Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
11 juillet 2016 1 11 /07 /juillet /2016 06:12

« Conservez votre rage et votre enthousiasme pour la campagne et pour l’élection qui va suivre, jusqu’au jour du scrutin. » (11 novembre 1975).


_yartiWhitlamB01

Ce dimanche 10 juillet 2016, Malcolm Turnbull (61 ans) a vu sa victoire confirmée aux élections fédérales anticipées du 2 juillet 2016 (à la suite de la double dissolution du 8 mai 2016) malgré une baisse de son électorat : 74 sièges de député (-16) sur 150 avec 50,1% des voix face aux 66 sièges pour les travaillistes, et au moins 28 sièges de sénateur sur 76 (dont 12 sièges encore sans résultat) face aux 25 sièges pour les travaillistes. Malcolm Turnbull, ancien patron de Goldman Sachs Australia, est le Premier Ministre de l'Australie depuis le 15 septembre 2015. Désavoué par les parlementaires de son parti, le Parti libéral, son prédécesseur, Tony Abbott (58 ans), avait dû tout laisser, directions du parti et du gouvernement, à son Ministre de la Communication le 14 septembre 2015. Mais mon article évoque la vie politique australienne d'il y a quarante ans...

L’ancien Premier Ministre australien Gough Whitlam est né il y a exactement 100 ans, ce lundi 11 juillet 2016. L’occasion de revenir sur sa carrière politique que j’avais commencé à évoquer lors de sa disparition à l’âge de 98 ans le 21 octobre 2014. L’objet de cet article est de se pencher plus particulièrement sur la crise constitutionnelle d’automne 1975.

En effet, le 11 novembre 1975, le gouverneur général John Kerr, c’est-à-dire l’équivalent du chef de l’État, représentant de la reine Élisabeth II en Australie, a destitué le Premier Ministre travailliste Gough Whitlam et a nommé le chef de l’opposition, le libéral Malcolm Fraser à la tête du gouvernement. Ce fut une décision institutionnelle exceptionnelle dans l’histoire de l’Australie. D’autant plus que John Kerr, travailliste, gouverneur général d’Australie du 11 juillet 1974 au 8 décembre 1977, avait été choisi par Gough Whitlam lui-même qui ne lui a jamais pardonné l’affront.

Bien plus tard, dans leur retraite, les deux adversaires politiques, Gough Whitlam et Malcolm Fraser, se sont réconciliés et appréciés. Malcolm Fraser a survécu de quelques mois à Gough Whitlam, en s’éteignant à 84 ans le 20 mars 2015.

_yartiWhitlamB02

Comment en est-on venu à cette crise constitutionnelle sans précédent ?

Premier Ministre depuis 5 décembre 1972, après sa victoire historique aux élections législatives du 2 décembre 1972 (avec 52,7% des voix et 67 sièges sur 125), Gough Whitlam fut reconduit à la tête du gouvernement à l’issue des élections législatives du 18 avril 1974 qui renouvelèrent tant la Chambre des représentants que le Sénat après une double dissolution voulue par Gough Whitlam.

Son parti, le parti travailliste, remporta 66 sièges de député sur 125 avec 51,7% des voix mais n’avait obtenu que 29 sièges de sénateur sur 60, avec 47,3% des voix, tandis que l’opposition, alliance du parti libéral et du country party (parti national) ont totalisé également 29 sièges de sénateur sur 60. Deux sénateurs, un indépendant et un du mouvement libéral, pouvaient ainsi faire la pluie et le beau temps au Sénat en quête de majorité pour les textes. Concrètement, le parti libéral avait la capacité de bloquer le processus législatif.

Le Sénat fut une chambre d’opposition ou d’obstruction au gouvernement travailliste, beaucoup de textes furent ainsi bloqués pendant deux ans. Lors de son renouvellement complet le 18 avril 1974, les forces était à égalité. Gough Whitlam a pu alors réunir les deux chambres (où il avait la majorité grâce aux députés) pour faire adopter deux textes importants, la couverture santé universelle et une représentation sénatoriale supplémentaire pour les prochaines élections sénatoriales (4 sièges de sénateur supplémentaires).

Le climat était particulièrement délétère, l’Australie sombrant dans une crise économique consécutive au premier choc pétrolier, avec une inflation à deux chiffres, encouragée par la hausse des salaires voulue par les travaillistes, et un chômage en forte hausse en raison d’une augmentation des importations (directement suscitée par la baisse des taxes douanières).

Gough Whitlam, qui était particulièrement "nul" en économie, a proposé un budget pour 1975 avec une augmentation des dépenses publiques alors que la crise réduisait les recettes fiscales. Il refusa une hausse massive des impôts ou des taxes et chercha plutôt à emprunter à l’étranger. L’emprunt ne fut finalement pas conclu mais donna une image déplorable de la gestion gouvernementale et des soupçons de malversations.

Toujours à l’affût du nombre de sénateurs, un renouvellement partiel remettait en cause cinq sénateurs de Nouvelle-Galles du Sud dont trois travaillistes sortants qui pouvaient raisonnablement tabler sur leur réélection au scrutin proportionnel.

Le 10 février 1975, Gough Whitlam nomma son Ministre de la Justice, Lionel Murphy, qui était sénateur, à la Haute Cour, et le titulaire de son siège devait donc être remplacé au Sénat. Or, il aurait été difficile aux travaillistes de conserver quatre sièges sur six lors du demi-renouvellement. Mais le remplacement devait en fait se faire par l’assemblée de l’État concerné (l’Australie est un pays fédéral) en conservant en principe le même parti que la personne à remplacer. Ce ne fut pas le cas, car le remplaçant fut un indépendant qui, cependant, s’opposait à l’obstruction des libéraux.

Le 21 mars 1975, le parti libéral s’est choisi un autre leader de l’opposition, beaucoup plus combatif, avec la victoire interne de Malcolm Fraser contre le leader sortant Billy Snedden. Parmi les sujets de polémique politique, il y a eu les négociations de paix au Vietnam et le nombre de réfugiés vietnamiens à faire entrer en Australie. La polémique pourrait étonner aujourd’hui : l’opposition a reproché au gouvernement de ne pas avoir accueilli assez de réfugiés. Également, le départ des Portugais du Timor oriental et la position de l’Australie d’accepter la  mainmise de l’Indonésie sur ce territoire pour éviter l’influence communiste.

La mort de Bertie Milliner, un sénateur travailliste du Queensland, le 30 juin 1975, provoqua une nouvelle polémique. Son remplacement devait se faire par la sélection de trois candidats par le parti travailliste et le choix par le Premier Ministre du Queensland, Joh Bjelke-Petersen, qui était un opposant notoire à Gough Whitlam. Les travaillistes ne proposèrent qu’un seul candidat mais le corps législatif du Queensland le rejeta, puis fut désigné finalement un autre travailliste, Albert Field, désavoué par le parti travailliste qui avait refusé de proposer un autre candidat que celui qui fut rejeté. Résultat, Albert Field fut exclu du parti travailliste et décida de s’opposer à la politique de Gough Whitlam. L’opposition venait alors de devenir majoritaire au Sénat, 30 contre 29. Mais la Haute Cour destitua Albert Field qui était en situation d’incompatibilité.

La situation était donc très tendue au Sénat. Gough Whitlam chercha à dissoudre le Sénat qu’il considérait "corrompu" car les sièges vacants étaient remplacés sans règle indiscutable. En début octobre 1975, Malcolm Fraser a encouragé le Sénat à bloquer la loi de finances. Cela revenait à paralyser à court terme (à partir du 30 novembre 1975) toute l’administration fédérale. Une situation qui est arrivée aussi aux États-Unis. Le chantage de Malcolm Fraser était clair : il bloquerait la loi de finances tant que le gouvernement refuserait de nouvelles élections.

_yartiWhitlamB03

La Haute Cour a validé le 10 octobre 1975 la loi créant de nouveaux sièges de sénateurs, à pourvoir immédiatement, ce qui donnait une chance non négligeable aux travaillistes de prendre le contrôle du Sénat jusqu’au demi-renouvellement du 1er juillet 1976 et donc, d’en finir avec l’obstruction des libéraux.

Malgré la démission forcée, le 14 octobre 1975, de son Ministre du Travail pour un scandale financier, Gough Whitlam, sûr d’avoir la majorité au Sénat, refusa le 21 octobre 1975 toute élection anticipée comme le demandaient les libéraux : « Je ne présenterai pas de demande d’élection ni pour une Chambre ni pour les deux, tant que cette question constitutionnelle ne sera pas réglée. Ce gouvernement, aussi longtemps qu’il détiendra une majorité à la Chambre des représentants, poursuivra le mandat que lui a accordé le peuple australien l’année dernière. ».

Mais le blocage des crédits continua au Sénat. Pour payer les fonctionnaires, le gouvernement chercha à conclure des prêts à court terme pour tenir jusqu’au déblocage des crédits par le Sénat. La question constitutionnelle concernait alors la possibilité d’emprunter et la possibilité d’engager des dépenses sans vote de loi de finances.

Le gouverneur général John Kerr tenta de concilier les points de vue le 30 octobre 1975 en proposant le déblocage des crédits d’un côté, et la non convocation du Sénat avant son demi-renouvellement le 1er juillet 1976. Gough Whitlam refusa un tel accord. Le 3 novembre 1975, Malcolm Fraser réclama de nouvelles élections fédérales en échange de la vote de la loi de finances. Mais Gough Whitlam refusa aussi cette idée et voulait conserver le Parlement au moins jusqu’au 1er juillet 1976.

Inquiet de la continuité de l’État, John Kerr demanda au Président de la Haute Cour, Garfield Barwick, quelques précisions constitutionnelles sur les possibilités pour débloquer la crise politique et obtint par lettre une réponse le 10 novembre 1975 : « Le Sénat a le droit de refuser de voter une loi de finances ; il a le droit de refuser de traiter du sujet. (…) Un Premier Ministre qui ne peut faire voter les lois de finances pour faire fonctionner son gouvernement doit soit organiser des élections générales, soit démissionner. (…) Le gouverneur général a le pouvoir constitutionnel de retirer sa charge au Premier Ministre. » (Garfield Barwick, libéral, avait été auparavant Ministre de la Justice, du 12 octobre 1958 au 4 mars 1964, bien avant l’arrivée au pouvoir des travaillistes).

Le lendemain, 11 novembre 1975, les deux adversaires se sont réunis le matin pour une ultime négociation qui échoua de nouveau. En début d’après-midi, John Kerr convoqua Gough Whitlam. Ce dernier lui proposa de faire le demi-renouvellement du Sénat le 13 décembre 1975. Mais c’était trop tard. John Kerr a contraint Gough Whitlam à la démission puisqu’il n’était pas capable de faire fonctionner son administration. Juste après cette "destitution", John Kerr convoqua le chef de l’opposition Malcolm Fraser et le nomma Premier Ministre provisoire, sous condition qu’il fît voter la loi de finances au Sénat et qu’il décidât de dissoudre les deux chambres.

Dès lors, le Sénat adopta quelques minutes plus tard la loi de finances et les sénateurs travaillistes crurent à une belle victoire, n’ayant pas été informé de la démission de leur leader. Après le vote et la promulgation de la loi de finances, Malcolm Fraser annonça aux députés (majoritairement travaillistes) qu’il était le nouveau Premier Ministre et qu’il organiserait des élections générales anticipées. Gough Whitlam a cependant eu le temps de faire voter une motion de confiance à son profit, ce qui devait obliger le gouverneur général de l’autoriser à constituer un nouveau gouvernement.

La confusion institutionnelle était donc au sommet le 11 novembre 1975. John Kerr refusa de prendre connaissance du vote de cette motion de confiance et proclama la dissolution des deux chambres, ce qui annulait toutes les décisions ultérieures.

Devant les députés de sa majorité estomaqués, juste après cette proclamation, Gough Whitlam exprima sa colère en ces termes : « La proclamation, que vous venez juste d’entendre lue par le secrétaire officiel du gouverneur général, était contresignée par Malcolm Fraser qui, sans aucun doute, restera dans l’histoire australienne comme le chien bâtard de Kerr. Mais ils ne feront pas taire les alentours de la Maison du Parlement, même si l’intérieur va rester silencieux pendant quelques semaines (…). Conservez votre rage et votre enthousiasme pour la campagne et pour l’élection qui va suivre, jusqu’au jour du scrutin. ».

_yartiWhitlamB05

Gough Whitlam a cru que les électeurs le suivraient dans son indignation contre le supposé "coup d’État" initié par Malcolm Fraser et John Kerr, mais c’était sans compter sur la situation économique désastreuse et sur une presse qui l’avait soutenu en 1972 mais qui fut très déçue par sa manière de gouverner.

Le 13 décembre 1975, l’alliance des libéraux menée par Malcolm Fraser gagna largement les élections, 91 sièges de député sur 127 avec 55,1% des voix (contre 36 sièges pour les travaillistes) et 37 sièges de sénateur sur 64 avec 54,4% des voix (contre 27 sièges pour les travaillistes). Les élections générales anticipées du 10 décembre 1977 confirma la coalition libérale de Malcolm Fraser, avec un moindre succès néanmoins (86 sièges de député sur 124 et 37 sièges de sénateur sur 64 dont 34 étaient renouvelables).

Ces deux consultations électorales furent interprétées comme un rejet ferme et massif de la personne de Gough Whitlam qui fut contraint, le 22 décembre 1977, de quitter le leadership du parti travailliste qu’il tenait depuis le 9 février 1967.

Malcolm Fraser, qui fut élu le plus jeune député d’Australie le 10 décembre 1955 (à l’âge de 25 ans) et qui avait la solide réputation d’être un "homme de droite musclée" après avoir occupé d’importantes responsabilités ministérielles (la Défense et l’Éducation entre 1966 et 1972), se montra un chef du gouvernement très modéré du 11 novembre 1975 au 11 mars 1983, au grand dam de certains de ses ministres très thatchériens qui souhaitaient plus de rigueur dans les dépenses publiques (dont John Howard aux Finances, futur Premier Ministre du 11 mars 1996 au 3 décembre 2007). Sur le plan moral et politique, Malcolm Fraser s’opposa à l’apartheid en Afrique du Sud, contribua à la prise de pouvoir de Robert Mugabe au Zimbabwe, donna des droits nouveaux aux Aborigènes et encouragea l’accueil des réfugiés venant d’Asie (entre autres, Vietnam et Timor oriental) en imposant à l’administration beaucoup d’humanité.

