(dépêches)
Pierre Joxe se lâche sur le fonctionnement du Conseil Constitutionnel
http://www.lemonde.fr/politique/article/2010/02/03/pierre-joxe-raconte-ses-desaccords-avec-les-membres-du-conseil-constitutionnel_1300695_823448.html#ens_id=1290687&xtor=AL-32280151
http://www.lemonde.fr/web/imprimer_element/0,40-0@2-823448,50-1300695,0.html
Pierre Joxe raconte ses désaccords avec les membres du Conseil constitutionnel
LEMONDE.FR | 03.02.10 | 18h51 • Mis à jour le 03.02.10 | 19h08
lors que trois "sages" s'apprêtent à quitter l'aile Montpensier, laissant autant de postes à pourvoir, l'un d'eux, Pierre Joxe est sorti de son silence. C'est une première : le juge constitutionnel socialiste, dont le mandat s'achève le 12 mars, n'a pas attendu les prochaines nominations pour contester publiquement le mode de fonctionnement du Conseil constitutionnel.
Dans une interview accordée au Nouvel Observateur, à paraître demain dans son intégralité, le socialiste, qui défend son droit à la "différence", avoue même avoir pensé plusieurs fois à quitter le Conseil : "En 2004, j’ai failli démissionner tant la décision [du Conseil] sur la garde à vue des mineurs me semblait choquante sur le plan juridique. En 2006, un membre du Conseil, Valéry Giscard d’Estaing, a publié une belle 'opinion différente' dans le Journal du dimanche : un article qui, à sa façon, exprimait ma pensée. Le CPE [le contrat première embauche, mis en place en 2006] a été abrogé. Pourquoi donc insister ? En 2009, j’ai développé devant le Conseil constitutionnel une 'opinion différente'. J’estimais qu’en acceptant que le président de France Télévisions soit désigné par le chef de l’Etat, le Conseil entérinait une régression du droit et opérait surtout un revirement complet de sa jurisprudence."
"PLUS AUCUN CONSEILLER NOMMÉ PAR LA GAUCHE"
Dans un livre à paraître en février, Cas de conscience, Pierre Joxe développe trois divergences d'opinion majeures, exposées aux membres du Conseil constitutionnel. "J’aurais pu prendre d’autres exemples et je n’exclus d’ailleurs pas de le faire à l’avenir", ajoute cet ancien proche de François Mitterrand. "On m'a écouté poliment, mais quand j'ai demandé que mon opinion soit publiée, on ne m'a pas suivi", déplore-t-il en préconisant la publication des "opinions différentes" des juges constitutionnels. Cela ne violerait en rien, selon lui, le serment de secret des délibérations que prêtent les entrants au Palais Royal.
Soulignant qu'avec la fin de son mandat de neuf ans "il n'y aura plus aucun conseiller nommé par la gauche", et que "cela pose évidemment problème", il affirme que le Conseil "n'est pas une juridiction. C'est une instance politique, mise en place par la Constitution de 1958 et qui a progressivement élargi son champ de compétence". Nicolas Sarkozy, Bernard Accoyer et Gérard Larcher, tous venus de l'UMP, procéderont aux nominations, une situation que regrette M. Joxe : "En Allemagne, les membres de la Cour constitutionnelle sont nommés dans des conditions telles que le pluralisme politique y est toujours respecté".
MM. Sarkozy, Accoyer et Larcher ont déjà commencé à dresser un "état des lieux" des différents candidats à la succession des trois "sages", et se sont fixé rendez-vous la semaine prochaine, première étape d'une procédure de nomination qui s'annonce complexe.
Pour en savoir plus :
– Lire l'article du Monde "La nomination sous haute surveillance des "sages"".
– Les règles de fonctionnement de renouvellement du Conseil constitutionnel.
Célia Héron
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/politique/20100203.OBS5740/pierre_joxe_sort_de_son_silence.html
CONSEIL CONSTITUTIONNEL
Pierre Joxe sort de son silence
NOUVELOBS.COM | 03.02.2010 | 15:18
33 réactions
Pour la première fois, un membre en exercice du Conseil constitutionnel conteste publiquement son mode de fonctionnement. Il dit comment il a failli démissionner. Et plaide pour le droit à la différence. Extrait d'une interview à lire dès demain dans Le Nouvel Observateur.
Pourquoi sortir de votre silence maintenant?
Pierre Joxe. Depuis des années, j’ai dit à mes collègues qu’un jour ou l’autre, je le ferai. Dans mon livre*, j’évoque trois cas où mon opinion, fort "différente", fondée en droit, était que la censure de la loi qui nous était soumise s’imposait. La première, dite "Perben 2", date de 2004 et concernait la garde à vue des enfants. La seconde date de 2006 et instaurait le Contrat de première embauche (CPE). La dernière n’est vieille que d’un an et concernait les modalités de nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public. J’aurais pu prendre d’autres exemples et je n’exclue d’ailleurs pas de le faire à l’avenir.
Cela n’explique toujours pas pourquoi vous vous exprimez maintenant alors qu’à chaud, vous vous êtes tu !
- En 2004, j’ai failli démissionner du Conseil tant sa décision sur la garde à vue des mineurs me semblait choquante sur le plan juridique. En 2006, un membre du Conseil, Valery Giscard d’Estaing, a publié une belle "opinion différente" dans le JDD : un article qui, à sa façon, exprimait ma pensée. Le CPE a été abrogé. Pourquoi donc insister ? En 2009, j’ai développé devant le Conseil constitutionnel une "opinion différente". J’estimais qu’en acceptant que le Président de France Télévision soit désigné par le chef de l’Etat, le Conseil entérinait une régression du droit et opérait surtout un revirement complet de sa jurisprudence. On m’a écouté poliment mais quand j’ai demandé que mon opinion soit publiée, on ne m’a pas suivi.
L'interview est à retrouver dans son intégralité dans Le Nouvel Observateur du 4 février.
