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Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20191119-macron.html
Discours du Président Emmanuel Macron le 19 novembre 2019 à Paris
Monsieur le Président du Sénat, mesdames messieurs les ministres, monsieur le Président du Conseil économique, social et environnemental, mesdames et messieurs les Parlementaires, monsieur le Président de l’Association des Maires de France, cher François BAROIN, mesdames et messieurs les membres du Bureau et du Comité directeur, madame la Maire de Paris, chère Anne HIDALGO, mesdames et messieurs les Présidents d’association d’élus locaux, mesdames et messieurs les Maires et Présidents d’intercommunalité, mesdames et messieurs les élus, mesdames et messieurs, chers amis,
Merci d’abord de m’avoir permis de partager à l’instant à vos côtés l’hommage rendu au Président CHIRAC, hommage affectueux et émouvant. Et merci de m’accueillir en cette deuxième journée, après avoir passé ces heures hier, en particulier aux côtés de tous nos amis et collègues ultramarins que je reconnais dans cette salle et qui font face à beaucoup des défis qui sont ceux de tout le territoire français avec en plus bien souvent des défis bien particuliers auxquels à chaque fois nous tentons de répondre. Merci madame le Maire de Paris, chère Anne. Merci monsieur le Président, cher François BAROIN, monsieur le Vice-président, cher André LAIGNEL, pour votre accueil, vos propos, vos interpellations. Et merci à vous tous, mesdames et messieurs les Maires, d’être là.
Nous nous retrouvons, mais en fait je ne crois pas que nous ne nous soyons vraiment quittés. A chaque fois que je me déplace dans l’hexagone comme en outre-mer dans les circonstances tragiques d’une catastrophe naturelle, d’un attentat comme dans les jours plus heureux pour inaugurer tel projet qui se lance, telle réalisation qui aboutit c’est votre visage à chaque fois que je vois parmi les premiers, votre connaissance du terrain qui me nourrit, votre sens précisément du terrain qui m’apprend. Et puis vous l’avez rappelé, il y a eu le Grand Débat. Ces dialogues que nous avons noués dans toutes les régions de France à Grand Bourgtheroulde, à Souillac, à Valence, Evry-Courcouronnes, Autun, Gargilesse-Dampierre, Bordeaux, Gréoux-les-Bains, Angers, Saint-Brieuc, Cozzano, à l’Elysée et dans bien d’autres lieux. Ce fut ça pendant des mois dans toutes les régions de France et j’ai tant appris de nos échanges. Tant appris, et, je dois dire, des aspirations de nos compatriotes, de leurs craintes aussi face aux bouleversements contemporains qu’ils veulent dans leur quotidien et que vous partagez avec eux. Tant appris de votre sens du dialogue, de l’unité, de la proximité. Tant appris, oui, j’ose le dire, de vous, de ces débats que nous avons eus ensemble, que nous avons eus encore il y a quelques jours à Epernay avec le Maire et son Conseil municipal. Et je dois bien le dire, si mon parcours avant de devenir Président de la République diffère quelque peu de celui de Jacques CHIRAC à qui nous venons de rendre hommage et qui avait forgé sa vision de la France dans ses fonctions locales en Corrèze et à Paris ou du président MITTERRAND qui l’avait forgée et il le rappelait là aussi durant ses décennies à Château-Chinon, ces heures passées à vos côtés ont agi et agissent pour moi comme un concentré d’expériences. Je ne suis certes pas Maire d’une commune de France mais je me sens chaque jour un peu plus à votre contact Maire de la commune France, c’est-à-dire à la fois gardien de l’essentiel, l’unité de la nation, et du quotidien concret, des vies, de la dimension humaine qui à la fin doit guider toute action publique.
Alors, cher François BAROIN, cher André LAIGNEL, vous avez évoqué quelques sujets lourds : finances locales, répartition des compétences, décentralisation. Tous ont une importance capitale. Sur ce dernier, je reviendrai dans quelques instants. Sur les autres, je pourrais utiliser justement le même propos que François MITTERRAND avait eu dans son discours de 1994 : « si j'avais voulu répondre à ces sujets point à point, j'aurais fait ministre ou Premier ministre, c'est d'ailleurs pour ça que je vous les envoie durant tous ces jours. » Mais comme vous, parce que les temps ont aussi changé, les exigences ne sont pas les mêmes et vous me diriez : qu'est- ce que c'est que ce Président qui ne répond pas à notre quotidien alors que nous, nous devons répondre au quotidien de nos concitoyens ? Je vais quand même rentrer un peu dans le concret.
Sur la taxe d'habitation, j'ai déjà plaidé à plusieurs reprises. D'abord, permettez-moi de le dire, sur la taxe d'habitation, comme sur les dotations, j'ai fait ce que je vous avais dit. Je suis venu à votre invitation durant la campagne présidentielle, je vous ai tenu ce discours, exactement, et j'ai demandé au Gouvernement de le mettre en œuvre. Je crois que vous êtes attachés à la même forme de transparence. Il est bon que ce soit ainsi. Après, sur la taxe d'habitation, si durant votre campagne, beaucoup de vos électeurs vous reprochent la baisse, faites-le moi savoir, et qu'ils viennent se plaindre. Et parfois, peut-être, vous aurez le droit d'empocher les félicitations qu'ils vous livrent à vous, et pas au gouvernement, parce que c'est ce qui va vous arriver. Je me permettrais de dire que, contrairement à beaucoup d'autres réformes, celle-ci ne s'est pas soldée par la suppression de la taxe d'habitation pour la remplacer par un autre impôt local, ce qui fut toujours le cas jusqu'alors, non, mais bien par la suppression d'un impôt compensé par l'Etat, qui descend en effet du département au bloc communal un impôt mais qui le compense par une part de transfert d'un impôt national. Et ça, ça n'avait jamais existé parce que ça veut dire que le payeur final de cette mesure, c'est bien l'Etat et ses économies. C'est une réalité.
Quant aux compensations, les ministres, le Premier ministre y reviendra. Je vous ai entendus, j'ai déjà plaidé il y a deux ans, ici même, la chose. Je l'ai expliqué plusieurs fois durant le grand débat. Si le système des dotations doit être rendu plus intelligent, je suis preneur de toutes les propositions. Il se trouve que le système d'aujourd'hui est voté par le Parlement sur la base des propositions du comité des finances locales. J'ai compris que beaucoup y siégeaient.
Simplement, le Parlement vote sur proposition du Gouvernement, conformément à mes engagements, une stabilité. C'est une bonne chose, mais la stabilité s'accompagne ensuite de variations en fonction de la réalité : si on perd des habitants, selon le potentiel fiscal, cela fait bouger le montant de la dotation. Nous connaissons les règles. Si elles peuvent être rendues plus intelligentes, il faut le faire. Maintenant, vous avez raison, le système est imparfait, il faut continuer de le transformer, de l'améliorer, et j'y reviendrai dans quelques instants.
Mais je crois que le moment que vit notre pays, que nous avons traversé ensemble ces derniers mois, le caractère parfois tragique de notre histoire, et vous l'avez rappelé, exige aussi que je puisse ici vous dire quelques mots, quelques convictions, au fond, de la manière dont nous, ensemble, Maires de France et Président de la République, nous pouvons rassembler les Français, comment nous pouvons ensemble faire en sorte d'être à la hauteur de ce moment, car en effet, ce qui importe, et je ne considère pas pour ma part que ce que notre pays a vécu il y a maintenant un an pendant des mois et des mois soit totalement derrière nous, cela vient de loin et cela durera. Cela exige beaucoup de force d'âme, de volonté, une volonté de transformer notre pays, d'agir, mais aussi, tout en agissant, d'unir et de rassembler pour ne pas laisser de côté une partie de nos territoires, de notre peuple et pour continuer à donner du sens à chacun. C'est bien cela dont je suis venu vous parler cet après-midi avant tout.
Trop de fractures, c'est le principal constat qui a émergé du Grand Débat national, fractures territoriales, fracture numérique, sociale, identitaire, culturelle aussi, trop de fractures, comme si la France n'était plus une. À chaque fois qu'un Républicain comme vous l'êtes, comme je le suis, entend ainsi désigner la situation de notre pays, c’est toujours un déchirement, précisément parce que la République est et ne saurait être qu’une. Parce que la République est et ne saurait être qu’indivisible. Cela ne veut pas dire qu’elle est la même partout – et vous êtes d’ailleurs les porteurs de cette diversité – mais cette diversité ne devrait pas diviser et justifier précisément que bloc à bloc on finisse par penser le territoire ou la société comme séparés. Jamais je ne me résoudrai à ce que la France, la nation, se réduise à un archipel. Et donc, notre rôle à nous, à vous qui êtes en charge de la commune, donc du commun, c’est de tout mettre en œuvre pour résorber ces fractures. C’est de faire bloc pour unir, pour rassembler les Français par notre action.
Unir et rassembler, cela passe d’abord et avant tout – et je veux ici le rappeler, on l’évoque souvent trop peu – par des rites républicains. Donc pour les pratiquer, vous savez l’importance dans la vie d’une commune. Les cérémonies commémoratives en sont, qui rappellent régulièrement aux Français les liens de sang qui ont façonné leur liberté. Je veux ici vous remercier toutes et tous pour votre implication lors de l’organisation du centenaire de la Première Guerre mondiale comme dans les différents anniversaires et commémorations, des débarquements de Normandie ou de Provence et de toutes ces célébrations encore ces jours derniers. L’année 2020 sera, de ce point, de vue particulière. Nous célébrons, entre autres, tout à la fois les 80 ans de l’appel du 18 juin, les 120 ans de la naissance du général de Gaulle, les 150 ans de la Troisième République. Quelques autres anniversaires importants. Vous serez une fois encore au rendez-vous. Et ces rendez-vous ne sont pas des habitudes. Ces rites précisément donnent du sens dans nos communes, partout dans la République, à ce lien de sang, à cette part d’histoire qui nous a fait libre. Et j’en sais toute l’importance dans les temps que traverse notre République. Ils sont autant d’occasions de rassembler les générations, de ne pas oublier, de comprendre, de continuer, d’associer toutes et tous. D’éduquer en impliquant plus profondément, comme nous sommes en train de le faire, l’école, et d’agir. Unir et rassembler, c’est aussi par notre action collective, notre ambition. Cela signifie en quelque sorte, recoudre cette France trop souvent déchirée, déchirée entre la ville, les banlieues, les différents quartiers, les campagnes, avec, je le sais, un exercice du mandat de maire parfois particulièrement difficile dans nombre de ces endroits.
Alors, ce que nous avons collectivement à faire, c’est un nouvel aménagement de notre territoire. Je le dis collectivement parce que c’est à la fois le Gouvernement, mais avec lui, les régions, les départements, les intercommunalités et les communes qui ont ce travail à faire, car toutes les compétences rassemblées sont à mobiliser. Il n’y a pas de fatalité à ces divisions. Je m’y étais engagé. Le Gouvernement a pris des mesures fortes à vos côtés, qui marquent là aussi un retour de l’État : le plan « Action Cœur de Ville » pour redynamiser les centres des cités moyennes ; l’Agenda rural porté par la concertation sur vos propositions avec plus de 170 actions proposées par la ministre pour nos villages ; l’installation de France Services dans chaque canton – j’inaugurerai le premier France Services vendredi à Amiens ; le plan de mobilisation nationale pour nos quartiers ; le plan très haut débit ; le développement d’infrastructures de proximité pour que ne demeure aucune zone blanche en matière de transports – et de ce point de vue, merci, Président, de que vous avez dit sur les concertations en la matière ; la loi d’orientation pour les mobilités devrait être ainsi votée ce soir à l’Assemblée nationale ; la création, sur la base d’une idée soumise par l’AMF, d’une Agence nationale de la cohésion des territoires mettant à disposition des collectivités, de nouveaux moyens d’ingénierie pour accompagner les projets, pour aider aux investissements, plus facile car ce qui bloque souvent c’est le manque de moyens. On le sait bien. La difficulté de porter tel ou tel projet et d’avoir les compétences, les bonnes personnes. Jamais autant n’avait été fait pour que ce beau principe républicain, l’égalité ne s’applique pas seulement aux femmes et aux hommes mais aussi aux territoires, pour que la République porte une même attention à notre capitale qu’aux villages, de quelques hommes, aux grandes villes qu’aux cités moyennes.
Nous arrivons tard, je le sais. Et je vous écoutais tout à l’heure. Et j’entends pleinement vos arguments. Attaquer des projets de regroupement forcé, de précipitation, de baisse drastique de dotation sur tel ou tel projet. Mais je voudrais, ici, de là où je suis, défendre le Premier ministre et son Gouvernement parce que je n’ai pas le sentiment que tout ce que vous avez décrit depuis tout à l’heure soient des mesures qui aient été portées par ce Gouvernement ou votées par cette majorité. Et j’ai peur que, comme ça peut vous arriver souvent d’ailleurs dans votre action, il n’ait eu à subir depuis 2 ans et demi les conséquences de beaucoup de réformes qui venaient parfois de loin alors même que son action essayait de mener le contraire. Je ne vous demande pas la patience. Vos concitoyens ne vous la donnent pas mais je nous demande collectivement le discernement qui est de ne pas reprocher aux uns les causes qui viennent d’ailleurs et de savoir reconnaître de manière un peu juste ce qui est fait. Mais tout cela est une épreuve parce que nous venons de loin, parce que parfois des bonnes décisions n’avaient pas été prises suffisamment tôt, parce que le monde tel qu’il s’organise aussi a accéléré les phénomènes de concentration. Le métropolisation, qui n’est pas le fait de décisions, quelles que soient d’ailleurs les majorités, mais qui s’observent partout dans le monde, qui est le regroupement des talents, des énergies dans quelques villes, quelques pôles d’attractivité. Mais qui a parfois été aidé par la concentration autour de grandes régions, de capitales régionales. Et les concentrations à Paris ou dans ces capitales-là de certains de nos choix.
Nous arrivons donc à un moment critique. Mais je ne crois pas là aussi qu’il y ait de fatalité. Et je veux être jugé sur les actes. Les actes, c’est une augmentation de la couverture numérique du territoire inédite. 14 000 lignes de fibre optique sont tirées chaque jour ouvrés depuis janvier 2019, 4 millions par an. Nous serons donc au rendez-vous du haut débit pour tous en 2020 et du très haut débit pour tous en 2022 comme je m’y étais engagé en juillet 2017. Les actes, c’est l’ouverture des 460 premiers France Services en janvier 2020. 200 000 nouveaux cafés dans nos petites villes d’ici quelques mois dans le cadre de l’agenda rural. Les actes, c’est la transformation en cours des logements, des centres-villes et des quartiers. Le choix résolu de privilégier le commerce de proximité pour revitaliser les centres-villes. Les actes, ce sont les 42 quartiers de reconquête républicaine qui bénéficient de renforts policiers spécifiques. Les actes, c’est ce travail quotidien résolu pour faire en sorte que chaque terre de France soit une chance pour celles et ceux qui y vivent, par plus de stages proposés, par les emplois francs développés, par une nouvelle ambition donner à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine avec des délais raccourcis et les nouveaux engagements en termes d’investissements que j’avais pris.
Les actes, c’est cela. C’est en train de se déployer. Cela va continuer d’arriver et c’est une transformation indispensable. Mais ça veut dire que collectivement, ce que nous avons à faire, c’est réinventer notre territoire. Et il n’y a, en la matière, pas de fatalité comme je le disais. Les métropoles sont là, ce à quoi nous avons travaillé beaucoup, des Maires qui soient à la tête de ces métropoles ou dans leurs périphéries le savent et c’est une nouvelle coopération entre ces territoires par ces décisions prises mais aussi par les décisions qui sont prises au sein des structures intercommunales comme entre elles pour permettre une mobilité plus adaptée, pour apporter les réponses en termes de pouvoir d’achat à celles et ceux qui travaillent dans ces métropoles mais qui souvent ne peuvent pas y vivre. Et nous avons entendu aussi ce message. Cette réinvention de notre territoire collectivement, c’est la capacité que nous devons donner dans nos quartiers les plus difficiles, les plus pauvres, à accéder aux meilleures formations, ce que nous sommes en train de faire, à l’égalité de la formation supérieure, à l’emploi sans stigmatisation. Ce qui est aussi les réinventer, permettre d’en tirer toute l’énergie parce qu’ils ont une ressource. C’est la vitalité démographique. C’est de réinventer par le télétravail les mobilités que vous portez et les projets innovants, j’y reviendrai, des coopérations dans le rural. C’est la redynamisation de nos centres-villes qui ont été désertés totalement par les commerces, par les habitants parce que des choix ont été opérés dans les années 80 et 90 qui ont conduit au fond à séparer notre espace selon les usages. Les gens n’en veulent plus. C’est aussi au titre de cela que j’ai été conduit à refuser certains projets que je ne considérais plus comme du jour. Le temps est à la redéfinition de l’espace et d’un commun.
Nos concitoyens veulent vivre près de l’endroit où ils travaillent pour pouvoir plus facilement travailler là où ils veulent, pouvoir plus facilement accéder à un commerce de proximité, de nouvelles formes de contact, de la culture. Ils ne veulent plus cet espace séparé selon les temps où on dort à un endroit, où on va travailler à un autre, où l’accès à la culture est ailleurs. Et c’est d’ailleurs cohérent avec le projet écologique que collectivement nous poursuivons. Il nous faut donc retisser cela. Cela va prendre du temps, ça dépend de votre engagement, de la clarté de nos choix et des instruments qui sont mis à votre disposition. Mais je crois très profondément que par toutes ces initiatives prises, et j’aurais pu citer encore beaucoup d’autres, celles des directoires d’industrie car là aussi nous sommes en train de reconquérir notre industrie.
