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6 février 2019 3 06 /02 /février /2019 08:41

Chaque année, la Cour des Comptes publie son rapport public annuel. Son édition 2019 a été présentée le 6 février 2019 par le premier président de la cour des comptes Didier Migaud. Il faut cliquer sur les liens correspondants  pour télécharger les éléments du rapport complet (fichiers .pdf, sauf pour les données, fichiers .zip).


Tome I – Les observations (version intégrale) :
https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-01/RPA2019-Tome-1-integral.pdf

Tome I - Les observations (synthèse) :
https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-02/RPA2019-synthese-Tome-1.pdf

Tome II – Le suivi des recommandations (version intégrale) :
https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-01/RPA2019-Tome-2-integral.pdf

Tome II - Le suivi des recommandations (synthèse) :
https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-02/RPA2019-synthese-Tome-2.pdf

Tome III – L’organisation et les missions :
https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-01/RPA2019-Tome-3-integral.pdf

Tome I - La politique de prévention des infections associées aux soins :
https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-02/04-politique-prevention-infections-associees-soins-Tome-1.pdf

Tome I - La gestion des opérations funéraires :
https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-02/06-gestion-operations-funeraires-Tome-1.pdf

Tome I - Les communes défavorisées d’Île-de-France :
https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-02/08-communes-defavorisees-ile-de-France-Tome-1.pdf

Tome II - Les avoirs bancaires et les contrats d’assurance-vie en déshérence :
https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-02/01-avoirs-bancaires-contrats-assurance-vie-desherence-Tome-2.pdf

Tome II - Le groupe Agence française de développement :
https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-02/03-groupe-agence-fran%C3%A7aise-developpement-Tome-2.pdf

Tome II - Les trains Intercités :
https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-02/04-trains-intercites-Tome-2.pdf

Tome II - Radio France :
https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-02/05-Radio-France-Tome-2.pdf

Tome II - La politique salariale à EDF SA :
https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-02/06-politique-salariale-EDF-SA-Tome-2.pdf

Tome II - Le contrôle de la sécurité sanitaire de l’alimentation :
https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-02/09-controle-securite-sanitaire-alimentation-Tome-2.pdf

Discours de Didier Migaud du 6 février 2019 :
https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2019-02/20190206-RPA-2019-discours-DMigaud_0.pdf

Données Tome I :
https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2019-02/20190206-RPA-2019-T1.zip

Données Tome II :
https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-02/20190206-RPA-2019-T2.zip

Données Tome III :
https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2019-02/20190206-RPA-2019-T3.zip

Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190206-rapport-cour-comptes-radio-france.html

SR

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20190206-rapport-public-annuel-cour-comptes-2019.html

 

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6 février 2019 3 06 /02 /février /2019 01:56

Chaque année, la Cour des Comptes publie son rapport annuel. Dans ce rapport, il y a une annexe qui est le rapport d'activité de la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) annexée au rapport public annuel. Son édition 2019 a été publiée le 6 février 2019.

Cliquer sur le lien pour télécharger le rapport CDBF 2019 (fichier .pdf) :
https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-02/rapport-annuel-CDBF-2019.pdf

Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190206-rapport-cour-comptes-radio-france.html

SR

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20190206-rapport-cour-comptes-cdbf-2019.html
 

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4 février 2019 1 04 /02 /février /2019 03:05

« Il n’y a au fond que deux écoles en philosophie et en politique : l’une qui part de l’autorité seule, et avec elle et sur elle éclaire et façonne l’humanité ; l’autre qui part de l’homme et y appuie toute autorité humaine. » (Victor Cousin, 1851).



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Faisant d’une indiscrétion son titre de Une, le "Journal du dimanche" du 3 février 2019 a annoncé que le Président Emmanuel Macron aurait l’intention d’organiser un référendum à questions multiples le même jour que les élections européennes du 26 mai 2019.

On comprend vaguement l’intérêt politique d’Emmanuel Macron. D’une part, personne ne peut être contre le principe d’un référendum. D’autre part, les questions multiples éviteraient de personnaliser le référendum et le transformer en plébiscite pour ou contre la politique d’Emmanuel Macron (s’il y avait à certaines questions des "oui" et à d’autres des "non", difficile de dire que ce serait un vote sanction). Enfin, cela éviterait le service après-vente des élections européennes qui ne seraient pas fameuses de toute façon pour LREM : la majorité présidentielle ne peut guère compter sur la moitié des électeurs, pas plus que sur le tiers et s’il atteignait le quart, ce qui serait déjà un exploit selon les sondages actuels, mais ce serait trop faible pour gouverner quand même avec une légitimité très établie. En clair, un tel référendum serait un moyen de réinitialiser la double séquence des "gilets jaunes"/"débat national" et (on n’y est pas encore) la séquence des "européennes".

Quand on apprend ce genre de nouvelle (évidemment, en week-end, histoire qu’elle ne soit pas à diffusion trop parfaite), on a le vague (toujours ce vague à l’âme) sentiment que l’on se moque des Français. Et on a aussi deux questions importantes sur la capacité à gouverner d’Emmanuel Macron.

La première question qui vient à l’esprit est grave car elle concerne la construction européenne. Quand on observe le paysage politique européen quasiment en ruine, il n’y a aujourd’hui qu’un seul "leader" européen capable de volontarisme pour faire redémarrer la construction européenne et lui redonner du sens : Emmanuel Macron. Parce qu’il est convaincu, parce qu’il a présenté sa conception dès la première année de son mandat avec le fameux discours de la Sorbonne le 26 septembre 2017 (qui n’a été suivi d’aucune initiative particulière depuis un an et demi, on attend en principe un prochain discours de mise à jour dans quelques semaines), parce que c’est aussi dans son intérêt politique immédiat d’être un pro-européen enthousiaste, d’être le seul en France à l’être, ce qui lui permettrait de rassembler le centre droit au-delà de LREM, d’autant plus que le choix audacieux de François-Xavier Bellamy comme tête de liste LR (qu’il faudrait appeler plutôt la "liste Dati-Hortefeux-Morano" malgré ce petit maquillage de jeunesse et d’idéologie) va dans ce même sens tactique.

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Cette question, c’est : Emmanuel Macron serait-il finalement aussi euro-fade et euro-mou que son prédécesseur François Hollande ? C’est-à-dire qu’il y a les paroles ("On va relancer l’Europe") et les faits. C’est vrai qu’on ne construit pas l’Europe tout seul, et comme les principaux alliés sont au feu rouge (Italie) ou feu orange (Allemagne, Belgique, Espagne), la paralysie est actuellement complète. Rappelons néanmoins que sans le volontarisme de Nicolas Sarkozy, qui a apporté le Traité de Lisbonne et la réponse européenne à la crise financière de 2008, il y aurait eu une paralysie gravissime de l’Europe il y a une dizaine d’années.

Or, Emmanuel Macron est-il si pro-européen que cela ? Quand, au cours d’un débat, il admet que la parole des Français a été trahie avec l’adoption du Traité de Lisbonne, non seulement il trompe les Français mais il contribue à casser l’Europe elle-même. Pourquoi ? Parce que dès lors que l’Europe était à vingt-sept (puis vingt-huit puis vingt-sept) membres, il fallait bien revoir les règles décisionnelles, l’unanimité signifiait paralysie, il fallait bien concevoir des majorités qualifiées dans la prise de décision. De plus, Nicolas Sarkozy, qui a été élu Président de la République en 2007, avait largement annoncé qu’il souhaitait faire adopter ce qui fut le Traité de Lisbonne, ses électeurs n’ont donc pas été pris par traîtrise (et c’est même l’argument que lui-même donne pour la suppression de l’ISF). Enfin, le référendum a eu lieu il y a quatorze ans, presque une génération, et ne concernait pas l’Europe mais seulement certains points institutionnels sur l’Europe et ne remettait en rien en cause notamment la monnaie unique européenne, l’euro, qui a, elle, rappelons-le, insistons encore, été adoptée démocratiquement par le référendum sur le Traité de Maastricht le 20 septembre 1992. En donnant raison aux europhobes de tous poils, par simple démagogie ou pour se faire (inutilement) bien voir des gilets jaunes, Emmanuel Macron n’aide pas l’Europe, contribue même à la saper.

Pire encore. Si Emmanuel Macron, pour des raisons de politique intérieure, veut organiser un référendum le même jour que les élections européennes, alors, c’est simple, il n’y a pas d’autre moyen de détruire complètement l’idée européenne. Pourquoi ? Parce que les élections européennes sont le seul moment, et rare moment, tous les cinq ans, où l’on peut espérer avoir un semblant de débat politique portant sur les enjeux européens. C’est déjà très faible, c’est assez rare, tant les élections européennes ont été préemptées, en France comme dans tous les autres pays européens, par des préoccupations de politique intérieure, mais justement, Emmanuel Macron aurait pu vouloir ramener le débat sur le plan européen et initier pendant deux ou trois mois, le temps de la campagne électorale, un débat public qui aurait été très utile sur : quelle Europe les Français voudraient-ils ?

Au lieu de cela, ce débat est pollué par le grand débat national. Au lieu de discuter d’Europe, on discute de mille choses sauf de l’Europe. Je ne dis pas l’intérêt de ce débat national, je dis seulement qu’il n’est pas dans le bon calendrier. D’ailleurs, saviez-vous qu’il y a eu un grand débat, une consultation publique sur l’Europe en 2017 ? On voit à quel point cela peut intéresser non seulement les médias mais aussi la classe politique et même, le gouvernement qui a peu communiqué à l’époque sur le sujet.

Une autre question vient assez rapidement à l’esprit, au-delà des doutes sur la capacité d’Emmanuel Macron à relancer l’Europe. Le pouvoir est-il incompétent ou négligent ? Ou alors trop inexpérimenté ? Parce que la procédure constitutionnelle pour organiser un référendum est assez précise (article 11 et article 89 de la Constitution) et il n’est pas possible, a priori, d’organiser un référendum à questions multiples (la plupart des constitutionnalistes ont déjà répondu par la négative à cette possibilité). Je rappelle le référendum du 27 avril 1969 qui contenait une question et deux réformes (régions et Sénat) et donc, une réponse unique. Vouloir multiplier les réponses serait un principe de pouvoir qui méconnaît la Constitution mais aussi qui croit que les institutions sont comme les sondages qui demandent la couleur de la voiture rêvée.

Or, gouverner, c’est avoir déjà une idée précise de ce qu’est bon pour la France. Demander l’approbation populaire n’est pas anodin. Il ne s’agit pas de demander : dans quelle voie faut-il que j’aille pour le bien de la France ? Mais plutôt de dire aux Français : je vous propose une voie, la voici, elle me semble la meilleure pour le pays et je vous demande de l’approuver car j’ai besoin de vous pour réussir ensemble.

Proposer des questions multiples démontrerait que le pouvoir n’aurait aucune voie à proposer aux Français. Car cette voie doit garder sa cohérence. Et si cette cohérence doit avoir trois éléments, par exemple, mettre aux voix ces trois éléments individuellement, c’est prendre le risque qu’ils ne soient pas adoptés tous les trois simultanément et donc, casser la cohérence interne initiale du projet, et c’est pire, un projet incohérent, que pas de projet du tout. Cela signifierait que plus personne ne maîtriserait la direction où irait la France, ce qui serait grave.

Au-delà de la multiplicité annoncée des questions, il y a évidemment la Constitution elle-même : on ne soumet pas ainsi n’importe quoi ni n’importe comment au référendum. Il faut généralement (ce fut le cas pour les quatre derniers référendums : la Nouvelle-Calédonie le 6 novembre 1988, le Traité de Maastricht le 20 septembre 1992, le quinquennat le 24 septembre 2000 et le TCE le 29 mai 2005) faire d’abord adopter par le Parlement le texte soumis au référendum, c’est-à-dire par l’Assemblée Nationale (contrôlée par la majorité présidentielle) mais aussi par le Sénat (contrôlée par l’opposition LR). Concrètement, en termes de calendrier, cela ne semblerait pas possible, au mieux entre le 15 mars et le 26 mai 2019, de préparer un tel référendum.

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Enfin, sur quels sujets le référendum porterait ? Là encore, l’idée que le gouvernement se moquerait des Français pourrait se renforcer. Car si l’idée, ce serait, dit-on, de soumettre des questions purement institutionnelles (proportionnelle et nombre des parlementaires), ce serait un véritable court-circuitage du Parlement et surtout, cela ne résoudrait rien à la crise des gilets jaunes qui est partie avant tout du pouvoir d’achat. La réforme des institutions a été initiée plus de sept mois auparavant, en mai 2018, et elle n’a pas semblé empêcher le déclenchement du mouvement des gilets jaunes, pourquoi, si jamais (par malheur) elle était adoptée, l’éteindrait-elle ? Les critiques de "foutage de gueule" seraient alors assez justifiées.

Par ailleurs, petite cerise sur le gâteau de la duperie, annoncer dès le 3 février 2019 qu’on ferait un référendum sur les institutions alors que les Français sont encore en plein débat national et qu’on prétend attendre la fin de ce grand débat (15 mars 2019) pour en tirer les conséquences est une ficelle un peu grosse : les conséquences peuvent-elles être tirer avant de lire et d’analyser les centaines de milliers de contributions et de comptes-rendus de débat locaux ? N’a-t-on pas l’impression qu’on se moque un tantinet des Français ?