* "Cas de conscience", éditions Labor et Fides, 245 pages, 19,50 euros.
http://www.lemonde.fr/politique/article/2010/02/02/la-nomination-sous-haute-surveillance-de-trois-sages_1300061_823448.html
http://www.lemonde.fr/web/imprimer_element/0,40-0@2-823448,50-1300061,0.html
La nomination sous haute surveillance de trois "sages"
LE MONDE | 02.02.10 | 14h33 • Mis à jour le 03.02.10 | 18h39
ls sont onze autour de la grande table de verre poli – acquise récemment – qui accueille les délibérations du Conseil constitutionnel. En bout de table, à la droite et à la gauche de son président, Jean-Louis Debré, nommé en février 2007 par Jacques Chirac, prennent place, respectivement, Valéry Giscard d'Estaing et Jacques Chirac. Les deux anciens présidents de la République en sont membres de droit. Puis, de part et d'autre, les huit autres membres, nommés chacun pour neuf ans, selon l'ordre protocolaire de préséance.
Trois d'entre eux, dont le mandat arrive à échéance, vont être remplacés au mois de mars : Olivier Dutheillet de Lamothe, nommé par Jacques Chirac en 2001, Dominique Schnapper, choisie par l'ancien président du Sénat Christian Poncelet, et Pierre Joxe, nommé par l'ancien président de l'Assemblée nationale Raymond Forni. Trois postes à pourvoir et, comme d'habitude, de nombreux prétendants. Ils devront, cette fois, en passer par une procédure de nomination qui, pour être inédite, n'est pas exempte d'enjeux politiques.
Depuis que le Conseil constitutionnel, le 29 décembre 2009, a censuré le dispositif de taxe carbone intégré dans le projet de loi de finances pour 2010, Nicolas Sarkozy ne décolère pas contre cette haute juridiction indépendante présidée par un de ses "meilleurs ennemis". Le président de la République avait déjà très mal pris la décision des "sages", en juin 2009, obligeant le gouvernement à revoir sa copie sur la Haute Autorité (Hadopi) destinée à lutter contre le piratage sur Internet.
Quels que soient ses griefs, le chef de l'Etat ne peut donner prise au soupçon d'une "reprise en main" partisane de la haute juridiction. Quand certains, à l'Elysée, susurraient que rien, dans les textes, ne précise que le mandat du président du Conseil constitutionnel court sur neuf ans, que ce vide juridique pourrait être exploité pour nommer un nouveau président, cette idée a été "catégoriquement" écartée.
M. Sarkozy, comme Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale, et Gérard Larcher, président du Sénat, mettent le plus grand soin à rendre "irréprochables" ces nominations qui doivent intervenir avant la fin du mois, tout en essayant de satisfaire aux exigences d'équilibre politique, juridique et de parité. Ils se sont déjà vus une première fois pour dresser "un état des lieux". Une nouvelle rencontre est prévue la semaine prochaine, afin de "caler" le nom des trois candidats qui seront proposés, mi-février, et qui, une fois nommés, seront auditionnés par les commissions des lois de chaque assemblée, selon la procédure prévue à l'article 13 de la Constitution.
Et c'est là que survient la difficulté. Car cet article 13, modifié en juillet 2008, lors de la révision constitutionnelle, appelle un projet de loi organique qui n'est pas encore adopté. Celui-ci arrive tout juste en deuxième lecture à l'Assemblée nationale mardi 2 février. Il établit la liste des postes et fonctions pour lesquels la nomination doit désormais recevoir l'avis des commissions permanentes concernées des deux assemblées.
Il précise en outre les conditions dans lesquelles ces commissions se prononcent, la Constitution révisée ayant prévu qu'elles peuvent opposer un "droit de veto" à la majorité des trois cinquièmes des votes exprimés.
Or, subsiste un désaccord entre les deux chambres sur les votes pris en considération. L'Assemblée nationale, contrairement au Sénat, refuse de donner la possibilité aux membres de la commission concernée d'accorder une délégation de vote en cas d'absence.
Le désaccord n'est pas anodin. D'un commun accord, MM. Sarkozy, Larcher et Accoyer ont en effet décidé d'anticiper la mise en application de la révision constitutionnelle pour les nominations au Conseil constitutionnel. Cependant, l'adoption définitive de la loi organique mettant en œuvre l'article 13 reste suspendue à la résorption de cette question du droit de vote. Or, prévient M. Accoyer, "il est hors de question que je lâche là-dessus".
Si le différend persiste, la loi organique ne pourra pas être promulguée avant les nominations. D'où un risque juridique qui s'ajoute au risque plus classique de polémique politique. On comprend dès lors la prudence avec laquelle le président de la République, le président de l'Assemblée nationale et celui du Sénat abordent l'échéance.
Patrick Roger
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Associer le Parlement aux nominations du président
Le projet de loi organique relatif à l'article 13 de la Constitution doit permettre, conformément à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, d'associer le Parlement aux nominations effectuées par le président de la République. Il établit une liste des emplois ou fonctions concernés (quarante et un au départ dans le projet du gouvernement, portés à cinquante-deux à l'issue des travaux dans les deux chambres) et institue les commissions permanentes compétentes pour chacune des nominations. Le chef de l'Etat ne peut pas procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans les commissions compétentes des deux assemblées représente au moins trois cinquièmes des votes exprimés. Le désaccord entre les deux chambres porte sur la prise en compte des votes par délégation.
Article paru dans l'édition du 03.02.10
http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/le-conseil-constitutionnel/le-conseil-aujourd-hui/les-membres-en-2009/fondements-textuels/fondements-textuels.220.html
Fondements textuels | | | | SOMMAIRE
Les membres du Conseil en 2009
Liste des membres
Plan de table
Statut des membres
Fondements textuels
|
Source : services du Conseil constitutionnel © Édition du 16 juillet 2008
Constitution du 4 octobre 1958. 10
Ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel 11
Décret n° 59-1292 du 13 novembre 1959 sur les obligations des membres du Conseil constitutionnel 14
Code électoral : Sélection d'articles intéressant directement le Conseil constitutionnel 16
| Constitution du 4 octobre 1958
Titre VII : Le Conseil constitutionnel
- Article 56
(al.1) Le Conseil constitutionnel comprend neuf membres, dont le mandat dure neuf ans et n'est pas renouvelable. Le Conseil constitutionnel se renouvelle par tiers tous les trois ans. Trois des membres sont nommés par le Président de la République, trois par le président de l'Assemblée nationale, trois par le président du Sénat.
(al.2) En sus des neuf membres prévus ci-dessus, font de droit partie à vie du Conseil constitutionnel les anciens Présidents de la République.
(al.3) Le président est nommé par le Président de la République. Il a voix prépondérante en cas de partage.
