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21 juillet 2024 7 21 /07 /juillet /2024 03:23

« J’invite mes collègues de tous bords, notamment les plus jeunes d’entre nous, bouillants d’une ardeur militante mais aussi peut-être de l’impatience et parfois de l’intransigeance de la jeunesse, à entraîner cette assemblée par le dynamisme positif de leurs idées. Il me semble que personne ne souhaite revivre les débordements malheureux qu’on a pu connaître dans la précédente législature et qui, je le crois, ne renvoient pas une image exemplaire de notre institution. (…) Politesse et politique sont intimement liées. Les joutes verbales, les plus belles, c’est-à-dire les plus élevées, sont généralement les plus courtoises, les plus subtiles et les plus spirituelles. Elles disqualifient les absurdes vociférations et les puériles invectives. » (José Gonzalez, doyen d'âge, le 18 juillet 2024 dans l'hémicycle).




 


Après la brillante réélection de Yaël Braun-Pivet au perchoir le jeudi 18 juillet 2024, les députés de la XVIIe législature se sont concentrés sur la désignation de leur "staff". Un mot peu approprié pour l'Assemblée Nationale de France mais qui signifie, pour moi, les autres responsabilités très importantes pour faire fonctionner l'Assemblée, à savoir le bureau de l'Assemblée Nationale comprenant, en plus de la Présidente, six vice-présidents, trois questeurs et douze secrétaires, eux désignés le vendredi 19 juillet 2024, et le lendemain, samedi, les huits présidents des commissions permanentes. Ces derniers appartiennent à la conférence des présidents, ainsi que les présidents des onze groupes politiques constitués, conférence qui se réunit très régulièrement notamment pour fixer l'ordre du jour en association avec un représentant du gouvernement (maintenant qui n'existe plus). Appartenant aussi à la conférence des présidents un responsable essentiel de l'Assemblée, numéro deux en importance après la Présidente, à mon sens, le rapporteur général du budget, fonction essentielle puisque l'une des premières missions du Parlement est de voter chaque année la loi de finance pour l'année suivante, et ce sera pour cette Assemblée sans majorité le principal sujet de préoccupation après les vacances estivales.
 


Comme toujours, la désignation des personnes se fait au scrutin à bulletin secret à trois tours, deux tours à la majorité absolue, le troisième tour éventuellement à la majorité relative. Pour chacun des postes, l'ordre protocolaire est l'ordre décroissant du nombre de voix obtenues, et en cas d'égalité, le plus âgé passe devant le plus jeune.

Dans cette Assemblée, deux, voire trois difficultés existent en dehors de l'ordinaire.

Certaines fonctions nécessitent de savoir si le député est de l'opposition ou de la majorité : ainsi, la présidence de la commission des finances est réservée à un membre de l'opposition depuis le quinquennat de Nicolas Sarkozy afin de renforcer le contrôle sur le gouvernement (qu'on imagine moins bienveillant avec un membre de l'opposition qu'un membre de la majorité). Or, comme il n'y a plus de gouvernement, les groupes ont du mal à se déterminer sur leur appartenance à la majorité ou à l'opposition. Ce qui a prévalu ici, c'est que les trois groupes de l'ancienne majorité parlementaire le restent (Ensemble, Horizons, MoDem), à titre provisoire, selon le prochain gouvernement, et les huit autres groupes se sont déclarés dans l'opposition, y compris ceux du NFP alors qu'ils revendiquent faire partie de la majorité !

La deuxième difficulté, c'est la structure tripartite de l'Assemblée qui ne permet pas de majorité claire et nette. Il y a donc eu des surprises dans certaines désignations. Enfin, troisième difficulté, le NFP et le groupe Ensemble ont annoncé qu'ils ne voteraient pour aucun membre du RN dans ces désignations, perpétuant un front républicain au-delà de la sphère électorale, ce qui a fonctionné, mais aussi ce qui a victimisé le groupe RN qui n'a rien eu alors qu'il représente un tiers de l'hémicycle, et surtout 10,6 millions d'électeurs. C'est une grave erreur, à mon sens, d'avoir voulu isoler les députés RN de toute responsabilité dans le fonctionnement interne de l'Assemblée, alors qu'ils ne l'avaient pas été dans la législature précédente (il y avait eu deux vice-présidents, Sébastien Chenu et Hélène Laporte, qui avaient présidé les séances de manière satisfaisante et reconnus de tous).

 


D'ordinaire, il n'y a pas de vote pour ces désignations dans la mesure où l'ensemble des présidents de groupe (qui se sont réunis dans la matinée du 19 juillet 2024) se mettent d'accord pour une répartition proportionnée. Cette fois-ci, non, puisqu'il y a plus de candidats que de postes à pourvoir, si bien qu'il a fallu voter et cela a pris énormément de temps (jusqu'à neuf voire dix opérations de vote, en fait moins car le troisième tour n'a pas été nécessaire pour les deux premières désignations, mais le premier scrutin a été annulé). Bref, cela signifie que le bureau de l'Assemblée a été complètement désigné dans la nuit du 19 au 20 juillet 2024 à 4 heures 10 du matin !


1. Les 6 vice-présidents de l'Assemblée Nationale

Huit candidatures ont été déclarées : Clémence Guetté et Nadège Abomangoli pour les insoumis ; Sébastien Chenu et Hélène Laporte pour le RN ; Roland Lescure pour Ensemble ; Naïma Moutchou pour Horizons ; Annie Genevard et Xavier Breton pour LR.

Premier coup de théâtre avant le premier tour. Le groupe RN a annoncé qu'il voterait pour six candidats qu'ils ont estimés représentatifs de l'Assemblée : Sébastien Chenu et Hélène Laporte, bien sûr, mais aussi Clémence Guetté, Nadège Abomangoli, Naïma Moutchou et Xavier Breton. Une position qui n'a pu que mettre mal à l'aise le groupe insoumis puisque, effectivement, ses deux vice-présidentes ont été élus par les voix du RN !
 


Mais à l'issue du premier tour, c'était la stupeur et le deuxième coup de théâtre, à 17 heures 25, après près de deux heures trente de travail : le scrutin a été annulé car on a trouvé dix enveloppes de trop par rapport au nombre de votants. Avec une erreur d'une ou deux enveloppes, on peut imaginer une erreur, une négligence, une maladresse. Dix, cela fait beaucoup. Avec la conclusion qui s'est vite imposée dans l'hémicycle : on a cherché à frauder ! Les députés ont donc dû recommencer leur premier tour.

Après l'élection des six vice-présidents, le député socialiste Jérôme Guedj a voulu s'indigner de cet incident et a craint la montée de l'antiparlementarisme : même les députés bourrent les urnes ! Il a déclaré : « Nous devons mesurer collectivement l’effet dévastateur d’une telle pratique sur nos principes républicains, auxquels nous sommes tous attachés. Pratique délétère qui a pour conséquence la démonétisation et la décrédibilisation du fonctionnement de cette institution et, partant, de l’ensemble de la démocratie française. Je le dis avec beaucoup de colère et même de rage : honte à ceux qui ont pratiqué cette fraude. Honte à eux ! ». Mais à mon sens, l'indignation de Jérôme Guedj est contre-productive. Les gens ne s'intéressent plus à cette désignation, c'est très technique et sans intérêt politique. C'est faire de la publicité pour cet incident qui entraînerait la progression de l'antiparlementarisme. En revanche, il a eu raison de demander une enquête transparente : « Il faut que soit menée, dans la plus grande transparence, une enquête approfondie afin de comprendre ce qui s’est passé. Par ailleurs, pour qu’une telle fraude ait pu avoir lieu, il a fallu, certes, l’intention maligne de ceux qui l’ont commise, mais nous devons aussi étudier les modalités de ces élections afin de les améliorer considérablement et d’abandonner une forme d’à peu près, je ne veux pas parler d’amateurisme, qui n’est pas à la hauteur de la démocratie française. ».

À 19 heures 10, à l'issue du premier tour renouvelé, quatre vice-présidents ont été élus : Clémence Guetté avec 337 voix (sur 558 votants), qui devient première vice-présidente, Naïma Moutchou avec 338 voix (elle n'est pas première vice-présidente car ce poste est réservé à l'opposition et elle s'est déclarée de la majorité), Nadège Abomangoli avec 327 voix et Xavier Breton avec 325 voix. Les deux candidates insoumis ont été élues par le NFP et le RN, et les deux autres candidats ont été élus par le bloc central et le RN.

L'élection dès le premier tour des deux candidates insoumises a mis en colère notamment le député LR Ian Boucard en s'adressant au RN : « Le premier tour de cette élection nous dévoile le véritable visage du Rassemblement national de Mme Marine Le Pen. En décidant de faire élire deux vice-présidentes de la France insoumise, vous avez fait le choix du chaos. Après avoir fait campagne en expliquant vouloir empêcher l’accession au pouvoir de l’extrême gauche, vous vous rangez aujourd’hui dans le camp du communautarisme. Vous faites élire ceux qui veulent désarmer la police, ceux qui soutiennent les black blocs à Sainte-Soline. Maintenant les choses sont claires : voter Rassemblement national, c’est voter la France insoumise ! ».

Gérald Darmanin est également intervenu : « Pour le bon déroulement de nos séances, je propose qu’à l’avenir les députés de la France insoumise serrent la main des députés du Rassemblement national puisqu’ils ont été élus avec leurs voix ! ». Ainsi que Mathilde Panot : « Vous, les macronistes, n’avez aucune leçon à donner à la France insoumise et au Nouveau front populaire. (…) Gardez vos leçons de morale pour vous ! Le problème vient de votre proximité idéologique avec le Rassemblement national, des mots que vous utilisez, de la réhabilitation de Pétain ou de Maurras. ». Marc Fesneau a pris à son tour la parole : « Premièrement, il est assez savoureux de vous entendre donner des leçons alors que vous acceptez les voix du Rassemblement national et sachant que, hier, vous nous auriez fait le même procès si la Présidente Yaël Braun-Pivet avait été élue avec trois voix de plus. Deuxièmement, c’est vous qui avez demandé que soit dressé un cordon sanitaire. Or vous êtes en train de le franchir allègrement et je le regrette. Je vous fais donc une proposition simple : puisque vous êtes capables d’être élus sans les voix du Rassemblement national, démissionnez et allons jusqu’au troisième tour. Nous verrons alors si ce que vous dites est vrai. Vous refusez les mains mais, manifestement, vous ne refusez pas les bulletins. ». Ambiance !

 


Alors que le député insoumis David Guiraud a remis en cause la présence des dix-sept ministres démissionnaires élus députés, Yaël Braun-Pivet a rappelé un peu de droit : « Monsieur Guiraud, je rappelle une nouvelle fois que nous appliquons strictement les règles votées par cette assemblée. Comme vous le savez très bien, l’article L.O. 153 du code électoral précise que l’incompatibilité... (…) L’article L.O. 153 du code électoral précise, disais-je, que l’incompatibilité entre le mandat de député et les fonctions de membre du gouvernement "ne prend pas effet si le gouvernement est démissionnaire", ce qui est le cas ici. Nous appliquons donc strictement la loi. Il n’y a pas, ici, de demi-députés qui devraient se faire tout petits. Je vois devant moi 577 députés élus par le peuple français. Je vous invite à respecter chacun d’entre eux. ». Quant au député Ensemble Pierre Cazeneuve : « La loi organique, très claire, ne laisse planer aucune ambiguïté s’agissant du droit, pour les ministres élus députés, de voter comme ils l’ont fait lors du scrutin d’hier. Monsieur Guiraud, vous employez des méthodes de trumpiste. Vous refusez le résultat des urnes, vous alimentez la défiance envers notre démocratie. C’est scandaleux. Au lieu de réaliser des vidéos visant à alimenter l’antisémitisme en France, lisez la Constitution. La France insoumise devrait, elle, se faire vraiment toute petite sachant que ses deux vice-présidentes ont été élues grâce aux voix du Front national. C’est une honte ! ».

Le lendemain, samedi à 18 heures 25, Mathilde Panot a annoncé sur Twitter que son groupe allait déposer un recours au Conseil Constitutionnel pour contester la présence des dix-sept ministres démissionnaires dans l'hémicycle. L'instance suprême a déjà répondu par ailleurs qu'elle se considérait comme incompétente pour traiter ce recours.

 


À 20 heures 30 (vendredi), à l'issue du second tour, les deux derniers vice-présidents ont été élus : Roland Lescure avec 273 voix (sur 467 votants) et Annie Genevard avec 257 voix. Les deux candidats du RN Sébastien Chenu (162 voix) et Hélène Laporte (148 voix) ont été battus alors qu'ils avaient été élus vice-présidents en 2022. L'ostracisme contre le RN (de gauche et d'une partie du bloc central) a favorisé... le groupe LR qui, avec seulement 47 députés, a réussi à faire élire 2 vice-présidents ! Cette absence de RN parmi les vice-présidents (et plus généralement parmi les membres du bureau qui, selon l'article 10 du Règlement intérieur de l'Assemblée, devrait représenter équitablement l'hémicycle) est très regrettable pour la démocratie et victimise inutilement les élus RN. En revanche, il faut se réjouir que parmi les six vice-présidents, une majorité, quatre, sont des femmes, plus la Présidente.
 



2. Les 3 questeurs de l'Assemblée Nationale

Ensuite, les députés ont procédé à la désignation des trois questeurs. La fonction est stratégique et même plus importante que la vice-présidence. Éric Ciotti faisait partie des trois questeurs sortants. Quatre candidatures se sont présentées sur le bureau de la Présidente : Christine Pirès Beaune pour le PS, Brigitte Klinkert (sortante) pour Ensemble, Michèle Tabarot pour LR et Bruno Bilde pour le RN.

À 22 heures 50, à l'issue du premier tour, deux questeurs ont été élus : Christine Pirès Beaune avec 460 voix (sur 550) et Brigitte Klinkert avec 401 voix. Un second tour était donc nécessaire pour départager les deux autres candidats. Ce qui a été annoncé à 23 heures 55 à l'issue du second tour : sans surprise, Michèle Tabarot a été élue avec 251 voix (sur 438 votants) face à Bruno Bilde qui n'a recueilli que les voix de son groupe et alliés (143 voix). Encore une fois, le RN a été isolé dans ce scrutin, et toujours au bénéfice de LR qui, avec 47 députés, a réussi le tour de force d'avoir deux vice-présidents et une questeure. Et il faut noter l'élection de trois femmes questeures (sur trois), c'est sans précédent, ce qui a été aussi souligné en séance publique par Yaël Braun-Pivet : « Il s’agit de trois femmes : je crois que c’est une première dans l’histoire de notre Assemblée. ».

 



3. Les 12 secrétaires de l'Assemblée Nationale

Pour les douze secrétaires, deux ont été élus au premier tour (à 1 heure 30 du matin) : Stéphane Peu (PCF) avec 217 voix (sur 400 votants) et Sébastien Peytavie (EELV) avec 204 ; six autres ont été élus au deuxième tour (à 3 heures 00) : Laurent Panifous (LIOT) avec 329 voix (sur 386 votants), Christophe Naegelen (LIOT) avec 325 voix, Inaki Echaniz (PS) avec 199 voix, Sabrina Sebaihi (EELV) avec 198 voix, Eva Sas (EELV) avec 197 voix et Gabriel Amard (FI) avec 193 voix ; enfin, les quatre derniers secrétaires ont été élus au troisième tour (à 4 heures 05) : Mereana Reid Arbelot (PCF) avec 175 voix (sur 357 votants), Sophie Pantel (PS) avec 172 voix, Farida Amrani (FI) avec 170 voix, et Lise Magnier (Horizons) avec 168 voix.
 


Bien que ce fût en pleine nuit, cela n'a pas empêché un coup de théâtre. La gauche était très présente tandis qu'ailleurs, les députés RN et certains députés macronistes avaient déserté l'Assemblée (et pour ces désignations, un député ne peut pas faire de procuration). Entre le deuxième et le troisième tour, la gauche a voulu capitaliser son avantage de présence physique, se voyant en position de force, et a présenté quatre nouveaux candidats, en plus des huit autres candidats déjà présentés dans la course : Mereana Reid Arbelot, Sophie Pantel, Farida Amrani et Alexis Corbière.

La gauche a presque réussi son coup, puisque trois des quatre nouveaux candidats ont été finalement élus, seul Alexis Corbière (EELV) n'a pas eu assez de voix (165 voix), probablement en raison de manque parmi ses anciens camarades insoumis. Christophe Blancher (MoDem), avec 156 voix, Philippe Gosselin (LR) avec 160 voix, Bertrand Sorre (Ensemble) avec 155 voix n'ont pas été élus. Les autres candidats, Thibault Bazin (LR), Blandine Brocard (MoDem), Sandrine Josso (MoDem) et Annaïg Le Meur (Ensemble) n'ont recueilli qu'entre 1 et 8 voix.

En raison de ce troisième tour surprenant, le bureau de l'Assemblée Nationale est passé majoritairement à gauche, douze députés NFP sur 22. Cela aura des incidences pour de nombreuses décisions, en particulier pour décider d'une sanction contre un député qui aurait manqué de respect à l'institution. Ce bureau est élu pour un an et sera renouvelé en octobre 2025, sauf nouvelle dissolution, redevenue alors possible.

Le RN avait retiré ses candidats aux postes de secrétaire, dégoûté par l'ostracisme dont il a été victime aux précédentes désignations. Le 20 juillet 2024, Marine Le Pen a vaguement confirmé que le groupe LR lui avait proposé un vice-président et deux secrétaires mais elle a rejeté l'offre considérant que LR était trop petit pour pouvoir offrir autant de places ! Il y aura probablement une suite sur la réalité de cette offre (qui constitue en elle-même un autre coup de théâtre !), mais la victimisation du RN pour ces nominations ne devrait pas avoir beaucoup d'effet sur les électeurs car ils sont peu au courant des mœurs-là de l'Assemblée.

Quant à Jean-Luc Mélenchon, il a considéré le 20 juillet que la majorité obtenue au sein du bureau de l'Assemblée prouvait que le NFP était majoritaire et qu'il devait gouverner. Il oublie simplement que cette majorité s'est faite au forceps parce que les députés de gauche ont mieux résisté au sommeil à 4 heures du matin que leur collègues du bloc central, et pas parce que le NFP est majoritaire en nombre !

 



4. Les 8 présidents des commissions permanentes de l'Assemblée Nationale

Le samedi 20 juillet 2024 à partir de 10 heures, chaque commission a désigné son président. Cela s'est fait plus rapidement puisque chaque commission a fait le vote parallèlement. La surprise a eu lieu pour la commission des finances : le groupe LR avait voulu que ce fût une des leurs, Véronique Louwagie, pour qui était d'accord le bloc central. Jean-Philippe Tanguy (RN) était également candidat. Toutefois, c'est Éric Coquerel, le président sortant, qui a été (ré)élu. Paradoxe donc : car les insoumis proclament qu'ils doivent former le gouvernement et ils occupent le seul poste attribué à un membre de l'opposition ès qualités.

Par ailleurs, Charles de Courson, qui avait été également candidat à la présidence de la commission des finances
(c'est son retrait entre le deuxième et trois tour qui a favorisé l'élection d'Éric Coquerel), a été élu rapporteur général du budget, battant le rapporteur général sortant Jean-René Cazeneuve. Tous les deux ont obtenu 27 voix, ce qui fait que Charles de Courson, soutenu par la gauche, a été élu au bénéfice de l'âge. Or, antimacroniste pur et dur, bien que centriste, Charles de Courson a peu de chance de faire partie de la prochaine majorité. C'est bien la première fois qu'un membre de l'opposition est rapporteur général du budget ! Pour Jean-René Cazeneuve, Charles de Courson « a bafoué l'esprit de nos institutions. Il faut un rapporteur général qui puisse travailler avec l’exécutif. Il va y avoir un dialogue entre les oppositions, et appauvri avec Bercy. ».

Six des huit commissions ont élu un président membre du bloc central grâce à l'alliance avec LR (ils étaient sept sortants). Il y a seulement deux femmes sur huit présidents de commission.

Président de la commission des lois : Florent Boudié (Ensemble).
Président de la commission des affaires étrangères : Jean-Noël Barrot (MoDem).

Président de la commission des finances : Éric Coquerel (FI).
Président de la commission des affaires sociales : Paul Christophe (Horizons).
Président de la commission des affaires économiques : Antoine Armand (Ensemble).
Présidente de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire : Sandrine Le Feur (Ensemble).
Président de la commission de la défense nationale et des forces armées : Jean-Michel Jacques (Ensemble).
Présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation : Fatiha Keloua Hachi (PS).

Rapporteur général du budget de l'État : Charles de Courson (LIOT).
Rapporteur général du budget de la sécurité sociale : Yannick Neuder (LR).


5. Les 11 groupes politiques

L'ensemble des groupes a fixé l'appartenance politique des 577 députés, dont 8 sont restés non-inscrits (en particulier l'ancien macroniste Sacha Houlié et les anciens LR Aurélien Pradié et Raphaël Schellenberger).


