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6 juin 2021 7 06 /06 /juin /2021 03:05

« Nous entendions privilégier cette orientation de maintien des dates du scrutin, que j’avais qualifiée devant vous d’hypothèse de base, sans pour autant dissimuler les difficultés que son application concrète pouvait soulever. Celles-ci résultent évidemment des contraintes que la situation sanitaire fera peser au cours des prochains mois sur notre vie collective. » (Jean Castex, le 13 avril 2021 devant l’Assemblée Nationale).



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C’est dans trois semaines ! Les dimanches 20 et 27 juin 2021 auront lieu les prochaines élections régionales et départementales. Si les élections départementales (anciennement appelées élections cantonales) restent essentiellement des élections locales, même si la désignation d’une majorité aux conseils départementaux n’est pas sans conséquence sur la nation puisque cette instance met en œuvre toute la politique sociale du pays, les élections régionales ont pris une tournure très politique, ce qui du reste est assez habituel depuis qu’elles existent, en mars 1986, mais plus encore dans les circonstances actuelles puisqu’elles se déroulent seulement quelques mois avant l’élection présidentielle de 2022.

Je voudrais donc ici revenir sur les interrogations, discussions et consultations qui visaient à fixer les dates de ces élections, dates finalement décidées en dernier ressort le 13 avril 2021 par un gouvernement perplexe en plein reconfinement.

Aujourd’hui, le déroulement de ces élections va "sans dire" parce que depuis le début de mai 2021, la situation s’est nettement améliorée sur le front épidémique et s’améliore encore, la tension dans les services de réanimation diminue, le nombre de nouveaux cas aussi et même le nombre de décès dus au covid-19. Il sera toujours très difficile de faire la part des choses entre les effets de ce troisième confinement, les effets de la vaccination massive qui devient remarquable et simplement, les effets d’une saison qui réchauffe, mais la situation indienne laisse entendre clairement que, bien que saisonnier, ce virus a décidément encore bien des mystères à révéler.

Mais en février, mars et avril 2021, l’idée d’organiser des élections dès le mois de juin 2021 n’était pas "évidente". Dans sa déclaration aux députés le 13 avril 2021, le Premier Ministre Jean Castex a été très franc : « Ces difficultés sont réelles, nous le savons. Nous ne devons ni les nier, ni les sous-estimer. La question était de savoir si leur niveau rendait impossible la tenue des scrutins. ».

Parmi les difficultés, le fait que ce soit un double scrutin (régional et départemental), ce qui nécessite donc deux bureaux de vote pour chaque bureau de vote, c’est-à-dire deux fois plus d’assesseurs, mais aussi deux fois plus de place, deux fois plus d‘isoloirs, etc., alors que la procédure sanitaire impose une plus grande distance entre les personnes, les tables, etc. Or, dans certaines communes, certains bureaux de vote vont devoir "déménager" dans un espace plus grand, pour pouvoir préserver les distances de sécurité dans la circulation des électeurs.

On voit bien que ce sujet était un enfer pour le gouvernement : ou il les organisait, et il risquait d’être à l’origine d’une surcontamination par la création de nouveaux foyers, ou il ne les organisait pas et l’on allait crier au loup ! à la dictature ! à la démocratie violée ! et en plus, on n’aurait pas forcément tort. On ne bafoue pas impunément la démocratie.

Le calendrier électoral était assez mauvais. La seule chance, c’est que nos élections essentielles, nationales, la prochaine élection présidentielle et les prochaines élections législatives, sont prévues au printemps 2022 et tout le monde espère que la crise sanitaire sera passée, pas définitivement, mais que l’incertitude sur l’épidémie sera faible grâce à la vaccination massive. Néanmoins, le calendrier était mauvais à cause justement de ce printemps 2022 crucial : impossible de reporter les élections régionales (pour simplifier, quand je ne parlerai ici que des élections régionales, il faudra ne pas oublier qu’il y a aussi les élections départementales), au printemps 2022. Or, ces élections étaient prévues pour mars 2021.

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Il n’y avait pas beaucoup de possibilités, trois : ou les reporter juste avant les vacances estivales (fin juin 2021), ou en automne 2021 mais avec deux handicaps, le premier est l’incertitude de la situation épidémique, l’hypothèse d’une quatrième vague reste possible et donc, la situation sanitaire en octobre 2021 pourrait être pire qu’en juin 2021 (à cet égard, imaginons le second tour des élections municipales de 2020 reporté en automne 2020, cela aurait été une véritable galère démocratique), et l’autre handicap, c’est la proximité avec la précampagne présidentielle et son télescopage avec les enjeux nationaux, si bien que la troisième solution consistait à reporter… après l’été 2022, ce qui, pour le coup, devenait beaucoup trop lointain.

Personnellement, mon sentiment était plutôt à la réticence à organiser ces élections en juin et à vouloir les reporter en automne 2021 en misant sur le fait que une grande partie de la population serait vaccinée. Je n’imaginais pas que la situation épidémique pouvait aussi rapidement s’améliorer que ces dernières semaines.

Au-delà de seul sujet organisationnel (auquel je reviendrai plus loin), il y a bien sûr les considérations politiques pour ne pas dire politiciennes. On se rappelle que la plupart des élus de l’opposition en mars 2020 avaient insisté pour maintenir le premier tour des élections municipales et Emmanuel Macron n’a pas osé s’y opposer (au risque d’une supposée mise en danger d’autrui à laquelle je reviendrai plus loin).

Mais autant les élections municipales gardent leur caractère local même si on peut en tirer quelques enseignements nationaux (par exemple, l’incapacité de LREM à s’implanter localement, au contraire, par exemple, du RPF en 1947 alors tout nouveau parti), autant les élections régionales sont des élections à connotations politiques importantes, surtout à la veille de l’élection présidentielle avec des enjeux très élevés : pour un parti (RN), sa capacité à montrer qu’il pourrait conquérir un exécutif régional, prémices d’une conquête nationale ; pour un autre parti (LR), la capacité de certains leaders (Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, Laurent Wauquiez, notamment) à se faire réélire et à se lancer dans la bataille présidentielle ; pour d’autres (PS), la capacité à toujours exister politiquement et pouvoir encore peser dans les choix nationaux.

Or, en ce qui concerne la majorité, le parti présidentiel LREM, il y a une grande probabilité, après le désastre des élections municipales pour lui, que les élections régionales soient un "mauvais moment à passer". Quelles que soient les circonstances pour les organiser. Ainsi, l’opposition a pris cet argument pour dire : le gouvernement veut repousser le plus tard possible ces échéances car il sait qu’il les perdra. Mais l’argument pourrait au contraire se retourner : comme, de toute façon, le gouvernement perdra ces élections, l’intérêt de la majorité, c’est de les organiser le plus tôt possible et que sa future défaite soit le plus vite oubliée avant la campagne présidentielle. C’est cela qui a de bien en politique, c’est qu’on peut dire tout et son contraire, les analyses se tordent de manière à retrouver les conclusions voulues dès le départ.

Donc, laissons la politique politicienne qui n’apporte pas grand-chose à ce sujet et venons-en à deux choses : la méthode et les difficultés. La méthode, je vais en tirer quelques mots rapidement pour venir au fond du sujet de cet article, les difficultés d’organiser des élections en période de pandémie.

Et avant de poursuivre, regardons très succinctement les pays étrangers, car la crise sanitaire sévit partout dans le monde et le problème des démocraties est qu’il faut quand même bien voter. Beaucoup de pays ont gardé leur calendrier électoral malgré la crise sanitaire. C’était le cas des États-Unis mais la grande difficulté à conclure de l’issue des élections serait plutôt à mettre parmi les contre-exemples. C’était aussi le cas d’Israël qui s’est habitué à ne faire que voter depuis deux ans. L’Allemagne aussi a voté dans certains Länder et s’apprête à renouveler ses députés en septembre prochain. Mais dans d’autres pays, on a aussi prolongé la situation : en Italie qui aurait dû revenir à des élections législatives anticipées, dans une certaine mesure, aussi la Belgique, etc. Bref, regarder à l’extérieur n’apporte rien d’intéressant : toutes les démocraties sont confrontées aux mêmes dilemmes et aucune n’a trouvé de solution miracle.

Parlons rapidement de méthode. Le Président Emmanuel Macron et le Premier Ministre Jean Castex ont anticipé le problème dès l’automne 2020. Ainsi, ils ont confié le 21 octobre 2020 à une personnalité à la probité incontestable, le gaulliste Jean-Louis Debré, ancien Président du Conseil Constitutionnel, le soin de pondre un rapport pour savoir s’il fallait garder la date du mois de mars 2021 ou la reporter ultérieurement pour les élections régionales et départementales.

Rappelons d’ailleurs que les précédentes élections départementales ont eu lieu 22 et 29 mars 2015 (donc, le mandat se termine en mars 2021), les précédentes élections régionales ont eu lieu les 6 et 13 décembre 2015 et comme le mandat est aussi de six ans, ce n’était pas scandaleux de reporter les élections régionales jusqu’en décembre 2021.

La conclusion du rapport de Jean-Louis Debré, remis le 13 novembre 2020 à Jean Castex, était sans surprise : il a proposé de reporter les élections régionales à juin 2021 avec une clause de revoyure quelques mois avant la date pour vérifier que leur organisation restait sanitairement possible.

Sur la base de ce rapport, le gouvernement a fait adopter la loi du 22 février 2021 qui a fixé la date des élections régionales et départementales aux 13 et 20 juin 2021, avec nécessité de confirmer ces dates en début du mois d’avril 2021. Remarquons, toujours pour la méthode, que si le report était attendu, il s’est formalisé seulement trois ou quatre semaines avant la date prévue, ce qui était très court (car si le Parlement avait refusé de voter cette loi, le gouvernement aurait été matériellement dans l’incapacité malgré tout d’organiser ces élections en un temps si court, et les candidats de se porter candidats et de faire campagne).

À la fin du mois de mars 2021 et début du mois d’avril 2021, plusieurs événements ont eu lieu. Le 29 mars 2021, le Conseil scientifique a donné un avis très flou sur la tenue des élections, refusant de donner une préconisation précise mais en donnant des pistes de procédure sanitaire dont certaines vont à l’encontre du processus démocratique (je l’ai déjà évoqué il y a quelques mois, par exemple, le vote par correspondance).

La balle est donc revenue au gouvernement qui, pour faire bonne mesure, a voulu faire, en un temps record, des "consultations" : Jean Castex a ainsi consulté, a « ainsi saisi les présidents des assemblées, les présidentes et présidents des groupes parlementaires, les responsables des partis politiques représentés au Parlement et les présidents des associations d‘élus locaux ». Il a reçu ainsi 39 contributions dont la majorité proposait de maintenir l’échéance à juin 2021 : 25 pour maintenir en juin, 3 pour le report et 11 sans opinion.

En un week-end, le gouvernement a aussi envoyé un message à tous les maires pour avoir leur opinion en quelques heures : « L’État ne serait pas loyal à l’endroit des maires si nous ne les associions pas à une décision qui aura un impact très fort sur eux le moment venu, et si nous ne les accompagnions pas au plus près dans l’organisation de ces scrutins. » (Jean Castex). La demande a été formulée le vendredi 9 avril 2021 à 17 heures, avec une réponse à donner pour le lundi 12 avril 2021 à 12 heures, ce qui a montré que les maires étaient très réactifs et bossaient le week-end ! Les résultats furent les suivants. 69% des maires ont répondu : 13 513 (soit 56%) ont dit pour juin, 9 812 (40%) étaient pour le report et 4% ont refusé de prendre position.

Là encore, on pourra trouver contestable d’interroger les maires pour finalement une décision qui dépend de la situation sanitaire. Il faut donc être très exact dans la formulation de la demande : le gouvernement a demandé aux maires s’il était possible matériellement d’organiser ces élections en juin ou pas. Il ne s’agissait pas de demander s’il fallait les organiser et d’en connaître la faisabilité.

Très concrètement, dans la communication politique, après des rumeurs de report, mais en gardant la face en décalant d’une semaine les deux tours des scrutins (des 13 et 20 aux 20 et 27 juin 2021), le gouvernement a pu retarder le plus possible les échéances (et donc, se donner une semaine de vaccination supplémentaire, soit plus de 2 millions de personnes de vaccinées en plus) sans avoir besoin de modifier la loi. Le Président de l’Assemblée Nationale Richard Ferrand, qui était initialement partisan d’un report en automne, a lâché le morceau le 13 avril 2021 à la matinale de RTL, quelques heures avant que Jean Castex l’annonçât officiellement à l’Assemblée Nationale après les questions d’actualité.

Cela avait pour but de montrer une reddition sans condition du gouvernement aux vues de la plupart des élus locaux. C’était aussi un moyen, pour le gouvernement, de se déresponsabiliser en cas de foyer de contamination dû à l’organisation des élections en juin, en disant que toute la classe politique le voulait et qu’il n’a fait que suivre l’avis de cette grande majorité de responsables politiques. En gros, cela s’appelle le partage de responsabilité.

Venons-en justement à l’organisation pratique, et rappelons qu’il y a plusieurs étapes : il y a d’abord les opérations de vote, les opérations de dépouillement, et puis quelques petites autres choses.

Si l’on prend l’exemple des élections municipales du 15 mars 2020, il faut savoir de quoi on parle. Certains ont dit qu’il y a eu des contaminations. C’est possible, je ne connais pas la situation exacte des centaines de milliers de bureaux de vote en France, mais je n’en ai eu aucune connaissance précise sinon des "on dit" : pas de précision, des noms de communes, d’assesseurs, d’électeurs qui auraient été (effectivement) contaminés, ni qu’ils auraient été la source d’un foyer de contamination. N’étant pas le répertoire du ministère de l’intérieur ni de la santé, je peux évidemment manquer d’information mais la moindre chose qu’on doit faire quand on accuse ainsi, c’est de donner des informations précises et vérifiables.

Dire seulement : l’ami de la cousine de ma femme a vu que dans sa commune, quinze personnes ont été infectées à cause du scrutin des municipales, c’est une information trop floue pour être prise en compte. Et je le dis d’autant plus que malgré maintenant l’expérience actuelle du covid-19, on peine encore à connaître réellement les chaînes de contamination, impossible en pleine poussée épidémique, or, c’était le cas au milieu du mois de mars 2020, et à l’époque, on n’avait en plus que très peu de tests, seules les personnes hospitalisées se faisaient tester.

En tout cas, à ma connaissance, l’information selon laquelle l’organisation du premier tour des élections municipales aurait provoqué de nombreuses contaminations (et même des décès) me paraît erronée, en tout cas, sans fondement vérifiable à ma connaissance.

Par ailleurs, justement, j’ai été assesseur à ce scrutin et j’ai aussi supervisé le dépouillement. Je me souviens aussi d’avoir voté dans le même bureau de vote (pendant ma pause !) et juste devant moi, une femme trouvait cela tout à fait normal de voter et m’expliquait (avec raison) que c’était beaucoup plus dangereux quand elle prenait le métro parisien tous les jours pour son boulot (car la distance de sécurité n’était jamais respectée, au contraire du bureau de vote).

Beaucoup de précautions ont été précises à l’époque, selon les recommandations du préfet. Ainsi, la disposition du gel hydroalcoolique à l’entrée du bureau de vote, la circulation des électeurs avec des files bien identifiables au sol pour aller prendre les bulletins puis aller à l’isoloir puis attendre avant de placer le bulletin dans l’urne, sans jamais croiser d’autres électeurs. L’importance (déjà obligatoire hors crise sanitaire) de laisser l’électeur faire glisser lui-même son bulletin dans l’urne, quand ça coinçait à l’entrée de l’urne, il fallait que ce fût l’électeur qui poussât son bulletin et pas un assesseur. Enfin, la recommandation de prendre son propre stylo pour émarger le registre électoral, et en cas d’absence de crayon, l’électeur prenait alors le crayon disponible au bureau de vote qui était systématiquement nettoyé avant et après usage au gel hydroalcoolique par l’assesseur qui, régulièrement, se lavait les mains avec le même gel. Enfin, quand l’assesseur se faisait remplacer, il renettoyait tous ses "outils" (crayon, règle, couverture du registre, poignée d’ouverture de la fente de l’urne, etc.) pour protéger son successeur.

Les opérations de dépouillement étaient également très strictes sur le plan sanitaire. Plusieurs fois, ceux qui touchaient les bulletins de vote, soit pour les compter soit pour les ouvrir, se nettoyaient leurs mains au gel, ceux qui notaient chaque vote utilisaient leur propre stylo ou prenaient un stylo désinfecté, etc.

Pour moi, le seul réel défaut de toutes ces opérations de vote, ce fut à l’annonce des résultats et à cette tentation du candidat qui a gagné, ou de l’équipe qui a gagné (c’était le cas avec les listes municipales) de fêter sa victoire, donc de s’embrasser, se congratuler, de trinquer au champagne, et là, oui, il y avait des failles, car le contact était là et c’était difficile d’éviter ces effusions humaines. Mais malgré cela, pas de cas rapporté à ma connaissance.