- Article 57
Les fonctions de membre du Conseil constitutionnel sont incompatibles avec celles de ministre ou de membre du Parlement. Les autres incompatibilités sont fixées par une loi organique[1].
- Article 63
Une loi organique[2] détermine les règles d'organisation et de fonctionnement du Conseil constitutionnel, la procédure qui est suivie devant lui et notamment les délais ouverts pour le saisir de contestations.
| | Ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel | [3]
modifiée par l'ordonnance n° 59-223 du 4 février 1959[4] et par les lois organiques n° 74-1101 du 26 décembre 1974[5], n° 90-383 du 10 mai 1990[6], n° 95-63 du 19 janvier 1995[7], n° 2007-223 du 21 février 2007[8] et n° 2008-695 du 15 juillet 2008[9].
Titre IER : Organisation du Conseil constitutionnel
- Article 1er
(al.1) Les membres du Conseil constitutionnel, autres que les membres de droit, sont nommés par des décisions du Président de la République, du président de l'Assemblée nationale et du président du Sénat.
(al.2) Le président du Conseil constitutionnel est nommé par décision du Président de la République. Il est choisi parmi les membres du Conseil, nommés ou de droit.
(al.3) Les décisions ci-dessus sont publiées au Journal officiel.
- Article 2
Le premier Conseil constitutionnel comprend trois membres désignés pour trois ans, trois membres désignés pour six ans et trois membres désignés pour neuf ans. Le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat désignent chacun un membre de chaque série.
- Article 3
(al.1) Avant d'entrer en fonction, les membres nommés du Conseil constitutionnel prêtent serment devant le Président de la République.
(al.2) Ils jurent de bien et fidèlement remplir leurs fonctions, de les exercer en toute impartialité dans le respect de la Constitution, de garder le secret des délibérations et des votes et de ne prendre aucune position publique, de ne donner aucune consultation sur les questions relevant de la compétence du Conseil. [10]
(al.3) Acte est dressé de la prestation de serment.
- Article 4 | [11]
(al.1) Les fonctions de membre du Conseil constitutionnel sont incompatibles avec celles de membre du Gouvernement ou du Conseil économique et social. Elles sont également incompatibles avec l'exercice de tout mandat électoral.
(al.2) Les membres du Gouvernement ou du Conseil économique et social ou les titulaires d'un mandat électoral nommés au Conseil constitutionnel sont réputés avoir opté pour ces dernières fonctions s'ils n'ont pas exprimé une volonté contraire dans les huit jours suivant la publication de leur nomination.
(al.3) Les membres du Conseil constitutionnel nommés à des fonctions gouvernementales, désignés comme membres du Conseil économique et social ou qui acquièrent un mandat électoral sont remplacés dans leurs fonctions.
(al.4) Les incompatibilités professionnelles applicables aux membres du Parlement sont également applicables aux membres du Conseil constitutionnel.[12]
- Article 5
Pendant la durée de leurs fonctions, les membres du Conseil constitutionnel ne peuvent être nommés à aucun emploi public ni, s'ils sont fonctionnaires publics, recevoir une promotion au choix.
- Article 6
(al.1) Le président et les membres du Conseil constitutionnel reçoivent respectivement une indemnité égale aux traitements afférents aux deux catégories supérieures des emplois de l'État classés hors échelle.
(al.2) Les indemnités sont réduites de moitié pour les membres du Conseil qui continuent d'exercer une activité compatible avec leur fonction.
- Article 7
Un décret[13] pris en conseil des ministres, sur proposition du Conseil constitutionnel, définit les obligations imposées aux membres du Conseil, afin de garantir l'indépendance et la dignité de leurs fonctions. Ces obligations doivent notamment comprendre l'interdiction pour les membres du Conseil constitutionnel, pendant la durée de leurs fonctions, de prendre aucune position publique sur les questions ayant fait ou susceptibles de faire l'objet de décisions de la part du Conseil, ou de consulter sur les mêmes questions[14].
- Article 8
Il est pourvu au remplacement des membres du Conseil huit jours au moins avant l'expiration de leurs fonctions.
- Article 9
Un membre du Conseil constitutionnel peut démissionner par une lettre adressée au Conseil. La nomination du remplaçant intervient au plus tard dans le mois de la démission. Celle-ci prend effet de la nomination du remplaçant.
- Article 10
(al.1) Le Conseil constitutionnel constate, le cas échéant, la démission d'office de celui de ses membres qui aurait exercé une activité ou accepté une fonction ou un mandat électif incompatible avec sa qualité de membre du Conseil ou qui n'aurait pas la jouissance des droits civils et politiques.
(al.2) Il est alors pourvu au remplacement dans la huitaine.
- Article 11
Les règles posées à l'article 10 sont applicables aux membres du Conseil constitutionnel qu'une incapacité physique permanente empêche définitivement d'exercer leurs fonctions.
- Article 12
Les membres du Conseil constitutionnel désignés en remplacement de ceux dont les fonctions ont pris fin avant leur terme normal achèvent le mandant de ceux qu'ils remplacent. A l'expiration de ce mandat, ils peuvent être nommés comme membres du Conseil constitutionnel s'ils ont occupé ces fonctions de remplacement pendant moins de trois ans.
| Décret n° 59-1292 du 13 novembre 1959 sur les obligations des membres du Conseil constitutionnel | [15]
Le Président de la République,
Sur la proposition du Conseil constitutionnel,
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 7 ;
Le conseil des ministres entendu ;
Décrète :
- Article 1er
Les membres du Conseil constitutionnel ont pour obligation générale de s'abstenir de tout ce qui pourrait compromettre l'indépendance et la dignité de leurs fonctions.
- Article 2
(al.1) Les membres du Conseil constitutionnel s'interdisent en particulier pendant la durée de leurs fonctions :
(al.2) De prendre aucune position publique ou de consulter sur des questions ayant fait ou étant susceptibles de faire l'objet de décisions de la part du Conseil ;
(al.3) D'occuper au sein d'un parti ou groupement politique tout poste de responsabilité ou de direction et, de façon plus générale, d'y exercer une activité inconciliable avec les dispositions de l'article premier ci-dessus ;
(al.4) De laisser mentionner leur qualité de membre du Conseil constitutionnel dans tout document susceptible d'être publié et relatif à toute activité publique ou privée.
- Article 3
Les membres du Conseil constitutionnel tiennent le président informé des changements qui pourraient survenir dans leurs activités extérieures du Conseil.
