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1 octobre 2014 3 01 /10 /octobre /2014 19:43

Face à Gérard Larcher, Jean-Pierre Raffarin a échoué de nouveau dans sa tentative de prendre les rênes du Sénat (le Plateau). Petite analyse sur les raisons de cet échec.


yartiPlateau2014B05C’est sans surprise que le gaulliste Gérard Larcher a été élu Président du Sénat ce mercredi 1er octobre 2014 vers 19h40 au second tour. Il retrouve ainsi le Plateau qu’il avait occupé du 1er octobre 2008 au 1er octobre 2011, date à laquelle le socialiste Jean-Pierre Bel lui avait succédé. En cas de démission du Président de la République François Hollande, c’est lui qui serait chargé d’assurer l’intérim à l’Élysée et d’organiser une élection présidentielle anticipée, comme ce fut le cas deux fois pour Alain Poher, en 1969 et en 1974.

Dès le 30 septembre 2014, Gérard Larcher avait insisté pour dire que le Sénat « ne serait pas une annexe de l’UMP » et surtout que « le Sénat doit reconquérir son image dans l’opinion ». Pour le nouveau Président, le Sénat devra rester « une institution autonome ».

À 65 ans, Gérard Larcher est sénateur depuis vingt-huit ans, maire de Rambouillet depuis trente et un ans. Il a été ministre du 31 mars 2004 au 15 mai 2007 dans les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin, sous la tutelle du ministre Jean-Louis Borloo, chargé du Travail. Sans beaucoup d’arrogance politique, il est l’archétype de l’élu "sympa", labourant sur le terrain ses réseaux, cherchant avant tout à comprendre les problèmes des élus et à chercher à les résoudre.

Les humoristes pourront reprendre leurs beaux mots en évoquant par exemple que Gérard Larcher a plusieurs cordes à son arc, ou encore en disant qu’il est un sénateur de poids dans la nouvelle assemblée.


La primaire au sein de l’UMP

L’essentiel avait été accompli la veille. L’UMP étant le groupe le plus important de la nouvelle majorité sénatoriale avec 143 membre (la majorité absolue est 175), elle avait organisé une primaire en son sein le 30 septembre 2014. Trois candidats s’étaient présentés, les mêmes qu’en automne 2008, à savoir Gérard Larcher, Jean-Pierre Raffarin et Philippe Marini, le président sortant de la commission des finances qui voudrait conserver cette responsabilité mais celle-ci devrait échoir à un sénateur socialiste.

Jean-Pierre Raffarin avait cru qu’il réussirait ce qu’il n’avait pas obtenu il y a trois ans. Son discours visait à politiser l’assemblée des sages pour en faire une chambre d’opposition face à un pouvoir socialiste déconsidéré dans l’opinion publique. De plus, sa candidature aurait été soutenue par Nicolas Sarkozy. Or, il est rarement productif de forcer la main des sénateurs.

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De son côté, Gérard Larcher montrait un profil beaucoup plus consensuel, moins médiatique mais beaucoup plus à l’écoute des sénateurs, refusant les clivages stériles (comme ceux concernant la prochaine élection présidentielle) et cherchant avant tout à mettre en place un dispositif d’opposition constructive, voulant faire du Sénat une boîte à propositions constructives. Sa proximité avec François Fillon ne semble pas non plus avoir joué : les enjeux au sein des sénateurs ne correspondent pas aux écuries présidentielles mais plutôt à des préférences surtout très personnelles. D’ailleurs, les candidats à la présidence du groupe UMP ont tous promis qu’ils ne prendraient pas partie dans la future primaire de l’UMP pour l’élection présidentielle de 2017.

En 2008, Gérard Larcher avait obtenu 78 voix contre 56 à Jean-Pierre Raffarin et 17 à Philippe Marini. En 2014, Gérard Larcher a gardé le même rapport de forces, malgré l’arrivée de 45 nouveaux sénateurs UMP, avec 80 voix en sa faveur, 56 pour Jean-Pierre Raffarin et 7 pour Philippe Marini.


Les candidats et le vote solennel

Parce que le groupe centriste (UDI) n’a pas été invité à la primaire organisée par le groupe UMP, le président du groupe UDI François Zocchetto a présenté sa candidature au premier tour. L’UDI, qui est sans ambiguïté dans un processus de gouvernance commune avec l’UMP, est le groupe qui a le plus profité des élections sénatoriales du 28 septembre 2014, passant de 31 à 43 membres (+39%) dont plus de jeunes et plus de femmes.

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Pour le panache, les groupes de gauche ont présenté chacun leur président : Didier Guillaume pour les socialistes, Jacques Mézard pour le RDSE, Jean-Vincent Placé pour les écologistes et Éliane Assassi pour les communistes.

Au premier tour, chacun a rassemblé (à peu près) les élus de son groupe. Gérard Larcher (UMP) a recueilli 145 voix, Didier Guillaume (PS) 112 voix, François Zocchetto (UDI) 45 voix, Éliane Assassi (PCF) 18 voix, Jacques Mézard (RDSE) 13 voix, Jean-Vincent Placé (EELV) 10 voix et Nathalie Goulet (UDI) 1 voix.

Nathalie Goulet (UDI), qui avait envisagé une candidature indépendante il y a deux jours avait retiré sa candidature lors de la décision de présenter la candidature de François Zocchetto. Le scrutin montre que le groupe UDI est le troisième du Sénat et est un groupe décisif pour construire une majorité stable. Entre les deux tours, les groupes UMP et UDI se sont réunis pour négocier la répartition des autres responsabilités.

Le candidat centriste s'étant désisté après le premier tour, le second tour n'a eu aucune surprise : Gérard Larcher (UMP) a recueilli 194 voix, soit plus que le cumul UMP et UDI, Didier Guillaume (PS) 124 voix (les écologistes se sont désistés en sa faveur) et Éliane Assassi (PCF) a eu 18 voix. Gérard Larcher a donc été proclamé Président du Sénat vers 19h40 par le doyen d'âge, Paul Vergès (89 ans), et a cité le Général De Gaulle à la fin de sa brève allocution aux sénateurs avant sa passation des pouvoirs avec son prédécesseur Jean-Pierre Bel.


L’échec de Jean-Pierre Raffarin

Revenons à la situation du rival malheureux au sein de l’UMP, Jean-Pierre Raffarin, dont le poids politique, comme ancien Premier Ministre, n’est pas négligeable, et qui fait de lui actuellement l’un des trois coprésidents provisoires de l’UMP.

Issu du Parti républicain et de l’UDF, Jean-Pierre Raffarin est un modéré, libéral, européen et social. Il est sans doute l’un des rares à croire encore à l’union de la droite et du centre dans une seule formation politique (ce que propose de refaire Nicolas Sarkozy), et donc, à croire au concept originel de l’UMP de 2002. Pourtant, les candidatures présidentielles de François Bayrou et des listes centristes aux élections européennes ont régulièrement montré que les électeurs refusaient que le courant centriste, européen et social fût confondu sinon "fondu" au sein d’un parti de droite, surtout lorsqu’il a été autant décomplexé comme entre 2004 et 2014.

Jean-Pierre Raffarin défend théoriquement les mêmes valeurs que le centre politique, présentant même un courant humaniste au sein de l’UMP. Cet humanisme, pourtant, se traduit politiquement par un silence sur les excès de ces dernières années concernant justement le manque d’humanisme dans les prises de position d’un certain nombre de responsables de l’UMP.

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Jean-Pierre Raffarin était sans doute celui qui pouvait le mieux s’opposer politiquement à certaines dérives provenant de la ligne Buisson. Dans les faits, il a toujours soutenu des personnalités qui, au contraire, cherchaient à copier idéologiquement les thématiques du FN : Jean-François Copé en 2012, Nicolas Sarkozy en 2014.

Cette stratégie avait un horizon, la Présidence du Sénat. Or, en pensant être loyal et fidèle au cœur du militantisme de base de l’UMP, Jean-Pierre Raffarin s’est éloigné des sénateurs UMP qui sont dans une autre problématique, moins partiale, plus locale, plus pragmatique.


L’organisation du nouveau Sénat continue

Le nouveau bureau du Sénat sera élu le mercredi 8 octobre 2014 et les sénateurs feront leur photographie collective avant la séance du jeudi 9 octobre 2014.

Parmi les décisions que le Sénat doit prendre dans les heures qui viennent, la question de confier ou pas à un socialiste la présidence de la commission des finances, la désignation du rapporteur général du budget, et l’élection, prévue le jeudi 2 octobre 2014, du nouveau président du groupe UMP, précédemment dirigé par Gérard Longuet puis Jean-Claude Gaudin. Soutenu par Nicolas Sarkozy, l’ancien ministre Roger Karoutchi est candidat face à un candidat de renouvellement soutenu par certains nouveaux sénateurs, Bruno Retailleau, sénateur de Vendée.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (1er octobre 2014)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le Sénat rebascule au centre droit (28 septembre 2014).
Alain Poher.
René Monory.
Christian Poncelet.
Gérard Larcher.
Jean-Pierre Bel.
Jean-Pierre Raffarin.

yartiPlateau2014B06
 

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/gerard-larcher-nouveau-poids-lourd-157520

 



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1 octobre 2014 3 01 /10 /octobre /2014 17:48

Le premier tour de l'élection du Président du Sénat a été dépouillé ce 1er octobre 2014.

