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29 avril 2022 5 29 /04 /avril /2022 03:55

« Ce n’était pas un référendum national, à cet égard, c’étaient simplement, quand je dis simplement, c’est une manière de dire, 487 compétitions locales. Et cependant, les institutions de la République étaient en cause. Elles étaient en cause parce que, pour les dirigeants de toutes les oppositions, le but à atteindre, c’était grâce à ces élections, de remettre le pouvoir à la discrétion des partis comme il l’était autrefois, et comme tout justement l’exclut notre Constitution. Ils comptaient y parvenir en faisant élire à l’Assemblée Nationale une majorité négative. Qui, ils espéraient tout au moins, en censurant tous les gouvernements qu’aurait nommés le chef de l’État, auraient, je répète, ils l’espéraient, amené celui-ci à se soumettre ou à se démettre, et contrairement aux obligations du mandat, qu’il tient, lui, du peuple tout entier, à abandonner la responsabilité suprême de notre République et de la France. S’ils y étaient d’aventure parvenus, il va de soi qu’ils n‘auraient rien pu mettre que la confusion en lieu et place du régime qu’ils auraient ainsi détruit. » (Conférence de presse de De Gaulle du 16 mai 1967 à propos des élections législatives de mars 1967).





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Le Président sortant Emmanuel Macron a été réélu le 24 avril 2022 et déjà, on parle des élections législatives des 12 et 19 juin 2022. Vu l’importance de l’enjeu, il est normal de s’en préoccuper dès maintenant, ce que font activement tous les partis dont ceux de l’opposition. Jean-Luc Mélenchon a fait mieux puisque sur BFM-TV, dès le 19 avril 2022, avant donc le second tour de l’élection présidentielle, il a appelé les Français à « l’élire Premier Ministre ». En d’autres termes, 2022 sera-t-il l’année d’une quatrième cohabitation dans la Cinquième République ?

Rappelons que les cohabitations ont lieu lorsqu’une majorité parlementaire est élue en opposition au Président de la République en exercice. Raymond Barre considérait que dans ce cas de figure, le Président de la République devait remettre en jeu son mandat car de telles élections législatives l’auraient désavoué. Mais tout le monde ne s’appelle pas De Gaulle et se maintenir légalement coûte que coûte, quand on est au sommet de l’État, a été plus fort que le simple jeu de la légitimité populaire.

Historiquement, il y en a eu trois à ce jour : la première entre 1986 en 1988 fut une cohabitation très difficile, malveillante et conflictuelle, entre François Mitterrand et Jacques Chirac et l’échec de ce dernier à l’élection présidentielle de 1988 l’a dissuadé de renouveler l’expérience en 1993, si bien que la deuxième cohabitation fut bien plus douce, entre 1993 et 1995, entre François Mitterrand et Édouard Balladur. Mais il n’a pas fallu attendre longtemps pour une troisième cohabitation, issue d’élections législatives anticipées d’un an, pour une longue période, entre 1997 et 2002, entre Jacques Chirac, dans le rôle du Président de la République cette fois-ci, et Lionel Jospin.

Notons que les Premiers Ministres de cohabitation ont tous échoué à l’élection présidentielle qui a fini cette période de cohabitation, et pour deux d’entre eux, ils ont été éliminés dès le premier tour. Ces trois cohabitations ont fait dire aux humoristes que François Mitterrand avait inventé le septennat de cinq ans, tandis que Jacques Chirac avait inauguré le septennat de deux ans !

Depuis 2000, pour éviter une nouvelle cohabitation, l’institution du quinquennat et le calendrier électoral (les législatives suivent de quelques semaines l’élection présidentielle) ont donné, depuis une vingtaine d’années, un rythme à notre démocratie peu satisfaisant, car cela signifie que pendant cinq ans, il n’y a plus de respiration démocratique à l’échelle nationale. Insistons sur le fait que rien n’est figé et qu’une dissolution en cours de mandat ou un mandat écourté par une démission voire un décès (que je ne souhaite à aucun Président), deux évènements qui ont eu lieu au début de la Cinquième République (en 1969 et en 1974), bouleverseraient le calendrier actuel.

L’expérience historique six fois observée (1981, 1988, 2002, 2007, 2012, 2017) a montré que des élections législatives précédées d’une élection présidentielle apportent toujours la victoire au Président nouvellement élu ou réélu. En 1988, François Mitterrand n’avait bénéficié que d’une majorité relative, suffisante pour pouvoir gouverner dans une Assemblée aux oppositions divergentes. Avant 2000, ce type de calendrier avait simplement été décidé par le Président (c’est-à-dire François Mitterrand) qui avait procédé dès sa victoire à la dissolution de l’Assemblée Nationale (annoncée pendant la campagne présidentielle).

Les cas où le Président de la République avait des problèmes avec sa majorité proviennent d’ailleurs du fait qu’à son élection, il n’avait pas fait comme François Mitterrand, à savoir : Valéry Giscard d’Estaing en 1974 avec une majorité pompidolienne (et pas giscardienne) et Jacques Chirac en 1995 avec une majorité balladurienne (et pas chiraquienne).

À cet égard, tordons le cou à une idée reçue à propos de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Cette procédure, totalement constitutionnelle car intégrée dans la Constitution, ne vise pas à "écraser" le pouvoir du Parlement. Il vise à résoudre les divisions au sein même de la majorité parlementaire. Le choix pour les députés de la majorité est donc d’approuver un projet de loi ou de voir leur mandat se terminer prématurément avec des élections anticipées (en effet, la seule chose qui empêcherait l’adoption du texte serait l’adoption d’une motion de censure qui renverserait le gouvernement mais qui, en réplique, aboutirait à une dissolution).

En d’autres termes, le 49 alinéa 3 concerne les problèmes internes à la majorité parlementaire, pas les problèmes d’équilibre des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif. Ainsi, si par exemple Jean-Luc Mélenchon réussissait à obtenir une majorité absolue homogène de députés FI, d’une part, le Président de la République ne pourrait que nommer un gouvernement représentant cette majorité (en tout cas, c’est la triple jurisprudence 1986, 1993 et 1997) ; d’autre part, si ce gouvernement voulait utiliser l’article 49 alinéa 3 pour faire autre chose que le programme de la majorité parlementaire, celle-ci n’aurait aucun mal à voter une motion de censure, puisqu’elle serait majoritaire. Donc, dire que le 49 alinéa 3 permettrait à Emmanuel Macron de faire aboutir une éventuelle réforme des retraites contre une majorité de députés, c’est faux, absurde, stupide et signe de ne rien comprendre à nos institutions.

Nous ne sommes pas dans un régime exclusivement présidentiel (comme les États-Unis) puisque celui qui gouverne émane prioritairement de l’Assemblée Nationale et pas du Président de la République (c’est ce que nous enseignent les trois cohabitations). Ce n’est pas non plus un régime exclusivement parlementaire (comme l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Espagne), car la vie politique est polarisée par l’élection présidentielle et le choix du Président de la République qui reste le chef s’il obtient la majorité à l’Assemblée. En clair, nous sommes dans une "République gouvernementale" car la Constitution donne au gouvernement les moyens de gouverner efficacement, et ce gouvernement a une double légitimité, celle du Président de la République et celle de l’Assemblée, eux deux choisis par le peuple.

Un décalage dans le temps des deux élections (présidentielle et législatives) n’empêchera pas, non plus, comme en 1981 et en 1988, que le Président, une fois élu, puisse dissoudre systématiquement l’Assemblée pour avoir une majorité parlementaire soutenant son projet présidentiel. Seule une différence de durée des mandats du Président de la République et des député, pourrait redonner une meilleure respiration démocratique en organisant des élections législatives bien avant la fin du mandat présidentiel.

Venons-en à 2022. La situation est-elle très différente des précédentes élections ? Je ne le crois pas. Au contraire de 2002 qui a montré une paysage éclaté, et comme 2017, le premier tour de l’élection présidentielle de 2022 a montré un paysage politique plutôt polarisé derrière quatre pôles en 2017, et trois pôles en 2022 : le RN (Marine Le Pen), FI (Jean-Luc Mélenchon, et LREM (Emmanuel Macron). La destinée du PS en juin 2017 laisse augurer très mal la destinée de LR en juin 2022 après le désastre du premier tour de l’élection présidentielle.

L’inconnue sur la survivance de ces deux partis, LR et le PS, aux élections législatives, est un enjeu important qui va se résumer à cette question : les implantations locales vont-elles prendre le dessus sur la logique nationale ? En 2007, entre les deux tours des élections législatives, il y a eu un "redressement" en faveur du PS qui a fait perdre des dizaines de sièges à la future majorité UMP (également sortante), en raison d’une maladresse de Jean-Louis Borloo. La réalité est probablement les deux à la fois : une logique nationale, la logique institutionnelle, et une logique locale qui fera que les députés qui ont été le plus présents sur le terrain seront épargnés même s’ils ne font pas partie de la majorité.

À ce petit jeu, nul doute que Jean-Luc Mélenchon se moque de ses électeurs en leur faisant miroiter une majorité FI. C’est son "excuse" au soutien à Emmanuel Macron au second tour : évitons Marine Le Pen à l’Élysée mais élisez-vous à Matignon ! Ce raisonnement a été en plus énoncé entre les deux tours de l’élection présidentielle : Emmanuel Macron a rappelé que chaque chose en son temps, il est vain de parler législatives quand le second tour de l’élection présidentielle n’a pas encore eu lieu.

Maintenant qu’il a eu lieu, que la présidentielle est passée, il faut aussi réfléchir sur les chances de Jean-Luc Mélenchon à obtenir "sa" majorité. Là, c’est le règne du bluff ! Il y a beaucoup de signes qui montrent qu’il dupe les Français. Le premier, c’est que le 19 avril 2022, il a dit le même soir qu’il proposait d’être le Premier Ministre de la France (il peut toujours le proposer) mais qu’il était trop fatigué pour faire trois heures de TGV entre Paris et sa circonscription à Marseille. À presque 71 ans, je comprends très bien qu’il puisse être fatigué, d’autant plus qu’une campagne présidentielle est physiquement épuisante. Mais pourquoi alors postuler à la fonction la plus épuisante de France, Matignon ?

Autre sujet de tromperie : le 27 avril 2022, des négociations d’appareil ont eu lieu entre autres entre FI, EELV et le PS. Mais pour négocier quoi ? Car les positions des différents partis de la gauche sont divergentes sur beaucoup de sujets (en particulier sur le nucléaire). Or, l’affiche de Jean-Luc Mélenchon pour les élections législatives est sortie bien avant le début des négociations ; donc rien n’est en fait négociable, l’idée était de soumettre totalement au mélenchonisme les autres partis perdus de gauche, puisque dans l’affiche, il y a Jean-Luc Mélenchon Premier Ministre que ne veulent pas les socialistes et les écologistes enragent de ne voire aucune mention sur l’écologie.

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Qu’importe ces petites duperies : Jean-Luc Mélenchon est trop fin politique pour ne pas croire à ses illusions. Que ses électeurs y croient n’est pas son problème. Comment pourrait-il obtenir une majorité à l’Assemblée Nationale alors qu’il n’a même pas pu franchir le premier tour présidentiel ? Il met une énergie désespérée à vouloir encore et encore exister.

Si l’on regarde l’ensemble des circonscriptions et qu’on prend en compte le candidat arrivé en tête au premier tour de l’élection présidentielle, cela donne ceci : 265 circonscriptions dominées par LREM, 205 par le RN et 105 par FI. Cette première approche montre bien l’irrationnel de la méthode Mélenchon. Pourquoi vouloir croire en quelque chose qui ne pourrait absolument pas se passer ? Encore décevoir ses électeurs ? Sait-il que c’est à cause de cela que l’abstention progresse ?

Ce qui est clair, c’est que les trois chiffres indiqués constituent une première approche, mais très grossière, car en fin de compte, il faut plutôt obtenir une majorité absolue pour conquérir un siège. Cette capacité à rassembler au second tour, le RN l’a très peu à l’heure actuelle. Quant à FI, cela suppose aussi que l’électorat de Jean-Luc Mélenchon est très homogène, ce qui est faux : la moitié au moins de ceux qui ont voté pour lui au premier tour du 10 avril 2022 n’était pas mélenchoniste mais de gauche par vote utile. Résultat, lorsque, dans une circonscription, un autre candidat de gauche se présentera en concurrence avec un candidat FI, ces électeurs-là ne choisiront pas le candidat FI car il n’y aura pas d’effet vote utile.

Ainsi déjà en 2017 : au premier tour de l’élection présidentielle du 23 avril 2017, Jean-Luc Mélenchon a rassemblée 7 millions d’électeurs, soit 19,6%. Et au premier tour des élections législatives du 11 juin 2017, les candidats FI n’ont convaincu que 2,5 millions d’électeurs, soit 11,0% (une perte sèche de 4,5 millions d’électeurs !). Visiblement, tous les candidats FI n’ont pas le même bagout que le talentueux Mélenchon ! Il n’y a pas de raison que FI ne s’effondre pas de la même manière le 12 juin 2022.

De plus, comme le paysage politique s’est polarisé en trois pôles, on pourrait croire que ça va se terminer par des triangulaires au second tour. Mais c’est fort peu probable car pour être présent au second tour, il faut au moins obtenir 12,5% des électeurs inscrits. Or, la forte abstention prévisible signifie que pour être présent au second tour, le candidat devra obtenir au moins 25% des suffrages exprimés, ce qui est un seuil très élevé. Ce sera donc très difficile pour le troisième parti d’avoir une majorité.

Comme on le voit, au contraire de FI, le RN a pu atteindre la majorité dans de nombreux territoires, en particulier ruraux. Mais cela impose que le RN puisse mobiliser autant qu’à la présidentielle, ce qui est fort peu probable. Sébastien Chenu, représentant Marine Le Pen, est d’ailleurs très franc quand il convient que le RN n’aura pas de majorité absolue, fustigeant au passage l’imposture du slogan "Mélenchon Premier Ministre". En revanche, la stratégie d’avoir le plus de sièges, d’abord pour pouvoir former un groupe, ensuite pour former le groupe d’opposition le plus important, est tout à fait logique et cohérent avec les mécanismes profonds de la Cinquième République.

Cependant, la partie n’est pas facile non plus au sein de la majorité, car Édouard Philippe souhaite négocier de nombreuses circonscriptions. Son problème, c’est que les élus LR qui rejoignent Emmanuel Macron n’ont pas besoin d’un sas comme Horizons, d’autant plus que le Président de la République souhaite rassembler toute sa majorité dans une seule formation (Édouard Philippe et François Bayrou ont refusé cette uniformisation ; pour le MoDem, c’était prévisible, François Bayrou ne voulait déjà pas intégrer l’UMP, ce n’est pas pour intégrer dans un autre bloc majoritaire, ici LREM, vingt ans plus tard).

La difficulté est de savoir comment les députés sortants LR se comportent vis-à-vis de la majorité présidentielle, et plus généralement les élus LR. Certains élus sont très clairement favorables à la coopération avec Emmanuel Macron, comme Franck Louvrier, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy et actuel maire de La Baule, et Damien Abad, président du groupe LR à l’Assemblée Nationale. Officiellement, LR a décidé de refuser toute alliance avec la majorité présidentielle et de partir seul, avec son alliance avec l’UDI. Une stratégie qui peut être fatale si l’abstention est aussi élevée qu’en 2017.

L’autre problème de la majorité, c’est de reconduire les députés sortants de LREM dont certains n’ont toujours pas réussi leur implantation locale (on l’a vu pour certains aux élections municipales). Il y a donc une incertitude sur le niveau d’adhésion aux candidats LREM qui dépendra aussi de l’identité du chef de file, à savoir, du prochain Premier Ministre.

Dans tous les cas, l’enjeu de ces prochaines élections législatives n’est pas seulement de savoir quelle majorité il en ressortira. Mais aussi quelle opposition et avec quels moyens. Du paysage parlementaire de l’été 2022 dépendront les conditions de l’élection présidentielle de 2027…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (28 avril 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Élysée 2022 (49) : vers une quatrième cohabitation ?
Élysée 2022 (48) : qui sera le prochain Premier Ministre d’Emmanuel Macron ?
Élysée 2022 (47) : la victoire historique d’Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron réélu Président de la République le 24 avril 2022.
Discours du Président Macron le 24 avril 2022 au Champ-de-Mars à Paris (texte intégral et vidéo).
Interview d’Emmanuel Macron le 22 avril 2022 sur France Inter.
Résultats du second tour de l’élection présidentielle du 24 avril 2022 (Ministère de l’Intérieur).