Quant à Gough Whitlam, il fut le Premier Ministre australien qui a été le plus grand nombre de fois le sujet de livres. Car cette incroyable crise institutionnelle pouvait être analysée de différente manière (juridique, politique, psychologie, etc.). Les deux anciens adversaires, Gough Whitlam et Malcolm Fraser, ont quitté ce monde à six mois d’intervalle après s’être finalement réconciliés. La part exacte de Malcolm Fraser dans la destitution de Gough Whitlam reste néanmoins encore une énigme de l’histoire politique australienne récente.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (11 juillet 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La carrière politique de Gough Whitlam.
La crise constitutionnelle en Australie de l’automne 1975.
Malcolm Fraser.
Nancy Wake.
Élisebeth II.
Le blocage des crédits aux États-Unis.

_yartiWhitlamB04



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-124856424.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/gough-whitlam-1916-2014-en-plein-182740

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2016/07/11/34063512.html

 

Partager cet article
Repost0
30 juin 2016 4 30 /06 /juin /2016 06:21

« Le référendum a été perdu pour une raison simple : parce que c’était un référendum. Le référendum souffre d’une faiblesse congénitale. Car dans un référendum, le "oui" est au singulier et le "non" est au pluriel. » (Valéry Giscard d’Estaing, le 23 septembre 2005 à Paris). Seconde et dernière partie.


_yartiPopulisme08

Après avoir évoqué le Brexit et les tentations (grandes) de vouloir contourner la décision du peuple britannique (tant par les pro-remain que par les pro-leave), j’évoque les référendums sur l’Europe en France et la nécessité de faire des référendums de choix et pas des référendums de fait accompli.


Les trois référendums sur l’Europe en France

En France, il y a eu trois référendum sur l’Europe. Rappelons-le car les populistes antieuropéens ont la mémoire courte.

Certains oublient par exemple que le peuple français a approuvé le 23 avril 1972 l’adhésion du Royaume-Uni à la future Union Européenne, avec 68,3% de "oui" (60,2% de participation). Faudrait-il que le peuple français soit également consulté sur le Brexit ?

Certains qui passent toutes leurs journées à dénigrer l’euro (qui a sauvé l’économie française lors du krach du 15 septembre 2008) oublient que le peuple français a approuvé le 20 septembre 1992 la mise en place de la monnaie unique européenne, avec 51,0% de "oui" (69,7% de participation).

Certains oublient aussi que les légitimités populaires sont souvent bouleversées au cours du temps (à part en juin 2007, pas une seule majorité parlementaire sortante ne fut renouvelée en France depuis 1978, et cela continuera probablement au moins jusqu’en 2022 !). Or, si le TCE fut effectivement rejeté (clairement) par le peuple français le 29 mai 2005, avec 54,7% de "non" (69,3% de participation), le candidat Nicolas Sarkozy avait clairement annoncé, dans ses promesses électorales, qu’il proposerait ce qui est devenu le Traité de Lisbonne afin de ne pas bloquer des institutions européennes qui n’étaient pas adaptées à une Europe des Vingt-huit (la règle de l’unanimité étant impossible à tenir sauf dans des domaines essentiels).

Et le peuple français l’a élu le 6 mai 2007 avec 53,1% des voix (84,% de participation) à la Présidence de la République, en connaissance de cause (au contraire de François Hollande, Nicolas Sarkozy a fait ce qu’il avait annoncé durant sa campagne présidentielle). D’ailleurs, au premier tour de cette élection présidentielle, le 22 avril 2007, le total des voix des candidats qui s’étaient prononcé contre le TCE deux ans auparavant n’était que de 21,7%. Cherchez l’erreur dans la cohérence du peuple français !

_yartiPopulisme03

D’ailleurs, certains au Royaume-Uni imaginent une pirouette de cette manière. Pas un nouveau référendum (ce serait trop "gros") mais il est clair qu’à la Chambre des communes, il y a une large majorité de députés contre le Brexit (même s’il y a eu une large majorité pour approuver l’organisation du référendum). Certains députés pourraient néanmoins l’approuver parce que respectueux des résultats de ce référendum. Il peut aussi être question de nouvelles élections législatives, anticipées en automne 2016, et si une majorité contre le Brexit se dessinait, la légitimité du Brexit pourrait vaciller : c’est la raison pour laquelle David Cameron mais aussi Boris Johnson (qui se mord les doigts d’avoir fait une telle campagne) font tout pour retarder au plus tard l’amorçage officiel du Brexit.

Je reviens sur le discours qui parle de "trahison" concernant le référendum du 29 mai 2005 (cela fait onze ans maintenant, combien de temps entendrons-nous encore cet argument ?). Le peuple français avait l’occasion de confirmer ce vote au moins deux fois, lors de l’élection présidentielle de 2007 (déjà évoquée) et de celle de 2012. Or, au contraire, paradoxalement, il a élu un candidat qui avait montré clairement son adhésion à ce qui est devenu le Traité de Lisbonne. Où est l’illégitimité du Traité de Lisbonne ? Admettons que pris au dépourvu (malgré l’annonce durant sa campagne), le peuple français fut surpris de voir son élu, Nicolas Sarkozy, présenter le Traité de Lisbonne signé le 13 décembre 2007. Mais sa ratification a été adoptée aussi par le député François Hollande dans le scrutin public du 7 février 2008. Pourtant, le peuple français l’a élu Président de la République le 6 mai 2012 avec 51,6% des voix (80,4% de participation), et là, sans surprise puisque son vote de ratification du Traité de Lisbonne datait de 2008.


Passer du plébiscite à la consultation de fond

Les deux derniers référendums sur l’Europe ont apporté en France un débat sain et utile. Le fond l’a emporté sur les préoccupations de politique politicienne, c’est heureux. Car le sujet était important mais complexe. Très complexe. Et c’est là que je veux en venir. Le principe du référendum est essentiel bien sûr pour saisir le peuple d’un sujet essentiel. Mais à mon humble avis, il n’est pas utilisé avec la bonne méthode.

En effet, lors des débats sur le Traité de Maastricht comme sur le TCE treize ans plus tard, l’une des principales critiques faites aux deux projets, très justifiée, c’était leur complexité juridique. Le texte, accessible aux citoyens (heureusement), était particulièrement indigeste et même des responsables politiques pouvaient avoir du mal à en comprendre tous les termes, tous les méandres.

Cette complexité juridique reste pourtant nécessaire. Nous sommes dans un monde complexe et il faut préciser les différentes décisions afin de les intégrer dans le corpus de lois de chaque nation, corpus déjà lui-même très compliqué. Cette complexité est d’ailleurs l’une des causes de l’étouffement de l’idée européenne : on ne comprend plus l’Europe qui est trop compliquée et qui s’occupe de trop de détails.

_yartiPopulisme07

Or, il y aurait un moyen d’éviter cette complexité lors d’un référendum, un moyen de revenir à l’essentiel sans s’occuper des arguties juridiques que seuls les spécialistes de droit peuvent comprendre et discuter. Ce serait d’ailleurs un moyen beaucoup plus démocratique. Ce serait de faire des référendums en amont et pas en aval.

Je m’explique : jusqu’à maintenant, le gouvernement français (je reste à l’échelle nationale mais c’est valable dans les autres pays européens s’il s’agit d’un sujet européen, bien sûr), négocie un nouveau traité avec d’autres gouvernements et signe avec eux le texte final. Il est complexe, est l’aboutissement de longues négociations parfois nocturnes, et fait des centaines de pages. Ensuite, selon les cas (le bon vouloir du Président de la République en France), ce texte est soumis au référendum pour ratification. Comme c’est un texte négocié, pas une virgule ne peut être modifiée dans sa ratification. Donc, on met le peuple français devant le fait accompli : c’est du tout ou rien. Ou ça passe, ou ça casse.

À petite échelle, De Gaulle avait fait cette politique du "tout ou rien". Lors du référendum du 27 avril 1969, il avait en effet posé une seule question sur deux sujets (création des régions et réforme du Sénat). La logique aurait voulu qu’il posât deux questions mais De Gaulle considérait justement les institutions en "tout ou rien", et "moi ou le chaos". Résultat, il y a eu 52,4% de "non" (80,1% de participation). Même à l’époque (glorieuse) de De Gaulle, les mécontentements l’avaient emporté. Alors, maintenant…

_yartiPopulisme05

Notons d’ailleurs qu'à ma connaissance, personne ne s’est insurgé quand le gouvernement de Jacques Chaban-Delmas a finalement court-circuité la décision populaire en faisant adopter la loi n°72-619 du 5 juillet 1972 portant création et organisation des régions (créant les conseils régionaux) avec les mêmes frontières que celles prévues dans le projet rejeté par le peuple français !


Une démocratie apaisée

Une démocratie à la fois intelligente (en bonne compréhension) et apaisée, reconnaissant au peuple le droit de choisir sa voie, ce n’est pas le mettre sur le fait accompli du "tout ou rien" mais lui faire choisir chacun des principes de cette voie.

Ainsi, un référendum en amont, avant les négociations, me paraîtrait beaucoup plus pertinent. D’une part, parce qu’il éviterait la complexité juridique (le texte n’est pas encore rédigé), d’autre part, parce qu’il reposerait le sujet sur l’essentiel. Quelques questions avec réponse individuelle à chaque question et pas une réponse globale comme sous De Gaulle.

On pourrait ainsi imaginer ce genre de questions multiples : "Acceptez-vous de donner mandat au gouvernement pour négocier un traité instituant une majorité qualifiée au lieu de l’unanimité ?", etc. Ainsi, sauf à avoir des "non" à chaque question, le mandat de négociation aura été clairement défini, et on peut alors imaginer une ratification aussi par le peuple en aval, texte donc signé et non modifiable, mais qui devrait être adopté s’il est conforme aux choix du peuple consulté en amont.

_yartiPopulisme04

Cette méthode aurait deux intérêts : le premier est se focaliser sur l’essentiel et pas sur les mille et un articles illisibles d’un traité non corrigible ; le second est de découpler complètement le sujet du référendum des considérations politiciennes. Comment interpréter la consultation en termes d’adhésion ou de rejet du pouvoir si les résultats, c’étaient trois "oui" et deux "non" ?


Ne plus jouer à la roulette russe

Oui, il faut écouter bien sûr le peuple car la démocratie est encore le meilleur système (selon le mot de Winston Churchill le 11 novembre 1947 à Londres : « le pire à l’exception de tous les autres »), et tous les autres systèmes ont montré leur horreur consubstantielle : honte à ceux qui comparent l’Union Européenne au IIIe Reich ou à l’Union Soviétique !

Mais on ne peut plus jouer à la roulette russe ou au poker avec une nation. Les "opinions publiques", parce que nos pays sont en crise structurelle (qui n’a rien à voir avec l’Union Européenne ; au contraire, une telle union a pour but justement de répondre au phénomène de mondialisation qui surgit indépendamment des Européens, auquel il faut répondre), expriment souvent leur mécontentement à chaque occasion électorale.

D’ailleurs, maintenant, on sait que si les personnalités politiques jouent au poker avec le peuple, ils perdront à tous les coups parce que le peuple les voit venir avec leurs gros sabots. Justement parce que les électeurs sont mieux informés. Condorcet disait : « Plus un peuple est éclairé, plus ses suffrages sont difficiles à surprendre. (…) Même sous la Constitution la plus libre, un peuple ignorant est esclave. » et aussi : « Toute société qui n'est pas éclairée par des philosophes est trompée par des charlatans. ».

Il faudrait donc que les représentants du peuple prennent leurs responsabilités en bâtissant de nouveaux projets d’avenir en concertation avec le peuple, avec ce genre de référendum en amont que je propose, donnant les grandes lignes, sans se perdre dans des détails juridiques qui dépassent même la classe politique. Cela éviterait le "tout ou rien" suicidaire (de type 49-3 à l’échelle du pays) qui empêcherait toute perspective d’avancée historique dans un sens ou dans un autre.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (29 juin 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Peuple et populismes.
Le Brexit.
Jean-Claude Juncker, premier Président de la Commission Européenne issu des urnes.
La France des Bisounours à l’assaut de l’Europe.
L’Europe, c’est la paix.
Le Traité de Maastricht.
Le Traité constitutionnel européen (TCE).
Le Traité de Lisbonne et la démocratie.
Le référendum alsacien.
Nuit Debout.
Démocratie participative.
Vote électronique.
Monde multipolaire.

_yartiPopulisme09




http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160624-populismes-2.html

http://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/peuple-et-populismes-2-182405

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2016/06/30/34024843.html



 

Partager cet article
Repost0
29 juin 2016 3 29 /06 /juin /2016 06:55

« Le référendum a été perdu pour une raison simple : parce que c’était un référendum. Le référendum souffre d’une faiblesse congénitale. Car dans un référendum, le "oui" est au singulier et le "non" est au pluriel. » (Valéry Giscard d’Estaing, le 23 septembre 2005 à Paris). Première partie.



_yartiPopulisme01

Plusieurs jours après le référendum du 23 juin 2016 au Royaume-Uni, il serait question de trouver une pirouette pour éviter le Brexit. "Le Monde" a même mis en une ce mardi 28 juin 2016 ce titre : "Royaume-Uni : le Brexit peut-il ne pas se produire ?".


Contourner le peuple britannique ?

Certains évoquent l’idée d’un second référendum, demandé par une pétition sur Internet qui a recueilli 4 millions de signataires (certaines signatures sont frauduleuses et n’émanent pas du Royaume-Uni mais celles-ci sont supprimées en temps réel ; le pétition provient du site officiel du Parlement britannique qui s’engage à discuter du sujet d’une pétition lorsque celle-ci dépasse 100 000 signatures).

Cette pétition fut d’ailleurs initiée le 25 mai 2016 par Olivier Healey, un étudiant pro-Brexit qui craignait que le Bremain l’emportât au référendum ! Il proposait qu’un second référendum ait lieu dans le cas où aucune des deux réponses n’aurait recueilli au moins 60% et où la participation aurait été inférieure à 75%. Ces deux conditions sont effectivement remplies. Aujourd’hui, l’auteur de la pétition ne veut plus de nouveau référendum et est dépassé par son initiative. Une pétition a évidemment beaucoup moins de valeur politique (et juridique) qu’un référendum…

_yartiPopulisme06

D’autres rappellent que la Chambre des communes est très majoritairement hostile au Brexit mais peut-on imaginer les députés ne pas se conformer au peuple qu’ils représentent ? Plus réalistes, d’autres enfin imaginent des élections législatives anticipées en automne 2016 et en cas d’élection d’une majorité de députés défavorables au Brexit, il serait alors possible de remettre en cause le vote du 23 juin 2016 par cette nouvelle légitimité.

