25 septembre 2017, élue, Frauke Petry a annoncé qu'elle ne siégerait pas dans le groupe AfD, considérant qu'il y a trop d'extrémistes.

Les meilleurs agents électoraux de l’AfD étaient sûrement les réfugiés syriens qui ont provoqué dans une partie de la population allemande beaucoup de colère, d’angoisse et d’incompréhension, notamment lorsque des faits divers ont fait apparaître des délits ou crimes liés à cette immigration particulière. Néanmoins, contrairement à la France, l’Allemagne a su accompagner l’accueil des réfugiés en leur faisant apprendre la langue, en leur donnant les moyens de pouvoir reprendre une vie décente et normale, autonome financièrement.

Selon certains sondages allemands, l’AfD aurait non seulement pris des voix dans l’électorat CDU-CSU (environ 1 million de voix), mais aussi dans celui SPD (environ 400 000 voix) et chez les abstentionnistes (environ 1 million de voix). En tout, l’AfD a gagné environ 4 millions de voix par rapport à 2013.


6. Les trois autres partis parlementaires FDP, die Linke et die Grünen

Tournant autour de 9-10% des voix, ils vont devenir le pivot d’une future coalition. Ou plus exactement, deux d’entre eux puisque die Linke, considérée trop à gauche, bien qu’issue historiquement du SPD (mais aussi des anciens communistes est-allemands !), reste toujours très isolée dans le paysage politique allemand puisque le SPD a toujours exclu de gouverner avec elle.

Par rapport à 2013, il n’y a pas eu beaucoup de changement pour die Linke et pour les Verts dans les résultats. Ce qui signifie que l’appel au vote utile de Martin Schulz n’a pas été suivi d’effet.

En revanche, les centristes libéraux du FDP ont fait un beau score, revenant au Bundestag après une période de disgrâce de quatre ans. Ils ont gagné presque 6% des voix et 80 sièges.


7. Et maintenant ?

La partie n’est pas finie pour Angela Merkel qui va devoir négocier un accord avec une coalition gouvernementale. Pour l’instant, la grande coalition est exclue (à moins que Martin Schulz ne revienne sur sa décision au nom de l’intérêt de l’Allemagne), et Angela Merkel va donc devoir négocier avec les Verts et le FDP (les deux réunis rassemblent plus de députés que le SPD !). Ces négociations peuvent durer plusieurs mois (comme en 2013 avec la grande coalition).

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Les points d’achoppement sont nombreux, sur les centrales au charbon, sur l’avenir du diesel, sur la solidarité européenne, sur l’immigration, sur la fiscalité, sur le poste du Ministre des Finances que le FDP revendique, etc. Angela Merkel a cependant montré depuis qu’elle est à la tête de la CDU (depuis le 10 avril 2000) qu’elle est très habile politiquement et qu’elle est très bonne pour faire la synthèse politique (François Hollande aurait été très apprécié en Allemagne !).

L’autre conséquence est aussi la construction européenne : le FDP ne souhaite pas renforcer la gouvernance de la zone euro, au contraire de la position française réaffirmée lors du discours du Président français Emmanuel Macron le 7 septembre 2017 à Athènes. Selon Valérie Astruc, journaliste à France 2, « Emmanuel Macron rêve de former avec Angela Merkel un couple historique et fort ».

Certains pensent que le manque de liberté politique d’Angela Merkel serait une occasion en or pour Emmanuel Macron et faire avancer "son" Europe. J’en doute. Au contraire, les avancées européennes auraient plus facilement lieu en cas de totale liberté, dans ce domaine, des dirigeants des deux États membres essentiels pour toute initiative européenne. Emmanuel Macron, pendant cinq ans, jouit d’une grande liberté politique avec sa majorité pléthorique au Palais-Bourbon. Ce sera moins le cas pour Angela Merkel, sauf si elle arrive finalement à convaincre le SPD de revenir dans une grande coalition, configuration qui serait à l’évidence la plus favorable à des nouvelles initiatives européennes.

Depuis la France, les commentateurs français n’ont cessé d’insister sur l’entrée massive des députés AfD au Bundestag. Si cet événement est en effet historique (c’est un fait incontestable), il faudrait néanmoins rester prudent en France. Stigmatiser le peuple allemand pour avoir voté à 13,0% pour l’AfD, et je rajoute aussi 9,1% pour die Linke, mériterait déjà de regarder la poutre dans son œil. Le 23 avril 2017, le peuple français a en effet voté à 21,3% pour le FN, à 19,6% pour l’équivalent de die Linke (Jean-Luc Mélenchon) et il faut rajouter aussi 2% pour des partis d’extrême gauche. Comparativement, le peuple allemand a encore de la marge. Bref, les journalistes français n’ont pas beaucoup de leçons à donner aux électeurs allemands…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (25 septembre 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les élections fédérales allemandes du 24 septembre 2017.
L’Europe de Jean-Claude Juncker.
Le Traité de Maasticht.
Attentat à Berlin.
L’hommage de l’Europe à Helmut Kohl.
Helmut Kohl, le colosse érodé.
Un homme qui a façonné l'histoire.
Helmut Kohl et Viktor Orban.
Angela Merkel, l’honneur de l’Europe de la solidarité.
La Réunification allemande.
L’amitié franco-allemande.
Le symbole de Verdun.
Les risques de la germanophobie.
L’industrie allemande est-elle honnête ?
Le mur de Berlin.
La chute du mur de Berlin.
Les dettes de guerre.
L’Europe, c’est la paix.
Martin Schulz.
Un nouveau Président du Parlement Européen le 17 janvier 2017.
Hans-Dietrich Genscher.
Le décennat de la Bundeskanzlerin.
Vidéos sur Helmut Schmidt.
Helmut Schmidt.
Mutti Merkel, reine du monde ?
Joachim Glauck.
Angela Merkel et François Hollande à Strasbourg.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170924-allemagne-legislatives.html

https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/allemagne-2017-une-victoire-peut-197108

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/09/25/35707550.html


 

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23 septembre 2017 6 23 /09 /septembre /2017 02:47

« Ces deux dernières années, la croissance a été plus forte dans l’Union Européenne qu’aux États-Unis. Elle se chiffre maintenant à plus de 2% pour toute l’Union et à 2,2% pour la zone euro. Le chômage est au plus bas depuis neuf ans. Depuis le début de notre mandat, près de 8 millions d’emplois ont été créés. Et le taux d’emploi en Europe est plus élevé qu’il ne le fut jamais. Nous avons 235 millions d’Européens qui ont un travail. (…) En réalité, les institutions de l’Europe ont joué leur rôle en contribuant à faire en sorte que le vent tourne. (…) Dix ans après le déclenchement de la crise, l’Europe connaît enfin un rebond économique. Et avec lui, un regain de confiance. » (Jean-Claude Juncker, le 13 septembre 2017 à Strasbourg).



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Le Président de la Commission Européenne Jean-Claude Juncker s’est livré le mercredi 13 septembre 2017 à son troisième discours sur l’état de l’Union devant les parlementaires européens en session à Strasbourg. Exercice annuel qui ressemble étrangement à celui de la démocratie américaine, ce discours (très peu médiatisé en France, comme d'habitude, malgré son importance politique) était l’occasion de revenir sur les premières propositions d’avenir formulées par le Président français Emmanuel Macron le 7 septembre 2017 à Athènes et aussi de donner la vision de la Commission Européenne sur un horizon européen de 2025.

Dans ce discours fleuve (lisible dans son intégralité ici), Jean-Claude Juncker a évoqué de nombreux sujets. J’en retiendrai seulement quelques-uns.


1. La politique commerciale de l’Europe

Jean-Claude Juncker a eu raison de parler en premier des négociations commerciales de l’Europe avec ses partenaires extérieurs. Le commerce est le nerf de la guerre économique : « L’Europe est ouverte au commerce, oui. Mais réciprocité il doit y avoir. Il faudra que nous obtenions autant que ce que nous donnons. (…) Le commerce, ce sont des emplois, ce sont de nouvelles opportunités pour les entreprises européennes, grandes ou petites. Chaque milliard d’exportations en plus représente 14 000 emplois supplémentaires en Europe. ».

Ainsi, il a rappelé l’accord commercial avec le Canada, et la perspective de nouveaux partenariats économiques, avec le Japon, avec le Mexique et les pays d’Amérique du Sud, avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande…

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Mais Jean-Claude Juncker est bien conscient du besoin d’une plus grande transparence et information auprès des citoyens européens dont l’inquiétude reste légitime dans leur souci de préserver leurs normes environnementales et alimentaires : « Je tiens à ce que [ces accords] soient négociés dans la plus parfaite transparence. L’ouverture des échanges doit aller de pair avec une transparence accrue de nos processus décisionnels. Le Parlement Européen aura le dernier mot sur l’ensemble des accords commerciaux. (…) Dorénavant, la Commission publiera l’intégralité des projets de mandats de négociation qu’elle présentera au Conseil. Les citoyens ont le droit de savoir ce que propose la Commission. Fini le manque de transparence, finis les rumeurs et les procès d’intention dont la Commission n’a cessé d’être l’objet. ».

Cela pour réaffirmer : « Je voudrais dire une fois pour toutes : nous ne sommes pas des partisans naïfs du libre-échange. L’Europe doit toujours défendre ses intérêts stratégiques. ».


2. Les réfugiés en Europe

Jean-Claude Juncker s’est félicité de la fin de la crise des réfugiés : « Nous sommes parvenus à endiguer les flux de migrants irréguliers, sources de grande inquiétude dans de nombreux pays. Nous avons réduit de 97% le nombre des arrivées irrégulières en Méditerranée orientale grâce à l’accord que nous avons conclu avec la Turquie. Et, cet été, nous avons réussi à mieux contrôler la route de la Méditerranée centrale : les arrivées y ont diminué de 81% en août par rapport au même mois de l’an dernier. ».

Cette réduction est également le cas pour le nombre de vies humaines tuées dans la Méditerranée, même s’il y en a toujours beaucoup trop : « Près de 2 500 personnes sont mortes cette année, ce qui est une véritable tragédie. Je n’accepterai jamais que des êtres humains trouvent la mort en pleine mer. ». Pour cela, il a proposé de créer une voie d’immigration contrôlée qui ferait tarir les filières irrégulières sources de nombreuses morts (et d’escroqueries).

La Commission Européenne a attribué un grand satisfecit à l’action de l’Italie : « Je ne peux pas parler de migration sans rendre un hommage appuyé à l’Italie pour sa persévérance et sa générosité. (…) L’Italie sauve l’honneur de l’Europe en Méditerranée. ».

C’est être en accord avec les valeurs de l’Europe que d’assurer la solidarité humaine, en particulier auprès des réfugiés syriens : « Rien que l’année passée, nos États membres ont accordé l’asile à plus de 720 000 réfugiés, ou ont pourvu à leur réinstallation. C’est trois fois plus que l’Australie, le Canada et les États-Unis ensemble. L’Europe, contrairement à ce qui est dit, n’est pas une forteresse et ne doit jamais le devenir. L’Europe est, et restera le continent de la solidarité où doivent pouvoir se réfugier ceux qui sont poursuivis pour des raisons inacceptables. Je suis particulièrement fier des jeunes Européens qui se portent volontaires pour donner des cours de langue aux réfugiés syriens ou de tous ces jeunes qui, par milliers, se sont mis au service de notre nouveau corps européen de solidarité. Ils donnent vie et couleurs à la solidarité européenne. ».


3. L’Europe de demain (horizon 2025)

Jean-Claude Juncker a voulu placer l’avenir européen non pas sur un thème économique mais sur les valeurs rassemblées en trois chapitres : liberté, égalité et État de droit : « Notre Union n’est pas un État, elle est une communauté de droit. ».

Ainsi, le Président de la Commission Européenne a rejeté la négociation à court terme de nouveaux traités pour renforcer les institutions, car cela rendrait l’Europe confuse et compliquée : « Au lieu de se lancer tête baissée dans de futurs changements de traités, qui devront venir un jour ou l’autre, nous devrions tout d’abord nous défaire de l’idée qui voudrait qu’on ne puisse gagner que si d’autres perdent. La démocratie est une question de compromis. Et avec de bons compromis, tout le monde est gagnant. (…) Celui qui n’est pas capable de faire des compromis n’est pas mûr pour la démocratie ni pour l’Europe. Cela devrait toujours être l’objectif du travail commun du Parlement, du Conseil et de la Commission. ».

Rejetant l’idée (structurellement compliquée) de créer des institutions démocratiques parallèles pour la zone euro, Jean-Claude Juncker a estimé au contraire que tous les États membres devaient avoir la perspective d’intégrer la zone euro (chose qu’il a pu dire d’autant plus aisément que le Brexit est en cours de négociation et sera effectif le 29 mars 2019) : « L’euro a vocation à devenir la monnaie unique de toute l’Union Européenne. ».

Mais l’unité ne devrait pas se résumer à la seule monnaie et au seul secteur bancaire : « Si nous voulons mettre fin à la fragmentation et au dumping social en Europe, les États membres devront se mettre d’accord sur le socle européen des droits sociaux aussi rapidement que possible, et au plus tard, lors du Sommet de Göteborg en novembre. Les systèmes sociaux nationaux resteront encore pour longtemps divers et distincts. Mais nous devrions au minimum travailler à une union européenne des normes sociales, pour déterminer ensemble ce qui est juste et injuste dans notre marché intérieur. ».

En rejetant une Europe à plusieurs vitesses (qui contreviendrait à son idée d’égalité), Jean-Claude Juncker s’est ainsi opposé aux propositions du Président français Emmanuel Macron qui voudrait organiser une gouvernance démocratique spécifique de la zone euro : « Nous n’avons pas besoin de structures parallèles. (…) Nous n’avons pas besoin d’un budget de l’euro distinct (…). Le Parlement de la zone euro est le Parlement Européen. ». On ne peut que donner raison à Jean-Claude Juncker sur ce sujet : pourquoi vouloir démultiplier le nombre d’élus européens alors qu’il faudrait plutôt renforcer le pouvoir de ceux qui le sont déjà ? De plus, cela va en totale contradiction avec la volonté de réduire le nombre de parlementaires en France…

À moyen terme, Jean-Claude Juncker a envisagé de nouvelles adhésions : « Nous devons offrir des perspectives d’élargissement crédibles aux Balkans occidentaux. (…) Pour tous les pays candidats à l’adhésion, une priorité absolue doit être donnée au respect de l’État de droit, de la justice et des droits fondamentaux. ».

Cet élargissement, il ne le voyait donc pas avec la Turquie : « Cela exclut une adhésion de la Turquie à l’Union Européen dans un avenir proche. Depuis un certain temps, la Turquie s’éloigne à pas de géants de l’Union Européenne. La place des journalistes est dans les rédactions, là où règne la liberté d’expression. Leur place n’est pas dans les prisons. J’en appelle aux autorités turques (…). Arrêtez d’insulter nos États membres et nos chefs d’État et de gouvernement en les traitant de fascistes ou de nazis. L’Europe est un continent composé de démocraties mûres. Celui qui offense, se ferme la route vers notre Union. ».

En outre, il a voulu que le nouveau parquet européen puisse poursuivre les terroristes. Par ailleurs, il a prôné le renforcement du poids de l’Union Européenne sur la scène internationale en accélérant la prise de décision, la création d’un fonds européen de défense pour construire une Europe de la défense opérationnelle (la CED date de 1954 !), d’autant plus nécessaire que le Président américain Donald Trump souhaite se désengager de l’OTAN, et enfin, l’application réelle du principe de subsidiarité en redonnant aux États membres l’initiative sur des sujets qui seraient mieux traités par eux que dans le cadre européen.

Proposant un Sommet européen historique à Sibiu (en Roumanie) pour le 30 mars 2019 (le lendemain de départ du Royaume-Uni de l’UE), Jean-Claude Juncker (qui sera alors en fin de mandat) a proposé ceci : « Mon espoir est que le 30 mars 2019, les Européens se réveilleront dans une Union où nous défendons tous nos valeurs. Où tous les États membres respectent vigoureusement l’État de droit. Où être un membre à part entière de la zone euro, de l’union bancaire, et de l’Espace Schengen soit devenu la norme pour chaque État membre de l’UE (…). ».


4. Les prochaines élections européennes (de mai 2019)

Au contraire de la gouvernance de la zone euro, Jean-Claude Juncker a trouvé un point d’accord avec Emmanuel Macron pour la campagne des prochaines élections européennes en mai 2019 : « Je n’ignore pas que l’idée est contestée par plus de quelques-uns, mais je dois vous dire que j’ai de la sympathie pour présenter des listes transnationales. De telles listes rendraient les élections au Parlement Européen plus européennes et plus démocratiques. ».

Autre idée commune : « Je soutiens l’idée du Président Macron d’organiser des conventions démocratiques dans toute l’Europe en 2018. ». Ce serait alors l’occasion, pour tous les citoyens européens, de s’exprimer sur leur vision d’avenir de l’Europe.


5. La Présidence de la Commission Européenne

Jean-Claude Juncker veut aussi refaire ce qui s’est passé en 2014, à savoir, que les têtes de listes soient désignées au niveau européen et qu’elles soient candidates au poste de Président de la Commission Européenne : « Qui veut renforcer la démocratie européenne ne peut pas accepter que le progrès démocratique que constitua l’innovation des têtes de listes (…) ne soit pas renouvelé. » (Cette phrase à double négation aurait mérité un peu plus de simplicité dans son expression !).

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Et d’ajouter, avec son expérience personnelle : « Je suis convaincu que tout futur Président tirera avantage de cette expérience unique qui consiste à faire campagne dans tous les coins de notre beau continent. Pour comprendre les défis de son poste et la diversité de nos États membres, un futur Président doit rencontrer les citoyens dans les mairies à Helsinki comme sur toutes les places d’Athènes. Je sais pour avoir mené une telle campagne que cela vous rend humble, mais cela vous donne aussi plus de poids pendant votre mandat. (…) C’est bon pour l’équilibre de notre Union. ».

Il a aussi annoncé un code de déontologie pour les membres de la Commission Européenne afin d’éviter le scandale de la carrière de José Manuel Barroso : « Aujourd’hui, je transmets au Parlement Européen un nouveau code de conduite des commissaires. (…) Il est évident que le nouveau code renforcera les obligations des commissaires en matière d’intégrité, pendant et après leur mandat. ».

Par ailleurs, autant aussi aller jusqu’au bout de la logique pour Jean-Claude Juncker : « L’efficacité européenne gagnerait en force si nous pouvions fusionner les Présidences de la Commission Européenne et du Conseil Européen. (…) Le paysage européen serait plus lisible et plus compréhensible si le navire européen était piloté par un seul capitaine. Le fait d’avoir un seul Président refléterait mieux la véritable nature de notre Union Européenne, à la fois comme Union d’États et comme Union de citoyens. ». Ce qui signifie : « un Président unique qui conduira les travaux de la Commission et du Conseil Européen, après avoir été élu à l’issue d’une campagne électorale paneuropéenne démocratique ».


Conclusion

Les observateurs ont noté ainsi un discours très optimiste et plein d’anticipation, peut-être même avec trop d’audace pour certains pays (comme le Danemark, la Hongrie, la Pologne ou l’Irlande). Mais sans audace, pas d’avancée : « Helmut Kohl et Jacques Delors m’ont appris que l’Europe n’avance que quand elle fait preuve d’audace. Avant de devenir réalité, le marché unique, l’Espace Schengen et la monnaie unique étaient considérés comme de simples vues de l’esprit. Pourtant, ces trois projets ambitieux sont la réalité d’aujourd’hui. ».