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220428-cohabitation.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/elysee-2022-49-vers-une-quatrieme-241256

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/04/28/39454954.html











 

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26 avril 2022 2 26 /04 /avril /2022 03:34

« Après cinq années de transformations, d’heures heureuses et difficiles, de crises exceptionnelles aussi, ce jour du 24 avril 2022, une majorité d’entre nous a fait le choix de me faire confiance pour présider notre République durant les cinq années à venir. » (Emmanuel Macron, le 24 avril 2022 à Paris).




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L’hymne à la joie en se présentant devant ses partisans au Champ-de-Mars dans son nouveau costume de Président réélu, entouré de la jeunesse de France ! La réélection d’Emmanuel Macron est la confirmation populaire et démocratique que le pays préfère la voie de la modernité et de la raison au repli sur soi et à la frustration. On peut toujours être élu par hasard ou par un concours de circonstances, on n’est jamais réélu par hasard, d’autant plus qu’historiquement, c’est exceptionnel.

Pour autant, Emmanuel Macron doit avoir le triomphe modeste. Pas parce qu’il a été mal réélu, bien au contraire, avec 58,5%, il a été très largement réélu, j’ai expliqué précédemment qu’il a eu une majorité absolue des votants, et que la proportion d’électeurs inscrits qui ont voté pour lui est équivalente à celle des inscrits qui ont voté pour François Hollande en 2012. Mais parce que le pays a été divisé par une campagne très angoissante, très dure, très clivante, depuis le début du mois de septembre 2021, avec les idées complètement anti-humanistes du polémiste Éric Zemmour qu’on entend un peu moins dans les médias depuis qu’il s’est pris une gamelle (7%) et cela repose un peu, mais relayées par les mêmes idées présentées par Marine Le Pen.

On reparlera de cette fracture du pays, les sondeurs et les sociologues adorent en parler et ils auront cinq ans pour en parler. Emmanuel Macron, lui, doit faire de la politique et doit dans un premier temps réfléchir sur le choix de son prochain Premier Ministre. Jean Castex devrait franchir le 1er mai 2022 mais jusqu’à quand ? Certains peuvent imaginer qu’il puisse aller jusqu’à la fin des élections législatives, mais cela signifierait que la majorité présidentielle table sur une défaite électorale.

Comme Emmanuel Macron a promis de nouvelles méthodes, une non-continuité avec le quinquennat précédent, il serait donc logique de se séparer de Jean Castex dès maintenant, d’autant plus qu’il a été prévenu à sa nomination le 3 juillet 2020 que son contrat est un contrat à durée déterminée jusqu’à la fin du premier quinquennat.

Sur le plan politique, Emmanuel Macron doit rassembler ses électeurs du second tours, ce que n’avait pas réalisé Jacques Chirac en 2002. Il est passé de 28% à 58%, soit plus de 30 points supplémentaires, il a plus que doubler son score. Sa philosophie s’est exprimée ainsi le 24 avril 2022 au soir : « Je sais aussi que nombre de nos compatriotes ont voté ce jour pour moi non pour soutenir les idées que je porte mais pour faire barrage à celles de l’extrême droite. Je veux ici les remercier et leur dire que j’ai conscience que ce vote m’oblige pour les années à venir. Je suis dépositaire de leur sens du devoir, de leur attachement à la République et du respect des différences qui se sont exprimées ces dernières semaines. ». La manière dont il appliquera cette parole influera directement sur le climat politique de son deuxième quinquennat.

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Quel serait le profil idéal ? Il faudrait que le prochain Premier Ministre soit un poids lourd de la politique capable de mener à la victoire la majorité présidentielle dans la campagne des législatives ; il vaudrait mieux qu’il soit elle, une femme ; il faudrait qu’il connaisse bien les questions sur l’énergie, la transition écologique, le logement, etc. (je reste avec le pronom "il" qui est un neutre signifiant "il" ou "elle") ; il faudrait qu’il puisse satisfaire Jean-Luc Mélenchon et Valérie Pécresse ; il faudrait aussi qu’il soit en très bonne forme physique et intellectuelle (Matignon est sans doute l’emploi le plus dévoreur de personnalité). Et en plus, il faudrait que ses relations avec Emmanuel Macron permettent la plus parfaite efficacité au sommet de l’État.

Dans ce profil, la personnalité qui se dégagerait le mieux serait incontestablement Valérie Pécresse, mais après avoir autant fustigé la politique d’Emmanuel Macron pendant sept mois, matin, midi et soir (lui reprochant entre autres d’avoir cramé la caisse alors que c’est plutôt elle-même qui a cramé sa propre caisse), il lui serait difficile d’expliquer un tel revirement, même si Édouard Philippe, par exemple, avait eu le même changement de direction.

Bref, autant dire que ce profil est introuvable à moins de créer son propre être transhumanisé ! Alors, évidemment, et bien avant le second tour, les journalistes ont cité des noms et le premier qui revient est Christine Lagarde, régulièrement premier-ministrable depuis l’époque de Nicolas Sarkozy. Mais quel intérêt aurait-elle à vouloir diriger le gouvernement de la France, elle qui a quitté la France depuis onze ans, depuis juin 2011, pour diriger le FMI puis la BCE ? Sa fonction est très importante au sein de l’Europe, et même cruciale pour la politique économique d’Emmanuel Macron. La nommer à Matignon, c’est retirer une Française à la BCE et ce n’est pas sûr de trouver un successeur de la même carure à la BCE. De plus, il pourrait y avoir des désaccords sur la politique monétaire.

On a parlé aussi d’Élisabeth Borne qui est l’une des révélations du premier quinquennat. Elle a pris la succession de François de Rugy, puis le Ministère du Travail qui est particulièrement difficile, et excellente technicienne (elle a réalisé au début du premier quinquennat la réforme de la SNCF), elle n’a pas démérité. Il reste pourtant qu’elle ne semble pas avoir un poids politique majeur pour mener une campagne législative nationale qui puisse entraîner toute la majorité présidentielle (il faut se rappeler la trop grande légèreté politique de Nathalie Loiseau aux européennes de mai 2019).

On peut aussi voir du côté des poids lourds politiques, mais dans ce cas, ce ne sont pas des femmes. Le premier d’entre eux est Bruno Le Maire, lui aussi premier-ministrable depuis 2010, même s’il semble plutôt partant pour continuer à Bercy (un peu à l’instar de Valéry Giscard d’Estaing dans les années 1960). Qui d’autres donc ? Gérald Darmanin ? Julien Denormandie est cité aussi plus récemment. Dans ce cas, pourquoi pas non plus Barbara Pompili ou Amélie de Montchalin ? Certains pensent même à Nathalie Kosciusko-Morizet qui pourrait "cocher toutes les cases" : femme, connaissant l’écologie (elle a pris la succession de Jean-Louis Borloo), personnalité d’ouverture, poids lourds politique ambitieuse au point d’avoir dépassé Bruno Le Maire à la primaire LR de novembre 2016. Son seul problème est d’avoir déserté la vie politique depuis son échec aux élections législatives de juin 2017, battue à Paris par un candidat LREM (Gilles Le Gendre).

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Autre hypothèse : Jean-Pierre Chevènement, qui s’est beaucoup activé pendant la campagne présidentielle, en organisant un meeting de soutien à Emmanuel Macron (le 19 avril 2022 à Belfort avec son parti Refondation républicaine) et aussi en proposant des points forts d’action qui pourraient être l’ossature d’un discours de politique générale (par exemple, dans une tribune au journal "Le Monde" du 19 avril 2022, il a exposé trois axes : redonner un sens au travail avec la réindustrialisation du pays et la réhabilitation de la science ; refonder la République avec les valeurs de la citoyenneté et la place de la France dans le monde ; enfin, restaurer le socle de l’école publique en poursuivant le chantier ouvert durant le premier quinquennat). Bien entendu, l’âge (83 ans) serait un handicap dans un monde qui va à 100 à l’heure.

Le journaliste Yves Théard imaginerait bien, quant à lui, la nomination de François Bayrou, poids lourds politique incontestable de la Macronie, mais avec un certain nombre de défauts pour le profil, en particulier celui de vouloir continuer à exister politiquement indépendamment du Président de la République.

Le problème d’Emmanuel Macron, c’est qu’il dispose de grands poids lourds politiques avec une grande expérience, mais plutôt âgés et symboles plus du passé que de l’avenir (on peut citer encore Jean-Yves Le Drian, qui va bientôt avoir 75 ans, premier-ministrable depuis l’époque de François Hollande ; aussi Bertrand Delanoë, etc.), ou alors de talents qui sont souvent excellents du point de vue technique, mais généralement inconsistants politiquement.

Mais peut-être que la solution se cache devant les yeux : et pourquoi pas Sandrine Rousseau, qui est écologiste (point d’insistance dans la campagne de second tour d’Emmanuel Macron), mélenchon-compatible, etc. ? Bien sûr, je plaisante, surtout depuis qu’elle a proposé de créer un "délit de non-partage des tâches domestiques", la difficulté du choix renforce les hypothèses les plus farfelues. Réponse dans quelques jours.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (25 avril 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Élysée 2022 (48) : qui sera le prochain Premier Ministre d’Emmanuel Macron ?
Élysée 2022 (47) : la victoire historique d’Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron réélu Président de la République le 24 avril 2022.
Discours du Président Macron le 24 avril 2022 au Champ-de-Mars à Paris (texte intégral et vidéo).
Interview d’Emmanuel Macron le 22 avril 2022 sur France Inter.
Résultats du second tour de l’élection présidentielle du 24 avril 2022 (Ministère de l’Intérieur).

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19 avril 2022 2 19 /04 /avril /2022 03:42

« Nous savons pour qui nous ne voterons jamais. (…) Alors, je le sais bien, je le répète parce que des fois, il arrive que même quand je dis les choses, c’est comme si je ne les avais pas dites. Alors, je recommence à cet endroit du film : il ne faut pas donner une seule voix à madame Le Pen. Il ne faut pas donner une seule voix à madame Le Pen. Il ne faut pas donner une seule voix à madame Le Pen. Voilà, je crois que le message pour cette partie a été entendu. » (Jean-Luc Mélenchon, le 10 avril 2022).





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Je n’aurais pas la mauvaise foi de me retrouver en complicité idéologique avec Jean-Luc Mélenchon, mais il a eu le mérite d’être clair à cette élection-ci, au contraire de celle de 2017, quoi qu’il en dise aujourd’hui. Mais sa position ne tient compte que du point de vue de ses électeurs, à savoir que moralement, ils ne doivent pas se compromettre avec le "diable". Mais dans ce raisonnement, il semble se moquer un peu de la France, qu’elle soit gouvernée ou pas par le "diable". Car le leader de FI est un fin politique, il sait très bien qu’on ne fait pas barrage à Marine Le Pen en s’abstenant ou en votant blanc. Il sait très bien que pour faire barrage à la famille Le Pen, il faut voter au second tour pour son adversaire, et il l’avait remarquablement prouvé en 2002 en ayant été parmi les premiers socialistes à appeler à voter pour Jacques Chirac. Encore un effort, monsieur Mélenchon, vous savez que Marine Le Pen peut gagner en 2022, alors, avant la fin de la campagne, soyez encore plus clair, comme en 2002, appelez à voter pour Emmanuel Macron !

Ce qui y a de bizarre, c’est qu’il faut attendre l’issue du premier tour pour découvrir le programme de Marine Le Pen. Comme si son programme n’était pas disponible auparavant. Et ce n’est pas faute de Marine Le Pen, car on peut dire qu’elle a fait campagne depuis six mois, multipliant les déplacements thématiques. Mais les journalistes semblent vraiment neurasthéniques, peut-être anesthésiés par la guerre en Ukraine ? Pourtant, les programmes, cela donne quelques indications intéressantes sur le futur, enfin, sur le conditionnel présent, à défaut d’être déjà du futur antérieur.

Pour Marine Le Pen, c’était même pire. C’est comme si Éric Zemmour lui avait servi de paratonnerre : pour toutes les mesures dégueulasses (désolé, je n’ai pas trouvé d’autres mots), c’est le polémiste qui s’en est pris plein la figure. Et la p’tite reine Le Pen en est sortie tout intacte, tout vierge de son immaculée rédemption (pour la conception, il faut voir avec Le Pen père).

Par exemple, on redécouvre que l’ex-présidente du RN veut interdire le port du voile en public. Pas les fonctionnaires dans une administration ouverte au public, mais n’importe quelle citoyenne. Faut-il argumenter sur l’ineptie ? Oui, d’autant plus que cette mesure pourrait même recevoir l’assentiment d’une majorité de Français (c’est là, le problème de la France, la démagogie est toujours aussi efficace dans la formation des opinions publiques).

La première chose, c’est que cela viole le principe d’égalité et le principe de liberté, ainsi que le principe de proportionnalité de la mesure (l’égalité n’est pas absolue, par exemple, on a accepté des mesures spécifiques au passe vaccinal pour garantir la protection de la santé des Français, mais quel principe suprême évoquer pour justifier cette interdiction du voile ?). Cette mesure serait donc forcément déclarée comme anticonstitutionnelle par le Conseil Constitutionnel. Déjà, on entend certains adeptes du lepénisme marinien dire que le Conseil Constitutionnel, on s’en b…, voire qu’on pourrait le dissoudre.

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C’est là où l’on retient un invariant de la pensée de Marine Le Pen : il n’y a rien entre le peuple et la loi. Ben si, il y a justement ce qui fonde la démocratie et l’État de droit, car sinon, il suffirait qu’une majorité décide de renier les libertés publiques, l’égalité pour qu’on tombe en dictature. C’est le principe de la démocratie, ce qu’on appelle aujourd’hui le bloc de constitutionnalité, qui va bien au-delà de la Constitution de la Cinquième République puisqu’il englobe aussi la (simple) loi du 9 décembre 1905 sur la laïcité, le préambule de la Constitution de la Quatrième République… sans compter qu’il y a d’autres instances juridiques, internationales, qui protègent les citoyens des abus d’une éventuelle majorité autocratique, en particulier la Cour européenne des droits de l’homme qui n’est pas, rappelons-le, l’émanation de l’Union Européenne mais du Conseil de l’Europe.

On voit bien la petite musique lepéniste visant à s’affranchir du Conseil Constitutionnel (et le déconsidérer en rappelant qui le préside), et cette idée, ne serait-ce qu’elle soit déjà formulée, est très inquiétante en elle-même. Le Conseil Constitutionnel, la seule chose qu’une postulante à la magistrature suprême peut faire, c’est de le respecter, comme de respecter le peuple français, la France, son histoire, son État de droit, ses institutions, sa démocratie et sa République.

Sur le voile, il y aurait beaucoup à redire d’ailleurs, car la candidate du RN prétend réconcilier les Français et elle irait au contraire les diviser gravement en stigmatisant toutes ces femmes qui portent le voile. Ce serait d’ailleurs totalement stupide de mobiliser les forces de l’ordre (qui, selon elle, auraient du boulot ailleurs) pour ce genre de "délit", d’autant plus qu’il n’y aurait que des risques de dérapage dès lors les personnes n’obtempéreraient pas. Plus stupide encore de vouloir mettre de l’eau dans son vin en "réduisant" la portée de la mesure d’interdiction aux seules femmes de moins de 70 ans, afin de se déclarer "extrémiste modérée" ! (genre : on n’est pas des monstres, les vieilles peuvent se voiler !).

Cette idée renforce d’ailleurs l’absurdité de la mesure, motivée soit par une démagogie sotte, soit par un réel racisme, puisqu’il n’y a rien qui justifie d’interdire à 69 ans ce qui est autorisé à 71 ans, à moins de confusion mentale et de mélanger les choses avec la vaccination pour laquelle les personnes plus âgées devaient être prioritaires quand il manquait de doses. La neutralité des journalistes me paraît d’ailleurs révoltante sur un tel sujet. Ils devraient exprimer leur indignation et au lieu de cela, ils ergotent comme s’ils demandaient pourquoi 70 ans et pas 65 ans.

Ce type de mesures, totalement kafkaïenne (depuis quand, sans raison, l’État doit-il dicter ce qu’on doit porter, ce qu’on doit manger, etc. dans un pays libre ?), typiquement zemmouriennes, mais le zemmourisme électoral les avait cachées (attention, un train extrémiste peut en cacher un autre !), justifie a posteriori le principe de l’État de droit et le bloc de constitutionnalité où un individu capable d’avoir la majorité des voix ne peut pas se permettre de faire tout et n’importe quoi. Ces garde-fous s’appellent démocratie. C’est justement parce qu’il y a des candidats à la Présidence de la République qui s’appellent Marine Le Pen qu’il faut ce genre de garde-fous.

