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26 mai 2018 6 26 /05 /mai /2018 03:07

« Nous connaissons tous l’affection de Gérard Collomb pour sa ville et la métropole lyonnaise. C’est une bonne nouvelle qu’il souhaite y consacrer du temps et de l’énergie. Le Président réorganisera l’équipe gouvernementale lorsqu’il le jugera nécessaire. » (L’Élysée à LCI, le 18 septembre 2018).



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La dernière phrase du communiqué de l’Élysée exprime assez explicitement l’agacement présidentiel. Mais quelle mouche a donc piqué le Ministre d’État, Ministre de l’Intérieur ? Dans un entretien à l’hebdomadaire "L’Express", Gérard Collomb a annoncé le 18 septembre 2018 qu’il serait candidat aux élections municipales à Lyon en mars 2020, et qu’il comptait démissionner de son poste de la Place Beauvau en juin 2019, après les élections européennes.

Certes, ce n’est pas nouveau, une démission de ministre pour conquérir une mairie : sous le gouvernement de Lionel Jospin, la très importante Ministre des Affaires sociales Martine Aubry l’avait fait pour prendre la succession de Pierre Mauroy à la mairie de Lille, et, également ministre, l’écologiste Dominique Voynet l’avait fait aussi pour Dole. Mais ici, plusieurs interrogations. Depuis plusieurs mois, Gérard Collomb semblait ne plus être à la hauteur pour son "job" de numéro deux du gouvernement chargé de la lutte contre le terrorisme. Fatigue, absence, l’esprit ailleurs… assurément, son esprit est à Lyon et pas à Paris.

L’affaire Benalla n’a pas renforcé sa crédibilité politique ni son autorité de Ministre de l’Intérieur, faisant celui qui ne savait rien, faisant celui qui ne prévenait personne. D’ailleurs, la version du Ministre de l’Intérieur pouvait ne pas plaire à l’Élysée, dans la mesure où il renvoyait la balle rue du Faubourg Saint-Honoré, une rue à traverser, selon maintenant l’adage présidentiel.

Mais ce qui surprend, c’est sa grande maladresse politique. Depuis quand un ministre dit-il publiquement quand il quitterait son ministère ? En disant qu’il comptait le quitter en juin 2019, il s’est pris pour le Président de la République en s’assurant qu’il resterait à ce poste au moins jusqu’à cette date, et que c’était juste par sa volonté qu’il ne resterait pas plus longtemps. Pour l’un des derniers poids lourds du gouvernement, c’est une démarche qui doit fait sursauter le Président (le vrai Président) Emmanuel Macron. Il y a fort à parier que sa survie au Ministère de l’Intérieur n’est plus qu’une question de semaines sinon de jours… d’autant plus que l’opposition, c’est de bonne guerre, ne cesse de lui envoyer des scuds en réclamant sa démission immédiate afin d’avoir un Ministre de l’Intérieur à plein temps. Surtout après avoir pollué l'annonce de la réforme de la santé le jour même.

Ce n’était pas la première fois que Gérard Collomb se prenait pour le Président de la République. Interrogé en mai 2018 pour l’un des multiples documentaires politiques qui marquaient la première année de l’élection d’Emmanuel Macron, Gérard Collomb a confié qu’entre les deux tours de l’élection présidentielle, il avait participé à un "dîner de pas-c@ns", si je puis dire ainsi. Les convives étaient des fidèles d’Emmanuel Macron réunis autour du futur Président, en particulier Gérard Collomb, et ils avaient invité à venir dîner Édouard Philippe, encore à LR. Gérard Collomb a alors expliqué avec un petit sourire sournois que les convives avaient été convaincus et que cela avait été l’entretien de recrutement du futur Premier Ministre. Ainsi expliqué, alors que lui-même était encore ministre et Édouard Philippe encore Premier Ministre, comment imaginer qu’Édouard Philippe puisse avoir encore de l’autorité sur son Ministre de l’Intérieur ?

Il est vrai que, depuis le début de l’été 2018, Emmanuel Macron n’est plus beaucoup le "maître des horloges" et il s’est pris à l'étranger, sans être prévenu, la démission brutale de Nicolas Hulot. De son côté, Daniel Cohn-Bendit a même expliqué publiquement qu’il avait refusé un ministère qu’on ne lui avait pourtant pas proposé ! Notons aussi que la démission de François Bayrou dès juin 2017 avait déjà réduit la lisibilité politique de son gouvernement et que d’autres "politiques" du gouvernement s’apprêteraient à imiter Gérard Collomb, c’est-à-dire à quitter le navire gouvernemental pour aller à la bataille municipale, en particulier Benjamin Griveaux et probablement Gérald Darmanin. Sans compter qu'Emmanuel Macron doit recadrer sans cesse ses troupes (par exemple, Christophe Castaner qui voulait augmenter encore les droits de succession le 14 septembre 2018).

Place Beauvau, avec le titre de Ministre d’État, c’est pourtant le couronnement de la très longue carrière politique lyonnaise de Gérard Collomb, souvent appelé dans la région le "loser" et qui n’a jamais dû ses premières élections qu’à des circonstances exceptionnelles. C’était aussi son premier portefeuille ministériel. Il aurait voulu être ministre sous Lionel Jospin ou sous François Hollande, mais sans succès dans un monde de moins en moins cumulard (il ne voulait pas lâcher Lyon).

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Reprenons sa carrière politique, justement. Agrégé de lettres classiques, ce qui n’est pas sans penser à l’historien de culture classique Édouard Herriot, Gérard Collomb milita à la Convention des institutions républicaines (CIR) dès 1968, microparti de François Mitterrand qui lui a permis de rejoindre et de conquérir le Parti socialiste en 1971. Gérard Collomb se retrouva donc socialiste et l’une de ses principales antennes lyonnaises. Dès mars 1977, il fut élu conseiller municipal de Lyon, dans l’opposition, et c’est un mandat qu’il occupe encore aujourd’hui, bien que ministre (quarante et un ans de longévité pour le moment !).

Grâce à la vague rose de juin 1981, Gérard Collomb est élu député de Lyon à l’âge de 34 ans, battant un député sortant UDF. Il fut réélu sans trop de souci en mars 1986, grâce au scrutin proportionnel, sur la liste socialiste conduite par Charles Hernu (ancien Ministre de la Défense et ami très proche de François Mitterrand, par ailleurs maire de Villeurbanne). En revanche, il fut battu face à Bernadette Isaac-Sibille (UDF), une très proche de Raymond Barre, en juin 1988, et de nouveau battu en juin 1997 par la même adversaire (pour la petite histoire, le fils de cette dernière, Cyrille Isaac-Sibille, engagé dans la vie politique lyonnaise depuis le milieu des années 1990, a été élu député MoDem avec l’investiture LREM en juin 2017, devenu par conséquent l’allié et même le soutien parlementaire de l’ancien adversaire de sa mère).

Pour compenser la perte de son mandat parlementaire, Gérard Collomb a été nommé membre du Conseil Économique et Social entre 1994 et 1999. Il s’est fait aussi élire conseiller régional de Rhône-Alpes de mars 1992 à novembre 1999. En revanche, il a progressé aux élections municipales successives à Lyon (tête de liste du PS), jusqu’à gagner trois mairies d’arrondissement en juin 1995, dont "sa" mairie du 9e arrondissement, ce qui lui a permis de siéger à la Communauté urbaine du Grand Lyon (présidée par Raymond Barre, maire de Lyon entre 1995 et 2001).

C’est à cause de la profonde division à droite (entre Charles Millon et Jean-Michel Dubernard) que ce socialiste plus proche de la sociale-démocratie conservatrice (au point de refuser de célébrer les mariages homosexuels) que du bolchevisme agité, a réussi à convaincre une majorité relative des électeurs lyonnais en mars 2001. Gérard Collomb fut ainsi (enfin) maire de Lyon à partir du 25 mars 2001 et jusqu’au 17 juillet 2017, pour ne pas cumuler avec ses fonctions ministérielles.

Entre temps, il était parvenu à devenir sénateur du Rhône le 2 novembre 1999, grâce à la démission de Franck Sérusclat (il était le suivant de liste). Il fut réélu le 26 septembre 2004 et le 28 septembre 2014 et quitta le Palais du Luxembourg également pour ses fonctions de ministre. Sénateur-maire de Lyon, également président de la métropole de Lyon (qui a maintenant des attributions de conseil départemental), Gérard Collomb s’était fortement opposé aux lois limitant le cumul des mandats sous François Hollande, alors qu’il a été l’un des sénateurs les plus inexistants du Sénat (au point de voir son indemnité parlementaire réduite).

Politiquement, au sein du PS, Gérard Collomb a soutenu à fond la candidature de Ségolène Royal à l’élection présidentielle de 2007, puis, après une vaine tentative d’être lui-même candidat à la candidature en mars 2011, après un soutien à Dominique Strauss-Kahn puis François Hollande, il a été, dès juillet 2016, l’un des premiers parlementaires (socialistes), avec Richard Ferrand, à avoir soutenu la candidature d’Emmanuel Macron. Son soutien a été crucial pour Emmanuel Macron puisqu’il a permis d’utiliser ses réseaux politiques pour faire progresser la candidature du fondateur d’En Marche. C’est aussi grâce à la médiation de Gérard Collomb qu’Emmanuel Macron a pu recevoir le soutien crucial de François Bayrou en février 2017. Lors de l’investiture d’Emmanuel Macron à l’Élysée, Gérard Collomb fut aux premières loges, bénéficiant, très ému, d’une accolade très chaleureuse du nouveau Président.

Depuis le 17 mai 2017, il est désormais le Ministre de l’Intérieur, une responsabilité cruciale dans cette période troublée par les attentats. Voulant montrer de la fermeté pour les questions d’immigration, l’ancien socialiste Gérard Collomb fut même épinglé par l’ancien secrétaire général du RPR Jacques Toubon, devenu entre temps Défenseur des droits. Tout reste à front renversé. Mais c’est normal, car sa ligne de conduite, c’est de plaire à ses électeurs lyonnais, plutôt conservateurs.

À 71 ans, le voici prêt à se désinvestir de ses responsabilités nationales pour vouloir reprendre son mandat de maire en mars 2020, comme s’il était le seul capable de l’assumer. Comme un bon représentant de "l'ancien monde". Son macronisme précoce avait pourtant des visées lyonnaises : en été 2016, il ne croyait pas vraiment au succès électoral d’Emmanuel Macron, mais en revanche, il comptait sur lui pour en faire son dauphin à la mairie de Lyon. Comme quoi, l’histoire n’est jamais écrite…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (18 septembre 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Gérard Collomb.
Emmanuel Macron.
Édouard Philippe.
Richard Ferrand.
L’affaire Benalla.
Le premier gouvernement d’Édouard Philippe.
Le deuxième gouvernement d’Édouard Philippe.
La réforme des institutions, côté Place Beauvau.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180523-gerard-collomb.html

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/09/19/36717243.html



 

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24 mai 2018 4 24 /05 /mai /2018 03:08

« Ne touchons que d’une main tremblante à des institutions qui sont le socle de la République ! » (Pierre Mazeaud, alors Président du Conseil Constitutionnel, le 3 janvier 2006).



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Comme prévu, après l’adoption au conseil des ministres du 9 mai 2018 du projet de loi constitutionnelle sur la réforme des institutions, le conseil des ministres du 23 mai 2018 a adopté le second volet, à savoir les deux autres projets de loi complétant cette réforme, le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire. Les parlementaires et les citoyens ont donc maintenant la connaissance précise de la totalité du projet gouvernemental de réforme des institutions.

Alors que le 9 mai 2018, ce furent le Premier Ministre Édouard Philippe et la Ministre de la Justice Nicole Belloubet qui ont présenté le projet de loi constitutionnelle, le 23 mai 2018, ce fut le Ministre d’État, Ministre de l’Intérieur Gérard Collomb qui a présenté les deux autres projets de loi.

Il y a un petit côté surréaliste à ce que ce fût lui, précisément, qui les présenta, ces projets d’anti-professionnalisation politique, car il fut l’un de ces derniers dinosaures qui ont fait de la politique une profession.


Gérard Collomb

À bientôt 71 ans (dans moins d’un mois), Gérard Collomb a en effet multiplié cumuls et mandats électifs au cours de sa très longue carrière politique qui a débuté en 1968 (il avait alors 21 ans) lorsqu’il a adhéré à la Convention des institutions républicaines (CIR), un club politique dirigé par François Mitterrand avant que ce dernier ne conquît le Parti socialiste trois ans plus tard : conseiller municipal de Lyon à partir de mars 1977, jeune député du Rhône (il avait alors 34 ans) avec la vague rose de juin 1981 à juin 1988, secrétaire national du PS en 1986, conseiller régional de Rhône-Alpes de mars 1992 à novembre 1999, membre du Conseil économique et social de 1994 à 1999, maire du 9e arrondissement du Lyon de juin 1995 à mars 2001, sénateur de novembre 1999 à juin 2017, et enfin, grâce à la division de la droite, son bâton de maréchal, maire de Lyon du 25 mars 2001 au 17 juillet 2017, ainsi que président du Grand Lyon puis de la Métropole de Lyon du 20 avril 2001 au 10 juillet 2017. Il fut également président de l’Association des communautés urbaines de France de 2006 à 2007, président du réseau Eurocities regroupant les cent trente plus grandes villes d’Europe, de 2006 à 2008 et membre de très nombreux autres organismes annexes.

Enfin, alors qu’il n’avait fait partie d’aucun gouvernement jusque-là, il est Ministre d’État, Ministre de l’Intérieur depuis le 17 mai 2017, l’indispensable "dent dure" du Président Emmanuel Macron. Il est en quelques sortes, pour le Président actuel, ce que Gaston Defferre fut pour François Mitterrand.

Parce qu’il a échoué à sa réélection aux élections législatives de juin 1988 et de mars 1993, il a pu trouver un poste confortable au Conseil économique et social, en attendant mieux (qu’une place se dégageât au Sénat). Lorsque le gouvernement socialiste de Jean-Marc Ayrault a voulu limiter le cumul des mandats, Gérard Collomb y était opposé et on le comprend car selon "Libération" du 21 janvier 2014, il était, avec neuf mandats et fonctions, l’élu parmi les plus cumulards de France (le sixième plus cumulard de France !). Il a même refusé de voter cette loi au Sénat (en tant que sénateur-maire de Lyon). En 2016, sa trop grande absence au Sénat fut d’ailleurs sanctionnée par une réduction drastique de ses indemnités parlementaires. Cela fait quarante et un ans qu’il est (toujours) conseiller municipal de Lyon.

Ce 23 mai 2018, voici donc ce multi-récidiviste du cumul qui voudrait faire la leçon aux autres parlementaires !


Les trois promesses présidentielles

Parmi les principales mesures, je laisse de côté la réduction à 30% du nombre des parlementaires, déjà évoquée dans mon précédent article. J’indique seulement que le nombre de parlementaires proposé est de 404 pour l’Assemblée Nationale (au lieu de 577) et de 244 pour le Sénat (au lieu de 348). Je trouve particulièrement stupide de proposer un nombre pair. Dans une assemblée devant délibérer et prendre des décisions, il vaut mieux avoir un nombre impair pour pouvoir mieux départager et dégager une majorité absolue. J’espère donc que le nombre sera modifié au moins d’une unité.

Je laisse aussi de côté l’introduction de 15% élu au scrutin proportionnel, car j’ai déjà évoqué le danger de la proportionnelle (comme si les pays voisins n’avaient pas démontré la nocivité de l’ingouvernabilité du scrutin proportionnel, en particulier en Allemagne et en Italie, qui oblige à la constitution de majorités improbables qui n’ont jamais été voulues par le peuple). En fait, ce n’est pas 15% dont il s’agit, mais plus. Aux 61 sièges pourvus à la proportionnelle nationale (c’est-à-dire, totalement dépourvus de base territoriale et donc, hors-sol, seulement provenant des appareils des partis politiques, le pire de l’ancien monde), il faut en effet rajouter la dizaine de sièges des Français de l’étranger, ce qui veut dire que la dose est plutôt de 17% et pas 15%.

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La troisième mesure phare, déjà annoncée (comme les deux précédentes) le 4 avril 2018 et précisée ce 23 mai 2018, concerne l’interdiction du cumul dans le temps : pas plus de trois mêmes mandats successifs pour les députés, les sénateurs, les députés européens, les chefs d’un exécutif local (maires, présidents de conseil départemental, régional, d’intercommunalité) à l’exception des maires des communes de moins de 9 000 habitants et des structures correspondant à des territoires de moins de 25 000 habitants. Et l’application de cette mesure ne pouvant pas être rétroactive (pour éviter qu’elle soit invalidée par le Conseil Constitutionnel), cela s’appliquera seulement en comptant le mandat en cours comme premier mandat, ce qui signifie que pour les députés, cela ne s’appliquera pas avant juin 2032 !