Jean-Claude Juncker, qui avait fait état de pensées européennes quasi-dépressives il y a un an, avant l’importante année électorale française et après le Brexit, a semblé relancer son enthousiasme dans la construction européenne grâce à une "embellie politique et économique" : « Maintenant qu’il fait beau, et tant qu’il fait encore beau. Parce que, quand les prochains nuages se formeront à l’horizon, et ils se formeront, il aura été trop tard. Alors, larguons les amarres. Mettons les voiles. Et profitons des vents favorables ! ».

Au cours de sa prestation, Jean-Claude Juncker a aussi rappelé les fondamentaux de l’Union Européenne sur lesquels je termine ce compte-rendu : « Alors, il faut aimer l’Europe, parce que dans ce monde troublé, l’Europe et l’Union Européenne ont réussi une performance unique, imposer la paix à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières. Et la prospérité, si ce n’est pour tous, en tout cas, pour un grand nombre. ». Cette évidence, elle devra bien être partagée par le plus grand nombre un jour ou l’autre…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 septembre 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Texte intégral du discours d’Emmanuel Macron le 7 septembre 2017 à Athènes.
Texte intégral du discours d’Emmanuel Macron le 8 septembre 2017 à Athènes.
Texte intégral du discours d’Emmanuel Macron le 19 septembre 2017 à New York.
Texte intégral du discours de Jean-Claude Juncker le 13 septembre 2017 à Strasbourg.
Emmanuel Macron et la refondation de l’Europe (7 septembre 2017).
Emmanuel Macron à l’ONU, apôtre du multilatéralisme (19 septembre 2017).
Le dessein européen de Jean-Claude Juncker (13 septembre 2017).
Une avancée majeure dans la construction européenne.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170913-juncker-g.html

https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/le-dessein-europeen-de-jean-claude-196998

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/09/23/35694950.html


 

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21 septembre 2017 4 21 /09 /septembre /2017 05:47

« Sur la Pnyx, prévalaient le goût de la parole libre, du débat, voire de la controverse. Aussi, je veux vous tenir ce soir un discours de vérité, un discours sans ambages : en Europe aujourd’hui, la souveraineté, la démocratie et la confiance sont en danger. » (Emmanuel Macron, le 7 septembre 2017 à Athènes).


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On a beau dire que le "novice" Emmanuel Macron est un grand communicant, et il doit sans doute sa présence à l’Élysée à ce talent qu’il a dû acquérir sur les planches, il lui arrive de faire de grosses boulettes dans sa communication politique. L’épisode des "fainéants" en est une énorme. Il l’a "lâchée" lors d’un discours (lisible ici) qu’il a prononcé à l’étranger, devant les expatriés français rassemblés à Athènes le 8 septembre 2017.

Très exactement, Emmanuel Macron a déclaré : « Mais tout cela nous a rappelé une chose : la démocratie ici inventée est fragile ; la paix que nous avons inventée en Europe après guerre est fragile ; l’esprit de culture que nous avons défendu et porté ici est fragile ; cette volonté d’universel qui vous fait être là est fragile. ».

Et soudain, il a déversé sa bile : « Alors, c’est parce que c’est fragile que je veux vous dire, pour terminer, deux choses. Je serai d’une détermination absolue et je ne céderai rien ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes. Et je vous demande d’avoir, chaque jour, la même détermination. Ne cédez rien ni aux égoïstes, ni aux pessimistes, ni aux extrêmes. Vous êtes une part d’Europe ici, une part d’Europe redoublée. Et votre voix est importante. Et notre voix est importante parce qu’elle est attendue. C’est l’immense responsabilité de notre génération. Elle ne pourra pas s’asseoir, elle ne pourra pas se reposer, elle ne pourra pas attendre. Parce que je ne veux pas dans quinze ans qu’un autre Président puisse venir dire que c’est pire encore. Alors, je compte sur vous comme vous pouvez compter sur moi. Vive la République et vive la France ! » (8 septembre 2017).

Cette fin de discours est énigmatique. Pour l’anecdote, il a parlé de "quinze ans" plus tard, comme s’il allait exercer trois mandats successifs (ce qui est constitutionnellement interdit !). L’injonction : "Ne cédez sur rien !" est sage et puissante, forte de résistance même. Que chacun fasse ce qu’il a projeté et s’y tienne.

Mais en mettant les "fainéants" sur le même plan que les "extrêmes" et les "cyniques", il laissait entendre que les fainéants seraient les "conservateurs" d’aujourd’hui, ceux qui ne voudraient aucune réforme, ceux qui seraient opposés aux réformes et en particulier à la réforme du code du travail. À moins qu’il s’agît carrément des demandeurs d’emploi qui ne voudraient aucune réforme et qui se contenteraient de rester dans leur situation précaire ?

Une attaque contre une grande partie des Français juste avant la première manifestation contre sa réforme du code du travail (223 000 manifestants le 12 septembre 2017 dans toute la France) qui n’était pas très adaptée à un discours qui se voudrait consensuel et rassembleur. Le 11 septembre 2017, il a bien dû rétropédaler en expliquant qu’il voulait parler des gouvernants qui n’avaient pas voulu réformer la France (donc ses prédécesseurs) mais ce n’était pas très crédible.

L’effet de cette boulette est pire que cela. Cette tirade sur les "fainéants" a en effet occulté un autre discours bien plus important historiquement, tenu la veille au soir, sur la petite colline sur fond d’Acropole à Athènes (lisible ici). Le 7 septembre 2017, le Président Emmanuel Macron a esquissé les bases d’une relance politique de la construction européenne, tant attendue depuis cinq ans, et cela devant le Premier Ministre grec Alexis Tsipras, considéré comme l’enfant terrible de la zone euro à cause de la crise grecque de la dette souveraine.

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Ce discours est une pierre essentielle dans la réflexion que doit tenir l’ensemble des pays européens. Il n’est plus possible de ne pas avancer, sous peine de reculer : « Ceux qui voudraient fantasmer une identité figée ne savent donc pas quel est le mythe né sur ces rives : celle d’une métamorphose constante ! (…) Lorsque l’Europe s’arrête, elle se trahit elle-même et elle court le risque de se démanteler. ».

Et Emmanuel Macron, très judicieusement, a repris le thème favori des anti-européens, celui de la souveraineté. Or, pour lui, la souveraineté de la France ne peut résister aux soubresauts de la mondialisation que si la France est intégrée dans un ensemble bien plus vaste, l’Union Européenne, forte de ses 500 millions d’habitants : « L’Europe est un des derniers havres où nous continuons collectivement à nourrir une certaine idée de l’humanité, du droit, de la liberté, de la justice. Plus que jamais aujourd’hui, nous avons besoin de l’Europe. Le monde a besoin de l’Europe. En programmer le démantèlement n’aurait à cet égard aucun sens. Ce serait une forme de suicide politique et historique. ».

Une relance de l’Europe pour la renforcer : « Notre génération peut choisir de refonder l’Europe aujourd’hui, maintenant, par une critique radicale car nous avons tort de laisser la critique de l’Europe à ceux qui la détestent ! Ceux qui aiment l’Europe doivent pouvoir la critiquer pour la refaire, pour la corriger, pour l’améliorer, pour la refonder ! (…) Nous devons retrouver la force première de l’espérance qui a fait qu’après-guerre, qu’entre tous les divisés, quelques-uns en Europe ont voulu une histoire plus grande, plus belle qu’eux-mêmes. ».

Emmanuel Macron a ainsi développé trois thèmes majeurs qui lui sont chers : la souveraineté, la démocratie et la confiance.

La souveraineté : « La souveraineté, c’est bien ce qui fait notre avenir, et ce qui fait que nous décidons par nous-mêmes, que nous fixons nos propres règles, que nous choisissons notre avenir, et ce qui fait notre monde. La souveraineté n’est pas la propriété de celles et ceux qui préfèrent le rétrécissement sur les frontières ! La souveraineté, ne la laissez pas à celles et ceux qui veulent le recroquevillement, à celles et ceux qui prétendent qu’on défend, qu’on protège, qu’on décide, quand on se replie sur soi, qu’on déteste l’autre, qu’on ferme la porte à ce qui vient de l’extérieur, qu’on renie des décennies d’histoire commune où nous avons cherché enfin à dépasser les nationalismes ! (…) La souveraineté que nous voulons, c’est celle qui consiste précisément à conjuguer nos forces pour bâtir ensemble une puissance européenne pour pouvoir décider ne pas subir ce que les superpuissances feront mieux que nous. ».

Ce fut une véritable profession de foi : « Je crois dans cette souveraineté européenne. Pourquoi ? Parce que nos défis ne sont plus à l’échelle de nos nations. Regardez le changement climatique et les cataclysmes qu’il produit ! Regardez le défi des migrations que votre pays a eu à affronter, il y a un peu plus de deux ans [il s’adressait aux Grecs] (…). Regardez le terrorisme qui, dans chacune de nos sociétés que nous pensions à l’abri de l’histoire, est revenu fracasser des vies et nous faire douter. Regardez les puissances nucléaires qui émergent là où nous pensions avoir des puissances secondaires. Face à ce monde-là et à chacun de ces risques nouveaux (…), la bonne échelle est l’échelle européenne ! Notre souveraineté européenne est ce qui nous permettra d’avoir les champions du numérique, de construire une économie forte, et de faire une puissance économique dans ce monde qui change. Et non pas subir la loi des plus grands qui sont américains et demain chinois, mais qui ne sont pas les nôtres. ».

Emmanuel Macron proposera dans quelques semaines une "feuille de route" des réformes européennes à faire dans les dix prochaines années et souhaiterait un large débat populaire dans toutes l’Europe au cours du premier semestre de l’année 2018 : « Il faudra une Europe dans laquelle nous osons à nouveau défendre la convergence sociale, fiscale (…). Il nous faudra retrouver le sel de cette zone euro et inventer une gouvernance forte qui nous fera souverains, avec un budget de la zone euro, avec un véritable responsable exécutif de cette zone euro, et un parlement de la zone euro devant lequel il devra rendre compte. (…) Je veux que (…) nous retrouvions de l’audace, de l’ambition profonde pour que cette Europe de la culture, de la connaissance, du partage des langues soit profondément refondée. ».

La démocratie : « Je veux défendre pour les prochaines élections européennes des listes transnationales. (…) Considérons qu’enfin, nous pouvons avoir un débat européen, des listes européennes, une vraie démocratie européenne qui vivra à travers les pays et demain, si nous voulons une zone euro plus intégrée, un cœur d’Europe à l’avant-garde, donnons plus de force démocratiques, mettons en place un parlement de la zone euro qui permettra de construire les règles d’une responsabilité démocratique de celles et ceux qui prendront des décisions, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. (…) L’aliment véritable de l’Europe, ce n’est pas la fascination pour la norme, c’est la vitalité démocratique. Renouer avec la promesse initiale de l’Europe, c’est possible si nous assumons notre désir de souveraineté et notre besoin de démocratie. ».

La confiance : « Nous, Européens, nous partageons une histoire et un destin, c’est parce que nous retrouverons le fil de ce chemin que nous pourrons rebâtir la confiance. (…) L’Acropole d’Athènes est un miroir tendu à notre identité européenne, nous nous y reconnaissons, nous y lisons notre destin commun (…). Nous sentons encore sa part sacrée. (…) Nous ne nous battrons jamais assez pour que les Européens prennent conscience au plus vif d’eux-mêmes de ce socle commun qui, depuis des siècles, trouve à s’exprimer de mille manières, l’Europe des cénacles, des revues, des voyageurs, des bibliothèques et des idées, l’Europe des capitales lumineuses et des marges fascinantes, cette Europe qui a existé par tant et tant de voies qui ne nous disait même pas parfois son nom, qui n’a pas attendu nos institutions, nos traités, nos refondations, nos controverses. (…) Et pour que vive cet esprit de reconnaissance et de connaissance mutuelle, pour que nous refondions enfin la confiance européenne, c’est bien par la culture que nous devons repartir. ».

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À la fin de son discours, Emmanuel Macron a appelé à retrouver les espérances les plus ambitieuses pour améliorer l’unité européenne : « Imagine-t-on encore la secrète anxiété des fondateurs de l’Europe lorsqu’ils tendirent la main à leurs ennemis de la veille sur un continent encore rempli de ses victimes ? (…) Avez-vous peur de l’ambition européenne qui vous fera retrouver le sens de la souveraineté, de la démocratie, de la culture ? (…) Ayez cette ambition folle à nouveau de vouloir une Europe plus forte, plus démocratique, refondée par sa culture et ce qui nous unit ! Je vous demande, vous et en particulier vous, jeunesse d’Europe, d’avoir cette ambition extrême peut-être un peu folle ! ».

C’était donc très symbolique de s’adresser aux Européens près de l’Acropole et des premières tentatives de la démocratie européenne. Emmanuel Macron, peut-être parce qu’il est venu de l’extérieur du milieu politique, par sa jeunesse et son dynamisme, veut faire voler en éclat toutes les prudences, toutes les timidités, toutes les peurs, pour mener la construction européenne dans une voie ambitieuse.

La seule proposition concrète formulée ce 7 septembre 2017, qui est passée dans la trappe médiatique en France (surtout à cause des "fainéants" du lendemain), c’était de proposer des listes transnationales aux élections européennes, c’est-à-dire que le débat électoral puisse se déplacer enfin du cadre national (dont les préoccupations n’ont souvent rien à voir avec l’Europe) vers un véritable cadre européen du débat démocratique. Les élections européennes de mai 2014 avaient déjà esquissé ce cadre lors du débat entre les différents candidats à la Présidence de la Commission Européenne. Un cadre électoral européen renforcerait nécessairement ce débat européen et transcenderait les petites arrière-pensées politiciennes dans chaque nation.

Emmanuel Macron a donc pris date dans l’histoire de la construction européenne, un peu avant les élections allemandes qui empêchaient à Angela Merkel de faire des propositions sereinement. Nécessairement, le partenaire allemand aura un rôle décisif pour appuyer cette refondation de l’Europe voulue par la France.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (19 septembre 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Texte intégral du discours d’Emmanuel Macron le 7 septembre 2017 à Athènes.
Texte intégral du discours d’Emmanuel Macron le 8 septembre 2017 à Athènes.
Texte intégral du discours d’Emmanuel Macron le 19 septembre 2017 à New York.
Texte intégral du discours de Jean-Claude Juncker le 13 septembre 2017 à Strasbourg.
Emmanuel Macron et la refondation de l’Europe (7 septembre 2017).
Emmanuel Macron à l’ONU, apôtre du multilatéralisme (19 septembre 2017).
Le dessein européen de Jean-Claude Juncker (13 septembre 2017).
Une avancée majeure dans la construction européenne.
La XVe législature de la Ve République.
Emmanuel Macron sous le sceau de l’histoire.

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https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/emmanuel-macron-au-dela-des-196996

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20 septembre 2017 3 20 /09 /septembre /2017 01:52

« Je crois que l’erreur est dans le fait que pendant quarante ans, on n’ait jamais vraiment saisi notre peuple sur des choix européens, de telle sorte que peu à peu, ce problème a été traité entre spécialistes, diplomates. (…) Chacun a estimé que l’Europe était suffisamment connue et c’est une erreur d’appréciation. On voit bien au moment où, pour la première fois, on s’adresse véritablement au peuple pour qu’il décide, on lui donne, on lui restitue son pouvoir, on s’aperçoit qu’il y a un travail pédagogique d’éducation, d’explication considérable à faire, parce qu’on a pris trop de retard. Espérons qu’on le comblera. (…) Aujourd’hui, dans la plupart des quartiers, des communes, partout en France, on discute de l’Europe. C’est la première fois ! » (François Mitterrand, le 3 septembre 1992 sur TF1). Première partie.


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Petit anniversaire essentiel en ces temps maussades : il y a exactement vingt-cinq ans, le 20 septembre 1992, le Traité de Maastricht a été approuvé par référendum par le peuple français. Le résultat était plus serré que prévu, mais est resté positif.

Rappelons rapidement ce qu’est le Traité de Maastricht. À l’époque, il n’y avait que douze membres de ce qui s’appelait encore la Communauté Économique Européenne (CEE). Après un accord sur le fond le 10 décembre 1991 au Conseil Européen de Maastricht, le traité fut formellement signé le 7 février 1992, toujours à Maastricht, ville frontalière des Pays-Bas au nord de Liège. Après la ratification de tous les pays, le traité est entré en application le 1er novembre 1993.

Que contient l’accord ? Principalement, et c’est une étape historique de la construction européenne, l’instauration d’une monnaie européenne unique. Unique et pas commune. Depuis une douzaine d’années, les taux de change des monnaies européennes étaient encadrés par ce qu’on appelait le Serpent monétaire européenne (SME) qui était un système pour ne pas faire des dévaluations ou réévaluations trop fortes.

L’instauration de la monnaie unique, c’était plus qu’encadrer, c’était carrément figer définitivement le taux de change des monnaies qui fusionneraient. Ce fut une étape audacieuse et politiquement historique. Le taux a été fixé le 1er janvier 1999 et la monnaie matériellement est utilisée par tous les citoyens européens à partir du 1er janvier 2002. La monnaie s’est appelée "euro" au lieu de "ECU" (European currency unit) sur une demande de l’Allemagne. La CEE s’est alors transformée en "Union Européenne".

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L’accord a été initié par la France et l’Allemagne. La France qui avait une habitude séculaire de financer ses déficits publics en dévaluant sa monnaie et l’Allemagne qui avait une monnaie forte, propre à un pays industriel prospère (même si la Réunification a plombé pendant une dizaine d’années l’économie allemande). L’Allemagne avait évidemment le plus à perdre dans cette affaire avec l’abandon du Deutsch Mark.

L’accord s’est donc fait sur une base politique entre François Mitterrand et Helmut Kohl, sous la supervision de Jacques Delors, alors Président de la Commission Européenne : accord pour la Réunification rapide mais acceptation d’une monnaie européenne unique. En contrepartie : installation du siège de la Banque centrale européenne (BCE) à Francfort (la capitale économique de l’Allemagne) et obligation pour chaque pays adhérent de respecter le Pacte de stabilité qui correspond à une limitation du déficit public à 3% du PIB. Comme l’a prouvé la crise grecque de la dette souveraine, s’il n’y a pas une harmonisation des politiques budgétaires des pays utilisant la même monnaie, il peut y avoir des graves dysfonctionnements. C’est d’ailleurs une affaire toujours inachevée car l’euro mériterait une véritable gouvernance économique de la zone euro (gouvernance démocratique bien sûr).

Le Chancelier allemand Helmut Kohl l’a d’ailleurs confié ceci le 3 septembre 1992 sur TF1 : « Le moment décisif, c’est lorsque l’unité allemande est devenue possible, en 1989, et à ce moment-là, il ne s’agissait plus de rester, de nous figer en Allemagne, dans cette Allemagne réunifiée, c’était évidemment une chance pour nous. Nous avons voulu dire que l’unité allemande et l’unité européenne sont les deux faces d’une même médaille, c’est le couronnement de l’amitié franco-allemande, c’est le couronnement d’un processus historique. C’est pourquoi ce jour, cette semaine, ou ce mois qui a consacré l’unité allemande en 1989 et qui a abouti en 1990, a débouché sur le Traité de Maastricht et sa ratification. ».