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Bref, l’annonce informelle en forme de sonde d’un éventuel référendum à questions multiples d’ordre institutionnel organisé le même jour que les élections européennes montre qu’il y a beaucoup de légèreté prise non seulement avec la gouvernance, mais aussi avec la Constitution et même avec l’idée européenne. Mais que se passe-t-il donc à l’Élysée ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (04 février 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les risques d’un référendum couplé aux européennes.
Quatre idées reçues du Président Macron.
Grand débat national : un état des lieux plutôt que des opinions.
Emmanuel Macron face aux citoyens : Marianne en gilet jaune sans filtre.
Grand débat avec Emmanuel Macron le 24 janvier 2019 à Bourg-de-Péage (vidéo intégrale).
Les leçons du Traité d’Aix-la-Chapelle.
Texte intégral du Traité franco-allemand signé le 22 janvier 2019 à Aix-la-Chapelle (Aachen).
Débat citoyen avec Emmanuel Macron et Angela Merkel le 22 janvier 2019 à Aix-la-Chapelle (vidéo intégrale).
Grand débat avec Emmanuel Macron le 18 janvier 2019 à Souillac (vidéo intégrale).
L’incroyable prestation d’Emmanuel Macron à Grand-Bourgtheroulde.
Grand débat avec Emmanuel Macron le 15 janvier 2019 à Grand-Bourgtheroulde (vidéo intégrale).
Le grand n’importe quoi national selon Emmanuel Macron.
La lettre à tous les Français d’Emmanuel Macron le 13 janvier 2019 (à télécharger).
Institutions : attention aux mirages, aux chimères et aux sirènes !
Les vœux du Président Emmanuel Macron pour l’année 2019.
Allocution du Président Emmanuel Macron le 31 décembre 2018 à l’Élysée (texte intégral).
L'an 2019, la peur jaune et l'urgence économique et sociale.
Gilets jaunes : un référendum sur l’ISF ? Chiche !
Strasbourg : la France, du jaune au noir.
Allocution du Président Emmanuel Macron le 10 décembre 2018 à l’Élysée (texte intégral).
La hotte du Père MacroNoël.
Ne cassons pas nos institutions !
La Révolution en deux ans.
Ivan Tourgueniev, toujours d'actualité ?
Emmanuel Macron, futur "gilet jaune" ?
Discours du Président Emmanuel Macron le 11 novembre 2018 à Paris.
10 et 11 novembre 2018 : la paix, cent ans plus tard.
Emmanuel Macron et le Vel’ d’Hiv’.
Dossiers de presse à télécharger sur les célébrations de 1918.
La Grande Guerre, cent ans plus tard.
Maréchal, vous revoilà !
Texte intégral de l’allocution du Président Emmanuel Macron le 16 octobre 2018.
Emmanuel Macron : la boussole après les horloges.
Les nouveaux ministres dans le détail (16 octobre 2018).
Les étagères de l’Élysée.
La Cinquième République.
La réforme des institutions.
L’affaire Benalla.
La démission de Gérard Collomb.
La démission de Nicolas Hulot.
La démission de François Bayrou.
Emmanuel Macron et l’État-providence.
Emmanuel Macron assume.
Édouard Philippe, invité de "L’émission politique" sur France 2 le 27 septembre 2018.
La France conquérante d’Édouard Philippe.
Le second gouvernement d’Édouard Philippe du 21 juin 2017.
Le premier gouvernement d’Édouard Philippe du 17 mai 2017.
La relance de l’Europe à la Sorbonne.
Discours d’Emmanuel Macron au Congrès de Versailles le 3 juillet 2017.
Programme 2017 d’Emmanuel Macron (à télécharger).
Le Président Macron a-t-il été mal élu ?
Audit de la Cour des Comptes du quinquennat Hollande (29 juin 2017).
Pourquoi voter Bayrou ?
Les élections sénatoriales de 2017.
La XVe législature de la Ve République.
Les Langoliers.
Forza Francia.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190203-referendum-europeennes.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/les-risques-d-un-referendum-couple-212341

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/02/04/37075000.html



 

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2 février 2019 6 02 /02 /février /2019 03:59

« Le moment s’approche où vous allez faire un choix capital pour l’avenir de notre pays, mais aussi un choix capital pour vous. Je suis venu vous demander de faire le bon choix pour la France. (…) Vous pouvez choisir l’application du Programme commun. C’est votre droit. Mais si vous le choisissez, il sera appliqué. Ne croyez pas que le Président de la République ait, dans la Constitution, les moyens de s’y opposer. J’aurais manqué à mon devoir si je ne vous avais pas mis en garde. » (Valéry Giscard d’Estaing, discours à Verdun-sur-le-Doubs, le 27 janvier 1978).


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L’ancien Président de la République Valéry Giscard d’Estaing atteint l’âge de 93 ans ce samedi 2 février 2019. Un âge très avancé qui est sans égal parmi ses prédécesseurs, rois compris (depuis Clovis en 481 !), et cela depuis deux ans : le précédent record était attribué à Émile Loubet (1838-1929), mort quelques jours avant ses 91 ans il y a près de quatre-vingt-dix ans.

Parce qu’il a été un enfant précoce de la Cinquième République, VGE a passé plus de vie politique en "has been" qu’en "jeune espoir". Il était à 54 ans déjà ancien Président de la République et même s’il a continué jusqu’en 2003 à avoir de nombreuses activités politiques et électives (notamment dans sa région auvergnate), il n’est jamais parvenu à se hisser de nouveau dans la situation de redevenir un présidentiable convaincant. Les tentatives de retour n’ont jamais été couronnées de succès et c’est sans doute le malheur de Nicolas Sarkozy et de François Hollande.

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Mais revenons plutôt à son style présidentiel et à sa pratique des institutions, car chaque Président de la République, par sa personnalité, sa culture, son historicité, transforme forcément les institutions qu’il occupe.

C’était d’ailleurs largement anticipé par De Gaulle qui voulait justement laisser après lui des institutions suffisamment solides pour résister aux crises, et il a réussi puisqu’elles ont tenu malgré les alternances, les cohabitations et même les crises (comme mai 1968, la guerre scolaire, les attentats islamistes ou la crise des gilets jaunes) : « En tout cas, notre Constitution est bonne. Elle a fait ses preuves depuis cinq ans aussi bien dans des moments, je le répète, graves pour l’avenir de la République que dans des périodes de tranquillité. Bien sûr, plus tard, d’autres hommes et d’autres circonstances pourront lui faire prendre un tour, un style, comme on dit, plus ou moins différent. Et puis, l’évolution de la société française, dans notre temps de développement, de progrès, de planification, nous conduira à reconsidérer l’une de ses dispositions. (…) Mais il y aura là une précision qui ne bouleversera pas l’économie de la Constitution. Gardons donc celle-ci comme elle est. Tout en nous expliquant que ne s’en accommodent volontiers, ni ceux qui regrettent, tout haut ou tout bas, la confusion d’autrefois, ni cette entreprise qui vise au régime totalitaire et qui voudrait créer, chez nous, un trouble d’où sa dictature pourrait sortir. Mais le peuple, lui, a choisi, et pour ma part, je crois que c’est définitivement. » (Conférence de presse de De Gaulle le 31 janvier 1964 à l’Élysée).

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Valéry Giscard d’Estaing a donc participé à modifier la pratique présidentielle, plutôt dans le sens d’une présidentialisation : tout doit passer par le Président de la République. Mais à la différence de tous ses successeurs, il considérait les institutions comme quelque chose de sacré qu’il fallait préserver, conserver, sauvegarder. Le 27 janvier 1978, il a rappelé, en parlant de sa majorité parlementaire : « Elle [ma majorité] a travaillé dans le respect des institutions, dont la stabilité constitue une de nos plus grandes chances et qui doivent être par-dessus tout protégées. ». Cela avait le mérite d’être très clair.

Lors de son installation à la Présidence de la République, le 27 mai 1974, il a trouvé un bureau vide. C’est ce qu’il a raconté dans "Les Trésors des Archives nationales", un documentaire diffusé le 2 janvier 2014 sur France 5 : « Lorsque je suis arrivé à l’Élysée, j’ai demandé qu’on me communique les affaires en cours. Il n’y avait plus rien, car chacun avait emporté ses cartons. ». Il a d’ailleurs été le premier Président de la République sortant à assister à la prise de fonction de son successeur, et malgré la grande amertume de la défaite électorale. La démission de De Gaulle et la mort de Georges Pompidou ont fait qu’il n’y avait pas encore eu, après 1959, de continuité de l’État incarnée formellement par cette passation des pouvoirs. Il a ainsi initié ce mouvement de pacification démocratique qui veut à la fois que l’intérêt de l’État soit plus important que celui du camp qui a gagné les élections, et que les archives du mandat qui finit soient léguées immédiatement aux Archives Nationales.

Ce grand respect des institutions a même rendu Valéry Giscard d’Estaing peu galant avec son épouse. Alors que De Gaulle laissait la place d’honneur, dans la voiture, à sa femme Yvonne (lui n’était qu’à sa gauche à l’arrière), Valéry Giscard d’Estaing veillait à être servi le premier aux repas, avant sa femme, ou à avoir la place d’honneur, non pour lui, mais, selon lui, au nom du respect qu’il avait pour la fonction du Président de la République incarnant la France elle-même.

Ce côté grandiloquent très aristocratique dans la manière de se comporter était largement en décalage avec la vie quotidienne des Français de l’époque, si bien que le mot "condescendance" lui a collé à la peau alors que lui-même voulait "décrisper" la vie politique. Il rêvait même de se détacher du RPR et de détacher le PS du PCF pour permettre une alliance entre centristes et socialistes que finalement est parvenue vaguement à faire son lointain et jeune successeur Emmanuel Macron (en venant de l’autre rive).

Valéry Giscard d’Estaing ne voulait pas toucher aux institutions au point qu’il ne voulait pas toucher au calendrier électoral. Pas question, donc, pour lui de dissoudre l’Assemblée Nationale malgré la majorité gaulliste qu’il avait trouvée en 1974. Pourtant, son parti était très minoritaire au sein de cette majorité et une dissolution aurait pu, dans la lancée de l’élection présidentielle, lui permettre d’avoir une majorité parlementaire politiquement giscardienne. Il a toujours défendu son choix de ne pas dissoudre en 1974 et de respecter les échéances normales, voulant finalement faire de la pratique institutionnelle un exercice ordinaire et pas exceptionnel comme le fut le mandat de De Gaulle et, sous un certain angle, Georges Pompidou.

D’ailleurs, il n’a pas eu forcément tort car les élections de mars 1978, qui ont pourtant placé son nouveau parti UDF en bonne place, n’ont pas empêché la guerre interne que lui livraient Jacques Chirac et son RPR pendant les trois dernières années de son septennat.

Jacques Chirac non plus n’a pas voulu dissoudre l’Assemblée Nationale lors de son élection en 1995 malgré une majorité balladurienne pléthorique. Il a décidé de la dissolution à contretemps, par simple caprice du roi, deux ans plus tard dans une posture qui ne fut pas comprise par les électeurs et qui a abouti à la conception d’un septennat de deux ans au lieu de cinq ans, inventé par son prédécesseur François Mitterrand qui, à chacune de ses élections, a préféré dissoudre pour bénéficier au moins de cinq ans de législature active. À partir de 2002, le Président élu n’a plus eu à réfléchir sur la tenue d’élections législatives après son élection puisqu’elles sont devenues "obligatoires", en tout cas, jusqu’à une prochaine évenutuelle dissolution qui pourrait changer (probablement sainement) le rythme de la démocratie.

Comme Nicolas Sarkozy et François Hollande plus tard, Valéry Giscard d’Estaing n’a pas jugé utile non plus de procéder à un référendum national sur une question importante. On a prétendu qu’Emmanuel Macron projetterait d’organiser un référendum. Peut-être. Mais il est vrai que les mauvaises expériences refroidissent toujours les plus audacieux : la dissolution du 21 avril 1997 et le référendum du 29 mai 2005, tous les deux décidés par Jacques Chirac, ont réduit les ardeurs de ses successeurs à utiliser ces deux outils, au même titre qu’après la crise du 16 mai 1877 et la dissolution décidée par le Président-maréchal Patrice de Mac-Mahon, plus aucun Président de la Troisième République n’a osé dissoudre à nouveau.

Au-delà de l’échéancier électoral, Valéry Giscard d’Estaing n’avait pas, je l’ai rappelé, de velléité de révision constitutionnelle. Au contraire de tous ses prédécesseurs ou successeurs de la Cinquième République. De Gaulle a eu beaucoup d’ardeurs révisionnelles, comme l’élection au suffrage universel direct du Président de la République en 1962 (loi n°62-1292 du 6 novembre 1962) qui fut un succès ou encore la régionalisation en 1969 (qui fut un échec). Georges Pompidou voulait le quinquennat pour accroître la légitimité et donc le pouvoir du Président de la République (échec). François Mitterrand a eu beaucoup de velléités révisionnelles mais finalement, il se moulait si bien dans ces institutions qu’il n’a rien fait pour les réviser.