L’argumentation pour limiter les mandats dans le temps est recevable : ne pas professionnaliser la vie politique (ce qui est peu intéressant ici : seuls les fonctionnaires, les professions libérales et les retraités peuvent faire de la politique, un salarié du privé ne peut se permettre de quitter son entreprise pour une vie politique qui ne pourrait jamais durer très longtemps financièrement) et renforcer le rajeunissement et la féminisation de la vie politique (on a vu qu’il n’y avait pas besoin de loi, la composition de l’Assemblée Nationale élue en juin 2017 montre que c’est la volonté politique des partis qui est déterminante).

Je reviendrai très spécifiquement sur cette mesure (au même titre que j’avais analysé précisément les deux précédentes mesures) mais je veux noter dès à présent plusieurs réflexions à ce sujet.

Cette mesure est une mesure d’affichage qui n’aura pas beaucoup de conséquence pour plusieurs raisons. Par exemple, si l’on reprend la carrière du multi-cumulard Gérard Collomb, eh bien… il n’a jamais exercé plus de trois mêmes mandats successifs, donc il n’aurait jamais été concerné par cette mesure (pour une raison simple, c’est qu’il a été un "loser" en politique, même s’il a finalement conquis et conservé la prestigieuse mairie de Lyon grâce aux divisions de ses adversaires).

L’autre raison que c’est une mesure d’affichage, c’est que si elle était appliquée aujourd’hui, elle concernerait seulement dix sénateurs ! Donc, elle n’a un effet qu’à la marge et ne révolutionnera rien, ne renouvellera qu’à peine plus que le renouvellement "naturel" de la vie politique.

Enfin, cette mesure ne sera pas appliquée aujourd’hui mais seulement dans trois mandats, c’est dire que, comme l’a fait judicieusement remarquer l’ancien ministre Claude Malhuret, président du groupe UDI-Agir au Sénat, le 23 mai 2018 sur Public-Sénat, d’ici à 2032, il y aurait encore l’occasion de plusieurs réformes des institutions par de nouvelles majorités, et donc, une majorité future pourrait toujours remettre en cause cette mesurette d’affichage.

C’est pour cette raison que les sénateurs LR et UDI, indispensables pour faire adopter dans son ensemble la réforme voulue par le gouvernement, ne font pas de cette limitation dans le temps un casus belli, car ils savent qu’elle a peu de conséquences à court et moyen termes.

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Ces trois mesures phares (réduction du nombre des parlementaires, introduction d’une dose de proportionnelle et limitation des mandats dans le temps), si elles sont maintenant officielles et formalisées, n’ont rien de surprenantes puisque déjà annoncées antérieurement.


Trois dispositions anecdotiques mais regrettables

Je souhaite terminer ici par trois autres mesures précisées par les deux nouveaux projets de loi.

1. Le projet de loi ordinaire veut habiliter le gouvernement à procéder au découpage des nouvelles circonscriptions législatives par ordonnances dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de cette loi. Même si cette méthode peut s’apparenter à un déni de démocratie, il faut admettre que les précédents découpages ont été réalisés de cette manière, tant en 1986 (sous la cohabitation) qu’en 2009. Ce n’est donc pas scandaleux que le gouvernement actuel veuille procéder de la sorte. Néanmoins, le risque est d’offrir une cartographie inédite en raison du grand contraste des territoires par rapport à leur population. Ainsi, si le projet précise bien qu’il y aura au moins un député et un sénateur par département, la réduction du nombre des parlementaires et la dose de proportionnelle aura pour conséquence qu’il y aura une trentaine de départements qui n’auront plus qu’un seul parlementaire de chaque assemblée, ce qui est  très faible par rapport à un territoire aussi vaste qu’un département (d’autant plus que les rares départements à faible superficie sont des départements très peuplés, comme en région parisienne, dans le Nord, dans le Rhône, etc.).

2. Le projet propose de renouveler intégralement le Sénat en septembre 2021 (« à titre exceptionnel »). Normalement, le Sénat est renouvelé par moitié tous les trois ans pour un mandat de six ans. Le principe du renouvellement partiel est volontaire, pour qu’il n’y ait pas de renversement brutal de majorité et pour préserver la continuité des institutions. Les derniers renouvellements ont eu lieu en septembre 2014 et en septembre 2017 et les prochaines auraient dû avoir lieu en septembre 2020 et en septembre 2023. Je ne vois pas ce qui impose un renouvellement intégral et je pense que ce ne serait pas vraiment conforme à la Constitution (le gouvernement ne peut pas dissoudre le Sénat). En renouvelant intégralement le Sénat, il ne serait plus possible de ré-organiser un renouvellement partiel, à moins de modifier la durée des mandats de chacune des deux séries de manière temporaire. Néanmoins, cette mesure ne fait pas partie d’une ligne rouge pour les sénateurs LR-UDI dans la mesure où elle n’est qu’une disposition transitoire.

3. Le projet propose qu’il y ait deux bulletins de vote lors des élections législatives, un bulletin pour élire le député de sa circonscription et un bulletin pour choisir la liste élue à la proportionnelle nationale. Ce qui est scandaleux, c’est qu’il précise qu’il n’y aura plus de profession de foi des candidats en papier envoyée au domicile de chaque électeur comme auparavant et que « les profession de foi des listes seront dématérialisées, mais resteront consultables en mairie par voie d’affichage ». Cela va pénaliser ceux qui n’ont pas accès à l’outil informatique ou qui sont éloignés de leur mairie. Il y a une différence entre faire la recherche sur un ordinateur des propositions des candidats et les recevoir passivement dans sa boîte aux lettres, passivement, certes, c’est-à-dire sans action volontaire, mais très utilement car avant de voter, beaucoup les lisent finalement, en cas d’hésitation. J’avais déjà alerté sur le sujet il y a un an et demi. La démocratie a un coût, il faut l’accepter si l’on veut appliquer l’un des principes fondateurs de notre République, l’égalité.

Maintenant que l’ensemble du projet de réforme des institutions a été finalisé, les parlementaires vont pouvoir débattre sur du concret, sur des textes, des mots, et pas de manière générale. Cette réforme n’obéit à aucune des ambitions affichées, elle n’est qu’un saupoudrage confus qui reste seulement conforme aux trois promesses faites pendant la campagne présidentielle. Elle ne révolutionnera rien (ce qui est heureux) mais risque de faire entrer des vers supplémentaires dans le fruit des institutions, en particulier la proportionnelle qui pourrait être fatale aux institutions à moyen terme (pas à court terme car la dose est faible mais rien n’empêchera une future majorité d’augmenter le "dosage" pour ses propres intérêts partisans). Au contraire de ce qui est affiché, c’est un mouvement vers le régime des partis.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (24 mai 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Réforme Macron des institutions (4) : la totalité du projet gouvernemental.
Réforme Macron des institutions (3) : réduire le Parlement ?
Réforme Macron des institutions (2) : le projet de loi constitutionnelle.
Réforme Macron des institutions (1) : les grandes lignes.
Non à la représentation proportionnelle aux élections législatives !
Non à la suppression des professions de foi !
Protégeons la Ve République !

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180523-reforme-institutions-ad.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/reforme-macron-des-institutions-4-204612

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/05/24/36429710.html



 

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21 mai 2018 1 21 /05 /mai /2018 02:39

« L’amour de la démocratie est d’abord un état d’esprit. » (Pierre Mendès France, 1962).


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Le projet de réformes des institutions n’est pas encore totalement finalisé et présenté par le gouvernement. Seul, le projet de loi constitutionnelle a été adopté par le conseil des ministres du 9 mai 2018. Deux autres projets de loi, l’un de loi organique, l’autre de loi simple, seront présentés et adoptés probablement au conseil des ministres du 23 mai 2018. Notons (et répétons-le) qu’il ne me paraît pas sain de faire ces annonces lors des semaines de ponts, parfois triple pont (8 mai, Ascension, pour le premier projet loi, lundi de Pentecôte pour les deux derniers) parce que réformer notre loi fondamentale doit se faire avec gravité et respect des citoyens, et pas entre la poire et le fromage, subrepticement, pendant que tout le monde est parti se promener pour profiter du soleil.

Dans l’attente des deux autres projets présentés dans les prochains jours, je reviens sur une mesure pas encore explicitement publiée mais déjà annoncée dans les grandes lignes par l’allocution du Premier Ministre Édouard Philippe le 4 avril 2018 : la réduction du nombre des parlementaires d’un tiers, tant pour l’Assemblée Nationale que le Sénat.

Je suis opposé à une telle mesure pour plusieurs raisons, je vais y venir. Avant tout, inquiétons-nous de l’argumentation gouvernementale. Lors d’une séance spéciale de questions au gouvernement sur la réforme des institutions, organisée le 9 mai 2018 dans l’hémicycle, la Ministre de la Justice Nicole Belloubet a montré une certaine mauvaise foi que, je l’espère, elle va abandonner lorsque la discussion parlementaire sera réellement amorcée.


Nicole Belloubet, pas si apolitique que cela…

Est-elle si peu politique qu’on voudrait le dire ? Malgré son appartenance au Parti socialiste depuis 1983, puis sa nomination au Conseil Constitutionnel en 2013 par le socialiste Jean-Pierre Bel, Nicole Belloubet faisait partie des ministres "techniques" du gouvernement (la grande majorité des ministres), et elle a même remplacé à l’improviste un ministre très politique, peut-être le plus du premier gouvernement d’Édouard Philippe, à savoir François Bayrou.

Pourtant, elle a déjà derrière elle une longue expérience d’élue locale. Elle a été élue première adjointe au maire de Toulouse, chargée de la culture, de 2008 à 2010, et première vice-présidente du conseil régional de Midi-Pyrénées, chargée de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche, de 2010 à 2013.

Mais c’est sa compétence juridique que le Président Emmanuel Macron a tenu à saluer en la nommant garde des sceaux : docteure en droit à la Sorbonne en 1990, agrégée de droit public en 1992, professeure des universités, elle a été nommée rectrice de Limoges de 1997 à 2000 puis de Toulouse de 2000 à 2005. Personnalité forte, elle a même démissionné du rectorat en 2005 pour protester contre la politique du Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin. Son baptême de feu politique, elle l’a passé lors de la grande vague de grèves dans les prisons en janvier 2018, qu’elle a su arrêter par la négociation.


Une certaine mauvaise foi ?

Enseignante chercheure à partir de 2008 à l’IEP de Toulouse, notamment professeure de droit communautaire, elle a donc une véritable autorité intellectuelle sur le droit et plus particulièrement sur le droit constitutionnel en raison de son expérience au Conseil Constitutionnel pendant trois ans.

Elle a d’ailleurs rappelé qu’il y a une dizaine d’années, elle avait travaillé sur le sujet du nombre d’élus en Europe : « Pour m’être intéressée, quand j’étais professeure de droit, au nombre d’élus locaux dans les pays de l’Union Européenne, j’avais observé qu’ils étaient beaucoup moins nombreux qu’en France. (…) Il me semble qu’il faut considérer le système électif d’un pays dans sa globalité, mais ce que j’avais constaté il y a une dizaine d’années n’est peut-être plus vrai. ».

Avec cette fausse modestie et ses qualifications pour faire de ce qu’elle dit des arguments d’autorité, Nicole Belloubet, l’air de rien, s’est un peu moquée des députés qui l’avaient interrogée ce 9 mai 2018. Elle a utilisé plusieurs fois cet argument d’une surreprésentation globale des élus en France, en citant le nombre de 500 000 élus, ce qui est vrai, peut-être même est-ce supérieur.

Mais c’est complètement hors sujet pour ce qui concerne le nombre des parlementaires. Dans leur grande majorité, ces 500 000 élus évoqués ici sont des élus municipaux, et pour 98% d’entre eux, des conseillers municipaux qui ne reçoivent aucune indemnité, qui remplissent leurs fonctions bénévolement et souvent avec la foi du service aux autres parfois malmenée par justement cette démagogie anti-élus. Le grand nombre ne provient que d’un trop grand nombre de communes (36 000, ce qui correspond à peu près au nombre de communes dans tous les autres pays européens). Cela n’a rien à voir à une surreprésentation élective, mais à une "surnumération" des communes, si je puis m’exprimer ainsi.

Ainsi, Nicole Belloubet a utilisé cet argument, ce seul argument, de nombreuses fois : « Comme je l’ai dit précédemment, la France compte plus de 500 000 élus locaux ; on ne peut pas dire que les Français sont sous-représentés. ».

Elle préférait comparer le nombre d’élus nationaux des États-Unis au nombre d’élus locaux en France, ce qui est intellectuellement un peu bancal : « Je pourrais vous renvoyer au nombre de sénateurs américains, qui sont 100 pour une population plus importante que la nôtre. Il y a, certes, des niveaux différents de représentation. Il faut préciser que la France compte un nombre très élevé d’élus : plus de 500 000 élus locaux. ». Ce qui est assez malhonnête intellectuellement de sa part (elle qui connaît très bien les choses-là, par son métier) puisque les États-Unis, comme du reste l’Allemagne, est un pays à structure fédérale et donc les élus nationaux ont des prérogatives nettement moindres qu’un pays hypercentralisé comme la France.


La rouspétance des députés

Nicole Belloubet répondait ainsi à la député FI Clémentine Autain, très opposée à la mesure de réduction : « Un député représente aujourd’hui jusqu’à 116 000 habitants. Mais, si votre contre-réforme est adoptée, il en représenterait 195 000. La France deviendrait alors l’un des pays les moins pourvus en parlementaires en Europe, et cela affecterait évidemment le travail parlementaire : comment concilier présence en commission et en séance, y compris la nuit, travail parlementaire et travail de terrain, qui nous permet d’être au plus près de la population ? Cette équation est déjà difficile, et deviendra, demain, quasiment impossible. Le pouvoir sera donc donné à la technocratie et aux collaborateurs, et non à des élus devant rendre directement des comptes à la population. Une telle réforme devrait relever d’un grand débat public. Diminuer le nombre de parlementaires, c’est diminuer le nombre de personnes élues pour élaborer les lois. ».

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En évoquant « la défiance de l’exécutif à l’égard du Parlement », la députée radicale Sylvia Pinel (ancienne ministre) a rappelé les représentativités électives en Europe : « En comparant le nombre de nos députés à celui de nos amis européens, force est de constater qu’il n’est pas aussi choquant que vous le laissez croire. Le Danemark compte un député pour 31 000 habitants ; le Royaume-Uni comme l’Italie un député pour 95 000 habitants ; la France se situe au même niveau que l’Allemagne. ».

C’était aussi le sens de mes remarques quand j’ai présenté les résultats de certaines élections législatives en Europe, notamment en Allemagne, au Royaume-Uni et en Italie.

Le député communiste Sébastien Jumel (ancien maire de Dieppe) a aussi contesté cette réforme : « La diminution du nombre des parlementaires correspond (…) à votre volonté de satisfaire une lubie présidentielle. Il s’agira d’une réduction sans fondement, sinon celui de distiller un sentiment de défiance à l’égard des parlementaires et de la démocratie représentative. Vous oubliez au passage de préciser que la France va être rétrogradée au regard des standards européens dans sa capacité à représenter le peuple dans de bonnes proportions dans ses institutions. (…) Vous allez remplacer les députés de circonscriptions XXL par des collaborateurs. Ce ne seront plus les représentants du peuple qui décideront, mais des technocrates, des collaborateurs salariés, d’autant plus que votre gouvernement envisage, ce que personne ne dit, d’externaliser l’expertise du Parlement et même de la privatiser, privant ainsi les assemblées de leur capacité à établir des diagnostics dans la neutralité. ».

Le député LR Sébastien Leclerc a apporté aussi un autre contre-argument, celui de l’étendue des territoires électoraux : « Après avoir mis le conseil départemental à 30 kilomètres de ses administrés [avec la fusion de deux cantons en un pour assurer la parité homme femme] et le président d’intercommunalité à parfois plus de 60 kilomètres, vous envisagez de mettre le député à 200 kilomètres. La réduction du nombre de circonscriptions, de 577 aujourd’hui à environ 340 demain, aura bien pour conséquence de rendre le territoire à représenter beaucoup plus vaste pour le député, au détriment de la proximité, si bien qu’il aura besoin de plus de temps pour répondre aux diverses sollicitations et aura moins de disponibilité pour légiférer et contrôler l’action du gouvernement. ».