Et de rassurer ceux qui craignaient une "Europe allemande" : « La France a une histoire, une grande histoire, une histoire ancienne, la France a contribué largement à la culture de l’Europe, du monde entier. Pourquoi voulez-vous soudain que la France fasse des complexes d’infériorité ? Au contraire, nous allons pouvoir nous compléter les uns, les autres, nous allons en tirer mutuellement bénéfice. ».

Helmut Kohl a aussi su se montrer très fin politiquement en répondant à ceux des Français qui ne voulaient pas que l’Allemagne donnât des recommandations sur leur vote au référendum : « La France, les Français sont nos amis. Alors, si à une heure historique, nos amis français se prononcent sur une question qui engage l’avenir de l’amitié franco-allemande, fondamentale pour toute notre amitié, tout notre avenir commun, à ce moment-là, ce n’est pas s’immiscer, ce n’est pas s’ingérer dans vos affaires si un ami de votre pays donne son conseil, et je n’irai pas plus loin. J’ai été très heureux, au cours d’un moment difficile de l’histoire allemande qui a été très important pour la France, lorsqu’en 1983, il s’est agi de stabiliser la capacité de défense occidentale contre le régime soviétique de l’époque et que le Président François Mitterrand a pris la parole chez nous, devant notre Parlement : nous n’y avons pas vu une ingérence. Il a été le porte-parole de la France, il a dit : nous, Français, nous conseillons de rester ensemble pour défendre ensemble notre liberté. (…) Il faut qu’en France, chacun sache bien, et ce n’est pas une ingérence, il faut que chaque citoyen, chaque citoyenne de votre pays sache bien que le 20 septembre, on décidera d’une partie d’avenir commun. Il y a un certain nombre de moments du destin d’une nation, du destin de l’Europe, et ce 20 septembre est une de ces heures essentielles du destin et le conseil d’un ami est : sachez saisir la chance ; il faut que les Français et les Allemands sachent ensemble, en tant qu’Européens, décider de leur avenir. » (3 septembre 1992).

Le contexte international était très nouveau : chute du mur de Berlin, Réunification allemande, effondrement de l’Union Soviétique, début de la guerre civile en Yougoslavie (François Mitterrand a même effectué une visite improvisée à Sarajevo les 27 et 28 juin 1992), etc.

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Un enseignant, Martial Berthot, sur son site pédagogique, s’est amusé à publier le dessin humoristique de Tom Toles dans "Buffalo News" qui montrait à quel point les États-Unis pouvaient craindre d’une Europe forte et unie face à une Fédération de Russie prête à s’émietter (le dessin oublie juste la péninsule grecque et la Turquie !).

Les considérations politiciennes n’étaient cependant pas absentes de la campagne référendaire sur l’Europe. Ce sera l’objet de mon prochain article.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (20 septembre 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le Traité de Maastricht.
Le débat François Mitterrand vs Philippe Séguin le 3 septembre 1992.
Helmut Kohl, le grand Européen.
Simone Veil l’Européenne.
Le Traité de Rome.
Justin Trudeau à Strasbourg (16 février 2017).
Le pape François à Strasbourg (25 novembre 2014).
L’Europe n’est pas un marché.
Davos.
Le Traité de Vienne.
Fêter l’Europe.
Le projet Erasmus.
L’élection du Président du Parlement Européen le 17 janvier 2017.
La "déclaration d'amour" de Barack Obama à l'Europe.
La "déclaration d'amour" de Jean Gabin à l'Europe.
La "déclaration d'amour" de Winston Churchill à l’Europe.
Jean-Claude Juncker.
José Manuel Barroso.
Le Brexit.
Le souverainisme, c’est le déclinisme !
Peuple et populismes.
Le défi des réfugiés.
Les Français sont-ils vraiment eurosceptiques ?
Le Traité constitutionnel européen.
Victor Hugo l’Européen.
La crise grecque.
Monde multipolaire.
Tournant historique pour l’euro.
La transition polonaise.
La libération d’une partie de l’Europe.
La parlementarisation des institutions européennes.
Le Traité de Lisbonne et la démocratie.
La France des Bisounours à l’assaut de l’Europe.
Faut-il avoir peur du Traité transatlantique ?
Le monde ne nous attend pas !
L’Europe des Vingt-huit.
La construction européenne.
L’Union Européenne, c’est la paix.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170920-traite-maastricht-europe.html

https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/traite-de-maastricht-l-euro-196640

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14 septembre 2017 4 14 /09 /septembre /2017 02:17

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Pour aller plus loin :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170913-juncker-g.html


Discours sur l'état de l'Union du Président Jean-Claude Juncker le 13 septembre 2017 à Strasbourg.

M. le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Parlement européen,

Lorsque je me suis présenté devant vous l'an dernier à la même période, ma tâche était, d'une certaine façon, plus facile.

Il était clair pour tout le monde que l'état de notre Union était pour le moins préoccupant

L'Europe comptait ses blessures et ses égratignures, après une année qui l'avait ébranlée jusque dans ses fondements.

Nous n'avions le choix qu'entre deux possibilités. Soit se rassembler autour d'un programme européen positif, soit se replier chacun sur soi en ignorant les autres.

Face à ce choix, j'ai plaidé pour l'unité.

J'ai proposé un programme positif pour, comme je l'ai dit l'année dernière, contribuer à créer une Europe qui protège, qui se donne les moyens d'agir et qui défend.

Au cours des douze derniers mois, le Parlement européen a contribué à donner vie à ce programme. Chaque jour qui passe, nous continuons à faire des progrès. Pas plus tard qu'hier soir, vous avez encore travaillé à un accord sur les instruments de défense commerciale et le doublement de notre capacité d'investissement européenne.

Je voudrais aussi remercier les 27 dirigeants de nos États membres. Quelques jours après mon discours de l'an dernier, ils ont approuvé mon programme lors de leur sommet de Bratislava. Ils ont ainsi choisi l'unité. Ils ont choisi de se rassembler autour de nos intérêts communs.

Ensemble, nous avons montré que l'Europe peut obtenir des résultats concrets pour ses citoyens, quand et là où c'est nécessaire.

Depuis lors, nous avons réussi des avancées parfois lentes mais irréversibles.

L'amélioration des perspectives économiques a joué en notre faveur.

Nous entrons à présent dans la cinquième année d'une reprise économique qui se fait enfin sentir dans chacun des États membres.

Ces deux dernières années, la croissance a été plus forte dans l'Union européenne qu'aux États-Unis. Elle se chiffre maintenant à plus de 2 % pour toute l'Union et à 2,2 % pour la zone euro.

Le chômage est au plus bas depuis neuf ans. Depuis le début de notre mandat, près de 8 millions d'emplois ont été créés. Et le taux d'emploi en Europe est plus élevé qu'il ne le fut jamais. Nous avons 235 millions d'Européens qui ont un travail.

La Commission européenne ne peut pas s'en attribuer seule tout le mérite. Cela dit, je suis sûr que si 8 millions d'emplois avaient été détruits, pour beaucoup c'eût été notre faute.

En réalité les institutions de l'Europe ont joué leur rôle en contribuant à faire en sorte que le vent tourne.

Nous pouvons nous attribuer le mérite de notre plan d'investissement pour l'Europe, qui a généré jusqu'à présent 225 milliards d'euros d'investissements. Il a accordé des prêts à plus de 445 000 petites entreprises et à plus de 270 projets d'infrastructure.

Nous pouvons nous attribuer le mérite d'une action déterminée, grâce à laquelle les banques européennes ont de nouveau la force de frappe financière nécessaire pour prêter aux entreprises et leur permettre de croître et de créer des emplois.

Et nous avons eu le mérite d'avoir contribué à la baisse des déficits publics qui sont passés d'un niveau de 6,6% à un niveau de 1,6%. Nous le devons à une application intelligente du Pacte de stabilité et de croissance. Nous exigeons une discipline budgétaire mais nous veillons à ce qu'elle ne nuise pas à la croissance. Cela fonctionne en fait très bien dans toute l'Union européenne - en dépit des critiques,

Dix ans après le déclenchement de la crise, l'Europe connaît enfin un rebond économique.

Et avec lui, un regain de confiance.

Les dirigeants de notre Union européenne à 27, le Parlement et la Commission sont en train de remettre le projet européen au cœur de notre Union. 

L'an dernier, à Rome, nous avons vu les 27 dirigeants gravir un à un la colline du Capitole pour renouveler leurs vœux d'engagement mutuel et envers l'Union.

Tout cela m'incite à y croire: l'Europe a de nouveau le vent en poupe.

De nouvelles opportunités s'ouvrent à nous, mais elles ne resteront pas ouvertes éternellement.

Mettons cet élan à profit, profitons de ces vents favorables.

Et pour cela nous devons faire deux choses:

Premièrement, nous devons tenir le cap fixé l'an dernier. Il nous reste encore 16 mois durant lesquels le Parlement, le Conseil et la Commission peuvent accomplir de véritables progrès. Nous devons profiter de cette période pour terminer ce que nous avons commencé à Bratislava, et mettre en œuvre notre programme constructif.

Deuxièmement, nous devons nous fixer un objectif ambitieux pour l'avenir. Comme l'a écrit Mark Twain, quand les années auront passé, nous serons plus déçus par les choses que nous n'aurons pas faites que par celles que nous aurons faites. Le moment est venu de bâtir une Europe plus unie, plus forte et plus démocratique d'ici à 2025.

 

TENIR LE CAP

 

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés,

Alors que nous regardons vers l'avenir, nous ne pouvons pas nous laisser dévier de notre cap.

Ensemble, nous nous sommes fixés comme objectif de parachever une union de l'énergie, une union de la sécurité, une union des marchés des capitaux, une union bancaire et un marché unique numérique. Ensemble, nous avons déjà fait bien du chemin.

Comme l'a confirmé le Parlement, la Commission a déjà présenté 80% des propositions promises en début de mandat. Nous devons maintenant travailler ensemble pour que ces propositions deviennent des actes législatifs, et que ces actes se concrétisent dans la pratique.

Comme toujours, certaines concessions devront être faites. Les propositions présentées par la Commission pour réformer notre système d'asile commun ou pour établir de nouvelles règles plus solides sur le détachement des travailleurs sont des sujets de controverse. Nous obtiendrons de bons résultats si chacun bâtit sa partie du pont pour que les positions se rejoignent. Et je voudrais dire que la Commission sera ouverte au compromis, du moment que le résultat final est le bon pour l'Union, et équitable pour tous les Etats membres.

Nous sommes maintenant prêts à soumettre les 20% d'initiatives restantes d'ici à mai 2018.

Ce matin, j'ai adressé au président du Parlement européen, Antonio Tajani, et au premier ministre Jüri Ratas une lettre d'intention précisant les priorités pour l'année à venir.

Je ne vais pas vous énumérer ici toutes nos propositions, mais permettez-moi d'en mentionner cinq particulièrement importantes.

 

Premièrement, je voudrais que nous renforcions encore notre programme commercial européen.L'Europe est ouverte au commerce, oui. Mais réciprocité il doit y avoir. Il faudra que nous obtenions autant que ce que nous donnons.

Le commerce n'est pas un concept abstrait. Le commerce, ce sont des emplois, ce sont de nouvelles opportunités pour les entreprises européennes, grandes ou petites. Chaque milliard d'exportations en plus représente 14 000 emplois supplémentaires en Europe.

Le commerce, c'est l'exportation de nos normes sociales et environnementales, et de nos normes en matière de protection des données ou de sécurité alimentaire.

L'Europe a toujours été un espace économique attirant. Mais depuis l'an dernier, j'observe que nos partenaires du monde entier se pressent à notre porte pour conclure des accords commerciaux avec nous.

Grâce à l'aide du Parlement européen, nous venons de conclure avec le Canada un accord commercial qui s'appliquera de manière provisoire à compter de la semaine prochaine. Nous avons trouvé un accord politique avec le Japon sur un nouveau partenariat économique. D'ici la fin de l'année, nous avons de bonnes chances de faire de même avec le Mexique et les pays d'Amérique du sud.

Et aujourd'hui, nous proposons d'ouvrir des négociations commerciales avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande.

Je voudrais que tous ces accords soient finalisés d'ici la fin de ce mandat. Et je tiens à ce qu'ils soient négociés dans la plus parfaite transparence.

L'ouverture aux échanges doit aller de pair avec une transparence accrue de nos processus décisionnels.

Le Parlement européen aura le dernier mot sur l'ensemble des accords commerciaux. Donc, ses membres tout comme les parlements nationaux et régionaux doivent être tenus parfaitement informés dès le premier jour des négociations. La Commission y veillera.

Dorénavant, la Commission publiera l'intégralité des projets de mandats de négociation qu'elle présentera au Conseil.

Les citoyens ont le droit de savoir ce que propose la Commission. Fini le manque de transparence, finis les rumeurs et les procès d'intention dont la Commission ne cesse d'être l'objet. J'invite le Conseil à faire de même lorsqu'il adoptera les mandats de négociation définitifs.

Je voudrais dire une fois pour toutes: nous ne sommes pas des partisans naïfs du libre-échange.

L'Europe doit toujours défendre ses intérêts stratégiques.

C'est la raison pour laquelle nous proposons aujourd'hui un nouveau cadre de l'UE sur l'examen des investissements – "Investment Screening" en anglais. Si une entreprise publique étrangère veut faire l'acquisition d'un port européen stratégique, d'une partie de notre infrastructure énergétique ou d'une de nos sociétés dans le domaine des technologies de défense, cela ne peut se faire que dans la transparence, à travers un examen approfondi et un débat. Il est de notre responsabilité politique de savoir ce qui se passe chez nous afin d'être en mesure, si besoin, de protéger notre sécurité collective.

 

Deuxièmement, je veux rendre notre industrie plus forte et plus compétitive.

C'est en particulier vrai pour ce qui concerne notre base industrielle et les 32 millions de travailleurs qui en constituent la colonne vertébrale. Ce sont eux qui fabriquent les produits de toute première classe -nos voitures, par exemple - auxquels nous devons notre avance par rapport à d'autres.

Je suis fier de notre industrie automobile. Mais je suis choqué quand clients et consommateurs sont sciemment et intentionnellement trompés. J'invite l'industrie automobile à faire amende honorable et à corriger le tir. Au lieu de chercher à tromper et à induire en erreur, les constructeurs devraient investir dans les voitures propres qui sont celles du futur.

Nous présentons aujourd'hui une nouvelle stratégie industrielle pour l'Europe qui permettra à notre industrie de rester ou de devenir le numéro un mondial en matière d'innovation, de numérisation et de décarbonisation.

 

Troisièmement, je veux que l'Europe soit à l'avant-garde de la lutte contre le changement climatique.

L'année dernière nous avons fixé des normes climatiques globales avec la ratification de l'accord de Paris ici même, dans cette assemblée. Face à l'affaissement des ambitions dont font preuve les Etats-Unis, l'Europe va faire en sorte de rendre grande la planète qui est la patrie indivisible de l'humanité toute entière. La Commission présentera sous peu une proposition de réduction des émissions de carbone dans le secteur des transports.

 

Quatrième priorité pour l'année à venir: nous protégerons mieux les Européens à l'ère du numérique.

Au cours des trois dernières années, nous avons fait des progrès dans la sécurisation de l'internet. De nouvelles règles, proposées par la Commission, protégeront nos droits de propriété intellectuelle, notre diversité culturelle et nos données à caractère personnel. Nous avons intensifié la lutte contre la propagande terroriste et la radicalisation en ligne. Mais l'Europe reste mal équipée face aux cyberattaques.

Les cyberattaques sont parfois plus dangereuses pour la stabilité des démocraties et des économies que les fusils et les chars. Rien que l'année dernière, on a enregistré plus de 4 000 attaques par rançongiciel et 80% des entreprises européennes ont connu au moins un incident lié à la cybersécurité.

Les cyberattaques ne connaissent pas de frontières et n'épargnent personne. C'est pourquoi la Commission propose aujourd'hui de nouveaux outils, et notamment une Agence européenne de cybersécurité, pour mieux nous défendre contre ces attaques.

Cinquièmement: la migration restera sur notre radar.

Même si les questions gravitant autour de la migration ont souvent suscitées débats et polémiques, nous sommes parvenus à faire des réels progrès sur de nombreux plans.

Aujourd'hui, nous protégeons nos frontières extérieures de façon plus efficace. Plus de 1 700 officiers du nouveau corps de garde-frontières et garde-côtes, soutiennent maintenant les 100 000 garde-frontières nationaux des États membres et patrouillent notamment en Grèce, en Italie, en Bulgarie et en Espagne. Nous avons des frontières communes mais les Etats qui sont en première ligne du fait de leur situation géographique ne doivent pas être les seuls responsables de leur protection. Frontières communes et protection commune doivent aller ensemble.

Nous sommes parvenus à endiguer les flux de migrants irréguliers, sources de grande inquiétude dans de nombreux pays. Nous avons réduit de 97% le nombre des arrivées irrégulières en Méditerranée orientale grâce à l'accord que nous avons conclu avec la Turquie. Et, cet été, nous avons réussi à mieux contrôler la route de la Méditerranée centrale: les arrivées y ont diminué de 81% en août par rapport au même mois de l'année dernière.

De cette manière, nous avons considérablement réduit le nombre des vies humaines perdues en Méditerranée. Près de 2 500 personnes sont mortes cette année, ce qui est une véritable tragédie. Je n'accepterai jamais que des êtres humains trouvent la mort en pleine mer.

Je ne peux pas parler de migration sans rendre un hommage appuyé à l'Italie pour sa persévérance et sa générosité. Cet été, la Commission a encore travaillé en étroite coopération avec le premier ministre Paolo Gentiloni et son gouvernement pour améliorer la situation, notamment en formant les garde-côtes libyens. Nous continuerons à apporter un soutien massif à l'Italie, tant opérationnel que financier. Parce que l'Italie sauve l'honneur de l'Europe en Méditerranée.

Nous devons aussi et de toute urgence améliorer les conditions de vie des réfugiés en Libye. Je suis atterré par les conditions inhumaines qui prévalent dans les centres de rétention ou d'accueil. Ici, l'Europe a une responsabilité collective et la Commission agira de concert avec les Nations Unies pour mettre fin à cette situation scandaleuse qui ne saurait durer.

Même si cela m'attriste de voir que tous nos États membres ne montrent pas encore le même degré de solidarité, l'Europe, dans son ensemble, a continué à faire preuve de solidarité. Rien que l'année passée, nos États membres ont accordé l'asile à plus de 720 000 réfugiés, ou ont pourvu à leur réinstallation. C'est trois fois plus que l'Australie, le Canada et les États-Unis ensemble. L'Europe, contrairement à ce qui est dit, n'est pas une forteresse et ne doit jamais le devenir. L'Europe est, et restera le continent de la solidarité où doivent pouvoir se réfugier ceux qui sont poursuivis pour des raisons inacceptables.

Je suis particulièrement fier des jeunes Européens qui se portent volontaires pour donner des cours de langue aux réfugiés syriens ou de tous ces jeunes qui, par milliers, se sont mis au service de notre nouveau corps européen de solidarité. Ils donnent vie et couleur à la solidarité européenne.

Nous devons aujourd'hui redoubler d'efforts. Avant la fin du mois, la Commission présentera une nouvelle série de propositions centrées sur les retours, la solidarité avec l'Afrique et l'ouverture de voies de migration légales.

Concernant plus particulièrement les retours: les personnes qui ne sont pas en droit de séjourner en Europe doivent regagner leur pays d'origine. Alors que seulement 36% des migrants en situation irrégulière sont renvoyés, il est évident que nous devons considérablement intensifier notre action en la matière. C'est seulement de cette manière que l'Europe pourra faire preuve de solidarité à l'égard des réfugiés qui ont réellement besoin d'une protection.