Pour la première fois depuis 12 ans nous recréons dans notre pays de l’emploi industriel, nous réouvrons des usines dans des endroits qui les avait délaissées. Parce qu’il n’y a pas de fatalité. Il y a des projets qu’on doit vous aider à porter, des investissements qu’il faut faciliter et des règles lorsqu’elles sont plus claires au niveau national qui permettent enfin de réinvestir, de réembaucher. Plus de 500 000 emplois créés en 2 ans, ça aussi c’est pour cette ambition des territoires. Et donc cet aménagement nouveau de notre territoire, il est à construire à travers ces projets, ces nouveaux instruments et une ambition qui nous permettra de bâtir les nouvelles formes du vivre ensemble, de l’habiter, du déplacement et du travail dans une puissance économique solidaire et environnementale du 21ème siècle, celle que nous voulons bâtir.
Unir et rassembler, c’est notre viatique. C’est aussi tenir la cohésion du pays dans les dures épreuves des temps. Vous avez rappelé les événements tragiques : ceux de 2015, ceux aussi que nous avons vécus ces derniers mois, ces dernières semaines. Ces événements, qu’il s’agisse du terrorisme, des attaques, des violences urbaines, ont touché à chaque fois au premier chef, vous le savez ô combien, Madame la Maire de Paris, les maires que vous êtes. Ces événements ont bousculé notre pays, charriant les peurs, les angoisses, les tensions et parfois d’ailleurs laissant monter l’esprit de divisions et les confusions. Face à de tels enchaînements, notre responsabilité collective est de ne jamais jouer sur les peurs, de ne jamais rien céder aux haines, d’éviter aussi la précipitation parfois pour apporter des bonnes réponses. Opposer au tourbillon des amalgames la sérénité claire des principes républicains. Faire en sorte que le fil du dialogue entre les Français jamais ne se rompe.
A ce titre, je veux dire ici combien les mots qu’ont eus les maires de chacune des communes concernées par les événements que je rappelais ont sonné juste, qu’ils étaient à chaque fois frappés d’un grand sens de la République et de son unité. Mais les mots n’épuisent pas ce que doit être notre réaction collective face au regain des passions, de la division et de la haine. Ce qu’il nous revient de bâtir c’est la République en actes qui unit les Français simplement parce que la loi s’applique à tous et en tous points du territoire. Aussi devons-nous travailler ensemble pour assurer la sécurité de tous nos concitoyens au quotidien, lutter contre les incivilités, la délinquance, la violence qui minent au premier chef la cohésion du pays. Je sais que c’est votre engagement premier là aussi parce qu’à chaque fois vous me sollicitez, vous me proposez d’ailleurs bien souvent.
Nous prenons depuis 2 ans et demi nos responsabilités en la matière avec une volonté forte, des policiers et des gendarmes plus nombreux sur la voie publique. C’est l’engagement de recrutement de 10 000 postes supplémentaires, les premiers qui sortent de formation sont en train d’arriver sur le terrain et, il est vrai, ils sont particulièrement nombreux dans ces quartiers de reconquête républicaine où l’effort est mis en priorité. Mais c'est aussi dégager du temps sur le terrain pour nos policiers et nos gendarmes en investissant dans la procédure pénale numérique, en allégeant, ce qui a été fait dans le cadre de la Loi justice, les tâches administratives. C'est aussi le choix qui a été fait, après des années, sans que le sujet ne soit jamais ouvert, de décider du paiement des heures supplémentaires des policiers, parce que les heures payées, c'est plus de présence sur le terrain et c'est donc du temps utile pour vous. Cet effort se poursuivra, il est indispensable et c'est notre engagement. Mais, et vous le savez aussi, la sécurité du quotidien dépend de vous, de la qualité des coopérations entre la police nationale et municipale, entre les préfets et les élus que vous êtes, et de poursuivre ce travail amplement engagé.
Nous avons à ce titre, d'ailleurs, obtenu des avancées réelles grâce à l'initiative des parlementaires. Je pense en particulier à cette loi sur les rodéos, élaborée ensemble et qui permet aujourd'hui de saisir des véhicules, et qui permet, lorsque le travail est fait en partenariat sur le terrain, d'agir beaucoup plus efficacement. Dans 3 cas sur 4, police municipale et forces de sécurité intérieure sont liées par une charte de coopération qui organise échanges d'informations, partage de moyens techniques et numériques, formation et parfois même patrouilles communes. Mais là aussi, nous pouvons encore faire davantage, faire mieux.
C'est pourquoi je demande au Gouvernement d'étudier toutes les propositions qui sont faites par les différentes associations pour améliorer ce qu'on appelle parfois le continuum de sécurité, c'est-à-dire la mobilisation de tous les acteurs : forces de l'ordre, police municipale, agents techniques aussi parfois, les différentes mairies, forces et sociétés de sécurité privées, pour agir de manière encore plus efficace contre les incivilités, la délinquance et poursuivre le travail. Des propositions très concrètes ont été faites par plusieurs d'entre vous, et je souhaite qu'on puisse regarder et avancer. Certains fichiers pourraient être mieux partagés, je le sais bien, ceux des véhicules volés, par exemple. On pourrait agir plus efficacement et plus concrètement, regarder si certains pouvoirs de police ne pourraient pas être délégués dans certains cas, les dépôts, la verbalisation des poids lourds... Il y a des choses très concrètes que vous appelez de vos vœux, qui permettraient d'ailleurs non pas à l'Etat de se désengager, je le dis ici clairement pour lever toute ambiguïté, mais de mieux coopérer et de permettre aux maires qui le souhaitent de faire davantage plus efficacement, plus simplement. Le Gouvernement sera au rendez-vous, et ces propositions auront donc une réponse.
Mais au-delà de cette sécurité du quotidien, de ces incivilités, il y a, bien entendu, ce que notre pays continue de vivre, le terrorisme et le sujet de la radicalisation, qui, aussi, appelle une action conjointe. J'ai évoqué, il y a quelques semaines, la nécessité de bâtir une société de vigilance, c'est-à-dire la mobilisation de tous pour lutter contre ces reculs insidieux de la République qui, trop souvent, se transforment en drame. Vigilants, en vérité, nous le sommes déjà ensemble. 150 chartes ont ainsi été signées dans l'ensemble des communes concernées par des individus suivis pour radicalisation. Depuis un an, sous l'impulsion du ministre de l'Intérieur, comme je m'y étais engagé devant vous, les maires ont désormais droit de reconnaître. Le préfet vous informe régulièrement de l'État de la menace et peut vous transmettre des éléments nominatifs confidentiels. Là encore, comment ne pas voir que vous êtes, vous les maires, en permanence au contact et donc les mieux placés aussi, bien souvent, pour percevoir les signes faibles d'une dégradation de la situation, d'un glissement, et donc être des acteurs à part entière de cette société de vigilance, c'est-à-dire une société de l'attention collective et donc de l'action. Etat et communes sont les bras armés d'une République qui protège, d'une République qui avance aussi et s'impose dans chaque hall d'immeuble, dans chaque rue, dans chaque terre de France.
Bien évidemment, évoquant ces sujets, je ne peux bien entendu rester silencieux sur la question du communautarisme, de l'islamisme politique tant évoqué ces dernières semaines et ces derniers mois dans notre pays. Je ne veux rien cacher ici de la réalité que beaucoup d'entre vous vivent. Dans certaines communes, dans certains quartiers, progresse depuis quelques années un projet de séparation d'avec la République. C'est une réalité. Ce sont les revendications sur les horaires réservés aux femmes dans les piscines, ces espaces publics où la mixité n'est plus possible, ce sont ces pressions exercées dans certains services publics, certaines entreprises, ce sont aussi des services communautaires qui cherchent à se substituer à la République, et les déscolarisations d'enfants auxquelles on assiste dans trop d'écoles. À chaque fois, les maires sont en première ligne. L'Etat agit et continuera d'agir.
Nous n'avons pas attendu ces dernières semaines et les débats qui, parfois, ont pu voir le jour. Non. Les lois ont été prises et les actions ont été conduites en la matière, avec efficacité, tout particulièrement par le ministre de l'Intérieur et le ministre de l'Education nationale, grâce, là aussi, à des initiatives parlementaires salutaires sur ce sujet. 12 lieux de culte ont ainsi été fermés, 4 écoles hors contrat, 9 établissements associatifs, près de 130 débits de boisson, toujours avec la coopération des maires. Cette action continuera d'être menée, et nous devons, là aussi, faire plus, ne jamais vous laisser isoler dans ce qui est un des grands combats républicains contemporains. Tout le Gouvernement est mobilisé et continuera d'agir. Le ministre de l'Intérieur donnera des instructions nouvelles aux préfets dans les prochains jours en la matière, et le gouvernement portera des actions concrètes nouvelles dans les prochaines semaines sur ce sujet.
Mais là aussi, je veux nous appeler collectivement à ne pas tout confondre. Dans les débats qui, souvent, se nouent sur ces sujets compliqués, on confond tout. On confond bien souvent la laïcité, la civilité et l'ordre public. La laïcité a un cadre, la loi de 1905. Il a été complété par des lois plus récentes, importantes, qui ont été le fruit d'ailleurs de longues concertations. C'est un cadre, un cadre de liberté et de respect, la liberté de croire et de ne pas croire, c'est un cadre de neutralité, ça n'est en aucun cas un cadre de combat ou d'exclusion. Ça n'est pas la notion qui doit nous conduire à mettre dos à dos, front à front, une part de la société française contre une autre. Ce serait une profonde erreur historique et une faute lourde politique. La laïcité a ce cadre, faisons-le appliquer. Respectons-le partout. C'est à cela que j'appelle le Gouvernement.
Mais bien souvent, ce qui traverse notre société, ce sont les sujets que je viens d'évoquer, légitimes, qui touchent la civilité, l'égalité entre les femmes et les hommes, le respect des lois de la République, l'ordre public, et c'est là qu'il nous faut collectivement nous réarmer, peut- être prendre des lois nouvelles, des décisions plus fortes. Mais ne confondons pas tout. Faisons- le avec la force de la République qui unit, jamais avec l'esprit de division. Il est inefficace et produit le pire. Le Gouvernement sera au rendez-vous de cette ambition en suivant ces principes.
Et puis, et ça vous touche tout particulièrement, dans les débats récents, un sujet est venu, celui des listes communautaires. Je suis, sur ce point, pragmatique et ouvert à toutes les propositions, à condition qu'elles soient efficaces et que, là aussi, elles respectent nos principes. D'abord, vous êtes, je pense, toutes et tous attachés à ce qui fait notre vie politique, qui est aussi un principe de liberté. Comment définirait-on les listes communautaires ? Qui en serait le juge ? Selon quels critères ? La vie politique est ainsi faite que les choses peuvent changer. Nous avons des règles claires, faut-il ici les bousculer parce que soudain, les esprits s'échauffent ? Je nous appelle collectivement à la prudence, pas la prudence qui mène à l'inaction, celle qui conduit à ne pas renoncer aux libertés de la République parce que le pire est parfois là, celle qui nous conduit aussi à voir toutes les conséquences de ce qu’on propose.
Et puis surtout il ne faut pas en la matière avoir quelque naïveté que ce soit. Il ne s’agit pas de proclamer l’interdiction pour régler le problème. Nous avons eu dans d’autres temps de la République ces débats. Fallait-il interdire ces listes antisémites pour réussir à chasser ces idées de la société française ? Qui peut penser d’ailleurs que de telles listes se présenteront à visage découvert, avec spontanéité et clarté ? Non. Si les choses étaient si simples nous n’aurions pas tant de difficultés. Ceux d’entre vous qui sont confrontés à ce phénomène le savent, ceux qui développent un projet communautariste, cet islam politique que j’évoquais, un projet de division de la nation en détournant une religion de ses fondements très souvent se cachent, se dissimulent. C’est là toute la difficulté. Et donc ce qui compte c’est le combat politique en actes, ce qui compte c’est l’intransigeance républicaine quand la prééminence de nos lois est remise en question, quand l’égalité entre les femmes et les hommes est combattue, remise en cause.
Ce qui compte c’est de faire tomber les masques de ceux qui combattent la devise inscrite sur les frontons des mairies qu’ils convoitent. Et ce combat, je sais que je peux compter sur vous pour le mener, sur tous les maires de France pour le mener et pour l’emporter. Et je veux vous dire une chose, vous pourrez compter sur moi mais en actes au quotidien, chaque jour pour les débusquer, les combattre, fermer les associations, fermer les écoles quand elles ne respectent pas absolument les lois de la République. C’est ainsi qu’il faut mener ce combat, je ne crois pas autrement. Et donc là aussi sur ce sujet, le Gouvernement poursuivra avec l’ensemble des forces politiques de notre pays le travail pour rassembler les meilleures idées, avancer et agir.
Mesdames et messieurs, préparant ma venue parmi vous, je relisais aussi l’histoire des Congrès des Maires de France et ce faisant l’histoire des maires de France et je me faisais cette réflexion toute simple en quelque sorte quand on reprend à la cavalcade cette odyssée commune depuis la Révolution française. A chaque fois qu’il a fallu bâtir la République, ses grands projets, construire son avenir cela s’est fait dans et à travers, par les maires : la liberté, la République et la démocratie neuves dès la Révolution française ; la construction de la République dès les lois de 71 et de 72 d’abord par les conseils départementaux puis par la loi de 1884 par le rôle qu’on donne au maire ; et la construction de notre école de la République, de nos écoles dans chaque commune, bien souvent aussi des infrastructures s’est faite par ce truchement. Et la solidité que notre République a su bâtir entre la défaite de 70 et 1914 c’est ce moment inouï où la République a su construire une espèce de pacte, d’ambition et de contrôle réciproque avec les élus locaux et ceux de la République. Permettre que rien ne soit remis en cause si le pire devait advenir à Paris avec les pouvoirs donnés dès 71 et 72 au niveau du département, en 84 aux communes, et permettre d’avancer avec des projets concrets. La solidité de notre pays elle procède de ce temps incroyable. Et à chaque moment que la République a été bousculée par des doutes, par le pire, parfois bousculée en son sommet elle a su retrouver ce socle, cette action concrète, cette stabilité des valeurs et des principes auprès de ses maires. Et il en est de même dans le moment que nous vivons.
Nous sommes dans un moment particulier de notre pays mais il suffit de regarder autour de nous pour nous apercevoir que nous sommes dans un moment historique pour toutes les démocraties occidentales et au fond pour le monde entier, un moment de doute, de crise. Regardez autour de nous, qui a un Gouvernement stable, une majorité claire ? Qui a une vie démocratique innocente, placide ? Je cherche les paradis, les exemples. Je n’en trouve pas. C’est bien parce que nous avons collectivement de nouveaux défis à relever, c’est que nous vivons la fin aussi d’une époque, de transformations profondes peut-être que nous n’avons pas toujours prendre à temps, mais aussi des défis contemporains qui agitent les peurs. Le défi technologique, le défi climatique, le défi démographique et la brutalité de ce monde contemporain. Pour réussir ces transformations comme à chaque fois que la République a été confrontée à ces grandes bourrasques, j’ai besoin de vous et c’est ensemble que nous bâtirons cette action utile. C’est aussi pour cela, fort de ce temps passé ensemble, de ces mois de débat de commune en commune, mais aussi de cette conviction chevillée au corps et inspirée par notre histoire que cet acte II comme je l’ai appelé, du mandat qui m’a été confié par les Français, j’ai voulu le bâtir autour de quelques sujets où votre rôle est déterminant. Je ne les couvrirai pas tous mais je veux ici simplement en mentionner deux.
Le premier, vous l’avez évoqué un instant, c’est celui de la transition écologique, de l’environnement. Elle se joue bien sûr sur le plan international. La France est au rendez-vous dans les négociations entre Etats, sur les baisses des émissions de gaz à effet de serre, la préservation de la biodiversité, la constitution d’un droit environnemental contraignant. Et vous savez, l’engagement de la France sur tous ces sujets. Elle se joue en Europe et vous savez combien la France porte une ambition climatique et environnementale dans notre Union européenne. Elle se joue aussi au niveau national, et là également, le Gouvernement prend ses responsabilités. Je connais peu de pays qui ont assumé la fermeture de toutes leurs centrales à charbon, la fin des exploitations des hydrocarbures, un plan pour la biodiversité. Ç’a été fait et c’est en train de s’appliquer, et ce n’est qu’un début de l’action qui est en train d’être conduite. La convention citoyenne, cher président, qui est en train de travailler au CESE en ce moment même, proposera au gouvernement, à moi-même de nouvelles actions concrètes qui scanderont notre travail collectif dans les prochains mois.
Mais en vérité, là aussi, c’est bien dans les territoires et par les communes que la transition se fait concrètement, la protection des espaces, la lutte contre la pollution, eaux usées comme déchets et donc le combat pour la biodiversité, c’est vous. Les plans pour décarboner les transports, pour rénover les logements et donc emporter la bataille de la baisse des émissions de gaz à effets de serre et du climat, c’est vous. Bien sûr, l'État doit fixer un cadre, une direction, donner des instruments. Mais ensuite, c'est aux communes qu’il importe de faire, très souvent, et c'est d'ailleurs là que les initiatives les plus innovantes, bien souvent, ont été prises.
Les maires ont un rôle clé. Ils ont aussi une connaissance du terrain de ses contraintes et parfois des tensions que ces sujets peuvent faire naître. Un maire sur cinq est agriculteur ou ancien agriculteur, ce qui donne une expérience. Et je dois le dire aussi bien souvent quelque bon sens. Cette transition, elle est complexe. Et là aussi, je vois qu'il y a des intéressés dans la salle. C'est statistiquement normalement vérifié. Cette trame des territoires, elle implique du bon sens et là aussi de savoir gérer les choses sans, je dirais, conflit inutile. Ce rôle en matière d'écologie, je commencerais par-là, ne doit pas conduire, ne doit pas vous conduire à prendre des décisions qui ne relèvent pas du pouvoir de police du maire. La toxicité d'un produit chimique, ça n'est pas la compétence du maire. Et je vais vous le dire, c'est une bonne chose pour vous.