Si j’ai mis ces quelques citations de parlementaires, c’était pour présenter la tournure des arguments employés à propos de cette question. Il apparaît ainsi que les arguments contre sont très nombreux et que les arguments pour sont quasiment inexistants.


Reprenons d’abord l’historique de cette proposition.

La réduction du nombre de parlementaires était dans le programme de campagne du candidat Emmanuel Macron et sa volonté de faire ce qu’il a dit lui donne évidemment d’autant plus de force qu’il a été élu. L’un des arguments en faveur de la mesure, un argument qui n’a rien à voir au fond, c’est qu’Emmanuel Macron n’était pas le seul à avoir soutenu une telle proposition. Ainsi, le candidat François Fillon, lui aussi, a promis la réduction du nombre de parlementaires pendant la campagne de 2017, et il se disait également que le Président François Hollande, s’il avait eu les coudées franches pour une réforme des institutions, l’aurait également soutenue.

Mais la mesure de date pas de la campagne présidentielle de 2017. Le premier responsable politique de poids à avoir soutenu une telle idée fut… François Bayrou, lorsqu’il était candidat à l’élection présidentielle, lors d’une présentation de ses vues institutionnelles à la Maison de la Chimie le 25 février 2012. Mais cette réduction du nombre de parlementaires (qu’il envisageait de faire approuver par référendum en début de quinquennat) s’accompagnait d’une réduction constitutionnelle du nombre de ministres ! L’exécutif à la même enseigne que le législatif, ce qui n’est pas du tout le cas de l’actuel projet.


Démagogie antiparlementaire

En fait, il faut bien l’avouer, cette mesure de la réduction du nombre de parlementaires est une mesure éminemment démagogique. Une tarte à la crème. Ceux qui y ont eu recours furent ceux qui voulaient se distinguer du lot, se différencier et faire un bon "coup" politique afin d’atteindre de nouveaux électeurs. Le populisme flirte toujours sur l’antiparlementarisme, en laissant croire que les parlementaires seraient inutiles et paresseux, toujours absents et jamais à l’écoute.

En fait, c’est tout le contraire. Les citoyens qui connaissent leur député peuvent comprendre leur emploi du temps dément. Il faut être en commission pour élaborer la loi, pour auditionner des ministres ou des responsables de forces vives, dans l’hémicycle pour débattre, proposer des amendements, voter un texte, et dans leur circonscription pour écouter les doléances de leurs électeurs, en général, logement et emploi, puis subvention pour leur association. Alors, oui, parfois, il y a des bancs vides, mais c’est rarement par paresse, c’est par impossibilité de se dédoubler (tout le monde n’a pas la possibilité de s’hologrammer).

D’ailleurs, l’une des raisons de l’absence du parlementaire a été supprimée à partir de 2017, à savoir l’interdiction du cumul des mandats. L’autre cause, pas supprimée, c’est lorsqu’on cumule avec la fonction de chef de parti. Ainsi, François Hollande a très rarement mis les pieds au Palais-Bourbon entre 1997 et 2008, trop occupé à régenter ou plutôt, synthétiser rue de Solferino, à la tête du PS.

À part ces cas très particuliers de chefs de parti (Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan, Pierre Laurent, Olivier Faure, etc.), le parlementaire est désormais parlementaire à 100% de son temps. Cela ne leur empêche pas un agenda très chargé, car à côté de leur rôle de base, il y a aussi beaucoup de fonctions annexes dans de nombreux organismes qui sont représentés également par un ou plusieurs parlementaires dans leur conseil d’administration (entre autres, la CNIL).

Et quel intérêt y aurait-il à paresser ? À être absents de leur circonscription, ils ne seraient pas réélus à la fin de leur mandat. À être absents de Paris, ils n’auraient rien à dire à leurs électeurs, ni défense de leurs territoires, ni moyens de montrer leur utilité auprès d’eux.


Faire des économies ?

Si la mesure de réduction du nombre des parlementaires est à la fois populiste et populaire, c’est parce que les gens imaginent que cela leur coûtera moins, "leur" à prendre dans le sens des contribuables. Et c’est là, bien évidemment, qu’il y a un malentendu.

On a pu s’en apercevoir avec la réduction du nombre des régions. La principale raison de ce caprice présidentiel de 2014, c’était de faire des économies. En fait d’économies, il y a eu des coûts supplémentaires, celui des déplacements, des notes de frais, des aménagements de bâtiments trop exigus, etc. Il n’y a pas eu un seul budget des indemnités des élus régionaux qui a été réduit avec cette réforme ! Seule, la réforme de Nicolas Sarkozy (morte-née à cause du changement de majorité) aurait pu faire de substantielles économies, en faisant fusionner les fonctions de conseillers régionaux et de conseillers départementaux, et donc, en réduisant le nombre d’élus sans réduire le nombre de sièges (cette réforme présentait cependant quelques inconvénients institutionnels, mais ce n’est pas le sujet ici).

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Revenons aux parlementaires. Ce n’est même pas la peine de "supputer", la majorité et le gouvernement ont même clairement annoncé l’idée qu’il n’y aurait aucune réduction des frais des parlementaires avec la réforme prévue. Richard Ferrand, le président du groupe LREM à l’Assemblée Nationale, l’a énoncé ainsi le 9 mai 2018 : « Sont à venir trois engagements cardinaux, pris en 2017 devant notre peuple : la réduction de 30% du nombre des parlementaires, à moyens constants, pour plus d’efficacité de leur mission… ». "À moyens constants", donc, pas d’économies !

La Ministre de la Justice Nicole Belloubet a elle-même confirmé : « Si une diminution de parlementaires est bien prévue, celle-ci se fera à moyens constants. ». Donc, le contribuable ne gagnerait rien avec cette réforme. Elle n’aurait donc aucune raison d’être populaire.

Si l’on veut vraiment une mesure symbolique qui fera baisser le coût aux contribuables, supprimons le Conseil économique, social et environnemental (CESE) au lieu de vouloir le transformer en une nouvelle chambre tout aussi inutile que l’ancienne.


Une augmentation de la technocratie au détriment du peuple

Cette affirmation des "moyens constants" a une raison qui est très respectable : l’idée est que le député actuellement n’a pas assez de moyens pour pousser à fond son rôle de député, c’est-à-dire d’une part, d’élaborateur de la loi, d’autre part, de contrôleur du gouvernement.

Cette idée est peut-être intéressante et peu éloignée de la réalité même si les réalités, on l’a vu avec l’affaire Fillon, sont parfois très diversifiées (elles le sont désormais moins avec l’interdiction du cumul des mandats : un chef d’exécutif local avait déjà son personnel pour ses tâches de secrétariat, agenda, assistance, relations publiques, etc.), mais elle aurait eu vraiment un sens si elle se faisait à nombre de parlementaires constant. C’est-à-dire, à budget croissant pour augmenter les moyens des parlementaires.

Or, en réduisant parallèlement le nombre des parlementaires, on en arrive à ce que plusieurs députés ont déjà compris : on remplace purement et simplement un élu du peuple, sanctionnable à chaque renouvellement de mandat et donc responsable politiquement, par des collaborateurs parlementaires nommés de manière (heureusement) arbitraire, sans légitimité populaire. En clair, on remplace le peuple par la technocratie.

Si l’on veut vraiment prendre des mesures favorables au peuple, demandons-lui si, à budget constant (c’est-à-dire, sans incidence pour son porte-monnaie de contribuable), il préfère 300 députés et 2 500 collaborateurs de député ou 500 députés et 1 500 collaborateurs de député. Dans le premier cas, le peuple serait moins bien représenté que dans le second cas, puisque seulement 300 députés au lieu de 500 pour une population constante.

Cela aura deux conséquences.


La représentation de la population

Première conséquence, un député après une telle réduction représentera plus d’habitants qu’auparavant (environ 200 000 habitants au lieu de 110 000 grosso modo). Cela signifie que son temps de gestion de sa base électorale sera quasiment doublée (temps de permanence dans les communes de sa circonscription, nombre de sollicitations et d’interventions pour un emploi, un logement, etc.).

Or, ce temps-là, il faudra bien qu’il soit utilisé par les collaborateurs supplémentaires. Si bien que ce surplus de moyens ne servira donc pas le parlementaire pour augmenter son travail législatif et de contrôle. C’est un peu logique dans le cadre d’une conservation de moyens : rien ne se perd, ni ne se crée, tout se transforme. C’est le premier principe de thermodynamique. Il n’y a donc aucune raison pour que, globalement, le travail des parlementaires soit plus dense et plus massif qu’actuellement. Ce sera même pire.


La représentation des territoires

Seconde conséquence, un député après réforme voulue représentera un territoire beaucoup plus vaste qu’auparavant, et cela en raison de deux phénomènes voulus par la réforme des institutions : la réduction du nombre des parlementaires et l’introduction d’une dose de proportionnelle.

Je laisse de côté les députés élus par la proportionnelle nationale (c’est un autre sujet, voir ici), qui, eux, ne représenteront personne sinon l’appareil de leur propre parti, rien de démocratique à cela.

Les députés élus dans leur circonscription verront leur circonscription s’étendre énormément, jusqu’à doubler ou tripler de superficie. Or, un député doit forcément être présent sur le terrain, ce qui nécessitera de nombreux déplacements et beaucoup de temps supplémentaire qu’il ne pourra pas occuper à ses fonctions à Paris.

Cela aura pour conséquence une moindre présence des députés auprès de leurs électeurs, et donc, un accroissement de la distance entre élus et administrés alors que justement, l’objectif doit être de renforcer la proximité.


Réduire le rôle et le pouvoir des parlementaires

L’objectif du gouvernement serait de donner plus de pouvoir aux parlementaires. Pourtant, la réforme qu’il propose tendrait à faire le contraire, réduire leur pouvoir, et accroître le pouvoir de l’exécutif, d’autant plus que certaines mesures présentées pourraient remettre en cause partiellement le droit d’amendement.

Il est utile de reprendre l’historique du nombre de parlementaires. À l’origine, plus il y avait de parlementaires, plus le Parlement était fort face à l’exécutif et en particulier au roi. L’exécutif ne peut pas corrompre tout le monde, plus il y a de parlementaires, moins il est possible de corrompre tous les parlementaires.

La réforme, qui propose également d’empêcher l’existence de parlementaires chevronnés, c’est-à-dire, qui, au bout de nombreux mandats, connaissent excellemment bien la procédure parlementaire et savent affronter le gouvernement avec des armes relativement équivalentes, va forcément amoindrir le rôle du Parlement.

D’un côté, un pouvoir exécutif aidé d’une technostructure très organisée et très expérimentée (l’une des meilleures du monde), de l’autre côté, un Parlement avec peu de parlementaires, souvent sans expérience ou avec une faible expérience, sans moyens véritables pour contrôler l’action du gouvernement, cela ne peut pas aboutir, à l’évidence, à un renforcement du pouvoir législatif.


Méfions-nous des fausses bonnes idées

Les fausses bonnes idées sont comme les faux amis. On les connaît mais le réflexe veut qu’on tombe dans le piège. La proposition de réduction du nombre de parlementaires, sauf à revenir à la situation d’avant 1985 (François Mitterrand, grand manœuvrier, avait augmenté inutilement de 86 le nombre de députés), ne me paraît pas être en capacité à relever le défi ambitieux lancé par le gouvernement lui-même : redonner le pouvoir au peuple, lui redonner confiance en sa classe politique, en ses élus.

La comparaison facile avec nos voisins européens montrent qu’il n’y a aucune justification convaincante en faveur de cette proposition, si ce n’est une promesse de campagne, mais, en renonçant à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, le Président Emmanuel Macron n’a-t-il pas déjà tourné le dos à certaines promesses quand l’intérêt national l’imposait ?

Aux parlementaires aussi de faire preuve de responsabilité pendant les débats parlementaires qui s’annoncent : il ne faut pas qu’ils se retrouvent dans la position de simples défenseurs du syndicat des élus, mais comme des représentants de l’intérêt du peuple. Or, l’intérêt du peuple, c’est d’avoir un Parlement fort capable d’équilibrer un pouvoir exécutif dont la force reste nécessaire pour rendre la France gouvernable. C’est ce subtil équilibre qui est tout l’enjeu de cette réforme des institutions.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 mai 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Réforme Macron des institutions (3) : réduire le Parlement ?
Réforme Macron des institutions (2) : le projet de loi constitutionnelle.
Réforme Macron des institutions (1) : les grandes lignes.
Non à la représentation proportionnelle aux élections législatives !
Protégeons la Ve République !

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180517-reforme-institutions-ac.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/reforme-macron-des-institutions-3-204543

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/05/22/36423501.html



 

 

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11 mai 2018 5 11 /05 /mai /2018 04:25

« L’objectif de cette révision constitutionnelle (…) est de respecter les équilibres de notre démocratie et notre Ve République, que nous ne voulons pas transformer : il ne s’agit pas de revenir à la IVe République ni de construire une hypothétique VIe République, mais, à bien des égards, de revenir aux fondamentaux de la Ve République. [Exclamations sur les bancs du groupe LR] » (Édouard Philippe, lors de la séance aux questions au gouvernement, le 9 mai 2018 à l’Assemblée Nationale).


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Les exclamations du groupe LR (Les Républicains) paraissent bien légitimes : moi non, je ne vois pas en quoi la réforme des institutions proposée par le gouvernement va contribuer à « revenir aux fondamentaux de la Ve République ». Venons-en à une partie de son contenu.

Comme je l’avais évoqué le mois dernier, la réforme des institutions se poursuit, et elle se poursuit dans les pires conditions. Le projet de loi constitutionnelle sur la réforme des institutions a été présenté et adopté au conseil des ministres du mercredi 9 mai 2018, coincé entre deux jours fériés (le 8 mai et le jeudi de l’Ascension), dans une semaine à trois ponts. On voudrait faire plus discret qu’on n’y arriverait pas. Le gouvernement peut toujours répondre qu’il faut bien gouverner et que quelques jours fériés ne vont pas faire renoncer ni retarder, certes, mais réformer les institutions, à savoir la règle du jeu politique, la loi fondamentale qui unit tous les citoyens, aurait mérité un peu plus d’attention médiatique et un peu plus de considération à l’adresse des citoyens.


Méthodologie

Rappelons la procédure adoptée par le gouvernement. La réforme des institutions se fera en un "package" de trois textes : un projet de loi constitutionnelle pour réviser la Constitution, qui nécessite l’adoption par les deux assemblées en termes identiques et l’adoption par le Congrès (les deux assemblées) avec une majorité des trois cinquièmes ou éventuellement, par référendum (seulement après l’adoption après les deux assemblées), un projet de loi organique et un projet de loi simple, qui nécessitent l’adoption par la seule Assemblée Nationale (même en cas de désaccord du Sénat sauf, pour le projet de loi organique, les dispositions qui concernent le Sénat, à savoir le nombre de sénateurs et la limitation des mandats de sénateurs).

Cette triple procédure est nécessaire pour atteindre les objectifs fixés par le Président Emmanuel Macron. Néanmoins, l’ordre est important. Les deux autres textes seront présentés au conseil des ministres du 23 mai 2018, et il est confirmé que c’est le projet de loi constitutionnelle qui sera discuté au Parlement en priorité.

Pour que la révision constitutionnelle puisse aboutir à une adoption, le gouvernement LREM-MoDem aura nécessairement besoin de l’appui des sénateurs UDI et LR sans lesquels le Sénat rejetterait la réforme des institutions. Or, c’est le projet d’introduction du scrutin proportionnel qui est la première pierre d’achoppement entre LR et le gouvernement. Ce scrutin proportionnel pourrait être adopté sans l’appui du Sénat puisqu’il ne nécessite qu’une loi organique sans concerner le Sénat. Donc, il y a risque, si ce projet de loi sur le mode de scrutin est discuté après la révision constitutionnelle, qu’un accord éventuel sur l’ensemble des trois textes puisse être modifié en dernière phase par des "ultras" du scrutin proportionnel (par exemple, par les alliés du MoDem). Le projet de loi simple concerne le découpage des circonscriptions électorales qui serait rendu nécessaire en cas d’adoption de la réduction du nombre des députés et d’une dose de proportionnelle.

Le projet de loi organique concerne le mode de scrutin de l’élection des députés, la réduction du nombre des parlementaires et la limitation dans le temps des mandats parlementaires. Ce projet pose problème aux sénateurs LR et ces derniers ont les moyens de peser sur le gouvernement. C’est le principal levier de négociation de LR.