La solidarité ne peut pas être une solidarité exclusivement intra-européenne. Il s'agit aussi de mettre en place une plus grande solidarité avec l'Afrique: l'Afrique, berceau de l'humanité, est un continent noble et jeune. Notre fonds fiduciaire pour l'Afrique, doté d'une enveloppe de 2,7 milliards d'euros, ouvre des possibilités d'emploi partout sur le continent africain. Mais, alors que le budget de l'UE a assumé le gros du financement, la contribution de tous nos États membres réunis ne s'élève qu'à 150 millions d'euros. Le fonds atteint maintenant ses limites. Nous connaissons les risques d'une pénurie de financement: en 2015, de nombreux migrants ont voulu rejoindre l'Europe quand et parce que les fonds du Programme alimentaire mondial de l'ONU se sont épuisés. J'invite donc les États membres à joindre le geste à la parole et à veiller à ce que le fonds fiduciaire pour l'Afrique ne connaisse pas le même sort.

Nous allons aussi travailler à l'ouverture de voies de migration légales. La migration irrégulière ne s'arrêtera que lorsque les migrants auront une autre option que d'entreprendre un voyage périlleux. Nous sommes sur le point de réinstaller 22 000 réfugiés venant de Turquie, de Jordanie et du Liban et je m'associe à l'appel lancé par le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés Filippo Grandi pour réinstaller 40 000 autres réfugiés originaires de Libye et des pays voisins. Pour le reste, l'Europe est un continent qui vieillit, raison de plus pour le doter d'un système de migration légale qui est une nécessité. C'est la raison pour laquelle la Commission a fait des propositions pour faciliter l'accès des migrants à la carte bleue européenne, et je vous remercie du soutien que le Parlement apporte à notre proposition. Je plaide pour un accord ambitieux et rapide sur ce dossier important.

 

HISSONS LES VOILES

 

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, et Mesdames et Messieurs les députés,

Je n'ai mentionné que quelques-unes des initiatives que nous devrions mettre en place au cours des seize prochains mois.

Mais cela ne suffira pas pour regagner le cœur et l'esprit des Européens.

Nous devons maintenant fixer un cap pour l'avenir.

En mars, la Commission a présenté son Livre blanc sur l'avenir de l'Europe, qui décline en cinq scénarii le visage que pourrait prendre l'Europe d'ici à 2025. Ces scénarii ont été débattus, analysés et même parfois complètement décortiqués. Je m'en félicite car c'était exactement le but recherché. J'ai voulu lancer ainsi un processus qui permette aux Européens de déterminer eux-mêmes leur propre voie pour l'avenir.

Parce que l'avenir de l'Europe ne peut pas être dicté par ses seuls dirigeants.Il ne peut être que l'aboutissement d'un débat démocratique débouchant sur un large consensus. Cette assemblée y a activement contribué avec ses trois ambitieuses résolutions sur l'avenir de l'Europe et en participant à de nombreux événements publics parmi les 2000, et plus, que la Commission a organisés depuis mars.

Le moment est venu de tirer les premières conclusions de ce débat. Le moment est venu d'aborder la prochaine étape: passer de la réflexion à l'action, du débat à la décision.

Je voudrais aujourd'hui vous présenter ma vision des choses: mon scénario personnel - si vous voulez – mon "sixième scénario".

Ce scénario est le fruit de dizaines d'années d'expérience personnelle. Toute ma vie, j'ai vécu et travaillé pour le projet européen. J'ai connu de bons et de mauvais moments.

J'ai occupé bon nombre de sièges autour de la table de négociation : en tant que ministre, Premier ministre, président de l'Eurogroupe, et maintenant président de la Commission. J'étais là, à Maastricht, Amsterdam, Nice et Lisbonne, quand notre Union évoluait et s'élargissait. Je me suis toujours battu pour l'Europe. J'ai parfois souffert avec et à cause de l'Europe, et il m'est même arrivé de douter de l'Europe.

Avec l'Union européenne, j'ai aussi traversé des hauts et des bas, mais je n'ai jamais perdu cet amour de l'Europe.

Car il n'y pas d'amour sans déconvenue, en tout cas très rarement.

Alors il faut aimer l'Europe, parce quedans ce monde troublé, l'Europe et l'Union européenne ont réussi une performance unique, imposer la paix à l'intérieur et à l'extérieur de ses frontières. Et la prospérité si ce n'est pour tous, en tout cas pour un grand nombre. Nous devrions méditer sur cela à l'occasion de l'Année européenne du patrimoine culturel qui doit célébrer en 2018 notre diversité culturelle.

 
 



UNE UNION DE VALEURS

 

Etre attaché aux mêmes valeurs, nous apporte un sentiment d'appartenance.

Pour moi, l'Europe est un projet plus vaste que le marché unique, la monnaie, l'euro. Elle a toujours été une question de valeurs.

Dans mon sixième scénario, l'Europe repose sur trois principes fondamentaux, que nous devons toujours défendre et promouvoir: la liberté, l'égalité et l'état de droit.

L'Europe est d'abord une union de la liberté. De la liberté face à l'oppression et à la dictature que notre continent, surtout l'Europe centrale et orientale, ont hélas trop bien connus. Je veux dire la liberté de faire entendre sa voix, en tant que citoyen et en tant que journaliste, cette liberté dont nous pensons bien trop souvent qu'elle relève de l'évidence. Ce sont des valeurs sur lesquelles s'est construite notre Union. Mais la liberté ne tombe pas du ciel. Nous devons nous battre pour qu'elle triomphe. En Europe et dans le monde.

 

Deuxièmement, l'Europe doit être une union de l'égalité.

Cela veut dire l'égalité entre ses membres, grands ou petits, de l'Est comme de l'Ouest, du Nord comme du Sud.

L'Europe s'étend de Vigo à Varna, de l'Espagne à la Bulgarie.

L'Europe doit respirer avec ses deux poumons, avec celui de l'est et avec celui de l'ouest. Sinon notre continent s'essouffle.

Dans une Union où tous sont égaux, il ne peut y avoir de citoyens de seconde classe. Il est inacceptable qu'en 2017, des enfants meurent encore de maladies qui auraient dû être éradiquées depuis longtemps en Europe. Les enfants de Roumanie ou d'Italie doivent avoir le même accès aux vaccins contre la rougeole que les autres enfants d'Europe. Pas de si, ni de mais qui tiennent. C'est la raison pour laquelle nous travaillons avec tous les États membres pour soutenir leurs efforts de vaccination sur le plan national. En Europe on ne peut pas accepter des morts quand elles peuvent être évitées.

Dans une Union où tous sont égaux, il ne peut y avoir de travailleurs de seconde classe. Ceux qui font le même travail, sur un même lieu, doivent toucher le même salaire. Les propositions de la Commission sur le détachement des travailleurs visent à assurer cet objectif. Nous devrions faire en sorte que toutes les règles de l'UE en matière de mobilité des travailleurs soient mises en œuvre de manière juste, simple et efficace par un nouvel organisme européen d'inspection et d'application des règles. Il y a quelque chose d'absurde à disposer d'une Autorité bancaire pour faire appliquer les normes bancaires, mais pas d'une Autorité commune du travail pour veiller au respect de l'équité dans notre marché unique. Nous devons la créer.

Dans une Union où tous sont égaux, il ne peut y avoir de consommateurs de seconde classe. Je n'accepterai pas que dans certaines régions d'Europe, les gens se voient proposer des produits alimentaires de moindre qualité que dans d'autres pays, sous des marques et des emballages pourtant identiques. Les Slovaques ne méritent pas d'avoir moins de poisson dans leurs poissons panés, les Hongrois moins de viande dans leurs repas, ou les Tchèques moins de cacao dans leur chocolat. La réglementation de l'UE interdit déjà ce genre de pratiques. Il nous reste à renforcer les moyens dont disposent les autorités nationales pour réprimer toute pratique illégale partout où elle est constatée.

Troisièmement : En Europe la force du droit a remplacé la règle du plus fort. Cela signifie que l'autorité de la loi est garantie par un pouvoir judiciaire indépendant.

Appartenir à une Union fondée sur l'état de droit, cela veut dire qu'il faut savoir accepter et respecter un jugement. Les États membres ont accordé à la Cour de justice de l'Union européenne la compétence pour statuer en dernier ressort. Les jugements de la Cour de justice européenne doivent donc être respectés dans tous les cas. Ne pas le faire ou saper l'indépendance des juridictions nationales, revient à déposséder les citoyens de leurs droits fondamentaux.

L'état de droit n'est pas une option dans l'Union européenne. C'est une obligation.

Notre Union n'est pas un Etat, elle est une communauté de droit.

 

UNE UNION PLUS UNIE

 

Mesdames et Messieurs les députés,

Liberté, égalité et état de droit, ces trois principes doivent être les fondations sur lesquelles nous construirons une Union plus forte, plus unie et plus démocratique.

Quand nous parlons de notre avenir, je sais d'expérience que de nouveaux traités et de nouvelles institutions ne sont pas les réponses attendues. Ce ne sont là que des moyens de parvenir à une fin – ni plus, ni moins. De nouveaux traités, de nouvelles institutions, cela nous parle, à nous, ici; à Strasbourg comme à Bruxelles. Mais ailleurs, ils ne veulent pas dire grand-chose.

Les réformes institutionnelles ne m'intéressent que si elles contribuent à rendre notre Union plus efficace.

Au lieu de se lancer tête baissée dans de futurs changements de traités, qui devront venir un jour ou l'autre, nous devrions tout d'abord nous défaire de l'idée qui voudrait qu'on ne puisse gagner que si d'autres perdent. La démocratie est une question de compromis. Et avec de bons compromis, tout le monde est gagnant. Dans l'Union européenne les compromis ne sont ni négatifs, ni diffamants, ils permettent, au contraire, de combler et de réconcilier les différences. Celui qui n'est pas capable de faire des compromis n'est pas mûr pour la démocratie ni pour l'Europe. Cela devrait toujours être l'objectif du travail commun du Parlement, du Conseil et de la Commission.

Pour renforcer son unité, l'Union européenne doit aussi devenir plus inclusive.

Si nous voulons renforcer la protection de nos frontières extérieures, nous devons laisser la Bulgarie et la Roumanie rejoindre immédiatement l'espace Schengen. Nous devrions aussi permettre à la Croatie d'en devenir membre à part entière, une fois qu'elle en remplira tous les critères.

Si nous voulons que l'euro unisse notre continent plutôt que de le diviser, il faut qu'il soit plus que la monnaie de quelques. L'euro a vocation à devenir la monnaie unique de toute l'Union européenne. Tous nos États membres, sauf deux, ont le droit et l'obligation d'adopter l'euro dès qu'ils rempliront toutes les conditions.

Les Etats membres qui veulent intégrer la zone euro doivent aussi avoir la capacité de le faire. C'est la raison pour la laquelle je propose la création d'un instrument d'adhésion à l'euro, offrant une assistance de pré-adhésion technique et parfois financière.

Si nous voulons que les banques soient soumises aux mêmes règles et à la même surveillance sur l'ensemble de notre continent, nous devons encourager tous les États membres à rejoindre l'union bancaire. Et il est urgent de la compléter. Pour cela, il nous faut réduire les risques qui existent encore dans les systèmes bancaires de certains de nos Etats membres. L'union bancaire ne peut fonctionner que si la réduction et le partage de ces risques vont de pair. Pour y parvenir, comme chacun le sait, certaines préconditions doivent être rétablies comme la Commission l'a proposé en novembre 2015. Il ne pourra y avoir une garantie des dépôts commune que si chacun respecte ses devoirs nationaux.

Si nous voulons mettre fin à la fragmentation et au dumping social en Europe, les Etats membres devront se mettre d'accord sur le socle européen des droits sociaux aussi rapidement que possible, et au plus tard lors du sommet de Göteborg en novembre. Les systèmes sociaux nationaux resteront encore pour longtemps divers et distincts. Mais nous devrions au minimum travailler à une union européenne des normes sociales, pour déterminer ensemble ce qui est juste et injuste dans notre marché intérieur. Si l'Europe veut réussir, elle ne peut pas délaisser ses travailleurs.

Si nous voulons plus de stabilité dans notre voisinage, nous devons offrir des perspectives d'élargissement crédibles aux Balkans occidentaux. Il n'y aura pas de nouveaux pays membres, durant le mandat de cette Commission et de ce Parlement, parce que les critères d'adhésion ne peuvent pas encore être remplis. Mais dans les années qui viennent l'Union européenne comptera plus de 27 membres. Pour tous les pays candidats à l'adhésion, une priorité absolue doit être donnée au respect de l'état de droit, de la justice et des droits fondamentaux.

Cela exclut une adhésion de la Turquie à l'UE dans un avenir proche.

Depuis un certain temps, la Turquie s'éloigne à pas de géants de l'Union européenne. La place des journalistes est dans les rédactions, là où règne la liberté d'expression. Leur place n'est pas dans les prisons.

J'en appelle aux autorités turques: libérez les journalistes, et pas seulement nos journalistes. Arrêtez d'insulter nos Etats membres et nos chefs d'état et de gouvernement en les traitant de fascistes ou de nazis. L'Europe est un continent composé de démocraties mûres. Celui qui offense, se ferme la route vers notre Union. J'ai parfois le sentiment que la Turquie cherche à fermer ce chemin pour rendre ensuite l'Union européenne responsable d'un échec des négociations d'adhésion.

De notre côté, nous garderons toujours la main tendue en direction du grand peuple turc et de tous ceux qui sont disposés à coopérer avec nous sur la base de nos valeurs.

 

UNE UNION PLUS FORTE

 

Mesdames et Messieurs les députés,

Notre Union doit gagner aussi en force.

Je voudrais que le marché intérieur gagne en force.

Je voudrais que sur les questions importantes concernant ce marché les décisions puissent être plus souvent et plus facilement prises au Conseil à la majorité qualifiée avec une participation égale du Parlement européen. Il n'est pas nécessaire de modifier les traités pour cela. Il existe des clauses dites "passerelles" dans les traités actuels qui nous permettent de passer au vote à la majorité qualifiée au lieu de l'unanimité dans certains domaines, à condition que le Conseil européen le décide à l'unanimité.

Je suis d'avis que nous devrions introduire le vote à la majorité qualifiée sur les décisions concernant l'assiette commune consolidée pour l'impôt des sociétés, la TVA, une fiscalité juste pour l'industrie numérique et la taxe sur les transactions financières. Car l'Europe doit être capable de décider plus rapidement et plus efficacement.

Je veux une union économique et monétaire plus forte. La zone euro est aujourd'hui plus robuste qu'elle ne l'a jamais été. Nous avons notamment créé un mécanisme européen de stabilité (MES). Je pense que le MES devrait maintenant évoluer progressivement vers un Fonds monétaire européen, fermement ancré dans notre Union. La Commission fera des propositions concrètes en ce sens en décembre.

Il nous faut un ministre européen de l'économie et des finances, quiencourage et accompagne les réformes structurelles dans nos États membres. Il pourra s'appuyer sur le travail mené par la Commission depuis 2015 dans le cadre de son service d'appui à la réforme structurelle.

Ce ministre européen de l'économie et des finances devrait coordonner l'ensemble des instruments financiers de l'UE lorsqu'un État membre entre en récession ou est frappé par une crise menaçant son économie.

Je ne plaide pas pour la création d'une nouvelle fonction. Pour des raisons d'efficacité, je plaide pour que cette tâche soit confiée au commissaire européen en charge de l'économie et des finances – idéalement vice-président de la Commission européenne – et président de l'Eurogroupe.

Ce ministre européen de l'économie et des finances sera bien évidemment responsable devant ce Parlement européen.

Nous n'avons pas besoin de structures parallèles. Par conséquent, nous n'avons pas besoin d'un budget de l'euro distinct, mais d'une ligne budgétaire conséquente dédiée à l'euro zone dans le cadre de notre budget de l'UE.

Je n'ai pas de sympathie pour l'idée d'un Parlement spécifique de la zone euro. Le Parlement de la zone euro est le Parlement européen.

L'Union européenne doit être plus forte en matière de lutte contre le terrorisme. Ces trois dernières années, nous avons fait des progrès mais nous ne réagissons pas assez rapidement en cas de menaces terroristes transfrontalières. Je plaide pour la création d'une cellule européenne de renseignement chargée de veiller à ce que les données relatives aux terroristes et aux combattants étrangers soient automatiquement échangées entre les services de renseignement et la police.

De même, il me paraît tout à fait indiqué de charger le nouveau parquet européen de poursuivre les auteurs d'infractions terroristes transfrontalières.

L'Union européenne doit avoir aussi plus de poids sur la scène internationale. Et pour ce faire, elle doit être capable de prendre plus rapidement des décisions de politique étrangère. Je voudrais que les États membres examinent quelles sont les décisions de politique extérieure qui pourraient être adoptées non plus à l'unanimité, mais à la majorité qualifiée. Le traité le permet, si Conseil européen le décide à l'unanimité.

En matière de défense, des efforts supplémentaires sont nécessaires. La création d'un Fonds européen de la défense est à l'ordre du jour. La coopération structurée permanente dans le domaine de la défense est en bonne voie. D'ici à 2025, nous devrions disposer d'une union européenne de la défense opérationnelle. Nous en avons besoin. Et l'OTAN y est favorable.

Enfin, et dans la droite ligne des efforts menés par la Commission ces dernières années, je voudrais que notre Union se concentre davantage sur ce qui compte réellement. Nousne devons pas agacer les citoyens européens avec des règlements qui régissent les moindres détails de leurs vies. Nous ne devons pas proposer sans cesse de nouvelles initiatives mais rendre des compétences aux gouvernements nationaux dans des domaines où cela fait du sens.

C'est la raison pour laquelle cette Commission a été plus ambitieuse sur les grands enjeux, et plus discrète sur les dossiers de moindre importance. Elle a proposé moins de 25 initiatives nouvelles par an, alors que les Commissions précédentes en présentaient plus de 100. Nous avons rétrocédé des compétences dans les domaines où il est plus pertinent que ce soit les gouvernements nationaux qui prennent eux-mêmes les choses en mains. Grâce à l'excellent travail de la commissaire Vestager, nous avons délégué 90% des décisions en matière d'aides d'État aux autorités régionales ou locales.

Afin de mener à bon terme le travail que nous avons entamé, nous allons créer d'ici la fin du mois une task force «Subsidiarité et proportionnalité» pour regarder de plus près toutes nos politiques, afin que l'Europe n'agisse que là où elle a une vraie valeur ajoutée. Le premier vice-président qui a déjà mis toute son énergie dans le «mieux légiférer», présidera à cette task-force. Cette task-force Timmermans devrait comprendre des membres du Parlement européen ainsi que des parlements nationaux. Elle présentera un rapport de ses travaux dans un an.

 

UNE UNION PLUS DÉMOCRATIQUE

 

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les députés,

Notre Union a besoin d'un saut démocratique.

Je souhaiterais que les partis politiques européens lancent leurs campagnes pour les prochaines élections plus tôt que par le passé. Trop souvent, les campagnes électorales européennes ont été réduites à une simple addition des propositions électorales nationales. La démocratie européenne mérite mieux.

Aujourd'hui, la Commission propose de nouvelles règles sur le financement des partis et des fondations politiques. Il s'agit de ne pas renflouer les caisses des extrémistes qui sont contre l'Europe. Il s'agit de permettre aux partis européens de mieux pouvoir s'articuler.

