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11 juillet 2008 5 11 /07 /juillet /2008 08:53

Après l’Assemblée Nationale le 3 juin 2008, le Sénat a adopté un texte modifié de la réforme des institutions le 24 juin 2008. Retour sur les différences concernant les droits des citoyens.


Suite des articles précédents (1/3) et (2/3).


IV. Dispositions concernant le pouvoir des citoyens

IV.1. Les reculs du Sénat

bf. Le référendum improbable usine à gaz d’initiative populaire et parlementaire échafaudé par les députés (nécessité d’un cinquième des parlementaires et d’un dixième des électeurs inscrits !) est encore plus insignifiant maintenant que les sénateurs ont rajouté un seuil de participation nécessaire pour que la consultation soit valable : « La proposition de loi soumise à référendum est adoptée sous réserve d’un seuil de participation des électeurs fixé par la loi organique. ». Non seulement ce seuil reste encore un mystère (50% des inscrits ? 25% ? 75% ? le gouvernement n’en dit rien) puisque fixé par une loi organique ultérieure, mais avec de tels bâtons dans les roues, jamais le quinquennat n’aurait été adopté. Ce seuil n’existant pas pour les autres référendums, cette hétérogénéité juridique est donc fort étonnante.

bg. Dans un article nouveau, le Sénat veut que le Conseil Constitutionnel s’appelle désormais Cour Constitutionnelle. Si cette appellation (‘cour’) semblerait plus en adéquation avec les missions du Conseil Constitutionnel, il n’en reste pas moins que cette institution, très novatrice lors de sa création en 1958 puisqu’elle représente un cran supérieur dans les juridictions, a acquis, au fil des aléas politiques, sa reconnaissance et son indépendance que le changement d’appellation pourrait remettre en cause. Pour quel intérêt ? Un caprice sénatorial de sémantique ? Un article tellement navrant que les sénateurs eux-mêmes ne l’ont même pas suivi lorsqu’ils ont rédigé l’article 26 du projet de loi constitutionnelle en reprenant l’actuelle appellation du Conseil Constitutionnel (ce qui est juridiquement compréhensible, puisqu’en cas de rejet de l’amendement, il vaut mieux éviter de recorriger les autres articles).

bh. Un recul dans les droits des citoyens à propos du Conseil Supérieur de la Magistrature. Les députés, fort audacieusement, concluaient l’article le concernant sur la nécessité d’une loi organique qui organise tout ça et qui « définit également les conditions dans lesquelles le Conseil Supérieur de la Magistrature peut être saisi par un justiciable ». Une audace sans doute trop folle pour les sénateurs qui ont supprimé carrément ce type de recours pour un simple justiciable.

bi. Alors que Jacques Chirac avait rendu obligatoire le 1er mars 2005 un référendum pour toute adhésion d’un nouvel État à l’Union Européenne, les sénateurs sont revenus à la volonté de Nicolas Sarkozy de supprimer cette obligation. Entre temps, les députés avaient réussi à adopter une disposition obligeant ce référendum si ce nouvel État représentait plus de 5% de la population de l’Union Européenne, une mesure spécifiquement axé sur la Turquie et l’Ukraine. Désormais, retour du yoyo, pas de référendum obligatoire, procédure classique avec la ratification par référendum ou par le Parlement réuni en Congrès. Cette disposition ne serait pas « applicable aux adhésions faisant suite à une conférence intergouvernementale dont la convocation a été décidée par le Conseil européen avant le 1er juillet 2004 » (l’obligation non plus n’était pas applicable à ces adhésions).

IV.2. Les avancées du Sénat

bj. Les langues régionales considérées comme un patrimoine sont retirées du texte. Imposée par des députés par négociation pour accepter d’autres mesures, cette disposition n’avait pas sa place de le texte.

bk. Pour compenser ce retrait, les sénateurs ont introduit constitutionnellement la francophonie considérée comme « un espace de solidarité ayant le français en partage, au service de la diversité culturelle et linguistique, de la paix, de la démocratie et du développement. ».

bl. Au lieu de rajouter un alinéa sur le rôle du Parlement, les sénateurs rajoutent en tête de la Constitution de façon plus synthétique l’égal accès des hommes et des femmes aux responsabilités professionnelles et sociales (jusqu’à maintenant, uniquement « aux mandats électoraux et fonctions électives », laïus sur la parité voulu par Jacques Chirac et Lionel Jospin le 8 juillet 1999).

bm. Le Sénat introduit aussi le principe sain du pluralisme et de l’indépendance des médias.

bn. Par ailleurs, la saisine automatique du Conseil Constitutionnel pour les lois organique et les règlements des assemblées serait renforcée en y incluant désormais les propositions de loi au sens de l’article 11 (modifié) de la Constitution avant d’être soumises au référendum. C’est une très grande avancée dans la mesure où le Conseil Constitutionnel pourrait bloquer, avant un référendum (dont l’issue ne serait donc pas connue), toute proposition anticonstitutionnelle qui pourrait être populaire (l’exemple qui vient à l’esprit est le rétablissement de la peine de mort, anticonstitutionnel mais qui pourrait recueillir une majorité populaire lors d’un éventuel référendum). Cette mesure (que j’espère retenue dans le texte final) serait un garant des excès démagogiques et populistes que pourrait montrer un référendum.

bo. L’article introduisant le Défenseur des droits (et plus « Défenseur des droits des citoyens ») est mieux structuré en commençant plus explicitement par sa mission principale : « Le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés etc. ». De plus, grâce aux sénateurs, il doit rendre compte de son activité non seulement au Président de la République qui l’a nommé mais aussi au Parlement. En revanche, rien n’est fait pour rassurer les craintes de sabordage de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) ni de celui du Médiateur de la République qui est, en quelques sortes, l’ancêtre de ce nouveau Défenseur.

bp. Pour un projet ou proposition de révision constitutionnelle, le Sénat rajoute la même obligation de délai pour l’étude du projet dans chaque assemblée que pour un projet ou proposition de loi ordinaire (huit semaines pour la première assemblée, cinq pour la seconde). Cela permet de prendre le temps de la réflexion.