J’aurais évidemment le même raisonnement avec beaucoup de propositions de Marine Le Pen, comme l’ineffable "préférence nationale" qui va diviser la société en deux catégories alors que les étrangers habitant en France contribuent, autant que les nationaux, à la richesse de la France (ou à sa pauvreté, mais ça revient au même, l’important, c’est : "autant que les nationaux"). C’est ce que les Le Pen ont toujours su faire, diviser et la méthode Coué qui consiste à hurler avec un sourire carnassier qu’on veut réconcilier les Français et qu’on veut une unité nationale ne retire rien à la réalité des choses.

Dans sa conférence de presse du mardi 12 avril 2022 à Vernon, Marine Le Pen a présenté ses propositions sur les institutions. Elle a eu l’outrecuidance de se réclamer de De Gaulle en présentant sa volonté de faire de référendums sur tout et n’importe quoi : justement, il n’en était pas ainsi question. Le référendum, au contraire, était réservé à des champs d’application très précis et exceptionnels que Jacques Chirac a certes étendu mais que François Mitterrand n’avait pas réussi à étendre en été 1984 dans une énième manœuvre politicienne (il voulait faire un référendum sur le référendum en prenant au mot les opposants de la réforme Savary qui réclamaient un référendum sur l’enseignement).

Et surtout, pour De Gaulle, il ne s’agissait pas de laisser au peuple le soin du sujet ni du calendrier. Il n’était pas question d’un référendum d’origine citoyenne qui, en France, au contraire de la Suisse, n’est pas réalisable concrètement car nous sommes trop nombreux. De Gaulle remettait sa légitimité systématiquement en cause à chaque référendum tandis que l’idée de Marine Le Pen est de faire une sorte de QCM permanent, sans suite, sans cohérence, en totale inconséquence, et surtout, sans mettre sa responsabilité personnelle en jeu. Dans ce cas, autant ne pas chercher à gouverner. C’est justement aux dirigeants de prendre des mesures parfois impopulaires mais qui peuvent se justifier. C’est cela qui s’appelle courage politique. Suivre les sondages, ce n’est qu’une lâcheté populiste quand ce n’est pas commandé par une vision cohérente de la France.

Ne serait-ce que la remise en cause de la peine de mort par un référendum alors que son abolition est une obligation engagée par un traité international ainsi qu’une disposition constitutionnelle me paraît procéder d’une dérive grave de la démocratie. Ce n’est pas ainsi que je conçois des institutions d’essence gaullienne.

Je termine sur un autre point du programme sur lequel je me suis déjà largement exprimé, la mise en place d’un scrutin proportionnel aux élections législatives. Marine Le Pen ne manque pas de toupet de se dire l’héritière de De Gaulle et de vouloir revenir justement aux délices et poisons de la Quatrième République qui est morte de son incapacité à trouver des majorités de gouvernement, d’autant plus qu’à l’époque, le paysage politique était nettement moins morcelé qu’aujourd’hui.

Marine Le Pen, qui prétend vouloir plus de proximité, veut faire élire des députés complètement hors sol, déconnectés des réalités du terrain, dont les élus ne seraient plus choisis par le peuple lui-même (ce serait le parti qui décide de l’ordre sur la liste qui ferait l’élection), au même titre que les députés européens (au point que les collaborateurs des députés européens RN auraient servi à faire autre chose que ce pour quoi ils ont été payés). Ce serait d’ailleurs pour Marine Le Pen un suicide institutionnel, celui de la France qui avait jusqu’alors des institutions qui fonctionnaient efficacement, mais aussi un suicide politique personnel car se retrouvant dans l’incapacité à rassembler au-delà de son seul parti, elle ne pourrait jamais avoir de majorité parlementaire sans scrutin majoritaire.

Il ne faut jamais oublier que construire des institutions démocratiques est un lent processus qu’il faut sans relâche favoriser au fil du temps et des modes, mais détruire des institutions peut se faire en un jour. La France est d’ailleurs championne du monde du cassage d’institutions depuis 1789. Grâce à De Gaulle qui a fait cette Cinquième République justement pas pour lui (toutes les institutions l’auraient glorifié et son autorité a été réelle sous la Quatrième République, en 1945 comme en juin 1958), mais pour ses successeurs qui ne pouvaient pas se prévaloir de sa légitimité historique exceptionnelle. Cet apport, le seul majeur et actuel, de De Gaulle, devrait être protégé précieusement par tous les amoureux de la République et de la démocratie. Il ne s’agit pas de se réveiller un lundi matin avec un arrière-goût dans la bouche et comprendre quand il sera trop tard. Réveillez-vous, abstentionnistes !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (16 avril 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Avec Marine Le Pen, l’État de droit en peine.
Marine Le Pen : ne nous trompons pas de colère !
Programme 2022 de la candidate Marine Le Pen (à télécharger).
Philippe de Villiers.
Élysée 2022 (38) : Marine Le Pen et la Russie de Vladimir Poutine.
François Bayrou, le parrain de Marine Le Pen.
Robert Ménard.
Éric Zemmour et l’obsession de l’immigration.
Faut-il craindre un second tour Éric Zemmour vs Marine Le Pen ?
Jean-Marie Le Pen.
L’effet majoritaire.
Florian Philippot.
Bruno Mégret.
Jean-Frédéric Poisson.
Christine Boutin.
La création de Debout la Patrie.
Marion Maréchal.
Patrick Buisson.
Nicolas Dupont-Aignan.
Choisis ton camp, camarade !
Fais-moi peur !
Peuple et populismes.
Les valeurs de la République.
Être patriote.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220416-marine-le-pen.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/avec-marine-le-pen-l-etat-de-droit-240

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/04/18/39439662.html












 

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11 janvier 2022 2 11 /01 /janvier /2022 03:36

« Pour être candidat, il faut d’abord réunir au moins 500 parrainages d’élus avant la fin de la période de réception. Ces 500 parrainages doivent provenir de 30 départements et collectivités d’outre-mer différents. Il n’est pas permis que plus de 10% des parrainages proviennent d’un même département. » (site Internet du Conseil Constitutionnel).



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Le 7 janvier 2022, le candidat Éric Zemmour a fait état de ses difficultés à recueillir les fameuses 500 signatures d’élus pour pouvoir se présenter à l’élection présidentielle. Il a annoncé qu’il avait recueilli déjà autour de 330-340 promesses de signature, ce qui est loin du compte, d’autant plus qu’il y a parfois des promesses qui n’aboutissent pas à la signature et des signatures invalidées.

Ce sujet n’est pas nouveau et c’est même d’un perpétuel recommencement. C’est ce qu’on appelle un "marronnier" à saisir dans le calendrier électoral (tous les cinq ans). J’avais moi-même déjà évoqué ce sujet plusieurs fois et mon article du 7 mars 2007  fut même l’objet de ma première publication sur le site Agoravox.

À l’époque, c’était Jean-Marie Le Pen qui mettait en garde contre le risque de ne pas avoir ses signatures pour l’élection présidentielle de 2007, alors qu’il avait réuni 16,9% des suffrages exprimés en 2002. Mais la sauce ne prenait plus, il faisait le coup à chaque élection, on ne le croyait plus. Pour autant, on a pu observer à quel point, affaibli par l’âge, il a mené une campagne assez peu dynamique, ce qui a pu expliquer un résultat assez médiocre (10,4%).

On ne s’étonnera donc pas que cette fois-ci, Éric Zemmour reprenne ce marronnier, alors que Marine Le Pen, hilare, est assurée de ses signatures maintenant que le Rassemblement national est un parti bien installé, bien structuré et bien implanté avec de nombreux élus locaux. Certains disent que Jean-Luc Mélenchon peinerait aussi à collecter ses signatures, parce qu’il n’a plus l’appui du parti communiste français qui soutient son propre candidat, Fabien Roussel.

En fait de "parrainages", il s’agit plus rigoureusement de "présentations" dont les candidats ont besoin pour se présenter. À l’origine de la Cinquième République, le Président de la République était élu par un collège d’élus (suffrage universel indirect). Pour pouvoir se présenter, il lui fallait alors 50 présentations issues de ce collège. Quand l’élection présidentielle est passée au suffrage universel direct, en 1962, il fallait 100 présentations.

C’est parce qu’il y a eu un grand nombre de candidats en 1974, à l’occurrence douze, que le Président Valéry Giscard d’Estaing a souhaité rendre plus difficile l’acte de candidature en relevant le seuil à 500 présentations, par la loi organique n°76-528 du 18 juin 1976. C’est ce seuil qui est toujours en cours pour l’élection présidentielle de 2022.

Le collège est composé des maires de France, des élus nationaux (parlementaires nationaux et européens), des élus régionaux et départementaux (conseillers régionaux et départementaux), des représentants des Français de l’étranger, ainsi que des présidents de structures intercommunales ou encore de territoires particulier (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, etc.). En 2022, cela fait à peu près 44 000 personnes (47 413 mandats en 2012, certains cumulent encore plusieurs mandats mais beaucoup moins qu’en 2012).

La règle est néanmoins stricte puisqu’il faut que les signataires soient représentatifs du territoire national, qu’ils soient donc issus d’au moins 30 départements ou collectivités différentes, à la condition qu’on ne comptabilise pas plus de 50 signataires par départements ou collectivités (c’est-à-dire qu’on ne peut pas avoir seulement 1 signature dans 29 départements et 471 signatures dans le 30e département).

Le Président François Hollande a fait une autre modification par la loi organique n°2016-506 du 25 avril 2016 : les signataires doivent envoyer directement au Conseil Constitutionnel leur présentation (auparavant, c’était le candidat qui les recueillait et qui les déposait au Conseil Constitutionnel), si bien que le Conseil Constitutionnel publie un état dynamique de la situation réelle. En effet, deux fois par semaine, le site Internet du Conseil Constitutionnel publie les présentations (noms des signataires et bénéficiaires) qu’il a reçues depuis la dernière mise à jour.

Cette nouvelle façon de procéder empêche le candidat de "tricher" ou de faire un "coup politique" en se victimisant et en disant qu’il n’aurait pas ses signatures, ou le contraire pour se rendre important et passer dans les médias, car les électeurs connaissent comme lui sa situation exacte. En 2017, 14 296 élus ont signé la présentation de 61 personnes voulant être candidates, seules 11 d’entre elles ont été retenues dans les conditions requises (parmi ces 61 bénéficiaires, certains ne voulaient pas être candidats).

Auparavant, la liste des signataires était aussi publiée quelques jours avant le premier tour, mais si un candidat avait plus de 500 signataires, seuls 500 tirés au sort étaient indiqués au Journal officiel, ce qui n’est plus le cas depuis 2016.

La réforme de 1976 n’a pas empêché la multiplication des candidats : en 2002, seize candidats se bousculaient dans la compétition. Malgré la contrainte très forte, un candidat potentiel avec une équipe structurée, même s’il ne représente pas beaucoup de monde, peut être un candidat reconnu.

Jean-Marie Le Pen a été la première victime de ce système en 1981 : le système était nouveau et on ne pouvait plus prendre à la légère l’acte de candidature. Cela nécessite budget, moyens humains, etc. Sa non-candidature de 1981 avait-elle été "antidémocratique" ? Dans l’absolu, oui, puisqu’il représentait un courant d’opinion. Mais dans le concret, en 1974, il ne représentait que 0,7% des suffrages exprimés, très loin des 16,9% futurs de 2002.

D’autres personnalités politiques n’ont pas, ou n’auraient pas obtenu les 500 fameuses signatures, mais des personnalités isolées, même si elles étaient connues, pas soutenues par des organisations politiques. C’était aussi un moyen pour ces personnalités de s’exprimer pendant la précampagne sans avoir les inconvénients d’une réelle candidature, il suffisait de se victimiser ensuite en disant que le système les empêcher de se présenter.

Ainsi Charles Pasqua en 2002. J’ai du mal à croire que Charles Pasqua n’aurait pas été capable de réunir ses 500 signatures alors qu’il était le combinard en chef dès les années 1970, passé quatre ans au Ministère de l’Intérieur au contact direct avec les élus par les préfets. Dominique de Villepin aurait aussi postulé en 2012, mais là encore, il y a une véritable réflexion à avoir sur sa motivation. Plus sûrement, Corinne Lepage, déjà candidate en 2002, n’a pas pu réunir 500 signatures en 2012. On peut lui faire crédité de la motivation et de la sincérité. En 2017, ont été rejetées les candidatures de Rama Yade (353), d’Alexandre Jardin (165) et de Charlotte Marchandise (135). Il y a aussi des véritables abonnés au rejet, avec peu de signatures dans leur besace : Antoine Waechter (11), Nicolas Miguet (15), Pierre Larrouturou (33), etc.

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Ce système n’a pourtant pas empêcher la candidature de personnalités représentant des organisations ultraminoritaires, c’est le cas des candidats de la LCR devenu NPA et de LO qui ont été présents dans quasiment tous les scrutins (Arlette Laguiller, Alain Krivine, Nathalie Arthaud, Olivier Besancenot, Philippe Poutou, etc.). Il est vrai que ces organisations rassemblent peu de monde mais très mobilisé et très efficace (il suffisait de coller des affiches la nuit pour savoir qu’un militant de LO repasserait nécessairement après soi pour que ce soit les affiches de LO qui fussent vues au petit matin, dans tous les grandes agglomérations, cela il y a une vingtaine d’années, je ne sais pas maintenant).

De même, Emmanuel Macron, inconnu avant 2014, avec un auto-parti créé en 2016, a pu non seulement recueillir assez de signatures (1 829) mais aussi assez de suffrages (près de 21 millions) pour être élu Président de la République. Dans la démarche, Éric Zemmour reprend la démarche d’Emmanuel Macron en 2016 : nouvel arrivant sur la scène politique, nouveau parti, avec l’aura personnel et son fond programmatique comme principaux atouts et une couverture médiatique inégalée.

Bien entendu, ce système de parrainages a plusieurs inconvénients. Par exemple, il permet aux candidats soutenus par des grands partis très structurés qui ont beaucoup d’élus locaux de faire des manœuvres politiciennes. Comme soutenir des petits candidats du camp opposé pour l’affaiblir. Ces petits candidats sont bien sûr, à l’origine, déjà motivées politiquement. C’était le cas (entre autres) de Michel Debré en 1981 et Bruno Mégret en 2002. Probablement que d’autres candidats ont été ainsi soutenus en 2002, année faste des candidatures.

Autre conséquence : à chaque veille présidentielle, les maires sont assaillis de représentants de candidats sollicitant leur parrainage, ce qui, pour de nombreux d’entre eux, est aussi lourd que du harcèlement publicitaire. Un maire qui en avait marre a même mis en vente sur Internet son parrainage en 2007, par pure provocation.

Mais un filtre me paraît nécessaire pour se présenter. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder quand il n’y a pas de filtre. Les élections européennes de 2019 étaient justement à l’échelon national et il y a eu trente-quatre listes ! Dont seulement six ont eu des sièges (plus de 5%), et treize qui ont dépassé 1%. On peut considérer que le filtrage des 500 signatures permet de se retrouver à treize candidats (plus de 1%) au lieu de se retrouver à trente-quatre. Déjà à treize, le débat démocratique est difficile, alors à trente-quatre…

Au-delà des motivations politiques qui, elles, toutes, sont respectables (y compris le parti animaliste qui a fait un score non négligeable aux dernières européennes, 2,2%), certaines candidatures peuvent avoir bien d’autres motivations : faire sa publicité personnelle, de la promotion commerciale, de la provocation artistique, de la retape de secte, etc. Aux élections régionales de mars 1992, grâce à une système de financement avantageux, plusieurs partis spontanément créés s’étaient présentés dans plusieurs régions, comme le "parti du ras-le-bol" ou le "parti de la loi naturelle".

Faut-il ne plus publier le nom des signataires de présentation des candidats ? Dans une époque de transparence où l’on publie désormais le patrimoine des élus (j’y reviendrai), c’est difficile de faire machine arrière vers plus d’opacité. Un élu qui présente n’est pas un élu qui soutient, il y a une grande différence. Cependant, certains évoquent une sorte de chantage que ferait peser un président de département ou de région sur un petit maire rural dont la commune bénéficierait, ou pas, des largesses territoriales. Il faut se rappeler que cette menace (signature ou non signature en échange de subvention) est clairement de la corruption (qui sera difficile à prouver certes), puisqu’un élu n’a jamais de mandat impératif et décide en toute conscience et responsabilité.