Nombre de sénateurs : 348.
Majorité absolue : 175.

Gérard Larcher (UMP) : 145.
Didier Guillaume (PS) : 112.
François Zocchetto (UDI) : 45.
Eliane Assassi (PCF) : 18.
Jacques Mézard (RDSE) : 13.
Jean-Vincent Placé (EELV) : 10.
Nathalie Goulet (UDI), non candidate : 1.
Votes blancs : 4.

Un second tour est nécessaire et aura lieu dans les minutes qui suivent.
Les groupes UMP et UDI se sont réunis pour construire une majorité.

SR


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30 septembre 2014 2 30 /09 /septembre /2014 16:56

Gérard Larcher a été désigné dès le premier tour par son groupe UMP candidat à la Présidence du Sénat. La primaire s'était déroulé au sein du groupe pour départager les candidatures de Gérard Larcher, Jean-Pierre Raffarin et Philippe Marini.

SR

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26 août 2014 2 26 /08 /août /2014 19:01

Très peu de changement (finalement) dans la nomination du nouveau gouvernement en dehors de l'éviction d'Arnaud Montebourg, Benoît Hamon et Aurélie Filippetti. Les principaux ministres restent en place et les deux principales nouveautés sont Najat Vallaud-Belkacem au poste de Benoît Hamon (les enseignants vont être servis) et la ministre plein d'avenir Fleur Pellerin à la Culture et à la Communication.

Plus de détails pour l'instant à ce lien :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Gouvernement_Manuel_Valls_(2)



SR


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25 août 2014 1 25 /08 /août /2014 09:35

Après un entretien d'une heure à l'Élysée, le Premier Ministre Manuel Valls a présenté la démission de son gouvernement à François Hollande. Ce dernier l'a chargé d'en former un nouveau d'ici au mardi 26 août 2014. Il est probable que les récentes déclarations de Benoît Hamon et d'Arnaud Montebourg soient la cause de ce remaniement. Selon certains, Manuel Valls recevraient individuellement chaque ministre et leur demanderait d'approuver la position du Président de la République et du Premier Ministre. Au-delà d'Arnaud Montebourg et de Benoît Hamon, certains annonceraient le départ également d'Aurélie Filippetti et de Christiane Taubira. Ce remaniement constitue à l'évidence une nouvelle avancée du pouvoir de Manuel Valls sur François Hollande.


SR

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12 juin 2014 4 12 /06 /juin /2014 08:26

Très inattendue, cette nomination consacre une personnalité politique brillante qui a eu quelques déboires électoraux ou médiatiques depuis une vingtaine d’années.


yartiToubon01L’Élysée a communiqué cette information dans la soirée du mercredi 11 juin 2014. Le Président de la République François Hollande a désigné l’ancien Ministre de la Justice Jacques Toubon à la succession de Dominique Baudis au poste de Défenseur des droits. Des rumeurs persistantes donnaient pourtant favorite l’actuelle Ministre de la Justice Christiane Taubira qui ne semblerait plus s’épanouir place Vendôme. D’autres évoquaient également l’actuel président de l’Institut du monde arabe Jack Lang.

La désignation de Jacques Toubon n’est pas définitive puisqu’il devra être "auditionné" par une commission parlementaire et pour être validé, celle-ci ne devra pas réunir une majorité de blocage à son encontre.

Le choix de cet ancien dirigeant du RPR peut paraître surprenant de la part de François Hollande et pour faire bonne mesure, il a nommé en même temps l’ancienne maire PS de Reims (de 2008 à 2014) Adeline Hazan (58 ans), magistrate, au poste de Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté. Juge des enfants, présidente du Syndicat de la magistrature de 1986 à 1989, Adeline Hazan fut élue députée européenne de 1999 à 2008 et a échoué à sa réélection aux dernières municipales face au jeune député UMP Arnaud Robinet. Sa nomination sera définitive également après son audition auprès des parlementaires.


Grognard du chiraquisme conquérant

Jacques Toubon a été avant tout un chiraquien très fidèle. Dans deux semaines, il aura 73 ans, ce qui semble assez âgé pour une responsabilité qui nécessite énergie et dynamisme. Cependant, de punch, Jacques Toubon n’en manque pas et a toujours su montrer sa passion et son ardeur dans les tâches qu’il a entreprises.

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"Le Parisien" de ce jeudi 12 juin 2014 le décrit ainsi : « En dépit d’une calvitie accentuée, Jacques Toubon porte allègrement ses 72 ans, avec son visage rond, son regard clair et sa fougue presque juvénile souvent brocardés par les humoristes. ».

Spécialiste du droit public et énarque dans la même promotion que Jean-Pierre Chevènement, Lionel Jospin, Yves Cannac (ancien collaborateur du Président Valéry Giscard d’Estaing), Alain Gomez, Josselin de Rohan ou encore Ernest-Antoine Seillière, Jacques Toubon a commencé dans une carrière préfectorale (il est devenu conseiller d’État par la suite) avant de collaborer dans plusieurs cabinets ministériels à partir de 1968, jusqu’à devenir conseiller technique de Jacques Chirac lorsque ce dernier était Premier Ministre entre 1974 et 1976. Il l’avait rejoint dès 1971 aux Relations avec le Parlement.

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Jacques Toubon a pris rapidement des responsabilités au sein du RPR qu’il a contribué à fonder en décembre 1976, d’abord comme délégué national, puis dans l’important poste de secrétaire général chargé des élections (1978 à 1981). Il fut élu député de Paris en juin 1981, en pleine vague rose, siège qu’il conserva jusqu’en juin 1997 où il fut battu par le socialiste Serge Blisko. Il fut l’un des ténors du RPR, parmi les plus actifs voire vindicatifs des députés de l’opposition contre le pouvoir socialo-communiste entre 1981 et 1986.


La séance du 1er février 1984 à l’Assemblée Nationale

Jacques Toubon fut notamment condamné par le Président de l’Assemblée Nationale Louis Mermaz (PS) le jeudi 2 février 1984 aux côtés d’Alain Madelin (PR) et de François d’Aubert (PR) à la privation d’un mois d’indemnité parlementaire (procédure de "censure simple") pour avoir fait, la veille, au cours du débat sur la réforme de la presse, une très vague allusion sur François Mitterrand pendant la guerre : « Il est d’une extrême gravité, il est inadmissible, de mettre en cause, sous forme d’insinuation calomnieuse, le passé de résistant de monsieur François Mitterrand. Le Président de la République incarne l’unité du pays. Nous devons respecter l’homme et la fonction à travers la diversité de nos opinions et de nos choix politiques. » (Louis Mermaz).

Député RPR et ami d’enfance de François Mitterrand, Pierre de Benouville avait alors voulu minimiser la fougue de ses collègues : « Mes jeunes camarades de l’opposition, pleins de talents et de chaleur, on a mal interprété leurs propos. Je crois qu’ils parlaient d’autre chose. » (séance du 2 février 1984).

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Dans la même séance, le député RPR Emmanuel Hamel expliquait l’énervement des jeunes députés par des insinuations faites par Raymond Forni durant la même séance du 1er février 1984 (qui était présidée par Philippe Séguin) : « Lorsqu’on relit dans le détail le compte-rendu analytique, on s’aperçoit que notre collègue monsieur Forni, président de la commissions des Lois, mais sans doute était-il aussi fatigué, car il est le plus souvent d’une grande correction, s’est laissé aller à dire, nous désignant : "Mieux vaut le parti des ralliés que celui des collaborateurs". N’était-ce pas aviver dans cet hémicycle des souvenirs détestables, et n’est-il pas inadmissible que le président d’une commission du Parlement de la République, désignant de jeunes collègues qui n’étaient pas nés à cette époque, puisse laisser supposer que ceux qui siègent sur ces bancs-ci auraient été des collaborateurs ? (…) Qu’ont dit hier nos jeunes collègues ? Alors que l’on évoquait l’après-guerre, monsieur d’Aubert : "Et monsieur Mitterrand ?", monsieur Madelin : "Et monsieur Mitterrand ?", monsieur d’Aubert : "Mitterrand a un passé", Jacques Toubon : "Eh oui !". (…) Il ne faudrait pas, monsieur le Président, que deux interpellations (…) donnent l’occasion d’une opération politique qui déconsidérerait le Parlement. Car il n’était pas dans l’intention de nos collègues de mettre en cause le passé de résistant du Président de la République. ».

Pour se dédouaner, Jacques Toubon avait conditionné le retrait de son interpellation au retrait des insultes qu’ils avaient reçue auparavant de certains députés socialistes et communistes : « La dignité de chacun d’entre nous en tant que personne est, je le suppose, considérée comme égale. Je suis pour ma part tout à fait disposé à répondre à l’invitation que vous m’avez faite il y a un instant [retirer ses propos] si, dans le même temps, trois de nos collègues de la majorité veulent bien retirer la lettre et l’esprit des propos qu’ils ont tenus hier soir à notre endroit. ».