En fait, vouloir contourner le vote en faveur du Brexit ne peut qu’apporter de l’eau au moulin tonitruant des populismes de toutes sortes. Chose curieuse : Boris Johnson, le député conservateur pro-Brexit (qui était pourtant pro-européen en 2015), est le premier à vouloir traîner les pieds et à ne pas réaliser le Brexit. Tandis que ce sont les plus chauds partisans de la construction européenne qui veulent aller vite dans le Brexit, afin de réduire au maximum cette période d’incertitude qui va immobiliser toute la vie économique et financière de l’Europe pendant de longs mois. Mieux : le Parlement Européen a voté ce 28 juin 2016 une résolution pour que le Royaume-Uni active "immédiatement" la procédure de retrait (article 50 du Traité de Lisbonne). Les mauvais joueurs ne sont pas forcément ceux qu’on imagine.


Les majorités qualifiées

L’idée de mettre des seuils aux référendums n’est pas forcément stupide. Lorsque la décision engage clairement l’avenir d’un pays sur plusieurs décennies (ce qui est le cas du Brexit, ce qui n’est pas le cas du quinquennat, pour prendre deux exemples), on peut imaginer en effet que le peuple puisse décider sans être coupé en deux, avec une large majorité. Pourquoi 60% selon l’étudiant pro-Leave, comme pour une révision constitutionnelle au Parlement français réuni en Congrès ? pourquoi pas deux tiers (67%) ? C’est le problème de donner des seuils, aucun ne se justifie sauf le 50% plus une voix.

Néanmoins, un commentateur sur Agoravox (Oncle Archibald) rappelait avec mesure et bon sens, le 25 juin 2016, que les décisions entre copropriétaires sont plus contraignantes pour des enjeux nettement moindres : « Moi, ce qui me sidère dans les votes démocratiques, c’est que pour prendre une décision aussi lourde que la sortie de l’Europe des Britanniques ou le choix d’un Président pour la France, on peut se contenter d’une majorité de quelques voix au-delà des 50% de votants, quel que soit le niveau de participation au scrutin, tandis que dans une copropriété, on ne peut pas décider de supprimer le poste de concierge ou de mettre un portail automatique à l’entrée des parties communes sans une majorité des deux tiers ! Étonnant, non ? ».

On pourrait même dire que moins de 1,3 millions d’électeurs britanniques (la différence entre "leave" et "remain") risquent de mettre à mal une organisation de 500 millions d’habitants…

Mais la règle démocratique est pourtant simple. Il serait impossible, dans l’état actuel du paysage politique en France (et probablement dans les autres pays, le cas échéant), d’avoir un candidat élu à l’élection présidentielle très largement, sauf dans des cas très rares (comme le 5 mai 2002). On tomberait vite dans des crises politiques terribles si le seuil de 50%, obligatoirement franchi dans un second tour avec deux seuls candidats restants, n’était pas suffisant.

De même, c’est vrai qu’une décision importante comme le Brexit aurait mérité d’avoir une adhésion plus franche et massive du peuple britannique. Néanmoins, en appliquant une règle des trois cinquièmes, par exemple, beaucoup de projets auraient été rejetés  par référendum malgré une majorité favorable. Avec de très faibles contraintes, on peut déjà donner l’exemple du référendum sur la "grande Alsace" le 7 avril 2013 avec une majorité générale en faveur du projet de regroupement de 57,7% des suffrages exprimés mais avec une participation beaucoup trop faible (aucun des deux départements n’a voté "oui" à au moins 25% des électeurs inscrits). Tant pis pour les Alsaciens ; cela a abouti, deux ans plus tard, à leur fusion avec la Lorraine et la Champagne-Ardenne dans une grande région qui aurait pu s’appeler "nouvelle Austrasie" (finalement, simplement "Grand Est" depuis le 4 avril 2016).


Alternative organisée… ou pas

On peut aussi s’interroger sur l’alternative proposée par un référendum. En général, comme pour un nouveau traité européen, le choix est entre le statu quo et un projet bien précis, et le choix, c’est pour ou contre ce projet bien précis.

Or, le référendum britannique du 23 juin 2016 était très différent : il était entre le statu quo (remain) et le Brexit (leave), mais le Brexit n’est pas un projet précis, pas un texte précis. Beaucoup de gens ont voté pour le Brexit avec des motivations totalement différentes (Europe trop bureaucratique et pas assez libérale, ou au contraire, Europe pas assez protectrice socialement, délégation de la souveraineté nationale, etc.).

Motivations différentes, comme l’exprime la citation de Valéry Giscard d’Estaing sur le "non" au pluriel (mais ce n’est pas nouveau dans une consultation électorale), mais surtout, conséquences très incertaines. En effet, le vote en faveur du Brexit n’a donné aucune indication sur la nature des relations que le peuple britannique voudrait avoir avec l’Union Européenne : aucune ? en association comme la Turquie ? en négociations commerciales spécifiques comme la Suisse ? dans l’Espace économique européen comme la Norvège, l’Islande… ce qui coûterait quasiment aussi cher que l’appartenance à l’Union Européenne ?

Cela montre que ce référendum a été mal préparé : on ne sait pas ce qu’il va se passer avec l’une des deux réponses possibles. Tout sera en fonction de l’interprétation qu’en donnera le prochain gouvernement britannique …sans mandat clair du peuple britannique à ce sujet ! C’est sans doute pourquoi des élections législatives anticipées avec une campagne centrée sur le Brexit paraît incontournable.

_yartiPopulisme02

L’une des grandes différences entre la IVe République et la Ve République fut la capacité des députés à renverser le gouvernement. Sous la IVe République, il suffisait qu’une majorité s’opposât à un sujet ponctuel pour faire sauter le gouvernement. Sous la Ve République, au contraire, les députés ne peuvent pas renverser le gouvernement sans proposer majoritairement une autre voie : les motions de censure sont donc rarement votées en mélangeant des motivations parlementaires très différentes. C’était encore le cas le 12 mai 2016 avec le 49-3 et la motion de censure déposée par LR et l’UDI qui n’a pas reçue le soutien des députés de gauche s’opposant à la loi El-Khomri (les incantations de Jean-Luc Mélenchon du 10 mai 2016 n’ont pas suffi).

Le renversement de la politique européenne du Royaume-Uni depuis quarante-trois ans aurait donc dû se faire au profit d’un projet alternatif, à savoir, d’une voie claire du Brexit : voie norvégienne, voie suisse, voie turque ou aucune relation avec l’Union Européenne. Mais rien de cela n’a été anticipé, au point qu’on aurait pu croire que ce référendum était une vaste opération de bluff pour les deux camps.


La souveraineté populaire

La démocratie est le pouvoir du peuple. C’est juste de l’étymologie grecque, mais une fois dit cela, on n’a rien dit. La question, c’est : comment le peuple peut-il exercer concrètement le pouvoir ? Toute personne ayant pris des responsabilités dans une association, voire dans une entreprise a dû s’en apercevoir : à partir de trois personnes, un groupe est facilement "ingérable" si l’on n’a pas adopté un ensemble de règles du "vivre ensemble". À l’échelle d’un État, cela s’appelle une Constitution.

En France, la Constitution du 4 octobre 1958 précise dans son article 2 : « Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. » (reprenant la fameuse formule du Président américain Abraham Lincoln prononcée le 19 novembre 1863 à Gettysburg), et dans son article 3 : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. ».

_yartiPopulisme10

Cette organisation du pouvoir du peuple est donc structurée par une strate intermédiaire, les représentants du peuple. Ce sont les parlementaires, le gouvernement, le Président de la République qui, élus par le peuple, agissent au nom du peuple. On voit à quel point la démocratie représentative (donc) est nécessaire dans un pays de 67 millions d’habitants. Mais elle est déléguée à une classe politique …qui n’est qu’à l’image du peuple.

Si les électeurs réélisent depuis des dizaines d’années des repris de justice, par exemple, la responsabilité incombe plus à ces électeurs qu’à ces repris de justice eux-mêmes (note : malgré son investiture LR obtenue le 20 juin 2016 de la commission nationale d’investiture, Patrick Balkany vient officiellement, ce 28 juin 2016, de renoncer à se représenter aux législatives de juin 2017).

Jusqu’à il y a une quinzaine d’années, la vie politique était donc organisée en France d’une façon assez pyramidale : un candidat à la représentation du peuple annonce la couleur, il est élu ou battu. S’il est élu, il se battra pour se faire réélire, et ainsi de suite. Entre deux élections, il a tout le pouvoir d’agir au nom de ses électeurs sans autre contrôle que les médias. Et un gouvernement, d’agir selon ses propres principes.


"Baisse" des élus, "montée" des électeurs

Depuis une quinzaine d’années, il y a la concomitance de deux phénomènes en résonance qui enraient le système représentatif.

Le premier, présent depuis une trentaine d’années au moins, est le fait que la classe politique est de plus en plus médiocre, en plus d’être professionnalisée dès le début de la vie active (carrières commençant dans les arrière-boutiques des collectivités territoriales et poursuivies au grand jour ensuite) et dont les motivations sont, à l’évidence, de moins en moins l’intérêt général (cela couplé aux pantouflages généralisés des hauts fonctionnaires qui ne servent plus l’État mais leur portefeuille).

Cet état de fait pouvait être accepté lorsque les électeurs sont maintenus dans l’ignorance. Mais le second phénomène, plus récent, est Internet. Au contraire des médias audiovisuels ou de la presse, qui sont libres et peuvent exprimer quelques opinions différentes mais qui peuvent s’autocensurer sur certains sujets (par exemple, pendant quinze ans, la fille cachée de François Mitterrand), le Web renforcé par les réseaux sociaux permet la diffusion de très nombreuses informations (parfois fausses) sans comité éditorial, directement venant de la base. Il y a donc une multitude de sources d’informations (chaque citoyen possédant un smartphone ou un appareil photo peut apporter sa pierre de l’information factuelle) et une immédiateté tranchante (l’électeur peut être en possession d’une information capitale avant son représentant censé gouverner et donc, censé mieux savoir).

Or, cette "démocratisation" de l’information signifie qu’une information en structure verticale n’est plus acceptable. Tout comme les cours magistraux à l’université ont évolué après mai 1968 en cours un peu plus participatifs. Le citoyen ne veut plus être passif face à ce qu’il entend. Pire, il le sait désormais, si l’on lui ment ou si l’on se moque de lui, si l’on le prend pour un imbécile. Et il réagit. Ce qui est sain.

En France, les journalistes sont encore rares à vérifier la véracité des informations dites par leurs invités au cours de la même émission politique. Mais avec Internet et la 3G ou 4G, c’est désormais possible en temps réel. Et même si les journalistes ne le font pas, les téléspectateurs peuvent corriger immédiatement grâce à Twitter ou d’autres moyens. Malheur au responsable politique qui lâche un élément inexact, ce sera considéré au mieux comme de l’incompétence (involontaire), au pire comme du mensonge (volontaire).

_yartiPopulisme61

On comprend que l’exercice du pouvoir devient beaucoup plus difficile : on ne peut plus abêtir les électeurs, on ne peut pas non plus tenir des discours différents (clientélistes) en fonction de l’auditoire. Tout est maintenant enregistré, même les petits mouvements d’humeur qui sont amplifiés à un degré disproportionné (Nicolas Sarkozy le 23 février 2008 au Salon de l’Agriculture à Paris, par exemple). Cela nécessite des représentants du peuple quasi-parfaits. Mais ce n’est pas anormal, ils doivent être exemplaires et personne ne les a obligés à vouloir exercer le pouvoir.


Structuration trop verticale

Malheureusement, les structures institutionnelles sont encore beaucoup trop verticales et pyramidales, ce que les citoyens, avec raison, ne supportent plus. Certes, la capacité d’ajouter son grain de sel, de commenter l’actualité au vu de tous, grâce à Internet et particulièrement aux réseaux sociaux, permet de canaliser en certaine partie d’expression de la part des citoyens, mais l’expression des responsables politiques n’a pas beaucoup évolué.

La seule réelle tentative de bouleverser un peu ces structures a été engagée par Ségolène Royal lors de sa campagne présidentielle de 2007 en prônant la démocratie participative. C’était assez brouillon et contestable (j’en ai déjà parlé ici) mais cela partait d’une intuition géniale : les citoyens ne peuvent plus accepter de signer un chèque en blanc pendant la durée d’un quinquennat, ils veulent être consultés, écoutés, tout au long de l’exercice du pouvoir.

Certains ont alors imaginé des référendums permanents. Techniquement possible grâce au vote électronique (dont je ne redirai jamais assez qu’il n’assure pas la confiance en un vote libre et secret), les citoyens pourraient se transformer en assemblée générale permanente et voter les lois …à la place des députés. C’est le principe des référendums.

Vu comme cela, cela peut paraître très démocratique. Mais est-ce pertinent ? Non. Parce que notre société est complexe, et même des questions qui pourraient sembler simples (comme sur le mariage gay), les conséquences juridiques sont souvent compliquées et parfois illisibles pour le "profane".


L’innovation est rarement majoritaire au début

Ce qui manque, parmi les responsables politiques, c’est de "guides". Je le mets entre guillemets pour éviter sa traduction en allemand. Guide dans le sens d’initiateur et de leader. Des responsables qui ont une vision de l’avenir de la France (bonne ou mauvaise du reste, c’est l’histoire qui le dira) et qui se donnent les moyens d’y parvenir en y engageant le peuple.

La députée européenne UDI Sylvie Goulard disait à ce propos dans un débat à Science Po Paris le 25 mai 2016 avec Emmanuel Macron et Daniel Cohn-Bendit : « Est-ce qu’à un moment, il y a aussi les gens qui prennent leurs responsabilités, et peuvent dire aux autres, après les avoir écoutés, après avoir dialogué avec eux : "Là, non. Ma responsabilité à moi, parce que c’est moi qui suis en fonction, c’est de faire quelque chose qui est douloureux pour toi, mais qui sera bon pour tes enfants, ou qui sera bon pour l’ensemble de la collectivité" ? ».

Ce qui manque, c’est de l’innovation dans la vie politique. Or, toute idée nouvelle, toute innovation (c’est valable aussi dans la technologie) est d’abord ultra-minoritaire. Elle est vite adoptée par une large majorité quand celle-ci se rend compte de son intérêt, mais au départ, l’idée est considérée au mieux comme folle, au pire comme impossible.