1. Groupe RN présidé par Marine Le Pen : 126 députés.
2. Groupe Ensemble pour la République présidé par Gabriel Attal : 99 députés.
3. Groupe France insoumise présidé par Mathilde Panot : 72 députés.
4. Groupe PS présidé par Boris Vallaud : 66 députés.
5. Groupe LR (appelé Droite républicaine) présidé par Laurent Wauquiez : 47 députés.
6. Groupe EELV présidé par Cyrielle Chatelain : 38 députés (dont Delphine Batho et Dominique Voynet).
7. Groupe MoDem (appelé Les Démocrates) présidé par Marc Fesneau (élu face à Jean-Paul Mattei) : 36 députés.
8. Groupe Horizons présidé par Laurent Marcangeli : 31 députés.
9. Groupe LIOT présidé par Stéphane Lenormand : 21 députés (dont Valérie Létard et Jean-Luc Warsmann).
10. Groupe PCF (appelé Gauche démocrate et républicaine) présidé par André Chassaigne : 17 députés.
11. Groupe À Droite (ciottistes) présidé par Éric Ciotti : 16 députés.

 



Épilogue

Yaël Braun-Pivet a été l'invitée du journal de 20 heures le 20 juillet 2024 sur France 2 à l'issue de ces trois journées d'installation de l'Assemblée Nationale particulièrement mouvementées. Elle a regretté l'absence de députés RN dans le bureau de l'Assemblée Nationale : « Depuis que je préside cette institution, j’ai toujours plaidé pour que toutes les forces politiques soient représentées au bureau (…). Nous avons des règles et avons la possibilité d’avoir un accord des présidents de groupe pour que chacun puisse être représenté à juste proportion au bureau. Les présidents de groupe, notamment ceux du Nouveau front populaire, ont refusé qu’il y ait un accord pour une juste répartition des postes. Et donc, quand il n’y a pas d’accord à l’Assemblée Nationale, il y a un vote. Et là, nous avons vu effectivement un vote absolument stupéfiant, où le Rassemblement national a porté ses voix sur des candidats de la France insoumise, a retiré des candidatures, et donc n’a pas pu être élu à ces fonctions importantes. ».

Par ailleurs, la Présidente de l'Assemblée Nationale a écarté l'idée d'un gouvernement du NFP : « Il n’est pas majoritaire. Il faut constituer une majorité. Ça se construit, il faut que ce soit l’Assemblée des additions et pas celle des divisions. ». Ça prendra certainement un peu de temps. Les Français partent en vacances, les grosses chaleurs estivales s'installent, les Jeux olympiques et paralympiques vont commencer (le vendredi 26 juillet 2024). Et pour l'instant, aucune perspective concrète de grande coalition, seule capable d'être portée par une majorité à l'Assemblée, ne s'esquisse prochainement.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (20 juillet 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
Appel aux sociaux-démocrates.
Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
Sidération institutionnelle.
Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

 




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240720-assemblee-nationale.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-29-le-staff-de-l-255947

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/20/article-sr-20240720-assemblee-nationale.html




 

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20 juillet 2024 6 20 /07 /juillet /2024 03:37

« Comprenez que nous avons le droit, de temps à autre, de réagir et de manifester notre, comment dire, agacement. Mais nous sommes dans une discussion. Si je ne devais tenir compte que de ce qui a été dit par les autres, d'abord, je commencerais par dire : pourquoi m'avez-vous éliminé de la candidature au poste de Premier Ministre ? » (Jean-Luc Mélenchon, le 19 juillet 2024 sur BFMTV).



 


Voilà, c'est dit ! Jean-Luc Mélenchon l'a toujours en travers de la gorge de s'est fait éliminer du grand jeu de téléréalité NFP Matignon qu'il avait lui-même créé. Quelles ingrates, ces punaises de lit ! Dans cette interview très significative de Jean-Luc Mélenchon, au siège de son parti sectaire des insoumis ce vendredi 19 juillet 2024, le journaliste Anthony Lebbos, un peu étonné de tant de transparence, a fait préciser : « Vous êtes toujours candidat ? ».

Réponse du grand prêtre : « Non non, je ne suis candidat à rien... », mais la tête montrait justement le contraire, procédé rhétorique bien connu qui veut démentir ce qu'on devrait confirmer. Car pour lui, il n'y a qu'un seul nom pouvant faire le boulot de cette nouvelle farce populaire (NFP), lui-même. Il l'a d'ailleurs dit un peu plus tard, de manière implicite : il n'y a pas besoin de désigner quelqu'un, le Président voit bien qui serait l'homme de la situation, comme dans les autres précédents de cohabitation, en indiquant par exemple que Jacques Chirac n'avait pas été désigné candidat Premier Ministre au bureau politique du RPR en 1986. Mais l'exemple était mal choisi : Jacques Chirac bénéficiait d'une majorité absolue à l'Assemblée Nationale UDF-RPR, certes serrée, mais absolue quand même, ce qui n'est pas du tout le cas du NFP en 2024 (les chiffres sont têtus).

Tout au long de cette interview de près d'une demi-heure, ont transpiré l'amertume, la colère, l'agacement du grand gourou en chef, au point que le journaliste en a fait les frais (mais il était prévenu, Jean-Luc Mélenchon a toujours malmené les journalistes). Et on ne sait pas trop bien s'il déteste plus Emmanuel Macron ou plus ses supposés propres partenaires, les horribles socialistes qui se sont portant couchés devant lui et qu'il appelle des punaises de lit, par l'intermédiaire de sa compagne députée, conseillère en communication politique (on ne pourra pas dire qu'elle était maladroite), alors qu'il faut rappeler que dans les années 1930, d'autres forces politiques comparaient d'autres catégories de la population, pas avec des punaises, mais avec de la vermine.

 


Mais finalement, peut-être doit-on croire Jean-Luc Mélenchon quand il dit qu'il n'est candidat à rien. Il faut sans doute écouter le cher et sage sénateur Claude Malhuret qui parlait, le 18 juillet 2024 au Sénat, de la « franche la plus radicale, dont le but n'est pas de gouverner mais de rendre le pays ingouvernable ». Car c'est exactement dans cette stratégie du chaos institutionnel que Jean-Luc Mélenchon veut faire plonger la France.

Le sujet de l'interview est principalement les socialistes et le blocage, non pas à l'Assemblée avec une majorité introuvable, mais chez lui, au NFP, car ils sont incapables de s'entendre depuis deux semaines. Comment pourraient-ils gouverner ensemble ?


Un peu plus loin, le journaliste a cru entendre que Jean-Luc Mélenchon souhaitait la démission du Président de la République. Il lui a fait donc répéter et il a répondu : « Le sujet, c'est : si monsieur Macron ne permet pas à la démocratie de se concrétiser par un gouvernement, il ne faudra pas s'étonner que, ensuite, le mot d'ordre de tout le pays, avant la fin du mandat, ce soit Macron démission. Et j'ajoute que je l'ai déjà entendu. ». Si ce n'est pas une menace personnelle, alors je suis la reine d'Angleterre.

Petit arrêt sur la bande son : il faut traduire. "Ne permet pas à la démocratie de se concrétiser par un gouvernement", cela signifie pour l'insoumis : "Ne nomme pas un gouvernement NFP". Or, tout le problème du raisonnement de Jean-Luc Mélenchon, c'est qu'il n'a pas la majorité absolue, et la séance du 18 juillet 2024 où son candidat au perchoir André Chassaigne a échoué a montré qu'il n'était pas la force politique la plus importante. Sinon André Chassaigne aurait gagné. C'est factuel, lui qui aime bien le factuel.

 


Déjà, on voit bien qu'il dit n'importe quoi, car je reviens juste après sur ses premières déclarations qu'Anthony Lebbos a voulu faire préciser. Il disait que de toute façon, le gouvernement NFP serait censuré, et qu'il censurerait le suivant. Donc, même si le Président "permet à la démocratie de se concrétiser", ce ne sera pas bon puisqu'à la fin, Jean-Luc Mélenchon réclamerait la démission d'Emmanuel Macron.

Certes, juste après cette phrase, il a ajouté : « Moi, je ne souhaite pas que les mandats soient abrégés. Ce n'est pas mon souhait. Je viens de vous dire que j'espère le respect des règles. Mais si le Président de la République rend impossible le fonctionnement des règles, alors, oui, il devra s'en aller. Parce que sinon, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse ? On ne va pas rester sans gouvernement où toutes les semaines, changer de gouvernement avec un vote de censure, vous comprenez, ce n'est pas possible. ».

"Moi, je ne souhaite pas la démission"... mais il l'a dit avec une telle force d'envie, de rage, que c'est assez peu crédible. C'est clair, il attend une occasion, et il va réclamer la démission du Président de la République. Auquel cas, il serait un vrai insoumis. La faute à Emmanuel Macron a bon dos : aujourd'hui, c'est la volaille du NFP qui est incapable de s'entendre sur un chef. Et un chef de quoi ? D'aucune majorité !

Le problème, c'est que dans ses raisonnements, il n'y a que des biais, des oublis historiques, des erreurs, et des mensonges. Le principal mensonge, car il n'est pas idiot, c'est de clamer matin midi et soir, depuis le 7 juillet à 20 heures 02 que le NFP avait gagné les élections, qu'il était majoritaire. La réponse objective est non : à cause de cette situation tripartite, personne, aucun camp n'a gagné, et c'est pour cela qu'il va falloir qu'ils travaillent ensemble pour arriver à un gouvernement commun. Sûrement pas en restant obstinément dans cette position : le programme (très dangereux) du NFP, rien que le programme, tout le programme ! Celui-ci n'est approuvé que par 28% des électeurs et 31% des députés, pas plus ! Et encore, grâce à la mécanique très efficace du front républicain. Le camp macroniste n'a jamais dit qu'il avait gagné, il a reconnu au contraire sa défaite, mais tout le monde a échoué, aucune majorité n'existe dans l'état actuel des forces politiques. C'en est même psychologiquement déstabilisant.
 


Et il faut revenir à ce raisonnement de Jean-Luc Mélenchon qui ne veut rien que le programme : « Nous ne combinerons pas. Que monsieur Macron prenne la responsabilité de faire déposer contre notre gouvernement une motion de censure. Et ensuite, il verra, une fois notre gouvernement tombé. À notre tour nous voterons une motion de censure contre la droite. Il ne lui restera plus qu'une issue. S'en aller, lui. Parce qu'il y a toujours une solution... ».

Voilà la stratégie du chaos institutionnel dit très explicitement par Jean-Luc Mélenchon, comme si les institutions étaient un jeu de société où on a du temps à perdre avec des gouvernements morts-nés. Il n'y a aucune raison que le Président de la République nomme un gouvernement dont la probabilité de censure est proche de 100%. D'ailleurs, c'est ce qu'il a indiqué : il nommera un Premier Ministre qui lui prouvera qu'il pourra gouverner avec cette Assemblée, c'est-à-dire qu'il a assez de soutien pour ne pas être censuré immédiatement.

Pour Jean-Luc Mélenchon, il faut s'amuser avec des gouvernements et des censures pour arriver enfin à son résultat : la démission d'Emmanuel Macron. Il est exact que le candidat gourou a toujours refusé de reconnaître sa défaite et la victoire présidentielle d'Emmanuel Macron tant en 2022 qu'en 2017. C'est grave quand on veut donner tout le temps des leçons de démocratie. La première leçon, c'est de reconnaître sa défaite, de reconnaître les institutions, de respecter les institutions, et les personnes.

Mais Jean-Luc Mélenchon a senti que le journaliste n'a pas compris son raisonnement. Alors il a repris l'explication plus précisément. Je la couperai pour en donner quelques biais, car tout pue l'intention de tromper intellectuellement ses interlocuteurs.

Le supposé ex-futur Premier Ministre a répété comment il voyait l'avenir : « Si nous présentons un gouvernement et qu'il applique sa politique, et qu'il est censuré immédiatement, eh bien, nous respecterons la démocratie, il n'y aura plus de gouvernement. Mais en porteront la responsabilité ceux qui auront censuré. À leur tour, ils présenteront un gouvernement, de la droite et du centre, et nous le censurerons. Donc il tombera aussi. Par conséquent, il ne restera plus qu'une personne, et qui ne pourra pas dissoudre l'Assemblée, car la Constitution le lui interdit. Donc, il ne lui restera plus qu'une possibilité, s'en aller. ».

Je coupe la tirade à cet instant, mais je la continuerai après. Déjà, cela n'a aucun sens, sinon un jeu de combines politiciennes, de nommer un gouvernement si on est sûr qu'il sera censuré deux jours plus tard. En ce qui concerne un gouvernement incluant des ministres insoumis, l'incertitude est nulle : s'il en était nommé un, le bloc central et le RN le censurerait, ce qui donnerait une majorité absolue.

Quant à porter la responsabilité d'une censure, je suppose que le centre, la droite et l'extrême droite n'auraient aucune réticence à assumer pleinement et ouvertement le vote d'une mention de censure contre un gouvernement truffé d'insoumis, c'est même le principe d'une motion de censure, exprimer institutionnellement son désaccord ! Seulement, le sieur Mélenchon pense d'abord aux socialistes qui tremblent de peur de se faire traiter de traîtres, de fausse gauche par FI.
 


En revanche, en cas d'un gouvernement de centre droit, les insoumis le censureraient probablement, cela ne fait aucun doute. Mais l'idée serait aussi de faire participer les socialistes au nom de l'intérêt de la République et du pays. Et la position du RN est également très claire, rappelée par la députée Edwige Diaz, vice-présidente du RN, qui a affirmé sur LCI le 18 juillet 2024 que le RN n'avait pas vocation à censurer un gouvernement de droite ou du centre.

Il est apparemment des partis politiques qui savent mieux que Jean-Luc Mélenchon où se place l'intérêt national (et certainement pas dans l'ego d'un gourou vieilli et aigri). J'ajoute d'ailleurs que ce vendredi soir, l'élection, dès le premier tour, des deux vice-présidentes insoumises de l'Assemblée (Clémence Guetté et Nadège Abomangoli), s'est produite grâce aux voix du RN, ce qui ne semble pas trop émouvoir les insoumis ! (d'autant plus que le RN n'a plus de vice-présidence lui-même).

Le patriarche de la lettre phi a poursuivi sa démonstration : « Ce que je veux vous dire, c'est que nous sommes en train de passer d'une situation de crise démocratique, ça ne collait pas, à une situation de crise de régime, et que l'auteur de cette situation est le Président de la République. Donc, il y a toujours le retour aux urnes. La première fois, c'était en renvoyant chez eux les députés. La prochaine fois si tout est bloqué, c'est qu'il s'en aille lui-même. ». Je coupe ici.
 


Là encore, beaucoup d'inepties. C'est Jean-Luc Mélenchon qui parle de crise de régime, et lui seul. Il n'y a pas de crise de régime. Juste des partis politiques incapables de s'entendre. L'élection de la Présidente de l'Assemblée Nationale s'est déroulée calmement, normalement, démocratiquement, quasi-courtoisement (poignées de mains exceptées). Il n'y a pas de crise de régime. La crise de régime, c'est quand il n'y a plus d'institutions. Celles de l'Assemblée Nationale sont bien là, même si, effectivement, la situation est nouvelle, plus compliquée surtout parce que nouvelle, un peu comme lors de la première cohabitation.

Ensuite, je veux exprimer un élément qui est absolument essentiel, fondamental. C'est faux de dire que « l'auteur de cette situation est le Président de la République ». Oui, bien sûr, Emmanuel Macron a dissous l'Assemblée, et je crois que, encore aujourd'hui, personne (à part lui ?) n'a compris ce geste. En revanche, il avait le droit de dissoudre, le droit d'appliquer cette partie de la Constitution. La situation potentiellement de blocage ne provient pas de la dissolution. Revenir aux urnes est même l'alfa et l'oméga de toute démocratie. Les risques de blocages, la difficulté d'une répartition tripartite de l'Assemblée, ce n'est pas du fait d'Emmanuel Macron. Jean-Luc Mélenchon oublie simplement qu'il y a eu le peuple, simplement, qui s'est exprimé. Et son expression était partagée, contrastée, compliquée à conclure. En d'autres termes, la dissolution, c'était la prise de température, le thermomètre, pas la maladie. La température, c'est simplement la parole du peuple, parole complexe. C'était au contraire très courageux d'avoir dissous. Le Président de la République l'a d'ailleurs dit : il aurait pu confortablement faire le dos rond et attendre que les choses se passent.

Dans la suite du raisonnement, Jean-Luc Mélenchon a encore prétendu qu'il ne voulait pas de la démission d'Emmanuel Macron : « Mais ce que je suis en train de dire n'est ni un souhait ni un ordre ni une consigne, c'est un état de fait. Si le Président de la République joue la crise politique avec un gouvernement du nouveau front populaire, à la fin, il ne restera plus qu'une issue, puisqu'il ne peut plus redissoudre l'Assemblée, c'est son propre départ. ».

Mensonge, ce qu'il a raconté. Car l'impossibilité de la dissolution resterait la même avec la démission du Président de la République. Une nouvelle élection présidentielle avant un an ne débloquerait donc pas la situation à l'Assemblée car le blocage ne proviendrait pas de l'Élysée (il n'en aurait aucun intérêt) mais de l'absence de majorité, même relative. Jean-Luc Mélenchon fait comme s'il avait lui-même une majorité absolue à l'Assemblée. Ce n'est pas le cas. Il faut qu'il se réveille au lieu d'endormir les Français !

 


Le raisonnement reste toujours confus : on ne sait jamais s'il reproche à Emmanuel Macron de ne pas avoir nommé de gouvernement NFP dont le Premier Ministre n'a pas encore été identifié ou s'il considère qu'il va encourager les députés à censurer un tel gouvernement. Mais qu'importe, car il faut résumer la pensée mélenchonienne relativement claire : Macron caca, panpan féfesse et ouste, à moi l'Élysée !

Et puis est arrivée une logorrhée d'histoire vaguement mal digérée : « Entendez-moi bien, on n'est plus dans un jeu de vote, d'astuces, je suis en train de décrire une crise de régime, et le Président de la République conduit le pays à une crise de régime (…). Donc, après un certain moment donné, en quelque sorte pour que la France respire, il faut que lui comprenne que ou il change de pratique, c'est-à-dire ou il se soumet, ou bien il se démet. Cela s'est déjà passé dans l'histoire de France, au moins trois fois, chaque fois que le Président a engagé sa responsabilité en 1924, à la sortie de la Troisième République, ou le Président De Gaulle. Le Président De Gaulle avait engagé sa responsabilité sur le succès d'un référendum. Il l'a perdu, il est parti le lendemain matin. Donc, ce n'est pas nouveau en France et c'est la démocratie. (…) Nous ne participerons pas à un gouvernement qui ne prend pas l'engagement d'appliquer le programme, quelle que soit la forme par laquelle..., on ne nous tordra pas les bras, nous, on restera fidèle à la parole donnée aux électeurs. ». Sauf que les électeurs ont raconté une autre histoire que celle-là. Crise de régime ? À moins que je n'ai pas bien compris qu'il s'agissait de diététique ?

Je suis même un peu déçu de cette pauvreté intellectuelle de Jean-Luc Mélenchon. Il a parlé de trois références historiques, mais je n'en vois qu'une à peu près pertinente dans ce qu'il a dit : la démission du Président Alexandre Millerand en 1924, car il avait en effet pris parti pendant la campagne des élections législatives en faveur du Bloc national (majorité sortante) et c'est le Cartel des gauches (déjà un cartel électoral !) qui a gagné. Le parti radical majoritaire (Édouard Herriot) a alors fait une grève des Présidents du Conseil, obligeant le Président de la République à démissionner. Mais la situation de 1924 n'a rien à voir avec celle de 2024 : le Cartel des gauches avait la majorité absolue de l'Assemblée et pouvait se permettre de défier le Président de la République.

Il a évoqué la fin de la Troisième République : quel rapport avec la situation de 2024 ? La Troisième République est tombée en juillet 1940 par le chef du gouvernement lui-même qui a éliminé le Président de la République pour faire sa Révolution nationale (c'était Pétain). Il n'y avait aucune majorité ni aucune Assemblée dans cette affaire, c'était la même Assemblée que celle du Front populaire (le vrai, lui, le seul) élue en 1936 qui a voté les pleins pouvoirs à Pétain qui était déjà le chef de l'exécutif. Albert Lebrun n'a jamais pris parti à rien (c'est d'ailleurs ce que je pourrais lui reprocher).

Quant au troisième exemple, complètement différent : l'échec du référendum et la démission de De Gaulle, en 1969, encore une fois, cela n'a rien à voir avec 2024. Les historiens évoquent plutôt un prétexte pour quitter glorieusement le pouvoir alors qu'il n'avait pas terminé de rédiger ses mémoires et sa femme Yvonne aspirait au calme et à la tranquillité. Là encore, le "non" au référendum était majoritaire, d'une majorité absolue, rien à voir avec les 31% de députés de l'Assemblée aujourd'hui pour le NFP. De plus, l'échec au référendum n'a pas, par la suite, entraîné la démission du Président de la République : François Mitterrand l'avait exclu en 1992 en cas d'échec du référendum sur le Traité de Maastricht, et Jacques Chirac n'a pas démissionné après l'échec du référendum sur le TCE en 2005.