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Venons-en maintenant au projet de loi constitutionnelle adopté par le conseil des ministres du 9 mai 2018. Une séance spéciale de questions au gouvernement consacrée à cette réforme des institutions a eu lieu quelques heures plus tard, ce mercredi 9 mai 2018 à 16 heures, au Palais-Bourbon, en présence de la Ministre  de la Justice Nicole Belloubet.


1. Incompatibilité des ministres

Le projet propose d’interdire le cumul des fonctions de ministre avec d’autres fonctions exécutives ou de président d’assemblée délibérante dans les collectivités territoriales ainsi que dans les groupements ou personnes morales qui en dépendent. La dernière précision est importante puisque l’interdiction de cumul permettait à un ancien maire de rester quand même président de l’intercommunalité associée à la ville dont il était le maire. Ce ne sera plus possible.

Mon avis : Cela permet de constitutionnaliser la "jurisprudence Jospin" qui avait fait, dans la pratique, ce que le droit autorisait encore. Les successeurs ont appliqué aussi cette jurisprudence, mais plus ou moins rigoureusement, laissant par exemple Nicolas Sarkozy revenir au Ministère de l’Intérieur, en juin 2005, tout en gardant la présidence du conseil général des Hauts-de-Seine (tout comme il avait cumulé ainsi en devenant Ministre de l’Économie et des Finances en avril 2004). Un ministre doit être à plein temps à son ministère et ne pas s’occuper de ses affaires électorales. Cela paraît sage.


2. Procès des ministres

Le projet supprime la Cour de justice de la République (composée de parlementaires ; dans le cadre de la séparation des pouvoirs, seuls, des parlementaires peuvent juger des ministres) et donne à la cour d’appel de Paris (la cour la plus prestigieuse) le mandat de juger les ministres pour les crimes et délits commis dans l’exercice de leurs fonctions. Avec cette précision qui pourrait avoir toute son importance : « La responsabilité pénale des ministres ne pourra être mise en cause en raison de leur inaction que lorsque celle-ci résulte d’un choix qui leur est directement et personnellement imputable. ».

Mon avis : Là encore, la mesure est sage car elle tend à rendre ordinaire le jugement des ministres, et éviter de faire penser qu’ils puissent être "couverts" par leurs pairs politiques. La dernière précision mériterait sans doute plus de développement pour imaginer ses conséquences. Par exemple, qu’en aurait-il été avec l’affaire du sang contaminé pour Laurent Fabius ?


3. Suppression des cavaliers

Le projet « prévoit que les amendements, parlementaires ou gouvernementaux, de nature réglementaire, non normatifs ou sans lien avec le texte discuté, les cavaliers, seront déclarés systématiquement irrecevables, sans attendre que le Conseil Constitutionnel les écarte in fine ».

Mon avis : Faut-il vraiment toucher au droit d’amendement en général, au risque d’inquiéter les parlementaires eux-mêmes ? Dans le passé, beaucoup de ministres ou de députés ont voulu faire passer une "petite" mesure qui leur tenait à cœur, qui pouvait d’ailleurs avoir des conséquences très importantes, de manière inaperçue au cours de la discussion d’un texte qui n’avait pas grand-chose à voir. Souvent, le Conseil Constitutionnel les invalidait, mais à condition qu’il fût saisi. L’objectif du gouvernement est que la suppression d’office de ce tour de passe-passe parlementaire permettra aux parlementaires de mieux s’investir dans la discussion des amendements qui sont recevables. L’opposition craint que son droit d’amendement soit ainsi réduit.


4. Accélération de la procédure

Le projet propose que « le gouvernement pourra mener plus rapidement les réformes qu’il juge prioritaires, dans les domaines économiques, sociaux ou environnementaux, sauf opposition des conférences des présidents des présidents des deux assemblées ».

Mon avis : Je me méfie toujours d’une nouvelle procédure accélérée pour construire la loi. La loi a besoin de mûrir dans la réflexion, de se rédiger de manière solide et pertinente et jamais d’être adoptée dans l’instant, dans l’émotion, sur un événement. L’argumentaire du gouvernement peut d’ailleurs inquiéter : « pour répondre aux attentes des citoyens ». Mais qui donc décide ce que sont les "attentes des citoyens" ? À part les sondages ? Et ces attentes sont versatiles. Je suis plutôt opposé à cette mesure, dans la mesure où le gouvernement actuel a prouvé qu’il était capable, avec la loi Travail, de faire rapidement des réformes. Il a suffisamment d’outils à sa disposition, les ordonnances et le 49 alinéa 3, plus la procédure accélérée déjà actuellement possible, pour ne pas avoir à en rajouter une nouvelle qui permettrait de faire des ordonnances sans le dire comme, dans le domaine de la sécurité, de faire l’état d’urgence sans le proclamer.


5. Calendrier parlementaire

Le projet propose de réduire la durée des discussions pour les lois de finances et de financement de la sécurité sociale en automne et de prolonger la durée des discussions consacrées au contrôle et à l’évaluation de l’exécution du budget, ce qu’il appelle le "printemps de l’évaluation".

Mon avis : La mesure est intéressante car la fonction "contrôle et évaluation" du Parlement français n’est pas assez consolidée. J’aurais aimé aussi que soit donnée à l’opposition la possibilité de créer des commissions d’enquête parlementaire, même si la majorité le refuse. C’est le meilleur moyen de renforcer le contrôle des parlementaires sur l’action du gouvernement.


6. Composition du Conseil Constitutionnel

Le projet supprime la disposition aux termes de laquelle les anciens Présidents de la République sont membres de droit du Conseil Constitutionnel.

Mon avis : Cette réforme, voulue notamment par Jean-Louis Debré, semblerait d’autant plus pertinente que les anciens Présidents sont (assez) "jeunes" et capables d’agir encore politiquement. Néanmoins, j’émets une certaine réserve dans la mesure où l’expérience institutionnelle des anciens Présidents de la République pouvait apporter une vision essentielle au cours des discussions au sein du Conseil.


7. Saisine du Conseil Constitutionnel

Dans la perspective d’une réduction de 30% du nombre des parlementaires, la saisine du Conseil Constitutionnel prévue par au moins 60 députés ou sénateurs (réforme de Valéry Giscard d’Estaing) passera par au moins 40 députés ou sénateurs.

Mon avis : Mesure qui est la conséquence d’un autre texte (pas encore présenté) mais cette mesure pourrait rester pertinente même en cas de non réduction du nombre des parlementaires, car cela donne plus de poids à l’opposition, ce qui est toujours utile dans une démocratie parlementaire.


8. Indépendance du parquet

Le projet propose que les membres du parquet soient nommés sur "avis conforme" et plus sur "avis simple" de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature. Cela signifie que l’avis devient contraignant.

Mon avis : Je suis opposé à cette mesure, malgré sa popularité. Si les magistrats du siège doivent effectivement être totalement indépendants (notamment pour enquêter sur l’action des proches du pouvoir), je considère que les membres du parquet sont les acteurs de la politique du gouvernement et donc, que le gouvernement doit pouvoir garder un minimum de marge d’appréciation dans les nominations. Par ailleurs, la réalité de l’indépendance, telle que proposée, résidera dans la composition du Conseil supérieur de la magistrature, qui a moins de légitimité que les représentants du peuple.


9. Action contre les changements climatiques

Le projet rajoute une matière à légiférer, sur les textes relatifs à l’action contre les changements climatiques.

Mon avis : Mesure sympathique et moderne qui a une valeur symbolique qui pourrait faire plaisir aux écologistes (s’ils existaient encore).


10. Transformation du Conseil économique, social et environnemental (CESE)

Le projet prévoit de transformer cette (lourde et inutile) instance en "Chambre de la société civile".

Mon avis : Je suis opposé à cette mesure qui ne va pas assez loin. C’est aux deux assemblées du Parlement d’être ouvertes aux citoyens, ce qui est déjà le cas depuis quelques années en permettant au peuple de contribuer sur les textes législatifs. Le CESE nouvelle version sera aussi inutile que l’ancienne version, et tout porte à croire qu’on ferait de meilleures économies budgétaires en supprimant purement et simplement cette instance qu’en réduisant de manière très démagogique le nombre des parlementaires (mesure qui, elle, ne ferait pas plus d’économies que de réduire le nombre de régions).


11. Le pacte girondin

En évoquant le "pacte girondin" qui permettrait un « droit de différenciation entre collectivités territoriales », le projet tend à insérer dans la Constitution la spécificité de la Corse à l’article 72-5, en précisant quand même « dans le respect du principe de l’indivisibilité de la République ». Ainsi : « Il ouvre aussi les possibilités d’adaptation nouvelles des lois et règlements. Enfin, les départements et régions d’outre-mer pourront aussi bénéficier d’un propre régime de différenciation des normes, grâce à une procédure plus simple. ». Par "différenciation des normes", il faut penser "franchises locales".

Mon avis : Je suis plutôt opposé à cette mesure qui a une valeur symbolique très forte, qui va inutilement catalyser les polémiques et qui n’aura aucune conséquence politique sur les autonomistes corses. Le risque est d’aller dans un délitement de la République par le biais des "différenciations" dont la nature reste beaucoup trop floue dans l’état actuel du projet.


Étapes suivantes

Le Premier Ministre Édouard Philippe a déclaré le 9 mai 2018 au Palais-Bourbon : « L’objectif est que l’Assemblée Nationale ait pu discuter avant la pause estivale du dispositif de révision constitutionnelle tel qu’il a été présenté ce matin en conseil des ministres. ».

Le jeune député Maxime Minot (LR) a aussi déclaré le 9 mai 2018, à l’adresse du gouvernement : « Le temps parlementaire ne peut ni ne doit être le temps politique, et encore moins le temps médiatique. Alors que Nicolas Sarkozy, en 2008, avait mis en place dans la plus grande clarté le comité Balladur et pris le temps de la concertation, vous imposez un texte venu du ciel macronien sans en préciser ni le calendrier ni les modalités réelles, sacrifiant à un exercice de communication qui n’est pas à la hauteur des enjeux. ».

Ce qui fait défaut, dans ce projet constitutionnel, c’est une cohérence, un fil directeur sur des objectifs précis concernant le renforcement de la démocratie. Tout semble plutôt guider le gouvernement dans une voie pour renforcer le pouvoir exécutif au détriment des élus parlementaires. Je reviendrai bien sûr sur les autres mesures qui n’ont pas encore été précisées, comme la réduction du nombre des parlementaires.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (11 mai 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Réforme Macron des institutions (2) : le projet de loi constitutionnelle.
Réforme Macron des institutions (1) : les grandes lignes.
Non à la représentation proportionnelle aux élections législatives !
Protégeons la Ve République !

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180509-reforme-institutions-ab.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/reforme-macron-des-institutions-2-204225

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/05/12/36395421.html




 

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5 avril 2018 4 05 /04 /avril /2018 03:48

« L’avenir, fantôme aux mains vides,
Qui promet tout et qui n’a rien. »
(Victor Hugo, 1837).



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Voici une nouvelle réforme amorcée. Elle a été annoncée un peu dans l’indifférence des chaînes d’information continue qui préféraient disserter sur la grève de la SNCF et le mécontentement des usagers. Le gouvernement ne craint pas l’overdose et aime combattre sur tous les fronts.

Dans une conférence de presse à Matignon, le Premier Ministre Édouard Philippe a présenté, ce mercredi 4 avril 2018 à 17 heures, les différents volets de la réforme des institutions voulue le 3 juillet 2017 par le Président de la République Emmanuel Macron. Comme je l’avais écrit il y a peu, chaque Président de la République, une fois élu, a l’irrésistible tentation de changer les règles du jeu institutionnel. On pourra lire le texte intégral de l’allocution ici.

Avant de poursuivre, je veux préciser ici mon mode d’emploi sur ce sujet. Comme lors de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 voulue par le Président Nicolas Sarkozy, j’interviendrai régulièrement pour donner l’évolution en cours de cette réforme des institutions. Je ne prétends pas à l’objectivité, mais seulement à la rigueur. J’espère pouvoir présenter le plus précisément et exactement possible ce dossier, mais je souhaite aussi y apporter mon grain de sel, mes remarques personnelles, mon opinion sur certaines mesures et je me donne même le droit d’y apporter mon aigreur ! Mon avis ne reste que mon avis, mais c’est le principe de la démocratie qui tient compte de l’avis de chacun au moment des élections. Mon avis n’est donc pas plus important qu’un autre, mais pas moins non plus. Et j’essaie de le formuler le plus argumenté possible.

Le vendredi 30 mars 2018, le Président de la République Emmanuel Macron avait reçu à l’Élysée le Président du Sénat Gérard Larcher et le Président de l’Assemblée Nationale François de Rugy en présence du Premier Ministre Édouard Philippe, pour tenter d’adopter une "stratégie" commune pour cette réforme : « Nous avons pu, ensemble, construire les bases d’un accord possible. ».  Auparavant, Emmanuel Macron avait reçu l’ensemble des groupes parlementaires à ce sujet. Pour autant, y aurait-il un deal entre Emmanuel Macron et Gérard Larcher ? Pas sûr, car Gérard Larcher a signé dès le soir du 4 avril 2018 une tribune pour s'opposer à cette réforme, insistant beaucoup sur la défense des territoires et de leur représentation.

D’après l’interview d’Édouard Philippe à la matinale de France Inter ce jeudi 5 avril 2018, il semblerait admis que le gouvernement ne court-circuiterait pas les parlementaires par référendum. On imagine les raisons politiques : la grève de la SNCF depuis le 3 avril 2018, bien suivie (environ 30 à 34%), et le ras-le-bol des usagers-citoyens-électeurs pourraient en rendre très incertains les résultats, voire  les rendre explosifs.

Mais de toute façon, le référendum était un plan B en cas de difficulté à réunir une majorité des trois cinquièmes des parlementaires en vue d’adopter la révision constitutionnelle, mais il n’exonère pas la condition constitutionnelle pour organiser un référendum sur une révision constitutionnelle : faire adopter le projet de loi par les deux assemblées en termes identiques, or, le gouvernement est loin d’avoir acquis la majorité sénatoriale sur ce sujet. Donc, le référendum ne permettrait pas de contourner le verrou du Sénat et il serait politiquement très risqué au moment où la bataille de l’opinion se cristallise sur la réforme de la SCNF.

Avant de préciser les mesures proposées par le gouvernement, parlons de la procédure et du calendrier proposés. Édouard Philippe a indiqué que trois projets de loi seraient soumis au conseil des ministres du mercredi 9 mai 2018 (en pleine semaine du "double pont" ! encore un moyen de faire des réformes en passant inaperçus) : un projet de loi constitutionnelle, un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire. Le projet de loi constitutionnelle serait soumis au Conseil d’État dès ce jeudi 5 avril 2018 et les deux autres projets la semaine prochaine. L’objectif du gouvernement est de faire une première lecture parlementaire avant la pause estivale de 2018 et de finaliser l’adoption définitive en 2019 (l’automne est plutôt réservé à la préparation de la loi de finances).

Une remarque d’ordre général : à part les mesures sur le nombre de parlementaires, le cumul dans le temps, et le mode de scrutin, les mesures proposées sont hétéroclites et ne permettent pas de comprendre l’objectif général de cette réforme. Édouard Philippe n’invoque que la très imprécise "ambition" : « Nous souhaitons aujourd’hui porter une nouvelle ambition. ». S’il reste rassurant qu’il veuille « bien entendu [préserver] » la « philosophie d’ensemble » de notre Constitution (« Car il ne s’agit ni de revenir à la IVe République, ni de passer à la VI e . »), je reste plutôt inquiet des risques majeurs de changer le mode de scrutin et du retour, justement, de la IVe République.

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Rappelons que le gouvernement, qui bénéficie d’une large majorité à l’Assemblée Nationale, a les moyens de faire adopter le projet de loi ordinaire (c'est-à-dire le nouveau mode de scrutin) sans négocier avec aucun autre groupe parlementaire. En revanche, il a besoin des sénateurs LR (majoritaires au Sénat) pour faire adopter son projet de loi constitutionnelle ainsi que son projet de loi organique (réduction du nombre de parlementaires, limitation des mandats dans le temps). Les lois organiques doivent être adoptées en termes identiques pour les deux assemblées.


1. Contenu du projet de loi constitutionnelle

1.1. Le Conseil supérieur de la magistrature

Il est prévu un « renforcement [de ses] pouvoirs » pour la nomination des magistrats du parquet et de son pouvoir disciplinaire.