Dans les trois élections présidentielles précédentes, je posais surtout la question cruciale : pourquoi un maire (car c’est surtout des maires, les autres sont plus politisés et aguerris) aurait-il "honte" de présenter tel ou tel candidat ? C’est un candidat pour être élu Président de la République : s’il est si "honteux" pour un maire, peut-il être respectable pour la majorité des citoyens ?

Je prends un exemple. Admettons un candidat qui se présente au nom d’une association connue de personnes homosexuelles. Je ne précise pas plus les motivations éventuelles, mais il est probable qu’en cette qualité, aucune personne n’aurait été candidate dans les années 1960 ou 1970, l’homosexualité pouvant être considérée comme honteuse sinon illégale. Puis, l’homosexualité a été autorisée dans le droit, puis dans la société, au point qu’aujourd’hui, où de nombreuses fictions font intervenir des personnages homosexuels, il ne viendrait pas à l’esprit de refuser une candidature en qualité de représentant d’une telle association. Cette lente évolution vers la respectabilité peut évidemment se retrouver dans certaines idées. La "respectabilité" acquise par Marine Le Pen provient aussi de sa volonté personnelle d’éviter tous les dérapages dont était coutumier son père. Éric Zemmour, comme polémiste, a aussi eu des positions suffisamment provocatrices ou choquantes pour qu’il doive faire ce même travail de respectabilité tout autant que politique pour être crédible et avoir une chance d’être élu.

Au-delà du filtre de respectabilité/crédibilité, le système actuel propose un filtre d’organisation et de méthode, en bref, un filtre de faisabilité de la candidature : si on n’est pas capable de recueillir 500 signatures dans toute la France, à quoi bon se présenter et demander le suffrage des électeurs ? C’est aussi un peu l’intérêt du mariage : c’est un projet commun à deux, au même titre que les vacances, l’achat d’une maison, ou (le plus grand), la naissance d’un ou plusieurs enfants. Si le "management" de ce projet d’organisation d’un mariage se passe mal, faut-il aller plus loin dans le partenariat ? Des mariages avortent à ce moment crucial. Autant éviter les frais. Ce filtre-là aussi est important, car plus il y a de candidats, plus la démocratie est illisible, moins le débat public est facile.

Une fois dit cela, la nécessité du filtre, la question est donc : est-ce qu’il y a un moyen d’améliorer ce filtre voire d’en trouver un autre ?

En fait, il n’y a pas beaucoup d’autres solutions comme alternative. Elles sont toutes anciennes.

La première proposition est de remplacer ce système (ou le compléter, ce serait au choix) par le recueil de parrainages de simples citoyens. Il faut d’abord mettre un seuil : 150 000 ? 300 000, 500 000 ? Le seuil à fixer est important et il faut bien insister que ce seuil pourrait rendre ce système bien plus difficile que le système des maires : à la dernière élection présidentielle, cinq candidats sur onze ont recueilli moins de 500 000 voix, sans contraintes géographiques. Ce système de parrainages populaires pourrait donc être pire que l’existant s’il n’est pas proposé comme une possibilité complémentaire.

Un autre problème, pas insurmontable mais réel, c’est de vérifier et de valider chaque signature. Le Conseil Constitutionnel vérifie actuellement les signatures de présentation des élus (cela en fait plus de 14 000 !) avec près de 5% de prise de contact avec le signataire pour vérifier qu’il a bien signé. Avec des centaines de milliers de signataires par candidat, avec une dizaine ou une vingtaine de candidats, c’est quasiment impossible de vérifier la réalité de ces signatures et leur exclusivité, à moins de mettre des moyens considérables (c’est possible, c’est un budget) et aussi d’avoir du temps (c’est plus délicat).

Deux autres pistes, elles aussi anciennes, peuvent cependant nourrir la réflexion. Le Comité Balladur nommé par le Président Nicolas Sarkozy pour préparer la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a remis son rapport le 29 octobre 2007 dans lequel il évoque ce sujet : il propose d’élargir le collège des élus susceptibles de présenter un candidat à la manière du collège des grands électeurs pour l’élection des sénateurs, c’est-à-dire en y incluant des délégués des communes selon leur population, ce qui pourrait faire entre 100 000 et 200 000 signataires possibles, au lieu de 44 000.

La seconde piste, elle aussi ancienne, me paraît assez simple et exposée par Jean-Luc Mélenchon le 9 janvier 2022 sur LCI : il suffirait, là aussi, d’élargir le collège à tous les élus, y compris tous les conseillers municipaux. Les zones rurales seraient alors surreprésentées, mais ce n’est pas important puisqu’il ne s’agit pas d’élire et seulement de permette à un candidat de se présenter. Il faudrait alors peut-être relever le seuil de signatures, car il y a plus de 512 000 conseillers municipaux (512 266 au 1er juillet 2020).

Dans tous les cas, l’expérience depuis vingt ans montre que le sujet n’échauffe les esprits qu’avant une campagne présidentielle. Après l’élection présidentielle, plus personne n’en parle, pas l’élu, mais non plus les malheureux candidats, malheureux soit parce qu’ils n’ont pas été élus, soit parce qu’il n’ont même pas réussi à remplir les conditions pour être candidats. Cela signifie finalement que toutes les velléités de réforme étaient principalement des postures assez hypocrites de victimisation et que le système, globalement, tient ses promesses. Et je ne doute pas que ce soit encore le cas pour cette élection présidentielle de 2022.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (09 janvier 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le serpent de mer des parrainages pour la présidentielle.
En 2012, faut-il réformer le système de parrainages pour l’élection présidentielle ?
Onze candidats à l’élection présidentielle française du 23 avril 2017.
Liste des parrainages des candidats à l’élection présidentielle au 18 mars 2017.
Dix candidats à l’élection présidentielle française du 22 avril 2012.
Sarkozy parrainera-t-il Le Pen ?
Faut-il supprimer l’élection présidentielle ?
Supprimer les professions de foi ?
Petits candidats et grands candidats.
Bercy : les grands argentiers de France.
Quai d'Orsay.
Évaluation des ministres : Rendre des comptes aux citoyens, est-ce un mal ?
L’abstention, c’est grave, docteur ?
Le vote par anticipation.
Le vote proportionnel.
Le vote obligatoire.
Le vote électronique.
Réforme territoriale.
La réforme des scrutins locaux du 17 avril 2013.
Mathématiques militantes.
L’ambition en politique.
Vive la Cinquième République !

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220109-presidentielle-parrainages.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-serpent-de-mer-des-parrainages-238574

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/01/10/39298261.html








 



 

 



 

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2 janvier 2022 7 02 /01 /janvier /2022 03:55

« Un (…) motif d’espoir est que, malgré l’épreuve sanitaire, malgré la fatigue, la lassitude, notre pays continue à avancer. Nous n’avons cessé d’œuvrer pour attirer des entreprises et des investissements, ouvrir des usines, créer des emplois. Jamais depuis quinze ans, le chômage n’avait été aussi bas. La réindustrialisation de notre pays est bien une réalité. Nous avons protégé les travailleurs, aidé les plus modestes d’entre eux, nous avons investi pour défendre la dignité de nos compatriotes en situation de handicap (…). » (Emmanuel Macron, le 31 décembre 2021).




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Le Président de la République Emmanuel Macron a adressé aux Français ses vœux pour l’année 2022 au cours d’une allocution télévisée le vendredi 31 décembre 2021 à 20 heures. Auparavant, la veille, il avait mis en ligne une vidéo qui célébrait les réussites françaises de l’année 2021, réussite auxquels ont contribué de nombreux Français de toutes origines. Un réponse implicite à la vidéo vieillotte et ringarde, sentant la naphtaline, du polémiste passéiste Éric Zemmour lors de sa déclaration de candidature.

Les candidats d’extrême droite et aussi (hélas) de droite modérée sont tombés dans le piège du drapeau européen sous l’Arc-de-Triomphe de Paris. La polémique dérisoire sur l’absence de drapeau français a montré (hélas encore) l’absence de projet de ces candidats qui se sont polarisés sur la forme d’un concurrent au lieu de leur propre fil.

À ma connaissance, on ne mettait pas le drapeau tricolore sous l’Arc-de-Triomphe le 31 décembre et le 1er janvier et si le Président Macron a proposé cette année de mettre le drapeau européen, c’était pour célébrer la Présidence française de l’Union Européenne. Ces candidats supposés aimant la France feraient mieux de célébrer avec le Président de la République ce moment, rare pour la France, une fois tous les quatorze ans, un signe de la puissance nationale : car la France, plus que ses successeurs ou prédécesseurs dans cette Présidence, a construit une ambition très forte pour ce semestre européen.

En tout cas, maître des horloges, Emmanuel Macron, à qui on ne peut pas retirer le patriotisme et l’amour du drapeau tricolore (encore pendant ses vœux, le bleu-blanc-rouge flottait derrière lui), a encore réussi à placer l’Europe et la construction européenne comme premier thème politique de l’année 2022, thème de campagne présidentielle, et c’est heureux car je vois peu ses concurrents y penser.

En particulier, je regrette que Valérie Pécresse n’ait pas présenté son projet européen pour le quinquennat à venir, et ait préféré se noyer dans une polémique inutile sur le drapeau, imitant ainsi l’extrême droite peu constructive. Finalement, la polémique a permis de mettre en évidence que le seul qui a une vision européenne, le seul qui a une ambition pour l’Europe et pour la France dans l’Europe, et je le répète, je le regrette, c’est Emmanuel Macron.

Revenons au message "philosophique" des vœux présidentiels. La petite vidéo publiée le 30 décembre 2021 et une partie des vœux du 31 décembre 2021 sont assez claires : il s’agit de rappeler qu’il n’y a pas deux sortes de personnes, des Français avec une définition partiale (pour Éric Zemmour, il faudrait avoir un prénom français, ne pas avoir pour religion l’islam, etc.), et des non-Français. Il n’existe pas deux catégories, mais 67 millions de catégories, 67 millions d’identités, toutes différentes mais unies, autant que de citoyens, et ces citoyens se réunissent ensuite sur la base de valeurs de la République, en particulier de la laïcité.

C’est le sens de son message des vœux qu’il a fait passer : « Faire progresser notre pays dans l’unité (...). Chemin bien difficile car il est si aisé d’opposer les générations, les catégories sociales, les origines, les territoires. Mais chemin nécessaire car lorsqu’il est rassemblé, rien ne peut résister au peuple français. (…) Continuons à respecter nos différences, à avoir confiance en ce que nous sommes, à regarder avec courage, audace et lucidité notre avenir pour agir. Décidons pour nous-mêmes d’être tout à la fois enracinés dans notre langue, notre culture, notre laïcité. Et épris de liberté, d’universel, de créativité. Restons unis, bienveillants, solidaires. Restons du côté de la vie. C’est là, ce que nous nous devons à nous-mêmes. ».

Un responsable politique qui recherche l’unité au lieu de la division ou de la stigmatisation, et un responsable politique qui célèbre les réussites françaises, qui voit dans notre pays une peuple fier prometteur de ses succès (« Je veux vous dire que je suis résolument optimiste pour l’année qui vient. »), c’est quand même plus optimiste et constructif, c’est une perspective d’avenir plus pertinente que des candidats qui ne cessent de dénigrer notre pays et notre peuple, qui ne cessent de vouloir revenir à une époque idéalisée d’un pays qui n’a jamais existé.

Dans cette allocution télévisée, Emmanuel Macron a reparlé longuement de la pandémie de covid-19, ce qui est normal dans la mesure où nous sommes en pleine sixième vague (omicron) alors que la cinquième vague était loin d’être achevée (delta).

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Dans un premier temps, comme il le fait systématiquement quand il s’adresse aux Français, il a fait part de son affliction pour les conséquences humaines : « J’ai avant tout une pensée pour nos 123 000 compatriotes à qui le virus a enlevé la vie. Une pensée pour tous ceux qui traversent ce moment dans le deuil, la peine ou la solitude. Je n’oublie pas non plus ceux d’entre vous qui sont touchés par le covid long comme ceux qui subissent les conséquences psychologiques de la crise sanitaire. ». J’aimerais que ceux qui aspirent à gouverner le peuple français expriment également une pensée pour ces tragédies individuelles avant de foncer bille en tête pour critiquer la gestion de la crise sanitaire alors qu’ils n’ont rien à proposer d’intelligent pour mieux protéger la population.

Dans un deuxième temps, il a exprimé toute sa lucidité, pas très bonne à dire trois mois avant une élection majeure : « Les semaines à venir seront difficiles, nous le savons tous : le virus circule et circulera de plus en plus. ». Et il n’y a pas de raison que le virus s’en aille avant l’élection présidentielle.

Ensuite, il a confirmé son rôle moteur dans la campagne de vaccination : « Notre objectif est de permettre à chacun d’être vacciné et de faire son rappel. Nous pourrons ainsi surmonter cette vague en limitant au maximum les restrictions. En continuant, comme nous l’avons fait depuis le début, de tout faire pour préserver l’activité et ce que nous avons de plus précieux, c’est-à-dire l’école, l’éducation de nos enfants. ».

Et son plein engagement et son esprit de responsabilité : « Alors ce soir, je veux le redire avec beaucoup de force et de conviction : la vaccination est notre plus sûr atout. Elle réduit fortement la transmission, elle divise par 10 le nombre des formes graves. C’est pour cela qu’une nouvelle fois, j’en appelle aux 5 millions de non-vaccinés Faites ce geste simple. Pour vous. Pour vos compatriotes. Pour notre pays. Toute la France compte sur vous. ».

Tout en assumant que la vaccination n’est pas l’unique arme contre le covid-19 : « La vaccination est-elle seule suffisante ? Non. C’est pour cela que le respect des gestes barrières contre le virus demeure essentiel, en particulier le port du masque. ».

Trois principes rappelés : protéger les personnes les plus vulnérables et aider les secteurs économies impactés, prendre des mesures proportionnées, et miser sur la responsabilité individuelle.

En effet, comme l’a rappelé le Premier Ministre Jean Castex le 27 décembre 2021, Emmanuel Macron en a rajouté une nouvelle couche pour insister sur la règle générale du gouvernement : « Nous attacher, sur la base des faits et de la science, à prendre des mesures proportionnées. C’est exactement ce que le Premier Ministre et les ministres ont fait ces derniers jours. Tout faire pour éviter de prendre des restrictions qui pèsent sur nos libertés et veiller à respecter tous nos principes démocratiques. ».

Et aussi (le troisième principe) : « Nous appuyer sur la responsabilité de chacun, principalement en se faisant vacciner, pour soi et pour les autres. Être un citoyen libre est toujours être un citoyen responsable pour soi et pour autrui ; les devoirs valent avant les droits. ». On y retrouve curieusement le slogan du RPR pour la campagne des élections législatives du 16 mars 1986 : "libre et responsable".

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Faisant la transition avec son bilan, Emmanuel Macron a voulu montrer que son ambition n’a pas été revue à la baisse malgré le covid-19 : « Là où nous aurions pu tout reporter, nous n’avons jamais renoncé à notre ambition collective. (…) La France, malgré les épreuves, est donc plus forte aujourd’hui qu’il y a deux ans. Tout cela, c’est grâce à vous, grâce à nous tous, grâce à notre esprit de résistance, notre solidarité, notre civisme, notre engagement et notre esprit d’entreprendre. ».

L’optimisme se décline aussi avec la pandémie : « 2022 peut être, sera l’année de sortie de l’épidémie, je veux le croire avec vous ; l’année où nous pouvons voir l’issue de ce jour sans fin. Dans notre pays en déployant ces campagnes de rappel et en nous organisant comme il se doit pour domestiquer le virus et écraser sa diffusion. Et au niveau mondial en agissant pour vacciner l’humanité. ». Cette dernière phrase vise à réaffirmer la volonté de la France à aider massivement les pays pauvres dans la vaccination de leurs peuples.

Bien entendu, Emmanuel Macron a évoqué l’Europe et la construction européenne, a célébré les 20 ans de la monnaie unique européenne, a énuméré l’intérêt national de bâtir l’Europe dans tous les domaines et a rappelé les perspectives de l’ambition française dans le cadre de sa Présidence : « 2022 doit être l’année d’un tournant européen. (…) Oui, les valeurs que porte notre Union, la démocratie, l’équilibre entre liberté et solidarité, une certaine idée de l’homme, sont, j’en suis convaincu, celles qui permettront de relever nos défis contemporains. Et notre Europe est bien le seul chemin par lequel la France sera plus forte face aux fracas du monde et des grandes puissances. ».

