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3 juillet 2017 1 03 /07 /juillet /2017 22:06

(verbatim)

Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170703-macron.html


Déclaration du Président de la République Emmanuel Macron devant le Parlement réuni en congrès à Versailles le 3 juillet 2017

Première séance du lundi 03 juillet 2017
Présidence de M. François de Rugy


M. le président. Avant de vous donner la parole, monsieur le Président de la République, je voudrais évoquer un exemple, un symbole, une référence.

Simone Veil occupe désormais une place particulière dans notre mémoire nationale. Survivante de la Shoah, elle a su puiser, dans les drames qui ont défiguré notre continent et avili l’humanité, une force qui a fait d’elle une actrice déterminante de l’engagement européen de la France.

Elle a joué, au terme d’un combat législatif concret, difficile et victorieux, un rôle considérable pour l’émancipation des femmes. Elle a toujours agi pour la protection des plus fragiles. La vie de Simone Veil témoigne plus que toute autre du prix de la liberté, de la difficulté du combat pour l’égalité, de l’impérieuse nécessité de la fraternité. Observons en sa mémoire une minute de silence. (M. le Président de la République, Mmes et MM. les membres du Congrès et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.)

M. le président. Monsieur le Président de la République, vous avez la parole.

M. Emmanuel Macron, Président de la République. Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, mesdames et messieurs les députés, mesdames et messieurs les sénateurs, en son article 18, la Constitution permet au Président de la République de prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès.

Il est des heures qui, de cette possibilité, font une nécessité. Les heures que nous vivons sont de celles-là.

Le 7 mai dernier, les Français m’ont confié un mandat clair. Le 18 juin, ils en ont amplifié la force en élisant à l’Assemblée nationale une large majorité parlementaire. Je veux aujourd’hui vous parler du mandat que le peuple nous a donné, des institutions que je veux changer et des principes d’action que j’entends suivre.

Ce sont mille chemins différents qui nous ont conduits ici aujourd’hui, vous et moi, animés par le même désir de servir. Et même si ce désir n’a pas le même visage, pas la même forme, même s’il n’emporte pas les mêmes conséquences, nous en connaissons vous et moi la source : ce simple amour de la patrie.

Certains font de la politique depuis longtemps. Pour d’autres, au nombre desquels je me range, ce n’est pas le cas. Vous soutiendrez ou vous combattrez selon vos convictions le gouvernement que j’ai nommé, mais à la fin, nous savons tous que quelque chose de très profond nous réunit, nous anime et nous engage : oui, le simple amour de la patrie, que celle-ci s’incarne dans la solitude des collines de Haute-Provence ou des Ardennes, dans la tristesse des grands ensembles où une partie de notre jeunesse s’abîme, dans la campagne parfois dure à vivre et à travailler, dans les déserts industriels, mais aussi dans la gaîté surprenante des commencements.

De cet amour, nous tirons tous, je crois, la même impatience, qui est une impatience d’agir. Elle prend parfois les traits de l’optimisme volontaire, d’autres fois ceux d’une colère sincère. Toujours elle découle de cette même origine.

Nous avons, vous et moi, reçu le mandat du peuple. Qu’il nous ait été donné par la nation entière ou par les électeurs d’une circonscription ne change rien à sa force. Qu’il ait été porté par le suffrage direct ou par le suffrage indirect ne change rien à sa nature. Qu’il ait été obtenu voici un certain temps déjà ou bien récemment, à l’issue d’une campagne où toutes les opinions ont pu s’exprimer dans leur diversité, et que vous incarniez ces opinions différentes ici, aujourd’hui, ne change rien à l’obligation collective qui pèse sur nous.

Cette obligation est celle d’une transformation résolue et profonde, tranchant avec les années immobiles ou les années agitées, toutes au résultat également décevant. C’est par cette voie que nous retrouverons ce qui nous a tant manqué : la confiance en nous, la force nécessaire pour réaliser nos idéaux. Ce qui nous est demandé par le peuple, c’est de renouer avec l’esprit de conquête qui l’a fait, pour enfin le réconcilier avec lui-même.

En vous élisant, dans votre nouveauté radicale, à l’Assemblée nationale, le peuple français a montré son impatience à l’égard d’un monde politique trop souvent fait de querelles ou d’ambitions creuses, où nous avions vécu jusqu’alors. C’est aussi à une manière de voir la politique qu’il a donné congé.

En accordant leur confiance à des femmes et des hommes ici réunis, les Français ont exprimé une impérieuse attente, la volonté d’une alternance profonde, et je suis sûr que vous en êtes, ici, tous aussi conscients que moi. Et je sais bien aussi que les sénateurs en ont une pleine conscience, bien que leur élection soit plus ancienne, parce qu’ils ont perçu, eux si attentifs par nature aux mouvements du temps, les espoirs nouveaux que l’expression du suffrage universel direct a fait naître.

Être fidèle à ce que le peuple français a voulu suppose donc une certaine forme d’ascèse, une exigence renforcée, une dignité particulière, et sans doute plus encore aujourd’hui qu’hier.

Les mauvaises habitudes reviennent vite, marquées par une époque de cynisme, de découragement et – j’ose le dire – de platitude. Nombreux encore sont ceux qui spéculent sur un échec qui justifierait leur scepticisme. Il vous appartiendra, il nous appartiendra de les démentir ; et il nous appartiendra aussi de convaincre tous ceux qui attendent, qui nous font confiance du bout des lèvres, tous ceux qui n’ont pas voté, tous ceux aussi que la colère et le dégoût devant l’inefficacité, notre inefficacité bien souvent, ont conduits vers des choix extrêmes, d’un bord ou de l’autre de l’échiquier politique, et qui sont des choix dont la France, dans sa grandeur comme dans son bonheur, n’a rien à attendre.

Ce mandat du peuple, que nous avons reçu, quel est-il exactement ?

Pour le savoir, il faut sortir de ce climat de faux procès dans lequel le débat public nous a enfermés trop longtemps. Il nous faut retrouver de l’air, de la sérénité, de l’allant. Il y faut un effort, parce que ces faux procès sont nombreux.

S’agit-il de réformer le droit du travail pour libérer, dynamiser l’emploi au bénéfice d’abord de ceux qui n’en ont pas ? On nous dira qu’il s’agit d’adapter la France aux cruautés de l’univers mondialisé ou de satisfaire au diktat de Bruxelles.

S’agit-il de réduire nos dépenses publiques pour éviter à nos enfants de payer le prix de nos renoncements ? On nous dira que nous remettons en cause notre modèle social.

S’agit-il de sortir de l’état d’urgence ? On nous dira d’un côté que nous laissons la France sans défense face au terrorisme, et de l’autre que nous bradons nos libertés.

Eh bien, rien, rien de tout cela n’est vrai.

Derrière tous ces faux procès, on trouve le même vice, le vice qui empoisonne depuis trop longtemps le débat public : le déni de réalité, le refus de voir le réel en face dans sa complexité et ses contraintes, l’aveuglement face à un état d’urgence qui est autant économique et social que sécuritaire.

Là-dessus, j’ai toujours considéré que le peuple français était plus sage et plus avisé que beaucoup ne le croient. Si bien que je pense profondément que le mandat que nous avons reçu du peuple est un mandat à la fois exigeant et profondément réaliste, et que pour l’accomplir nous devons nous placer au-delà de la stérilité de ces oppositions purement théoriques et qui, si elles garantissent de beaux succès de tribune, n’apportent rien.

Notre premier devoir est tout à la fois de retrouver le sens et la force d’un projet ambitieux de transformation de notre pays et de rester arrimés au réel, de ne rien céder au principe de plaisir, aux mots faciles, aux illusions, pour regarder en face la réalité de notre pays sous toutes ses formes.

Ce mandat du peuple français, donc, quel est-il ?

C’est d’abord le mandat de la souveraineté de la nation. C’est de pouvoir disposer de soi-même, malgré les contraintes et les dérèglements du monde.

Voyons la réalité en face. Les forces de l’aliénation sont extrêmement puissantes.

Aliénation à la nouvelle division du travail, qui s’esquisse dans un univers en transformation profonde, où le numérique recompose des secteurs entiers de l’économie, bouscule des équilibres et des emplois.

Aliénation à la misère, à la pauvreté, si nous ne permettons pas à chacun de trouver un travail qui lui corresponde et qu’il soit heureux d’accomplir, une place et une dignité qui soient les siennes dans la société.

Aliénation à la contrainte financière, si nous ne rétablissons pas notre budget, si nous ne réduisons pas notre dette publique.

Aliénation à la volonté d’autres pays, dans l’Europe comme au sein de nos alliances, si nous ne remettons pas nos affaires en ordre.

Aliénation à la terreur islamiste, si nous ne trouvons pas le moyen de la détruire sans rien lui céder de nos valeurs, de nos principes.

Aliénation de notre avenir, si nous ne parvenons pas à organiser la transition écologique, à protéger la planète.

Aliénation de notre vie dans ce qu’elle a de plus quotidien, si les aliments que nous mangeons, l’air que nous respirons, l’eau que nous buvons nous sont imposés, et pour le pire, par les seules forces d’une compétition internationale devenue anarchique.

Je crois fermement que, sur tous ces points, le peuple nous a donné le mandat de lui rendre sa pleine souveraineté.

Mais c’est aussi le mandat du projet progressiste, d’un projet de transformation et de changement profonds, qui nous est donné. Nos concitoyens ont fait le choix d’un pays qui reparte de l’avant, qui retrouve l’optimisme et l’espoir. Ils l’ont fait parce qu’ils savent bien, parce que nous savons bien que, dans un monde bouleversé par des changements profonds, sans ce mouvement, sans cette énergie créatrice, la France n’est pas la France. Ils savent, parce que cela a été notre expérience commune de ces dernières années, qu’une France arrêtée s’affaisse, se divise, qu’une France apeurée, recroquevillée et victime, s’épuise en querelles stériles et ne produit que du malheur, malheur individuel et malheur collectif.

Elle est là, notre mission historique. Cette mission, la mienne, celle du Gouvernement, la vôtre, n’est pas dévolue à un petit nombre. Elle est dévolue à tous, car chacun y a sa part. La France possède des trésors de créativité, des ressources inépuisables. Mais je ne pense pas simplement là à tous nos talents, je pense à chaque Française, à chaque Français, soucieux de bien faire et de mener une vie digne de lui.

Elle est là, la vraie richesse d’un pays et le mandat qui nous est donné, c’est de créer de l’unité où il y avait de la division, de redonner à ceux qui sont exclus la simple dignité de l’existence, leur juste place dans le projet national, de permettre à ceux qui créent, inventent, innovent, entreprennent, de réaliser leurs projets, de rendre le pouvoir à ceux qui veulent faire – et font. Le mandat du peuple, ce n’est pas d’instaurer le gouvernement d’une élite pour elle-même, c’est de rendre au peuple cette dignité collective qui ne s’accompagne d’aucune exclusion.

Seulement voilà : jusqu’ici, trop souvent, nous avons fait fausse route. Nous avons préféré les procédures aux résultats, le règlement à l’initiative, la société de la rente à la société de la justice. Et je crois profondément que, par ses choix récents, notre peuple nous demande d’emprunter une voie radicalement nouvelle.

Je refuse pour ma part de choisir entre l’ambition et l’esprit de justice. Je refuse ce dogme selon lequel, pour bâtir l’égalité, il faudrait renoncer à l’excellence, pas plus que, pour réussir, il ne faut renoncer à donner une place à chacun. Le sel même de notre République est de savoir conjuguer ces exigences, oui, de faire tout cela, en quelque sorte, en même temps.

Cette voie désoriente, je l’entends bien, tous ceux qui s’étaient habitués à faire carrière sur les schémas anciens. Il en est ainsi à chaque période, lorsque le renouveau s’impose et que l’inquiétude, à certains endroits, peut naître. Mais nous avons à prendre la mesure des efforts que va nous imposer cette formidable soif de renouvellement dont nous sommes, vous et moi, les porteurs.

Le mandat du peuple, c’est aussi le mandat de la confiance et de la transparence. Nous sommes un vieux peuple politique. La politique est importante pour nos concitoyens. On lui demande tout, parfois trop ; on lui en veut souvent, parfois trop aussi. Et c’est parce qu’elle est essentielle à ce point que les Français avaient fini par s’exaspérer de voir l’espérance confisquée. Mais vous êtes ici, tous et toutes, les dépositaires de ce désir de changement qu’il nous est interdit de trahir. Et ce changement doit aussi porter sur les comportements. Il ne peut y avoir de réforme sans confiance. Il ne peut y avoir de confiance si le monde politique continue d’apparaître, même si c’est la plupart du temps injuste, comme le monde des petits arrangements, à mille lieues des préoccupations des Français. La loi que le Gouvernement proposera à vos suffrages n’a pas d’autre but.


Nous avons déjà changé depuis plusieurs années, et nous avons changé en bien. Nous avons cessé de supporter ce qui semblait presque normal autrefois – l’opacité, le clientélisme, les conflits d’intérêts, tout ce qui relève d’une forme de corruption ordinaire, presque impalpable. Pour autant, nul n’est irréprochable. Car si l’exigence doit être constante, si nous sommes tous dépositaires de la dignité qui sied à nos fonctions et chaque jour nous oblige, la perfection n’existe pas.

Oui, nous voulons une société de confiance, et pour cela, une loi ne suffit pas. C’est un comportement de chaque jour. Mais nous voulons aussi cette confiance parce que la société de la délation et du soupçon généralisés, qui était jusque-là la conséquence de l’impunité de quelques puissants, ne nous plaît pas davantage. La loi du Gouvernement sera votée, je n’en doute pas. Mais après qu’elle l’aura été, j’appelle à la retenue, j’appelle à en finir avec cette recherche incessante du scandale, avec le viol permanent de la présomption d’innocence, avec cette chasse à l’homme où parfois les réputations sont détruites, et où la reconnaissance de l’innocence, des mois, des années plus tard, ne fait pas le dixième du bruit qu’avait fait la mise en accusation initiale. Cette frénésie, qui a touché tous les camps depuis tant de mois et parfois tant d’années, est indigne de nous et des principes de la République.

Le mandat du peuple, c’est enfin le mandat de la fidélité historique. Les Français demandent à leur gouvernement de rester fidèle à l’histoire de la France. Encore faut-il s’entendre sur le sens que l’on donne à ces mots. Ces dernières années, l’histoire a été prise en otage par le débat politique. Nous avons vu fleurir l’histoire pro-coloniale et celle de la repentance, l’histoire identitaire et l’histoire multiculturelle, l’histoire fermée et l’histoire ouverte. Il n’appartient pas aux pouvoirs, exécutif ou législatif, de décréter le roman national, que l’on veuille lui donner une forme « réactionnaire » ou une forme « progressiste ».

Cela ne signifie pas que l’histoire de France n’existe pas ; qu’il ne faut pas en être fier, tout en regardant lucidement ses parts d’ombre, ses bassesses. Mais pour nous, elle doit prendre la forme, non d’un commentaire, non d’une revendication ou d’une transformation, mais d’une action résolue en faveur du meilleur. Parce que c’est dans cette action que nous pouvons retrouver les grands exemples du passé, nous en nourrir et les prolonger. Et à la fin, nous aussi, nous aussi nous aurons fait l’histoire, sans nous être réclamés abusivement de ce qu’elle pourrait être, mais en regardant le réel et en gardant nos esprits et nos volontés tendus vers le meilleur.

C’est ce que nous appelons le progressisme. Ce n’est pas de penser que toute nouveauté est forcément bonne. Ce n’est pas d’épouser toutes les modes du temps. C’est, à chaque moment, pas après pas, de discerner ce qui doit être corrigé, amendé, rectifié, ce qui, à certains endroits, doit être plus profondément refondé, ce qui manque à la société pour devenir plus juste et plus efficace ou, plus exactement, plus juste parce que plus efficace, plus efficace parce que plus juste. C’est une éthique de l’action et de la responsabilité partagée. C’est la fidélité à notre histoire et à notre projet républicain en acte. Car la République, ce n’est pas des lois figées, des principes abstraits ; c’est un idéal de liberté, d’égalité, de fraternité, chaque jour resculpté et repensé à l’épreuve du réel.

L’action politique n’a de sens que si elle est précisément accomplie au nom d’une certaine idée de l’homme, de son destin, de sa valeur indépassable et de sa grandeur. Cette idée, la France la porte depuis longtemps. Rien d’autre ne doit compter à nos yeux. Ce n’est pas la société des entrepreneurs que nous voulons, ou la société de l’équilibre des finances publiques, ou la société de l’innovation. Tout cela est bien, tout cela est utile. Mais ce ne sont que des instruments au service de la seule cause qui vaille, une cause à laquelle le nom de la France est attaché depuis bien longtemps. Et cette cause est la cause de l’homme. Nous différons entre nous, et ici même, sur les moyens. Mais je suis sûr que nous ne différons pas sur ce but, et le savoir, et nous le rappeler sans cesse, parfois dans les pires moments, devrait rendre à notre débat public cette dignité, cette grandeur qui, sur fond de tant d’abandons et d’échecs collectifs, lui ont cruellement manqué ces dernières années.

C’est à l’aune de ce mandat du peuple que nous avons à construire notre politique pour les cinq ans qui viennent. Vous l’aurez compris, et vous le savez déjà, intimement, nous n’avons pas devant nous cinq ans d’ajustements et de demi-mesures. Les Français sont animés non pas par une curiosité patiente, mais par une exigence intransigeante. C’est la transformation profonde qu’ils attendent. Qu’ils espèrent. Qu’ils exigent. Ne la redoutons pas. Embrassons-la, bien au contraire. La charte de notre action a été fixée durant la campagne et vous en connaissez les jalons, sur lesquels je ne reviendrai pas. Les engagements seront tenus. Les réformes et ces transformations profondes auxquelles je me suis engagé seront conduites. Le Premier ministre, Édouard Philippe, que j’ai nommé afin qu’il soit le dépositaire, à la tête du Gouvernement, de ces engagements, en présentera la mise en œuvre dans son discours de politique générale.

Mais tout cela ne sera possible que si nous avons une République forte, et il n’est pas de République forte sans institutions puissantes. Nées de temps troublés, nos institutions sont résistantes aux crises et aux turbulences. Elles ont démontré leur solidité. Mais comme toutes les institutions, elles sont aussi ce que les hommes en font. Depuis plusieurs décennies maintenant, l’esprit qui les a fait naître s’est abîmé au gré des renoncements et des mauvaises habitudes.

En tant que garant du bon fonctionnement des pouvoirs publics, j’agirai en suivant trois principes : l’efficacité, la représentativité et la responsabilité.

L’efficacité d’abord. Il nous faut du temps pour penser la loi. Du temps pour la concevoir, la discuter et la voter. Du temps aussi pour s’assurer des bonnes conditions de son application. Souhaiter que nos institutions soient plus efficaces, ce n’est donc pas sacrifier au culte de la vitesse, c’est rendre la priorité au résultat.

Sachons mettre un terme à la prolifération législative. Cette maladie, nous la connaissons : elle a été tant et tant nommée, et je crains moi-même, dans une vie antérieure, d’y avoir participé. Elle affaiblit la loi, qui perd dans l’accumulation des textes une part de sa vigueur et, certainement, de son sens. Telles circonstances, tel imprévu, telle nouveauté ne sauraient dicter le travail du législateur. Car la loi n’est pas faite pour accompagner servilement les petits pas de la vie de notre pays. Elle est faite pour en encadrer les tendances profondes, les évolutions importantes, les débats essentiels, et pour donner un cap. Elle accompagne de manière évidente les débuts d’un mandat, mais légiférer moins ensuite, c’est consacrer plus d’attention aux textes fondamentaux, à ces lois venant répondre à un vide juridique, venant éclairer une situation inédite. C’est cela, le rôle du Parlement.

Légiférer moins, c’est mieux allouer le temps parlementaire. C’est, en particulier, réserver de ce temps au contrôle et à l’évaluation. Je sais que nombre d’entre vous y ont déjà beaucoup réfléchi, et je ne mésestime pas les progrès faits ces dernières années en la matière, mais nous devons aller plus loin encore, car voter la loi ne saurait être le premier et le dernier geste du Parlement.