Jacques Chirac, comme Valéry Giscard d’Estaing, ne voulait aucune transformation institutionnelle, mais s’est vu forcer la main, par une complicité tacite entre ce prédécesseur embarrassant et Lionel Jospin, pour faire le quinquennat (loi constitutionnelle n°2000-964 du 2 octobre 2000). Il a par ailleurs inscrit dans la Constitution l’abolition de la peine de mort (loi constitutionnelle n°2007-239 du 23 février 2007), ce qui constitue une très grande avancée juridique dans l’histoire politique de la France. Nicolas Sarkozy a réussi à faire "sa" révision (loi constitutionnelle n°2008-724 du 23 juillet 2008), qui est sans doute la transformation la plus importante des institutions depuis 1962 (élection du Président) et 2000 (quinquennat). François Hollande a renoncé à ses velléités révisionnelles. Et Emmanuel Macron compte sur la crise des gilets jaunes pour faire passer sa (mauvaise) réforme des institutions qui s’est embourbée (avec raison) au Palais-Bourbon.

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Valéry Giscard d’Estaing a cependant fait une révision majeure en promulguant la loi constitutionnelle n°74-904 du 29 octobre 1974 qui a permis à l’opposition (au moins 60 députés ou 60 sénateurs) de saisir le Conseil Constitutionnel sur des textes de loi adoptés au Parlement. Auparavant, seuls le Président de l’Assemblée Nationale, le Président du Sénat et le Président de la République pouvaient saisir le Conseil Constitutionnel. Cela a transformé cette dernière instance, très nouvelle dans le droit constitutionnel français, en une véritable cour constitutionnelle capable de protéger les citoyens par leurs droits fondamentaux. Cette pratique s’est renforcée avec la révision du 23 juillet 2008 et la possibilité donnée à l’ensemble des citoyens de saisir le Conseil Constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité, et cela même pour des textes de loi déjà promulgués voire très anciens (au risque de déstabiliser tout l’édifice législatif du pays).

La période la plus cruciale du septennat de Valéry Giscard d’Estaing fut les élections législatives de mars 1978. C’était pour VGE un moment important puisqu’il s’agissait de savoir s’il avait encore les moyens ou pas de gouverner. À l’époque, aucune cohabitation n’avait encore été expérimentée mais, comme l’indique l’extrait de son allocution à Verdun-sur-le-Doubs le 27 janvier 1978, mis en tête de l’article, il a annoncé qu’il ne démissionnerait pas et que le gouvernement proviendrait de la nouvelle majorité qui serait élue. Avec lui, il n’y avait donc aucun mystère en cas de victoire de la coalition socialo-communiste en 1978, ce que les sondages prédisaient  l’époque (à tort). Dans une telle configuration, Valéry Giscard d’Estaing envisageait de nommer François Mitterrand à Matignon et de se replier au château de Rambouillet, l’une des propriétés de la Présidence de la République dans la région parisienne.

Cette annonce était-elle le résultat d’une profonde analyse de droit constitutionnel ou ne répondait-elle qu’à un calcul tactique : faire peur aux électeurs tentés de voter pour le Programme commun pour sanctionner le gouvernement sortant ? La seconde hypothèse était possible, tant les positions des uns et des autres sur les institutions reflètent généralement peu une "doctrine" en elle-même, à part, il faut le souligner, deux personnalités qui se sont engagés dans le débat constitutionnel après la victoire de François Mitterrand en 1981 et la perspective d’un échec socialiste aux élections législatives de 1986 : Édouard Balladur, en 1983, s’était fait le théoricien de la cohabitation, tandis que Raymond Barre, à la même époque, avait au contraire revêtu un costume très gaullien en se faisant le pourfendeur de toute idée de cohabitation, considérant que l’échec aux législatives serait un désaveu du Président de la République.

Ce qui est intéressant à relire, dans ce fameux discours de Verdun-sur-le-Doubs, qui a maintenant quarante et un ans, c’est l’argumentation proposée pour éviter le "vote de colère" qui n’a cessé de croître pendant ces quatre dernières décennies : « Puisque nous sommes en démocratie, puisque c’est vous qui avez la parole, puisque c’est vous qui déciderez, il faut bien mesurer la gravité du geste. Trop souvent en France, les électeurs se prononcent comme s’il s’agissait de vider une querelle avec le pouvoir ou de punir le gouvernement. C’est une fausse conception : le jour de l’élection, vous ne serez pas de simples passagers qui peuvent se contenter de critiquer le chauffeur, mais vous serez des conducteurs qui peuvent, selon le geste qu’ils feront, envoyer la voiture dans le fossé ou la maintenir sur la ligne droite. ».

Et de poursuivre : « Il s’agit de choisir votre propre avenir. Ce soir, je ne m’adresse pas aux blasés, à ceux qui croient tout savoir, et qui ont une opinion sur tout. Moi qui, dans ma fonction, connais bien les limites du savoir, je m’adresse à celles et à ceux qui cherchent, à celles et à ceux qui ne savent pas encore, à ceux qui écoutent, à ceux qui se taisent, à ceux qui voteront pour la première fois, à toutes celles et tous ceux qui voudraient être sûrs de bien choisir. Je m’adresse à vous. ».

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Et il a donné son interprétation du rôle du Président de la République, arbitre mais pas indifférent : « Certains ont voulu dénier au Président de la République le droit de s’exprimer. Curieuse République que celle qui serait présidée par un muet ! Nul n’est en droit de me dicter ma conduite. J’agis en tant que chef de l’État et selon ma conscience, et ma conscience me dit ceci. Le Président de la République n’est pas un partisan, il n’est pas un chef de parti. Mais il ne peut pas rester non plus indifférent au sort de la France. Il est à la fois arbitre et responsable. Sa circonscription, c’est la France. Son rôle, c’est la défense des intérêts supérieurs de la Nation. La durée de son mandat est plus longue que celle du mandat des députés. Ainsi, la Constitution a voulu que chaque Président assiste nécessairement à des élections législatives et, s’il elle l’a doté de responsabilités aussi grandes, ce n’est pas pour rester un spectateur muet. ».

Cette conception de la fonction présidentielle, finalement très ordinaire sous la Cinquième République, a une réalité, c’est sa responsabilité politique devant les Français : « Que penseraient et que diraient les Français si, dans ces circonstances, leur Président se taisait ? Ils penseraient qu’il manque de courage en n’assumant pas toutes ses responsabilités. Et ils auraient raison. Mais le Président de la République n’est pas non plus l’agent électoral de quelque parti que ce soit. Le Général De Gaulle ne l’était pas. Je ne le serai pas davantage. Le Président n’appartient pas au jeu des partis. Il doit regarder plus haut et plus loin, et penser d’abord à l’intérêt supérieur de la nation. C’est dans cet esprit que je m’adresse à vous. Comme arbitre, je m’exprimerai avec modération, hors des polémiques et des querelles de personnes. Comme responsable, je vais vous parler du bon choix. Le bon choix est dicté par le bon sens. Il faut regarder la réalité en face. ».

Parmi les "réalités" qu’il s’est plu à exprimer, il y avait la capacité de gouverner dans une France profondément divisée. À l’époque, il n’y avait pas de parti populiste fort, il y avait un parti communiste fort, mais pas d’extrême droite ni d’extrême gauche imposant les choix du débat public. C’est intéressant à relire car le paysage politique de l’époque était beaucoup plus uni que maintenant.

Voici ce qu’il disait : « Vous avez constaté avec moi combien il est difficile de conduire un pays politiquement coupé en deux moitiés égales. Personne ne peut prétendre gouverner un pays qui serait coupé en quatre. Quatre grandes tendances se partagent aujourd’hui les électeurs, deux dans la majorité, deux dans l’opposition. Aucune de ces tendances ne recueillera plus de 30% des voix. Aucune d’elles n’est capable de gouverner seule. (…) Aucun gouvernement ne pourra faire face aux difficiles problèmes de la France avec le soutien de 30% des électeurs. (…) Puisque aucun des partis n’est capable d’obtenir la majorité tout seul, il lui faut nécessairement trouver un allié. C’est ici que la clarté s’impose. Un allié pour gouverner, ce n’est pas la même chose qu’un allié pour critiquer ou pour revendiquer. Gouverner, c’est donner, mais c’est aussi refuser et parfois, pour servir la justice, c’est reprendre. Or, il est facile de donner mais il est difficile de refuser ou de reprendre. Si des partis sont en désaccord lorsqu’il s’agit de promettre, comment se mettront-ils d’accord quand il s’agira de gouverner ? ».

Cette problématique est maintenant évoquée pour les gilets jaunes eux-mêmes : dès qu’ils commencent à s’organiser (parti politique, constitution d’une liste aux prochaines élections, etc.), ils se font dézinguer… par les leurs. Or, on a beau dire que les élus le sont par défaut, le seul moyen de redonner espoir, c’est de construire un projet qui soit choisi pour lui-même, pas parce que les autres projets politiques sont pires. C’est en cela que les élections européennes seront passionnantes, car elles confirmeront, ou pas, la recomposition à venir du paysage politique français, avec son lot de… perdus et d’oubliés.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (31 janvier 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Valéry Giscard d’Estaing et sa pratique des institutions républicaines.
VGE, splendeur de l’excellence française.
Propositions de VGE pour l’Europe.
Le septennat de Valéry Giscard d’Estaing (1).
Le septennat de Valéry Giscard d’Estaing (2).
Loi n°73-7 du 3 janvier 1973.
La Cinquième République.
Bouleverser les institutions ?
De Gaulle.
Raymond Barre.
Simone Veil.
Helmut Schmidt.
Georges Pompidou.
François Mitterrand.
Jacques Chirac.
Nicolas Sarkozy.
François Hollande.
Emmanuel Macron.

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https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/valery-giscard-d-estaing-et-sa-212225

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22 janvier 2019 2 22 /01 /janvier /2019 03:11

« Parlez donc peu. Le silence est une arme, la plus efficace de toutes. C’est la lumière bleue du verbe. » (Léon-Paul Fargue, 1952).


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Et voici que l’affaire Benalla revient dans l’actualité, au plus mauvais moment pour le pouvoir, lui qui semble avoir réussi à contenir la crise des gilets jaunes grâce au lancement du grand débat national. À l’évidence, cette affaire va plomber le quinquennat du Président Emmanuel Macron aussi sûrement voire plus sûrement que l’affaire Cahuzac n’avait plombé celui de son prédécesseur François Hollande.

L’affaire Benalla a explosé une seconde fois à la fin décembre 2018 sur une histoire de passeports diplomatiques complètement surréaliste. Alexandre Benalla (cette fois-ci sans barbe) a été alors auditionné, ce lundi 21 janvier 2019 à 14 heures, une seconde fois par la commission d’enquête du Sénat présidée par le perspicace sénateur Philippe Bas, ancien Secrétaire Général de l’Élysée, haut fonctionnaire fin connaisseur du droit administratif et ancien ministre de Jacques Chirac. Cette audition (dont on peut écouter la vidéo ici) a eu lieu à quelques jours de la fin de la période de la mission. En effet, elle ne peut excéder six mois (elle a été créée le 23 juillet 2018), et ensuite, vient le temps du rapport.

Comme lors de sa première audition du 19 septembre 2018, Alexandre Benalla a une manière de parler et une intelligence telle qu’il donne du crédit à ses affirmations. Pourtant, la sauce semble moins séduire les sénateurs à la seconde audition.

Sa manière de parler est très posée, très réfléchie, ses connaissances du droit indiscutables, mais il y a un petit côté endimanché, de faire comme si, comme s’il avait occupé un poste très important dans la République. Il s’y croit. Il a même affirmé à un détour de phrase : « Quand j’étais à la Présidence de la République… ». Il a même montré de la condescendance envers les sénateurs même s’il est resté dans un cadre très strict de la politesse.

Ainsi, il essaie de parler comme un responsable politique important, mais sans jamais l’avoir été. Il était néanmoins "coriace" dans le sens qu’il n’a pas voulu répondre aux deux questions essentielles de la commission d’enquête. En ce sens, cette audition n’a servi à rien pour éclaircir les interrogations de la commission sénatoriale.

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Tant son président Philippe Bas que les deux corapporteurs Jean-Pierre Sueur et Muriel Journa ont cherché à expliquer très courtoisement à Alexandre Benalla les frontières de l’instruction judiciaire qui le concerne et de cette commission d’enquête, chacune ayant des objectifs très différents. L’instruction judiciaire cherche à savoir si Alexandre Benalla a fait quelque chose de fautif par rapport à la loi ou pas. La commission d’enquête ne cherche pas à savoir ce qu’a fait de fautif Alexandre Benalla, mais à comprendre les éventuels dysfonctionnements au plus haut niveau de l’État, à l’Élysée, sur les questions de sécurité, et à formuler éventuellement des recommandations pour améliorer le fonctionnement de l’État.

Or, probablement mal conseillé par son avocate, Alexandre Benalla a obstinément refusé de répondre précisément aux deux questions essentielles de la commission d’enquête ("obstiné" fut l’adjectif employé par Philippe Bas).

Quelles sont-elles ? D’abord, les conditions dans lesquelles ont pu lui être délivrés ses deux passeports diplomatiques. Ensuite, la nature des activités qu’il a exercées après son licenciement de l’Élysée.