Enfin, il a évoqué le futur proche.

La fin de son quinquennat : « Fort de votre confiance, j’agirai jusqu’au dernier jour du mandat pour lequel vous m’avez élu. ». Et son éventuelle candidature qui n’est pour l’instant pas déclarée : « Nous aurons donc cette année des choix majeurs à faire pour notre Nation. Ces choix, nous les ferons avec la conviction que la France a un chemin singulier, unique, à poursuivre. Nous les ferons, je le sais, en étant fidèles à l’esprit de résistance, l‘esprit de tolérance et le choix de notre avenir commun qui nous ont toujours inspirés. Pour ma part, quelles que soient ma place et les circonstances, je continuerai à vous servir. Et de la France, notre patrie, nul ne saura déraciner mon cœur. ».

Ces deux dernières phrases (que j’ai mises en gras), j’aurais pu les mettre en tête de l’article pour signifier l’idée générale des derniers vœux de ce quinquennat : Emmanuel Macron propose son roman national (son amour de la patrie), et il entend bien participer à l’élaboration de l’avenir de notre pays pour quelques années encore…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (31 décembre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Vœux d’Emmanuel Macron : protéger les Français et renforcer la France par l’Europe.
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron, le 31 décembre 2021 à Paris (texte intégral et vidéo).
Emmanuel Macron l’Européen, Président jusqu’au bout.
La France d’Emmanuel Macron.
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron, le 9 novembre 2021 à Paris (texte intégral et vidéo).
COP26 : face à l’alarmisme, le leadership mondial d’Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron, l’homme qui valait 30 milliards.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211231-macron.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/voeux-2022-d-emmanuel-macron-238341

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12 décembre 2021 7 12 /12 /décembre /2021 16:30

« Ce soir, en tant que chef de l’État, garant de nos institutions, je prends donc acte solennellement du résultat de ces trois scrutins. Ils confirment la volonté exprimée par la majorité des Calédoniens de rester dans la République et dans la Nation française. Les Calédoniennes et les Calédoniens ont choisi de rester Français. Ils l’ont décidé librement. Pour la Nation entière, ce choix est une fierté et une reconnaissance. Ce soir, la France est plus belle car la Nouvelle-Calédonie a décidé d’y rester. » (Emmanuel Macron, le 12 décembre 2021).



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Le référendum de ce dimanche 12 décembre 2021 en Nouvelle-Calédonie a confirmé la très nette volonté des Néo-calédoniens à vivre dans le cadre de la République française. En effet, à la question "Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ?", 96,49% des électeurs ont répondu "non".

Cette très large majorité est cependant à pondérer. Seulement 43,90% des 184 367 électeurs inscrits à ce troisième référendum ont pris part à cette dernière consultation référendaire qui clôt une série de trois depuis 2018. Tout aussi nettement que la majorité en faveur du maintien dans la République française, l’abstention des indépendantistes est massive. Elle fait suite à l’appel au boycott du bureau politique du FLNKS le 20 octobre 2021 alors que la situation sanitaire de l’archipel était en cours d’amélioration.

Les résultats dans les trois provinces sont également éloquents.

Dans la Province Sud (Nouméa), principalement loyaliste, la participation est très élevée par rapport à la moyenne, 60,56% de participation et le résultat est 96,92% pour le "non". Dans les deux autres provinces, la Province Nord et les Îles Loyauté, principalement indépendantistes, la participation est très faible, beaucoup plus faible que la moyenne, avec respectivement 16,76% et 4,54% et les résultats sont également très favorables au "non", respectivement 93,47% et 85,61%, montrant à l’évidence que seuls pratiquement, les loyalistes de ces provinces ont voté.

Sur le plan juridique et institutionnel, il n’y a pas de problème : l’organisation et le déroulement du scrutin ont été sous contrôle international et la liberté et la sincérité du scrutin sont sans équivoque. Le "non" l’a emporté, personne n’a empêché un électeur indépendantiste d’exprimer un avis contraire, et par conséquent, la messe est dite, la Nouvelle-Calédonie reste en France et c’est heureux.

Sur le plan politique et social, c’est moins évident : les indépendantistes peuvent considérer que le scrutin est contestable puisque la participation a baissé de moitié par rapport au précédent référendum, ce qui est vrai. Mais dès que le vote est un droit et pas une obligation (c’est heureux), personne ne peut être tenu pour responsable de l’abstention des indépendantistes sinon eux-mêmes qui ont voulu jouer stupidement avec le feu.

Pour dire clairement, leur appel au boycott, qui a été très suivi si l’on regarde bien les résultats dans les provinces, a été la reconnaissance qu’ils ne pensaient pas pouvoir gagner ce référendum. Pourtant, rien n’était acquis et les chiffres d’abstention montrent que le rapport des forces reste à peu près de 50% 50% même s’il y a toujours une légère avance pour les loyalistes : « Nous ne pouvons ignorer que le corps électoral est resté profondément divisé malgré le passage des années. » (selon l’Élysée).

La gestion de la crise sanitaire est là pour montrer d’ailleurs l’importance de la France dans la politique des tests, dans la campagne de vaccination et dans les soins apportés aux malades du covid-19. Pour l’instant, peut-être grâce à la venue de 2 000 gendarmes dès l’été 2021, le référendum n’a été suivi d’aucune violence (à ma connaissance).

Le Président Emmanuel Macron a pris acte de ce nouveau fait et a annoncé la mise en place d’une nouvelle étape après la fin juridique de l’Accord de Nouméa du 5 mai 1998 : « Une période de transition s’ouvre en effet qui, libérée de l’alternative binaire entre le oui et le non, doit nous conduire à bâtir un projet commun, en reconnaissant, en respectant la dignité de chacun. ».

Emmanuel Macron a rappelé l’importance de la solidarité nationale, plus forte que le lien institutionnel : « Les discussions à venir ne pourront pas se limiter aux institutions. Le lien qui nous unit n’est pas que juridique. C’est un lien charnel, un lien de solidarité, un lien humain. Les derniers mois l’ont montré. Dans l’épreuve de la crise sanitaire, la solidarité nationale s’est révélée plus concrète encore. En Nouvelle-Calédonie, comme partout sur le territoire national, l’action de l’État n’a eu qu’une priorité : sauver des vies, accompagner les plus fragiles. Je veux avoir, en ce jour, une pensée pour toutes celles et tous ceux qui pleurent un proche. Je veux leur dire ma proximité, ma compassion, et aussi l’engagement de la Nation à se tenir à vos côtés. Dans la crise, la Nation a montré son visage d’aujourd’hui, son vrai visage. C’est à ce lien de solidarité, de respect, de fraternité, que nous devons être fidèles, et c’est ce lien que nous retiendrons pour l’avenir. ».

Par ailleurs, le Président de la République a évoqué l’importance de la France dans l’Océan Pacifique : « Nous aurons à construire une place pour la Nouvelle-Calédonie dans cette région de l’Indopacifique en peine recomposition et soumise à de fortes tensions. » et en voulant inscrire la Nouvelle Calédonie entre autres dans « une histoire qui regarde devant, vers les défis de notre siècle, vers les défis de cet Océan Pacifique qui fait partie intégrante de notre espace national ».

Les résultats ont satisfait la plupart des partis politiques en métropole, mais pas tous (Jean-Luc Mélenchon a refusé de reconnaître le scrutin). L’ancien député UMP Christian Vanneste, proche de l’ultradroite, est scandalisé par la restriction du corps électoral : « Ceux-là même qui réclament le droit de vote pour les étrangers en France métropolitaine ont dissocié la nationalité française de la citoyenneté calédonienne. Cette dernière et le droit de vote qui en découle, au lieu d’être étendus, ont été restreints. Celui qui n’a pas des parents nés sur le territoire et qui n’y vit pas depuis 20 ans, n’a pu participer aux référendums sur l’autodétermination. La gauche a gelé la population d’origine européenne, elle a pratiqué le droit du sang qu’elle fustige ailleurs. ».

Mais il s’est toutefois réjoui du maintien en France et de la fin de ce long processus juridique assez insensé mis en place par les gouvernement de Michel Rocard puis Lionel Jospin : « Pour [les indépendantistes], la série n’est pas achevée. Elle ne le sera qu’avec l’indépendance. Il faut au contraire tourner la page de cette trahison mise en œuvre par les gouvernements socialistes. La Nouvelle-Calédonie doit demeurer française plutôt que de devenir un satellite d’une puissance comme la Chine, de subir une gouvernance revancharde et peut-être corrompue, et de voir une partie de sa population contrainte à l’exil. Il n’est pas étonnant qu’un Mélenchon approuve l’attitude des indépendantistes et refuse toute légitimité à ce scrutin. La gauche n’est plus le parti des ouvriers mais celui des étrangers, y compris ceux qui ne le sont pas encore mais souhaitent le devenir. ».

Ce qu’exprime Christian Vanneste n’est pas si éloigné de ce que pense Emmanuel Macron, mais ce dernier veille à se montrer inattaquable sur la neutralité et l’impartialité de l’État durant le processus de l’Accord de Nouméa qui se termine. Si des concessions étaient données aux indépendantistes, scandaleuses pour la composition du corps électoral, elles ne l’ont été que de façon temporaire (temporaire longue, plus d’une trentaine d’années), et pour éviter la recrudescence de la violence qui a déjà fait beaucoup trop de victimes entre 1984 et 1988.

Finalement, le devenir de la Nouvelle-Calédonie est original, peut-être modèle pour les problèmes d’autodétermination dans le monde. Un nouveau processus commence désormais pour concevoir son statut définitif. Il devrait aller jusqu’en été 2023 avec, à la fin, un nouveau référendum pour ratifier ce nouveau statut. On peut dire que les indépendantistes ont manqué de flair politique. Personne ne reviendra sur ce scrutin sous observation de l’ONU et leur boycott s’apparente plus à de l’hypocrisie de mauvais joueurs qu’à une démarche politique sincère et avisée. Quand on rate un train, on prend dans tous les cas du retard…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 décembre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La messe est dite : la Nouvelle-Calédonie dit non à l’indépendance.
Nouvelle-Calédonie : jamais deux sans trois !
Bernard Pons.
Nouvelle-Calédonie : le vent du boulet ?
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 4 octobre 2020 sur la Nouvelle-Calédonie.
Résultats du référendum du 4 octobre 2020 en Nouvelle-Calédonie.
Nouvelle-Calédonie : bis repetita ?
Jean-Marie Tjibaou fut-il un martyr de la cause kanake ?
Nouvelle-Calédonie : un timide oui pour la France.
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 4 novembre 2018 sur la Nouvelle-Calédonie.
Résultats du référendum du 4 novembre 2018 en Nouvelle-Calédonie.
Paris à l’écoute de la Nouvelle-Calédonie.
Discours du Président Emmanuel Macron le 5 mai 2018 à Nouméa.
Discours du Premier Ministre Édouard Philippe le 5 décembre 2017 à Nouméa.
L’assaut de la grotte d’Ouvéa selon Michel Rocard.
Jacques Lafleur.
Dick Ukeiwé.
Edgard Pisani.

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23 août 2021 1 23 /08 /août /2021 03:03

« J’ai pensé à mon pays. Je suis un homme de devoir. Nous avons finalement décidé, par esprit républicain, de confirmer, à l’unanimité au deuxième tour, son élection présidentielle. Je suis convaincu que j’ai sauvé la République. » (Roland Dumas, "Le Figaro" le 27 janvier 2015).




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L’ancien ministre Roland Dumas fête son 99e anniversaire ce lundi 23 août 2021. Un âge qui en fait l’un des doyens (il en reste encore quelques autres) de la Cinquième République. Très proche de François Mitterrand à une époque où personne n’aurait misé un kopeck sur le futur Sphinx présidentiel, il a été élu député UDSR de Haute-Vienne en janvier 1956 (jusqu’à novembre 1958), puis député FGDS de Corrèze en mars 1967 (il a battu Jean Charbonnel à Brive), jusqu’en juin 1968, puis député PS de Dordogne de 1981 à 1993 (sauf lorsqu’il était au gouvernement).

Une carrière parlementaire très chaotique et nomade qui montre avant tout sa proximité avec François Mitterrand qui a été le parrain d’un de ses enfants. Mais son parcours politique était plutôt dans les hautes sphères de État, au Ministère des Affaires européennes du 18 décembre 1983 au 7 décembre 1984 puis des Affaires étrangères du 7 décembre 1984 au 20 mars 1986 et du 10 mai 1988 au 28 mars 1993, et enfin, Président du Conseil Constitutionnel du 8 mars 1995 au 29 février 2000.

Homme des manœuvres politiques, Roland Dumas a même réussi, probablement malgré lui, à se faire élire président de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée Nationale du 9 octobre 1986 au 6 avril 1987, succédant au "géant" Jean Lecanuet, finalement réélu sénateur. Et cela malgré une majorité UDF-RPR. Comment cela a-t-il été possible ? En principe, lors du choix du nouveau président de la commission, le 9 octobre 1986, Bernard Stasi aurait dû être élu, car il avait été désigné comme le candidat de la majorité UDF-RPR, mais sans doute par des défections parmi quelques députés RPR et par un soutien plus ou moins implicite des 36 députés FN au socialiste, Roland Dumas a eu une victoire inattendue. Lors de la session suivante, la discipline a mieux régné au sein de la majorité et Valéry Giscard d’Estaing fut élu nouveau président de cette commission le 6 avril 1987.

Nommé en février 1995 par François Mitterrand à la succession d’un autre avocat, Robert Badinter, à la tête de la plus haute juridiction (cette qualification fait encore débat chez les juristes et les constitutionnaliste), Roland Dumas a été rapidement confronté à son premier problème institutionnel : valider les comptes de campagne de l’élection présidentielle de 1995. Or, selon lui (et selon d’autres membres du Conseil Constitutionnel de l’époque), les comptes de campagne des candidats Édouard Balladur et Jacques Chirac étaient « manifestement irréguliers » (selon lui-même le 28 janvier 2015 dans "Le Monde"), avec des recettes et des dépassements irréguliers.

Or, invalider les comptes de campagne d’Édouard Balladur aurait pu lui coûté cher (comme Nicolas Sarkozy en juillet 2013) mais n’aurait eu aucune conséquence sur le plan électoral puisqu’il avait été battu. Ce n’était pas le cas de Jacques Chirac qui avait été (largement) élu (52,6% des voix). Il était donc impossible de valider les uns sans les autres. Encore que… cela n’a pas empêché le Conseil Constitutionnel d’invalider les comptes de campagne d’un (très) petit candidat, Jacques Cheminade.

Dans "Le Figaro" du 27 janvier 2015, Roland Dumas a expliqué ainsi pourquoi, le 11 octobre 1995, il a réussi à convaincre ses confrères du 2 rue de Montpensier, de fermer les yeux sur les irrégularités financières : « Que faire ? C’était un grave cas de conscience. J’ai beaucoup réfléchi. Annuler l’élection de Chirac aurait eu des conséquences terribles. J’ai pensé à mon pays. Je suis un homme de devoir. Nous avons finalement décidé, par esprit républicain, de confirmer, à l’unanimité au deuxième tour, son élection présidentielle. Je suis convaincu que j’ai sauvé la République. ».

C’est sûr qu’il faut imaginer le contexte : en mai 1995, Jacques Chirac est élu Président de la République, et en octobre 1995, il serait déclaré invalidé et donc désinvesti de la charge suprême. C’était peu de temps avant l’une des plus grandes grèves contre la réforme de la sécurité sociale par Alain Juppé. On pourrait imaginer les conséquences politiques mais aussi électorales : René Monory serait devenu Président par intérim en qualité de Président du Sénat, et une nouvelle élection présidentielle aurait dû être organisée d’ici à la fin du mois de décembre 1995. Qui aurait alors été candidat ?

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C’est assez troublant de comprendre la position de Roland Dumas. Il faut se rappeler que François Mitterrand était toujours vivant et aurait pu aussi guider ou conseiller son ancien compère. D’un point de vue strictement politique, une invalidation des deux grands candidats RPR ne pouvait qu’avantager le troisième grand candidat, celui du PS, Lionel Jospin (pas sûr que François Mitterrand ait beaucoup apprécié son droit d’inventaire). Quant à son propre avenir politique, cette décision ne l’a pas aidé à se maintenir en fonction : acculé par les affaires judiciaires, Roland Dumas a fini par démissionner le 29 février 2000 (jour d’année bissextile !).