Quand je vois des maires qui prennent des arrêtés pour interdire des pesticides dans leur commune, quel sens ça a ? Est-ce que la toxicité de ce pesticide, elle ne serait pas la même à Plougastel ou à Morlaix ? Aucun sens, aucun sens, il y a peut-être plus de fraises d'un côté ou de l'autre, c’est vrai. Et donc, c'est pour vous protéger aussi que ce pouvoir n'est pas donné, sinon, ce sera la guérilla terrible et surtout l'incompréhension généralisée. En la matière, j'en appelle à la modération, mais au-delà de cela, vous avez un rôle essentiel. Et je voulais aussi apporter quelques clarifications.
Si nous voulons aller plus loin, nous devons bâtir avec vous sur les territoires des filières d'économie circulaire luttant activement contre le gaspillage. En la matière, vous avez d'ailleurs bien souvent pris vous-même des décisions, c'est pour cela que sur ce sujet et sur un sujet particulièrement sensible, comme celui de la consigne des bouteilles plastiques, rien ne sera fait sans l'accord des maires. C'est bien dans ce sens que j'ai demandé au Gouvernement de poursuivre le dialogue au Parlement, conforté ceux qui ont pris de l'avance et investis, aider, faire parce que nous devons avoir une réponse forte et ambitieuse en la matière. Nos concitoyens l'attendent. Mais on ne doit pas pénaliser ceux qui se sont organisés parfois il y a plusieurs années et ont pris des investissements utiles et ceux qui ont trouvé la bonne organisation. Cela doit donc passer par une indispensable concertation.
Oui, je crois à une écologie de la liberté, de l'innovation. Je crois dans l'écologie des territoires et la capacité qu'on donne à ces derniers de trouver les bonnes solutions. Je crois dans ceux d'entre vous qui innovent pour préserver les espaces naturels et agricoles, planter des forêts urbaines, encourager la conversion des exploitations agricoles vers le bio et la haute valeur environnementale, qui développent des plans alimentaires territoriaux pour approvisionner les écoles et les marchés en circuit court, dans ceux d'entre vous qui développent massivement des transports en commun propres. Le bus à hydrogène, les nouvelles solutions pour remplacer la voiture, les véhicules en autopartage, les navettes y compris dans le rural, les pôles d'échanges qui pensent la ville du vélo, de la marche à pied, dans ceux qui inventent les réseaux intelligents, qui permettront d'intégrer les énergies renouvelables par essence intermittentes dans les systèmes électriques des villes, qui investissent pour la rénovation thermique des bâtiments municipaux, des logements.
Tout ce que je viens de dire est en train de se faire. Et la loi d'orientation pour les mobilités, largement concertée donne aux régions un rôle très important aux communes un rôle à leurs côtés. Et c'est donc un cadre, des instruments, une clarté de financement, mais là aussi, nous sommes en train de construire cette écologie concrète. Vous êtes en train de le faire. Ce qu'on doit apporter, c'est le cadre clair des responsabilités, ce que permet la loi d'orientation et les financements pour la compagnie. Les contrats de transition énergétique permettent dans certaines situations difficiles de le faire. La clarté qui sera donnée sur les dotations qui accompagnent la loi en sera une autre. Je souhaite que les prochains mois soient scandés par de nouveaux appels à projets pour accompagner très clairement tous ces projets que je viens d'évoquer dans le cadre et l'architecture de la loi qui a été largement concertée et qui sera de manière imminente ainsi votée. L'écologie du quotidien, l'écologie concrète, l'écologie française, c'est celle de nos territoires. Celle en action, et c'est pourquoi, là aussi, je crois très profondément, comme lorsque la République a eu à bâtir son école, votre rôle est indispensable.
Le deuxième sujet sur lequel je voulais attirer votre attention et vous dire combien au fond nous avons aujourd'hui pour mener cette action besoin de vous, c'est celui de la République sociale solidaire, de ce solidarisme contemporain auquel je crois profondément. Dans votre quotidien, vous êtes confrontés et vous avez apporté nombre de ces missions, bien souvent d'ailleurs en lien avec les départements qui en la matière joue un rôle essentiel. Cher président, vous avez à vous occuper des personnes éloignées de l'emploi avec les missions locales, celles en situation de difficultés ponctuelles ou durables, avec les CCAS, l'accompagnement des personnes âgées, les situations liées justement aux demandes d'asile et aux migrations que sur beaucoup de nos territoires nous connaissons.
Tous ces sujets sont majeurs, je n'y reviendrai pas. Vous êtes aussi au cœur d'une ambition économique indispensable. Mais il y a deux politiques, deux actions sociales indispensables à notre République. Et la construction de cette République solidaire du XXIème siècle où votre rôle est décisif, c'est l'école et la santé. Deux sujets qui à mes yeux caractérisent l'État providence du XXIème siècle que nous sommes en train collectivement de bâtir, auquel je crois profondément, qui est celui où l'on investit sur les personnes. Pas celui où on administre les choses, non. Mais où on décide d'investir sur nos concitoyens pour les aider à choisir leur vie, à la bâtir là où ils sont. Et là votre rôle, comme il l'a toujours été, est éminent : l'éducation. Vous le savez, l'ambition qui est la nôtre, merci président de l'avoir rappelé, elle est partagée, elle m'a conduit d'ailleurs parfois là aussi à corriger des choses qui étaient faites. Je le disais tellement partagé que je me suis engagé à ce qu'aucune école ne soit fermée sans l'accord du maire. Et depuis que j'ai pris cet engagement, c'est ce qui a été fait par le ministre de l'Éducation nationale, une grande vigilance qu'il a encore rappelée. Priorité donnée à l'école primaire parce que c'est là que se nouent les inégalités, réforme du lycée, réforme de l'orientation : jamais on n'a vu en si peu de temps, sauf à revenir à ces temps inauguraux de la République que je rappelais tout à l'heure, des investissements et de tels changements. Je sais aussi les inquiétudes. Comment financer les ATSEM supplémentaires face à l'augmentation des effectifs induite par l'école obligatoire dès 3 ans ? Comment prendre en charge les dépenses immobilières liées au dédoublement des classes de CP, CE1, CE2, le sujet des grandes sections maternelles ? Je veux ici rassurer, je sais les discussions en cours et vous aurez l'occasion d'y revenir avec le ministre. L'Etat a accompagné à hauteur d'un peu plus d'une dizaine de millions d'euros, et c'est vrai, pas la totalité de ce qui a été investi, et je remercie toutes les communes qui ont beaucoup fait sur le sujet, et nous continuerons d'accompagner. Et là aussi, ce dialogue continuera de se faire parce que nous avons besoin de cette ambition collective, parce que nos enfants, pour pouvoir bâtir leur vie, ont besoin d'une école ainsi construite avec moins d'élèves par classe et avec les réformes qui ont ainsi été décidées, parce que, aussi, nous avons besoin, pour réattirer des familles dans certains endroits, dans certains quartiers ou dans une part de notre ruralité, de leur offrir des écoles de qualité. C'est ça, l'objet de ces réformes.
Nous travaillons également ensemble à installer, dans tous les territoires de France, des CFA, de nouvelles antennes du CNAM, des unités d'enseignement supérieur, comme ces campus connectés dont l'objectif est de permettre à des étudiants habitant dans des territoires éloignés des grandes villes de bénéficier d'une offre complète de formation. Ce que nous allons déployer dans les prochains mois, ce que j'ai demandé au Gouvernement de faire, c'est, à rebours de ce que vous avez bien souvent vu, d'ouvrir dans des villes moyennes qui n'ont pas aujourd'hui d'université ou pas de formation supérieure, des antennes d'universités, certaines formations professionnelles ou académiques et parfois les deux. Pour permettre de se former au plus près de chez soi et répondre ce faisant aussi à des problèmes bien souvent de mobilité, de coût du logement dans les métropoles, de rareté du foncier que nous avons à vivre par ailleurs. C'est, là aussi, ce projet d'aménagement du territoire que j'évoquais tout à l'heure, qui est un pragmatisme que nous déclinons pour l'ambition scolaire. L'école de la République, celle de Jules FERRY, qui est enracinée dans chaque terre de France, s'est historiquement construite dans ce « main dans la main » entre le Gouvernement et les maires, et c'est ce fil qu'il nous faut tisser encore et encore.
Et puis le second pilier de cette République sociale, c'est la santé. Là aussi, vous n'avez pas attendu le gouvernement. Sur ce sujet, je dois bien le dire, j'avais envoyé au moment du Grand Débat des questions, mais celle qui est le plus remontée, et de très loin, spontanément à chaque fois, c'est la santé, disant d'ailleurs l'urgence de notre organisation collective et des errements de plusieurs décennies : déserts médicaux d'un côté, surpopulation dans les urgences de l'autre, centres hospitaliers professionnels qui n'arrivent plus à faire face à la demande sur certains territoires, disparition dans d'autres. C'est le fruit, là aussi, de dogmes qui ont longtemps vécu, on dépensera moins s'il y a moins de médecins. Bizarrement, les gens n'ont pas été moins malades. Et donc nous voilà avec un système de santé sur lequel il faut tout à la fois réinvestir mais qu'il faut aussi réorganiser. Je veux saluer ici l'engagement que, depuis plusieurs années, vous avez pris avec beaucoup de conviction pour développer des réseaux, porter des projets, ouvrir des structures. L'engagement que j'avais pris devant vous, c'est d'accompagner cela pour doubler les maisons de santé. C'est ce qui sera fait, et nous sommes sur cet objectif. L'engagement, c'est aussi, pour répondre à vos besoins, une réforme plus en profondeur qui a été annoncée il y a un an dans le cadre du plan Ma santé 2022, et qui, là, vous touche directement, la suppression du numerus clausus, mais ça touchera nos successeurs, parce qu'on met 10 ans au moins à former un médecin, mais collectivement, nous devons agir pour l'avenir, le recrutement de 600 médecins salariés que nous commençons à déployer dans les territoires les plus carencés dès à présent, le développement de la télémédecine, le renforcement du rôle des infirmiers, l'ouverture de 1 000 maisons de santé, comme je le disais, et l'encouragement, à vos côtés, de ces maisons de santé pluridisciplinaires en finançant ces assistants médicaux pour encourager les professionnels à venir et faire que les projets immobiliers que vous avez souvent portés soient accompagnés par des projets médicaux et que ces derniers soient aidés, aidés en leur payant cette assistante médicale ou cet assistant médical qui viendra les décharger d'actes médicaux et leur permettre de mieux travailler sur vos territoires. Là aussi, rien ne se fera sans vous. Il y a des formidables succès.
J'étais il y a quelques jours, je le disais, dans la Marne : deux maisons de santé en 2009, 14 aujourd'hui et 3 de plus qui sont en projet. J'ai vu des projets formidables en Gironde, où municipalités, ARS et centres hospitaliers agissent ensemble pour créer un centre hospitalo- communal ; à Pontarlier, dans le Doubs, cher président, non loin de chez vous, des acteurs locaux qui savent s'organiser pour mettre en place un cabinet éphémère, le temps justement que de nouveaux médecins s'installent plus rapidement ; en Saône-et-Loire, par la volonté d'un conseil départemental, tout un réseau de santé de proximité se met en place et des médecins revenir exercer dans les villes désertées. C'est ça, ce que nous accompagnons concrètement et que nous allons déployer plus fortement encore. Et donc le gouvernement, là aussi, sera au rendez-vous pour mettre les moyens et pour en rajouter. Je ne veux pas ici déflorer les annonces que le Premier ministre, la ministre des Solidarités et de la Santé feront demain en la matière, mais il est clair que l'urgence impose d'investir plus fortement encore et de construire une plus grande attractivité de nos hôpitaux, qu'ils soient d'ailleurs centres universitaires ou parfois plus en proximité, pour réussir à mener ce combat. Je voulais ici vous dire l'engagement du Gouvernement mais le rôle aussi essentiel que vous jouez. Mesdames et Messieurs, chers amis, j'ai conscience, une fois que j'ai dit tout cela, de la difficulté des temps, et vous l'avez rappelé.
Je veux conclure mon propos en vous disant aussi un mot de vous. J'ai à mon tour, en cet instant, une pensée pour Jean-Mathieu MICHEL, le maire de Signes, qui a consacré sa vie à sa commune, vous le disiez, tout à l'heure, en rappelant son engagement de 1983 pour finalement mourir dans l'exercice de ses fonctions, dans le courage de sa fonction, celle justement de faire respecter la vie en commun, de rappeler à l'ordre ceux qui, dans sa commune, venaient enfreindre la règle. Les signoises et les signois n'oublieront jamais ce grand humaniste qui les connaissait tous personnellement, et je veux avoir une pensée pour eux, pour le personnel de la commune et pour sa famille, dont la dignité fut exemplaire en cet instant. Cette tragédie, ainsi que les dizaines d'agressions dont les maires et les élus locaux, ces derniers mois, beaucoup trop d'élus de la République ont été victimes, rappelle la République et chacun de ses citoyens à ses devoirs. La République, je le redis ici, vous doit protection. La République ne peut en effet vous demander tant sans assurer votre sécurité, et en particulier celles et ceux d'entre vous qui craignent pour leur intégrité physique. Elle ne peut vous demander tant non plus sans vous donner les moyens de l'action. Et là aussi, c'est l'objet de ce texte de loi proposé par les ministres, défendu en ce moment même à l'Assemblée nationale, qui est le fruit du Grand Débat, qui est le fruit des propositions concrètes des maires de France, de leur pragmatisme, des indignations que j'ai récoltées, des interpellations que j'ai reçues, d'abord en reconnaissant et en soutenant davantage votre engagement. L'engagement, c'est la sève d'une nation, ce qui la fait, ce qui la tient, ce qui la grandit, l'engagement associatif, syndical, politique, et bien entendu l'engagement des maires. Ça fait des décennies qu'on parle du statut de l'élu, des décennies. Il y a des débats, et je veux reconnaître au Gouvernement de porter enfin une réforme tant et tant attendue. Le projet de loi Engagement et proximité, discuté encore ces dernières heures à l'Assemblée nationale, s'inspire de toutes ces idées, et donc oui, ce texte vous permettra de bénéficier d'une protection juridique dans le cadre de l'exercice de vos fonctions, et nous l'assumons. Oui, vous bénéficierez désormais d'un droit à la formation, et nous l'assumons. Oui, les élus locaux pourront mieux concilier leur vie personnelle et leur vie familiale avec, par exemple, le remboursement des frais de garde, et nous l'assumons. Oui, les maires ruraux qui dans les campagnes de France sont bien souvent tout à la fois : policiers, médecins, urbanistes, jardiniers, assistant social seront rétribués aussi à leur juste niveau d'engagement et nous l'assumons entre autres choses.
Je veux le dire ici parce que c'est une première. Mais votre moteur – je le sais, je le sais parce que je suis fait comme vous, je l’ai démontré – c'est de faire, de transformer, d'agir. C'est pourquoi le projet de loi renforce aussi vos marges d'action. Je ne reviens pas sur les marges d'action financière. On a commencé à l'aborder. Vous y reviendrez avec le gouvernement. Non, je veux évoquer les moyens d'action juridique que vous revendiquez légitimement. Il y a d'abord tout ce qui bride. Les normes qui vous enserrent, l'intercommunalité qui parfois vous freine. Vous avez un mot d'ordre : la souplesse. J'ai le même. Et pour moi aussi, rassurez-vous, ça va trop lentement. Et lorsque je suis allé, il y a quelques jours dans la Marne, j'ai réuni d'ailleurs les préfets et chefs de services de l'Etat déconcentré pour faire la revue de chantiers en la matière. Mais ça avance. Les normes, nous en réduisons d'abord le flux. On regarde trop peu souvent. 40 projets de décrets pris par les ministères en deux ans et demie. C'était 100 par an avant. 100 par an. Le stock. Les fameuses circulaires. Vous le savez, ces lois qui ne sont pas discutées au Parlement et ces décrets qui ne sont pas pris par les ministres mais tout ce qui fait la vie de l'administration et qui à la fin vous est parfois opposé. Ces circulaires – 65 % des circulaires existantes abrogées – je peux vous dire que ce travail de Pénélope, il a fallu le porter et il touche votre quotidien. Je n'ai pas entendu de protestation. Cela veut dire qu'elle ne servait pas forcément à grand-chose. Ce travail, il faut le poursuivre. Et là aussi, j'en appelle aux bonnes idées. Mais ne sous estimez pas une chose : simplifier, c'est complexe parce que supprimer un texte, une circulaire, c'est s'assurer qu'il ne servait à rien. Donc il faut tester les gens, il faut le vérifier. Vous le savez bien. Et donc, j'ai besoin de vous pour que ce travail se poursuive.
Un nouveau service, le rescrit normatif sera créé dans les préfectures et sera valable dès le début du mandat prochain et permettra de sécuriser tous les projets sur le plan juridique. De la même manière, déconcentrer la décision, c'est simplifier pour vous. On est plusieurs dans cette salle à être attachés à cela, je le sais. Plus de 1 000 procédures administratives ont été déconcentrées au plus près du terrain. Ça veut dire quoi ? Que sur ces 1 000 décisions, 1 000 types de décisions. Là où bien souvent, le préfet, le directeur d'administration locale vous disait : je ne peux pas vous donner la réponse, je dois demander à Paris, la décision peut se prendre sur le terrain de manière concrète. C'est plus de responsabilité, plus de rapidité, plus aussi de simplicité et de souplesse.
L'intercommunalité, nous l'assouplissons, répartition des compétences entre les communes, périmètres des EPCI, conseil des maires. Tout est mis en place pour tout à la fois mieux s'organiser et respecter les libertés locales. Et là aussi, les avancées qui émanent de ce débat, porté et acté encore ces dernières heures. Nous l’évoquions ensemble un instant, Président, le premier ministre et les ministres permettront utilement d'avancer et ce jusqu'au bout du chemin de ce texte de loi pour que les maires puissent choisir. Pour que les maires élus au suffrage universel ne puissent jamais être en quelque sorte simplement les récipiendaires d'instructions d'une autre collectivité.