En revanche, Jean-Luc Mélenchon a oublié un épisode de la Troisième République beaucoup plus intéressant, avec la fameuse crise politique du 16 mai 1877 : après la dissolution d'une Assemblée devenant de moins en moins monarchiste et de plus en plus républicaine, le Président monarchiste, le maréchal Patrice de Mac Mahon a été sommé par Léon Gambetta de « se soumettre ou se démettre » (discours du 15 août 1877 à Lille). Finalement, l'histoire a retenu qu'il a fait les deux, laissant gouverner un gouvernement républicain puis, refusant certaines nominations d'officiers (il était maréchal de France), il a démissionné le 30 janvier 1879 (près de deux ans après la crise). Mais là encore, il y avait une majorité absolue favorable aux républicains, rien à voir avec 2024.

 


On le voit bien aujourd'hui, Jean-Luc Mélenchon, c'est le naufrage de la vieillesse. Un naufrage politique, mais aussi un naufrage intellectuel. Il croit épater ses adeptes avec des raisonnements trompeurs et biaisés, servis par de fausses références historiques. S'il fallait chercher une comparaison historique, il suffirait simplement de regarder la Quatrième République, entre 1947 et 1958. Pendant onze ans, aucune majorité absolue d'un camp, étriqué entre un RPF très à droite et un PCF très à gauche, tous les deux très puissants. Les forces centrales très différentes (SFIO, radicaux, démocrates chrétiens du MRP, républicains indépendants du CNIP et quelques gaullistes républicains sociaux, plus quelques micro-partis de centre gauche) ont dû négocier en permanence pour former un gouvernement, le renverser ensuite sur un sujet bien particulier, puis en renommer un nouveau, etc. Ils ont cependant réussi à s'entendre et la France des années 1950 a été en pleine croissance, en pleine reconstruction, avec une natalité flamboyante et de nouveaux droits sociaux. Et aucune dette, aucun déficit !

Aujourd'hui, c'est Jean-Luc Mélenchon qui met en danger la République et la démocratie. C'est son sbire Adrien Quatennens (qui n'est plus député), soufflé par son chef, qui voudrait une marche sur Matignon, comme si la rue allait s'opposer aux urnes. C'est la secrétaire générale d'une CGT complètement mélenchonisée qui voudrait mettre sous surveillance l'Assemblée Nationale, c'est-à-dire les représentants du peuple, en oubliant que la Constitution interdit absolument qu'un seul député soit sous pression pour exercer son mandat issu du peuple (article 27 de la Constitution : « Tout mandat impératif est nul. Le droit de vote des membres du Parlement est personnel. »). La dernière pression sur les députés, c'était le 6 février 1934.

Que Jean-Luc Mélenchon souhaite le pire pour la France, souhaite voir encourage le chaos institutionnel pour tenter de prendre le pouvoir par d'autres moyens que démocratiques, cela ne m'étonne pas, il a toujours été un enragé. Ce qui m'inquiète, c'est quel intérêt les socialistes ont-ils à rester ligotés au fond de la soute à bagages, ainsi malmenés par les insoumis ? Est-ce le syndrome de Stockholm ? En tout cas, il est clair que les socialistes doivent sortir de l'emprise sectaire du mélenchonisme populiste. Certains ont déjà parcouru le chemin, comme Jérôme Guedj ou Raphaël Glucksmann, mais ils sont peu nombreux. Il revient à François Hollande d'éclairer ce chemin, lui qui a été insulté encore très récemment, le 15 juillet 2024 (l'effet punaises de lit).

Pas facile d'être socialiste quand Olivier Faure est à la tête d'un PS mélenchonisé. C'est toujours très difficile psychologiquement de quitter une secte. On le voit aujourd'hui. Mais c'est la seule voie du salut pour ne pas décevoir leurs électeurs qui ne comprennent pas leurs enfantillages actuelles. Ce n'est pas une adversaire mais bien une membre à part entière du NFP qui a dit ceci : « Je suis en colère, écœurée, je suis fatiguée, j'en ai marre, je suis désolée du spectacle qu'on donne aux Français et aux Françaises. ». Marine Tondelier ne doit pas être la seule...



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (19 juillet 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
Appel aux sociaux-démocrates.
Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
Sidération institutionnelle.
Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.










https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240719-melenchon.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-28-la-strategie-255934

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/19/article-sr-20240719-melenchon.html




 

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19 juillet 2024 5 19 /07 /juillet /2024 03:22

« C’est avec une immense émotion que je prends la parole devant vous. Les dernières semaines ont été particulièrement tendues. Notre pays est inquiet et fracturé. Nous avons une immense responsabilité. (…) Ces voix, ces suffrages, cette mobilisation exceptionnelle et inédite nous confèrent une immense responsabilité. Si nos compatriotes ont été aussi nombreux à se rendre aux urnes, c’est qu’ils ont compris que la démocratie était un bien précieux, que certains enjeux étaient majeurs, que les hommes et les femmes politiques que nous sommes pouvaient avoir un effet direct sur leurs vies, nos décisions et nos actions peuvent changer leurs vies. » (Yaël Braun-Pivet, le 18 juillet 2024 dans l'hémicycle).



 


Veste rouge vs Veste verte. La députée des Yvelines Yaël Braun-Pivet a été réélue Présidente de l'Assemblée Nationale ce jeudi 18 juillet 2024 vers 20 heures 40 à l'issue d'une séance très tendue et d'un scrutin très serré et incertain. C'est avec beaucoup d'émotion qu'elle a accueilli cette nouvelle et dans son bref discours inaugural, sans note, spontané, elle a salué ses concurrents en les faisant ovationner un à un, y compris le candidat du RN mi-amusé.

Reprenons la journée parlementaire. Les candidatures ont été annoncées par les différents groupes quelques jours voire quelques heures avant le scrutin. En lice : Yaël Braun-Pivet, Présidente de l'Assemblée Nationale sortante, dont les qualités pour présider l'Assemblée ont été reconnues de tous, et André Chassaigne, président du groupe communiste et désigné candidat unique de la nouvelle farce populaire (NFP) qui voyait le perchoir comme son bâton de maréchal pour couronner sa carrière politique, étaient les deux concurrents principaux.


Sans surprise, comme en 2022, Sébastien Chenu concourrait pour le groupe RN. S'il ne s'attendait pas à se faire élire, ses décisions de se maintenir à chaque tour étaient importantes car selon son comportement, il pouvait être un faiseur de Président. Son objectif est la reconnaissance des députés RN en tant que députés de la nation et à ce titre, capables de prendre des responsabilités dans les différents postes de l'Assemblée. Entre 2022 et 2024, deux députés RN étaient vice-présidents, Hélène Laporte et Sébastien Chenu.

En revanche, surprise du côté LR puisque la candidature d'Annie Genevard, ancienne vice-présidente de l'Assemblée entre 2017 et 2022, a été éclipsée au profit de Philippe Juvin, le plus Macron-compatible des membres de LR. Attendue mais cela restait quand même étonnant et peu responsable, le groupe Horizons a présenté sa propre candidate Naïma Moutchou, vice-présidente sortante, pour compter ses députés, au prix d'une désunion du bloc présidentiel nécessairement relégué en troisième place. Enfin, représentant du groupe centriste et ultramarin LIOT et absolument opposé à la réélection de Yaël Braun-Pivet, Charles de Courson s'est également présenté, se positionnant comme le candidat qui pourrait réunir une grande partie de l'Assemblée car il ne ferait de l'ombre à personne. Le groupe MoDem (présidé par Marc Fesneau) avait envisagé de présenter un candidat, comme l'a fait le groupe Horizons, puis y a renoncé.

Comme le 28 juin 2022, la séance a été présidée par le doyen d'âge, le député RN José Gonzalez, inaugurant ainsi la XVII
e législature de la Cinquième République. Après une courte allocution, le scrutin a pu commencer pour élire le Président de l'Assemblée Nationale pour cinq ans, de 2024 à 2029 (en principe !).

Les scrutateurs chargés d'organiser le scrutin et de surveiller et porter les deux grosses urnes sont les députés les plus jeunes de l'Assemblée, en particulier deux RN. Lors de cette séance un peu spéciale, les députés sont placés non pas selon leur appartenance à un groupe politique mais par ordre alphabétique, permettant d'étranges proximités politiques, selon le hasard des noms. Pour voter à bulletin secret, sans pression, chaque député se lève et va jusqu'à la tribune pour y placer son bulletin, selon l'ordre alphabétique à partir d'une lettre tirée au sort. Le jeune scrutateur RN tendait la main à tous les députés votants mais les membres insoumis et écologistes, entre autres, au regard fuyant, refusaient obstinément de lui serrer la main en raison de son appartenance au RN (ce qui est absolument stupide et pas très positif pour la propre réputation de ces députés très dogmatiques). Chaque député est député de la nation et représentant du peuple, ils ont les même droits quelles que soient leurs appartenances, et la courtoisie et la politesse sont des questions d'éducation et pas de tendance politique.

 


Chaque scrutin a duré environ deux heures : une heure pour voter, une heure pour dépouiller. Aux deux premiers scrutins, il faut la majorité absolue, au troisième et dernier scrutin, la majorité relative suffit. Vu l'émiettement politique de l'Assemblée, inutile de dire que trois tours ont été nécessaires, et heureusement qu'il était prévu la majorité seulement relative au troisième, sinon, il y aurait eu une vingtaine, trentaine de tours.

Les résultats du premier tour ont été annoncés par José Gonzalez autour de 17 heures 10. 574 députés ont pris part au vote, 4 ont été nuls ou blancs. Il y a donc eu 570 suffrages exprimés, ce qui signifie la majorité absolue à 285. André Chassaigne a fait un très beau score en rassemblant sur son nom 200 voix, soit plus que les seules voix du NFP. Sébastien Chenu a reçu 142 voix, soit l'ensemble des groupes RN et de ses alliés ciottistes. Yaël Braun-Pivet, candidate d'Ensemble, n'a obtenu que 124 voix en raison de la présence, parmi les concurrents, de la députée Horizons Naïma Moutchou 38 voix (ce qui est pas mal). Philippe Juvin a rassemblé 48 voix. Enfin, Charles de Courson a obtenu 18 voix. À ce stade, Naïma Moutchou et Philippe Juvin ont annoncé le retrait de leur candidature pour le deuxième tour, soutenant désormais la candidature de Yaël Braun-Pivet. Quelle faute politique pour Horizons d'avoir présenté une candidate contre Yaël Braun-Pivet, mécaniquement troisième, derrière le RN.

Vers 19 heures 05, les résultats du deuxième tour ont été proclamés : 574 votants, 5 blancs ou nuls, 569 suffrages exprimés (majorité absolue 285). Yaël Braun-Pivet a bondi de la troisième à la première place avec 210 voix, soit exactement le total au premier d'elle et de deux candidats qui se sont retirés. André Chassaigne a recueilli 202 voix, soit encore 2 de plus qu'au premier tour. Sébastien Chenu aussi a amélioré son score avec 143. Charles de Courson, en revanche, a chuté de 18 à 12. Enfin, 2 députés ont voté pour des personnes qui n'étaient pas candidates.

Donc, les 6 voix manquantes de Charles de Courson se sont réparties ainsi : 1 blanc, 2 voix pour un autre candidat non déclaré, 1 pour Sébastien Chenu, 2 pour André Chassaigne. Charles de Courson s'est alors retiré à l'issue du deuxième tour, en sachant qu'au troisième tour, le vote a lieu à la majorité relative.
 


Restaient donc en lice au troisième tour les trois principaux candidats. Trois, car Sébastien Chenu a annoncé se maintenir au troisième tour. Cette configuration, plus dangereuse pour elle, est aussi la plus payante politiquement : Yaël Braun-Pivet n'allait pas dépendre des voix ou de l'abstention du RN pour sa réélection. Tout le monde a cependant dit que ce serait très serré car où iraient les 12 voix de Charles de Courson, alors que l'écart entre André Chassaigne et la Présidente sortante n'était que de 8.

Petit arrêt sur l'hypothèse où André Chassaigne aurait été élu, ce qui n'a pas été le cas, ouf ! D'abord, quel anachronisme cela aurait été : l'Assemblée Nationale de la France, ce pays moderne, présidée par un communiste, un vrai communiste qui se revendique d'un parti communiste sans jamais s'être réformé ! Au-delà du signal terrible d'archaïsme (aurait-on imaginé André Lajoinie présider l'Assemblée dans les années 1980 ?), de paléontologie politique française, comment imaginer qu'un parti qui ne représente que 2% de l'électorat (son score aux élections européennes du 9 juin 2024) puisse présider la Représentation nationale ? Enfin, le signal lourd qu'une majorité à la gauche radicalisée était possible au gouvernement.

Le suspense dramatique a pris fin un peu au-delà de 20 heures 35, quand José Gonzalez a proclamé Yaël Braun-Pivet vainqueure de cette élection avec 220 voix contre 207 à André Chassaigne et 141 à Sébastien Chenu. 1 voix s'est portée sur un autre candidat non présenté. 572 votants, 3 blancs ou nuls, 569 suffrages exprimés. Bien entendu, l'émotion a conquis l'hémicycle, et bien au-delà des rangs macronistes. Elle a même eu droit à une ovation, ce qui est la tradition.


La première satisfaction, c'est qu'une femme continue encore à présider l'Assemblée, et quand on voit les autres candidats, ce n'était pas sûr du tout. La deuxième satisfaction est de démontrer que la gauche radicalisée n'est pas majoritaire, cela remet un peu les points sur les i sur la nature du message des électeurs. Cette Assemblée est en effet confuse, mais la première chose qu'il en sort, après dix jours de confusion totale, c'est Yaël Braun-Pivet réélue au perchoir, et bien réélue, avec 13 voix d'écart, c'était serré mais clair. Et réélue dans les meilleures conditions politiques, meilleures qu'en juin 2022 où le RN s'était retiré dès le second tour. En 2024, on peut affirmer (contrairement à ce qu'a prétendu l'aboyeuse professionnelle Mathilde Panot) qu'aucune voix du RN n'est allée sur Yaël Braun-Pivet. Des 142 voix du premier tour pour Sébastien Chenu, il en a perdu une seule, qui a dû se porter vers un candidat non déclaré. En revanche, le groupe LIOT est bien un OVNI de la vie politique et on aimerait que ce groupe puisse perdurer au fil des législatures tant son identité particulière (liberté de vote) est troublante : certains ont voté pour André Chassaigne, d'autres pour Yaël Braun-Pivet, et même 1 pour Sébastien Chenu au deuxième tour.

Quelques minutes avant l'annonce des résultats, quelques députés insoumis allaient donner le ton de leur réaction après l'annonce. Ils ont remis en doute la légalité des 17 ministres démissionnaires qui ont voté à ce scrutin. Pourquoi le leur reprocher quand les résultats leur seraient défavorables et pas dès le premier tour ? Mystère ! Sur ce point très particulier, la plupart des constitutionnalistes ont expliqué que c'était légal. Du reste, le ministre démissionnaire élu député, pourquoi ne pas prendre en compte les électeurs de leur circonscription ? Il faut rappeler aussi qu'un suppléant ne peut prendre ses fonctions qu'un mois après la nomination d'un député au gouvernement. Dans des scrutins serrés, chaque voix compte et surtout, chaque électeur compte ! Refuser ce droit de vote serait plutôt là comme déni de démocratie. Par ailleurs, il y aurait eu au moins six précédents sous la Cinquième République. J'en connais au moins deux, en mars 1986 (majorité très serrée) et aussi en 1988 (absence de majorité absolue), où les ministres démissionnaires du premier gouvernement de Michel Rocard élus députés ont siégé pour élire le Président de l'Assemblée Nationale (à l'époque, le PS était ultradivisé et chaque voix comptait aussi).

Autre critique stérile relayée tant à l'extrême droite qu'à l'extrême gauche : la réélection de Yaël Braun-Pivet serait un déni de démocratie. Pour les députés NFP, rappelant qu'ils étaient arrivés en tête au premier tour, ils ont dénoncé (comme le RN) les combinaisons et les accords opaques avec le groupe LR. C'est très fort d'hypocrisie ! D'une part, aucune opacité puisque cet accord a été commenté en long et en large pendant près d'une journée. D'autre part, le résultat de la candidature unique d'André Chassaigne a résulté aussi d'un accord, d'une combinaison entre les quatre partis du NFP, pas plus transparente que du côté de LR.


Enfin, si André Chassaigne, Mathilde Panot mais aussi Boris Vallaud et Cyrielle Chatelain, les quatre présidents de groupe du NFP, ont tant hurlé et aboyé contre la réélection de Yaël Braun-Pivet (on leur aurait volé l'élection, quels démagogues vraiment petits !), prouvant qu'ils étaient mauvais joueurs et qu'ils remettaient en cause la sérénité des institutions, de véritables garnements qui nieraient des faits évidents, c'est tout simplement parce qu'avec l'échec de la candidature d'André Chassaigne (qu'ils ont appelée succès parce que c'était un succès d'avoir réussi à trouver un candidat commun au perchoir !), s'est éloignée évidemment (et heureusement) la perspective d'un gouvernement du NFP (toutefois fantôme puisqu'ils étaient incapables d'en nommer un seul membre). Et c'est tant mieux ! Je n'ose pas imaginer le cas où ces fous enragés auraient conquis le perchoir, sur la manière très partisane de diriger les débats parlementaires.

La réaction du RN et de Sébastien Chenu à la réélection de Yaël Braun-Pivet était un peu plus subtile : les députés RN ont fustigé le maintien de Yaël Braun-Pivet alors que les électeurs auraient réclamé du changement, mais cette contestation fait finalement le jeu de la Présidente réélue car au moins, on ne pourra pas dire qu'elle a été réélue grâce au RN. L'autre critique beaucoup plus forte du RN, c'est l'accord en bonne et due forme du groupe LR en faveur des macronistes, l'objectif du RN étant de reprendre la place laissée vacante par LR.

Pourtant, entre André Chassaigne et Yaël Braun-Pivet, il n'y avait pas photo pour le RN : son intérêt était effectivement pour la réélection de Yaël Braun-Pivet qui souhaite la représentation de tous les groupes, y compris extrémistes, dans le bureau (qui sera désigné le lendemain), alors que la gauche veut ostraciser le RN des instances décisionnelles de l'Assemblée (ce qui serait une erreur, et serait illégal, en contradiction avec une loi organique appelée Règlement intérieur de l'Assemblée Nationale).
 


L'émotion énorme et très visible de Yaël Braun-Pivet semble enfin clore une séquence ultrastressante qui va du dimanche 9 juin 2024 à ce jeudi 18 juillet 2024 : un tremblement de terre électoral aux élections européennes, pas assez commenté car tout de suite suivi de la dissolution, d'une campagne difficile et courte, d'une perspective devenue quasi-réalité au premier tour du 30 juin 2024 d'une majorité absolue de députés RN, puis d'un front républicain très efficace contre le RN au second tour du 7 juillet 2024. Le retour de Yaël Braun-Pivet à l'Hôtel de Lassay est aussi une manière de dire que la raison, l'ordre et la stabilité l'ont emporté sur les hurlements ou les aboiements d'une gauche radicalisée qui a soumis la gauche molle (PS), tétanisée de la crainte d'être considérée comme des traîtres à la gauche : il fallait voir la tête dépitée de François Hollande et Olivier Faure à l'annonce des résultats.

Au même moment, à Strasbourg, Ursula von der Leyen était réélue Présidente de la Commission Européenne par les députés européens qui lui ont accordé un second mandat de cinq ans. On a pu voir une grande embrassade entre elle et ...Manon Aubry, séquence vidéo qu'a immédiatement retransmise Marine Le Pen dans les réseaux sociaux en disant : sans commentaire.

Au programme du vendredi 19 juillet 2024, l'élection des autres membres du bureau de l'Assemblée (6 vice-présidents, 3 questeurs, 12 secrétaires). Celui du samedi 20 juillet 2024 : la constitution des différentes commissions permanentes. Et cette difficulté : qui se déclare de la majorité, qui se déclare de l'opposition ?



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (18 juillet 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
Appel aux sociaux-démocrates.
Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
Sidération institutionnelle.
Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.


 







https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240718-braun-pivet.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-27-l-emotion-de-255913

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/18/article-sr-20240718-braun-pivet.html




 

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17 juillet 2024 3 17 /07 /juillet /2024 03:54

« L'élection des vice-présidents, des questeurs et des secrétaires a lieu en s'efforçant de reproduire au sein du bureau la configuration politique de l'Assemblée et de respecter la parité entre les femmes et les hommes. » (Article 10 alinéa 2 du Règlement intérieur de l'Assemblée Nationale).


 


Tout s'accélère cette semaine dans la perspective de l'ouverture de la XVIIe législature de la Cinquième République ce jeudi 18 juillet 2024. La nouvelle farce populaire (NFP) est en phase de décomposition avancée, prêt à imploser devant l'étendue des désaccords : ils ne sont pas capables de s'entendre pour la première décision à prendre, comment pourraient-ils se mettre d'accord sur la politique à mener, par exemple, sur le nucléaire ?