V. Autres modifications

bq. Des modifications sémantiques sans intérêt comme : « Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. » au lieu de : « Des lois de programmation définissent les orientations pluriannuelles des finances publiques. ». Quel intérêt de passer à la forme passive ? Il faut le demander aux sénateurs.

br. Dans les articles 16, 19 et 20 du projet de loi constitutionnel, les sénateurs se mélangent les pinceaux entre une « situation urgente » et « une procédure accélérée », intervertissant ces expressions par rapport au texte voté par les députés (le texte gouvernemental ne parlait que d’une « urgence »). Pour quel intérêt ?

bs. Pour la déclaration d’inconstitutionnalité a posteriori de lois déjà promulguées, le Sénat retire « réserves » à la loi organique chargée de régler les désormais seules conditions pratiques du dispositif.

bt. La composition du Conseil Supérieur de la Magistrature est sérieusement remaniée par les sénateurs, par la nomination de six (au lieu de cinq) personnalités qualifiées nommées uniquement par le Président de la République et les présidents des deux assemblées (avant : aussi par le Président du Conseil Économique et Social et le Défenseur des droits des citoyens) et il faut qu’elles n’appartiennent pas non plus à « l’ordre administratif » (donc, pas fonctionnaire ?). Cette sixième personnalité remplace le professeur des universités introduit par les députés. En fait, c’est le dispositif proposé initialement par le Gouvernement.

bu. Le Sénat introduit la spécificité de quelques îles supplémentaires dans les territoires français : Saint-Barthélémy, Saint-Martin (toutes les deux représentées bientôt par un sénateur et déjà citées par les députés, oubliées par le Gouvernement) ainsi que l’île de Clipperton et permet de faire des adaptations non seulement par la loi mais aussi par décret.


VI. Ce n’est pas fini.

Tous ces changements ne sont pas encore finalisés.

Le texte fait en effet un second passage par l’Assemblée Nationale qui devrait l’adopter ce 10 juillet 2008, puis repassera au Sénat du 15 au 17 juillet 2008 sans en changer un seul mot afin qu’il puisse être adopté en termes identiques. Puis, le Congrès se réunira à Versailles le 21 juillet 2008.


Gageons que la nouvelle version adoptée par les députés soit encore profondément remaniée. À suivre, donc…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (11 juillet 2008)


Pour aller plus loin :

Constitution du 4 octobre 1958.

Texte adopté au Conseil des Ministres du 23 avril 2008.

Texte adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale le 3 juin 2008.

Rapport n°387 de Jean-Jacques Hyest du 11 juin 2008.

Avis n°388 de Josselin de Rohan du 11 juin 2008.

Texte adopté en première lecture par le Sénat le 24 juin 2008.

Autres articles sur la réforme des institutions.





http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=42117

http://fr.news.yahoo.com/agoravox/20080715/tot-reforme-des-institutions-votee-par-l-89f340e.html




http://www.lepost.fr/article/2008/07/17/1225818_reforme-des-institutions-votee-par-le-senat-3-3-sur-les-droits-des-citoyens.html


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11 juillet 2008 5 11 /07 /juillet /2008 08:51

Après l’Assemblée Nationale le 3 juin 2008, le Sénat a adopté un texte modifié de la réforme des institutions le 24 juin 2008. Retour sur les différences concernant le pouvoir législatif.


Suite de l’article précédent (1/3).

III. Dispositions concernant le pouvoir législatif

III.1. Les reculs du Sénat

ai. Les sénateurs ont retiré le principe que le Sénat doit tenir compte de la population des collectivités territoriales de la République qu’il représente. Contrairement à la volonté initiale du Gouvernement. C’est la traduction claire des sénateurs de refuser d’être élus avec une plus grande composante de la population (les ruraux étant actuellement surreprésentés au détriment des urbains). Sans doute la raison majeure qui fera voter la gauche contre ce projet de loi constitutionnelle.

aj. Une grande reculade dans une meilleure transparence des travaux parlementaires, c’est la suppression du principe des auditions publiques procédées par les commissions parlementaires, rajouté par les députés. Rendre a priori publiques les auditions (sauf nécessité motivée), c’était donner aux commissions parlementaires un rôle plus solide face au Gouvernement (s’il s’agit d’auditions de membres du Gouvernement).

ak. Il est regrettable que les sénateurs aient supprimé la disposition qui permettait de faire étudier une proposition de loi (émanant des parlementaires) par le Conseil d’État (aujourd’hui, seuls les projets de loi, d’initiative gouvernementale donc, sont soumis pour avis au Conseil d’État). Cela aurait professionnalisé l’apport des parlementaires (exemple : l’amendement Mariani pour la loi Hortefeux sur les tests ADN, ‘retoqué’ par le Conseil Constitutionnels).

al. Autre reculade faite par les sénateurs, la suppression de la disposition, pourtant admise par le Gouvernement et approuvée par les députés en première lecture, selon laquelle non seulement le Gouvernement mais le Président d’une assemblée pourrait opposer l’irrecevabilité d’une proposition de loi ou d’un amendement. Cela aurait donné un pouvoir plus important aux assemblées qu’il aurait fallu même étendre aux projets de loi.

am. Quant à l’ordre du jour des assemblées, le Sénat fait un amer retour en arrière : il supprime tout bonnement la semaine de séance sur quatre réservée au contrôle de l’action du Gouvernement et à l’évaluation des comptes publics. Par ailleurs, les sénateurs réservent deux semaines de séance sur trois à l’examen des textes voulus par le Gouvernement (au lieu de deux semaines sur quatre pour le texte voté par les députés).