Nos sociétés sont devenues trop complexes et trop rapides pour qu’un texte de loi produise ses pleins effets sans se heurter lui-même au principe de réalité. La voix des citoyens concernés par les textes que vous votez ne saurait être perçue comme attentatoire à la dignité du législateur. Elle est la vie, elle est le réel. Elle est ce pour quoi vous œuvrez, nous œuvrons. C’est pourquoi bien suivre l’application d’une loi, s’assurer de sa pertinence dans la durée, de ses effets dans le temps pour la corriger ou y revenir est aujourd’hui devenu une ardente obligation.

Pour toutes ces raisons, je souhaite qu’une évaluation complète de tous les textes importants, comme aujourd’hui celles sur le dialogue social ou encore sur la lutte contre le terrorisme, dont nous avons récemment jeté les bases, soit menée dans les deux ans suivant leur mise en application.

Il est même souhaitable qu’on évalue l’utilité des lois plus anciennes afin d’ouvrir la possibilité d’abroger des lois qui auraient par le passé été trop vite adoptées, mal construites, ou dont l’existence aujourd’hui représenterait un frein à la bonne marche de la société française.

Enfin, le rythme de conception des lois doit savoir répondre aux besoins de la société. Il est des situations d’urgence que le rythme propre au travail parlementaire ne permet pas de traiter suffisamment vite. Songez à l’encadrement des pratiques issues du numérique en matière de protection des droits d’auteur, de la vie privée de nos concitoyens ou de la sécurité nationale. Notre temps collectif est aujourd’hui trop lent. Il faut qu’au temps long du travail législatif, que je viens d’évoquer, soit ajoutée la faculté d’agir vite. Ainsi, la navette pourrait être simplifiée. Je pense même que vous devriez pouvoir, dans les cas les plus simples, voter la loi en commission. Tout cela, vous y avez pour nombre d’entre vous beaucoup travaillé ; tout cela doit être sérieusement étudié, mais pour désormais le faire.

Je n’ignore rien des contraintes qui pèsent sur vous. Le manque de moyens, le manque d’équipes, le manque d’espace contrarient en partie les impératifs d’efficacité que je vous soumets. Pour cela, il est une mesure depuis longtemps souhaitée par nos compatriotes qu’il me semble indispensable de mettre en œuvre : la réduction du nombre de parlementaires.

Un Parlement moins nombreux, mais renforcé dans ses moyens, c’est un Parlement où le travail devient plus fluide, où les parlementaires peuvent s’entourer de collaborateurs mieux formés, plus nombreux. C’est un Parlement qui travaille mieux.

C’est pourquoi je proposerai une réduction d’un tiers du nombre de membres des trois assemblées constitutionnelles. Je suis convaincu que cette mesure aura des effets favorables sur la qualité générale du travail parlementaire. Les Français, pour leur majeure partie, en sont également certains. Cette réforme indispensable, qui devra être conduite en veillant à la juste représentation de tous les territoires de la République – hexagonaux et ultramarins – n’a pas pour but de nourrir l’antiparlementarisme ambiant, bien au contraire. Elle vise à donner aux élus de la République plus de moyens et plus de poids.

Le devoir d’efficacité ne saurait peser seulement sur le Parlement. L’exécutif doit en prendre sa part. Et d’abord, précisément, vis-à-vis du Parlement. C’est pourquoi, mesdames et messieurs les parlementaires, j’ai voulu vous réserver, et à travers vous, aux Français, ma première expression politique depuis mon élection.

Trop de mes prédécesseurs se sont vu reprocher de n’avoir pas fait la pédagogie de leur action ni d’avoir exposé le sens et le cap de leur mandat. Trop d’entre eux, aussi, ont pris des initiatives dont le Parlement n’était que secondairement informé, pour que je me satisfasse d’en reconduire la méthode. Tous les ans, je reviendrai donc devant vous pour vous rendre compte.

Si la considération et la bienveillance que cela traduit à l’égard du Parlement apparaissent à certains comme une dérive condamnable, c’est sans doute qu’ils ont de leur rôle de parlementaire et du rôle du Président de la République une conception vague que masquent mal l’arrogance doctrinaire ou le sectarisme. Il est toujours préoccupant que des représentants du peuple se soustraient aux règles de la constitution qui les a fait élire. Sieyès et Mirabeau ne désertèrent pas si promptement, je crois, le mandat que leur avait confié le peuple.

Le Président de la République doit fixer le sens du quinquennat ; c’est ce que je suis venu faire devant vous. Il revient au Premier ministre, qui dirige l’action du Gouvernement, de lui donner corps. C’est à lui qu’incombe la lourde tâche d’assurer la cohérence des actions, de conduire les transformations, de rendre les arbitrages et, avec les ministres, de vous les présenter. Je souhaite que cette responsabilité ait un sens. C’est pourquoi je demanderai au Premier ministre d’assigner à chacun des objectifs clairs dont, annuellement, il lui rendra compte.

De même, l’efficacité commande que les ministres soient au cœur de l’action publique et retrouvent avec leur administration un contact plus direct. La réduction, que j’ai voulue à dix, du nombre de collaborateurs de cabinet, comme le renouvellement de l’ensemble des directeurs d’administration centrale répondent à cette priorité. Il s’agit de rendre aux directeurs d’administration disposant de la pleine confiance du Gouvernement la connaissance directe de la politique qu’ils auront à mettre en œuvre, et de partager, au sein du Gouvernement et de toute l’administration, cette responsabilité dont le peuple nous a fixé le cap. Soumis eux-mêmes à l’obligation de résultat par la feuille de route qui les lie au Premier ministre, les ministres ne perdront pas de vue pour autant les conditions de mise en œuvre de leur politique.

À cet effet, je veux une administration plus déconcentrée, qui conseille plus qu’elle ne sanctionne, qui innove et expérimente plus qu’elle ne contraigne. Tel est le cercle vertueux de l’efficacité. C’est cette administration qui doit redonner à tous les territoires les moyens d’agir et de réussir. Car, à la fin, notre démocratie ne se nourrit que de l’action et de notre capacité à changer le quotidien et le réel.

Le souci d’efficacité ne suffira pas à rendre à notre démocratie l’oxygène dont, trop longtemps, elle fut privée. S’il faut en finir avec la République inefficace, il faut en finir aussi bien avec la République du souffle court, des petits calculs, de la routine. Nous ne retrouverons la respiration profonde de la démocratie que dans le renouement avec la variété du réel, avec la diversité de cette société française à l’écart de laquelle nos institutions se sont trop soigneusement tenues, n’admettant le changement que pour les autres, mais pas pour elles. La réalité est plurielle ; la vie est plurielle. Le pluralisme s’impose à nos institutions, qui s’affaiblissent dans l’entre-soi.

Nous avons fait entrer ici la grande diversité française. Elle est sociale, professionnelle, géographique, de genre et d’origine, d’âge et d’expériences, de croyances et d’engagements. Elle constitue un alliage inédit de compétences et de destins, dont vous êtes aujourd’hui les visages. Nous ne l’avons pas composée comme un nuancier savant : nous avons simplement ouvert les portes aux citoyens auxquels le monde politique refusait l’accès.

Je souhaite que ce renouvellement scelle le retour du débat que n’aveuglent pas les dogmes, du partage d’idées que ne dénature pas le caporalisme. C’est aussi pour cela que je crois à la vertu du pluralisme, au respect plein et entier des oppositions. Non parce qu’il s’agirait d’un usage, mais parce que c’est la dignité du débat démocratique. Cela sera notre ardente responsabilité.

La représentativité reste toutefois un combat inachevé dans notre pays. Je souhaite le mener avec vous résolument. Je proposerai ainsi que le Parlement soit élu avec une dose de proportionnelle pour que toutes les sensibilités y soient justement représentées.

C’est à cette même fin que nous limiterons le cumul des mandats dans le temps pour les parlementaires. Il s’agit là de la clef de voûte d’un renouvellement qui ne se produira pas sous la pression de l’exaspération citoyenne mais deviendra le rythme normal de la respiration démocratique. Les parlementaires eux-mêmes verront dans leur mandat une chance de faire avancer le pays et non plus la clef d’un cursus à vie.

Il est d’autres institutions de la République que le temps a figées dans les situations acquises, quand le sens véritable de leur mission eût été d’incarner le mouvement vivant de la société française. Le Conseil économique, social et environnemental est de celles-là. Sa mission était de créer entre la société civile et les instances politiques un trait d’union, fait de dialogue constructif et de propositions suivies d’effets.

Cette intention fondatrice s’est un peu perdue. Je souhaite que l’on renoue avec elle. Le Conseil économique, social et environnemental doit devenir la Chambre du futur, où circuleront toutes les forces vives de la nation. Pour cela, nous devons, tout en réduisant le nombre de ses membres d’un tiers, revoir de fond en comble les règles de sa représentativité.

Celle-ci étant acquise, nous ferons de cette assemblée le carrefour des consultations publiques, et le seul. L’État ne travaille pas, ne réforme pas sans consulter. C’est bien normal. Mais les instances de consultation se sont multipliées, au point que nous ne savons même plus les dénombrer. Elles ont toutes leur justification, elles représentent une part vibrante de la société civile. Mais c’était le rôle initial du Conseil économique, social et environnemental. En le réformant, nous en ferons l’instance unique de consultation prévue par tous nos textes. Cela sera un élément d’une plus grande représentativité de notre société civile, et dans le même temps, un élément de simplification de nos procédures, de simplification de la fabrique de la loi.

Ce conseil doit pouvoir devenir le forum de notre République, réunir toutes les sensibilités et toutes les compétences et donner un lieu à l’expression de toutes les sensibilités du monde de l’entreprise et du travail – des entrepreneurs comme des syndicats, des salariés comme des indépendants –, mais aussi des associations et des organisations non gouvernementales.

Dans le même temps, je souhaite que le droit de pétition soit revu afin que l’expression directe de nos concitoyens soit mieux prise en compte et que les propositions des Français puissent être présentées, dans un cadre défini et construit, à la représentation nationale. Là aussi, il y va de la représentativité de notre démocratie. Une représentativité qui vivrait, non pas seulement une fois tous les cinq ans, mais au quotidien, dans l’action du législateur.



 


Fondé sur une représentativité plus grande, animé par le souci d’efficacité, le débat démocratique, et plus particulièrement le débat parlementaire, retrouvera, j’en suis sûr, sa vitalité. Le désir d’agir et de faire avancer la société reprendra son rang premier au sein de nos institutions et il rejoindra cet autre principe souverain dont trop souvent nous nous sommes départis, celui de responsabilité.

Une activité parlementaire revivifiée par un cap clair, des débats mieux construits, c’est un Parlement plus apte à exercer sa mission de contrôle, sans laquelle la responsabilité de l’exécutif ne vit pas, est affaiblie. Je souhaite qu’au Parlement la majorité comme les oppositions puissent avoir encore davantage de moyens pour donner un contour et une exigence à la responsabilité politique de l’exécutif.

Les ministres eux-mêmes doivent devenir comptables des actes accomplis dans leurs fonctions ordinaires. C’est pour cette raison que je souhaite la suppression de la Cour de justice de la République. Il faudra trouver la bonne organisation, mais nos concitoyens ne comprennent plus pourquoi seuls les ministres pourraient encore disposer d’une juridiction d’exception.

Faire vivre la responsabilité partout dans nos institutions, c’est aussi assurer l’indépendance pleine et entière de la justice. C’est une ambition qui doit demeurer, malgré les impasses et les demi-échecs rencontrés dans le passé. Je souhaite que nous accomplissions enfin cette séparation de l’exécutif et du judiciaire, en renforçant le rôle du Conseil supérieur de la magistrature, et en limitant l’intervention de l’exécutif dans les nominations des magistrats du parquet. À tout le moins, le Conseil supérieur de la magistrature devrait donner un avis conforme pour chacune des nominations de ces magistrats.

C’est un changement profond des pratiques et des règles que j’appelle de mes vœux. Je ne méconnais pas l’évolution institutionnelle et constitutionnelle que cela requiert. C’est pourquoi je demanderai à Mme la garde des sceaux et aux ministres compétents, ainsi qu’aux présidents des deux chambres, de me faire, pour l’automne, des propositions concrètes permettant d’atteindre cet objectif.

Je souhaite que la totalité des transformations profondes que je viens de détailler et dont nos institutions ont cruellement besoin soit parachevée d’ici un an et que l’on se garde des demi-mesures et des aménagements cosmétiques. Ces réformes seront soumises à votre vote mais, si cela est nécessaire, je recourrai au vote de nos concitoyens par voie de référendum.

Car il s’agit ici de rien moins que retisser entre les Français et la République le rapport qui s’est dissous dans l’exercice mécanique du pouvoir. Je veux réveiller avec vous le sens du pacte civique. Je veux que l’efficacité, la représentativité et la responsabilité fassent émerger clairement et fortement une République contractuelle. La confiance accordée y va de pair avec les comptes qu’on rend. L’action s’y déploie dans un cadre partagé entre le mandataire et le mandant, et non au fil des circonstances. C’est cela, le sens de ce contrat social qui fonde la République.

Ce que nous ferons pour les institutions de la République, je souhaite le faire aussi pour nos territoires. Ne redoutons pas de nouer avec les territoires des accords de confiance.

Nous savons tous combien notre France est diverse et combien est importante l’intimité des décideurs publics avec le terrain de leur action. La centralisation jacobine traduit trop souvent la peur élémentaire de perdre une part de son pouvoir. Conjurons-la. Osons expérimenter et déconcentrer, c’est indispensable pour les territoires ruraux comme pour les quartiers difficiles. Osons conclure avec nos territoires et nos élus de vrais pactes girondins, fondés sur la confiance et la responsabilité.

La Conférence des territoires, qui sera bientôt lancée et sera conduite par le Premier ministre, répond à cette préoccupation. Il ne s’agira pas uniquement d’une conférence budgétaire ou financière, mais aussi de trouver ensemble les moyens d’adapter nos politiques aux réalités locales – je pense en particulier aux collectivités d’outre-mer, qui doivent avoir tous les moyens pour réussir.

C’est ce même esprit de confiance qui fonde cette République contractuelle que, d’ores et déjà, nous faisons avancer dans la société et le monde du travail en donnant à celles et ceux qui sont au plus près de la réalité de l’entreprise une capacité plus grande à en réguler le quotidien, non dans le rapport de forces, mais dans un cadre convenu et partagé.

Nous savons tous et toutes que la confiance exige un soin plus grand que l’usage unilatéral de l’autorité. Nous savons aussi qu’elle produit de plus grands résultats et qu’elle suscite cette concorde sans laquelle il n’est pas de vie civile supportable. La France a vécu assez d’épreuves et connu assez de grandeurs pour n’être pas ce peuple-enfant que l’on berce d’illusions. Chaque Français a sa part de responsabilité et son rôle à jouer dans la conquête à venir. En retrouvant l’esprit de nos institutions, nous redonnerons à la nation tout entière le sentiment de retrouver la maîtrise de son destin et la fierté de reprendre en main le fil de son histoire. C’est la condition même de la réconciliation de notre pays.

Pour être au rendez-vous que le peuple nous a donné, il ne nous est pas permis d’attendre. C’est pourquoi j’aurai besoin, pour notre République, de la mobilisation de tous autour de quelques grands principes d’action. Il ne s’agit pas ici, pour moi, de décliner l’action du Gouvernement, comme certains se plaisent à le craindre ou à le souhaiter. C’est la tâche du Premier ministre, c’est le sens même et la force de nos institutions. Et je n’égrènerai pas non plus, ici, tous les secteurs, les métiers et les territoires. Que chacun sache néanmoins que ces grands principes valent pour tous.

Le premier principe doit être la recherche d’une liberté forte. En matière économique, sociale, territoriale, culturelle, notre devoir est d’émanciper nos concitoyens, c’est-à-dire de leur permettre de ne pas subir leur vie mais bien d’être en situation de la choisir, de pouvoir « faire » là où, trop souvent, nos règles entravent au prétexte de protéger.

Je crois à cet esprit des Lumières qui fait que notre objectif, à la fin, est bien l’autonomie de l’homme libre, conscient et critique. Trop de nos concitoyens aujourd’hui se sentent encore prisonniers de leurs origines sociales, de leur condition, d’une trajectoire qu’ils subissent. Or l’enclavement, l’isolement, l’absence d’accès aux transports et à toutes les formes de nécessité de ce siècle nouveau assignent à résidence des millions de nos compatriotes. La liberté forte que nous avons à bâtir, c’est ce combat pour toutes les mobilités, ce combat pour les accès, ce combat pour que nul de nos concitoyens ne soit exclu des voies du progrès, du droit de faire, d’essayer, pour échouer peut-être, ou pour réussir. C’est le combat de la mobilité économique et sociale par le travail et par l’effort pour tous nos concitoyens, quels que soient leur quartier, leur prénom et leur origine. C’est le combat pour l’égalité pleine entre les femmes et les hommes, ce beau combat dont notre pays a perdu, il y a quelques jours à peine, une figure essentielle en Mme Simone Veil.

La liberté forte, c’est la liberté de choisir sa vie. Car la liberté est ce qui réconcilie, précisément, la justice et l’efficacité, la possibilité de faire et l’égalité vraie, la liberté d’expérimenter, de se tromper et d’essayer encore. On n’embarque plus dans son existence pour un voyage au long cours. Nos vies sont explorations, tentatives, recherche. Sachons inventer cette liberté-là avec les nouvelles protections individuelles qui l’accompagnent, en assurant l’éducation, la formation et les sécurités utiles aux grandes étapes de la vie, précisément pour construire une existence.

C’est tout le sens des transformations économiques et sociales profondes que le Gouvernement aura à conduire dans les prochains mois : libérer et protéger, permettre d’innover en construisant une place pour chacun. Et je souhaite qu’il ne cède rien aux fausses promesses, ni à celle d’une liberté qui oublierait toutes les sécurités individuelles car, à la fin, elle promet le malheur, ni à la société des statuts, qui, au nom des règles acquises, prétend protéger, quand tant et tant sont au bord de la route, quand le chômage est au niveau que l’on connaît et l’exclusion là où elle est. Vouloir la liberté forte, c’est tout cela.

En ces temps de terrorisme, vouloir la liberté forte, c’est assurer la sécurité de chacun et garantir le plein respect des libertés individuelles. Je veux ici vous parler avec franchise de ce que, trop souvent, on n’ose pas nommer : le terrorisme islamiste et les moyens de le combattre.

Que devons-nous aux victimes ? Que devons-nous à nos compatriotes qui sont morts ? Que devons-nous à la France endeuillée par ces assassinats marqués du sceau de la lâcheté, de la bêtise, de l’aveuglement ? Certainement pas de nous limiter à l’esprit victimaire ou à la seule commémoration. Nous leur devons la fidélité à nous-mêmes, à nos valeurs, à nos principes. Renoncer, c’est concéder au nihilisme des assassins sa plus belle victoire.

D’un côté, je rétablirai les libertés des Français en levant l’état d’urgence à l’automne, parce que ces libertés sont la condition de l’existence d’une démocratie forte. Parce que les abandonner, c’est apporter à nos adversaires une confirmation que nous devons leur refuser. De tout temps, les adversaires de la démocratie ont prétendu qu’elle était faible et que, si elle voulait combattre, il lui faudrait bien abandonner ses grands principes. C’est exactement le contraire qui est vrai. Le code pénal tel qu’il est, les pouvoirs des magistrats tels qu’ils sont, peuvent, si le système est bien ordonné, bien organisé, nous permettre d’anéantir nos adversaires. Donner en revanche à l’administration des pouvoirs illimités sur la vie des personnes, sans aucune discrimination, n’a aucun sens, ni en termes de principes, ni en termes d’efficacité.

Mais, d’un autre côté, je souhaite que le Parlement puisse voter ces dispositions nouvelles qui nous renforceront encore dans notre lutte. Elles devront viser explicitement les terroristes, à l’exclusion de tous les autres Français. Elles comporteront des mesures renforcées, mais qui seront placées sous la surveillance du juge, dans le respect intégral et permanent de nos exigences constitutionnelles et de nos traditions de liberté.