Mon avis : autant je trouve pertinent de rendre indépendants les magistrats du siège (indépendants du gouvernement), autant je considère que les magistrats du parquet doivent appliquer la politique et les priorités du gouvernement, sans pour autant avoir des interactions avec la justice sur des affaires précises (cas où, par exemple, un ministre est mis en cause judiciairement, comme l’a été Jérôme Cahuzac). La solution consisterait à reprendre une proposition formulée par Raymond Barre lors de sa campagne présidentielle de 1988 : désigner un Garde des Sceaux, Ministre de la Justice qui soit "élu" par les députés pour la durée du gouvernement. Ainsi, il serait à la fois membre du gouvernement mais suffisamment autonome en termes de légitimité pour prendre des décisions qui s’imposeraient sans pression du gouvernement.


1.2. Exclusion des anciens Présidents de la République du Conseil Constitutionnel

Rappelons d’abord l’origine. De Gaulle avait surpris tout le monde lorsqu’il a décidé de se présenter à la Présidence de la République en décembre 1958. Tout le monde pensait qu’il resterait chef du gouvernement, le lieu habituel du pouvoir depuis 1873. Sa candidature a écarté le Président en exercice, René Coty (qui n’avait pas encore achevé son mandat). Pour éviter aux deux anciens Présidents de la République IVe République de l’époque, René Coty et Vincent Auriol, de se retrouver sans revenus, leur nomination de droit au Conseil Constitutionnel leur a permis d’assurer un minimum de niveau de vie et de ne plus avoir d’inquiétude matérielle.

Dans la pratique, De Gaulle, François Mitterrand et (probablement) François Hollande n’ont jamais participé à aucune séance de travail. Notons que les revenus comme membre de droit sont conditionnés par la participation réelle aux travaux du Conseil Constitutionnel. Les autres Présidents (hors Georges Pompidou décédé en cours de mandat) ont eu diverses situations avec des incompatibilités de deux ordres.

Le premier (surtout pour les "jeunes" anciens Présidents), c’est dans le cas où l’ancien Président voudrait poursuivre sa carrière politique, et dans ce cas, il ne peut pas être à la fois juge et partie. C’était le cas de Valéry Giscard d’Estaing qui n’est entré véritablement au Conseil Constitutionnel qu’en avril 2004 (à la fin de tous ses mandats). Je rappelle néanmoins que certains membres nommés dans les années 1970 et 1980 avaient pu cumuler cette responsabilité avec leur mandat de maire et même, de président de conseiller général (notamment Achille Peretti, maire de Neuilly-sur-Seine, et Léon Jozeau-Marigné, président du conseil général de la Manche).

La seconde incompatibilité, c’est lorsque le Conseil Constitutionnel juge la validité des comptes de campagne dudit membre de droit, ou encore lorsque le membre de droit est mis en cause par la justice. Jacques Chirac a participé aux séances de mai 2007 à mars 2011, puis a été obligé de ne plus y siéger par la suite. Nicolas Sarkozy également, membre actif entre mai 2012 et juillet 2013 (mis en cause pour le dépassement de ses frais de campagne 2012). Nicolas Sarkozy avait décidé par ailleurs de ne pas assister aux séances qui débattraient des questions prioritaires de constitutionnalité qui pouvaient remettre en cause des lois que lui-même avait promulguées (là encore, il faut séparer juge et partie).

Toutes ces expériences ont montré plus d’inconvénients que d’avantages à maintenir cette disposition constitutionnelle très vivement combattue par Jean-Louis Debré, ancien Président du Conseil Constitutionnel, qui a déjà eu à présider des séances en présence de deux des trois anciens Présidents de la République : Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy (jamais les trois ensemble). L’argument des revenus ne tient plus depuis longtemps, étant donné, d’une part, les nombreuses retraites en tant qu’ancien élu (souvent, l’Élysée est l’aboutissement d’une longue carrière élective), d’autre part, les retraites professionnelles (beaucoup, provenant de l’ENA, sont des hauts fonctionnaires avec leur traitement associé).

Mon avis : pas opposé donc à cette exclusion, mais néanmoins, il me semble que les anciens Présidents de la République ont une expérience institutionnelle inégalable et il faudrait donc laisser au Conseil Constitutionnel, pour certaines questions au contour à définir, la possibilité de consulter les anciens Présidents de la République, et cela à titre bien sûr bénévole.


1.3. La justiciabilité des ministres dans l’exercice de leurs fonctions

Rappelons d’abord la raison d’une justice d’exception pour les ministres : il s’agit de répondre à l’impératif de séparation des pouvoirs. Le projet propose de supprimer la Cour de Justice de la République (composée de parlementaires de la majorité et de l’opposition) pour la replacer par la Cour d’appel de Paris.

Mon avis : pourquoi pas ? La protection judiciaire des ministres se justifie moins dès lors que leur sont reprochés des faits de corruption ou d’abus de biens sociaux, etc. et leur jugement par leurs pairs pouvait faire naître de la suspicion pour l’ensemble de la classe politique. Dans la situation actuelle, je ne vois pas les inconvénients d’une telle suppression d’exception. D’autant plus que le gouvernement propose un filtre : « Un filtre sera toutefois conservé pour que la responsabilité des ministres ne soit engagée qu’à bon escient. ». La seule exception qu’il est proposé, c’est de faire juger ces ministres par les juges les plus expérimentés et gradés.


1.4. La transformation profonde du Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE)

Le projet prévoit de réduire de moitié le nombre de ses membres et de le transformer en « une chambre de la société civile chargée (…) d’organiser les consultations des citoyens et des experts sur les projets d’avenir pour notre pays ».

Mon avis : je trouve le gouvernement bien timoré sur le sujet. Si on voulait vraiment faire des économies sans conséquences sur la démocratie, il faudrait carrément supprimer le CESE qui ne sert qu’à recaser des battus électoralement ou des amis du pouvoir en place. Les consultations des citoyens peuvent très bien être réalisées par les parlementaires eux-mêmes. La première consultation avait été organisée à l’Assemblée Nationale pour la préparation de la loi Claeys-Leonetti et cela avait été un succès (en quelques jours, près de 6 000 contributions, parfois très construites, avaient été recueillies sur le site Internet de l’Assemblée Nationale).


1.5. Limitation des amendements

Finalement, le gouvernement a renoncé à instituer un « contingentement des amendements » (limitation à un certain nombre d’amendements en fonction de la taille du groupe parlementaire qui les dépose). Insistons sur le fait que le droit d’amendements est une disposition essentielle dans une démocratie puisque, d’une part, il permet l’amélioration (éventuelle !) des projets du gouvernement (une rédaction collective de la loi est toujours plus sage qu’une rédaction unilatérale provenant des services de l’Élysée), d’autre part, c’est le seul droit dont disposent les minorités. Certes, ce droit a permis à l’opposition de faire éventuellement une obstruction pour retarder l’adoption de projets de loi contestés (ce fut le cas pour les nationalisations en 1982). Cela retarde, mais il y a suffisamment d’outils constitutionnels pour pouvoir contourner une telle obstruction (l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, ou encore les ordonnances).

Cependant, malgré ce renoncement, il propose la possibilité de « limiter les amendements sans portée normative, sans lien direct avec le texte ou qui ne seraient pas du domaine de la loi ». L’ancien ministre Roger Karoutchi, sénateur LR, a demandé au gouvernement, le 4 avril 2018 sur Public Sénat, que la disposition d’un tel "filtre" soit rédigée par les parlementaires eux-mêmes.

Mon avis : toucher au droit d’amendement serait une grave faute politique. L’élaboration de la loi ne doit pas se faire dans l’urgence ni de manière bâclée, mais de manière sage et réfléchie. Une bonne loi, c’est quand son texte a mis un certain temps à mûrir.


1.6. Contrôle gouvernemental du calendrier parlementaire

La révision du 23 juillet 2008 avait imposé un meilleur équilibre en faveur du Parlement dans la tenue de l’ordre du jour des deux assemblées : « une semaine de contrôle, une semaine d’initiative législative parlementaire et deux semaines d’initiative législative gouvernementale ». Le gouvernement veut remettre en cause ce progrès en permettant de bouleverser cet agenda équilibré : « Les projets de texte les plus importants ou urgents pourront bénéficier d’une inscription prioritaire à l’ordre du jour. ».

Mon avis : je suis foncièrement contre. Comme tous les textes seront (naturellement) "importants" et "urgents", cela reviendrait à la pratique antérieure où le gouvernement maîtrisait l’ensemble de l’ordre du jour. Malgré les intentions affichées, cela remettrait en cause le nouvel équilibre plus juste de 2008.


1.7. Procédure parlementaire

Plusieurs mesures annoncées sont tellement imprécises et floues que j’y reviendrai à partir du texte définitif. Trois annonces cependant me paraissent positives et constructives.

1.7.1. La première, c’est de renforcer le rôle de contrôle : « L’évaluation des lois sera plus systématique, et, pendant les semaines de contrôle, les parlementaires pourront procéder aux corrections ou aux simplifications des lois faisant l’objet de l’évaluation. ». Mon avis : je trouve cette mesure excellente. Que veut dire "plus systématique" ? soit c’est systématique ou ce ne l’est pas ! Il faudrait même aller plus loin. Toutes les lois principales devraient être sous obligation d’évaluation et surtout, car il faut en finir avec l’indigestion législative, aucune nouvelle loi traitant du même sujet ne devrait être abordée avant une première évaluation de la précédente loi. Avec des durées pour la première évaluation comprises entre un et cinq ans : un an pour le domaine économique et social, il faut bien sûr que lorsqu’il y a un changement de majorité, la nouvelle majorité puisse appliquer son programme, mais des lois comme celles dans le domaine de bioéthique ou de la fin de vie, ou encore sociétal (mariage pour tous, etc.), cinq ans d’évaluation me paraîtraient nécessaires avant de remodifier les règles.

1.7.2. La deuxième annonce, c’est d’accélérer à chaque automne l’adoption de la loi de finance (passage de 70 à 50 jours de discussions parlementaires) et de renforcer à chaque printemps le temps de l’évaluation des politiques publiques et du contrôle de l’exécution du budget par les ministres. Mon avis : pourquoi pas, si cela n’enlève aucun droit à l’opposition de s’opposer au projet de budget.

1.7.3. Enfin, la troisième annonce concerne l’article 34 de la Constitution, énumérant les sujets définissant le domaine de la loi. Il s’agira d’inscrire « l’impératif de la lutte contre le changement climatique » parmi les préoccupations des parlementaires, et, éventuellement, en cas de demande du Conseil d’État, d’inscrire un fondement constitutionnel pour le projet de service national universel « pour valoriser l’engagement des jeunes au service de la Nation ». Mon avis : excellente remise en modernité des textes pour s’adapter aux enjeux d’aujourd’hui et de demain.


1.8. Le pacte girondin

1.8.1. C’est une mesure encore très floue qui viserait à marquer la « confiance dans la capacité des collectivités locales de métropole et d’outre-mer d’adapter elles-mêmes les règles qui régissent leurs domaines de compétence à la réalité de leur territoire ». Ce pacte serait considéré comme « un gage d’efficacité et une façon de réformer sans céder à l’esprit de système ». Mon avis : à voir une fois le texte précis connu. Les conséquences d’un tel pacte restent encore bien incertaines.

1.8.2. Autre point déjà évoqué lors de la visite en Corse d’Emmanuel Macron les 6 et 7 février 2018 et qui pourrait cristalliser les oppositions : « La Corse trouvera sa place dans notre Constitution, ce qui permettra d’adapter les lois de la République aux spécificités insulaires, mais sous le contrôle du Parlement. ». Mon avis : là encore, il faudrait savoir quelle "place" trouvera la Corse ! Cela pourrait ouvrir la boîte de Pandore, avec la revendication de nombreux territoires qui se diraient "spécifiques", comme l’Alsace, la Bretagne, le Pays Basque, etc.


2. Contenu des projets de loi organique et ordinaire

Comme je l’ai signalé, le projet de loi ordinaire (mode de srutin) pourrait se passer éventuellement du soutien d’autres groupes que ceux de la majorité (LREM et MoDem), puisque l’Assemblée Nationale aura le dernier mot. Pour le projet de loi organique (réduction du nombre des parlementaires, limitation des mandats dans le temps), le soutien des sénateurs LR est indispensable.

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Ces deux projets concernent les trois mesures déjà annoncées au cours de la campagne présidentielle de 2017.


2.1. Nombre des parlementaires

La mesure est : « une réduction de 30% du nombre de députés et de sénateurs dans des conditions qui garantissent la représentation de tous les départements et territoires ». Cela signifierait concrètement une suppression de 173 députés sur 577, ce qui ferait 404 députés (ou 405). Cela me paraît très faible pour un grand pays comme la France qui a besoin de beaucoup de compétences pour remplir scrupuleusement ses missions de législateur et de contrôleur (Royaume Uni : 650 ; Allemagne : 709 ; Italie : 630). Cela signifierait aussi que beaucoup de départements à faible densité seraient représentés par un seul député. Quant aux sénateurs, cela signifierait la suppression de 104 sénateurs sur 348, ce qui ferait 244 en tout (ou 245). Là encore, ce serait très faible (2 sénateurs par département en moyenne, qui, à une certaine époque, était le seuil minimal de représentativité).

Mon avis : j’aurais préconisé une réduction, certes, mais pas d’une telle ampleur, juste pour revenir à la situation d’avant le 10 juillet 1985, à savoir 491 sièges à l’Assemblée Nationale, et une réduction  équivalente pour le Sénat, à savoir réduire à 295 sièges. Rappelons aussi qu’il vaut mieux maintenir un nombre impair dans une assemblée pour définir une majorité absolue dans un sens ou dans un autre. Je reviendrai certainement sur cette question.


2.2. Mode de scrutin de l’élection des députés

La mesure est : « l’introduction d’une dose de représentation proportionnelle aux élections législatives pour 15% des sièges de députés à pourvoir ». Prenons donc la calculatrice : cela signifierait 61 députés élus à la proportionnelle. Alors, dans quel cadre serait cette proportionnelle ? Forcément dans le cadre national, c’est-à-dire le pire qui va renforcer l’émiettement du paysage politique (c’est peut-être ce que recherche Emmanuel Macron ?).

Mon avis : comme je l’ai déjà expliqué, je suis résolument opposé au scrutin proportionnel. Les dernières expériences européennes montrent que, même dans un système mixte (majoritaire et proportionnel), c’est la catastrophe pour trouver une majorité et former un gouvernement stable.

Le seul avantage énoncé, c’est une meilleure représentation de la classe politique au Parlement, mais en fait, les élections législatives de juin 2017 ont montré que toutes les forces politiques étaient représentées à l’Assemblée Nationale avec le scrutin majoritaire, même les partis les plus extrémistes comme FN et FI. En revanche, l’éclatement du paysage politique rendrait plus incertaine la constitution de majorité à l’avenir, ce serait une faute historique majeure et irréversible.

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Un autre inconvénient important dans l’égalité des députés, c’est qu’il y aurait des députés de deux types, ceux élus sur leur seul nom au mérite, et les autres, à la proportionnelle, dont le seul mérite a été de se placer en haut de la liste de leur parti (notons que cette inégalité d’élection a déjà lieu pour les sénateurs).

Cette dose de proportionnelle, ce serait le retour au régime des partis, ou plutôt, son renforcement puisque depuis François Mitterrand, le régime des partis avait déjà repris belle place. L’ancien ministre Christian Jacob, président du groupe LR à l’Assemblée Nationale, a résumé sagement, le 4 avril 2018, la position de son groupe : « La bonne dose de proportionnelle, c’est 0% ! ».


2.3. Cumul des mandats dans le temps

La mesure est : « l’interdiction du cumul des mandats dans le temps, au-delà de trois mandats identiques, complets et consécutifs, sauf pour les maires des communes de moins de 9 000 habitants ». Pourquoi cette exception ? (Négociations avec Gérard Larcher ?). Pourquoi cette interdiction ? S’appliquerait-elle aux élus déjà sortants ou le premier mandat serait-il comptabilisé seulement à partir de l’application de cette réforme ? (A priori, cela ne s'appliqurait donc qu'à partir de 2030 et même au-delà). La mesure s’appliquerait-elle au mandat présidentiel, auquel cas cela permettrait de rallonger d’un mandat supplémentaire (quinze ans) par rapport à l’existant ? (A priori, non, même si le sénateur proche macroniste François Patriat avait plaisanté sur le sujet).