Un exemple : l’amitié franco-allemande. Le processus a démarré le 8 juillet 1962 à Reims (le Traité de l’Élysée a été signé le 22 janvier 1963). Je ne sais pas s’il y a eu des sondages à l’époque, mais dix-sept ans après la fin de la guerre, se réconcilier avec son pire ennemi n’était pas évident, pas forcément très populaire. Un référendum aurait peut-être pu faire rejeter le Traité de l’Élysée : aurait-ce été pertinent ?

_yartiPopulisme62

C’est la raison pour laquelle, échaudés par la loi du 27 juin 1921 de la République de Weimar, appliquée trois fois par le régime nazi (le 12 novembre 1933 pour la sortie de la SDN, le 19 août 1934 pour la fusion des fonctions de Chancelier et de Président du Reich, et le 10 octobre 1938 pour l’Anschluss), les Allemands n’ont plus la possibilité d’être consultés par des référendums autres que sur des sujets locaux ou sur des changements de frontières.


Démocratie directe et "éclairage" des citoyens

Pour avoir un avis "éclairé", il faut l’instauration d’un débat sain et pas des échanges de slogans péremptoires voire mensongers (ce qu’il s’est passé pour le Brexit, dans les deux camps). Il faut aussi permettre aux citoyens d’avoir des informations pertinentes. Heureusement, grâce à Internet, la documentation n’est plus réservée aux spécialistes, chercheurs, journalistes, etc. et est accessible à tout le monde (souvent gratuitement). Mais cela nécessite du temps. Ne serait-ce que lire les comptes rendus des débats parlementaires sur une loi, cela prend du temps, c’est assez dense, assez intellectuel, assez ésotérique, nécessite quelques connaissances préliminaires (comme la procédure législative), etc.

Bref, un citoyen qui a, à côté, sa vie professionnelle et sa vie de famille, plus d’autres hobbies, à moins d’être passionné par la politique (voire d’en faire), n’a pas les moyens matériels en investissement personnel (temps, etc.) de se faire une idée d’un sujet par lui-même, sauf pour des sujets très ponctuels qui l’intéressent.

Donc, vouloir consulter les citoyens sur tous les sujets, est à mon avis une erreur car ce seraient les "prescripteurs d’opinion" qui vont prendre le dessus sur la responsabilité personnelle des représentants du peuple. Et il n’y a pas que les médias comme prescripteurs d’opinion, il y a bien sûr les "lobbies" ou groupes de pression, et plus généralement, ceux qui seraient directement menacés ou avantagés par un projet soumis à consultation.

Et il y a surtout les "populistes" et les démagogues, c’est-à-dire, ceux qui gueulent le plus fort, qui se font entendre le plus loin, mais qui ne présentent pas forcément la situation de façon fine et sophistiquée, nuancée et pédagogique (elle est forcément nuancée : si l’on veut consulter le peuple, c’est parce qu’il y a débat et que la réponse n’est pas évidente).


Débloquer sans simplifier ?

Le référendum a l’avantage de pouvoir court-circuiter des corps intermédiaires quand il y a blocage. Il devrait être donc utilisé avec parcimonie dans un sens de déblocage. On imagine facilement que les lois sur le non cumul des mandats ou même sur le code du travail pourraient être soumises au référendum, soit pour éviter l’obstruction des professionnels de la politique (qui irait vraiment voter une loi qui le désavantagerait sauf s’il y était poussé par une forte poussée de "l’opinion publique" ?), soit pour en finir avec la guéguerre entre syndicats et gouvernement qui veulent montrer qui a la plus grosse.

Mais le référendum ne peut plus être utilisé "à la De Gaulle". C’est-à-dire qu’il ne peut plus être brandi dans un esprit plébiscitaire : "soit vous adoptez mon projet, soit je m’en vais". D’autant plus que l’argument risque rapidement de se retourner ainsi : "pour virer le gouvernant, on va voter contre même si on est pour".

Le référendum de type gaullien est d’autant plus dépassé qu’aucun gouvernant n’a voulu aller jusqu’au bout de la logique gaullienne, c’est-à-dire démissionner en cas de désaveu électoral : François Mitterrand s’est accroché à son poste malgré la défaite des élections législatives de mars 1986 et mars 1993, Jacques Chirac a fait de même aux élections législatives de juin 1997 et surtout, à la suite de l’échec du référendum du 29 mai 2005.

Par ailleurs, il y a une logique binaire qui réduit la capacité d’expression populaire. On peut par exemple être pour l’appartenance à l’Union Européenne mais vouloir une autre Union Européenne (expression entendue souvent). La binarité simplifie à l’excès les enjeux dans un monde de plus en plus complexe où l’espace n’est plus à une dimension.

Dans mon prochain article, j’évoquerai le type de référendum qui me paraîtrait opportun aujourd’hui.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (29 juin 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Peuple et populismes.
Le Brexit.
Jean-Claude Juncker, premier Président de la Commission Européenne issu des urnes.
La France des Bisounours à l’assaut de l’Europe.
L’Europe, c’est la paix.
Le Traité de Maastricht.
Le Traité constitutionnel européen (TCE).
Le Traité de Lisbonne et la démocratie.
Le référendum alsacien.
Nuit Debout.
Démocratie participative.
Vote électronique.
Monde multipolaire.

_yartiPopulisme04




http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160624-populismes.html

http://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/peuple-et-populismes-1-182406

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2016/06/29/34025597.html


 

Partager cet article
Repost0
30 mars 2016 3 30 /03 /mars /2016 12:19

« La grandeur d’un chef d’État est à la mesure de l’étendard qu’il brandit. Ainsi, le Manneken Pis est-il à François Mitterrand ce que la Statue de la Liberté est à Charles De Gaulle. » (Pierre Desproges, "L’Almanach").


_yartiFH2016033001

À l’issue du conseil des ministres ce mercredi 30 mars 2016 à midi quinze, le Président de la République François Hollande a prononcé une courte allocution télévisée annonçant qu’il renonçait à poursuivre son projet de révision constitutionnelle sur l’état d’urgence et la déchéance de la nationalité : « J’ai décidé de clore le débat constitutionnel. ». François Hollande avait reçu la veille les présidents des deux assemblées, Claude Bartolone pour l’Assemblée Nationale et Gérard Larcher pour le Sénat.

J’applaudis des deux mains et je dis : pas trop tôt ! Voici quatre mois et demi pour rien, de discussions byzantines, d’énergie perdue pendant que les terroristes, eux, préparent de nouveaux attentats sanglants. Tout ça pour rien !

Comme disaient les Shadoks : « Avec un escalier prévu pour la montée, on réussit souvent à monter plus bas qu’on ne serait descendu avec un escalier prévu pour la descente. ».

Il n’y avait aucune raison de réviser la Constitution pour lutter contre le terrorisme. L’état d’urgence est déjà reconnu par le Conseil Constitutionnel comme en conformité tandis que tout le monde s’accordait à reconnaître que la déchéance de la nationalité pour les terroristes n’avait aucune utilité, aucune efficacité dans le démantèlement des réseaux terroristes et la prévention de nouveaux actes terroristes.

François Hollande a échoué sur sa méthode qui est une méthode maintenant bien connue : il propose un projet très calculé, très sophistiqué politiquement, avec des arrière-pensées électoralistes certaines (pour la déchéance de la nationalité, ce n’était même pas caché), ensuite sa propre majorité rouspète, alors son gouvernement édulcore au point de transformer complètement le projet, soit en le dénaturant en profondeur (c’était le cas de la déchéance de la nationalité), soit en en faisant une coquille vide (c’est le cas du projet El-Khomri sur le code du travail).

Résultat, au mieux, rien du tout (la réformette du code du travail ; on pourrait dire de même pour la loi Macron l’an dernier), et au pire, un projet complètement dément. Car il faut bien parler de délire de penser que les députés ont voté la possibilité de créer des apatrides, ce qui est condamné par tous les traités internationaux que la France a signés, pour ne pas enfreindre à la sacrosainte loi de l’égalité républicaine devant la loi (ne pas discriminer les binationaux).

_yartiFH2016033002

On voyait dès le début (le discours devant le Congrès le 16 novembre 2015) que ce projet de révision constitutionnelle ne pouvait pas tenir la route. Il était bancal dès le début. Il aurait pu tenter une deuxième lecture mais il a préféré arrêter les frais et surtout, éviter la risée de tous les juristes sur son projet bâclé, mal ficelé. On ne révise pas la Constitution comme on fait du scooter les soirs d’été.

Si cet abandon est une belle victoire de la République, elle est aussi une profonde défaite de l’action présidentielle et comment peut-on prendre au sérieux la justification alambiquée de François Hollande qui a fait porter la responsabilité de l’échec à « une partie de l’opposition », ce qu’il « déplore profondément » !! S’il ne s’agissait pas de lutter contre le terrorisme, on aurait pu s’esclaffer tant la charge politicienne est d’autant plus risible qu’elle a la même crédibilité que l’efficacité de sa gouvernance, à savoir proche de 0% !

Car le Sénat a adopté la version initiale voulue par François Hollande et ce sont les députés socialistes qui ont modifié le texte d’origine pour tenter de rassembler une majorité parmi les députés de gauche. Ce qui est assez étonnant, c’est d’oublier que pour obtenir la majorité des trois cinquièmes des parlementaires au Congrès, certes, il faut convaincre une partie des parlementaires de l’opposition (et tant mieux, je le répète, on ne doit pas réviser la Constitution à la légère) mais avant tout, il faut convaincre les parlementaires de sa propre majorité qui forment le gros des bataillons et cela, tous les Français s’en sont aperçu pendant ces quatre mois et demi de palabres ! Pas la peine de montrer la paille du voisin quand on a une poudre dans les yeux.

J’avais expliqué en quoi l’inscription de la déchéance de la nationalité dans la Constitution (parfaitement inutile et inefficace) aurait été un danger pour la République française. Je ne peux donc que me réjouir, je le répète, et les explications de François Hollande ne suffiront pas à justifier cet échec qui doit lui être imputable exclusivement, même si on pourrait aussi ajouter que c’est également l’échec de Nicolas Sarkozy qui avait soutenu très intensément François Hollande dans cette entreprise.

Christiane Taubira, qui avait démissionné pour cette raison (mais qui n’était pas à une incohérence près car elle avait quand même accepté de signer le projet en décembre 2015), peut donc se réjouir a posteriori de cet abandon et elle aura raison.

Contrairement à ce qu’on aurait pu imaginer, Nicolas Sarkozy était bien plus consensuel que François Hollande lorsqu’il s’est agi de trouver une majorité parlementaire à sa révision du 23 juillet 2008.

François Hollande a été élu sur le seul rejet personnel et politique de Nicolas Sarkozy. Or, dans tous les domaines, que ce soit dans le registre personnel ou politique, François Hollande a montré qu’il était pire que son prédécesseur, tant en honnêteté et exemplarité (rappelons Jérôme Cazuhac) qu’en capacité à réformer le pays avec le soutien du peuple. On est donc en droit de douter de l’efficacité du principe de la primaire chargée de présélectionner le "meilleur" candidat pour un parti de gouvernement.

Ou alors, certes, la primaire présélectionne le meilleur candidat, c’est-à-dire celui que les sondages désignent, mais certainement pas le meilleur Président de la République potentiel. Que cela serve de leçon à l’autre camp qui s’apprête à organiser sa propre primaire avec une confusion particulièrement inquiétante (déjà une quinzaine de candidatures ?).

Pendant ce temps, se taisant, observant avec un plaisir non dissimulé l’évolution catastrophique de la politique nationale, sans avoir besoin de primaire ou de programme, une candidate est déjà prête à marteler ses slogans simplistes et démagogiques ravageurs… Quand donc François Hollande se réveillera-t-il ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (30 mars 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La méthode de François Hollande, efficace à 0%.
Le livret citoyen.
François Hollande, le grand calculateur.
François Hollande et le manque d’ambition.
François Hollande et Angela Merkel.
La déchéance de la République ?
L’annonce de la déchéance de la nationalité (23 décembre 2015).
La démission de Christiane Taubira (27 janvier 2016).
François Hollande sécuritaire (16 novembre 2015).
Loi n°2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement.

_yartiFH2016033003



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160330-hollande.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-methode-hollande-efficacite-a-0-179429

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2016/03/30/33590338.html


 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
7 mars 2016 1 07 /03 /mars /2016 22:22

Né le 6 février 1926 à Paris, Jean-Bernard Raimond a suivi de brillantes études. Normalien et agrégé de lettres, il fut diplômé de l'ENA et travailla au CNRS et à l'IEP Paris. Il commença sa carrière au Quai d'Orsay (Affaires étrangères) au département des affaires politiques, puis fut directeur adjoibt du cabinet de Maurice Couve de Murville (1967), puis conseiller à Matignon (1969) et à l'Élysée (1970 à 1973). Il fut ensuite nommé ambassadeur de France au Maroc de 1973 à 1977, directeur de cabinet de Louis de Guiringaud (1978), ambassadeur de France en Pologne (1982 à 1984) puis ambassadeur de France en URSS (1985 à 1986). Désigné comme le premier Ministre des Affaires étrangères en période de cohabitatoin (poste très sensible) du 20 mars 1986 au 10 mai 1988, Jean-Bernard Raimond, il continua sa carrière de diplomate par la suite comme ambassadeur de France au Vatican de 1988 à 1991. Il fut également élu député d'Aix-en-Provence de mars 1993 à juin 2002. Durant sa carrière, il a été présent à Moscou (arrivée de Mikhaïl Gorbatchev) et au Vatican (présence de Jean-Paul II).

Pour en savoir plus:
http://0z.fr/y1n2Y

SR

 

Partager cet article
Repost0
12 février 2016 5 12 /02 /février /2016 06:23

« Alors que le naufrage électoral de la gauche est annoncé pour 2017, ceux qui ont été nommés aujourd’hui sont soit des fidèles qui se préparent à la défaite, soit des inconnus qui ont eu la chance de leur vie d’entrer dans un gouvernement. (…) Comment pourraient-ils incarner quelque chose ? » (Thomas Guénolé, politologue, le 11 février 2016).


_yartiFH2016021101

Il était assez fâcheux pour l’Élysée d’annoncer un pseudo-remaniement ministériel le triste jour de l’accident de car à Rochefort qui a coûté la vie à six lycéens (au lendemain d’un autre accident de car qui a coûté la vie à deux collégiens à Montbenoît, dans le Doubs). C’est peut-être pour cette raison que, sortant des habitudes des institutions, ce remaniement ministériel n’a pas été annoncé oralement par le Secrétaire Général de l’Élysée mais simplement par un communiqué de presse publié ce jeudi 11 février 2016 trois heures avant l’intervention télévisée du chef de l’État.