Mais visiblement, l’institutionnel l’a emporté sur le politique. Roland Dumas ne se voyait pas transformer le Conseil Constitutionnel en juges électoraux qui rejetteraient le choix souverain des électeurs. Et pourtant, la question doit se poser : à quoi servirait-il de faire une règle si l’on était incapable de l’appliquer et de sanctionner les infractions ? Le cas aurait pu se reproduire si Nicolas Sarkozy avait été réélu en 2012. Qu’aurait alors choisi de décider le Conseil Constitutionnel, alors présidé par un homme peu suspect d’amitiés sarkozyennes, Jean-Louis Debré ? Je suis à peu près convaincu qu’il aurait invalidé l’élection !

Mais lâchons l’uchronie et revenons à Roland Dumas. Peut-être ce dernier a-t-il privilégié le "tordu" sur l’institutionnel ? En effet, Roland Dumas, bien qu’avocat, a toujours eu une conception qu’on pourrait appeler "florentine" du droit, bref, une conception tordue. Il l’a même confirmé le 29 novembre 2013 dans un portrait brossé par Céline Cabourg et Vincent Monnier pour "Le Nouvel Obs" : « C’est pas mal d’être tordu si on sait bien s’en servir. C’est l’apanage des bretteurs, l’instrument des cambrioleurs. Ce qui est droit, c’est emm@rdant ! ». Peut-être est-ce la raison du complotisme, battre l’ennui ?

Soutien précoce de l’agitateur Dieudonné, de l’ancien Président ivoirien Laurent Gbagbo (il est même allé en Côte d’Ivoire en décembre 2010 pour y apporter son aide) et du dictateur libyen Mouammar Kadhafi, "parrain" au barreau de l’actuel maire RN de Perpignan Louis Aliot, Roland Dumas a depuis longtemps été repoussé par ses anciens amis du parti socialiste, au point de faire le 16 février 2015, sur BFM-TV, une boulette assez puante à propos de la supposée trop grande influence de la femme (de l’époque) du Premier Ministre (de l’époque) Manuel Valls.

Sur le plan des relations internationales, Roland Dumas a regretté la décision de Nicolas Sarkozy de réintégrer le commandent de l’OTAN : « Les Américains étaient beaucoup plus attentifs à nos positions auparavant. C’est logique : quand une jeune femme se refuse à vous, vous redoublez d’attention. ». Ou la diplomatie par la galanterie ! Cela n’en fait pas une politique étrangère sérieuse et durable.

Dans son quinzième ouvrage "Nouveaux enjeux internationaux" (éd. Le Cherche Midi, 2014), Roland Dumas a aussi pas mal égratigné son successeur Laurent Fabius sur la Syrie : « On ne peut pas régler le problème syrien sans parler aux Russes. Après des roulements de tambour, la France va être mise sur le côté. ».

Repoussé par le PS ? Pas étonnant car le vieil homme quasi-centenaire peut sortir de l’acide à propos de certains éléphants qu’il connaît bien. Laurent Fabius : « C’est un être intelligent, mais tellement infatué de lui-même qu’il pense que tous les autres se trompent. ». Arnaud Montebourg (qui voudrait participer à l’élection présidentielle de 2022) : « Jeune avocat, il était venu me voir. Il était très révérencieux. Je lui ai mis le pied à l’étrier dans des dossiers et l’ai aidé à trouver une circonscription. ». Mais les affaires judiciaires ont éloigné les deux hommes, puisque Arnaud Montebourg s’en est pris à Roland Dumas en réclamant sa démission : « C’est un garçon qui a besoin de se faire de la publicité. À l’époque, n’en trouvant pas par lui-même, il s’en est fait sur le dos de plus connus que lui. C’est malheureusement banal. » (citations du Nouvel Obs).

Dans sa retraite, Roland Dumas aime toujours jouer les transgressifs, se compromettre avec des relations sulfureuses, à l’instar d’un de ses grands amis avocats, Jacques Vergès (disparu en août 2013). Roland Dumas aime d’ailleurs rappeler la formule de Jacques Vergès : « Aux critiques de [Georges] Kiejman, il avait répondu : "Peut-on empêcher un nain de pisser sur les chaussures d’un géant ?" ». Nain, géant, je ne sais pas ce qu’est Roland Dumas, mais par sa verve, par ses missions secrètes, il est assurément l’un des acteurs inimitables de la Cinquième République. Bon 99e anniversaire !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 août 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Roland Dumas à deux pas du centenaire !
Roland Dumas, l'avocat sulfureux de la Mitterrandie triomphante.
Roland Dumas.
Laurent Fabius.
Louis Mermaz.
Marie-Noëlle Lienemann.
Jean-Luc Mélenchon.
François Mitterrand.
François de Grossouvre.
Le congrès de la SFIO à Tours du 25 au 30 décembre 1920.
Le congrès du PS à Épinay-sur-Seine du 11 au 13 juin 1971.
Le congrès du PS à Metz du 6 au 8 avril 1979.
Le congrès du PS à Rennes du 15 au 18 mars 1990.
Le congrès du PS à Reims du 14 au 16 novembre 2008.
Édith Cresson.
Pierre Joxe.
Patrick Roy.
Raymond Forni.
Georges Frêche.
Bernard Tapie.
Michel Delebarre.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210823-roland-dumas.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/roland-dumas-le-sauveur-de-la-235140

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11 août 2021 3 11 /08 /août /2021 03:59

« J’ai eu beaucoup de dossiers étouffés et j’ai eu la tentation, à plusieurs reprises, de m’adresser au "Canard enchaîné". Je ne l’ai pas fait parce que je travaillais pour le ministère. » (Éric de Montgolfier, 1994).



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Comme Patrick Bouchitey, l’ancien procureur Éric de Montgolfier fête son 75e anniversaire ce mercredi 11 août 2021. Ce magistrat très connu des médias et du grand public est à la retraite depuis huit ans, depuis le 30 juin 2013 (où il était procureur général près la cour d’appel de Bourges).

Diplômé de l’École nationale de la magistrature en 1975, Éric de Montgolfier a été sous les feux de l’actualité à partir de 1993 et de l’affaire OM-Valenciennes. Procureur de la République de Valenciennes, il était en effet chargé de l’affaire qui a mis Bernard Tapie, qui était ministre de François Mitterrand, en prison. Il était question d’une victoire arrangée d’un match entre les deux clubs de football.

Magistrat n’ayant pas sa langue dans sa poche (il a publié en 2006 un livre au titre très évocateur : "Le Devoir de déplaire" chez Michel Lafon), il avait osé affirmer, bien plus tard, le 2 juin 2009 à Laurent Delahousse sur France 2 : « Si le président de l’Olympique de Marseille n’avait pas été Bernard Tapie, il ne serait jamais allé en prison. Les faits ne le méritaient pas. ».

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C’est assez incroyable d’observer qu’une telle déclaration n’a eu aucune véritable réaction d’un point de vue institutionnel. La justice doit être équitable et impartiale. On a le droit de ne pas apprécier Bernard Tapie car il a toujours été un personnage clivant et que, malgré lui, il reste le représentant de la France des années 1980 où l’on découvrait la jouissance de l’argent (on pourrait l’exprimer autrement), mais j’ai toujours apprécié celui qui n’avait pas peur du grand méchant loup, qui s’appelait à l’époque Jean-Marie Le Pen. Le courage, en politique, est une chose, la communication politique en est une autre, et lui avait les deux à l’époque du mitterrandisme triomphant (au grand dam des fidèles socialistes).

Mais au-delà de cela, de ce vrai produit politique de François Mitterrand (instrumentalisé pour torpiller la candidature de Michel Rocard, objectif atteint en 1994), j’ai toujours considéré que Bernard Tapie avait été une victime du système politique, dont il n’avait pas les codes. Il pouvait même devenir dangereux pour ceux qui l’avaient instrumentalisé jusqu’alors. Il pouvait jouer avec les élections législatives, les élections régionales, les élections européennes, mais pas question qu’il s’occupât en 1995 de l’élection présidentielle ni même des élections municipales à Marseille, chasse gardée des "vrais" politiques.

Je ne dis pas que Bernard Tapie était innocent de tout ce qu’on lui a reproché car je ne suis pas juge et je soupçonne que les petits arrangements doivent un jour se payer cash, mais le témoignage d’Éric de Montgolfier, quinze ans après les faits, donne une idée de cette volonté d’anéantir Bernard Tapie, et pas seulement politiquement, aussi financièrement et même médiatiquement. Tout, il devait redevenir rien. Son combat contre la maladie, impressionnant, me renforce dans l’idée qu’il reste une victime plus qu’un prédateur dans cette autre affaire (celle d’Adidas).

Revenons au procureur dont la notoriété s’est collée à celle de Bernard Tapie, à savoir Éric de Montgolfier. En 1999, sa ministre de tutelle, Élisabeth Guigou l’a envoyé au parquet de Nice supposément pour y "faire le ménage".

Éric de Montgolfier a notamment mis en cause un juge niçois qui était en "collusion" avec le milieu politique mais aussi avec le milieu de la mafia. Une loge maçonnique a été aussi mise en cause. Le juge impliqué a fini par être mis en retraite d’office, décision confirmée définitivement le 15 mars 2006 par le Conseil d’État.

Après son départ à la retraite, Éric de Montgolfier a fait une brève incursion dans la scène politique en soutenant activement la candidature de Benoît Hamon à l’élection présidentielle de 2017. Un soutien étonnant qui s’expliquait par le fait que le candidat socialiste ne semblait pas vouloir reprendre le contrôle de la justice.

On pourra toujours s’étonner de l’engagement politique d’un magistrat mais après tout, comme pour les militaires, dès lors qu’ils n’exercent plus, les magistrats, en tant que simples citoyens, ont bien le droit de s’investir dans la vie politique. Les exemples sont nombreux : Eva Joly, Laurence Vichnievsky, Éric Halphen, Thierry Jean-Pierre, Rachida Dati, Georges Fenech, Alain Marsaud, Jean-Paul Garraud, etc.

Certain ont "réussi" à s’insérer durablement dans le paysage politique (nationale ou simplement locale), d’autres au contraire ont toujours été à la marge, même avec une exposition médiatique très forte. Éric de Montgolfier a fait partie de cette seconde catégorie. À chacun sa …vocation !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (08 août 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Note : le titre est de moi, mais sans originalité puisque, avant moi, "Le Temps" (27 juin 2013), "L’Humanité" (23 mai 2013), "Le Monde" (6 janvier 2016), "L’Opinion" (17 février 2015) et France 24 (4 août 2011) l’ont déjà utilisé. Dans un autre contexte. Je l’ai donc gardé.


Pour aller plus loin :
Éric de Montgolfier.
Eva Joly.
Rachida Dati.
Le combattant Bernard Tapie.
Injustice pour Nicolas Sarkozy ?
Protection des mineurs (2) : pas d’imprescriptibilité pour la pédocriminalité.
Protection des mineurs (1) : 15 ans, âge minimal du consentement sexuel ?
Roland Dumas.
Robert Badinter.
Éric Dupond-Moretti, le ténor intimidé.
Jacqueline Sauvage.
Chaque vie humaine compte.
L’exécution de Mata Hari.
Violences conjugales : le massacre des femmes continue.
Une lueur d’espoir pour Serge Atlaoui ?
Vives inquiétudes pour Mary Jane Veloso.
Mort d’Adama Traoré : le communautarisme identitaire est un racisme.
Sarah Halimi, assassinée car Juive.
Harcèlement sexuel.
Ni claque ni fessée aux enfants, ni violences conjugales !
Robert Boulin, quarante années plus tard…
Violences conjugales en France : quelques chiffres qui parlent.
La lutte contre la violence faite aux femmes, nouvelle cause nationale ?
Que restera-t-il du drame de Thionville ?
Marie Trintignant.
L’affaire Patrick Henry.
L’affaire Florence Rey.
L’affaire Aldo Moro.
L’affaire Seznec.
L’affaire Grégory.
Le dilemme d’État.
Pour ou contre la peine de mort ?

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https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/eric-de-montgolfier-les-pieds-dans-234957

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22 juin 2021 2 22 /06 /juin /2021 02:19

« Il nous appartient à toutes et à tous, qui que nous soyons, d’appeler à un sursaut démocratique et de veiller à ce que le maximum d’électrices et d’électeurs se rendent aux urnes. C’est notre devoir collectif, et ce taux d’abstention particulièrement élevé nous interpelle toutes et tous. Dire que c’est la faute du gouvernement est beaucoup trop facile et vous savez que cela ne correspond pas à la réalité. (…) L’abstention s’adresse à nous tous, car elle signifie que les sortants n’ont pas su drainer les foules vers les urnes. Elle doit tous nous conduire à l’humilité : commencez par vous appliquer ce principe ! » (Jean Castex s’adressant d’abord à Patrick Mignola, puis à Damien Abad, le 22 juin 2021 dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale).



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Inimaginable avant ce premier tour des élections régionales du 20 juin 2021, et encore plus au début de la campagne de vaccination il y a six mois, il y a nettement plus de personnes qui se font vacciner que de personnes qui votent en France. Alors, comme c’était l’un des sujets électoraux du début de semaine, je reviens sur la très forte abstention, 66,7% des électeurs inscrits.

En ouvrant la séance des questions au gouvernement ce mardi 22 juin 2021, le Président de l’Assemblée Nationale Richard Ferrand a déclaré : « Mes chers collègues, je voudrais vous faire part de mon trouble et, pourquoi ne pas le dire ?, de mon inquiétude. Jamais une élection, sous la Cinquième République, n’a connu un niveau de participation aussi faible que dimanche dernier. Les causes de l’abstention sont multiples. Ce phénomène n’est ni récent ni limité aux élections politiques, mais il atteint des proportions telles que nous ne pouvons pas nous en tenir à des raisons conjoncturelles. Nous ne pouvons ignorer cette réalité. ».

En fait, ce n’est pas tout à fait exact. Il y a eu des scrutins pires que celui du 20 juin 2021 en termes d’abstention. Par exemple, au référendum du 24 septembre 2000 sur l’adoption du quinquennat, le taux d’abstention fut encore plus fort, 69,8% ! L’abstention lors du référendum du 6 novembre 1988 sur l’autodétermination en Nouvelle-Calédonie était à peine meilleure, 63,1%.

Je veux y revenir parce qu’à mon sens, on surinterprète beaucoup trop ce taux d’abstention. Ce taux élevé, naturellement, m’attriste car je crois en la démocratie, j’y ai toujours cru et ce n’est pas maintenant que je ne vais plus y croire, et je connais trop la situation de certains pays étrangers dont les peuples nous envient, envient cette possibilité de donner la parole aux citoyens. Non seulement je suis un électeur actif et régulier (je crois que je n’ai jamais raté une élection, sauf peut-être une fois pour une raison de problème matériel imprévu insoluble, mais je ne m’en souviens plus), et cela fait depuis des décennies (j’insiste) que je suis régulièrement assesseur, c’est-à-dire que je suis aussi de l’autre côté du comptoir : je vote et aussi je fais voter. Autant dire que dimanche dernier, j’avais le temps de papoter avec mes collègues.

Donc, tout cela pour dire que voter, pour moi, est un acte sacré et l’abstention est pour moi, l’un des actes les plus incompréhensibles dans une démocratie. Mais avec le temps, l’idéal a pris un peu de poussière et le pragmatisme l’a emporté : j’ai appris qu’il valait mieux un électeur abstentionniste qu’un électeur qui donnerait sa voix au diable. Attention, je n’ai pas dit qui était le diable, mais chacun en a dans son esprit une idée bien particulière.

D’ailleurs, depuis très longtemps, il y a plus de démons que d’anges dans les urnes : on vote maintenant plutôt par défaut, parce qu’on ne veut pas qu’untel soit élu plutôt qu’on vote par adhésion à un candidat qu’on adorerait. C’est une question d’exigence. Avant, l’électeur était moins regardant. Moins informé aussi. Si bien que maintenant, c’est plus dur de berner l’électeur. C’est un progrès pour la démocratie, les candidats doivent être plus exemplaires, plus honnêtes intellectuellement, plus sincères. Et plus travailleurs aussi (leurs ignorances se voient plus aisément, de nos jours).

Revenons à ces élections régionales. J’évacue les élections départementales car elles ne sont même plus sur les radars. Le conseil départemental est pourtant une instance essentielle dans notre modèle français : c’est là que sont attribuées les aides sociales décidées par l’État. Les différentes allocations, les futures aides pour la dépendance (j’attends avec impatience cette loi depuis dix ans, pourtant urgente, ce serait, à mon avis, la seule réforme qui vaille et qui aille que le Président Emmanuel Macron devrait faire avant la prochaine élection présidentielle), leur guichet est au département.

