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19 décembre 2024 4 19 /12 /décembre /2024 10:50

« Monsieur veut suivre ses passions ! C'est un déchaîné (…) ! Et la pire espèce de sale voyou ! On peut le retenir par nulle part ! Ni dignité ! Ni raison ! Ni amour-propre ! Ni gentillesse !... Rien !... L'homme qui m'a bafouée, bernée, infecté toute mon existence !... Ah ! il est propre ! Il est mimi ! Ah ! oui alors, je peux le dire ! J'ai été cent mille fois bien trop bonne !... J'ai été poire ! » (Céline dans "Mort à crédit", 1936).

 


La première fois que j'ai été anesthésié (je sortais de l'adolescence), avec mon caractère de cochon, je me disais qu'on ne m'endormirait pas comme ça, aussi facilement. Alors, quand l'anesthésiste a transpercé mon bras pour faire sa piqûre et injecter son produit, j'ai regardé fixement la seringue, sûr de mon état de conscience... et quelques secondes plus tard, un coup de téléphone m'a brutalement surpris, j'étais dans le lit de ma chambre d'hôpital, l'opération était déjà finie depuis longtemps et ma mère venait aux nouvelles. J'ai compris qu'avec un produit chimique, on pouvait être à la merci de n'importe qui, et si possible, de ceux qu'on veut, les chirurgiens par exemple. À ce réveil brutal, ma sensation a été qu'on m'avait volé mon temps !

Une autre petite réflexion anecdotique et pourtant pas si évidente pour qui dormait avec son frère (ou sa sœur) dans une chambre commune étant enfant. Dormir avec quelqu'un pour diverses raisons (à plusieurs dans une tente, dans un dortoir, en colonie de vacances, à l'armée, etc. et bien sûr, en couple dans une chambre conjugale plus ou moins officiellement), est une preuve exceptionnelle de confiance en l'autre. La preuve, pour ceux qui ont fait des exercices de l'armée, quand on bivouaque la nuit, il y a toujours l'un des gars qui ne dort pas pour surveiller (ce qui, en temps de paix dans un terrain militaire, peut être très ennuyeux). Le plus instructif est de dormir avec l'être aimé : n'avez-vous jamais été fasciné par le sommeil de l'autre ? Et pourtant, l'autre est à votre merci, il vous fait une totale confiance, il vous a confié les clefs de son destin. C'est bien sûr réciproque.

Pour Gisèle Pélicot, cette confiance a été totalement trahie. Son mari la droguait et la malmenait, la faisait violer par tout un hall de gare. Cela a duré des années et c'est seulement par hasard, le 12 septembre 2020, par un geste de voyeur qui n'avait rien à voir, que la police a détricoté ce qu'on pourrait appeler un véritable système Dominique Pélicot, le recrutement de violeurs de sa femme par Internet avec un mode d'emploi très précis. Il faut imaginer le choc de cette femme à qui les gendarmes ont annoncé le 2 novembre 2020 que son mari la faisait violer depuis une dizaine d'années. Elle a compris d'où venaient ces douleurs diffuses au bas du ventre qu'elle ne comprenait pas ; on la "tringlait" des heures chaque nuit (92 faits de viol ont été recensés).

Cent quatre-vingts journalistes ont été accrédités, dont quatre-vingts étrangers, pour assister à cette audience historique qui a commencé avec un peu de retard ce jeudi 19 décembre 2024 de 9 heures 45 à 10 heures 50, en présence de Gisèle Pélicot ovationnée par la foule postée à l'entrée et encadrée par cent cinquante policiers.

Le long procès des viols de Mazan qui s'est ouvert le 2 septembre 2024 à la cour criminelle du Vaucluse à Avignon se referme sur le verdict avec une dernière audience le vendredi 20 décembre 2024. Cinquante et une personnes étaient jugées pour viol. La victime, Gisèle Pélicot, se faisait régulièrement violer alors qu'elle était sous sédatif. Le principal bourreau, son mari Dominique Pélicot a organisé lui-même un réseau de personnes pour violer sa femme entre le 23 juillet 2011 et le 23 octobre 2020. À de nombreux titres, ce procès, long, est exceptionnel et promet d'être historique, c'est-à-dire de rester dans les mémoires de la justice.

 


Les cinquante et un prévenus ont été tous reconnus coupables et tous ont été condamnés à des peines de prison, souvent en-dessous des réquisitions (à l'exception d'un accusé). Dominique Pélicot a été condamné à vingt ans de prison et les autres co-accusés entre trois et treize ans de prison (au lieu de huit à dix-huit ans dans les réquisitions). Il n'y a pas une peine identique. Beaucoup contestent la faiblesse des peines.

 


Le pire pour les prévenus qui parfois ont refusé d'admettre les viols qu'ils ont commis, c'est qu'il existe des preuves filmées de ces viols, et ces films ont même été diffusés à l'audience. Gisèle Pélicot, la victime, a refusé le huis-clos et a voulu que tout le monde puisse regarder ces scènes de viol malgré le caractère très "cru" des images. C'est exceptionnel : en général, non seulement le viol n'est pas filmé, mais il est difficilement prouvable, difficilement établi. L'avocat de la victime justifiait ainsi sa demande le 20 septembre 2024 : « Il faut qu’on ait le courage de se confronter à ce qu’est véritablement le viol, dans un dossier, justement, où il est exceptionnel d’avoir la représentation précise et réelle de ce qu’est un viol, et pas simplement une description sur un procès-verbal. ».

C'est pour cela que Gisèle Pélicot, applaudie à la dernière audience avant la délibération, est une femme exceptionnellement courageuse. Elle a préféré s'effacer, effacer presque sa dignité pour un combat qui la transcende contre le viol en général. Officiellement divorcée le 22 août 2024, donc quelques jours seulement avant le début du procès, elle a de quoi en vouloir à son ex-mari : les viols, bien sûr, mais aussi la trahison de son extrême confiance, celle de pouvoir dormir en toute sécurité, une extrême trahison, et aussi ce que j'appellerai un viol de destin en se faisant droguer pour obtenir une perte de conscience, ce qui est particulièrement sournois. La sensation de Gisèle Pélicot a dû être franchement déplaisant de comprendre qu'on lui a volé son temps, qu'on lui a volé ses nuits, qu'elle ne contrôlait plus rien de sa vie, et le pire, c'est qu'elle ne s'en apercevait même pas.
 


Un ex-mari qui ment, qui n'est pas fiable, qui ne laisse rien apparaître, obsédé, calculateur, cynique, lâche... dont la fille ne sait toujours pas si le père a abusé d'elle, directement ou par l'intermédiaire des violeurs recrutés, si elle a été violée aussi comme sa mère ou pas, et comme seuls les viols filmés et prouvés ont été reconnus, sans doute que beaucoup d'autres faits manquent à l'appel dans le jugement. En tout cas, Dominique Pélicot a été reconnu coupable d'avoir filmé sa fille et ses deux belles-filles dans un état d'inconscience.
 


Si la presse française a beaucoup couvert ce procès fleuve, la classe politique française l'a très peu commenté alors qu'elle est pourtant prête à s'emparer du moindre fait-divers de délinquance ou de criminalité. Patrice Spinosi, par ailleurs avocat de Nicolas Sarkozy, a donné une tentative d'explication à ce silence politique, le 11 octobre 2024 dans "La Semaine juridique" : « L'instrumentalisation quotidienne par certains responsables politiques du sentiment d'insécurité tend surtout à stigmatiser le laxisme de l'État à l'égard de populations qu'ils jugent anxiogènes (délinquants récidivistes, étrangers sans-papiers...). Mais le profil des accusés de Mazan ne correspond nullement à celui du criminel type des chantres de la répression. Dans le box, il n'y a que des hommes, tous blancs, sans antécédents judiciaires et socialement intégrés. La gêne des politiques n'en est que plus grande. Quelques rares voix, essentiellement féminines, se sont néanmoins fait entendre pour dénoncer un procès du "patriarcat" ou de la "masculinité toxique" et demander l'insertion de la notion de consentement dans la définition légale du viol. Peut-être comprend-on mieux le manque d'indignation du monde politique au regard de l'extrême tolérance dont notre droit a longtemps fait preuve envers le viol entre époux. ». Il expliquait qu'il a fallu attendre 2010 pour notre droit supprime toute "présomption de consentement" entre époux.


Pour autant, insérer le notion de consentement dans la définition légale du viol peut poser beaucoup plus de problèmes juridiques qu'en résoudre, et en particulier en retournant la charge de la preuve contre la victime dont on fouillerait la vie privée alors que le procès devrait mettre en lumière la personnalité et les actes des seuls prévenus, pas des victimes.

La réflexion de Patrice Spinosi avait commencé par un constat inquiétant : « Le fait que des gens parfaitement ordinaires aient pu penser pouvoir avoir des relations sexuelles avec une femme manifestement endormie, à la seule invitation de son mari, laisse stupéfait sur l'état de notre société. ». D'où sa conclusion : « Espérons que cette affaire édifiante participe, par la crudité de son éclairage, à la dénonciation de l'emprise inacceptable que certains hommes continuent prétendre avoir sur leur femme. ».

La presse internationale était également nombreuse à suivre le procès, fascinée tant par la particularité des faits que par le courage de la victime. "Der Spiegel" (l'hebdomadaire allemand), par exemple, a refusé au début du procès d'appeler les violeurs "des monstres" car cela réduirait la portée de ce procès : « Il [est] bien plus inquiétant de devoir admettre que les violeurs sont tous ancrés dans un tissu social continu de misogynie banalisée. ».