Heureusement pour le pouvoir, les journalistes ne sont pas exigeants et se nourrissent de ce qu’on leur donne. Pourtant, il faut vraiment se forcer pour imaginer un instant que ce remaniement est la composition d’une dream team qui rendrait heureux enfin les Français. Ce serait plutôt le Retour des momies qui faudrait imaginer. Un élu a même dit que ceux qui sont nommés sont là pour éteindre la lumière avant de partir…


Un remaniement ministériel insignifiant

L’une des deux principales informations, c’est le retour de Jean-Marc Ayrault qui succède à Laurent Fabius au Quai d’Orsay. Les diplomates sont soulagées, car Ségolène Royal avait été annoncée. Les commentaires journalistiques sont assez pitoyables. Sous prétexte qu’il parle allemand, il infléchirait alors la politique étrangère dans le sens d’un rapprochement franco-allemand. Pourquoi donc ? Laurent Fabius était-il germanophobe ? Et à quoi sert Harlem Désir ? Impossible de savoir ! Ce serait aussi une revanche de l’ancien Premier Ministre. Ah bon ? Quelle revanche ? sur Manuel Valls qui lui a "chouravé" Matignon et qui reste encore à ce poste ? Certains journalistes ont vu dans cette nomination une nouvelle règle, celle de nommer au Quai d’Orsay un ancien Premier Ministre, puisque ses deux prédécesseurs directs, Laurent Fabius et Alain Juppé, ont été également anciens Premiers Ministres (en oubliant d’ailleurs qu’Alain Juppé avait été aussi à ce ministère avant d’avoir été nommé Premier Ministre). D’autres journalistes ont même cru y voir une première, celui du retour d’un ancien Premier Ministre dans un gouvernement d’un même Président de la République… en oubliant que Michel Debré, ancien Premier Ministre de De Gaulle, fut nommé Ministre des Affaires étrangères le 31 mai 1968 dans le dernier gouvernement de Georges Pompidou. Enfin, quelle cohérence y a-t-il d’un retour de Jean-Marc Ayrault au gouvernement ? Aucune. C’est juste le recasage d’un ami de l’Élysée : il voulait la Présidence du Conseil Constitutionnel, à défaut le perchoir, le voici chef de la diplomatie française… à titre intérimaire ("quatorze mois", a répété François Hollande).

_yartiFH2016021102

L’autre information du remaniement, c’est le retour des écologistes. Vraiment ? En tout cas sur le papier. Pas besoin de quitter EELV pour avoir le poste. L’exécutif a réussi à hameçonner trois écologistes, ce qui donnent quelques titres plaisants comme "Trois Verts et bonjour les dégâts" ou "Les Verts pour la route" !

Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale d’EELV (très vite remplacée par David Cormand dans la soirée), est nommée Ministre du Logement. Deux dissidents EELV, Jean-Vincent Placé (qui rêvait d’un poste ministériel depuis quatre ans) et la très charmante Barbara Pompili (sans doute la plus travailleuse des trois) héritent chacun d’un sous-ministère aux attributions baroques. Rien pour François de Rugy (sans doute trop habile), et un bon coup d’épée dans le dos de Cécile Duflot. Tout cela par défaut puisque l’idée avait été de nommer Nicolas Hulot qui avait écarté l’idée le 4 février 2016 (tout comme Martine Aubry avait rejeté l’idée d’être elle-même nommée au Quai d’Orsay). Pas de changement de politique gouvernementale ou alors dans un sens plus sécuritaire, alors, où est la cohérence des écologistes à partir du moment où il n’y a pas de différence entre leur départ du gouvernement en avril 2014 et maintenant ? Aucune, c’était juste pour profiter au maximum de la dernière année du quinquennat…

Et dans ce gouvernement, on profite bien. Rappelez-vous lors de la nomination de Manuel Valls à Matignon. La communication s’était portée sur un "gouvernement resserré". Sauf qu’au fur et à mesure qu’on ajuste, qu’on remanie, loin d’élaguer, on élargit. En tout, il y a désormais 38 membres du gouvernement, au lieu des 32 précédents. Là encore, la seule cohérence, c’est de nommer des amies. Plutôt au féminin à cause de la parité. Jean-Michel Baylet, un vieux routard de la politique cassoulet, qui rêvait de redevenir ministre depuis quatre ans, fait enfin son retour au gouvernement dans un ministère plein axé sur le territoire (lui qui a été renvoyé par les électeurs de sa présidence du conseil départemental en mars 2015).

_yartiFH2016021103

Aux côtés Laurent Fabius et Sylvia Pinel, sortants volontaires, deux ministres ont été froidement remerciées : Fleur Pellerin, remplacée par Audrey Azoulay à la Culture et à la Communication (poste stratégique en pleine campagne présidentielle), et Marylise Lebranchu, remplacée par Annick Girardin à la Fonction publique. Laurence Rossignol est aussi promue comme ministre de plein exercice, tandis que des secrétaires d’État font leur entrée : la charmante Juliette Méadel, Ericka Bareigts, Estelle Grelier et Hélène Geoffroy renforcent la féminisation du gouvernement à des attributions improbables ("Égalité réelle", "Aide aux victimes", "Mémoire", etc.). Ce casting n’est pas forcément mauvais : il faut noter ainsi la présence au Ministère de la Ville d’Hélène Geoffroy, jeune et dynamique députée-maire de Vaux-en-Velins), qui a la particularité d’être une docteur en mécanique (les scientifiques sont assez rares dans la classe politique), mais il faut bien reconnaître qu’aucune de ces personnalités n’est vraiment connue et n’est un poids lourd national de la majorité présidentielle.

Parmi les quelques autres changements, le plus notable est André Vallini, qui aurait été un excellent Ministre de la Justice, et qui reste Secrétaire d’État mais auprès de Jean-Marc Ayrault au Développement et à la Francophonie.

Enfin, précisons aussi que si Hélène Geoffroy s’est opposée à la déchéance de la nationalité, Jean-Marc Ayrault, qui était contre, a voté pour le 9 février 2016 au Palais-Bourbon, ainsi que Barbara Pompili. Peut-être en rapport avec leur prochaine nomination ?


Une prestation présidentielle pour du beurre

Pour expliquer l’insignifiant remaniement ministériel, le Président de la République François Hollande s’est cru obligé d’inviter dans un salon de l’Élysée deux journalistes vedettes, un de France 2, un de TF1, pour une émission de quarante minutes ce jeudi 11 février 2016 à 20 heures.

_yartiFH2016021105

Comme il n’avait rien de nouveau à dire, il n’a rien dit. Sinon une dénégation qui semble être un déni de réalité : selon lui, il ne calculerait rien, il ne penserait jamais à l’élection présidentielle de 2017, il resterait Président de la République jusqu’au bout, et agirait en tant que tel… et s’il y a besoin d’appuyer un peu son argumentation, il n’hésite pas avec un argument massue qui efface tous les doutes, ces attentats qui ont fait 130 morts… On avait presque l’impression d’entendre du Nicolas Sarkozy… En fait, chez lui, tout est calcul, jusqu’à la nomination de Laurent Fabius à la Présidence du Conseil Constitutionnel, poste stratégique pour une campagne présidentielle.

Le tableau est surréaliste. François Hollande a parlé comme s’il démarrait son quinquennat. Son action sera avec trois priorités : la sécurité (la lutte contre le terrorisme), l’emploi (en assouplissant le marché de l’emploi et en sécurisant la situation des salariés), et l’environnement (en appliquant la COP21).

Pour la sécurité, il a la mauvaise foi de trouver les débats un peu long sur son inutile projet de loi constitutionnelle et, comme l’a fait remarquer Gérard Longuet, il n’a donné aucun argument sur l’intérêt de constitutionnaliser la déchéance de la nationalité et l’état d’urgence alors que l’application de la Constitution se fait par des lois et que sur ces sujets, les lois existent déjà !

Pour l’emploi, on a l’impression qu’il découvre que le chômage a encore progressé (650 000 demandeurs d’emploi de la catégorie A supplémentaires entre 2012 et 2015 !), et imagine un plan de formation pour 500 000 demandeurs d’emploi qui pourront être ainsi soustraits aux statistiques (cette fameuse "inversion de la courbe" pourrait donc avoir lieu de manière totalement artificielle juste avant la campagne présidentielle).

_yartiFH2016021104

François Hollande a fait quand même deux annonces concrètes. Pour les agriculteurs, une baisse des charges sociales.

Enfin, sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (près de Nantes), dont les travaux devraient commencer en octobre 2016, il a dit qu’il était temps de …décider. Et quelle décision ? De ne rien décider et d’organiser un référendum local. On serait tenter de croire que c’est un moyen coquet pour éviter toute prise de responsabilité. Mais qui votera ? Après tout, si l’aéroport propose des lignes Nantes-Paris, ne serait-il pas normal que les Parisiens participent eux aussi à la "votation" ?! Le choix de l’aire territoriale dont la population donnera son avis sera la clef évidemment du résultat du scrutin qui, de toute façon, ne sera que consultatif : plus la zone est élargie, plus l’approbation paraîtra évidente…

Parlant très brièvement de politique étrangère, et surtout de la situation en Syrie où la Russie aide très activement et très militairement Bachar El-Assad, François Hollande est resté sur une position intenable de souhait d’élections démocratiques dans un pays où l’opposition démocratique est quasi-inexistante.

Tant d’intelligence pour de si petits résultats, c’est la pensée qu’on pourrait avoir après avoir écouté le Président de la République… à moins que le seul résultat qui compterait soit finalement à ses yeux, et malgré ses dénégations, ce qui l’a obsédé depuis le début de sa carrière politique en 1988, à savoir l’élection présidentielle.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 février 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le remaniement ministériel du 11 février 2016 (liste complète du 2e gouvernement Valls).
La déchéance de la République française.
Le livret citoyen.
François Hollande, le grand calculateur.
François Hollande et le grand méchant loup.
François Hollande et le manque d’ambition.
François Hollande et Angela Merkel.

_yartiFH2016021106


http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160211-hollande.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/francois-hollande-grand-177550

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2016/02/12/33358034.html


 

Partager cet article
Repost0
11 février 2016 4 11 /02 /février /2016 16:44

L'annonce du remaniement ministériel a été annoncée par un communiqué publié le jeudi 11 février 2016 vers 16 heures 45.

Quittent le gouvernement : Laurent Fabius, Fleur Pellerin, Sylvia Pinel et Marylise Lebranchu.

Manuel Valls, Premier Ministre.

Jean-Marc Ayrault, Ministre des Affaires étrangères et du Développement international.
Ségolène Royal, Ministre de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, chargée des relations internationales sur le climat.
Najat Vallaud-Belkacem, Ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Michel Sapin, Ministre des Finances et des Comptes publics.
Marisol Touraine, Ministre des Affaires sociales et de la Santé.
Jean-Yves Le Drian, Ministre de la Défense.
Jean-Jacques Urvoas, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice.
Myriam El Khomri, Ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social.
Jean-Michel Baylet, Ministre de l’Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités territoriales.
Bernard Cazeneuve, Ministre de l’Intérieur.
Stéphane Le Foll, Ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, Porte-parole du Gouvernement.
Emmanuelle Cosse, Ministre du Logement et de l’Habitat durable.
Emmanuel Macron, Ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique.
Audrey Azoulay, Ministre de la Culture et de la Communication.
Laurence Rossignol, Ministre de la Famille, de l’Enfance et des Droits des femmes.
Annick Girardin, Ministre de la Fonction publique.
Patrick Kanner, Ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports.
George Pau-Langevin, Ministre des Outre-mer.

Jean-Marie Le Guen, Secrétaire d’État auprès du Premier Ministre, chargé des Relations avec le Parlement.
Ericka Bareigts, Secrétaire d’État auprès du Premier Ministre, chargée de l’Égalité réelle.
Jean-Vincent Placé, Secrétaire d’État auprès du Premier Ministre, chargé de la Réforme de l’État et de la Simplification.
Juliette Méadel, Secrétaire d’État auprès du Premier Ministre, chargée de l’Aide aux victimes.
Harlem Désir, Secrétaire d’État auprès du Ministre des Affaires étrangères et du Développement international, chargé des Affaires européennes.
Matthias Fekl, Secrétaire d’État auprès du Ministre des Affaires étrangères et du Développement international, chargé du Commerce extérieur, de la Promotion du tourisme et des Français de l’étranger.
André Vallini, Secrétaire d’État auprès du Ministre des Affaires étrangères et du Développement international, chargé du Développement et de la Francophonie.
Alain Vidalies, Secrétaire d’État auprès de la Ministre de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, chargée des Relations internationales sur le climat, chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche.
Barbara Pompili, Secrétaire d’État auprès de la Ministre de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, chargée des Relations internationales sur le climat, chargée de la Biodiversité.
Thierry Mandon, Secrétaire d’État auprès de la Ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Christian Eckert, Secrétaire d’État auprès du Ministre des Finances et des Comptes publics, chargé du Budget.
Ségolène Neuville, Secrétaire d’État auprès de la Ministre des Affaires sociales et de la Santé, chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l’exclusion.
Pascale Boistard, Secrétaire d’État auprès de la Ministre des Affaires sociales et de la Santé, chargée des Personnes âgées et de l’Autonomie.
Jean-Marc Todeschini, Secrétaire d’État auprès du Ministre de la Défense, chargé des Anciens combattants et de la Mémoire.
Clotilde Valter, Secrétaire d’État auprès de la Ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, chargée de la Formation professionnelle et de l’Apprentissage.
Estelle Grelier, Secrétaire d’État auprès du Ministre de l’Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités territoriales, chargée des Collectivités territoriales.
Martine Pinville, Secrétaire d’État auprès du Ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, chargée du Commerce, de l’Artisanat, de la Consommation et de l’Économie sociale et solidaire.
Axelle Lemaire, Secrétaire d’État auprès du Ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, chargée du Numérique.
Hélène Geoffroy, Secrétaire d’État auprès du Ministre de Ville, de la Jeunesse et des Sports, chargée de la Ville.
Thierry Braillard, Secrétaire d’État auprès du Ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, chargé des Sports.

Sur le remaniement ministériel, lire ceci :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160211-hollande.html

SR (11 février 2016)


 

Partager cet article
Repost0
11 février 2016 4 11 /02 /février /2016 06:53

« Laurent Fabius dessine son personnage avec une gomme. » (Jean-Claude Gaudin).