- Article 4
Tout membre du Conseil constitutionnel qui entend solliciter un mandat électif doit demander sa mise en congé pour la durée de la campagne électorale. La mise en congé est de droit.
- Article 5
Le Conseil constitutionnel apprécie, le cas échéant, si l'un de ses membres a manqué aux obligations générales et particulières mentionnées aux articles 1er et 2 du présent décret.
- Article 6
Dans le cas prévu à l'article 5 ci-dessus, le Conseil constitutionnel se prononce au scrutin secret à la majorité simple des membres le composant, y compris ses membres de droit.
- Article 7
Pour l'application des dispositions du présent décret, le Conseil constitutionnel peut recourir, s'il y a lieu, à la procédure prévue à l'article 10 de l'ordonnance susvisée du 7 novembre 1958.
- Article 8
Lorsqu'en application des articles 10 et 11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, le Conseil constitutionnel a constaté la démission d'office de l'un de ses membres, il notifie immédiatement sa décision au Président de la République ainsi qu'à l'autorité à qui il appartient de pourvoir au remplacement de l'intéressé.
| Code électoral :
Livre I : Élection des députés, des conseillers généraux et des conseillers municipaux des départements
Titre II : Dispositions spéciales l'élection des députés
Chapitre IV : Incompatibilités
- Article L.O. 140
Ainsi qu'il est dit à l'article 9 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, l'exercice des fonctions de magistrat est incompatible avec l'exercice d'un mandat à l'Assemblée nationale.
(···)
- Article L.O. 142
L'exercice des fonctions publiques non électives est incompatible avec le mandat de député.
Sont exceptés des dispositions du présent article :
1° les professeurs qui, à la date de leur élection, étaient titulaires de chaires données sur présentation des corps où la vacance s'est produite ou chargés de directions de recherches;
2° dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle , les ministres des cultes et les délégués du gouvernement dans l'administration des cultes.
- Article L.O. 143
L'exercice des fonctions conférées par un État étranger ou une organisation internationale et rémunérées sur leurs fonds est également incompatible avec le mandat de député.
- Article L.O. 145
(Loi organique n° 88-37 du 13 janvier 1988 Journal Officiel du 15 janvier 1988)
Sont incompatibles avec le mandat de député les fonctions de président et de membre de conseil d'administration ainsi que celles de directeur général et de directeur général adjoint exercées dans les entreprises nationales et établissements publics nationaux; il en est de même de toute fonction exercée de façon permanente en qualité de conseil auprès de ces entreprises ou établissements.
L'incompatibilité édictée au présent article ne s'applique pas aux députés désignés soit en cette qualité soit du fait d'un mandat électoral local comme présidents ou membres de conseils d'administration d'entreprises nationales ou d'établissements publics nationaux en application des textes organisant ces entreprises ou établissements.
- Article L.O. 146
Sont incompatibles avec le mandat parlementaire les fonctions de chef d'entreprise, de président de conseil d'administration, de président et de membre de directoire, de président de conseil de surveillance, d'administrateur délégué, de directeur général, directeur général adjoint ou gérant exercées dans :
1° les sociétés, entreprises ou établissements jouissant, sous forme de garanties d'intérêts, de subventions ou, sous forme équivalente, d'avantages assurés par l'État ou par une collectivité publique sauf dans le cas où ces avantages découlent de l'application automatique d'une législation générale ou d'une réglementation générale;
2° les sociétés ayant exclusivement un objet financier et faisant publiquement appel à l'épargne, ainsi que les sociétés civiles autorisées à faire publiquement appel à l'épargne et les organes de direction, d'administration ou de gestion de ces sociétés;
3° les sociétés ou entreprises dont l'activité consiste principalement dans l'exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services pour le compte ou sous le contrôle de l'État, d'une collectivité ou d'un établissement public ou d'une entreprise nationale ou d'un État étranger;
4° les sociétés ou entreprises à but lucratif dont l'objet est l'achat ou la vente de terrains destinés à des constructions, quelle que soit leur nature, ou qui exercent une activité de promotion immobilière ou, à titre habituel, de construction d'immeubles en vue de leur vente;
5° les sociétés dont plus de la moitié du capital est constituée par des participations de sociétés, entreprises ou établissements visés aux 1°, 2°, 3° et 4° ci-dessus.
Les dispositions du présent article sont applicables à toute personne qui, directement ou par personne interposée, exerce en fait la direction de l'un des établissements, sociétés ou entreprises ci-dessus visés.
- Article L.O. 146-1
(inséré par loi organique n° 95-63 du 19 janvier 1995 art. 3 I ,Journal Officiel du 20 janvier 1995)
Il est interdit à tout député de commencer à exercer une fonction de conseil qui n'était pas la sienne avant le début de son mandat.
« Cette interdiction n'est pas applicable aux membres des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé. »
- Article L.O. 147
(Loi organique n° 95-63 du 19 janvier 1995 art. 3 II ,Journal Officiel du 20 janvier 1995)
Il est interdit à tout député d'accepter, en cours de mandat, une fonction de membre du conseil d'administration ou de surveillance dans l'un des établissements, sociétés ou entreprises visés à l'article LO.146.
- Article L.O. 149
(Loi organique n° 95-63 du 19 janvier 1995 art. 4, 5 Journal Officiel du 20 janvier 1995)
Il est interdit à tout avocat inscrit à un barreau, lorsqu'il est investi d'un mandat de député, d'accomplir directement ou indirectement par l'intermédiaire d'un associé, d'un collaborateur ou d'un secrétaire, sauf devant la Haute Cour de justice et la cour de justice de la République, aucun acte de sa profession dans les affaires à l'occasion desquelles des poursuites pénales sont engagées devant les juridictions répressives pour crimes ou délits contre la nation, l'État et la paix publique ou en matière de presse ou d'atteinte au crédit ou à l'épargne; il lui est interdit, dans les mêmes conditions, de plaider ou de consulter pour le compte de l'une de ces sociétés, entreprises ou établissements visés aux articles L. O. 145 et L. O. 146 dont il n'était pas habituellement le conseil avant son élection, ou contre l'État, les sociétés nationales, les collectivités ou établissements publics, à l'exception des affaires visées par la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 attribuant aux tribunaux judiciaires compétence pour statuer sur les actions en responsabilité des dommages causés par tout véhicule et dirigées contre une personne morale de droit public.