La démocratie n’a pas été conçue simplement pour les temps calmes. Elle vaut surtout pour les moments d’épreuve. Il est là, le chemin de l’efficacité, et c’est le même chemin que celui des valeurs. Un pays rassemblé, uni autour de ses principes, une société pleinement consciente de ce qui la fonde sont invincibles. Tel est exactement le sens profond des textes que vous aurez à examiner. Ils visent à nous libérer de la peur, de l’aliénation à la volonté de nos adversaires. Nous travaillerons à prévenir tout nouvel attentat, et nous travaillerons à les réprimer, sans pitié, sans remords, sans faiblesse, avec d’autant plus de force que nous n’aurons cédé sur rien de ce qui nous constitue. J’en prends ici l’engagement devant vous et, au-delà, devant le peuple français.

Répondre aux terroristes, ce n’est pas changer notre Constitution chaque matin, ce n’est pas renoncer aux principes de notre République. Parce que, rappelons-le, c’est au plus fort de la guerre d’Algérie qu’a été construite, écrite et votée cette disposition de notre Constitution qui prévoit, précisément, que l’autorité judiciaire est la gardienne de nos libertés. Alors montrons-nous dignes, aujourd’hui, de la fermeté d’âme de ceux qui nous ont précédés dans les épreuves.

Enfin, la liberté forte, c’est toujours, en France, la liberté de conscience, c’est-à-dire la liberté intellectuelle, morale, spirituelle. De cette liberté, la France doit être l’indispensable havre. L’éducation et la culture en sont les clés. Elles sont au cœur de notre action car, en cette matière, rien n’est jamais acquis. Les progrès de l’obscurantisme nous rappellent ainsi à l’idéal des Lumières. La laïcité en est l’indispensable corollaire. À ces principes et à ces ambitions, la République a su ne rien céder car ils sont la condition même de l’autonomie de nos concitoyens.

De cette culture libérale, ouverte, généreuse, nous devons refaire ensemble la singularité de la France, car c’est par là que toujours elle sut rayonner. Au sein de la culture mondialisée et dont on observe la prolifération parfois inquiétante, la voix de la France et de la culture française doivent occuper une place éminente, associant tous les Français de métropole et d’outre-mer.

Mais cette liberté ne se tiendrait pas si notre deuxième principe d’action n’était de retrouver le socle de notre fraternité. Notre peuple n’est pas formé d’un peu plus de soixante millions d’individus qui cohabiteraient. Il est indivisible, précisément parce que ce qui le tient est plus fort que de simples règles ou des organisations. C’est un engagement chaque jour répété qui fait que notre citoyenneté n’est jamais abstraite et froide, mais qu’elle est pleine et entière par ce lien fraternel qui nous unit et dont nous devons retrouver la vigueur.

L’un des drames de notre pays, c’est que cet engagement est tout simplement impossible pour ceux que les dysfonctionnements de nos systèmes sclérosés rejettent en permanence à ses marges. Il nous reviendra, au cours de ce quinquennat, de prendre la vraie mesure de cette question, de redéfinir nos moyens d’action, sans nous laisser arrêter par de vieilles habitudes, en associant l’État, les collectivités, les associations, les fondations, l’ensemble des Françaises et des Français engagés – bien souvent bénévoles –, et toutes les entités qui, privées ou publiques, œuvrent à l’intérêt général et pour la dignité des personnes. Nous devons substituer à l’idée d’aide sociale, à la charité publique, aux dispositifs parcellaires, une vraie politique de l’inclusion de tous. La représentation nationale y trouvera un enjeu, un défi à sa mesure.

Ne vous y trompez pas : cette question est sans doute la plus profonde, la plus sérieuse qui soit. Parce que notre société est aujourd’hui divisée entre, d’un côté, les égoïsmes tentés par les sirènes de la mondialisation, qui voudraient faire croire que l’on peut réussir à quelques-uns, que les nomades, en quelque sorte, dicteraient leur loi, et, de l’autre côté, les donneurs de leçons, les tenants d’une morale sans bras, qui voudraient que l’on oublie toutes les contraintes du réel pour s’occuper d’une partie de la société.

Il n’y aura pas de réussite française si chacune, chacun n’a pas sa place, si toutes celles et ceux qui vivent dans la pauvreté – pour mettre un nom sur cette réalité –, dans la misère, dans l’exclusion, qui sont privés de cette route auguste que peuvent emprunter quelques-uns n’ont pas aussi leur place. C’est notre devoir. Cela passera par des réformes économiques et sociales profondes sur lesquelles vous aurez à prendre des décisions et que vous aurez à voter. Elles sont indispensables, et elles permettront de raviver cette énergie sans laquelle notre société n’est rien. Mais il faudra aussi savoir trouver, pour ce que Georges Bataille appelait notre « part maudite », une place, une considération, une vraie réponse, enfin. (Applaudissements.)

Car le sentiment d’appartenance, en définitive, existe moins qu’auparavant. Nos sociétés modernes ont tendance à se fractionner au gré des intérêts, des égoïsmes, des idées de chacun. Là encore, il nous revient, dans l’action publique, de résister aux forces de division, aux effets de dislocation qui sont à l’œuvre et qui ne sont aucunement invincibles pour peu qu’on s’en donne les moyens. Aussi notre solidarité doit-elle retrouver des formes concrètes.

L’école en est le premier creuset ; notre université, ensuite ; nos familles, également ; notre culture. La langue, l’accès au savoir, l’ouverture à des possibles qui nous rassemblent forgent un peuple. Ces solidarités organiques, que nous avons mésestimées, sont aussi ce qui tient notre société. Face à la crise morale et de civilisation que nous vivons, nous devons savoir forger à nouveau ces solidarités profondes et un imaginaire puissant et désirable où chacun trouvera sa place. Telle est aussi la réponse que nous devons apporter à ce qui corrompt la société.

Je parlais tout à l’heure du terrorisme islamiste. Il faut bien sûr y apporter une réponse sécuritaire, mais celle-ci ne servira à rien, elle ne sera qu’une poursuite de chaque jour, si par l’éducation, la culture, la morale profonde – au sens plein du terme – qui doit infuser notre société, notre imaginaire collectif et nos solidarités, à nouveau, nous ne décidons pas de rebâtir ce qui nous tient comme un peuple un, ce peuple dont l’histoire constitue l’énergie profonde, ce grâce à quoi il s’est relevé de tant et tant de drames, sans jamais s’affaisser.

La réponse à tout ce que nous vivons, ce ne sont ni des lois ni des règlements ; c’est cette dignité collective retrouvée, c’est cette volonté de faire à chaque instant. C’est cette responsabilité de chacune et chacun, dans la société, de redonner du sens, de savoir qui nous sommes, pourquoi nous sommes là, ce qui nous tient, d’avoir à chaque instant en tête la nature du défi qui est le nôtre et de ne rien céder à la lèpre de l’esprit du moment, l’esprit de la division, de l’accusation. C’est tout cela qui durera : ce qui nous dépasse, ce qui nous a faits, ce qui nous a forgés.

Le troisième principe d’action de notre mobilisation sera de redonner place à l’intelligence française.

Par intelligence, j’entends évidemment les grandes découvertes, les chercheurs, nos grands physiciens, nos grands médecins, les inventeurs, les innovateurs, tout ce qui et a fait et fait encore la fierté de notre pays. Elle est là, encore présente, forte, dans tous les territoires. Il nous faut la reconnaître, la montrer ; il nous faut savoir la célébrer là où trop de fois nous avons préféré jalouser.

Je pense aux écrivains, aux philosophes, aux historiens, aux cinéastes qui continuent d’apporter au monde ce regard libre de préjugés qui fait notre force ; je pense aux peintres et aux musiciens qui remettent, au fond, la politique à sa juste place en nous faisant entrevoir un au-delà de l’existence immédiate qui rend à la condition humaine sa grandeur, sa beauté, souvent son tragique.

Redonner toute sa place à l’intelligence française, c’est aussi se refuser à toutes ces incohérences qui nous minent. Et nous n’y parviendrons qu’au prix d’un véritable effort de réflexion collective. Nous ne pouvons pas, par exemple, continuer d’affirmer hautement notre attachement aux principes de l’asile tout en nous abstenant de réformer en profondeur un système qui, débordé de toutes parts, ne permet pas un traitement humain et juste des demandes de protection émanant d’hommes et de femmes menacés par la guerre et la persécution – ceux qu’on appelait en 1946 les « combattants de la liberté ».

Redonner sa place à l’intelligence française, c’est faire de notre pays le centre d’un nouveau projet humaniste pour le monde, le lieu où l’on concevra, créera une société qui retrouve ses équilibres : la production et la distribution plutôt que l’accumulation par quelques-uns, l’alimentation saine et durable, la finance équitable, le numérique au service de l’homme, la fin de l’exploitation des énergies fossiles et la réduction des émissions de polluants. Et nous le ferons non pas parce que c’est à la mode ou pour faire plaisir à quelques-uns, mais parce que c’est ce niveau d’ambition qui a toujours été le nôtre. C’est précisément quand le quotidien est difficile, quand il faut réconcilier tant de contraires et que les égoïsmes court-termistes incitent à l’inaction que nous devons aller de l’avant, définir un cap, le tenir, et inviter le monde à le suivre, car telle est la vocation de la France.

La France n’est pas un pays qui se réforme ; il serait faux de l’affirmer. Pardonnez-moi, monsieur le Premier ministre, de vous annoncer aujourd’hui, devant le Congrès, cette mauvaise nouvelle. (Sourires.)

La France est un pays qui résiste aussi longtemps qu’il est possible de ne pas réformer, un pays qui se cabre quand on lui parle mal, quand on ne lui explique pas, quand on ne le respecte pas, quand on ne parle pas à sa dignité et à son intelligence. Mais c’est un pays qui, face à chacun des défis qui auraient dû l’abattre, s’est profondément transformé, a su trouver en lui-même ce sens de l’histoire de l’humanité qui l’a fait. Tel est aujourd’hui votre défi, notre défi.

Vous passerez, nous passerons sans doute des jours et des nuits sur des sujets qui touchent le quotidien de nos concitoyens et qui auront chacun leur importance. Ce sera néanmoins chaque fois ce cap, cet horizon que nous devrons avoir à l’esprit.

Redonner sa place à l’intelligence française, enfin, c’est comprendre que les Français sont, précisément, assez intelligents pour faire leur chemin tout seuls. Il faudrait désintoxiquer de l’interventionnisme public non pas les Français, mais l’État lui-même. Il faut évidemment protéger les plus faibles, en particulier dans le droit du travail. Il faut bien entendu reconnaître la part essentielle de nos services publics et de tous nos fonctionnaires qui, jour et nuit, sans ménager leur énergie, font justement la force de notre pays. Mais protéger les plus faibles, ce n’est pas les transformer en mineurs incapables, en assistés permanents de l’État, de ses mécanismes de vérification et de contrôle. C’est au contraire leur redonner les moyens de peser efficacement – et seuls – sur leur destin. Tout sera fait pour rendre aux Français cette autonomie qu’on leur a disputée puis confisquée. Redonner sa place à l’intelligence française, c’est permettre à chacun, à chaque territoire, de réussir, de s’engager.

J’en viens à présent au dernier principe de l’action que j’entends mener : construire la paix.

Nous le savons, ce monde dans lequel nous dessinons pour la France un chemin à la fois neuf et fidèle à sa vocation ancienne est un monde dangereux. Notre environnement, y compris notre environnement proche, se caractérise par l’accumulation des menaces. C’est bien l’ombre de la guerre qui, à chaque nouvelle crise, se profile.

La déflagration mondiale n’est plus le spectre que seuls les pessimistes brandissent : elle est pour les réalistes une hypothèse sérieuse. Les affirmations de puissance reviennent ou émergent. Les mouvements terroristes se développent dans de multiples régions, avec des moyens qui augmentent leur capacité de nuisance. Ils sont là, au sein même de nos sociétés. Les guerres régionales atteignent des degrés nouveaux de barbarie. Les alliances d’hier s’effritent, l’ordre multilatéral doute de lui-même, et les régimes autoritaires ou les démocraties illibérales fleurissent. L’espace cybernétique propage et amplifie les instruments de ces guerres du tout contre tous. La dérive du monde impose son rythme erratique, ses excès en tous genres, détruisant l’homme, le déracinant, effaçant sa mémoire, bousculant son imaginaire.

Tel est le monde dans lequel aujourd’hui nous vivons. Il ne s’agit pas de l’appréhender avec un pessimisme défait. Non, cet état nous impose plutôt des devoirs – les plus graves, sans doute, qu’une nation ait à assumer –, en particulier celui de maintenir ouverte partout la voie de la négociation, du dialogue et de la paix face aux entreprises les plus sinistres.

La vocation de la France, sa fidélité à son histoire, est de savoir construire la paix et promouvoir la dignité des personnes. C’est pourquoi, partout, nous devons agir d’abord pour protéger nos intérêts et, au premier chef, notre sécurité. C’est ce qui m’a conduit à réaffirmer notre engagement au Sahel comme au Levant, pour lutter contre le terrorisme et contre tous les fanatismes, dans notre intérêt comme dans celui des peuples concernés. Et je sais l’engagement de nos armées chaque jour depuis tant de mois.

Une telle action ne peut cependant être efficace que si elle s’inscrit dans la durée, si elle vise, donc, à construire les solutions politiques permettant la sortie de crise. Cela suppose de savoir, dans toutes ces régions, parler avec toutes les puissances, y compris celles qui ne partagent pas nos buts ou nos valeurs, afin de trouver une issue et la construire. Je ne vous proposerai pas de nous substituer à d’autres peuples, au prétexte d’imposer ailleurs nos principes ou nos valeurs, car je ne veux pas qu’apparaissent de nouveaux États faillis.

Toujours la France doit respecter, en même temps qu’elle lutte contre le terrorisme et tous les excès, en même temps qu’elle protège sa propre sécurité et ses valeurs, la souveraineté des peuples. Mais partout où les libertés ne sont pas respectées nous œuvrerons, à travers notre diplomatie et nos actions de développement, afin d’aider les minorités ; nous travaillerons au service des sociétés pour le respect des droits.

Cela suppose un travail exigeant, parfois long et ingrat, qui impose de replacer la France au cœur du dialogue entre les nations. C’est depuis plusieurs semaines ce que je m’emploie à faire, du Mali à l’Ukraine et à la Syrie, en passant par le Golfe, en échangeant en profondeur avec tous les dirigeants du monde. La France doit partout contribuer à bâtir ou rebâtir des équilibres multiples, même si parfois ils demeurent fragiles.

Notre outil militaire, dans ce contexte, revêt une importance majeure. J’ai déjà ordonné une revue stratégique de défense et de sécurité. Avec comme fils directeurs les principes d’indépendance et d’autonomie de décision, nos armées assureront les missions que je leur ai confiées : la dissuasion, clé de voûte de notre sécurité ; la protection de nos concitoyens et de nos intérêts ; l’intervention là où le respect du droit et la stabilité internationale sont menacés. La prévention des crises et leur résolution seront gérées de manière globale, en n’oubliant jamais que seuls la stabilisation et le développement permettent de créer les conditions d’une paix durable. Nos forces armées sont les conditions de cette capacité de dialogue, de cette crédibilité française et de cette capacité, partout, à construire la paix.

Cette indépendance que j’appelle de mes vœux ne veut pas dire pour autant solitude. La France sera fidèle à toutes ses alliances. Les prochaines années seront pour nos armées celles d’un renouvellement stratégique et tactique. Je sais qu’elles y sont prêtes car elles sont aux avant-postes du monde tel qu’il va, avec cette vigilance et cet engagement qui font honneur à notre pays.

Vous le voyez, les menaces n’ont jamais été si grandes, et l’ordre multilatéral est sans doute plus fragilisé qu’il ne l’a jamais été, divisé, bousculé, alors qu’il est plus que jamais nécessaire. Dans les années à venir, le rôle de la France sera de défendre la sécurité, l’égalité face aux excès, les libertés, la planète face au réchauffement climatique, tout ce qui constitue notre bien commun universel et qui aujourd’hui, dans trop d’endroits, est remis en cause.

Touchez du doigt le moment inédit que nous vivons. Nous nous sommes bâtis, depuis le XVIIIe siècle, sur un équilibre que nous pensions de toute éternité, entre des démocraties fondées sur des valeurs libérales, sur nos libertés, une économie de marché qui permettait le progrès des classes moyennes. Tout cela est aujourd’hui profondément bousculé, transformé, menacé. Des régimes autoritaires réussissent dans l’économie de marché, tandis que des démocraties, que nous croyions hier des alliées de toujours, menacent l’ordre international, se mettent à douter de leurs propres règles. Notre vocation, notre rôle aujourd’hui, c’est précisément, plus encore qu’hier, de les rappeler, de les porter, de les faire, de les tenir. Ce sera cela, mon cap, notre cap, et aucun autre.

Ce cours du monde vient en quelque sorte éprouver notre résistance et notre cohérence. C’est, à titre d’exemple, ce que nous vivons avec les grandes crises migratoires qui traversent aujourd’hui l’Afrique, la Méditerranée, et à nouveau l’Europe. Les mois prochains, nous aurons des décisions difficiles à prendre. Nous devons mieux prévenir ces crises, par une politique de sécurité et de développement ambitieuse dans toutes les zones de fragilités et de conflits – nous devons réexpliquer et agir, dans toutes les régions que la guerre, mais aussi le réchauffement climatique déstabilisent –, mais nous devons aussi mieux endiguer ces grandes migrations par une politique de contrôle et de lutte contre les trafics de personnes. Il faut pour cela, de manière coordonnée en Europe, mener une action efficace et humaine qui nous permette d’accueillir les réfugiés politiques courant un risque réel – car ce sont là nos valeurs –, sans les confondre avec les migrants économiques et sans abandonner l’indispensable maîtrise de nos frontières.

Pour réussir à tenir ce cap, nous avons besoin d’une Europe plus forte et refondée. Plus que jamais nous avons besoin de l’Europe ; or, là aussi, plus que jamais, sans doute, elle est affaiblie par les divisions et par le doute qui s’est installé dans notre peuple. Pourtant, l’Europe est chez nous autant que nous sommes en Europe, parce qu’il est impossible de penser notre destinée continentale autrement qu’au travers du projet européen.

L’Europe, c’est nous ; c’est un projet de paix, de liberté, de progrès, qui a été pensé et mis en œuvre avec courage par des générations qui nous ont précédés et ont vécu la guerre. Et nous voudrions aujourd’hui oublier tout cela, considérer que, face aux divisions, face au Brexit et à tant de soubresauts de l’histoire, la réponse résiderait dans une diminution encore plus grande, dans une forme d’abandon, dans un bégaiement de l’histoire. Négliger l’Europe, s’habituer à la conchier, à en faire le coupable de tous nos maux, c’est trahir ces générations qui nous ont précédés, c’est trahir ce qui fait qu’aujourd’hui, là où nous sommes, nous pouvons librement débattre de l’Europe, pour l’aimer ou pas. Mais négliger l’Europe, s’habituer à n’en faire qu’un objet de négociations techniques, c’est aussi, en quelque sorte, abdiquer notre histoire et diminuer la France. La construction européenne est aujourd’hui également – force est de le constater –, fragilisée par la prolifération bureaucratique, par le scepticisme croissant qui en découle. Je crois fermement à l’Europe, mais je ne trouve pas toujours ce scepticisme injustifié.

C’est pourquoi je vous propose de reprendre de la hauteur, de sortir de la tyrannie des agendas et des calendriers, des méandres de la technique. La décennie qui vient de s’achever a été pour l’Europe une décennie cruelle. Nous avons géré des crises mais nous avons perdu le cap. C’est pourquoi il revient à une génération nouvelle de dirigeants de reprendre l’idée européenne à son origine, qui est politique dans son essence : une association volontaire, réaliste et ambitieuse d’États décidés à faire prévaloir des politiques utiles en matière de circulation des personnes – s’agissant notamment de la jeunesse – et des biens, en matière de sécurité, en matière monétaire et fiscale mais aussi politique et culturelle. Les pays de l’Europe, pour lesquels celle-ci ne se réduit pas au marché mais dessine un espace où une certaine idée de la valeur de l’homme, de l’exigence de justice sociale, est reconnue comme prééminente, doivent se ressaisir d’un projet décisif et s’organiser en conséquence, fût-ce au prix d’un examen sans complaisance de notre fonctionnement actuel.