Tandis que François d’Aubert avait justifié l’emploi du mot "passé" par les activités d’éditeur de François Mitterrand alors que les députés révisaient la loi sur la presse de 1944 : « J’ai dit "Monsieur Mitterrand a un passé". Si, monsieur le Président, monsieur [Pierre] Joxe [président du groupe PS] ou quelqu’un d’autre pense que ces phrases sont inconvenantes, je suis prêt à les retirer. Je retire : "Monsieur Mitterrand a un passé". Ceux qui liront ensuite ce texte en déduiront que monsieur Mitterrand n’a donc pas de passé… mais je retire bien volontiers cette phrase, considérant que monsieur Mitterrand a commencé à exister le 10 mai 1981 ! ».

Quant à Alain Madelin, il avait confirmé l’interprétation de ses collègues : « Lorsque, pour ma part, j’ai évoqué le nom de monsieur Mitterrand, j’ai précisé : "au lendemain de la guerre". Les choses sont claires (…). Il est clair que dans mon esprit, c’est donc monsieur Mitterrand éditeur, homme de presse, qui était évoqué au travers de cette intervention et que, bien évidemment, à aucun moment, dans mon esprit ou dans mes propos, je n’ai pensé évoquer l’attitude de François Mitterrand pendant la guerre. Si telle devait être votre interprétation, en tout état de cause éclairé par cette précision, je retirerais volontiers mes propos, à la condition toutefois, évoquée par notre collègue Jacques Toubon qu’un certain nombre de propos provocateurs et diffamatoires à notre égard soient également retirés. ».

Juste avant d’avoir été censuré (c’est le terme) par Louis Mermaz et la majorité socialo-communiste, Jacques Toubon avait rappelé : « Monsieur le Président, vous avez pris votre responsabilité. Pour ma part, j’ai pris les miennes, depuis que je suis dans cette assemblée, jour après jour, séance après séance, et hier encore. J’ai fait de même aujourd’hui. (…) C’est pour cela, monsieur le Président, que je considère que prononcer le mot censure et faire la chose, alors que nous sommes en train de débattre de la liberté de la presse, c’est vraiment ce que notre démocratie pouvait attendre de pire ! ».

Alain Madelin, également censuré, avait rappelé que le ministre justement chargé de ce débat, Georges Fillioud, avait, comme député, très violemment attaqué le Président Valéry Giscard d’Estaing lors de la séance du 12 novembre 1980 en l’accusant de "crime" et de "forfaiture" sans pour autant qu’il fût censuré par la majorité de l’époque.

Et François d’Aubert à l’adresse de Louis Mermaz : « Monsieur le Président, ce soir, nous n’avons pas l’impression d’être à l’Assemblée Nationale, mais devant un tribunal politique, dont vous êtes le procureur. Je crois que c’est malheureux pour la France et pour la démocratie, malheureux pour la démocratie parlementaire. (…) Il a fallu que ce soit cette majorité-là qui utilise, pour la première fois, la censure sous la Ve République. (…) Ce soir, nous assistons à un procès. (…) Un procès en bonne et due forme fait par la majorité à l’opposition, un procès politique destiné à bâillonner, à faire taire l’opposition… ».

J’ai précisé aussi longuement cet incident de séance pour donner la mesure de l’énergie mise au service de l’opposition par le député Jacques Toubon mais aussi par le temps perdu par les parlementaires à se préoccuper d’eux-mêmes quelques mois avant la montée du FN au même niveau que le PCF.


Chef du RPR

Jacques Toubon emporta également la mairie du 13e arrondissement de Paris en mars 1983 qu’il garda jusqu’à la victoire de Bertrand Delanoë en 2001 (battu par Serge Blisko). Il fut également adjoint au maire de Paris de 1983 à 1998. En 1995 et en 2001, on évoquait son nom comme candidat soit à la mairie de Paris, soit à la mairie de Nice (après la condamnation de Jacques Médecin), ville qui le vit naître le 29 juin 1941.

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En 1984, fort de la médiatisation de son activité parlementaire militante depuis trois ans contre le gouvernement, et dans le souci de rajeunir les cadres du RPR, Jacques Toubon fut nommé secrétaire général du RPR par Jacques Chirac (le PR et le CDS, autres partis d’opposition, étaient dirigés par des quadragénaires). Il fut ainsi le véritable patron opérationnel du RPR au cours de la campagne des élections législatives du 16 mars 1986 et de l’élection présidentielle de 1988. Absent du premier gouvernement de la cohabitation, il fut président de la commission des Lois pendant deux ans (entre 1986 et 1988).


Rue de Valois

Après la défaite de Jacques Chirac à l’élection présidentielle de 1988, Alain Juppé a repris le secrétariat général du RPR. Jacques Toubon a alors commencé à beaucoup s’investir dans le monde de la culture et de la communication. Après la victoire de l'UDF et du RPR aux élections législatives de mars 1993, il est nommé Ministre de la Culture et de la Francophonie du 31 mars 1993 au 11 mai 1995 dans le gouvernement d’Édouard Balladur : « L’État, sous toutes ses formes, est au service des citoyens. La culture donc que nous avons à encourager, à promouvoir, à faire renaître, c’est une culture qui fait de l’homme un citoyen responsable. » (Amiens, le 9 octobre 1993).

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Parmi ses réalisations à la Culture, deux choses importantes sont à évoquer : d’une part, la mise en place de structures juridiques nouvelles pour de nombreux établissements culturels (comme le Louvre, la Bibliothèque national de France etc.) ; d’autre part, la loi n°94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, dite loi Toubon, qui a eu pour effet d’apporter des contraintes (notamment dans les activités scientifiques) pour protéger la langue française, d’où le surnom de "Mister All-good".


Garde des Sceaux

Après la victoire de Jacques Chirac à l’élection présidentielle du 7 mai 1995, Jacques Toubon fut nommé Ministre de la Justice et des Libertés du 18 mai 1995 au 2 juin 1997.

S
on action place Vendôme n’a pas bénéficié d’une postérité très marquante et toute sa crédibilité ministérielle fut entachée par un épisode rocambolesque dans l’affaire Xavière Tibéri.

Pour empêcher que le premier procureur adjoint d’Évry Hubert Dujardin ouvrît une instruction judiciaire concernant le rapport de Xavière Tiberi (femme du maire de Paris) sur la francophonie commandée par le Conseil général de l’Essonne, le ministre aurait fait affréter le 1er novembre 1996 un hélicoptère (un Écureuil de la Nepali Airways) à Katmandou pour rapatrier d’urgence le supérieur hiérarchique, le procureur d’Évry Laurent Davenas, qui était en vacances dans l’Himalaya depuis le 26 octobre 1996. Parti gravir l’Island Peak, au Népal, il fut néanmoins introuvable (cela a coûté trois mille dollars aux autorités françaises). Finalement, le procureur adjoint a ouvert l’instruction le 6 novembre 1996 : « Laurent Davenas et moi avons souvent des appréciations différentes sur la manière de gérer les dossiers. J’admets volontiers avoir profité de son absence pour prendre des décisions qu’il n’aurait peut-être pas prises. ». Quand son supérieur apprit l’histoire de l’hélicoptère, il n’en crut pas ses oreilles. Les deux magistrats ne s’appréciaient pas beaucoup. Laurent Davenas retourna finalement en France le 12 novembre 1996 et, après une longue procédure, les poursuites furent annulées par la cour d’appel de Paris le 15 janvier 2001.

Une autre anecdote ne l’a pas non plus grandi dans son autorité ministérielle, mais elle fut racontée bien plus tard dans un livre "Dans le secret du conseil des ministres" de Bérengère Bonte, publié le 10 octobre 2013 (éd. du Moment).

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Très souvent en retard dans ses rendez-vous, Jacques Toubon était arrivé juste après l’entrée du Président de la République dans la salle du conseil des ministres. Dominique de Villepin, alors Secrétaire Général de l’Élysée, glissa contrarié : « Ce n’est plus possible ! La prochaine fois, ne le laissez pas entrer ! ». C’est ce qu’il s’est produit le mercredi suivant où le Ministre de la Justice trouva la porte fermée et a dû attendre dans le couloir. L’huissier entra cependant après quelques moments mais Jacques Chirac refusa qu’il entrât au salon Murat. Son collègue de l’Intérieur, Jean-Louis Debré, raconta avec le sourire qu’au conseil des ministres suivant, Jacques Toubon arriva avec une demi-heure d’avance : « Il voulait être sûr de ne pas louper le début, cette fois ! ».