- Article L.O. 152
Ainsi qu'il est dit à l'article 4 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, les fonctions des membres du Conseil constitutionnel sont incompatibles avec celles de député.
Les députés nommés au Conseil constitutionnel sont réputés avoir opté pour ces dernières fonctions s'ils n'ont exprimé une volonté contraire dans les huit jours suivant la publication de leur nomination.
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[1] LO : Art. 4 et 5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.
[2] LO : Ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; art. 104 et 105 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ; art. 12 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ; art. L.O. 6213-5 et L.O. 6313-5 du C. gén. des coll. terr.
[3] Journal officiel du 9 novembre 1958 p. 10129
[4] Journal officiel du 7 février 1959, p. 1683.
[5] Journal officiel du 27 décembre 1974, p. 13068.
[6] Journal officiel du 11 mai 1990, p. 5615.
[7] Journal officiel du 20 janvier 1995, p. 1041.
[8] Journal officiel du 22 février 2007, p. 3121, @ n° 1
[9] Journal officiel du 16 juillet 2008, p. 11322, @ n° 1
[10] L'interdiction de donner des consultation est introduite par la loi organique n° 59-223 du 4 février 1959.
[11] La rédaction de cet article résulte de l'article 7 de la loi organique n° 95-63 du 19 janvier 1995 (incompatibilité avec tout mandat électoral ainsi que incompatibilités professionnelles).
[12] L'article 7 de la loi organique n° 95-63 du 19 janvier 1995 dispose :
II. Les membres du Conseil constitutionnel qui, à la date de publication de la présente loi organique, sont titulaires d'un ou plusieurs mandats électoraux pourront remplir jusqu'à leur terme les mandats qu'ils détiennent.
III. Les membres du Conseil constitutionnel qui, à la date de publication de la présente loi organique, se trouvent dans l'un des cas d'incompatibilité professionnelle prévue au dernier alinéa du I du présent article disposent d'un délai d'un mois pour renoncer aux fonctions incompatibles avec leur qualité de membre du Conseil constitutionnel. A défaut, ils sont remplacés, à l'issue de ce délai, dans leurs fonctions de membre du Conseil constitutionnel.
[13] Décret n° 59-1292 du 13 novembre 1959 sur les obligations des membres du Conseil constitutionnel
[14] La rédaction de cet article résulte de l'article 2 de l'ordonnance n° 59-223 du 4 février 1959.
[15] Journal officiel du 15 novembre 1959, p. 10818
http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2361/articles/a418071-.html
Nº2361SEMAINE DU JEUDI 04 Février 2010
À la Une < Le Nouvel Observateur < Les cas de conscience d'un sage
Le livre-événement de Pierre Joxe
Les cas de conscience d'un sage
Pour la première fois, un membre du Conseil constitutionnel conteste publiquement son mode de fonctionnement. Il dit comment il a failli démissionner Et plaide pour le droit à la différence.
Le Nouvel Observateur . - Vous êtes, pour quelques jours encore, membre du Conseil constitutionnel. Pendant neuf ans, vous ne vous êtes jamais exprimé pour commenter ses décisions. Vous rompez aujourd'hui dans un livre cette loi du silence. Pourquoi ?
Pierre Joxe. - Les membres du Conseil constitutionnel jurent, lorsqu'ils entrent en fonction, de respecter le secret des délibérations. Leurs débats, leurs votes, les majorités qui se dégagent lors de l'examen de tel ou tel texte doivent bien sûr rester confidentiels. Mais rien n'interdit formellement de rendre public ce qu'on appelle une « opinion différente ».
N. O. - C'est-à-dire ?
P. Joxe. - Une « opinion différente », c'est un texte juridique qui développe une argumentation contestant celle de la majorité du Conseil. Ni plus ni moins. C'est une pratique courante à la Cour européenne des Droits de l'Homme comme à la cour constitutionnelle allemande, entre autres...
N. O.- En France, cela ne s'est jamais fait !
P. Joxe. - L'usage, au Conseil constitutionnel, n'est pas d'interdire l'« opinion différente ». Il est de ne pas la rendre publique. Je romps cet usage sans violer aucune loi. Le progrès avance souvent par la transgression.
N. O. - Pourquoi maintenant ?
P. Joxe. - Depuis des années, j'ai dit à mes collègues qu'un jour ou l'autre je le ferai. Dans mon livre, j'évoque trois cas pour lesquels mon opinion, fort «différente», fondée en droit, était que la censure de la loi qui nous était soumise s'imposait. La première, dite Perben II, date de 2004 et concernait la garde à vue des enfants. La seconde date de 2006 et instaurait le contrat première embauche (CPE). La dernière n'est vieille que d'un an et concernait les modalités de nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public. J'aurais pu prendre d'autres exemples, et je n'exclus d'ailleurs pas de le faire à l'avenir.
N. O. - Cela n'explique toujours pas pourquoi vous vous exprimez maintenant alors qu'à chaud vous vous êtes tu !
P. Joxe. - En 2004, j'ai failli démissionner du Conseil tant sa décision sur la garde à vue des mineurs me semblait choquante sur le plan juridique. En 2006, un membre du Conseil, Valéry Giscard d'Estaing, a publié une belle « opinion différente » dans le « JDD » : un article qui, à sa façon, exprimait ma pensée. Le CPE a été abrogé. Pourquoi donc insister ? En 2009, j'ai développé devant le Conseil constitutionnel une « opinion différente ». J'estimais qu'en acceptant que le président de France Télévisions soit désigné par le chef de l'Etat le Conseil entérinait une régression du droit et opérait surtout un revirement complet de sa jurisprudence. On m'a écouté poliment, mais quand j'ai demandé que mon opinion soit publiée, on ne m'a pas suivi.
N. O. - Vous le regrettez ?
P. Joxe. - Bien sûr. Mais, si j'étais passé outre, à chaud, mon « opinion différente » aurait pu être interprétée comme un geste politicien... Aujourd'hui, le temps a passé. Je constate que mes idées progressent. On l'a peu remarqué, mais dans une récente interview au « Monde » un membre du gouvernement, Patrick Devedjian, reprend cette idée de la publication des « opinions différentes ». Le président du groupe UMP au Sénat, Gérard Longuet, a tenu depuis des propos qui vont dans le même sens.