Vous souhaitez aller plus loin encore dans la souplesse d'organisation. J'y suis prêt. De manière là aussi très concrète. Alors, vous m'avez interpellé sur ce point, monsieur le Président, et je veux y revenir d'abord pour dire qu’en la matière, là aussi, le texte de loi. C'est sur ce sujet, les seules décisions qui ont été prises par ce Gouvernement et cette majorité. J'entends vos protestations à juste titre. Mais il ne faut pas opposer au Gouvernement ou à vos parlementaires des décisions de jadis. Il faut quand même être clair sur ce point. Ou alors, citez-moi les discours où j'aurais porté de l'intercommunalité forcée. Citez-moi les discours où j'ai nié la force démocratique du maire. Citez-moi les discours et les actes qui ont fait le contraire. Chers amis, il vous est arrivé d'avoir des prédécesseurs, il faut les respecter. Vous n'êtes pas obligé de tout prendre. J'en prends déjà assez. Je considère qu’en ce moment, collectivement, nous prenons notre part, y compris des conséquences parfois dont les causes ne nous appartiennent pas totalement. Donc, continuons d'avancer collectivement. Et je veux insister pour vous dire que le Gouvernement est là, le Parlement est là et les réponses seront apportées comme vous l'avez voulu.
Alors maintenant, comment aller plus loin ? Continuer à déconcentrer. J'y crois très profondément. Le Premier ministre a annoncé des décisions fortes, plus de 6 000 fonctionnaires qui seront ramenés sur les territoires. Il faut poursuivre ce mouvement. Et il faut le poursuivre en particulier de l'échelon régional à l'échelon local. C'est indispensable. Les grandes régions ont permis parfois de regrouper des services mais elles ont permis sur certains sujets, où elles ont plutôt conduit sur certains sujets, à recréer de la concentration régionale et à éloigner la décision du terrain. Ce n'est pas une bonne chose, et donc je souhaite que collectivement, le Gouvernement et le Parlement puissent avancer sur ce sujet de manière très concrète. On l'a évoqué avec plusieurs d'entre vous en matière de logement, sur beaucoup d'autres sujets et des décisions qui étaient parfois prises au niveau du département, soit au niveau de la région. Ce n'est pas bon. Et je dirais plus : le numérique dont on parle tant, auquel nous tenons, qui nous permet de recréer de l'industrie, de développer des emplois sur notre territoire doit nous permettre aussi d'être inventif en matière d'organisation de l'État. Pourquoi, parce qu'il y a le numérique, on devrait demander à tous nos agents, à tous nos fonctionnaires, d'aller dans la capitale régionale ou à Paris, pour faire des travaux d'intérêt général et expliquer à nos concitoyens « Vous voulez joindre vos fonctionnaires ? Internet ou le téléphone ? » Au contraire, on peut laisser ou remettre des fonctionnaires et des agents sur le terrain et grâce au numérique, leur permettre de faire des tâches communes pour le compte de la région ou même plus largement. Je crois que c'est beaucoup plus porteur d'avenir. Qui plus est, bien souvent dans des territoires où le déplacement est moins compliqué, le logement moins cher, les conditions de vie plus agréable. Et donc, il nous faut là aussi reconstruire ces équilibres nouveaux, réinventer les choses, changer des habitudes qui avaient été acquises.
C'est ce qui a commencé à être fait et qui continuera de l'être avec force. Et en la matière, le projet France Service est d'ailleurs un levier. Et croyez en mon exigence sur le sujet, ce ne sera pas un paravent. Ce sera bien une ambition nouvelle de la présence, des compétences sur les territoires et de l'innovation aussi pour tous nos services, comme d'ailleurs pour tous les grands partenaires de l'Etat. Je pense à la Poste qui peut permettre, non pas dans France Service, mais en allant au plus près de nos concitoyens comme elle commence à le faire en matière de santé, pour apporter du service jusqu'à nos concitoyens, pour lui inventer une nouvelle mission d'intérêt général dont, dans nos campagnes, les plus isolées ont besoin, dont, dans aussi certains quartiers de la République, certains ont besoin.
Différenciation, c'est le deuxième levier après la déconcentration. Nous avons commencé à le faire, beaucoup ont joué le jeu, ces fameux contrats permettent de mieux répondre. Il y a les contrats dits de cœur que les plus grosses collectivités ont souvent signés et qui produisent leurs effets, il y a aussi les contrats de différenciation, d'actions. De la Creuse, cher Président, jusqu'aux Ardennes, en passant par la Bretagne, à tous les niveaux, des contrats ont été signés par le Gouvernement qui ont permis de bâtir des actions concrètes de projets sur le terrain. De différencier, c'est une manière aussi d'avancer efficace, beaucoup plus forte. Et je souhaite que nous puissions franchir un pas supplémentaire. Je sais que nous sommes beaucoup dans cette salle à le vouloir par la réforme constitutionnelle qui permettra d'instaurer un droit à la différenciation. Et là, je sais compter sur chacun pour que nous puissions aller au bout de cette idée. Et puis la troisième, après la déconcentration, la différenciation, c'est la décentralisation.
Vous l'avez évoqué et je souhaite que sur ce sujet nous puissions avancer. Mais je vais vous dire quelque conviction en la matière. Il y a eu plusieurs vagues de décentralisation, et nous essayons collectivement d'en faire le bilan. Elles ont dans beaucoup de cas, réussi à mener une action plus concrète, en effet, plus proche des territoires. Mais le bilan que j'en tire pour l'Etat, trop souvent, l'Etat a essayé de garder une partie de la compétence et n'a pas fait toutes les économies. Et parfois d'ailleurs, nous avons collectivement perdu de la compétence, prenons les routes : est-ce qu'on est aussi bon sur ce sujet qu'il y a 40 ans ? Je ne suis pas sûr. Les ponts, on en parle en ce moment, est-ce qu'on est aussi bon ? Pas sûr. Donc il faut que la décentralisation s'accompagne de choix clairs du côté de l'Etat, il doit lâcher toutes les compétences quand il les décentralise, mais il ne faut pas que ça conduise à de la perte collective de connaissances et que d'un seul coup, on se réveille et qu'on se dise : là, on n'est plus aussi bons qu'avant.
Ensuite, on a parfois décentralisé des compétences sans donner les moyens comme le RSA et les départements. Est-ce que c'est de la bonne décentralisation ? Non, on l'a plusieurs fois évoqué. Ça fait maintenant des années, quasiment depuis le premier jour, que des débats sans fin se nouent pour savoir si la compensation est la bonne. Et qui plus est, on a décentralisé une compétence sur laquelle la collectivité en charge n'avait quasiment pas de moyens d'action. Est- ce que c'est de la bonne décentralisation ? Moi, je veux bien décentraliser des compétences, mais si la collectivité ne peut rien faire est un payeur aveugle, ce n’est pas cohérent. J'en ai tiré une conviction simple qui, peut-être, peut rendre les choses plus compliquées qu'elles ne le semblent au premier abord : quand on décentralise une compétence, il faut décentraliser les moyens clairement, et la dynamique des moyens clairement. Est-ce qu'il y a, sur chacune de ces compétences, une dynamique et une fiscalité claire ? Non. Vous me parlez du foncier pour les départements. Mais si le foncier avait la même dynamique que le RSA, ça se serait vu depuis longtemps. Nous devons prévoir des péréquations en permanence. Si les départements qui touchent le plus de foncier et de droits de mutation à titre onéreux étaient les départements qui avaient le plus de bénéficiaires de RSA à accompagner, la France serait plus heureuse. Rien à voir. Il y a une ressource fiscale, elle n'a rien à voir avec la dépense. Est-ce que c'est de la bonne décentralisation ? Vous conviendrez avec moi que non. On fait de la bricole en permanence, on fait de la péréquation tous les ans, vous le savez bien. Donc cette émotion me touche, mais elle n'est pas féconde. Si on veut avancer, il faut regarder en effet quelle fiscalité ou parts de fiscalité on donne aux collectivités en décentralisant.
Nous, nous avons un fétichisme français : l'autonomie fiscale. Je regarde les grands pays décentralisés autour de nous, ils sont beaucoup plus décentralisés que nous, ils n'ont pas d'autonomie fiscale. Ils ont une chambre qui, chaque année, en effet, discute des ressources fiscales qui sont affectées aux collectivités, chaque niveau avec des règles claires. Peut-être qu'il faut en arriver à cela, et moi, j'y suis favorable parce que, je vais vous dire, l'autonomie fiscale a deux problèmes. La première : il n'y a jamais une fiscalité qui correspond à la bonne compétence, donc il y aura toujours des péréquations et de l'illisibilité, c'est vrai. Les seuls qui peuvent avoir une fiscalité propre, ce sont les communes, qui ont une clause de compétence générale. C'est pour ça que j'assume le foncier. Et ne me dites pas : « il y a des gens qui sont exonérés qui ne payent pas. » Dans la commune de Troyes, il doit y avoir 70 % des gens qui ne payent pas la taxe d'habitation, on en parlait l'autre jour. Ce n'est pas pour autant qu'ils n'avaient plus de lien avec la vie dans la commune. Donc il n'y aura jamais la bonne fiscalité, en tout cas pour les départements et les régions.
Par contre, il faut qu'il y ait une dynamique fiscale qui corresponde à la dynamique des compétences, qu'il y ait une visibilité qui soit donnée, et c'est vrai que nous ne sommes pas bons sur ce sujet. Donc est-ce qu'on peut peut-être évoluer dans notre capacité collective à la fois à moderniser nos impôts, à clarifier les responsabilités fiscales et de compétences ? Je l'espère, parce que vous savez, sinon, on vit dans une société où, selon les niveaux, on augmente les impôts d'un côté, on les baisse de l'autre. C'est illisible pour nos concitoyens. Qu'est-ce qui s'est fait ces dernières années ? Je parle du mandat précédent. Vous l'avez dit, les dotations ont été baissées massivement, mais c'est de la fiscalité locale qui a souvent été augmentée massivement, souvent au niveau intercommunal, avec souvent d'ailleurs des gens qui ne savaient plus qui faisait quoi. Est-ce que c'est démocratiquement souhaitable ? Je vous livre ma conviction : non.
Donc oui à la décentralisation, mais oui à la décentralisation où les compétences sont accompagnées d'une décentralisation claire des financements qui vont avec, avec la bonne dynamique et la visibilité. Si on trouve des morceaux d'impôts nationaux qui ont cette dynamique, allons-y. Si on pense que c'est en regardant nos voisins qu'il faut le faire, j'y suis favorable, et dans ces cas-là, c'est un changement constitutionnel vers lequel il faut peut-être aller. Je le dis devant le Président du Sénat, j'y suis ouvert, plus que ça, à titre personnel, favorable. Et de l'autre côté, en décentralisant les compétences, il faut décentraliser les responsabilités. Et là aussi, on ne peut pas dire : je prends les compétences mais quand il y a un problème... Vous le savez, vous, quand il y a un problème on vient vous voir. Bon, quand ce n'est pas vous, c'est moi, si je puis dire, quand même bien souvent. C'est trop souvent le cas. On dit : j'ai les compétences. Les départements font un travail extraordinaire sur l'aide sociale à l'enfance. Quand il y a un gros coup de grisou, on dit que c'est l'Etat, comme si on avait oublié qu'on avait décentralisé les compétences. Je veux bien. On a décentralisé imparfaitement certaines compétences de mobilité ou de développement économique, dès qu'il y a un problème, on dit : c'est l'Etat. Quand une entreprise ferme, je n’ai jamais vu une région dire : « c'est ma responsabilité, je vais le faire. » On dit : « l'Etat ne nous aide pas assez. » On me parle de l'emploi. Si ça va avec la responsabilité, c'est simple, ça veut dire que maintenant, dans les élections régionales, quand les gens votent pour la région, ils disent : « je vote pour la politique d'emploi. » Et quand le Président, les parlementaires iront aux élections, ils diront : « attention mes chers amis, l'emploi, ce n'est pas chez moi, c'est la région. Moi, je n'y peux rien, à l'emploi. » On n'est pas ce pays-là. Je vais vous rassurer, l'Allemagne, grand pays fédéral, n'a pas décentralisé l'emploi.
Le problème qu'on a, c'est qu'on a décentralisé des compétences sans décentraliser les responsabilités, et je le dis aussi pour protéger les collectivités ici présentes. Personne en France ne veut avoir un RSA par département, personne. Ça n'est pas comme ça que la nation s'est bâtie. On ne va pas dire : « les politiques sociales, il faut complètement les décentraliser au niveau du département. » Donc les gens veulent prendre des compétences et pas les responsabilités. On ne peut pas avancer comme ça. Donc oui à un grand débat, une grande avancée sur la décentralisation, mais à condition de dire que la compétence va avec la responsabilité démocratique, et claire, et avec des financements clairs, qui ont la même dynamique, et là, nous serons heureux.
Sur cette base, j'y suis ouvert sur tous les sujets. On parlait de logement, j'y suis très ouvert. Vous parliez de culture, il y en a déjà beaucoup. On peut faire, là aussi. Plus de sport, j'y suis favorable suivant ces règles qui sont celles de la clarté et de la responsabilité partagée. Vous l'aurez compris, Mesdames, Messieurs, chers amis, je n'ai d'autre obsession que d'agir, de transformer, de faire avec vous, car à la fin, il n'y a que ça qui compte et c'est cela que nous laisserons : une action.
Alors je sais, les mois à venir auront un tour un peu particulier, avec les élections municipales qui se profilent. Certains d'entre vous se représenteront, et je sais que vous serez nombreux, avec aussi de nouveaux engagés actifs ou retraités, jeunes ou moins jeunes, femmes ou hommes, qui feront le choix de donner un peu de leur vie aux autres. Certains d'entre vous se revendiqueront d'étiquettes partisanes, d'autres non. Je crois, sur ce sujet, qu'il faut laisser une totale liberté, n'enfermer les maires dans aucun clivage.
Les élections locales ne sont pas là pour être utilisées à des fins partisanes. Vous avez besoin de rassembler et d'agir. Ce qui compte, c'est l'engagement. Ce qui compte, c'est que la République demeure vive. Ce qui compte, c'est que les maires de France unissent encore et encore la société, façonnent encore et encore le pays, continuent à forger ce que nous sommes, ce peuple enraciné, ces paysages, ces différences, et répondent à ces ambitions contemporaines, car oui, comme je l'ai dit, notre pays traverse, et je conclurai sur ce point, une période peut-être unique quand on se retournera sur elle, où ces fractures que j'évoquais sont là, où en même temps les opportunités sont à portée de main, où quelque chose se réinvente tout à la fois de nos vies, de nos territoires, de notre continent comme du reste du monde. Et je crois, dans ce moment, une fois encore, que votre rôle est en effet essentiel.
Alors oui, vous l'avez dit, Président, il y a un an, lorsque le pays s'embrasait, j'ai fait appel à vous, ou plus exactement je vous ai regardés et vous m'avez inspiré. J'ai regardé les premiers maires, les premiers d'entre vous qui ont, parce qu'il y avait certains de nos concitoyens qui étaient dans les rues ou les ronds-points, parce que la violence était là, qui ont ouvert leurs mairies, qui ont proposé. Certains sont venus me voir avec des propositions concrètes. Et de Poissy à Gargilesse-Dampierre en passant par toutes les communes de France, vous avez pris des risques, vous avez proposé et innové.
J'ai, en ce moment, une pensée et un remerciement particulier pour Vanik BERBERIAN qui, avec ces maires, est venu me présenter ses premiers cahiers qu'il avait ouverts en mairie. Il a aujourd'hui des combats plus intimes, mais il a eu beaucoup de courage, beaucoup de courage.
Mais j'ai une pensée pour vous toutes et tous qui vous êtes engagés, en vous confrontant de salles polyvalentes en mairies, de préaux d'école en salles de classe, parfois à la colère pour lui redonner un cadre. Vous avez écouté, vous avez souvent expliqué, vous avez aussi relayé. Je vous ai retrouvé à chaque fois avec des propositions, des voix portées et une ambition.
En concluant mon propos, je voulais vous remercier d'avoir fait vivre cette République si vivante, si diverse, mais debout, forte d'avoir donné un cadre aux colères et aux indignations et d'avoir montré, une fois encore, que notre République est forte. Notre République continuera, dans les mois qui viennent, à affronter ces peurs, mais je sais ce que nous avons vécu ensemble et ce que nous avons fait ensemble, et cela me rend formidablement optimiste. La République, ce n'est pas une nostalgie. La République, ce n'est pas non plus un immobilisme. La République, c'est une volonté. C'est un projet unique de liberté, d'égalité, de fraternité. Ce sont des droits, on les rappelle chaque jour, on se combat pour les étendre, mais aussi des devoirs, devoirs pour les responsables que nous sommes partout, devoirs pour nos concitoyens, et il faut leur rappeler toujours. S'il n'y a plus de devoirs, il n'y a pas de droit qui tienne. Devoir de respecter l'autre, devoir de respecter la quiétude et l'ordre public, parce que c'est la garantie de la liberté, de conscience, d'expression comme de manifestation, devoir de civilité car la démocratie interdit la haine, précisément parce qu'elle est libre, devoir d'aimer cette collectivité qui nous unit et qui, précisément, est celle qui prodigue des droits et sans laquelle rien ne tient. Et de la commune à la nation, tel est notre rôle : rappeler les droits et les devoirs à chacun, ne jamais oublier cet « en même temps » républicain auquel je crois profondément.
Oui, la République, c'est cette soif d'agir, ce sont ces mille fils tendus, cette amitié profonde que nous devons rappeler à nos concitoyens. C'est cela ce que, durant tous ces mois, vous avez montré. C'est cela, je vous parle très franchement, que nous aurons encore à faire jusqu'aux élections prochaines et au-delà, car nous ne réglerons pas en un jour ce défi et continuerons d'être devant, nous, et nous aurons à le porter, mais c'est ce qui nous unit, quelles que soient les sensibilités, les diversités. Alors je suis formidablement optimiste, en vous retrouvant ce soir et en vous sachant au travail dans les prochains jours avec le Gouvernement. Je vous ai vu à l'œuvre, je vous ai vu faire et avancer, et je sais qu'avec vous, la République, c'est une volonté de chaque jour. Nous l'avons et nous l'aurons.
Alors vive les maires de France, vive la République et vive la France.