Mon avis : je suis opposé à la limitation du cumul dans le temps car c’est retirer une part de la liberté de vote des électeurs qui, en démocratie, devraient faire ce qu’ils veulent. Un pouvoir central préférera toujours avoir en face de lui des contre-pouvoirs, des élus d’opposition qui soient le moins expérimentés possible… Je reviendrai probablement sur cette mesure.


Absence de philosophie générale de la réforme

Les mesures proposées par cette réforme des institutions sont soit ultra-techniques et plutôt admissibles car ce sont des adaptations mineures à la vie politique d’aujourd’hui, soit un retour d’ascenseur au soutien conditionnel de François Bayrou le 22 février 2017 qui va engendrer un gros risque de renforcer le régime des partis et le discrédit qui pèse déjà aujourd’hui sur la classe politique.

En revanche, je ne vois pas en quoi cette réforme contribuerait, comme l’a conclu Édouard Philippe, « à rénover profondément la vie politique et parlementaire dans un triple souci de responsabilité, de représentativité et d’efficacité ». Il est malheureux que ce soit par un homme originairement gaulliste (issu du RPR) et doté d’une certaine sagesse, d’une réelle pondération et d’un esprit réfléchi que les institutions du Général De Gaulle poursuivraient leur délitement progressif…

Je reviendrai, bien entendu, sur l’évolution de la réforme dans les semaines ou mois qui viennent.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (05 avril 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Allocution du Premier Ministre Édouard Philippe le 4 avril 2018 à Matignon (à télécharger).
La réforme des institutions du Président Macron (1) : les grandes lignes.
Non à la représentation proportionnelle aux élections législatives !
Protégeons la Ve République.
Le retour aux listes nationales aux élections européennes (2 décembre 2017).
Moraliser la vie politique ?
Suicide à la proportionnelle intégrale.
Cumul des mandats.
Réforme des modes de scrutins locaux.
Réforme territoriale.
Le serpent de mer.
Le vote électronique.
Le vote obligatoire.
Non aux campagnes participatives !
Le mode de scrutin des élections européennes (4 février 2013).
Le mode de scrutin des élections législatives.
Sommes-nous dans une dictature ?
Le 49 alinéa 3.
Redécoupage électoral en décembre 2009.
Faut-il supprimer l’élection présidentielle au suffrage universel direct ?
50 ans de Ve République (en 2008).
160 ans d’élection présidentielle (en 2008).
10 ans de quinquennat (en 2010).
La cohabitation.
La révision du 23 juillet 2008.
Les nominations présidentielles.
Quelques idées reçues sur le gaullisme.
Autorité et liberté.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180404-reforme-institutions-aa.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/reforme-macron-des-institutions-1-203080

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/04/06/36295068.html



 

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4 avril 2018 3 04 /04 /avril /2018 18:16

Le Premier Ministre Édouard Philippe a présenté les grandes lignes de la réforme des institutions le 4 avril 2018 à 17 heures à Matignon au cours d'une allocution à la presse dont le texte intégral est accessible à tous.

Cliquer sur le lien pour télécharger le discours (fichier .pdf) :
http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2018/04/discours_de_m._edouard_philippe_premier_ministre_-_reforme_des_institutions_-_mercredi_4_avril_2018.pdf

Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180404-reforme-institutions-aa.html

SR (04 avril 2018)

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20180404-allocution-edouard-philippe-institutions.html



 

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3 avril 2018 2 03 /04 /avril /2018 03:17

« La représentation proportionnelle est un système évidemment raisonnable et évidemment juste ; seulement, partout où on l'a essayée, elle a produit des effets imprévus et tout à fait funestes, par la formation d'une poussière de partis, dont chacun est sans force pour gouverner, mais très puissant pour empêcher. C'est ainsi que la politique devint un jeu des politiques. » (Alain, "Propos", le 1er septembre 1934).


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Depuis une douzaine d’années, tous les nouveaux Présidents de la République veulent réformer les institutions. C’est une lubie présidentielle très française, le bon vouloir du prince : on aime changer les règles du jeu quand on est maître du jeu. C’est le pays aux neuf Constitutions au XIXe siècle ! Chacun veut ainsi y aller de son petit caprice. C’est une erreur de céder à cette tentation de vouloir modifier les institutions. Comme tout, elles ne sont pas parfaites et pourraient toujours être perfectibles. C’est une erreur surtout dans la situation de crise sociale et économique que connaissent de nombreux citoyens (précarité, chômage, etc.) pour qui 50 euros, c’est beaucoup.

Nicolas Sarkozy voulait américaniser les institutions (à la suite du rapport d’Édouard Balladur remis le 29 octobre 2007), et il est clair que ses prédécesseurs voudraient poursuivre. François Hollande n’a pas pu convaincre une majorité des trois cinquièmes des parlementaires et a finalement renoncé après avoir demandé le 16 juillet 2002 à Lionel Jospin de préparer une réforme (rapport remis le 9 novembre 2012). Emmanuel Macron, lui aussi, voudrait révolutionner les institutions avec cette idée qu’avant lui, c’était la nuit et qu’avec lui, le jour des nouvelles pratiques arriverait. Plus que de l’orgueil voire de la vanité, j’oserais dire que c’est plutôt de la naïveté qui s’est exprimée durant sa campagne présidentielle, celle de l’inexpérimenté qui redécouvre le monde.

Certaines rumeurs bruissent sur la volonté du Président d’organiser un référendum. En pleine panade sociale (SCNF, Air France, éboueurs, EDF, etc.), vouloir tout réformer en même temps engendre un grand risque politique. La boulimie entraîne souvent l’overdose. Principe des embouteillages parisiens (particulièrement nombreux ce matin du mardi 3 avril 2018). Le risque d’un référendum, c’est d’ailleurs que les électeurs ne répondent pas à la question posée, mais à un sondage de popularité de celui qui pose la question.

Il semblerait aussi que le 30 mars 2018, un accord aurait été conclu entre le Président de la République Emmanuel Macron, le Premier Ministre Édouard Philippe, le Président du Sénat Gérard Larcher et le Président de l’Assemblée Nationale François de Rugy. Ainsi, le projet du gouvernement va probablement être présenté cette première semaine d’avril 2018.

Rappelons que pour réviser la Constitution, il faut que chaque assemblée adopte le projet en termes identiques, puis que les deux assemblées constituant le Parlement réunion en Congrès, à Versailles, l’adopte à la majorité des trois cinquièmes. Le parti présidentiel LREM n’a pas cette majorité et a besoin d’un accord avec Les Républicains du Sénat (c’est-à-dire avec Gérard Larcher, et avec Laurent Wauquiez). L’autre méthode pour réviser la Constitution, ce serait d’éviter le Congrès pour soumettre le projet directement au peuple français (ce qui oblige cependant d’avoir quand même l’approbation des deux assemblées, sauf lorsqu’on s’appelle De Gaulle).

Trois mesures seraient proposées : l’introduction de la proportionnelle pour l’élection des députés, la réduction du nombre de parlementaires et la limitation de leurs mandats dans le temps.

Je ne suis pas convaincu que la réduction du nombre des parlementaires, sans forcément être en opposition frontale avec cette mesure, aurait pour effet une augmentation du pouvoir des parlementaires. J’aurais même tendance à penser le contraire. Car le rôle moderne des parlementaires que la France a du mal à encourager, c’est la fonction de contrôle, d’autant plus que sa fonction de législateur est souvent "préemptée" par le gouvernement. Il faudrait au contraire multiplier les rapports, les missions de contrôle sur l’action gouvernementale. Réduire le nombre de parlementaires forcément réduirait la capacité de contrôle du Parlement. C’est typiquement le genre de mesure démagogique qui renforce l’antiparlementarisme.

Quant à la limitation des mandats dans le temps, là encore, cela va réduire l’influence des parlementaires. C’est souvent les parlementaires les plus expérimentés, les plus chevronnés qui comprennent le mieux les rouages de l’État et ont une meilleure vision de la procédure législative et de l’écriture des textes législatifs. Empêcher ce niveau d’expertise parlementaire, c’est donner plus de pouvoir au gouvernement et à la machine administrative. Ce n’est sûrement pas moraliser la vie politique. D’autant plus qu’en démocratie, ce sont les électeurs qui doivent décider et s’ils veulent réélire leurs députés, par quel principe vaseux devrait-on les en empêcher ?

Cela dit, je reviendrai probablement à ce sujet lorsque le projet du gouvernement sera connu. Mon article ici concerne l’unique réforme du mode de scrutin pour l’élection des députés.

Précisons avant tout, sur le plan juridique, que le mode de scrutin ne nécessite (malheureusement) pas une révision constitutionnelle et une simple loi (organique) suffit : François Mitterrand avait réussi à faire adopter la "proportionnelle intégrale" par la loi organique n°85-688 du 10 juillet 1985 pour les élections législatives du 16 mars 1986 malgré l’opposition frontale du Sénat tenu majoritairement par le centre droit (ce qui avait valu le 4 avril 1985 la démission du Ministre de l'Agriculture Michel Rocard du gouvernement de Laurent Fabius). Rappelons d’ailleurs que François Mitterrand avait utilisé la procédure d’urgence pour faire adopter "d’urgence" cette réforme par les députés le 26 avril 1985, rejetée par les sénateurs le 31 mai 1985, adoptée de nouveau par les députés le 13 juin 1985, rejetée de nouveau par les sénateurs le 25 juin 1985 et finalement adoptée en troisième lecture par les députés le 26 juin 1985 sans le consentement des sénateurs.

Donc, avec sa majorité pléthorique au Palais-Bourbon, Emmanuel Macron est complètement libre de choisir le mode de scrutin des prochaines élections législatives prévues en juin 2022 (ou avant en cas de dissolution). Sans l’accord des sénateurs, et donc, sans l’accord de Les Républicains. On imagine donc le "deal" entre Emmanuel Macron et Gérard Larcher sur la révision des institutions : Les Républicains acceptant certaines mesures pour lesquelles ils étaient réticents pour influer sur le mode de scrutin des législatives (sur lequel, je le répète, ils n’ont aujourd’hui aucun levier d’influence). Il serait toujours étonnant que le Président s’ôte la faculté de bénéficier d’une majorité pléthorique à l’Assemblée Nationale, sauf dans le cas où la défaite serait certaine (ce qui fut le cas pour François Mitterrand en 1986).

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Ce n’est pas un secret que je suis contre tout scrutin proportionnel pour l’élection des députés, quelle que soit la "dose" qu’on voudrait y mettre (rien que parler de "dose" montre l’idée des combines et des manœuvres politiciennes). C’est l’objet de mon article, apporter des arguments pour rappeler les « effets funestes » du scrutin proportionnel.


1. À quoi servent les élections législatives : représentativité ou efficacité ?

C’est le premier point que je veux aborder. À quoi cela sert-il d’élire des députés ? À faire la loi. Et surtout, contrôler le gouvernement. Et donc, aussi, à soutenir un gouvernement et avant tout, une vision politique nationale si possible cohérente. La logique proportionnelle et la logique majoritaire sont donc issues de deux logiques de la démocratie représentative.

Le scrutin proportionnel est, comme le rappelle le philosophe Alain le 1er septembre 1934, un « système évidemment raisonnable et évidemment juste ». Il tente de reproduire dans l’hémicycle la diversité des opinions politiques de la population (en tout cas, de l’électorat qui s’exprime). Cela donne une photographie idéologique incomparable, mais qui, par ces temps difficiles où les tendances politiques sont éclatées dans une sorte de kaléidoscope compliqué, produit des effets inextricables. Une telle assemblée représentative n’aurait aucune capacité à trouver une majorité pour soutenir un gouvernement cohérent. Ce serait l’enlisement, ce qui a été largement prouvé en France par la IVe République.

Prenons néanmoins l’unique exemple sous la Ve République, voulu par le combinard en chef, François Mitterrand pour les élections législatives du 16 mars 1986. Son objectif était d’empêcher l’opposition UDF-RPR d’obtenir la majorité absolue des sièges en favorisant l’élection de députés FN. Résultat : effectivement, le FN a réussi à gagner 35 sièges, mais la défaite de la gauche fut telle (représentant 41,2% des voix) que l’objectif politique n’a pas été atteint, mais il a failli être atteint. La coalition UDF-RPR n’a obtenu en effet que 286 sièges sur 577 (trois de moins que la majorité absolue) mais quelques députés NI (non inscrits) ont apporté leur soutien au futur gouvernement de Jacques Chirac.

Il faut bien comprendre que dans cet exemple, l’époque bénéficiait d’un paysage politique beaucoup moins éclaté qu’aujourd’hui. Le score de la coalition UDF-RPR (dès le premier et seul tour) fut de 41,0% le 16 mars 1986. Même le parti La République En Marche, pourtant dopé par la (grande) victoire d’Emmanuel Macron (66,1%), a obtenu moins le 11 juin 2017 : seulement 28,2% (32,3% avec ses alliés du MoDem).

Le scrutin majoritaire a un objectif clair : on élit une Assemblée Nationale pour permettre au pays d’être gouverné. Il faut donc un système qui permette de dégager une majorité claire, forcément au détriment d’une représentation "juste". Il faut bien sûr que le système soit le moins "injuste" possible. C’est pour cela qu’il faut que chaque député puisse représenter à peu près le même nombre d’électeurs (notons que ce n’est pas du tout le cas aux États-Unis en raison de leur structure fédérale). Cela nécessite donc une remise en cause régulière du "découpage électoral" des circonscriptions (la dernière fois était en décembre 2009). Je préconise la constitutionnalisation du scrutin uninominal majoritaire à deux tours avec la mise en place d’une commission spéciale chargée des redécoupages en fonction de l’évolution de la population (afin d’éviter toute manœuvre électorale dans le redécoupage).

Néanmoins, il y a eu un contre-exemple sur l’équivalence scrutin majoritaire et majorité absolue à l’Assemblée Nationale. L’assemblée issue des élections législatives des 5 et 12 juin 1988 n’a pas donné de majorité absolue. Juste après la réélection de François Mitterrand qui a dissout l’Assemblée Nationale, ce dernier s’est retrouvé avec le seul PS (et alliés radicaux de gauche) comme parti de gouvernement, après l’éclatement en juillet 1984 de son alliance avec les communistes. Résultats, le gouvernement de Michel Rocard n’a bénéficié que d’une majorité relative de 275 députés socialistes sur 577 avec la bienveillance tantôt des 25 députés communistes (qui ont pu constituer un groupe grâce aux socialistes ; avant 1988, il fallait au moins 30 députés pour former un groupe parlementaire), tantôt des 41 députés centristes de l’UDC (prêts à aider Michel Rocard dans certaines réformes).

Cette absence de majorité absolue était surtout le résultat d’une décision politique (rupture d’une alliance gouvernementale PS-PCF) mais pas du scrutin majoritaire qui, au contraire, a apporté une majorité absolue PS-PCF (300 sièges sur 577). Au second tour, des candidats socialistes ont été soutenus par les communistes et des candidats communistes ont été soutenus par les socialistes, dans le cadre d’une "discipline républicaine" d’alliance électorale tacite. Cette majorité issue du levier majoritaire s’est donc bien traduit électoralement, mais pas sur le plan politique.

Pour résumer, il vaut mieux une majorité écrasante que pas de majorité du tout.


2. Les citoyens contre les partis

On comprend pourquoi beaucoup de partis politiques voudraient le retour du scrutin proportionnel : parce qu’ils maîtriseraient beaucoup plus la personnalité de leurs élus. En effet, avec un scrutin majoritaire, "n’importe qui" peut se faire élire dans sa circonscription si ses électeurs adhèrent à sa campagne, même les "dissidents" des partis, les électrons libres, les atypiques, etc. Avec la proportionnelle, ce serait impossible sans le consentement des chefs de parti. Les candidats élus auraient été désignés en tête de liste par leur parti respectif. Les électeurs n’auraient comme seul véritable pouvoir que de choisir ceux qui seraient élus en queue de liste. Les têtes de liste seraient nécessairement élues, si leur parti avait un minimum d’audience électorale. Tout serait alors déjà prédéterminé avant le scrutin, pas la tendance politique de fond, mais les premiers candidats élus. Cela donnerait un pouvoir immense aux partis politiques et à leurs combines. Le contraire d’une moralisation de la vie politique. Les candidats élus n’auraient aucune autonomie personnelle car ils sauraient que leur réélection dépendrait de leur fidélité à leur parti.