_yartiFabius2016A01

Cela a été officiellement annoncé ce mercredi 10 février 2016, le Président de la République François Hollande a nommé son Ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius au prestigieux poste de Président du Conseil Constitutionnel pour succéder à Jean-Louis Debré nommé le 23 février 2007 par le Président Jacques Chirac. Maître des requêtes au Conseil d’État et père d’un entrepreneur très recherché (par la justice américaine), Laurent Fabius, qui fut ministre déjà en mai 1981 (il y a presque trente-cinq ans !) aura alors 78 ans à la fin de son nouveau mandat assimilable à un placard doré (il va avoir 70 ans le 20 août prochain).

_yartiFabius2016A06

Si Laurent Fabius est évidemment qualifié en compétence et expérience pour occuper un poste si important dans l’édifice institutionnel, je reste toujours étonné qu’on considère le Conseil Constitutionnel comme une sorte de maison de retraite dorée pour potentats méritants. Laurent Fabius, qui a dû renoncer à ses prétentions présidentielles en 1995 en raison du scandale du sang contaminé, n’a jamais refait surface dans le désir de l’électorat pour concourir à l’élection présidentielle après sa médiocre tentative face à Ségolène Royal et Dominique Stauss-Kahn en 2006. Georges Frêche, qui avait créé la polémique avec un mauvais procès en antisémitisme, avait même remarqué, le 28 janvier 2010 : « Voter pour ce mec en Haute-Normandie me poserait un problème, il a une tronche pas catholique ! » ("L’Express").

Et cela d’autant plus qu’avec la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) (voulue par Nicolas Sarkozy), le Conseil Constitutionnel est devenu une instance particulièrement active et cruciale dans la sauvegarde des libertés fondamentales. Il faudrait donc y nommer des personnalités qui ont à la fois une compétence de juristes incontestables et une compétence de défense des droits humains et des libertés fondamentales reconnue.

_yartiFabius2016A04

Or, la plupart du temps, et malgré toute l’estime que je peux avoir pour les membres nommés (en particulier pour Jacques Barrot mort le 3 décembre 2014), le Conseil Constitutionnel est devenu pratiquement un mouroir aussi en vue que l’Académie française, voire, désormais, un cimetière des éléphants du PS puisque le 9 décembre 2014, le Président de l’Assemblée Nationale Claude Bartolone avait nommé un autre éléphant du PS, l’ancien Premier Ministre Lionel Jospin (78 ans), à la succession de Jacques Barrot.

Lionel Jospin et Laurent Fabius membres du Conseil Constitutionnel, c’est sans doute la dernière ironie de l’histoire entre ces deux rivaux qui n’ont jamais cessé de se chamailler depuis la première élection de François Mitterrand à la Présidence de la République. Les deux héritiers du mitterrandisme cynique.

_yartiFabius2016A03

Rappelons par exemple ce que disait Lionel Jospin de son futur collègue de la rue de Montpensier : « Je me suis toujours interdit d’appeler François Mitterrand au secours. Je trouve déplorable cet infantilisme qui consiste à se réfugier derrière lui en permanence. Avoir comme seul argument : "Mitterrand me préfère", c’est dérisoire, et ça montre la grandeur d’une ambition. Le parti vaut mieux que ces attitudes de caniche. » ("Le Canard enchaîné", le 31 janvier 1990). On se souvient que lors d’un débat télévisé face à Laurent Fabius, le 27 octobre 1985 sur TF1, Jacques Chirac l’avait déjà traité de …"roquet" parce qu’il s’énervait un peu trop rapidement.

Certes, au centre et à droite, on pourrait aussi rappeler la cohabitation cocasse des deux anciens Présidents de la République, Valéry Giscard d’Estaing (90 ans) et Jacques Chirac (83 ans), qui furent, eux aussi, des rivaux pendant une vingtaine d’années (entre 1976 et 1995) mais au moins, ils n’y ont pas été nommés et n’y sont que parce qu’il en sont membres de droit en tant qu’anciens Présidents de la République (disposition qui peut être discutable mais que je considère cohérente dès lors que l’une des fonctions les plus importantes d’un Président de la République est de défendre et protéger la Constitution).

_yartiFabius2016A08

Nicolas Sarkozy (rival bien connu de Jacques Chirac entre 1995 et 2007) en est aussi membre de droit mais a décidé de ne plus y siéger le 4 juillet 2013 parce qu’il a repris de l’activité politique (et judiciaire : « afin de retrouver sa liberté de parole »). Jacques Chirac non plus n’y siège plus depuis le 6 mars 2011, mais pour des raisons de santé (et en raison de sa situation judiciaire). Quant à Valéry Giscard d'Estaing, bien qu'ancien Président de la République depuis le 21 mai 1981, il ne siège au Conseil Constitutionnel que depuis le 2 avril 2004 en raison des nombreux mandats électifs qu'il a obtenus durant cette période de vingt-deux ans entre mars 1982 et mars 2004.

_yartiFabius2016A05

Après le Palais-Bourbon (le 19 mars 1978 à 31 ans), la Rue de Rivoli puis Bercy (le 22 mai 1981 à 34 ans, puis le 28 mars 2000, à 53 ans), Matignon (le 17 juillet 1984 à 37 ans), le perchoir et l’Hôtel de Lassay (le 23 juin 1988 à 41 ans, puis le 12 juin 1997, à 50 ans), le PS de la rue de Solferino (le 9 janvier 1992, à 45 ans), le Quai d’Orsay (le 16 mai 2012 à 65 ans), Président de la COP21 (le 30 novembre 2015, à 69 ans), le voici donc maintenant, l’ancien jeune ambitieux, à la tête de l’Aile Montpensier du Palais-Royal à 69 ans.

_yartiFabius2016A02

Avec l’assurance qu’il n’ira jamais à l’Élysée. Et tant mieux, car, comme le disait le général Marcel Bigeard, mort un 18 juin et né il y a exactement 100 ans le 14 février prochain : « On meurt pour De Gaulle, pas pour Fabius ! » ("L’Événement du jeudi", le 21 février 1985).


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (11 février 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Christiane Taubira au Conseil Constitutionnel ?
Où sont les femmes ?
Le roi de la COP21.
Les vacances de monsieur Fabius.
Débat Fabius vs Sarkozy (6 mars 2012).
Fabius candidat à la primaire de 2011 ?

_yartiFabius2016A07


http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160210-fabius.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/fabius-et-le-cimetiere-des-177522

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2016/02/11/33354987.html


 

Partager cet article
Repost0
18 novembre 2015 3 18 /11 /novembre /2015 00:57

(verbatim)

Discours de François Hollande le 16 novembre 2015 au Congrès de Versailles


Présidence de M. Claude Bartolone
M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures dix.)

1
Constitution du Parlement en Congrès

M. le président. Le Parlement est réuni en Congrès, conformément au décret du Président de la République publié au Journal officiel du 15 novembre 2015.

2
Déclaration de M. le Président de la République

M. le président. L’ordre du jour appelle, en application de l’article 18, alinéa 2, de la Constitution, la déclaration de M. le Président de la République. Cette déclaration sera suivie d’un débat.

Mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui en Congrès, députés et sénateurs, représentants de la nation et du peuple français, pour écouter le Président de la République, dans un moment important de notre histoire.

Vendredi 13 novembre 2015, la France a été frappée au cœur. Les images de cette nuit sanglante resteront à jamais gravées dans notre mémoire collective. Au XXIe siècle, on n’a pas le droit de mourir simplement parce qu’on a décidé de sortir, de s’amuser, de rire, de vivre.

En s’attaquant sauvagement à des femmes, à des hommes, à des jeunes, dans des lieux de culture, de sport et de fête, ce que les terroristes ont voulu tuer, c’est notre art de vivre. Ce qu’ils ne supportent pas, c’est notre volonté de faire société commune – avec nos différences, bien sûr – dans le cadre des valeurs de la République.

En portant ces coups, les terroristes ont voulu semer la peur et la division : tout ce qu’ils récoltent, c’est une République forte et une France unie. L’union nationale, nous la devons aux victimes et à leurs familles, dont nous partageons les souffrances et la peine.

Nous la devons aux forces de l’ordre, aux sauveteurs, aux personnels soignants qui ont fait preuve d’un courage et d’un dévouement extraordinaires. Nous la devons à tous ceux qui, aux quatre coins du monde, ont aussi été touchés par le terrorisme ou se sont associés à notre douleur.

Réunis en Congrès à Versailles, nous, représentants de la nation, affirmons, au nom du peuple français, que chaque larme, chaque goutte de sang versées viendront renforcer notre résistance à l’obscurantisme et notre détermination à assurer la sécurité de nos compatriotes, à défendre notre pays et à promouvoir les valeurs républicaines.

J’invite maintenant Mmes et MM. les membres du Congrès à accueillir M. le Président de la République.

(M. le Président de la République entre dans la salle du Congrès - Mmes et MM. les membres du Congrès et les membres du Gouvernement se lèvent).

Monsieur le Président de la République, avant de vous donner la parole, j’invite le Congrès à observer une minute de silence. (Mmes et MM. les membres du Congrès et les membres du Gouvernement observent une minute de silence).

Je vous remercie.

Monsieur le Président de la République, vous avez la parole.

M. François Hollande, Président de la République. Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mesdames, messieurs les parlementaires, la France est en guerre.

Les actes commis vendredi soir à Paris et près du Stade de France sont des actes de guerre. Ils ont fait au moins 129 morts et de nombreux blessés. Ils constituent une agression contre notre pays, contre ses valeurs, contre sa jeunesse, contre son mode de vie. Ils sont le fait d’une armée djihadiste, le groupe Daech, qui nous combat parce que la France est un pays de libertés, parce que nous sommes la patrie des droits de l’homme.

Dans cette période d’une exceptionnelle gravité, j’ai tenu à m’exprimer devant le Parlement réuni en Congrès pour marquer l’unité nationale face à une telle abomination et répondre avec la détermination froide qui convient à l’attaque ignoble dont notre pays a été la cible.

Notre démocratie a triomphé d’adversaires bien plus redoutables en vérité que ces lâches assassins. Notre République n’est pas à la portée de méprisables tueurs. Ma volonté, c’est de mettre toute la puissance de l’État au service de la protection de nos concitoyens. Je sais pouvoir compter sur le dévouement des policiers, des gendarmes, des militaires, de vous-mêmes, représentants de la nation. Vous connaissez le sens du devoir, et lorsque les circonstances l’exigent, l’esprit de sacrifice.

Les terroristes croient que les peuples libres se laisseraient impressionner par l’horreur. Il n’en est rien. La République française a surmonté bien d’autres épreuves et elle est toujours là, bien vivante. Ceux qui ont entendu la défier ont toujours été les perdants de l’Histoire. Il en sera de même cette fois-ci encore.

Le peuple français est un peuple ardent, vaillant, courageux, qui ne se résigne pas et qui se met debout chaque fois qu’un de ses enfants est à terre. Ceux qui ont voulu le meurtrir en frappant délibérément des innocents sont des lâches qui ont tiré sur une foule désarmée, si bien que nous ne sommes pas engagés dans une guerre de civilisation, parce que ces assassins n’en représentent aucune : nous sommes dans une guerre contre le terrorisme djihadiste, qui menace le monde entier et pas seulement la France.

Dans cette guerre, qui a commencé il y a déjà plusieurs années, nous avons bien conscience les uns et les autres qu’il faudra du temps et que la patience est aussi exigeante que la dureté avec laquelle nous devons combattre.

L’ennemi use des moyens les plus vils pour essayer de tuer, mais il n’est pas insaisissable. Je serai même plus précis encore, il n’est pas hors d’atteinte. Donc, dans cette période si difficile, si lourde, où nos concitoyens ont ressenti l’effroi, ils doivent garder leur sang-froid. J’appelle une nouvelle fois tous nos compatriotes à faire preuve de ces vertus qui font l’honneur de notre pays, la persévérance, l’unité, la lucidité, la dignité.

Aujourd’hui, notre pays est en deuil. Nous pensons à ces innocents qui sont morts fauchés par les armes de tueurs dans les rues de Paris et de la banlieue. Nous pensons à leurs familles, qui connaissent la peine la plus inconsolable. Nous pensons à ces centaines de jeunes, jeunes filles, jeunes garçons, qui ont été touchés, blessés, traumatisés par cette terrible attaque. Certains, au moment où je parle devant vous, luttent encore pour leur vie.

Je salue l’action des services de secours et de soins, qui se sont mobilisés depuis vendredi. Notre système de santé s’était préparé à une telle situation d’urgence et, une fois encore, il a fait face pour accomplir parfaitement sa mission.

Je veux également rendre hommage aux forces de l’ordre, pleinement engagées pour assurer la sécurité des Français, comme, une fois encore, en a témoigné le courage de ces policiers qui, au moment de donner l’assaut pour libérer les otages du Bataclan, condamnés à une mort certaine sans leur intervention, ont fait montre de toute leur détermination et de toute leur capacité à se dépasser.

Vendredi, c’est la France tout entière qui était la cible des terroristes, la France qui aime la vie, la culture, le sport, la fête, la France sans distinction de couleur, d’origine, de parcours, de religion.

La France que les assassins voulaient tuer, c’était la jeunesse dans toute sa diversité. La plupart des morts n’avaient pas 30 ans Ils s’appelaient Mathias, Quentin, Nick, Nohemi, Djamila, Hélène, Élodie, Valentin, et j’en oublie tellement d’autres. Quel était leur seul crime ? C’était d’être vivants.

Ce qui a été visé par les terroristes, c’était la France ouverte au monde. Plusieurs dizaines d’amis étrangers font partie des victimes, représentant dix-neuf nationalités.

Depuis vendredi soir, je reçois des messages de solidarité de chefs d’État et de gouvernement de toute la planète. Partout, les trois couleurs du drapeau français ont habillé les sites les plus célèbres, rappelant ainsi que la France est toujours une lumière pour l’humanité et que quand elle est atteinte, c’est le monde qui se retrouve un temps dans la pénombre.

Les actes de guerre de vendredi ont été décidés, planifiés en Syrie. Ils ont été organisés en Belgique, perpétrés sur notre sol avec des complicités françaises. Ces attentats poursuivent un objectif bien précis : semer la peur pour nous diviser ici et faire pression pour nous empêcher là-bas, au Moyen-Orient, de lutter contre le terrorisme.

Nous faisons face à une organisation, Daech, disposant d’une assise territoriale, de ressources financières et de capacités militaires. Depuis le début de l’année, cette organisation a notamment frappé à Paris, au Danemark, en Tunisie, en Égypte, au Liban, au Koweït, en Arabie Saoudite, en Turquie, en Libye. Elle massacre chaque jour et opprime des populations. C’est la raison pour laquelle la nécessité de détruire Daech est un sujet qui concerne toute la communauté internationale.