Discours du Président Emmanuel Macron au Congrès des Maires et des Présidents d'intercommunalités de France
19 novembre 2019 - Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Président du Sénat, mesdames messieurs les ministres, monsieur le Président du Conseil économique, social et environnemental, mesdames et messieurs les Parlementaires, monsieur le Président de l’Association des Maires de France, cher François BAROIN, mesdames et messieurs les membres du Bureau et du Comité directeur, madame la Maire de Paris, chère Anne HIDALGO, mesdames et messieurs les Présidents d’association d’élus locaux, mesdames et messieurs les Maires et Présidents d’intercommunalité, mesdames et messieurs les élus, mesdames et messieurs, chers amis,
Merci d’abord de m’avoir permis de partager à l’instant à vos côtés l’hommage rendu au Président CHIRAC, hommage affectueux et émouvant. Et merci de m’accueillir en cette deuxième journée, après avoir passé ces heures hier, en particulier aux côtés de tous nos amis et collègues ultramarins que je reconnais dans cette salle et qui font face à beaucoup des défis qui sont ceux de tout le territoire français avec en plus bien souvent des défis bien particuliers auxquels à chaque fois nous tentons de répondre. Merci madame le Maire de Paris, chère Anne. Merci monsieur le Président, cher François BAROIN, monsieur le Vice-président, cher André LAIGNEL, pour votre accueil, vos propos, vos interpellations. Et merci à vous tous, mesdames et messieurs les Maires, d’être là.
Nous nous retrouvons, mais en fait je ne crois pas que nous ne nous soyons vraiment quittés. A chaque fois que je me déplace dans l’hexagone comme en outre-mer dans les circonstances tragiques d’une catastrophe naturelle, d’un attentat comme dans les jours plus heureux pour inaugurer tel projet qui se lance, telle réalisation qui aboutit c’est votre visage à chaque fois que je vois parmi les premiers, votre connaissance du terrain qui me nourrit, votre sens précisément du terrain qui m’apprend. Et puis vous l’avez rappelé, il y a eu le Grand Débat. Ces dialogues que nous avons noués dans toutes les régions de France à Grand Bourgtheroulde, à Souillac, à Valence, Evry-Courcouronnes, Autun, Gargilesse-Dampierre, Bordeaux, Gréoux-les-Bains, Angers, Saint-Brieuc, Cozzano, à l’Elysée et dans bien d’autres lieux. Ce fut ça pendant des mois dans toutes les régions de France et j’ai tant appris de nos échanges. Tant appris, et, je dois dire, des aspirations de nos compatriotes, de leurs craintes aussi face aux bouleversements contemporains qu’ils veulent dans leur quotidien et que vous partagez avec eux. Tant appris de votre sens du dialogue, de l’unité, de la proximité. Tant appris, oui, j’ose le dire, de vous, de ces débats que nous avons eus ensemble, que nous avons eus encore il y a quelques jours à Epernay avec le Maire et son Conseil municipal. Et je dois bien le dire, si mon parcours avant de devenir Président de la République diffère quelque peu de celui de Jacques CHIRAC à qui nous venons de rendre hommage et qui avait forgé sa vision de la France dans ses fonctions locales en Corrèze et à Paris ou du président MITTERRAND qui l’avait forgée et il le rappelait là aussi durant ses décennies à Château-Chinon, ces heures passées à vos côtés ont agi et agissent pour moi comme un concentré d’expériences. Je ne suis certes pas Maire d’une commune de France mais je me sens chaque jour un peu plus à votre contact Maire de la commune France, c’est-à-dire à la fois gardien de l’essentiel, l’unité de la nation, et du quotidien concret, des vies, de la dimension humaine qui à la fin doit guider toute action publique.
Alors, cher François BAROIN, cher André LAIGNEL, vous avez évoqué quelques sujets lourds : finances locales, répartition des compétences, décentralisation. Tous ont une importance capitale. Sur ce dernier, je reviendrai dans quelques instants. Sur les autres, je pourrais utiliser justement le même propos que François MITTERRAND avait eu dans son discours de 1994 : « si j'avais voulu répondre à ces sujets point à point, j'aurais fait ministre ou Premier ministre, c'est d'ailleurs pour ça que je vous les envoie durant tous ces jours. » Mais comme vous, parce que les temps ont aussi changé, les exigences ne sont pas les mêmes et vous me diriez : qu'est- ce que c'est que ce Président qui ne répond pas à notre quotidien alors que nous, nous devons répondre au quotidien de nos concitoyens ? Je vais quand même rentrer un peu dans le concret.
Sur la taxe d'habitation, j'ai déjà plaidé à plusieurs reprises. D'abord, permettez-moi de le dire, sur la taxe d'habitation, comme sur les dotations, j'ai fait ce que je vous avais dit. Je suis venu à votre invitation durant la campagne présidentielle, je vous ai tenu ce discours, exactement, et j'ai demandé au Gouvernement de le mettre en œuvre. Je crois que vous êtes attachés à la même forme de transparence. Il est bon que ce soit ainsi. Après, sur la taxe d'habitation, si durant votre campagne, beaucoup de vos électeurs vous reprochent la baisse, faites-le moi savoir, et qu'ils viennent se plaindre. Et parfois, peut-être, vous aurez le droit d'empocher les félicitations qu'ils vous livrent à vous, et pas au gouvernement, parce que c'est ce qui va vous arriver. Je me permettrais de dire que, contrairement à beaucoup d'autres réformes, celle-ci ne s'est pas soldée par la suppression de la taxe d'habitation pour la remplacer par un autre impôt local, ce qui fut toujours le cas jusqu'alors, non, mais bien par la suppression d'un impôt compensé par l'Etat, qui descend en effet du département au bloc communal un impôt mais qui le compense par une part de transfert d'un impôt national. Et ça, ça n'avait jamais existé parce que ça veut dire que le payeur final de cette mesure, c'est bien l'Etat et ses économies. C'est une réalité.
Quant aux compensations, les ministres, le Premier ministre y reviendra. Je vous ai entendus, j'ai déjà plaidé il y a deux ans, ici même, la chose. Je l'ai expliqué plusieurs fois durant le grand débat. Si le système des dotations doit être rendu plus intelligent, je suis preneur de toutes les propositions. Il se trouve que le système d'aujourd'hui est voté par le Parlement sur la base des propositions du comité des finances locales. J'ai compris que beaucoup y siégeaient.
Simplement, le Parlement vote sur proposition du Gouvernement, conformément à mes engagements, une stabilité. C'est une bonne chose, mais la stabilité s'accompagne ensuite de variations en fonction de la réalité : si on perd des habitants, selon le potentiel fiscal, cela fait bouger le montant de la dotation. Nous connaissons les règles. Si elles peuvent être rendues plus intelligentes, il faut le faire. Maintenant, vous avez raison, le système est imparfait, il faut continuer de le transformer, de l'améliorer, et j'y reviendrai dans quelques instants.
Mais je crois que le moment que vit notre pays, que nous avons traversé ensemble ces derniers mois, le caractère parfois tragique de notre histoire, et vous l'avez rappelé, exige aussi que je puisse ici vous dire quelques mots, quelques convictions, au fond, de la manière dont nous, ensemble, Maires de France et Président de la République, nous pouvons rassembler les Français, comment nous pouvons ensemble faire en sorte d'être à la hauteur de ce moment, car en effet, ce qui importe, et je ne considère pas pour ma part que ce que notre pays a vécu il y a maintenant un an pendant des mois et des mois soit totalement derrière nous, cela vient de loin et cela durera. Cela exige beaucoup de force d'âme, de volonté, une volonté de transformer notre pays, d'agir, mais aussi, tout en agissant, d'unir et de rassembler pour ne pas laisser de côté une partie de nos territoires, de notre peuple et pour continuer à donner du sens à chacun. C'est bien cela dont je suis venu vous parler cet après-midi avant tout.
Trop de fractures, c'est le principal constat qui a émergé du Grand Débat national, fractures territoriales, fracture numérique, sociale, identitaire, culturelle aussi, trop de fractures, comme si la France n'était plus une. À chaque fois qu'un Républicain comme vous l'êtes, comme je le suis, entend ainsi désigner la situation de notre pays, c’est toujours un déchirement, précisément parce que la République est et ne saurait être qu’une. Parce que la République est et ne saurait être qu’indivisible. Cela ne veut pas dire qu’elle est la même partout – et vous êtes d’ailleurs les porteurs de cette diversité – mais cette diversité ne devrait pas diviser et justifier précisément que bloc à bloc on finisse par penser le territoire ou la société comme séparés. Jamais je ne me résoudrai à ce que la France, la nation, se réduise à un archipel. Et donc, notre rôle à nous, à vous qui êtes en charge de la commune, donc du commun, c’est de tout mettre en œuvre pour résorber ces fractures. C’est de faire bloc pour unir, pour rassembler les Français par notre action.
Unir et rassembler, cela passe d’abord et avant tout – et je veux ici le rappeler, on l’évoque souvent trop peu – par des rites républicains. Donc pour les pratiquer, vous savez l’importance dans la vie d’une commune. Les cérémonies commémoratives en sont, qui rappellent régulièrement aux Français les liens de sang qui ont façonné leur liberté. Je veux ici vous remercier toutes et tous pour votre implication lors de l’organisation du centenaire de la Première Guerre mondiale comme dans les différents anniversaires et commémorations, des débarquements de Normandie ou de Provence et de toutes ces célébrations encore ces jours derniers. L’année 2020 sera, de ce point, de vue particulière. Nous célébrons, entre autres, tout à la fois les 80 ans de l’appel du 18 juin, les 120 ans de la naissance du général de Gaulle, les 150 ans de la Troisième République. Quelques autres anniversaires importants. Vous serez une fois encore au rendez-vous. Et ces rendez-vous ne sont pas des habitudes. Ces rites précisément donnent du sens dans nos communes, partout dans la République, à ce lien de sang, à cette part d’histoire qui nous a fait libre. Et j’en sais toute l’importance dans les temps que traverse notre République. Ils sont autant d’occasions de rassembler les générations, de ne pas oublier, de comprendre, de continuer, d’associer toutes et tous. D’éduquer en impliquant plus profondément, comme nous sommes en train de le faire, l’école, et d’agir. Unir et rassembler, c’est aussi par notre action collective, notre ambition. Cela signifie en quelque sorte, recoudre cette France trop souvent déchirée, déchirée entre la ville, les banlieues, les différents quartiers, les campagnes, avec, je le sais, un exercice du mandat de maire parfois particulièrement difficile dans nombre de ces endroits.
Alors, ce que nous avons collectivement à faire, c’est un nouvel aménagement de notre territoire. Je le dis collectivement parce que c’est à la fois le Gouvernement, mais avec lui, les régions, les départements, les intercommunalités et les communes qui ont ce travail à faire, car toutes les compétences rassemblées sont à mobiliser. Il n’y a pas de fatalité à ces divisions. Je m’y étais engagé. Le Gouvernement a pris des mesures fortes à vos côtés, qui marquent là aussi un retour de l’État : le plan « Action Cœur de Ville » pour redynamiser les centres des cités moyennes ; l’Agenda rural porté par la concertation sur vos propositions avec plus de 170 actions proposées par la ministre pour nos villages ; l’installation de France Services dans chaque canton – j’inaugurerai le premier France Services vendredi à Amiens ; le plan de mobilisation nationale pour nos quartiers ; le plan très haut débit ; le développement d’infrastructures de proximité pour que ne demeure aucune zone blanche en matière de transports – et de ce point de vue, merci, Président, de que vous avez dit sur les concertations en la matière ; la loi d’orientation pour les mobilités devrait être ainsi votée ce soir à l’Assemblée nationale ; la création, sur la base d’une idée soumise par l’AMF, d’une Agence nationale de la cohésion des territoires mettant à disposition des collectivités, de nouveaux moyens d’ingénierie pour accompagner les projets, pour aider aux investissements, plus facile car ce qui bloque souvent c’est le manque de moyens. On le sait bien. La difficulté de porter tel ou tel projet et d’avoir les compétences, les bonnes personnes. Jamais autant n’avait été fait pour que ce beau principe républicain, l’égalité ne s’applique pas seulement aux femmes et aux hommes mais aussi aux territoires, pour que la République porte une même attention à notre capitale qu’aux villages, de quelques hommes, aux grandes villes qu’aux cités moyennes.
Nous arrivons tard, je le sais. Et je vous écoutais tout à l’heure. Et j’entends pleinement vos arguments. Attaquer des projets de regroupement forcé, de précipitation, de baisse drastique de dotation sur tel ou tel projet. Mais je voudrais, ici, de là où je suis, défendre le Premier ministre et son Gouvernement parce que je n’ai pas le sentiment que tout ce que vous avez décrit depuis tout à l’heure soient des mesures qui aient été portées par ce Gouvernement ou votées par cette majorité. Et j’ai peur que, comme ça peut vous arriver souvent d’ailleurs dans votre action, il n’ait eu à subir depuis 2 ans et demi les conséquences de beaucoup de réformes qui venaient parfois de loin alors même que son action essayait de mener le contraire. Je ne vous demande pas la patience. Vos concitoyens ne vous la donnent pas mais je nous demande collectivement le discernement qui est de ne pas reprocher aux uns les causes qui viennent d’ailleurs et de savoir reconnaître de manière un peu juste ce qui est fait. Mais tout cela est une épreuve parce que nous venons de loin, parce que parfois des bonnes décisions n’avaient pas été prises suffisamment tôt, parce que le monde tel qu’il s’organise aussi a accéléré les phénomènes de concentration. Le métropolisation, qui n’est pas le fait de décisions, quelles que soient d’ailleurs les majorités, mais qui s’observent partout dans le monde, qui est le regroupement des talents, des énergies dans quelques villes, quelques pôles d’attractivité. Mais qui a parfois été aidé par la concentration autour de grandes régions, de capitales régionales. Et les concentrations à Paris ou dans ces capitales-là de certains de nos choix.
Nous arrivons donc à un moment critique. Mais je ne crois pas là aussi qu’il y ait de fatalité. Et je veux être jugé sur les actes. Les actes, c’est une augmentation de la couverture numérique du territoire inédite. 14 000 lignes de fibre optique sont tirées chaque jour ouvrés depuis janvier 2019, 4 millions par an. Nous serons donc au rendez-vous du haut débit pour tous en 2020 et du très haut débit pour tous en 2022 comme je m’y étais engagé en juillet 2017. Les actes, c’est l’ouverture des 460 premiers France Services en janvier 2020. 200 000 nouveaux cafés dans nos petites villes d’ici quelques mois dans le cadre de l’agenda rural. Les actes, c’est la transformation en cours des logements, des centres-villes et des quartiers. Le choix résolu de privilégier le commerce de proximité pour revitaliser les centres-villes. Les actes, ce sont les 42 quartiers de reconquête républicaine qui bénéficient de renforts policiers spécifiques. Les actes, c’est ce travail quotidien résolu pour faire en sorte que chaque terre de France soit une chance pour celles et ceux qui y vivent, par plus de stages proposés, par les emplois francs développés, par une nouvelle ambition donner à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine avec des délais raccourcis et les nouveaux engagements en termes d’investissements que j’avais pris.
Les actes, c’est cela. C’est en train de se déployer. Cela va continuer d’arriver et c’est une transformation indispensable. Mais ça veut dire que collectivement, ce que nous avons à faire, c’est réinventer notre territoire. Et il n’y a, en la matière, pas de fatalité comme je le disais. Les métropoles sont là, ce à quoi nous avons travaillé beaucoup, des Maires qui soient à la tête de ces métropoles ou dans leurs périphéries le savent et c’est une nouvelle coopération entre ces territoires par ces décisions prises mais aussi par les décisions qui sont prises au sein des structures intercommunales comme entre elles pour permettre une mobilité plus adaptée, pour apporter les réponses en termes de pouvoir d’achat à celles et ceux qui travaillent dans ces métropoles mais qui souvent ne peuvent pas y vivre. Et nous avons entendu aussi ce message. Cette réinvention de notre territoire collectivement, c’est la capacité que nous devons donner dans nos quartiers les plus difficiles, les plus pauvres, à accéder aux meilleures formations, ce que nous sommes en train de faire, à l’égalité de la formation supérieure, à l’emploi sans stigmatisation. Ce qui est aussi les réinventer, permettre d’en tirer toute l’énergie parce qu’ils ont une ressource. C’est la vitalité démographique. C’est de réinventer par le télétravail les mobilités que vous portez et les projets innovants, j’y reviendrai, des coopérations dans le rural. C’est la redynamisation de nos centres-villes qui ont été désertés totalement par les commerces, par les habitants parce que des choix ont été opérés dans les années 80 et 90 qui ont conduit au fond à séparer notre espace selon les usages. Les gens n’en veulent plus. C’est aussi au titre de cela que j’ai été conduit à refuser certains projets que je ne considérais plus comme du jour. Le temps est à la redéfinition de l’espace et d’un commun.
Nos concitoyens veulent vivre près de l’endroit où ils travaillent pour pouvoir plus facilement travailler là où ils veulent, pouvoir plus facilement accéder à un commerce de proximité, de nouvelles formes de contact, de la culture. Ils ne veulent plus cet espace séparé selon les temps où on dort à un endroit, où on va travailler à un autre, où l’accès à la culture est ailleurs. Et c’est d’ailleurs cohérent avec le projet écologique que collectivement nous poursuivons. Il nous faut donc retisser cela. Cela va prendre du temps, ça dépend de votre engagement, de la clarté de nos choix et des instruments qui sont mis à votre disposition. Mais je crois très profondément que par toutes ces initiatives prises, et j’aurais pu citer encore beaucoup d’autres, celles des directoires d’industrie car là aussi nous sommes en train de reconquérir notre industrie.