Au contraire, le scrutin majoritaire apporte une meilleure respiration démocratique. Ainsi, un responsable politique majeur peut être battu avec le scrutin majoritaire, jamais avec le scrutin proportionnel. Les exemples sont nombreux : Pierre Mendès France en novembre 1958, François Mitterrand en novembre 1958, Lionel Jospin en mars 1993, Michel Rocard en mars 1993, Alain Juppé en juin 2007, etc.

De plus, l’absence de "territoire de l’élu" (circonscription) renforce le fossé entre l’élu et ses électeurs, incapables même de connaître le nom et encore moins l’action de leurs élus. On le voit bien pour les élections européennes. Le scrutin majoritaire est, au contraire, un scrutin de proximité où les candidats doivent gagner chaque voix en allant à la rencontre de leurs électeurs.


3. Renouveler la vie politique ?

On donne aussi comme argument en faveur de la proportionnelle la possibilité d’un renouvellement des partis politiques. La réalité est le contraire. Les nouveaux partis ont du mal à se faire entendre au scrutin proportionnel. L’exception du FN, c’est au contraire que son caractère extrémiste empêche toute stratégie majoritaire d’alliance au second tour. Les élections régionales au scrutin "semi-majoritaire" de décembre 2015 l’ont montré : leur incapacité à réunir plus de 50% des voix au second tour (à cause d’un rejet de l’électorat plus fort que pour d’autre parti) l’a défavorisé dans ce genre de scrutin.

Néanmoins, le scrutin majoritaire n’a pas empêché l’élection de 8 députés FN le 18 juin 2017, au même titre qu’il n’a pas empêché l’élection de 17 députés FI qui ont pu former un groupe parlementaire (le seuil minimum étant de 15 députés depuis 2009, après la promesse faite par Nicolas Sarkozy au sénateur Jean-Michel Baylet pour que ce dernier votât sa révision constitutionnelle). FI était pourtant un parti à peine plus ancien que LREM.

Ce fut Emmanuel Macron qui a apporté la preuve éclatante de la grande pertinence démocratique tant des institutions de la Ve République que du mode de scrutin majoritaire des élections législatives. Il a prouvé le 18 juin 2017 qu’un parti politique inexistant dix-huit mois avant les élections, tant en structure formelle qu’en tradition philosophique, pouvait non seulement faire élire son candidat à la Présidence de la République mais également gagner la majorité absolue des sièges à l’Assemblée Nationale. Jamais un scrutin proportionnel n’aurait permis une telle possibilité de renouvellement à l’Assemblée Nationale.


4. Contradiction entre réduire le nombre de députés et introduire de la proportionnelle

L’objectif du scrutin proportionnel est d’avoir une meilleure représentativité des forces politiques en présence. Cette représentativité est donc d’autant plus fine, d’autant plus juste qu’il y a beaucoup de sièges à pourvoir. Avec 577 sièges, un siège représente, au niveau national, 0,17% (1/577). Plus il y a de sièges, plus cette représentation sera précise (par exemple 0,10% pour 1 000 sièges) et permettra une représentation encore plus exacte de la réalité politique (cela si l’on considère une proportionnelle intégrale sans seuil).

D’ailleurs, adepte des combines et des manœuvres, François Mitterrand avait ajouté 86 sièges aux 491 existant le 10 juillet 1985 lorsqu’il a imposé le scrutin proportionnel pour les élections législatives du 16 mars 1986. Étrangement, le gouvernement de Jacques Chirac a supprimé très rapidement le scrutin proportionnel par ordonnance et avec le 49 alinéa 3 (loi n°86-825 du 11 juillet 1986 relative à l’élection des députés et autorisant le gouvernement à délimiter par ordonnance les circonscriptions électorales) mais pas le surnombre des sièges (correspondant  à 15% du nombre actuel des sièges : les supprimer serait donc sage, mais en supprimer beaucoup plus ?).

Le risque, pointé du doigt par Les Républicains, c’est que réduire énormément le nombre de députés élus au scrutin majoritaire aurait pour effet que leur circonscription serait bien trop étendue voire représenterait un ou même plus d’un département (si l’on voulait préserver l’équité entre citoyens, même nombre d’électeurs par circonscription).


5. La proportionnelle va à l’encontre de la moralisation de la vie politique

Moraliser la vie politique, c’est permettre des choix démocratiques clairs : un programme clairement défini, choisi par les électeurs et appliqué par leurs élus. Or, comme je l’ai écrit plus haut, le scrutin proportionnel dans un paysage éclaté empêcherait toute majorité absolue "naturelle", c’est-à-dire voulue par les électeurs.

Cela entraînerait deux options : l’option ingouvernabilité, ce qui serait une catastrophe quand tant de choses sont à transformer en France ; l’option combinaisons, dans le plus pur style délices et poisons de la IVe République, où des partis non alliés devant les électeurs se retrouveraient dans l’obligation de s’allier à l’Assemblée Nationale pour soutenir un gouvernement fade qui ne ferait pas grand chose puisque dépendant de forces antagonistes.

La proportionnelle représenterait donc plutôt la démoralisation de la vie politique.

Reprenons l’exemple du scrutin du 16 mars 1986. Les proches de François Mitterrand (cités par "Le Figaro" du 20 février 2012 à partir d’un documentaire télévisé) ont depuis longtemps avoué la manœuvre politicienne de l’ancien Président pour favoriser le parti de Jean-Marie Le Pen. Lionel Jospin (à l’époque premier secrétaire du PS) : « La droite allait l’emporter et la proportionnelle a été un scrutin fait pour freiner et empêcher la droite d’avoir une écrasante majorité à l’Assemblée Nationale. ». Roland Dumas (qui était Ministre des Affaires étrangères) a confirmé : « Est-ce que le Front national était dangereux ? Non. Il ne pouvait pas prétendre à autre chose qu’à un bavardage politique. ». Belle morale politique, ils avaient, ces socialistes !


6. Alliances contre-nature

Au-delà des combinaisons dont n’ont pas accès les électeurs qui pourraient se sentir floués sinon trahis, le scrutin proportionnel renforcerait le populisme et les surenchères démagogiques. On le voit dans certains pays, la plupart des partis gouvernementaux, qui sont modérés car basés sur le réalisme, doivent faire des alliances contre-nature avec des partis extrémistes pour avoir le soutien d’une majorité absolue de députés. Cela hystérise la vie politique.


7. Les leçons européennes et même d’au-delà

L’actualité récente permet de voir l’horreur politique du scrutin proportionnel, même lorsqu’il n’est que partiel puisqu’il s’agit pour les deux premiers exemples d’un scrutin mixte proportionnel/majoritaire.

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L’Allemagne vient seulement d’investir son nouveau gouvernement. Angela Merkel, Chancelière allemande depuis le 22 novembre 2005, a mis presque six mois pour négocier un accord de gouvernement (entre les élections fédérales le 24 septembre 2017 et son investiture le 14 mars 2018). Et cet accord s’est fait sur le dos des électeurs : le SPD de Martin Schulz avait fait campagne contre toute reconduction de la GroKo (la grande coalition CDU/SPD) et ses électeurs peuvent donc être mécontents que le SPD se retrouve encore maintenant dans la grande coalition. Par ailleurs, la proportionnelle (pourtant seulement partielle) a envoyé au Bundestag 94 députés de l’AfD dont la campagne était manifestement extrémiste. Notons que les Allemands ont élu 709 députés, ce qui est nettement plus que les Français.

Un autre pays a montré aussi les dangers du scrutin proportionnel (dans un paysage politique éclaté) : l’Italie dont les élections générales du 4 mars 2018 l’a rendue ingouvernable, là aussi avec plus de députés qu’en France (630). Comme en Allemagne et d’une complexité autre mais équivalente à celui en Allemagne, le scrutin est mixte majoritaire/proportionnel (loi n°165 du 3 novembre 2017, dite Rosatellum bis). Trois blocs ou alliances se sont retrouvés sans majorité absolue : le M5S mené par Luigi Di Maio avec 222 sièges sur 630, la coalition de droite (Forza Italia/Lega) menée par Matteo Salvini et Silvio Berlusconi avec 263 sièges sur 630 et le Parti démocrate mené par Matteo Renzi avec 122 sièges sur 630. Le 5 mars 2018, Matteo Renzi (qui lui-même a été battu dans sa circonscription et a démissionné de la présidence du parti démocrate) a annoncé que le Parti démocrate serait dans l’opposition dans tous les cas. Le 6 mars 2018, Matteo Salvini a déclaré que son parti (La Ligue du Nord) ne ferait jamais de coalition avec le M5S. Il y a donc peu de chance pour qu’une majorité puisse être formée dans cette configuration.

Ce ne sont pas les seuls pays du monde qui sont dans des positions difficiles de gouvernement à cause de leur scrutin proportionnel.

En Espagne, les élections générales du 26 juin 2016, qui ont été anticipées car les élections précédentes du 20 décembre 2015 n’avait permis de dégager aucune majorité gouvernementale, ont abouti, là encore, à une confusion importante. Le mode de scrutin est proportionnel intégral comme en Belgique et en Israël. Cela a abouti à une assemblée (le Congrès des députés, chambre basse des Cortes Générales) très éclatée : le Parti populaire de Mariano Rajoy, au pouvoir depuis les élections générale du 20 novembre 2011, a obtenu 137 sièges sur 350 (33,0% des voix), le PSOE (socialistes) de Pedro Sanchez 85 sièges (22,6% des voix), Unidos Podemos de Pablo Iglesias 71 sièges (21,2% des voix) et Ciudadanos (centristes) d’Albert Rivera 32 sièges (13,1%), les autres sièges étant répartis sur des listes régionalistes (principalement catalanes et basques). Il a fallu dix mois pour résoudre cette crise (à partir de décembre 2015) : Javier Fernandez, dirigeant provisoire du PSOE, a donné son accord le 23 octobre 2016 pour soutenir le nouveau gouvernement (après le refus du PSOE d’être dans une grande coalition). Mariano Rajoy a été reconduit Président du gouvernement le 31 octobre 2016 (il l’était depuis le 21 décembre 2011), investi le 29 octobre 2016 à la majorité relative (170 pour, 111 contre et 68 abstentions).

En Israël aussi, la situation électorale est généralement confuse à cause de la proportionnelle qui donne une influence politique disproportionnée aux petits partis religieux, généralement extrémistes. Ainsi, aux dernières élections législatives du 17 mars 2015, le Likoud mené par Benyamin Netanyahou a obtenu 30 sièges sur 120 (23,4% des voix), ce qui était très loin de la majorité absolue, les travaillistes et centristes (Union sioniste) ont obtenu 24 sièges (18,7% des voix), l’extrême gauche et minorité arabe (Liste unifiée) 13 sièges (10,6% des voix), le centre laïc (Yesh Atid) 11 sièges (8,8% des voix), le centre Koulanou 10 sièges (7,5% le des voix), la droite religieuse 8 sièges (6,7% des voix), les ultra-orthodoxes séfarades (Shas) 7 sièges (5,7% des voix), la droite populiste d’Avigdor Liberman 6 sièges (5,1% des voix), les ultra-orthodoxes ashkénazes 6 sièges (5,0% des voix) et la gauche pacifiste 5 sièges (3,9% des voix). Benyamin Netanyahou, Premier Ministre du 18 juin 1996 au 6 juillet 1999 et depuis le 31 mars 2009, a mis quarante jours pour constituer une majorité avec les ultra-orthodoxes, la droite religieuse et les centristes de Koulanou pour atteindre 61 sièges sur 120. Il a ainsi été reconduit le 14 mai 2015. Et le mode de scrutin a été légèrement modifié le 11 mars 2014 en surélevant le seuil électoral de 2,00% à 3,25% ; avant 2014, c’était donc "pire".


Ne pas bouleverser les équilibres institutionnels toujours fragiles

La France jouit d’institutions à la fois démocratiques et efficaces, et Emmanuel Macron aurait d’ailleurs l’intention de célébrer leur soixantième anniversaire le 4 octobre 2018 avec une certaine solennité. C’est peut-être les seuls bases qui fonctionnent bien en France : pouvoir avoir un gouvernement capable d’agir tout en étant issu du peuple. Il est donc essentiel que, dans la recherche toujours ténue d’une perfection institutionnelle qui n’existera jamais de toute façon, on modifie le moins possible les équilibres. Les véritables carences résident dans les pratiques et pas dans les institutions. Ce sont les acteurs qui doivent veiller à leur moralité.

J’avais expliqué que la proportionnelle me paraissait plutôt pertinente pour le scrutin des élections européennes parce que l’objectif de ce scrutin est justement plus dans la représentativité des peuples européens (avec deux clivages : politiques mais aussi nationaux) que dans la recherche d’une majorité absolue pour soutenir un éventuel gouvernement européen (je rappelle que chaque pays européen a gardé sa souveraineté nationale et qu’il est dirigé avant tout par son gouvernement national).

En revanche, l’adoption de la représentation proportionnelle, même partielle, appliquée à l’élections des députés me paraîtrait une véritable faute historique dans la situation actuelle où toute transformation institutionnelle peut mécaniquement devenir irréversible. J’avais été parmi les très rares Français à m’être opposé au principe du quinquennat (moins de 6,8% des inscrits ont voté contre le quinquennat au référendum du 24 septembre 2000 !). Pourtant, la réforme n’a pas seulement réduit la durée du mandat du Président de la République. Elle a renforcé (comme l’avait d’ailleurs souhaité le Président Georges Pompidou) le pouvoir politique du Président en renforçant le lien d’allégeance entre lui et les députés de la majorité élus désormais seulement dans l’élan de l’élection présidentielle. Or, personne ne pourrait politiquement revenir sur cette durée.

Comme disait Pierre Mazeaud, alors Président du Conseil Constitutionnel, le 3 janvier 2006 : « Ne touchons que d’une main tremblante à des institutions qui sont le socle de la République ! ». Tremblons avant d’être paralysés !…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (03 avril 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Non à la représentation proportionnelle aux élections législatives !
Protégeons la Ve République.
Le retour aux listes nationales aux élections européennes (2 décembre 2017).
Suicide à la proportionnelle intégrale.
Mode de scrutin des élections allemandes.
Mode de scrutin des élections britanniques.
Cumul des mandats.
Réforme des modes de scrutins locaux.
Réforme territoriale.
Le serpent de mer.
Le vote électronique.
Le vote obligatoire.
Non aux campagnes participatives !
Le mode de scrutin des élections européennes (4 février 2013).
Le mode de scrutin des élections législatives.
Élections législatives allemandes du 24 septembre 2017.
Élections législatives autrichiennes du 15 octobre 2017.
Élections législatives italiennes du 4 mars 2018.
Élections législatives israéliennes du 17 mars 2015.
Sommes-nous dans une dictature ?
Le 49 alinéa 3.
Redécoupage électoral en décembre 2009.
Faut-il supprimer l’élection présidentielle au suffrage universel direct ?
50 ans de Ve République (en 2008).
160 ans d’élection présidentielle (en 2008).
10 ans de quinquennat (en 2010).
La cohabitation.
La révision du 23 juillet 2008.
Les nominations présidentielles.
Quelques idées reçues sur le gaullisme.
Autorité et liberté.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180403-proportionnelle.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/les-effets-funestes-de-la-203008

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/04/04/36289068.html



 

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28 mars 2018 3 28 /03 /mars /2018 12:49

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Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180326-arnaud-beltrame.html



Discours du Président Emmanuel Macron en hommage au colonel Arnaud Beltrame le 28 mars 2018 à Paris


Monsieur le Premier Ministre,
Madame et Messieurs les Premiers Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Officiers généraux,
Mesdames et Messieurs les Officiers, Sous-officiers, Gendarmes adjoints volontaires d’active ou de réserve, personnels civils de la Gendarmerie nationale,

Chère Madame BELTRAME,
Chère Madame NICOLIC-BELTRAME,
Chères familles,
Mesdames et Messieurs,

Il était environ onze heures ce vendredi 23 mars 2018, lorsque le lieutenant-colonel Arnaud BELTRAME s’est présenté avec ses hommes devant la grande surface de Trèbes dans l’Aude.

Un quart d’heure seulement leur avait suffi pour être sur les lieux.

Que savait-il à ce moment-là du terroriste qui s’y était retranché ?

Il savait qu’il avait un peu plus tôt tué le passager d’un véhicule, Jean-Michel MAZIERES, et grièvement blessé son conducteur Renato GOMES DA SILVA.

Qu’il avait fait feu sur des CRS aux abords de leur caserne et blessé l’un d’entre eux à l’épaule, le brigadier Frédéric POIROT (phon).