La première question cherche à comprendre comment Alexandre Benalla a pu effectuer vingt-trois voyages internationaux avec un passeport diplomatique, rencontrer des chefs d’État, sans que ni l’Élysée, ni le Quai d’Orsay ni le Ministère de l’Intérieur ne fussent avisés.

La seconde question n’est pas moins importante puisque lorsqu’une personne a travaillé dans une haute sphère du pouvoir, elle doit, lorsqu’elle poursuit sa carrière professionnelle par une activité dans le privé, se soumettre à la commission de déontologie (c’était même indiqué sur son contrat de travail) afin d’être sûr que la personne n’utilise pas des informations confidentielles pour son activité ultérieure. On imagine l’importance des informations sensibles qui pourraient être révélées par exemple à un État étranger.

À ces deux questions, Alexandre Benalla s’est réfugié dans le silence en raison de la procédure judiciaire en cours (il a été mis en examen le 18 janvier 2019) pour ne pas répondre. En ce sens, il a imité l’ancien Ministre du Budget Jérôme Cahuzac lorsqu’il fut interrogé par la commission d’enquête présidée par Charles de Courson.

En effet, dans son audition du 26 juin 2013 (dont on peut relire le compte rendu ici), Jérôme Cahuzac n’a cessé de répondre qu’il ne pouvait pas répondre avec un aplomb incroyable. Voici ses premières réponses de la sorte : « Votre question se situe en effet aux frontières de la procédure judiciaire et des travaux de votre commission. », « Quant à la question que vous me posez, je suis au regret de vous dire qu’elle me semble empiéter sur l’information judiciaire en cours. Je ne peux donc pas vous répondre. », « Je comprends votre raisonnement, monsieur le président, mais j’espère qu’à votre tour, vous comprendrez que je ne peux pas répondre à cette question. », « Je suis contraint de vous faire la même réponse, monsieur le président. », « Je le souhaiterais ["Pourriez-vous nous indiquer etc."], mais je ne le peux pas, monsieur le président, pour les mêmes raisons que précédemment. », « Je vais tenter de vous répondre en veillant à ne pas empiéter sur l’information judiciaire en cours. Je comprends que vous ayez moins le souci que moi du respect de cette information judiciaire, mais j’espère que, réciproquement, vous comprendrez que j’y sois particulièrement attentif. », etc.

Alexandre Benalla a ainsi repris la même ligne de défense que Jérôme Cahuzac, le silence, pour ne pas répondre clairement et précisément à ces deux questions. Il a repoussé ces questions au moins six ou sept fois. Pourtant, le président Philippe Bas a fait preuve d’une extrême courtoisie, ténacité et pédagogie pour lui expliquer, d’une part, que s’il ne répondait pas aux questions de la commission, il encourait deux ans de prison et 7 500 euros d’amende, d’autre part, que seule la commission est compétente pour fixer ses limites d’investigation et que ce n’est pas à Alexandre Benalla d’imposer son interprétation des textes constitutionnels à la commission.

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D’ailleurs, c’est un étrange raisonnement d’invoquer la procédure judiciaire seulement quand cela l’arrange, alors que dans ses propos liminaires, répondant à des questions qui n’ont pas été posées par les sénateurs qui ne voulaient justement pas les poser car ce n’était pas dans le cadre de cette commission d’enquête, Alexandre Benalla a parlé des faits qui font justement l’objet d’une instruction judiciaire, à savoir ses actes du 1er mai 2018 qui ont été à l’origine de "l’affaire".

Malgré un grand nombre d’arguments, dont son intérêt propre pour couper court à toutes sortes de rumeurs (comme être un agent parallèle de la Françafrique), Alexandre Benalla a seulement précisé que la délivrance des passeports diplomatiques s’est faite "normalement" et qu’il n’était pas (encore) passé devant la commission de déontologie de l’Élysée alors que cela fait plus de cinq mois qu’il a une activité (mystérieuse donc) dans le privé. Or, c’est obligatoire, selon la loi.

Pour s’en défendre, tout en reconnaissant honnêtement cette erreur, Alexandre Benalla a eu le toupet de demander combien de personnes ayant travaillé à l’Élysée et partant dans le privé avaient saisi la commission de déontologie. Question stupide et gratuite, car il suffit justement de lire le journal de bord ("La politique est un sport de combat", éd. Fayard) de Gaspard Gantzer, ancien conseiller en communication de François Hollande, qui savait depuis le 1er décembre 2016 qu’il ne travaillerait plus à l’Élysée après mai 2017, pour savoir que la commission de déontologie est régulièrement saisie dans ces cas-là.

En refusant de dire quelle est la nature de son nouveau travail et de dire pour qui il travaille maintenant, Alexandre Benalla est loin d’avoir convaincu les sénateurs que rien de troublant n’a été accompli au second semestre 2018. La prestance très habile de l’ancien chargé de mission de l’Élysée n’a pas fait illusion, contrairement à sa première audition.

Il faut dire aussi qu’entre ces deux auditions, il y a une différence de taille : alors qu’en septembre 2018 encore, Alexandre Benalla bénéficiait de la protection (surréaliste) au plus haut niveau de l’État (on se souvient quelqu’un dire "Qu’ils viennent me chercher !"), depuis décembre 2018, c’est la guerre larvée entre l’Élysée et Alexandre Benalla, au point que la nouvelle audition du directeur de cabinet de l’Élysée, Patrick Strzoda (son ancien patron), le 16 janvier 2019, fut un lâchage en règle de cet …"individu". Alexandre Benalla n’a pas hésité à lui répondre coup sur coup.

Alexandre Benalla restera donc un personnage mystérieux associé à un mandat présidentiel dans l’histoire des Présidents de la République, comme Jérôme Cahuzac sous François Hollande, et comme …Daniel Wilson, gendre du Président Jules Grévy, qui faisait du trafic de décorations et dont l’éclatement du scandale a conduit à la démission du Président de la République qui était pourtant hors de cause…

À l’issue de cette audition, c’est clairement le Sénat qui a marqué un point : il montre, audition après audition, que la chambre haute est capable de mener son enquête de contrôle de l’État en toute indépendance, et avec grande compétence. C’est utile de le rappeler au moment où le Président Emmanuel Macron évoque dans sa lettre aux Français la possibilité de la suppression du Sénat.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (22 janvier 2019)
http://www.rakotoarison.eu


(Les illustrations proviennent de la première audition d'Alexandre Benalla au Sénat le 19 septembre 2018).


Pour aller plus loin :
Alexandre Benalla dans les traces de Jérôme Cahuzac.
Jérôme Cahuzac.
Audition de Jérôme Cahuzac le 26 juin 2013 (texte intégral).
Audition d’Alexandre Benalla au Sénat le 21 janvier 2019 (vidéo à télécharger).
Audition d'Alexandre Benalla au Sénat le 19 septembre 2018 (vidéo à télécharger).
Benalla vs Sénat : 1 partout.
Audition de Patrick Strzoda au Sénat le 25 juillet 2018 (vidéo à télécharger).
Patrick Strzoda et le code du travail à la sauce Benalla.
Exemplaire et inaltérable la République ?
Institutions : attention aux mirages, aux chimères et aux sirènes !

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190121-benalla.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/alexandre-benalla-dans-les-traces-211918

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/01/21/37036933.html


 

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21 janvier 2019 1 21 /01 /janvier /2019 15:55

L'ancien adjoint au chef de cabinet du Président de la République Alexandre Benalla est venu répondre aux interrogations de la commission d'enquête sénatoriale sur l'affaire Benalla le lundi 21 janvier 2019 à 14 heures 00.

Cliquer sur le lien pour télécharger la vidéo (fichier .mp4) :
http://videos.senat.fr/senat/2019/01/encoder3_20190121134058_2_1157000_10315000.mp4

Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190121-benalla.html

SR

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20190121-video-benalla-senat.html







 

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8 janvier 2019 2 08 /01 /janvier /2019 03:31

« En tout cas, notre Constitution est bonne. Elle a fait ses preuves depuis cinq ans aussi bien dans des moments, je le répète, graves pour l’avenir de la République que dans des périodes de tranquillité. Bien sûr, plus tard, d’autres hommes et d’autres circonstances pourront lui faire prendre un tour, un style, comme on dit, plus ou moins différent. Et puis, l’évolution de la société française, dans notre temps de développement, de progrès, de planification, nous conduira à reconsidérer l’une de ses dispositions. (…) Mais il y aura là une précision qui ne bouleversera pas l’économie de la Constitution. Gardons donc celle-ci comme elle est. Tout en nous expliquant que ne s’en accommodent volontiers, ni ceux qui regrettent, tout haut ou tout bas, la confusion d’autrefois, ni cette entreprise qui vise au régime totalitaire et qui voudrait créer, chez nous, un trouble d’où sa dictature pourrait sortir. Mais le peuple, lui, a choisi, et pour ma part, je crois que c’est définitivement. » (Conférence de presse du 31 janvier 1964 à l’Élysée).


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Ces propos, tenus il y a près de cinquante-cinq ans, par celui qui reste le seul point de référence de l’histoire récente de la France, sont d’une étonnante modernité. La clairvoyance, la vision d’une France qui allait bien au-delà de sa propre existence…

Il y a soixante ans, le 8 janvier 1959, au Palais de l’Élysée, le général Charles De Gaulle fut investi Président de la République française. Son prédécesseur, René Coty, grâce à qui le Libérateur de la France a été rappelé par la classe politique le 1er juin 1958, a prononcé ces célèbres mots : « Le premier des Français est désormais le premier en France. ».

À la question : "quel est le premier Président de la Cinquième République ?", la très large majorité des gens, sinon l’unanimité, répond naturellement De Gaulle. Et pourtant, non, c’est faux ! Le premier, ce fut René Coty justement. Qui a présidé la Cinquième République du 4 octobre 1958 au 8 janvier 1959. On pourrait croire que c’est un détail, mais en fait, non, ce n’est pas du tout un détail et c’est précisément ce fait essentiel qui a rendu présidentielle la nouvelle République de l’époque.

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De Gaulle a toujours nourri une certaine ingratitude si ce n’est discourtoisie vis-à-vis des derniers Présidents des Républiques qui mouraient. Albert Lebrun, réélu Président de la (Troisième) République le 5 avril 1939 pour un mandat de sept ans, mais expulsé de l’Élysée le 11 juillet 1940 après les plein pouvoirs accordés à Pétain, a timidement rappelé à De Gaulle, à la Libération, que son mandat devait s’achever le 5 avril 1946. De Gaulle a fait le dos rond, pas question de réanimer les vieux croûtons dinosaures de l’ancienne République qui, précisément, avaient conduit le peuple à la Débâcle de mai-juin 1940. Quant à René Coty, élu (très laborieusement) le 23 décembre 1953, Président de la (Quatrième) République, aussi pour un mandat de sept ans, il aurait dû achever son mandat le 23 décembre 1960.

Il était pourtant clair que dès lors que la France se dotait d’une nouvelle Constitution, très largement approuvée par le peuple français le 28 septembre 1958 (on semble l’oublier dans nos débats actuels sur les institutions), tous les mandats nationaux devaient être renouvelés.

Ce qui était moins prévisible, c’était que le Général De Gaulle, alors Président du Conseil depuis le 1er juin 1958 (c’est-à-dire chef du gouvernement), voulut postuler à ce poste pourtant sans beaucoup d’importance politique sinon honorifique depuis Jules Grévy. De Gaulle fut élu par 78,5% des 79 470 grands électeurs qui se sont exprimés, face à un candidat communiste (Georges Marrane) et un candidat de la gauche non communiste (Albert Châtelet). Autant dire qu’il fut consacré pour ne pas dire sacré par toute la classe politique, y compris parmi les élus locaux.

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En choisissant d’être lui-même, lui De Gaulle, candidat à l’élection présidentielle du 21 décembre 1958, il devenait évident que la géographie du pouvoir allait évoluer et traverser la Seine. Lors de sa très fameuse conférence de presse du 31 janvier 1964, où il s’est livré à des réflexions constitutionnelles, De Gaulle a insisté sur la prééminence du Président de la République : « L’esprit de notre Constitution procède de l’idée que le pouvoir n’est pas la chose des partisans mais qu’il doit procéder du peuple, ce qui implique que le chef de l’État élu par la Nation en soit la source et le détenteur. ».

D’ailleurs, ses Premiers Ministres (qui ne présidaient plus le Conseil des ministres) n’étaient que les premiers des ministres, selon l’expression gaullienne, et en désignant des proches et fidèles, comme Michel Debré et Maurice Couve de Murville, parfois même hors du champ politique, comme le fut Georges Pompidou ("un normalien qui sache écrire"), il consolidait l’idée que le pouvoir central désormais siégeait à l’Élysée et plus à Matignon.

Ce furent ensuite les électeurs qui approuvèrent cette évolution institutionnelle : en 1969, ils auraient pu choisir pour un retour à la Quatrième République avec Alain Poher, en 1974, pour une Présidence arbitre avec Jacques Chaban-Delmas. Depuis 1981, plus aucun candidat majeur à l’élection présidentielle n’est prêt à remettre en cause l’idée qu’une fois élu, il serait obligé d’être puissant. Aucun, sauf un, Jean-Luc Mélenchon, en 2017, prêt à s’autosaborder constitutionnellement tout en (paradoxe !) proposant un programme politique très détaillé qu’il comptait pourtant appliquer !