Pour la première fois depuis 12 ans nous recréons dans notre pays de l’emploi industriel, nous réouvrons des usines dans des endroits qui les avait délaissées. Parce qu’il n’y a pas de fatalité. Il y a des projets qu’on doit vous aider à porter, des investissements qu’il faut faciliter et des règles lorsqu’elles sont plus claires au niveau national qui permettent enfin de réinvestir, de réembaucher. Plus de 500 000 emplois créés en 2 ans, ça aussi c’est pour cette ambition des territoires. Et donc cet aménagement nouveau de notre territoire, il est à construire à travers ces projets, ces nouveaux instruments et une ambition qui nous permettra de bâtir les nouvelles formes du vivre ensemble, de l’habiter, du déplacement et du travail dans une puissance économique solidaire et environnementale du 21ème siècle, celle que nous voulons bâtir.
Unir et rassembler, c’est notre viatique. C’est aussi tenir la cohésion du pays dans les dures épreuves des temps. Vous avez rappelé les événements tragiques : ceux de 2015, ceux aussi que nous avons vécus ces derniers mois, ces dernières semaines. Ces événements, qu’il s’agisse du terrorisme, des attaques, des violences urbaines, ont touché à chaque fois au premier chef, vous le savez ô combien, Madame la Maire de Paris, les maires que vous êtes. Ces événements ont bousculé notre pays, charriant les peurs, les angoisses, les tensions et parfois d’ailleurs laissant monter l’esprit de divisions et les confusions. Face à de tels enchaînements, notre responsabilité collective est de ne jamais jouer sur les peurs, de ne jamais rien céder aux haines, d’éviter aussi la précipitation parfois pour apporter des bonnes réponses. Opposer au tourbillon des amalgames la sérénité claire des principes républicains. Faire en sorte que le fil du dialogue entre les Français jamais ne se rompe.
A ce titre, je veux dire ici combien les mots qu’ont eus les maires de chacune des communes concernées par les événements que je rappelais ont sonné juste, qu’ils étaient à chaque fois frappés d’un grand sens de la République et de son unité. Mais les mots n’épuisent pas ce que doit être notre réaction collective face au regain des passions, de la division et de la haine. Ce qu’il nous revient de bâtir c’est la République en actes qui unit les Français simplement parce que la loi s’applique à tous et en tous points du territoire. Aussi devons-nous travailler ensemble pour assurer la sécurité de tous nos concitoyens au quotidien, lutter contre les incivilités, la délinquance, la violence qui minent au premier chef la cohésion du pays. Je sais que c’est votre engagement premier là aussi parce qu’à chaque fois vous me sollicitez, vous me proposez d’ailleurs bien souvent.
Nous prenons depuis 2 ans et demi nos responsabilités en la matière avec une volonté forte, des policiers et des gendarmes plus nombreux sur la voie publique. C’est l’engagement de recrutement de 10 000 postes supplémentaires, les premiers qui sortent de formation sont en train d’arriver sur le terrain et, il est vrai, ils sont particulièrement nombreux dans ces quartiers de reconquête républicaine où l’effort est mis en priorité. Mais c'est aussi dégager du temps sur le terrain pour nos policiers et nos gendarmes en investissant dans la procédure pénale numérique, en allégeant, ce qui a été fait dans le cadre de la Loi justice, les tâches administratives. C'est aussi le choix qui a été fait, après des années, sans que le sujet ne soit jamais ouvert, de décider du paiement des heures supplémentaires des policiers, parce que les heures payées, c'est plus de présence sur le terrain et c'est donc du temps utile pour vous. Cet effort se poursuivra, il est indispensable et c'est notre engagement. Mais, et vous le savez aussi, la sécurité du quotidien dépend de vous, de la qualité des coopérations entre la police nationale et municipale, entre les préfets et les élus que vous êtes, et de poursuivre ce travail amplement engagé.
Nous avons à ce titre, d'ailleurs, obtenu des avancées réelles grâce à l'initiative des parlementaires. Je pense en particulier à cette loi sur les rodéos, élaborée ensemble et qui permet aujourd'hui de saisir des véhicules, et qui permet, lorsque le travail est fait en partenariat sur le terrain, d'agir beaucoup plus efficacement. Dans 3 cas sur 4, police municipale et forces de sécurité intérieure sont liées par une charte de coopération qui organise échanges d'informations, partage de moyens techniques et numériques, formation et parfois même patrouilles communes. Mais là aussi, nous pouvons encore faire davantage, faire mieux.
C'est pourquoi je demande au Gouvernement d'étudier toutes les propositions qui sont faites par les différentes associations pour améliorer ce qu'on appelle parfois le continuum de sécurité, c'est-à-dire la mobilisation de tous les acteurs : forces de l'ordre, police municipale, agents techniques aussi parfois, les différentes mairies, forces et sociétés de sécurité privées, pour agir de manière encore plus efficace contre les incivilités, la délinquance et poursuivre le travail. Des propositions très concrètes ont été faites par plusieurs d'entre vous, et je souhaite qu'on puisse regarder et avancer. Certains fichiers pourraient être mieux partagés, je le sais bien, ceux des véhicules volés, par exemple. On pourrait agir plus efficacement et plus concrètement, regarder si certains pouvoirs de police ne pourraient pas être délégués dans certains cas, les dépôts, la verbalisation des poids lourds... Il y a des choses très concrètes que vous appelez de vos vœux, qui permettraient d'ailleurs non pas à l'Etat de se désengager, je le dis ici clairement pour lever toute ambiguïté, mais de mieux coopérer et de permettre aux maires qui le souhaitent de faire davantage plus efficacement, plus simplement. Le Gouvernement sera au rendez-vous, et ces propositions auront donc une réponse.
Mais au-delà de cette sécurité du quotidien, de ces incivilités, il y a, bien entendu, ce que notre pays continue de vivre, le terrorisme et le sujet de la radicalisation, qui, aussi, appelle une action conjointe. J'ai évoqué, il y a quelques semaines, la nécessité de bâtir une société de vigilance, c'est-à-dire la mobilisation de tous pour lutter contre ces reculs insidieux de la République qui, trop souvent, se transforment en drame. Vigilants, en vérité, nous le sommes déjà ensemble. 150 chartes ont ainsi été signées dans l'ensemble des communes concernées par des individus suivis pour radicalisation. Depuis un an, sous l'impulsion du ministre de l'Intérieur, comme je m'y étais engagé devant vous, les maires ont désormais droit de reconnaître. Le préfet vous informe régulièrement de l'État de la menace et peut vous transmettre des éléments nominatifs confidentiels. Là encore, comment ne pas voir que vous êtes, vous les maires, en permanence au contact et donc les mieux placés aussi, bien souvent, pour percevoir les signes faibles d'une dégradation de la situation, d'un glissement, et donc être des acteurs à part entière de cette société de vigilance, c'est-à-dire une société de l'attention collective et donc de l'action. Etat et communes sont les bras armés d'une République qui protège, d'une République qui avance aussi et s'impose dans chaque hall d'immeuble, dans chaque rue, dans chaque terre de France.
Bien évidemment, évoquant ces sujets, je ne peux bien entendu rester silencieux sur la question du communautarisme, de l'islamisme politique tant évoqué ces dernières semaines et ces derniers mois dans notre pays. Je ne veux rien cacher ici de la réalité que beaucoup d'entre vous vivent. Dans certaines communes, dans certains quartiers, progresse depuis quelques années un projet de séparation d'avec la République. C'est une réalité. Ce sont les revendications sur les horaires réservés aux femmes dans les piscines, ces espaces publics où la mixité n'est plus possible, ce sont ces pressions exercées dans certains services publics, certaines entreprises, ce sont aussi des services communautaires qui cherchent à se substituer à la République, et les déscolarisations d'enfants auxquelles on assiste dans trop d'écoles. À chaque fois, les maires sont en première ligne. L'Etat agit et continuera d'agir.
Nous n'avons pas attendu ces dernières semaines et les débats qui, parfois, ont pu voir le jour. Non. Les lois ont été prises et les actions ont été conduites en la matière, avec efficacité, tout particulièrement par le ministre de l'Intérieur et le ministre de l'Education nationale, grâce, là aussi, à des initiatives parlementaires salutaires sur ce sujet. 12 lieux de culte ont ainsi été fermés, 4 écoles hors contrat, 9 établissements associatifs, près de 130 débits de boisson, toujours avec la coopération des maires. Cette action continuera d'être menée, et nous devons, là aussi, faire plus, ne jamais vous laisser isoler dans ce qui est un des grands combats républicains contemporains. Tout le Gouvernement est mobilisé et continuera d'agir. Le ministre de l'Intérieur donnera des instructions nouvelles aux préfets dans les prochains jours en la matière, et le gouvernement portera des actions concrètes nouvelles dans les prochaines semaines sur ce sujet.
Mais là aussi, je veux nous appeler collectivement à ne pas tout confondre. Dans les débats qui, souvent, se nouent sur ces sujets compliqués, on confond tout. On confond bien souvent la laïcité, la civilité et l'ordre public. La laïcité a un cadre, la loi de 1905. Il a été complété par des lois plus récentes, importantes, qui ont été le fruit d'ailleurs de longues concertations. C'est un cadre, un cadre de liberté et de respect, la liberté de croire et de ne pas croire, c'est un cadre de neutralité, ça n'est en aucun cas un cadre de combat ou d'exclusion. Ça n'est pas la notion qui doit nous conduire à mettre dos à dos, front à front, une part de la société française contre une autre. Ce serait une profonde erreur historique et une faute lourde politique. La laïcité a ce cadre, faisons-le appliquer. Respectons-le partout. C'est à cela que j'appelle le Gouvernement.
Mais bien souvent, ce qui traverse notre société, ce sont les sujets que je viens d'évoquer, légitimes, qui touchent la civilité, l'égalité entre les femmes et les hommes, le respect des lois de la République, l'ordre public, et c'est là qu'il nous faut collectivement nous réarmer, peut- être prendre des lois nouvelles, des décisions plus fortes. Mais ne confondons pas tout. Faisons- le avec la force de la République qui unit, jamais avec l'esprit de division. Il est inefficace et produit le pire. Le Gouvernement sera au rendez-vous de cette ambition en suivant ces principes.
Et puis, et ça vous touche tout particulièrement, dans les débats récents, un sujet est venu, celui des listes communautaires. Je suis, sur ce point, pragmatique et ouvert à toutes les propositions, à condition qu'elles soient efficaces et que, là aussi, elles respectent nos principes. D'abord, vous êtes, je pense, toutes et tous attachés à ce qui fait notre vie politique, qui est aussi un principe de liberté. Comment définirait-on les listes communautaires ? Qui en serait le juge ? Selon quels critères ? La vie politique est ainsi faite que les choses peuvent changer. Nous avons des règles claires, faut-il ici les bousculer parce que soudain, les esprits s'échauffent ? Je nous appelle collectivement à la prudence, pas la prudence qui mène à l'inaction, celle qui conduit à ne pas renoncer aux libertés de la République parce que le pire est parfois là, celle qui nous conduit aussi à voir toutes les conséquences de ce qu’on propose.
Et puis surtout il ne faut pas en la matière avoir quelque naïveté que ce soit. Il ne s’agit pas de proclamer l’interdiction pour régler le problème. Nous avons eu dans d’autres temps de la République ces débats. Fallait-il interdire ces listes antisémites pour réussir à chasser ces idées de la société française ? Qui peut penser d’ailleurs que de telles listes se présenteront à visage découvert, avec spontanéité et clarté ? Non. Si les choses étaient si simples nous n’aurions pas tant de difficultés. Ceux d’entre vous qui sont confrontés à ce phénomène le savent, ceux qui développent un projet communautariste, cet islam politique que j’évoquais, un projet de division de la nation en détournant une religion de ses fondements très souvent se cachent, se dissimulent. C’est là toute la difficulté. Et donc ce qui compte c’est le combat politique en actes, ce qui compte c’est l’intransigeance républicaine quand la prééminence de nos lois est remise en question, quand l’égalité entre les femmes et les hommes est combattue, remise en cause.
Ce qui compte c’est de faire tomber les masques de ceux qui combattent la devise inscrite sur les frontons des mairies qu’ils convoitent. Et ce combat, je sais que je peux compter sur vous pour le mener, sur tous les maires de France pour le mener et pour l’emporter. Et je veux vous dire une chose, vous pourrez compter sur moi mais en actes au quotidien, chaque jour pour les débusquer, les combattre, fermer les associations, fermer les écoles quand elles ne respectent pas absolument les lois de la République. C’est ainsi qu’il faut mener ce combat, je ne crois pas autrement. Et donc là aussi sur ce sujet, le Gouvernement poursuivra avec l’ensemble des forces politiques de notre pays le travail pour rassembler les meilleures idées, avancer et agir.
Mesdames et messieurs, préparant ma venue parmi vous, je relisais aussi l’histoire des Congrès des Maires de France et ce faisant l’histoire des maires de France et je me faisais cette réflexion toute simple en quelque sorte quand on reprend à la cavalcade cette odyssée commune depuis la Révolution française. A chaque fois qu’il a fallu bâtir la République, ses grands projets, construire son avenir cela s’est fait dans et à travers, par les maires : la liberté, la République et la démocratie neuves dès la Révolution française ; la construction de la République dès les lois de 71 et de 72 d’abord par les conseils départementaux puis par la loi de 1884 par le rôle qu’on donne au maire ; et la construction de notre école de la République, de nos écoles dans chaque commune, bien souvent aussi des infrastructures s’est faite par ce truchement. Et la solidité que notre République a su bâtir entre la défaite de 70 et 1914 c’est ce moment inouï où la République a su construire une espèce de pacte, d’ambition et de contrôle réciproque avec les élus locaux et ceux de la République. Permettre que rien ne soit remis en cause si le pire devait advenir à Paris avec les pouvoirs donnés dès 71 et 72 au niveau du département, en 84 aux communes, et permettre d’avancer avec des projets concrets. La solidité de notre pays elle procède de ce temps incroyable. Et à chaque moment que la République a été bousculée par des doutes, par le pire, parfois bousculée en son sommet elle a su retrouver ce socle, cette action concrète, cette stabilité des valeurs et des principes auprès de ses maires. Et il en est de même dans le moment que nous vivons.
Nous sommes dans un moment particulier de notre pays mais il suffit de regarder autour de nous pour nous apercevoir que nous sommes dans un moment historique pour toutes les démocraties occidentales et au fond pour le monde entier, un moment de doute, de crise. Regardez autour de nous, qui a un Gouvernement stable, une majorité claire ? Qui a une vie démocratique innocente, placide ? Je cherche les paradis, les exemples. Je n’en trouve pas. C’est bien parce que nous avons collectivement de nouveaux défis à relever, c’est que nous vivons la fin aussi d’une époque, de transformations profondes peut-être que nous n’avons pas toujours prendre à temps, mais aussi des défis contemporains qui agitent les peurs. Le défi technologique, le défi climatique, le défi démographique et la brutalité de ce monde contemporain. Pour réussir ces transformations comme à chaque fois que la République a été confrontée à ces grandes bourrasques, j’ai besoin de vous et c’est ensemble que nous bâtirons cette action utile. C’est aussi pour cela, fort de ce temps passé ensemble, de ces mois de débat de commune en commune, mais aussi de cette conviction chevillée au corps et inspirée par notre histoire que cet acte II comme je l’ai appelé, du mandat qui m’a été confié par les Français, j’ai voulu le bâtir autour de quelques sujets où votre rôle est déterminant. Je ne les couvrirai pas tous mais je veux ici simplement en mentionner deux.
Le premier, vous l’avez évoqué un instant, c’est celui de la transition écologique, de l’environnement. Elle se joue bien sûr sur le plan international. La France est au rendez-vous dans les négociations entre Etats, sur les baisses des émissions de gaz à effet de serre, la préservation de la biodiversité, la constitution d’un droit environnemental contraignant. Et vous savez, l’engagement de la France sur tous ces sujets. Elle se joue en Europe et vous savez combien la France porte une ambition climatique et environnementale dans notre Union européenne. Elle se joue aussi au niveau national, et là également, le Gouvernement prend ses responsabilités. Je connais peu de pays qui ont assumé la fermeture de toutes leurs centrales à charbon, la fin des exploitations des hydrocarbures, un plan pour la biodiversité. Ç’a été fait et c’est en train de s’appliquer, et ce n’est qu’un début de l’action qui est en train d’être conduite. La convention citoyenne, cher président, qui est en train de travailler au CESE en ce moment même, proposera au gouvernement, à moi-même de nouvelles actions concrètes qui scanderont notre travail collectif dans les prochains mois.
Mais en vérité, là aussi, c’est bien dans les territoires et par les communes que la transition se fait concrètement, la protection des espaces, la lutte contre la pollution, eaux usées comme déchets et donc le combat pour la biodiversité, c’est vous. Les plans pour décarboner les transports, pour rénover les logements et donc emporter la bataille de la baisse des émissions de gaz à effets de serre et du climat, c’est vous. Bien sûr, l'État doit fixer un cadre, une direction, donner des instruments. Mais ensuite, c'est aux communes qu’il importe de faire, très souvent, et c'est d'ailleurs là que les initiatives les plus innovantes, bien souvent, ont été prises.
Les maires ont un rôle clé. Ils ont aussi une connaissance du terrain de ses contraintes et parfois des tensions que ces sujets peuvent faire naître. Un maire sur cinq est agriculteur ou ancien agriculteur, ce qui donne une expérience. Et je dois le dire aussi bien souvent quelque bon sens. Cette transition, elle est complexe. Et là aussi, je vois qu'il y a des intéressés dans la salle. C'est statistiquement normalement vérifié. Cette trame des territoires, elle implique du bon sens et là aussi de savoir gérer les choses sans, je dirais, conflit inutile. Ce rôle en matière d'écologie, je commencerais par-là, ne doit pas conduire, ne doit pas vous conduire à prendre des décisions qui ne relèvent pas du pouvoir de police du maire. La toxicité d'un produit chimique, ça n'est pas la compétence du maire. Et je vais vous le dire, c'est une bonne chose pour vous.
Quand je vois des maires qui prennent des arrêtés pour interdire des pesticides dans leur commune, quel sens ça a ? Est-ce que la toxicité de ce pesticide, elle ne serait pas la même à Plougastel ou à Morlaix ? Aucun sens, aucun sens, il y a peut-être plus de fraises d'un côté ou de l'autre, c’est vrai. Et donc, c'est pour vous protéger aussi que ce pouvoir n'est pas donné, sinon, ce sera la guérilla terrible et surtout l'incompréhension généralisée. En la matière, j'en appelle à la modération, mais au-delà de cela, vous avez un rôle essentiel. Et je voulais aussi apporter quelques clarifications.