Une fin de vie politique assez chaotique

Après l’échec électoral du 1er juin 1997, le sien comme celui de son parti, Jacques Toubon resta quelques mois au service de Jacques Chirac comme conseiller à l’Élysée, jusqu’à sa dissidence contre Jean Tiberi à la mairie de Paris en mars 1998 qui ne dura pas longtemps (deux mois) car il n’était soutenu par personne. Député européen de 2004 à 2009 (travaillant avec assiduité et présent à la plupart des sessions), il resta conseiller de Paris jusqu’en 2008.

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Depuis le 25 février 2005, Jacques Toubon assure la présidence de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, reconduit une nouvelle fois en mars 2013 pour trois ans. Il fut également secrétaire général du cinquantenaire des indépendances africaines entre juin 2009 et janvier 2011, membre de la mission "Création et Internet" d’août 2009 à janvier 2010, et membre de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI) depuis le 23 décembre 2009.


Contestation à gauche

La nomination de Jacques Toubon comme Défenseur des droits risque de faire grincer les dents de certains parlementaires socialistes. Deux députés PS ont déjà exprimé leur désaccord, Yann Gallut et Alexis Bachelay.

Ils se fondent notamment sur le fait que Jacques Toubon, comme député, n’aurait pas voté l’abolition de la peine de mort. En fait, s’il n’a pas approuvé le projet de loi dans son ensemble, il a voté pour son article 1er : « La peine de mort est abolie. », expliquant : « Par conviction intime, je suis favorable à l’abolition de la peine de mort. ». Il avait souhaité toutefois réviser l’échelle des peines, ce qui n’avait pas été le cas dans ce projet de loi.

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L’autre argument est que Jacques Toubon se serait « prononcé contre la dépénalisation de l’homosexualité » alors que précisément, il avait voté en 1981 contre l’abrogation des peines correctionnelles encourues pour les actes "impudiques ou contre nature" commis avec un mineur de même sexe.

Après le pacte de responsabilité, cette désignation sera sans doute une nouvelle couleuvre à faire avaler à l’aile gauche du groupe socialiste… à moins que les parlementaires se rebellent contre l'autorité élyséenne.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 juin 2014)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Dominique Baudis.
Le Défenseur des droits.
Les nominations par le Président de la République.
François Hollande.
Jacques Chirac.
Philippe Séguin.
La défense de la langue française.

yartiToubon05


 http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/jacques-toubon-peut-etre-nouveau-153195 
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3 juin 2014 2 03 /06 /juin /2014 17:51

La Secrétaire d'État au Commerce Valérie Fourneyron a démissionné du gouvernement ce mardi 3 juin 2014. La députée de Haute-Garonne Carole Delga (PS) la remplace. Par ailleurs, le député de l'Essonne Thierry Mandon (PS) est nommé Secrétaire d'État auprès du Premier Ministre chargé de la Réforme de l'État et de la Simplification.

SR

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3 juin 2014 2 03 /06 /juin /2014 07:07

Le mille-feuilles territorial en France, c’est-à-dire, le trop grand nombre de strates de décisions locales, est une tarte à la crème de la vie politique française depuis plusieurs décennies. La nécessité de réformer ne doit pas amener à faire n’importe quoi. C’est pourtant la méthode de François Hollande.


yartiRegionsA01Les communes, les intercommunalités, les départements, les régions, l’État… dans la gouvernance publique, il y a manifestement des échelons en trop. La France républicaine des territoires, initialement administrée par les départements et les communes, va petit à petit être administrée par les régions et les intercommunalités. Ce mouvement progressif est évidemment souhaitable.

Il est tout aussi souhaitable de supprimer les conseil généraux pour n’avoir qu’un seul intermédiaire de gestion territoriale entre les intercommunalités et l’État.

La motivation soudaine, depuis le début de l’année, de réformer réellement le mille-feuilles territorial du Président François Hollande est donc, en elle-même, une bonne nouvelle pour l’intérêt national. Le problème, comme souvent avec lui, c’est la méthode.

Les derniers arbitrages auraient été finalisés à l’Élysée lundi 2 juin 2014 à 20h00 et le site Internet de l’Élysée a mis en ligne quelques minutes plus tard la tribune de François Hollande publiée ce mardi matin dans la presse quotidienne régionale (et qu'on peut lire ici).

Deux projets de loi devraient être présentés au conseil des ministres le 18 juin 2014 avant d’être débattus par le Sénat et l’Assemblée Nationale. Le Premier Ministre Manuel Valls a semblé exclure, ce 3 juin 2014, le référendum qui pourtant, serait le seul moyen de faire accepter une réforme qui bouleverse tant le statu quo : « Face à une question d’intérêt général, on répondrait à une autre question, on verrait l’addition des contraires. (…) C’est au Président, au gouvernement et au Parlement de faire valoir l’intérêt général. » (BFM-TV).


La méthode

Prenons la méthode. Comme sa politique économique, la politique territoriale de François Hollande est complètement illisible et surtout, très mouvante. Sa ministre en charge du dossier, Marylise Lebranchu, était partie sur une tout autre réforme, beaucoup plus douce, et il est étrange que le changement singulier d’horizon la laisse encore maîtresse d’un sujet qu’elle ne maîtrise visiblement plus, même si je ne doute pas que c’est son ministre délégué, le très compétent et pertinent André Vallini, qui mettra en œuvre la réflexion et le changement dans ce domaine.

La suppression des départements, prévue pour 2020 est effectivement souhaitable et le temps nécessaire pour aboutir ne me paraît pas non plus trop long, avec les 270 000 fonctionnaires des conseils généraux à réaffecter soit dans les régions soit dans les intercommunalités (Manuel Valls a estimé sur BFM-TV ce 3 mai 2014 qu’il fallait trois ans pour faire l’opération dans de bonnes conditions).

En attendant, les transferts de compétences se feront progressivement entre les différentes institutions territoriales. Notons donc que la réforme territoriale réalisée par Nicolas Sarkozy qui proposait de n’élire (dès mars 2014) qu’une seule sorte d’élus, les conseillers territoriaux qui seraient présents à la fois dans les conseils généraux et dans les conseils régionaux, réforme qui avait suscité beaucoup de rancœur chez les élus locaux et qui avait précipité le basculement du Sénat à gauche le 25 septembre 2011, avait été abrogée très rapidement par le nouveau pouvoir socialiste pour finalement revenir deux ans plus tard à son principe originel. Encore deux ans perdus !

Ce mode de gouvernance hollandien typiquement Shadok, on efface le sarkozysme pour refaire du sarkozysme mais sans le dire, on l’a déjà connu dans beaucoup de domaines, comme l’augmentation de la TVA, le TSCG, les internats d’excellence, le statut de l’autoentrepreneur, la réforme des retraites, etc.

On pourrait aussi s’interroger sur la pertinence de réduire de moitié le nombre des régions alors qu’on supprime déjà les départements. Cette réduction ne répond à aucune logique réelle, sinon à une seule visibilité : le gouvernement agit. Mais la taille des régions françaises n’est pas en cause (ce serait plutôt la taille des communes qui devrait être révisée pour éviter de maintenir quelques 36 700 communes), car elles sont déjà à peu près à la même taille que les autres régions en Europe.

Pourquoi donc ce besoin de réduire le nombre de régions ? Mystère car ce n’est pas cela non plus qui ferait réduire les dépenses publiques (lire plus bas). Serait-ce pour éviter que le FN n’en contrôle un exécutif ? Le 25 mai 2014, le FN était en tête dans 70 départements.

On aurait pu imaginer juste une rationalisation des limites territoriales des régions, certaines n’ayant pas beaucoup de réalité économique ou historique (comme les deux Normandie provenant de la rivalité entre Rouen et Caen) alors que d’autres, au contraire, ont une forte identité et réputation.

Toujours dans la méthode, et c’est tellement transparent que cela en devient presque impudique, il est clair que les frontières proposées par l’Élysée ne répondent pas à l’intérêt national mais sont l’aboutissement de discussions auprès des seuls barons socialistes ou de leurs proches qui dirigent les régions, notamment auprès de Martine Aubry (Nord-Pas-de-Calais), Jean-Yves Le Drian (Bretagne), Jean-Marc Ayrault (Pays de la Loire), Ségolène Royal (Poitou-Charentes), Alain Rousset (Aquitaine), etc. Cependant, Jean-Marc Ayrault n’a pas du tout été écouté puisqu’il était partisan de la fusion pure et simple des Pays-de-la-Loire avec la Bretagne.

Enfin, la réforme est toujours proposée d’en haut alors qu’elle aurait dû faire l’objet de grande concertation avec des gens du terrain, des géographes, des personnes qui s’occupent des implantations économiques dans les régions, etc. On voit bien, avec le découpage proposé, malgré les déclarations affichées, qu’aucune considération ni économique ni historique ni même culturelle n’a été prise en compte et que finalement, seule, la politique politicienne a pris le dessus sur toute autre considération. C’est évidemment le meilleur moyen de faire échouer une réforme d’envergure.

Patrick Devedjian (UMP) a été très virulent sur Twitter : « L’étendue du pouvoir personnel du Président de la République a atteint ses limites. Ses décisions solitaires sans suite rappellent Louis XVI. ». Dominique Bussereau (UMP) n’est pas moins dur, également sur Twitter : « Tristesse pour la France avec une annonce improvisée et sans concertation. Tout est fait pour conduire à l’échec. ».