an. Sur les pseudo-droits de l’opposition : toujours en oubliant le principe de l’égalité des parlementaires face aux citoyens (n’ayant pas de mandat impératif) comme l’avaient aussi oublié Gouvernement et députés, les sénateurs modifient la définition des groupes pour justifier une différence de traitement. Ainsi, le nouveau texte « reconnaît des droits spécifiques aux groupes d’opposition de l’assemblée intéressée ainsi qu’aux groupes minoritaires. ». Le règlement de chaque assemblée devrait ainsi en tenir compte. Ce qui est, comme je l’avais déjà écrit précédemment, stupide car un groupe peut refuser l’alternative majorité/opposition, ne votant les textes que par rapport à sa propre vision des choses. Un groupe peut aussi changer et passer de la majorité à l’opposition ou inversement. Enfin, un groupe peut être minoritaire mais soutenir la majorité, alors quel est l’intérêt de lui donner des droits spécifiques ?

ao. Le Sénat a supprimé le recours devant la Cour de justice de l’Union Européenne d’une assemblée à la demande de soixante députés ou de soixante sénateurs contre un acte législatif européen qui violerait le principe de subsidiarité. Cette suppression est très dommage car cela enlève aux parlementaires français toute possibilité de contester la compétence européenne pour des sujets qui pourraient être traités à l’échelle nationale.

III.2. Les avancées du Sénat

ap. La rédaction des missions du Parlement a aussi été améliorée par les sénateurs. Désormais, « Le Parlement vote la loi. Il en mesure les effets. Il contrôle l’action du Gouvernement et évalue les politiques publiques. ». Dans le texte des députés, le Parlement ne faisait que concourir à évaluer les politiques publiques, ce qui implicitement aurait donné à la Cour des Comptes un pouvoir qui n’aurait pas eu de légitimité populaire.

aq. Par ailleurs, la limitation du nombre de parlementaires n’est plus portée sur les seuls députés (577 maxi) mais aussi sur les sénateurs (348 maxi), ce qui permet d’arrêter l’inflation du nombre de sénateurs ces dernières années (passant actuellement de 331 en 2008 à 348 en 2011). Une mesure saine (les assemblées pléthoriques ont toujours été impuissantes), mais qui rendrait plus ardue toute modification ultérieure de mode de scrutin pour les élections sénatoriales.

ar. Et justement, concernant la commission indépendante qui s’occuperait du redécoupage électoral, le Sénat a rectifié une erreur de rédaction de l’Assemblée Nationale qui évoquait des textes « délimitant les circonscriptions pour l’élection des députés et des sénateurs ou répartissant les sièges entre elles », ce qui n’était pas très adapté aux sénateurs qui, eux, dans tous les cas, sont élus dans le cadre du département, que ce soit à la proportionnelle ou au scrutin majoritaire. Les sénateurs ont ainsi corrigé en parlant des textes « délimitant les circonscriptions pour l’élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs ». Ce qui exclut donc de pouvoir faire élire, comme certains le proposent par exemple, les sénateurs dans le cadre d’une proportionnelle à l’échelon national (façon ancien mode de scrutin pour les élections européennes avant 2000).

as. Une grande avancée des sénateurs, c’est le retrait d’un amendement voulu par les députés et qui introduisait le principe odieux de rétroactivité de la loi. En effet, les sénateurs ont supprimé cette phrase : « Sauf motif déterminant d’intérêt général, la loi ne dispose que pour l’avenir. ». On imagine aisément que cette disposition avait pour but de rendre rétroactive la loi sur la rétention de sûreté, une loi que les sénateurs avaient moins appréciée que les députés, d’ailleurs.

at. Les sénateurs ont rajouté dans les compétences de la loi toutes les mesures fiscales et de cotisations sociales.

au. Le Sénat reprend la possibilité aux parlementaires de voter des résolutions qui avait été supprimée du projet initial par les députés. Il impose une loi organique pour cette disposition (le Gouvernement prévoyait seulement le règlement intérieur) et rajoute même une réserve favorable au Gouvernement : « Sont irrecevables les propositions de résolution mettant en cause, directement ou indirectement, la responsabilité du Gouvernement. ».

av. Le Sénat a rallongé le délai entre le dépôt et la discussion en séance d’un projet ou proposition de loi à huit semaines pour la première assemblée saisie, puis à cinq semaines pour la seconde assemblée (à compter de sa transmission). Les délais adoptés par l’Assemblée Nationale étaient respectivement de six et trois semaines et les délais présentés par le Gouvernement respectivement d’un mois et de quinze jours ! L’augmentation du délai permettrait une meilleure étude des projets et propositions de loi par le législateur, des auditions supplémentaires des personnalités qualifiées, et un meilleur recul face à des événements circonstanciels (enlèvement d’enfant, affaire Sébire etc.). Cela va évidemment à l’encontre de cette mode d’accélérer les réformes et de faire des lois tout azimut.

aw. Autre point positif rajouté par le Sénat, la constitution de commissions parlementaires spéciales pour étudier un projet ou proposition de loi, à la demande du Gouvernement ou de l’assemblée saisie. Au-delà des huit commissions permanentes (six actuellement), chaque assemblée se voit donc grossir sa boîte à outils pour étudier les textes. Ces commissions devraient remplacer ces commissions ad hoc nommées arbitrairement par le Président de la République depuis un an (Comité Balladur, Commission Attali etc.).

ax. Belle amélioration par rapport au texte précédent, les sénateurs ont replacé le droit d’amendement dans la seule compétence du règlement de chaque assemblée alors que le Gouvernement et les députés voulaient qu’il soit du ressort d’une loi organique (donc, il y avait un risque de limiter gravement le droit d’amendement par le Gouvernement). La nouvelle phrase stipule donc : « Ce droit s’exerce en séance ou en commission. Le règlement de chaque assemblée fixe les conditions dans lesquelles s’exerce le droit d’amendement de ses membres. » au lieu de : « Ce droit s’exerce en séance ou en commission selon les conditions et limites fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminée par une loi organique. ».