Jean-Luc Mélenchon a tort sur le plan institutionnel : on ne déplace pas 48 millions d’électeurs pour rien ! À partir du moment où le peuple a voulu l’élection du Président de la République au suffrage universel direct, mesure fondatrice de la Cinquième République approuvée par référendum le 28 octobre 1962 et qu’on pourrait remettre difficilement en cause sauf à vouloir détruire la démocratie et le droit des Français à choisir eux-mêmes leur Président, il est logique que l’élu soit le gouvernant opérationnel.

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C’est ce lien extrêmement fort qu’il y a entre le Président de la République et le peuple français qui est la clef de voûte des institutions. Ce lien, c’est la confiance qui s’exprime non par des sondages, mais pas des scrutins. Non par des manifestations de casseurs en colère, mais par des élections libres et sincères. C’est ce lien que Jean-Luc Mélenchon voudrait détruire au profit de je ne sais quelle Révolution culturelle. Je conseille de lire au moins le préambule de "Il était une fois l’inspecteur Chen" du célèbre romancier sino-américain Qiu Xiaolong qui rappelle ce qu’était justement cette Révolution culturelle, certains comportements de récupération des gilets jaunes semblent tout droit dictés par gardes rouges de Mao !

Retrouvons De Gaulle toujours le 31 janvier 1964 : « Les rôles respectifs qu’elle attribue au Président qui est garant du destin de la France et de celui de la République, et qui est par conséquent chargé de lourds devoirs et disposant de pouvoirs étendus au gouvernement. Siégeant auprès du chef de l’État qui l’a nommé, siégeant donc autour du chef de l’État pour la détermination et la mise en œuvre de la politique, le gouvernement dirigeant aussi l’administration. Rôles respectifs attribués au Parlement qui doit exercer le pouvoir exécutif et contrôler l’action du ministère. ».

On se rend compte, dans cette inspiration gaullienne, l’aspect assez paternaliste de "sa" République : le Président est le père de tous les Français, il doit leur assurer sécurité et prospérité. Cette vision était facile avec des hommes d’un certain âge, particulièrement avec pourtant les deux représentants très typiques du "régime des partis" de notre époque que furent François Mitterrand et Jacques Chirac.

C’était un peu plus difficile avec un homme d’âge "normal" en ce sens que ce serait l’âge des responsabilités au sein d’une entreprise, comme ce fut le cas pour Nicolas Sarkozy et François Hollande (Valéry Giscard d’Estaing, plus jeune qu’eux, compensait sa jeunesse par sa condescendance très aristocratique qui lui donnait la distance du monarque que n’ont pas voulu se donner, heureusement, ses deux successeurs lointains).

On peut comprendre alors la difficulté d’un jeune homme à peine quadragénaire à se hisser dans le rôle du patriarche. On le voit parfois dans certains slogans ou insultes contre Emmanuel Macron, sa jeunesse fait partie de ses "fautes" et ce type de critiques, qui confortent finalement la vision gaullienne de la Cinquième République, a été aussi développé lorsque Ségolène Royal était en position de devenir Présidente de la République (elle n’a pas été élue en 2007, mais au contraire de Marine Le Pen, elle en avait une nettement plus grande capacité à le devenir réellement).

Les critiques personnelles et non politiques qu’elle a essuyées, parfois provenant de son propre camp (je ne les rappelle pas), n’étaient pas seulement éprises d’une évidente misogynie, mais aussi de l’idée, très gaullienne, que le chef de l’État doit être le patriarche qui assure la sécurité au peuple. Dans ce rôle, on peut imaginer un vieillard (c’était le cas de De Gaulle, puis de François Mitterrand et de Jacques Chirac), éventuellement (à la rigueur), un homme à la force de l’âge (Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing, Nicolas Sarkozy, François Hollande), mais certainement pas une femme ni un quasi-gamin !

Il y a donc dans certaines critiques antimacroniennes un goût de procès d’usurpation. Or, Napoléon Ier était aussi un "patriarche" et il était pourtant bien plus jeune qu’Emmanuel Macron (il avait juste 30 ans lorsqu’il est devenu Premier Consul de la République le 10 novembre 1799 !). Je ne doute évidemment pas non plus qu’une femme peut tenir ce rôle si elle en a le tempérament. En revanche, à mon grand désespoir, je n’en vois aucune avec ce profil pouvant gagner une élection présidentielle à court ou moyen terme. Seule, à mon sens, Simone Veil avait cette capacité mais elle n’a jamais voulu concourir car elle a toujours imaginé, à tort à mon sens, que les électeurs n’auraient pas été prêts à l’élire.

Il y a soixante ans, la France avait enfin résolu sa crise institutionnelle qui avait démarré en 1789 avec la Révolution française. Et résolu par le haut, par la mise en place d’une démocratie moderne à la fois pluraliste et efficace. C’est celle-ci qui est le véritable enjeu d’aujourd’hui, en 2019, et qu’il convient de défendre au-delà des aléas de la vie politique quotidienne…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (06 janvier 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
De Gaulle : soixante ans de Constitution gaullienne.
Institutions : attention aux mirages, aux chimères et aux sirènes !
Ne cassons pas nos institutions !
Non à la représentation proportionnelle aux élections législatives !
Vive la Cinquième République !
L’amiral François Flohic.
Jean Moulin.
Daniel Cordier.
Le maréchal Philippe Leclerc.
De Gaulle et le Québec libre.
Philippe De Gaulle.
L’ambition en politique.
De Gaulle réélu.
Halte à la récupération de De Gaulle !
La première élection présidentielle française.
Faut-il supprimer l’élection présidentielle ?
Le quinquennat.
La Ve République.
De Gaulle face à l’Histoire.
L’appel du 18 juin.
De Gaulle Président.
Les valeurs du gaullisme.
L’héritage du gaullisme.
Péguy.
Le Comité Rueff.

_yartiDeGaulle2019A05



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4 janvier 2019 5 04 /01 /janvier /2019 03:06

« La démocratie, ce n’est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité. » (Albert Camus, 1959).


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Depuis quelques jours, des supputations laisseraient entendre que le Président Emmanuel Macron étudierait la possibilité de l’organisation d’un référendum à réponses multiples qui reprendrait sa réforme des institutions actuellement enlisée. Il pourrait avoir lieu en avril 2019 ou simultanément lors des élections européennes du 26 mai 2019. L’idée serait de faire preuve d’habileté politique et de reprendre l’initiative après la "séquence" des gilets jaunes (qui est loin d’être achevée).

L’avantage serait qu’en proposant un référendum à réponses multiples, le clivage "pour" et "contre" serait un peu plus compliqué à tenir face au soutien ou à l’opposition à Emmanuel Macron. Un référendum qui aurait pour résultat trois "oui" et quatre "non" serait difficilement interprétable comme un camouflet pour le Président de la République. Alors qu’une unique question pourrait se résumer, au cours de la campagne référendaire, comme souvent lors des référendums, à pour ou contre Emmanuel Macron. De plus, en l’organisant proche des élections européennes, ou en même temps, cela aurait pour incidence de dépolitiser le scrutin européen et de l’européaniser.

Je souhaite donc mettre en garde le Président Emmanuel Macron contre cette très mauvaise idée. Comme je l’ai déjà dit, l’idée d’un référendum en elle-même est une très bonne idée et à mon sens, la seule qui permette de sortir par le haut de la crise des gilets jaunes. Mais le sujet du référendum doit être concret, il doit concerner le pouvoir d’achat ou la transition énergétique, et tout ce qui peut être associé de près ou de loin à ces deux sujets qui furent les déclencheurs de la crise. J’avais ainsi proposé un référendum sur la suppression de l’ISF, qui aurait l’avantage d’en finir une fois pour toutes avec ce serpent de mer, pour ou contre, et que le peuple tranche !

Faire un référendum sur l’ISF a cependant un désavantage : celui de remettre en cause l’un des engagements très clairement exprimés par le candidat Emmanuel Macron avant son élection (réécouter la matinale de France Inter le 1er février 2017) et donc, il a été élu en totale connaissance de cause. Vouloir repasser cet engagement par référendum, c’est considérer que les engagements des candidats à l’élection présidentielle n’auraient plus aucune valeur puisqu’il faudrait repasser par les urnes. Pourquoi avoir élu alors Emmanuel Macron ? Si certains disent qu’il a été élu au second tour par défaut, et je veux bien l’entendre pour ceux qui se sont toujours opposés aux thèses extrémistes, il faut quand même rappeler qu’il a été le candidat du premier tour qui a reçu le plus de voix dans un scrutin largement suivi (77,8% de participation).

Il en serait de même pour un référendum sur les institutions avec deux autres écueils. D’une part, sur les sujets qui ont valeur de révision constitutionnelle (ce qui n’est pas le cas du mode de scrutin pour la désignation des députés), un référendum ne peut être organisé (selon l’article 89 de la Constitution) qu’après l’adoption du projet par l’Assemblée Nationale (aucun problème avec la majorité LREM-MoDem) et par le Sénat où LR, qui est majoritaire, n’aurait aucun intérêt à aider le Président de la République sur ce sujet-là. D’autre part, selon le constitutionnaliste Daniel Rousseau, il est impossible d’imaginer, dans l’état actuel du droit constitutionnel, un référendum à réponses multiples sans auparavant réviser la Constitution en ce sens et donc, avoir également le consentement du Sénat.

Par ailleurs, le concept d’un référendum à questions multiples est désastreux sur le plan politique : ou le projet du gouvernement est cohérent et doit donc être adopté de manière globale (c’était le cas du référendum du 27 avril 1969, consécutif à la crise de mai 1968, qui, avec une seule réponse du peuple, contenait deux questions, l’une sur le Sénat, l’autre sur la régionalisation du pays ; selon De Gaule : « Il est clair que cette création des régions et cette réforme du Sénat forment un tout. »), ou les institutions sont devenues des produits de supérette qu’on picore ou pas, selon les envies et caprices, et à la fin, cela fera nécessairement des institutions "folles", c’est-à-dire, sans aucune cohérence en théorie (et encore moins en pratique).

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De plus, la réforme des institutions voulue par Emmanuel Macron (et à laquelle je m’oppose vivement !) est connue depuis le 4 avril 2018 et donc, tous les gilets jaunes en avaient eu connaissance depuis longtemps lorsqu’ils ont exprimé leur colère. La réalisation de cette réforme ne pourrait donc en aucun cas "calmer" les ardeurs "révolutionnaires" de ceux-ci.

Mais tout cela, c’est réflexion sur la forme et j’en viens au fond, en sachant que le fond pourrait être éventuellement inspiré par le grand débat national qui s’annonce. Je ne me lasse pas de rappeler les énormes risques qui pèsent sur notre démocratie et sur notre République si l’on réforme les institutions dans le sens que voudrait Emmanuel Macron après son alliance avec François Bayrou. Je l’ai déjà exprimé ici, et je redis quelques ci-dessous quelques évidences.

Non à la proportionnelle ! Emmanuel Macron devrait savoir qu’avec une dose de proportionnelle dans la désignation des députés, il n’aurait jamais eu la majorité qui lui permet, aujourd’hui, de réformer le pays selon son programme présidentiel (ici visible). C’est même pire : gageons que le gouvernement n’aurait même pas tenu jusqu’au 15 décembre 2018, car tous les députés des autres partis auraient été amenés à lui retirer la confiance après la journée terrible du 1er décembre 2018, pour rester au contact avec "l’opinion publique".

Mais si c’est la majorité Macron aujourd’hui, cela aurait été la majorité Hollande hier ou la majorité Sarkozy avant-hier. Leurs gouvernements n’auraient pas tenu longtemps car l’impopularité est devenue un élément récurrent dans la vie politique en raison de la situation de crise économique et morale dans laquelle s’est noyée la France depuis plusieurs décennies.

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Ce débat sur les institutions a été pollué dès le départ par les destructeurs de République que sont les "insoumis", qui veulent la mort de la République que le Général De Gaulle a eu la bonne idée et la clairvoyance de faire adopter par le peuple français après la crise algérienne pour justement permettre de gouverner de manière efficace mais aussi démocratique. Jean-Luc Mélenchon n’a jamais cessé de remettre en cause la légitimité d’Emmanuel Macron pourtant démocratiquement élu, et très largement, et de vouloir la mort de la France telle qu’elle est en organisant son ingouvernabilité. Le bon sens doit l’emporter dans la réflexion et sortir de cette propagande qui ne reçoit aucune résistance dans les médias que certains appellent "mainstream", voire qui y est encouragée et répétée.

Dans son blog, Hervé Torchet s’est d’ailleurs amusé à dénoncer la grande supercherie de Jean-Luc Mélenchon pendant la campagne présidentielle à vouloir bouleverser les institutions : « Si l’on suit bien M. Mélenchon, il est candidat à inaugurer les chrysanthèmes et expédier les affaires courantes en attendant qu’une assemblée constituante nommée par lui ou élue sur sa convocation (mais selon quel processus aujourd’hui constitutionnel ?) achève la rédaction de la constitution d’une VIe République, que l’on imagine inspirée par un mélange des Soviets et du discours de Robespierre (mais quel Robespierre ? celui d’avant le pouvoir, tout miel, ou celui du pouvoir, tout fiel et tout sang). Malgré cette modeste ambition formelle, M. Mélenchon affiche un programme économique qu’il juge cohérent, ce qui est en soi incohérent, car enfin, veut-il gouverner, ou pas ? Est-il là pour peu de temps en attendant un régime non présidentiel, ou pas ? Tout ceci sent la duperie à plein nez. C’est le brouillard. » (28 mars 2017). Passage que j'ai cité il y a déjà quelques mois.