Je n’ai pas participé au second tour des élections municipales le 28 juin 2020 puisque dans ma commune, il n’y a eu qu’un seul tour. Néanmoins, je n’ai pas entendu de réelle différence avec ce que j’avais vécu et la situation épidémique était beaucoup plus simple car il n’y avait quasiment plus de contaminations.

Alors, venons-en maintenant aux scrutins des 20 et 27 juin 2021. Quinze mois sont passés, et l’expérience s’est enrichie. Quelles sont les différences. Essayons d’indiquer ce qui sera mieux qu’en mars 2020 et pire qu’en mars 2020.

Mieux : au contraire du premier semestre 2020, tout le monde aura des masques en juin 2021. C’est appréciable pour réduire les risques de contamination d’un virus respiratoire. Le masque protège beaucoup plus que, par exemple, les gants en plastique que certains assesseurs ou "dépouilleurs" avaient portés pendant les opérations de vote. Dans la même rubrique, il y a notre connaissance du virus qui fait que maintenant, les "gens" sont habitués à adopter les gestes barrières, ce n’était pas du tout le cas en mars 2020 où il a fallu la sidération du premier confinement, c’est-à-dire après le scrutin municipal, pour prendre toute la mesure de la gravité de l’épidémie.

Pire : il y a le côté pire du mieux, les "gens" étant habitués aux gestes barrières peuvent aussi s’en lasser et se relâcher, surtout avant l’été et une année de quasi-confinement depuis le mois d’octobre 2020. Dans le pire, il y a aussi la situation épidémique qui, bien que descendante, concerne des variants plus contaminants que le virus souche de mars 2020.

Donc, doit-on conclure qu’il n’y a pas de risques à organiser les élections en juin 2021 ? Là, c’est aller un peu vite en besogne. Le protocole est en tout cas beaucoup plus sévère qu’en 2020. Par exemple, on impose aux assesseurs d’être vaccinés (inutile de dire que cela a créé des vocations pour devenir assesseurs, parmi ceux qui, trop jeunes, ne pouvaient pas encore se faire vacciner). Des tests seront aussi demandés selon les situations.

Mais remarquons que la possibilité des assesseurs à se faire vacciner a été une possibilité offerte seulement à partir du lundi 3 mai 2021. Il a fallu d’abord prendre rendez-vous, souvent rien avant les une ou deux semaines suivantes, et pour faire la seconde injection, il fallait rajouter six à huit semaines : difficile dans ces conditions d’être entièrement vacciné à temps, c’est-à-dire avant le 20 juin !

Tout cela sent donc un peu l’impréparation et l’amateurisme. C’est d’autant plus regrettable que les dates des 20 et 27 juin ont été confirmées le 13 avril 2021, donc, l’administration a perdu trois semaines pour la vaccination des assesseurs. Insistons sur le fait qu’on ne peut pas imaginer que seules, les personnes âgées (du moins d’un certain âge) puissent être assesseurs, faute aux plus jeunes d’être vaccinés. D’autant plus que pour limiter les risques, il vaut mieux aussi limiter le nombre d’assesseurs "vulnérables" (et même vacciné, on n’est protégé qu’à 95%, pas à 100%, insistons sur cette part du risque).

À cela, il faut aussi ajouter que les opérations de dépouillement vont être longues. Les candidats aux élections départementales sont généralement peu nombreux (dans mon canton, ils ne sont que trois : les sortants, la gauche unie et le RN), en revanche, aux élections régionales, il y a de nombreuses listes, parfois juste pour avoir de l’argent (un vote égale tant d’euros), ou juste pour communiquer sa publicité. Les listes sont nombreuses, et plus il y a de candidats, plus le dépouillement est long et pénible (un conseil, si on cherche à vous embaucher pour dépouiller, insistez pour dépouiller au scrutin départemental : il y aura probablement moins de votants et surtout moins de candidats, vous vous coucherez plus tôt ! à moins que… vous ne dépouilliez pour les deux scrutins).

Ah, quand on parle de l’heure du coucher, on pense couvre-feu. Étonnant : les bureaux de vote ferment à 20 heures. Le couvre-feu commence encore à 23 heures (après le 9 juin, avant le 30 juin). Donc, il y a toutes les garanties pour violer le couvre-feu lors de ces deux dimanches électoraux. Sachant que pour chaque bureau de vote, il y a au minimum : quatre tables de quatre plus six assesseurs plus quatre secrétaires administratifs, plus peut-être des forces de l’ordre, soit une trentaine de personnes sans compter tous les observateurs et tout électeur souhaitant assister au dépouillement pour en vérifier le bon déroulement ou par curiosité de citoyen, on imagine mal la mairie devoir distribuer des centaines de justificatifs de déplacement sous couvre-feu… sans savoir à qui les adresser). Impréparation et amateurisme, donc d’un État aux injonctions paradoxales.

Dans la déclaration de Jean Castex du 13 avril 2021, j’ai noté quatre informations.

La première m’a paru raisonnable, l’assouplissement pour les votes par procuration, chaque électeur aura le droit à deux mandats pour voter par procuration, au lieu d’un mandat jusqu’à maintenant (cela est permis par la loi du 22 février 2021), et il sera possible de faire ces procurations sur le site Internet maprocuration.gouv.fr créé par le décret du 11 mars 2021, dispositif qui « permet, vous le savez, d’établir une procuration de façon presque entièrement dématérialisée ». La deuxième information est également raisonnable et permet à des petites communes, qui n’ont pas beaucoup de personnes pour dépouiller, de permettre de dépouiller, avec les mêmes personnes, successivement les deux scrutins au lieu que ce soit dépouillé simultanément (avec deux équipes de dépouillement différentes) : « Les dépouillements pourront ainsi avoir lieu l’un après l’autre dans une même salle et avec les mêmes personnes. Nous autoriserons d’ailleurs les membres du bureau de vote et les assesseurs à participer au dépouillement si cela s’avérait nécessaire. ».

La troisième information, c’est que toutes les communes laisseront ouverts leurs bureaux de vote de 8 heures à 20 heures, ce qui permettra, en élargissant pour certains cette plage horaire, « de limiter les concentrations et les flux d’électeurs ». Raisonnable, mais je pense que vu la perspective d’une abstention massive, ces concentrations seront assez rares,  je n’ai pas trop d’inquiétude sur ce plan-là (sauf heureuse surprise).

La quatrième information, en revanche, me paraît inappropriée. Je cite : « Nous examinerons la possibilité d’effectuer les opérations [de dépouillement] à l’extérieur sous certaines conditions, par exemple dans la cour de l’école. ». C’est impensable de faire le dépouillement dans un espace ouvert, pour des raisons de sécurité : pour éviter toute possibilité de fraude, il faut absolument préserver les bulletins dans un espace où ils ne pourront pas être subtilisés. Dans un espace ouvert, il sera beaucoup facile de frauder. J’espère cette idée vite abandonnée.

Plus généralement, je n’ai jamais pensé que les opérations électorales pouvaient être un facteur de contamination, justement grâce aux procédures très rigoureuses mises en place dans chaque bureau de vote et la vigilance proactive de tous les acteurs. Mais le problème, c’est qu’une élection ne se limite pas qu’aux opérations de vote. Ces dernières, ce n’est que l’aspect matériel (et dérisoire) d’un phénomène bien plus important, la démocratie.

Or, la démocratie, elle impose de faire campagne, et comment faire campagne en période de crise sanitaire ? Rappelons qu’au 13 avril 2021, nous étions en plein confinement, qu’il fallait avoir une attestation de déplacement jusqu’au 3 mai 2021 pour pouvoir se déplacer au-delà de 10 kilomètres de chez soi. Sachant que les candidats aux élections régionales doivent faire campagne dans toute leur région, parfois très grande (imaginez Mulhouse-Charleville-Mézières, ou encore Poitiers-Pau, ou encore Nîmes-Tarbes, ou Aurillac-Annecy, etc.), on peut comprendre le vrai problème démocratique pour avoir des élections qui permettent à chacun de s’exprimer et de se faire entendre dans des conditions justes et équitables.

Quand on fait campagne dans les marchés, on touche les gens, on leur parle, on postillonne, on rigole, on les embrasse, on serre leurs mains, on boit un coup (rappelons que les bistrots, cafés, restaurants sont toujours fermés pour les consommations intérieures, jusqu’au 9 juin), bref, pour faire campagne, il faut aller au contact de la population, et c’est un peu dur avec les gestes barrières.

Le Conseil scientifique a alors proposé d’intensifier les débats à la télévision et aussi sur Internet, mais visiblement, personne, dans ce conseil, n’a fait de campagne électorale. Les débats à la télévision, surtout pour des élections locales, sont très peu regardés, c’est normal, c’est ennuyeux, c’est convenu et au contraire des débats présidentiels, ce sont des intervenants moyennement doués en communication qui débattent (au moins, au niveau national, les candidats sont un peu plus doués).

Quant à faire campagne sur Internet, c’est n’importe quoi comme idée. Elle a toujours été présente sur Internet mais elle est aussi utile que les affiches grand format sur les panneaux officiels. Il faut aller vers les électeurs, et là, avec Internet, il faut que l’électeur aille vers le candidat. Autant dire que ceux qui suivent les blabla sur Internet sont essentiellement des électeurs déjà acquis dont la valeur ajoutée est donc nulle pour faire gagner une élection. L’idée d’une campagne électorale, c’est de quitter sa sphère confortable de militants pour aller voir ceux qui ne vous connaissent pas voire qui s’opposent à vous pour les faire éventuellement changer d’avis. Cela n’a pas d’intérêt de seulement conforter des militants acquis d’avance qui auraient de toute façon voté pour vous. À part faire de la provocation, ce qui est peu responsable quand on postule à une fonction élective qui demande d’être responsable, je ne vois pas comment un électeur, le vôtre, celui de votre territoire électoral, pas vos amis qui habitent à 500 kilomètres, pourrait être touché par votre communication sur Internet et les réseaux sociaux sinon à la marge, à moins que vous soyez déjà une star d’un réseau social.

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C’est donc bien cela, le drame de ces élections en temps de crise sanitaire, l’impossibilité matérielle de faire une réelle campagne. On pourrait croire que cela avantagera les sortants qui sont plus connus que leurs adversaires. Peut-être, je ne sais pas.

L’expérience des municipales est néanmoins intéressante et instructive. Au premier tour du 15 mars 2020, il y a eu au niveau national 44,7% de participation. Grosso modo entre 40% et 50% de participation, ce qui était très faible pour des élections municipales (on connaît son maire, on est souvent concerné par des dossiers municipaux). En fait, avec le recul, et l’intense pic de la première vague, on penserait plutôt à de l’inconscience : certains ont eu peur et ne se sont pas déplacés, d’autres n’ont pas pris conscience de la gravité de la situation.

Au second tour du 28 juin 2020, la participation a chuté à 41,9% au niveau national. Grosso modo, entre 30% et 40% dans les grandes villes (Bordeaux : 38,3% ; Lyon : 37,8% ; Poitiers : 33,2% ; Strasbourg : 36,7% ; Annecy : 35,7% ; Besançon : 39,1% ; Tours : 34,1% ; Marseille : 35,4% ; Grenoble : 35,8% ; Nancy : 42,2% ; Colombes : 42,9%). En clair, les électeurs ont eu réellement peur de se faire contaminer. L’existence du vaccin n’était pas encore connue et la crainte d’une deuxième vague très ancrée dans les esprits. Résultat, les personnes les plus vulnérables, et donc les plus âgées, ne sont pas allées voter, plutôt un électorat conservateur, dans le sens où il est favorable au sortant (cette analyse est très succincte et mériterait confirmation par de vraies études électorales qui se feront certainement dans les prochaines années). Conséquence, dans les grandes villes où il était souvent nécessaire d’avoir un second tour, les écologistes l’ont emporté sur un électorat plutôt conservateur. Qu’en déduire ? Que les électeurs écologistes se sont plus déplacés ? Certainement, et l’on peut imaginer que l’électorat jeune, qui a moins peur de la maladie, est plus ouvert aux thèses écologistes (là encore, cela mériterait d’être confirmé par des études poussées).

Les élections législatives partielles du 30 mai 2021 (premier tour) sont encore plus inquiétantes pour la participation très basse et il y a peu de chance pour qu’elle se redresse ce dimanche 6 juin 2021 pour le second tour. 6e circonscription du Pas-de-Calais : 24.3% de participation ; 15e circonscription de Paris : 15,5% de participation ; 3e circonscription d’Indre-et-Loire : 18,4% de participation ; 1e circonscription de l’Oise : 26,4%. Dans les résultats, on s’aperçoit que plus il y a de participation, plus la "droite" est forte (ou l’inverse : le lien de causalité n’est pas établi !).

Pour les scrutins des 20 et 27 juin 2021, la situation de la participation électorale sera encore pire que pour les municipales de 2020.

D’une part, les élections régionales et départementales sont souvent les scrutins où l’abstention a toujours battu des records, parce que ce sont des collectivités moins incarnées : on connaît "son" maire, on connaît "son" Président de la République, mais que dire de "son" président de conseil régional, et de "ses" conseillers régionaux élus sur des listes départementales aux contours flous… sans compter qu’aujourd’hui, si vous arrivez à vous y retrouver avec les étiquettes réelles et les noms génériques pour éviter de rappeler des étiquettes politiques aujourd’hui contreproductives, vous êtes un grand savant de la science politique.

Pour information, la participation du premier tour des élections départementales du 22 mars 2015 fut de 50,2% (second tour du 29 mars 2015 : 50,0%) ; celle du premier tour des élections régionales du 6 décembre 2015 fut de 49,9% (second tour du 13 décembre 2015 : 58,4%).

Et d’autre part, l’on peut rajouter, non pas la proximité des vacances scolaires (elles ne commencent que le 5 juillet 2021, il me semble, donc aucune raison que les parents partent en vacance plus tôt, du moins, les parents d’enfants scolarisés), mais simplement le défoulement de pouvoir partir en week-end au soleil après sept mois de confinement ou semi-confinement, pourrait l'emporter sur le devoir électoral.

Bref, tout est là pour que les scrutins des 20 et 27 juin 2021 soient ceux qui vont faire éclater les plafonds records de l’abstention. Après, quel va être le profil de ceux qui vont en profiter ? C’est le grand mystère. À mon sens, les sondages sont dans l’incapacité de savoir exactement qui seront les rares électeurs qui se rendront dans les bureaux de vote. Les gagnants, ce seront ceux qui auront le plus mobilisé. C’est assez banal de dire car cela s’applique à chaque élection, mais là, la capacité à mobiliser les électeurs sera la seule clef du scrutin : la peur, la colère, l’espoir… À cette occasion, on aura une petite idée de ce qui motive réellement notre nation et notre peuple. J’espère plus l’esprit constructif que râleur.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (05 juin 2021)
http://www.rakotoarison.eu


(Le dessin humoristique provient du site HuffingtonPost).


Pour aller plus loin :
Rapport de Jean-Louis Debré du 13 novembre 2020 (à télécharger).
Avis du Conseil scientifique sur la tenue des élections du 29 mars 2021 (à télécharger).
Régionales et départementales 2021 (1) : à propos de leurs dates et de l’âge du capitaine.
Municipales 2020 (5) : la prime aux… écolos ?
Municipales 2020 (4) : bientôt, la fin d’un suspense.
Municipales 2020 (3) : et le second tour arriva…
Municipales 2020 (2) : le coronavirus s’invite dans la campagne.
Municipales 2020 (1) : retour vers l’ancien monde ?
Régionales 2015 : sursaut ou sursis ?
Les enjeux du second tour des régionales de 2015.
Le premier tour des régionales du 6 décembre 2015.
Les enjeux des élections régionales de décembre 2015.
Les départementales 2015 au second tour.
Les départementales 2015 avant le second tour.
Départementales 2015 : le pire n'est jamais sûr.
Les 4 enjeux nationaux des élections départementales de mars 2015.
La réforme territoriale.
La réforme des scrutins locaux du 17 mai 2013.
Le référendum alsacien.
Le vote par anticipation.
Le vote proportionnel.
Le vote obligatoire.
Le vote électronique.
Vive la Cinquième République !

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210413-regionales-2021a.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/regionales-et-departementales-2021-232350

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/04/13/38918531.html










 

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30 avril 2021 5 30 /04 /avril /2021 03:35

« Il fallut donc songer à établir un chef suprême qui fût l’enfant de la Révolution, un chef en qui la loi corrompue dans la source, protégeât la corruption, et fît alliance avec elle. (…) On désespéra de trouver parmi les Français un front qui osât porter la couronne de Louis XVI. Un étranger se présenta : il fut choisi. » (Chateaubriand, le 30 mars 1814).