Regrouper les régions

Il est souhaitable de rationaliser le territoire français mais en le faisant de manière équilibrée et intelligente.

Or, en ne proposant que des fusions par blocs de régions déjà existantes (pour éviter une révision constitutionnelle sur ce sujet-là, semble-t-il), on fait dans le grand ubuesque. Il aurait fallu au moins découper certaines régions, parfois artificielles, en mettant certains départements dans un ensemble et d’autres dans un autre, sans forcément les garder attachés simplement parce qu’ils étaient dans la même région d’origine. Cela n’a parfois aucun sens.

Cette volonté de ne pas passer par une révision constitutionnelle (obligatoire pour la suppression des conseils généraux) montre à l’évidence que le gouvernement veut faire adopter la réforme à l’arraché sans chercher un large consensus au sein de la classe politique et de l’opinion publique qui la rendrait pérenne. Nul doute que si l’UMP n’était pas associée au projet, ce qui est le cas, elle aurait toutes les raisons de l’abroger une fois de retour au pouvoir. C’est aussi la raison pour laquelle François Hollande veut aller vite et faire élire les premiers élus de ces nouvelles régions dès octobre 2015, avant la fin de son quinquennat, pour rendre sa réforme irréversible.

Prenons régions après régions.

yartiRegionsA03

Ce petit tour est évidemment subjectif et n’ayant pas la science infuse, je le donne en simple indication ; il est probable que chaque citoyen français a sa petite idée, parfois très éloignée, sur le sujet.

L’Île-de-France n’a pas été modifiée et cela paraît sage, dans le contexte du Grand Paris.

En revanche, ne pas modifier la Bretagne ni les Pays de la Loire paraît assez étonnant. Il aurait fallu au moins inclure la Loire-Atlantique (Nantes) dans la nouvelle Bretagne et, comme le propose Jean-Marc Ayrault, on pourrait même imaginer d’y inclure la quasi-totalité des Pays de la Loire, notamment la Mayenne (Laval) et le Maine-et-Loire (Angers). La Vendée (La Roche-sur-Yon) pourrait être rattachée à ce qui resterait de Poitou et la Sarthe (Le Mans) au Val-de-Loire.

Même réflexion pour l’Aquitaine qui pourrait intégrer les deux Charentes (Angoulême et La Rochelle) pour englober tout l’estuaire de la Garonne.

Le plus incohérent dans le charcutage proposé est de regrouper les régions Poitou-Charentes, Limousin et Centre. En gros, c’est mettre ensemble tout un résiduel qui n’allait nulle part ailleurs sans prendre en compte la grande hétérogénéité de ces territoires. Imaginer que Dreux serait dans le même espace régional que Saintes et Brive-la-Gaillarde paraît complètement farfelu. C’est vraiment n’importe quoi !

C’est pourquoi il serait plus intéressant d’éliminer les Pays de la Loire, de créer deux régions au lieu d’une dans ce grand espace qu’on voudrait unifier. Avoir une première région Val-de-Loire qui reprendrait la plupart par des départements de la région Centre, le Loiret (Orléans), le Loir-et-Cher (Blois), l’Indre-et-Loire (Tours), le Cher (Bourges), l’Indre (Châteauroux), en incluant la Sarthe (Le Mans) et en excluant l’Eure-et-Loir (Chartres) qui pourrait rejoindre les deux Normandie. Et avoir une seconde région avec le Poitou restant, la Vienne (Poitiers), les Deux-Sèvres (Niort), complété par la Vendée, et attaché au Limousin éventuellement augmenté du Cantal (Aurillac).

Le regroupement de la région Midi-Pyrénées et du Languedoc-Roussillon ne semblerait pas inopportune, même si la cohabitation Toulouse-Montpellier sera aussi difficile qu’une cohabitation Nantes-Rennes, mais à condition de ne pas inclure le Gard (Nîmes) qui est généralement tourné vers la région PACA (Provence-Alpes-Côte-d’Azur) qui elle, étrangement, n’est pas modifiée alors qu’elle pourrait inclure également la Corse qui est un territoire assez pauvre et qui pourrait bénéficier de la richesse de Marseille et de Nice.

Le regroupement, envisagé par les présidents des conseils régionaux respectifs, de la Bourgogne et de la Franche-Comté paraît porteur de dynamisme et avoir un sens même si un collectif s’est déjà formé à Besançon pour "ne pas être mangé" par Dijon. On pourrait même y rajouter l’Aube (Troyes) et l’Allier (Moulins).

La région Rhône-Alpes, déjà très étendue (pas en superficie mais en durée de transport en raison du relief) et très riche (Lyon, Grenoble, Saint-Étienne, Savoie) aurait pu ne pas être modifiée mais inclure une partie de l’Auvergne resterait cependant cohérent dans une optique économique puisque le Puy-de-Dôme (Clermont-Ferrand) et la Haute-Loire (Le Puy) sont déjà tournés vers Lyon.

Le découpage proposé du Nord et de l’Est de la France ne me paraît, en revanche, pas du tout pertinent. Proposer de regrouper la Picardie et la Champagne-Ardenne n’a aucun sens, rassembler Langres et Abbeville ! C’est la même aberration que le regroupement résiduel du Centre-Poitou-Limousin proposé. La Picardie pourrait aisément fusionner avec la région Nord-Pas-de-Calais, et cela aurait un sens économique.

Enfin, envisager le regroupement de l’Alsace et de la Lorraine serait une grossière erreur économique, pour deux raisons.

D’une part, l’Alsace, qui a raté sa fusion complète, a une identité très forte et très particulière, et est une entité économique à part entière. On pourrait éventuellement y inclure le Territoire de Belfort qui en avait été exclu depuis 1870.

D’autre part, la Lorraine est déjà intégrée dans un grand bassin économique qui s’appelle Sarlorlux, avec la Sarre allemande, le Luxembourg (pays) et le Luxembourg belge, qui n’a pas grand chose à voir avec l’Alsace plus attirée par la partie rhénane de l’Allemagne.

L’idée de François Hollande de créer des régions « de taille européenne et capables de bâtir des stratégies territoriales » est bonne, mais très mal appliquée ici puisque la Lorraine et l’Alsace, indépendamment l’une de l’autre, ne l’ont pas attendu pour développer une stratégie territoriale mais qui n’est pas commune, donc, regrouper l’Alsace et la Lorraine serait mettre une trentaine d’années de travail en l’air !

La Lorraine pourrait intégrer, en revanche, la plupart des départements de la Champagne-Ardenne sans que cela ne choquerait particulièrement, la Marne (Reims et Châlons-en-Champagne), les Ardennes (Charleville-Mézières), et éventuellement la Haute-Marne (Chaumont) qui pourrait aussi être intégrée à la Bourgogne-Franche-Comté comme l’Aube.

Comme on le voit par ce petit tour de France,les découpages proposés ne tiennent compte d’aucune logique de réalité, réalité culturelle, réalité historique ou réalité économique. Il est choquant que ces regroupements soient le fait de technocrates parisiens qui ne connaissent rien aux réalités des territoires.


Les dangers de faire n’importe quoi

Sur i-Télé, le journaliste Joseph Macé-Scaron, pourtant plutôt proche des idées du pouvoir, s’était insurgé avec véhémence ce 2 juin 2014 contre ce projet de fusion de régions. Pour lui, il y a un réel danger de remettre en cause l’identité très forte de certaines régions dans un contexte où l’identité est un paramètre très sensible. Le score élevé du FN aux européennes peut s’expliquer aussi par un repli identitaire très fort, or, bouleverser ainsi les régions, c’est rajouter un nouveau problème national alors qu’il n’y en avait aucun dans ce domaine-là.

Il ne faut pas négliger que l’identité est ce qui reste quand on retire tout. Les "bonnets rouges" revendiquent ainsi une identité bretonne forte (et demandent le rattachement de Nantes), et il est sûr que les Alsaciens sont, eux, beaucoup plus favorables à l’écotaxe que les Bretons car leur territoire est sans cesse pollué par le flux routier qui passe chez eux.

Mais il n’y a pas que dans le ressort psychologique que ce charcutage territorial pourrait causer du tort à la France. L’attractivité économique de certaines régions est basée parfois sur une "marque" forte, avec une identité internationale très forte. C’est le cas  notamment de Rhône-Alpes ou de l’Alsace. Leur changer de nom serait anéantir tout leur travail de communication vis-à-vis des entreprises étrangères depuis plusieurs décennies.


Réduire les coûts ?

Dans ce nouveau jeu de Légo dont les citoyens se passeraient bien, plus soucieux du chômage qui ne cesse encore de croître à un rythme affolant (500 demandeurs d’emploi supplémentaires chaque jour !), la question ultime reste son objectif.

Or, il n’y a qu’un seul objectif admissible pour tout chambouler : c’est celui de réduire les dépenses publiques.