Nous avons une tâche au quotidien à mener, humblement – je l’ai commencée grâce au mandat du peuple : avoir une Europe qui protège davantage, procéder aux réformes indispensables, porter l’ambition européenne dans de nombreux domaines qui font notre quotidien. Mais cela ne suffira pas. Il revient à la France de prendre l’initiative. Je souhaite le faire dans les prochains mois, grâce et par le travail étroit que j’ai d’ores et déjà engagé, en particulier avec la chancelière d’Allemagne. D’ici à la fin de l’année, sur ces bases, partout en Europe, nous lancerons des conventions démocratiques pour refonder l’Europe, précisément sur ce projet politique premier, sur cette ambition première, qui unit les hommes. Libre à chacun ensuite d’y souscrire ou non. Mais le temps n’est plus aux raccommodages.

Il faut reprendre l’Europe à son début, si je puis dire à son origine même, et faire par là revivre le désir d’Europe, en ne laissant pas le monopole du peuple et des idées aux démagogues ou aux extrémistes, en ne faisant pas non plus de l’Europe un syndic de gestion de crise, qui cherche chaque jour à allonger son règlement intérieur parce que les voisins ne se font plus confiance. Nous devons retrouver le souffle premier de l’engagement européen, cette certitude où furent les visionnaires des siècles passés et les pères fondateurs de l’Europe que la plus belle part de nos histoires, de nos cultures s’exprimerait non dans la rivalité, encore moins dans la guerre, mais dans l’union des forces, non dans l’hégémonie de l’un ou l’autre mais dans un équilibre respectueux qui nous fera tous et toutes réussir. C’est cette union dont notre temps a besoin, parce qu’elle seule permettra de relever les défis de la modernité, parce que c’est bien dans cette Europe que nous partageons une vision commune du monde et de l’homme, une vision trempée aux mêmes sources, forgée par les mêmes épreuves de l’Histoire.

Ces défis, ce sont la transition écologique, qui refonde le rapport de l’homme et de la nature ; la transition numérique, qui réécrit les règles sociales et nous oblige à réinventer ce droit continental où, depuis tant de siècles, nous avons voulu que la norme respecte l’homme ; c’est enfin le défi de l’humanisme contemporain face aux dangers du fanatisme, du terrorisme, de la guerre, auquel nous répondrons par une défense plus européenne en cours d’édification, mais aussi par une Europe de la culture et de l’innovation. (Vifs applaudissements.) La paix n’est pas seulement le socle de l’Europe, elle en est en l’idéal, toujours à promouvoir, et seule l’Europe – et la France en Europe, aujourd’hui – peut y parvenir.

Alors oui, nous romprons avec les facilités que nous nous étions données au cours des années précédentes, pour être à la hauteur de ce que le moment exige de nous. Fernand Braudel le disait, « L’Europe ne sera pas si elle ne s’appuie sur ces vieilles forces qui l’ont faite, qui la travaillent encore profondément, d’un mot si l’on néglige tous ses humanismes vivants. » Ne les négligeons plus.

Mesdames et messieurs les parlementaires, nous connaissons à présent l’enthousiasme des commencements, mais la gravité des circonstances nous empêche d’en ressentir aucune ivresse. Le terrorisme n’a pas désarmé. Nos équilibres financiers sont dégradés, notre dette est considérable. L’investissement productif est encore trop faible, le chômage est toujours insupportable. La dureté de la vie est là, pour tant et tant de nos concitoyens. Mais le peuple français nous a fait connaître ses volontés, et nous en serons les serviteurs. Il y aura de l’imprévu, des oppositions, des moments difficiles, mais nous ne laisserons pas un instant tous ces aléas nous décourager. Devant chaque difficulté, au lieu de baisser les bras, nous en reviendrons à l’essentiel et nous y puiserons une énergie plus grande encore. J’y suis prêt. Je suis sûr que vous l’êtes aussi. Car par notre engagement, les Françaises et les Français retrouvent leur fierté. De fait, nul, ici, n’a intérêt à ce que la France échoue ou n’avance pas suffisamment vite.

Le peuple français ne nous demande pas seulement de l’efficacité. L’efficacité est un instrument, et on peut être tout à fait efficace au service d’une mauvaise cause. Il nous demande ce que la philosophe Simone Weil appelait « l’effectivité », c’est-à-dire l’application concrète, tangible, visible des principes qui nous guident, le refus d’être pris en défaut et de clamer des principes dont nous ne poursuivons pas sans relâche l’application. Le principe d’effectivité, c’est pour vous, pour moi, pour le Gouvernement, de ne jamais cesser de se demander si nous sommes en pratique fidèles à nos principes, c’est-à-dire d’abord à la liberté, l’égalité, la fraternité.

Ce que nous avons à accomplir, c’est une véritable révolution. Nous sommes ici, vous et moi, pour renouer avec ce courage français qui ne se laisse pas distraire par ceux qui, n’ayant su aller nulle part, sont en quelque sorte revenus de tout. Nous devons, à chaque instant, être à la hauteur de cet espoir français par l’engagement de tous. Car, ne vous y trompez pas, les forces adverses continuent d’être puissantes, non pas tant au Parlement, où les oppositions légitimes s’expriment, non pas tant dans la rue, que, tout simplement, dans les têtes. En chacun de nous, il y a un cynique qui sommeille. Et c’est en chacun de nous qu’il faut le faire taire, jour après jour, en lui rappelant sans cesse le devoir qui est le nôtre, en lui rappelant sans cesse le moment que traverse notre pays. Et cela se verra. Alors nous serons crus. Alors nous rendrons le service que le peuple français attend de nous, avec humilité. Alors nous resterons fidèles à cette promesse de nos commencements, cette promesse que nous tiendrons parce qu’elle est la plus grande, la plus belle qui soit : faire à l’homme, enfin, un pays digne de lui. Vive la République, vive la France ! (Mmes et MM. les membres du Congrès et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.)

(La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.)



Source : assemblee-nationale.fr

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20170703-discours-macron-versailles.html

 

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30 juin 2017 5 30 /06 /juin /2017 05:52

Exercice récurrent des nouveaux Présidents de la République…


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Il a fallu attendre quarante-six jours avant de connaître le portrait officiel du nouveau Président de la République Emmanuel Macron qui l’a publié ce jeudi 29 juin 2017 à 12 heures 38 sur son compte Twitter. Pour mémoire, Nicolas Sarkozy l’avait rendu public le 23 mai 2007 et François Hollande le 4 juin 2012.

Le portrait officiel du Président de la République est une représentation à la fois de la personne, mais aussi de la fonction présidentielle. Il est affiché dans toutes les mairies, les institutions, les ambassades, etc. et représente la souveraineté nationale, ou plus exactement, en représente l’incarnation.

Dès qu’elle a été connue, cette photographie a fait l’objet de nombreux pastiches et parodies sur Internet. J’en expose deux trouvés sur le net (Emmanuel Hollande en photo et, profitant de la fenêtre ouverte, Jean-Vincent Placé cherchant à retrouver un ministère par tous les moyens), et un dernier que je propose très humblement, en fin d’article.

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La photographie a été réalisée par Soazig de La Moissonnière (35 ans), également l’auteure des photographies des affiches de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron et elle fut aussi la photographe officielle de François Bayrou lors de sa campagne présidentielle de 2012. Elle a été prise à partir d’un appareil Canon EOS 6D Mark IV le samedi 24 juin 2017 dans le Salon doré, le bureau de De Gaulle mais pas adopté par Emmanuel Macron. On ne peut pas dire qu’il n’y a pas eu le souci du détail puisque le presse-papier surmonté d’une petite statuette de coq posée sur le bureau se reflète opportunément sur l’un des deux smartphones (probablement des iPhone) posés également sur le bureau.

Cependant, je la trouve plutôt décevante. On imaginait l’incarnation d’un pouvoir régalien et on a l’impression d’une sorte d’étudiant brillant qui a réussi son examen. Ou plutôt, son concours. Il ne manquerait plus que la bouteille de champagne.

À sa décharge, il faut aussi admettre qu’il a voulu innover, et innover en la matière est très difficile. Le plus grand innovateur dans le genre, ce fut Valéry Giscard d’Estaing, photographie particulièrement ratée (malgré la valeur incontestable du photographe), puisqu’il n’y avait que le buste et un (mauvais) drapeau tricolore (mauvais car il a fallu rajouter artificiellement une couleur qui n’était pas parvenue jusqu’au cadre !).

L’autre innovateur, ce fut Jacques Chirac qui est sorti de ses salles dorées pour mettre un peu de verdure rassurante dans la composition. Cela lui a fait une petite allure de guide de musée fier de montrer son musée. François Hollande a adopté aussi l’allure champêtre, tandis que François Mitterrand et Nicolas Sarkozy ont préféré la traditionnelle pose devant les livres de la bibliothèque de l’Élysée, chacun avec ses innovations, François Mitterrand était resté assis (ouvrant un livre), et Nicolas Sarkozy avait installé les drapeaux, deux, le national et l’européen.

Fort de sa volonté de synthétiser tous les courants politiques et tous ses prédécesseurs, Emmanuel Macron a cherché donc une manière d’être à la fois dedans et dehors, à la fois debout et assis, à la fois chauvin et mondialiste…

Tout cela est bien compréhensible et largement respectable, même admirable. Néanmoins, il se dégage deux impressions assez désagréables.

La première sur le comportement : en s’appuyant légèrement sur le bureau, Emmanuel Macron semble manquer de respect à ses interlocuteurs, c’est-à-dire, à tous les Français. Il n’a pas une posture d’honneur et de dignité. Il s’est voulu décontracté, cool, jeune, mais cela fait un peu négligé (que n’est pas son costume) et donne le sentiment d’un peu de laisser-aller. Est-ce pour symboliser la génération Y, à la fois cool et clean ? Et pourquoi ne pas avoir mis ses mains dans les poches, tant qu’on y est ? En revanche, le rictus assez gêné du personnage dément la décontraction affichée.

On se souvient par exemple que lors d’une interview du Président François Mitterrand, le dimanche 28 avril 1985 sur TF1 ("Ca m’intéresse Monsieur le Président"), le journaliste Yves Mourousi avait scandalisé une grande partie des téléspectateurs en ayant posé son séant sur le bout du bureau présidentiel, montrant une décontraction qui était peu en rapport avec l’importance de la fonction présidentielle. À la limite de l’impolitesse.

Le modèle serait plutôt américain, avec le portrait officiel du Président Barack Obama.

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La seconde impression désagréable est esthétique. La composition de la photographie est trop lourde. Il y a une impression de surcharge pour en rajouter dans la symbolique et les clins d’œil. Les éléments se déchaînent, s’entrechoquent à l’œil. Le personnage semble étriqué, enfermé dans une case. Il y a les drapeaux qui viennent l’encadrer, l’oppresser, voire l’emprisonner, comme deux gros matons. Même le feuillage des arbres est trop lourd, on dirait presque une chevelure de clown à moitié chauve, la tête venant au point de perspective des arbres. L’éclairage aussi laisse à désirer, avec l’ombre très marquée du menton.

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À la fois dedans et dehors : Emmanuel Macron a astucieusement résolu le problème du choix entre Jacques Chirac et François Mitterrand. Il a choisi un bureau et a ouvert la fenêtre donnant sur le jardin. Ainsi, il est à l’intérieur mais on voit la verdure reposante. Le problème, c’est que la fenêtre ouverte vient surajouter une lourdeur bien inutile, d’autant plus qu’on déconseille généralement de mettre des verticales sur une photographie de personne, car cela casse le visage. Celui qui refusait de se ranger dans une étiquette existante du système politique, au point d’avoir créé un parti politique, est mis là dans une sorte de case dessinée par les battants de la fenêtre et le bureau.

Dans cette double approche audacieuse, il a ainsi réussi à mettre dans la composition à la fois les deux drapeaux et la verdure, ce qui n’était pas évident. Parmi les nombreux détails, on remarque évidemment les trois livres sur le bureau, "Le Rouge et le noir" de Stendhal, "Mémoires de guerre" de De Gaulle (c’est le livre qui est ouvert), et "Les Nourritures terrestres" du génial André Gide, dans leur collection "La Pléiade" de Gallimard, ainsi que la statuette de coq évoquée plus haut. On peut aussi s’étonner que le bureau est complètement vide, aucun dossier, aucun stylo, rien pour travailler, seulement ces quelques objets se voulant symbolique (ce bureau de style Louis-XV n’est pas le bureau présidentiel). Seuls deux smartphones donnent l’idée du travail présidentiel et donne la nature mondialiste et technologique du nouveau Président de la République. On peut aussi s’étonner de l’absence d’un livre de sa grand-mère ou d’un livre de Paul Ricœur.

Évidemment, tout le monde aura aperçu l’horloge qui est celle de la salle du conseil des ministres, un objet classique et traditionnel qui remet en mémoire la fameuse expression de "maître des horloges" qu’il revendiquait être dans sa campagne électorale.

Enfin, on peut aussi observer le ciel, un ciel nuageux (mais pas pluvieux), alors que la canicule récente aurait permis de prendre un ciel parfaitement bleu, celui du bleu optimiste que l’on peut voir également sur la cravate, tandis que la discrète légion d’honneur fait office de petite bouée rouge dans un tableau de Turner.

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Pour finir, je reviens sur la porte ouverte. On imagine sans mal la symbolique exprimée : le Président est ouvert sur le monde, sauf que dans le cas présent, l’ouverture est du côté jardin, dans l’entre-soi.

Bien sûr, toute photographie est critiquable, et sera critiquée notamment par les détracteurs du Président, c’est bien naturel. Il faut donc saluer l’audace d’une nouvelle composition, et exprimer le regret d’une décontraction à la limite du respect (un manque de solennité), et enfin, la joie de la confirmation de l’ancrage européen de la France (avant la campagne présidentielle de 2017, cette idée n’était pas gagnée d’avance).


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (29 juin 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Portrait officiel du maître des horloges.
Portrait officiel de François Hollande.
Photographie officielle du Président Macron.
Photographie officielle du Président Sarkozy.
Louis Napoléon Bonaparte.
Adolphe Thiers.
Vincent Auriol.
René Coty.
Charles De Gaulle.
Georges Pompidou.
Valéry Giscard d’Estaing.
François Mitterrand.
Jacques Chirac.
Nicolas Sarkozy.
François Hollande.
Emmanuel Macron.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170629-photo-officielle-macron.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/portrait-officiel-du-maitre-des-194631

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/06/29/35433344.html


 

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29 juin 2017 4 29 /06 /juin /2017 17:31

Cette photographie a été prise dans le bureau du Président de la République le samedi 24 juin 2017. Elle sera affichée dans toutes les mairies et lieux institutionnels de France pour le quinquennat d'Emmanuel Macron de 2017 à 2022.

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SR

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20170629-photo-officielle-macron.html
 

 

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28 juin 2017 3 28 /06 /juin /2017 05:43

« Je tenterai de m’inspirer de mes prédécesseurs dans cette fonction que vous me confiez aujourd’hui : la bienveillance qui n’empêchait pas la rigueur de Jacques Chaban-Delmas ou de Claude Bartolone, la volonté de réformer de Jean-Louis Debré ou de Laurent Fabius, la fidélité au projet présidentiel de Louis Mermaz, ou encore l’humanité si particulière de Philippe Séguin ou d’Henri Emmanuelli. Oui, de tout cela je tenterai de m’inspirer, parce que nous savons tous qu’il n’y a pas d’imagination sans mémoire. » (27 juin 2017).



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Ce ne sera pas François Bayrou, ni François Baroin, ni évidemment François Fillon, encore moins François Hollande, mais il n'y aura bien quand même un François qui sera honoré dans la République Macron.

Ce fut peu avant 17 heures ce mardi 27 juin 2017 que le doyen d’âge des députés, Bernard Brochand (79 ans), ancien maire de Cannes, a annoncé l’élection de François de Rugy à la Présidence de l’Assemblée Nationale, après avoir ouvert la XVe Législature à 15 heures.

À l’Hôtel de Lassay, ce dernier devient donc le quatrième personnage de l’État, après Emmanuel Macron (Élysée), Gérard Larcher (Petit-Luxembourg) et Édouard Philippe (Matignon). Il n’a que 43 ans et 6 mois, mais il n’est pas le plus jeune à avoir été élu à cette fonction. Contrairement aux commentateurs qui n’ont d’histoire politique que les dépêches AFP, ce ne fut pas Laurent Fabius qui fut le plus jeune Président de l’Assemblée Nationale depuis le début de notre tradition républicaine, élu à 41 ans et 10 mois le 23 juin 1988 après la réélection de François Mitterrand à la Présidence de la République, mais Léon Gambetta, qui avait seulement 40 ans et 10 mois lors de son élection au perchoir le 31 janvier 1879 (qu’il quitta le 27 octobre 1881 pour diriger le gouvernement).

François de Rugy a été élu dès le premier tour avec 353 voix, face aux 94 voix pour Jean-Charles Taugourdeau (LR), 34 voix pour Laure de La Raudière (UDI-LR-Les constructifs), 32 voix pour Laurence Dumont (PS) et 30 voix pour Caroline Fiat (FI), avec 24 blancs ou nuls (567 députés ont voté sur 577 : entre autres, les députés nommés ministres n’ont pas voté et leurs suppléants doivent attendre un mois avant de siéger). Il fallait une majorité de 272 pour être élu, qu’il a largement dépassée.

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François de Rugy avait été désigné le matin même lors de la réunion du groupe ultra-majoritaire LREM, là aussi dès le premier tour, avec 153 voix sur 301 votants, face aux 59 voix pour Sophie Ferrante (ex-PS), 54 voix pour Brigitte Bourguignon (ex-PS ex-hamoniste) et 32 voix pour Philippe Folliot (ex-UDI).

La première remarque, c’est que la parité et l’attention portée aux femmes ne sont valables que pour les postes subalternes : aucune femme à Matignon, pas même de Ministre d’État (deux hommes ; le premier gouvernement, trois hommes), aucune femme présidente de groupe (cela ne dépend évidemment pas que d’Emmanuel Macron) et enfin, aucune femme au perchoir. C’était l’occasion historique pour réaliser cette première fois (après l’occasion manquée de juin 2012, avec l’échec électoral de Ségolène Royal, le refus de Marylise Lebranchu, qui préférait redevenir ministre, et le rejet d’Élisabeth Guigou). Il y avait pourtant des femmes compétentes et expérimentées, au moins trois : Brigitte Bourguignon, Laure de La Raudière et Sophie Ferrante (on conçoit qu’une telle femme devait provenir du groupe LREM).

La deuxième remarque provient de la conférence de presse de Richard Ferrand, le président du groupe LREM, en milieu de journée du 27 juin 2017, entre la primaire LREM et l’élection officielle au perchoir, en assurant que François de Rugy ne serait élu que pour trente mois. C’est une affirmation anticonstitutionnelle et personne, aucun député, n’a le droit de faire pression sur un Président de l’Assemblée Nationale élu régulièrement pour la durée de la législature et pas la moitié de la durée. Pour les autres responsabilités (commissions, bureau), c’est différent puisque c’est régulièrement renouvelé à chaque nouvelle session.

Il est vrai que la préoccupation démocratique n’a pas dû dominer non plus l’élection de ce même Richard Ferrand à la présidence du groupe LREM le 24 juin 2017 car il a été élu "par acclamation" (à main levée), par 306 des 308 membres (deux abstentionnistes). Or, la désignation des personnes devrait toujours se faire par vote secret pour éviter toute pression personnelle (ce qui explique que la procédure du vote au perchoir demande plus d’une heure).