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La polémique sur la célébration du 200e anniversaire de la mort de Napoléon Ier, le 5 mai 1821, est assez curieuse et typiquement dans l’ornière des polémiques stériles franco-françaises. Et pourtant, aucune polémique n’avait eu lieu il y a à peine deux ans, en pleine torpeur estivale, le 15 août 2019, au 250e anniversaire de la naissance de l’empereur. Pourquoi préférer célébrer cet anniversaire à l’autre ? Est-ce la décision du Président Emmanuel Macron d’honorer un des hommes qui ont fait la France qui a provoqué une telle polémique ?

Alors, oui, bien sûr, j’ai hésité à rajouter dans le titre "et Macron", car évidemment, tous ces personnages sont très différents dans des contextes très différents (j’aurais pu rajouter Thiers, Gambetta, Clemenceau, Poincaré), mais vouloir célébrer une personnalité marquante, ce n’est pas forcément vouloir s’identifier à elle, c’est juste dépassionner l’histoire, la digérer, la rendre consensuelle alors qu’elle a été passionnée, passionnelle. Après tout, les gens ont la mémoire courte. La haine contre De Gaulle que l’on pouvait entendre chez les étudiants de mai 1968 a-t-elle été oubliée alors que les protagonistes sont, pour la plupart, encore vivants ? Même chose pour les défenseurs de l’Algérie française qui se sont sentis trahis par celui qui a initié l’indépendance. En fait, pas un personnage historique qui fait consensus de son vivant dans le sentiment patriotique, au contraire, c’est parce qu’il avait de la détermination, du courage, de la volonté et une vision qu’il a transcendé le conformisme ambiant pour agir et changer le cours des choses.

Tiens, imagine-t-on Napoléon à l’époque de la pandémie de covid-19 ? Nul doute que son grand talent d’organisateur aurait su imposer à la fois la manufacture des équipements de protection, la multiplicité des tests de dépistage, l’imposition du protocole dépister, tracer, isoler, la mise en place d’une stratégie de vaccination massive et sans doute l’obligation très contraignante de se faire vacciner, de s’isoler…

C’est ici évidemment de l’uchronie, ou plutôt, de l’imagination historique (c’est un peu différent de l’uchronie, il s’agit d’imaginer un personnage historique dans un autre contexte), mais ce qui est certain, c’est que Napoléon a su insuffler l’excellence scientifique française puisque le système des écoles scientifiques d’excellence vient de son organisation de l’État, tout autant que l’excellence administrative avec la création de grands corps de l’État.

Comparer Emmanuel Macron à Napoléon serait absurde et sans intérêt, probablement plus contreproductif que laudatif, mais il y a une dizaine d’années, j’entendais une ministre déléguée comparer Nicolas Sarkozy à De Gaulle et Napoléon, ce qui signifie que tout reste permis. Emmanuel Macron n’est pas Napoléon puisqu’il est d’abord Zeus (pour moi, Jupiter est une planète et le dieu, il est grec avant d’être romain), ce qui est à peine différent du Sphinx qui se faisait appeler Dieu, alias François Mitterrand.

Mais revenons à Napoléon. En analyse rationnelle, il suffirait d’inscrire deux colonnes, une qui est positive et une qui est négative, faire le bilan de l’actif et du passif. Comme je le suggérais précédemment, Napoléon est comme la Révolution, c’est un bloc (selon l’expression de Clemenceau), on prend tout ou on ne prend rien, mais on ne peut pas faire son marché sur ce qui est bien ou mauvais.

On peut se douter des motivations personnelles, besoin de reconnaissance, mégalomanie et autres formes de caricatures psychologiques, mais bon, franchement, y a-t-il au moins un candidat normal à une élection nationale qui croit pouvoir gagner ou qui veut gagner (j’exclus toutes les candidatures de témoignage) ? Retrouver sa figure sur une affiche trois fois quatre, est-ce vraiment dans l’ordre normal d’une psychologie équilibrée ? Évidemment, non.

Alors, il y a les passifs, jusqu’aux lâches qui préfèrent laisser les autres agir et même décider, au point de n’être jamais écoutés, et puis il y a les mégalos qui veulent le pouvoir, qui veulent agir, qui veulent se mettre au service du collectif, parfois au prix de la famille, de nuits, de vies complètement bouffées par la politique, et qui se font entendre un peu trop. Et puis, toutes les nuances entre ces deux caricatures.

Napoléon est une sorte de condensé de la France directive. Chateaubriand renâclait à considérer un Corse comme un Français, et ses écrits contre Napoléon sont particulièrement xénophobes. Au-delà du début de l’article, je peux citer d’autres phrases de la même veine : « Absurde en administration, criminel en politique, qu’avait-il donc pour séduire les Français, cet étranger ? » (toujours le 30 mars 1814). Ou encore : « Par quel honteux caprice avons-nous donné au fils d’un huissier d’Ajaccio l’héritage de Robert-le-Fort ? ».

Dans ce pamphlet contre Napoléon, Chateaubriand lui a fait surtout un procès en usurpation et en imposture : « On se demande de quel droit un Corse venait de verser le plus beau comme le plus pur sang de la France [par l’exécution du duc d’Enghien]. Croyait-il pouvoir remplacer par sa famille demi-africaine la famille française qu’il venait d’éteindre ? ». Autre extrait : « Sous le masque de César et de l’Alexandre, on aperçoit l’homme de peu, et l’enfant de petite famille. ». Ou encore : « Aussitôt que l’adversité qui fait éclater les vertus a touché le faux grand homme, le prodige s’est évanoui ; dans le monarque, on n’a plus aperçu qu’un aventurier, et dans le héros, qu’un parvenu à la gloire. ».

Disons-le clairement, Chateaubriand, monarchiste, a eu tout faux, tout faux dans le sens où l’histoire n’a pas tourné comme il aurait voulu. Donc, cette haine écrite en 1814 a un côté un peu dépassé (il n’imaginait pas l’effondrement du Premier empire aussi rapidement), mais il ne disait pas que des choses fausses.

Le côté usurpateur était réel. Napoléon était un provocateur. Il s’est moqué des monarques en voulant faire le monarque encore mieux, ou pire, plutôt, que les monarques européens de l’époque. Il a tout fait, jusqu’à créer une nouvelle noblesse, de multiples décorations, ainsi qu’en se nourrissant d’un népotisme absolument ahurissant : toute sa famille avait des postes partout dans l’Europe conquise.

Oui, c’était un va-t-en-guerre, mais comment influencer sans imposer à l’époque ? Il a conquis toute l’Europe aux idées révolutionnaires, car c’était bien de cela qu’il s’agissait : la République n’était pas absente de l’Empire, c’était juste le titre, l’Empire était typiquement la République à la tête de laquelle on plaçait un nouveau monarque.

Napoléon, en ce sens, a donné l’écho des idées de liberté et d’égalité, et même de fraternité, même si, de ce point de vue, elle est difficile à dénicher dans les guerres napoléoniennes. La liberté à tout point de vue, et notamment la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes, ce qui a nourri les nations, puis les nationalismes, plaies du XXe siècle. Certains pourraient poursuivre en disant que la mondialisation est la plaie du XXIe siècle, mais c’est plus compliqué que cela, la mondialisation a toujours existé en tout temps : Pushu-Ken, commerçant paléo-assyrien réputé de Kanesh, avait déjà étendu son activité de l’Inde à la Mésopotamie et sa copieuse correspondance pourrait étonner par sa modernité commerciale.

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Sans le ressort psychologique de Napoléon, il n’y aurait eu aucune conquête, aucune victoire des idées révolutionnaires. La France d’aujourd’hui doit évidemment beaucoup à l’organisation administrative de Napoléon. En quelque sorte, sans Napoléon, la Révolution aurait été intellectuellement balayée.

Et la création de l’empire a montré une chose intéressante : un républicain, issu du peuple, couronné par le mérite, peut s’autoproclamer chef suprême. Et se poser lui-même la couronne de lauriers. L’empire ne pouvait toutefois pas être durable. Il a fallu trois quarts de siècle pour solder définitivement la monarchie (c’était trop tôt en 1804, il fallait attendre 1875), mais il nous a fallu encore attendre trois quarts de siècle et deux guerres désastreuses pour comprendre qu’on avait besoin quand même d’un monarque.

C’est Napoléon qui a révélé cette caractéristique du peuple français : ce besoin d’un monarque républicain, républicain car le peuple est révolutionnaire, mais monarque car il a besoin d’être dirigé. Alors, quand les institutions ne le permettaient pas, il fallait des personnalités particulièrement fortes : Thiers, Gambetta, Clemenceau, Poincaré, De Gaulle l’ont été. Mais à la différence des quatre premiers, De Gaulle a réussi à intégrer dans la Constitution, pas en 1958 mais en 1962, cette idée de chef suprême légitime, or, la seule légitimité, la seule consécration, la seule onction divine possible en République, c’est le suffrage universel direct. L’Étre suprême, c’est le peuple, donc les électeurs (pas le peuple dans la rue qui n’a quasiment jamais représenté le peuple tout court).

On peut critiquer l’autocratisme, on peut critiquer Napoléon, ses guerres sanglantes, les sondages montrent bien que le peuple français est ingouvernable, puisqu’il peut critiquer aussi bien la trop forte présence de l’autorité que son absence et sa mollesse, et cela quels que soient les hommes (et les femmes) portés au pouvoir.

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Paradoxalement, Emmanuel Macron a bien compris cela en 2017. Son point faible, dans la campagne présidentielle de 2017, était sa capacité à incarner le régalien, à incarner l’autorité, même s’il assumait déjà largement la "verticalité". Il a déjà bien réfléchi à la question. Dans "Le 1 hebdo" du 8 juillet 2015, il déclarait ceci : « La démocratie comporte toujours une forme d’incomplétude, car elle ne se suffit pas à elle-même. Il y a dans le processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort. La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le roi n’est plus là ! ».

Et il a poursuivi ainsi : « On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d’y placer d’autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie française ne remplit pas l’espace. On le voit avec l’interrogation permanente sur la figure présidentielle, qui vaut depuis le départ du Général De Gaulle. Après lui, la normalisation de la figure présidentielle a réinstallé un siège vide au cœur de la vie politique. Pourtant, ce qu’on attend du Président de la République, c’est qu’il occupe cette fonction. (…) Si l’on veut stabiliser la vie politique et la sortir de la situation névrotique actuelle, il faut, tout en gardant l’équilibre délibératif, accepter un peu plus de verticalité. ».

C’est clair donc qu’Emmanuel Macron a bien compris le mythe de l’homme providentiel en France : ce mythe, détesté, il est "en même temps" recherché par les Français. Emmanuel Macron cherche donc à occuper la fonction, et dans l’offre politique actuelle, il es celui qui peut le mieux occuper. En ce sens, non seulement Emmanuel Macron est un digne successeur de De Gaulle, mais également de toutes les figures du roi dont la République a été privée depuis plus de deux siècles.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (29 avril 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Napoléon, De Gaulle et Macron.
Napoléon Ier.
Le 18 juin de Napoléon.
Le Congrès de Vienne (1815).
Napoléon III.
Henri VI, comte de Paris, ou l’impossible retour du roi.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210429-napoleon.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/napoleon-de-gaulle-et-232681

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/04/27/38942689.html









 

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29 mars 2021 1 29 /03 /mars /2021 15:26

La date des prochaines élections régionales et départementales est préoccupante en raison du contexte sanitaire général (pandémie de covid-19).

Cliquer sur chaque lien pour télécharger le document correspondant (fichier .pdf).

Avis du Conseil scientifique du 29 mars 2021 :
https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/avis-conseil-scientifique-29032021.pdf

Rapport du gouvernement au Parlement sur l'avis du Conseil scientifique du 29 mars 2021 :
https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/rapport-Parlement-elections-regionales-departementales.pdf

Pour en savoir plus :
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210413-regionales-2021a.html

SR
https://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20210329-conseil-covid-avis.html



 

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18 février 2021 4 18 /02 /février /2021 03:32

« Dès l’an prochain, pour l’élection présidentielle, mère de toutes les élections, nous pourrions recourir aux machines à voter, y compris un jour de semaine, par anticipation. Et le tout, imposé par décret ! (…) Comment peut-on envisager une expérimentation aussi hasardeuse pour une élection qui engage autant l’avenir de la Nation ? » (Philippe Bas, le 16 février 2021 au Sénat).


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Établir les règles du jeu pour l’élection présidentielle, qui est l’élection majeure dans nos institutions, nécessite une bonne dose de consensus. C’est normal. Le Ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a déposé le 21 décembre 2020 à la Présidence de l’Assemblée Nationale le projet de loi organique relatif à l’élection du Président de la République avec procédure accélérée engagée par le gouvernement le même jour (cela signifie qu’il n’y a pas de deuxième lecture). Il concerne quelques dispositions techniques relativement peu politiques. Ce texte a été adopté par les députés le 19 janvier 2021 et a été transmis à la Présidence du Sénat le lendemain. Ce jeudi 18 février 2021, ce projet de loi est en examen en séance publique au Sénat. Mais entre-temps, après son examen à la commission des lois du Sénat le 10 février 2021, le gouvernement a déposé in extremis un amendement (n°32) le 16 février 2021 dans la matinée pour instituer le "vote par anticipation".

Dommage d’avoir ainsi, sur la forme et sur le fond, casser le consensus qui s’était dégagé sur un autre projet de loi, cette fois-ci sur l’organisation des prochaines élections régionales et départementales, qui a été définitivement adopté le 16 février 2021. La commission paritaire a été conclusive, elle a conclu avec succès grâce à certaines concessions du gouvernement. Les dates des 13 et 20 juin 2021 ont été confirmées dès maintenant. Le gouvernement a aussi accepté le principe de la double procuration (actuellement, chaque électeur ne pouvait disposer que d’une seule procuration), l’obligation à France Télévisions de diffuser sur ses antennes des documentaires pédagogiques sur le rôle des régions et des départements (article 6 bis), ainsi que la prolongation à dix-neuf jours de la durée de la campagne (amendement du sénateur Alain Richard).

Le projet de loi organique sur l’élection présidentielle est en principe un texte très technique sans intérêt politique. Mais en déposant cet amendement de dernière minute, qui a surpris, non seulement les sénateurs de la commission des lois, mais aussi la majorité et même les services du Ministère de l’Intérieur, le gouvernement a de facto politisé ce projet de loi. Le sujet du vote est un enjeu fondamental et mérite un véritable débat, pas seulement une discussion en procédure accélérée juste avant une élection majeure dans la vie démocratique.

Sur la forme, donc, non seulement le gouvernement a rompu un consensus qui aurait dû s’instaurer dans la réflexion sur une règle du jeu commune, mais en plus a été au mieux maladroit avec un sujet qui méritait mieux qu’un cavalier législatif. La méthode de déposer sur ce sujet un amendement ne permet pas d’avoir l’avis du Conseil d’État qui, généralement, permet de mesurer l’impact et la faisabilité des mesures proposées par le gouvernement.

Mais c’est sur le fond que cela me paraît encore plus critiquable. François Patriat, président du groupe LREM au Sénat, ancien socialiste et proche du Président Emmanuel Macron, a passé toute sa journée du 17 février 2021 à faire le service après-vente de cet amendement avec une éloquente mauvaise foi, mettant le sujet sur le progressisme, le modernisme (mélangeant ainsi avec la loi de bioéthique et d’autres réformes), et le fait que Les Républicains refuseraient toute modernisation de la démocratie. Et cela en utilisant de nombreux biais rarement dénoncés par les journalistes.

Avant d’aller plus loi, que propose exactement cet amendement ? De permettre aux électeurs de voter par anticipation, c’est-à-dire avant le dimanche du scrutin : dans la semaine précédant le scrutin, à la ville préfecture de leur convenance où sera installée une machine à voter électronique par département.

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Bruno Retailleau, le président du groupe LR au Sénat, et par ailleurs candidat à la candidature à l’élection présidentielle, a violemment protesté en dénonçant une arrière-pensée de vouloir assurer la participation de l’électorat traditionnel d’Emmanuel Macron, à savoir des personnes vivant dans les grandes agglomérations, assez aisées pour partir le week-end. Ce procès d’intention est assez lapidaire et pas démontré et n’est pas utile pour démonter une telle proposition, donc, je ne retiendrai que la sincérité du gouvernement en la matière, pas d’éventuelles arrière-pensées qui, d’ailleurs, peuvent être de mauvais calculs.

Sur le plan technique, on peut comprendre d’ailleurs que cette mesure intéresse au premier chef les élus locaux, particulièrement les maires chargés d’organiser les élections. D’une part, cela nécessite des machines à voter (je reviendrai sur ce sujet très important juste après), de les installer, les vérifier, et d’autre part, d’avoir la certitude d’une bonne réactivité avec les listes électorales. Si un électeur de Dijon pour une élection le dimanche vote le vendredi précédant à Marseille, il faudra qu’à Dijon, on le sache pour éviter des doublons de vote. Le fait que cet amendement ait été proposé en dehors de toute concertation avec ces élus montre aussi le degré de considération que le gouvernement accorde à ces élus qui doivent se débrouiller pour tout faire sans être écoutés. En fait, si, le gouvernement venait justement de les écouter en acceptant que l’État prenne financièrement en charge tous les surcoûts d’équipements liés à la protection contre le covid-19 lors des opérations électorales.