Selon Alain Rousset, le président du Conseil régional d’Aquitaine et président de l’association des régions, dans un entretien au journal "Le Monde" du 2 juin 2014, cela ne ferait faire aucune économie : « Nous ne ferons pas d’économie sur les régions. Au contraire, il faudra égaliser vers le haut les salaires des fonctionnaires territoriaux et cela entraînera un coût supplémentaire en fonctionnement. C’est sur le couple commune et intercommunalité qu’il existe des marges. ».


Hollande, la mauvaise foi, encore une fois à l’œuvre

Dans sa tribune du 2 juin 2014, François Hollande veut accroître la pression sur les parlementaires : « Il faut aller vite car il ne nous est pas permis de tergiverser sur un sujet aussi important pour l’avenir du pays » en mettant les élus le dos au mur face à l’opinion publique. Pourtant, les bras m’en tombent quand je lis cela ! Le seul qui a tergiversé au sujet de la réforme territoriale, c’est bien François Hollande lui-même ! Une troisième réforme en deux ans ! Il a recréé toute une batterie d’élus en supprimant les conseillers territoriaux, et maintenant, il parle d’urgence.

Bref, dans ce projet de réforme territorial, rien n’est cohérent, tout est n’importe quoi : la méthode est n’importe quoi puisqu’en deux ans, on a proposé tout et son contraire ; la concertation est n’importe quoi puisque seuls comptent les apparatchiks du PS et leur féodalité ; la fusion est n’importe quoi car il faut adapter le regroupement des territoires à une certaine cohérence de bassins de vie ; l’objectif est n’importe quoi car le projet va enflammer la classe politique et sans doute le peuple qui a d’autre préoccupation sans pour autant réduire le déficit public.

Comment peut-on aussi mal gouverner la France ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (3 juin 2014)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Tribune de François Hollande dans la PQR datée du 3 juin 2014 (texte intégral).
François Hollande.
Manuel Valls.
L’Alsace.
Les dernières régionales (mars 2010).
Réforme du mode de scrutin aux élections locales.
Élections municipales 2014.
Élections européennes 2014.
The Day After.

yartiRegionsA02 



 

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/charcutage-regional-c-est-n-152823

Une d'Agoravox du 3 juin 2014
 

 

 

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2 juin 2014 1 02 /06 /juin /2014 21:02

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Réforme régionale : la tribune de François Hollande à la pression quotidienne régionale le 2 juin 2014 (texte intégral)




"Réformer les territoires pour réformer la France"
Publié le 02 Juin 2014


Rubrique : Nation, institutions et réforme de l'État



Depuis deux siècles, la République a cherché à concilier l’unité de l’Etat, avec l’exercice le plus libre possible de la démocratie locale.

Mais il a fallu attendre les grandes lois de décentralisation de 1982 sous la Présidence de François Mitterrand, pour élargir les responsabilités des communes et des départements, et faire des régions des collectivités locales à part entière.

Puis sous la présidence de Jacques Chirac, la République décentralisée a été consacrée dans la Constitution. C’était aussi une façon de reconnaître que nos territoires et les élus qui les représentent, ont incontestablement contribué depuis trente ans à la modernisation du pays et à l’amélioration de la vie quotidienne des Français.

Le temps est venu de donner une forme nouvelle à cette ambition. Parce que notre organisation territoriale a vieilli et que les strates se sont accumulées. Parce que les moyens de communication, les mutations économiques, les modes de vie ont effacé les limites administratives. Parce que nous devons répondre aux inquiétudes des citoyens qui vivent à l’écart des centres les plus dynamiques et qui redoutent d’être délaissés par l’Etat en milieu rural comme dans les quartiers populaires.

Le temps est donc venu de simplifier et clarifier pour que chacun sache qui décide, qui finance et à partir de quelles ressources. Le temps est venu d’offrir une meilleure qualité de service et de moins solliciter le contribuable tout en assurant la solidarité financière entre collectivités selon leur niveau de richesse.

La réforme que j’ai demandée au Premier ministre et au Gouvernement de mettre en œuvre, en y associant toutes les familles politiques, est majeure. Il s’agit de transformer pour plusieurs décennies l’architecture territoriale de la République.

Au plus près des habitants, la commune est l’institution à laquelle chaque Français est le plus attaché. C’est dans ce cadre que se pratiquent chaque jour la solidarité et la citoyenneté. Elle doit demeurer « une petite République dans la grande ». La spécificité de notre pays c’est de compter 36700 communes.

L’ensemble du territoire national est aujourd’hui couvert par des intercommunalités. Mais elles sont de taille différente et avec des moyens trop faibles pour porter des projets.

Ce processus d’intégration doit se poursuivre et s’amplifier. C’est le sens de la réforme proposée. Les intercommunalités changeront d’échelle. Chacune d’entre elles devra regrouper au moins 20 000 habitants à partir du 1er janvier 2017, contre 5000 aujourd’hui. Des adaptations seront prévues pour les zones de montagne et les territoires faiblement peuplés.

L’intercommunalité deviendra donc, dans le respect de l’identité communale, la structure de proximité et d’efficacité de l’action locale. Il faudra en tenir compte pour lui donner le moment venu toute sa légitimité démocratique. Comme il en a été décidé pour les 13 métropoles et le Grand Paris qui ont été créés par la loi du 27 janvier 2014.

Les régions, quant à elles, se sont imposées comme des acteurs majeurs de l’aménagement du territoire. Mais elles sont à l’étroit dans des espaces qui sont hérités de découpages administratifs remontant au milieu des années soixante. Leurs ressources ne correspondent plus à leurs compétences, qui elles-mêmes ne sont plus adaptées au développement de l’économie locale.

Pour les renforcer, je propose donc de ramener leur nombre de 22 à 14. Elles seront ainsi de taille européenne et capables de bâtir des stratégies territoriales. Une carte a été définie. Elle prend en compte les volontés de coopération qui ont été déjà engagées par les élus, dont je veux saluer le sens de l'intérêt général. Elle sera soumise au débat parlementaire. Mais il faut aller vite car il ne nous est pas permis de tergiverser sur un sujet aussi important pour l’avenir du pays.

Demain, ces grandes régions auront davantage de responsabilités. Elles seront la seule collectivité compétente pour soutenir les entreprises et porter les politiques de formation et d’emploi, pour intervenir en matière de transports, des trains régionaux aux bus en passant par les routes, les aéroports et les ports. Elles géreront les lycées et les collèges. Elles auront en charge l’aménagement et les grandes infrastructures.

Pour remplir leur rôle, elles disposeront de moyens financiers propres et dynamiques. Et elles seront gérées par des assemblées de taille raisonnable. Ce qui veut dire moins d’élus.

Dans ce nouveau contexte, le conseil général devra à terme disparaître. La création de grandes régions, et le renforcement des intercommunalités absorberont une large part de ses attributions. Mais cette décision doit être mise en œuvre de façon progressive car le conseil général joue un rôle essentiel dans la solidarité de proximité et la gestion des prestations aux personnes les plus fragiles. Et il ne peut être question de remettre en cause ces politiques. Pas davantage les personnels dévoués qui continueront à les mettre en œuvre. Du temps est nécessaire et de la souplesse est indispensable. Une large initiative sera laissée aux élus pour assurer cette transition. Certaines métropoles pourront reprendre les attributions des conseils généraux et toutes les expérimentations seront encouragées et facilitées.

L’objectif doit être une révision constitutionnelle prévoyant la suppression du conseil général en 2020. Je veux croire qu'une majorité politique nette se dessinera en faveur de ce projet et que s’y associeront les élus qui, dans l'opposition aujourd’hui, souhaitent eux aussi l’aboutissement de cette réforme. D’ici là, les élections pour le conseil départemental seront fixées le même jour que celles pour les futures grandes régions à l’automne 2015. Avec le mode de scrutin qui a été voté par la loi du 17 mai 2013.

Le département en tant que cadre d’action publique restera une circonscription de référence essentielle pour l'Etat, autour des préfets et de l’administration déconcentrée avec les missions qui sont attendues de lui : garantir le respect de la loi et protéger les citoyens en leur permettant d’avoir accès aux services publics où qu’ils se trouvent. Mais il devra renoncer à exercer les compétences reconnues aux collectivités.

Cette grande réforme s’inscrit dans la volonté de moderniser notre pays et de le rendre plus fort. Elle est tournée vers les citoyens car il s’agit de simplifier notre vie publique, de rendre plus efficace nos collectivités et de limiter le recours à l’impôt. Elle repose sur les valeurs qui doivent nous rassembler : le souci constant de la démocratie, de la solidarité et de l’efficacité. Et c’est pourquoi j’appelle tous les citoyens et, en particulier, tous les élus locaux qui par leur engagement quotidien font vivre les institutions de la République, à s’associer à sa réussite.