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La troisième remarque, c’est que le changement des usages attendra dans les actes. Si c’est cela, le renouvellement en marche, alors il y a probablement tromperie sur les actes. Car François de Rugy est l’exemple type du responsable politique de l’ancien monde, celui qui n’a jamais vécu que par et pour la politique, un professionnel habile qui a réussi un coup de maître en se hissant au perchoir alors qu’il ne représentait que 3,8% des électeurs de la primaire socialiste de janvier 2017.

Comme son prédécesseur Claude Bartolone, François de Rugy a toujours été un apparatchik de la politique. Il a été nommé secrétaire général du groupe des radicaux de gauche à l’Assemblée Nationale en 1997, après son échec aux législatives dans la circonscription de Jean-Marc Ayrault. C’est là qu’il a rencontré Jean-Vincent Placé qui était l’attaché parlementaire de Michel Crépeau, le président de ce groupe. En 2007, il fut l'un des rares candidats écologistes à avoir reçu le soutien du PS, d'où son élection à Nantes.

François de Rugy n’a d’ailleurs pas hésité à retourner sa veste quand c’était nécessaire pour aider ses ambitions : d’abord inscrit à Génération Écologie, il a longtemps été membre des Verts puis d’Europe Écologie (EELV), a même coprésidé le premier groupe écologiste à l’Assemblée Nationale, puis en 2015, a finalement rejoint le groupe socialiste en espérant faire partie des nouveaux ministres (ce furent Barbara Pompili et Jean-Vincent Placé), après la première déception de ne pas avoir été nommé ministre en 2012 par Jean-Marc Ayrault, dont il avait été l’adjoint à la mairie de Nantes (entre 2001 et 2008).

Son départ d’Europe Écologie en 2016 a même été consommé par sa candidature à la primaire socialiste de janvier 2017 (il n’a obtenu que 3,8%, je le répète !), mais a encore effectué un nouveau retournement de veste : avant Manuel Valls, il a rejoint finalement la candidature du futur Président Emmanuel Macron (reniant son engagement de soutenir le candidat officiel du PS) et s’est fait réélire député à Nantes le 18 juin 2017 sous l’étiquette En Marche.

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De tous les candidats ou candidats à la candidature au perchoir en 2017, il faut bien reconnaître que François de Rugy a été le seul à faire vraiment campagne, bien avant le 18 juin 2017, également au cours de la campagne des élections législatives, aidant parfois des candidats à se faire élire ou réélire (comme le jeune neurologue Olivier Véran à Grenoble, suppléant de l’ancienne ministre Geneviève Fioraso).

De plus, il est indéniable qu’il a acquis l’expérience nécessaire pour comprendre les us et coutumes du Palais-Bourbon, élu député depuis juin 2007 (c’est son troisième mandat, en 2007, il était parmi les benjamins de l’Assemblée Nationale, à 33 ans), président de groupe politique de 2012 à 2015 (coprésident en alternance avec Barbara Pompili) puis vice-président de l’Assemblée Nationale de mai 2016 à février 2017 (succédant à Denis Baupin, démissionnaire après une affaire de harcèlement).

Les idées qu’il a développées lors de son premier discours, lu laborieusement comme à son habitude, aussi scolaire qu’un collégien sans assurance, montrent une vision déjà réfléchie de la modernisation de l’institution parlementaire qu’il entend engager pour les années à venir, notamment en ce qui concerne les privilèges des députés (retraite, chômage, notes de frais, etc.), l’ouverture vers le monde réel (il proposera des "conférences parlementaires de territoires" organisées par les préfets et voudra utiliser le numérique pour faire plus participer les citoyens) et les moyens supplémentaires pour contrôler l’exécutif (notamment l’accès à tous les documents administratifs). Ces idées, qui sont dans l’air du temps, méritent d’être consensuelles dans l’opinion publique, mais peut-être pas chez les parlementaires…

Dans son allocution à l'issue de la proclamation de son élection, François de Rugy, au-delà du programme de modernisation des pratiques parlementaires, a évoqué notamment trois sujets importants.

La forte abstention aux élections législatives : « Pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, nous avons été collectivement choisis par une minorité de Françaises et de Français. Cela n’entame en rien notre légitimité, votre légitimité à agir et à légiférer, car nul ne peut prétendre représenter ou porter la voix de celles et ceux qui n’ont pas participé aux dernières élections législatives. Mais cela vous confère, nous confère, une responsabilité particulière, celle de reconquérir une confiance que des décennies de crises économique et sociale et de crise de la représentation démocratique ont érodée. »

Le besoin de ne plus se comporter comme des enfants dans une cour de récréation (surtout devant les caméras) : « Pour être plus démocratique, l’Assemblée devra être en premier lieu une enceinte dans laquelle on ne se contente pas de parler, mais où l’on apprend à s’écouter. Cet hémicycle ne doit pas être un lieu de provocations et d’anathèmes, ni un théâtre d’excès et de caricatures. Il faut de la sérénité, de la bienveillance, un esprit constructif et du respect dans les débats. L’Assemblée ne sera respectée que si elle est respectable dans ses comportements. ».

Le drapeau européen accroché à côté du drapeau national dans l'hémicycle : « En ce moment si particulier dans une vie publique, j’ai aussi une pensée pour les miens, pour les valeurs que m’ont transmises mes parents et mes grands-parents. Directement victimes de la Seconde Guerre mondiale, ils m’ont transmis un engagement européen profond qui me rend fier de siéger, face à vous, devant ce drapeau européen. Le Président Accoyer avait eu la judicieuse idée d’installer ce symbole d’une paix durable dans notre hémicycle : il y a toute sa place, aux côtés de nos couleurs nationales. ».

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Politiquement, si l’on peut parler de pragmatisme très élastique (il était contre la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes mais a soutenu le respect de la décision des électeurs de la consultation locale du 26 juin 2016), il fait partie de ces libéraux-libertaires jusqu’à la caricature : partisan de la légalisation du cannabis, de la PMA pour tous (le Comité d’éthique lui a donné raison le jour même de son élection au perchoir), de la GPA pour tous (on retrouve la philosophie de Pierre Bergé pour qui un bras ou un utérus sont la même chose, ouvriers et mères porteuses, même combat), mais ce libertarisme n’est pas sans contradiction car il a quand même voté la loi sur le renseignement qui réduit considérablement les libertés individuelles.

Assis, à cause du hasard de l’ordre alphabétique, à côté de François Ruffin, François de Rugy n’est donc pas un "usurpateur" dans cette fonction très élevée de la République. Il est au contraire dans la tradition de cette institution qui demande de l’expérience politique et un certain talent à la manœuvre politicienne. Il n’y aura donc pas de changement d’usages comme le préconisait Emmanuel Macron dont il était le candidat (dit-on).

Dans cette tradition républicaine, presque théorisée par son lointain prédécesseur Jean-Louis Debré, le Président de l’Assemblée Nationale est le représentant de tous les députés et pas seulement des députés de la majorité, et à ce titre, son devoir est de préserver les droits de l’opposition. C’est pourquoi il était très mal venu de la part des deux populistes colériques de service, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, ce dernier assis à côté de la nouvelle députée FN Emmanuelle Ménard (femme du maire de Béziers), de ne pas se lever ni applaudir l’élection de "leur" nouveau Président. En ce sens, ils rompent la continuité républicaine, mais c’était finalement très prévisible…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (28 juin 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
François de Rugy.
Allocution de François de Rugy lors de son élection au perchoir (27 juin 2017).
Premier tour de la primaire socialiste du 22 janvier 2017.
Troisième débat de la primaire socialiste du 19 janvier 2017.
Deuxième débat de la primaire socialiste du 15 janvier 2017.
Premier débat de la primaire socialiste du 12 janvier 2017.
Programme de François de Rugy (à télécharger).
La primaire EELV de 2016 (premier tour).
Jean-Louis Debré.
François Bayrou sycophanté.
Édouard Macron II : bientôt la fin de l’indétermination quantique.
Composition du second gouvernement d’Édouard Philippe (21 juin 2017).
Les Langoliers.
Résultats officiels du second tour des élections législatives du 18 juin 2017.
Forza Francia.
Résultats officiels du premier tour des élections législatives du 11 juin 2017.
La Ve République.
La campagne des élections législatives de juin 2017.
Liste des 7 882 candidats aux élections législatives du 11 juin 2017 (à télécharger).
Liste des 511 candidats investis par La République En Marche le 15 mai 2017 (document).
Programme LR-UDI pour les législatives présenté le 10 mai 2017 (à télécharger).
Loi de moralisation de la vie politique (1er juin 2017).
Emmanuel Macron et la fierté nouvelle d’être Français ?
Richard Ferrand, comme les autres ?
Édouard Macron : d’abord l’Europe !
Composition du premier gouvernement d’Édouard Philippe (17 mai 2017).
Édouard Philippe, nouveau Premier Ministre.
L’investiture d’Emmanuel Macron (14 mai 2017).
Programme 2017 d’Emmanuel Macron (à télécharger).
Le Président Macron a-t-il été mal élu ?
Qui sera nommé Premier Ministre en mai et juin 2017 ?
L’élection d’Emmanuel Macron le 7 mai 2017.
Macronités.
Ensemble pour sauver la République.
Débat du second tour du 3 mai 2017.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170627-francois-de-rugy.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/francois-de-rugy-et-le-baton-de-194554

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/06/28/35422454.html


 

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27 juin 2017 2 27 /06 /juin /2017 17:52

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Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170627-francois-de-rugy.html



Présidence de M. François de Rugy
Allocution de M. le Président


M. le Président. Monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, monsieur le doyen, mes chers collègues, je sais que beaucoup parmi vous partagent une émotion particulière, que j’ai éprouvée pour ma part il y a dix ans. Elle est de ces émotions que l’on n’oublie pas, celle de députés qui siègent pour la première fois dans cet hémicycle.

Ici se sont écrites des pages essentielles de notre histoire ; ici se sont déroulés des débats passionnés ; ici ont résonné de grandes voix qui ont fait la démocratie française ; ici ont été prises des décisions qui ont forgé la France, son dynamisme économique, son système de solidarité, ses libertés publiques. Sachons nous inspirer du meilleur de ces lieux !

Mais ne nous arrêtons pas à ces lieux. L’Assemblée nationale est plus riche de celles et ceux qui représentent la Nation que du cadre même de leurs travaux.

Nous sommes, vous êtes, dans votre diversité de parcours, d’engagements, et de convictions, vous êtes ensemble la représentation nationale.

En me portant à la présidence de notre Assemblée, vous ne me faites pas seulement un honneur insigne ; vous me confiez une responsabilité dont je mesure la charge et que je souhaite exercer parmi vous, avec vous.

Car nous ne pouvons pas ignorer le défi particulier que nous devons relever. Pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, nous avons été collectivement choisis par une minorité de Françaises et de Français. Cela n’entame en rien notre légitimité, votre légitimité à agir et à légiférer, car nul ne peut prétendre représenter ou porter la voix de celles et ceux qui n’ont pas participé aux dernières élections législatives. Mais cela vous confère, nous confère, une responsabilité particulière, celle de reconquérir une confiance que des décennies de crises économique et sociale et de crise de la représentation démocratique ont érodée.

Restaurer la confiance dans l’efficacité de l’action et de la parole publiques : ce sera, en premier lieu, le rôle de la majorité qui devra mettre en œuvre le projet qu’elle a porté, tout en conservant en toutes circonstances le respect des oppositions et la volonté de construire des majorités plus larges pour avancer.

Dans cet hémicycle profondément renouvelé – dans ses visages comme dans sa géographie politique –, la vérité ne siégera ni d’un côté ni de l’autre. Elle naîtra du débat et de la volonté d’agir pour les Françaises et les Français.

Redonner confiance, ce sera obtenir des résultats. Mais ce sera également rétablir la confiance dans nos institutions, dans notre institution.

Ma candidature reposait sur un projet que j’ai publiquement exposé. Ce projet, c’est celui d’une Assemblée nationale plus démocratique, plus efficace, plus moderne.

Pour être plus démocratique, l’Assemblée devra être en premier lieu une enceinte dans laquelle on ne se contente pas de parler, mais où l’on apprend à s’écouter.

Cet hémicycle ne doit pas être un lieu de provocations et d’anathèmes, ni un théâtre d’excès et de caricatures. Il faut de la sérénité, de la bienveillance, un esprit constructif et du respect dans les débats.

L’Assemblée ne sera respectée que si elle est respectable dans ses comportements.

Cette législature doit être aussi celle de la concrétisation de réformes démocratiques profondes, trop longtemps repoussées. Réduction du nombre de députés, introduction de la proportionnelle : ces engagements du projet présidentiel doivent être tenus.

Ces réformes seront évidemment portées conjointement avec le Gouvernement d’Édouard Philippe, mais elles rencontreront un écho plus fort, et seront mieux comprises, si elles s’appuient sur une forte mobilisation des parlementaires. Pour les réaliser, il faudra une collaboration constructive entre le Gouvernement, le Sénat, et, ici, la majorité et les oppositions, afin de réunir le consensus le plus large possible.

Il faut une Assemblée plus démocratique, mais aussi plus efficace.

Les Français que nous rencontrons nous le disent souvent : ils ont le sentiment que le Parlement parle beaucoup, mais agit peu.

Agir mieux, c’est d’abord agir plus vite. J’appelle donc tous les groupes de cette assemblée nouvelle à travailler à des modifications indispensables de la procédure parlementaire. Aujourd’hui, la procédure encourage l’enlisement et l’obstruction. Il faut favoriser la construction, garantir la concrétisation des réformes validées par les Françaises et les Français, mais aussi faciliter l’aboutissement d’initiatives parlementaires, qu’elles viennent de la majorité ou de l’opposition.

Si certaines réformes nécessitent une révision de la Constitution – et le Président de la République s’y est engagé –, il est possible pour notre Assemblée de moderniser de son propre chef un certain nombre de procédures obsolètes : faisons-le !

Mais les députés ne sont pas là seulement pour faire la loi. Ils ont pour rôle essentiel de contrôler l’action de l’État et du Gouvernement. Le Président de la République l’a souvent rappelé pendant ces derniers mois : il faut un Parlement qui contrôle vraiment.

Contrôler efficacement, cela demandera notamment de conquérir de nouveaux pouvoirs d’enquête et d’accès aux documents administratifs et aux rapports d’inspection de l’administration. Cela exigera plus de moyens pour évaluer sur le terrain les politiques publiques.

Fixons-nous l’objectif que chaque exercice d’évaluation donne lieu à des recommandations précises de modifications réglementaires ou législatives auxquelles le Gouvernement ou les commissions concernées seraient tenus de répondre.

L’efficacité tiendra enfin à notre capacité à nous inspirer d’innovations mises en œuvre dans des parlements étrangers : facilitons les échanges de bonnes pratiques et les coopérations avec les parlements des pays membres de l’Union européenne.

Nous avons tout à gagner à cette ouverture. Nos pratiques, mais aussi nos politiques pourront en bénéficier.

Pour être plus démocratique et plus efficace, l’Assemblée devra enfin être plus moderne.

Pour nos concitoyens, l’Assemblée est trop souvent le symbole de l’opacité, du secret et du règne de pratiques exceptionnelles ou dérogatoires. Il faut que notre institution entre pleinement dans la règle commune. Cette législature devra permettre d’instaurer l’égalité entre les citoyens et les parlementaires.

Le projet de loi du Gouvernement va dans le bon sens et apporte des réponses trop longtemps différées. Mais il faudra aussi des décisions de notre Assemblée sur ses propres pratiques : retraite des parlementaires, protection sociale en fin de mandat, notes de frais, règles d’emploi et statut des collaborateurs parlementaires, immunité parlementaire… Remettons tout sur la table et garantissons l’égalité et la transparence.

Avec vous, j’agirai pour conforter le rôle du déontologue de notre assemblée ; ses moyens de contrôle et son indépendance devront être renforcés. Cela éloignera le soupçon, et cela nous sécurisera, vous sécurisera, car des règles insuffisamment claires compliquent l’exercice du mandat et ouvrent la voie aux fantasmes et à l’antiparlementarisme.

La modernité se trouvera aussi dans l’ouverture sur la société. D’abord en menant à bien, ici, la révolution numérique : c’est un enjeu essentiel pour permettre aux citoyens d’intervenir dans la fabrique de la loi, de suivre les débats, d’inspirer des propositions de lois, et d’enrichir le contrôle et l’évaluation des politiques publiques.

Mais si le numérique peut apporter beaucoup, il n’est pas tout. Il faudra également que notre institution aille à la rencontre des citoyens, au travers de conférences parlementaires de territoires, associant les députés locaux, des présidents de commissions et le président de l’Assemblée nationale. Ces conférences pourraient s’étaler sur toute la durée de la législature afin de couvrir l’ensemble des territoires, de métropole et des outre-mer.

Notre ambition ne doit pas seulement être de rendre notre institution plus transparente. Elle doit être également de la faire rayonner et de la rendre attractive.

La modernité passe enfin par la mise en œuvre des principes du développement durable dans le fonctionnement et la gestion de l’Assemblée nationale.

Mes chers collègues, cette législature est celle du renouvellement profond des députés. Je le constate en parcourant des yeux les travées : tant de nouveaux visages, qui disent la féminisation, le rajeunissement, la diversité…

Cette législature est également celle d’une recomposition politique radicale – nous le constaterons lorsque vous siégerez sur ces bancs au sein de vos groupes respectifs.

Mais cette législature doit être celle de la préparation d’une autre révolution, aussi indispensable que les deux précédentes, celle d’une meilleure représentativité sociologique. Nous devrons donc, ensemble, avancer dans l’élaboration d’un statut de l’élu qui facilite l’accès de chacune et de chacun, quelle que soit sa classe sociale, à la fonction de député.

Voilà, mes chers collègues, en quelques mots, le projet que j’ai présenté d’abord à mes collègues du groupe majoritaire. C’est ce projet qui me conduit ici aujourd’hui, c’est ce projet qui m’engage, c’est ce projet que je partage désormais avec vous, et que j’entends mener à bien avec vous.

Je parlais tout à l’heure de la mémoire des lieux. Il y a aussi celle des hommes. Je tenterai de m’inspirer de mes prédécesseurs dans cette fonction que vous me confiez aujourd’hui : la bienveillance qui n’empêchait pas la rigueur de Jacques Chaban-Delmas ou de Claude Bartolone, la volonté de réformer de Jean-Louis Debré ou de Laurent Fabius, la fidélité au projet présidentiel de Louis Mermaz, ou encore l’humanité si particulière de Philippe Séguin ou d’Henri Emmanuelli. Oui, de tout cela je tenterai de m’inspirer, parce que nous savons tous qu’il n’y a pas d’imagination sans mémoire.

C’est précisément à la mémoire que je voudrais consacrer mes derniers mots, plus personnels si vous le voulez bien.

Tout d’abord, je tiens à saluer la mémoire de Corinne Erhel qui aurait pu, qui aurait dû, siéger dans notre assemblée si elle n’avait été foudroyée, en pleine campagne électorale, en mai dernier. J’étais à ses côtés, et je pense à elle, comme beaucoup d’entre vous.

En ce moment si particulier dans une vie publique, j’ai aussi une pensée pour les miens, pour les valeurs que m’ont transmises mes parents et mes grands-parents. Directement victimes de la Seconde Guerre mondiale, ils m’ont transmis un engagement européen profond qui me rend fier de siéger, face à vous, devant ce drapeau européen.

Le président Accoyer avait eu la judicieuse idée d’installer ce symbole d’une paix durable dans notre hémicycle : il y a toute sa place, aux côtés de nos couleurs nationales. (Applaudissements.)

Je n’oublie pas le goût pour la diversité régionale que mes parents m’ont transmis. De la Bretagne à la Lorraine, de la Corse à l’Alsace…

Un député. Bravo !

M. le président. ...de la métropole aux outre-mer (Applaudissements), nous sommes ici les représentants de cette diversité qui fait la richesse de la France.

Je pense enfin, comme, je l’imagine, beaucoup d’entre vous, à mes enfants. C’est finalement pour eux, pour l’avenir des générations qui viennent, que nous sommes toutes et tous ici engagés.