Si nous voulons aller plus loin, nous devons bâtir avec vous sur les territoires des filières d'économie circulaire luttant activement contre le gaspillage. En la matière, vous avez d'ailleurs bien souvent pris vous-même des décisions, c'est pour cela que sur ce sujet et sur un sujet particulièrement sensible, comme celui de la consigne des bouteilles plastiques, rien ne sera fait sans l'accord des maires. C'est bien dans ce sens que j'ai demandé au Gouvernement de poursuivre le dialogue au Parlement, conforté ceux qui ont pris de l'avance et investis, aider, faire parce que nous devons avoir une réponse forte et ambitieuse en la matière. Nos concitoyens l'attendent. Mais on ne doit pas pénaliser ceux qui se sont organisés parfois il y a plusieurs années et ont pris des investissements utiles et ceux qui ont trouvé la bonne organisation. Cela doit donc passer par une indispensable concertation.
Oui, je crois à une écologie de la liberté, de l'innovation. Je crois dans l'écologie des territoires et la capacité qu'on donne à ces derniers de trouver les bonnes solutions. Je crois dans ceux d'entre vous qui innovent pour préserver les espaces naturels et agricoles, planter des forêts urbaines, encourager la conversion des exploitations agricoles vers le bio et la haute valeur environnementale, qui développent des plans alimentaires territoriaux pour approvisionner les écoles et les marchés en circuit court, dans ceux d'entre vous qui développent massivement des transports en commun propres. Le bus à hydrogène, les nouvelles solutions pour remplacer la voiture, les véhicules en autopartage, les navettes y compris dans le rural, les pôles d'échanges qui pensent la ville du vélo, de la marche à pied, dans ceux qui inventent les réseaux intelligents, qui permettront d'intégrer les énergies renouvelables par essence intermittentes dans les systèmes électriques des villes, qui investissent pour la rénovation thermique des bâtiments municipaux, des logements.
Tout ce que je viens de dire est en train de se faire. Et la loi d'orientation pour les mobilités, largement concertée donne aux régions un rôle très important aux communes un rôle à leurs côtés. Et c'est donc un cadre, des instruments, une clarté de financement, mais là aussi, nous sommes en train de construire cette écologie concrète. Vous êtes en train de le faire. Ce qu'on doit apporter, c'est le cadre clair des responsabilités, ce que permet la loi d'orientation et les financements pour la compagnie. Les contrats de transition énergétique permettent dans certaines situations difficiles de le faire. La clarté qui sera donnée sur les dotations qui accompagnent la loi en sera une autre. Je souhaite que les prochains mois soient scandés par de nouveaux appels à projets pour accompagner très clairement tous ces projets que je viens d'évoquer dans le cadre et l'architecture de la loi qui a été largement concertée et qui sera de manière imminente ainsi votée. L'écologie du quotidien, l'écologie concrète, l'écologie française, c'est celle de nos territoires. Celle en action, et c'est pourquoi, là aussi, je crois très profondément, comme lorsque la République a eu à bâtir son école, votre rôle est indispensable.
Le deuxième sujet sur lequel je voulais attirer votre attention et vous dire combien au fond nous avons aujourd'hui pour mener cette action besoin de vous, c'est celui de la République sociale solidaire, de ce solidarisme contemporain auquel je crois profondément. Dans votre quotidien, vous êtes confrontés et vous avez apporté nombre de ces missions, bien souvent d'ailleurs en lien avec les départements qui en la matière joue un rôle essentiel. Cher président, vous avez à vous occuper des personnes éloignées de l'emploi avec les missions locales, celles en situation de difficultés ponctuelles ou durables, avec les CCAS, l'accompagnement des personnes âgées, les situations liées justement aux demandes d'asile et aux migrations que sur beaucoup de nos territoires nous connaissons.
Tous ces sujets sont majeurs, je n'y reviendrai pas. Vous êtes aussi au cœur d'une ambition économique indispensable. Mais il y a deux politiques, deux actions sociales indispensables à notre République. Et la construction de cette République solidaire du XXIème siècle où votre rôle est décisif, c'est l'école et la santé. Deux sujets qui à mes yeux caractérisent l'État providence du XXIème siècle que nous sommes en train collectivement de bâtir, auquel je crois profondément, qui est celui où l'on investit sur les personnes. Pas celui où on administre les choses, non. Mais où on décide d'investir sur nos concitoyens pour les aider à choisir leur vie, à la bâtir là où ils sont. Et là votre rôle, comme il l'a toujours été, est éminent : l'éducation. Vous le savez, l'ambition qui est la nôtre, merci président de l'avoir rappelé, elle est partagée, elle m'a conduit d'ailleurs parfois là aussi à corriger des choses qui étaient faites. Je le disais tellement partagé que je me suis engagé à ce qu'aucune école ne soit fermée sans l'accord du maire. Et depuis que j'ai pris cet engagement, c'est ce qui a été fait par le ministre de l'Éducation nationale, une grande vigilance qu'il a encore rappelée. Priorité donnée à l'école primaire parce que c'est là que se nouent les inégalités, réforme du lycée, réforme de l'orientation : jamais on n'a vu en si peu de temps, sauf à revenir à ces temps inauguraux de la République que je rappelais tout à l'heure, des investissements et de tels changements. Je sais aussi les inquiétudes. Comment financer les ATSEM supplémentaires face à l'augmentation des effectifs induite par l'école obligatoire dès 3 ans ? Comment prendre en charge les dépenses immobilières liées au dédoublement des classes de CP, CE1, CE2, le sujet des grandes sections maternelles ? Je veux ici rassurer, je sais les discussions en cours et vous aurez l'occasion d'y revenir avec le ministre. L'Etat a accompagné à hauteur d'un peu plus d'une dizaine de millions d'euros, et c'est vrai, pas la totalité de ce qui a été investi, et je remercie toutes les communes qui ont beaucoup fait sur le sujet, et nous continuerons d'accompagner. Et là aussi, ce dialogue continuera de se faire parce que nous avons besoin de cette ambition collective, parce que nos enfants, pour pouvoir bâtir leur vie, ont besoin d'une école ainsi construite avec moins d'élèves par classe et avec les réformes qui ont ainsi été décidées, parce que, aussi, nous avons besoin, pour réattirer des familles dans certains endroits, dans certains quartiers ou dans une part de notre ruralité, de leur offrir des écoles de qualité. C'est ça, l'objet de ces réformes.
Nous travaillons également ensemble à installer, dans tous les territoires de France, des CFA, de nouvelles antennes du CNAM, des unités d'enseignement supérieur, comme ces campus connectés dont l'objectif est de permettre à des étudiants habitant dans des territoires éloignés des grandes villes de bénéficier d'une offre complète de formation. Ce que nous allons déployer dans les prochains mois, ce que j'ai demandé au Gouvernement de faire, c'est, à rebours de ce que vous avez bien souvent vu, d'ouvrir dans des villes moyennes qui n'ont pas aujourd'hui d'université ou pas de formation supérieure, des antennes d'universités, certaines formations professionnelles ou académiques et parfois les deux. Pour permettre de se former au plus près de chez soi et répondre ce faisant aussi à des problèmes bien souvent de mobilité, de coût du logement dans les métropoles, de rareté du foncier que nous avons à vivre par ailleurs. C'est, là aussi, ce projet d'aménagement du territoire que j'évoquais tout à l'heure, qui est un pragmatisme que nous déclinons pour l'ambition scolaire. L'école de la République, celle de Jules FERRY, qui est enracinée dans chaque terre de France, s'est historiquement construite dans ce « main dans la main » entre le Gouvernement et les maires, et c'est ce fil qu'il nous faut tisser encore et encore.
Et puis le second pilier de cette République sociale, c'est la santé. Là aussi, vous n'avez pas attendu le gouvernement. Sur ce sujet, je dois bien le dire, j'avais envoyé au moment du Grand Débat des questions, mais celle qui est le plus remontée, et de très loin, spontanément à chaque fois, c'est la santé, disant d'ailleurs l'urgence de notre organisation collective et des errements de plusieurs décennies : déserts médicaux d'un côté, surpopulation dans les urgences de l'autre, centres hospitaliers professionnels qui n'arrivent plus à faire face à la demande sur certains territoires, disparition dans d'autres. C'est le fruit, là aussi, de dogmes qui ont longtemps vécu, on dépensera moins s'il y a moins de médecins. Bizarrement, les gens n'ont pas été moins malades. Et donc nous voilà avec un système de santé sur lequel il faut tout à la fois réinvestir mais qu'il faut aussi réorganiser. Je veux saluer ici l'engagement que, depuis plusieurs années, vous avez pris avec beaucoup de conviction pour développer des réseaux, porter des projets, ouvrir des structures. L'engagement que j'avais pris devant vous, c'est d'accompagner cela pour doubler les maisons de santé. C'est ce qui sera fait, et nous sommes sur cet objectif. L'engagement, c'est aussi, pour répondre à vos besoins, une réforme plus en profondeur qui a été annoncée il y a un an dans le cadre du plan Ma santé 2022, et qui, là, vous touche directement, la suppression du numerus clausus, mais ça touchera nos successeurs, parce qu'on met 10 ans au moins à former un médecin, mais collectivement, nous devons agir pour l'avenir, le recrutement de 600 médecins salariés que nous commençons à déployer dans les territoires les plus carencés dès à présent, le développement de la télémédecine, le renforcement du rôle des infirmiers, l'ouverture de 1 000 maisons de santé, comme je le disais, et l'encouragement, à vos côtés, de ces maisons de santé pluridisciplinaires en finançant ces assistants médicaux pour encourager les professionnels à venir et faire que les projets immobiliers que vous avez souvent portés soient accompagnés par des projets médicaux et que ces derniers soient aidés, aidés en leur payant cette assistante médicale ou cet assistant médical qui viendra les décharger d'actes médicaux et leur permettre de mieux travailler sur vos territoires. Là aussi, rien ne se fera sans vous. Il y a des formidables succès.
J'étais il y a quelques jours, je le disais, dans la Marne : deux maisons de santé en 2009, 14 aujourd'hui et 3 de plus qui sont en projet. J'ai vu des projets formidables en Gironde, où municipalités, ARS et centres hospitaliers agissent ensemble pour créer un centre hospitalo- communal ; à Pontarlier, dans le Doubs, cher président, non loin de chez vous, des acteurs locaux qui savent s'organiser pour mettre en place un cabinet éphémère, le temps justement que de nouveaux médecins s'installent plus rapidement ; en Saône-et-Loire, par la volonté d'un conseil départemental, tout un réseau de santé de proximité se met en place et des médecins revenir exercer dans les villes désertées. C'est ça, ce que nous accompagnons concrètement et que nous allons déployer plus fortement encore. Et donc le gouvernement, là aussi, sera au rendez-vous pour mettre les moyens et pour en rajouter. Je ne veux pas ici déflorer les annonces que le Premier ministre, la ministre des Solidarités et de la Santé feront demain en la matière, mais il est clair que l'urgence impose d'investir plus fortement encore et de construire une plus grande attractivité de nos hôpitaux, qu'ils soient d'ailleurs centres universitaires ou parfois plus en proximité, pour réussir à mener ce combat. Je voulais ici vous dire l'engagement du Gouvernement mais le rôle aussi essentiel que vous jouez. Mesdames et Messieurs, chers amis, j'ai conscience, une fois que j'ai dit tout cela, de la difficulté des temps, et vous l'avez rappelé.
Je veux conclure mon propos en vous disant aussi un mot de vous. J'ai à mon tour, en cet instant, une pensée pour Jean-Mathieu MICHEL, le maire de Signes, qui a consacré sa vie à sa commune, vous le disiez, tout à l'heure, en rappelant son engagement de 1983 pour finalement mourir dans l'exercice de ses fonctions, dans le courage de sa fonction, celle justement de faire respecter la vie en commun, de rappeler à l'ordre ceux qui, dans sa commune, venaient enfreindre la règle. Les signoises et les signois n'oublieront jamais ce grand humaniste qui les connaissait tous personnellement, et je veux avoir une pensée pour eux, pour le personnel de la commune et pour sa famille, dont la dignité fut exemplaire en cet instant. Cette tragédie, ainsi que les dizaines d'agressions dont les maires et les élus locaux, ces derniers mois, beaucoup trop d'élus de la République ont été victimes, rappelle la République et chacun de ses citoyens à ses devoirs. La République, je le redis ici, vous doit protection. La République ne peut en effet vous demander tant sans assurer votre sécurité, et en particulier celles et ceux d'entre vous qui craignent pour leur intégrité physique. Elle ne peut vous demander tant non plus sans vous donner les moyens de l'action. Et là aussi, c'est l'objet de ce texte de loi proposé par les ministres, défendu en ce moment même à l'Assemblée nationale, qui est le fruit du Grand Débat, qui est le fruit des propositions concrètes des maires de France, de leur pragmatisme, des indignations que j'ai récoltées, des interpellations que j'ai reçues, d'abord en reconnaissant et en soutenant davantage votre engagement. L'engagement, c'est la sève d'une nation, ce qui la fait, ce qui la tient, ce qui la grandit, l'engagement associatif, syndical, politique, et bien entendu l'engagement des maires. Ça fait des décennies qu'on parle du statut de l'élu, des décennies. Il y a des débats, et je veux reconnaître au Gouvernement de porter enfin une réforme tant et tant attendue. Le projet de loi Engagement et proximité, discuté encore ces dernières heures à l'Assemblée nationale, s'inspire de toutes ces idées, et donc oui, ce texte vous permettra de bénéficier d'une protection juridique dans le cadre de l'exercice de vos fonctions, et nous l'assumons. Oui, vous bénéficierez désormais d'un droit à la formation, et nous l'assumons. Oui, les élus locaux pourront mieux concilier leur vie personnelle et leur vie familiale avec, par exemple, le remboursement des frais de garde, et nous l'assumons. Oui, les maires ruraux qui dans les campagnes de France sont bien souvent tout à la fois : policiers, médecins, urbanistes, jardiniers, assistant social seront rétribués aussi à leur juste niveau d'engagement et nous l'assumons entre autres choses.
Je veux le dire ici parce que c'est une première. Mais votre moteur – je le sais, je le sais parce que je suis fait comme vous, je l’ai démontré – c'est de faire, de transformer, d'agir. C'est pourquoi le projet de loi renforce aussi vos marges d'action. Je ne reviens pas sur les marges d'action financière. On a commencé à l'aborder. Vous y reviendrez avec le gouvernement. Non, je veux évoquer les moyens d'action juridique que vous revendiquez légitimement. Il y a d'abord tout ce qui bride. Les normes qui vous enserrent, l'intercommunalité qui parfois vous freine. Vous avez un mot d'ordre : la souplesse. J'ai le même. Et pour moi aussi, rassurez-vous, ça va trop lentement. Et lorsque je suis allé, il y a quelques jours dans la Marne, j'ai réuni d'ailleurs les préfets et chefs de services de l'Etat déconcentré pour faire la revue de chantiers en la matière. Mais ça avance. Les normes, nous en réduisons d'abord le flux. On regarde trop peu souvent. 40 projets de décrets pris par les ministères en deux ans et demie. C'était 100 par an avant. 100 par an. Le stock. Les fameuses circulaires. Vous le savez, ces lois qui ne sont pas discutées au Parlement et ces décrets qui ne sont pas pris par les ministres mais tout ce qui fait la vie de l'administration et qui à la fin vous est parfois opposé. Ces circulaires – 65 % des circulaires existantes abrogées – je peux vous dire que ce travail de Pénélope, il a fallu le porter et il touche votre quotidien. Je n'ai pas entendu de protestation. Cela veut dire qu'elle ne servait pas forcément à grand-chose. Ce travail, il faut le poursuivre. Et là aussi, j'en appelle aux bonnes idées. Mais ne sous estimez pas une chose : simplifier, c'est complexe parce que supprimer un texte, une circulaire, c'est s'assurer qu'il ne servait à rien. Donc il faut tester les gens, il faut le vérifier. Vous le savez bien. Et donc, j'ai besoin de vous pour que ce travail se poursuive.
Un nouveau service, le rescrit normatif sera créé dans les préfectures et sera valable dès le début du mandat prochain et permettra de sécuriser tous les projets sur le plan juridique. De la même manière, déconcentrer la décision, c'est simplifier pour vous. On est plusieurs dans cette salle à être attachés à cela, je le sais. Plus de 1 000 procédures administratives ont été déconcentrées au plus près du terrain. Ça veut dire quoi ? Que sur ces 1 000 décisions, 1 000 types de décisions. Là où bien souvent, le préfet, le directeur d'administration locale vous disait : je ne peux pas vous donner la réponse, je dois demander à Paris, la décision peut se prendre sur le terrain de manière concrète. C'est plus de responsabilité, plus de rapidité, plus aussi de simplicité et de souplesse.
L'intercommunalité, nous l'assouplissons, répartition des compétences entre les communes, périmètres des EPCI, conseil des maires. Tout est mis en place pour tout à la fois mieux s'organiser et respecter les libertés locales. Et là aussi, les avancées qui émanent de ce débat, porté et acté encore ces dernières heures. Nous l’évoquions ensemble un instant, Président, le premier ministre et les ministres permettront utilement d'avancer et ce jusqu'au bout du chemin de ce texte de loi pour que les maires puissent choisir. Pour que les maires élus au suffrage universel ne puissent jamais être en quelque sorte simplement les récipiendaires d'instructions d'une autre collectivité.