François Hollande

Tribune publiée dans la presse quotidienne régionale datée du 3 juin 201






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15 avril 2014 2 15 /04 /avril /2014 07:40

Le 2 mai 2012, face à son concurrent du second tour, le candidat François Hollande lâchait une longue tirade, dont ces quelques mots : « Je veux être (…) un Président qui ne veut pas être Président de tout, chef de tout et en définitive, responsable de rien. Moi, Président de la République, je ne serai pas le chef de la majorité (…). Moi, Président de la République, je ne traiterai pas mon Premier Ministre de collaborateur. (…) Moi, Président de la République, je ferai en sorte que mon comportement soit en chaque instant exemplaire. (…) Moi, Président de la République, j’essaierai d’avoir de la hauteur de vue pour fixer les grandes orientations, les grandes impulsions, mais en même temps, je ne m’occuperai pas de tout (…). ».


yartiSE01Qu’il est difficile de rester en accord avec ses promesses électorales ! Nul doute que la fameuse tirade lors de son débat avec le Président sortant Nicolas Sarkozy va lui revenir en pleines dents lors du solde de tout compte, au printemps 2017. François Hollande n’a pas vraiment varié la pratique présidentielle de ses prédécesseurs malgré les quelques velléités initiales professées sans doute sincèrement.


Réinitialisation du logiciel

En quelques jours, pour réduire au maximum l’impact politique du désastre électoral qu’il a subi aux élections municipales, François Hollande a complètement reformaté l’architecture de son quinquennat, de fond en comble, si bien qu’on pourrait se demander pourquoi il a perdu deux ans dans cette errance présidentielle.

1. Changement de Premier Ministre, avec un Jean-Marc Ayrault remercié comme un simple domestique et un Manuel Valls qui, dès sa prestation dans le journal de 20 heures sur TF1 le 2 avril 2014, a rappelé à plusieurs reprises qu’il ne faisait qu’appliquer la politique du Président de la République, considération qu’il a reformulée à de multiples reprises le 8 avril 2014 dans son discours de politique générale : « …proposé par le Président de la République » ; « Le Président de la République avait indiqué, le 14 janvier, que… » ; « …comme l’avait dit le Président de la République le 14 janvier dernier » ; « …et c’est la volonté du Président de la République » ; « C’est la grande priorité établie par le Président de la République. » ; etc.

2. Mais aussi changement du Secrétaire Général de l’Élysée avec le départ de Pierre-René Lemas et l’arrivée d’un autre camarade de la promotion Voltaire, Jean-Pierre Jouyet, ancien ministre de Nicolas Sarkozy et surtout, ancien directeur adjoint de cabinet de Lionel Jospin à Matignon à une époque où le conseiller en communication n’était autre que …Manuel Valls. C’est la première fois qu’un ancien ministre accède à cette fonction stratégique, car en général, c’est plutôt l’inverse qui s’opère, le Secrétaire Général de l’Élysée est souvent nommé ministre par la suite. Ce fut le cas de Michel Jobert, Édouard Balladur, Jean François-Poncet, Pierre Bérégovoy, Jean-Louis Bianco, Hubert Védrine, Dominique de Villepin, Philippe Bas et Claude Guéant.

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Au gouvernement et à l’Élysée, c’est donc bien la promotion Voltaire qui assure beaucoup de responsabilités. François Hollande refusait le népotisme supposé de son prédécesseur, mais lui l’a largement dépassé : Jean-Pierre Jouyet, Pierre-René Lemas, Sylvie Hubac (directrice de cabinet à l’Élysée), Michel Sapin, Ségolène Royal etc. À eux, il faut rajouter les apparatchiks du Parti socialiste.

3. En enfin, dans le même temps, le même jour que la finalisation de la composition du gouvernement, le 9 avril 2014, changement du premier secrétaire du Parti socialiste qui ne pouvait être que téléguidé par l’Élysée (« Je ne serai pas le chef de la majorité. ») avec l’éviction d’Harlem Désir (très contesté dans ce poste) et la désignation de Jean-Christophe Cambadélis.


Un tandem 18/58

C’est donc bien le Président de la République qui s’est mis en première ligne et on peut imaginer que cette configuration tiendra au moins jusqu’en mars 2015 (élections régionales et départementales), un échec électoral aux européennes du 25 mai 2014 (dans moins de six semaines) étant bien trop tôt pour l’imputer au nouveau gouvernement.

Le tandem va d’ailleurs beaucoup tanguer entre François Hollande et Manuel Valls, en raison de leur psychologie très différente, d’un départ dans l’opinion publique très différent (18% d’opinions favorables pour François Hollande, 58% pour Manuel Valls, un écart historique !), et par quelques mesures discrètes très précises comme, par exemple, la mise sous la tutelle de l’Élysée du Secrétariat général aux Affaires européennes (SGAE) qui était auparavant sous la tutelle de Matignon, une configuration similaire à celle d’une période de cohabitation.


Un nouveau premier secrétaire du PS

Proche de Dominique Strauss-Kahn et de Martine Aubry, qui est très silencieuse dans cette séquence postmunicipale, Jean-Christophe Cambadélis (62 ans) a obtenu ce 9 avril 2014 son bâton de maréchal, chef du PS. Il faut insister sur le fait que ce poste est rêvé par les militants de longue date, et même des personnalités aussi indépendantes que Michel Rocard ou Laurent Fabius ont été fières d'occuper le poste. En revanche, il n’est pas sûr du tout que Jean-Christophe Cambadélis y fasse de vieux os. En effet, le fait que le très proche de François Hollande, l’actuel Ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll, soit désormais le porte-parole du gouvernement lui donne un rôle politique de plus en plus important qui pourrait naturellement le porter à la tête du PS dans quelques mois, lors du prochain congrès.

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Jean-Christophe Cambadélis fait partie du militantisme étudiant d’extrême gauche très actif à l’époque des années 1970-1980, aux côtés de Julien Dray, Jean-Marie Le Guen, Jean-Luc Mélenchon, Isabelle Thomas …et Harlem Désir. Un documentaire sur LCP qui évoquait leur jeunesse ainsi que celle de jeunes gaullistes (Nicolas Sarkozy, Patrick Devedjian, Patrick Balkany, Roger Karoutchi etc.) permet de retracer la trame politique du nouveau leader du PS et notamment sa passion pour l’histoire politique, ce qui n’était pas forcément le cas de son prédécesseur direct.

Président de l’UNEF-ID de 1980 à 1984, Jean-Christophe Cambadélis a rejoint le PS en avril 1986 et emporta dès juin 1988 avec le soutien de Lionel Jospin la circonscription d’un député PS sortant (Alain Billon) évincé de la candidature. Après un échec en mars 1993, il a retrouvé son siège de député en juin 1997 jusqu’à maintenant. Il fut condamné le 28 janvier 2000 pour recel d’abus de biens sociaux à 5 mois de prison avec sursis et 100 000 francs d’amende par le tribunal correctionnel de Paris, et le 2 juin 2006 pour recel d’abus de confiance à 6 mois de prison avec sursis et 20 000 euros d’amende par le tribunal correctionnel de Paris. Il aurait pu être désigné à la tête du PS déjà en 1997 (à la place de François Hollande) puis en 2012 (à la place d’Harlem Désir).


Nouveau, resserré et paritaire ?

Je veux revenir sur la nomination des quatorze secrétaires d’État du gouvernement Valls. En tout, il y a donc trente et un membres du gouvernement, ce qui n’est pas si resserré que la promesse d’origine.

Il y a finalement peu de renouvellement. Beaucoup de ministres sortants se retrouvent dans ce gouvernement, mais il y a un peu plus de nouveaux arrivants que dans les nominations du 2 avril 2014 avec neuf nouveaux secrétaires d’État dont Laurence Rossignol (56 ans), sénatrice de Compiègne depuis 2011, journaliste, et Christian Eckert (58 ans), député de Meurthe-et-Moselle depuis 2007, agrégé de mathématiques et rapporteur général du budget à l’Assemblée Nationale. J’en évoquerai quelques autres juste en dessous.

Quant à la parité, si elle est effectivement bien respectée en terme quantitatif, ce qui, rappelons-le, est une bonne chose et nouveau depuis 2012, les femmes n’occupent cependant pas des postes très importants. De tous les ministères importants, qu’ils soient régaliens ou en rapport avec les priorités présidentielles (Défense, Intérieur, Affaires étrangères, Justice, Économie, Finances, Éducation nationale, Travail), seulement une femme est présente (Christiane Taubira), deux si on inclut l’Écologie avec Ségolène Royal.

D’ailleurs, il y a une certaine hypocrisie au PS à parler sans arrêt de parité, où effectivement elle est réalisée arithmétiquement mais certainement pas politiquement. Il suffisait de voir le nombre de têtes de liste femmes sur les listes municipales du PS en mars 2014, ou encore le nombre de femmes socialistes parmi les présidents de conseils généraux ou régionaux.

Je vais maintenant évoquer quelques nouveaux secrétaires d’État.


Harlem Désir aux Affaires européennes

La nomination la plus polémique est évidemment celle du premier secrétaire du PS Harlem Désir (54 ans), député européen depuis 1999, et ancien président fondateur de SOS-Racisme de 1984 à 1992. Membre du Conseil Économique et Social de 1989 à 1994 et de 1997 à 1999, proche de Bertrand Delanoë, il a été condamné le 17 décembre 1998 pour recel d’abus de biens sociaux à 18 mois de prison avec sursis et 30 000 francs d’amende par le tribunal correctionnel de Lille.