En ce qui me concerne, ces problèmes-là sont techniques et pas politiques, c’est du registre de l’organisation et cela m’intéresse ici assez peu. D’ailleurs, on a pu constater que les élus locaux étaient capables de s’engager et de prendre de nombreuses initiatives pour organiser les tests PCR et les centres de vaccination, selon leurs possibilités.

Restons sur des questions plus "philosophiques". Vouloir moderniser les opérations de vote ne me choque pas dans son objectif qui est honorable. Et l’objectif, c’est de renforcer la participation électorale. En crise sanitaire, on a bien vu l’effondrement de la participation électorale au second tour des élections municipales du 28 juin 2020, mais faut-il vraiment considérer qu’elle fût de nature politique alors qu’elle a eu pour source la pandémie de covid-19 ?

La crise sanitaire empêche-t-elle de voter ? La réponse est non, bien entendu. Le problème est à mon sens pas dans les opérations de vote mais dans la manière de faire campagne. Une campagne électorale, c’est assurément voir les gens, les électeurs, les écouter, les convaincre, discuter en direct. C’est le seul vrai moment d’écoute. Or, la pandémie de covid-19 empêche cette démarche. Et les démarches de type visioconférence sont peu efficaces et très théoriques : tous ceux qui se sont déjà présentés aux élections le savent, c’est très difficile d’avoir de l’audience, et même de faire venir du monde dans une réunion locale. Le seul lien direct, c’est le contact physique, dans les marchés, aux paliers des immeubles, etc., là est le problème, pas dans les opérations de vote.

J’ai été assesseur lors du premier tour des élections municipales du 15 mars 2020 et tout avait été "protégé", les électeurs n’ont pas touché autre chose que les bulletins de vote, ils ont émargé avec leur propre stylo et dans tous les cas, ils pouvaient se laver les mains en entrant et en sortant. Le problème n’est pas dans le fait de voter ni dans le fait de dépouiller (là encore, beaucoup de garanties ont été prises), mais le risque demeure dans le comportement des candidats élus qui veulent fêter leur victoire avec ceux qui les ont soutenus, c’est dans ce moment que le covid-19 met en danger, pas auparavant.

Parmi les arguments avancés, certains disaient que cela ne concernerait de toute façon que quelques dizaines de milliers de personnes, donc pas de quoi en faire un fromage ! Argument qu’on peut retourner comme une crêpe : si cela concerne si peu de monde, pourquoi vouloir légiférer sur le sujet, ce n’est donc pas comme cela qu’on lutterait contre l’abstention alors que c’était pourtant la première motivation de la mesure ?

Les sophismes sont nombreux pour évoquer la forte abstention. On parle ici de l’élection présidentielle, or, il y a toujours eu une forte participation à l’élection présidentielle, ce qui est tout à fait logique car les Français considèrent que c’est l’élection reine, celle qui polarise le paysage politique pendant cinq ans. Rien à voir donc avec des élections départementales par exemple, dont l’enjeu, pourtant important si l’on en juge par les budgets gérés, est souvent boudé par les électeurs. Il n’y a donc pas de problème de fond d’abstention avec l’élection présidentielle. L’argument majeur s’effondre donc.

Du reste, la cause première de l’abstention, si abstention il y a, c’est une cause politique et pas structurelle : l’absence d’offre parmi les candidatures qui laisse entendre que le vote ne servirait à rien. C’est donc aux responsables politiques, aux candidats, de proposer une offre suffisamment séduisante pour faire déplacer les électeurs. Aucun dispositif ne remplacera la pertinence d’un projet politique ou d’un candidat.

Cependant, indépendamment de ces considérations sur la participation, examinons la mesure et arrêtons-nous à deux sujets essentiels.

L’anticipation en elle-même : est-ce logique, sain, normal, pertinent de permettre de voter avant le jour du scrutin ? La réponse est non ! Dans la mesure où la campagne électorale n’est pas terminée, il peut y avoir donc des données, des informations diffusées au dernier moment, au dernier jour que des électeurs par anticipation ne pourraient pas prendre en compte. Leur vote serait alors moins "éclairé" que celui d’autres électeurs qui ont attendu le jour du scrutin.

Ce qui est pour moi le plus grave, c’est que l’anticipation, d’un point de vue pratique, ne peut se faire que par des machines électroniques. Or, le vote électronique ne me paraît pas conforme à l’idée que je me fais de la démocratie qui veut que tous les électeurs, même les plus ignorants, puissent avoir confiance en la sincérité du vote, c’est-à-dire que leur vote soit effectivement bien pris en compte tout en préservant son caractère confidentiel. Avec un vote papier, tout électeur est en mesure d’attester que les opérations se sont déroulées régulièrement. Avec un vote électronique, c’est la confiance totale dans la machine et dans sa programmation.

J’ajoute, en revenant à la méthode, que le gouvernement avait accepté le principe de faire un bilan sur le vote électronique et qu’il aurait été plus logique d’attendre la présentation de ce bilan (dans un délai de six mois) avant de vouloir généraliser les  machins à voter (cependant, la loi organique sur l’élection présidentielle doit être promulguée avant la fin du mois de mars 2021 pour s’appliquer en 2022).

Le 16 février 2021 en séance publique au Sénat, Philippe Bas, le président de la commission des lois, a effectivement déclaré : « Nous avons également adopté dans ce texte [loi sur le report des élections régionales et départementales] des dispositions qui concernent les machines à voter, qui existent depuis 1969. À la différence du vote électronique, l’instrument est éprouvé dans les soixante-six villes qui y recourent. En 2007, suite à l’élection présidentielle, le Conseil Constitutionnel s’est inquiété des sources d’insécurité liées à ces machines. En 2008, un moratoire a été décidé pour ne pas augmenter le nombre de villes utilisatrices. Celles-ci, depuis, ont hésité à investir dans l’entretien et le renouvellement de ces machines. À l’initiative de la majorité de l’Assemblée Nationale, un amendement a été adopté prévoyant un rapport du gouvernement au Parlement dans les six mois sur les conditions du recours aux machines à voter. Nous l’avons accepté [nous, c’est-à-dire les sénateurs], considérant que la mise en garde du Conseil Constitutionnel était pleinement justifiée. Aussi, nous avons été stupéfaits de l’amendement déposé au projet de loi organique sur l’élection présidentielle et adopté ce matin à l’Assemblée Nationale. ».

Et d’expliciter le fameux amendement du gouvernement déjà évoqué (voir en tête de l’article), puis de poursuivre : « Et ce, sans attendre le rapport précité. Ce point n’a même pas été débattu par l’Assemblée Nationale, qui a déjà adopté le texte. Cette improvisation et cette absence de respect des règles du débat parlementaire ont beaucoup choqué tous les bancs du Sénat. (…) Le dispositif inquiète : conditions de préservation des votes pendant plusieurs jours, risque de double vote, impossibilité d’un recomptage manuel, sincérité d’un vote qui ne pourrait être modifié alors que la campagne se poursuivra, et constitutionnalité même ! Quelles peuvent être les motivations réelles d’un tel amendement ? L’argument du départ des familles en week-end est-il suffisant, et surtout satisfaisant pour la démocratie, alors que cette élection a toujours donné lieu à une très forte participation ? ».

Pour le groupe Les Républicains à l’Assemblée Nationale, le député Raphaël Schellenberger a exprimé le 16 février 2021 sa surprise et son inquiétude : « Comme l’orateur du groupe La République en marche, nous sommes surpris de la volonté du gouvernement de permettre un vote par anticipation à l’occasion de la prochaine élection présidentielle. (…) Je ne suis pas sûr qu’elle soit la meilleure occasion pour faire des tests en matière d’évolution de mode de scrutin, surtout quand il s’agit de choses aussi sensibles que l’anticipation du vote et le contrôle des votants par des machines, alors que nos bureaux de vote fonctionnent avec des listes d’émargement sur papier. Quoi qu’il en soit, de nombreuses questions se posent et voici qu’à un an de l’élection présidentielle, on s’apprête à bousculer l’usage et les modalités du vote en France. Sans être opposés à une évolution, nous pensons qu’il ne faut pas le faire à un an du scrutin. ».

Des réactions d’autres parlementaires ont été beaucoup plus véhémentes. Ainsi, toujours à l’Assemblée Nationale le même jour, le 16 février 2021, le député FI Bastien Lachaud ne mâchait pas ses mots : « Le texte prévoit par ailleurs un rapport sur la généralisation des machines à voter. Nous sommes totalement opposés à cette idée : le vote doit être protégé et la sincérité du résultat doit pouvoir être garantie. Le vote est et doit rester personnel et protégé de toute influence : c’est tout l’objet du rituel qui l’accompagne, l’isoloir, l’urne protégée par plusieurs assesseurs, et la publicité du dépouillement. Avec une machine à voter, rien de tout ça ! Des résultats s’affichent et on est prié de les croire. Mais à quoi va servir ce rapport sur les machines à voter ? Le texte demande un rapport, mais ce matin même, le gouvernement a déposé, au Sénat, un amendement au projet de loi organique relatif à l’élection du Président de la République, afin d’ouvrir, pour cette élection, la possibilité d’un vote par anticipation, à l’aide de machines à voter ! Cela serait possible pendant une semaine avant le scrutin ! Et cette idée, sortie du chapeau du gouvernement à la dernière minute, n’a fait nulle part et par personne l’objet d’une délibération ! Devant notre assemblée, le sujet n’a même pas été évoqué lors de l’examen de ce même texte : on nous a alors parlé d’un simple texte technique visant à reprendre les évolutions du code électoral depuis 2017, sans qu’il soit question de toucher aux éléments généraux du scrutin. Nos amendements sur le sujet ont même été écartés sans débat au prétexte qu’ils étaient hors sujet. ».

La colère du député Bastien Lachaud s’est ainsi exprimée, avec sans doute beaucoup d’exagération : « Je lance l’alerte sur un scandale démocratique à venir ! En une semaine, deux de nos hôpitaux ont été piratés, ce qui a paralysé notre système de santé et freiné la campagne de vaccination. Nous ne sommes même pas capables de protéger ces institutions, pourtant si essentielles en temps de pandémie, contre les intrusions, mais on nous explique que nous pourrons le faire pour l’ensemble des machines à voter du pays ! On nous rebat les oreilles avec la peur de l’ingérence russe dans les élections, mais on livre volontairement à l’habileté de pirates informatiques le résultat de nos scrutins ! C’est ridicule ! Les bulletins papier, les urnes et le dépouillement public, ce n’est ni du temps ni de l’argent perdus : c’est un gage du contrôle populaire sur la sincérité du scrutin. Y renoncer, c’est renoncer encore un peu plus à la possibilité de redonner confiance aux citoyens dans le système institutionnel, alors que cette confiance est déjà presque perdue. L’élection présidentielle serait ainsi aux mains des pirates informatiques ! Votre projet, c’est la destruction méthodique de ce qui reste de démocratie. ».

Le vote est l’expression concrète, directe, immédiate, vivante de la démocratie. Rien ne doit polluer le vote de l’électeur, aucune suspicion n’est admise sur la façon dont son vote sera pris en compte. L’absence de confiance a coûté ces deux mois de désinformation aux États-Unis (et six morts) à cause justement des votes par anticipation et de la défiance associée à ce type de votes.

Je resterai sur la conclusion qui peut paraître basique, pas très alléchante technologiquement mais qui me paraît essentielle surtout en temps de démocratie de défiance. Le vote doit être sincère, secret et libre. Ces trois adjectifs donnent une idée du niveau de démocratie dans lequel on vit. La France, mieux que les États-Unis, a un système électoral particulièrement efficace pour ces trois adjectifs.

Cela signifie quoi ? Que d’une part, il faut que le vote soit libre, c’est-à-dire sans aucune pression, ce qui explique l’importance de l’isoloir et l’importance de prendre au moins deux bulletins de vote dans l’isoloir. L’absence de pression a pour nécessité le vote secret. Personne ne doit connaître son vote réel. Cela n’empêche pas de soutenir, de s’engager publiquement, de militer, mais dans l’intimité de l’isoloir, personne ne doit savoir le vote réel. C’est la même raison qui conduit les assemblées délibératives à voter de manière secrète pour le choix des personnes. Un vote public permettrait des pressions bien trop fortes sur les électeurs (on voit ce que cela a donné sous la Terreur).

De plus, la sincérité, elle est dans l’égalité de traitement, celui des candidats (budget de campagne, temps d’expression, etc.), mais aussi égalité entre les électeurs. Voter à des jours différents, à part les décalages horaires dans les Outremers qui peuvent perturber la simultanéité du scrutin, c’est ne plus accepter le concept de photographie d’opinion. En étalant sur une semaine, des électeurs qui auront voté le mercredi pourraient regretter leur vote le dimanche après certains événements puisque la campagne, elle, finit le vendredi soir à minuit. Je donne un exemple très simple : c’est propoablement à cause du débat contradictoire entre François Bayrou et Daniel Cohn-Bendit qui a eu lieu le jeudi 4 juin 2009, juste avant le scrutin des élections européennes du 7 juin 2009 que les transferts de voix ont eu lieu (contrairement à ce que j’avais supposé à l’époque). Voter avant ce débat aurait faussé la sincérité du scrutin.

Enfin, non seulement le vote doit être sincère, secret et libre pour soi, mais il faut être convaincu qu’il l’est aussi pour les autres. En d’autres termes, il faut que chaque électeur puisse, par lui-même, se convaincre que l’élection est sincère, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de fraude électorale, pas de magouille, de carabistouille.

Or, le déroulement des opérations de vote est très cadré : l’urne, transparente, est fermée à 8 heures devant témoins, deux assesseurs différents ont chacun la clef d’un des deux cadenas (il faut donc les deux personnes pour ouvrir l’urne), pendant toute la durée du vote, cette urne est visible, son contenu aussi, on peut voir chaque bulletin être glissé dans l’urne au même moment que l’électeur signe l’émargement de la liste électorale. À la fin du vote, l’urne est ouverte, on voit comment sont répartis les bulletins, comment ils sont comptés, par qui, et cela avec seulement l’esprit d’observation (et en nombre si on veut observer tous les bureaux de vote).

Ce type de garantie, que tout le monde peut avoir par simple observation, n’est pas possible avec les machines électroniques dont il faut faire confiance à l’algorithme, à la cybersécurité, à la sincérité informatique. Peut-être que des informaticiens aguerris peuvent attester de cette sincérité, mais certainement pas tous les électeurs, y compris ceux qui n’ont jamais touché un ordinateur.

C’est pour toutes ces raisons que je suis fermement contre la mise en œuvre d’un vote par anticipation sur des machines à voter électroniques délocalisées. Restons encore à notre bon bulletin de vote papier, rudimentaire mais efficace, qui a fait ses preuves depuis deux siècles et qui est le lien unique de confiance entre les électeurs, l’élection et les futurs élus.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (17 février 2021)
http://www.rakotoarison.eu



Pour aller plus loin :
Le vote par anticipation.
Le vote proportionnel.
Le vote obligatoire.
Le vote électronique.
Vive la Cinquième République !

_yartiVoteAnticipe05



https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210217-vote-par-anticipation.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/election-presidentielle-non-au-231020

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/02/17/38821710.html










 

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17 février 2021 3 17 /02 /février /2021 03:52

« Lorsque je lui confirme mon intention de rétablir au plus vite le scrutin majoritaire, François Mitterrand me précise qu’il n’entend pas s’y opposer, tout en feignant de s’étonner de ma précipitation : "Pourquoi êtes-vous si pressé ?" me demande-t-il. Je lui réponds qu’il s’agit d’un engagement pris devant les Français : "Si on ne le fait pas maintenant, on ne le fera jamais…". » (Jacques Chirac).



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Dans ce court extrait du premier tome des mémoires de l’ancien Président de la République ("Chaque pas doit être un but", éd. NiL, 2009), Jacques Chirac a évoqué son entretien à l’Élysée le 18 mars 1986, deux jours après sa victoire aux élections législatives, avec le Président François Mitterrand avec qui il s’apprêtait à "cohabiter". Et parmi les réformes urgentes, le rétablissement du scrutin majoritaire. François Mitterrand avait modifié le mode de scrutin au dernier moment, moins d’un an avant ces élections, pour des raisons politiciennes d’obscurs boutiquiers, afin d’empêcher l’opposition de reconquérir la majorité (ce fut un échec). Jacques Chirac, au-delà du temps très incertain de la première cohabitation, ne voulait pas attendre pour revenir au scrutin majoritaire, par simple morale : on ne change pas la règle du jeu au dernier moment.