Après le rejet des socialistes de la proposition d'Huguette Bello, à Matignon, le PS a proposé d'autres noms dont Cécile Duflot (!!!!!) (les bras m'en sont tombés !), Esther Duflo (l'économiste qui n'a pas vraiment validé le programme économique du NFP), et enfin, Laurence Tubiana. Le PCF et EELV se sont ralliés à cette idée, mais les insoumis l'ont rejetée catégoriquement, demandant un peu de sérieux. Laurence Tubiana, en particulier, avait fait partie des personnalités pressenties pour Matignon en 2020 puis 2022. De là à instruire son procès pour macronisme aggravé, il n'y a qu'un pas mais justement, c'est parce qu'elle est macron-compatible qu'elle conviendrait pour élargir la majorité à Ensemble. Fin de non recevoir de Jean-Luc Mélenchon, et même pire, rupture des négociations au NFP. C'est bien joli, ces petites guéguerres, mais ils ne se mettent même pas d'accord alors qu'il leur manque 100 députés et qu'ils devraient nécessairement aller les chercher ailleurs que chez eux. En fait, comme il est très intelligent, le gourou des insoumis prouve qu'il ne veut pas gouverner et préfère la position confortable de l'opposant jusqu'en 2027.

C'est un spectacle pitoyable qui montre à l'évidence que le Président Emmanuel Macron avait raison : ni le RN ni le NFP ne sont capables de gouverner et ils n'ont d'ailleurs pas de projet de gouvernement, ils ne sont pas prêts ni sur le plan des personnalités à nommer, ni sur le plan du contenu. Toutefois, cela ne fait pas les affaires de la France et les entreprises sont dans une grande expectative.

Ce mardi 16 juillet 2024 a eu lieu un ultime conseil des ministres du gouvernement dirigé par Gabriel Attal. La démission du gouvernement est devenue officielle vers 18 heures 30 et en attendant le prochain gouvernement, le démissionnaire gérera les affaires courantes (et les ministres qui ne sont plus ministres pourront siéger à l'Assemblée s'ils ont été élus ou réélus). Certains évoquent que cette période pourrait durer jusqu'au 1er octobre 2024, date de l'ouverture de la session ordinaire.

Emmanuel Macron a encouragé les députés Ensemble à travailler sur une coalition avec les élus LR et centristes ainsi qu'avec le centre gauche pour former un gouvernement viable que ne peut manifestement pas concevoir le NFP, faute de majorité. De son côté, le groupe LR a travaillé son pacte législatif à partir duquel il proposera une dizaine de textes législatifs sur lesquels ils seront vigilants, en compensation d'une bienveillance parlementaire (pas de vote de motion de censure). Emmanuel Macron, en tout cas, a exclu la nomination d'une gouvernement 100% NFP avant le mois d'octobre, car sans session parlementaire, aucune motion de censure ne pourra être déposée, et pendant ces semaines au pouvoir, ce gouvernement pourrait faire de graves dégâts économiques par voie de décrets.

 


L'enjeu se déplace de quelques rues, de Matignon au Palais-Bourbon, et l'importance de l'élection du prochain Président de l'Assemblée Nationale jeudi est grande car elle pourrait préfigurer la capacité ou non de gouverner, de trouver des majorités de circonstance. Je rappelle que dans ce scrutin, il faut la majorité absolue aux deux premiers tours, et la majorité relative suffit au troisième tour. De nouveaux candidats peuvent le cas échéant se présenter entre deux tours.

Le NFP a assuré qu'ils se sont mis d'accord pour ne présenter qu'une seule candidature, espérant l'emporter à la majorité relative au dernier tour. Beaucoup sont candidats mais certains pourraient s'effacer : Éric Coquerel pour FI, Cyrielle Chatelain (qui vient d'être réélue présidente du groupe EELV à l'unanimité), André Chassaigne pour le PCF et Boris Vallaud pour le PS. Apparemment, Cyrielle Chatelain auraient les faveurs du NFP (à confirmer). D'autres candidats dans les autres groupes (en tout, il y aurait treize groupes) : Charles de Courson pour les centristes (ils ne représentent que quelques sièges), Annie Genevard pour LR, probablement Sébastien Chenu pour le RN (à confirmer).

La Présidente de l'Assemblée Nationale sortante Yaël Braun-Pivet a également annoncé sa candidature ce mardi, mais rien n'indique qu'il n'y aurait pas, non plus, un candidat du groupe Horizons, et même un autre du MoDem. Peu appréciée du Président de la République, Yaël Braun-Pivet veut réunir une large majorité des députés sur son nom. Certes, sa réélection pourrait mettre un doute sur le besoin de changement et la réalité des élections législatives, mais en fait, la question ne se pose pas vraiment en ces termes : si elle est réélue jeudi, cela signifie que la configuration de l'Assemblée lui a apporté une majorité (même relative), et c'est donc bien la volonté populaire puisque cette configuration a été voulue par les électeurs (plus ou moins consciemment).

Mais derrière l'enjeu du perchoir, il y a deux autres enjeux : le premier, déjà évoqué, de la capacité à recueillir une majorité relative dans cette Assemblée impossible ; le second, c'est qu'il y a d'autres postes de gestion de l'Assemblée, le fameux bureau de l'Assemblée Nationale, à désigner, et aussi les commissions et ses présidents.

 


Là, formellement, on tombe sur un os institutionnel. Pourquoi ? Parce que selon le Règlement intérieur de l'Assemblée Nationale, dans sa dernière version du 24 novembre 2014 (loi organique n°2014-1392 du 24 novembre 2014), chaque groupe doit indiquer, au moment de sa formation (ils ont jusqu'au 20 juillet 2024 pour achever leur constitution), à côté de sa profession de foi, son appartenance (très binaire) à la majorité ou à l'opposition. Sur les treize groupes actuellement formés, seul le RN aurait indiqué opposition, et il revendique déjà la présidence de la commission des finances (réservée traditionnellement, depuis 2007, à un membre de l'opposition). Quant au groupe insoumis, il aurait indiqué qu'il appartenait à la majorité, puisqu'il est dans le trip de la formation d'un gouvernement 100% NFP.

Comme aucun nouveau gouvernement n'est encore nommé, ni aucune coalition n'a démontré qu'elle pouvait gouverner, se dire de la majorité ou de l'opposition relève de procédés divinatoires ! Et être de l'opposition, cela signifie quelle opposition, puisque le problème s'était déjà posé en 2022 où FI et le RN avaient revendiqué la même présidence de la commission des finances, le premier car faisant partie de la Nupes, plus nombreuse que le RN, pourtant le groupe d'opposition le plus nombreux. Ce qui était déjà difficile en 2022 devient une véritable épreuve de force pour faire le casting de 2024.

Dans le bureau, en plus du Président, il y a six vice-présidents (trois sortantes ont été battues aux dernières législatives : Valérie Rabault, Élodie Jacquier-Laforge et Caroline Fiat), trois questeurs (les sortants étaient Éric Woerth, Éric Ciotti et Brigitte Klinkert), et douze secrétaires.

 


À chaque nouvelle session, ces désignations sont renouvelées, et ce sont tous les groupes qui se mettent d'accord sans faire de vote formel (en fait, si, mais pour donner l'ordre dans le protocole). Dans tous les cas, l'alinéa 2 de l'article 10 du Règlement intérieur de l'Assemblée est assez clair : « L'élection des vice-présidents, des questeurs et des secrétaires a lieu en s'efforçant de reproduire au sein du bureau la configuration politique de l'Assemblée et de respecter la parité entre les femmes et les hommes. ».

Pourquoi citer cet article ? Parce qu'il y a une double petite musique qui pourrait mettre en question la quiétude des institutions et leur caractère démocratique. L'Assemblée Nationale est en effet comme une grande maison nationale, appartenant aux Français, à tous les Français, et à leurs représentants, à tous leurs représentants, que sont les députés. Or le NFP s'est mis d'accord pour refuser toute désignation d'un membre du RN dans le bureau de l'Assemblée. Le groupe Ensemble pour la République (macroniste) a également émis le vœu de refuser tout député RN mais aussi FI au sein des instances décisionnelles de l'Assemblée.

Ce serait un déni de démocratie, et une incohérence avec ce qui s'est passé dans la précédente législature en 2022 puisque le RN, beaucoup moins nombreux, avait obtenu deux vice-présidences (Sébastien Chenu et Hélène Laporte). De son côté, FI avait obtenu une vice-présidence (Caroline Fiat) et une secrétaire (Danièle Obono).

 


La position de Yaël Braun-Pivet n'est pas du tout celle de son groupe. Elle considère que tous les groupes doivent participer à la direction de l'Assemblée où il doit régner une certaine concorde. Rejeter des groupes, c'est rejeter leurs électeurs (10 millions pour le RN). De là à imaginer des choses... "Le Figaro" a un peu vite conclu que Yaël Braun-Pivet aurait scellé un accord avec le RN pour la laisser au perchoir en échange de vice-présidences. Pas du tout, a riposté la députée des Yvelines, qui rappelle qu'elle pourrait être réélue à la majorité relative sans le RN si elle rassemble l'ensemble du bloc central, Ensemble et LR.

Lors de sa première élection au perchoir, le 28 juin 2022, Yaël Braun-Pivet avait recueilli 238 voix sur 562 votants (42,4%) au premier tour, et 242 voix sur 474 votants (52,4%) au second tour (les % sont par rapport aux suffrages exprimés et pas votants). Un troisième tour n'avait pas été nécessaire grâce au désistement, après le premier tour, du candidat RN Sébastien Chenu et à l'abstention de son groupe pour le second tour.

Vu le comportement plutôt responsable des députés RN en 2022, il est fort probable qu'ils renouvelleront ce comportement en 2024 dans une situation plus délicate pour eux puisqu'il est question de leur priver de responsabilités internes. L'objectif du RN serait donc d'empêcher à tout prix l'élection du candidat provenant du NFP qui refuserait toute cogestion de l'Assemblée avec le RN. Le retrait du candidat du RN et l'abstention du RN feraient que la majorité absolue pourrait être atteinte avec 226 voix, soit à peu près l'ensemble du pôle macroniste et de LR. Certains estiment que le retrait des autres candidats du bloc central (candidate LR et Charles de Courson, antimacroniste notoire) après le premier ou second tour ne pourrait se faire qu'avec une nouvelle candidature, par exemple celle de la centriste Valérie Létard (UDI) : ancienne ministre, sénatrice du Nord, elle s'est présentée à la vingt et unième circonscription du Nord et a été élue de justesse face au RN après le désistement du candidat NFP.

Avant l'installation de la nouvelle Assemblée, j'indique ici les principaux résultats de certaines personnalités politiques lors de ces élections législatives anticipées (c'est très loin d'être exhaustif).

Ne se sont pas présentés : François Bayrou, Édouard Philippe, Bruno Le Maire, Valérie Pécresse, Jordan Bardella, Raphaël Glucksmann, Jean-Luc Mélenchon, Manon Aubry, Valérie Hayer, Manuel Valls, Bernard Cazeneuve, Louis Aliot, François-Xavier Bellamy, Xavier Bertrand, Christian Estosi, Renaud Muzelier, Olivier Dussopt, Éric Dupond-Moretti, Jean-François Copé, Marion Maréchal, Éric Zemmour, Amélie de Montchalin, Rachida Dati, etc.

Ne se sont pas représentés : Adrien Quatennens, Jean-Louis Bourlanges, Bruno Millienne, etc.

Battus dès le premier tour : Laurence Sailliet, Jean Messiha, Fabien Roussel, Clément Beaune, Jérôme Cahuzac, Arnaud Dassier, Rachel-Flore Pardo, Pierre-Louis Giscard d'Estaing, Yann Wehrling, Pierre-Yves Bournazel, Damine Abad, etc.

Élus dès le premier tour : Mathilde Panot, Éric Coquerel, Aymeric Caron, Julien Oudol, Sandrine Rousseau, Edwige Diaz, Sébastien Chenu, Philippe Ballard, Marine Le Pen, Bruno Bilde, Laure Lavalette, Manuel Bompard, Sébastien Delogu, François Piquemal, Sophia Chikirou, Danièle Obono, Aurélien Saintoul, Éric Coquerel, Sarah Legrain, Aurélie Trouvé, Bastien Lachaud, Clémence Guetté, Emmanuel Grégoire, Olivier Faure, Clémentine Autain, Carlos Martens Bilongo, Marie-Charlotte Garin, Pouria Amirshahi, Éva Sas, Rodrigo Arenas, Elsa Faucillon, Stéphane Peu, Sophie Taillé-Polian, Philippe Juvin, etc.

Se sont désistés au second tour : Gilles Le Gendre, Marie Guénévoux, Dominique Faure, Raquel Garrido, Élodie Jacquier-Laforge
, Sabrina Agresti-Roubache, etc.

Battus au second tour : Aude Luquet, Stanislas Guérini, Jean Lassalle, Valérie Rabault, Nicolas Dupont-Aignan, François Durovray, Robin Reda, Laurence Maillart-Méhaignerie, Stéphane Beaudet, Aude Lagarde, Sébastien Jumel, Olivier Véran, Philippe Poutou, Sarah El Haïry, Maud Gatel, Victor Habert-Dassault, Bertrand Pancher, Caroline Fiat, Jérôme Sainte-Marie, Meyer Habib (battu par Caroline Yadan), Rachel Keke, Pierre Larrouturou, Sabrina Ali-Benali, Emmanuelle Ménard, Grégoire de Fournas, Gilles Bourdouleix (sa manipulation grossière n'a fait perdre à son adversaire que 82 voix sur 80 125), etc.

Élus au second tour : Xavier Breton, Julien Dive, Éric Ciotti, Michèle Tabarot, Hervé Saulignac, Pierre Cordier, Jean-Luc Warsmann, Hendrik Davi, José Gonzalez, Élisabeth Borne, Gabriel Attal, Laurent Wauquiez, Gérald Darmanin, Marc Fesneau, Olivier Falorni, François Hollande, Hervé Berville, Dominique Voynet, Annie Genevard, Guillaume Kasbarian, Olivier Marleix, Philippe Vigier, Erwan Balanant, Laurent Marcangeli, Jean-René Cazeneuve, Thomas Cazenave, Thierry Benoit, Laurent Baumel, Cyrielle Chatelain, Geneviève Darrieussecq, Roger Chudeau, Boris Vallaud, Emmanuel Mandon, Sandrine Josso, Thomas Ménagé, Richard Ramos, Aurélien Pradié, Hélène Laporte, Stéphane Travert, Stella Dupont, Philippe Gosselin, Jérôme Guedj, Charles de Courson, Guillaume Garot, Christophe Bentz, Yannick Favennec, Stéphane Hablot, Thibault Bazin, Dominique Potier, Nathalie Colin-Oesterlé, Fabien Di Filippo, Laurent Jacobelli, Ugo Bernalicis, Sébastien Huyghe, David Guiraud, Violette Spillebout, Roland Lescure, Valérie Létard, Éric Woerth, Agnès Pannier-Runacher, André Chassaigne, Jean-Paul Matteï, David Habib, Sandra Regol, Patrice Hetzel, Brigitte Klinkert, Raphaël Schellenberger, Olivier Becht, Bruno Fuchs, Blandine Brocard, Cyrille Isaac-Sibille, Marina Ferrari, Sylvain Maillard, Céline Hervieu, Olivia Grégoire, David Amiel, Benjamin Haddad, Danielle Simonnet, Agnès Firmin Le Bodo, Frédéric Valletoux, Arnaud Saint-Martin, Aurélien Rousseau, Franck Riester, Ersilia Soudais, Jean-Noël Barrot, Marie Lebec, Yaël Braun-Pivet, Benjamin Lucas, Aurore Bergé, Karl Olive, Delphine Batho, François Ruffin, Jean-Philippe Tanguy, Yannick Chenevard, Raphaël Arnault, Sacha Houlié, Nicolas Turquois, Paul Midy, Antoine Léaument, Céline Calvez, Constance Le Grip, Prisca Thevenot, Stéphane Séjourné, Maud Bregeon, Thomas Portes, Alexis Corbière, Aly Diouara, Louis Boyard, Vincent Jeanbrun, Michel Herbillon, Emmanuel Maurel, Aurélien Taché, Olivier Serva, Emmanuel Tjibaou, Caroline Yadan, Anne Genetet, etc.



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (16 juillet 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
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Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
Sidération institutionnelle.
Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

 





https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240716-assemblee-nationale.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-25-faut-il-255871

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/16/article-sr-20240716-assemblee-nationale.html





 

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10 juillet 2024 3 10 /07 /juillet /2024 03:36

« Croyez-vous que [le peuple] préfère que l'on divise le pays en trois ? Pourquoi ne voulez-vous pas faire confiance au peuple ? Je suis persuadé qu'automatiquement, dès le début de la campagne, il se produira une concentration instinctive ! Je n'arrive pas à croire que le pays, dans sa masse, ne soit pas guidé, le moment venu, par une sorte d'instinct. Il élira quelqu'un qui ne soit pas un extrémiste. » (De Gaulle au conseil des ministres du 26 septembre 1962 à l'Élysée, retranscrit par Alain Peyrefitte dans "C'était De Gaulle", éd. Gallimard).




 


La situation parlementaire est on ne peut pas plus difficile pour la constitution du nouveau gouvernement. Avec trois blocs aux effectifs à peu près égaux, du moins, dont aucun n'est capable de rassembler sur son programme une majorité absolue de députés, la situation politique est inédite sous la Cinquième République, et donc, particulièrement intéressante sur le plan intellectuel mais inquiétante sur le plan économique et social car on ne peut pas laisser la France sans gouvernement (l'agence de notation Moody's a déjà exprimé sa préoccupation sur la fiabilité de la France pour les investisseurs, ceux qui financent notre dette et nos déficits ; chaque pourcent de taux d'intérêt supplémentaire, c'est 30 milliards d'euros par an en plus à payer pour la France).

Alors, il y a une petite musique très malsaine qui émerge depuis deux jours : puisque c'est le bordel aujourd'hui, faisons en sorte que ce le soit tout le temps ! Non, c'est une traduction purement personnelle, mais en gros, certains disent : puisque c'est ingouvernable, changeons de mode de scrutin et adoptons le scrutin proportionnel pour les élections législatives. C'est d'une logique shadok imparable : nous fonçons dans le mur, alors accélérons !

D'abord, en préliminaire, rappelons que cela ne résoudrait en rien le problème d'aujourd'hui puisque dans tous les cas, y compris la démission du Président de la République, cette Chambre ingouvernable restera en fonction au moins jusqu'au 7 juillet 2025. De plus, vouloir réformer les institutions serait ouvrir une boîte de Pandore et amorcer un nouveau chantier bien inutile quand on n'est même plus sûr que pouvoir payer les fonctionnaires au mois de janvier prochain, en absence de gouvernement et en absence de lois de finances. D'autant plus que nos institutions, au contraire, sont solides et c'est à peu près le seul socle qui nous garantit encore aujourd'hui la stabilité face aux risques de guerre civile.

Ensuite, il faut admettre que cette situation parlementaire ne provient absolument pas du mode de scrutin majoritaire, au contraire, puisqu'en général, l'effet majoritaire donne la majorité absolue à une formation qui n'aurait qu'un tiers des voix, mais elle provient du peuple. Dit comme cela, j'ai l'air d'accuser le peuple, mais je peux dire aussi que c'est grâce au peuple que nous sommes dans cette situation : c'est le peuple qui a choisi cette Assemblée. Et le peuple est très divisé. Mais plus politiquement, cette situation improbable provient d'une tripolarisation étonnante de la vie politique depuis 2017 avec un bloc central divisé (Ensemble et LR) et deux blocs malheureusement extrémistes ou, du moins, radicalisés, à gauche (NFP), radicalisé par les insoumis qui contrôlent pour l'instant cette alliance, et à droite (RN).


Si les appareils ont effectivement choisi le désistement des candidats arrivés les moins bien placés au second tour contre un candidat RN, ce sont bien les électeurs qui ont donné l'ordre d'arrivée au premier tour. C'est parce que celui-ci est assez diversifié que les résultats du second tour sont contrastés. Le second tour est toujours la conséquence du premier tour, avec un effet, celui du front républicain, qui n'est pas seulement un effet d'appareils politiques, par les désistements, mais aussi un effet populaire, électoral, par les électeurs qui étaient plus de 60% vraiment opposés à un gouvernement RN dirigé par Jordan Bardella.

Pour une fois, on ne peut pas mettre la responsabilité des acteurs politiques dans l'ingouvernabilité actuelle du pays. Il s'agit bien d'un situation de fait voulue par les électeurs. Changer les institutions ne changerait pas cet état de fait, on ne peut pas changer le peuple avec les institutions (même si parfois, ce serait bien pratique !).

Maintenant, voyons le mode de scrutin qui n'y peut rien dans cette situation politique et électorale. Certains aiment bien comparer avec des pays étrangers.