Je n'ignore pas que l'idée est contestée par plus de quelques-uns, mais je dois vous dire que j'ai de la sympathie pour présenter des listes transnationales. De telles listes rendraient les élections au Parlement européen plus européennes et plus démocratiques.

Je pense également qu'au cours des prochains mois, nous devrions associer les parlements nationaux et la société civile au niveau national, régional et local aux travaux sur l'avenir de l'Europe. Au cours des trois dernières années, les membres de la Commission ont rendu visite aux parlements nationaux à plus de 650 reprises. Ils ont également participé à plus de 300 dialogues avec les citoyens dans plus de 80 villes des 27 États membres. Mais nous pouvons encore faire mieux. C'est pourquoi je soutiens l'idée du président Macron d'organiser des conventions démocratiques dans toute l'Europe en 2018.

À mesure que le débat se développera, j'accorderai personnellement une attention particulière à l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie et la Roumanie en 2018. 2018 est l'année où ces quatre pays célébreront leur 100ème anniversaire. Ceux qui ont pour ambition de façonner l'avenir de notre continent doivent connaître et honorer notre histoire commune et donc l'histoire des quatre pays mentionnés, pays sans lesquels l'Europe ne serait pas complète.

Le besoin de renforcer la démocratie a également des conséquences pour la Commission européenne. Aujourd'hui, je transmets au Parlement européen un nouveau code de conduite des commissaires. Tout d'abord, ce nouveau code précise que les commissaires peuvent se présenter dans des conditions normales comme candidats aux élections européennes. Il est évident que le nouveau code renforcera les obligations des commissaires en matière d'intégrité, pendant et après leur mandat.

Qui veut renforcer la démocratie européenne ne peut pas accepter que le progrès démocratique que constitua l'innovation des têtes de liste – "Spitzenkandidaten" – ne soit pas renouvelé. Je suis convaincu que tout futur Président tirera avantage de cette expérience unique qui consiste à faire campagne dans tous les coins de notre beau continent. Pour comprendre les défis de son poste et la diversité de nos Etats membres, un futur Président doit rencontrer les citoyens dans les mairies à Helsinki comme sur toutes les places d'Athènes. Je sais pour avoir mené une telle campagne que cela vous rend humble, mais cela vous donne aussi plus de poids pendant votre mandat. Et vous pouvez traiter avec les autres dirigeants au Conseil européen fort de la confiance d'avoir été ainsi élu tout comme ils l'ont été. C'est bon pour l'équilibre de notre Union.

Plus de démocratie veut dire plus d'efficacité. L'efficacité européenne gagnerait en force si nous pouvions fusionner les présidences de la Commission européenne et du Conseil européen.

Cette proposition ne vise en rien mon excellent ami Donald, avec qui j'ai collaboré harmonieusement ces trois dernières années. Elle ne vise ni Donald ni moi-même.

Le paysage européen serait plus lisible et plus compréhensible si le navire européen était piloté par un seul capitaine.

Le fait d'avoir un seul président refléterait mieux la véritable nature de notre Union européenne, à la fois comme Union d'États et comme Union de citoyens.

 

NOTRE FEUILLE DE ROUTE

 

Mesdames et Messieurs les députés,

La vision d'une Europe plus unie, plus forte et plus démocratique que je présente aujourd'hui associe des éléments de tous les scénarii que j'ai exposés en mars dernier.

Mais notre avenir ne peut rester un scénario, une esquisse, une idée parmi d'autres.

C'est aujourd'hui que nous devons préparer l'Union de demain.

J'ai envoyé ce matin au président Tajani, au président Tusk ainsi qu'aux futures présidences tournantes du Conseil d'ici à mars 2019, une feuille de route indiquant la direction que nous devrions suivre.

Un élément important résidera dans les plans que la Commission présentera en mai 2018, en vue de faire en sorte que le budget de l'UE soit à la hauteur de nos ambitions et que nous puissions tenir toutes nos promesses.

Le 29 mars 2019, le Royaume-Uni quittera l'Union européenne. Ce sera un moment à la fois très triste et tragique. Nous le regretterons toujours. Mais nous devons respecter la volonté du peuple britannique.

Le 30 mars 2019, nous serons une Union à 27. Je propose que nous nous y préparions bien.

Les élections au Parlement européen auront lieu à peine quelques semaines plus tard, en mai 2019.

Ce sera un rendez-vous important avec la démocratie européenne. Il faudra que les citoyens européens se rendent aux urnes en ayant une vision claire de la manière dont l'Union européenne évoluera dans les années à venir.

C'est pourquoi j'en appelle au président Tusk et à la Roumanie, qui exercera la présidence au cours du premier semestre de 2019, pour qu'ils organisent un sommet spécial en Roumanie, le 30 mars 2019. Mon vœu serait que ce sommet se tienne dans la magnifique ville antique de Sibiu, que je connais aussi sous le nom de Hermannstadt. Ceci devrait être le moment de nous réunir pour prendre les décisions nécessaires à la construction d'une Europe plus unie, plus forte et plus démocratique.

Mon espoir est que le 30 mars 2019, les Européens se réveilleront dans une Union où nous défendons tous nos valeurs. Où tous les Etats membres respectent vigoureusement l'état de droit. Où être un membre à part entière de la zone euro, de l'union bancaire, et de l'espace Schengen soit devenu la norme pour chaque Etat membre de l'UE.

Où nous aurons consolidé les fondements de notre Union économique et monétaire afin de pouvoir défendre notre monnaie unique dans toutes les circonstances, bonnes ou mauvaises, sans avoir à recourir à une aide extérieure. Où notre marché unique sera plus équitable pour les travailleurs de l'est comme de l'ouest.

Où nous aurons réussi à nous mettre d'accord sur un solide socle des normes sociales. Où les bénéfices seront imposés là où ils sont réalisés. Où les terroristes ne trouveront aucune faille à exploiter. Et où nous nous serons mis d'accord sur la création d'une véritable union européenne de la défense.

Où un président unique conduira les travaux de la Commission et du Conseil européen, après avoir été élu à l'issue d'une campagne électorale pan-européenne démocratique.

Si, le 30 mars 2019, nos citoyens se réveillent dans cette Union-là, alors ils devraient pouvoir apporter leur vote aux élections du Parlement européen quelques semaines plus tard en ayant la ferme conviction que notre Union travaille pour eux.

 

CONCLUSION

 

Mesdames et Messieurs les députés,

L'Europe n'est pas vouée à l'immobilisme. Elle doit le refuser.

Helmut Kohl et Jacques Delors m'ont appris que l'Europe n'avance que quand elle fait preuve d'audace. Avant de devenir réalité, le marché unique, l'espace Schengen et la monnaie unique étaient considérés comme de simples vues d'esprit. Pourtant, ces trois projets ambitieux sont la réalité d'aujourd'hui.

J'entends ceux qui disent qu'il ne faut pas surcharger la barque européenne, maintenant que l'Europe va mieux.

Mais il ne faut pas, à l'heure où nous sommes, pécher par excès de prudence. Il ne suffit pas de réparer le toit. Nous devons commencer à terminer le travail maintenant.

Maintenant qu'il fait beau, et tant qu'il fait encore beau. Parce que, quand les prochains nuages se formeront à l'horizon – et ils se formeront –, il aura été trop tard.

Alors, larguons les amarres.

Mettons les voiles.

Et profitons des vents favorables.
Jean-Claude Juncker, le 13 septembre 2017 à Strasbourg.

Source : europa.eu/


 

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9 septembre 2017 6 09 /09 /septembre /2017 16:19

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Pour aller plus loin :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170907-macron-europe.html


Discours du Président Emmanuel Macron le 7 septembre 2017 à la Pnyx à Athènes.

(Ouverture en grec) Je ne sais pas, Mesdames et Messieurs, si je dois prendre vos applaudissements comme un soulagement que je m’arrête de parler en grec, ou un remerciement de cet essai.

Merci en tout cas… Merci en tout cas, Monsieur le Premier Ministre, Cher Alexis, merci à vous, Mesdames et Messieurs, de m’accueillir en ce lieu, de m’accueillir aujourd'hui où je veux avoir, avant de m’exprimer devant vous, plus qu’une pensée, un partage avec l’ensemble de mes compatriotes qui, depuis hier, vivent l’angoisse, le dénuement, à quelques milliers de kilomètres d’ici, à Saint-Barthélémy et Saint-Martin, qui ont été touchés par un ouragan terrible. Nous avons des victimes, nous avons des vies bousculées, nous avons des dommages graves, et c’est ce soir pour eux que je veux aussi avoir une pensée.

Merci, Monsieur le Premier Ministre, de m’accueillir ici, et je vois, par notre présence, votre présence ce soir, la reconnaissance de l’amitié profonde et séculaire qui lie la Grèce et la France. Car peu de nations ont, comme les nôtres, transmis et hérité en quelque sorte des valeurs qui ont fait et qui font notre Europe. Peu de nations ont intégré si intimement leur propre culture et leur identité. Oui, ces liens qui nous unissent, ce sont ceux de la liberté, des Droits de l’homme, des valeurs qui ont fait notre Europe, et qu’aucune vicissitude de l’histoire n’a pu dénoncer.

Je ne saurais cependant me limiter à l’émotion, si vive soit-elle, que procurent ces lieux de mémoire. Et je veux plutôt me mettre à leur écoute. Parce que ces lieux nous obligent, puisque c’est ici que fut inventée la forme moderne de l’Etat, ici que cette cité d’Athènes construisit patiemment, par la souveraineté du peuple, la souveraineté de son destin, nous devons nous demander sans complaisance « qu’avons-nous fait, nous, Européens, de notre souveraineté ? ». Puisque c’est ici que fut pris le risque de cette démocratie qui confie au peuple le gouvernement du peuple, et considère que le plus grand nombre, c’est mieux que le petit nombre pour édicter une loi respectable, interrogeons-nous : qu’avons-nous fait, nous, de la démocratie ?

Et ces paroles que non loin d’ici, PERICLES prononça en l’honneur des guerriers morts au combat, écoutons-les résonner encore fortement. « La liberté », disait-il, « est notre règle dans le gouvernement de la République, et dans nos relations quotidiennes. La suspicion n’a aucune place. » Mais nous, Européens, nous faisons-nous encore confiance ?

Sur la Pnyx, prévalaient le goût de la parole libre, du débat, voire de la controverse. Aussi, je veux vous tenir ce soir un discours de vérité, un discours sans ambages : en Europe aujourd’hui, la souveraineté, la démocratie et la confiance sont en danger. Vous le savez mieux que personne car ce qu’on a appelé « la crise grecque » l’a révélé au grand jour.

Cette crise n’a pas été seulement une crise de la Grèce. Elle a été une crise de l’Europe, et en un sens, j’ose le dire, un échec de l’Europe. Faut-il se contenter d’en faire le constat amer et renoncer à l’idéal européen ? Parce que nous n’avons pas été à la hauteur de la promesse européenne, faut-il abandonner ce combat ? Ou faut-il – ce qui reviendrait au même – nous résigner aux sommets, crise après crise, péripéties après péripéties, de quelques-uns enfermés dans une salle qui ne parlent plus aux autres ? Ce serait une erreur profonde, une double erreur.

D’abord parce que l’Europe s’est toujours construite en triomphant des guerres et des échecs. La Grèce elle-même put rejoindre la Communauté européenne pour tourner la page des années de dictature militaire. Et l’Europe n’existe pas sans cet inlassable volontarisme ! L’Europe même n’a toujours été qu’une métamorphose ! Ceux qui voudraient fantasmer une identité figée ne savent donc pas quel est le mythe né sur ces rives : celle d’une métamorphose constante ! Ce n’est donc pas la même que nous devons reproduire, surtout lorsque nous nous sommes trompés. Lorsque l’Europe s’arrête, elle se trahit elle-même et elle court le risque de se démanteler.

Ensuite, ce serait une erreur parce que tous, nous voyons l'Histoire s'accélérer, disloquer chaque jour un peu plus l'ordre qui s'était installé depuis trente ans sans que personne ne puisse dire quel ordre surgira des mutations en cours.

Alors oui, dans ce monde où les alliances d'hier, parfois, se fissurent, où des risques nouveaux apparaissent et bousculent des pays que nous pensions indéplaçables, font émerger des puissances nouvelles dans ce monde, où nos valeurs mêmes, ce qui nous tenait dans la certitude que l'ordre établi était le nôtre, sont profondément chahutées. L'Europe est un des derniers havres où nous continuons collectivement de nourrir une certaine idée de l'Humanité, du droit, de la liberté, de la justice. Plus que jamais aujourd'hui, nous avons besoin de l'Europe. Le monde a besoin de l'Europe. En programmer le démantèlement n'aurait à cet égard aucun sens. Ce serait une forme de suicide politique et historique.

Voilà pourquoi ce soir, je veux que collectivement nous retrouvions l'énergie première, la force de refonder notre Europe, non pas de poursuivre ce qui ne va pas ou d'essayer de l'ajuster, mais bien de commencer par l'examen critique, sans concession, de ces dernières années, d’en retrouver la force première, l'ambition première.

Vous l'avez dit, Monsieur le Premier Ministre, il y a eu la génération des fondateurs, ils ont construit un espace inédit de paix, de liberté et de prospérité. Il y a eu une génération qui a fait croître cette Europe, parfois l’a égarée, s'est trompée. La nôtre a un choix simple, une alternative unique : continuer à gérer l'Europe comme elle va, faire semblant de ne pas voir ce qui est sous nos yeux. Alors cette génération prendra la responsabilité de laisser l'Europe mourir. Elle mourra dans des chocs, des sorties brutales, ou elle se délitera progressivement, année après année.

Mais l'autre choix, celui que je veux vous proposer ce soir, c'est celui de la refonder, parce que notre génération peut choisir de refonder l'Europe aujourd'hui, maintenant, par une critique radicale car nous avons tort de laisser la critique de l'Europe à ceux qui la détestent ! Ceux qui aiment l'Europe doivent pouvoir la critiquer pour la refaire, pour la corriger, pour l'améliorer, pour la refonder ! Mais avec cette même énergie, cette même envie, pas celle des chiffres, pas celle de la technique, pas celle de la bureaucratie, non ! Nous devons retrouver la force première de l'espérance qui a fait qu'après-guerre, qu’en tous les divisés, quelques-uns en Europe ont voulu une histoire plus grande, plus belle qu’eux-mêmes.

Alors oui, c'est pour parler de ces espérances, de ces trois espérances, de souveraineté, de démocratie et de confiance que je suis là ce soir.

La reconquête de notre souveraineté, c'est une nécessité première. Parce que je ne laisserai pas ce terme à ceux qu'on appelle les « souverainistes ». Non, la souveraineté, c'est bien ce qui fait que nous décidons pour nous-mêmes, que nous nous fixons nos propres règles, que nous choisissons notre avenir, et ce qui fait notre monde. La souveraineté n'est pas la propriété de celles et ceux qui préfèrent le rétrécissement sur les frontières ! La souveraineté, ne la laissez pas à celles et ceux qui veulent le recroquevillement, à celles de ceux qui prétendent qu'on défend, qu'on protège, qu'on décide, quand on se replie sur soi, qu’on déteste l’autre, qu’on ferme la porte à ce qui vient de l'extérieur, qu'on renie des décennies d'histoire commune où nous avons cherché enfin à dépasser les nationalismes !

La souveraineté véritable, elle construit, elle doit se construire dans et par l'Europe ! Celle dans laquelle nous croyons ! La souveraineté que nous voulons, c'est celle qui consiste précisément à conjuguer nos forces pour bâtir ensemble une puissance européenne pour pouvoir décider ne pas subir ce que les superpuissances feront mieux que nous.

Je crois dans la souveraineté, les souverainetés nationales qui sont les nôtres, mais je crois dans cette souveraineté européenne. Pourquoi ? Parce que nos défis ne sont plus à l’échelle de nos nations. Regardez le changement climatique et les cataclysmes qu'il produit ! Regardez le défi des migrations que votre pays a eu à affronter, il y a un peu plus de deux ans et dont il connaît encore aujourd'hui les conséquences, la crainte qu'il fait naître, les belles histoires qui en surgissent. Regardez le terrorisme qui, dans chacune de nos sociétés que nous pensions à l'abri de l'histoire, est revenu fracasser des vies et nous faire douter. Regardez les puissances nucléaires qui émergent là où nous pensions avoir des puissances secondaires.

Face à ce monde-là et chacun de ces risques nouveaux, face au risque des crises économiques et financières que nous avons subies, que vous avez subies il y a maintenant près de dix ans en votre cœur, quelle est la bonne protection ? Les Nations seules ? Allons, ces gens-là sont-ils raisonnables ? Veulent-ils encore mentir au peuple ? Non, les nations ont un poids ! Elles décident démocratiquement ! Mais oui ! La bonne échelle est l'échelle européenne ! Notre souveraineté européenne est ce qui nous permettra d'avoir des champions du numérique, de construire une économie forte, et faire une puissance économique dans ce monde qui change. Et non pas subir la loi des plus grands qui sont américains et demain chinois, mais qui ne sont pas les nôtres.

C’est par l'Europe que nous construirons les moyens de nous protéger de cette grande bascule du monde, des nouvelles migrations, mais surtout de les prévenir. C'est par l'Europe que nous construirons une ambition de développement avec l'Afrique, le Proche et Moyen-Orient, pour pouvoir y exister, les aider à se développer et construire un avenir.

C’est par l'Europe des coopérations nouvelles et plus fortes que nous préviendrons le terrorisme et que nous arriverons à l'éradiquer. Et parce qu'il ne faut jamais oublier que les terroristes, justement, n'attendent qu'une chose de nous : ce rétrécissement, ce rapetissement, cette peur de l'autre. C'est cela, leur plus grande arme. Alors n’y cédons rien.

Face à tous ces risques, je crois, avec vous, dans une souveraineté européenne qui nous permettra de nous défendre et d'exister, de nous défendre en y apportant nos règles, nos préférences. Qui protègera le respect de vos vies, les données de vos entreprises dans ce monde numérique ? L'Europe, et nul autre espace. Qui nous protègera, face au changement climatique ? Une Europe qui veut une autre forme de production de l'énergie, une Europe qui nous protégera de la dépendance à l'égard de puissances autoritaires qui nous tiennent parfois dans leurs mains. C'est cela, cette souveraineté dans laquelle nous devons croire, avec laquelle nous devons renouer, parce que nous avons nos propres préférences européennes, et nous ne devons jamais l'oublier. Ne pas être souverain, c’est décider que d'autres choisiront pour nous.

Mais sommes-nous comme eux ? Y a-t-il un autre continent avec un tel attachement pour la liberté, la démocratie, les équilibres sociaux qui nous tiennent ensemble, cette réconciliation de la justice et de la liberté, enfin réunies ? Je connais des espaces où on aime l'économie, le développement, mais où l'autorité politique prévaut sur la liberté, en Asie. Je connais des grandes puissances qui aiment la liberté, qui ont réussi dans le capitalisme, mais qui n'ont pas le même attachement que nous à l'égalité et à la justice sociale, de l'autre côté de l'Atlantique.

Mais nulle part ailleurs, il n'y a un tel espace politique, social où les préférences collectives qui sont les nôtres sont ainsi défendues. C'est cela, la souveraineté européenne ! Si nous y renonçons, c'est simple : nous subirons les règles ou de l'un, ou de l'autre.

Oui, le choix qui est le nôtre, c'est bien de refonder celle-ci, sans répliquer les erreurs d'hier.