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L’irrévocabilité des élus ? On se moque de nous ! Cette irrévocabilité est dans l’essence même du mandat électif que les électeurs confient aux élus. À la fin du mandat, ce mandat est naturellement remis en jeu et à chacun d’approuver ou pas l’action passée. Vouloir aller plus vite que la musique, c’est ne plus avoir de musique du tout. Déjà que les mandats sont trop courts pour avoir une vision à long terme de ce que devrait être la France de demain (mais on ne peut pas les rallonger car il faut aussi s’adapter à l’impatience des citoyens), imposer aux élus l’irrévocabilité permanente, c’est simplement les contraindre à la paralysie et à l’immobilisme : ne rien faire pour ne pas gêner, pour ne pas susciter d’opposition. Tout le contraire du gaullisme !

Un autre serpent de mer a pour nom "référendum d’initiative citoyenne" (je rappelle que "citoyen" est un nom et pas un adjectif). L’idée est intéressante mais à condition de savoir comment on la pratique. Si, avec l’interdiction du cumul des mandats, l’on demande aux députés d’être totalement focalisés sur leur mandat de législateurs, ce n’est pas pour rien : il faut du temps pour produire la loi, la meilleure loi possible, avoir une vision d’ensemble, avoir l’envie aussi de s’éclairer. À part les parlementaires, chaque citoyen a, a priori, d’autres activités que faire la loi. Un tel outil ne peut donc jamais être qu’exceptionnel (ce qu’il est déjà) et conforme au "bloc constitutionnel" qui constitue déjà une "contrainte" pour la loi, "contrainte" positive pour éviter les débordements (qui empêcherait une majorité de déclarer illégale une catégorie de la population, par exemple).

De plus, cet outil ne peut pas être paradoxal. Par exemple, un premier référendum ne peut pas réduire les impôts et, presque simultanément, un second augmenter les dépenses publiques. Certes, on rêverait de raser gratis, mais le déficit public doit rester de la responsabilité du gouvernement qui doit définir une cohérence générale dans son projet de loi de finance (le principal exercice de toute démocratie). Or, en permettant tout au peuple, y compris les incohérences, on n’aidera pas le pays à rester une puissance économique. Il s’enfoncera dans la ruine économique et le désastre financier à court terme, sans compter la perte de confiance de tous ceux qui auraient souhaité l’aider financièrement.

Je rappelle d’ailleurs ce principe élémentaire : si l’on vit plus haut qu’on ne le peut, au-dessus de ses moyens, c’est-à-dire, si l’on dépense plus que l’on ne gagne, on se soumet aux créanciers qui ont la "gentillesse" de prêter la différence, qui s’appelle déficit. Le premier acte de souveraineté d’une nation, c’est de définir son projet de loi de finance sans aucun déficit public, ainsi, la nation ne dépendra d’aucun créancier. Pour une nation déjà endettée, il faut aussi rembourser la dette. Ceux qui veulent raser gratis et jouer au Père Noël en éliminant la dette par l’opération du saint Esprit veulent mettre le pays en situation de faillite et les premières victimes seront ceux qui sont déjà les moins aisés aujourd’hui, car ils n’auront plus ni retraite, ni remboursement de santé alors que les plus riches pourront toujours s’en sortir, ne serait-ce qu’en émigrant à l’étranger dans des contrées plus favorables. L’histoire de certains pays dans le monde l’a hélas déjà prouvé…

En demandant au peuple, notion collective floue, de décider sur tout, cela entraîne nécessairement l’irresponsabilité générale de la conduite de la nation. Un gouvernement bien identifié sera responsable devant les parlementaires et devant les citoyens. Mais le peuple ? C’est limiter la liberté que limiter la responsabilité en laissant le pouvoir d’abord aux groupes de pression et aux meilleurs propagandistes.

Car c’est là le plus grand danger de l’organisation trop fréquente de référendums : ceux qui n’ont pas d’opinion ne participent pas (il suffit de voir les scrutins sur la Nouvelle-Calédonie le 6 novembre 1988, 63,1% d’abstention et 11,8% de votes blancs ou nuls, et  et même sur le quinquennat le 24 septembre 2000, 69,8% et 16,1% votes blancs ou nuls), ceux qui sont opposés peuvent être dégoûtés et être inaudibles, quant aux partisans, ils sauront mobiliser leurs troupes pour faire adopter telle ou telle mesure. Bref, c’est laisser le pays à la merci de lobbies et de propagandistes. Le contraire d’une démocratie : une nation entièrement à la merci de la démagogie permanente.

Ce que je viens d’écrire n’empêche évidemment pas le référendum mais de manière exceptionnelle, sur de grands sujets qui occupent l’opinion, c’est pourquoi j’évoquais l’ISF (qui ne peut qu’augmenter les recettes de l’État ou ne rien changer par rapport au statut quo, ce qui serait différent si l’ISF n’avait pas été supprimé auparavant).

Au-delà du référendum, ce qui compte surtout, c’est que le peuple ne soit plus devant le fait accompli. Le problème du référendum, c’est d’être face à un texte déjà construit sans autre alternative que d’être pour ou contre. Le plus efficace pour écouter le peuple et pour créer une démocratie participative (qui reste toujours une notion floue), c’est d’écouter le peuple en amont, non sur des vues politiques mais sur des préoccupations, et l’histoire des gilets jaunes est assez caractéristique de cette non-écoute : il ne s’agit pas d’être pour ou contre la transition énergétique, ni même d’être pour ou contre une éventuelle taxe carbone, mais de faire remonter la situation individuelle difficile de chacun, afin qu’écologie ne signifie pas réduction encore du pouvoir d’achat. À l’évidence, le gouvernement n’avait pas pris la mesure de la détresse populaire et en ce sens, la crise des gilets jaunes a été un moyen, parfois violent, d’acquérir cette lucidité qui lui manquait.

Ségolène Royal avait ainsi eu quelques intuitions intéressantes lors de sa campagne présidentielle de 2007, en voulant utiliser l’outil Internet pour encourager la participation des citoyens à la vie de leur nation. Si je doutais de son entière sincérité (il suffit de voir comment elle a présidé d’une main de fer et sans écoute la région Poitou-Charentes), l’idée reste cependant à creuser. Pour avoir une petite idée, il me semble qu’il faut se tourner vers les municipalités des "grandes" villes (et même des "petites" villes). En fait, à des échelons divers, ont été créées des "commissions de quartier" qui ont pour but de faire remonter vers le maire des réflexions, revendications, réclamations, propositions, suggestions (etc.) de citoyens. En somme, permettre, à tous les stades de la vie publique, d’avoir des "boîtes à idées" comme il peut y en avoir dans certaines entreprises ou certains autres lieux collectifs. À prendre en compte évidemment.

Pour résumer, attention au mirage aux alouettes ! Au double mirage. Le mirage du pouvoir qui penserait qu’en proposant un référendum institutionnel, il solderait la créance des gilets jaunes : mon point de vue est que c’est une erreur certaine d’anticipation. Le mirage des citoyens de croire que certaines mesures qui, nous dit-on (par des sondages, mais sans aucun débat public sur le fond du sujet), seraient populaires, pourraient résoudre le problème du fossé entre gouvernants et gouvernés.

La proportionnelle, par exemple, ne ferait au contraire qu’accroître le fossé entre le peuple et les partis qui seraient plus en mesure de contrôler les candidatures avec le mode de scrutin actuel qui, malgré ses imperfections, a permis à tous les courants de pensée présents à l’élection présidentielle d’être représentés à l’Assemblée Nationale (parfois même avec un groupe politique) et a permis à un nouveau parti âgé d’une seule année d’obtenir une majorité absolue (ce qui démontre, et c’est nouveau, que ce scrutin actuel assure le renouvellement de la classe politique et probablement mieux qu’une proportionnelle qui ne donnerait du pouvoir qu’aux seuls partis déjà existants).

Face à la panique, ne cédons pas aux tentations qui ne feraient qu’enfoncer encore plus la France dans le gouffre de l’ingouvernabilité. Il n’y aura pas de De Gaulle pour nous en sortir…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (03 janvier 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Institutions : attention aux mirages, aux chimères et aux sirènes !
Gilets jaunes : un référendum sur l’ISF ? Chiche !
Ne cassons pas nos institutions !
Non à la représentation proportionnelle aux élections législatives !
Vive la Cinquième République !
Réforme Macron des institutions (6) : le mystérieux rapport sur le scrutin proportionnel.
Réforme Macron des institutions (5) : l’impossible principe de proportionnalité démographique de la représentation démocratique.
Réforme Macron des institutions (4) : la totalité du projet gouvernemental.
Réforme Macron des institutions (3) : réduire le Parlement ?
Réforme Macron des institutions (2) : le projet de loi constitutionnelle.
Réforme Macron des institutions (1) : les grandes lignes.
Non à la suppression des professions de foi !
Le vote obligatoire.
Le vote électronique.
Démocratie participative.

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10 décembre 2018 1 10 /12 /décembre /2018 05:51

« Pour ce qui est de [notre Constitution], son esprit procède, évidemment, de la nécessité où nous étions de procurer à nos pouvoirs publics l’efficacité, la stabilité, la responsabilité dont ils étaient dépourvus sous la Troisième et sous la Quatrième République. (…) Quant aux circonstances, elles ont été, elles aussi, variables. Puisqu’elles ont comporté, notamment, des instants où la République s’est trouvée menacée par une grave subversion. Eh bien, l’épreuve des hommes et des circonstances a montré que l’instrument répond à son objet. Non pas seulement dans les moments de relative tranquillité, mais aussi dans les moments difficiles. (…) Il me semble qu’il y a (…) une réussite constitutionnelle, et j’en attribue, pour ma part, la raison, essentiellement, à ceci : que nos institutions répondent aux exigences de notre époque, qu’elles répondent aussi à la nature du peuple français, et à ce qu’il souhaite réellement. Alors, certains qui trouvent peut-être la mariée trop belle proposent certains changements mais qui seraient de nature à bouleverser le système de fond en comble. » (De Gaulle, conférence de presse du 31 janvier 1964 à l’Élysée).


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Le Président Emmanuel Macron, silencieux depuis le 27 novembre 2018, va s’exprimer devant les Français ce lundi 10 décembre 2018 à 20 heures. Il devra annoncer des mesures fortes pour résoudre la grave crise qui secoue le pays.

Ce samedi 8 décembre 2018 a été la quatrième journée de manifestation des gilets jaunes dans toute la France. Depuis plusieurs samedis, on ne décompte plus le nombre de manifestants, qui est assez restreint (136 000 pour cette fois-ci), mais le nombre de personnes interpellées par la police (près de 2 000 dont 1 082 à Paris) et de personnes en garde-à-vue (plus de 1 700), ainsi que le nombre de blessés (264 dont 39 parmi les forces de l’ordre).

Heureusement, aucune nouvelle mort n’est à déplorer après les quatre précédents drames qui ont endeuillé la France (le 17 novembre 2018 à Pont-de-Beauvoisin, le 19 novembre 2018 dans la Drôme, le 2 décembre 2018 à Arles et à Marseille), et ces violences terribles auraient pu provoquer de nouveaux drames. Il faut en particulier saluer les forces de l’ordre pour leur sang-froid, leur énergie et leur courage face aux casseurs.

Mais les violences vont coûter très cher à tous les Français, et donc aussi aux gilets jaunes sincères, cher tant aux commerçants qu’aux pouvoir publics (communes, État), ce qui revient que la facture très salée sera payée de toute façon par les Français comme contribuables, assurés, ou même acteurs économiques (salariés, consommateurs ou employeurs, producteurs, vendeurs), car l’activité économique s’est effondré ce trimestre, ce qui n’augure rien de bon tant pour le taux de croissance que celui du chômage. Alors que le gouvernement avait une marge de manœuvre budgétaire très déjà restreinte, cette marge s’est encore réduite après ces trois dernières semaines.

Cette période trouble peut être justifiée par la colère sincère de ceux qui sont surchargés de taxes et d’impôts et ne peuvent plus assurer décemment les fins de mois. Elle a fait l’effet d’une douche froide et le pouvoir ne l’a compris que la semaine dernière lorsque le Premier Ministre Édouard Philippe a annoncé (timidement) l’annulation des nouvelles augmentations des carburants prévues à partir du 1er janvier 2019.

Dans tous les cas, le pouvoir va devoir revoir sa copie sur beaucoup de ses projets. Pas seulement sur ses futures réformes, mais sur toute la philosophie du quinquennat. Il faut un nouveau contrat social. C’est maintenant urgent.

Après tout, cette remise en question n’est pas en elle-même négative. Elle permettra de repenser la méthode de gouvernance. Il est intéressant d’entendre Alain Juppé, le maire de Bordeaux, ville durement touchée par les violences des casseurs, donner le 9 décembre 2018 quelques conseils de bonne gouvernance. Lui, au moins, a compris, un peu tard, qu’un Premier Ministre "droit dans ses bottes" ne pouvait pas durablement réussir la transformation du pays.