Quant à la BBC, elle a nommé le 3 décembre 2024 Gisèle Pélicot "survivante de viols", parmi les 100 femmes importantes de 2024 ("100 Women" 2024), aux côtés de femmes comme Sharon Stone, Nadia Murad Basee Taha (Prix Nobel de la Paix 2018) ou encore Katalin Kariko (Prix Nobel de Médecine 2023). Elle a souligné le grand courage de la victime qui pouvait revendiquer l'anonymat et qui s'est ainsi exposée afin de faire évoluer les mentalités et changer la honte de camp.

 


Parmi les conséquences secondaires de tous les viols dont elle a été victime, Gisèle Pélicot n'a pas été contaminée par le VIH alors que l'un de ses violeurs était séropositif et l'a violée plusieurs fois (six fois) sans préservatif. Elle a donc eu de la "chance", si l'on peut dire, pour le sida, mais elle a été toutefois infectée de quatre maladies sexuellement transmissibles dont une infection au papillomavirus, elle était proche du coma parfois dans sa vie quotidienne à cause de la drogue absorbée, ce qui aurait pu provoquer des situations très graves, et une fois les viols révélés, elle a eu un terrible choc psychologique.

Pendant l'instruction et le procès, Gisèle Pélicot a pu profiter du soutien de ses trois enfants, dont une fille se demande toujours si elle a été ou pas la victime de son père (elle a sorti un livre le 6 avril 2022 chez Jean-Claude Lattès). Cela l'a confortée dans son choix de ne pas rester anonyme et d'être transparente afin de montrer toute la crudité criminelle de ses violeurs. On remarquera d'ailleurs que dans l'actualité judiciaire récente se sont entrechoquées deux affaires liées à la soumission chimique (l'autre concerne un humoriste bien connu).

Incontestablement, si une femme a fait avancer, en 2024, la cause non seulement des femmes mais des êtres humains dans leur ensemble, c'est bien Gisèle Pélicot. Au fond, son combat est pour le respect des personnes, leur consentement, leur confiance, leur intégrité physique et morale. C'est pour cela qu'il faut bien préciser, et tant pis pour certaines militantes féministes, que Gisèle Pélicot doit être remerciée de son courage non pas par les femmes, mais par tout le monde, les humains en général. La dignité humaine n'a pas de genre.



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (19 décembre 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Gisèle Pélicot, femme de l'année 2024 ?
5 ans de prison dont 2 ferme pour Pierre Palmade.
40 ans de confusions dans l'Affaire Grégory.
Philippine : émotion nationale, récupérations politiques, dysfonctionnements de l'État ?
Viols de Mazan : quelques réflexions sur Pélicot et compagnie...
Violence scolaire : quand une enseignante s'y met...
Création du délit d'homicide routier : seulement cosmétique ?
La France criminelle ?
La nuit bleue de Lina.
La nuit de Célya.
La nuit d'Émile Soleil.
Affaire Grégory : la vérité sans la boue ?
Alexandra Sonac et sa fille adolescente.
Harcèlement scolaire et refus d'obtempérer.
Alisha, victime d’un engrenage infernal.
À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
Meurtre de Lola.
Nos enseignants sont des héros.
La sécurité des personnes face aux dangers.

 



https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241219-pelicot.html

https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/gisele-pelicot-femme-de-l-annee-258232

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/19/article-sr-20241219-pelicot.html



 

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26 novembre 2024 2 26 /11 /novembre /2024 03:44

« C'est aussi avec la plus grande conviction que je défendrai un projet longuement réfléchi et délibéré par l'ensemble du gouvernement, un projet qui, selon les termes mêmes du Président de la République, a pour objet de "mettre fin à une situation de désordre et d'injustice et d'apporter une solution mesurée et humaine à un des problèmes les plus difficiles de notre temps". » (Simone Veil, le 26 novembre 1974 dans l'hémicycle de l'Assemblée Nationale).


 


C'est il y a cinquante ans, le 26 novembre 1974, que l'examen du projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse (dite loi Veil) a commencé en séance publique à l'Assemblée Nationale, dans un climat particulièrement houleux et difficile. Le projet de loi a été déposé le 15 novembre 1974 et il a fallu trois jours très intensifs de débat pour aboutir à son adoption en première lecture par les députés.

Il faut rappeler deux contextes : le contexte politique et le contexte social.

Le contexte politique, d'abord. La mort soudaine du Président Georges Pompidou le 2 avril 1974 a traumatisé les responsables UDR (gaullistes), traumatisme renforcé par la division au sein de leur parti pour l'élection présidentielle et la perte de l'Élysée après quinze années. Valéry Giscard d'Estaing, jeune fringant et moderne, a été élu et a promis une libéralisation de la société. Parmi ses engagements, la dépénalisation de l'avortement. Soit dit en passant : VGE a toujours été meurtri, jusqu'à la fin de sa vie, qu'on ne parle pas de loi VGE pour la loi sur l'IVG car il a pris seul l'initiative politique de ce texte.

Comme pour la majorité à 18 ans, Valéry Giscard d'Estaing entendait aller très vite avec l'IVG, considérant que les grandes réformes, surtout si elles sont très sensibles (comme l'IVG), doivent être réalisées au début d'un mandat présidentiel, en bénéficiant politiquement encore de l'état de grâce de l'élection. En principe, un sujet comme l'IVG, principalement juridique, devait être défendu par le Ministre de la Justice. En l'occurrence, Jean Lecanuet, président du Centre démocrate (CD), le parti des démocrates chrétiens, ne souhaitait pas défendre une telle loi en raison de ses convictions religieuses, même s'il en voyait la nécessité. C'est donc Simone Veil, magistrate peu politisée (c'était son mari Antoine Veil le politique !) bombardée Ministre de la Santé par la volonté de donner plus de responsabilité aux femmes, choisie par le nouveau Premier Ministre Jacques Chirac, par l'entremise d'une grande amie commune, Marie-France Garaud. Lorsqu'elle a accepté sa mission d'entrer au gouvernement, d'une part, elle ne connaissait pas beaucoup de choses dans le domaine de la santé (elle était juge et pas médecin), et d'autre part, on ne lui avait pas dit à sa nomination qu'elle serait sur le front de l'IVG. Peut-être que ses bonnes connaissances juridiques ont aidé, mais je crois avant tout que c'était la femme et c'était la santé publique à assurer qui ont été ses deux moteurs.

Le contexte social ensuite. S'il y avait un responsable politique qui était très conscient de l'importance vitale de faire une loi sur l'IVG, c'était le nouveau Ministre de l'Intérieur, prince des giscardiens, à savoir Michel Poniatowski qui était, juste avant l'élection présidentielle, Ministre de la Santé (le prédécesseur direct de Simone Veil) et qui a bien compris l'horreur sanitaire en cours mais aussi judiciaire. Trop de femmes avortaient clandestinement pour que l'État puisse concrètement toutes less sanctionner pénalement comme le voulait la loi encore en vigueur. La loi d'amnistie du 10 juillet 1974 portait très explicitement sur les faits d'avortement et, dans sa conférence de presse du 25 juillet 1974, VGE a annoncé l'absence de poursuite pour avortement jusqu'à l'adoption d'une loi sur l'IVG. Mais surtout, trop de femmes mouraient au cours d'un avortement clandestin. Il y avait environ 1 000 avortements clandestins par jour en France et un de ces mille entraînait la mort de la femme (en raison des conditions précaires, manque de stérilisation, absence de médecin, etc.).
 


Cette considération sanitaire avait déjà conduit le Premier Ministre précédent Pierre Messmer à déposer un projet de loi sur l'IVG dès le 7 juin 1973, mais lors du début de son examen en séance publique à l'Assemblée, le 14 décembre 1973, le projet a été renvoyé en commission pour pouvoir créer un consensus parlementaire sur le sujet. La mort de Président de la République a fait abandonner ce texte.

Un nouveau texte a donc été adopté au conseil des ministres et déposé à l'Assemblée le 15 novembre 1974. L'examen à l'Assemblée en première lecture a eu lieu au cours de huit séances publiques du 26 novembre 1974 à la nuit du 28 au 29 novembre 1974. Le discours introductif de Simone Veil le 26 novembre 1974 est resté dans les annales de l'histoire. Elle a commencé ainsi : « Si j'interviens aujourd'hui à cette tribune, ministre de la santé, femme et non-parlementaire, pour proposer aux élus de la nation une profonde modification de la législation sur l'avortement, croyez bien que c'est avec un profond sentiment d'humilité devant la difficulté du problème, comme devant l'ampleur des résonances qu'il suscite au plus intime de chacun des Français et des Françaises, et en pleine conscience de la gravité des responsabilités que nous allons assumer ensemble. ».

Reprenant tous les raisons de ne pas légiférer, la ministre a ensuite posé les termes de l'enjeu : « Nous sommes arrivés à un point où, en ce domaine, les pouvoirs publics ne peuvent plus éluder leurs responsabilités. Tout le démontre : les études et les travaux menés depuis plusieurs années, les auditions de votre commission, l'expérience des autres pays européens. Et la plupart d'entre vous le sentent, qui savent qu'on ne peut empêcher les avortements clandestins et qu'on ne peut non plus appliquer la loi pénale à toutes les femmes qui seraient passibles de ses rigueurs. Pourquoi donc ne pas continuer à fermer les yeux ? Parce que la situation actuelle est mauvaise. Je dirai même qu'elle est déplorable et dramatique. ».