Nous avons, pendant les premières années de la zone euro, commis des erreurs multiples, qui ont reposé sur des mensonges, parfois, il faut bien le dire ici aussi avec humilité et détermination. On a parfois menti et on a menti au peuple en faisant croire que, sans rien réformer, on pouvait vivre à Athènes comme à Berlin, et ce n’était pas vrai. Mais qui a-t-on fait payer ? Les responsables politiques qui avaient menti ? Non, le peuple qui avait cru des mensonges.

C'est le peuple grec qui, après toutes ces années, lorsque la crise est survenue, cette crise financière devenue une crise des dettes souveraines, c'est le peuple grec qui a payé, des années durant lesquelles on a voulu corriger tout cela par des politiques qui, mues par la défiance, ont d'un seul coup créé, il faut bien le dire, des injustices et des incompréhensions. Nous avons perdu le sel de ce goût pour la cohésion sociale, ce qui nous tenait. Nous l’avons perdu parce que nous, nous sommes perdus dans une guerre civile, au sein de l'Europe, entre des puissances qui ne se faisaient plus confiance.

C'est cela, l'histoire de la décennie qui s'achève : une forme de guerre civile interne où on a voulu regarder nos différences, nos petites trahisons et où nous avons en quelque sorte oublié le monde dans lequel nous étions ; où nous avons préféré corriger ces petites différences et ces petites trahisons en oubliant que face à nous, il y avait des puissances radicalement différentes, et que la seule question qui nous était posée, c'est : comment faire de la zone euro une puissance économique qui puisse tenir, face à la Chine et face aux Etats-Unis ? Comment faire de notre Europe une puissance diplomatique et militaire qui puisse défendre nos valeurs et nos intérêts, face à des régimes autoritaires qui émergent des crises profondes qui peuvent nous bousculer. C'est cela notre seul défi, et pas un autre.

Alors oui, je veux que nous retrouvions, par la réconciliation d'une Europe qui sait conjuguer à nouveau la responsabilité et la solidarité, la force d'une souveraineté qui ne soit pas que nationale mais bien européenne.

Cela passera par des objectifs communs : une volonté de défendre ce qui nous a fait par des réformes institutionnelles indispensables. Dans les prochaines semaines, j'y reviendrai en détail avec une feuille de route que je proposerai à l'ensemble de nos partenaires européens. Mais oui, il faudra une Europe dans laquelle nous osons à nouveau défendre la convergence sociale, fiscale, parce que c'est ce qui nous tient réunis, et évite les divergences qui nous éclatent. Il faudra retrouver le sel de cette zone euro et inventer une gouvernance forte qui nous fera souverain, avec un budget de la zone euro, avec un véritable responsable exécutif de cette zone euro, et un parlement de la zone euro devant lequel il devra rendre compte.

Il nous faudra, par des propositions concrètes que je veux rapides, refonder cette souveraineté pour que notre Europe sorte de ses petites divisions et puisse construire, d'ici à dix ans, les termes de sa souveraineté. Pas pour ceux d'hier ; pour vous, les plus jeunes.

Nous ne pouvons, nous qui dirigeons aujourd'hui l'Europe, faire comme si de rien n'était. Nous avons encore ce luxe. Mais dans dix ans, quinze ans, vingt ans, quelle Europe nous vous laisserons ?

Je ne veux pas vous écrire votre avenir, mais je veux simplement que vous ayez la possibilité de choisir, que vous ayez ce luxe que nous avons eu, de faire des choix, difficiles parfois, certes, mais de choisir. C'est cela, la souveraineté européenne. C'est ce qui vous permettra, à vous, jeunesse d’Europe, d’écrire votre avenir. C'est ce qui fait que, en aucun cas, ce que nous avons vécu ces dix dernières années, n’est à la hauteur de notre Histoire ! Parce que qu'est ce que nous avons promis à la jeunesse grecque ? Nous lui avons donné quoi depuis dix ans ? L’austérité et le chômage pour la moitié d’entre elle ! Nous lui avons proposé quoi ? Un avenir radieux, si elle voulait bien aller à Berlin, à Paris ou ailleurs. Ce n’était pas la promesse initiale. La promesse initiale était bien celle d’une Europe souveraine où on pouvait aussi réussir chez soi, dans un espace plus grand et plus fort que nos simples nations. Alors, c’est cela ce que nous devons retrouver, c’est cela le cœur d’une souveraineté européenne, celle qui vous permettra à vous, les plus jeunes, de choisir !

Cette souveraineté qui est la capacité des nations à décider de leur destin, qu’est-elle si ce n’est pas le peuple qui décide du cap qu’ensemble nous poursuivrons ? Et comment ne pas voir que la défaite de l’Europe depuis tant d'années est aussi une défaite de la démocratie ?

Par l'ampleur qu'il a prise, l’élargissement qu'il a connu, la diversité qu'il a adoptée, le projet européen s’est soudain heurté voilà un peu plus de dix ans à un refus du peuple, des peuples. Ce qui s'est passé en 2005 en Europe, en France, aux Pays-Bas, ce sont des peuples parmi les Etats fondateurs qui ont d'un seul coup décidé que ce projet n’était plus pour eux. Les avons-nous entendus ? Non. Ceux qui dirigeaient l'Europe ont décidé de ne pas respecter ce choix ; ils ont fait comme si de rien n'était, ont cherché des accommodements à côté du peuple comme pour continuer une méthode qui pendant des décennies avait si bien réussi, celle de faire l'Europe un peu à part et d’expliquer ensuite.

Ce qui s'est passé en 2005, c'est qu'une page s'est tournée et nous ne l'avons pas vu tout de suite, c’est que l'Europe ne peut plus avancer à part des peuples ; elle ne peut continuer son destin que si elle est choisie, voulue et donc expliquée, portée par l'ensemble des peuples d'Europe et ce qui s'est passé il y a quelques mois au Royaume-Uni, ce n'est pas une autre histoire, c'est soudain le peuple de cette île qui s'est réveillé contre des choix bien souvent portés par ses propres gouvernants et qui a dit « cette Europe-là n'est pas faite pour moi, je ne m’y retrouve pas, je ne la comprends plus. Ces règles sont devenues absurdes, regardez cette Europe où je perds mes propres droits, où on me demande toujours plus d'efforts pour vivre moins bien. » C'est cela ce qui a été dit par le peuple britannique l'année dernière.

Alors oui, ces votes ont marqué l'arrêt d'une aventure qui faisait que l'Europe avait toujours avancé comme à l'abri de la volonté de nos peuples. Et lorsque je combats les dérives parfois bureaucratiques qui font que l'Europe voudrait avancer par des règles que nos citoyens ne comprennent plus, qui voudraient faire que l'Europe avance en s'occupant de chaque détail du quotidien parce qu'elle a perdu son grand dessein, c'est pour retrouver le sel de cette démocratie européenne, lorsque que je me bats pour que nous puissions réviser la directive des travailleurs détachés, je me bats contre cette Europe qui a fini par produire des règles absurdes où nos peuples ne parviennent même plus à comprendre les sociétés dans lesquelles nous voulons les faire vivre.

Tout ce qui nous a tenus pendant des décennies se disloque parce que ces fonctionnements deviennent absurdes. De cela, nous devons prendre notre part ; c'est nous qui croyons en l'Europe, qui avons permis que sa démocratie se fissure, qu'elle s'éloigne des peuples et les rende hostiles et de même que nous devons avoir le courage de retrouver le chemin de la souveraineté, nous devons avoir l'autre courage de retrouver la voie de la démocratie.

Cela passera d'abord par une autre méthode pour refonder l'Europe, voilà pourquoi je souhaite que cette feuille de route que je veux proposer à l'ensemble des États membres de l'Union européenne, cette feuille de route pour construire l'avenir de notre Europe sur les dix années qui viennent, je ne propose pas que ce soit un traité négocié en catimini, que ce soit un texte discuté derrière des portes dans une salle obscure à Paris, Bruxelles ou Berlin, non je propose que nous essayons une méthode nouvelle, que d'ici la fin de l'année, nous puissions construire les grands principes de la démarche, ce vers où nous voulons emmener notre Europe, de définir nos objectifs de manière claire et que nous puissions à partir du début de l'année prochaine les soumettre aux peuples européens. Que partout où les dirigeants choisiront de suivre cette voie, et je le souhaite avec ardeur, dans chacun des Etats membres, nous puissions pendant six mois organiser des consultations, des conventions démocratiques qui seront le temps durant lequel partout dans nos pays nos peuples discuteront de l'Europe dont ils veulent.

Enfin, je veux que nous sortions de cet espèce de dilemme infantile dans lequel l'Europe est aujourd'hui plongée ou d'un côté les uns veulent aller chercher le peuple pour lui faire dire un « oui » ou un « non » qu'ils manipuleront pendant des mois, où le référendum devient l'arme seule des populistes, des anti-européens et ou de l'autre côté, ceux qui croient dans l'Europe vraiment finissent par avoir peur de leurs peuples et se cachent derrière leurs propres doutes et se disent « avançons mais ne changeons jamais les traités de peur d'aller faire à nouveau un référendum, avançons mais faisons-le à petits pas entre nous, le peuple ne comprendra pas cela. »

Choisissons une autre voie, une troisième, la voie inventée ici, la voie inventée à l'endroit même où nous nous trouvons, qui n'était pas celle de la démagogie : c'était celle de la démocratie, de la controverse, du débat de la construction par l'esprit critique et le dialogue, celle qui consiste en rentrant dans l'intimité de chacune des questions et de leur complexité, à savoir ce que nous voulons pour la cité commune. C'est cela ce que je veux durant le premier semestre de l'année 2018 dans tous les pays de notre continent, de notre Europe, retrouver le sel de ce qui a été inventé à l'endroit où nous nous trouvons, ce qui a fait nos démocraties. Alors oui par ces conventions démocratiques durant six mois, débattons de cette feuille de route que les gouvernements auront construite dans ses principes et retrouvons-nous six mois plus tard pour en faire la synthèse et sur cette base, débattue, partagée par des débats sur le terrain, par des débats numériques partout en Europe, construisons ce qui sera le fondement d'une réinvention de notre Europe pour les dix ans, les quinze ans, qui viennent, construisons les termes de ce que nous voulons vraiment ensemble. C'est cette ambition que je veux en méthode pour les mois qui viennent !

Remonter l'histoire grecque, c’est rencontrer la force de cette démocratie, la force de ce débat et c’est cela ce que je veux qu'ensemble nous puissions retrouver pour notre Europe. Mais je veux, au-delà, que le fonctionnement quotidien de l'Europe de demain soit plus démocratique à nouveau, que nous sortions des règles inventées par quelques-uns pour le plus grand nombre et que nous retrouvions plus de démocratie dans notre fonctionnement quotidien.

C’est pour cela que je veux défendre pour les prochaines élections européennes des listes transnationales. Nos amis britanniques décident de nous quitter, n’essayons pas de nous réattribuer nation par nation les quelques places qu’ils libèrent au Parlement européen, non ! Considérons qu'enfin nous pouvons avoir un débat européen, des listes européennes, une vraie démocratie européenne qui vivra à travers les pays et demain si nous voulons une zone euro plus intégrée, un cœur d'Europe à l'avant-garde, donnons plus de forces démocratiques, mettons en place un Parlement de la zone euro qui permettra de construire les règles d'une responsabilité démocratique de celles et ceux qui prendront des décisions, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui

C'est tout cela, ce que je veux qu'ensemble nous puissions retrouver parce que l'aliment véritable de l'Europe, ce n’est pas la fascination pour la norme, c'est la vitalité démocratique. Renouer avec la promesse initiale de l'Europe, c'est possible si nous assumons notre désir de souveraineté et notre besoin de démocratie. Pour citer de nouveau PERICLES, nous ne ferons rien dans la défiance et la trahison. Depuis plusieurs années, cette défiance a rongé l'adhésion que requiert le projet européen, elle a corrodé la confiance et celle-ci doit cependant trouver à se rebâtir et pour cela, retourner au sens même de l'aventure européenne, à la conviction profonde qui l’étaye est indispensable.

Nous, Européens, nous partageons une histoire et un destin, c'est parce que nous retrouverons le fil de ce chemin que nous pourrons rebâtir la confiance. Voyez l'endroit où nous sommes ; apercevez encore dans la nuit qui arrive la colline derrière moi l'Acropole. Qui que vous soyez, quel que soit votre âge, votre nationalité, votre origine, dites-moi citoyens européens si le miracle de cette colline, ces colonnes du Parthénon, cette silhouette de l'Erechthéion et de ses cariatides n'éveille pas en vous le sentiment que quelque chose est né là qui vous concerne, qui vous appartient qui vous parle !

Oui l'Acropole d'Athènes est un miroir tendu à notre identité européenne, nous nous y reconnaissons, nous y lisons notre destin commun et ce temple fut celui des dieux antiques, mais aujourd'hui les croyances qui l’ont fait naître ont disparu et pourtant nous pensons encore à cette force. Nous sentons encore sa part sacrée.

Il y a comme le disait MALRAUX, il y a près de soixante ans ici même, il y a une Grèce secrète qui repose dans le cœur de tous les hommes d’Occident. Cette Grèce secrète, c'est ce qui nous dépasse, ce qui fait que si nous acceptons de nous prendre dans nos petits débats européens et ces guerres civiles que j'évoquais tout à l'heure, il suffit que nous soyons plongés à quelques milliers de kilomètres pour reconnaître un Européen, une image qui nous rappelle l'Europe, un sentiment qui nous unit, une odeur, une couleur, une lecture qui fait que nous nous sentons à nouveau européens.

Cette Europe de la littérature, des cafés, de la discussion publique, d'une convivialité et d'une civilité qui n'existe nulle part ailleurs, c'est celle dont le ciment profond est la culture, notre culture.

Nous ne nous battrons jamais assez pour que les Européens prennent conscience au plus vif d’eux-mêmes de ce socle commun qui depuis des siècles trouve à s'exprimer de mille manières, l'Europe des cénacles, des revues, des voyageurs, des bibliothèques et des idées, l'Europe des capitales lumineuses et des marges fascinantes, cette Europe qui a existé par tant et tant de voies qui ne nous disait même pas parfois son nom, qui n'a pas attendu nos institutions, nos traités, nos refondations, nos controverses. L'Europe de madame de STAËL et de Benjamin CONSTANT parlait presque toutes les langues, elle était là, cette Europe depuis tant de siècles qui nous unit, c'est celle de la culture. Et pour que vive cet esprit de reconnaissance et de connaissance mutuelle, pour que nous refondions enfin la confiance européenne, c'est bien par la culture que nous devons repartir !

Les échanges étudiants sont une clé essentielle, la circulation de notre jeunesse doit se faire plus vive encore, les échanges académiques, l'apprentissage de nos langues réciproque, bien au-delà de mes tentatives poussives en début de discours, c'est cela ce qui doit rendre notre Europe vive ; ce ne sont pas des règlementations, des décisions obscures. C'est d'être plus ambitieux encore dans cette Europe de la culture, des échanges universitaires et académiques !

Je veux que dans les propositions que nous ferons, dans cette feuille de route à dix ans, nous retrouvions de l'audace, de l'ambition profonde pour que cette Europe de la culture, de la connaissance, du partage des langues soit profondément refondée.

Il nous faut aussi une Europe du patrimoine. Je parlais de l'Acropole dont la restauration et le nouveau musée ont eu un prix élevé. Tout ce qui incarne notre passé commun – art grec, art romain, art médiéval, baroque au classique – tous ces édifices, toutes ces œuvres sont la substance même de notre mémoire et de notre être.

Les protéger et les faire vivre doit être une préoccupation de tous les Européens. Lorsque la civilisation est attaquée, elle est attaquée dans la culture, dans son patrimoine. Regardez partout au Proche-Orient, au Moyen-Orient ou en Afrique ! Et donc ce patrimoine, nous devons le défendre, le porter, le réinventer, nous le réapproprier parce qu'il est notre identité et notre avenir !

Les quelques concours de l'Union européenne ne suffisent pas aujourd'hui à aider ou la Grèce ou l'Italie quand elles sont face à des défis immenses sur ce sujet de même encore dans tant de pays, et la France ne fait pas exception, où ce qui témoigne de notre histoire sombre parfois dans l'indifférence, voire la négligence.

Je souhaite donc que nous puissions rapidement lancer des Assises du patrimoine au niveau européen afin d'adopter une approche coordonnée de ces sujets, afin de retrouver une ambition véritable du patrimoine et de la culture. Recommençons aussi par la culture et afin que l'Europe protège le patrimoine et réinvente son avenir. Je suggère que ces assises se réunissent à Athènes où tout a commencé et nous verrons que par la culture, nous retrouverons ce qui nous unit, que par la culture et le patrimoine, nous retrouverons cette force de l’échange et de sites qui nous dépasse, de ce qui fait que, au-delà de nos divisions, à chaque moment important de notre Europe, nous avons décidé d'avancer ensemble, de construire quelque chose de plus fort que nous.

Je veux aussi revoir largement les conditions de diffusion des œuvres de l'esprit en Europe, littérature, philosophie, poésie, histoire, géographie, cinéma, spectacle vivant, sciences, sont notre terreau commun. Nous avons donc besoin là aussi de créer des programmes européens d'œuvres prioritaires qu'elles soient issues du patrimoine culturel de chaque pays ou de la création contemporaine. La connaissance des uns par les autres tient à tout cela, à ces rencontres de hasard. Aujourd'hui chacun, éditeur, écrivain, traducteur, créateur s'arrange pour se faire connaître et pour traduire ce qui doit l'être, mais le résultat n'est pas suffisant : nous avons besoin d'organiser ce domaine essentiel de notre culture, de reformer une Europe des traducteurs, des passeurs, de cette ambition culturelle qui nous unit. Ce sont les langues, les inventions, notre imaginaire commun qui ont forgé l'Europe au-delà des différences. Nous sommes nous, Européens, les habitants de cet improbable Babel que la diversité des langues et de traditions ne cesse d’enrichir et d'enthousiasmer.

Alors, oui, ayons à nouveau cette ambition de la culture, par laquelle notre confiance sera refondée. Souveraineté, démocratie, culture, ce sont les trois espérances que je veux offrir à la jeunesse d’Europe, qu'elle s'en empare, qu'elle se les approprie. Leur avenir est là, leur responsabilité, notre responsabilité, la responsabilité de notre génération dont je parlais tout à l'heure est de faire que les plus jeunes retrouvent le sens d'une Europe forte et légitime. Alors oui, peut-être à certains, cette entreprise apparaîtra comme vouée à l'échec. Je sais bien, certains diront : parlons de la technique, des détails, des textes, voulez-vous changer de traité ou pas ? Que modifions-nous et quels articles ? Nous y viendrons mais parce que nous sommes perdus dans les labyrinthes de ces discussions, devenues confuses, nous avons perdu le cap, la volonté profonde et l'ambition. Mais devons-nous pour autant avoir peur de cette ambition extrême ? Devons-nous pour autant avoir peur de ce que les générations qui nous ont précédés n'ont pas craint ?

Imagine-t-on encore la secrète anxiété des fondateurs de l'Europe lorsqu’ils tendirent la main à leurs ennemis de la veille sur un continent encore rempli de ses victimes ? Imagine-t-on la folle ambition qu'on décrivait chez certains lorsqu'ils allaient raconter que nous allions avoir une monnaie commune ? C'était il y a trente ans !

N’avons non plus le droit d'avoir une ambition, nous ? Je pense tout le contraire. Alors le défi que je veux vous lancer ce soir, quelques semaines avant de proposer à l'ensemble des pays européens, ce que la France pense, veut, préfère, à soumettre au débat : avez-vous peur de l'ambition européenne qui vous fera retrouver le sens de la souveraineté, de la démocratie, de la culture ?