Que dans ce commerce où il s’était retranché il avait abattu deux hommes à bout portant : Hervé SOSNA, un client, et Christian MEDVES, le chef boucher.

Nous pensons en cet instant à ces blessés, à ces morts, nos morts, et à leurs familles dans le recueillement.

Il savait aussi que le terroriste détenait une employée en otage. Qu’il se réclamait de cette hydre islamiste qui avait tant meurtri notre pays. Qu’avide de néant ce meurtrier cherchait la mort. Cherchait sa mort. Cette mort que d’autres avant lui avaient trouvée. Une mort qu’ils croyaient glorieuse, mais qui était abjecte : une mort qui serait pour longtemps la honte de sa famille, la honte des siens et de nombre de ses coreligionnaires ; une mort lâche, obtenue par l’assassinat d’innocents.

L’employée prise en otage était de ces innocents.

Pour le terroriste qui la tenait sous la menace de son arme, sa vie ne comptait pas, pas plus que celle des autres victimes.

Son sort sans doute allait être le même.

Mais cette vie comptait pour Arnaud BELTRAME. Elle comptait même plus que tout car elle était comme toute vie la source de sa vocation de servir.

Accepter de mourir pour que vivent des innocents, tel est le cœur de l’engagement du soldat. Être prêt à donner sa vie parce que rien n’est plus important que la vie d’un concitoyen, tel est le ressort intime de cette transcendance qui le portait. Là était cette grandeur qui a sidéré la France.

Le lieutenant-colonel BELTRAME avait démontré par son parcours exceptionnel que cette grandeur coulait dans ses veines. Elle irradiait de sa personne. Elle lui valait l’estime de ses chefs, l’amitié de ses collègues et l’admiration de ses hommes.

A cet instant toutefois d’autres, même parmi les braves, auraient peut-être transigé ou hésité. Mais le lieutenant-colonel BELTRAME s’est trouvé face à la part la plus profonde et peut-être la plus mystérieuse de son engagement.

Il a pris une décision qui n’était pas seulement celle du sacrifice, mais celle d’abord de la fidélité à soi-même, de la fidélité à ses valeurs, de la fidélité à tout ce qu’il avait toujours été et voulu être, à tout ce qui le tenait.

Ce choix lui ressemblait tellement que sa mère apprenant qu’un gendarme accomplissait ce geste a instinctivement, presque charnellement reconnu son fils. Elle a su que c’était lui avant même de savoir.

Lucide, déterminé, le lieutenant-colonel BELTRAME a pris auprès du terroriste la place de l’otage.

Il était un peu moins de midi.

Un soldat aussi aguerri, gendarme d’élite, cité au combat en Irak, sentait surement qu’il avait rendez-vous avec la mort ; mais il avait rendez-vous avant tout et plus encore avec sa vérité d’homme, de soldat, de chef.

Ce fut la source de son immense courage : pour ne pas manquer aux autres, il faut ne pas se manquer à soi-même. Le lieutenant-colonel BELTRAME a fait ce choix parce qu’il se serait éternellement reproché de ne pas l’avoir fait.

Je sais ce que peuvent ressentir ceux qui étaient à ses côtés ce jour là. Ils revoient s’écouler lentement les minutes qui ont conduit à cette décision, ils revoient le lieutenant-colonel BELTRAME déposer son arme, lever les bras et s’avancer, seul, vers le terroriste. Ils savent désormais que tout s’est joué là. Ils savent aussi qu’il n’aurait laissé sa place à personne car l’exemple vient du chef, et l’exemplarité était pour lui comme pour chacun d’entre vous une vertu cardinale.

Au cœur de tout vrai courage se trouve une grande force morale. Elle ne se discute pas, elle pousse à agir. Avant même ce 23 mars, le lieutenant-colonel BELTRAME était de ces fils que la France s’honore de compter dans ses rangs. L’hommage que la patrie lui rend en ce jour, nous le rendons aussi aux actions remarquables qui avaient jalonné sa carrière, comme elles jalonnent la vie de tant de ses camarades au sein de nos armées.

Dés sa sortie de l’école Saint-Cyr, il avait choisi la gendarmerie. Il en avait fait sa seconde famille, parce qu’elle était proche de la vie de ses concitoyens, et qu’elle exigeait de lui, chaque jour, l’excellence.

Une gendarmerie qui paie chaque année son tribut à la sécurité et à la protection des Français. Une gendarmerie qui, cette fois encore, s’est illustrée par sa maîtrise et sa force.

Et je rends ici hommage aux forces de gendarmerie de l’Aude, à leur chef, le colonel Sébastien GAY, au chef du GIGN de l’antenne de Toulouse et à ses hommes, dont deux ont été blessés en menant l’assaut. Tous sont durement éprouvés par la perte de leur camarade.

Je sais, et les Français savent qu’ils ont tout fait pour que le pire n’advienne pas, comme leurs camarades de la police et du renseignement et de tous les services de la préfecture.

Les Français n’oublient pas non plus le tribut payé par toutes nos forces de sécurité sur le sol national, et par nos armées sur les théâtres extérieurs. Tous ont droit à notre respect inconditionnel.

Et tous – je le sais – partagent la certitude profonde qui animait le lieutenant-colonel BELTRAME : celle que son destin ne lui appartenait pas tout à fait, qu’il avait partie liée avec quelque chose de plus élevé que lui-même. Car il était un engagé, et il avait juré de faire corps avec un idéal plus grand et plus haut.

Et cet idéal, c’était le service de la France.

Dès que nous eûmes appris son geste, à l’issue incertaine, nous tous, Français, avons tremblé d’un frisson singulier.

L’un d’entre nous venait de se dresser.

Droit, lucide, et brave, il faisait face à l’agression islamiste, face à la haine, face à la folie meurtrière, et avec lui surgissait du cœur du pays l’esprit français de résistance, par la bravoure d’un seul entraînant la Nation à sa suite.

Cette détermination inflexible face au nihilisme barbare convoqua aussitôt dans nos mémoires les hautes figures de Jean Moulin, de Pierre Brossolette, des Martyrs du Vercors et des combattants du maquis. Soudain se levèrent obscurément dans l’esprit de tous les Français, les ombres chevaleresques des cavaliers de Reims et de Patay, des héros anonymes de Verdun et des Justes, des compagnons de Jeanne et de ceux de Kieffer - enfin, de toutes ces femmes et de tous ces hommes qui, un jour, avaient décidé que la France, la liberté française, la fraternité française ne survivraient qu’au prix de leur vie, et que cela en valait la peine.

Car l’intolérable, jamais ne peut l’emporter.

Le camp de la liberté, celui de la France, est confronté aujourd’hui à un obscurantisme barbare, qui n’a pour programme que l’élimination de nos libertés et de nos solidarités. Les atours religieux dont il se pare ne sont que le dévoiement de toute spiritualité, et la négation même de l’esprit. Car il nie la valeur que nous donnons à la vie. Valeur niée par le terroriste de Trèbes. Valeur niée par le meurtrier de Mireille KNOLL, qui a assassiné une femme innocente et vulnérable parce qu’elle était juive, et qui ainsi a profané nos valeurs sacrées et notre mémoire.

Non, ce ne sont pas seulement les organisations terroristes, les armées de Daesh, les imams de haine et de mort que nous combattons. Ce que nous combattons, c’est aussi cet islamisme souterrain, qui progresse par les réseaux sociaux, qui accomplit son œuvre de manière invisible, qui agit clandestinement, sur des esprits faibles ou instables, trahissant ceux-là mêmes dont il se réclame, qui, sur notre sol, endoctrine par proximité et corrompt au quotidien. C’est un ennemi insidieux, qui exige de chaque citoyen, de chacun d’entre nous, un regain de vigilance et de civisme.

Il s’agit-là, et depuis plusieurs années, d’une nouvelle épreuve.

Mais notre peuple en a surmonté beaucoup d’autres. C’est pourquoi il surmontera celle-ci aussi, sans faiblesse, et sans emportement, avec lucidité et avec méthode. Nous l’emporterons grâce au calme et à la résilience des Français ; peuple rompu aux morsures de l’histoire, patient dans le combat, confiant dans le triomphe ultime du droit et de la justice, comme si souvent l’a montré notre longue et belle histoire.

Nous l’emporterons par la cohésion d’une Nation rassemblée.

Pendant ces heures interminables, s’achevant par la mort du terroriste et le transfert du lieutenant-colonel vers l’hôpital de Carcassonne, dans la salle de commandement du ministère de l’Intérieur, nous avons tous espéré.

Chef des armées, j’ai moi aussi, ô combien, espéré. Le petit matin, hélas, nous a porté la nouvelle de sa mort comme un coup au cœur.

Pourtant, malgré la tristesse, malgré le sentiment d’injustice, la lueur qu’il a allumée en nous ne s’est pas éteinte, elle s’est au contraire propagée.

Alors que le nom de son assassin déjà sombrait dans l’oubli, le nom d’Arnaud BELTRAME devenait celui de l’héroïsme français, porteur de cet esprit de résistance qui est l’affirmation suprême de ce que nous sommes, de ce pour quoi la France toujours s’est battue, de Jeanne d’Arc au Général De Gaulle : son indépendance, sa liberté, son esprit de tolérance et de paix contre toutes les hégémonies, tous les fanatismes, tous les totalitarismes.

Puisse son engagement nourrir la vocation de toute notre jeunesse, éveiller ce désir de servir à son tour cette France pour laquelle un de ses meilleurs enfants, après tant d’autres, vient de donner héroïquement sa vie, clamant à la face des assoupis, des sceptiques, des pessimistes :

Oui, la France mérite qu’on lui donne le meilleur de soi.

Oui, l’engagement de servir et de protéger peut aller jusqu’au sacrifice suprême.

Oui, cela a du sens, et donne sens à notre vie.

Et je dis à cette jeunesse de France, qui cherche sa voie et sa place, qui redoute l’avenir, et se désespère de trouver en notre temps de quoi rassasier la faim d’absolu, qui est celle de toute jeunesse : l’absolu est là, devant nous.

Mais il n’est pas dans les errances fanatiques, où veulent vous entraîner des adeptes du néant, il n’est pas dans le relativisme morne que certains autres proposent. Il est dans le service, dans le don de soi, dans le secours porté aux autres, dans l’engagement pour autrui, qui rend utile, qui rend meilleur, qui fait grandir et avancer.

Telle est la voie montrée par Arnaud BELTRAME.

Cet engagement, je le retrouve chez nos militaires, nos pompiers, nos policiers, nos personnels soignants, nos professeurs, tous nos fonctionnaires engagés partout sur le terrain. Chaque étincelle en est précieuse en notre pays.

En sauvant cette jeune femme, le lieutenant-colonel Arnaud BELTRAME a conjuré l’esprit de renoncement et d’indifférence qui parfois menace. Il a montré que le socle vivant de la République, c’est la force d’âme.

Je le dis à son épouse, à sa mère, à ses frères, la leçon qu’il nous a offerte est, je le sais, d’un prix inacceptable, même si c’est le prix que chaque soldat est prêt à payer.

La gratitude de la patrie et les honneurs rendus ne vous ramèneront pas l’être que vous aimiez tant et dont toute la France a découvert ces derniers jours, le goût du bonheur, l’amour qu’il portait à sa famille, le sens de l’amitié. Ce héros était un homme avec son histoire, ses liens, ses sentiments, ses questionnements et lui-même avait ses héros, qui étaient les grands soldats français.

Arnaud BELTRAME rejoint aujourd'hui le cortège valeureux des héros qu’il chérissait.

Il vivra en vous, par vous, dans votre souvenir, dans vos prières ; mais ce que nous vous devons, c’est qu’il ne soit pas mort en vain, que sa leçon demeure gravée dans le cœur des Français.

Sa mémoire vivra. Son exemple demeurera. J’y veillerai ; je vous le promets.

Votre sacrifice, Arnaud BELTRAME nous oblige

Il nous élève. Il dit comme aucun autre ce qu’est la France, ce qu’elle ne doit jamais cesser d’être et qu’elle ne cessera jamais d’être tant que des femmes et des hommes décideront de la servir avec le courage, le sens de l’honneur, l’amour de la patrie que vous avez démontrés.

A ces mots, vous avez donné l’épaisseur de votre vie et les traits de votre visage.

Au moment du dernier adieu, je vous apporte la reconnaissance, l’admiration et l’affection de la Nation toute entière.

Je vous fais Commandeur de la légion d’honneur.
Et je vous nomme colonel de gendarmerie.

Vive la République.
Vive la France.

Emmanuel Macron, le 28 mars 2018 dans la cour d'honneur des Invalides, à Paris.

Source : www.elysee.fr/

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20180328-discours-macron-invalides-beltrame.html





 

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7 février 2018 3 07 /02 /février /2018 21:57

Document : rapport de la compte des comptes CDBF du 7 février 2018 (à télécharger)

Chaque année, la Cour des Comptes publie son rapport annuel. Dans ce rapport, il y a une annexe qui est le rapport d'activité de la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) annexée au rapport public annuel. Son édition 2018 a été publiée le 7 février 2018.

Cliquer sur le lien pour télécharger le rapport CDBF 2018 (fichier .pdf) :
https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2018-02/rapport-annuel-CDBF-2018.pdf

Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190206-rapport-cour-comptes-radio-france.html

SR

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20180207-rapport-cour-comptes-cdbf-2018.html




 

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17 décembre 2017 7 17 /12 /décembre /2017 01:04

Les déclarations d'intérêts et de patrimoine des ministres ont été publiées par la HATVP le 15 décembre 2017. On peut les télécharger en cliquant sur chacun des liens correspondants aux ministres (sous format .pdf).

Déclarations d'intérêts et d'activités :

http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/philippe-edouard-di3214-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/collomb-gerard-di3204-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/hulot-nicolas-di3213-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/belloubet-nicole-di3197-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/le-drian-jean-yves-di3194-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/parly-florence-dim4273-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/mezard-jacques-di3205-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/buzyn-agnes-di3142-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/le-maire-bruno-di3199-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/nyssen-francoise-di3211-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/penicaud-muriel-di3195-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/blanquer-jean-michel-di3209-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/travert-stephane-di3413-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/darmanin-gerald-di3202-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/vidal-frederique-di3196-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/girardin-annick-di3201-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/flessel-laura-di3200-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/gourault-jacqueline-di3209-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/borne-elisabeth-di3513-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/loiseau-nathalie-di3198-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/castaner-christophe-di3192-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/schiappa-marlene-di3210-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/cluzel-sophie-di3193-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/mahjoubi-mounir-di3212-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/lecornu-sebastien-di3411-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/poirson-brune-di3410-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/lemoyne-jean-baptiste-di3223-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/darrieussecq-genevieve-di3414-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/denormandie-julien-di3409-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/dussopt-olivier-diam3737-depute-07.pdf

à venir :
http://www.hatvp.fr/fiche-nominative/?declarant=geny-stephann-delphine
http://www.hatvp.fr/fiche-nominative/?declarant=griveaux-benjamin


Déclarations de patrimoine :

http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/philippe-edouard-dsp4977-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/collomb-gerard-dspm4998-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/hulot-nicolas-dspm4989-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/belloubet-nicole-dspm4992-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/le-drian-jean-yves-dspm4985-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/parly-florence-dsp5010-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/mezard-jacques-dspm4981-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/buzyn-agnes-dspm5019-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/le-maire-bruno-dsp4974-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/nyssen-francoise-dspm4982-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/penicaud-muriel-di3195-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/blanquer-jean-michel-dspm4993-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/travert-stephane-dspm5007-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/darmanin-gerald-dsp4999-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/vidal-frederique-dsp4975-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/girardin-annick-dsp4990-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/flessel-laura-dsp4987-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/gourault-jacqueline-dsp4986-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/borne-elisabeth-dsp3516-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/loiseau-nathalie-dspm4979-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/castaner-christophe-dsp4976-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/schiappa-marlene-dspm5014-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/cluzel-sophie-dsp4973-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/mahjoubi-mounir-dspm5013-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/lecornu-sebastien-dsp5018-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/poirson-brune-dspm5017-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/lemoyne-jean-baptiste-dspm5009-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/darrieussecq-genevieve-dspm5001-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/denormandie-julien-dspm5003-gouvernement.pdf
http://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/griveaux-benjamin-dspm5005-gouvernement.pdf

à venir :
http://www.hatvp.fr/fiche-nominative/?declarant=dussopt-olivier#2
http://www.hatvp.fr/fiche-nominative/?declarant=geny-stephann-delphine

SR

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20171215-hatvp-patrimoine-ministres-2.html


 

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