Peu après, le passage le plus important : « Je le dis avec toute ma conviction : l'avortement doit rester l'exception, l'ultime recours pour des situations sans issue. Mais comment le tolérer sans qu'il perde ce caractère d'exception, sans que la société paraisse l'encourager ? Je voudrais tout d'abord vous faire partager une conviction de femme, je m'excuse de le faire devant cette Assemblée presque exclusivement composée d'hommes : aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l'avortement. Il suffit d'écouter les femmes. C'est toujours un drame et cela restera toujours un drame. C'est pourquoi, si le projet qui vous est présenté tient compte de la situation de fait existante, s'il admet la possibilité d'une interruption de grossesse, c'est pour la contrôler et, autant que possible, en dissuader la femme. Nous pensons ainsi répondre au désir conscient ou inconscient de toutes les femmes qui se trouvent dans cette situation d'angoisse (…). Actuellement, celles qui se trouvent dans cette situation de détresse, qui s'en préoccupe ? La loi les rejette non seulement dans l'opprobre, la honte et la solitude, mais aussi dans l'anonymat et l'angoisse des poursuites. Contraintes de cacher leur état, trop souvent elles ne trouvent personnes pour les écouter, les éclairer et leur apporter un appui et une protection. Parmi ceux qui combattent aujourd'hui une éventuelle modification de la loi répressive, combien sont-ils ceux qui se sont préoccupés d'aider ces femmes dans leur détresse ? Combien sont-ils ceux qui, au-delà de ce qu'ils jugent comme une faute, ont su manifester aux jeunes mères célibataires la compréhension et l'appui moral dont elles avaient grand besoin ? ».
 


Rien n'était acquis et Simone Veil a plus tard raconté qu'elle n'imaginait pas le flot de haine de la part de certains parlementaires. La palme du plus odieux doit être sans doute attribuer au député centriste Jean-Marie Daillet, élu de la Manche, qui a comparé le 27 novembre 1974 l'avortement aux assassinats de bébés dans les fours crématoires à Auschwitz : « On est allé, quelle audace incroyable, jusqu'à déclarer tout bonnement qu'un embryon humain était un agresseur. Eh bien ! ces agresseurs, vous accepterez, madame, de les voir, comme cela se passe ailleurs, jetés au four crématoire ou remplir des poubelles ! ». Adressé à une ancien déportée qui a perdu une partie de sa famille dans les camps de la mort, c'était particulièrement maladroit et malvenu, et disons-le, totalement dégueulasse. Jean-Marie Daillet s'est d'ailleurs rendu compte de ce qu'il avait dit dans la colère de sa passion et est venu présenter ses excuses à Simone Veil. Un soir, à la demande de l'Élysée, Jacques Chirac est venu en renfort dans la discussion pour aider sa ministre, mais elle se sentait particulièrement seule avec son texte.

La situation parlementaire était compliquée parce que, menés par l'ancien Premier Ministre Michel Debré, nataliste réputé, les députés gaullistes étaient prêts à voter contre ou à s'abstenir. C'était sûr que Simone Veil ne pouvait pas ne compter que sur les députés de la majorité. Elle devait aussi négocier avec les socialistes, qui étaient favorables, menés par le président de leur groupe Gaston Defferre (maire de Marseille). Le point crucial était la position des centristes du Centre démocrate, dont les convictions religieuses mettaient en porte-à-faux la morale et la nécessité publique.

Le mari de Simone Veil, Antoine Veil, très introduit dans les cercles centristes, avaient l'habitude de rencontrer les responsables centristes chez lui, à son domicile, au sein du Club Vauban (nom du lieu où les Veil habitaient). Son entremise a été capitale pour convaincre notamment l'ancien résistant et ancien ministre Eugène Claudius-Petit qui avait un grand pouvoir d'influence sur ses collègues centristes. Pour obtenir finalement son soutien, Simone Veil a modifié le texte en retirant l'obligation des médecins à faire une IVG avec une clause de conscience et en supprimant le remboursement de l'IVG par la sécurité sociale, mettant la gauche dans l'embarras mais permettant aux députés centristes de ne pas voter une loi qui encouragerait l'avortement. L'article 1er du texte réaffirme par ailleurs le respect du droit à la vie comme principe intangible.

La conclusion a été souriante pour Simone Veil puisque dans la nuit du 28 au 29 novembre 1974, à 3 heures 40 du matin, le projet de loi a été adopté en première lecture par 284 voix pour et 189 contre, sur 479 votants avec 6 abstentions (scrutin n°120).

Parmi les pour : Paul Alduy, Pierre Bernard-Reymond, André Bettencourt, Jean-Jacques Beucler, Jean de Broglie, Aimé Césaire, Jacques Chaban-Delmas, André Chandernagor, Jean-Pierre Chevènement, Roger Chinaud, Eugène Claudius-Petit, Jean-Pierre Cot, Michel Crépeau, Gaston Defferre, André Delelis, Hubert Dubedout, Jacques Duhamel, André Duroméa, Robert Fabre, André Fanton, Maurice Faure, Georges Fillioud, Henri Fiszbin, Raymond Forni, Joseph Franceschi, Jean-Claude Gaudin, Yves Guéna, Robert Hersant, Pierre Joxe, Didier Julia, Pierre Juquin, André Labarrère, Paul Laurent, Jacques Legendre, Max Lejeune, Louis Le Pensec, Roland Leroy, Charles-Émile Loo, Philippe Madrelle, Georges Marchais, Jacques Marette, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Georges Mesmin, Louis Mexandeau, Hélène Missoffe, François Mitterrand, Guy Mollet, Lucien Neuwirth, Arthur Notebart, Bernard Pons, Jean Poperen, Jack Ralite, Marcel Rigout, Alain Savary, Jean-Jacques Servan-Schreiber, Jacques Soustelle, Pierre Sudreau, Alain Terrenoire, Alain Vivien, Robert-André Vivien et Adrien Zeller.
 


Parmi les contre : Pierre Bas, Pierre Baudis, Jacques Baumel, Pierre de Bénouville, Jacques Blanc, Robert Boulin, Loïc Bouvard, Claude Coulais, Jean-Marie Daillet, Marcel Dassault, Michel Debré, Jean Foyer, Emmanuel Hamel, Louis Joxe, Jean Kiffer, Claude Labbé, Joël Le Theule, Maurice Ligot, Christian de La Malène, Alain Mayoud, Jacques Médecin, Pierre Méhaignerie, Pierre Messmer, Maurice Papon, Jean Seitlinger et Jean Tiberi, etc. Se sont abstenus notamment Roland Nungesser et Gabriel Kaspereit.

Le Sénat a examiné alors le projet de loi en première lecture les 13 et 14 décembre 1974, l'a adopté le 14 décembre 1974 avec des modifications, ce qui a rendu nécessaire une seconde lecture, puis une commission mixte paritaire le 19 décembre 1974 (portant sur le remboursement de l'IVG). L'Assemblée et le Sénat ont adopté le texte définitif le 20 décembre 1974 (pour l'Assemblée, par 277 voix pour et 192 voix contre sur 480 votants avec 11 abstentions). Valéry Giscard d'Estaing a ensuite, le 17 janvier 1975, promulgué la loi n°75-18 du 17 janvier 1975, qui, à l'origine, prévoyait une dépénalisation expérimentale pendant cinq ans. Une deuxième loi a été ultérieurement votée pour rendre permanente la dépénalisation (loi n°79-1204 du 31 décembre 1979).


Après plusieurs autres modifications du texte, le droit à l'IVG est entré dans la Constitution le 8 mars 2024 au cours d'une cérémonie Place Vendôme, devant le Ministère de la Justice, présidée par Emmanuel Macron. Les études montrent que la loi Veil n'a pas fait augmenter le nombre d'avortements en France qui reste stable, autour de 200 000 par an.
 


Ce vendredi 29 novembre 2024 à 22 heures, la chaîne parlementaire LCP fête ce cinquantenaire en rediffusant le téléfilm de Christian Faure intitulé "La Loi, le combat d'une femme pour toutes les femmes" diffusé pour la première fois le 26 novembre 2014 sur France 2 (pour le quarantième anniversaire). Autant le dire tout de suite, faire un film avec des personnages de la classe politique contemporaine est toujours casse-cou car toujours très différent de la réalité et la fiction peut aussi n'être qu'une pâle imitation des personnages réels.

Néanmoins, on saluera quand même la prestation de l'actrice Emmanuelle Devos dans le rôle principal, celui de Simone Veil, et on regardera avec curiosité Antoine Veil (joué par Lionel Abelanski, dont le rôle dans le scénario est toutefois très insuffisant par rapport à la réalité), Dominique Le Vert, le dircab de Simone Veil (joué par Lorant Deutsch), et j'avoue que j'ai eu du mal à croire aux autres personnages : Gaston Defferre (joué par Michel Jonasz), Michel Debré (Éric Naggar), Jean Lecanuet (Olivier Pagès), Jacques Chirac (Michaël Cohen), Eugène Claudius-Petit (Bernard Menez), et je ne croyais pas du tout en Charles Pasqua (Philippe Uchan), Jean-Marie Daillet (Patrick Haudecœur), Edgar Faure (Laurent Claret) qui présidait ces séances historiques... avec juste une exception, Marie-France Garaud (jouée par Émilie Caen).