Alors, prenons le cas du Royaume-Uni dont l'éclatant victoire du parti travailliste ne s'est fait qu'avec seulement quelques pourcents supplémentaires en voix des travaillistes par rapport à 2019. Évidemment, le mode de scrutin y est pour quelque chose et le scrutin britannique est majoritaire uninominal à un tour : cela signifie que l'élu, c'est le candidat arrivé en tête dès le premier tour. S'il avait été appliqué en France, le RN aurait obtenu environ 350 sièges puisqu'il était en tête dans 350 circonscriptions. On voit que le mode de scrutin influe sur le résultat... mais attention : les partis et les électeurs se comportent aussi en fonction du mode de scrutin. Vu les désistements et le front républicain au second tour, nul doute que les partis auraient choisi leurs candidats différemment dans certaines circonscriptions, n'en auraient pas présenté dans des circonscriptions ingagnables, etc. au regard des résultats des élections européennes où le RN était en tête dans de nombreuses communes de France, autour de 97% des communes (c'est ce qu'Ensemble a fait dans certaines circonscriptions comme dans celle de Jérôme Guedj, de Nicolas Dupont-Aignan et de François Hollande, entre autres, en ne présentant aucun candidat dès le premier tour).

Quant aux autres pays, effectivement, c'est le système proportionnel qui domine, parfois très complexe comme en Allemagne où le nombre total de députés change à chaque élection, les gouvernements ne peuvent être formés que par grande coalition aujourd'hui en raison de l'émiettement des "opinions publiques", mais cela nécessite , d'une part, une culture du compromis, or, les premiers jours de l'après-législatives montrent qu'en France, peu de partis l'ont, cette culture du compromis, et d'autre part, elle trahit la volonté populaire qui vote pour un programme. C'est du reste à cause de la seconde raison que la première n'existe pas en France : les électeurs du NFP, par exemple, ont voté pour le programme du NFP, donc, si le NFP était au pouvoir, il faudrait appliquer le programme du NFP, et aucun autre. Sauf que si le NFP n'a pas la majorité absolue des sièges, il ne pourra pas se maintenir très longtemps, et s'il veut gouverner durablement, il doit faire un contrat avec d'autres formations politiques sur la base d'un programme forcément édulcoré.


Car il est là l'intérêt du scrutin majoritaire, en principe (j'écris en principe puisque ce n'est pas le cas depuis 2022) : au lieu de faire des compromis et des coalitions après les élections législatives, au mépris de la volonté des électeurs, ces accords sont fait auparavant, avant les élections, ce qui a été le cas par exemple pour la gauche avec le NFP mais aussi l'accord entre le RN et les ciottistes. J'ajoute également un élément non négligeable. J'ai écrit que le système allemand est complexe mais il reste de la proportionnelle intégrale (certains députés sont élus au scrutin majoritaire, mais au niveau national, il y a un recompensation pour que ce soit la stricte proportionnalité, ce n'a rien à voir, par exemple, avec le scrutin des régionales ou des municipales en France où il y a une prime majoritaire). La complexité pollue la démocratie. Le peuple a besoin de simplicité dans ses choix, ne serait-ce que parce que tout le monde vote et que la compréhension doit être donnée à tout le monde, y compris les moins intellos. Le scrutin majoritaire a l'avantage de la simplicité : on vote simplement pour faire le choix entre plusieurs candidats.

Certains journalistes considèrent que l'idée du front républicain et du barrage à l'extrême droite, de voter pour un candidat qui ne correspond pas à ses idées pour éviter un gouvernement RN, n'aurait pas lieu avec un scrutin proportionnel, mais au contraire, il est démocratique que les électeurs prennent leur responsabilité (ce qui a été le cas le 7 juillet 2024, et je l'écris avec un étonnement très positif). Le peuple a pu au moins clairement exprimé sa volonté de rejeter l'idée d'un gouvernement RN. Le blocage actuel se fait non pas sur les trois blocs mais sur deux blocs : aucune coalition incluant le RN n'est aujourd'hui pensable.

Un autre argument supposé en faveur de la proportionnelle serait d'éviter qu'un parti extrémiste gagne une majorité absolue des sièges. En fait, l'exemple d'Israël, démocratie à la proportionnelle, montre qu'au contraire, dans la nécessité de grande coalition, les extrêmes ont une influence beaucoup plus grande que la réalité du pays et font aujourd'hui la politique du pays.


Je trouve d'autres intérêts au scrutin majoritaire à deux tours. Le premier, le principal au départ, mais qui n'a pas lieu aujourd'hui, c'est qu'il aide à trouver des majorités absolues. Ce n'est pas le cas en 2022 et en 2024, mais ce n'était pas le cas non plus en 1958 ni en 1988, et ce n'était pas le cas non plus sous la Troisième République (avec un scrutin d'arrondissement, c'est-à-dire le même qu'actuel), ce qui a conduit les constituants de 1958 à proposer quelques outils constitutionnels (indispensables !) pour permettre de gouverner avec une simple majorité relative, à condition que celle-ci ne soit pas trop faible (quelques dizaines de sièges manquants au maximum). Globalement, la vraie idée, et le seul point qui permet à un gouvernement de durer, c'est d'empêcher le vote d'une motion de censure à la majorité absolue des députés, y compris les absents (donc, il faut au moins 289 voix). Tant qu'une majorité absolue contre n'est pas formée, le gouvernement survit, c'était le cas avec Élisabeth Borne et Gabriel Attal depuis 2022 parce que les populistes irresponsables n'étaient pas majoritaires (RN + FI), comme du reste depuis le 7 juillet 2024 (ce qui est une très bonne nouvelle et devrait permettre de trouver une solution viable).

Le deuxième intérêt, c'est qu'on vote pour ou contre des personnalités bien définies : dans un scrutin de liste sans panachage, on ne peut pas choisir son député, on accepte le diktat des appareils, les premiers de listes seront élus dans tous les cas et ceux en bout de liste ne le seront pas dans tous les cas aussi. Dans un scrutin majoritaire, des dissidents de parti, comme c'était le cas en 2024 pour François Ruffin, Alexis Corbière et Danielle Simonnet, ont pu être élus contre le diktat de leur parti car ils ont réussi à réunir une majorité d'électeurs derrière eux contre le candidat officiel de leur parti. Avec un scrutin proportionnel, ces individualités n'auraient jamais pu être élues, tu es avec le parti ou tu n'es rien.

Ensuite, ce lien entre le député et ses électeurs est important dans la circonscription. Certains ne bossent pas et ne sont pas réélus, d'autres au contraire sont très présents auprès de leurs électeurs. On dit d'ailleurs que les députés sont des assistantes sociales, car dans leur permanence, les gens viennent surtout pour trouver un logement ou un emploi. On a parlé de réserve parlementaire, elle était intéressante car cela permettait, en dehors des obstacles administratifs, débloquer certains projets locaux (construction d'une bibliothèque, etc.), à condition, bien sûr, comme c'était le cas, que ce soit transparent puisqu'il s'agit d'argent public. Ce contact avec le peuple, le scrutin proportionnel ne le permet pas (même dans le cadre départemental) : qui aujourd'hui est capable de citer le nom des 81 députés européens français élus le 9 juin 2024, à part les quelques têtes de liste ? Et surtout, ces élus rendent-ils des comptes aux électeurs ? Quand et à qui, puisqu'ils sont élus dans un cadre national ? Impossible dans le cadre du scrutin proportionnel.


Du reste, la limitation du cumul qui interdit notamment d'être à la fois député et maire coupe le parlementaire des réalités locales. L'élu municipal est à l'écoute des problèmes de ses concitoyens (et s'il ne l'est pas, les habitants vont le mettre rapidement au courant !). Des députés sans mandat local sont un peu hors-sol. Le fait qu'ils soient élus dans une circonscription leur permet de se plonger dans la réalité locale, au contraire de la proportionnelle qui les rendrait très éloignés du peuple et de ses problèmes.

Paradoxalement, puisque c'est le contraire qu'on dit, le scrutin majoritaire permet une réelle diversité politique des députés, plus grande qu'avec la proportionnelle. Par exemple, il vient d'échouer, mais Nicolas Dupont-Aignan n'aurait jamais pu avoir sa carrière de député pendant des dizaines d'années hors de son ancien parti (l'UMP) sans scrutin majoritaire. Elle aussi vient d'échouer, mais Emmanuelle Ménard n'aurait jamais été élue députée de Béziers hors du scrutin majoritaire car elle ne voulait pas être embrigadée par le FN/RN en 2017 (si bien qu'elle a été finalement battue par un candidat RN en 2024, la vague RN étant plus forte que le rayonnement personnel de certaines individualités).

Quant à la parité homme/femme, qui me paraît saine dans une démocratie moderne (et qui est effectivement plus simple à imposer avec la proportionnelle, on le voit aux municipales, aux régionales et aux européennes), le dispositif actuel pénalise déjà beaucoup financièrement les partis qui ne la respectent pas. La preuve que c'est possible dans un scrutin majoritaire, c'est le groupe LREM en 2017, et aussi le groupe écologiste en 2024.

Le seul intérêt du scrutin proportionnel est d'avoir une représentation plus exacte de la mosaïque politique du peuple. Mais comme il y a toujours des seuils (entre 3% et 5% dans les pays qui l'ont adopté), il restera toujours des exclus de ce système. De toute façon, dans le cas extrême, un député ne peut pas représenter moins que 1/le nombre total des sièges, en France, cela signifie au moins 0,2% des voix (ce qui signifie, dans le cas extrême d'une proportionnelle intégrale à l'échelle nationale sans seuil, que 23 partis des 38 qui se sont présentés aux élections européennes du 9 juin 2024 auraient quand même été exclus d'une représentation !).

Le système électoral répond à des questions philosophiques essentielles. Et la question, ici, est la suivante : à quoi sert une Assemblée Nationale ? Si c'est juste pour papoter avec la représentation de toutes les opinions, oui, la proportionnelle est indiquée. Mais les plateaux de télévision existent et sont là pour cela. Les réseaux sociaux sur Internet aussi, avec l'expression parfois bruyante voire hurlante d'ultraminoritaires. Si c'est pour permettre de gouverner le pays, voter un budget, pour permettre aux fonctionnaires d'être payés, pour récolter l'impôt, etc. alors il faut un système qui augmente les chances de trouver une majorité absolue.

Et j'en viens à l'essentiel. Aujourd'hui, la situation d'ingouvernabilité provient de la tripolarisation du paysage politique français. Dans une entreprise, on conseille souvent que le bureau exécutif (l'instance décisionnelle) soit composé de trois membres et pas deux. Deux membres, quand ils ne sont pas d'accord, c'est fatal pour une entreprise qui ne prend du coup plus aucune décision. À trois, il y a toujours, pour chaque question, 2 contre 1, donc une majorité (ou alors l'unanimité). En politique, c'est un peu différent, car le schéma évoqué signifierait qu'il faut que deux pôles sur les trois se mettent d'accord. Ils se sont mis d'accord pour faire barrage au RN avec le front républicain. Avec succès. Il faut donc que le gouvernement reprenne ce principe, c'est le message des électeurs.

C'est ce que pense le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier qui l'a exprimé dans un chronique au "Nouvel Obs" le 8 juillet 2024 : « Plusieurs responsables politiques ont indiqué, dans la foulée des résultats, refuser toute ouverture au-delà de leur camp et de leur programme. Les électeurs, donc le peuple qui est le seul décideur dans une démocratie, ont pourtant indiqué une autre position. En effet, un nombre important de députés tant du Nouveau Front populaire que d’Ensemble a été élu non en raison d’un ralliement à leur programme, mais grâce au front républicain, c’est-à-dire au désistement d’un candidat arrivé en troisième position au soir du premier tour. Il en va ainsi d’environ quatre-vingts députés Ensemble et d’une cinquantaine de députés NFP. Démocratiquement, il est nécessaire de tenir compte d’un tel vote, en prenant en considération le choix des électeurs, lequel impose d’atténuer certaines positions programmatiques, en vue de composer un gouvernement de coalition qui dépasse un seul bloc politique. Toute prise de position inverse conduirait à l’échec. ».

Et je mets en garde contre les tentations de changer le scrutin, de passer du scrutin majoritaire au scrutin proportionnel : ce serait une voie irréversible, dans l'état actuel de l'opinion et probablement pour longtemps. Jamais une majorité ne pourra revenir sur celle-ci, car la proportionnelle interdit, sauf dans le cas d'un pôle qui ferait plus de 40%, comme en 1986 qui était une exception, toute majorité absolue.

En somme, sous prétexte que le scrutin majoritaire, dans une situation exceptionnelle de trois pôles, ne donne pas de majorité absolue, on voudrait généraliser définitivement ce foutoir ambiant. C'est assez stupide comme raisonnement. Méfions-nous de cette petite musique. J'avais, en son temps, combattu le quinquennat car il me paraissait peu sain que le mandat du Président de la République fût de même durée que celui des députés. Il a fallu attendre vingt-quatre ans avant qu'un Président de la République rompe ce cycle plutôt infernal, et c'est à mettre à l'actif du Président Emmanuel Macron. Il ne faudrait pas qu'une nouvelle erreur institutionnelle nous bloque dans un foutoir institutionnalisé pendant un quart voire un demi-siècle. Pensons à notre avenir, il y a d'autres réformes à faire que les mauvaises comme celle-ci. Gardons-nous d'abîmer nos précieuses institutions de la Cinquième République qui n'étaient pas, dans leurs objectifs, destinées à De Gaulle, car il avait conquis une légitimité historique qui l'autorisait à tout faire, mais faites
au contraire pour répondre à l'impuissance politique de la Quatrième République, quel que soit le personnel politique du moment.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (09 juillet 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
Appel aux sociaux-démocrates.
Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
Sidération institutionnelle.
Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.
 





https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240709-proportionnelle.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-20-le-poison-du-255740

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28 juin 2024 5 28 /06 /juin /2024 04:02

« De ce jour date une ère nouvelle de la politique française, celle du rajeunissement, et du changement de la France. » (VGE, le 27 mai 1974).

 


L'affiche est connue, c'était le début de l'ère moderne de la communication politique. Valéry Giscard d'Estaing avait fait contribuer sa plus jeune fille Jacinte, elle venait alors d'avoir 14 ans (elle est morte avant son père en janvier 2018), pour sa campagne présidentielle de 1974. Dans ses bagages, avec son élection très serrée face au candidat socialiste François Mitterrand, le droit de vote à 18 ans. Plus exactement, la majorité à 18 ans qui a été adoptée définitivement par le Parlement français il y a cinquante ans, le 28 juin 1974.

Le droit de vote est toute une histoire. La majorité civile était fixée par décret le 20 septembre 1792 à l'âge de 21 ans pour les hommes et les femmes (au lieu de 25 ans), ce décret complétait le décret du 28 août 1792 qui avait aboli les droits des pères sur leurs enfants majeurs. Le Code Napoléon l'a ensuite modifiée en 1804 en la fixant à 21 ans pour les femmes et 25 ans pour les hommes. Puis, la majorité a été fixée à 21 ans pour tous par la loi du 21 juin 1907.

Mais le droit de vote n'était pas vraiment couplé avec la majorité civile. D'abord, les femmes n'ont eu le droit de vote que le 21 avril 1944. Quant aux hommes, après la Révolution, le suffrage était souvent censitaire : sous la Restauration, en 1815, ils pouvaient voter seulement à partir de 30 ans et seulement s'ils payaient beaucoup d'impôts. Avec la Monarchie de Juillet, en 1830, les conditions se sont assouplies : l'âge à partir duquel un homme pouvait voter a été abaissé à 25 ans et le seuil des impôts payés réduit du tiers. En 1848, l'âge a encore baissé et le suffrage est devenu universel au lieu de censitaire, c'est-à-dire que tous les hommes de plus de 21 ans, quel qu'ils fussent devant l'impôt, pouvaient voter.

Valéry Giscard d'Estaing a été élu le 19 mai 1974 et a pris ses fonctions le 27 mai 1974. Son objectif : faire de la France (qui était en retard pour l'âge du droit de vote par rapport à ses voisins) une « société libérale avancée ».Il n'a donc pas perdu de temps et a fait très rapidement adopter sa première réforme de société, très attendue par les jeunes : l'Assemblée Nationale a adopté en procédure d'urgence (sur le rapport d'Alain Terrenoire) à main levée et à la quasi-unanimité le projet de loi fixant la majorité civile à 18 ans (au lieu de 21 ans) le 25 juin 1974 et le Sénat l'a adopté dans la lancée le 28 juin 1974 (sur le rapport de Jacques Genton). Cette adoption définitive a entraîné logiquement la promulgation de la loi le 5 juillet 1974 (loi n°74-631 du 5 juillet 1974 fixant à 18 ans l'âge de la majorité) par le nouveau Président de la République, élu à 48 ans, ce qui était le record de jeunesse depuis 1870 (en 2017, Emmanuel Macron l'a battu à 39 ans). Ont signé aussi ce texte le Premier Ministre Jacques Chirac et les ministres Michel Poniatowski (Intérieur), Jean Lecanuet (Justice), Jacques Soufflet (Défense) et Olivier Stirn (DOM-TOM).
 


À l'origine, le garde des sceaux Jean Lecanuet avait voulu proposer le droit de vote à 18 ans tout en maintenant la majorité civile à 21 ans. Ce furent les députés, au cours de l'examen en séance publique, qui ont voulu carrément abaisser l'âge de la majorité civile à 18 ans. C'était une révolution puisque cela modifiait l'âge adopté en 1848 ! Cela signifiait par exemple qu'au-delà du droit de vote, les jeunes de 18 à 21 ans pouvaient aussi se marier et ouvrir un compte bancaire sans obtenir l'accord de leurs parents.

Beaucoup ont dit que cette réforme était une conséquence de la révolte étudiante de mai 1968. Valéry Giscard d'Estaing était arrivé à l'Élysée sous le signe de la jeunesse et c'est pourquoi il a voulu faire cette réforme la premier signe emblématique du renouveau sociétal. Son concurrent du second tour François Mitterrand y était également favorable puisque cette mesure faisait partie du programme commun de la gauche. Du reste, le Premier Ministre Pierre Messmer, avant VGE, avait proposé un même texte dès 1972 mais son processus législatif n'a pas pu aboutir à cause de la mort de Georges Pompidou (et aussi parce que ce dernier y était plutôt opposé).

C'étaient 2,4 millions de jeunes entre 18 et 21 ans qui étaient concernés mais ceux-ci se sont finalement sentis un peu floués car il n'y a pas eu d'élections importantes avant les élections municipales de mars 1977, c'est-à-dire que les jeunes de 18 ans en 1974 allaient avoir de toute façon 21 ans en 1977 (il y avait cependant des élections cantonales en mars 1976 mais seulement pour la moitié des cantons).
 


Cette réforme a fait donc partie d'une série de réformes faites dans les premières années du septennat de VGE visant à moderniser la France, à adapter la loi aux mœurs, et après la majorité à 18 ans, il y a eu le remboursement de la pilule le 4 décembre 1974 (la contraception est devenue un "droit individuel"), la dépénalisation de l'IVG le 17 janvier 1975, portée par Simone Veil, la libéralisation de l'audiovisuel par l'éclatement de l'ORTF le 6 janvier 1975, le divorce par consentement mutuelle le 11 juillet 1975, etc. À cela, il faut ajouter une révolution constitutionnelle avec la révision du 29 octobre 1974 permettant à 60 parlementaires de saisir le Conseil Constitutionnel sur la conformité d'un projet de loi adopté définitivement au Parlement (ce qui a donné un grand pouvoir à l'opposition pour s'opposer juridiquement aux textes de la majorité ; auparavant la saisine du Conseil Constitutionnel était réservée aux seuls Président de la République et Présidents des deux assemblées).

Le politologue Raymond Aron a ainsi commenté cette réforme le 22 novembre 1974 sur France Culture, de manière un peu dubitative : « Il [VGE] a voulu mettre, pour ainsi dire, au défi, les commentateurs, les adversaires, les critiques et être le Président le plus jeune de l'histoire de France qui accordait le droit de vote aux garçons et aux jeunes filles de 18 ans. (…) Il est évident que demander aux garçons et aux jeunes filles de 18 ans de décider de ceux qui nous gouverneront est un pari. ».
 


Et effectivement, si le pari pour la capacité des jeunes était gagné d'avance (même si le problème ultérieur serait plutôt que beaucoup de jeunes s'en moqueraient, soit ne s'inscrivant pas sur les listes électorales soit s'abstenant massivement), le pari était plutôt sociologique et politique pour Valéry Giscard d'Estaing puisque les enquêtes d'opinion montraient clairement que les jeunes de 18 à 21 ans lui préféraient le leader de gauche. C'était là le courage politique de Valéry Giscard d'Estaing dont les décisions relevaient de l'intérêt général et pas de son intérêt électoral immédiat. Car en 1981, la jeunesse française a voté massivement pour François Mitterrand, ce qui a contribué à sa défaite sévère (défaite toutefois qui aurait sans doute eu lieu sans cette réforme).