Regardez l'heure que nous partageons, c’est ce moment dont HEGEL parlait, ce moment où la chouette de Minerve s'envole. Il est délicieux ce moment parce qu'il a quelque chose de confortable et de rassurant. La chouette de Minerve porte la sagesse mais elle regarde toujours derrière, c'est aussi ce que nous dit HEGEL avec humilité en parlant du philosophe, elle regarde derrière parce qu'il est toujours si facile et si agréable de regarder ce que nous avons, l'espace déterminé de ce que nous connaissons !

Ne vous arrêtez pas à la chouette de Minerve, ayez cette ambition folle à nouveau de vouloir une Europe plus forte, plus démocratique, refondée par sa culture et ce qui nous unit ! Je vous demande vous et en particulier vous, jeunesse d'Europe, d'avoir cette ambition extrême peut-être un peu folle !

Ce que nous espérons est entre nos mains ; désirons-le ensemble pour nous et pour nos enfants ! Alors je vous le promets, nous réussirons ! Suivons-en cela les paroles du poète Georges SEFERIS et je le cite : « Et quand on cherche le miracle, il faut semer son sang aux quatre coins du vent car le miracle n'est pas ailleurs mais circule dans les veines de l'homme. »

Alors donnons une chance à ce miracle ensemble pour notre Europe !

Je vous remercie.


Emmanuel Macron, le 7 septembre 2017 à la Pnyx.

Source : www.elysee.fr/

 

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30 août 2017 3 30 /08 /août /2017 04:40

« Il ne faut jamais oublier que l’accident est le produit d’une relation inadaptée entre un usager, un véhicule et une infrastructure. Retenir une "cause principale" est souvent une pratique réductrice. Quand une princesse se tue sous le pont de l’Alma, l’un va pointer le fait que son véhicule était inutilement rapide et de ce fait dangereux car il permettait un grand excès de vitesse, un autre le fait que son conducteur était sous l’influence de l’alcool, de médicaments psycho-actifs et roulait trop vite, un autre fera remarquer que la présence d’une succession de piliers en bordure d’une voie sous un tunnel est un vice majeur pour une telle infrastructure, réunir les pieds de ces piliers par un séparateur médian en béton aurait sauvé cette princesse, il n’a toujours pas été réalisé. » (Professeur Claude Got, le 30 mai 2011).


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À la manière de voir les médias français s’engouffrer dans les documentaires multiples sur Lady Di, on comprend à quel point les conjoints ou futurs conjoints de monarques continuent de "passionner" les Français qui sont républicains par raison et monarchistes par réflexe. Avant-hier tante Yvonne, hier Bernadette aux pièces jaunes, aujourd’hui Brigitte, les femmes de nos chefs d’État fascinent et intéressent : sont-elles attendues pour être la mère du peuple ? sa sœur ? sa copine ?

Ce jeudi 31 août 2017, c’est le triste vingtième anniversaire de la mort de Diana Spencer, ancienne épouse du Prince Charles et mère du peut-être (probablement) futur roi William. Trois millions de personnes ont participé à ses funérailles le 6 septembre 1997 à Londres. Elle avait seulement 36 ans et a laissé de beaux souvenirs sur papier glacé qui furent aussi des souvenirs parfois grinçants.

Ce drame, qui a coûté la vie à trois personnes, pourrait être abordé sous plusieurs angles très différents, notamment la sécurité routière, les relations entre les médias et les personnes célèbres en général, son mariage raté avec la famille royale, et bien sûr, la personnalité très forte de la princesse de Galles qui fut l’une des femmes les plus connues et les plus admirées au monde.

Chaque fois que je passe dans le souterrain du pont de l’Alma, à Paris, j’imagine la scène effroyable contre un pilier. Vitesse limitée à 50 kilomètres par heure. Limitation avec raison, c’est en ville, les voies sont étroites, la circulation souvent dense (route principale pour sortir par l’ouest de Paris). L’accident a eu lieu quand la voiture roulait à une vitesse estimée comprise entre 115 et 150 kilomètres par heure. La déformation du pilier laisserait entendre que le choc aurait eu lieu à la vitesse de 105 kilomètres par heure.

Donc, oui, la vitesse (comme dans la plupart des accidents) fut l’une des causes létales de l’accident (ainsi que l’absence de ceinture de sécurité et l’absorption d’alcool du conducteur trois fois supérieure à la limite légale). Mais si l’on écoute certains défenseurs de la sécurité routière, il peut être mis en cause également l’aménagement urbain : l’absence de glissière de sécurité sur la partie centrale du souterrain, pour se protéger justement des piliers, a rendu fatal un tel accident.

Claude Got (81 ans), docteur en médecine, agrégé d’anatomie pathologique, professeur de médecine, chercheur dans le domaine de la biomécanique des chocs et de l’accidentologie, ancien conseiller auprès des ministres Simone Veil et Jacques Barrot, expert auprès du Conseil national de la sécurité routière, a fait remarquer le 12 décembre 2002 : « Peu de commentaires ont porté sur le danger inacceptable provoqué par la présence d’une série de piliers en béton à quelques centimètres de la chaussée. Trois tunnels se succèdent sur cette partie des quais de Seine, l’un est correctement traité avec un séparateur médian continu en béton, un second n’a aucun séparateur, ce qui peut provoquer des choses frontaux en cas de perte de contrôle, celui du pont de l’Alma présente une succession de piliers en béton sur un trottoir légèrement surélevé alors qu’il est nécessaire de placer entre chaque pilier un muret séparateur en béton, ce qui aurait un coût minime et ne présenterait aucun inconvénient. ». En septemrbe 2007, il a insisté : « Le coût serait minime, la solution est indiscutable techniquement, elle ne présente aucun inconvénient puisqu’il n’y a pas de traversée piétonne sous cette infrastructure, mais elle n’est toujours pas mise en œuvre. ».

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Cela n’enlève rien à la responsabilité et aux circonstances particulières, l’accident paraissait inévitable à partir du moment où ce fut une course-poursuite pour éviter les paparazzis. C’est comme les attentats de Nice le 14 juillet 2016 et de Barcelone le 17 août 2017 : l’absence de blocs en béton a permis l’accès d’un véhicule lourd et puissant sur une voie piétonne (idem à Londres, à Berlin, etc.). On imagine que dans ces villes, et dans la plupart des autres villes d’Europe, des blocs en béton vont être installés rapidement pour sécuriser les foules.

C’est souvent par les drames passés que la sécurité se renforce sans cesse (c’est valable aussi pour la sécurité nucléaire, renforcée après les catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima). Vingt années plus tard, je vous recommande par simple curiosité de vous rendre sous le pont de l’Alma pour constater si, à ce jour, des glissières de sécurité ont été effectivement installées…

Les raisons de cette course folle, c’était d’échapper à des journalistes et photographes, véritables charognards des célébrités. Leurs photos et leurs magazines se vendent parce qu’ils ont beaucoup de lecteurs qui aiment la chair fraîche. Ce n’est pas nouveau, et c’est humain.

Je me rappelle un jour avoir acheté (je l’ai regretté) un numéro de "Paris Match" pour une interview politique dans l’optique de l’élection présidentielle (encore lointaine) et j’ai découvert avec horreur une photo sur deux pages (format poster !) du patron de Renault, Georges Besse, gisant ensanglanté sur le lieu de son assassinat. Au-delà de l’aspect gore qui, visiblement attire beaucoup de curieux (et Internet renforce ce voyeurisme), mais certainement pas moi, j’ai pensé aux proches de cette victime au-delà de la mort et ce qu’ils pouvaient penser, ressentir avec un tel acharnement médiatique...

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Lady Di était venue passer quelques jours à Paris avec son amant de l’époque, fils d’un milliardaire égyptien (propriétaire du Ritz). Elle a beaucoup utilisé les médias, elle en a fait souvent des alliés, mais en même temps, une fois le doigt dans l’engrenage, elle pouvait en être une victime. Les journalistes impliqués (et mis en examen) dans la course-poursuite ont tous obtenu un non-lieu le 4 septembre 1999. C’était logique : dans un pays démocratique, la libre circulation des personnes est une valeur fondamentale.

Cet accident a-t-il fait prendre conscience des limites que les médias devraient se donner pour laisser vivre tranquillement toute personne qui le désirerait ? Pas sûr.

Au fait, pourquoi "amant" ? Parce que la belle romance entre le Prince Charles et Lady Di n’a jamais eu lieu, dès le début. Le Prince Charles en aimait déjà une autre (Camilla Parker Bowles, avec qui il se maria finalement le 9 avril 2005). Le Prince Charles aurait pu avoir une destinée comme son grand-oncle Édouard VIII.

La jeune fille de 19 ans (née le 1er juillet 1961), touchée par la détresse du Prince Charles lors de l'enterrement de son (autre) grand-oncle Lord Louis Mountbatten, assassiné le 27 août 1979, fut choisie par la très rigoureuse famille royale, mais elle n’a pas trouvé l’amour de son mari de 32 ans (ce qu’elle avait cru). Elle a été choisie pour assurer la pérennité de la dynastie. En d’autres termes, pour donner une descendance au Prince Charles, mission qu’elle a remplie avec presque perfection par la naissance du prince William le 21 juin 1982 et celle de Harry le 15 septembre 1984, après ses fiançailles le 24 février 1981 et son mariage le 29 juillet 1981 suivi par 35 000 invités et 750 millions de téléspectateurs dans le monde.

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La vie de cour n’était pas une sinécure et entraîna dépression, etc. La séparation officielle a eu lieu le 9 décembre 1992, alors que la presse people (aidée de Diana) avait déjà révélé depuis longtemps l’échec du couple. Et le divorce a été prononcé le 28 août 1996. Lady Di ne sera redevenue officiellement célibataire qu’une seule année de sa courte existence.

Ce qui a bouleversé les gens dans la mort de Lady Di et ce qui les avait ému pendant la quinze d’années que les projecteurs furent braqués sur elle, ce n’était pas seulement la belle-fille de la reine, la femme ou la mère de futurs rois, mais surtout sa personnalité extraordinaire et en particulier son charisme rayonnant.

Elle a profité de son "statut" pour promouvoir de nombreuses causes humanitaires, en particulier celle des personnes malades du sida qui avaient le droit de ne pas être traitées comme des pestiférées (dans les années 1980, beaucoup de gens pensaient que la maladie se transmettait au simple contact), celle des enfants atteints de surdité (elle a promu le langage des signes), ainsi que l’aide aux victimes des mines antipersonnel qui jalonnent de nombreux pays anciennement en guerre (en particulier, en Bosnie, en Angola, au Cambodge, etc.).

Pour ses actions caritatives, pendant seize ans, elle a rencontré les grands de ce monde, les personnalités les plus marquantes de son temps, comme Nelson Mandela, le dalaï-lama, Bill Clinton, et aussi Mère Teresa qui est morte quelques jours après elle, le 5 septembre 1997 à 87 ans (et qui fut canonisée le 4 septembre 2016 par le pape François).

Lady Di n’aura pas été la reine attendue par tous les Britanniques, elle ne sera certainement pas non plus canonisée (ni béatifiée), elle n’ira (évidemment) pas au Panthéon, mais elle restera une "sainte laïque" de dimension mondiale, ou plutôt, de dimension mondialement médiatique dont le souvenir rayonne encore vingt années après sa disparition tragique. D’autres l’ont heureusement remplacée, comme ambassadeurs de causes humanitaires, mais jamais avec un tel charisme.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (30 août 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Lady Di.
La partition des Indes.
Les élections législatives britanniques du 8 juin 2017.
L’attentat de Manchester du 22 mai 2017.
Les trente ans du Traité de Rome.
Édouard VIII et George VI.
Churchill et l’Europe.
Theresa May nommé Premier Ministre le 13 juillet 2016.
Peuple et populismes.
Intervention de Bruno Le Maire sur le Brexit le 28 juin 2016.
Le Brexit en débat chez les députés français.
L’Europe n’est pas un marché.
L’Union Européenne, élément majeur de stabilité mondiale.
Terre brûlée ?
Brexitquake.
Boris Johnson.
To Brexit or not to Brexit ?
L’euro.
Le conflit syrien.
Les réfugiés syriens.
La construction européenne.
Jo Cox.
Élisabeth II.
Un règne plus long que celui de Victoria.
Philip Mountbatten.
Vive la République !
David Cameron.
Margaret Thatcher.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170831-diana-spencer.html

https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/sainte-diana-victime-consentante-196176

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/08/30/35619619.html


 

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22 août 2017 2 22 /08 /août /2017 05:37

« Sans vouloir vexer personne (…), disons que le musulman cultive plus volontiers la pastèque ou les dattes que le sens de l’autodérision. (…) Au fur et à mesure que tu progresses sur l’échelle de Richter de la foi, tu te mets (…) à déguiser ta femme en abat-jour ou en fantôme pour bien montrer à tout le monde qu’elle est inférieure à toi. Dans leur recueil d’histoires drôles à pas drôles du tout, les musulmans ne lisent pas tous la même chose. Certains comprennent "combattez les infidèles et tuez-les partout où les vous les rencontrerez" comme l’un des plus beaux textes d’amour de l’histoire, d’autres comme un ordre à exécuter sur-le-champ. (…) [Les musulmans], les plus détendus, devraient attirer l’attention des autres énervés sur les quelques lignes qu’ils n’ont pas lues dans le Coran (un peu comme les trucs écrits en tout petit au dos des contrats d’assurance) et qui disent très précisément : "Celui qui a tué un homme qui lui-même n’a pas tué ou qui n’a pas commis de violence sur Terre est considéré comme s’il avait tué tous les hommes". En d’autres mots, ça signifie qu’avec toutes leurs c@nneries violentes, ils vont aller griller en enfer pour des siècles et des siècles. » (Philippe Geluck, "Peut-on rire des musulmans ? ", éd. Jean-Claude Lattès, 2013).



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Nouvelles tragédies terroristes dans le monde. Les attentats islamistes de Barcelone le 17 août 2017 et de Cambrils le 18 août 2017, qui ont coûté la vie à 16 personnes en Catalogne dans des attaques au fourgon-bélier, ont ému la planète pour une nouvelle fois.

Ils ont hélas suivi l’attentat à Ouagadougou, au Burkina Faso, le 14 août 2017, qui a tué 18 personnes sur la terrasse d’un restaurant et l’attentat à Mandarari, au Nigeria, le 16 août 2017, qui a tué 28 personnes dans un camp de réfugiés. Le 18 août 2017 a eu lieu aussi un attentat islamiste à Turku, en Finlande, qui a assassiné 2 personnes dans une attaque au couteau. Le 19 août 2017, une autre attaque au couteau n’a heureusement fait que des blessés à Sourgout, en Fédération de Russie. Enfin, ce lundi 21 août 2017, l’assassinat d’une personne par une attaque au fourgon-bélier ne serait pas, selon les premières déclarations officielles, motivé par des considérations terroristes.

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L’Espagne n’avait pas connu de tels attentats depuis les attentats de Madrid le 11 mars 2004, quelques jours avant les élections législatives, qui avaient tué 191 personnes. Les trois jours de deuil national et la grande messe à la Sagrada Familia du 20 août 2017 ont rassemblé les Espagnols autour de valeurs assez simples comme le droit à la vie. No tinc por, en catalan, signifie en quelques sortes : même pas peur ! Un message finalement pas si éloigné de celui de Jean-Paul II : N’ayez pas peur !

La peur ne servirait personne sinon les terroristes islamistes eux-mêmes. On peut bien sûr avoir peur quand on va dans le métro parisien, qu’on se baigne dans la Méditerranée ou qu’on visite un lieu touristique dans une grande ville, et d’ailleurs, on doit évidemment être vigilant, mais le principe des attentats aveugles, c’est l’aspect aveugle.

Ceux qui avaient cru que les attentats contre "Charlie-Hebdo" étaient ciblés contre les caricaturistes voire contre les journalistes n’avaient rien compris, et surtout, n’avaient rien appris des assassinats de Merah deux ans et demi auparavant. La peur ne sert pas à grand-chose car le risque statistique reste très faible, et sans doute faudrait-il adopter la même appréhension qu’en prenant un avion voire en prenant sa voiture : il y a effectivement un risque d’accident, réel mais faible.

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Ce qui attriste, ce qui émeut, ce qui met en colère, c’est que, contrairement aux accidents, contrairement aux maladies, contrairement aux catastrophes naturelles comme ces inondations au Sierra Leone qui ont tué au moins 499 personnes les 13 et 14 août 2017, ces attentats sont humainement évitables puisqu’ils ont été provoqués délibérément par quelques individus fanatisés par un islam violent et cruel. L’auteur de l’attentat de Barcelone aurait été "abattu" par la police espagnole ce lundi 21 août 2017. La peine de mort a (quasiment) disparu en Europe mais la plupart des terroristes islamistes ne laissent jamais d’autre choix que d’être "abattus" par les forces de l’ordre en raison de leur dangerosité.

J’ai écrit "individus fanatisés", mais j’insiste pour dire qu’ils ne sont pas "fous" ni "déséquilibrés". Plus que la folie, il serait plus adapté de évoquer le phénomène sectaire où une organisation (très rationnelle) réussit à "laver le cerveau" d’individus parfois bien insérés dans la vie sociale en cultivant une telle haine qu’ils sont prêts à se faire éclater eux-mêmes pour tuer le plus de personnes possibles, au hasard, peut-être même de leurs proches.

L’enquête dira plus tard si l’attaque de Marseille relève ou pas des attentats terroristes islamistes, et si c’était vraiment un "déséquilibré", il faudrait sérieusement s’interroger sur le traitement de l’information, car la méthode adoptée est typiquement la même que celle des terroristes islamistes. Il y a quatre méthodes qu’on peut rapidement énumérer selon la difficulté croissante à l’organiser : attaque au couteau, attaque à la voiture-bélier, attaque à la kalachnikov, et enfin, attaque à la bombe.

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Les cas où il n’y a pas de victimes ou peu de victimes sont souvent la conséquence d’un manque de préparation ou/et de la bêtise des terroristes. Ceux de Catalogne, visiblement, avaient imaginé encore plus meurtrier avec l’utilisation de 120 bonbonnes de gaz et le ciblage de la (très belle) basilique de la Sagrada Familia, visitée chaque année par plus de 3 millions de touristes.

Par ailleurs, il paraît peu pertinent de citer publiquement le nom des terroristes. Certes, il ne s’agit pas d’effacer les origines du patronyme (il faut appeler un chat un chat, et dire clairement si ces attentats sont islamistes ou pas), mais il s’agit d’éviter la course à la notoriété par le sang. Citer le nom d’un terroriste dans les médias, c’est en faire un héros selon leurs propres vues. C’est encourager les autres à faire de même. C’est le principe du saut à l’élastique. L’instant le plus dur est la dernière seconde avant le saut : sortir de l’anonymat et être auréolé par ses assassinats pourrait encourager à faire le dernier geste avant le passage à l’acte.

Il n’y a toutefois pas de fatalité à avoir des victimes même s’il est difficile de les éviter. Au même titre que la Promenade des Anglais à Nice le 14 juillet 2016, la Rambla de Barcelone était accessible aux camions, en raison de l’absence de barrières de sécurité ou de blocs en béton pour sécuriser le passage des piétons. C’est toute la structure urbaine des villes qu’il faut savoir repenser dans une optique de protection contre de tels attentats.