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Je suis agacé par les commentaires sur l’abstention parce que les analyses politiques qui se développent sont phagocytées pour ne pas dire empoisonnées par le phénomène des sondages, et ce n’est pas un phénomène récent. Vous avez remarqué ? On invite plus aisément un dirigeant d’un institut de sondage qu’un universitaire en science politique. Pourtant, je suis sûr que ce dernier est moins cher à inviter que le premier. Et l’on continue à réfléchir avec les sondages alors que ces sondages se sont encore une fois plantés. Ce qui est normal : les sondages ne font que confirmer une tendance ancienne, rarement prédit une tendance nouvelle.

Alors, la question qui nous préoccupe ici est : mais pourquoi donc une telle abstention ? Question subsidiaire : pourquoi surtout les jeunes (plus de 80%) ? Les plus âgés sont plutôt à 50% d’abstention. Diable : on aurait donc la même distribution des âges qu’avec la vaccination ?

Rappelons-nous le taux d’abstention au premier tour des précédentes élections régionales le 6 décembre 2015 : il était de 50,1%. Il y a donc un écart de 16,6 points en cinq ans et demi. Je considérais que la crise sanitaire était l’une des causes majeures de cette abstention.

Les sondagologues patentés disent que non. Ils ont sondé et ils ont trouvé (pour certains) que seulement 8% ne seraient pas allés voter par peur d’attraper le covid-19. 8% seulement.

Alors, commentons ce résultat : je le trouve faible, mais fiable. À ceux qui pensent que les gens ont eu peur du covid-19, on peut dire qu’aujourd’hui, c’est très peu le cas, seulement un douzième de la population, donc très peu. En fait, c’est beaucoup par rapport au risque encouru : les procédures sanitaires sont telles qu’il serait difficile d’attraper le covid-19 dans un bureau de vote.

Et soit dit en passant pour ceux qui s’interrogent sur certains déménagements de bureaux de vote : le double scrutin plus les distances de sécurité nécessaires ont rendu beaucoup de bureaux de vote très étroits et il a fallu trouver d’autres lieux publics fermés plus spacieux. C’est à chaque fois par une autorisation du préfet. Tout est très réglementé (et après les opérations électorales, tout est désinfectés, notamment dans les écoles, mais aussi dans tous les autres lieux publics). Notons aussi qu’il est possible que certains lieux sont utilisés comme centres de vaccination et ne peuvent donc pas être utilisés pour les opérations de vote (je ne sais pas si le cas s’est posé, en tout cas, pas à ma connaissance).

Maintenant, interprétons ces 8% dans le sondage en question (dont je n’ai plus l’origine mais qu’importe, c’est l’ordre de grandeur qui intéresse ici). Les analystes politiques donc les sondagologues en concluent que la crise sanitaire influe très peu sur l’abstention. Or, c’est une erreur de conclure cela.

La crise sanitaire, ce n’est pas seulement l’impact sur l’acte de voter. C’est aussi l’impact sur le contexte et l’impact sur la campagne électorale.

Sur le contexte, personne ne pourra nier le fait que ces deux ou trois derniers week-ends sont des week-ends de soulagement, de rencontres, de retour à une vie normale, de balades, etc. Pour moi, ce n’est pas incompatible avec le fait de voter, mais je conçois que l’esprit peut être largement ailleurs quand on a été semi-confinés depuis le mois d’octobre 2020 : on se libère, et le vote passe après. D’autant plus que c’était la fête des pères et peut-être l’occasion de revoir le père ou le grand-père qui était éloigné, distancié depuis si longtemps, etc. Ce relâchement, en plus, n’est pas fautif comme on aurait pu le craindre : l’épidémie est en décrue durable et c’est heureux. Il faut même en profiter, on ne sait pas ce qu’on aura en automne, si le variant delta (indien) l’emportera sur l’immunité par la vaccination ou le contraire.

Mais plus grave est l’impact sur la campagne électorale. Alors, certes, les candidats ont pu faire campagne sur Internet ou à la télévision. Elle a eu lieu, elle était réelle, mais incontestablement, ceux qui les écoutent chez eux, sur Internet ou à la télévision, ce sont déjà des personnes intéressées, curieuses, passionnées, bref, des personnes qui n’avaient sans doute pas l’intention de s’abstenir.

Non, une campagne électorale, ça n’a pas changé, c’était la même chose il y a un siècle et demi, c’est rencontrer les gens en direct, c’est-à-dire physiquement, par des meetings, certes, mais là encore, ceux qui viennent sont surtout des convaincus, mais par des rencontres spontanées sur les lieux publics, sur les lieux de vie, les marchés, les rues marchandes, les gares, etc. Et il faut bien avouer que la campagne électorale a commencé quand la France était en plein confinement et l’épidémie au plus haut de la troisième vague. C’était limite dangereux voire mortel d’aller pseudo-serrer les mains dans les marchés au mois d’avril.

Donc, la plupart des candidats n’ont pas fait de réelle campagne. Et une campagne électorale est toujours nécessaire et utile, c’est le seul moyen pour faire connaître les candidats, leur programme, mais aussi la tenue d’une élection. Qui savait samedi qu’il y avait une élection (deux mêmes !) dimanche ? C’est le genre de sondage qui m’aurait intéressé. Pas étonnant, dans ce contexte, qu’il y ait eu une prime aux exécutifs sortants : ceux qui sont en responsabilité depuis cinq ans sont nécessairement plus connus que les postulants. Certains candidats ne sont connus qu’après l’élection, c’est ballot (je pense entre autres à Jean-Laurent Félizia, j’y reviendrai dans un autre article).

Dans la campagne électorale, il faut aussi s’intéresser aux envois des "professions de foi électorales". Personnellement, j’ai reçu celles des deux scrutins, mais j’étais étonné qu’elles fussent enveloppées dans du plastique (pas très écolo) et pas dans les grandes enveloppes kraft de la préfecture (j’ai compris la sous-traitance au privé car la loi de 2005 oblige un appel d’ofre). Donc, je ne peux pas me plaindre mais la question dont je n’ai pas la réponse actuellement (mais on va le savoir), c’est quelle a été l’ampleur des erreurs, c’est-à-dire, combien d’électeurs inscrits n’ont-ils pas reçu ces professions de foi électorales ?

En tout cas, cette affaire de professions de foi non reçues me rassure : en 2016, dans le cadre de la modernisation, de la simplification et surtout de la réduction des coûts, il avait été pressenti de supprimer ces professions de foi papier pour faire des sites Internet dédiés. J’ai toujours dit qu’on devait maintenir ces envois de professions de foi papier (papier recyclé évidemment) parce que c’est le seul moyen de toucher ceux qui ne s’y intéressaient pas, par distraction, ignorance, refus, etc. Seuls ceux qui sont intéressés iraient rechercher par eux-mêmes les informations, et il y en a beaucoup, chaque candidat a son site dédié, donc, l’info, on la trouve, mais il faut la chercher. Recevoir les infos avec sa facture d’électricité, une pub de l’hypermarché du coin et la carte postale de la belle-sœur, c’est mieux, car c’est spontané et immédiat. On range soigneusement le document pour le samedi d’avant élection.

J’espère cette leçon suffisamment instructive et les protestations suffisamment nombreuses pour que l’idée d’une suppression de ces documents soit à jamais abandonnée. Je ferai peut-être un article sur le sujet, mais il ne faut pas croire que je sois ultraconservateur dans ces procédures électorales, c’est simplement que le vote libre, secret, sincère, cela se traduit par des procédures essentielles dont il ne faut pas vider le sens.

Alors, je reprends l’abstention de 2015 : 50,1%, je rajoute les 8% des trouillards du coronavirus (je les appelle ainsi car le risque est très faible) et il manque en gros 8% qui pourraient largement être mis au crédit d’une non campagne électorale pour cause de covid-19.

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Un autre sondage évoquait trois autres raisons dont la précision laisse un peu à désirer. La première, estimée à 26%, serait "congés ou week-end". Un quart des abstentionnistes aurait autre chose à faire. C’est ce que je proposais plus haut, après une période d’enfermement très longue et bientôt des vacances d’été qui se profilent, il ne reste plus beaucoup de week-ends pour refaire du liant social ou familial. Je le répète, à mon sens, cela ne justifie pas l’abstention car voter ne dure qu’une dizaine de minutes et lorsqu’on est en déplacement, on peut faire une procuration pour qu’un mandataire vote à sa place, mais cette première raison montre bien qu’il est stupide de surinterpréter politiquement cette forte abstention. Le vrai message politique, c’est qu’on veut cuire tranquillement les saucisses sur le barbecue du jardin !

La troisième raison, estimée à 12%, serait : "Manifeste ainsi contre le gouvernement actuel". C’est peut-être vrai dans l’intention, mais pas très pertinent dans les faits. Il est plus sûr et plus efficace de voter pour des candidats opposés au gouvernement si on veut manifester son opposition au gouvernement. Et s’il n’y a aucune offre de remplacement convenable, alors finalement, le gouvernement n’est pas si mauvais que cela. Et du coup, on ne manifeste plus son opposition. C’est donc un raisonnement un peu paradoxal.

J’ai gardé la deuxième raison pour la fin car elle me paraît très importante. Estimée à 22%, ce qui n’est pas rien, elle serait : "Ne se sent pas concerné". Alors, évidemment, ce sont bien les candidats les fautifs, c’était leur rôle d’expliquer aux électeurs les enjeux et l’importance des régions. Ce sont des budgets de plusieurs milliards d’euros : d’un côté, on râle contre le gaspillage de l’argent public, de l’autre côté, on refuse de choisir ceux qui vont gérer l’argent public, n’y a-t-il pas un paradoxe ?

Mais "ne se sent pas concerné" est bien pire que cela. C’est l’échelon même de la région qui, à mon sens, est mis en cause. On a une identité nationale voire européenne, on a une identité urbaine quand on habite dans une agglomération urbaine, c’est une identité forcément, mais l’identité départementale, l’identité régionale sont beaucoup moins évidentes.

Surtout depuis la concentration de grandes régions qui n’ont aucune communauté économique, culturelle ni démographique. L’exemple flagrant est la région "Grand Est" (rien que le nom est stupide, comme la grande région Nord du reste, les "Hauts-de-France"), n’a aucune unicité de population. Les Alsaciens qui ont une identité forte, avec des relations particulières avec l’Allemagne et la Suisse, ne se sentent absolument ni Lorrains ni Ardennais (de plus, la rivalité entre Nancy et Strasbourg est bien plus forte que la rivalité entre Nancy et Metz, sans doute aussi parce que toute l’élite strasbourgeoise a émigré à Nancy en 1870 lors de l’annexion de l’Alsace-Moselle). Quel point commun historique ou géographique entre un habitant de Mulhouse et un habitant de Nogent-sur-Seine ? ou entre un habitant de Charleville-Mézières et un habitant de Saint-Dié ? Curieusement, c’est justement la région Grand Est qui a le plus grand taux d’abstention, avec 70,4%.

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En revanche, la région Corse a une très forte identité culturelle et le taux d’abstention est le plus bas, 42,9%. En écrivant cela, j’utilise cependant un biais, car il n’y a pas que l’identité régionale qui compte, il y a aussi les enjeux et l’enjeu corse reste important (je ne refais pas toute l’histoire institutionnelle corse des vingt dernières années).

Certes, en dehors de la Corse, la différenciation de l’abstention par le sentiment d’identité régionale porte sur quelques points, entre 64% et 70%, mais elle n’est pas négligeable. 64,2% pour la Bretagne à fort sentiment identitaire, tandis que 69,3% pour les Pays de la Loire dont les habitants ne comprennent toujours pas pourquoi la capitale du duché de Bretagne ne se trouve pas en Bretagne (Nantes). Pourquoi ne pas avoir rassemblé les deux régions en Bretagne-Loire qui aurait pu avoir un sens culturel et même géographique. La raison est toute politicienne : le président du conseil régional de Bretagne était le Ministre de la Défense…

L’un des ouvriers de cette réforme territoriale, Thierry Mandon, vient de reconnaître : on s’est planté ! Cela n’a pas simplifié, cela n’a pas fait des économies… et le pire, c’est qu’on va garder ce schéma stupide de grandes régions qui ne signifient plus rien pour les habitants encore longtemps ? Une nouvelle réforme semble donc essentielle et probablement par référendum pour qu’un vrai débat public s’instaure, c’est la seule vraie voie pour réduire l’abstention. Faire de la vraie politique.

Car sinon, que propose-t-on pour réduire l’abstention ? Là aussi, tous les exégètes les plus spécialistes les uns que les autres y sont allés de leurs grandes réformes.

La première proposition est le vote obligatoire : quelle stupidité ! La Belgique a-t-elle une meilleure classe politique, elle qui a été sans gouvernement pendant un an et demi faute de majorité, parce qu’elle a le vote obligatoire ? Sait-on que l’une des sanctions, c’est d’interdire de voter ?! Hilarant ! Moi, quand j’entends le mot "obligation", je sors mon revolver. Encore plus quand on invoque la démocratie. La démocratie, c’est une liberté, le vote est libre. Le rendre obligatoire serait une négation de la démocratie. J’ai toujours voté mais si on rendait le vote obligatoire, je serais vraiment tenté de ne pas voter, par pur esprit de contradiction, et pour manifester mon opposition à cette éventuelle mesure.

D’autres mesures sont avancées. Par exemple, on dit qu’il faut revivifier la démocratie et pour cela, instaurer la proportionnelle. Mais ceux qui la proposent dans ce cadre-là sont-ils autant stupides qu’ils ne le montrent ? Il faut rappeler que les élections régionales sont justement à la proportionnelle, et manifestement, cela n’aide pas à la participation, au contraire, le taux d’abstention pour ces élections régionales est pire que pour les élections législatives de juin 2017.

Il y a aussi la reconnaissance du vote blanc. Mais il est déjà reconnu : depuis 2013, une loi, à l’initiative du groupe UDI, oblige à différencier le vote blanc du vote nul. Le vote blanc, c’est soit une enveloppe vide, soit une enveloppe contenant une feuille blanche. Le reste (graffitis, insultes, bulletins barrés, etc.), c’est le vote nul. Cette différenciation rend encore un peu plus difficile la tâche de ceux qui dépouillent en soirée. Et cela ne fait pas avancer le schmilblick : s’il s’agit juste de faire un autre calcul, cela n’a aucune incidence sur la réalité de l’élection : on élit un homme ou une femme, bref, une personne physique réelle, pas un papier blanc (et pourquoi pas noir, d’ailleurs ?!).

Parmi les mesures imaginées, je pourrais cependant retenir une proposition de François Bayrou, pas vraiment pour réduire l’abstention (même si Patrick Mignola, président du groupe MoDem à l’Assemblée Nationale, l’a évoquée dans sa question au gouvernement le 22 juin 2021), mais pour éviter les affaires politico-financières : créer une banque française pour la vie politique ou quelque chose comme cela (une "banque de la démocratie") qui aurait pour mission de financer les campagnes électorales de candidats susceptibles d’atteindre un minimum de pourcentage leur permettant d’être remboursés par l’État. Il s’agit donc d’une banque qui avancerait l’argent avant remboursement. Le risque est faible si on est sûr que le candidat représente un peu plus que lui et sa famille. Pourquoi cette mesure aurait-elle une influence sur l’abstention ? Parce que l’abstention est due en partie au fait qu’il n’y a pas l’offre souhaitée. Dans ce cas, il faut se présenter soi-même et proposer cette offre manquante. Or, souvent, ce sont des raisons financières qui dissuadent le dépôt de candidature, éliminons cet obstacle et l’on augmentera l’offre.

En conclusion, j’insiste sur le fait qu’il ne faut absolument pas culpabiliser les abstentionnistes : la défaillance vient des candidats, pas des électeurs. Ce sont les candidats qui ont failli, qui n’ont pas su mobiliser les électeurs. C’était d’ailleurs presque drôle d’entendre Marine Le Pen engueuler ses électeurs qui n’étaient pas venus voter pour les listes RN. Eh non, les électeurs, ce sont des clients, il faut les choyer, les ménager, ce sont les candidats qui n’ont pas fait leur boulot, les commerciaux, qui n’ont pas parlé de région, qui n’ont pas parlé des enjeux régionaux, et qui ont simplement, beaucoup trop simplement repris des thèmes nationaux bateaux que les régions sont incapables de régler car ce n’est pas dans leurs attributions : l’immigration, la santé, la sécurité… des thèmes qui ont leur place dans une campagne nationale, certainement pas régionale. Pas étonnant que les sortants aient eu une prime : c’étaient les seuls à parler de la région, des projets qu’ils ont mis en place, des perspectives à venir, etc. Les autres ne savent même pas ce qu’est une région.