C’est pourtant ce que ne semble pas avoir encore compris François Bayrou, maire de Pau, président du MoDem et Haut commissaire au Plan. On ne modifie pas la règle du jeu au dernier moment. Je ne peux pas dire que François Bayrou fait partie des personnalités politiques les moins responsables, je l’ai soutenu à trois reprises aux élections présidentielles et je ne le regrette pas. Cependant, son obsession du scrutin proportionnel me paraît particulièrement mal venue en ces temps de crise sanitaire qui s’accompagne de crise économique et sociale. Comme si la France pouvait se permettre de polariser pour ne pas dire de polluer le débat public sur le mode de scrutin !

C’est d’autant plus extravagant que le parti de François Bayrou n’aurait jamais pu atteindre en juin 2017 un groupe parlementaire aussi nombreux sans le scrutin majoritaire.

Je sais que le Bayrou-bashing est un sport national, c’est souvent le cas d’ailleurs des personnalités populaires, une sorte de jalousie diffuse, et encore récemment, les reproches qu’on pourrait faire à François Bayrou sont souvent infondés. Par exemple, on lui a reproché d’avoir été dans un aéroport sans porter de masque. Critique mal venue et hors contexte, de très mauvais goût aussi, puisqu’il prenait l’avion pour l’enterrement de sa très proche camarade politique Marielle de Sarnez. Il attendait dans la salle d’embarquement. Il en a profité pour prendre un café, ce qui se fait a priori sans masque, et la photographie a été prise juste avant qu’il ne remît son masque.

La critique fondée, c’est d’être hors sol quand il réclame la proportionnelle. Ce fut d’ailleurs l’un des points de divergence que j’ai avec lui depuis des décennies, et je pourrais même généraliser, que j’ai en général avec les centristes dans lesquels pourtant je me reconnais, mais pas sur le plan des institutions. François Bayrou l’a confirmé lorsqu’il a été l’invité de la matinale de France Inter le mardi 26 janvier 2021, il l’a répété encore dans l’émission "Grand Jury" sur LCI RTL "Le Figaro" du dimanche 7 février 2021 : François Bayrou veut la proportionnelle !

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La semaine suivante (14 février 2021), dans la même émission du "Grand Jury", le Ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti a redit deux arguments sur le sujet : ce n’était pas un hasard si De Gaulle avait adopté le scrutin majoritaire en 1958 (c’est en fait un petit peu plus compliqué que cela, Michel Debré avait voulu un scrutin majoritaire à un tour, comme au Royaume-Uni, et les parlementaires de la commission chargée des institutions l’ont "retoqué"avec deux tours pour réduire les effets de la logique majoritaire) et il a proposé de regarder ce qui se passait actuellement en Israël et en Italie, j’ajouterai aussi en Allemagne voire en Espagne.

Ce que dit Éric Dupond-Moretti est du bon sens lorsqu’il dit qu’il ne faut pas réduire le pouvoir de l’exécutif en ces temps incertains de pandémie de covid-19. Comment pourrait-on imaginer la France d’aujourd’hui avec une assemblée de type Quatrième République, avec la durée d’un gouvernement qui ne dépasserait pas les quelques mois, à un moment crucial où tous les repères se sont effondrés sur eux-mêmes ? Les Français auraient-ils la mémoire si courte qu’ils auraient oublié les causes de l’effondrement de 1958 ?

On a critiqué l’économie française, on a critiqué l’administration, on a critiqué l’éducation, on a critiqué beaucoup de choses dans la France d’aujourd’hui, mais s’il y a bien une chose qui a fonctionné en France depuis plus de soixante ans, ce qui nous a d’ailleurs sauvés de crises encore plus effroyables, c’est que les institutions de la Cinquième République sont efficaces, qu’elles ont tenu le coup même quand le navire tanguait, que c’est probablement la chose excellente qu’il faut préserver au mieux dans ce qu’est la France. Vouloir les changer aujourd’hui, c’est un peu comme saborder le navire en pleine tempête.

Alors, rappelons à quoi sert une chambre législative : elle sert à faire la loi et à contrôler le gouvernement. Elle ne sert pas à faire ce que le Président Emmanuel Macron voulait faire avec le grand débat, des sortes d’assemblées citoyennes bien jolies, bien propres, mais qui n’aboutissent à rien. Ce n’est pas un panel mais une confrontation politique qui doit avoir lieu. Pour faire la loi, il faut une majorité, c’est le principe de la démocratie, on peut le regretter (le nombre n’est effectivement pas un critère de vérité), mais c’est un principe qui n’a, jusqu’à maintenant, pas eu de concurrence soutenable.

Alors, non, il ne faut pas modifier le scrutin des élections législatives aujourd’hui. Pour de nombreuses raisons.

Les circonstances ? Comme si on n’avait que cela à faire avec 400 à 500 décès dus au covid-19 chaque jour, un troisième confinement programmé pour le mois de mars, des variants qui voudraient nous aiguiller vers le scénario du pire cauchemar alors que les vaccins allaient enfin esquisser le bout du tunnel, sans compter la récession, le chômage, la pauvreté, les suicides qui augmentent… Pendant ce temps, pour simple convenance personnelle d’un groupe parlementaire qui, finalement, n’est pas si indispensable que cela, on veut modifier la règle du jeu qui n’aura évidemment aucune conséquence sur tous les problèmes que je viens d’énumérer. Imagine-t-on Clemenceau changer le mode de scrutin en pleine guerre ? Il y a des rendez-vous de l’histoire qui sont loupés, apparemment. (Pour info, Clemenceau a modifié le mode de scrutin, mais le 12 juillet 1919, après la fin de la guerre, et en plus pour mettre la proportionnele !).

Autre circonstance, évoquée aussi dans l’extrait proposé des mémoires de Jacques Chirac (« engagement pris devant les Français »), qu’a rappelée opportunément François Bayrou, la proportionnelle serait un engagement du Président de la République pendant la campagne présidentielle. Si on devait prendre toutes les promesses, faudrait-il toutes les appliquer ? La réforme des retraites par points par exemple ? Pourtant, elle était aussi un engagement du Président de la République.

En fait, je sais que ce n’est pas politiquement correct d’écrire cela, mais je déteste qu’on ne s’en tienne qu’aux promesses préélectorales et jamais je n’ai voté en fonction des promesses ou non promesses. Cela demanderait sans doute un plus long développement, mais quand j’élis une personne pour occuper la Présidence de la République, je vote pour justement une personne et pas pour des promesses. Pourquoi ? Parce que personne n’est en connaissance de l’avenir. En 2017, personne n’était capable de dire que nous serions plongés en pleine pandémie trois ans plus tard. Les événements vont si vite dans tous les domaines qu’un programme proposé à un temps t n’a plus aucune pertinence deux ou trois ans plus tard. Que dire du mariage pour tous, engagement du candidat François Hollande qui a été élu simplement par défaut pour rejeter Nicolas Sarkozy ? Qui pourrait dire qu’on vote pour chacun des engagements d’un candidat lorsqu’on vote pour lui ? Heureusement que non, sinon, tout le monde serait abstentionniste.

Comme lorsqu’une entreprise recrute des nouveaux salariés, je vote pour une personne, pour sa personnalité, pour son caractère, pour sa capacité à réagir face à l’urgence, face à la surprise, face à l’adversité, sa capacité à négocier avec nos partenaires, etc. Heureusement qu’Emmanuel Macron est aux commandes, un homme jeune, dynamique et qui connaît les rouages de l’administration. Imaginons un incompétent un peu fatigué à cette fonction alors que tout est à réinventer ! On critique la gestion de la crise, on critique, on critique, mais les sondages de râleurs montrent aussi que, aussi critiquable qu’il soit, et il l’est sur bien des points, évidemment, selon les sondés depuis un an, aucune personnalité n’aurait été capable de faire mieux ! On ne vote donc pas pour un programme mais pour une personne, un caractère, une motivation, une aptitude, une intuition.

Mais revenons au fond, car la proportionnelle, c’est une Arlésienne, on la met dans la conversation comme si c’était l’alpha et l’oméga d’une meilleure prise en compte du peuple. Pourtant, ce ne sont pas les institutions, ni les règles du jeu qui sont importantes en politique. Ce sont les acteurs, les personnes qui les occupent, qui les appliquent. La preuve, c’est que, dans l’histoire du monde, des personnes se sont distinguées par leur aura, leur charisme, leur compétence, leur courage, leur intelligence, leur capacité à faire l’histoire en tout lieu et tout temps, avec des institutions très différentes, avec des règles très différentes, des cultures et des environnements très différents. Ce sont les hommes qui façonnent l’histoire, pas les structures. Ce que je viens d’écrire est évidemment discutable et pourrait valoir une réflexion plus développée qu’ici. Ce que je veux simplement dire ici, c’est que l’âme humaine transcende les institutions.

Mais déjà, au risque de décevoir, prenons comme postulat que la démocratie dans un pays de 67 millions de personnes ne peut se concevoir que comme une démocratie représentative et pas une démocratie directe réservée au mieux aux petits pays.

Et admettons que la représentativité démocratique de ses représentants, quelles qu’en soient les règles, sera toujours sujette à caution.

Faut-il qu’il y ait une représentativité des sexes ? Évidemment, scandale de n’avoir que des hommes dans une assemblée délibérative. Faut-il une représentativité socioprofessionnelle ? Ce serait pas mal, oui. Des ouvriers, pas seulement des profs et des avocats. Faut-il une représentativité ethnique ? Alors là, déjà, ça va mal aller, définition, discrimination, et au bout du bout, racisme d’État même positif. Une représentativité de la sexualité ? C’est-à-dire que l’assemblée soit aussi conforme que la population dans ses modes de sexualité ? Pas sûr que la sexualité des candidats doive s’afficher, pas sûr qu’un député vote en fonction de sa sexualité (sauf, évidemment, sur des sujets qui abordent ce domaine, mais ce domaine ne devrait rester que du ressort de l’intime, pas du législatif). Représentativité des âges ? Oui, ce serait pas mal non plus, mais l’âge des artères ou de l’esprit ? Bref, et c’est sans doute les biais dans les sondages, avoir une représentativité est toujours très relatif. On pourra toujours la critiquer. C’est bien pour cela que la Convention citoyenne pour le climat choisie comme on sélectionne un échantillon d’institut de sondage ne peut pas être une règle démocratique.

Au contraire, je considère que la démocratie doit aller bien plus loin qu’une simple représentativité : l’élu représente toute la population, pas seulement ses électeurs, pas seulement son groupe de clientèle. L’élection est un sacre et le représentant devient l’égal de toute la population, qu’importe ses caractéristiques, un homme peut protéger les droits des femmes, un hétérosexuel peut voter pour le mariage pour tous, un avocat défendre les intérêts des ouvriers, etc.

Mais je ne veux pas éluder les arguments qui seraient prétendument en faveur de l’instauration de la proportionnelle pour élire les députés.

Une petite question toute simple : connaissez-vous vos députés européens ? Je dis "vos" dans un sens très général : la liste étant nationale, "j’ai" 79 députés européens français. En connaissez-vous au moins un, ou deux ? Vous ont-ils rendu compte de leurs activités depuis deux ans ?

S’ils sont très peu connus de leurs électeurs, les députés européens, c’est en raison de la manière de les désigner. En effet, le scrutin proportionnel, loin de les rapprocher du peuple, éloigne les candidats et les élus du peuple et les rapproche surtout des états-majors de partis politiques. Avec ce scrutin, ce qui compte, ce n’est pas le mérite personnel, la capacité du candidat à convaincre voire séduire ses électeurs (sauf en cas de vote préférentiel), mais sa capacité à convaincre le parti politique de le mettre à une place suffisamment élevée pour qu’il puisse être élu, quel que soit le désir des électeurs. L’incertitude de l’élection concerne alors seulement les candidats situés sur la liste en deçà de la position dite éligible en fonction de la bonne ou mauvaise performance de la liste elle-même, c’est-à-dire du parti. L’élection devient impersonnelle alors que les fonctions doivent s’incarner par des personnes.

Les candidats à la proportionnelle sont des candidats hors sol qui n’ont pas besoin d’être appréciés du peuple, il suffit d’être appréciés de leur parti. Cela réduit en fait les capacités de renouvellement, un candidat indépendant n’aura plus aucune chance, avec la proportionnelle, car il ne sera pas dans la capacité de présenter des listes (ou alors, ce sera très artificiel, comme les listes de Nicolas Dupont-Aignan aux élections européennes).

C’est un scrutin qui, par la nature parcellaire actuelle du paysage politique, empêche toute clarté dans la construction d’une future majorité gouvernementale. Cela aboutit soit à l’immobilisme (absence de gouvernement ou crises institutionnelles multiples), soit à une sorte de "dictature" de la minorité.

Par essence, effectivement, la proportionnelle, contrairement à ce qu’on martèle, est un scrutin antidémocratique. La preuve par l’étranger où la proportionnelle est la règle.

Israël ? Depuis quelques années, les Israéliens ont dû voter déjà trois fois, bientôt quatre fois, sans pour autant être capables de dégager une coalition majoritaire. Résultat pendant ce temps : un gouvernement minoritaire, en attendant mieux.

L’Allemagne ? On parle de la très grande stabilité des gouvernements allemands, et c’est vrai. Mais ils ont bénéficié généralement d’une alliance entre un grand parti de gouvernement (SPD ou CDU-CSU) et un petit parti pivot de gouvernement (Verts, FDP, etc.). Or, le caractère très éclaté du paysage politique ne suffit plus. Si Angela Merkel a "duré" si longtemps (plus de quinze ans), c’est que trois fois sur quatre mandats, elle dirige un gouvernement de grande coalition, à savoir, de rassemblement des deux grands partis de gouvernement a priori adversaires, si bien qu’aucune politique claire et construite ne peut être menée puisque ce n’est que ménagement de la chèvre et du chou (il est là, le "centrisme mou", pas dans le centrisme conquérant et quasi bonapartiste d’Emmanuel Macron).

L’Italie ? C’est sans doute le pire exemple, car dans la même législature, depuis moins de trois ans, les Italiens auront tout eu : un gouvernement de coalition entre le Mouvement 5 étoiles (M5E) de Luigi Di Maio et la Ligue (Lega) de Matteo Salvini, lui-même nommé Ministre de l’Intérieur, c’est-à-dire un gouvernement d’union de la carpe et du lapin, avec un extrémiste à l’Intérieur et un modéré à la tête d’un gouvernement de tonalité antieuropéenne. Puis, une coalition de centre gauche proeuropéenne, avec le M5E (OVNI difficilement identifiable) et un parti démocrate qui était de l’ancienne majorité et qui avait été très copieusement désavoué par les électeurs. Et encore une troisième formule, très simple, on réunit tout le monde (Forza Italia de Silvio Berlusconi, Italia Viva de Matteo Renzi, Lega de Matteo Salvini, M5E de Luigi Di Maio, le parti démocrate) et l’on chapeaute le tout par l’ancien président de la Banque centrale européenne. Était-ce ce que voulaient les électeurs dans la même législature ? J’en doute !

Je passe aussi avec l’Espagne qui a connu un changement de Premier Ministre et de coalition sans élections (qui n’ont fait que confirmer, très vaguement, ce changement), et beaucoup d’autres parlements locaux qui sont souvent bloqués pour faire de grandes réformes. Les Français peuvent être fiers d’avoir leurs institutions qui leur permettent d’avoir un gouvernement fort capable d’aller clairement dans la voie voulue par la majorité des électeurs (c’est-à-dire par le plus grand nombre des électeurs).

En termes de représentativité, le scrutin majoritaire actuel est largement satisfaisant. En effet, les élections législatives de juin 2017 n’ont oublié aucune force politique parmi les élus. Contrairement à ce qu’on disait longtemps, le FN a su gagner des sièges malgré le scrutin majoritaire et je ne doute pas que si ce parti gagnait l’élection présidentielle, il saurait gagner également les élections législatives. La démonstration d’Emmanuel Macron est d’ailleurs assez claire : qui pouvait sérieusement imaginer qu’une fois élu, il n’aurait pas obtenu de majorité pour gouverner ? De même, bien qu’ultraminoritaire, France insoumise a su gagner des sièges également au scrutin majoritaire et même former un groupe politique.

Du reste, ce scrutin de 2017 a fait ses preuves sur le renouvellement : un parti tout récent, venu de nulle part, ayant juste un an d’ancienneté, a su conquérir la majorité des sièges, ce qui signifie que l’avenir n’est jamais bloqué avec le scrutin majoritaire au contraire du scrutin proportionnel qui favorise les grands partis déjà bien établis.

Effectivement, peut-on imaginer que, par exemple, l’UPR de François Asselineau puisse avoir des sièges avec le scrutin proportionnel ? La réponse est non et la raison est toute simple : il suffit de regarder son score aux dernières élections européennes de mai 2019 qui étaient à la proportionnelle intégrale nationale. Avec 265 469 électeurs (1,17% des suffrages exprimés), il ne faut pas trop espérer représenter quelque chose. Au contraire, l’UPR aurait sa chance avec le scrutin majoritaire car l’un de ses candidats pourrait quand même réussir à convaincre les électeurs d’une circonscription (100 ou 200 000 personnes), en tout cas, aurait plus de chance de remporter un siège au scrutin majoritaire qu’avec la proportionnelle. Les très petits partis n’ont aucune chance avec la proportionnelle.