ay. Provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire réunissant députés et sénateurs en cas de désaccord entre les deux assemblées (en seconde lecture, ou en première lecture en cas d’urgence déclarée), ce n’était possible jusqu’à maintenant que par le Premier Ministre. Les députés ont permis que cela le soit aussi possible par le Président de l’assemblée dont émane le texte et les sénateurs ont généralisé en le permettant aux deux « présidents des deux assemblées agissant conjointement » (et par ailleurs, les sénateurs corrigent en accordant le verbe ‘avoir’ au pluriel maintenant que le sujet est au pluriel, chose oubliée par les députés, ce qui aurait apporté à notre Constitution des fautes de grammaire impardonnables !).

az. Sur l’ordre du jour des assemblées, plutôt malmené par les sénateurs, un point cependant positif. Même contre la volonté du Gouvernement, une assemblée délibèrerait sur une proposition votée par l’autre assemblée dans les six mois (le texte de députés parlait d’un délai de six semaines mais avec l’aval du Gouvernement, l’alinéa des sénateurs renforce donc le rôle des assemblées sur ce point).

ba. Dans l’article 54 de la Constitution qui parle de la saisine du Conseil Constitutionnel sur un engagement international qui comporterait une clause anticonstitutionnelle, la révision du 25 juin 1992 permettait à soixante députés ou à soixante sénateurs de saisir parallèlement au Président de la République et au Premier Ministre, les sénateurs ont souhaité également qu’un groupe parlementaire puisse seul saisir pour cette raison le Conseil Constitutionnel. En clair, comme quinze parlementaires de la même assemblée suffisent à constituer un groupe, cela signifie en pratique que le seuil de soixante est abaissé à quinze (voire à huit, puisqu’un groupe peut s’exprimer dans sa majorité et pas à l’unanimité).

bb.
Dans le même ordre idée, la saisine du Conseil Constitutionnelle pour une loi ordinaire, possible par le Président de la République, le Premier Ministre, le Président de l’Assemblée Nationale, le Président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs (ces deux dernières possibilités sont issues de la révision du 29 octobre 1974 voulue par Valéry Giscard d’Estaing, donnant au Conseil Constitutionnel le rôle de dernier rempart contre une loi), serait selon les sénateurs également possible par un seul groupe parlementaire.

bc. Les sénateurs permettent au Parlement de consulter le Conseil Économique et Social (et bientôt Environnemental).

bd. Le Sénat modifie l’appellation de la commission spéciale chargée des affaires européennes pour chaque assemblée en « comité chargé des affaires européennes ». Ainsi, cela lève toute ambiguïté pour savoir si cette commission faisait ou pas partie des huit commissions permanentes (la réponse est donc non).

be. Pour l’entrée en vigueur des principales dispositions du texte, le Sénat a repoussé du 1er janvier au 1er mars 2009, ce qui évite la précipitation.


Suite dans l’article suivant (3/3).


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (11 juillet 2008)



Pour aller plus loin :

Constitution du 4 octobre 1958.

Texte adopté au Conseil des Ministres du 23 avril 2008.

Texte adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale le 3 juin 2008.

Rapport n°387 de Jean-Jacques Hyest du 11 juin 2008.

Avis n°388 de Josselin de Rohan du 11 juin 2008.

Texte adopté en première lecture par le Sénat le 24 juin 2008.

Autres articles sur la réforme des institutions.





http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=42116

http://fr.news.yahoo.com/agoravox/20080714/tot-reforme-des-institutions-votee-par-l-89f340e.html




http://www.lepost.fr/article/2008/07/17/1225791_reforme-des-institutions-votee-par-le-senat-2-3-sur-le-legislatif.html






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11 juillet 2008 5 11 /07 /juillet /2008 03:26

Après l’Assemblée Nationale le 3 juin 2008, le Sénat a adopté un texte modifié de la réforme des institutions le 24 juin 2008. Retour sur les différences concernant le pouvoir exécutif.


Du 17 au 24 juin 2008, le Sénat a discuté publiquement en première lecture du projet de loi constitutionnelle. Le texte adopté le 24 juin 2008 par les sénateurs diffère parfois notablement du texte voté en première lecture par les députés.

Je propose de présenter les principales dispositions nouvelles qui ont été ajoutées par les sénateurs. Je rappelle qu’actuellement (du 8 au 10 juillet 2008, l’Assemblée Nationale discute en seconde lecture de ce projet, j’aurai l’occasion d’y revenir).

Un retour en arrière ou de nouvelles avancées ?


I. Nature contrastée des modifications sénatoriales

Si on peut se féliciter que les parlementaires prennent le temps nécessaire pour débattre d’un sujet aussi fondamental que les institutions, et souhaitent y apporter leurs touches, parfois salutaires pour notamment en améliorer la forme juridique, on ne peut que constater que parfois, ça donne une allure de dispositions qui, chassées par les députés, reviennent par la fenêtre du Sénat.

Car la réalité est là : les modifications sénatoriales sont très contrastées.

Certaines retirent quelques avancées timidement déployées par les députés face au Gouvernement. Sans doute était-ce une session de rattrapage pour le Gouvernement avec certaines mesures phares, comme la suppression de l’obligation de référendum pour la ratification d’un nouvel État à l’Union Européenne.

Parfois, d’autres améliorent le texte, surtout sur la forme et l’expression, rendant d’ailleurs difficile à cerner les véritables modifications (simple question de sémantique), mais aussi pour quelques unes, sur le fond, y apportant quelques avancées nouvelles et des clarifications indispensables.

Alors, certes, Assemblée Nationale et Sénat ne sont pas en concurrence, mais à l’évidence, certains pinaillages rédactionnels ne me semblent pas très sérieux quand on omet un débat plus important, comme celui des modes de scrutin ou celui de la place du Président de la République dans les institutions et dans les médias.