Puissions-nous leur transmettre, à notre tour, une République préservée, une démocratie vivante et respectueuse d’autrui, et une Assemblée nationale renouvelée dans ses pratiques.

Vive la République ! Vive la France ! (Mmes et MM. les députés et M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement se lèvent et applaudissent longuement.)

François de Rugy, 27 juin 2017.

Source : assemblee-nationale.fr

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20170627-allocution-de-rugy.html

 

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27 juin 2017 2 27 /06 /juin /2017 05:14

« Il semblerait que l’ambition de Jean-Louis Debré ne soit pas de faire gagner son camp mais de monter en grade dans la machine à faire perdre. » (Christian Estrosi, "Le Nouvel Obs" du 16 octobre 2008).


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L’ouverture de la XVe législature de la Ve République a lieu ce mardi 27 juin 2017. Le premier acte des députés élus les 11 et 18 juin 2017 est d’élire leur nouveau Président de l’Assemblée Nationale, quatrième personnage de l’État. Son rôle est de diriger les travaux de cette assemblée et de la représenter. Si la figure tutélaire de Jacques Chaban-Delmas, longtemps élu au perchoir (pendant quinze ans), reste dans toutes les mémoires, deux Présidents ont particulièrement marqué l’histoire récente, par leur volonté de moderniser l’institution, Philippe Séguin, du 2 avril 1993 au 21 avril 1997, et Jean-Louis Debré, du 25 juin 2002 au 4 mars 2007.

J’ai un petit "faible" pour Jean-Louis Debré (72 ans). Je n’appréciais pas vraiment le second couteau assez lourdingue chargé de protéger le Jacques Chirac des années 1990, celui en recherche encore de l’Élysée et encore moins le premier flic de France qui faisait hélas rire tous les terroristes, corses, ou pas. Il faut dire que mettre un juge à l’Intérieur est plus insensé que mettre un policier à la Justice. Et pourtant, le problème de Jean-Louis Debré, c’était un problème de casting : au perchoir et à la rue de Montpensier, il était en revanche totalement dans son rôle institutionnel et il est ainsi devenu un baron de la République très honorable et honoré (bien qu’il ait refusé toutes les décorations sauf le Mérite agricole).

Il y a peut-être un côté sentimental, plus encore que familial, dans les relations entre Jean-Louis Debré et la République. Je me souviens avoir vu, il y a déjà très longtemps, un documentaire sur lui qui le montrait jeune, la trentaine, chercher laborieusement ses électeurs à chaque porte des maisons, aux élections législatives de mars 1978. Il avait beau être un Debré, il n’avait pas été élu. Il a fallu attendre le scrutin proportionnel et la protection rapprochée de Jacques Chirac pour qu’il fût enfin élu député de l’Eure en mars 1986, puis réélu dans la 1e circonscription en juin 1988 sans discontinuité jusqu’en mars 2007.

Oui, Jean-Louis Debré est "un" Debré, et il faut dire que, comme la famille Jeanneney, la famille Joxe, et bien d’autres, les Debré sont une famille de la République, bien ancrée dans la vie politique, dans la médecine et dans l’art également. Jean-Louis Debré est le fils de Michel Debré, ancien premier Premier Ministre du Général De Gaulle, le petit-fils de Robert Debré, grand médecin qui a donné son nom à des hôpitaux, neveu du peintre Olivier Debré, père du journaliste Guillaume Debré et frère (faux) jumeau de l’urologue Bernard Debré qui fut député et ministre également (il a d’autres frères).

Encouragé par Pierre Mazeaud (ami de la famille), Jean-Louis Debré a fait des études de droit public et de sciences politiques qui l’ont mené jusqu’au doctorat en droit avec une thèse consacrée aux idées constitutionnelles du Général De Gaulle. Parallèlement à quelques vacations à la faculté de droit de Paris, il s’intégra dans la vie politique par la petite porte, comme membre de cabinets ministériels auprès de Jacques Chirac de 1973 à 1976 (à l’Agriculture, à l’Intérieur puis à Matignon). Il l’a fait alors qu’il soutenait la candidature de Jacques Chaban-Delmas à l’élection présidentielle de 1974 tandis que Jacques Chirac avait soutenu Valéry Giscard d’Estaing. Il fut aussi chef de cabinet du Ministre du Budget, alors Maurice Papon, entre 1978 et 1979.

Le lien de fidélité et de loyauté entre Jean-Louis Debré et Jacques Chirac ne s’est jamais brisé malgré les nombreux retournements de l’histoire politique, et cela même quand Michel Debré, son père, incontrôlable dans une colère permanente expression d’une exaltation personnelle, était encore en "politique active", au point de se présenter à l’élection présidentielle contre Jacques Chirac en 1981.

Ces premières années politiques n’ont pas particulièrement fasciné Jean-Louis Debré, et l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 a d’ailleurs empêché toute nouvelle collaboration ministérielle. Qu’importe, car il était devenu juge d’instruction, s’occupant de quelques affaires parfois très sensibles (comme celle de Virgil Tanase ou celle du terroriste Carlos).

Son engagement politique total a eu lieu en mars 1986 en se faisant élire député RPR de l’Eure, mandat qu’il conserva pendant vingt et un ans. Il s’est aussi impliqué dans la bataille municipale à Évreux, ville communiste, avec un échec en mars 1989 et une victoire en mars 2001 (il fut donc maire d’Évreux entre mars 2001 et mars 2007). Entre-temps, il accepta d’être élu adjoint au maire de Paris, Jean Tibéri, entre juin 1995 et mars 2001. Par ailleurs, il a été conseiller général de l’Eure de mars 1992 à mars 2001 (vice-président du conseil général de 1998 à 2001).

À partir de 1986, Jean-Louis Debré fut un grognard du chiraquisme, et resta fidèle même après la lourde défaite présidentielle de mai 1988 (Charles Pasqua et Philippe Séguin s’étaient alors émancipés). Entrant en 1988 au secrétariat national du RPR (chargé de la justice et de la sécurité), il fut désigné secrétaire général adjoint du RPR de 1993 à 1995 (sous la houlette de Jacques Chirac et Alain Juppé), l’une des personnalités restées encore fiables malgré la mode Édouard Balladur (à laquelle avaient succombé Nicolas Sarkozy, mais aussi Bernard Debré, deux de ses ministres).

Si sa nomination comme Ministre de l’Intérieur du 18 mai 1995 au 2 juin 1997 n’a pas été un franc succès, car il aurait sans doute été meilleur comme Ministre de la Justice, ayant eu du mal à succéder à Charles Pasqua et à terroriser les terroristes aussi efficacement que ce dernier, contournant l’omnipotence de Dominique de Villepin à l’Élysée, Jean-Louis Debré fut néanmoins une pièce maîtresse de la Chiraquie en période de cohabitation jospinienne : il fut élu président du groupe RPR à l’Assemblée Nationale du 12 juin 1997 au 18 juin 2002, devenant le défenseur principal d’un Président de la République réduit au minium institutionnel pendant cinq ans.

Lorsque Jean-Louis Debré décida de se présenter au perchoir après les élections législatives de juin 2002, il avait réussi à écarter Alain Juppé mais avait encore contre lui Édouard Balladur (qui, après Matignon, avait cherché en vain à reconquérir une nouvelle responsabilité politique : président du conseil régional d’Île-de-France en 1998, maire de Paris en 2001, et enfin, le perchoir en 2002).

Président de l’Assemblée Nationale du 25 juin 2002 au 4 mars 2007, Jean-Louis Debré fut alors dans un nettement meilleur rôle, s’épanouissement dans la défense du parlement, en raison de sa fascination et de sa passion pour l’histoire politique. Sa proximité avec Jacques Chirac ne l’a pas empêché de lui exprimer ses oppositions : il était très réticent lors de la nomination de Jean-Pierre Raffarin à Matignon en mai 2002 (il songeait peut-être à occuper le poste), et s’était auparavant opposé à l’adoption du quinquennat, en bon gardien de la Constitution que fut son père aussi. Surtout, il ne cessa de militer contre Nicolas Sarkozy et sa candidature à l’élection présidentielle pourtant de plus en plus inéluctable.

Parmi ses dernières décisions présidentielles, Jacques Chirac nomma le 23 février 2007 son fidèle écuyer Président du Conseil Constitutionnel, poste suprême de la défense de la République, ce qui engendra de nombreuses protestations chez les sarkozystes. La citation indiquée au début de cet article date de cette époque, celle où Christian Estrosi était un second couteau sarkozyste sans état d’âme, et il était heureux que Jean-Louis Debré, à la tête de l’institution qui arbitre les conflits constitutionnels, ne demeurât pas partial et ne cherchât pas à "faire gagner son camp".

L’Assemblée Nationale avait achevé ses travaux en février 2007, comme à chaque fin de quinquennat, et la nouvelle législature commençait en juin 2007. Mais en quittant l’Hôtel de Lassay (la résidence du Président de l’Assemblée Nationale), Jean-Louis Debré avait provoqué une nouvelle élection : il était en effet nécessaire de désigner son successeur au perchoir pour quelques semaines, ce qui n’était qu’un titre honorifique. Pierre Méhaignerie et Claude Gaillard (député de Nancy qui ne se représentait pas) furent candidats à ce furtif poste mais ce fut le gaulliste Patrick Ollier (compagnon de Michèle Alliot-Marie et futur président de la Métropole de Paris) qui fut élu au perchoir du 7 mars 2007 au 19 juin 2007, seul Président de chambre à n’avoir jamais présidé aucune séance à l’Hémicycle (autre que celle de son élection).

Succédant au vieil ami Pierre Mazeaud, Jean-Louis Debré présida le Conseil Constitutionnel du 5 mars 2007 au 5 mars 2016, un mandat très long de neuf ans, englobant trois quinquennats. Il a eu donc à accueillir dans son conseil, hormis Valéry Giscard d’Estaing qui avait décidé de venir siéger à partir de 2004 (il était membre de droit depuis mai 1981), deux autres anciens Présidents de la République membres de droit, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, eux-mêmes qui renoncèrent à siéger après quelques années de présence (pour des raisons diverses : procès et maladie pour Jacques Chirac ; retour à l’engagement politique et mise en cause pour le financement de sa campagne présidentielle de 2012 pour Nicolas Sarkozy).

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Au-delà de cet élargissement du nombre de ses membres, il a surtout dû faire face à une révision capitale de la Constitution décidée par Nicolas Sarkozy, celle du 23 juillet 2008, qui a trait à la question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable étant capable de remettre en cause une loi déjà promulguée, ce qui a profondément bouleversé les travaux da l’institution, avec un manque de moyens patent (on donne plus de pouvoirs sans augmenter le budget de fonctionnement).

En entrant rue de Montpensier (une aile du Palais-Royal), Jean-Louis Debré ne pouvait pas ne pas ressentir une forte émotion, car son père a été le père de la Constitution du 4 octobre 1958. D’ailleurs, le Président Georges Pompidou avait proposé à Michel Debré (alors ministre) de le nommer Président du Conseil Constitutionnel et ce dernier lui avait refusé, car il voulait encore faire de la politique et essayer d’avoir une influence sur le cours des événements, dans les années 1970 (ce n’était pas son caractère de vouloir prendre une retraite anticipée et occuper un placard doré).

À la fin de son mandat de neuf ans (remplacé par Laurent Fabius), Jean-Louis Debré est donc redevenu un homme libre, sans droit de réserve (qu’il avait pourtant un peu malmené) et a sorti dès le 21 avril 2016 un livre mémoire "Ce que je ne pouvais pas dire" chez Robert Laffont où il pouvait "se lâcher" (livre qui a eu un grand succès commercial pendant l’été 2016).

S’il a gardé un pied dans les institutions, comme président du Conseil supérieur des archives (succédant à l’historienne Georgette Elgey et au politologue René Rémond), nommé par la Ministre de la Culture et de la Communication Audrey Azoulay le 5 mars 2016, fonction bénévole (a-t-il tenu à préciser), Jean-Louis Debré, décontracté (sans cravate), a décidé de changer de métier (comme Roselyne Bachelot) en se transformant en chroniqueur de télévision (Paris Première) et de radio (Europe 1).

Jean-Louis Debré a pu ainsi révéler certaines décisions personnelles. Ainsi, malgré son ancienne appartenance à l’UMP, il a déclaré que depuis 1995, il s’était toujours opposé à Nicolas Sarkozy car ce dernier combattait Jacques Chirac. Interviewé par Jean-Michel Aphatie à la matinale de France Info le mardi 15 novembre 2016, Jean-Louis Debré a confié qu’il avait agi comme François Bayrou, à savoir qu’il avait voté pour François Hollande au second tour de l’élection présidentielle du 6 mai 2012 (contre Nicolas Sarkozy) : « Pour moi, qu’on soit à droite ou à gauche, l’important, c’est d’être républicain. J’ai déjà voté à gauche. ».

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Au même moment, il hésitait à soutenir à la primaire LR entre la candidature d’Alain Juppé et celle de son "poulain" Bruno Le Maire qu’il avait "installé" dans sa circonscription de l’Eure (il a soutenu finalement Alain Juppé), avant d’être déçu par la victoire de François Fillon : « La France doit se reprendre. (…) Nous avons besoin d’un Président qui rassemble, qui redonne à l’État une autorité qu’il a perdue. Et je pense qu’aujourd’hui, dans le panorama de ceux qui se présentent, à droite comme à gauche, à gauche, on ne sait pas encore, c’est Alain Juppé qui a le meilleur profil, l’autorité, la dignité, l’expérience pour remettre la France dans le droit chemin. » (15 novembre 2016).

Finalement, Jean-Louis Debré a confié au maire de Lyon, Gérard Collomb, futur Ministre de l’Intérieur (son dernier successeur Place Beauvau), qu’il voterait pour Emmanuel Macron aux deux tours de l’élection présidentielle de 2017 (et Bruno Le Maire fut ensuite nommé Ministre de l’Économie et des Finances par Emmanuel Macron) : « Je ne peux pas voter pour François Fillon. Je voterai pour Emmanuel Macron. » (selon "L’Opinion" du 12 avril 2017). Il l’a donc fait au même titre que François Bayrou, Dominique Perben, Dominique de Villepin et d’autres chiraquiens…

Probablement que l’élection de Laurent Wauquiez à la tête de LR, le cas échéant, éloignerait définitivement Jean-Louis Debré de la famille résiduelle du gaullisme politique, au profit d’un nouvel ordre présidentiel incarné par …Emmanuel Macron.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (27 juin 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Jean-Louis Debré.
Bernard Debré.
Michel Debré.
Jacques Chirac.
Vincent Auriol.
Édouard Herriot.
Jacques Chaban-Delmas.
Edgar Faure.
Laurent Fabius.
Henri Emmanuelli.
Philippe Séguin.
Raymond Forni.
Patrick Ollier.
Claude Bartolone.
Daniel Mayer.
Robert Badinter.
Roland Dumas.
Yves Guéna.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20161115-jean-louis-debre.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/jean-louis-debre-haut-perche-194505

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/06/27/35422144.html


 

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22 juin 2017 4 22 /06 /juin /2017 05:20

« On n’a jamais vu un orchestre, surtout un orchestre symphonique, composé avec les mêmes instruments. » (Édouard Philippe, le 20 juin 2017 sur BFM-TV/RMC).



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La Fête de la musique pour fêter l’arrivée de l’été …et l’arrivée du second gouvernement d’Édouard Philippe. Le premier gouvernement a démissionné normalement le 19 juin 2017 à l’issue des élections législatives des 11 et 18 juin 2017.


L’avant-nomination

Quatre poids lourds politiques du gouvernement sortant ont annoncé successivement leur refus de rester au gouvernement : Richard Ferrand (le 19 juin 2017), Sylvie Goulard (le 20 juin 2017) et François Bayrou et Marielle de Sarnez (le 21 juin 2017). Ce ne sont pas des démissions puisque le gouvernement en entier était déjà démissionnaire.

Quel que soit l’emballage de ces abandons, la raison est celle invoquée par Sylvie Goulard : leur implication, d’une manière ou d’une autre, dans une affaire judiciaire, les incitait à renoncer à leurs responsabilités ministérielles.

Mépris du Parlement ? Ce qui ne convenait pas au gouvernement serait-il acceptable pour des postes à grandes responsabilités à l’Assemblée Nationale ? Richard Ferrand serait amené à présider l’imposant groupe de la majorité La République En Marche tandis que Marielle de Sarnez à présider le groupe MoDem (le premier de l’histoire du MoDem).

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François Bayrou, qui avait habilement retardé sa démission de la mairie de Pau (prévue à la fin du mois) va donc rester maire et gardera donc son entière liberté d’expression comme il l’a répété dans sa conférence de presse du 21 juin 2017. François Bayrou a tenu aussi à préciser que son retrait n’a pas été engendré par celui de Sylvie Goulard et qu’il en avait déjà parlé à Emmanuel Macron le 9 juin 2017, lorsqu’une enquête préliminaire a été ouverte sur l’affaire des attachés parlementaires du MoDem.

Invité du journal télévisé de 20 heures le 21 juin 2017 sur TF1, le Premier Ministre Édouard Philippe a insisté pour dire qu’il n’y aurait pas de jurisprudence Bayrou : seule, la mise en examen provoquerait la démission d’un ministre du gouvernement. Une jurisprudence déjà adoptée à l’époque de Pierre Bérégovoy (avec Bernard Tapie le 23 mai 1992), Édouard Balladur (avec Alain Carignon le 19 juillet 1994, Gérard Longuet  le 14 octobre 1994, Michel Roussin le 12 novembre 1994) et Lionel Jospin (avec Dominique Strauss-Kahn le 2 novembre 1999).

Par ailleurs, rien n’empêchera ces quatre anciens ministres de revenir au gouvernement si la justice les innocente dans les procédures actuellement engagées.


Les supputations

Elles ont été nombreuses, comme à chaque changement de gouvernement ou à chaque remaniement. Contrairement à prévu, il ne s’est pas agi d’un simple remaniement technique mais d’un changement politique important.

À la justice furent annoncés René Dosière ou Bertrand Delanoë. À la Défense, Jean-Pierre Raffarin ou encore Nathalie Kosciusko-Morizet (malgré son échec aux élections législatives). On a parlé aussi de Thierry Solère, Pierre-Yves Bournazel, Franck Riester, Jean-Louis Bourlanges, etc.


La composition du nouveau gouvernement

Comme le 17 mai 2017, les journalistes ont été surpris à l’annonce des nouveaux ministres, n’en connaissant même pas le nom de certains.

Plusieurs remarques sur les nouveautés de cette composition (lisible ici).

1. Le gouvernement est de moins en moins "resserré" avec 29 membres (on est loin des 15 annoncés à l’élection présidentielle !). Comme d’habitude…

2. Aucun poids lourd politique n’a remplacé ceux qui sont partis. Ils auront donc leur existence politique directement liée au nouveau pouvoir et pas leur existence propre (comme c’était le cas avec François Bayrou et Richard Ferrand).

3. Il y a un rééquilibrage politique avec plus de ministres issus du PS (notamment Florence Parly, ancienne sous-ministre de Lionel Jospin et Nicole Belloubet), d’autres responsables issus de LREM (Stéphane Travert, Benjamin Griveaux, Julien Denormandie et Brune Poirson), et l’arrivée d’autres ministres MoDem (Jacqueline Gourault et Geneviève Darrieussecq).

4. À droite, c’est les proches de Bruno Le Maire qui l’ont emporté avec l’arrivée de Sébastien Lecornu, un jeune talent précoce (plus jeune président de conseil départemental) et celle de Jean-Baptiste Lemoyne. La probable désignation de Thierry Solère comme président du groupe LR "constructifs" et UDI qui devrait compter une quarantaine de députés (autant que le MoDem) donnera au Premier Ministre Édouard Philippe son propre groupe parlementaire.

5. L’arrivée de nombreux ministres issus des "territoires" compense la réputation de gouvernement trop urbain collée au précédent : Stéphane Travert, Geneviève Darrieussecq, Jacqueline Gourault, etc. connaissent mieux les zones rurales, et bien sûr Jacques Mézard, qui passe de l’Agriculture à la Cohésion des Territoires.