Depuis quelques années, on parle maintenant du droit de vote dès l'âge de 16 ans (éventuellement seulement pour les élections municipales), à l'image de l'Équateur, du Brésil ou de l'Autriche, mais les propositions de loi allant dans ce sens n'ont pour l'instant jamais abouti. Après tout, depuis le 1er janvier 2024, on peut passer le permis de conduire de série B dès l'âge de 17 ans révolu, selon le décret du 20 décembre 2023.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (28 juin 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le droit de vote à 18 ans, c'était il y a 50 ans grâce à Giscard !
Lucien Neuwirth  et la contraception.
Le vote des femmes en France.
Femmes, je vous aime !
Ni claque ni fessée aux enfants, ni violences conjugales !
Violences conjugales : le massacre des femmes continue.
L'IVG dans la Constitution (3) : Emmanuel Macron en fait-il trop ?
Discours du Président Emmanuel Macron le 8 mars 2024, place Vendôme à Paris, sur l'IVG (texte intégral et vidéo).
L'IVG dans la Constitution (2) : haute tenue !
L'IVG dans la Constitution (1) : l'émotion en Congrès.
La convocation du Parlement en Congrès pour l'IVG.
L'inscription de l'IVG dans la Constitution ?
Simone Veil, l’avortement, hier et aujourd’hui…
L’avortement et Simone Veil.
Le fœtus est-il une personne à part entière ?
Le mariage pour tous, 10 ans plus tard.
Rapport 2023 de SOS Homophobie (à télécharger).
Six ans plus tard.
Mariage lesbien à Nancy.
Mariage posthume, mariage "nécrophile" ? et pourquoi pas entre homosexuels ?
Mariage annulé : le scandaleux jugement en faveur de la virginité des jeunes mariées.
Ciel gris sur les mariages.

Les 20 ans du PACS.
Ces gens-là.
L’homosexualité, une maladie occidentale ?
Le coming out d’une star de la culture.
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23 juin 2024 7 23 /06 /juin /2024 03:30

« Elle songea qu'ils se trompaient probablement tous les uns les autres et qu'ils vivaient dans une illusion. » (Marie Vareille, "Ma vie, mon ex et autres calamités", éd. Charleston, 2019).




 


L'enjeu qu'a voulu placer le Premier Ministre Gabriel Attal dans ces élections législatives, c'est le choix du Premier Ministre le 8 juillet 2024. C'est aussi l'enjeu de Jordan Bardella, le président du RN, et également, mais de façon un peu plus confus, de la nouvelle farce populaire. Pourtant, je l'ai déjà écrit, la nomination du Premier Ministre est une prérogative exclusive du Président de la République. En d'autres termes, sur le principe, on n'est jamais candidat à Matignon. Ce serait presque un crime de lèse-Président, voire un manière très peu constitutionnelle d'appréhender les institutions.

Toutefois, dans la pratique, il est bien autrement. On a pu découvrir et se convaincre, avec les trois expériences de la cohabitation (1986-1988, 1993-1995 et 1997-2002), que le pouvoir se trouvait réellement, en pratique, je répète, à Matignon et pas à l'Élysée. Sans pour autant perdre de l'efficacité des institutions de la Cinquième République puisque pendant ces trois périodes de cohabitation, la France a été gouvernée pas moins efficacement que dans les autres périodes.

Faire un enjeu du choix du Premier Ministre dans une campagne d'élections législatives, c'est le cas en fait quand celles-ci ne suivent pas directement une élection présidentielle, au contraire de juin 1981, juin 1988, juin 2002, juin 2007, juin 2012, juin 2017 et juin 2022. Ces cas sont rares depuis vingt-cinq ans, mais ils étaient auparavant le cas général. Pour les quatre derniers cas, il fut toujours question de la cohabitation : en mars 1978, en mars 1986, en mars 1993 et en juin 1997. Et c'était bien un enjeu personnel (qui serait le Premier Ministre ?) qui était associé à un enjeu politique (quelle politique serait appliquée ?).

En 1978, les sondages donnaient la gauche gagnante et le Président Valéry Giscard d'Estaing avait mis en garde : il ne pourrait nommer qu'un Premier Ministre de gauche si elle gagnait les élections. Le terrain de campagne s'est donc porté sur le duel entre le Premier Ministre sortant Raymond Barre et le premier secrétaire du PS François Mitterrand. Ce dernier a finalement perdu et a dû attendre 1981 pour arriver au pouvoir par la grande porte de l'Élysée.

En 1986, les sondages donnaient gagnante l'union UDF-RPR et ils ont eu raison, de justesse. Au-delà de l'alternance politique, le débat est devenu le duel entre le Premier Ministre sortant Laurent Fabius et son probable successeur, président du RPR, Jacques Chirac. À l'époque, d'autres hypothèses de Premier Ministre avaient germé pour la première cohabitation avec Alain Peyrefitte, Jacques Chaban-Delmas, René Monory, Simone Veil (43,0% aux élections européennes de juin 1984) et même Valéry Giscard d'Estaing, mais aucune de celles-là n'était politiquement crédible en raison de l'hégémonie du chiraquisme.

En 1993, rebelote pour la deuxième cohabitation. Jacques Chirac ayant échoué à l'élection présidentielle de 1988 a préféré se réserver pour l'élection présidentielle de 1995. Édouard Balladur était le candidat désigné bien avant les élections législatives pour devenir ce Premier Ministre de cohabitation, adoubé autant par l'UDF que le RPR. En face lui, il n'avait aucun adversaire, tant la défaite du PS était attendue.

En 1997, le cas historique le plus proche de 2024 avec la dissolution, le débat politique continuait à donner le clivage traditionnel entre le RPR (au pouvoir) et le PS (le principal parti d'opposition). À la tête du PS, son premier secrétaire Lionel Jospin (premier au premier tour de l'élection présidentielle de 1995), face au Premier Ministre sortant Alain Juppé, a priori candidat à sa succession, si ce n'est qu'après un premier tour désastreux, la majorité a présenté pour Matignon la perspective de la nomination de Philippe Séguin, plus populaire. C'était trop tard et, grâce à de nombreuses triangulaires où le FN a perturbé le jeu entre UDF-RPR et PS, la gauche a gagné et Lionel Jospin est resté au pouvoir pendant cinq ans, jusqu'à la fin du septennat de Jacques Chirac.


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On conçoit, à ces évocations historiques, que les élections législatives de 2024 qui donnent aussi un enjeu de personnes à Matignon, répondent à la classique envie des Français de personnaliser le débat publique comme il a toujours aimé le faire avec les élections présidentielles depuis 1965. Ces élections législatives, qui sortent des clous de la présidentielle, sont donc, comme dans les quatre cas présentés en introduction, une mini-présidentielle en attendant la grande échéance de 2027... ou avant.

Les dernières élections qui sont consécutives à une dissolution, en 1997, si la France était majoritairement à droite, elles ont donné un gouvernement de la gauche plurielle pendant cinq ans dans une sorte de bipolarisation troublée par le FN. En 2024, la tripolarisation est réelle, même si elle n'est pas nouvelle puisqu'elle structure la vie politique française depuis 2017 dans le choc de trois (fortes) personnalités Emmanuel Macron, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon qui, en 2017 et en 2022, ont représenté autour d'un cinquième (voire un quart) de l'électorat.

Avec l'union obtenue à gauche, qui fait de cette coalition hétéroclite du NFP un étrange attelage assez hypocrite voire mensonger (à l'instar de Danièle Obono, aucun membre du NFP n'est capable de dire si le seuil fixé du SMIC dans ce programme est net ou brut, par exemple !), un simple cartel électoral, puisqu'ils ne sont d'accord sur rien, trois "blocs" s'opposent : le RN, le NFP et la majorité présidentielle, Ensemble pour la République. Au-delà des programmes dont ceux des deux extrémismes populistes (de droite et de gauche) sont tellement n'importe-quoi qu'ils ne sont pas crédibles dans leur forme (et les électeurs, apparemment, s'en fichent), le débat s'est aussi déplacé sur le plan personnel entre ces trois personnalités marquantes de la vie politique.


1. Jean-Luc Mélenchon, le candidat à Matignon du NFP/Nupes

C'est sans doute la coalition qui est la plus confuse sur le choix du Premier Ministre, preuve qu'elle n'a aucun but de gouverner un jour la France puisqu'ils n'ont ni programme cohérent ni chef. Jean-Luc Mélenchon a été le premier à annoncer son ambition de Matignon, mais on l'a vite fait taire. Comme Emmanuel Macron au centre, Marine Le Pen à l'extrême droite, l'évocation de Jean-Luc Mélenchon est un repoussoir et discrédite son camp.

Mais son (pseudo-)silence ne signifie pas qu'il a renoncé, car les purges qu'il a provoquées dans les investitures des candidats insoumis le prouvent (Raquel Garrido, Alexis Corbière, Danièle Simonnet, etc.), ainsi que les investitures attribuées sur le bout des lèvres en se bouchant son nez (Clémentine Autain, François Ruffin, etc.), et même celles qui, finalement, ont échoué parce que c'était (vraiment) "trop" mélenchonesque (Adrien Quatennens). Sans compter l'investiture de Philippe Poutou, du NPA, avec ses slogans anti-force de l'ordre, dans la circonscription même où le colonel Beltrame a donné la vie.

Ainsi, comme à la foire au slip, tout le monde, à la Nupes, était candidat à Matignon : Laurent Berger, Valérie Rabault, Carole Delga, François Ruffin, Clémentine Autain, Fabien Roussel, Olivier Faure, François Hollande (ou alors il veut le perchoir ?), et j'en oublie certainement (qu'ils me pardonnent !), mais finalement, cette multiplicité fait bien le jeu de Jean-Luc Mélenchon dont la candidature, quoi qu'on en dise, est évidente car il n'a, en interne, personne face à lui, et Gabriel Attal l'a bien observé le 20 juin 2024 : « Dissimulation sur le programme dont chacun conteste le chiffrage et dissimulation en maintenant un écran de fumée sur l'identité du locataire de Matignon en cas de victoire de la Nupes. Ils semblent ne pas s'entendre sur un nom, en tout cas, faire mine de ne pas s'entendre sur un nom, et pourtant, le résultat est couru d'avance : ils l'ont dit eux-mêmes, le plus grand groupe de la Nupes choisira le Premier Ministre. Le groupe qui a le plus de candidats et le plus sortants, c'est la France insoumise. C'est elle qui a d'ores et déjà imposé son programme aux autres partis de gauche,et donc, en cas de victoire de la Nupes, le Premier Ministre, ce serait nécessairement Jean-Luc Mélenchon. ».

Car c'est la différence avec 1936 et 1981, puisque ces références historiques sont utilisées par les protagonistes : en 1936, les radicaux dominaient le Front populaire et le PCF était très minoritaire au sein de l'alliance, et en 1981, la gauche a pu venir au pouvoir justement parce que le PS avait pris l'ascendant sur le PCF. En 2024, au contraire, les insoumis restent très majoritaires au sein de la Nupes.


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Du reste, Jean-Luc Mélenchon, qui avait fait sa campagne aux élections législatives de 2022 sur le thème "moi Premier Ministre", est « bien évidemment » prêt à Matignon. Le samedi 22 juin 2024 sur France 5, le gourou des insoumis l'a confirmé pour ceux qui auraient mal compris : « J'ai l'intention de gouverner le pays (…). Je ne suis pas en retrait (…). Je ne m'élimine pas ! », même si, selon lui, il ne voudrait pas « s'imposer » ! Au moins, ça a le mérite de la clarté.

La question lorsqu'on veut voter NFP est donc bien celle-ci, et seulement celle-ci : veut-on avoir Jean-Luc Mélenchon à Matignon ? Veut-on un "je-suis-la-République" au pouvoir avec une conception très castriste et bolivarienne de la démocratie (dont les purges aux investitures ont donné un avant-goût), avec le communautarisme élevé au rang de valeur suprême, en encourageant le stupide wokisme, en scandant le slogan scandaleux "la police tue", et, même, en flirtant plus ou moins habilement avec l'antisémitisme ? Les sociaux-démocrates, les électeurs trahis de Raphaël Glucksmann en 2024, et même ceux de Fabien Roussel en 2022, devraient réfléchir à deux fois avant de se ligoter l'esprit sur l'autel des valeurs républicaines.



2. Jordan Bardella, le candidat à Matignon du RN

Le cas de Jordan Bardella est très différent de Jean-Luc Mélenchon. Loin d'être un repoussoir, c'est une personnalité (étrangement) attractive. Il faut le reconnaître, il est populaire et ce jeune homme très lisse est loin d'être un repoussoir pour les électeurs susceptibles de voter pour le RN. Le diable ne se présente jamais dans un apparat affreux, sinon, ce serait trop facile. Marine Le Pen a commencé à "l'utiliser" (j'emploie ce verbe à dessein) en 2019 (il avait 23 ans) pour concurrencer sa jeune nièce Marion Maréchal (mais moins jeune que le "gendre Jordan" qu'il était dans la famille Le Pen, compagnon d'une autre nièce de Marine Le Pen).


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La question n'est pas encore là, mais si jamais Jordan Bardella accédait à Matignon, la question se poserait véritablement d'une rivalité de fait entre lui et Marine Le Pen, à l'instar du couple formé en 1993 par Édouard Balladur et Jacques Chirac. J'espère qu'on n'en sera pas là, mais connaissant les institutions de la Cinquième République, je me pose vraiment la question de l'intérêt de Marine Le Pen qui a tout à y perdre : soit l'expérience Bardella est un échec et alors, il rejaillira sur le RN et sur elle à l'élection présidentielle, soit au contraire, c'est un succès et la candidature de Jordan Bardella à l'élection présidentielle s'imposera naturellement au clan Le Pen.

On reste étonné par l'efficacité d'une campagne de communication qui laisse croire que cet individu à peine fini, à 28 ans, sans diplôme universitaire (il n'a pas fini ses études, a-t-il achevé au moins quelque chose ?), sans qu'il n'ait d'autres expériences que deux mandats très peu assidus de député européen et de conseiller régional d'Île-de-France, sans même avoir été élu à l'Assemblée Nationale, sans avoir géré un seul exécutif local, même la mairie d'un petit village, puisse se retrouver à la tête du gouvernement de la sixième puissance mondiale ! Tout dans son image lisse et dans ses propos creux montre une grande incompétence et un bluff formidable, comme s'il n'était qu'un acteur qui ne tiendrait que par les oreillettes et les prompteurs. Est-ce dans l'intérêt de la France, grand pays d'innovations technologiques et politiques ?

Dans son clip bien ficelé de la campagne officielle, on voit Jordan Bardella dans son fauteuil de président (du RN !), rien sur le bureau, et derrière le fauteuil, un seul drapeau, le drapeau tricolore de la France. Et cette petite question à ses électeurs potentiels : cela ne vous ferait-il rien si le drapeau européen était systématiquement supprimé de toutes les tribunes, de Matignon, des ministères, de l'hémicycle ? Eh bien moi, si, je le regretterais beaucoup, je le vivrais comme un retour en arrière profondément malsain alors que le monde bouge et s'accélère (on le voit avec la guerre en Ukraine voulue par Vladimir Poutine qui soutient le RN dans ces élections, ravi des sondages actuels).

De plus, sa campagne aujourd'hui se base sur des inversions accusatoires extraordinaires. Jordan Bardella se présente comme le meilleur redresseur de l'ordre, comme le meilleur combattant de l'antisémitisme, comme le meilleur meneur de l'union nationale : « Moi, je veux réconcilier les Français et être le Premier Ministre de tous les Français, dans aucune distinction. Une fois devenu chef de la majorité, je serai le Premier Ministre de tous, y compris de ceux qui n'auront pas voté pour moi. Mon objectif est de recréer du consensus dans le pays. ».


Du blabla d'autant plus déconnecté du réel que c'est un discours de Président (qui est celui de tous les Français) et pas de Premier Ministre qui est, comme il le dit paradoxalement d'ailleurs en même, de chef de majorité, donc, nécessairement très partisan. Mais ce gloubi-boulga sert à attirer les indécis et surtout, les ignorants des mécanismes institutionnels et politiques, en reprenant des phrases dites par d'autres dans le passé. Dans son débat face à Gabriel Attal, Jordan Bardella avait répété des phrases d'Emmanuel Macron dans son face-à-face avec Marine Le Pen, un vrai plagiat ! Bardella, paresseux et imitateur. Acteur.

De plus, au contraire de ce qu'ils prétendent, les dirigeants du RN ont été pris de court par la dissolution. La preuve, ils ont bâclé leurs candidatures en investissant certains candidats pas très politiquement corrects notamment à cause des appels à la haine ou l'antisémitisme (en particulier, dans leur passé sur les réseaux sociaux), au point de retirer leur investiture a posteriori, sans que cela n'ait d'ailleurs de conséquence puisqu'ils ne peuvent plus mettre d'autres candidats.

Dans une situation plutôt favorable de favori, Jordan Bardella se permet même d'enfoncer le clou en laissant planer le risque d'une crise institutionnelle s'il n'y a pas de majorité absolue. Il l'a confirmé au JDD le 22 juin 2024 : « Sans majorité absolue, je serais à la merci d'une motion de censure et je partirais naturellement au bout de quelques jours. J'accepterai d'être nommé à Matignon seulement si j'ai le pouvoir d'agir et la légitimité démocratique et institutionnelle. ». Pas d'inquiétude, même avec une majorité relative, ils ne prendront pas le risque de voir le pouvoir passer devant eux. En revanche, c'est un discours électoraliste qui veut mobiliser tout son électorat nationaliste, ceux qui pourraient être tentés par des candidats de Reconquête et même LR ciottistes, seront amenés à voter utile en faveur du RN. Un discours qui peut en effet être assez efficace.


3. Gabriel Attal, le candidat à Matignon d'Ensemble pour la République

Nommé il y a à peine six mois (le 9 janvier 2024), le Premier Ministre Gabriel Attal, après deux jours de sidération, a su prendre le leadership de la majorité présidentielle dans cette courte campagne des élections législatives. Son dynamisme et sa popularité sont deux grands atouts pour la majorité, j'aurais tendance à écrire, pour tenter d'éviter la débâcle. Ce n'est donc pas étonnant que, contrairement à la Nupes, il ait mis au cœur de la campagne le choix de la personnalité pour Matignon.


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L'avantage du sortant est qu'il a fait ses preuves : malgré son très jeune âge (35 ans maintenant), il a déjà derrière lui une carrière politique prestigieuse. Expérience et compétence : deux fois élu député, membre du gouvernement sans discontinuer depuis plus de cinq ans (depuis le 16 octobre 2018), porte-parole du gouvernement pendant la difficile crise du covid-19, Ministre du Budget (délégué aux Comptes publics), Ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse adulé et Premier Ministre.

À l'écoute des Français, Gabriel Attal a montré depuis longtemps qu'il l'était, sur le terrain comme dans les ministères. En présentant le programme de la majorité le 20 juin 2024, il a apporté une clarification sur ce que pouvaient espérer les Français sans mettre en danger tant la crédibilité financière de la France que sa politique économique qui a montré ses fruits avec la baisse continue du chômage depuis 2017 et la réindustralisation du territoire, politique qui fait désormais des jaloux en Allemagne.


Dans quelques jours...


La dédiabolisation (terme assez médiocre) qui signifie une certaine normalisation de l'extrême droite ainsi que le fatalisme qui accompagne la forte popularité de Jordan Bardella donnent tous les atouts du côté du RN. Le fatalisme, c'est aussi une certaine passivité sur les événements programmés par les sondages.

Je passe sur l'argument stupide "on-n'a-pas-essayé" qui ouvre sur le n'importe-quoi (on n'a pas essayé de se jeter du haut d'un précipice, on n'a pas essayé de lutter contre un crocodile, on n'a pas essayé de déclencher une guerre thermonucléaire, etc.), mais l'argument de la levée de l'hypothèque RN reste encore assez bon marché dans l'esprit d'un certain nombre d'électeurs, y compris d'opposants au RN.

En gros, il signifie ceci : laissons-les gouverner, et très rapidement, ils vont être impopulaires et on n'en reparlera plus. Je crains d'ailleurs que ce fût l'idée d'origine du Président Emmanuel Macron en dissolvant : montrons au peuple qu'ils sont incapables lorsqu'ils sont en situation et retournons le paradigme. Sauf qu'aujourd'hui, Giorgia Meloni, après un peu moins de deux ans au pouvoir, s'est hissée à la tête du paysage politique italien à ces élections européennes. Même Donald Trump, les Américains en redemandent après quatre années passées à la Maison-Blanche (2017-2021).

Et je ne doute pas que l'efficacité de l'effet Bardella depuis deux ans se poursuivra même une fois au pouvoir. Le RN sera suffisamment habile (et démagogique) pour prendre des mesures qui vont plaire ; c'est très facile de plaire quand on gouverne, c'est beaucoup moins facile d'être responsable et de penser à l'intérêt national. En revanche, au pouvoir dès dans deux semaines, cela permettrait de démontrer que le RN serait un parti démocratique comme les autres, capables de gouverner et cela le renforcerait dans la perspective de la prochaine élection présidentielle en levant non pas l'hypothèque du RN mais l'hypothèque de l'équivalence RN = fascisme.