De plus, il ne s’agit pas de prendre à la va-vite des mesures pour prétendument moderniser l’opération de voter sous prétexte de lutter contre une abstention massive, et qui risquent fort, au contraire, de déstabiliser une démocratie représentative très fragile et  très sensible. J’y reviendrai et repréciserai certaines choses sur le sujet. Le besoin d’affichage politique entraîne cette notion d’action/réaction qui empoissonne de plus en plus l’action publique.

Comme après un fait-divers émouvant (combien de nouvelle loi d’affichage sur la sécurité sans résultat au bout ?), le gouvernement se sent dans l’obligation de réagir en vitrine pour avoir l’air d’agir. En matière de démocratie, il faut se hâter lentement : pas question de prendre des mesures comme François Hollande a pris cette décision de concentrer les régions quelques semaines après sa défaite aux élections municipales de 2014. Le temps démocratique n’est pas le même que le temps médiatique. Pour fortifier la démocratie, laissons passer les lourdingues de la politique et gardons notre pudeur de gazelle, elle est bonne conseillère.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (22 juin 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Suppression des professions de foi lors des élections (28 septembre 2016).
Régionales 2021 (4) : l’abstention, c’est grave, docteur ?
Régionales 2021 (3) : le premier tour, déconfiture ?
Régionales et départementales 2021 (2) : les enjeux.
Marine Le Pen et l’effet majoritaire.
Les Républicains et la tentation populiste.
Rapport de Jean-Louis Debré du 13 novembre 2020 (à télécharger).
Avis du Conseil scientifique sur la tenue des élections du 29 mars 2021 (à télécharger).
Régionales et départementales 2021 (1) : à propos de leurs dates et de l’âge du capitaine.
Municipales 2020 (5) : la prime aux… écolos ?
Municipales 2020 (4) : bientôt, la fin d’un suspense.
Municipales 2020 (3) : et le second tour arriva…
Municipales 2020 (2) : le coronavirus s’invite dans la campagne.
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Vive la Cinquième République !

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16 juin 2021 3 16 /06 /juin /2021 03:39

« Soyons assez lucides et assez forts pour nous donner et pour observer des règles de vie nationale qui tendent à nous rassembler quand, sans relâche, nous sommes portés à nous diviser contre nous-mêmes ! Toute notre histoire, c’est l’alternance des immenses douleurs d’un peuple dispersé et des fécondes grandeurs d’une nation libre groupée sous l’égide d’un État fort. » (De Gaulle, le 16 juin 1946 à Bayeux).



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Il y a soixante-quinze ans, le 16 juin 1946, le Général De Gaulle a prononcé un très important discours à Bayeux, appelé donc le discours de Bayeux, qui fut la pierre fondatrice de la Cinquième République (qu’on peut lire ici).

Il faut bien reprendre le contexte de l’époque. À cette date, la Quatrième République n’était pas encore née. De Gaulle, après la Libération, était à la tête du Gouvernement provisoire de la République française. Il y a eu quelques tentatives pour restaurer la Troisième République, en particulier le (pitoyable) Président de la République de 1940, Albert Lebrun, dont le mandat de sept ans n’était pas encore achevé, avait proposé de continuer l’exercice de son mandat, mais De Gaulle ne lui a même pas répondu.

L’objectif de De Gaulle était double. D’une part, instaurer une nouvelle République et des institutions efficaces, en faisant table rase tant du système politique que de la classe politique qui ont donné Pétain. D’autre part, et là était le paradoxe, inclure dans l’œuvre de redressement national non seulement les forces politiques de la Résistance (dont la première fut les démocrates-chrétiens regroupés au MRP, Mouvement des républicains populaires), mais aussi tous les partis de l’ancien système, en tout cas, ceux qui n’ont pas collaboré en tant qu’organisation : le PCF, la SFIO, les républicains indépendants, les radicaux, etc. C’était la raison d’être du Conseil national de la Résistance (CNR), que ses responsables pussent parler au nom de la France, de toute la France.

Avec une première urgence, éviter soit l’émergence d’une technostructure étatique communiste (car le PCF était l’un des partis les mieux structurés de France), soit, l’un probablement entraînant l’autre, l’émergence d’une administration provisoire américaine pour empêcher une gestion communiste. Pour cela, il fallait rapidement, une fois tout le territoire libéré et les hauts fonctionnaires nommés et installés (l’équivalent des préfets etc.), rédiger une nouvelle Constitution, par une Assemblée Constituante et la faire adopter par référendum.

Très rapidement, l’unité nationale s’est fendillée sur cette question institutionnelle avec le divorce entre le MRP et De Gaulle (ce qui mettait à rude épreuve les gaullistes du MRP, comme Maurice Schumann, Edmond Michelet, etc.). De Gaulle, par orgueil et par lucidité, a vite compris que la guerre n’avait pas été une leçon suffisante et que le "régime des partis" aurait encore un certain avenir.

De Gaulle a alors pris la décision de démissionner, de quitter (définitivement) le pouvoir. Il a retardé de quelques jours cette décision pour permettre à sa fille Élisabeth de se marier (avec Alain de Boissieu, compagnon de la Libération et membre du cabinet de De Gaulle) le plus calmement possible (le 2 janvier 1946). Il a alors remis ses pouvoirs le 20 janvier 1946 au socialiste Félix Gouin, qui était le Président de l’Assemblée Constituante (la première).

Pour l’anecdote, Edmond Michelet justement, le Ministre des Armées, proposa le 8 avril 1946 à De Gaulle de régulariser son grade dans l’armée française (il n’était que général à titre temporaire en 1940), Félix Gouin voulait en faire un maréchal de France, mais De Gaulle refusa en disant que sa mort se chargerait de régulariser. Il n’a d’ailleurs jamais encaissé sa retraite de militaire (il me semble, c’est à vérifier, mais là n’est pas mon propos).

Revenons au retrait politique de De Gaulle : bouillonnant contre le régime des partis qui se réinstallait, il ne pouvait pas ne pas présenter sa propre vision de l’avenir institutionnel de la France au moment où celui-ci se cristallisait. Il l’a fait dans des circonstances très particulières, le 16 juin 1946 à Bayeux.

Il retournait ainsi dans cette ville normande qui avait été l’une des premières villes françaises à être libérées de l’occupant allemand, le 14 juin 1944 quelques jours après le début du Débarquement, ville qu’il avait donc visitée sous les ovations de la population, la reconquête du territoire national était ainsi en cours. Cet accueil très chaleureux de la population fait à De Gaulle a dissuadé les États-Unis de mettre en place une administration américaine pour gérer les territoires libérés car ils voyaient la légitimité populaire de De Gaulle.

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De Gaulle y est revenu pour célébrer ce deuxième anniversaire et pour exprimer ses idées institutionnelles qui se sont inspirées notamment des travaux de personnalités de la Troisième République comme Alexandre Millerand et aussi André Tardieu qui n’avait pas réussi à réformer les institutions.

Un premier projet de Constitution a été adopté le 19 avril 1946 par 309 voix contre 249, mais il a été rejeté par le référendum du 5 mai 1946 (par 53% des électeurs). Résultats, de nouvelles élections législatives ont été organisées le 2 juin 1946 pour désigner une nouvelle Assemblée Constituante chargée de préparer un nouveau projet constitutionnel. Le discours de Bayeux s’est donc inscrit dans le cadre de futurs débats de cette nouvelle Constituante (la seconde).

Ce projet rejeté était principalement soutenu par la SFIO et le PCF et proposait de très grands pouvoirs aux parlementaires et peu à l’Exécutif. De plus, le Parlement serait devenu monocaméral, à savoir, sans Sénat qui aurait eu pour objet pourtant de temporiser et de modérer les ardeurs des députés.

Cela explique pourquoi, dans le discours de Bayeux, De Gaulle défendait un Parlement bicaméral, contrairement à ce qu’on a voulu imaginer de sa vision en 1969, avec un Sénat qui aurait un rôle important : « Il est clair et il est entendu que le vote définitif des lois et des budgets revient à une Assemblée élue au suffrage universel et direct. Mais le premier mouvement d’une telle Assemblée ne comporte pas nécessairement une clairvoyance et une sérénité entières. Il faut donc attribuer à une deuxième Assemblée, élue et composée d’une autre manière, la fonction d’examiner publiquement ce que la première a pris en considération, de formuler des amendements, de proposer des projets. Or, si les grands courants de politique générale sont naturellement reproduits dans le sein de la Chambre des Députés, la vie locale, elle aussi, a ses tendances et ses droits. (…) Tout nous conduit donc à instituer une deuxième Chambre dont, pour l’essentiel, nos conseils généraux et municipaux éliront les membres. Cette Chambre complétera la première en l’amenant, s’il y a lieu, soit à réviser ses propres projets, soit à en examiner d’autres, et en faisant valoir dans la confection des lois ce facteur d’ordre administratif qu’un collège purement politique a forcément tendance à négliger. ».

De Gaulle reprenait également l’idée de sa réforme de 1969 en incluant dans cette seconde Chambre « des représentants des organisations économiques, familiales, intellectuelles », composition qu’il n’avait pas pu imposer au moment de la rédaction de la Constitution en été 1958.

Parmi ses motivations, De Gaulle a rappelé la grande instabilité institutionnelle de la France et la nécessité de trouver le juste équilibre pour ne plus être parasité par les problèmes institutionnels : « Au cours d’une période de temps qui ne dépasse pas deux fois la vie d‘un homme, la France fut envahie sept fois et a pratiqué treize régimes, car tout se tient dans les malheurs d’un peuple. Tant de secousses ont accumulé dans notre vie publique des poisons dont s’intoxique notre vieille propension gauloise aux divisions et aux querelles. Les épreuves inouïes que nous venons de traverser n’ont fait, naturellement, qu’aggraver cet état de choses. (…) Bref, la rivalité des partis revêt chez nous un caractère fondamental, qui met toujours tout en question et sous lequel s’estompent trop souvent les intérêts supérieurs du pays. Il y a là un fait patent, qui tient au tempérament national, aux péripéties de l’histoire et aux ébranlements du présent (…). Il est nécessaire que nos institutions démocratiques nouvelles compensent, par elles-mêmes, les effets de notre perpétuelle effervescence politique. ».





Les mots sont forts, incisifs, exprimés de manière intemporelle. De Gaulle, c’était le fond, mais aussi la forme, une merveilleuse expression tant écrite qu’orale.

Tous les points abordés dans le discours de Bayeux se sont retrouvés, avec douze ans de perdus, dans la Constitution de la Cinquième République, avec surtout la prééminence du Président de la République et la possibilité, au gouvernement, de gouverner face à un Parlement actif mais ramené à sa place de législateur et de contrôleur.

Dans un premier temps, De Gaulle a expliqué que le fait que le Président du Gouvernement provisoire fût élu par l’Assemblée ne pouvait servir de modèle institutionnel : « Sur la table rase, il n’y avait aucun autre procédé acceptable de désignation. Mais il ne peut y avoir là qu’une disposition du moment. En vérité, l’unité, la cohésion, la discipline intérieure du gouvernement de la France doivent être des choses sacrées, sous peine de voir rapidement la direction même du pays impuissante et disqualifiée. ».

Qui doit être le chef ? Pour De Gaulle, si c’était le chef du gouvernement, cela signifierait que ce serait un « mandataire d’un parti ». Cela ne devrait être que le Président de la République : « C’est donc du chef de l’État, placé au-dessus des partis, élu par un collège (…), que doit procéder le pouvoir exécutif. Au chef de l’État la charge d’accorder l’intérêt général quant au choix des hommes avec l’orientation qui se dégage du Parlement. À lui la mission de nommer les ministres et, d’abord, bien entendu, le Premier, qui devra diriger la politique et le travail du gouvernement. Au chef de l’État (…) l’attribution de servir d’arbitre au-dessus des contingences politiques, soit normalement par le conseil, soit, dans les moments de grave confusion, en invitant le pays à faire connaître par des élections sa décision souveraine. À lui, s’il devait arriver que la patrie fût en péril, le devoir d’être le garant de l’indépendance nationale et des traités conclus par la France. ».

Quelques remarques s’imposent sur ces phrases. Sur la forme. De Gaulle a introduit le concept de "Premier Ministre" qui ne serait plus le "Président du Conseil", parce que le Président du Conseil des ministres, cela devrait être le chef de l’État. En revanche, il n’a pas nommé le chef de l’État, laissant ainsi une large place à tous les possibles, pas seulement "Président de la République" (il serait d’ailleurs intéressant à réfléchir plus complètement sur cette remarque et la signification de ne pas avoir voulu donner d’appellation ; laissait-il la porte ouverte à la monarchie ? ce qui paraîtrait invraisemblable, surtout qu’il souhaitait son élection).

Sur le fond, De Gaulle n’a pas osé exprimer sa pensée profonde sur le mode de scrutin présidentiel : pas question de prôner ici l’élection au suffrage universel direct du Président de la République, comme il l’a mise en œuvre en 1962 : il connaissait parfaitement l’histoire de la France et le précédent historique du 10 décembre 1848, cela aurait été contreproductif de se placer dans une lignée bonapartiste anachronique. Cela ne l’a pas empêché de l’instituer un peu plus tard.

Le seul défaut de vision, tant dans ce discours de 1946 que dans le texte constitutionnel de 1958, ce fut l’avenir de l’Union Française (devenue Communauté en 1958), c’est-à-dire le regroupement des pays sous domination française autour de la France : le mouvement de décolonisation a été tellement fort et rapide que cette « organisation de forme fédérative que le temps précisera peu à peu, mais dont notre Constitution nouvelle doit marquer le début et ménager le développement » est devenue aussi illusoire qu’inutile.

De Gaulle était un homme politique pragmatique et il n’avait aucun dogmatisme, il cherchait la meilleure solution à un moment donné. Il l’avait d’ailleurs exprimé avec sa culture classique : « Des Grecs, jadis, demandaient au sage Solon : "Quelle est la meilleure Constitution ?". Il répondait : "Dites-moi, d’abord, pour quel peuple et à quelle époque ?". Aujourd’hui, c’est du peuple français et des peuples de l’Union Française qu’il s’agit, et à une époque bien dure et bien dangereuse ! Prenons-nous tels que nous sommes. Prenons le siècle comme il est. Nous avons à mener à bien, malgré d’immenses difficultés, une rénovation profonde qui conduise chaque homme et chaque femme de chez nous à plus d’aisance, de sécurité, de joie, et qui nous fasse plus nombreux, plus puissants, plus fraternels. ». Remarquons bien l’objectif d’une démographie croissante.

Heureusement, De Gaulle fut rappelé au pouvoir en 1958 et a remis la France sur des rails constitutionnels qui n’avaient encore jamais existé, pour préserver à la fois la démocratie et l’efficacité et la stabilité de nos institutions républicaines.

Cela fait maintenant près de soixante-trois ans que ces institutions fonctionnent et elles fonctionnent parfaitement, elles ont montré leur solidité, leur souplesse, et surtout, leur efficacité.

Ceux qui veulent les changer, les bouleverser sont peu éloignés des adeptes du régime des partis qui avaient gagné la bataille en 1946, et on sait pour quel résultat, et ceux-là oublient que le problème, ce n’est pas les structures, au contraire, grâce à elles, grâce à nos institutions, on a évité le pire, mais ce sont les acteurs, les responsables politiques qui, parfois, d’une manière ou d’une autre, ont montré quelques carences à respecter les citoyens, les électeurs, les contribuables que nous sommes tous. Et plus généralement, c’est plutôt la classe politique qui n’est plus à la hauteur des enjeux d’aujourd’hui, que nos institutions qui ne sont qu’une règle du jeu, et pas les joueurs.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (13 juin 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Discours de De Gaulle le 16 juin 1946 à Bayeux (texte intégral).
Vive la Cinquième République !
De Gaulle et son discours de Bayeux.
Napoléon, De Gaulle et Macron.
Pourquoi De Gaulle a-t-il ménagé François Mitterrand ?
Philippe De Gaulle.
Deux ou trois choses encore sur De Gaulle.
La France, 50 ans après De Gaulle : 5 idées fausses.
Daniel Cordier.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210616-de-gaulle.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/de-gaulle-le-discours-de-bayeux-75-233653

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/06/11/39010704.html






 

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