J’ai donc demandé au Conseil de sécurité de se réunir dans les meilleurs délais pour adopter une résolution marquant cette volonté commune de lutter contre le terrorisme.

D’ici là, la France intensifiera ses opérations en Syrie. Hier soir, j’ai donné l’ordre à dix chasseurs-bombardiers français de larguer leurs bombes sur le fief de Daech à Raqqa. Ils ont détruit un centre de commandement et un camp d’entraînement. J’adresse toutes mes félicitations aux pilotes français, qui ont réussi cette mission. Je remercie également nos alliés américains, qui ont utilement prêté leur concours à cette opération. Je l’annonce ici devant le Congrès, nous poursuivrons ces frappes au cours des semaines à venir. Le porte-avions Charles-de-Gaulle appareillera jeudi pour se rendre en Méditerranée orientale, ce qui triplera nos capacités d’action. Il n’y aura aucun répit, aucune trêve.

Les commanditaires des attentats de Paris doivent savoir que leurs crimes, loin de faire vaciller la résolution de la France, renforcent encore notre détermination à les détruire. Le terrorisme, nous le combattons partout, là où des États sont menacés pour leur survie même. C’est ce qui a justifié la décision que j’avais prise d’intervenir au Mali. C’est ce qui justifie encore en ce moment même la présence de nos militaires au Sahel, là où Boko Haram massacre, enlève, viole, tue.

Le terrorisme, nous le combattons en Irak pour permettre aux autorités de ce pays de restaurer leur souveraineté sur l’ensemble du territoire. En Syrie, nous cherchons résolument, inlassablement, une solution politique. Bachar Al-Assad ne peut constituer l’issue, mais notre ennemi en Syrie, c’est Daech.

Il s’agit donc non pas de contenir, mais de détruire cette organisation, à la fois pour sauver des populations – celles de Syrie, celles d’Irak, et je pourrais ajouter celles du Liban, de Jordanie, de Turquie, de tous les pays voisins – et pour nous protéger, afin d’éviter que des combattants étrangers ne viennent, comme ce fut le cas vendredi, mener sur notre territoire des actes terroristes.

Mais il faut faire davantage. La Syrie est devenue la plus grande fabrique de terroristes que le monde ait connue, et la communauté internationale, j’en ai fait plusieurs fois le constat, est divisée et incohérente.

La France a demandé dès le début du conflit l’émergence de cette unité si nécessaire pour agir. Aujourd’hui, il faut plus de frappes – nous en faisons – plus de soutien à tous ceux qui se battent contre Daech – nous apportons le nôtre, nous, la France – mais aussi un rassemblement de tous ceux qui peuvent réellement lutter contre cette armée terroriste, dans le cadre d’une grande et unique coalition – c’est ce à quoi nous travaillons.

C’est dans cet esprit que je rencontrerai dans les prochains jours le Président Obama et le Président Poutine, pour unir nos forces et atteindre un résultat qui, pour l’instant, est encore trop lointain.

La France parle à tous, à l’Iran, à la Turquie, aux pays du Golfe. Les attentats de Paris se sont produits au moment même où se tenait à Vienne, avec ces pays, une réunion pour chercher une solution politique en Syrie.

Chacun est désormais face à ses responsabilités : les pays voisins, les puissances, mais aussi l’Europe. J’ai demandé au ministre de la défense de saisir dès demain ses homologues européens au titre du 7. de l’article 42 du traité de l’Union, qui prévoit que lorsqu’un État est agressé, tous les États membres doivent faire preuve de solidarité. Car l’ennemi n’est pas un ennemi de la France : c’est un ennemi de l’Europe, et l’Europe ne peut pas vivre avec l’idée que les crises qui l’entourent n’ont pas d’effet sur elle.

La question des réfugiés est d’ailleurs directement liée à la guerre en Syrie et en Irak. Les habitants de ces pays, notamment ceux des territoires contrôlés par Daech, sont martyrisés, et fuient. Ils sont les victimes de ce même système terroriste. Voilà pourquoi il est vital que l’Europe accueille dans la dignité ceux qui relèvent du droit d’asile mais renvoie dans leurs pays ceux qui n’en relèvent pas, ce qui exige, ce qui n’est pas le cas encore aujourd’hui, une protection effective des frontières extérieures.

La France y travaille, elle a été la première à mettre en garde. La France, avec l’Allemagne aujourd’hui, fait en sorte que les pays qui sont confrontés à l’afflux des réfugiés puissent être aidés – et les premiers à devoir l’être sont les pays de la région, Turquie, Jordanie, Liban. Si l’Europe ne contrôle pas ses frontières extérieures, ce sera alors, et nous le voyons aujourd’hui sous nos yeux, le retour aux frontières nationales, quand ce ne seront pas les murs, les barbelés qui sont annoncés. Ce sera alors la déconstruction de l’Union européenne.

Il est également impératif que les demandes que la France a exprimées depuis longtemps trouvent en Europe une traduction rapide. Je pense à la lutte contre le trafic d’armes, à la mise en place de contrôles coordonnés et systématiques aux frontières et à l’approbation avant la fin de l’année 2015 de ce qu’on appelle le PNR européen – Passenger Name Record –, pour assurer la traçabilité du retour des djihadistes et les interpeller. Voilà les exigences que portera la France, une nouvelle fois, par la voix du ministre de l’intérieur, à la réunion qui se tiendra, à notre demande, dès vendredi.

Face aux actes de guerre qui ont été commis sur notre sol et qui viennent après les attentats des 7, 8 et 9 janvier et tant d’autres crimes commis ces dernières années au nom de cette même idéologie djihadiste, nous devons être impitoyables. Nous le savons, et il est cruel que d’avoir à le dire, ce sont des Français qui, vendredi, ont tué d’autres Français. Vivent sur notre sol des individus qui, de la délinquance passent à la radicalisation puis à la criminalité terroriste. Parfois, ils sont allés combattre en Syrie ou en Irak. Parfois, ils forment des réseaux qui s’entraînent en fonction des circonstances ou qui s’entraident pour mener, à un moment que leurs commanditaires ont choisi, des actes terroristes. Nous en avons déjoué plusieurs ces derniers mois et nous savons maintenant, que dis-je, depuis plusieurs mois hélas, ce qu’est cet engrenage, ce qu’est cette organisation, ce qu’est cette préparation.

Nous devons donc nous défendre, à la fois dans l’urgence et dans la durée. Il y va de la protection de nos concitoyens et de notre capacité à vivre ensemble. Dans la nuit de vendredi, lorsque le terrible bilan des fusillades a été connu, j’ai réuni le conseil des ministres, j’ai ordonné le rétablissement immédiat des contrôles aux frontières et j’ai proclamé l’état d’urgence, sur proposition du Premier ministre. Il est désormais effectif sur tout le territoire. Et j’ai élargi la possibilité de procéder à des perquisitions administratives dans tous les départements métropolitains. Il y a eu cette nuit plus de 104 assignations à résidence et 168 perquisitions, et il y en aura d’autres.

Cependant, avec les actes de guerre du 13 novembre, l’ennemi a franchi une nouvelle étape. La démocratie a la capacité de réagir. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen affirme dans son article 2 que la sûreté et la résistance à l’oppression sont des droits fondamentaux. Il nous appartient donc de les exercer. Conformément à ces principes, nous allons donner les moyens de garantir, encore une fois, la sécurité de nos concitoyens. J’ai décidé que le Parlement serait saisi dès mercredi d’un projet de loi prorogeant l’état d’urgence pour trois mois et adaptant son contenu à l’évolution des technologies et des menaces.

En effet, la loi du 3 avril 1955 qui régit l’état d’urgence ne pouvait anticiper l’état actuel des technologies ni des menaces auxquelles nous faisons face aujourd’hui. Elle comporte toutefois deux mesures exceptionnelles, l’assignation à résidence et les perquisitions administratives, utiles pour prévenir la commission de nouveaux actes terroristes. Je veux leur donner immédiatement toute leur portée et les consolider. Le Premier ministre proposera donc au Parlement d’adopter un régime juridique complet pour chacune de ces dispositions. Mesdames, messieurs les parlementaires, je vous invite à les voter d’ici à la fin de la semaine.

Mais nous devons aller au-delà de l’urgence. J’estime en conscience, et j’ai beaucoup réfléchi à cette question, que nous devons faire évoluer notre Constitution, afin qu’il soit possible aux pouvoirs publics d’agir contre le terrorisme de guerre, en conformité avec les principes de l’État de droit.

Aujourd’hui, notre loi fondamentale comporte deux régimes particuliers, qui ne sont pas adaptés à la situation à laquelle nous sommes confrontés. Le premier est celui prévu par l’article 16 de la Constitution : dans le cas où le fonctionnement régulier des pouvoirs publics est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par les circonstances en dérogeant à la répartition des compétences constitutionnelles. Le second, celui prévu par l’article 36 de la Constitution, lequel porte sur l’état de siège, n’est pas non plus approprié. L’état de siège est décrété en cas de péril imminent, résultant d’une guerre étrangère ou d’une insurrection à main armée. Dans ce cas, différentes compétences sont transférées de l’autorité civile à l’autorité militaire.

Chacun voit ici qu’aucun de ces deux régimes n’est adapté à la situation actuelle. Le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, et nous le prouvons aujourd’hui, n’est pas interrompu. Et il n’est pas concevable de transférer des pouvoirs à l’autorité militaire. Et pourtant nous sommes en guerre. Mais cette guerre d’un autre type, face à un adversaire nouveau, appelle un régime constitutionnel permettant de gérer l’état de crise. C’est ce qu’avait proposé en 2007 le comité chargé de réfléchir à la modernisation de nos institutions, présidé par Édouard Balladur. Il suggérait de modifier l’article 36 de notre texte fondamental pour y faire figurer l’état de siège ainsi que l’état d’urgence. Sa proposition renvoyait à une loi organique le soin de préciser les conditions d’utilisation de ces régimes.

Je considère que cette orientation doit être reprise. Il s’agit de disposer d’un outil approprié afin que des mesures exceptionnelles puissent être prises pour une certaine durée sans recourir à l’état d’urgence ni compromettre l’exercice des libertés publiques. Cette révision de la Constitution doit s’accompagner d’autres mesures. Ainsi, si la déchéance de nationalité ne doit pas avoir pour résultat de rendre quelqu’un apatride, nous devons pouvoir déchoir de sa nationalité française un individu condamné pour une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou un acte terroriste, même s’il est né Français – je dis bien même s’il est né Français –, dès lors qu’il possède une autre nationalité.

De même, nous devons pouvoir interdire à un binational de revenir sur notre territoire, s’il présente un risque terroriste, sauf à ce qu’il se soumette, comme l’imposent d’ailleurs nos amis britanniques, à un dispositif de contrôle draconien. Nous devons pouvoir expulser plus rapidement les étrangers qui représentent une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public et la sécurité de la nation. Mais nous devons le faire dans le respect de nos engagements internationaux.

Je sais que d’autres propositions ont été formulées, pour accroître la surveillance de certains individus, fichés notamment. Le Gouvernement, dans un esprit d’unité nationale, va saisir pour avis le Conseil d’État afin de vérifier la conformité de ces propositions à nos règles fondamentales et à nos engagements internationaux. Cet avis sera rendu public et j’en tirerai toutes les conséquences.

Réfléchissons bien à cette décision. Notre constitution est notre pacte collectif ; elle unit tous les citoyens ; elle est la règle commune ; elle énonce des principes ; elle est précédée d’un préambule, qui témoigne de ce que la France est un pays de droit. La Constitution, c’est la charte commune, c’est le contrat qui unit tous les citoyens d’un même pays.

Dès lors que la Constitution est ce pacte collectif indispensable pour vivre ensemble, il est légitime qu’elle comporte les réponses pour lutter contre ceux qui voudraient y porter atteinte. C’est de la même manière que sont voués à la dissolution les associations ou les groupements de fait qui provoquent à la haine ou incitent à la commission d’actes terroristes.

Mesdames, messieurs les parlementaires, je vous demande de réfléchir à la décision que j’ai prise et je demande au Premier ministre de préparer cette révision avec vous, afin qu’elle puisse être adoptée dans les meilleurs délais. Car nous allons prolonger, vous allez proroger l’état d’urgence au-delà de douze jours – pour trois mois – mais après l’état d’urgence, nous devrons être pleinement dans un État de droit pour lutter contre le terrorisme.

Puisque la menace va peser durablement et que la lutte contre Daech va nous mobiliser encore longtemps sur le front extérieur comme sur le terrain intérieur, j’ai également décidé de renforcer substantiellement les moyens dont disposent la justice et les forces de sécurité. D’abord, les services d’enquête et les magistrats antiterroristes doivent pouvoir recourir, dans le cadre de la procédure judiciaire, à tout l’éventail des techniques de renseignement qu’offrent les nouvelles technologies, et dont la nouvelle loi sur le renseignement a autorisé l’utilisation dans un cadre administratif. La procédure pénale doit également prendre en compte, de la manière la plus étroite possible, la spécificité de la menace terroriste.

Ensuite, les magistrats doivent avoir plus largement accès aux moyens d’enquête les plus sophistiqués pour lutter notamment contre les trafics d’armes, car ce sont avec les armes du banditisme que les actes terroristes sont commis. Les peines seront significativement alourdies.

Enfin, face à la violence du terrorisme, la question de la légitime défense des policiers, des conditions dans lesquelles ils peuvent faire usage de leurs armes devra être traitée, toujours dans le cadre de l’État de droit.

Ces différents sujets constitueront la matière d’un important chantier législatif que je demande au Premier ministre de conduire et d’engager sans délai avec les ministres concernés, la garde des sceaux et le ministre de l’intérieur, de manière à ne perdre aucune minute dans l’action engagée. Ces dispositifs compléteront toutes les mesures qui ont été adoptées depuis 2012 : deux lois antiterroristes, une loi sur le renseignement, un renforcement considérable des moyens.

Mais j’ai également conscience qu’il nous faut augmenter encore les moyens, parce que nous ne pouvons pas être en guerre aujourd’hui avec les moyens prévus dans les lois de programmation militaire d’il y a quelques années ou d’autres textes conçus pour assurer la sécurité de nos concitoyens. C’est pourquoi 5 000 emplois supplémentaires de policiers et de gendarmes seront créés d’ici à deux ans, ce qui portera le total des créations d’emplois de sécurité à 10 000 sur le quinquennat. Cet effort, qui est considérable, et qu’assume le Gouvernement, dans le contexte budgétaire que chacun connaît, permettra simplement de restaurer le potentiel des forces de sécurité intérieure à son niveau de 2007.