Le débat voulu par la majorité UMP est tronqué : sous seule couverture de renforcer (très faiblement) les pouvoirs du Parlement, le texte permettrait parallèlement d’ultraprésidentialiser le régime, en particulier parce que tous les pouvoirs consentis aux parlementaires se feraient au détriment des prérogatives du Premier Ministre et de son Gouvernement, rendant une nouvelle cohabitation extrêmement délicate.

Je vais devoir donc reprendre le catalogue à la Prévert des mesures, et ne parler que de celles qui ont été transformées par les sénateurs en première lecture.


II. Dispositions concernant le pouvoir exécutif

II.1. Les reculs du Sénat

aa. Sur l’article 49-3 qui a trop souvent permis au Gouvernement d’imposer ses textes face à une majorité rétive, le Sénat recule par rapport au texte précédent. Seuls les projets de loi sur les finances publiques peuvent être normalement l’objet d’un engagement de responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée Nationale, mais au lieu de limiter à un seul autre projet de loi par session les autres applications possibles, le nouveau texte n’envisage plus de limite (donc on revient à la case actuelle) en obligeant seulement une consultation de la Conférence des Présidents de l’Assemblée Nationale. Bref, autant dire qu’aucune modification ne se concrétiserait en pratique. À cet égard, les sénateurs semblent vouloir sauvegarder mieux que le Gouvernement actuel les pouvoirs de l’Exécutif.

ab. Alors que les sénateurs ont réintroduit la possibilité de vote de résolutions, ils ont enlevé la possibilité au Gouvernement de faire une déclaration sur un sujet particulier (à sa demande ou à celle d’un groupe parlementaire), une disposition avancée par les députés et visiblement peu appréciée du Gouvernement.

II.2. Les avancées du Sénat

ac. La limitation du nombre de mandats présidentiels consécutifs est une nouvelle fois modifiée, mais en bien si c’est pour réellement limiter (disposition à laquelle je ne suis néanmoins pas favorable). En effet, alors que l’Assemblée Nationale avait rédigé ce qui suit : « Nul ne peut être élu plus de deux fois consécutivement. », le Sénat est revenu sur l’idée originelle du Gouvernement, à savoir : « Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. » sans toutefois reprendre le vocabulaire du projet initial : « Nul ne peut accomplir plus de deux mandats consécutifs. ». Cette rédaction clarifie et clôt le débat sur l’éventualité d’un président intérimaire qui se ferait ensuite élire deux fois.

ad. Les nominations par le Président de la République ne seraient plus soumises à l’avis de deux commissions, émanant de chacune des deux assemblées parlementaires, mais d’une seule commission, mixte et paritaire. Ainsi, il est plus facile d’empêcher une nomination, puisque l’avis négatif de la seule commission est nécessaire (au lieu de l’avis négatif des deux commissions, précédemment). Une avancée donc, par rapport non seulement au texte des députés en première lecture, mais aussi au texte gouvernemental.

ae. Tout le laïus sur la grâce présidentielle, exercée seulement à titre individuel, et l’une des mesures personnelles de Nicolas Sarkozy, a été purement et simplement supprimé par les sénateurs. Avec ce retour au statu quo, c’est une avancée puisque l’avenir n’est jamais écrit et que, dans un souci d’apaisement et de réconciliation national, un futur Président de la République aura donc toujours la possibilité d’exercer son droit de grâce à titre collectif. D’ailleurs, d’un point de vue juridique, les mesures individuelles pouvaient contourner l’absence de grâce collective en énumérant individuellement les personnes que le Président voudrait gracier.

af. Concernant l’information faite au Parlement de l’intervention des forces armées, les sénateurs précisent mieux le texte en fixant le délai suivant : « au plus tard trois jours après le début de l’intervention » alors que les députés avaient rédigé « dans les trois jours » et que le texte initial était encore plus imprécis avec l’expression « dans les délais les plus brefs ».

ag. Par ailleurs, le Sénat est plus précis et plus ferme pour la prolongation de l’intervention : « La prolongation de l’intervention au-delà de quatre mois est autorisée en vertu d’une loi. Aucun amendement n’est recevable. ». On voit bien la grande dextérité juridique des sénateurs par rapport aux députés qui avaient adopté la phrase suivante : « Lorsque la durée de l’intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement. En cas de refus du Sénat, le Gouvernement peut demander à l’Assemblée Nationale de statuer définitivement sur la prolongation de l’intervention. ». La dernière phrase étant inutile si cette prolongation devient une loi (le Sénat n’a jamais gain de cause en seconde lecture sauf pour certaines mesures d’ordre institutionnel). À noter que le texte gouvernemental s’était donné un délai de six mois et pas de quatre mois.

ah. Le Sénat a rajouté un élément intéressant sur la sincérité des comptes publics. Le nouveau texte donne à la Cour des Comptes la mission d’exprimer « son opinion sur la sincérité des comptes de l’État et de la sécurité sociale » alors que jusqu’à maintenant, ce grand corps de l’État se bornait à décrire des faits. Bientôt, il pourrait aussi les commenter.


Suite dans les articles suivants (2/3) et (3/3).


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (11 juillet 2008)


Pour aller plus loin :

Constitution du 4 octobre 1958.

Texte adopté au Conseil des Ministres du 23 avril 2008.

Texte adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale le 3 juin 2008.

Rapport n°387 de Jean-Jacques Hyest du 11 juin 2008.

Avis n°388 de Josselin de Rohan du 11 juin 2008.

Texte adopté en première lecture par le Sénat le 24 juin 2008.

Autres articles sur la réforme des institutions.







http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=42115

http://fr.news.yahoo.com/agoravox/20080711/tot-reforme-des-institutions-votee-par-l-89f340e.html





http://www.lepost.fr/article/2008/07/11/1223073_reforme-des-institutions-votee-par-le-senat-1-3-sur-l-executif.html




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9 juillet 2008 3 09 /07 /juillet /2008 07:24

Auberge espagnole, vaudeville institutionnel… Le texte de la réforme constitutionnelle poursuit son petit tour de cirque. Pas de quoi rire : il s’agit des fondements même de notre démocratie.