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (23 novembre 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
IVG : l'adoption de la loi Veil il y a 50 ans.
Le droit de vote à 18 ans, c'était il y a 50 ans grâce à Giscard !
Lucien Neuwirth  et la contraception.
Le vote des femmes en France.
Femmes, je vous aime !
Ni claque ni fessée aux enfants, ni violences conjugales !
Violences conjugales : le massacre des femmes continue.
L'IVG dans la Constitution (3) : Emmanuel Macron en fait-il trop ?
Discours du Président Emmanuel Macron le 8 mars 2024, place Vendôme à Paris, sur l'IVG (texte intégral et vidéo).
L'IVG dans la Constitution (2) : haute tenue !
L'IVG dans la Constitution (1) : l'émotion en Congrès.
La convocation du Parlement en Congrès pour l'IVG.
L'inscription de l'IVG dans la Constitution ?
Simone Veil, l’avortement, hier et aujourd’hui…
L’avortement et Simone Veil.
Le fœtus est-il une personne à part entière ?
Le mariage pour tous, 10 ans plus tard.
Rapport 2023 de SOS Homophobie (à télécharger).
Six ans plus tard.
Mariage lesbien à Nancy.
Mariage posthume, mariage "nécrophile" ? et pourquoi pas entre homosexuels ?
Mariage annulé : le scandaleux jugement en faveur de la virginité des jeunes mariées.
Ciel gris sur les mariages.

Les 20 ans du PACS.
Ces gens-là.
L’homosexualité, une maladie occidentale ?
Le coming out d’une star de la culture.
Transgenres adolescentes en Suède : la génération sacrifiée.
PMA : la levée de l’anonymat du donneur.
La PMA pour toutes les femmes.
 




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241128-ivg.html

https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/ivg-l-adoption-de-la-loi-veil-il-y-257490

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/11/26/article-sr-20241128-ivg.html



 

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26 mai 2024 7 26 /05 /mai /2024 03:46

« Vous vous rendez compte qu'il y a douze sujets en un là, il y a douze prises de parole différentes, il y a des scandales. Tout est différent. Il y a des saloperies, il y a des malentendus… Je pense que c'est les médias qui réunissent tout ça dans une grande cause d'époque. » (Édouard Baer, le 12 mai 2024 sur France 2).



 


Très déstabilisé, Édouard Baer répondait le dimanche 12 mai 2024 à cette question de Laurent Delahousse dans le journal de 20 heures de France 2 : « Est-ce que vous considérez que les hommes ne parlent pas assez, ne défendent pas assez ou n'expriment pas une sorte de mea culpa ? ». L'invité, venu pour promouvoir son nouveau spectacle "Ma candidature", n'était pas n'importe qui.

En effet, Édouard Baer, à 57 ans, est l'un des acteurs les plus "bankables" de France, comme on dit. Acteur, réalisateur de cinéma, metteur en scène de théâtre, animateur et producteur de télévision et de radio, on le voit et l'entend partout. Initié à la comédie par la savoureuse Isabelle Nanty, sa prof d'art dramatique au cours Florent, il a eu un parcours artistique très flatteur, couronné déjà par un Molière en 2001 (et deux nominations) et par trois nominations aux Césars.

Pourquoi l'acteur était-il si gêné de parler de MeToo à la veille du Festival de Cannes ? Peut-être parce qu'il avait été mis au courant qu'un article incendiaire allait être publié par Mediapart ce jeudi 23 mai 2024. L'article d'Amine Abdelli et Julia Tissier commence d'ailleurs par ce malaise au 20 heures : « Confus et visiblement mal à l’aise, le comédien fronce les sourcils, bafouille et s’embourbe. Lui, le pro de l’impro, apparaît soudainement déstabilisé. ».

Pas étonnant de bafouiller autant quand on sait qu'il va être mis sur le grill de la vindicte populaire par six femmes qui ont été contactées depuis plusieurs mois par Mediapart et qui, dans cet article, accusent Édouard Baer de harcèlement sexuel et d'agressions sexuelles. L'article précise : « Elles livrent le récit de faits de harcèlement et d’agressions sexuelles sur une période s’étalant de 2013 à 2021 (…), majoritairement dans des contextes professionnels », à savoir son bureau parisien, quand il est au théâtre, ou dans les stations de radio, quand il est animateur, c'est-à-dire à Radio Nova puis à France Inter.
 


Le journal "Le Monde", qui en rend compte avec l'AFP, explique : « Selon l’une de ces femmes, Édouard Baer aurait pris son "sein gauche avec sa main" dans un ascenseur. Une autre l’accuse de lui avoir touché "les seins à plusieurs reprises", de l’avoir "prise par la taille" et d’avoir "posé sa main sur [s]es fesses". "Il essaie de m’embrasser dans le cou et sur la bouche. Je le repousse", selon les propos rapportés d’une autre. Certaines évoquent des sollicitations répétées, des compliments insistants sur leur physique. L’une explique ne pas avoir porté plainte car elle a pensé que ce serait "sa parole contre la [s]ienne". ».

Aucune de ces six femmes, âgées d'une vingtaine d'années au moment des faits et qui ont voulu rester anonymes dans leur témoignage, n'a déposé plainte (à ce jour). J'ajoute que dans l'entourage d'une des radios, l'information n'était pas connue même sous forme de rumeur et certains ont été étonnés de l'apprendre.

Comme est étonné Édouard Baer lui-même qui a rapidement publié, en réponse à l'article, un communiqué d'incompréhension mais aussi d'excuses : « C’est avec stupeur et une grande tristesse que je découvre les témoignages que vous me rapportez. Je ne me reconnais pas dans les mots ou les gestes qui me sont attribués, mais je ne peux qu’exprimer mes regrets que mon comportement ait mis mal à l’aise ou blessé ces femmes. Je n’ai pas eu l’intelligence de le percevoir. J’en suis profondément désolé. Je n’ai jamais cherché à les heurter intentionnellement. Je leur présente toutes mes excuses. ».

Si on résume grossièrement le message, c'est ceci : j'ai été assez lourd dans mon approche, aucune ne m'a dit que j'allais trop loin et je m'en veux de ne pas l'avoir vu moi-même, désolé. Dans ce genre d'affaire, on peut supposer que les deux parties, les six femmes, d'un côté, et l'acteur, de l'autre côté, sont complètement sincères. Il faut aussi comprendre qu'Édouard Baer est une grande star qui a fasciné ces six femmes qui ont à peine commencé leur vie active. On peut imaginer qu'il leur était difficile, sans être dotée une personnalité très forte, de rejeter les éventuels gestes déplacés.

La réponse rapide et finalement assez humble (présentant ses excuses) d'Édouard Baer plaide plutôt en sa faveur, ou du moins, pour sa sincérité. Il ne nie pas les éventuels faits sans les reconnaître précisément car il y a plusieurs faits, et la réponse reste assez floue. Ce n'est pas comme Gérard Depardieu ou même comme Patrick Poivre d'Arvor qui, à ma connaissance (sous réserve que je ne me trompe pas, je ne suis peut-être pas en possession d'informations plus récentes), ne reconnaissaient pas les faits et surtout, ne présentaient pas leurs excuses à leurs (nombreuses) accusatrices.

Évidemment, un vieil article de la journaliste Josyane Savigneau publié le 5 novembre 2016 dans "Le Monde" revient en pleine figure d'Édouard Baer. À l'origine, la journaliste voulait faire la promotion de l'acteur redevenu animateur à Radio Nova, responsable de la matinale depuis le 10 octobre 2016. Mais elle s'est sentie très mal accueillie à son arrivée à 6 heures 45 un jour d'octobre 2016, « victime des humeurs du présentateur vedette », si bien qu'elle a exprimé sa colère : « D’emblée il est odieux. Furieux qu’on ait osé désobéir, il aurait exigé qu’on ne vienne qu’à 7h30, il insiste haut et fort : il n’a rien demandé, on a omis de le prévenir, on lui pourrit la vie, on va lui faire rater son émission, qu’on dégage. Avec plaisir. Dans une vie de journaliste, il arrive parfois que l’on rencontre, c’est fatal, des gens désagréables. À ce point d’arrogance et de mépris, c’est plus que rare. Morale de l’histoire : quand on remplace les journalistes par des stars, on s’expose à ce genre de caprices. ».

 


Ce qui n'a pas empêché la journaliste d'en dire aussi du bien (il faut dire que Matthieu Pigasse, actionnaire du "Monde", venait de racheter Radio Nova) : « On retrouve avec plaisir la voix de Baer, son ton décalé, ses improvisations bienvenues, son accueil chaleureux des participants. ». Et de terminer sur l'avis du nouveau patron : « Matthieu Pigasse se félicite de la réussite de la matinale et de l’idée de Bernard Zekri de faire appel à Édouard Baer, "tant Nova et Édouard se correspondent : les 3 C, Culture, Curiosité d’esprit, Carrefour d’échanges". "Elle incarne ce que nous voulons être et faire, précise-t-il : refuser le repli sur soi, être ouverts à tous, donner du sens et s’engager par la culture". ». Édouard Baer a quitté Radio Nova pour France Inter en 2018 (jusqu'en 2022, il me semble).

Pour l'heure, Édouard Baer, qui avait un spectacle à Romans-sur-Isère le vendredi 24 mai 2024 à 20 heures (au théâtre des Cordeliers), l'a maintenu. Le problème qu'il n'y ait pas de dépôt de plainte, c'est de transférer cette affaire du tribunal correctionnel au tribunal médiatique, avec tous les excès que cela peut entraîner, notamment dans les réseaux (a)sociaux. Comme je ne sais que penser des accusatrices sincères et d'un supposé prédateur sexuel qui s'ignorerait et qui affirme que ce n'est pas du tout lui, et n'étant pas juge, je ne peux faire aucun commentaire de soutien aux unes ou à l'autre.