N. O. - Dans votre livre, vous écrivez quand même que, durant les neuf ans que vous avez passés au Conseil, « dans une vingtaine de circonstances, c'est une question politique majeure, posant des problèmes constitutionnels évidents, qui a reçu contre mon gré sa réponse politique, revêtue d'un costume juridique plus ou moins élégant, mais taillé sur mesure». Quelle charge contre vos collègues !
P. Joxe. - Le Conseil constitutionnel n'est pas une juridiction. C'est une instance politique, mise en place par la Constitution de 1958 et qui a progressivement élargi son champ de compétence.
N. O. - En Europe, les membres des différentes cours constitutionnelles ne sont pas désignés, comme en France, par les présidents de la République, de l'Assemblée et du Sénat !
P. Joxe. - En effet, et dans quelques jours, avec la fin de mon mandat, il n'y aura plus aucun conseiller nommé par la gauche. Cela pose évidemment problème. Zéro, c'est peu.
N. O. - Pour vous, le Conseil se détermine sur de seuls critères politiques ?
P. Joxe. - Bien sûr que non. Les choses sont plus compliquées. Les textes qui nous sont soumis sont de nature trop différente pour qu'il en soit ainsi. Et puis les hommes changent... Jean-Louis Debré préside de manière libérale. Ce qui n'était pas le cas de ses deux prédécesseurs. Comme président de l'Assemblée nationale, le même Debré a d'ailleurs nommé deux conseillers qui sont d'éminents juristes, sans étiquette politique. Cela dit, vous savez qu'en Allemagne, par exemple, les membres de la cour constitutionnelle sont nommés dans des conditions telles que le pluralisme politique y est toujours respecté. Ils doivent recueillir le soutien des deux tiers au Parlement. En France, les dispositions légales allant dans ce sens n'ont pas encore été votées...
N. O. - Est-ce grave ?
P. Joxe. - Oui. Mais je suis patient et optimiste. Le progrès avance toujours lentement. Les évolutions que je souhaite sont inéluc tables.
N. O. - Y compris pour la publication des « opinions différentes » ?
P. Joxe. - Rien ne m'empêche aujourd'hui de le faire. Rien n'empêchera demain de suivre mon exemple. Il suffit de le vouloir.
N. O. - Ce n'est pas dans la tradition française !
P. Joxe. - Ce n'était pas non plus la tradition allemande ou espagnole. Et puis les choses ont évolué. Au Conseil constitutionnel, Jean-Claude Colliard, nommé avant moi par la gauche, était opposé à cette évolution. Simone Veil aussi. J'étais seul à soutenir l'idée de la publication des « opinions différentes ». Je n'ai pas insisté. Je suis un homme patient. Mais j'ai le sentiment que, à la suite notamment des visites organisées par Jean-Louis Debré à Karlsruhe et à Madrid, les esprits sont en train d'évoluer. J'ajoute que la réforme constitutionnelle qui vient d'autoriser les simples justiciables à contester devant les tribunaux des lois, souvent anciennes, qui n'ont pas été examinées par le Conseil pousse à l'évidence dans la direction que j'indique.
N. O. - Mais avec quel effet ? La publication de votre « opinion différente » sur la loi audiovisuelle n'aurait pas modifié la décision du Conseil...
P. Joxe. - Là où elle est déjà traditionnelle, la publication des « opinions différentes », (appelées dissenting opinions aux Etats-Unis, Abweichenden Meinungen en Allemagne, ou votos particulares en Espagne) oblige la majorité à réfuter les arguments de la minorité. Les citoyens peuvent alors lire et juger si la réfutation est solide, faible ou nulle. La publication des « opinions différentes » joue donc un rôle dès l'élaboration de la décision juridique, puis pour son interprétation. Elle éclaire l'évolution du droit. En son absence, tout le monde peut croire que la décision majoritaire a été unanime ou qu'elle est la seule juridiquement possible.
La publication des « opinions différentes », ici comme ailleurs, conduira le Conseil constitutionnel et ses membres à argumenter en droit plus qu'actuellement. Pour reprendre l'exemple que vous avez cité sur la loi audiovisuelle, la publication de mon « opinion différente » aurait contraint le Conseil à s'expliquer sérieusement sur son revirement de jurisprudence. Celle-ci, à l'époque, a été peu commentée. Hélas ! J'ai la faiblesse de croire que l'opinion nourrit le débat et que le débat public renforce l'autorité de la chose jugée. C'est la raison qui me conduit à écrire aujourd'hui, dans ce livre, ce que je pensais hier tout bas.
François Bazin
Le Nouvel Observateur
http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2148/dossier/a291614-la_parabole_des_deux_singes.html
Nº2148SEMAINE DU JEUDI 05 Janvier 2006
À la Une < Le Nouvel Observateur < La parabole des deux singes
Extraits du livre de Pierre Joxe « Pourquoi Mitterrand ? »
La parabole des deux singes
Ministre de l'Intérieur, Pierre Joxe accompagne François Mitterrand en voyage officiel lorsque Laurent Fabius, alors Premier ministre, se dit « troublé » par la décision du président de recevoir le général Jaruzelski. Récit. Révélations
4 décembre 1985. C'était un mercredi, jour du conseil des ministres et - à l'époque - jour des questions d'actualité à l'Assemblée. Nous volions en Concorde vers les Antilles. Un court voyage dans deux de nos « départements d'Amérique » : la Martinique, puis la Guadeloupe [...].
En face de moi, dans ce petit « salon volant », Mitterrand s'était assoupi et je lisais. Son aide de camp est arrivé, un papier à la main m'annonçant un message urgent à remettre au président. Je lui ai demandé la note, j'ai hésité quelques secondes, puis finalement je l'ai regardée. L'Elysée informait le président qu'à l'Assemblée le Premier ministre Laurent Fabius avait déclaré, répondant à la question d'un député socialiste, qu'il était personnellement « troublé » par la visite que le général Jaruzelski avait faite le matin même au chef de l'Etat. Un extrait de dépêche de l'AFP était joint.
Nous étions à trente mille pieds d'altitude et loin, très loin, de l'emballement politico-médiatique qu'avait dû instantanément provoquer le « je suis troublé » de Laurent Fabius. Fallait-il réveiller Mitterrand ? J'ai décidé que non et j'ai attendu. Quand il a ouvert les yeux, un peu irrité parce qu'il n'aimait pas s'endormir devant d'autres, je lui ai dit : « Il est arrivé un message qui ne va pas vous faire plaisir.