Le Sénat a voté le 24 juin 2008 en première lecture le projet de loi constitutionnelle de réforme des institutions voulue par le gouvernement et voté le 3 juin 2008 en première lecture par l’Assemblée Nationale. Du 8 au 10 juillet 2008, l’Assemblée Nationale reprend donc la discussion pour une seconde lecture, le texte voté par le Sénat étant différent de celui de l’Assemblée Nationale (pour connaître les différences, voir le prochain article).


Tout et n’importe quoi

C’est peu dire que le texte est passé sous les fourches caudines au Sénat qui a transformé le projet voté par les députés… ou du moins, ont remis ce que les députés avaient retiré du projet gouvernemental, ou rajouté quelques améliorations sémantiques.

Cette réforme des institutions est un véritable calvaire pour la Ve République. Chaque institution (Comité Balladur arbitrairement nommé par Nicolas Sarkozy, puis Gouvernement, puis Assemblée Nationale, puis Sénat) y est allée de son petit caprice à faire de ce texte une véritable auberge espagnole où se côtoient insignifiantes modifications de ponctuation et profonds bouleversements dans la tradition républicaine. La discussion au Sénat, c’est un peu un jeu de yoyo. Il revient à sa position initiale, celle voulue par le Gouvernement après quelques défiances votées par les députés. Le balancement du yoyo va recommencer avec la discussion en seconde lecture actuellement à l’Assemblée Nationale.


Aucun geste envers les contradicteurs

La majorité UMP du Sénat n’a pas été très futée, car loin de rechercher l’appui des parlementaires socialistes, indispensable à la ratification de la réforme par le Congrès à Versailles (prévu pour le 21 juillet 2008 si le Sénat a le temps de voter le même texte que l’Assemblée Nationale d’ici là, la discussion recommencera le 15 juillet 2008), elle se l’est mise à dos en refusant toute discussion sur le mode de scrutin des élections sénatoriales et sur la prise en compte du temps de parole du Président de la République.

C’est donc clair qu’au-delà de l’effet yoyo, c’est bien de Sisyphe qu’il s’agit, puisque le projet a toutes les probabilités de ne pas aboutir. Pourtant, le Gouvernement et la majorité parlementaire y croient encore, oubliant l’absence totale d’écoute et leur rejet pur et simple des propositions de l’opposition.


Mauvaise méthode et mauvaise foi

Président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale, Jean-François Copé a fait appel à la « nouvelle génération socialiste » avec une abasourdissante mauvaise foi en affirmant que « cette révision constitutionnelle proposée par le Président de la République, qui vise à renforcer le pouvoir du Parlement, il n’y a aucune raison objective pour la refuser », en insistant : « Il n’y a aucun argument objectif, que l’on soit à droite, que l’on soit à gauche, autre que les considérations politiciennes. ».

Jean-François Copé a même eu l’audace de poser le débat auprès des nouveaux députés socialistes ainsi : « Je pense qu’ils ont à travers ce vote constitutionnel un rendez-vous avec leur propre émancipation politique. ».

Hélas, les arguments politiciens sont encore bien inutiles pour juger avec sévérité cette réforme faite de bric et de broc, incapable de clarté, énonçant mille et une modifications qui font regretter le texte bref et simple du ‘quinquennat sec’ voulu par Jacques Chirac, facile à expliquer, pour savoir si on est pour ou contre.

Avec la réforme constitutionnelle actuelle, on est en face d’une véritable hypocrisie du pouvoir actuel : placé sous le signe d’un pseudo-renforcement des pouvoirs du Parlement (les avancées sont bien maigres et le suivisme des parlementaires reste une affaire de personnes et pas de procédures), le projet réforme profondément la place du Président de la République dans le débat politique.


En route vers l’ultraprésidentialisation

Loin de parlementariser, cette réforme présidentialise un régime déjà fortement basé sur la personne du Président de la République.

Car la seule vraie réforme pour rendre l’indépendance aux parlementaires, c’est de retirer le lien d'allégeance entre les députés de la majorité parlementaire et le parti de la majorité présidentielle. Ce lien s’est considérablement renforcé en organisant désormais régulièrement l’élection des députés quelques semaines après l’élection du Président de la République.

Et il y a fort à parier que même une personnalité de gauche éventuellement élue à l’Élysée (probabilité encore très faible dans l’état actuel du PS) n’aurait aucun intérêt à s’empêcher de bénéficier d’une majorité de députés à sa dévotion.

Cette réforme ne fait donc qu’accentuer la présidentialisation actée par l’adoption et la pratique du quinquennat imposé par Jacques Chirac et Lionel Jospin au cours d'un référendum déserté par les citoyens même les plus motivés.


Que l’opposition serve un peu à quelque chose !

Les socialistes ont donc un bon moyen de refuser ce diktat, puisqu’ils constituent l’une des pièces maîtresses de l’adoption de cette réforme.

On n’en voudra pas aux parlementaires de la majorité présidentielle de ne pas aller jusqu’au bout de leurs convictions, puisque des mesures de coercition peuvent exister à leur encontre (investiture et financement de leur prochaine réélection).

Mais les parlementaires de l’opposition, s’ils tombaient dans le panneau de l’intérêt national (« Dites-vous bien que quand un mauvais coup de mijote, il y a toujours une république à sauver. » disait sous la plume de Michel Audiart le vieil homme d’État (Émile Beaufort) incarné par Jean Gabin dans l'excellent film ‘Le Président’ d’Henri Verneuil), on ne pourrait que leur en vouloir.