Nul doute que la lutte contre le terrorisme islamiste nécessite la coopération internationale renforcée. C’est d’ailleurs la réaction du Président russe Vladimir Poutine : « Ce qui vient de se passer confirme une fois encore la nécessité que la communauté internationale a de s’unir et de concentrer réellement ses efforts pour lutter sans compromis contre les forces terroristes. ».

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Renforcer la coopération, cela signifie, dans le cas de Barcelone, renforcer la coopération entre l’État espagnol et la Catalogne qui, pourtant, a quelques envies renouvelées d’autonomie. C’est aussi, bien sûr, renforcer la coopération européenne. Enfin, c’est renforcer la coopération internationale pour la lutte contre le terrorisme (et notamment la mutualisation des renseignements) dans le monde entier, puisque pas un pays n’est épargné par cette vague dégueulasse d’attentats islamistes.

Dans ces nouveaux attentats islamistes, quelques mots me viennent à l’esprit, les mêmes à chaque fois renouvelés dans leur signification et dans leurs conséquences : solidarité aux peuples et aux familles et proches touchés de près par ces attentats ; humanité dans le traitement de l’information (respecter les personnes avant tout, en particulier, respecter les victimes) ; liberté à réaffirmer sans cesse (ces attentats ne doivent pas changer d’un iota notre mode de vie) ; enfin, sécurité, car la liberté ne sera jamais réelle sans la sécurité, celle-ci doit se faire au service des citoyens et pas au service des États, mais elle doit être nécessairement renforcée.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (22 août 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les attentats de Barcelone et de Cambrils (17 et 18 août 2017).
Daech : toujours la guerre.
Les attentats du 11 septembre 2001.
L’attentat de Manchester du 22 mai 2017.
Theresa May.
Le Brexit.
L’attentat de Berlin du 19 décembre 2016.
L’unité nationale.
L'assassinat du père Jacques Hamel.
Vous avez dit amalgame ?
L'attentat de Nice du 14 juillet 2016.
L'attentat d'Orlando du 12 juin 2016.
L'assassinat de Christina Grimmie.
Les valeurs républicaines.
Les assassinats de Merah (mars 2012).
Les attentats contre "Charlie-Hebdo" (janvier 2015).
Les attentats de Paris du 13 novembre 2015.
Les attentats de Bruxelles du 22 mars 2016.
Daech.
La vie humaine.
La laïcité.
Le patriotisme.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170817-attentat-barcelone.html

http://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/barcelone-et-cambrils-no-tinc-por-196051

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/08/22/35605002.html



 

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11 juillet 2017 2 11 /07 /juillet /2017 05:23

« La leçon qu’il nous laisse va plus loin [qu’un bilan politique]. Oui, Helmut Kohl fut pour la France un interlocuteur privilégié, un allié essentiel, un bâtisseur infatigable. Mais il fut plus que cela. Il fut un ami. Sa relation avec la France était nourrie par sa mémoire personnelle, familiale, historique, pétrie de la curiosité qu’éprouvait ce natif de Rhénanie à l’égard de ses voisins, (…) préférant les ponts aux frontières ou parfois aux murs. » (Emmanuel Macron, à Strasbourg le 1er juillet 2017).


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L’ancien Chancelier allemand Helmut Kohl qui s’est éteint le 16 juin 2017 a été honoré par tous les Européens réunis au Parlement Européen de Strasbourg le 1er juillet 2017 de 11 heures à 13 heures. Helmut Kohl faisait partie du cercle très fermé des "citoyens d’honneur de l’Europe" dont font partie Jean Monnet et Jacques Delors, honorant de leur vivant leur action en faveur de la paix et de la construction européenne.

Ce colosse politique, qui a saisi l’occasion historique, unique et rare, de réunifier son pays dans les meilleures conditions internationales, pacifiques et consensuelles, a "bien mérité" des nations européennes. Les parlementaires français avaient proclamé ce genre d’expression ("bien mérité de la nation") pour les grands hommes qui ont façonné l’histoire de France (comme Clemenceau).

C’était très symbolique d’avoir fait cette cérémonie d’hommage au cœur même de l’Europe, dans une ville très franco-allemande (faut-il rappeler que Strasbourg fut allemand entre 1870 et 1918 ?). Même si cet événement a suscité quelques grincements de dent de la part de sa veuve (la venue de la Chancelière Angela Merkel était mal acceptée car elle avait laissé tomber son ancien mentor à la tête de la CDU en 1999), ce fut un bel unanimisme d’une communauté d’anciens chefs d’État et de gouvernement venus saluer la dépouille de celui qui avait atteint le record de longévité au pouvoir dans l’Allemagne moderne. Le seul regret est que les habitants de Strasbourg n’ont pas eu le droit d’assister, pour certains d’entre eux, à cette cérémonie réservée donc uniquement aux "VIP", pour des raisons de sécurité.

Car il y avait beaucoup de personnalités internationales. Au-delà des responsables européens, dont les députés européens, et leur Président du Parlement Européen, Antonio Tajani, le Président du Conseil Européen Donald Tusk et le Président de la Commission Européenne Jean-Claude Juncker (et ancien Premier Ministre luxembourgeois), il y avait le Président de la République française Emmanuel Macron, le Premier Ministre russe Dmitri Medvedev (et ancien Président de la Fédération de Russie), la Premier Ministre britannique Theresa May, le Premier Ministre belge Charles Michel, la Chancelière allemande Angela Merkel, etc.

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Mais aussi des anciens responsables : l’ancien roi d’Espagne Juan Carlos Ier et son épouse, l’ancien Premier Ministre espagnol Felipe Gonzalez, l’ancien Président des États-Unis Bill Clinton, l’ancien Président de la Commission Européenne Romano Prodi (et ancien Premier Ministre italien), l’ancien Président français Nicolas Sarkozy, l’ancien Président de la Commission Européenne José Manuel Barroso (et ancien Premier Ministre portugais), etc.

Cependant, en raison de leur santé ou grand âge, certaines personnalités n’ont pas pu faire le déplacement pour cet hommage de cœur, c’était le cas de l’ancien Président français Jacques Chirac, de l’ancien Président de la Commission Européenne Jacques Delors, de l’ancien Président français Valéry Giscard d’Estaing et aussi de l’ancien Président de l’Union Soviétique Mikhaïl Gorbatchev.

Emmanuel Macron est arrivé avec Nicolas Sarkozy et les deux hommes ont été accueillis par Donald Tusk, Antonio Tajani et Jean-Claude Juncker à leur entrée dans le bâtiment.

Entrecoupées par la diffusion d’un film sur l’ancien Chancelier, il y a eu huit discours à cette occasion qui ont été prononcés, dans cet ordre : Antonio Tajani (qui présidait la séance), Donald Tusk, Jean-Claude Juncker, Felipe Gonzalez, Bill Clinton, Dmitri Medvedev, Emmanuel Macron et enfin Angela Merkel.

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J’évoque ici plus particulièrement l’allocution d’Emmanuel Macron qui a commencé par un hommage à …Simone Veil, qui venait de mourir la veille, et qui était, elle aussi, une grande Européenne « qui savait le prix de notre Europe, née de l’ineffaçable expérience de la mort ». Simone Veil fut d’ailleurs la première Présidente du Parlement Européen de Strasbourg, la première femme mais aussi la première personne à présider la première instance parlementaire supranationale élue au suffrage universel direct.

Emmanuel Macron a parlé de sa génération (laquelle ?). Lorsque le Chancelier Kohl a conquis le pouvoir en novembre 1982, Emmanuel Macron …n’avait pas encore 5 ans ! Et de confier : « Pour ma génération, Helmut Kohl, c’est déjà une part de l’histoire européenne. (…) Ce sont des choix historiques, des actes de courage, sans lesquels notre génération n’aurait plus même à choisir. ».

Plus que le Kohl politique qui « a su prendre des décisions courageuses, parfois contre son opinion publique, parfois lorsqu’elles n’étaient pas attendues ou souhaitées », le Président de la République française a préféré décrire la personne humaine, l’ami de François Mitterrand : « Cette relation était empreinte de respect inconditionnel, de celui qu’on oppose au fanatisme et à la cruauté. (…) L’un et l’autre ont su surmonter l’expérience tragique de leur propre génération. L’un et l’autre ont su faire de peuples qui s’étaient combattus, des peuples vraiment amis. ».

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Emmanuel Macron a voulu rappeler la rencontre du 4 janvier 1990 (il n’avait lui-même que 12 ans !), à Latché, entre François Mitterrand et Helmut Kohl : « Après plusieurs semaines d’interrogations liées à la réunification allemande, cette visite permit aux deux hommes d’évoquer tous les sujets, en marchant dans les pins, sur le sol sableux des Landes. C’est ce compagnonnage de promeneurs qui scella l’entente. Parce que le destin du monde, dans ces moments-là, se joue à hauteur d’homme. ».

Mais le message à Strasbourg du Président Macron n’était pas seulement nostalgique ou historique, il était aussi d’actualité et d’avenir : « Ceux qui prétendent aujourd’hui que les institutions et les traités européens sont de vaines constructions technocratiques, je veux ici dire, devant Helmut Kohl : c’est parce que vous en avez retiré l’amitié ; c’est parce que vous avez laissé mourir la flamme où ils ont été forgés ; c’est parce que vous avez oublié les destins qui les ont édifiés ; c’est parce que c’est vous qui êtes en train aujourd’hui de décider que cette Europe devrait être technocratique. ».

Devant le cercueil d’Helmut Kohl et devant son portrait extraordinaire, un peu provocateur et joyeux, Emmanuel Macron a voulu proposer les leçons de l’ancien Chancelier : « Quel est le message de sa vie ? (…) C’est de nous montrer que notre Europe, ce qui nous réunit aujourd’hui, est le fruit de l’histoire de plusieurs générations. C’est le fruit de destins d’hommes qui ont décidé de s’élever au-delà de ce qui était écrit pour eux, qui ont eu le courage de s’élever contre les haines, parfois les peurs. Quel édifice ne perd pas son sens, et même sa beauté, s’il n’est plus habité ? ».

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Sa conclusion, c’était qu’il souhaitait redonner sens au projet européen avec Angela Merkel : « Ce sont les idéaux, éclairés par l’amitié et l’épaisseur d’une vie, qui donnent corps à nos projets, qui les font durer. (…) L’histoire, un jour, aura aussi à nous juger. Elle pèsera sévèrement les concessions que nous aurons faites aux calculs de court terme, aux égoïsmes nationaux, aux facilités du moment. (…) Longtemps encore, nous puiserons dans son exemple ce qu’il nous faut pour avancer ensemble : le courage et l’espérance. ».

J’ai une réserve à ce petit discours présidentiel : il ne s’agit pas, comme son prédécesseur François Hollande, de dire sans cesse vouloir relancer la construction européenne, il faut le faire ! Il faut donc faire des propositions ambitieuses, rapidement et fermement, pour sortir de cet attentisme qui a commencé à ruiner l’esprit européen depuis une dizaine d’années. Et ce projet, cela devrait sans doute passer par une défense européenne, celle que les politiciens de la IVe République avaient refusée pour des raisons très nationales et électorales…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (07 juillet 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
L’hommage de l’Europe à Helmut Kohl.
Discours d’Emmanuel Macron en hommage à Helmut Kohl le 1er juillet 2017 à Strasbourg (texte intégral).
Helmut Kohl, le colosse érodé.
La chute de l’empire soviétique.
Le Traité de Rome.
Un homme qui a façonné l'histoire.
Helmut Kohl et Viktor Orban.
Angela Merkel, l’honneur de l’Europe de la solidarité.
La Réunification allemande.
L’amitié franco-allemande.
Le symbole de Verdun.
Les risques de la germanophobie.
L’industrie allemande est-elle honnête ?
Le mur de Berlin.
La chute du mur de Berlin.
Les dettes de guerre.
La Pologne en 1989.
Le Traité de Maasticht.
L’Europe, c’est la paix.
Martin Schulz.
Un nouveau Président du Parlement Européen le 17 janvier 2017.
Hans-Dietrich Genscher.
Dix infographies sur les dix années au pouvoir d’Angela Merkel.
Le décennat de la Bundeskanzlerin.
Vidéos sur Helmut Schmidt.
Helmut Schmidt.
Mutti Merkel, reine du monde ?
Joachim Glauck.
Angela Merkel et François Hollande à Strasbourg.
Jean-Claude Juncker.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170701-helmut-kohl.html

http://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/l-hommage-a-helmut-kohl-des-194886

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/07/11/35456002.html


 

 

 

 

 

 

 

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1 juillet 2017 6 01 /07 /juillet /2017 22:52

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Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170701-helmut-kohl.html



Discours du Président Emmanuel Macron en hommage à Helmut Kohl le 1er juillet 2017 à Strasbourg

Madame, chers membres de la famille KOHL,
Mesdames et Messieurs les chefs d’Etat et de gouvernement,
Mesdames et Messieurs les représentants des institutions européennes,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames, Messieurs.

Merci d’avoir choisi Strasbourg, un des hauts lieux de notre Europe, à laquelle Helmut KOHL était tant attaché, et pour laquelle il a tant fait, pour nous retrouver ici aujourd'hui. Et permettez-moi pour commencer d'avoir ici une pensée pour Simone VEIL, disparue hier, qui fut la première femme députée élue présidente du Parlement Européen, et qui savait le prix de notre Europe, née de l'ineffaçable expérience de la mort.

Et nous sommes ici rassemblés, ce jour, pour honorer la mémoire d’Helmut KOHL, et plus que sa mémoire, sa trace dans l'histoire. Plusieurs d'entre vous ont évoqué avec beaucoup d'émotion les moments partagés avec lui. Pour ma génération, Helmut KOHL c’est déjà une part de l'histoire européenne.

C'est cette expérience de vie sans laquelle nous ne pourrions être là, ni faire. Ce sont des choix historiques, des actes de courage, sans lesquels notre génération n'aurait plus même à choisir. Déjà des milliers de pages ont été écrites en hommage à son action : la réunification allemande, la construction européenne, vous l'avez évoqué. C'est aussi l'homme qui, à plusieurs reprises, a su prendre des décisions courageuses, parfois contre son opinion publique, parfois lorsqu'elles n'étaient pas attendues ou souhaitées.

Et comme président de la République française, je voudrais que son héritage ne se résume pas à un bilan politique, si remarquable fût-il. Parce que la leçon qu'il nous laisse va plus loin. Oui, Helmut KOHL fut pour la France un interlocuteur privilégié, un allié essentiel, un bâtisseur infatigable. Mais il fut plus que cela. Il fut un ami. Sa relation avec la France était nourrie par sa mémoire personnelle, familiale, historique, pétrie de la curiosité qu’éprouvait ce natif de Rhénanie à l'égard de ses voisins, projetant son regard au-delà du fleuve qui nous est ici voisin, et préférant les ponts aux frontières ou parfois aux murs.

Cette relation était empreinte de respect inconditionnel, de celui qu'on oppose au fanatisme et à la cruauté. Quand au début des années 80 les Français choisirent des dirigeants dont les choix économiques troublaient quelques-uns de nos partenaires, Helmut KOHL nous tendit la main, écartant les réticences de certains de ses amis politiques. Quand ensuite les querelles nationales nous divisèrent, notamment au sujet de l'Europe, il nous conservera fermement sa confiance. Et lorsque la réunification allemande survint, il mit toute son énergie à faire que, loin d'affaiblir l'Europe, elle la renforce.

La France sut se montrer digne de cette constante amitié. Après Charles DE GAULLE et Konrad ADENAUER, après Valéry GISCARD D'ESTAING et Helmut SCHMIDT, qui avaient jeté les bases puissantes de l'Europe, François MITTERRAND, avec Helmut KOHL, reprit le flambeau. L’un et l’autre ont su surmonter l'expérience tragique de leur propre génération. L’un et l’autre ont su faire de peuples qui s’étaient combattus, des peuples vraiment amis.

Ainsi, Helmut KOHL et François MITTERRAND, puis Jacques CHIRAC, ont démontré avec éclat que l'Europe n'est grande que si est grande la bienveillance qui l'inspire, grande l'amitié qui la fonde. Souvenons-nous de ce jour du 4 janvier 1990, où Helmut KOHL vint rendre visite à François MITTERRAND dans sa maison de Latche. Après plusieurs semaines d'interrogations liées à la réunification allemande, cette visite permit aux deux hommes d'évoquer tous les sujets, en marchant dans les pins, sur le sol sableux des Landes. C’est ce compagnonnage de promeneurs qui scella l'entente. Parce que le destin du monde, dans ces moments-là, se joue à hauteur d'homme.

Helmut KOHL et François MITTERRAND ont montré aussi que la fraternité peut toujours devenir un sel qui ne sale plus, lorsqu'elle n'unit plus vraiment les hommes. Il faut à chaque instant la consolider, et savoir parfois prendre le risque de la consolider dans des accords et des institutions. Ils trouvèrent en Jacques DELORS le plus sûr relais de cette ambition, et ce qu'ils édifièrent ensemble fut sans précédent. C'est aujourd'hui ce qui nous réunit.

Et à ceux qui prétendent aujourd'hui que les institutions et les traités européens sont de vaines constructions technocratiques, je veux ici dire, devant Helmut KOHL : c'est parce que vous en avez retiré l’amitié ; c’est parce que vous avez laissé mourir la flamme où ils ont été forgés ; c'est parce que vous avez oublié les destins qui les ont édifiés ; c'est parce que c'est vous qui êtes en train aujourd'hui de décider que cette Europe devrait être technocratique.

Mais quel est le message de sa vie, quelle est la trace de son destin ? C'est de nous montrer que notre Europe, ce qui nous réunit aujourd'hui, est le fruit de l'histoire de plusieurs générations. C'est le fruit de destins d'hommes qui ont décidé de s'élever au-delà de ce qui était écrit pour eux, qui ont eu le courage de s’élever contre les haines, parfois les peurs. Quel édifice ne perd pas son sens, et même sa beauté, s’il n'est plus habité ?

Voilà les leçons d’Helmut KOHL à la France et à tous les Européens : c'est que le pragmatisme, le sens du réel, l'habileté politique sont formidablement utiles, mais ils ne construisent rien. Ce sont les idéaux, éclairés par l'amitié et l'épaisseur d'une vie, qui donnent corps à nos projets, qui les font durer. C’est à cela qu’avec Angela MERKEL je souhaite redonner un sens, une réalité, une densité.

L'histoire, un jour, aura aussi à nous juger. Elle pèsera sévèrement les concessions que nous aurons faites aux calculs de court terme, aux égoïsmes nationaux, aux facilités du moment. Ce qu'elle retiendra en notre faveur, c'est la sincérité de notre attachement à la paix et à la concorde entre les peuples ; c'est notre engagement au service de ce projet européen qui en est la condition ; c'est l'amitié profonde née de notre histoire commune, de nos cultures si intimement entrelacées, et des épreuves traversées ensemble.

Et si le doute parfois nous saisit dans cette tâche immense, qu’il nous suffise de songer à la grande figure d’Helmut KOHL, avec toute la gratitude que nous lui devons. Rappelons-nous cette formule qui le résume tout entier : « Wir haben heute überhaupt keinen Anlass zur Resignation. Wir haben viel mehr Grund zu realistischem Optimismus. »

Longtemps encore, nous puiserons dans son exemple ce qu’il nous faut pour avancer ensemble : le courage et l’espérance.

Emmanuel Macron, à Strasbourg le 1er juillet 2017

Source : elysee.fr

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20170701-discours-macron-kohl.html

 

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