Ces créations de postes bénéficieront aux services de lutte contre le terrorisme, de la police aux frontières et, plus généralement, à la sécurisation générale du pays. Elles s’accompagneront des moyens d’équipement et d’investissement nécessaires à l’accomplissement des missions. De même, le ministère de la justice disposera de 2 500 postes supplémentaires pour l’administration pénitentiaire, pour les services judiciaires. Et je n’oublie pas l’administration des douanes qui devra elle aussi être renforcée, de 1 000 postes, afin d’assurer le contrôle aux frontières, dès lors qu’il y sera recouru.

Quant à nos armées, elles sont de plus en plus sollicitées par les opérations extérieures, que nous allons poursuivre, et par la sécurité de nos compatriotes. J’ai donc décidé qu’il n’y aurait aucune diminution d’effectifs dans la défense jusqu’en 2019. Cette réorganisation de nos armées se fera au bénéfice des unités opérationnelles, de la cyberdéfense et du renseignement. Le Gouvernement me présentera sans attendre une planification nouvelle de l’évolution des effectifs de défense jusqu’en 2019. Je souhaite également que l’on tire mieux parti des possibilités des réserves de la défense, encore insuffisamment exploitées dans notre pays, alors qu’elles constituent un gisement. Les réservistes sont un élément fort du lien entre l’armée et la nation. Ils constituent les éléments qui peuvent, demain, former une garde nationale encadrée et disponible.

Toutes ces décisions budgétaires seront prises dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016 en ce moment même en discussion. Elles se traduiront nécessairement, et je l’assume devant vous, par un surcroît de dépenses. Mais dans de telles circonstances, je considère que le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité.

Mesdames, messieurs les parlementaires, le visage des morts, celui des blessés, celui des familles, ne quitte pas mon esprit. Ce souvenir nourrit une résolution sans faille qui, je le sais, est également la vôtre.

Dans ma détermination à combattre le terrorisme, je veux que la France puisse rester elle-même. Les barbares qui l’attaquent voudraient la défigurer. Ils ne parviendront pas à la faire changer de visage. Jamais ils ne doivent réussir à abîmer l’âme française. Jamais ils ne nous empêcheront de vivre comme nous en avons décidé, de vivre pleinement, de vivre librement. Nous devons en faire la démonstration avec sang-froid – je pense à la jeunesse, à celle qui se sent blessée, à travers toutes ces victimes, et qui s’interroge sur sa capacité à vivre dans un État de droit. Nous devons continuer à travailler, continuer à sortir, continuer à vivre, continuer à influencer le monde.

C’est pourquoi le grand événement international que va être la Conférence sur le climat sera non seulement maintenu, mais un moment d’espérance et de solidarité. Espérance parce qu’il s’agit tout simplement de l’avenir de la planète. Solidarité parce qu’il y aura là sans doute plus de cent chefs d’État ou de gouvernement, venus pour négocier un accord durable, un accord contraignant, un accord différencié, pour que nous puissions vivre, pour que nos enfants et petits-enfants puissent conserver la planète qu’ils auront reçue en héritage, mais venus aussi dire à la France, pays de liberté, combien le monde entier est solidaire, combien le monde entier doit également se mobiliser pour lutter contre le terrorisme.

De la même manière, les rythmes de notre démocratie ne sont pas soumis au chantage des terroristes. Les élections régionales se dérouleront aux dates prévues et la vie politique elle-même doit retrouver ses droits. C’est notre devoir.

Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, mesdames, messieurs les parlementaires, vous qui représentez la nation tout entière, dans toutes ses sensibilités, dans toute sa diversité mais aussi dans son unité, vous êtes les représentants d’un peuple libre, invincible quand il est uni et rassemblé. C’est notre bien le plus précieux et nous devons éviter surenchères et dérives. C’est aussi notre devoir de républicains. C’est en renonçant aux combats que la République devait mener qu’elle a pu s’éloigner d’elle-même dans certaines circonstances. Nous devons veiller qu’il n’en soit pas ainsi aujourd’hui.

La République, nous voulons l’investir de toute la force qu’appelle ce contexte nouveau de guerre pour lui permettre d’éradiquer, dans le respect de nos valeurs, le terrorisme, et sans rien perdre de ce que garantit l’État de droit.

Nous éradiquerons le terrorisme parce que les Français veulent continuer à vivre ensemble sans rien craindre de leurs semblables.

Nous éradiquerons le terrorisme parce que nous sommes attachés à la liberté et au rayonnement de la France dans le monde.

Nous éradiquerons le terrorisme pour que la circulation des personnes, le brassage des cultures demeurent possibles, et que la civilisation humaine s’en trouve enrichie.

Nous éradiquerons le terrorisme pour que la France continue à montrer le chemin.

Le terrorisme ne détruira pas la République car c’est la République qui le détruira. Vive la République et vive la France. (Mmes et MM. les membres du Congrès et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent vivement, puis ils entonnent La Marseillaise.)

Suspension et reprise de la séance
M. le président. Je vais suspendre la séance quelques instants pour raccompagner le Président de la République.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)

Partager cet article
Repost0
17 novembre 2015 2 17 /11 /novembre /2015 06:01

« Le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité. » (François Hollande, le 16 novembre 2015 à Versailles).



_yartiFH2015111601

C’est plié, après le virage social-libéral de janvier 2014, voici le virage sécuritaire. Le Président de la République François Hollande s’est adressé à l’ensemble des parlementaires (députés et sénateurs) du Parlement réuni en Congrès à Versailles ce lundi 16 novembre 2015 un peu après 16 heures pour s’exprimer solennellement après les attentats de Paris du 13 novembre 2015.

Sur la forme, François Hollande a été à la hauteur de sa fonction présidentielle, réussissant même à adopter un ton propre qui était jusque là assez rare (comme à Strasbourg notamment). C’est la seconde fois qu’est appliqué l’article 18 alinéa 2 de la Constitution, adopté depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, à savoir la possibilité (historique) donnée au chef de l’État de s’exprimer au pouvoir législatif. La première fois, c’était Nicolas Sarkozy le 22 juin 2009 pour présenter son grand emprunt dont le but était de refaire de la France une nation d’investissement et d’innovation à la suite de la grande crise financière du 15 septembre 2008.

_yartiFH2015111602

Tout au long de son discours de trente-cinq minutes, François Hollande n’a fait que reprendre les thèmes des plus ultras de l’opposition et a poursuivi son imitation de son prédécesseur direct, tant sur la forme que sur le fond : « Le terrorisme ne détruira pas la République car c’est la République qui le détruira. ».

S’il avait pu, il aurait porté un uniforme de général. Il a déjà pris la voix martiale : « Notre République n’est pas à la portée de méprisables tueurs. » pour dire : « Il nous faudra temps et patience, l’ennemi n’est pas hors d’atteinte. ».

_yartiFH2015111605

Mais le maître mot, c’était : « Nous sommes en guerre ! », phrase qui pourrait justifier toutes les dérives. Le 16 novembre 2015 vers midi sur France 2, l’ancien Garde des Sceaux Robert Badinter avait exprimé son vif agacement avec cette formulation : la guerre, il l’a connu, et cela n’a rien à voir avec la situation actuelle. En situation de guerre, tout l’effort national, l’effort économique, toutes énergies sont focalisées sur un seul but, gagner la guerre, alors que ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Après une minute de silence pour les victimes des attentats et avant d’entonner la Marseillaise, François Hollande a énuméré les mesures qu’il a décidé de prendre pour renforcer la sécurité des citoyens. Je les cite et ensuite, je les commenterai très brièvement.

Il a annoncé qu’il demanderait la convocation le plus rapidement possible du Conseil de sécurité de l’ONU pour adopter une résolution contre Daech. Cette résolution aurait dû déjà être prise depuis plusieurs mois. L’ensemble des membres permanents semble être sur la même longueur d’onde, au point que Barack Obama et Vladimir Poutine se sont même entretenus en privé le 15 novembre 2015 sur la Syrie dans le cadre du G20 à Antalya, en Turquie.

_yartiFH2015111607

Sur le court terme, François Hollande a annoncé qu’il soumettrait au Parlement dès ce mercredi 18 novembre 2015 un projet de loi pour prolonger l’état d’urgence de trois mois (sans loi, la durée ne peut excéder douze jours), projet de loi qu’il souhaite faire adopter avant la fin de la semaine. Cela permettra de poursuivre les assignations à résidence et les perquisitions administratives …sans aucun contrôle judiciaire (le rêve des services de police).

Sur le long terme, François Hollande voudrait faire évoluer la Constitution pour l’adapter à la lutte contre « le terrorisme de guerre ». Il a pour cela montré une grande habileté politique en reprenant l’une des conclusions des propositions constitutionnelles d’Édouard Balladur de 2007.

Pour l’instant, deux articles de la Constitution évoquent une situation exceptionnelle, l’article 16 quand le fonctionnement régulier des institutions est en cause (ce n’est pas le cas ici) et l’article 36 qui décrit l’état de siège et permet le transfert de pouvoir du civil au militaire (ce qui n’est pas non plus le cas).

Le Président de la République veut donc réviser la Constitution pour compléter l’article 36 en permettant les mêmes exceptions qu’un état d’urgence sans avoir besoin de décréter cet état d’urgence, cela pour la période au-delà des trois mois. Cela permettrait, selon lui, de définir un nouvel outil de lutte contre le terrorisme tout en préservant l’état de droit. Il a demandé aux parlementaires que cette révision soit adoptée le plus rapidement possible, mais en raison du caractère constitutionnel de la réforme, il aura besoin de l’appui de l’opposition.

_yartiFH2015111603

Ensuite, il a énoncé un certain nombre d’autres mesures.

Il a par exemple annoncé que si une personne ayant une double nationalité était convaincue d’activité terroriste, serait décidée la déchéance de sa nationalité française, même si la personne était née en France. La déchéance de la nationalité est impossible dans le cas d’une seule nationalité car les conventions internationales interdisent à un État de rendre apatride un de ses ressortissants. En revanche, dans le cas de double nationalité, le Conseil Constitutionnel a validé la mesure qui a été très rarement prise : huit depuis 2007, et cinq en octobre dernier. De même, il interdirait à un binational convaincu d’activité terroriste de revenir en France.

Concernant la proposition de Laurent Wauquiez d’interner les personnes fichées comme impliquées dans une activité terroriste et de leur mettre un bracelet électronique, François Hollande a été aussi très habile puisqu’il n’a pas fermé la porte à cette mesure très sécuritaire en disant qu’il saisirait le Conseil d’État pour avoir son avis et que cet avis serait rendu public.

Il a aussi affirmé que les associations et groupements qui font appel à la haine et incitent au terrorisme seraient dissoutes (il serait temps !).

Également dans le cadre de permettre à l’Exécutif d’avoir de nouveaux outils de lutte contre le terrorisme, il a demandé à Manuel Valls de déposer un projet de loi pour renforcer les moyens de lutter contre le trafic d’armes et aussi, qui redéfinirait ("traiterait") le concept de légitime défense pour les forces de l’ordre en mission anti-terroriste.

Enfin, François Hollande a annoncé des mesures budgétaires qui pourraient être mises en application dès 2016 puisque la loi de finances 2016 n’est pas encore finalisée. Cela concerne le recrutement de 5 000 policiers et gendarmes supplémentaires en deux ans, ce qui fera un total de 10 000 supplémentaires pour son quinquennat ; 2 500 postes supplémentaires au Ministère de la Justice (notamment dans les prisons) ; 1 000 postes supplémentaires pour les douanes ; enfin, il n’y aura aucune réduction d’effectifs dans l’armée jusqu’en 2019, et le personnel sera réaffecté prioritairement aux missions opérationnelles, à la cyberdéfense et au renseignement. Il a également souhaité exploiter beaucoup mieux le potentiel des réservistes.

Concrètement, François Hollande assume pleinement ce « surcroît de dépenses », donc assume que le déficit budgétaire ne sera pas réduit comme prévu mais qui, à l’intérieur de la France ou à Bruxelles, oserait le lui reprocher alors que le pays a été touché au plus profond de son peuple ?

_yartiFH2015111608

J’ai entendu ce discours comme j’ai entendu le discours de Grenoble de son prédécesseur le 30 juillet 2010. C’est-à-dire avec le même frisson de stupéfaction.

Je me garderais de critiquer toutes ces mesures qui sont à peu près le programme du Front national. Elles seront probablement critiquées à la marge (peut-être par son aile gauche ?) mais obtiendront sans doute un large consensus tant de la classe politique que de "l’opinion publique" parce que 129 victimes rappellent que la République doit agir, quitte à mettre en péril nos libertés individuelles. La loi sur le renseignement avait déjà esquissé le mouvement.

À mon sens, ce n’est pas pertinent de croire vouloir couper l’herbe sous les pieds des plus ultras de la classe politique en adoptant leur point de vue. Certains juges commencent à s’inquiéter sur la manière dont la justice pourra réfréner la frénésie du pouvoir exécutif dans la poursuite peut-être fictive de futurs terroristes potentiels. Clairement, le fichage par un service de renseignement ne peut valoir jugement et internement. La justice est là pour cela, pas l’administration policière.

Petit à petit, on s’achemine donc vers la voie américaine d’après les attentats du 11 septembre 2001, la lutte contre un axe du mal et la mise sous tutelle des libertés individuelles pour faciliter les opérations policières.

Oui, tout doit être mis en œuvre pour poursuivre et condamner les complices des attentats du 13 novembre 2015 et tout aussi doit être mis en œuvre pour éviter de nouveaux massacres. Mais faisons bien attention à ne pas mettre en danger notre propre conception d’une société libre, égale et fraternelle. Car la mise au pas policière, acceptée comme une lettre à la poste pour raison de lutte contre le terrorisme le plus abominable, serait la victoire de ces terroristes aux actes de barbarie.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (16 novembre 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Discours de François Hollande le 16 novembre 2015 à Versailles (bientôt).
Les attentats du 13 novembre 2015.
François Hollande et le manque d’ambition.
François Hollande et Angela Merkel.
Loi sur le renseignement.
Daech.
WTC 2001.

_yartiFH2015111610


http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20151116-hollande.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-patriot-act-du-guerrier-174189

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/11/17/32939031.html

 

Partager cet article
Repost0


 




Petites statistiques
à titre informatif uniquement.

Du 07 février 2007
au 07 février 2012.


3 476 articles publiés.

Pages vues : 836 623 (total).
Visiteurs uniques : 452 415 (total).

Journée record : 17 mai 2011
(15 372 pages vues).

Mois record : juin 2007
(89 964 pages vues).