6. Bravo à la diplomate Nathalie Loiseau, directrice de l’ENA depuis le 3 octobre 2012, choisie pour s’occuper des Affaires européennes. Ce n’est peut-être pas très connu, mais l’ENA a depuis une dizaine d’années une action très forte en faveur de la construction européenne, en tissant des relations avec les autres pays européens. Son siège à Strasbourg n’y est pas d’ailleurs un hasard et a favorisé ce genre d’action (décidé par Édith Cresson).

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7. Enfin, tout le processus montre que c'était Emmanuel Macron qui était en première ligne pour choisir le nouveau gouvernement. Il est clair que le Premier Ministre va devoir prendre du pouvoir d'initiative pour montrer qu'il n'est pas qu'un simple collaborateur présidentiel...


La suite : la "réduction du paquet d’ondes" !

Alain Juppé aurait passablement apprécié que le rouleau compresseur LREM ait massacré ses propres candidats en Gironde ou même au niveau national, comme son ancien directeur de campagne Gilles Boyer. Il reprocherait à son ancien poulain Édouard Philippe d’avoir sauté le pas avant les élections législatives, ce à quoi a répondu l’intéressé sur TF1 ce 21 juin 2017 en expliquant qu’il était plus sain de faire cet audacieux saut avant les élections législatives pour rester transparent et clair avec la nouvelle majorité élue sur cette base-là.

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La nouvelle Assemblée va être particulièrement divisée : au-delà d’un groupe pléthorique de LREM et du groupe MoDem, on devrait compter le groupe LR "canal historique" (dans l’opposition), un groupe LR-UDI "constructifs" favorable au nouveau gouvernement, un groupe PS, un groupe FI, un groupe PCF (s’il trouve assez de députés, il leur en manque 5), sans compter les 8 députés du FN (Manuel Valls a également tenté de former un groupe au centre gauche, apparemment sans succès).

Jean-Luc Mélenchon a prévenu que la condition pour commencer un dialogue à gauche, ce serait de voter contre la confiance. Et en effet, tout va se jouer le 4 juillet 2017, lors du vote de confiance au gouvernement.

Ceux qui la voteront seront considérés comme faisant partie de la majorité, et réciproquement, ceux qui voteront contre dans l’une des oppositions multiples. Ce sera la fin de l’indétermination quantique qui a commencé le 6 avril 2016 avec la création du mouvement En Marche qui acceptait la double appartenance avec un ancien parti traditionnel (LR, UDI, PS, PRG, etc.).

Le jour du vote de confiance, chaque député sera mis devant ses responsabilités politiques : et ce vote va structurer non seulement le quinquennat du Président Emmanuel Macron mais probablement l’avenir du paysage politique français pour les prochaines décennies…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 juin 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Édouard Macron II : bientôt la fin de l’indétermination quantique.
Composition du second gouvernement d’Édouard Philippe (21 juin 2017).
Les Langoliers.
Résultats officiels du second tour des élections législatives du 18 juin 2017.
Forza Francia.
Résultats officiels du premier tour des élections législatives du 11 juin 2017.
La Ve République.
La campagne des élections législatives de juin 2017.
Liste des 7 882 candidats aux élections législatives du 11 juin 2017 (à télécharger).
Liste des 511 candidats investis par La République En Marche le 15 mai 2017 (document).
Programme LR-UDI pour les législatives présenté le 10 mai 2017 (à télécharger).
Loi de moralisation de la vie politique (1er juin 2017).
Emmanuel Macron et la fierté nouvelle d’être Français ?
Richard Ferrand, comme les autres ?
Édouard Macron : d’abord l’Europe !
Composition du premier gouvernement d’Édouard Philippe (17 mai 2017).
Édouard Philippe, nouveau Premier Ministre.
L’investiture d’Emmanuel Macron (14 mai 2017).
Programme 2017 d’Emmanuel Macron (à télécharger).
Le Président Macron a-t-il été mal élu ?
Qui sera nommé Premier Ministre en mai et juin 2017 ?
L’élection d’Emmanuel Macron le 7 mai 2017.
Macronités.
Ensemble pour sauver la République.
Débat du second tour du 3 mai 2017.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170621-gouvernement-edouard-philippe-ii.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/edouard-macron-ii-bientot-la-fin-194351

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/06/22/35407275.html

 

 

 

 

 

 

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21 juin 2017 3 21 /06 /juin /2017 19:27

Édouard Philippe a été reconduit Premier Ministre le 19 juin 2017 par le Président de la République Emmanuel Macron. Son premier gouvernement a été nommé le mercredi 21 juin 2017 à 19 heures 20. La première réunion en conseil des ministres a lieu le jeudi 22 juin 2017 à 10 heures.

Premier Ministre : Édouard Philippe.

Ministre d'État, Ministre de l'Intérieur : Gérard Collomb.
Ministre d'État, Ministre de la Transition écologique et solidaire : Nicolas Hulot.

Garde des Sceaux, Ministre de la Justice : Nicole Belloubet.
Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères : Jean-Yves Le Drian.
Ministre des Armées : Florence Parly.
Ministre de la Cohérision et des Territoires : Jacques Mézard.
Ministre des Solidarités et de la Santé : Agnès Buzyn.
Ministre de l'Économie et des Finances : Bruno Le Maire.
Ministre de la Culture : Françoise Nyssen.
Ministre du Travail : Muriel Pénicaud.
Ministre de l'Éducation nationale : Jean-Michel Blanquer.
Ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation : Stéphane Travert.
Ministre de l'Action et des Comptes publics : Gérald Darmanin.
Ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation : Frédérique Vidal.
Ministre des Outre-Mer : Annick Girardin.
Ministre des Sports : Laura Flessel.

Ministre déléguée auprès de Gérard Collomb : Jacqueline Gourault.
Ministre déléguée auprès de Nicolas Hulot chargée des Transports : Élisabeth Borne.
Ministre déléguée auprès de Jean-Yves Le Drian chargée des Affaires européennes : Nathalie Loiseau.

Secrétaire d'État auprès d'Édouard Philippe chargé des Relations avec le Parlement et porte-parole du gouvernement : Christophe Castaner.
Secrétaire d'État auprès d'Édouard Philippe chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes : Marlène Schiappa.
Secrétaire d'État auprès d'Édouard Philippe chargée des Personnes handicapées : Sophie Cluzel.
Secrétaire d'État auprès d'Édouard Philippe chargé du Numérique : Mounir Mahjoubi.
Secrétaire d'État auprès de Nicolas Hulot : Sébastien Lecornu.
Secrétaire d'État auprès de Nicolas Hulot : Brune Poirson.
Secrétaire d'État auprès de Jean-Yves Le Drian : Jean-Baptiste Lemoyne.
Secrétaire d'État auprès de Florence Parly : Geneviève Darrieussecq.
Secrétaire d'État auprès de Jacques Mézard : Julien Denormandie.
Secrétaire d'État auprès de Bruno Le Maire : Benjamin Griveaux.


Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170621-gouvernement-edouard-philippe-ii.html


SR

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20170621-composition-gouvernement.html


 

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1 juin 2017 4 01 /06 /juin /2017 05:18

« Il y a dans le processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort. La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le roi n’est plus là ! On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d’y placer d’autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie française ne remplit pas l’espace. On le voit bien avec l’interrogation permanente sur la figure présidentielle, qui vaut depuis le départ du général De Gaulle. Après lui, la normalisation de la figure présidentielle a réinstallé un siège vide au cœur de la vie politique. Pourtant, ce qu’on attend du Président de la République, c’est qu’il occupe cette fonction. Tout s’est construit sur ce malentendu. » (Emmanuel Macron, le 8 juillet 2015).



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Comme c’est étrange ! Comme j’ai l’impression que l’histoire de France s’est remise en marche depuis quelques semaines. Après cinq ans de honte, d’immobilisme et de dogmatisme. Après cinq mois d’une campagne présidentielle stressante et anxiogène. C’est comme le retour du soleil après la pluie diluvienne d’un orage. Le ciel s’éclaire. On serait presque tenté de reprendre la phrase de Jack Lang qui avait osé proclamer le 10 mai 1981 : « Les Français ont franchi la frontière qui sépare la nuit de la lumière. ». Il reste encore des flaques d’eau.

Cette impression que toutes les choses qui allaient mal, toutes les mesures stupides, tout va être remis en ordre, remis à l’endroit : les rythmes scolaires, la réforme du collège, la retenue à la source de l’impôt sur le revenu, le compte pénibilité, etc. Cette impression que la raison l’a emporté le 7 mai 2017, et qu’on va enfin gouverner intelligemment, sans se moquer des Français, sans s’intéresser uniquement à un parti, qu’on va enfin œuvre pour le seul intérêt général.

Faut-il rajouter les superlatifs à ceux des médias ? Pourquoi pas ? Les miens le sont parce qu’ils s’en étonnent, parce qu’il y a un an, je n’aurais pas imaginé une seconde ce cours des événements. Parce que le pire n’est jamais certain.

Au cours de la campagne présidentielle, j’avais trouvé des airs bonapartistes à Emmanuel Macron. Ce n’est pas pour lui faire l’injure de n’être pas républicain, je n’ai pas d’inquiétude à ce sujet, mais la comparaison pourrait porter sur son tempérament, sa folle audace, sa grande capacité de travail, son sommeil très court, son destin souriant, sa précocité aussi, sa manière à conquérir à la hussarde un Élysée imprenable, réservé aux vieux soutiers du navire démocratique.

La première photographie de cet article, prise lors de son avancée aux Champs-Élysées vers l’Arc-de-Triomphe de la Place de l’Étoile, saluant une foule (clairsemée), entouré des motards et des cavaliers, avait déjà cette ressemblance bonapartiste. Un cheval indocile donnait le change pour en faire une nouvelle image d’Épinal. La ressemblance avec les tableaux de Gros et surtout de Vernet représentant le général Napoléon Bonaparte conduisant ses troupes sur le pont d’Arcole, le 17 novembre 1796, est frappante.

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Le capitaine Joseph Sulkowski, qui fut l’aide de camp de Bonaparte, a décrit ainsi la scène dans des lettres publiées en 1946 : « En attendant, le général en chef, instruit de l'état des affaires, s'était déjà avancé lui-même à moitié chemin : on lui apprend les pertes irréparables qu'on vient de faire, l'obstination de l'ennemi, le découragement de nos soldats. Le combat était engagé, il fallait vaincre ou périr, et il prend un parti digne de sa gloire. Nous le voyons tout à coup paraître sur la digue, entouré de son état-major et suivi de ses guides, il descend de cheval, tire son sabre, prend un drapeau et s'élance sur le pont au milieu d'une pluie de feu. Les soldats le voient et aucun d'eux ne l’imite. ».

Un autre témoin, le sous-lieutenant Jean Antoine François Ozanam (père de l’historien chrétien Frédéric Ozanam), a raconté aussi la scène : « Sa colonne l’avait à moitié franchi lorsqu’un feu de flanc la fit rétrograder. Les grenadiers enlevèrent Bonaparte et l’entraînèrent, il fut précipité dans un marais où il s’enfonça jusqu’à mi-corps. Lannes, qui était blessé, était accouru de Milan, il couvrit le général de son corps. Muiron, aide de camp, en fit autant et il fut tué, alors que le général Jean Gilles André Robert fut grièvement blessé (il devait décéder de ses blessures le 10 janvier 1797). ».

J’ai évoqué quelques soulagements intérieurs, mais c’est en politique étrangère qu’il faut le plus se réjouir et que les plus récalcitrants commencent, eux aussi, à y trouver un changement bienvenu. Je passerais sur les expressions énervantes des médias, cette "séquence internationale" qu’il aurait suivie dans un "sans faute" (quelle faute attendait-on donc ? qu’il trébuchât sur Angela Merkel ?).

Cette "séquence" (pour employer ce vilain mot) a commencé le jeudi 25 mai 2017 avec le Sommet de l’OTAN à Bruxelles. Un sommet très important et nouveau autant pour le Président français Emmanuel Macron que pour le Président américain Donald Trump. L’occasion, pour ces deux hommes, de faire connaissance en partageant le déjeuner. Parfois, l’honneur d’un pays tient à peu de choses. À une poignée de main. Donald Trump a l’habitude d’écraser la main de ses interlocuteurs. Emmanuel Macron, le sourire jusqu’aux oreilles, a écrasé la main de Donald Trump. Cela a l’air anodin mais pas autant que cela. Derrière ce sourire tendre et plaisant se révèle une volonté de fer. Elle a été déployée pour la campagne présidentielle, et maintenant élu, Emmanuel Macron l’utilise pour la France. Pour son nouveau "job".

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C’est peut-être cela que les Français commencent à apprécier chez lui : il n’a pas été candidat à l’élection présidentielle pour assouvir une ambition narcissique débordante, il a été candidat parce qu’il a compris de l’intérieur toutes les carences du pouvoir et qu’il a eu la folle audace de vouloir les corriger. Il n’est pas un François Mitterrand qui a mis quarante ans de sa vie à atteindre le sommet de la pyramide après de si longs rêves de sphinx. Il n’est pas un Jacques Chirac qui, une fois élu, après plusieurs redoublements, ne savait plus quoi faire. Il n’est pas Nicolas Sarkozy qui n’a jamais qu’aimé le pouvoir pour le pouvoir. Il n’est pas François Hollande qui, saisissant une improbable chance, s’est retrouvé à la tête d’un pays alors qu’il n’avait jamais dirigé qu’un parti.

Emmanuel Macron a d’ailleurs déjà montré, au grand désespoir des journalistes, que le Président de la République ne communiquerait plus à tort et à travers avec eux, que l’existence de Twitter et des chaînes d’information continue n’est pas une raison pour placer le chef de l’État dans un rôle de simple commentateur sportif. Que l’Élysée n’est pas la maison de Loft Story. Ce sera peut-être le premier Président de la République qui aura non seulement compris mais maîtrisé les nouvelles technologies en y plaçant son propre tempo, sans en être l’esclave. Cette superbe et orgueilleuse expression de "maître des horloges" prend maintenant tout son sens.

Le premier déplacement officiel a été réalisé à Berlin dès le 15 mai 2017 pour rencontrer la Chancelière allemande Angela Merkel. On aurait pu l’interpréter comme un acte d’allégeance d’une France diminuée et vassalisée auprès une Allemagne surpuissante et triomphante. Les derniers jours qui se sont écoulés a effacé cette mauvaise interprétation qui pêche d’ailleurs dans l’oubli de la réciprocité : le Chancelier nouvellement élu fait, lui aussi, son premier déplacement à Paris pour rencontrer le Président français. Comme Angela Merkel est au pouvoir depuis 2005, soit depuis quatre Présidents français, cette réciprocité est moins visible, mais elle existe et est le symbole persistant de cette heureuse amitié franco-allemande.

Les deux journées suivantes furent italiennes, les 26 et 27 mai 2017, pour le Sommet du G7 à Taormina, en Sicile, dans un site archéologique. Ce fut l’occasion pour Emmanuel Macron de connaître ses nouveaux camarades de classe internationale. Il avait déjà reçu le 21 mai 2017 à l’Élysée l’hôte du sommet, le Président du Conseil italien Paolo Gentiloni, désigné à la tête du gouvernement italien depuis le 12 décembre 2016 à la suite de l’échec du référendum constitutionnel du 4 décembre 2016, succédant au fougueux Matteo Renzi qui avait commencé à diriger l’Italie le 22 février 2014, à 39 ans, l’âge actuel d’Emmanuel Macron.

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Pendant ces trois journées, Emmanuel Macron a rencontré de nombreuses personnalités, notamment le Président turc Recep Tayyip Erdogan, le Président de la Commission Européenne Jean-Claude Juncker, la Premier Ministre britannique Theresa May, et le Premier Ministre canadien Justin Trudeau dont on évoque régulièrement le même jeune âge (il avait 43 ans quand il a conquis le pouvoir le 4 novembre 2015).

Le clou du "spectacle", si l’on peut parler de spectacle pour des rencontres internationales, ce fut bien sûr ce lundi 29 mai 2017 avec la visite officielle du Président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, au château de Versailles. La première réception officielle d’un chef d’État étranger du nouveau quinquennat.

J’ai toujours eu honte de la France durant le quinquennat précédent sur la manière dont François Hollande s’était comporté avec la Russie. Bien sûr que certains de nos "intérêts" ne sont pas convergents, mais l’histoire et la culture se rejoignent dans l’amitié franco-russe. Les deux peuples sont liés par plusieurs siècles de mutuelles compréhension. Ce fut une honte que François Hollande ne fût pas présent à Moscou le 9 mai 2015 pour commémorer le soixante-dixième anniversaire de la Victoire. Sa présence n’aurait pas réduit les exigences de la France et de l’Europe sur la souveraineté de toute l’Ukraine, y compris la Crimée. On ne doit jamais humilier un peuple. Le Traité de Versailles a engendré en partie Hitler.

Emmanuel Macron a fait les choses en grand. On avait vu Vladimir Poutine très impressionné le 12 juin 2007, lorsqu’il avait rencontré l’écrivain qui l’avait fasciné, Soljenitsyne. Il semblait redevenir un petit garçon. J’ai eu le sentiment qu’il a été très impressionné aussi, et très honoré, d’avoir été reçu dans ce si luxueux château de Versailles et pour une occasion encore plus magistrale de l’histoire des deux pays, puisqu’il a inauguré une exposition retraçant la venue du tsar Pierre le Grand en France il y a trois siècles. Le tsar a séjourné en France du 21 avril 1717 au 21 juin 1717, et est allé deux fois à Versailles, logé au Grand Trianon, du 24 au 26 mai 1717 et du 3 au 11 juin 1717. L’exposition en question est ouverte au public au Grand Trianon du 30 mai 2017 au 24 septembre 2017.

Dans sa chronique du matin (avant donc la visite), le journaliste Daniel Schneidermann (qui n’apprécie pas beaucoup le nouveau Président) s’était amusé à évoquer un tableau réalisé plus d’un siècle plus tard, sous Louis-Philippe, en 1838, par le peintre Louis Hersent, représentant la venue du roi Louis XV, alors enfant de 7 ans, le 10 mai 1717, à l’hôtel de Lesdiguières où résidait Pierre le Grand. Alors, hors de toutes les convenances, bousculant le protocole, le tsar a pris dans ses bras l’enfant roi pour l’embrasser.

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Dans ses Mémoires, Saint-Simon a décrit cette scène assez exceptionnelle : « Le roi alla voir le tsar, qui le reçut à sa portière, le vit descendre de carrosse, et marcha de front à la gauche du roi jusque dans sa chambre où ils trouvèrent deux fauteuils égaux. Le roi s’assit dans celui de la droite, le tsar dans celui de la gauche, le prince Kurakin servit d’interprète. On fut étonné de voir le tsar prendre le roi sous les deux bras, le hausser à son niveau, l’embrasser ainsi en l’air, et le roi à son âge, et qui n’y pouvait pas être préparé, n’en avoir aucune frayeur. On fut frappé de toutes les grâces qu’il montra devant le roi, de l’air de tendresse qu’il prit pour lui, de cette politesse qui coulait de source, et toutefois mêlée de grandeur, d’égalité de rang, et légèrement de supériorité d’âge ; car tout cela se fit très distinctement sentir. Il loua fort le roi, il en parut charmé, et il en persuada tout le monde. Il l’embrassa à plusieurs reprises. Le roi lui fit très joliment son petit et court compliment. » (Tome 14, chapitre XVIII).

Daniel Schneidermann imaginait alors que l’enfant roi serait Emmanuel Macron tenu dans les bras du tsar Poutine. Eh bien, il n’en a rien été ! Le tsar n’était pas celui qu’on aurait pu croire.

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Non seulement Emmanuel Macron a montré beaucoup d’égards à Vladimir Poutine, l’a honoré comme il se devait, mais aussi il n’a rien lâché et il a même montré un courage et une sincérité qu’il est bon d’observer enfin dans les relations internationales. Au cours de la conférence de presse commune, alors que Vladimir Poutine se trouvait à deux ou trois mètres de lui, Emmanuel Macron a fustigé clairement les "officines" russes Russia Today et Sputnik pour avoir diffusé de fausses informations sur son compte au cours de la campagne présidentielle.