À eux, en effet, de prendre leurs responsabilités.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (9 juillet 2008)


Pour aller plus loin :

Précédents articles sur la réforme des institutions.









http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=42038




http://www.lepost.fr/article/2008/07/11/1223067_reforme-des-institutions-le-yoyo-de-sisyphe.html




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11 juin 2008 3 11 /06 /juin /2008 07:09

Dans quelques jours, le Sénat va discuter du projet de loi constitutionnelle pour réformer les institutions. Après l’Assemblée Nationale. Suite de ce marathon parlementaire. Troisième et dernière partie.


Il est toujours très difficile de rédiger un article pour présenter l’état de ce projet de loi constitutionnelle en vue de réformer les institutions, tant ce texte, comme je l’écrivais dans le premier article, est un fourre-tout assez complexe.

J’ai déjà largement évoqué le projet initial, et dans cet article, je vais m’attarder uniquement sur les aménagements effectués par l’Assemblée Nationale du texte gouvernemental. L’Assemblée Nationale a, à mon sens, supprimé un certain nombre d’incongruités mais n’en a pas rendu plus cohérent toutefois le texte.

A priori, je ne reviendrai donc pas sur les dispositions qui ont été adoptées sans modification. Par ailleurs, la plupart de mes phrases sont à l’indicatif pour éviter de rester en permanence au conditionnel, seul mode cependant exact tant que la loi constitutionnelle n’est pas promulguée.

L’intégralité des textes sont accessibles sur les liens à la fin de l’article.

Cet article porte sur les articles 9 à 35 de ce projet.


19. Limitation du nombre de députés (art. 9 et 10 du projet)

Parce que le Gouvernement a prévu de faire représenter les Français de l’étranger à l’Assemblée Nationale (actuellement, seulement au Sénat), l’Assemblée Nationale a limité le nombre de députés à l’actuel, à savoir 577.

La tentation est grande, en effet, de ne faire qu’augmenter le nombre de députés. La mesure de représentation des Français de l’étranger devra donc se faire au moment où les circonscriptions électorales seront redécoupées selon une nouvelle procédure qui nécessitera l’avis d’une commission indépendante (sans précision supplémentaire).


20. Auditions publiques des commissions parlementaires (art. 10 bis du projet)

Un élément intéressant a été adopté par les députés, qui vise à rendre a priori publiques les auditions des commissions parlementaires. Le huis clos deviendrait donc l’exception (sans explication du motif). Une disposition qui serait facilitée par les chaînes de télévision parlementaires.


21. Toilettage de l’article 34 de la Constitution (art. 11 du projet)

Une exemple supplémentaire de ‘bâclage’ du texte gouvernemental, c’est le fait d’avoir laissé dans l’article 34 de la Constitution son premier alinéa « La loi est votée par le Parlement. » alors qu’il fait écrire à l’article 24 de la Constitution cette nouvelle phrase : « Le Parlement vote la loi et contrôle l’action du Gouvernement. ».

Le fait de présenter le plus sérieusement possible un texte qui laisse bégayer la Constitution sur l’un des grands principes d’une démocratie (le Parlement vote la loi) est complètement aberrant. Et pour la plus importante de nos lois fondamentales !

L’impréparation juridique du Gouvernement est franchement inquiétante quand il s’agit de réformer nos institutions. J’imagine sans peine que dans des domaines beaucoup moins importants et plus spécifiques, des dispositions d’une loi font redondances voire sont antagonistes avec d’autres lois…

Heureusement, les députés ont rectifié l’erreur en supprimant le premier alinéa de l’article 34 de la Constitution.


22. Introduction de la rétroactivité de la loi (art. 11 du projet)

Comme je l’avais écrit dans le premier article de cette série, les députés ont fait un ajout qui constitue une grave régression dans le droit en général. En effet, en stipulant que « sauf motif déterminant d’intérêt général, la loi ne dispose que pour l’avenir », ils laissent entendre cette possibilité de rétroactivité sous un motif dont il serait très difficile à apprécier la pertinence, l’intérêt général étant mis à toutes les sauces.

En ne spécifiant rien, la Constitution actuelle laisse entendre que la loi ne peut en aucun cas, sous aucun motif, être rétroactive.

Cet amendement ultra n’est pas anodin : il permettrait à la loi sur la rétention de sûreté d’avoir une application rétroactive, comme le voulait initialement le gouvernement et quelques ultras de la majorité.


23. Parité des hommes et des femmes (art. 11 du projet)

Encore un amendement ‘attrape-mouches’ qui ne mange pas de pain mais permet à ceux qui l’ont défendu (les députés) de se donner bonne conscience. Que dit-il ? Que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales. ».

La phrase est l’alter ego professionnel de la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 qui spécifiait à l’article 3 de Constitution que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives », une phrase issue d’un compromis entre Jacques Chirac et Lionel Jospin tout aussi inutile puisque « [la France] assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens » (il est vrai que n’a pas été spécifié « sans distinction de sexe »).


24. Objectifs d’équilibre des comptes publics (art. 11 du projet)

Un autre amendement parlementaire que le Gouvernement a bien voulu concéder au Nouveau Centre qui avait besoin d’un prétexte pour se déclarer favorable à cette réforme alors que ses revendications pour instituer une dose de scrutin proportionnel n’ont jamais été écoutées (conditions sine qua non au départ), c’est d’inclure l’interdiction des déficits publics de fonctionnement, ce que le candidat François Bayrou proposait en 2007.

Mais ici, je n’ai fait que retranscrire l’idée générale du Nouveau Centre. Dans le texte, l’affaire est nettement moins ambitieuse puisqu’on a seulement rajouté à la constitutionnalisation généralisée des lois de programmation cet appendice : « Des lois de programmation définissent les orientations pluriannuelles des finances publiques. Elles s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques. ».

En clair, il n’y a que description, aucune contrainte, aucune sanction. Donc, une phrase inutile.