La proportionnelle éliminera également tous les candidats farfelus, indépendants, étonnants, discordants, qui, pourtant, pourraient séduire localement des électeurs. La proportionnelle est la règle de l’uniformité. Enfin, le scrutin majoritaire n’empêche pas la représentativité de la population. En effet, la loi actuelle propose de revoir régulièrement le découpage électoral en fonction de la démographie et a réduit les écarts de représentation de la population d’une circonscription à l’autre. Écarts qui ne seraient pas supprimés avec par exemple une proportionnelle intégrale dans le cadre départemental car il existe des départements très peu peuplés.

Certes, l’argument principal pour le maintien du scrutin majoritaire, c’est le besoin, heureusement reconnu par tous les partis, de dégager une majorité parlementaire. C’est la raison pour laquelle ceux qui proposent le scrutin proportionnel ne propose qu’une "dose" de proportionnelle, comme si un mode de scrutin était une recette de cuisine avec différents ingrédients (cela donne une idée de la considération qu’on se fait des institutions).

C’est le cas de la proposition de loi n°3865 que Patrick Mignola, président du groupe MoDem à l’Assemblée Nationale, a déposée le 9 février 2021 sur le bureau du Président de l’Assemblée Nationale. Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, cette proposition de loi fait référence ouvertement aux travaux de Terra Nova du 19 mars 2018.

J’ai pris connaissance de ces travaux et ils me paraissent remplis de biais historiques, institutionnels et politiques. Ils se basent sur des hypothèses totalement abstraites et je comprends bien que la proportionnelle agite les esprits des constitutionnalistes parce que cela nécessite un peu de réflexion intellectuelle, mais ils oublient des conditions de réalisme politique. En fait, Terra Nova propose des solutions totalement illisibles, compliquées, avec des calculs "additifs", "compensatoires" et "correctifs". Bientôt, pour être électeur, il va falloir passer l’agrégation de sciences politiques si ce n’est un doctorat de mathématiques !

Dans leurs hypothèses, dans le schéma où il y a le moins de proportionnelle, à savoir 25% des sièges, les travaux de Terra Nova reconnaissent que le parti majoritaire, LREM, n’aurait pas obtenu de majorité absolue à l’Assemblée Nationale en juin 2017, avec seulement 184 sièges sur 400. Dans le pire des cas (50% des sièges à la proportionnelle), LREM n’aurait obtenu que 151 sièges sur 400. Pas de quoi gouverner ! Bonjour la paralysie.

Si la proposition de loi de Patrick Mignola y fait référence, elle ne s’inspire cependant pas de ces travaux, heureusement. Elle évoque l’abstention comme conséquence du mode de scrutin, ce qui un contresens assez important : l’abstention tient au fait que ceux qui n’ont pas voté pour celui qui a été élu à l’élection présidentielle n’ont pas considéré comme souhaitable de voter contre lui aux législatives pour qu’il n’ait pas de majorité parlementaire. La concomitance des deux scrutins est la cause prépondérante de la forte abstention, la mobilisation électorale s’est faite exclusivement autour du scrutin présidentiel. Si le mode de scrutin était la cause de l’abstention, il y en aurait eu beaucoup moins aux élections européennes de mai 2019 qui étaient à la proportionnelle intégrale dans le cadre national (on ne peut pas faire plus proportionnel).

La proposition de loi, qui comporte quatre articles, souhaiterait instaurer deux scrutins en un : pour les départements avec moins de douze circonscriptions, le maintien du scrutin majoritaire à deux tours par circonscription, pour les départements de douze circonscriptions ou plus, le passage au scrutin proportionnel à la plus forte moyenne sans panachage ni vote préférentiel dans le cadre du département. Cela correspondrait à 22,5% des sièges pourvus à la proportionnelle.

Cette proposition pourrait sans doute ravir le MoDem et d’autres partis de moyenne catégorie comme EELV et le RN, mais ne permettrait pas à un petit parti d’avoir des sièges (pour un département avec 12 députés, il faut obtenir au moins 10% voire plus pour avoir un siège). En outre, la faible dose ne soulagerait pas les mécontents qui considéreraient qu’il n’y aurait toujours pas plus de représentativité, mais elle risquerait cependant d’empêcher la constitution de majorité gouvernementale stable. Bref, cette proposition de loi ne répondrait à aucun des objectifs parfois contradictoires qu’un mode de scrutin est censé fixer.

De plus, cette proposition créerait deux types de députés, des députés élus à la proportionnelle et des députés élus au scrutin majoritaire. Certes, cela existe déjà avec les sénateurs, à cela près que les députés ont le dernier mot dans le processus législatif, et sont élus par le peuple en entier, pas les grands électeurs, ce qui est un peu différent donc en termes d’équité entre les électeurs. On imaginerait facilement que les états-majors des grands partis réserveraient les premières places de leurs listes dans les grandes agglomérations pour leurs apparatchiks sans se soucier s’ils plairaient à leurs propres électeurs.

La proportionnelle tout comme plus généralement les institutions n’ont rien à voir avec le discrédit qui peut toucher la classe politique. Ce sont les personnes qui sont en cause, pas les structures. Depuis 2017, la classe politique s’est considérablement renouvelée (et rajeunie, et féminisée), de jeunes talents nouvellement élus ont pu se faire entendre depuis près de quatre ans au sein des principaux partis (LREM, LR, UDI, FI, RN), à l’exception peut-être du PS laminé aux dernières élections. C’est la pertinence de leurs discours qui fera que l’abstention s’aggravera ou pas. Le capacité à mobiliser, à redynamiser, à restaurer la grandeur du pays. Le mode de scrutin n’y est pour rien. En revanche, le mode de scrutin a une importance stratégique dans la constitution de majorité gouvernementale efficace et stable. Qu’on ne nous retire pas ce dispositif de scrutin majoritaire si nécessaire au peuple français laissé par De Gaulle !…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (14 février 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La proportionnelle en 2021 ?
François Bayrou.
Marielle de Sarnez.
François Bayrou sera-t-il le Jean Monnet du XXIsiècle ?
Le scrutin proportionnel.
Vive la Cinquième République !

_yartiBayrou2021A03




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210126-bayrou.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/l-obsession-de-la-proportionnelle-230993

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/01/27/38782393.html










 

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13 novembre 2020 5 13 /11 /novembre /2020 15:23

L'ancien Président du Conseil Constitutionnel Jean-Louis Debré a remis le 13 novembre 2020 au Premier Ministre Jean Castex ses propositions sur le calendrier électoral à venir.

Cliquer sur chaque lien pour télécharger les deux documents correspondants au rapport de Jean-Louis Debré sur le sujet remis le 13 novembre 2020 (deux fichiers .pdf) :

https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/lettre%20de%20mission/277160-lettre-mission.pdf

https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/277160-NV.pdf

Pour en savoir plus :
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210413-regionales-2021a.html

SR
https://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20201113-rapport-jean-louis-debre-scrutins.html



 

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2 octobre 2020 5 02 /10 /octobre /2020 05:11

« En France, le bicamérisme est un principe plus que bicentenaire. Il représente un instrument démocratique de modération et je ne cesse de rappeler que depuis l’instauration du quinquennat, il est le balancier stabilisateur de nos institutions. Disparités du territoire, de la démographie… la deuxième chambre joue le rôle d’une "machine" à corriger les inégalités et incarne un enrichissement pour une démocratie moderne et juste. Je suis convaincu que la représentation et la conciliation des différences, qu’elles soient territoriales, politiques, sociales ou autres, apportent de la vitalité et de la solidité à la démocratie. » (Gérard Larcher, le 11 décembre 2014, "Le Courrier du Parlement", propos recueillis par Jean-François Bège).



_yartiLarcherGerardD02

Jour de gloire pour Gérard Larcher. Ce jeudi 1er octobre 2020 à 16 heures 35, Gérard Larcher a en effet été réélu Président du Sénat pour trois ans (jusqu’en septembre 2023) par une large majorité dès le premier tour. C’est son quatrième mandat.

Prononcés par le sénateur centriste d’Arras Jean-Marie Vanlerenberghe, qui présidait la séance inaugurale en tant que doyen d’âge à 81 ans, les résultats sont les suivants : 231 voix pour Gérard Larcher, 65 voix pour Patrick Kanner (PS), 15 voix pour Éliane Assassi (PCF) et 13 voix pour Guillaume Gontard, le président du nouveau groupe écologiste du Sénat. Sur 345 sénateurs votants, 19 ont voté blanc, 2 votes sont nuls, ce qui fait 324 suffrages exprimés, donc la majorité absolue était à 163. Les 231 voix ont donc dépassé de très haut ce seuil de la majorité absolue (71,3%). Aux côtés du doyen, le nouveau benjamin du Sénat, le plus jeune des sénateurs élus de l’histoire, le sénateur socialiste Rémi Cardon, élu le 27 septembre 2020 dans la Somme, à seulement 26 ans et 4 mois (le précédent record était l’élection du maire RN de Fréjeus David Rachline en septembre 2014). Alors, le Sénat, maison de retraite ?

Ce n’était pas une surprise, les résultats des élections sénatoriales du 27 septembre 2020, qui ont vu se renforcer les groupes de sa majorité sénatoriale, ne laissaient aucun doute sur l’issue du scrutin. Pour Gérard Larcher, c’est un grand succès personnel car il a su parfaitement personnifier le Sénat et surtout les sénateurs. Dans son discours d’introduction, il a insisté sur l’utilité du Sénat, sa modernité et sa contribution au débat démocratique (j’y reviendrai).

Dans sa précédente réélection de Président du Sénat, le 2 octobre 2017, Gérard Larcher avait obtenu 223 voix contre 79 voix à Didier Guillaume, à l’époque président du groupe socialiste au Sénat et devenu Ministre de l’Agriculture du gouvernement d’Édouard Philippe du 16 octobre 2018 au 6 juillet 2020, et 15 voix à Éliane Assassi, la présidente du groupe communiste au Sénat.

Certes, sa corpulence, son double menton, son dos un peu courbé pourraient laisser croire que le Sénat est une maison de retraite (il fut couronné "bébé Blédine" avant de savoir marcher, a écrit LCI le 1er octobre 2014 : « J’avais déjà bon appétit ! »). Mais tous ceux qui ont déjà rencontré Gérard Larcher peuvent l’attester. L’homme est un actif, à l’esprit alerte. D’ailleurs, il se répand souvent dans les médias, sa forme politique est d’autant plus haute que son parti, LR, est en perte de sens et de personnalités. Gérard Larcher, c’est le phare, c’est la référence.

Il l’a déjà prouvé, il entend que le Sénat suive aussi les évolutions du temps. Dès le 18 novembre 2008, à un mois et demi de sa première élection, Gérard Larcher a baissé ses indemnités de 30%. En 2009, il a réduit les dépenses de la Présidence du Sénat de 44,5%. Il a aussi supprimé un certain nombre de privilèges dépassés sur la rémunération, les retraites et quelques autres avantages des sénateurs (prêt à taux 0% etc.).

À 71 ans (il vient de les avoir il y a deux semaines et demi), Gérard Larcher a réussi sa mue sénatoriale. Avec ce quatrième mandat à la tête du Sénat, il bat déjà ses deux prédécesseurs, Christian Poncelet et René Monory et si la question est de savoir s’il fera comme Alain Poher, 24 ans à la tête du Sénat, ce qui cela l’amènerait à 86 ans, pas sûr que la sagesse soit d’aller jusque-là.

En tout cas, tout le monde aime Gérard Larcher car l’homme est sympathique, convivial, bon vivant et consensuel, ce n’est pas le genre à tirer à vue, à trahir, à planter des couteaux dans le dos ou à faire de la posture. Il n’est pas homme d’appareil, il est d’abord homme d’intérêt général. Même l’opposition sénatoriale lui reconnaît beaucoup de qualités car il applique très bien ce que la tradition exige théoriquement, à savoir qu’il est le Président de tous les sénateurs.

_yartiLarcherGerardD01

Ancien vétérinaire de chevaux (il a accompagné l’équipe de France aux Jeux olympiques de 1976), il est loin de l’énarchie et de la technocratie d’État. Le bon sens, pas forcément rural (c’est aussi un urbain), ne lui est pas absent. Conseiller municipal de Rambouillet depuis 1979, maire de Rambouillet de mars 1983 à mars 2014 (sauf pendant sa période gouvernementale, son premier adjoint Jean-Frédéric Poisson l’a remplacé ; Christine Boutin fut sa concurrente en 1983), conseiller régional d’Île-de-France de 1986 à 1992, il fut élu sénateur des Yvelines en septembre 1986 (à l’âge de 37 ans, à l’époque, il fallait avoir au moins 35 ans, avec le calendrier électoral, il ne pouvait pas être élu plus jeune), et fut constamment réélu jusqu’à aujourd’hui (soit trente-quatre ans déjà). Comme maire, il fut élu président de la Fédération hospitalière de France de 1997 à 2004, ce qui lui donne à double titre (cette fonction et son métier) un peu plus de compétences sur la crise sanitaire que beaucoup d’autres de ses collègues parlementaires. Le 11 avril 2008, il avait d’ailleurs remis un rapport au Président de la République sur la réforme hospitalière.

Homme accommodant, Gérard Larcher est souvent désespéré de la division de son parti. C’est le cas aujourd’hui avec LR, mais c’était le cas en 1995 au RPR. Favorable à la candidature du Premier Ministre de l’époque Édouard Balladur à l’élection présidentielle, le même jour, il pouvait présider à Rambouillet une réunion du comité de soutien à Édouard Balladur tandis que sa femme, dans une autre salle, présider une réunion du comité de soutien à Jacques Chirac !

Son esprit consensuel, son talent de négociateur, son don d’écoute, il les a pratiqués et il les a démontrés dans ses fonctions de Ministre délégué au Travail (et à l’Emploi et à l’Insertion professionnelle des jeunes) du 31 mars 2004 au 15 mai 2007 dans les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin (son concurrent pour le Plateau le 24 septembre 2008) et de Dominique de Villepin, lors du dernier mandat du Président Jacques Chirac. En revanche, il a refusé la proposition du Président Nicolas Sarkozy d’être nommé Ministre de l’Agriculture, et cela pour préparer son élection à la Présidence du Sénat.

Gérard Larcher n’a jamais rêvé d’être Président de la République, et encore moins candidat à l’élection présidentielle, mais dans son livre "Contre-pouvoir" d’entretiens avec la journaliste Marion Mourgue, sorti le 4 octobre 2019 (éditions de l’Observatoire), il y a un an, il a exprimé cependant une certaine disponibilité : « Si les événements et les circonstances politiques le décidaient, j’assumerais. ». Ajoutant aussitôt : « Ce n’est pas le rêve de ma vie, mon premier engagement, c’est le Sénat. ».

En tout cas, en ces temps agités de forte tempête, Gérard Larcher reste une référence sûre dans les institutions de la République. C’est pourquoi le deuxième personnage de l’État continuera à compter dans les mois et années à venir, notamment comme lien de dialogue entre le Président de la République Emmanuel Macron et les élus territoriaux qu’il peut prétendre représenter, au même titre que François Baroin, le président de l’Association des maires de France.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (01er octobre 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Gérard Larcher.
Gérard Larcher au sommet de son influence.
Sénatoriales 2020 (3) : le troisième tour.
Sénatoriales 2020 (2) : large victoire de la droite et du centre.
Les enjeux des élections sénatoriales du 27 septembre 2020.
Christian Poncelet.
Résultats des élections municipales de 2020.
Le Sénat vote le principe de la PMA pour toutes.
80 km/h : le recul irresponsable adopté par les sénateurs.
Affaire Benalla : l’attaque frontale des sénateurs.
Benalla vs Sénat : 1 partout.
Gérard Larcher réélu en 2017.
Élection du nouveau Président du Sénat (le 2 octobre 2017).
Résultats des élections sénatoriales du 24 septembre 2017.
Sénatoriales 2017 : état des lieux.
La XVe législature de la Ve République.
Les Langoliers.
Forza Francia.
La Ve République.
La campagne des élections législatives de juin 2017.
Élections sénatoriales du 28 septembre 2014.
Jean-Pierre Bel.
René Monory.
Alain Poher.

_yartiLarcherGerardD03




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20201002-gerard-larcher.html

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/07/22/39567163.html








 

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1 octobre 2020 4 01 /10 /octobre /2020 19:15

« En France, le bicamérisme est un principe plus que bicentenaire. Il représente un instrument démocratique de modération et je ne cesse de rappeler que depuis l’instauration du quinquennat, il est le balancier stabilisateur de nos institutions. Disparités du territoire, de la démographie… la deuxième chambre joue le rôle d’une "machine" à corriger les inégalités et incarne un enrichissement pour une démocratie moderne et juste. Je suis convaincu que la représentation et la conciliation des différences, qu’elles soient territoriales, politiques, sociales ou autres, apportent de la vitalité et de la solidité à la démocratie. » (Gérard Larcher, le 11 décembre 2014, "Le Courrier du Parlement", propos recueillis par Jean-François Bège).