C'est pour cela que la seule voie possible de s'opposer aux matraquages électoraux actuels du RN, ce n'est pas de laisser faire, ce n'est pas de parler de barrage plein de moraline qui n'a plus rien d'efficace, c'est d'abord d'aller sur le terrain des idées, de ses idées, de ses propositions (ou non-propositions), et de leurs conséquences sur l'avenir de la France, pour sa sécurité, sa prospérité, sa crédibilité internationale et sa cohésion sociale.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (22 juin 2024)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
Sidération institutionnelle.
Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.


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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240622-matignon.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-8-la-bataille-de-255349

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/22/article-sr-20240622-matignon.html






 

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18 juin 2024 2 18 /06 /juin /2024 19:46

« Moi, j'ai confiance dans le peuple ! C'est le geste le plus démocratique et républicain qu'il soit, celui que j'ai fait. C'est de dire à vous toutes et tous : il y a une colère qui s'exprime, moi, je l'entends. Et je vous dis, quel que soit le résultat, de toute façon, il y aura un jour d'après. (…) Moi, j'ai confiance dans le bon sens. Je pense qu'il y a une majorité silencieuse qui, comme vous, ne veut pas les extrêmes et qui, comme vous, ne veut pas que ce soit le désordre. » (Emmanuel Macron, le 18 juin 2024 après la commémoration de l'Appel du 18 Juin).





 

J'ai écrit que la dissolution de l'Assemblée Nationale et la campagne éclair des élections législatives faisaient ressortir les vieux dinosaures de la vie politique. C'est le cas de François Hollande (qui se présente dans une coalition de gouvernement avec le NPA et FI !), c'est aussi le cas de Lionel Jospin qui, tous les deux, aveuglés par la peur d'un gouvernement RN, sont prêts à s'allier avec ce qu'il y a de plus abject à l'extrême gauche (l'histoire le rappellera un jour très sévèrement). C'est le cas aussi de Manuel Valls qui, au nom de la même gauche que celle des deux précédents (Manuel Valls était le conseiller à Matignon de Lionel Jospin et le Premier Ministre de François Hollande), a condamné avec force la nouvelle farce populaire autant que l'extrême droite pour soutenir le camp présidentiel.

Mais c'est bien sûr aussi le cas à droite et au centre droite. Du trio des ténors de l'UMP puis de LR qui ont dominé la droite républicaine pendant deux décennies, seul Alain Juppé est soumis à son obligation de réserve en raison de son appartenance au Conseil Constitutionnel (qui statue sur la régularité des élections législatives), mais les deux autres ont réagi aux événements politiques accélérés de ces derniers jours, l'ancien Président de la République Nicolas Sarkozy le 15 juin 2024 dans une interview au "Journal du dimanche" (interrogé par Geoffroy Lejeune et Antonin André), et l'ancien Premier Ministre François Fillon, qui avait pourtant tourné la page de la politique, le 18 juin 2024 dans une tribune au journal "Le Figaro". Ces deux ténors majeurs de LR ne disent d'ailleurs pas tout à fait la même chose.


Pour les deux, comme pour Lionel Jospin et comme pour beaucoup de Français, il y a une incompréhension de cette dissolution. L'effet d'une douche froide. Mais après tout, De Gaulle avait fait la même chose deux fois en dix ans. Lire à la fin de l'article la justification présidentielle.
 


Nicolas Sarkozy ne comprend pas cet appel aux urnes quelques heures seulement après les élections européennes qui étaient déjà une écoute du peuple : « Donner la parole au peuple français pour justifier la dissolution est un argument curieux puisque c’est précisément ce que venaient de faire plus de 25 millions de Français dans les urnes ! On donne la parole aux Français quand ils ne se sont pas exprimés depuis plusieurs années, pas juste après une consultation électorale. ».

Et d'ajouter qu'il est peu probable que les Français ne disent pas la même chose en trois semaines d'intervalle : « Le risque est plus grand qu’ils confirment leur colère plutôt qu’ils ne l’infirment. ». Mais cela n'a pas beaucoup de sens de commenter la pertinence de la dissolution, car elle s'impose à tous.


D'où cette sentence contre la décision présidentielle : « Cette dissolution constitue un risque majeur. Pour le pays, déjà fracturé, parce que cela peut le replonger dans un chaos. Et pour le Président, à qui il restait trois ans de mandat, et dont j'aurais préféré qu'il les utilisât pour accomplir ce que les Français souhaitent. ». Ces propos sont un tantinet démagogiques, mais il faut remarquer l'emploi de l'imparfait du subjonctif, très rare dans la classe politique et chasse généralement gardée de Raymond Barre et de Jean-Marie Le Pen).

L'ancien Président de la République a notamment regretté de ne pas avoir assez influencé Emmanuel Macron sur les thèmes de la droite nationale : « C'est le plus important, je n'ai pas réussi à le convaincre que la matrice politique de la France s'incarnait dans ces trois mots : identité, sécurité, autorité. ». Ce à quoi Lionel Jospin a répondu : « Liberté, égalité fraternité » !

 


Sur l'éviction du président de LR Éric Ciotti, Nicolas Sarkozy ne partage pas son point de vue d'une alliance LR-RN parce qu'il considère que cela serait suicidaire pour LR dans la situation actuelle. Il s'est opposé à la fois sur le fond (pas d'alliance avec le RN) et sur la forme (il n'avait pas à prendre la décision arbitrairement tout seul) : « Je suis attaché à mes convictions. Je ne partage pas les siennes, mais pourquoi ne pourrait-il les défendre ? En revanche, il a eu le tort de trancher un débat avant qu'il ait pu prospérer. ». Du reste, des personnalités comme Gérard Larcher et Bruno Retailleau se sont senties trahies personnellement par Éric Ciotti alors qu'ils l'avaient eu au téléphone très peu de temps avant sa déclaration d'alliance.

Pour autant, Nicolas Sarkozy rejette toute diabolisation du RN car cela ferait son jeu. Il faut le combattre politiquement, pour les mesures qu'il défend, et pas moralement : « Le RN a fait un travail sur lui-même qui est indéniable. Combattre le Rassemblement national comme s'il n'avait pas changé, comme s'il y avait toujours le Jean-Marie Le Pen "du détail", serait une erreur grossière... ».


En revanche, l'ancien locataire de l'Élysée veut diaboliser la nouvelle farce populaire avec ses partis extrémistes : « LFI par son communautarisme, ses propos aux limites de l'antisémitisme, son engagement militant auprès du Hamas, est beaucoup plus problématique aux regards des règles républicaines que le risque fantasmé de peste brune. ». Ainsi, entre la peste RN et le choléra NFP, il a probablement déjà choisi même s'il ne le dit pas explicitement.

Quant à l'union des gauches, Nicolas Sarkozy l'a toujours envisagée et c'est probablement l'erreur politique d'Emmanuel Macron, elle s'est faite en juin 2022 malgré plusieurs candidats à l'élection présidentielle. Et il a rappelé : « Je n'ai jamais douté que la gauche referait son unité. Déjà en 2012, Jean-Luc Mélenchon s'était précipité dans les bras de François Hollande en dix minutes. Parce que quand le pouvoir est à portée de main, la gauche se rassemble. ».

Nicolas Sarkozy s'est fait également directeur des ressources humaines et a commenté l'ambition démesurée de Jordan Bardella : « [Il] a du talent (…). Il lui reste, et c'est une grande question, à combler un manque d'expérience puisqu'il n'a jamais été en situation de gérer quoi que ce soit, et qu'il a moins de 30 ans. ».

Lui qui avait tenté de convaincre Emmanuel Macron de faire un véritable contrat de gouvernement entre LR et la majorité présidentielle en 2022, il reste donc sur une position intenable : ni NFP, ni RN, ni Macron. Aujourd'hui, LR n'existe plus parce que ce parti a implosé par le ciottisme. Il lui faudra effectivement choisir entre ces trois "blocs" (terme que je n'aime pas du tout car cela fait comme si on bétonnait la vie politique, même s'il y a une belle référence historique avec le Bloc national de Clemenceau en novembre 1919).

 


Parlons maintenant de la tribune de François Fillon. La position de l'ancien candidat à l'élection présidentielle de 2017 est un peu différente même s'il rejette à la fois le RN et le NFP. Lui-même au soir du premier tour de l'élection présidentielle de 2017 avait été très clair : il avait appelé sans hésitation à soutenir Emmanuel Macron au second tour pour empêcher l'éventualité de l'élection de Marine Le Pen (beaucoup au sein de LR avaient été bien moins clairs à l'époque).

Toutefois, il faut aussi se souvenir qu'Éric Ciotti est un bon ami de François Fillon. Dans sa querelle fratricide contre Jean-François Copé au sein de l'UMP en 2012-2013, François Fillon avait pu compter sur le soutien indéfectible d'Éric Ciotti.

Comme pour l'ancien chef de l'État, l'ancien Premier Ministre a d'abord sérieusement attaqué l'alliance à gauche : « Le nouveau programme commun de la gauche fait apparaître celui de 1981 comme une bluette social-démocrate. Le comportement de LFI depuis son irruption à l'Assemblée est incompatible avec notre pacte républicain. ».

 


Mais il a aussi critiqué très vertement les idées du RN : « Je persiste à penser que l'extrême droit, malgré sa mue, n'est pas en mesure de redresser notre pays. Mais, pire encore, l'extrême gauche qui menace l'unité nationale doit être implacablement sanctionnée par les urnes. ». Le "pire encore" donne une idée de sa position s'il devait choisir entre les deux extrémismes.

Enfin, troisième pôle de refus politique, ne pas se soumettre à Emmanuel Macron : « Il faudra beaucoup d'efforts au chef de l'État pour éteindre le feu électoral qu'il a sciemment allumé. ». Toute l'opposition à Emmanuel Macron réside dans ce "sciemment".

Faut-il retourner aux sources de la Cinquième République ? Je rappelle donc qu'après la décision de dissoudre l'Assemblée prise par De Gaulle le 9 octobre 1962 (à la suite de l'adoption d'une motion de censure contre le gouvernement de Georges Pompidou), la plupart des députés gaullistes étaient sidérés et considéraient cette initiative de la dissolution comme un suicide collectif (on parle aussi de suicide politique pour le référendum du 27 avril 1969). Les ministres sortants se préparaient à la défaite électorale, retrouvaient un emploi à leurs conseillers et se disaient que c'était déjà pas mal d'avoir gouverné quatre ans en résistance au régime des partis.


La réponse d'Emmanuel Macron est très claire, puisque beaucoup de Français l'ont interrogé sur le sujet. Ainsi, le 18 juin 2024, sur l'île de Sein, il répondait à une dame très inquiète (et pas du tout impressionnée) : « Quelle a été la conviction du Général De Gaulle en 1940, puisque vous faites référence à cette mémoire ? Une confiance dans les Françaises et les Français, forte. Le chaos, il est lié à quoi ? À certains élus de la République qui, chaque semaine, au Parlement, font le désordre et donnent un spectacle qui n'est pas celui que vous voulez et que je ne veux non plus. Vous ne pouvez pas continuer comme ça. Il faut regarder les choses en face. Et qu'il y ait eu un coup de colère, vous savez, je suis le premier à qui ça a fait mal le 9 juin. Les résultats. Je l'ai pris vraiment pour moi, ça m'a fait mal. Et donc, en mon âme et conscience, c'est une des décisions les plus lourdes que j'ai eu à prendre, Madame. Si je pensais à moi, vous savez, je serais resté à mon bureau et j'aurais dit : on va continuer comme si de rien n'était. Mais on doit ouvrir les yeux. On ne peut pas laisser monter les extrêmes et la colère en disant : c'est comme si de rien n'était. Et donc, moi, j'ai confiance dans le peuple ! C'est le geste le plus démocratique et républicain qu'il soit, celui que j'ai fait. C'est de dire à vous toutes et tous : il y a une colère qui s'exprime, moi, je l'entends. Et je vous dis, quel que soit le résultat, de toute façon, il y aura un jour d'après. Sur les sujets de sécurité, de fin de mois, on devra aller beaucoup plus vite et plus fort parce qu'il y a une partie de cette colère qui est liée à cela. Mais je dois redemander un vote de confiance aux Françaises et aux Français. Mais moi j'ai confiance dans le bon sens. Je pense qu'il y a une majorité silencieuse qui, comme vous, ne veut pas les extrêmes et qui, comme vous, ne veut pas que ce soit le désordre. Donc, je ne l'ai pas fait pour moi, je ne l'ai pas fait sur un coup de sang, ce n'est pas un coup de dés, c'est un geste de confiance républicain. On ne peut pas craindre le peuple dans une démocratie. (…) Mais pourquoi vous voudriez qu'il y ait le chaos ? Il y a le chaos quand les choses se bloquent. On a connu tous ensemble les gilets jaunes, et on l'a connu pourquoi ? Parce que les gens n'adhéraient plus aux réformes, la vie était dure. Il y a quelque chose qui a émergé, d'ailleurs qu'on a eu du mal à anticiper, il a fallu le régler, ça a mis quelques mois. Mais pour les élections, ce n'est pas le chaos, c'est la démocratie. Et donc, elle suppose le respect. Encore une fois, moi, j'ai confiance en l'intelligence des Françaises et des Français. ».

Cet esprit de la pratique des institutions, c'est celui de De Gaulle en 1962, en 1968 et en 1969, c'est aussi celui de François Mitterrand en 1992 et c'est celui de Jacques Chirac en 2005. Aller aux urnes pour écouter le peuple, même quand le peuple est en colère, surtout quand le peuple est en colère. Au moins, on ne pourra pas le reprocher à Emmanuel Macron. Il ne reste plus qu'à mobiliser la "majorité silencieuse" ! Vaste affaire en si peu de temps.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (18 juin 2024)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Nicolas Sarkozy.
François Fillon.
Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
Sidération institutionnelle.
Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

 




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240618-fillon.html

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/19/article-sr-20240618-fillon.html





 

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15 juin 2024 6 15 /06 /juin /2024 19:46

« Moi, j'ai confiance dans le peuple ! C'est le geste le plus démocratique et républicain qu'il soit, celui que j'ai fait. C'est de dire à vous toutes et tous : il y a une colère qui s'exprime, moi, je l'entends. Et je vous dis, quel que soit le résultat, de toute façon, il y aura un jour d'après. (…) Moi, j'ai confiance dans le bon sens. Je pense qu'il y a une majorité silencieuse qui, comme vous, ne veut pas les extrêmes et qui, comme vous, ne veut pas que ce soit le désordre. » (Emmanuel Macron, le 18 juin 2024 après la commémoration de l'Appel du 18 Juin).





 

J'ai écrit que la dissolution de l'Assemblée Nationale et la campagne éclair des élections législatives faisaient ressortir les vieux dinosaures de la vie politique. C'est le cas de François Hollande (qui se présente dans une coalition de gouvernement avec le NPA et FI !), c'est aussi le cas de Lionel Jospin qui, tous les deux, aveuglés par la peur d'un gouvernement RN, sont prêts à s'allier avec ce qu'il y a de plus abject à l'extrême gauche (l'histoire le rappellera un jour très sévèrement). C'est le cas aussi de Manuel Valls qui, au nom de la même gauche que celle des deux précédents (Manuel Valls était le conseiller à Matignon de Lionel Jospin et le Premier Ministre de François Hollande), a condamné avec force la nouvelle farce populaire autant que l'extrême droite pour soutenir le camp présidentiel.

Mais c'est bien sûr aussi le cas à droite et au centre droite. Du trio des ténors de l'UMP puis de LR qui ont dominé la droite républicaine pendant deux décennies, seul Alain Juppé est soumis à son obligation de réserve en raison de son appartenance au Conseil Constitutionnel (qui statue sur la régularité des élections législatives), mais les deux autres ont réagi aux événements politiques accélérés de ces derniers jours, l'ancien Président de la République Nicolas Sarkozy le 15 juin 2024 dans une interview au "Journal du dimanche" (interrogé par Geoffroy Lejeune et Antonin André), et l'ancien Premier Ministre François Fillon, qui avait pourtant tourné la page de la politique, le 18 juin 2024 dans une tribune au journal "Le Figaro". Ces deux ténors majeurs de LR ne disent d'ailleurs pas tout à fait la même chose.


Pour les deux, comme pour Lionel Jospin et comme pour beaucoup de Français, il y a une incompréhension de cette dissolution. L'effet d'une douche froide. Mais après tout, De Gaulle avait fait la même chose deux fois en dix ans. Lire à la fin de l'article la justification présidentielle.
 


Nicolas Sarkozy ne comprend pas cet appel aux urnes quelques heures seulement après les élections européennes qui étaient déjà une écoute du peuple : « Donner la parole au peuple français pour justifier la dissolution est un argument curieux puisque c’est précisément ce que venaient de faire plus de 25 millions de Français dans les urnes ! On donne la parole aux Français quand ils ne se sont pas exprimés depuis plusieurs années, pas juste après une consultation électorale. ».

Et d'ajouter qu'il est peu probable que les Français ne disent pas la même chose en trois semaines d'intervalle : « Le risque est plus grand qu’ils confirment leur colère plutôt qu’ils ne l’infirment. ». Mais cela n'a pas beaucoup de sens de commenter la pertinence de la dissolution, car elle s'impose à tous.


D'où cette sentence contre la décision présidentielle : « Cette dissolution constitue un risque majeur. Pour le pays, déjà fracturé, parce que cela peut le replonger dans un chaos. Et pour le Président, à qui il restait trois ans de mandat, et dont j'aurais préféré qu'il les utilisât pour accomplir ce que les Français souhaitent. ». Ces propos sont un tantinet démagogiques, mais il faut remarquer l'emploi de l'imparfait du subjonctif, très rare dans la classe politique et chasse généralement gardée de Raymond Barre et de Jean-Marie Le Pen).

L'ancien Président de la République a notamment regretté de ne pas avoir assez influencé Emmanuel Macron sur les thèmes de la droite nationale : « C'est le plus important, je n'ai pas réussi à le convaincre que la matrice politique de la France s'incarnait dans ces trois mots : identité, sécurité, autorité. ». Ce à quoi Lionel Jospin a répondu : « Liberté, égalité fraternité » !

 


Sur l'éviction du président de LR Éric Ciotti, Nicolas Sarkozy ne partage pas son point de vue d'une alliance LR-RN parce qu'il considère que cela serait suicidaire pour LR dans la situation actuelle. Il s'est opposé à la fois sur le fond (pas d'alliance avec le RN) et sur la forme (il n'avait pas à prendre la décision arbitrairement tout seul) : « Je suis attaché à mes convictions. Je ne partage pas les siennes, mais pourquoi ne pourrait-il les défendre ? En revanche, il a eu le tort de trancher un débat avant qu'il ait pu prospérer. ». Du reste, des personnalités comme Gérard Larcher et Bruno Retailleau se sont senties trahies personnellement par Éric Ciotti alors qu'ils l'avaient eu au téléphone très peu de temps avant sa déclaration d'alliance.

Pour autant, Nicolas Sarkozy rejette toute diabolisation du RN car cela ferait son jeu. Il faut le combattre politiquement, pour les mesures qu'il défend, et pas moralement : « Le RN a fait un travail sur lui-même qui est indéniable. Combattre le Rassemblement national comme s'il n'avait pas changé, comme s'il y avait toujours le Jean-Marie Le Pen "du détail", serait une erreur grossière... ».


En revanche, l'ancien locataire de l'Élysée veut diaboliser la nouvelle farce populaire avec ses partis extrémistes : « LFI par son communautarisme, ses propos aux limites de l'antisémitisme, son engagement militant auprès du Hamas, est beaucoup plus problématique aux regards des règles républicaines que le risque fantasmé de peste brune. ». Ainsi, entre la peste RN et le choléra NFP, il a probablement déjà choisi même s'il ne le dit pas explicitement.

Quant à l'union des gauches, Nicolas Sarkozy l'a toujours envisagée et c'est probablement l'erreur politique d'Emmanuel Macron, elle s'est faite en juin 2022 malgré plusieurs candidats à l'élection présidentielle. Et il a rappelé : « Je n'ai jamais douté que la gauche referait son unité. Déjà en 2012, Jean-Luc Mélenchon s'était précipité dans les bras de François Hollande en dix minutes. Parce que quand le pouvoir est à portée de main, la gauche se rassemble. ».

Nicolas Sarkozy s'est fait également directeur des ressources humaines et a commenté l'ambition démesurée de Jordan Bardella : « [Il] a du talent (…). Il lui reste, et c'est une grande question, à combler un manque d'expérience puisqu'il n'a jamais été en situation de gérer quoi que ce soit, et qu'il a moins de 30 ans. ».

Lui qui avait tenté de convaincre Emmanuel Macron de faire un véritable contrat de gouvernement entre LR et la majorité présidentielle en 2022, il reste donc sur une position intenable : ni NFP, ni RN, ni Macron. Aujourd'hui, LR n'existe plus parce que ce parti a implosé par le ciottisme. Il lui faudra effectivement choisir entre ces trois "blocs" (terme que je n'aime pas du tout car cela fait comme si on bétonnait la vie politique, même s'il y a une belle référence historique avec le Bloc national de Clemenceau en novembre 1919).