Emmanuel Macron a étonné car il est l’exact contraire de François Hollande. Parce qu’il n’est pas dans la posture mais dans l’authenticité. Il a reçu avec beaucoup d’honneurs, il a repris le dialogue, mais il a été réellement ferme sur certaines positions françaises. Rien à voir avec un François Hollande qui refusait de parler à la Russie et dont l’influence était quasiment nulle. De toute façon, il faudra bien, un jour ou l’autre, trouver une porte de sortie pour lever les sanctions contre la Russie et reconnaître la Crimée russe, car personne n’imagine que la Crimée redeviendra ukrainienne.

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Oui, en écoutant cette conférence de presse commune, j’ai senti cette étrange émotion. Cette impression que la France redevenait le centre du monde, un des centres du monde, soyons plus modeste et moins emphatique, que la France redevenait écoutée. L’élection (inattendue) d’Emmanuel Macron a surpris et fasciné la "communauté internationale", et a montré que le peuple français n’avait pas succombé à la vague de populismes qui avait emporté récemment plusieurs démocraties postindustrielles. La France est capable d’enrayer cette vague dépressive de déclinisme, de défaitisme, de pessimisme, et de redonner un nouveau contexte, des perspectives futures plus positives.

Sous François Hollande, je ressentais de la honte. La honte que François Hollande n’honorait pas sa fonction, n’honorait pas l’histoire de son pays, n’honorait pas la France éternelle. La honte de sa réaction stupide de condescendance lors de l’élection de Donald Trump. Même la honte d’avoir laissé des journalistes trash écouter ses conversations diplomatiques confidentielles, en particulier un échange téléphonique avec Matteo Renzi. Tout dans la posture et rien dans la droiture.

Alors oui, même si je pouvais un peu douter avant de l’avoir vu en action, je suis fier d’Emmanuel Macron, fier d’être Français, fier d’être représenté par le Président Macron, qui montre ce qu'est le sentiment patriotique. Il continuera certainement à étonner encore. Je pense qu’il sera probablement un grand Président de la République. Un qu’on ne pourra pas comparer, ni à Napoléon (dont la fonction impériale n’est pas si éloignée de la fonction présidentielle sous la Ve République), ni à Clemenceau, ni à De Gaulle, ni à Kennedy, ni à Valéry Giscard d’Estaing. Un incomparable comme il y en a peu par génération.

C’est un fait. La France est ressortie grandie de ce marathon diplomatique de quelques jours. Tout reste à faire, rien n’a été résolu. L’épineuse question du maintien des États-Unis dans l’Accord de Paris de la COP21 n’a pas été levée à Taormina.

On ne finira pas d’être étonné par Emmanuel Macron. Sa capacité à rassembler d’abord ses partisans puis les électeurs, à fasciner ses interlocuteurs étrangers, et peut-être à rassurer les partenaires sociaux dans son indispensable tentative de réforme du code du travail… tout est aujourd’hui fait dans l’optique du rassemblement du peuple français.

Rien ne dit qu’il n’y aura pas de petits cailloux qui casseront cette belle mécanique, mais je suis convaincu que sa capacité à rassembler le peuple français sera d’autant plus efficace qu’Emmanuel Macron ne disposera pas d’une majorité absolue monolithique, monocolore, godillot, à l’Assemblée Nationale et qu’il devra en permanence consulter, ausculter, convaincre tant les parlementaires que les Français eux-mêmes dans chacune de ses démarches. Enfin du vent frais pour redonner un peu d’optimisme dans une France plus puissante qu’elle ne le croit elle-même !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (01er juin 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Emmanuel Macron et la fierté nouvelle d’être Français ?
Richard Ferrand, comme les autres ?
Édouard Macron : d’abord l’Europe !
Composition du premier gouvernement d’Édouard Philippe (17 mai 2017).
Édouard Philippe, nouveau Premier Ministre.
L’investiture d’Emmanuel Macron (14 mai 2017).
Programme 2017 d’Emmanuel Macron (à télécharger).
Le Président Macron a-t-il été mal élu ?
Qui sera nommé Premier Ministre en mai et juin 2017 ?
L’élection d’Emmanuel Macron le 7 mai 2017.
Macronités.
Ensemble pour sauver la République.
Débat du second tour du 3 mai 2017.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170529-macron.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/emmanuel-macron-et-la-fierte-193703

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/06/01/35332515.html

 

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18 mai 2017 4 18 /05 /mai /2017 00:31

« Le gouvernement a pour mission de faire que les bons citoyens soient tranquilles, que les mauvais ne le soient pas. » (Georges Clemenceau).


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Avec un jour de retard, le temps de continuer à faire bouillir la marmite LR, la composition du premier gouvernement d’Édouard Philippe, en CDD de quatre semaines jusqu’au 19 juin 2017, lendemain des élections législatives, a été annoncée par Alexis Kohler, le nouveau Secrétaire Général de l’Élysée, ce mercredi 17 mai 2017 à 15 heures (liste complète ici).

C’était un exercice très délicat de dosages, tant sur le sexe, la géographie, les origines politiques, les compétences professionnelles, les formations initiales, etc. Finalement, j’aurais tendance à dire qu’il n’y a pas vraiment de "révélation" ou de changement des usages. La formation de ce gouvernement a été faite de la même manière que les précédents sous la Ve République, dans un savant équilibre entre les propositions du Premier Ministre et les impositions du Président de la République.

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Le gouvernement est moins resserré qu’annoncé : vingt-trois membres au lieu des quinze annonces. La nomination de ministres d’État n’a rien de révolutionnaire, c’est au contraire une vieille pratique pour anoblir quelques personnalités essentielles au sein d’un gouvernement. Il y en a eu dans tous les gouvernements de la Ve République sauf entre 1995 et 2004 et entre 2012 et 2017.

S’il n’y a que quatre anciens ministres dans cette équipe gouvernementale de vingt-trois, il est cependant difficile de dire qu’il incarne vraiment un profond renouvellement, ou, du moins, plus profond à chaque début de mandat présidentiel. Quatre des cinq premiers noms sur la liste ministérielle ont en effet plus de 60 ans, dont deux 69 ans. La moyenne d’âge frôle les 55 ans, ce qui est élevé, alors que la moyenne d’âge des candidats investis par La République En Marche était de 46 ans le 11 mai 2017 (la liste des 511 candidats publiée le 15 mai 2017 a un peu modifié cette moyenne). Il n’y a que trois ministres trentenaires et trois ministres quadragénaires (en comptant Édouard Philippe), alors que trois autres ministres vont bientôt atteindre 70 ans.

Sur la parité, il y a douze hommes pour onze femmes, ce qui est la parité parfaite si l’on exclut le Premier Ministre. Pourtant, il y a comme une petite odeur de duperie dans cet affichage. Comme disait Natacha Polony sur LCI le 16 mai 2017, qu’importe qu’il y ait juste 50% de femmes ou 40%, 45% ou même 55%, pourvu que ce soient les compétences qui motivent les nominations.

À part Sylvie Goulard, bombardée Ministre des Armées (nouvelle appellation et surtout, ancienne appellation du Ministère de la Défense, on redécouvre l’histoire de France, c’est bien), six des sept premiers membres du gouvernement sont des hommes. Aucune femme n’est parmi les trois ministres d’État, ni Premier Ministre. La plupart des femmes ministres proviennent de la "société civile" et n’auront donc aucun poids politique à court terme. Seules Sylvie Goulard, Annick Girardin et Marielle de Sarnez auront du poids politique parmi les onze femmes ministres.

La part belle est faite à l’Europe, et je m’en réjouis.

Sylvie Goulard, l’une des trois énarques de l’équipe (avec Édouard Philippe et Bruno Le Maire) est députée européenne depuis juin 2009 (élue sous l’étiquette du MoDem mais elle n’est pas MoDem dans ce gouvernement, spécifiquement En Marche) et elle fut la collaboratrice de Romano Prodi, Président de la Commission Européenne lors des négociations du TCE. Il ne fait pas beaucoup de doute qu’elle aura à cœur de lancer (relancer si l’on se souvient de la très ancienne Communauté européenne de défense avortée) une politique commune de défense européenne, d’une part, pour que la charge de la défense ne retombe pas sur les seules épaules de la France (et de ses finances), d’autre part, pour compenser l’isolationnisme plus ou moins affiché (avec des signaux contradictoires) du Président américain Donald Trump.

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Le titre du Quai d’Orsay, incluant l’Europe aux Affaires étrangères, attribuées à un poids lourd du gouvernement précédent, Jean-Yves Le Drian, a tout pour rassurer, et la présence de sa Ministre déléguée aux Affaires européennes, Marielle de Sarnez, femme de conviction, déterminée, et passionnée par la construction européenne, devrait être prometteuse.

À ma connaissance, aucun membre n’est étiqueté spécifiquement PS (à part peut-être Jean-Yves Le Drian) même si certains (au moins quatre) sont issus du PS mais ont rejoint En Marche très tôt, comme Richard Ferrand (premier ministrable) et Christophe Castaner, qui pourrait maintenant être déçu de n’avoir obtenu qu’un petit Secrétariat d’État, lui qui imaginait un grand portefeuille ministériel. D’autres déçus du macronisme précoce : François Patriat, Benjamin Griveaux (probablement appelé à présider La République En Marche), Daniel Cohn-Bendit, Bertrand Delanoë, Corinne Lepage, François de Rugy, Arnaud Leroy, Anne-Marie Idrac, Jean-Paul Delevoye, etc.

Pourtant, les membres politisés d’origine de gauche (PS ou PRG) sont largement plus nombreux que les autres politisés.

Le MoDem, en toute logique, reçoit deux ministères aux attributions importantes (Justice et Affaires européennes), et est le mouvement de premier plan d’alliance avec La République En Marche.

En revanche, s’il y a bien trois ministres originaires de Les Républicains, le débauchage d’élus LR n’a pas été très large. Certains parlaient de cinq, ou six en comptant le Premier Ministre. Trois individus ont franchi le Rubicon, pas sûr que cela puisse suffire pour faire éclater LR, même si beaucoup de parlementaires LR sont évidemment à préjugé favorable pour ce nouveau gouvernement. Rappelons que bien que membre de l’opposition, Edgar Faure avait donné un préjugé favorable lors de la formation du gouvernement socialo-socialiste de Laurent Fabius en juillet 1984, probablement ébloui par la jeunesse, le talent, l’intelligence et le dynamisme du nouveau Premier Ministre de l’époque, qui lui rappelait sa propre jeunesse.

Cette branche LR macroniste contrôle cependant, avec les deux ministres, Économie d’une part, Action et Comptes publics d’autre part (qui regroupent aussi la Fonction publique), l’ensemble de la politique économique et industrielle de la France et les réformes de l’État (réduction du nombre de fonctionnaires, etc.).

Pour les réformes techniques sur la santé, le travail, l’éducation, les universités, etc., il y a essentiellement des ministres de la "société civile", c’est-à-dire, qui n’ont pas d’expérience politique mais une grande reconnaissance professionnelle. Si certains sujets provoqueront des réactions passionnées, ces ministres, eux, ne feront donc pas dans la posture mais dans l’action et l’intérêt général, et sans doute, au début, dans la maladresse.

Je reprends maintenant quelques ministres clefs en particulier.

Gérard Collomb : Le doyen du gouvernement n’avait encore jamais été ministre, et a brillé par son absentéisme au Sénat dont il est l’élu depuis des décennies. Parce qu’il est à l’Intérieur, certains journalistes ont voulu le comparer à Gaston Defferre en 1981. Mais François Mitterrand n’avait pas du tout imaginé Place Beauvau pour l’ancien candidat, il lui avait proposé le perchoir, poste honorifique pour couronner sa carrière. C’est Gaston Defferre qui a refusé et voulait être ministre, et surtout, à l’Intérieur pour avoir l’autorité sur les services de police (notamment à Marseille). C’est Laurent Fabius qui l’a aiguillé sur une voie de garage (Plan et Aménagement du Territoire) pour laisser l’Intérieur à un ministre plus jeune (Pierre Joxe). Gérard Collomb est sans doute le symbole du faux renouvellement mis en vitrine par Emmanuel Macron : à 69 ans, il succède à Matthias Fekl, 39 ans, intérimaire très court de la fonction (7 semaines, autant que François Baroin au printemps 2007), toujours aussi anonyme en quittant son ministère qu’en arrivant, et qui pourrait être le fils de son successeur.

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Nicolas Hulot : J’ai toujours considéré que l’ancien présentateur vedette devrait s’éloigner des milieux politiques car je pense qu’il n’est pas fait pour cela. J’espère donc me tromper. Pourquoi a-t-il dit oui à Emmanuel Macron alors qu’il a dit non à François Hollande et à Nicolas Sarkozy ? La centrale de Fessenheim sera-t-elle fermée ? L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes sera-t-il finalement construit ou pas, ou devrons-nous encore attendre un quinquennat pour avoir la réponse ? José Bové, réagissant à la nomination de Nicolas Hulot (qui est un succès pour Emmanuel Macron) a mis en garde ainsi : « Nicolas Hulot n’entre pas au gouvernement pour faire la plante verte. ». On verra donc si sa présence est utile ou pas, s’il n’est qu’une caution médiatique, un prête-nom, ou s’il aura un réel pouvoir d’influence sur les événements. Si sa venue gouvernementale ressemblera à un destin ministériel à la JJSS ou à la Léon Schwartzenberg ou pas (JJSS n'était pas de la "société civile", car il était un élu politique, président du parti radical depus pluseurs années en 1974). On sera vite fixé et peut-être ce ministre poids lourd surprendra-t-il son monde.

François Bayrou : Je me réjouis que François Bayrou soit nommé Ministre d’État. Il a refusé un grand nombre de ministères et même (si l’on le croit), Matignon une ou deux fois, entre 2002 et 2012. En 2012, il pensait sincèrement entrer dans le gouvernement de François Hollande qui, au contraire d’Emmanuel Macron, était resté dans un vieux schéma de gauche plurielle. Néanmoins, François Bayrou convoitait certainement les Affaires étrangères qu’il voulait déjà en mai 1995 (ses actions au sein de l’Internationale démocrate-chrétienne dans les années 1990 lui avaient permis de côtoyer de nombreux chefs d’État et de gouvernement du monde entier). À la Justice, il se méhaignerise : Pierre Méhaignerie, qui voulait les Finances en mars 1993, s’était retrouvé à la Justice dans un Ministère d’État aussi, alors qu’il ne connaissait rien au sujet, lui l’ingénieur agronome, et ce fut son dernier bâton de maréchal pour sa carrière, donné par Édouard Balladur. Place Vendôme, ce n’est pas Matignon, mais François Bayrou peut quand même s’enorgueillir d’avoir maîtrisé son destin, d’être partie prenante (pour une fois) de la victoire présidentielle et permettre à Marielle de Sarnez son entrée au gouvernement, à 66 ans. François Bayrou va s’atteler à la loi sur la moralisation politique, mais son action ne se limitera pas à cette mesure posture, car son ministère ne sera pas de tout repos. Comme numéro quatre du gouvernement, il aura un ascendant politique important dans le débat politique des mois qui s’annoncent.

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Bruno Le Maire : C’est le plus gros "poisson" LR attrapé par Emmanuel Macron. Il faut dire que c’était prévisible, puisque Bruno Le Maire avait clairement laissé entendre qu’il était prêt à faire le grand saut. C’est la poursuite du désastre de l’arrivisme. Bruno Le Maire, c’était d’abord un homme d’une très grande intelligence, subtil, littéraire (il sait écrire, c’est assez rare dans la classe politique), modéré, prudent… et puis, lorsqu’il a fait campagne pour la présidence de l’UMP à partir de l’été 2014, et pire encore, lors de la "primaire de la droite et du centre" l’automne 2016 (où il s'est effondré à 2%), il a montré son vrai visage, l’arrivisme, capable de tout pour atteindre le but fixé. Il a droitisé son discours au point de se retrouver sur les mêmes positions que Laurent Wauquiez, et surtout, il a montré un discours creux, celui du jeunisme, celui du renouvellement, le faux, celui d’un énarque dans le système, le même que celui d’Emmanuel Macron mais en moins efficace visiblement. Moins efficace car beaucoup plus démagogique. C’est cette démagogie, employée à contretemps par cet homme de la nuance, qui m’a particulièrement déçu. Aujourd’hui, il saute à pieds joints au centre gauche. Passer de la droite extrême au centre gauche n’est pas gênant pour sa souplesse qui s’appelle arrivisme. Bruno Le Maire voulait Bercy, et il a failli l’avoir le 29 juin 2011, mais François Baroin, au dernier moment, a mieux convaincu Nicolas Sarkozy. Petite revanche personnelle : aujourd’hui, François Baroin est son premier opposant, en tant que chef de file LR aux élections législatives. Il va lui falloir beaucoup d’habileté politique pour expliquer à ses électeurs d’Évreux qu’il est parti à la soupe uniquement pour l’intérêt général…

Jacques Mézard : Également drôle de symbole du renouvellement de la classe politique. Ce sénateur, qu’on verrait plutôt à la Présidence du Sénat que dans un ministère, préside le groupe charnière de centre gauche, le RDSE, ancienne Gauche démocratique qui faisait cohabiter, avant la création de l’UMP, des membres de droite et des membres de gauche (notamment les radicaux). Élu d’une région rurale, il connaît donc bien les enjeux de l’agriculture, et fervent partisan de la construction européenne, il saura négocier à Bruxelles dans le cadre de "marathons"…

Gérald Darmanin : À 34 ans, il est le benjamin des ministres (pas des secrétaires d’État), et a déjà derrière lui une belle carrière politique, député-maire LR de Tourcoing, il avait abandonné son mandat parlementaire pour devenir vice-président du conseil régional des Hauts-de-France, le bras droit de Xavier Bertrand (qui fut pressenti pour Matignon). Il est un "bébé Sarkozy", son porte-parole durant la primaire LR, et a toujours montré des propos mesurés et de bon sens. Son entrée au gouvernement est logique à la fois politiquement et personnellement. Son grand potentiel va donc subir rapidement l’épreuve du feu car ses attributions sont très importantes puisqu’il devient responsable de la politique budgétaire et de la fonction publique.

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À part l’arrivée de Nicolas Hulot, la composition du nouveau gouvernement n’a rien de très surprenant. L’équipe rassemble des personnalités très honorables, de grandes compétences. Il n’est pas sûr qu’Édouard Philippe va pouvoir prendre l’ascendant politique sur Gérard Collomb (qui sera très autonome), François Bayrou, Jean-Yves Le Drian et même Sylvie Goulard et Richard Ferrand, deux ministres reliés directement à l’Élysée. En revanche, il aura les coudées franches sur la politique économique et budgétaire, avec deux autres LR à ses côtés. Il faudra alors qu’il explique pourquoi il augmentera la CSG alors qu’il avait fustigé cette mesure il y a quelques jours encore.

La couleur très européenne fait que ce gouvernement, qui n’a d’autre utilité que de mener la campagne des élections législatives, a de quoi rassurer ceux qui, à l’étranger, croyaient que la France hésitait sur sa place dans l’Europe. Non seulement elle entend bien y rester, mais elle entend y prendre le leadership. Pour cela, il faudra encore attendre quelques mois, après les élections législatives françaises …et allemandes.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (17 mai 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Édouard Macron : d’abord l’Europe !
Composition du premier gouvernement d’Édouard Philippe (17 mai 2017).
Édouard Philippe, nouveau Premier Ministre.
L’investiture d’Emmanuel Macron (14 mai 2017).
Programme 2017 d’Emmanuel Macron (à télécharger).
Le Président Macron a-t-il été mal élu ?
Qui sera nommé Premier Ministre en mai et juin 2017 ?
L’élection d’Emmanuel Macron le 7 mai 2017.
Macronités.
Ensemble pour sauver la République.
Débat du second tour du 3 mai 2017.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170517-gouvernement-edouard-philippe-i.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/edouard-macron-d-abord-l-europe-193287

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/05/18/35297961.html



 

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