- Qu'est-ce que c'est ? »
Je lui ai expliqué la déclaration de Fabius.
« Quoi ? Comment ? » Je me suis excusé de ne pas l'avoir réveillé, je lui ai tendu le message. Il est devenu blême. C'était rare de le voir ému à ce point. Après un moment, il me dit : « Pourquoi a-t-il fait cela ? »
Il était d'autant plus stupéfait que le matin même, lors du conseil des ministres, juste avant notre départ, il avait été clairement décidé que Roland Dumas, ministre des Affaires étrangères, expliquerait à l'Assemblée le sens de l'audience accordée à Jaruzelski. Celle-ci avait eu lieu juste avant le conseil et plusieurs ministres avaient un air « troublé ». Mitterrand avait dit : « On a bien rencontré des dictateurs du Pakistan, de Russie et d'Indonésie. Pourquoi pas celui-là ? Giscard a reçu Brejnev... » Le sujet était sensible, nous le savions, et une question au gouvernement l'après-midi même à l'Assemblée était certaine tant la presse et l'opinion, en France, avaient montré un profond sentiment de solidarité envers la Pologne qui vivait dans l'« état de guerre » organisé par Jaruzelski depuis décembre 1981 [...].
D'après le message de l'Elysée, bientôt suivi de comptes rendus plus détaillés, après la réponse de Fabius il y avait eu une autre réponse de Roland Dumas à une autre question, sur le même sujet, posée par Jacques Baumel, un député de droite, celle-là. Mais les tonalités des deux réponses - plus que leur fond - étaient assez différentes. Dumas n'était pas troublé et développa sans difficulté, avec soin et précision, les arguments que Fabius, après s'être dit « troublé », avait sèchement présentés comme « les réponses que M. le Président de la République [avait] bien voulu [lui] faire » [...].
Laurent Fabius ne m'avait parlé de rien avant notre départ, et Mitterrand ne m'a pas dit qu'ils en avaient discuté avant le conseil, comme l'affirment certains auteurs. Mais la question avait été évoquée au conseil des ministres. Le seul fait qu'un Premier ministre fasse une réponse différente de celle d'un de ses ministres est insolite et rare. C'était d'autant plus inattendu et frappant qu'il s'agissait de politique étrangère, « domaine réservé » du président, qui avait, avec Roland Dumas, un ministre habile et entièrement dévoué. Mitterrand s'est senti trahi [...].
Arrivés à la Martinique, une journée chargée de visites protocolaires ou populaires nous attendait et jamais François Mitterrand ne s'est détendu. Je voyais bien sa contraction ; il y pensait tout le temps, et nous avions reçu des détails ou des commentaires de Paris tout au long de la journée...
Nous étions logés à la résidence du préfet. Le soir, à la fin du dîner, au moment de rejoindre sa chambre, il me dit : « Venez avec moi ! » Nous nous sommes alors installés dans une espèce de petit salon-véranda contigu à sa chambre sur fond de végétation exotique luxuriante, éclairée subtilement comme un paysage artificiel ravissant, et là il s'est effondré. « Mais, Joxe, qu'est-ce qui s'est passé ? Comment expliquez-vous cela, après tout ce que j'ai fait pour lui ? Après tout, quand je l'ai choisi, ça aurait pu être d'autres ! Comment peut-il me tirer ainsi dans le dos ? » Ses mots et ses questions trahissaient comme un amour paternel déçu.
Alors a commencé une conversation assez longue. Je lui ai d'abord dit : « Je comprends que cela vous choque, ce n'est pas conforme à ce qui avait été prévu. » J'ai insisté ensuite sur le rapport affectif de la France à la Pologne, sur l'assassinat du père Popielusko qui avait mis en branle tout un secteur catholique de l'opinion publique en France. Mitterrand, lui, ne donnait pas dans l'effusion propolonaise. Il disait même souvent : « C'est le peuple le plus antisémite de la terre. » Mais Solidarnosc, à l'époque, était aussi populaire que le pape polonais.
J'essayais de lui parler : « Vous n'étiez pas obligé de recevoir Jaruzelski ; moi, je considère que vous avez bien fait. En Pologne il y a l'âme polonaise, c'est une nation catholique, tournée vers nous depuis des siècles, à l'Ouest. Ils ont même élu roi de Pologne notre futur Henri III, au XVIe siècle ! Et puis il y a eu la peur de la Russie, qu'elle soit orthodoxe ou communiste, à l'Est. D'une certaine façon, la dictature de Jaruzelski est un rempart contre l'invasion soviétique car à l'Ouest, hélas pour les Polonais, il n'y a pas la France, mais la Prusse, à la fois luthérienne et communiste ! Bref, le diable. » Et me voilà à lui brosser, pour le distraire, un vaste panorama historique sur les Russes, les Allemands avec les Polonais au milieu, les invasions et les dépeçages successifs de la Pologne. En terminant cette fresque polonaise, je conclus : « Mais qui connaît l'histoire de la Pologne ? Pour l'opinion française, la Pologne, c'est le pays où un curé s'est fait tuer par des sales flics ; c'est une caricature de général avec ses bottes, son uniforme, ses sinistres lunettes noires ; Jaruzelski ressemble à l'image du matraqueur de 1968 sur fond d'ORTF occupée, vous vous souvenez : «La police vous parle tous les jours à 20 heures.» » [...]
Il m'écoutait sans jamais se décrisper, mais il m'écoutait, en buvant, comme toujours là-bas, du jus d'ananas trop sucré. Je poursuivis : « Fabius n'a eu tort que d'un point de vue disciplinaire. Vous avez été député, vous savez ce que c'est... Il a peut-être senti qu'à l'Assemblée le discours de Dumas ne passerait pas bien. Entre nous, Dumas, c'est un trop bon avocat ; chaque fois qu'il défend quelque chose, l'effet est double : d'abord il convainc, mais si bien, si habilement, que dans un deuxième temps on a oublié tout ce qu'il a dit. Je me rappelle quand Dumas est venu devant le groupe, sur votre ordre, plaider contre moi pour la réhabilitation des généraux de l'OAS : Dumas était comme un joueur de flûte qui charme et prend l'auditoire par la main, le séduit et l'amène à partager ses idées. Mais dès qu'il fut reparti et la séance levée, les gens se sont dit : mais qu'est-ce qu'il nous a raconté là ? Donc Fabius a pu sentir que ça ne passerait pas... »
Il m'écoutait, mais paraissait accablé. J'avais rarement vu cela chez lui, cette collision entre une analyse rationnelle et le sentiment d'avoir été lâché. Tout à coup le personnage paraissait extrêmement fragile. Alors je lui dis : « Monsieur le Président, une idée me vient. Si vous n'aviez pas été dans l'avion, vous seriez à l'Elysée. Vous regardez les séances de questions à l'Assemblée ?