En revanche, ce problème récurrent depuis quelques années (MeToo date de 2018) où des femmes (en général) accusent (parfois plusieurs décennies après les faits) une personnalité (généralement très connue) dans des milieux bien définis (cinéma, sports, médias audiovisuels, etc.) de divers faits allant du simple geste déplacé (voire maladroit) jusqu'au crime (le viol), en passant par des agressions sexuelles ou du harcèlement sexuel (qui sont des délits), est souvent insoluble quand il n'y a aucune preuve (car il faut que la victime prouve l'absence de consentement, ce qui est très difficile). Alors, c'est parole contre parole, et un juge, si cela arrive à la suite du dépôt d'une plainte, ne pourra pas condamner si le doute persiste (principe général du droit). D'un côté, il faut écouter les victimes, les femmes, ou du moins qu'elles soient écoutées, de l'autre, il ne faut pas détruire la réputation d'une personne qui serait injustement accusée (dans l'affaire d'Outreau, une personne injustement accusée s'est même suicidée). C'est du tout ou rien. Ou salaud, ou salopes, en quelque sorte.

Un livre explique très bien ce problème. Il s'agit d'un roman d'une ancienne procureure américaine qui a fait non seulement des études de droit mais avant, des études de psychologie et qui s'est recyclée dans l'écriture de romans à succès. Alafair Burke a en effet publié en 2018 un très bon roman "Un Couple irréprochable" (en anglais "The Wife"), dont le sujet principal est cette accusation contre une personnalité médiatique.

 


L'histoire est celle-ci, et racontée selon le point de vue de l'épouse (mère au foyer) d'un économiste qui, au-delà de donner des cours d'économie à l'université, a écrit un livre devenu best-seller, ce qui lui a donné gloire, fortune et notoriété (il a créé un cabinet de conseil en entreprises et il est invité très fréquemment à la télévision pour donner son avis). Et son expertise, c'est l'éthique dans les entreprises, et sa parole est d'or car il fait et défait des réputations d'entreprises auprès de leurs investisseurs. (L'homme accusé est un parangon de l'éthique, comme Édouard Baer considéré ouvert, sympa).

Et puis soudain, une stagiaire l'accuse de gestes déplacés en déposant plainte. Plus tard, une autre femme avec qui il est en contact sur le plan professionnel l'accuse carrément de viol. L'affaire est suivie par une inspectrice de police spécialisée dans ce domaine (l'Unité spéciale des victimes). Il y a aussi la réaction du procureur adjoint qui ne veut poursuivre que lorsqu'il y a de fortes suspicions de culpabilité, d'autant plus que ce prévenu serait une personnalité célèbre. Comme l'auteure du roman est une spécialiste du droit, cela permet aussi de voir comment fonctionne la justice et la police (ici américaines) dans les coulisses face à une telle affaire. Interviennent aussi dans l'histoire une animatrice de télévision féministe (et amie de l'accusé), une avocate exigeante, etc.

L'inspectrice, parce qu'elle est féministe, veut aller au plus profond des détails pour pincer l'éventuel auteur d'agressions sexuelles voire de viols. Elle admet d'ailleurs que pour la victime, il vaut mieux être violée de façon violente en pleine rue que subir des attouchements sexuels par des personnes familières dans un lieu privé, parce que ce sera beaucoup plus facile à prouver.

La première des réactions, dans ce genre d'affaire (agression sexuelle voire viol), c'est de se focaliser sur la victime et pas sur le prédateur présumé. Et de trouver des éléments chez la victime que son infortune était la conséquence de sa vie et cela, pour se dire qu'on n'est pas comme la victime et donc, que ça ne peut pas arriver à soi : « N'est-ce pas dans la nature humaine que de toujours rejeter la faute sur la victime ? ».

Et pourtant, parfois, les victimes ne disent pas exactement la vérité : « Impossible pour [les policiers] d'affirmer que les victimes ne racontent jamais toute la vérité, parce que cela reviendrait à les traiter de menteuses. Or, elles ne mentent pas, elles tentent de se protéger. Se préparent à affronter le scepticisme. Anticipent déjà toutes les attaques à venir, se forgent un bouclier. ».

L'animatrice de télévision donne aussi les différentes étapes dans ce genre d'affaire : « La première réaction de l'opinion publique, c'est toujours de jeter le discrédit sur la femme, parce que la société ne veut pas admettre que de telles horreurs se produisent. Alors, en réaction, les féministes convaincues ont décrété qu'il fallait croire toutes les femmes, chaque fois. ».

Féministe, l'animatrice est d'accord avec cette réaction : « C'est vrai, a-t-elle admis, je suis toujours la première à défendre les femmes dans les cas d'agression sexuelle où tout repose sur la parole de l'un contre celle de l'autre. Parce que, dans quatre-vingt-dix-neuf pour cent des cas, elles disent la vérité, et que c'est une terrible épreuve pour elles d'en parler. Elles se retrouvent jugées, stigmatisées, blâmées, critiquées. ».

Et dans une affaire de viol, cela retombe toujours sur la même question : « Quelles que soient les allégations de cette fille, ce sera sa parole contre celle de [l'accusé]. Or l'accusation a besoin d'éléments concrets. Et même s'il peut s'appuyer sur l'ADN, le procureur doit démontrer que la relation n'était pas consentie. ».

Mais justement, des petits détails peuvent faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre pour la police. Ainsi, dans ce roman, la policière va voir de façon informelle l'accusé qui ne sait pas encore qu'il est aussi accusé de viol par une seconde femme (il est juste accusé de harcèlement sexuel par une première femme). La policière lui demande alors s'il a eu des relations sexuelles avec cette seconde femme et ce dernier, au lieu de refuser de répondre sans son avocat, fait l'erreur de dire qu'il n'a pas eu de relations sexuelles, sans savoir que la seconde femme avait gardé intacte sa robe avec des traces de lui. Avoir des relations sexuelles ne confirme pas forcément le viol, car ces relations peuvent être consenties, mais mentir sur la réalité des rapports sexuels (même pour éviter d'en informer son épouse), c'est jeter un discrédit sur tout ce qu'il va affirmer.

A contrario, la policière garde aussi des détails sur l'accusatrice qui lui demande une heure avant de passer chez elle, le temps de faire un peu de ménage : « [La policière] venait déjà de découvrir quelque chose à propos de [l'accusatrice] : c'était le genre de personne qui pensait à remettre de l'ordre chez elle avant de recevoir un policier pour dénoncer des actes de harcèlement sexuel. En soi, ça ne signifiait rien, pourtant [l'inspectrice] remisa soigneusement ce détail dans un coin de sa tête, parce qu'elle aimait à penser que rien ne lui échappait. ».

Bref, ce roman est très intéressant pour comprendre la mécanique des accusations, des défenses et des jugements. Plus rien de mal ne doit rester impuni. Mais reste à se mettre d'accord sur ce qui est mal, sur ce qui est un mauvais comportement, un comportement inapproprié. L'homme est décidément détrôné, dans cette société qui se transforme à vive allure.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (25 mai 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
"Un Couple irréprochable" (2018) d'Alafair Burke.
Édouard Baer.
Lucien Neuwirth.
Le vote des femmes en France.
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Ni claque ni fessée aux enfants, ni violences conjugales !
Violences conjugales : le massacre des femmes continue.
L'IVG dans la Constitution (3) : Emmanuel Macron en fait-il trop ?
Discours du Président Emmanuel Macron le 8 mars 2024, place Vendôme à Paris, sur l'IVG (texte intégral et vidéo).
L'IVG dans la Constitution (2) : haute tenue !
L'IVG dans la Constitution (1) : l'émotion en Congrès.
La convocation du Parlement en Congrès pour l'IVG.
L'inscription de l'IVG dans la Constitution ?
Simone Veil, l’avortement, hier et aujourd’hui…
L’avortement et Simone Veil.
Le fœtus est-il une personne à part entière ?
Le mariage pour tous, 10 ans plus tard.
Rapport 2023 de SOS Homophobie (à télécharger).
Six ans plus tard.
Mariage lesbien à Nancy.
Mariage posthume, mariage "nécrophile" ? et pourquoi pas entre homosexuels ?
Mariage annulé : le scandaleux jugement en faveur de la virginité des jeunes mariées.
Ciel gris sur les mariages.

Les 20 ans du PACS.
Ces gens-là.
L’homosexualité, une maladie occidentale ?
Le coming out d’une star de la culture.
Transgenres adolescentes en Suède : la génération sacrifiée.
PMA : la levée de l’anonymat du donneur.
La PMA pour toutes les femmes.

 





https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240523-edouard-baer.html

https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/edouard-baer-mis-en-accusation-254809

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/26/article-sr-20240523-edouard-baer.html


 

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21 avril 2024 7 21 /04 /avril /2024 03:53

« De même que nous prétendons rendre la France seule et unique maîtresse chez elle, ainsi ferons-nous en sorte que le peuple français soit seul et unique maître chez lui. En même temps que les Français seront libérés de l'oppression ennemie, toutes leurs libertés intérieures devront leur être rendues. Une fois l'ennemi chassé du territoire, tous les hommes et toutes les femmes de chez nous éliront l'Assemblée Nationale qui décidera souverainement des destinées du pays. » (De Gaulle, le 23 juin 1942).