Parlons maintenant de la tribune de François Fillon. La position de l'ancien candidat à l'élection présidentielle de 2017 est un peu différente même s'il rejette à la fois le RN et le NFP. Lui-même au soir du premier tour de l'élection présidentielle de 2017 avait été très clair : il avait appelé sans hésitation à soutenir Emmanuel Macron au second tour pour empêcher l'éventualité de l'élection de Marine Le Pen (beaucoup au sein de LR avaient été bien moins clairs à l'époque).

Toutefois, il faut aussi se souvenir qu'Éric Ciotti est un bon ami de François Fillon. Dans sa querelle fratricide contre Jean-François Copé au sein de l'UMP en 2012-2013, François Fillon avait pu compter sur le soutien indéfectible d'Éric Ciotti.

Comme pour l'ancien chef de l'État, l'ancien Premier Ministre a d'abord sérieusement attaqué l'alliance à gauche : « Le nouveau programme commun de la gauche fait apparaître celui de 1981 comme une bluette social-démocrate. Le comportement de LFI depuis son irruption à l'Assemblée est incompatible avec notre pacte républicain. ».

 


Mais il a aussi critiqué très vertement les idées du RN : « Je persiste à penser que l'extrême droit, malgré sa mue, n'est pas en mesure de redresser notre pays. Mais, pire encore, l'extrême gauche qui menace l'unité nationale doit être implacablement sanctionnée par les urnes. ». Le "pire encore" donne une idée de sa position s'il devait choisir entre les deux extrémismes.

Enfin, troisième pôle de refus politique, ne pas se soumettre à Emmanuel Macron : « Il faudra beaucoup d'efforts au chef de l'État pour éteindre le feu électoral qu'il a sciemment allumé. ». Toute l'opposition à Emmanuel Macron réside dans ce "sciemment".

Faut-il retourner aux sources de la Cinquième République ? Je rappelle donc qu'après la décision de dissoudre l'Assemblée prise par De Gaulle le 9 octobre 1962 (à la suite de l'adoption d'une motion de censure contre le gouvernement de Georges Pompidou), la plupart des députés gaullistes étaient sidérés et considéraient cette initiative de la dissolution comme un suicide collectif (on parle aussi de suicide politique pour le référendum du 27 avril 1969). Les ministres sortants se préparaient à la défaite électorale, retrouvaient un emploi à leurs conseillers et se disaient que c'était déjà pas mal d'avoir gouverné quatre ans en résistance au régime des partis.
 


La réponse d'Emmanuel Macron est très claire, puisque beaucoup de Français l'ont interrogé sur le sujet. Ainsi, le 18 juin 2024, sur l'île de Sein, il répondait à une dame très inquiète (et pas du tout impressionnée) : « Quelle a été la conviction du Général De Gaulle en 1940, puisque vous faites référence à cette mémoire ? Une confiance dans les Françaises et les Français, forte. Le chaos, il est lié à quoi ? À certains élus de la République qui, chaque semaine, au Parlement, font le désordre et donnent un spectacle qui n'est pas celui que vous voulez et que je ne veux non plus. Vous ne pouvez pas continuer comme ça. Il faut regarder les choses en face. Et qu'il y ait eu un coup de colère, vous savez, je suis le premier à qui ça a fait mal le 9 juin. Les résultats. Je l'ai pris vraiment pour moi, ça m'a fait mal. Et donc, en mon âme et conscience, c'est une des décisions les plus lourdes que j'ai eu à prendre, Madame. Si je pensais à moi, vous savez, je serais resté à mon bureau et j'aurais dit : on va continuer comme si de rien n'était. Mais on doit ouvrir les yeux. On ne peut pas laisser monter les extrêmes et la colère en disant : c'est comme si de rien n'était. Et donc, moi, j'ai confiance dans le peuple ! C'est le geste le plus démocratique et républicain qu'il soit, celui que j'ai fait. C'est de dire à vous toutes et tous : il y a une colère qui s'exprime, moi, je l'entends. Et je vous dis, quel que soit le résultat, de toute façon, il y aura un jour d'après. Sur les sujets de sécurité, de fin de mois, on devra aller beaucoup plus vite et plus fort parce qu'il y a une partie de cette colère qui est liée à cela. Mais je dois redemander un vote de confiance aux Françaises et aux Français. Mais moi j'ai confiance dans le bon sens. Je pense qu'il y a une majorité silencieuse qui, comme vous, ne veut pas les extrêmes et qui, comme vous, ne veut pas que ce soit le désordre. Donc, je ne l'ai pas fait pour moi, je ne l'ai pas fait sur un coup de sang, ce n'est pas un coup de dés, c'est un geste de confiance républicain. On ne peut pas craindre le peuple dans une démocratie. (…) Mais pourquoi vous voudriez qu'il y ait le chaos ? Il y a le chaos quand les choses se bloquent. On a connu tous ensemble les gilets jaunes, et on l'a connu pourquoi ? Parce que les gens n'adhéraient plus aux réformes, la vie était dure. Il y a quelque chose qui a émergé, d'ailleurs qu'on a eu du mal à anticiper, il a fallu le régler, ça a mis quelques mois. Mais pour les élections, ce n'est pas le chaos, c'est la démocratie. Et donc, elle suppose le respect. Encore une fois, moi, j'ai confiance en l'intelligence des Françaises et des Français. ».

Cet esprit de la pratique des institutions, c'est celui de De Gaulle en 1962, en 1968 et en 1969, c'est aussi celui de François Mitterrand en 1992 et c'est celui de Jacques Chirac en 2005. Aller aux urnes pour écouter le peuple, même quand le peuple est en colère, surtout quand le peuple est en colère. Au moins, on ne pourra pas le reprocher à Emmanuel Macron. Il ne reste plus qu'à mobiliser la "majorité silencieuse" ! Vaste affaire en si peu de temps.


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Sylvain Rakotoarison (18 juin 2024)
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Pour aller plus loin :
Nicolas Sarkozy.
François Fillon.
Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
Sidération institutionnelle.
Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

 




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10 juin 2024 1 10 /06 /juin /2024 03:14

« - Le Président de la République peut, après consultation du Premier Ministre et des Présidents des assemblées, prononcer la dissolution de l'Assemblée Nationale.
- Les élections générales ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution.
- L'Assemblée Nationale se réunit de plein droit le deuxième jeudi qui suit son élection. Si cette réunion a lieu en dehors de la période prévue pour la session ordinaire, une session est ouverte de droit pour une durée de quinze jours.
- Il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l'année qui suit ces élections. »
(Article 12 de la Constitution).





 


On ne va pas le cacher, je reste surpris et atterré par la dissolution annoncée par le Président Emmanuel Macron au soir des élections européennes de ce dimanche 9 juin 2024. J'étais dans mon bureau de vote en fin de dépouillement quand je l'ai appris et je l'ai moi-même appris aux autres assesseurs et scrutateurs consternés.

Par l'observation continue des scrutins de la Cinquième République, je pressentais bien qu'il y aurait, comme dans tous les scrutins, une surprise. La surprise de ces européennes, c'est qu'en gros, les résultats sont cohérents avec ce que donnaient les derniers sondages, je les commenterai donc, mais plus tard, dans un autre article. La surprise et la sidération ne viennent pas de ces résultats finalement attendus, mais de la réaction très rapide, trop rapide ?, du Président, au cours d'une courte allocution télévisée à 21 heures, celle de dissoudre l'Assemblée Nationale et d'organiser de nouvelles élections législatives dès le 30 juin 2024 pour le premier tour et le 7 juillet 2024 pour le second tour.

Après avoir constaté la défaite de son camp et la victoire des populistes, Emmanuel Macron a déclaré en effet : « Pour moi, qui ai toujours considéré qu'une Europe unie, forte, indépendante est bonne pour la France, c'est une situation à laquelle je ne peux me résoudre. La montée des nationalistes, des démagogues, est un danger pour notre nation, mais aussi pour notre Europe, pour la place de la France en Europe et dans le monde. (…) Oui, l'extrême droite est à la fois l'appauvrissement des Français et le déclassement de notre pays. Je ne saurais donc, à l'issue de cette journée, faire comme si de rien n'était. À cette situation s'ajoute une fièvre qui s'est emparée ces dernières années du débat public et parlementaire dans notre pays, un désordre qui, je le sais, vous inquiète, parfois vous choque, et auquel je n'entends rien céder. Or, aujourd'hui, les défis qui se présentent à nous, qu'il s'agisse des dangers extérieurs, du dérèglement climatique et de ses conséquences, ou des menaces à notre propre cohésion, ces défis exigent la clarté dans nos débats, l'ambition pour le pays et le respect pour chaque Français. C'est pourquoi, après avoir procédé aux consultations prévues à l'article 12 de notre Constitution, j'ai décidé de vous redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote. Je dissous donc ce soir l'Assemblée nationale. Je signerai dans quelques instants le décret de convocation des élections législatives qui se tiendront le 30 juin pour le premier tour et le 7 juillet pour le second. Cette décision est grave, lourde, mais c'est avant tout, un acte de confiance. ».


Comme je l'ai rappelé en début d'article, si l'agenda est serré (j'écrirais même dément pour les communes qui organiseront les deux scrutins !), il reste constitutionnel. L'article 12 de la Constitution dit entre vingt et quarante jours de la dissolution, et là, le Président a proposé vingt et un jours. Un record ! Évacuons quelques remarques préliminaires : comme dans le cas d'un référendum, le principe de retourner aux urnes est, en lui-même, un gage de démocratie, évidemment. Donner la parole au peuple est toujours un gaine de démocratie. Mais il est des décisions qui peuvent être désastreuses. Jouer avec le feu peut brûler.

Car la première image qui vient à l'esprit, c'est le Président qui offre sur un plateau d'argent le pouvoir au RN, pour deux à trois ans au moins. Comment a-t-il pu penser qu'en trois semaines, les Français changeraient radicalement de tendance électorale ? Au contraire, on a bien vu en 1981, 1988, 2002, 2007, 2012, 2017 et 2022 que les Français ont confirmé la tendance présidentielle aux législatives qui ont suivi, parfois en l'amplifiant, parfois en la freinant mais jamais en la désavouant. Or, on peut imaginer raisonnablement que la tendance ici, favorable au RN, serait amplifiée avec ces élections législatives anticipées. Il faut comprendre que le RN a infusé dans toutes les catégories de la population, âge, catégorie socioprofessionnelle, niveau d'études, etc. Et que son audience électorale remarquable provient d'un mouvement de fond, très profond, pas seulement des gilets jeunes, mais depuis quarante ans (septembre 1983 à Dreux) et, en outre, c'est un mouvement international qui touche pratiquement toute l'Europe (les élections britanniques du 4 juillet 2024 seront instructives) et même les États-Unis, l'Amérique du Sud, etc. (d'où la responsabilité d'Emmanuel Macron pas vraiment évidente).

Et le calendrier ! Quelle sottise ! Juste en fin d'année scolaire, quand les gens se préparent à leurs vacances (méritées). Juste avant les Jeux olympiques et paralympiques (bonjour la sécurité ! Sans compter que faire campagne dans un Paris à circulation impossible, cela pose quelques questions). Les week-ends de début d'été sont souvent très occupés pour les loisirs, seuls moments de détente après un printemps cette année particulièrement pluvieux. Manifestement, mais on le savait déjà, l'Élysée ne sent pas le pays.


Dès lors que la dissolution est considérée comme un coup politique, la colère n'en prendra que plus d'ampleur. Ceux qui ont contribué à cette décision auront, face à l'histoire, une bien grave responsabilité. Car imaginer que tout le monde, hors de l'extrême droite, va rejoindre la Macronie au nom d'un combat sur les valeurs morales, c'est perdu d'avance et on le savait depuis 2017. On ne combat pas l'extrême droite, d'autant plus que son emballage a l'air plaisant, avec des incantations moralisatrices dont les électeurs n'ont rien à faire. D'ailleurs, Éric Ciotti, le président de LR, a rapidement confirmé qu'il n'était pas question de faire alliance avec la majorité présidentielle. Quant au PS, il ne lorgne que vers les insoumis sur lesquels ils ont repris l'ascendant électoral (et montre au passage le visage qu'il a toujours eu depuis 2018). Eh puis, que penser d'un Président qui répond "chiche !" aux revendications de dissolution réclamées à grands cris par l'extrême droite ? Comment peut-on tomber dans un tel piège tout seul ? Suicide collective à la mode kamikaze ? C'est comme si on sautait dans le vide de peur d'y être poussé.

Cette dissolution du 9 juin 2024 a pour conséquence d'oublier encore un peu plus l'Europe, et le Parlement Européen, ce qui est franchement triste et décevant, surtout pour un Président si proche des partisans de la construction européenne. Elle a néanmoins quelques avantages non négligeables mais de court terme : interrompre l'examen du projet de loi sur l'euthanasie ; ne pas instaurer de proportionnelle aux législatives ; casser la concomitance présidentielle suivie des législatives depuis 2002 ; en finir avec cette Assemblée Nationale où régnait le désordre permanent (par le choc de deux extrêmes).

Quelles ont été les motivations réelles d'Emmanuel Macron ? Probablement que les historiens se pencheront dans quelques décennies sur cette question en séchant. S'il souhaitait lever l'hypothèque RN, il risquerait d'en avoir pour ses frais. Après tout, le Zentrum a bien cherché à lever l'hypothèque de la NSADP en 1933. Rappelons aussi qu'un parti à 30%, comme c'est le cas aujourd'hui avec le RN, c'est la capacité d'obtenir plus de 50% des députés... sauf véritable sursaut électoral.

Donner le pouvoir au RN pendant deux ou trois ans, sous contrôle présidentiel par une nouvelle cohabitation et éviter de perdre l'élection présidentielle. Maligne, Marie Le Pen s'est bien gardée de vouloir Matignon. Elle préfère laisser la responsabilité à Jordan Bardella dit Coquille vide, dont l'éventualité de l'échec n'impacterait pas sur l'avenir supposé présidentiel de Marine Le Pen. Mais qui dit qu'un gouvernement RN serait forcément impopulaire ? Le RN, astucieux, pourrait avoir tout le loisir, au contraire, de se rendre populaire en supprimant la limitation à 80 kilomètres par heure, le contrôle technique pour les motards, la fin des véhicules thermiques, et quelques autres mesures démagogiques et irresponsables qui soulageraient les Français inquiets par leurs libertés rognées de toute part.


Il ne faut pas non plus oublier que, comme en 1997, la dissolution oblige le Président de la République qui ne pourra pas dissoudre avant un an. Une configuration de cohabitation donnerait donc nécessairement un grand ascendant au RN s'il gagnait les législatives anticipées car ses députés seraient "indissolvables" pendant un an !

Cette dissolution du 9 juin 2024, qui restera dans les annales de la République, cela ne fait aucun doute, est la sixième depuis le début de la Cinquième République. Il est facile de se retourner en arrière pour imaginer l'avenir. Dans l'analyse, il faut éliminer les deux dissolutions prises juste après l'élection puis la réélection de François Mitterrand qui n'ont été que des confirmations sans surprise.

Sans doute que la première comparaison qui arrive à l'esprit est celle avec la dissolution du 21 avril 1997 faite par Jacques Chirac. Et le parallélisme est terrible. Des élections législatives devaient avoir lieu en mars 1998. Jacques Chirac bénéficiait d'une très large majorité depuis le début de son septennat, la plus large de tous les temps. Au début du printemps 1997, le principal parti d'opposition, le PS, avait désigné tous ses candidats aux législatives de l'année suivante, tandis que le RPR n'avait pas fait ce travail de fond. À la dissolution, le PS était prêt à se battre, le RPR était pris à l'improviste. En 2024, le RN est déjà prêt avec tous ses candidats dans les circonscriptions. La rapidité des élections fait que les négociations pour d'éventuelles alliances n'auront pas le temps d'aboutir. Et la majorité est-elle prête à concourir ? Pas sûr. On peut faire la comparaison jusqu'au conseiller hors sol qui a recommandé cette très incertaine décision (Dominique de Villepin en 1997).

On peut aussi imaginer qu'Emmanuel Macron pensait à la dissolution du 30 mai 1968 : le retournement de tendance a été spectaculaire aux législatives des 23 et 30 juin 1968. Mais retournement de quoi ? D'une "opinion publique" voyant d'un œil vaguement sympathique la révolte étudiante. Mais il n'y avait pas eu d'élections organisées le mois précédent.

 


Peut-être qu'Emmanuel Macron pensait plutôt à la première dissolution, celle 9 octobre 1962. Il faut rappeler le contexte : l'Assemblée élue les 23 et 30 novembre 1958 n'avait pas de majorité absolue pour les gaullistes et alliés, la majorité était relative. Quand De Gaulle a proposé le 20 septembre 1962 le référendum pour élire le Président de la République au suffrage universel direct, il s'est heurté à un front uni des partis politiques (autres que l'UNR) contre ce projet (tant sur le fond, l'élection directe du Président, que sur la forme, le référendum par l'article 11 au lieu d'une révision par l'article 89 de la Constitution). Dans la crise politique, une motion de censure a été alors adoptée le 4 octobre 1962, la seule motion de censure jusqu'à maintenant adoptée (depuis 1958), si bien que le 9 octobre 1962, De Gaulle a dissous l'Assemblée et organisé des élections législatives les 18 et 25 novembre 1962, peu après le référendum fixé au 28 octobre 1962 (on note d'ailleurs que la limite de quarante jours a été respectée exactement).

La quasi-unanimité de la classe politique contre les gaullistes ne laissaient guère de doute sur l'issue des scrutins. La lecture des notes d'Alain Peyrefitte permet de se faire une idée intéressante du climat psychologique. La plupart des ministres et députés gaullistes se considéraient en sursis, le régime des partis et les forces de la Quatrième République allaient gagner la partie contre eux et ils n'auraient qu'à rentrer chez eux après une expérience de quatre ans. La victoire du référendum (62,3% de oui avec 77,0% de participation) a engendré une grande victoire électorale aux législatives le mois suivant, apportant une large majorité absolue à l'UDR (ex-UNR) et ses alliés de 354 sièges sur 487 (avec 47,8% des voix au premier tour).

Mais tout le monde n'est pas De Gaulle. La dissolution du 9 juin 2024 relève surtout d'une sorte de coup de poker peu admissible car il met la France en danger. Y aura-t-il un sursaut des Français face aux énormes enjeux nationaux et internationaux du moment ? Je le souhaite. Cette initiative présidentielle ne pourra pas être jugée à sa propre valeur avant le 7 juillet 2024, mais ce qui est sûr, c'est que c'est casse-cou et cela heurte de nombreux Français... parmi les plus proches du Président. Le ça-passe-ou-ça-casse très gaullien ne fait plus partie des mœurs d'une république plus participative.



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (09 juin 2024)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Sidération institutionnelle.
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 9 juin 2024 vers 20 heures 30 (texte intégral et vidéo).
Emmanuel Macron, haut et fort dans l'intérêt de la France et des Français.
Interview du Président Emmanuel Macron le 6 juin 2024 sur TF1 et France 2 (vidéo intégrale).
Discours du Président Emmanuel Macron le 6 juin 2024 en Normandie.
Les 80 ans du Débarquement en Normandie.
Le souverainisme européen selon Emmanuel Macron : puissance, prospérité et humanisme.
Discours du Président Emmanuel Macron sur l'Europe le 25 avril 2024 à la Sorbonne à Paris (texte intégral et vidéo).
Emmanuel Macron et son plan de relance de l’Europe (le26 septembre 2017 à la Sorbonne).
Texte intégral du discours d’Emmanuel Macron le 26 septembre 2017 à la Sorbonne.
Emmanuel Macron très gaullien à la télévision pour expliquer la gravité de la situation en Ukraine.
Ukraine : Emmanuel Macron est-il un va-t-en-guerre ?
Soutien à l'Ukraine : la conférence de l'Élysée pour une défense européenne.
Amitié franco-ukrainienne : fake news et accord de coopération.
Pour que la France reste la France !
Conférence de presse du Président Emmanuel Macron le 16 janvier 2024 à 20 heures 15 à l'Élysée (texte intégral et vidéo).
Gabriel Macron.
Tribune du Président Emmanuel Macron dans "Le Monde" du 29 décembre 2023.

Le gouvernement de Gabriel Attal sarkozysé.
Liste complète des membres du premier gouvernement de Gabriel Attal.
Cérémonie de passation des pouvoirs à Matignon le 9 janvier 2024 (texte intégral et vidéo).
Gabriel Attal plongé dans l'enfer de Matignon.
Élisabeth Borne remerciée !
Macron 2024 : bientôt le grand remplacement ...à Matignon ?
Vœux 2024 d'Emmanuel Macron : mes chers compatriotes, l’action n’est pas une option !




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240609-dissolution.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/sideration-institutionnelle-la-vie-255132

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/09/article-sr-20240609-dissolution.html



 

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