- Bien sûr, oui... Mais si je n'avais pas été dans l'avion, il n'aurait pas fait cela ; il aurait pensé que je pouvais le regarder.
- Justement. Voilà ! Ecoutez. Vous recevez le général Jaruzelski, ensuite vous prenez immédiatement un Concorde pour les Antilles [on volait presque à Mach 2] et vous laissez votre ministre des Affaires étrangères dire une chose et votre Premier ministre dire autre chose. Au fond, ça vous ressemble assez... »
Là, je crois qu'il a vaguement souri : « Vraiment ? Je n'avais pas pensé à cela. Un peu tiré par les cheveux, non ?
- Beaucoup de gens vont penser que vous êtes machiavélique, pour fabriquer de telles situations. On vous le reprochera sans vraiment vous le reprocher ; quant à Jaruzelski, on verra, il peut être le Kadar polonais... »
Je ne croyais pas si bien dire... [...] Le soir, avant notre départ, Mitterrand plaisanta avec les journalistes qui le harcelaient depuis la veille. Ils étaient obnubilés par la « crise » Mitterrand-Fabius. Nous avions lu la presse parisienne qui arrivait par fax et dramatisait l'affaire du « trouble » du Premier ministre.
Mitterrand était presque goguenard : « J'en ai vu d'autres. Je vais vous raconter une histoire. Une parabole, si vous voulez. Il y a deux singes, un vieux et un jeune, tous les deux sont dans un laboratoire qui fait des expériences sur leur système nerveux. Le premier reçoit une décharge électrique régulière. Le second la reçoit de façon irrégulière, il est donc chaque fois surpris. Le premier - le vieux - vit très longtemps et le second meurt très vite. » Les journalistes prenaient des notes. Ils n'ont pas tous compris la parabole. Certains ont même omis de la raconter.
Fabius fut vite pardonné. L'ombre tutélaire de Georges Dayan l'a sans doute protégé. Mieux, il montra à Mitterrand assez rapidement, et en plus d'une occasion, qu'il était à la fois fidèle et capable de supporter beaucoup de chocs électriques...
© Philippe Rey
Pierre Joxe, 71 ans, aujourd'hui membre du Conseil constitutionnel, a été durant quarante ans, de 1956 à 1996, l'un des plus proches compagnons de Mitterrand. A son côté, il a joué un rôle central au sein du PS de l'après-Epinay puis, après la victoire de 1981, à la présidence du groupe socialiste à l'Assemblée et aux ministères de l'Intérieur et de la Défense. Homme de fidélité et d'indépendance, il livre aujourd'hui un portrait éclaté de l'ancien président, où il raconte, explique, remet en perspective sans justifier pour autant tous les aspects d'un parcours politique hors norme. « Pourquoi Mitterrand ? », en ce sens, rentre dans la catégorie des livres qu'il faudra avoir lu pour comprendre.
« Pourquoi Mitterrand ? », par Pierre Joxe, Editions Philippe Rey, 216 p., 18 euros.
Le Nouvel Observateur
http://www.arretsurimages.net/vite.php?id=7075
Joxe, ou le sacrifice de la merguez
Par Daniel Schneidermann le 05/02/2010
Membre pour quelques jours encore du Conseil constitutionnel, Pierre Joxe publie ses mémoires. L'ancien ministre socialiste, proche de Mitterrand, y révèle (notamment) qu'il était opposé à la nomination par le président de la République des présidents de l'audiovisuel public. Cette réforme lui semble être une régression démocratique. En le recevant à France Inter, Nicolas Demorand tentait de le faire argumenter sur ce point. Peine perdue. Joxe s'amusait de se voir "retourné sur le gril comme une merguez", répliquant simplement : "lisez mon livre". On le lira peut-être, si l'on a le temps. On aurait bien aimé, en attendant, voir Joxe engager le match sur ce point avec Demorand, qui s'est toujours refusé à condamner publiquement ce mode de nomination, s'inventant un devoir de réserve que personne ne lui a imposé (revoyez donc les éloquentes dernières minutes de notre émission de décembre dernier). Mais l'invité était piégé d'avance. Eût-il attaqué la nomination de Hees par Sarkozy, Demorand tenait certainement sa réponse toute prête : "mais vous êtes ici ce matin ! C'est bien la preuve que nous sommes libres, parfaitement libres, à France Inter, même avec un président nommé par Sarkozy !" Piège infernal pour Joxe : comment faire entendre les arguments du droit, face à l'apparente évidence des faits ?
Piège infernal, oui, mais qui obligeait la merguez à venir sur le gril ? Depuis 2007, l'opposant le plus efficace à Sarkozy s'appelle le droit. Ce n'est pas le plus bruyant, mais c'est le plus implacable, qu'il s'agisse du droit constitutionnel (annulation de la taxe carbone par la Conseil constitutionnel), du droit communautaire (annulation possible de la suppression de la pub à France télévisions par la Commission européenne), ou du droit pénal (relaxe de Villepin dans l'affaire Clearstream). La discrétion des juges est d'ailleurs une des conditions de leur pouvoir. Forte est la tentation des juges, de monter sur les estrades, et de faire leurs intéressants. On pense à Jean-Louis Debré, courant les plateaux à chaque publication de livre, ou au procureur Marin, annonçant chez Elkabbach qu'il fait appel contre Villepin. Forte est aussi la tentation des journalistes, de mettre en scène ces matches, comme tous les matches. Et forte est la tentation du public de s'installer dans les gradins pour savourer les parties.
Il faut résister à ces tentations. Il faut admettre que la puissance de l'argument juridique est incompatible avec son exégèse publique par ses auteurs, même s'il n'est pas interdit aux exégètes extérieurs de chercher à l'éclairer. On aime à voir et entendre les justiciers, mais on leur est reconnaissant, pour leur bien et le nôtre, de rester cachés. C'est le dur sacerdoce de la merguez.