 


Cela fait quatre-vingts ans que les femmes ont le droit de voter en France, le 21 avril 1944. Quatre-vingts ans, c'est beaucoup, et en même temps, c'était hier ! La République a deux cent trente ans, la France plus de mille ans, alors quatre-vingts ans, la vie d'un homme, enfin, d'une femme. J'y songe maintenant : ma grand-mère n'a pas pu voter quelques jours après son mariage, au printemps 1936. Elle avait pourtant 19 ans mais elle n'en avait pas le droit (certes, la majorité électorale était de 21 ans). Elle a dû attendre encore neuf ans ! Ce qui est bizarre, c'est que Léon Blum avait quand même nommé trois femmes dès 1936 dans son gouvernement (dont la chimiste Irène Joliot-Curie).$

Les femmes françaises (de métropole, précisons-le !) ont le droit de voter à toutes les élections depuis que De Gaulle, chef de la France libre, a signé (promulgué) l'ordonnance du 21 avril 1944 portant organisation des pouvoirs publics en France après la Libération. Dans son article 17, il est donc proclamé : « Les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes. ». Mais en fait d'éligibilité, elles étaient déjà éligibles peu avant, dès novembre 1943, puisque plusieurs femmes ont été désignées membres de l'Assemblée consultative provisoire, l'équivalent d'une chambre parlementaire avant les premières élections en 1945. En particulier, en furent membres Marthe Simard, Lucie Aubrac, Marie-Claude Vaillant-Couturier, etc. Cette ordonnance du 21 avril 1944 a été complétée (et le vote des femmes confirmé) le 4 octobre 1944, après la formation du Gouvernement provisoire de la République française. La première application de ce droit a eu lieu le 29 avril 1945 lors des premières élections après le début de la guerre, le premier tour des élections municipales.

Quant aux scrutins nationaux, les femmes ont pu commencer à voter aux élections pour désigner l'Assemblée Nationale Constituante le 21 octobre 1945 à l'issue desquelles 33 femmes ont été élues députées (17 PCF, 9 MRP, 6 SFIO et 1 PSL/CNIP, aucune radicale !). Madeleine Braun a été la première femme vice-présidente de l'Assemblée Nationale en 1946, Marie-Madeleine Dienesch a été la première femme présidente de commission en 1967 et Denise Cacheux la première femme questeure en 1986. C'était un début qui n'a guère évolué pendant une cinquantaine d'années. Et il faudra attendre 2022 pour voir élire la première femme au perchoir, Yaël Braun-Pivet. Et 1991 et 2022 pour les deux premières femmes Premières Ministres : Édith Cresson et Élisabeth Borne.

L'histoire a retenu que c'est De Gaulle qui a permis aux femmes de voter. C'est à la fois vrai (et la légende gaulliste n'en est que plus magnifique) et c'est aussi incomplet. Historiquement, beaucoup de personnes, avant De Gaulle, ont contribué à permettre l'aboutissement de ce droit qui, insistons-le !, est arrivé beaucoup trop tardivement en France. Alors que dans l'Ancien Régime, les femmes avaient le droit de vote aux États Généraux quand elles étaient des veuves dotées d'un fief ou des mères abbesses, les révolutionnaires ont complètement oublié les femmes dans leurs belles idées de liberté et d'égalité (et de fraternité, on ne parlait pas de sororité !).

Pourtant, il y avait déjà des penseurs du vote des femmes. Ainsi, Condorcet a proposé le vote des femmes le 3 juillet 1790 dans un article, et Olympe de Gouges militait pour ce droit en septembre 1791, considérant ceci, fort logiquement : « La femme a le droit de monter sur l'échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune. ». Elle a connu une triste fin, sous la froide lame de la guillotine, mais elle n'aura jamais fréquenté d'isoloir. Les belles âmes républicaines du XIXe siècle ont toujours exclu les femmes de leur universalisme. À la fin de ce siècle-là, des mouvements féministes réclamant ce droit se sont créés un peu partout dans le monde, y compris en France, ce furent les suffragettes, dont fut Louise Weiss (voir première photo en mai 1935). Louise Weiss fut la doyenne du Parlement Européen de 1979 à sa mort, en 1983, et à ce titre, la première femme à avoir présidé le Parlement Européen, avant l'élection de Simone Veil.

Après la Première Guerre mondiale, l'affaire était pliée intellectuellement : les femmes avaient joué un rôle considérable pendant la guerre et leur citoyenneté devait nécessairement être reconnue. Entre mai 1919 et juillet 1936, pas moins de six propositions de loi allant dans ce sens (reconnaissance du droit de vote des femmes) ont été votées à la Chambre des députés, mais n'ont jamais abouti faute du vote du Sénat, soit parce que la proposition n'a pas été mise à l'ordre du jour, soit par simple "négligence". La cause des femmes était totalement entendue puisque les forces progressistes y étaient évidemment favorables, mais aussi les forces conservatrices, notamment depuis que le pape Benoît XV a approuvé un tel droit le 15 juillet 1919. Il faut aussi rappeler que Maurice Barrès, député pendant la guerre, a proposé en 1916 un texte de loi visant à permettre aux veuves et aux mères de soldats tués à la guerre de voter à leur place.

La réalité crue, c'est que le vote des femmes a toujours pâti des considérations politiciennes des radicaux, dont le parti dominait le Sénat. Les radicaux s'inquiétaient de la nature du vote des femmes qu'ils pensaient plus proches des conservateurs et des catholiques que de la gauche anticléricale (surtout depuis que le pape a approuvé ce droit). Les députés radicaux votaient ces propositions de loi tandis que les sénateurs radicaux les refusaient, et même, certains députés, qui avaient voté une telle proposition, devenus sénateurs, changeaient leur position, ce qui indiquait que les radicaux faisaient tout pour éviter le vote des femmes sans pour autant le montrer trop ostensiblement (car ce n'était pas très populaire de s'y opposer).

Paradoxalement, les radicaux qui étaient des républicains ultras en quelque sorte, dépositaires de l'espérance révolutionnaire, ont donc tout fait, sous la Troisième République, pour retarder le vote des femmes et ils en étaient donc les principaux responsables.
 


Il faut aussi revoir précisément la construction de cette ordonnance du 21 avril 1944. De Gaulle était favorable au vote des femmes, cela ne fait aucun doute (le 18 mars 1944, il a répété encore à l'Assemblée consultative provisoire : « Le régime nouveau doit comporter une représentation élue par tous les hommes et toutes les femmes de chez nous. »), mais pour autant, il lui fallait convaincre une classe politique qu'il avait tenté de reconstituer avec le CNR avant la Libération. L'Assemblée consultative provisoire n'était pas unanime pour cette mesure pourtant d'égalité. Le député communiste Fernand Grenier (maire de Saint-Denis) présidait la commission de législation et de réforme de l'État et présenta son amendement pour inclure dans le texte de l'ordonnance le droit de vote et surtout l'éligibilité des femmes.

À l'origine, la commission avait déjà adopté le principe du vote des femmes, mais elle avait néanmoins exclu qu'il fût appliqué dès les élections provisoires qui auraient lieu pendant la Libération (allez savoir pourquoi ! toujours cette idée de freiner et retarder sans cesse). Dans la discussion au sein de l'Assemblée, le député corse Paul Giacobbi a donné un argument récurrent : « Il est établi qu'en temps normal les femmes sont déjà plus nombreuses que les hommes. Que sera-ce à un moment où prisonniers et déportés ne seront pas encore rentrés ? ». Et de conclure : « Pensez-vous qu'il soit très sage dans une période aussi troublée (…) de nous lancer ex-abrupto dans cette aventure ? ». Une "aventure" ! Le résistant Ernest Bissagnet a complété la question : « L'amendement Grenier amènera un déséquilibre très net, car il y aura deux fois plus de femmes que d'hommes qui prendront part au vote. Aurons-nous une image vraie de l'idée du pays ? En raison de ce déséquilibre, je préfère que le suffrage des femmes soit ajourné. ».

La réponse de Fernand Grenier était alors très simple : « L'éloignement de leur foyer de nombreux prisonniers et déportés qui ont été remplacés dans leurs tâches par leurs femmes confère à ces dernières un droit encore plus fort de voter dès les premières élections. ». Et d'ajouter : « Dans le domaine de la lutte contre l'ennemi, les femmes se sont révélées les égales des hommes, ainsi ces femmes qui, dans tous les domaines, font preuve d'un courage admirable, n'auraient pas le droit de vote ? ». Quant au député SFIO anti-munichois Louis Vallon (futur gaulliste du RPF puis de l'UDT), il retrouvait dans cette discussion les poisons et délices de la Troisième République : « À maintes reprises, le Parlement s'est prononcé à la quasi-unanimité pour le principe du vote des femmes mais, chaque fois, l'on s'est arrangé par des arguments de procédure pour que la réforme n'aboutisse pas. » (cité par Wikipédia).

L'amendement de Fernand Grenier a été adopté le 24 mars 1944 à Alger par 51 voix pour et 16 contre. Parmi les pour : Paul Antier, Jules Moch, Fernand Grenier, Louis Vallon, Ernest Claudius-Petit, Raymond Aubrac, Emmanuel d'Astier de La Vigerie, Vincent Auriol, Ambroise Croizat, François Billoux, Albert Gazier, Robert Prigent, etc. Parmi les contre : Paul Giacobbi, mais aussi René Cassin, etc. N'ont pas pris part au vote : Félix Gouin (parce qu'il présidait la séance), Pierre Cot, Ernest Bissagnet, Léon Morandat, Albert Guérin, etc.

Fernand Grenier a ainsi écrit dans ses mémoires : « C'est de cette séance du 24 mars 1944 que date en fait le vote des femmes en France. », se donnant ainsi le beau rôle (c'est l'histoire que racontent encore aujourd'hui le parti communiste). Néanmoins, le site de l'Assemblée Nationale précise l'importance de De Gaulle dans cette évolution en mettant ce bémol : « Mais l'impulsion était venue d'ailleurs. Et cette conclusion semi-parlementaire n'effaçait pas 40 ans d'enlisement du législateur. ».