Vous souhaitez aller plus loin encore dans la souplesse d'organisation. J'y suis prêt. De manière là aussi très concrète. Alors, vous m'avez interpellé sur ce point, monsieur le Président, et je veux y revenir d'abord pour dire qu’en la matière, là aussi, le texte de loi. C'est sur ce sujet, les seules décisions qui ont été prises par ce Gouvernement et cette majorité. J'entends vos protestations à juste titre. Mais il ne faut pas opposer au Gouvernement ou à vos parlementaires des décisions de jadis. Il faut quand même être clair sur ce point. Ou alors, citez-moi les discours où j'aurais porté de l'intercommunalité forcée. Citez-moi les discours où j'ai nié la force démocratique du maire. Citez-moi les discours et les actes qui ont fait le contraire. Chers amis, il vous est arrivé d'avoir des prédécesseurs, il faut les respecter. Vous n'êtes pas obligé de tout prendre. J'en prends déjà assez. Je considère qu’en ce moment, collectivement, nous prenons notre part, y compris des conséquences parfois dont les causes ne nous appartiennent pas totalement. Donc, continuons d'avancer collectivement. Et je veux insister pour vous dire que le Gouvernement est là, le Parlement est là et les réponses seront apportées comme vous l'avez voulu.
Alors maintenant, comment aller plus loin ? Continuer à déconcentrer. J'y crois très profondément. Le Premier ministre a annoncé des décisions fortes, plus de 6 000 fonctionnaires qui seront ramenés sur les territoires. Il faut poursuivre ce mouvement. Et il faut le poursuivre en particulier de l'échelon régional à l'échelon local. C'est indispensable. Les grandes régions ont permis parfois de regrouper des services mais elles ont permis sur certains sujets, où elles ont plutôt conduit sur certains sujets, à recréer de la concentration régionale et à éloigner la décision du terrain. Ce n'est pas une bonne chose, et donc je souhaite que collectivement, le Gouvernement et le Parlement puissent avancer sur ce sujet de manière très concrète. On l'a évoqué avec plusieurs d'entre vous en matière de logement, sur beaucoup d'autres sujets et des décisions qui étaient parfois prises au niveau du département, soit au niveau de la région. Ce n'est pas bon. Et je dirais plus : le numérique dont on parle tant, auquel nous tenons, qui nous permet de recréer de l'industrie, de développer des emplois sur notre territoire doit nous permettre aussi d'être inventif en matière d'organisation de l'État. Pourquoi, parce qu'il y a le numérique, on devrait demander à tous nos agents, à tous nos fonctionnaires, d'aller dans la capitale régionale ou à Paris, pour faire des travaux d'intérêt général et expliquer à nos concitoyens « Vous voulez joindre vos fonctionnaires ? Internet ou le téléphone ? » Au contraire, on peut laisser ou remettre des fonctionnaires et des agents sur le terrain et grâce au numérique, leur permettre de faire des tâches communes pour le compte de la région ou même plus largement. Je crois que c'est beaucoup plus porteur d'avenir. Qui plus est, bien souvent dans des territoires où le déplacement est moins compliqué, le logement moins cher, les conditions de vie plus agréable. Et donc, il nous faut là aussi reconstruire ces équilibres nouveaux, réinventer les choses, changer des habitudes qui avaient été acquises.
C'est ce qui a commencé à être fait et qui continuera de l'être avec force. Et en la matière, le projet France Service est d'ailleurs un levier. Et croyez en mon exigence sur le sujet, ce ne sera pas un paravent. Ce sera bien une ambition nouvelle de la présence, des compétences sur les territoires et de l'innovation aussi pour tous nos services, comme d'ailleurs pour tous les grands partenaires de l'Etat. Je pense à la Poste qui peut permettre, non pas dans France Service, mais en allant au plus près de nos concitoyens comme elle commence à le faire en matière de santé, pour apporter du service jusqu'à nos concitoyens, pour lui inventer une nouvelle mission d'intérêt général dont, dans nos campagnes, les plus isolées ont besoin, dont, dans aussi certains quartiers de la République, certains ont besoin.
Différenciation, c'est le deuxième levier après la déconcentration. Nous avons commencé à le faire, beaucoup ont joué le jeu, ces fameux contrats permettent de mieux répondre. Il y a les contrats dits de cœur que les plus grosses collectivités ont souvent signés et qui produisent leurs effets, il y a aussi les contrats de différenciation, d'actions. De la Creuse, cher Président, jusqu'aux Ardennes, en passant par la Bretagne, à tous les niveaux, des contrats ont été signés par le Gouvernement qui ont permis de bâtir des actions concrètes de projets sur le terrain. De différencier, c'est une manière aussi d'avancer efficace, beaucoup plus forte. Et je souhaite que nous puissions franchir un pas supplémentaire. Je sais que nous sommes beaucoup dans cette salle à le vouloir par la réforme constitutionnelle qui permettra d'instaurer un droit à la différenciation. Et là, je sais compter sur chacun pour que nous puissions aller au bout de cette idée. Et puis la troisième, après la déconcentration, la différenciation, c'est la décentralisation.
Vous l'avez évoqué et je souhaite que sur ce sujet nous puissions avancer. Mais je vais vous dire quelque conviction en la matière. Il y a eu plusieurs vagues de décentralisation, et nous essayons collectivement d'en faire le bilan. Elles ont dans beaucoup de cas, réussi à mener une action plus concrète, en effet, plus proche des territoires. Mais le bilan que j'en tire pour l'Etat, trop souvent, l'Etat a essayé de garder une partie de la compétence et n'a pas fait toutes les économies. Et parfois d'ailleurs, nous avons collectivement perdu de la compétence, prenons les routes : est-ce qu'on est aussi bon sur ce sujet qu'il y a 40 ans ? Je ne suis pas sûr. Les ponts, on en parle en ce moment, est-ce qu'on est aussi bon ? Pas sûr. Donc il faut que la décentralisation s'accompagne de choix clairs du côté de l'Etat, il doit lâcher toutes les compétences quand il les décentralise, mais il ne faut pas que ça conduise à de la perte collective de connaissances et que d'un seul coup, on se réveille et qu'on se dise : là, on n'est plus aussi bons qu'avant.
Ensuite, on a parfois décentralisé des compétences sans donner les moyens comme le RSA et les départements. Est-ce que c'est de la bonne décentralisation ? Non, on l'a plusieurs fois évoqué. Ça fait maintenant des années, quasiment depuis le premier jour, que des débats sans fin se nouent pour savoir si la compensation est la bonne. Et qui plus est, on a décentralisé une compétence sur laquelle la collectivité en charge n'avait quasiment pas de moyens d'action. Est- ce que c'est de la bonne décentralisation ? Moi, je veux bien décentraliser des compétences, mais si la collectivité ne peut rien faire est un payeur aveugle, ce n’est pas cohérent. J'en ai tiré une conviction simple qui, peut-être, peut rendre les choses plus compliquées qu'elles ne le semblent au premier abord : quand on décentralise une compétence, il faut décentraliser les moyens clairement, et la dynamique des moyens clairement. Est-ce qu'il y a, sur chacune de ces compétences, une dynamique et une fiscalité claire ? Non. Vous me parlez du foncier pour les départements. Mais si le foncier avait la même dynamique que le RSA, ça se serait vu depuis longtemps. Nous devons prévoir des péréquations en permanence. Si les départements qui touchent le plus de foncier et de droits de mutation à titre onéreux étaient les départements qui avaient le plus de bénéficiaires de RSA à accompagner, la France serait plus heureuse. Rien à voir. Il y a une ressource fiscale, elle n'a rien à voir avec la dépense. Est-ce que c'est de la bonne décentralisation ? Vous conviendrez avec moi que non. On fait de la bricole en permanence, on fait de la péréquation tous les ans, vous le savez bien. Donc cette émotion me touche, mais elle n'est pas féconde. Si on veut avancer, il faut regarder en effet quelle fiscalité ou parts de fiscalité on donne aux collectivités en décentralisant.
Nous, nous avons un fétichisme français : l'autonomie fiscale. Je regarde les grands pays décentralisés autour de nous, ils sont beaucoup plus décentralisés que nous, ils n'ont pas d'autonomie fiscale. Ils ont une chambre qui, chaque année, en effet, discute des ressources fiscales qui sont affectées aux collectivités, chaque niveau avec des règles claires. Peut-être qu'il faut en arriver à cela, et moi, j'y suis favorable parce que, je vais vous dire, l'autonomie fiscale a deux problèmes. La première : il n'y a jamais une fiscalité qui correspond à la bonne compétence, donc il y aura toujours des péréquations et de l'illisibilité, c'est vrai. Les seuls qui peuvent avoir une fiscalité propre, ce sont les communes, qui ont une clause de compétence générale. C'est pour ça que j'assume le foncier. Et ne me dites pas : « il y a des gens qui sont exonérés qui ne payent pas. » Dans la commune de Troyes, il doit y avoir 70 % des gens qui ne payent pas la taxe d'habitation, on en parlait l'autre jour. Ce n'est pas pour autant qu'ils n'avaient plus de lien avec la vie dans la commune. Donc il n'y aura jamais la bonne fiscalité, en tout cas pour les départements et les régions.
Par contre, il faut qu'il y ait une dynamique fiscale qui corresponde à la dynamique des compétences, qu'il y ait une visibilité qui soit donnée, et c'est vrai que nous ne sommes pas bons sur ce sujet. Donc est-ce qu'on peut peut-être évoluer dans notre capacité collective à la fois à moderniser nos impôts, à clarifier les responsabilités fiscales et de compétences ? Je l'espère, parce que vous savez, sinon, on vit dans une société où, selon les niveaux, on augmente les impôts d'un côté, on les baisse de l'autre. C'est illisible pour nos concitoyens. Qu'est-ce qui s'est fait ces dernières années ? Je parle du mandat précédent. Vous l'avez dit, les dotations ont été baissées massivement, mais c'est de la fiscalité locale qui a souvent été augmentée massivement, souvent au niveau intercommunal, avec souvent d'ailleurs des gens qui ne savaient plus qui faisait quoi. Est-ce que c'est démocratiquement souhaitable ? Je vous livre ma conviction : non.
Donc oui à la décentralisation, mais oui à la décentralisation où les compétences sont accompagnées d'une décentralisation claire des financements qui vont avec, avec la bonne dynamique et la visibilité. Si on trouve des morceaux d'impôts nationaux qui ont cette dynamique, allons-y. Si on pense que c'est en regardant nos voisins qu'il faut le faire, j'y suis favorable, et dans ces cas-là, c'est un changement constitutionnel vers lequel il faut peut-être aller. Je le dis devant le Président du Sénat, j'y suis ouvert, plus que ça, à titre personnel, favorable. Et de l'autre côté, en décentralisant les compétences, il faut décentraliser les responsabilités. Et là aussi, on ne peut pas dire : je prends les compétences mais quand il y a un problème... Vous le savez, vous, quand il y a un problème on vient vous voir. Bon, quand ce n'est pas vous, c'est moi, si je puis dire, quand même bien souvent. C'est trop souvent le cas. On dit : j'ai les compétences. Les départements font un travail extraordinaire sur l'aide sociale à l'enfance. Quand il y a un gros coup de grisou, on dit que c'est l'Etat, comme si on avait oublié qu'on avait décentralisé les compétences. Je veux bien. On a décentralisé imparfaitement certaines compétences de mobilité ou de développement économique, dès qu'il y a un problème, on dit : c'est l'Etat. Quand une entreprise ferme, je n’ai jamais vu une région dire : « c'est ma responsabilité, je vais le faire. » On dit : « l'Etat ne nous aide pas assez. » On me parle de l'emploi. Si ça va avec la responsabilité, c'est simple, ça veut dire que maintenant, dans les élections régionales, quand les gens votent pour la région, ils disent : « je vote pour la politique d'emploi. » Et quand le Président, les parlementaires iront aux élections, ils diront : « attention mes chers amis, l'emploi, ce n'est pas chez moi, c'est la région. Moi, je n'y peux rien, à l'emploi. » On n'est pas ce pays-là. Je vais vous rassurer, l'Allemagne, grand pays fédéral, n'a pas décentralisé l'emploi.
Le problème qu'on a, c'est qu'on a décentralisé des compétences sans décentraliser les responsabilités, et je le dis aussi pour protéger les collectivités ici présentes. Personne en France ne veut avoir un RSA par département, personne. Ça n'est pas comme ça que la nation s'est bâtie. On ne va pas dire : « les politiques sociales, il faut complètement les décentraliser au niveau du département. » Donc les gens veulent prendre des compétences et pas les responsabilités. On ne peut pas avancer comme ça. Donc oui à un grand débat, une grande avancée sur la décentralisation, mais à condition de dire que la compétence va avec la responsabilité démocratique, et claire, et avec des financements clairs, qui ont la même dynamique, et là, nous serons heureux.
Sur cette base, j'y suis ouvert sur tous les sujets. On parlait de logement, j'y suis très ouvert. Vous parliez de culture, il y en a déjà beaucoup. On peut faire, là aussi. Plus de sport, j'y suis favorable suivant ces règles qui sont celles de la clarté et de la responsabilité partagée. Vous l'aurez compris, Mesdames, Messieurs, chers amis, je n'ai d'autre obsession que d'agir, de transformer, de faire avec vous, car à la fin, il n'y a que ça qui compte et c'est cela que nous laisserons : une action.
Alors je sais, les mois à venir auront un tour un peu particulier, avec les élections municipales qui se profilent. Certains d'entre vous se représenteront, et je sais que vous serez nombreux, avec aussi de nouveaux engagés actifs ou retraités, jeunes ou moins jeunes, femmes ou hommes, qui feront le choix de donner un peu de leur vie aux autres. Certains d'entre vous se revendiqueront d'étiquettes partisanes, d'autres non. Je crois, sur ce sujet, qu'il faut laisser une totale liberté, n'enfermer les maires dans aucun clivage.
Les élections locales ne sont pas là pour être utilisées à des fins partisanes. Vous avez besoin de rassembler et d'agir. Ce qui compte, c'est l'engagement. Ce qui compte, c'est que la République demeure vive. Ce qui compte, c'est que les maires de France unissent encore et encore la société, façonnent encore et encore le pays, continuent à forger ce que nous sommes, ce peuple enraciné, ces paysages, ces différences, et répondent à ces ambitions contemporaines, car oui, comme je l'ai dit, notre pays traverse, et je conclurai sur ce point, une période peut-être unique quand on se retournera sur elle, où ces fractures que j'évoquais sont là, où en même temps les opportunités sont à portée de main, où quelque chose se réinvente tout à la fois de nos vies, de nos territoires, de notre continent comme du reste du monde. Et je crois, dans ce moment, une fois encore, que votre rôle est en effet essentiel.
Alors oui, vous l'avez dit, Président, il y a un an, lorsque le pays s'embrasait, j'ai fait appel à vous, ou plus exactement je vous ai regardés et vous m'avez inspiré. J'ai regardé les premiers maires, les premiers d'entre vous qui ont, parce qu'il y avait certains de nos concitoyens qui étaient dans les rues ou les ronds-points, parce que la violence était là, qui ont ouvert leurs mairies, qui ont proposé. Certains sont venus me voir avec des propositions concrètes. Et de Poissy à Gargilesse-Dampierre en passant par toutes les communes de France, vous avez pris des risques, vous avez proposé et innové.
J'ai, en ce moment, une pensée et un remerciement particulier pour Vanik BERBERIAN qui, avec ces maires, est venu me présenter ses premiers cahiers qu'il avait ouverts en mairie. Il a aujourd'hui des combats plus intimes, mais il a eu beaucoup de courage, beaucoup de courage.
Mais j'ai une pensée pour vous toutes et tous qui vous êtes engagés, en vous confrontant de salles polyvalentes en mairies, de préaux d'école en salles de classe, parfois à la colère pour lui redonner un cadre. Vous avez écouté, vous avez souvent expliqué, vous avez aussi relayé. Je vous ai retrouvé à chaque fois avec des propositions, des voix portées et une ambition.
En concluant mon propos, je voulais vous remercier d'avoir fait vivre cette République si vivante, si diverse, mais debout, forte d'avoir donné un cadre aux colères et aux indignations et d'avoir montré, une fois encore, que notre République est forte. Notre République continuera, dans les mois qui viennent, à affronter ces peurs, mais je sais ce que nous avons vécu ensemble et ce que nous avons fait ensemble, et cela me rend formidablement optimiste. La République, ce n'est pas une nostalgie. La République, ce n'est pas non plus un immobilisme. La République, c'est une volonté. C'est un projet unique de liberté, d'égalité, de fraternité. Ce sont des droits, on les rappelle chaque jour, on se combat pour les étendre, mais aussi des devoirs, devoirs pour les responsables que nous sommes partout, devoirs pour nos concitoyens, et il faut leur rappeler toujours. S'il n'y a plus de devoirs, il n'y a pas de droit qui tienne. Devoir de respecter l'autre, devoir de respecter la quiétude et l'ordre public, parce que c'est la garantie de la liberté, de conscience, d'expression comme de manifestation, devoir de civilité car la démocratie interdit la haine, précisément parce qu'elle est libre, devoir d'aimer cette collectivité qui nous unit et qui, précisément, est celle qui prodigue des droits et sans laquelle rien ne tient. Et de la commune à la nation, tel est notre rôle : rappeler les droits et les devoirs à chacun, ne jamais oublier cet « en même temps » républicain auquel je crois profondément.
Oui, la République, c'est cette soif d'agir, ce sont ces mille fils tendus, cette amitié profonde que nous devons rappeler à nos concitoyens. C'est cela ce que, durant tous ces mois, vous avez montré. C'est cela, je vous parle très franchement, que nous aurons encore à faire jusqu'aux élections prochaines et au-delà, car nous ne réglerons pas en un jour ce défi et continuerons d'être devant, nous, et nous aurons à le porter, mais c'est ce qui nous unit, quelles que soient les sensibilités, les diversités. Alors je suis formidablement optimiste, en vous retrouvant ce soir et en vous sachant au travail dans les prochains jours avec le Gouvernement. Je vous ai vu à l'œuvre, je vous ai vu faire et avancer, et je sais qu'avec vous, la République, c'est une volonté de chaque jour. Nous l'avons et nous l'aurons.
Alors vive les maires de France, vive la République et vive la France.
Emmanuel Macron, le 19 novembre 2019 à la Porte de Versailles, à Paris.
Source : www.elysee.fr/
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