Depuis plusieurs semaines, on entend d’autres revendications que sur les aspects spécifiquement économiques (suppression des nouvelles taxes sur les carburants, augmentation du SMIC) et fiscaux (retour à l’ISF, remise en cause du CICE, etc.). Certaines revendications sont relativement communes pour des citoyens qui manifestent leur colère mais vont à l’encontre de l’État de droit.


La démisison d’Emmanuel Macron ?

Certains réclament la démission du Président Emmanuel Macron, démocratiquement élu le 7 mai 2017 par plus de 20,7 millions de Français. Soyons clairs, il faut arrêter avec la désinformation. Emmanuel Macron a été largement élu, très largement (66,1% des suffrages exprimés), et que ceux qui évoquent l’abstention révisent les résultats en reprenant tous les électeurs inscrits : 20,7 millions de Français ont voté pour Emmanuel Macron ; 12,1 millions d’autres Français se sont abstenus ; 10,6 millions d’autres ont voté pour Marine Le Pen ; enfin, moins de 4,1 millions ont préféré choisir un bulletin blanc ou nul. Même si l’abstention était candidate (aidée des votes blancs et des nuls), elle aurait largement perdu face à Emmanuel Macron (16,2 millions vs 20,7 millions). Il n’y a pas photo, demander la démission d’Emmanuel Macron, clamer qu’il est illégitime, est le fait de personnes qui n’ont aucun esprit démocratique, refusent le jeu démocratique, et veulent refaire le match de 2017. Leurs propositions pour les institutions me font donc peur, puisque le principe démocratique serait par essence une coquille vide.


La dissolution de l’Assemblée ?

Certains autres réclament la dissolution de l’Assemblée Nationale. Là aussi, la majorité LREM et MoDem a été largement élue, avec au premier tour (seul tour pour connaître l’état des rapports de forces en jeu), une nette avance. Pas seulement par l’effet majoritaire en sièges, mais en voix : 7,3 millions de suffrages pour LREM-MoDem ; 4,2 millions pour LR-UDI ; 3,0 millions pour le FN ; 2,5 millions pour FI ; 1,7 million pour le PS. Ces cinq "ensembles" sont des entités exclusives : aucune ne veut ou ne peut gouverner avec une autre. Les Français ont exprimé donc leur souhait d’une majorité LREM-MoDem relativement aux autres possibilités qui s’offraient à eux. Il faut l’accepter lorsqu’on croit en la démocratie.

Du reste, les sondages qui aujourd’hui accablent Emmanuel Macron et son gouvernement accablent encore plus les autres anciens candidats à l’élection présidentielle de 2017 et leur parti politique : aucun de ceux qui s’opposent aujourd’hui n’a autant de confiance des Français que le Président de la République lui-même.


La mariée est-elle trop belle ?

Mais d’autres gilets jaunes encore, moins nombreux mais plus bruyants, parfois (pas toujours) influencés par Jean-Luc Mélenchon qui voit dans la situation actuelle l’occasion en or pour casser notre République et instaurer un régime de type vénézuélien, souhaitent l’instauration d’une sixième république et l’élection d’une assemblée constituante.

Alors, par cet article, je veux mettre en garde les Français qui pourraient trouver ces idées intéressantes ainsi que ceux, au pouvoir, qui penseraient trouver dans une (nouvelle) réforme des institutions un règlement de la crise.

Je l’ai déjà écrit ici souvent et je le répète, je suis un défenseur acharné des institutions de la Cinquième République. Je considère que De Gaulle a su trouver l’indispensable équilibre pour faire de la France, d’un pays ingouvernable, une démocratie efficace. Une démocratie, évidemment, car il faut que le peuple puisse s’exprimer et il s’exprime "mieux" depuis 1962 avec l’élection du Président de la République au suffrage universel direct. Efficace aussi, parce qu’une démocratie paralysée par l’impossibilité de gouverner, comme ce fut le cas sous la Quatrième République, cela préfigure la dictature (la crise algérienne a failli provoquer un putsch qui a été évité de justesse grâce au sursaut salutaire du dernier Président de la Quatrième République).

La Cinquième République dans sa version 1962 a été démocratiquement approuvée par le peuple français à l’occasion de deux référendums, celui du 28 septembre 1958 (82,6% de "oui" avec 80,5% de participation) et celui du 28 octobre 1962 (62,3% de "oui" avec 77,0% de participation). Elles sont légitimes et comme l’a dit De Gaulle le 31 janvier 1964 : « Gardons donc celle-ci comme elle est. Tout en nous expliquant que ne s’en accommodent volontiers, ni ceux qui regrettent, tout haut vou tout bas, la confusion d’autrefois, ni cette entreprise qui vise au régime totalitaire et qui voudrait créer, chez nous, un trouble d’où sa dictature pourrait sortir. Mais le peuple, lui, a choisi, et pour ma part, je crois que c’est définitivement. ».

Nos institutions de la Cinquième République, quoi qu’en pensent les adeptes de la sixième république, ont fait leur preuve lors de nombreuses crises, en particulier celle de mai 1968, mais aussi les crises politiques (la réforme Savary en juin 1984, par exemple), enfin, celles provenant des attentats de Daech (2015-2016). Elles ont montré souplesse (cohabitation) et efficacité en ce sens que le pays a toujours pu être gouverné par une majorité capable de prendre des décisions.

Il n’y a rien de pire que de ne pas prendre de décisions. Il vaut mieux prendre une mauvaise décision que de ne pas en prendre du tout. C’est d’ailleurs pour cette raison que des entreprises meurent, parce qu’au début, tout peut bien aller et si les créateurs d’une entreprise se donnent la même part de décision, s’il y a 50%-50% à la réponse à une question, l’entreprise est paralysée et ne peut plus faire face à ses responsabilités. Tout le monde peut se tromper, les gouvernants comme ceux qui les ont élus, mais ne pas pouvoir gouverner, c’est la pire des choses. C’était la Quatrième République.

Je tiens aussi à rappeler que le problème, ce ne sont pas les institutions mais leurs acteurs. Quand on se comporte mal, non seulement sa propre image en pâtit, mais aussi celle qu’on symbolise. Les élus ont donc une grande responsabilité, et en particulier les parlementaires. Ceux qui, irresponsables, ont soufflé dans les braises de cette crise des gilets jaunes, ont montré leur véritable nature.

D’ailleurs, il est faux de dire que les Français boudent nos institutions. Le taux de participation de la dernière élection présidentielle le dément avec 77,8%. Bien des pays comparables seraient heureux d’avoir une telle participation.

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Venons-en aux deux ou trois mesures proposées en récurrence dans les médias sans aller jusqu’au fond des choses. Dans tous les cas, elles ne répondraient jamais au besoin de "plus de démocratie" qu’elles seraient censées apporter, et dans tous les cas, elles renforceraient l’impuissance des gouvernants.


1. Le mode de scrutin : la proportionnelle

La belle affaire ! Comme si c’était la réponse au problème du pouvoir d’achat des ménages ! Oui, c’est vrai que le scrutin majoritaire uninominal à deux tours a un "effet levier", mais il faut tout de même reconnaître que cela n’a pas empêché des partis extrémistes, parfois nouveaux (ou très anciens), d’obtenir des sièges voire un groupe politique. Un nouveau parti créé de toutes pièces quatorze mois avant les élections législatives et opposé à tout le reste de la classe politique (à part le MoDem) a réussi à obtenir une majorité absolue des sièges. Cela montre que nos institutions, dont le mode de scrutin, ont permis une respiration démocratique en permettant de renverser le clivage droite/gauche et de procéder à un renouvellement que tout le monde a salué, y compris les vaincus.

Les élections législatives ont un objectif : élire des députés pour faire des lois et contrôler le gouvernement. La proportionnelle empêcherait ces objectifs parce qu’il n’y aurait plus de majorité stable. Enlisement, paralysie. Les citoyens en colère ne pourraient plus s’en prendre au pouvoir car il n’y aurait même plus de pouvoir identifiable.

La proportionnelle serait-elle plus démocratique ? C’est une véritable arnaque intellectuelle d’affirmer une telle chose. Il y a de nombreux exemples en Europe, dans des pays comparables à la France, qui disent le contraire.

En Allemagne, en Italie ou en Espagne, les gouvernements sont soutenus par une coalition qui n’a jamais été choisie par les électeurs. En Allemagne, le SPD a fait campagne en disant son opposition absolue contre la reconduction de la grande coalition avec la CDU. Résultat : grande coalition SPD-CDU. Les électeurs du SPD ont des raisons de se sentir trompés. Où est la démocratie ? En Italie, le M5 et la Ligue ont fait campagne en excluant absolument de gouverner ensemble. Résultat, un gouvernement de coalition M5-Ligue. Où est la démocratie ? En Espagne, c’est encore pire. Le PP de Mariano Rajoy a réussi à garder la direction d’un gouvernement minoritaire mais à cause d’un sujet particulier, ce gouvernement a été renversé au profit d’un autre gouvernement ultraminoritaire dirigé par le PSOE de Pedro Sanchez. Tout cela, sans jamais que les électeurs espagnols ne l’aient décidé. Où est la démocratie ?

Même le renversement du Chancelier Helmut Schmidt par Helmut Kohl dans l’Allemagne de 1982 a été décidé hors du peuple, en raison d’un groupe central (FDP) qui a changé de positionnment en cours de législature. Heureusement, Helmut Kohl, à l’esprit démocratique, a provoqué alors de nouvelles élections pour faire ratifier ce renversement par le peuple, mais il aurait pu formellement ne pas le faire. Où est la démocratie ? Même phénomène pour Theresa May, qui est arrivée au pouvoir grâce à une révolution de palais au sein du parti au pouvoir (consécutive au référendum sur le Brexit), en dehors de tout accord populaire et il a fallu attendre onze mois avant que le peuple britannique n’ait ratifié ce changement. Où est la démocratie ?

Avec la proportionelle, les électeurs, les derniers consultés après les négociations entre apparatchiks ? Bref, tout mode de scrutin qui n’est pas capable de donner une majorité absolue à une coalition clairement identifiable par les électeurs avant le scrutin est de nature à s’opposer à la démocratie car après le scrutin, pour la formation d’un nouveau gouvernement, il y aura la formation d’une coalition qui ne s’était pas présentée initialement devant les électeurs.

Certes, lorsqu’une coalition a une forte audience électorale, elle peut tout de même obtenir une majorité absolue. Ce fut le cas longtemps avec la CDU en Allemagne. Ce fut le cas en France le 16 mars 1986. La coalition UDF-RPR n’a eu qu’une majorité absolue à un ou deux sièges près, à cause de la proportionnelle imposée par François Mitterrand. Était-ce plus démocratique que la législature entre 1993 et 1997 ? Certainement pas. Justement parce que la majorité était à un siège, Jacques Chirac, comme Premier Ministre de la cohabitation entre 1986 et 1988, avait réussi à imposer avec succès une nettement plus forte discipline au sein des parlementaires de la majorité qu’Édouard Balladur entre 1993 et 1995 et Alain Juppé entre 1995 et 1997, qui bénéficiaient d’une majorité pléthorique suscitant des vocations de frondeur. Le taux de fronde n’est pas un élément vraiment plus démocratique que le taux d’allégeance, mais il permet un débat à l’intérieur de la majorité, ce qui est plus démocratique.


2. La suppression du Sénat

Une autre mesure très dangereuse, démagogique et antiparlementaire, c’est de proposer la suppression du Sénat. Écouter les nouveaux et jeunes sénateurs élus en 2017 empêcherait d’avoir des préjugés sur cette instance parlementaire absolument indispensable à l’exercice de la démocratie. Non, les sénateurs ne sont pas de vieux gros plein de soupe qui dorment dans une retraite dorée. Ce sont des bosseurs qui sont pleinement impliqués dans la vraie vie, sur le terrain, dans les territoires, dans la vie professionnelle, etc.

Ce sont ceux qui critiquent le plus le monolithisme de la majorité à l’Assemblée Nationale qui veulent supprimer le Sénat, ce qui, paradoxalement, renforcerait encore plus ce monolithisme.

Rappelons deux ou trois choses sur le Sénat et l’importance du bicamérisme dans une démocratie moderne. Deux chambres permettent une meilleure rédaction des lois qu’une seule chambre pour la simple raison que la procédure de plusieurs lectures permet automatiquement un perfectionnement constant du texte. Avec une seule chambre, aucune raison d’avoir plusieurs lectures. Donc, une seule lecture. Texte bâclé avec une majorité au garde-à-vous, loi bâclée et faite à la va-vite.

Reprenons quelques exemples. L’amendement sur l’analyse ADN pour les candidats à l’immigration dans le cadre du regroupement familial a été sagement supprimé par le Sénat, pourtant de même couleur politique que l’Assemblée Nationale, lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Beaucoup plus récemment… Justement, le projet de finance 2019. Le Sénat a voté en première lecture le texte en annulant les taxes sur les carburants. C’est le Sénat qui l’a décidé il y a plus de deux semaines. Contre l’avis du gouvernement. Il se trouve que justement, après les concessions d’Édouard Philippe de la semaine dernière, le texte voté par le Sénat sur ce sujet précis (le projet a beaucoup d’autres sujets) ne sera donc pas modifié par l’Assemblée Nationale en seconde lecture. Merci qui ?