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 avril 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le vote des femmes en France.
Femmes, je vous aime !
Ni claque ni fessée aux enfants, ni violences conjugales !
Violences conjugales : le massacre des femmes continue.
L'IVG dans la Constitution (3) : Emmanuel Macron en fait-il trop ?
Discours du Président Emmanuel Macron le 8 mars 2024, place Vendôme à Paris, sur l'IVG (texte intégral et vidéo).
L'IVG dans la Constitution (2) : haute tenue !
L'IVG dans la Constitution (1) : l'émotion en Congrès.
La convocation du Parlement en Congrès pour l'IVG.
L'inscription de l'IVG dans la Constitution ?
Simone Veil, l’avortement, hier et aujourd’hui…
L’avortement et Simone Veil.
Le fœtus est-il une personne à part entière ?
Le mariage pour tous, 10 ans plus tard.
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Six ans plus tard.
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PMA : la levée de l’anonymat du donneur.
La PMA pour toutes les femmes.
 





https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240421-vote-des-femmes.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-vote-des-femmes-en-france-254042

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2 juin 2022 4 02 /06 /juin /2022 03:17

« Lorsque les allégations ont été faites, lorsqu’elles ont fait le tour du monde, disant aux gens que j’étais un ivrogne menaçant et sous cocaïne, qui battait les femmes, soudainement, dans la cinquantaine, c’est fini. Vous êtes fini. Quelle que soit l’issue de ce procès, à la seconde où ces accusations ont été portées contre moi, et où elles se sont métastasées pour alimenter les médias, j’ai perdu. J’ai perdu, et je porterai cela pour le reste de ma vie. (…) [Amber Heard] a un besoin de conflit, un besoin de violence. Ça sort de nulle part. » (Johnny Depp, le 20 avril 2022).



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Très étrange sensation que l’ultramédiatisation du procès entre Johnny Depp et Amber Heard, deux acteurs américains qui rejouent le film "La Guerre des roses" de Danny DeVito (sorti le 4 décembre 1989) avec Michael Douglas et Kathleen Turner. Cette impression est tout à fait surréaliste dans un univers tout à fait étranger où l’on parle en millions de dollars, où l’on parle du énième appartement au bord de la mer, où l’on parle de substances plus ou moins illicites, où l’on parle de violences conjugales plus ou moins avérées, où l’on parle de millions de fans et de millions de détracteurs… En France, on en parlerait même plus que de la campagne des élections législatives (elle a commencé le 30 mai 2022, le sait-on ?) ou même que la guerre en Ukraine et ses épouvantables drames.

Johnny Depp (qui va avoir 59 ans le 9 juin) a tourné dans de nombreux films et a déjà, depuis plus de vingt ans, son étoile au Walk of Fame à Hollywood. L’ancien mari de la Française Vanessa Paradis est notamment le premier rôle dans "Edward aux mains d’argent" de Tim Burton, "Pirates des Caraïbes" de Gore Verbinski, "Charlie et la Chocolaterie" de Tim Burton, etc. Amber Heard (36 ans) s’est fait connaître également par une série télévisée avant d’embrayer au cinéma notamment dans "Délire Express" de David Gordon Green et "Aquaman" de James Wan.

En gros, depuis 2016, le couple qui s’était marié quelques mois auparavant s’est déchiré d’une manière totalement inédite : le public est pris à témoin, les médias se régalent, les réseaux sociaux s’agitent, soutiennent ou fustigent, et dans cette "affaire" (qui est un bien grand mot), les avocats s’enrichissent. Le procès en question est le deuxième ou troisième, et ce n’est pas un procès sur des coups et blessures éventuelles, c’est un procès en diffamation, celui-ci à l’initiative de l’acteur, Johnny Depp, qui a commencé le 11 avril 2022 au tribunal du comté de Fairfax, en Virginie, et qui vient de se terminer ce mercredi 1er juin 2022 avec un verdict qui a condamné les deux protagonistes, mais plus sévèrement l’ex-épouse que l’ex-époux. En effet, Amber Heard a été condamnée à verser 15 millions de dollars à son ancien mari tandis que Johnny Depp 2 millions de dollars à son ancienne femme.

On s’aperçoit ainsi que tous les faits et gestes de chaque membre du couple ont été enregistrés, notés, mémorisés dès le départ par l’autre, ce qui montre un couple quand même bien étrange et qui fait un étalage de faits quotidiens complètement inintéressants et parfois glauques.

Ce sujet serait dérisoire s’il ne revenait pas sur un sujet essentiel, un double sujet essentiel : d’une part, les violences conjugales, avec les paroles qui se délient sur des drames trop souvent passés sous silence, d’autre part, les réputations salies par des accusations abusives et diffamatoires.

Nous y voilà au nœud du problème : comment peut-on dénoncer des violences réelles sans accuser leurs auteurs ? Dans le cas de ce couple de personnes très célèbres, chaque nouveau fait est mis dans la boîte à buzz. La présomption d’innocence ne suffit pas dans une telle situation, car ce qui fait ou défait les réputations, ce sont les informations publiques (imaginez simplement que vos problèmes de couple, le cas échéant, soient mis sur la place publique et soient légèrement déformés). Or, la possibilité de départager deux antagonistes, c’est le rôle des juges, qui doivent être imperméables à toutes pressions, en particulier médiatiques ici (mais aussi politiques, économiques, etc.), et tout doit rester dans un cadre discret où la rumeur publique ne règne pas.

Aux États-Unis, la situation est simpliste : il faut être pour ou contre. Pour ou contre les femmes dont la parole se libère, pour ou contre l’un ou l’autre des acteurs, pour ou contre le patriarcat (mot typiquement introduit par les féministes qui laisse entendre que la violence conjugale proviendrait du seul fait de l’homme alors que cette violence existe également, de même intensité, dans des couples homosexuels, même de femmes).

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Beaucoup de militants anti-féministes (comment les appeler autrement ?) ont soutenu Johnny Depp dans les réseaux sociaux, au point d’en faire une affaire symbolique contre les femmes. En citant en début d’article Johnny Depp et pas Amber Heard, j’ai moi-même, en quelque sorte, choisi aussi mon camp, même si je me moque de cette affaire et qu’elle me dépasse aussi.

Ce qui m’intéresse, en revanche, c’est l’idée qu’on puisse accuser publiquement à tort une personne au point de salir sa réputation. Le "à tort", dans cette phrase, est essentiel et c’est le juge qui le détermine, car a contrario, lorsqu’il y a réellement de la violence, lorsque c’est avéré, je la trouve inacceptable, surtout dans le cadre de relations affectives (a priori, quand on aime, on ne tape pas, on est plutôt en confiance), je souhaite alors que son auteur soit sévèrement sanctionné, condamné tant pénalement que médiatiquement ou, pour des personnes moins célèbres, au moins sanctionnée professionnellement pour qu’il ou elle ne recommence pas.

Et que l’auteur des violences soit une femme ou un homme. Même si la violence des femmes est minoritaire, elle existe et des hommes meurent aussi de violences conjugales (à peu près dans la proportion d’un homme pour trois femmes). J’ai connu une femme violente qui menaçait d’un couteau à la gorge son "mec" (pour une raison que je n’ai pas saisie) et son enfant de 8 ans avait fermé à clef la porte d’entrée de l’appartement. Pour sortir de ce piège, j’ai même imaginé me saisir du fer à repasser qui était à ma portée pour l’envoyer sur la femme et libérer son compagnon (mais je n’aurais jamais pu assumer un geste d’une telle violence). Le dialogue a heureusement suffi à apaiser cette situation compliquée mais cette violence était en elle-même insupportable et d’autant plus glauque qu’elle en a rendu son garçon complice.

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Les jurés de Fairfax, je le rappelle, n’ont répondu qu’à la problématique de réputation et de diffamation, et ne devaient pas se prononcer sur les gestes de violences plus ou moins avérés sur l’un ou sur l’autre (Johnny Depp a ou aurait été par exemple profondément blessé au majeur de sa main d’un éclat de verre d’une bouteille de vodka lancée sur lui par son ex-épouse).

J’aurais pu citer aussi Amber Heard lors de son audition le 4 mai 2022, très larmoyante : « Je n’oublierai jamais la première fois qu’il m’a frappée (…). Je n’ai pas bougé parce que je ne savais pas quoi faire d’autres (…). Il m’a frappée une nouvelle fois. Violemment. Je perds mon équilibre et je réalise que le pire est en train d’arriver. ».

On serait tenté de croire à une tentative de manipulation et de rendre très intéressant financièrement le divorce quand on entend la réaction d’Amber Heard à l’écoute du verdict, se victimisant et victimisant toutes les femmes : « J’ai le cœur brisé que la montagne de preuves ne soit toujours pas suffisante pour résister au pouvoir, à l’influence et à l’emprise disproportionnée de mon ex-marie (…). C’est un retour en arrière, un retour en arrière à l’époque où une femme qui parlait et s’exprimait pouvait être publiquement blâmée et humiliée. Un retour en arrière à l’époque où la violence contre les femmes n’était pas prise au sérieux. (…) Je suis triste d’avoir perdu cette affaire. Mais je suis encore plus triste d’avoir perdu un droit que je pensais avoir en tant qu’Américaine : parler librement et ouvertement. ».

Même aux États-Unis, on convient que la liberté des uns s’arrête là où celle des autres s’arrête. Durant ce procès, Amber Heard est apparue pour beaucoup comme abusive, menteuse, manipulatrice, violente, presque psychopathe, et surtout, elle n’a apporté aucun élément de preuve de ce qu’elle avait avancé dans ses accusations.