_yartiLarcherGerardD03

Jour de gloire pour Gérard Larcher. Ce jeudi 1er octobre 2020 à 16 heures 35, Gérard Larcher a en effet été réélu Président du Sénat pour trois ans (jusqu’en septembre 2023) par une large majorité dès le premier tour. C’est son quatrième mandat.

Prononcés par le sénateur centriste d’Arras Jean-Marie Vanlerenberghe, qui présidait la séance inaugurale en tant que doyen d’âge à 81 ans, les résultats sont les suivants : 231 voix pour Gérard Larcher, 65 voix pour Patrick Kanner (PS), 15 voix pour Éliane Assassi (PCF) et 13 voix pour Guillaume Gontard, le président du nouveau groupe écologiste du Sénat. Sur 345 sénateurs votants, 19 ont voté blanc, 2 votes sont nuls, ce qui fait 324 suffrages exprimés, donc la majorité absolue était à 163. Les 231 voix ont donc dépassé de très haut ce seuil de la majorité absolue (71,3%). Aux côtés du doyen, le nouveau benjamin du Sénat, le plus jeune des sénateurs élus de l’histoire, le sénateur socialiste Rémi Cardon, élu le 27 septembre 2020 dans la Somme, à seulement 26 ans et 4 mois (le précédent record était l’élection du maire RN de Fréjeus David Rachline en septembre 2014). Alors, le Sénat, maison de retraite ?

Ce n’était pas une surprise, les résultats des élections sénatoriales du 27 septembre 2020, qui ont vu se renforcer les groupes de sa majorité sénatoriale, ne laissaient aucun doute sur l’issue du scrutin. Pour Gérard Larcher, c’est un grand succès personnel car il a su parfaitement personnifier le Sénat et surtout les sénateurs. Dans son discours d’introduction, il a insisté sur l’utilité du Sénat, sa modernité et sa contribution au débat démocratique (j’y reviendrai).

Dans sa précédente réélection de Président du Sénat, le 2 octobre 2017, Gérard Larcher avait obtenu 223 voix contre 79 voix à Didier Guillaume, à l’époque président du groupe socialiste au Sénat et devenu Ministre de l’Agriculture du gouvernement d’Édouard Philippe du 16 octobre 2018 au 6 juillet 2020, et 15 voix à Éliane Assassi, la présidente du groupe communiste au Sénat.

Certes, sa corpulence, son double menton, son dos un peu courbé pourraient laisser croire que le Sénat est une maison de retraite (il fut couronné "bébé Blédine" avant de savoir marcher, a écrit LCI le 1er octobre 2014 : « J’avais déjà bon appétit ! »). Mais tous ceux qui ont déjà rencontré Gérard Larcher peuvent l’attester. L’homme est un actif, à l’esprit alerte. D’ailleurs, il se répand souvent dans les médias, sa forme politique est d’autant plus haute que son parti, LR, est en perte de sens et de personnalités. Gérard Larcher, c’est le phare, c’est la référence.

Il l’a déjà prouvé, il entend que le Sénat suive aussi les évolutions du temps. Dès le 18 novembre 2008, à un mois et demi de sa première élection, Gérard Larcher a baissé ses indemnités de 30%. En 2009, il a réduit les dépenses de la Présidence du Sénat de 44,5%. Il a aussi supprimé un certain nombre de privilèges dépassés sur la rémunération, les retraites et quelques autres avantages des sénateurs (prêt à taux 0% etc.).

À 71 ans (il vient de les avoir il y a deux semaines et demi), Gérard Larcher a réussi sa mue sénatoriale. Avec ce quatrième mandat à la tête du Sénat, il bat déjà ses deux prédécesseurs, Christian Poncelet et René Monory et si la question est de savoir s’il fera comme Alain Poher, 24 ans à la tête du Sénat, ce qui cela l’amènerait à 86 ans, pas sûr que la sagesse soit d’aller jusque-là.

En tout cas, tout le monde aime Gérard Larcher car l’homme est sympathique, convivial, bon vivant et consensuel, ce n’est pas le genre à tirer à vue, à trahir, à planter des couteaux dans le dos ou à faire de la posture. Il n’est pas homme d’appareil, il est d’abord homme d’intérêt général. Même l’opposition sénatoriale lui reconnaît beaucoup de qualités car il applique très bien ce que la tradition exige théoriquement, à savoir qu’il est le Président de tous les sénateurs.

_yartiLarcherGerardD02

Ancien vétérinaire de chevaux (il a accompagné l’équipe de France aux Jeux olympiques de 1976), il est loin de l’énarchie et de la technocratie d’État. Le bon sens, pas forcément rural (c’est aussi un urbain), ne lui est pas absent. Conseiller municipal de Rambouillet depuis 1979, maire de Rambouillet de mars 1983 à mars 2014 (sauf pendant sa période gouvernementale, son premier adjoint Jean-Frédéric Poisson l’a remplacé ; Christine Boutin fut sa concurrente en 1983), conseiller régional d’Île-de-France de 1986 à 1992, il fut élu sénateur des Yvelines en septembre 1986 (à l’âge de 37 ans, à l’époque, il fallait avoir au moins 35 ans, avec le calendrier électoral, il ne pouvait pas être élu plus jeune), et fut constamment réélu jusqu’à aujourd’hui (soit trente-quatre ans déjà). Comme maire, il fut élu président de la Fédération hospitalière de France de 1997 à 2004, ce qui lui donne à double titre (cette fonction et son métier) un peu plus de compétences sur la crise sanitaire que beaucoup d’autres de ses collègues parlementaires. Le 11 avril 2008, il avait d’ailleurs remis un rapport au Président de la République sur la réforme hospitalière.

Homme accommodant, Gérard Larcher est souvent désespéré de la division de son parti. C’est le cas aujourd’hui avec LR, mais c’était le cas en 1995 au RPR. Favorable à la candidature du Premier Ministre de l’époque Édouard Balladur à l’élection présidentielle, le même jour, il pouvait présider à Rambouillet une réunion du comité de soutien à Édouard Balladur tandis que sa femme, dans une autre salle, présider une réunion du comité de soutien à Jacques Chirac !

Son esprit consensuel, son talent de négociateur, son don d’écoute, il les a pratiqués et il les a démontrés dans ses fonctions de Ministre délégué au Travail (et à l’Emploi et à l’Insertion professionnelle des jeunes) du 31 mars 2004 au 15 mai 2007 dans les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin (son concurrent pour le Plateau le 24 septembre 2008) et de Dominique de Villepin, lors du dernier mandat du Président Jacques Chirac. En revanche, il a refusé la proposition du Président Nicolas Sarkozy d’être nommé Ministre de l’Agriculture, et cela pour préparer son élection à la Présidence du Sénat.

Gérard Larcher n’a jamais rêvé d’être Président de la République, et encore moins candidat à l’élection présidentielle, mais dans son livre "Contre-pouvoir" d’entretiens avec la journaliste Marion Mourgue, sorti le 4 octobre 2019 (éditions de l’Observatoire), il y a un an, il a exprimé cependant une certaine disponibilité : « Si les événements et les circonstances politiques le décidaient, j’assumerais. ». Ajoutant aussitôt : « Ce n’est pas le rêve de ma vie, mon premier engagement, c’est le Sénat. ».

En tout cas, en ces temps agités de forte tempête, Gérard Larcher reste une référence sûre dans les institutions de la République. C’est pourquoi le deuxième personnage de l’État continuera à compter dans les mois et années à venir, notamment comme lien de dialogue entre le Président de la République Emmanuel Macron et les élus territoriaux qu’il peut prétendre représenter, au même titre que François Baroin, le président de l’Association des maires de France.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (01er octobre 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Gérard Larcher au sommet de son influence.
Sénatoriales 2020 (3) : le troisième tour.
Sénatoriales 2020 (2) : large victoire de la droite et du centre.
Les enjeux des élections sénatoriales du 27 septembre 2020.
Christian Poncelet.
Résultats des élections municipales de 2020.
Le Sénat vote le principe de la PMA pour toutes.
80 km/h : le recul irresponsable adopté par les sénateurs.
Affaire Benalla : l’attaque frontale des sénateurs.
Benalla vs Sénat : 1 partout.
Gérard Larcher réélu en 2017.
Élection du nouveau Président du Sénat (le 2 octobre 2017).
Résultats des élections sénatoriales du 24 septembre 2017.
Sénatoriales 2017 : état des lieux.
La XVe législature de la Ve République.
Les Langoliers.
Forza Francia.
La Ve République.
La campagne des élections législatives de juin 2017.
Élections sénatoriales du 28 septembre 2014.
Jean-Pierre Bel.
René Monory.
Alain Poher.

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1 octobre 2020 4 01 /10 /octobre /2020 15:44

« En France, le bicamérisme est un principe plus que bicentenaire. Il représente un instrument démocratique de modération et je ne cesse de rappeler que depuis l’instauration du quinquennat, il est le balancier stabilisateur de nos institutions. Disparités du territoire, de la démographie… la deuxième chambre joue le rôle d’une "machine" à corriger les inégalités et incarne un enrichissement pour une démocratie moderne et juste. Je suis convaincu que la représentation et la conciliation des différences, qu’elles soient territoriales, politiques, sociales ou autres, apportent de la vitalité et de la solidité à la démocratie. » (Gérard Larcher, le 11 décembre 2014, "Le Courrier du Parlement", propos recueillis par Jean-François Bège).



_yartiLarcherGerardD01

Jour de gloire pour Gérard Larcher. Ce jeudi 1er octobre 2020 à 16 heures 35, Gérard Larcher a en effet été réélu Président du Sénat pour trois ans (jusqu’en septembre 2023) par une large majorité dès le premier tour. C’est son quatrième mandat.

Prononcés par le sénateur centriste d’Arras Jean-Marie Vanlerenberghe, qui présidait la séance inaugurale en tant que doyen d’âge à 81 ans, les résultats sont les suivants : 231 voix pour Gérard Larcher, 65 voix pour Patrick Kanner (PS), 15 voix pour Éliane Assassi (PCF) et 13 voix pour Guillaume Gontard, le président du nouveau groupe écologiste du Sénat. Sur 345 sénateurs votants, 19 ont voté blanc, 2 votes sont nuls, ce qui fait 324 suffrages exprimés, donc la majorité absolue était à 163. Les 231 voix ont donc dépassé de très haut ce seuil de la majorité absolue (71,3%). Aux côtés du doyen, le nouveau benjamin du Sénat, le plus jeune des sénateurs élus de l’histoire, le sénateur socialiste Rémi Cardon, élu le 27 septembre 2020 dans la Somme, à seulement 26 ans et 4 mois (le précédent record était l’élection du maire RN de Fréjeus David Rachline en septembre 2014). Alors, le Sénat, maison de retraite ?

Ce n’était pas une surprise, les résultats des élections sénatoriales du 27 septembre 2020, qui ont vu se renforcer les groupes de sa majorité sénatoriale, ne laissaient aucun doute sur l’issue du scrutin. Pour Gérard Larcher, c’est un grand succès personnel car il a su parfaitement personnifier le Sénat et surtout les sénateurs. Dans son discours d’introduction, il a insisté sur l’utilité du Sénat, sa modernité et sa contribution au débat démocratique (j’y reviendrai).

Dans sa précédente réélection de Président du Sénat, le 2 octobre 2017, Gérard Larcher avait obtenu 223 voix contre 79 voix à Didier Guillaume, à l’époque président du groupe socialiste au Sénat et devenu Ministre de l’Agriculture du gouvernement d’Édouard Philippe du 16 octobre 2018 au 6 juillet 2020, et 15 voix à Éliane Assassi, la présidente du groupe communiste au Sénat.

Certes, sa corpulence, son double menton, son dos un peu courbé pourraient laisser croire que le Sénat est une maison de retraite (il fut couronné "bébé Blédine" avant de savoir marcher, a écrit LCI le 1er octobre 2014 : « J’avais déjà bon appétit ! »). Mais tous ceux qui ont déjà rencontré Gérard Larcher peuvent l’attester. L’homme est un actif, à l’esprit alerte. D’ailleurs, il se répand souvent dans les médias, sa forme politique est d’autant plus haute que son parti, LR, est en perte de sens et de personnalités. Gérard Larcher, c’est le phare, c’est la référence.

Il l’a déjà prouvé, il entend que le Sénat suive aussi les évolutions du temps. Dès le 18 novembre 2008, à un mois et demi de sa première élection, Gérard Larcher a baissé ses indemnités de 30%. En 2009, il a réduit les dépenses de la Présidence du Sénat de 44,5%. Il a aussi supprimé un certain nombre de privilèges dépassés sur la rémunération, les retraites et quelques autres avantages des sénateurs (prêt à taux 0% etc.).

À 71 ans (il vient de les avoir il y a deux semaines et demi), Gérard Larcher a réussi sa mue sénatoriale. Avec ce quatrième mandat à la tête du Sénat, il bat déjà ses deux prédécesseurs, Christian Poncelet et René Monory et si la question est de savoir s’il fera comme Alain Poher, 24 ans à la tête du Sénat, ce qui cela l’amènerait à 86 ans, pas sûr que la sagesse soit d’aller jusque-là.

En tout cas, tout le monde aime Gérard Larcher car l’homme est sympathique, convivial, bon vivant et consensuel, ce n’est pas le genre à tirer à vue, à trahir, à planter des couteaux dans le dos ou à faire de la posture. Il n’est pas homme d’appareil, il est d’abord homme d’intérêt général. Même l’opposition sénatoriale lui reconnaît beaucoup de qualités car il applique très bien ce que la tradition exige théoriquement, à savoir qu’il est le Président de tous les sénateurs.

_yartiLarcherGerardD02

Ancien vétérinaire de chevaux (il a accompagné l’équipe de France aux Jeux olympiques de 1976), il est loin de l’énarchie et de la technocratie d’État. Le bon sens, pas forcément rural (c’est aussi un urbain), ne lui est pas absent. Conseiller municipal de Rambouillet depuis 1979, maire de Rambouillet de mars 1983 à mars 2014 (sauf pendant sa période gouvernementale, son premier adjoint Jean-Frédéric Poisson l’a remplacé ; Christine Boutin fut sa concurrente en 1983), conseiller régional d’Île-de-France de 1986 à 1992, il fut élu sénateur des Yvelines en septembre 1986 (à l’âge de 37 ans, à l’époque, il fallait avoir au moins 35 ans, avec le calendrier électoral, il ne pouvait pas être élu plus jeune), et fut constamment réélu jusqu’à aujourd’hui (soit trente-quatre ans déjà). Comme maire, il fut élu président de la Fédération hospitalière de France de 1997 à 2004, ce qui lui donne à double titre (cette fonction et son métier) un peu plus de compétences sur la crise sanitaire que beaucoup d’autres de ses collègues parlementaires. Le 11 avril 2008, il avait d’ailleurs remis un rapport au Président de la République sur la réforme hospitalière.

Homme accommodant, Gérard Larcher est souvent désespéré de la division de son parti. C’est le cas aujourd’hui avec LR, mais c’était le cas en 1995 au RPR. Favorable à la candidature du Premier Ministre de l’époque Édouard Balladur à l’élection présidentielle, le même jour, il pouvait présider à Rambouillet une réunion du comité de soutien à Édouard Balladur tandis que sa femme, dans une autre salle, présider une réunion du comité de soutien à Jacques Chirac !

Son esprit consensuel, son talent de négociateur, son don d’écoute, il les a pratiqués et il les a démontrés dans ses fonctions de Ministre délégué au Travail (et à l’Emploi et à l’Insertion professionnelle des jeunes) du 31 mars 2004 au 15 mai 2007 dans les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin (son concurrent pour le Plateau le 24 septembre 2008) et de Dominique de Villepin, lors du dernier mandat du Président Jacques Chirac. En revanche, il a refusé la proposition du Président Nicolas Sarkozy d’être nommé Ministre de l’Agriculture, et cela pour préparer son élection à la Présidence du Sénat.

Gérard Larcher n’a jamais rêvé d’être Président de la République, et encore moins candidat à l’élection présidentielle, mais dans son livre "Contre-pouvoir" d’entretiens avec la journaliste Marion Mourgue, sorti le 4 octobre 2019 (éditions de l’Observatoire), il y a un an, il a exprimé cependant une certaine disponibilité : « Si les événements et les circonstances politiques le décidaient, j’assumerais. ». Ajoutant aussitôt : « Ce n’est pas le rêve de ma vie, mon premier engagement, c’est le Sénat. ».