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Je suis bien incapable de dire si Harlem Désir sera un bon ou un mauvais Secrétaire d’État aux Affaires européennes et je propose d’observer ses actes à partir de maintenant, mais sa nomination a de quoi être très contestable pour plusieurs raisons.

D’abord, c’est un mépris total aux affaires européennes, et cela à quelques semaines des élections européennes, dans une société en véritable perte de repère sur la construction européenne. Son portefeuille apparaît ainsi plus un lot de consolation (considéré comme très négligeable) pour l’évincer de la tête du PS et permettre à un autre de prendre la place. Le principe de Peter appliqué au plus haut niveau de l’État.

Ensuite, le fait (comme précédemment) qu’il soit mis sous la tutelle du Quai d’Orsay montre encore un véritable problème de prise de conscience que les affaires européennes ne sont pas étrangères à la France. Au contraire, ce sont des affaires intérieures, elles devraient être sous la tutelle de Matignon, ou d’un ministère économique, certainement plus des Affaires étrangères.

Enfin, mais ce n’est pas nouveau, le titulaire des Affaires européennes est une véritable Arlésienne. Depuis vingt-deux mois, c’est déjà le troisième à ce poste. Qui serait capable de citer son prédécesseur direct ? C’est même un motif de plaisanterie à Bruxelles, où l’on blague sur l’instabilité des postes ministériels (c’est le cas aussi aux Finances, à part Christine Lagarde). Poste inauguré par Maurice Faure (qui vient de disparaître) juste avant l’arrivée de De Gaulle en mai 1958, ce n’est que le 11 septembre 1978 qu’il y a un titulaire systématique (juste avant les premières élections européennes) et depuis dix ans, il n’y a eu pas moins de 11 titulaires !

Par ailleurs, son passé judiciaire laisse de côté la promesse d’exemplarité de François Hollande et sa position à propos de l’expulsion de Leonarda a laissé un goût amer sur sa loyauté.


André Vallini à la Réforme territoriale

Au contraire de l’arrivée d’Harlem Désir, j’applaudis des deux mains la nomination du sénateur André Vallini (57 ans) au gouvernement. Positionné depuis deux ans pour être le Garde des Sceaux, je regrette même qu’il n’ait qu’un strapontin alors que cet homme raisonnable connaît très bien les dossiers de la justice et des collectivités locales. Il avait même présidé la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire Outreau (de décembre 2005 à avril 2006).

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Élu local brillant en Isère, maire de Tullins de 1986 à 2001, président du Conseil général de l’Isère depuis 2001 (conseiller général depuis 1992), député de 1997 à 2011 puis sénateur depuis 2011, André Vallini avait été nommé le 22 octobre 2008 par Nicolas Sarkozy, avec l’ancien Premier Ministre socialiste Pierre Mauroy, parmi les membre du Comité Balladur sur la réforme des collectivités locales (Y siégeaient également Jean-Claude Casanova, Jacques Julliard, Dominique Perben et Gérard Longuet).

On pourra seulement s’interroger sur sa tutelle auprès de Marylise Lebranchu qui était en train de préparer une réforme qui n’allait pas du tout dans le sens d’aujourd’hui, après une première réforme qui avait abrogé la diminution du nombre d’élus (devenus conseillers territoriaux). André Vallini aurait dû être le ministre responsable de la nouvelle réforme, sa ministre de tutelle n’ayant plus aucune crédibilité dans la révolution très ambitieuse que Manuel Valls veut engager dans ce domaine (en particulier dans la suppression des conseils départementaux qui, à mon sens, ne peut se réaliser qu’avec un président de conseil général).


Axelle Lemaire au Numérique

Jeune mère de famille et députée socialiste depuis juin 2012 dans la circonscription d’Europe du Nord, Axelle Lemaire (39 ans) avait refusé d’entrer au gouvernement en 2012 pour s’occuper de ses enfants. Elle aurait eu la responsabilité des Français de l’étranger (qu’elle est elle-même). Née au Québec, ayant passé une partie de son enfance au Canada puis à Montpellier, diplômée de l’IEP de Paris, avocate, elle habitait à Londres depuis 2002 et a intégré le secrétariat national du PS en 2012.

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Le départ de Fleur Pellerin de ce poste ministériel a attristé beaucoup de monde et il serait raisonnable qu’une ministre de la République ne continue plus de séjourner dans un pays étranger…


Ségolène Neuville aux Personnes handicapées et à la lutte contre l’exclusion

Un gouvernement avec deux Ségolène c’est possible, c’est maintenant ! Médecin chargée des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital de Perpignan, conseillère générale depuis mars 2011, députée des Pyrénées-Orientales depuis juin 2012, Ségolène Neuville (43 ans) siégeait à la commission des affaires sociales à l’Assemblée Nationale jusqu’à sa nomination au gouvernement.

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Pourvu qu’elle puisse faire avancer dans les dossiers pour faciliter la vie dans la cité des personnes qui ont un handicap. La France est encore très en retard par rapport à des pays du nord de l’Europe sur ce sujet essentiel pour plusieurs millions de personnes. C’est d’autant plus important que tout le monde peut se retrouver, un jour, provisoirement ou définitivement, dans un état de handicap. La capacité de la société à s’adapter pour permettre à tous de vivre de façon autonome est aussi l’un des meilleurs marqueurs de …l’évolution d’une civilisation.


Jean-Marie Le Guen aux Relations avec le Parlement

Beaucoup plus politique que les autres secrétaires d’État, Jean-Marie Le Guen (61 ans) entre enfin au gouvernement. Je dis "enfin" car ce proche de Dominique Strauss-Kahn attendait ce moment depuis longtemps, même si l’on peut se demander si ce n’est pas un lot de consolation après le désastre municipal qui l’aurait empêché de devenir le premier président du Grand Paris.

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Médecin spécialisé en économie de la santé, Jean-Marie Le Guen, originaire du militantisme d’extrême gauche, a commencé sa carrière au sein de l’UNEF-ID dont il fut longtemps salarié (ce qui lui a valu une mise en examen le 6 juin 2000 pour détournement de fonds publics, en d’autres termes, pour un emploi fictif présumé, par le parquet de Paris suivie d’un non-lieu).

Responsable des socialistes parisiens de 1987 à 2000, il fut élu conseiller de Paris de 1989 à 2001 et de 2008 à 2014 (adjoint au maire, il avait eu quelques velléités de se présenter contre Anne Hidalgo à la mairie de Paris en 2014), conseiller régional de 1992 à 1997, député de Paris de 1988 à 1992 (comme suppléant de Paul Quilès, nommé ministre), puis depuis 1997, comme titulaire élu sur son nom, et il a présidé les hôpitaux de Paris de 2008 à 2010.

Enfin, après l’affaire DSK, Jean-Marie Le Guen a soutenu la candidature de François Hollande et fut chargé, pour sa campagne présidentielle, des affaires sur la santé.


Vous aviez dit réduire le train de vie de l’État ?

Les ministres précédents ont accordé en 2013 à leurs 449 collaborateurs directs (sur 565) plus de 12 millions d’euros de "primes de cabinet" (ISP : "indemnités pour sujétions particulières" mises en place par Lionel Jospin en 2001), soit en moyenne des revenus complémentaires (en plus du salaire) de 2 500 à 3 500 euros par mois (selon l’annexe sur les personnels affectés dans les cabinets ministériels du projet de loi de finance 2014).

Les ministres les plus gourmands ont été Anne-Marie Escoffier, Aurélie Filippetti, Sylvia Pinel, Manuel Valls, Cécile Duflot, Marylise Lebranchu, Bernard Cazeneuve, Vincent Peillon, Nicole Bricq… tandis que Michel Sapin, désormais responsable des Comptes publics, a été le plus "pingre" avec seulement 670 euros de prime mensuelle pour ses collaborateurs.


Le courage sera-t-il au rendez-vous ?

La nouvelle équipe du quinquennat de François Hollande est donc arrivée au bout de vingt-deux mois, avec peu de différences avec l’ancienne. Souhaitons qu’elle aura plus de courage et de sens de l’intérêt général pour réformer réellement la France et lui redonner un destin industriel qu’elle n’a fait que perdre depuis ces dernières années. Et espérons qu’il y aura moins de largesse chez les gouvernants actuels que dans le gouvernement Ayrault.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (14 avril 2014)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les 14 secrétaire d’État nommés le 9 avril 2014.
Communication ou révolution ?
Le discours de politique générale de Manuel Valls du 8 avril 2014.
La montagne accouche d’une souris.
Les 16 ministres nommés le 2 avril 2014.
Manuel Valls nommé Premier Ministre le 31 mars 2014.
Le désastre municipal du 30 mars 2014.

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http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/moi-je-ne-serai-pas-le-chef-de-la-150713

 




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