L’autre fonction du Parlement, c’est le contrôle. Comparons l’action de l’Assemblée Nationale et celle du Sénat pour instruire leur enquête sur l’affaire Benalla. Pareil, il n’y a pas photo. Heureusement que le Sénat était là pour convoquer et interroger les collaborateurs de l’Élysée. Alors que la commission à l’Assemblée Nationale a refusé toute audience qui pouvait nuire à l’Exécutif.

Comme on le voit, les sénateurs ont un rôle modérateur face aux ardeurs d’une majorité à l’Assemblée Nationale qui est toujours très politisée et clivée. Les sénateurs agissent en dehors des consignes d’appareils. Toute l’histoire du Sénat le prouve. Ce n’est pas un hasard si, en 1968, le véritable opposant au Général De Gaulle, ce n’était ni François Mitterrand ni Pierre Mendès France, ni Daniel Cohn-Bendit (ni Jean-Luc Mélenchon !), mais Alain Poher, le Président du Sénat !

La représentativité du Sénat ? Les élections du 25 septembre 2011 ont montré que même le Sénat pouvait basculer à gauche (ce qui, d’ailleurs, signifie que François Hollande avait bien plus de pouvoirs que François Mitterrand puisque son parti était majoritaire dans les deux assemblées, et dans la grande majorité des conseils généraux et régionaux à l’époque).

Par ailleurs, parce qu’il ne dépend pas des vicissitudes de la vie politique quotidienne, le Sénat est capable de meilleures réflexions sur le long terme. C’est le Sénat qui a initié les premières lois sur la bioéthique il y a un quart de siècle. C’est le Sénat qui invite régulièrement en son sein les apprentis, les enseignants, les chercheurs, les créateurs d’entreprise pour les encourager, pour les comprendre, pour détecter certains blocages de la société. Tout ce travail en amont est indispensable dès lors que notre société est complexe, pour en comprendre le maximum de ressorts. Les députés, eux, n’ont pas le temps ni l’opportunité politique. Ils sont enrôlés de force par l’Exécutif, tant dans la majorité (appliquer le programme présidentiel) que dans l’opposition (s’y opposer).

L'un de ceux qui prônent avec le plus de véhémence la suppression du Sénat n'est pas à une contradiction près puisqu'il doit sa notoriété et même son patrimoine à son mandat de sénateur qu'il a perpétué pendant près d'un quart de siècle, sauf lorsqu'il était sous-ministre. Les belles leçons de morale avec le principe : faites ce que je dis, pas ce que je fais...


3. Le référendum d’initiative populaire

Je termine par cette troisième proposition qui, au contraire des deux précédentes, est la moins "tarte à la crème" des "sixième-républicistes". Le principe d’un référendum d’initiative populaire, c’est de pouvoir faire organiser un référendum sur un sujet précis à l’initiative de la base et pas du pouvoir politique. Sur le principe, c’est plutôt intéressant.

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Ce concept fonctionne assez bien dans ces "petits" pays, comme la Suisse. C’est moins évident pour une communauté nationale de plusieurs dizaines de millions d’habitants. Pourquoi ?

Parce que la mise en œuvre de ce principe demande, au moins, deux éléments à préciser. Premièrement, quel type de sujet peut être soumis à référendum sans remettre l’ensemble de notre corpus constitutionnel ? Deuxièmement, quelles sont les conditions pour imposer un tel référendum ?

L’innovation politique de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 (initiée par Nicolas Sarkozy) a été d’inclure dans la Constitution ce concept. Il existe donc déjà. La condition, c’est que 10% de l’électorat le demande par pétition. 10%, cela correspond à 4 millions d’électeurs environ. C’est beaucoup. Mais pas assez pour remporter à eux seuls un "oui". Il faut aussi reconnaître qu’organiser un référendum tous les dimanches, ce n’est pas possible. C’est coûteux, et surtout, cela renforcerait l’abstention. Il suffit déjà de voir la participation du référendum sur le quinquennat (30,2% le 24 septembre 2000) ou du référendum sur la Nouvelle-Calédonie (36,9% le 6 novembre 1988) pour comprendre que l’organisation de référendums dont ne seraient pas demandeurs un grand nombre de Français renforcerait leur distance avec les institutions.

La seule amélioration qu’on pourrait imaginer avec la législation actuelle, c’est que cette proposition de référendum soit imposée et pas proposée au Parlement et au gouvernement.

De même, le type de sujet susceptible d’être soumis à référendum doit être précisément encadré. Notre pays est une société complexe et les changements doivent être lents, mûrs et en accord avec l’ensemble des forces vives, des corps intermédiaires. C’est d’ailleurs assez étonnant de voir que ceux qui fustigent l’actuel pouvoir accusé de vouloir court-circuiter les corps intermédiaires veulent à tout prix des référendums sur tout et rien. Leur tradition politique s’était pourtant opposée à l’époque gaullienne de ces initiatives qu’elle jugeait alors plébiscitaires pour ne pas dire bonapartistes.

Mais plus généralement, en raison d’un changement (technologique) de société certainement positif qui rend les citoyens mieux informés et plus impatients, il est évidemment nécessaire d’imaginer, c’est là l’enjeu actuel et ’importance d’un réel débat, un cadre pour que la voix des citoyens puisse être audible entre deux élections, puisse remonter. Cela aurait permis d’éviter la crise actuelle des gilets jaunes.

C’était un peu le sens de l’intervention de Jean-Christophe Lagarde dans le débat sur cette crise le 5 décembre 2018 dans l’hémicycle : « Cette réforme devrait permettre au Parlement d’être la chambre d’écoute des Français, et plus seulement la chambre d’écho du gouvernement. Il faudra aussi inventer des mécanismes permettant au peuple de faire irruption dans les affaires entre deux élections, entre deux mandats. Je ne prendrai qu’un exemple : il existe des centaines d’agences, dénoncées par la Cour des Comptes, qui sont financées par nos taxes pour s’enquérir chaque jour de la vie quotidienne des Français. Et la plupart du temps, elles ne voient rien venir ! Ne croyez-vous pas, monsieur le Premier Ministre, chers collègues, qu’avec 100 ou 200 citoyens tirés au sort et consultés sur vos taxes sur les carburants, vous auriez gratuitement évité de faire une telle erreur ? C’est d’ailleurs une bizarrerie de notre démocratie que les citoyens participent à des jurys populaires pour condamner quelqu’un à la prison à perpétuité, mais qu’ils ne soient jamais consultés, ni en première intention, ni en appel, lorsqu’il s’agit de leur vie quotidienne. ».


Emmanuel Macron devant Français ce lundi 10 décembre 2018 à 20 heures

La réponse d’Emmanuel Macron aux gilets jaunes ne doit donc pas être d’ordre institutionnel mais d’ordre économique social. Le politologue Alain Duhamel lui a donné quelques conseils pour cette allocution le 8 décembre 2018 sur France 5. Selon lui, il y a trois conditions pour la réussir, c’est-à-dire la rendre efficace : d’abord, il faut qu’il reconnaisse qu’il s’est trompé et qu’il a appris ; ensuite, il faut qu’il s’exprime en langage clair et simple, facile à comprendre, c’est-à-dire sans le langage technocratique du Premier Ministre qui n’ose pas dire clairement les choses ("moratoire" au lieu de "suppression", etc.) ; enfin, il doit présenter des mesures concrètes sur le pouvoir d’achat, pas des engagements, pas des procédures de long terme (comme une grande consultation), mais des décisions précises et immédiates.

Il ne faut pas qu’il en profite pour faire une entourloupe constitutionnelle comme l’a fait François Mitterrand le 12 juillet 1984 qui, profitant d’éteindre la crise de l’école libre, a allumé un contre-feu avec un projet de référendum sur le référendum incompréhensible jusque parmi des constitutionnalistes et rapidement abandonné.

Nos institutions sont à peu près les seules choses qui fonctionnent correctement dans ce pays, c’est-à-dire, qui sont adaptées à la crise économique et sociale permanente que la France connaît depuis deux générations. Alors, je m’adresse aussi bien à Emmanuel Macron qu’à ses opposants : ne cassons pas nos institutions ! Elles constituent un bien très précieux que nous regretterions très amèrement si l’on écoutait tous ces démagogues de la sixième république…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (09 décembre 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Ne cassons pas nos institutions !
Vive la Cinquième République.
La réforme Macron des institutions.
Non à la représentation proportionnelle aux élections législatives !
Gilets jaunes : angoisse versus raison.
Allocution du Premier Ministre Édouard Philippe le 4 décembre 2018 à Matignon (texte intégral).
Gilets jaunes : est-ce un soulèvement ?
La Révolution en deux ans.
Discours du Président Emmanuel Macron le 27 novembre 2018 à l’Élysée (texte intégral).
Gilets jaunes : Emmanuel Macron explique sa transition écologique.
Christophe Castaner, à l’épreuve du feu avec les "gilets jaunes".
L’irresponsabilité majeure des "gilets jaunes".
Gilets jaunes : démocratie des urnes et grognement des rues.
Les taxes sur les carburants compenseraient-elles la baisse de la taxe d'habitation ?
Le bilan humain très lourd de la journée des "gilets jaunes" du 17 novembre 2018.
Gilets jaunes, au moins un mort et plusieurs blessés : arrêtez le massacre !
Emmanuel Macron, futur "gilet jaune" ?
Le Mouvement du 17-novembre.
Emmanuel Macron.
Édouard Philippe.
La taxation du diesel.
L’écotaxe.
Une catastrophe écologique ?
Amoco Cadiz (16 mars 1978).
Tchernobyl (26 avril 1986).
AZF (21 septembre 2001).
Fukushima (11 mars 2011).
L’industrie de l’énergie en France.
La COP21.
GIEC : la fin du monde en direct, prochainement sur vos écrans !
Vibrez avec la NASA …ou sans !
Le scandale de Volkswagen.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20181208-institutions.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/gilets-jaunes-ne-cassons-pas-nos-210510

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/12/09/36930633.html


 

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12 novembre 2018 1 12 /11 /novembre /2018 22:42

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Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20181120-gilets-jaunes.html



Assemblée nationale
XVe législature
Session ordinaire de 2018-2019

Compte rendu
intégral
Première séance du lundi 12 novembre 2018


Présidence de Mme Carole Bureau-Bonnard


Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Bourlanges, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.

M. Jean-Louis Bourlanges. Mes chers collègues, ce que l’on entend ici est quand même très surprenant. Qu’est-ce qu’une bonne loi de finances rectificative ?

M. Laurent Saint-Martin. Celle qui n’existe pas !

M. Jean-Louis Bourlanges. Oui, une loi qui n’existe pas !

M. Gérald Darmanin, ministre. C’est sûr.

M. Jean-Louis Bourlanges. En réalité, le projet de loi de finances rectificative est simplement la sanction des erreurs de prévision et d’analyse, des manipulations, des tactiques visant à faire passer en catimini, hors des mesures d’évaluation préalable, un certain nombre de dispositions qu’on n’aurait pas eu le courage de faire passer en loi de finances initiale.

M. Hubert Wulfranc. Précisément.

M. Jean-Louis Bourlanges. Or le présent projet de loi, justement, par sa modestie, par l’extrême limitation de ce qu’il contient, tend vers le néant. Et c’est une très bonne chose !

M. Marc Le Fur. Il n’y a rien d’ironique dans les propos de notre collègue ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Bourlanges. C’est un progrès considérable. De la sincérité ! Pas de mesures fiscales ! Au nom de quoi aurait-on voulu des mesures fiscales ? (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et sur quelques bancs du groupe LaREM.) Pas de dépenses autres que des mouvements budgétaires affectés !

Alors, cher Gilles Carrez, vous avez trouvé l’exemple des OPEX. Mais précisément, qu’est-ce que c’est que ce système de financement des OPEX sur lequel nous vivions depuis des années ? Il consiste à prendre les représentants de la nation pour des billes, en faisant financer des opérations militaires à partir de crédits visant à couvrir les dépenses de l’éducation nationale, des affaires culturelles ou de la justice. C’est donc un progrès vers la sincérité que de concentrer ces dépenses sur le budget des armées ! (Mêmes mouvements.) Voilà où nous en sommes !

Alors, évidemment, ce projet de loi est limité.

Mme la présidente. Il faut conclure, cher collègue.

M. Jean-Louis Bourlanges. Les délais dans lesquels nous l’abordons sont également trop limités. Cela justifierait peut-être son renvoi, mais certainement pas son rejet.

M. Marc Le Fur. On progresse.

Mme la présidente. Merci…

M. Jean-Louis Bourlanges. Je dis à l’opposition : quel est votre rôle ? Certainement, c’est de critiquer. Mais est-ce de critiquer quand le Gouvernement améliore la gestion au lieu de la détériorer ? Choisissez vos arguments, ne reprochez pas au Gouvernement de faire mieux que ses prédécesseurs ! (Applaudissements et exclamations sur les bancs des groupes MODEM et LaREM, dont plusieurs membres se lèvent.)


Source : Assemblée Nationale.
http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20181112-an-jean-louis-bourlanges.html



 

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