En tout cas, en ces temps agités de forte tempête, Gérard Larcher reste une référence sûre dans les institutions de la République. C’est pourquoi le deuxième personnage de l’État continuera à compter dans les mois et années à venir, notamment comme lien de dialogue entre le Président de la République Emmanuel Macron et les élus territoriaux qu’il peut prétendre représenter, au même titre que François Baroin, le président de l’Association des maires de France.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (01er octobre 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Gérard Larcher au sommet de son influence.
Sénatoriales 2020 (3) : le troisième tour.
Sénatoriales 2020 (2) : large victoire de la droite et du centre.
Les enjeux des élections sénatoriales du 27 septembre 2020.
Christian Poncelet.
Résultats des élections municipales de 2020.
Le Sénat vote le principe de la PMA pour toutes.
80 km/h : le recul irresponsable adopté par les sénateurs.
Affaire Benalla : l’attaque frontale des sénateurs.
Benalla vs Sénat : 1 partout.
Gérard Larcher réélu en 2017.
Élection du nouveau Président du Sénat (le 2 octobre 2017).
Résultats des élections sénatoriales du 24 septembre 2017.
Sénatoriales 2017 : état des lieux.
La XVe législature de la Ve République.
Les Langoliers.
Forza Francia.
La Ve République.
La campagne des élections législatives de juin 2017.
Élections sénatoriales du 28 septembre 2014.
Jean-Pierre Bel.
René Monory.
Alain Poher.

_yartiLarcherGerardD03



https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20201001-gerard-larcher.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/gerard-larcher-au-sommet-de-son-227515

https://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/09/30/38563194.html









 

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21 septembre 2020 1 21 /09 /septembre /2020 03:53

« Les sénateurs multiplient les offensives pour contrer les réformes visant à modifier les statuts du Sénat. Moins d’une dizaine de jours après la plainte qu’ils ont déposée (…) pour l’adoption de ce projet de loi controversé à l’Assemblée nationale, les voilà en train de demander l’annulation du décret de convocation des grands électeurs pour les sénatoriales (…). Une délégation de sénateurs (…) a déposé hier un recours (…). Ces sénateurs dénoncent cette fois-ci un décret illégal. » (17 septembre 2020).



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Le titre surprenant et les quelques phrases introduisent un article de …"Madagascar-Tribune" publié par R. Mandimbisoa le 17 septembre 2020 et qui concerne les élections sénatoriales à Madagascar prévues le 11 décembre 2020. Situation politique tendue à Madagascar puisque le Président Andry Rajoelina s’est permis de réformer les institutions par voie de simples ordonnances qui n’ont même pas été ratifiées par les parlementaires dans les délais. J’évoque ces élections sénatoriales malgaches juste pour rappeler que la France n’est pas seule au monde. Mon introduction est un peu provocatrice car mon article veut en fait évoquer les élections sénatoriales françaises qui ont lieu dans quelques jours, le dimanche 27 septembre 2020, et la campagne électorale ne bénéficie que d’un très faible écho médiatique.

Pourtant, le Sénat, en France, est une instance importante et au contraire de l’Assemblée Nationale, ce n’est pas une chambre d’enregistrement. La manière très territorialisée de désigner les sénateurs, leur longévité, leur sagesse qui les décale de l’actualité survoltée et leurs couloirs feutrés ont toujours donné une valeur ajoutée au rôle du Parlement, dans la construction des lois, mais aussi dans le contrôle sur le gouvernement.

Le Président du Sénat Gérard Larcher, candidat à sa reconduction et très apprécié de tous les sénateurs, pas seulement de la majorité sénatoriale, a d’ailleurs une formule choc pour résumer l’état d’esprit du Sénat : « Le Sénat ne dit jamais oui par discipline et non par dogmatisme. ». Et c’est vrai que c’est précieux d’éviter de réagir par posture politicienne ou idéologique, et de simplement rechercher, sincèrement parfois de manière étonnante, l’intérêt général.

On l’a vu dans l’affaire Benalla où la commission d’enquête du Sénat a fait beaucoup plus d’investigations et a été beaucoup plus utile que celle de l’Assemblée Nationale. On verra d’ailleurs dans quelques semaines ou quelques mois, on pourra faire la comparaison entre la commission d’enquête de l’Assemblée Nationale et celle du Sénat sur la gestion de la crise du covid-19 (qui n’est pas encore terminée).

Dans l’élaboration de la loi, tout ce qui relève du long terme a montré les atouts du Sénat, qui fut à l’origine des premières lois de bioéthiques (notamment avec le sénateur de Nancy Claude Huriet). Les sénateurs, capables de plus d’indépendance vis-à-vis des états-majors partisans, ont pu améliorer de nombreuses lois, ne se frottant pas aux diktats des chefs de partis, ont supprimé des dispositions très clivantes et contestées (par exemple les tests ADN pour les candidats à l’immigration), etc. Même si, parfois, leurs propositions ne sont pas prises en compte puisque, à part dans le cadre des révisions constitutionnelles et quelques autres exceptions, l’Assemblée Nationale garde toujours le mot de la fin.

Les sénateurs sont aussi très présents dans la vie de la société, ce qu’on pourrait appeler la "vie réelle", ou "forces vives", en organisant des journées spécifiques pour les chercheurs, pour les apprentis, pour les entreprises innovantes, etc.

Les sénateurs ont le temps de réfléchir, et il est faux de dire que le Sénat est une maison de retraite. Il suffit, pour donner un exemple, de demander à la conseillère régionale communiste de Rhône-Alpes depuis 2004, élue sénatrice de la Loire en 2011 à l’âge de 35 ans (réélue en 2017) et qui est loin d’être personne âgée agonisante et inactive ! Ou encore demander à Loïc Hervé, ancien maire UDI de Marnaz (élu pour la première fois à 28 ans), et élu sénateur de Haute-Savoie en 2014 à l’âge de 34 ans (il espère être réélu), par ailleurs capitaine de corvette de réserve dans la Marine nationale, qui n’est pas non plus un vieillard croulant.

Avec ce temps long, les sénateurs évitent de tomber dans l’émotionnel en pleine accélération des événements d’actualité. Cela ne les a pas exonérés de réformes internes et d’adaptation à cette accélération : sous l’impulsion de Christian Poncelet et du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, les sénateurs se sont réformés eux-mêmes. Ils ont ainsi réduit la durée de leur mandat de neuf ans (beaucoup trop long maintenant) à six ans.

Ils ont aussi renforcé leur représentativité dans les départements (avec plus de proportionnelle), et le Sénat a montré qu’il savait être représentatif du paysage politique : longtemps fief des partis centristes et radicaux, il a déjà eu une majorité gaulliste (depuis 1998) et même socialiste (entre 2011 et 2014), ce qui signifie que tous les partis peuvent, un jour, espérer conquérir la majorité sénatoriale, mais celle-ci ne sera jamais monolithique car cette majorité n’a jamais été autrement qu’une coalition de plusieurs partis ou groupes politiques, au contraire de ce qui se passe à l’Assemblée Nationale.

L’élection au suffrage universel indirect des sénateurs a l’avantage de leur faire représenter non seulement la population (ce qui est plus le rôle des députés) mais aussi les territoires. En effet, les sénateurs sont élus par les parlementaires, les conseillers régionaux et départementaux, mais surtout, pour 95% de leurs grands électeurs, par les délégués des conseils municipaux des 35 416 communes. C’est pourquoi il fallait absolument organiser les élections municipales avant les élections sénatoriales, afin d’être représentatives de l’évolution des territoires en 2020, et il y en a eu, notamment sur le front de l’écologie politique et des grandes villes. Par ailleurs, le suffrage universel indirect réduit les tentations démagogiques, puisque les grands électeurs sont souvent des personnes qui connaissent déjà les dossiers locaux et qui savent qu’il n’y a jamais de solution simple à des problèmes complexes.

En tout, 348 sénateurs siègent au Sénat, et 172 sièges sont renouvelables le 27 septembre 2020 (les départements du début et de la fin de la liste alphabétique, hors départements franciliens). Les autres sièges ont été renouvelés le 24 septembre 2017 et seront remis en jeu en septembre 2023. 6 autres sièges auraient dû être renouvelés en 2017, ceux des sénateurs représentant les Français établis hors de France, mais le report des élections consulaires pour cause de crise du covid-19 a fait repousser l’élection de ces 6 sénateurs à 2021.

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Actuellement, issu des élections sénatoriales du 24 septembre 2017, le Sénat est composé de sept groupes politiques : le groupe LR présidé par Bruno Retailleau, actuellement candidat à la candidature LR à l’élection présidentielle de 2022, qui est le groupe le plus important avec 144 sièges (dont 76 renouvelables) ; le groupe socialiste présidé par l’ancien ministre Patrick Kanner, avec 71 sièges (dont 35 renouvelables) ; le groupe Union centriste (UC, notamment l’UDI, mais aussi MoDem, sur ce dernier point, sous réserve que je ne me trompe pas !) présidé par Hervé Marseille, avec 51 sièges (dont 24 renouvelables) ; le groupe RDSE (Rassemblement démocratique, social et européen, notamment les radicaux) présidé par Jean-Claude Requier, avec 24 sièges (dont 14 renouvelables) ; le groupe LREM présidé par François Patriat, avec 23 sièges (dont 10 renouvelables) ; le groupe communiste présidé par Éliane Assassi, avec 16 sièges (dont seulement 3 renouvelables) et le groupe LIRT (Les Indépendants  et République et Territoires) présidé par Claude Malhuret, avec 13 sièges (dont 6 renouvelables). Ce dernier groupe était issu de LR mais Macron-compmatible. Parmi les 6 sénateurs sans appartenance à un groupe, il y a deux sénateurs issus des listes FN de 2014 qui sont renouvelables.

L’un des principaux enjeux de ces élections sénatoriales, c’est de savoir si la majorité sénatoriale sera reconduite ou pas. Ce scrutin dépend beaucoup des résultats des dernières élections municipales où LR et le centre droit ont maintenu leurs positions sauf dans quelques grandes villes. La majorité sénatoriale sortante était confortable, au moins 208 sièges (sans compter certains élus du groupe RDSE), pour une majorité absolue de 175. Il y a donc peu de chance, avec les résultats des municipales, qu’il y ait un grand bouleversement, d’autant plus que Gérard Larcher mène une campagne très active dans toute la France.

Il y a aussi deux autres enjeux : le parti présidentiel et les écologistes.

LREM n’a pas réussi à conquérir les "territoires", ni aux sénatoriales de 2017 (au moyen de transfuges du PS ou de LR), ni aux municipales de 2020. Il y a donc peu d’incertitude à ce sujet, les sénateurs LREM devraient rester un groupe assez peu nombreux et ne pas avoir plus d’influence qu’auparavant, ce qui, pour le Président Emmanuel Macron, lui empêche toute initiative vraiment sérieuse de révision constitutionnelle (le Sénat, comme contre-pouvoir, est donc une instance indispensable dans une démocratie équilibrée qui ne doit pas permettre à un seul homme de faire tout ce qu’il veut, comme c’est le cas, par exemple, à Madagascar, voir plus haut).

Plus intéressante sera surtout la connexion entre les sénateurs LREM et les sénateurs de la majorité sénatoriale sortante (LR, UC, LITR, etc.). Il y a des espaces de coopération évidents entre LR et alliés et LREM au Sénat. Intéressant par exemple, l’ancien Premier Ministre Édouard Philippe, issu de LR mais ancien chef de la majorité LREM, fait actuellement campagne, aussi en tant que maire du Havre, pour soutenir des candidats aussi bien de la majorité sénatoriale que de la majorité présidentielle (comme Sébastien Lecornu, actuel membre du gouvernement).

Son appel au rassemblement du 16 septembre 2020 à Octeville-sur-Mer n’est d’ailleurs pas passé inaperçu des observateurs avisés de la vie politique nationale : « Je suis assez insensible aux logiques partisanes. Je pense que les gens votent pour les conseillers départementaux, les maires, les sénateurs pour ce qu’ils connaissent de la personne, par adhésion à la personne, à ce qu’elle fait, à ce qu’elle comprend (…). Plutôt qu’aux logiques partisanes, intéressons-nous aux femmes, aux hommes, aux projets, à la méthode, aux valeurs, à ce pour quoi vous voulez vous battre. Le dépassement, le sens de l’État, le sens de la France, devraient pouvoir plus sûrement qu’une boussole partisane nous dire comment travailler ensemble. ».

Le troisième enjeu, qui, à mon sens, est la seule vraie inconnue, c’est le résultat des écologistes à ce scrutin très particulier. En juin 2017, les écologistes avaient perdu leur groupe qu’il avait pu former en janvier 2012 et qui était présidé par Jean-Vincent Placé (en juin 2017, un sénateur EELV a rejoint le groupe LREM, faisant passer le nombre de sénateurs EELV à neuf, soit en dessous du seuil requis pour créer un groupe). Le scrutin du 24 septembre 2017 n’a pas permis de recréer ce groupe.

La conquête de grandes métropoles (notamment Lyon, Strasbourg, Bordeaux, etc.) devrait avoir une traduction sur le scrutin sénatorial, d’autant plus que ces métropoles sont situées, pour la plupart (hasard du calendrier), dans des départements renouvelables (ce qui n’est pas le cas de Grenoble). Actuellement, il n’y a que cinq sénateurs écologistes sortants et la sénatrice EELV du Val-de-Marne Esther Benbassa espère bien que les écologistes pourront reformer un groupe politique (il faut dix sièges) et aussi, elle souhaite le présider !

Les dirigeants EELV comptent raisonnablement conquérir un siège en Gironde, dans le Rhône, dans le Bas-Rhin, en Haute-Savoie et en Ille-et-Vilaine. Le problème pour eux, c’est que la conquête des métropoles ne s’est jamais faite sans coalition avec des mouvements de gauche, et donc, la "distribution" des délégués de ces grandes villes va donner des résultats peu prévisibles, d’autant plus que EELV n’a pas gagné de banlieues dans les grandes agglomérations et que l’attitude doctrinaire récente des nouveaux maires écologistes pourrait rebuter plus d’un grand électeur.

Enfin, je rajoute un quatrième enjeu : le RN. En 2014, le FN avait créé la surprise en gagnant deux sièges de sénateurs, Stéphane Ravier, maire du 7e secteur à Marseille, dans les Bouches-du-Rhône, qui devrait probablement être réélu, et David Rachline, maire de Fréjus, dans le Var, qui, en raison de la loi sur le cumul des mandats, a démissionné de son mandat de sénateur. Sa successeure en octobre 2017 comme sénatrice du Var est Claudine Kauffmann qui fut exclu du FN en 2018 en raison de ses positions très extrêmistes (sur les migrants, etc.), si bien …qu’elle a adhéré en 2019 à Debout la France ! de Nicolas Dupont-Aignan (qui, donc, récupère les trop extrémistes du RN !). Il y a peu de doute qu’elle ne sera pas réélue et le maintien d’un siège RN dans le Var n’est même pas certain (la personnalité de David Rachline avait beaucoup contribué à son élection en 2014).

Plus généralement, à l’exception de Perpignan, en Pyrénées-Orientales, le RN a fait des scores assez médiocres aux dernières municipales et le scrutin des sénatoriales devrait le refléter (notons que le département de Pyrénées-Orientales n’est pas renouvelable en 2020, la conquête d’un siège RN au Sénat dans ce département pourrait avoir lieu seulement en 2023, ou pas, en tout cas, pas avant 2023).

Sur le plan des personnalités, précisons enfin que les sénateurs sortants Claude Malhuret, Dominique Estrosi Sassone, Jean-Noël Guérini, Stéphane Ravier, François Patriat, Alain Houpert, Ladislas Poniatowski, Nicole Duranton, Hervé Maurey, Alain Cazabonne, Nathalie Delattre, Jean-Pierre Grand, François-Noël Buffet, Alain Joyandet, Loïc Hervé, Catherine Morin-Desailly, Claudine Kauffmann, Alain Milon, Bruno Retailleau, Daniel Gremillet, entre autres, sont candidats à leur réélection, tandis que Yves Daudigny, Philippe Adnot, Bruno Gilles, Bernard Cazeau, Jean-Marie Bockel, Jean-Pierre Vial, Jérôme Bignon, Yvon Collin et Alain Fouché, notamment, ne se représentent pas et quittent le Sénat.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (20 septembre 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les enjeux des élections sénatoriales du 27 septembre 2020.
Christian Poncelet.
Résultats des élections municipales de 2020.
Le Sénat vote le principe de la PMA pour toutes.
80 km/h : le recul irresponsable adopté par les sénateurs.
Affaire Benalla : l’attaque frontale des sénateurs.
Benalla vs Sénat : 1 partout.
Gérard Larcher.
Élection du nouveau Président du Sénat (le 2 octobre 2017).
Résultats des élections sénatoriales du 24 septembre 2017.
Sénatoriales 2017 : état des lieux.
La XVe législature de la Ve République.
Les Langoliers.
Forza Francia.
La Ve République.
La campagne des élections législatives de juin 2017.
Élections sénatoriales du 28 septembre 2014.
Jean-Pierre Bel.
René Monory.
Alain Poher.

_yartiSenat2017BE03



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https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/les-senateurs-exigent-l-annulation-227231

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