Quant à Johnny Depp, il n’a pas fanfaronné mais il a remercié les jurés et il a remercié tous ceux qui l’ont soutenu malgré les coulées de détritus qui se sont déversés sur lui. Il voudrait que ce verdict soit un encouragement à continuer à résister pour les hommes accusés injustement de violences conjugales.

Au contraire de la France, ce procès pouvait être filmé, ce qu’il a été, et il a été diffusé en direct vingt-quatre heures sur vingt-quatre sur des chaînes de télévision ou sur Internet. Ainsi, des internautes pouvaient suivre la moindre intervention dans ce procès fleuve. Il fera probablement date comme ayant provoqué cette nouvelle folie médiatique renforcée par Internet, et aussi comme une action corrective de cette nécessaire fin du silence sur les violences aux femmes initiée depuis longtemps mais amplifiée par le mouvement MeToo. Parler, oui, mais dire n’importe quoi sur les autres, non. Dans ce domaine, seul le juge peut faire la part du vrai et du faux. Et certainement pas les voyeurs qui nous sommes tous un petit peu plus ou moins.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (01er juin 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Johnny Depp, Amber Heard et les violences conjugales ?
Peut-on confondre dragueur lourd et violeur ?
Burkini, c’est fini ?
La République, le voile islamique et le "vivre ensemble".
Couvrez ces seins que je ne saurais voir !
Ne nous enlevez pas les Miss France !
Alexandra Richard, coupable ou victime ?
Dégenrer les Lego.
La PMA pour toutes les femmes désormais autorisée en France.
Genrer la part du Lyon ?
L’écriture inclusive.
Femmes, je vous aime !
Parole libérée ?
L’avortement.
Ni claque ni fessée aux enfants, ni violences conjugales !
Violences conjugales : le massacre des femmes continue.









https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220601-depp-heard.html

https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/johnny-depp-amber-heard-et-les-241911

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/06/02/39502523.html










 

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26 juillet 2018 4 26 /07 /juillet /2018 04:52

« La séduction est la véritable violence. » (Gotthold Ephraim Lessing, 1772).


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Il y a quinze ans, dans la nuit du 26 au 27 juillet 2003 dans un hôtel à Vilnius, l’actrice Marie Trintignant est tombée dans un coma profond dont elle n’est jamais sortie. Blessée par dix-neuf coups, dont quatre portés au visage, assénés par son compagnon Bertrand Cantat, chanteur du groupe Noir Désir. Elle a succombé à ses blessures à l’âge de 41 ans le 1er août 2003 à l’hôpital de Neuilly-sur-Seine, après avoir été opérée plusieurs fois à Vilnius, puis été rapatriée en France le 31 juillet 2003.

Le chanteur avait installé l’actrice sur un lit sans prévenir immédiatement les secours et ce ne fut que le lendemain matin que le frère de la victime, contacté au cours de la nuit, appela les urgences. Bertrand Cantat, qui a alors tenté de se suicider, a été jugé à Vilnius le 29 mars 2004 à huit ans de prison. Il fut rapatrié près de Toulouse le 28 septembre 2004 et bénéficia de remises de peine, ce qui lui a permis de sortir de prison le 15 octobre 2007. Son contrôle judiciaire s’est arrêté à la fin de la durée de la peine le 29 juillet 2011.

La plus grande peine reste probablement sa conscience qui, jusqu’à la fin de ses jours, lui rappellera avec la plus lucide cruauté ce qu’il a commis pendant cette nuit glauque en Lituanie, apparemment pour une querelle de jalousie.

Toutefois, tant de violence avec une si grave conséquence, ce n’était pas très cher payé, quatre ans de prison ferme. Peut-être plus cher que certains homicides qui sont commis sur la route par des chauffards, mais moins cher que bien des meurtriers sans réputation.

De toute façon, il n’y aurait eu aucune peine qui aurait compensé, remplacé la vie de Marie Trintignant. Aucune vengeance n’est particulièrement utile même si ce sentiment peut paraître justifié et est difficilement répressible. Je songe à ses parents, Nadine et Jean-Louis Trintignant, toujours effondrés depuis cette tragédie, qui ont mené un combat pour qu’au-delà de leur fille, ce fût les femmes en général qui soient un peu mieux protégées de leur conjoint violent.

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Depuis qu’il a retrouvé la liberté, Bertrand Cantat cherche à reprendre son activité de chanteur mais à la plupart de ses concerts, il doit faire face à des manifestants qui trouvent odieux qu’il puisse continuer à se produire sur scène, comme si de rien n’était. Si bien que plusieurs concerts voire tournées ont été annulés.

Oui, bien sûr qu’il a le droit de vivre encore. Qu’il a payé sa dette à la société, certes, d’un point de vue judiciaire, mais d’un point de vue moral, la tache restera indélébile. Certains événements de la vie imposent parfois de changer radicalement son parcours professionnel. Par nécessité. Cela aurait sans doute était pertinent pour lui. Non pas quitter les arts et même la chanson, mais ne pas se produire devant une foule qui aurait vocation à l’applaudir. Comment pouvoir l’applaudir depuis le 27 juillet 2003 ?

La moindre des corrections, ce devrait être de se faire oublier par la société, ce devrait être de trouver un emploi discret, peut-être public mais sans public, écrire par exemple, beaucoup d’anciens prisonniers ont écrit, mais ils n’ont pas cherché à être applaudis, à être absous de leurs fautes.

Hélas, la mort de Marie Trintignant, qui a traumatisé au-delà du cercle de ses intimes parce qu’elle était une grande actrice qui avait encore beaucoup de potentiel pour des rôles parfois engagés, n’est qu’un drame ordinaire dans la violence faite aux femmes, la violence conjugale. Une femme meurt tous les trois jours en France d’une telle maltraitance conjugale, ce sont des statistiques insupportables à entendre.

Ce sont des statistiques qui n’ont guère évolué en dix ans, hélas. Selon un rapport publié le 1er septembre 2017 par le Ministère de l’Intérieur, il y a eu 157 personnes tuées par leur conjoint ou partenaire en 2016 en France (précisément, par leur époux, concubin, ex, amant ou partenaire de courte durée), dont 123 femmes et 34 hommes.

Plus d’un tiers des meurtriers incriminés (37% des conjoints "officiels" pour les 109 femmes tuées par leur conjoint "officiel") étaient déjà connus des services de police ou de gendarmerie pour des faits de violence conjugale. En tout, 85 424 victimes (dont 74 628 des femmes, soit 87,4%) ont déposé plainte en 2016 pour coups et blessures volontaires de la part de leur conjoint ou ex-conjoint. La même année, il y a eu 2 096 viols par un conjoint, dont 2 074 commis contre les femmes.

Cette violence conjugale touche tous les milieux. Un exemple tragique parmi d’autres parce qu’il a fait intervenir un notable : il y a près de dix ans, le 17 novembre 2008, un député et ancien maire d’une ville moyenne a d’abord battu violemment puis tué sa maîtresse qui venait de lui annoncer qu’elle le quittait, il s’est ensuite suicidé.

Lors de la journée mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes, le 25 novembre 2017, le Président Emmanuel Macron a dévoilé son plan pour l’égalité entre les femmes et les hommes et son plan contre les violences faites aux femmes : « Il est indispensable que la honte change de camp. ». De ce discours est sorti notamment le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, défendu en procédure accélérée (moins de navettes parlementaires) par la Ministre de la Justice Nicole Belloubet et la Secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa.

Adopté au conseil des ministres du 21 mars 2018, le texte fut discuté, amendé et voté par les députés le 16 mai 2018, mais le texte adopté par les sénateurs le 5 juillet 2018 est différent. Heureusement, le projet de loi vient de faire l’objet d’un accord au sein de la commission mixte paritaire créée le 6 juillet 2018 (une telle commission est formée lorsque les députés et les sénateurs n’adoptent pas le même texte). Cet accord a eu lieu ce lundi 23 juillet 2018 (un accord avec peu d’échos médiatiques en raison de l’affaire Benalla) et l’adoption définitive du texte est donc d’autant plus assurée qu’il a recueilli un consensus qui a dépassé les clivages politiques.

Voici comment la rapporteure de ce projet de loi, Alexandra Louis, députée LREM, l’a introduit le 10 mai 2018 : « Violences les plus intimes, les violences sexistes et sexuelles sont certainement les plus difficiles à aborder. Les combattre n’en est que plus compliqué car au poids de ces souffrances s’ajoute celui du silence. Ce silence subi ou choisi parfois par l’entourage, la société ou la victime elle-même s’érige comme un obstacle dans le traitement de cette problématique. Ces violences pourtant ne connaissent ni frontières sociales, ni frontières géographiques et s’immiscent ans le quotidien de nombreuses personnes selon des formes variées, dans tous les aspects de la vie des victimes. ».

Malheureusement, cette nouvelle loi aura peu d’effet sur la réalité statistique. Il est déjà interdit d’être violent sur un conjoint ou sur une femme. Seulement 19% des femmes victimes de violences sexuelles ou physiques dans leur couple ont déposé plainte en 2016. La nouvelle loi facilitera sans nul doute la sanction, mais n’empêchera probablement pas la violence elle-même qui, elle, ne pourra être combattue que par une action de longue haleine qu’on nomme habituellement …l’éducation.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (25 juillet 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Violences conjugales en France : quelques chiffres qui parlent.
La lutte contre la violence faite aux femmes, nouvelle cause nationale ?
Que restera-t-il du drame de Thionville ?
Marie Trintignant.
Annie Cordy.
Johnny Hallyday.
Louis Lumière.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180727-marie-trintingnant.html

https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/marie-trintignant-et-les-tragiques-206391

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/07/26/36586693.html



 

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