25. Suppression de la possibilité de vote de simples résolutions (art. 12 et 23 bis du projet)

L’Assemblée Nationale s’est dessaisi d’un petit pouvoir que lui avait concédé le Gouvernement, à savoir, celui de voter des résolutions qui n’ont pas force de loi (comme la reconnaissance du génocide arménien), un peu à l’instar du Parlement européen.

Le projet adopté le 3 juin 2008 supprime cette possibilité mais permet au Gouvernement de « faire une déclaration à caractère thématique qui donne lieu à débat et peut faire l’objet d’un vote sans engager sa responsabilité ».


26. Droit d’amendement révisé (art. 18 du projet)

Certains articles anodins engendrent des modifications majeures dans la pratique parlementaire et cette disposition, déjà présente dans le texte initial, loin de donner du pouvoir, va en faire perdre beaucoup aux parlementaires.

En effet, elle est rédigée ainsi : « Ce droit [d’amendement] s’exerce en séance ou en commission selon les conditions et limites fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique. ». Ce qui n’a l’air de rien.

Actuellement, seuls les règlements des assemblées, décidés par elles seules, donnent un cadre à l’exercice de ce droit d’amendement. Le fait de vouloir faire une loi organique pour cela va forcément le restreindre.

Mais en fait, le but des députés de la majorité est bien de limiter ce droit d’amendement afin d’éviter une véritable obstruction du travail parlementaire par l’opposition (dans le passé, certains députés avaient déposé plusieurs milliers d’amendements, parfois ne portant que sur une virgule, afin de retarder la procédure).

C’est sans doute le principal pouvoir de l’opposition qui serait mis à mal. Certes, le contenu de la loi organique en question n’est même pas encore rédigé, mais c’est un peu ce cadrage qui va limiter l’action des parlementaires.

Dès lors, comment pouvoir affirmer que cette réforme va donner du pouvoir au Parlement ?


27. Contrôle "accru" de l’action gouvernementale (art. 22 du projet)

Les députés ont rajouté une nouvelle contrainte dans l’ordre du jour : « une semaine de séance sur quatre est réservée par priorité (…) au contrôle de l’action du Gouvernement et à l’évaluation des politiques publiques (…) ».


28. Droits spécifiques de l’opposition (art. 24 du projet)

Sur le fond, le texte n’a pas été changé mais la forme si : « [Le règlement de chaque assemblée] reconnaît à ceux d’entre eux [groupes parlementaires] qui n’ont pas déclaré participer de la majorité de l’assemblée concernée, des droits spécifiques. ».

En clair, indépendant de la tournure alambiquée, cela signifie qu’un groupe doit soit soutenir le Gouvernement, soit s’y opposer, et cela de façon globale, or les parlementaires n’ont pas de mandat impératif.

Par ailleurs, le principe des droits spécifiques va à l’encontre de l’égalité des parlementaires représentants de la même nation, des mêmes citoyens.

Enfin, avec un tel clivage, on institutionnalise au sein du Parlement le bipartisme, une évolution que ne pourrait évidemment pas renier le Parti socialiste.


29. Les présidents d’assemblées moins contrôlés (art. 25 du projet)

Le texte initial prévoyait que les nominations des membres du Conseil Constitutionnel se faisaient selon la même procédure que les nominations présidentielles classiques, à savoir, selon un avis d’une commission dont il reste à connaître ses règles de composition.

Comme les députés ont été plus stricts en interdisant une nomination présidentielle si cette commission émettait un avis négatif (selon certaines conditions), ils n’ont pas voulu l’interdire pour la nomination des membres du Conseil Constitutionnel par le Président de l’Assemblée Nationale et celui du Sénat : « Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée sont soumis au seul avis de la commission permanente compétente de l’assemblée concernée. ».


30. Conseil Supérieur de la Magistrature (art. 28 du projet)

La composition du Conseil Supérieur de la Magistrature a été complètement changée par les députés à la suite d’âpres discussions. Le sujet est cependant trop technique pour approfondir le sujet qui est cependant essentiel puisqu’il a trait à l’indépendance des juges et de la Justice.


31. Référendum de nouveau obligatoire pour l’adhésion d’un grand pays à l’Union Européenne (art. 33 du projet)

Les députés ont institué un seuil de 5% de la population de l’Union Européenne comme limite à un pays pour nécessiter par la France un référendum pour ratifier son éventuelle adhésion à l’Union Européenne. Concrètement, cela concernerait la Turquie et l’Ukraine.

Le texte initial supprimait toute obligation de référendum.


32. Recours devant la Cour de Justice de l’Union Européenne (art. 35 du projet)

Les députés ont introduit une intéressante possibilité de recours par les parlementaires contre des actes européens.

Le texte adopté explique ainsi : « À la demande de soixante députés ou de soixante sénateurs, l’Assemblée Nationale ou le Sénat peuvent former un recours devant la Cour de Justice de l’Union Européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité. Ce recours est transmis à la Cour de Justice de l’Union Européenne par le Gouvernement. ».


Épilogue provisoire

Dans les prochains jours, le Sénat va donc discuter de cette réforme.

Ou il va l’adopter en bloc, dans ce cas, la réunion du Parlement en Congrès pourrait s’envisager assez rapidement, dès juillet. Ou alors, à la demande du Gouvernement ou à l’initiative des sénateurs, le texte est de nouveau modifié, avec peut-être d’autres retours en arrière, et dans ce cas, il devra passer en commission paritaire.

Ce qui est clair, c’est que le Parlement gagnerait très peu avec une telle réforme, le Président de la République augmenterait largement son influence qui, pourtant, depuis 1962, est déjà prééminente, au seul détriment du Premier Ministre.

Pas de doute, plus engagé encore que le Comité Balladur, l’Exécutif a décidé dans la plus grande discrétion de faire de notre régime un régime présidentiel.

Et cela, je ne l’accepte pas.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 juin 2008)


Pour aller plus loin :

Projet adopté au Conseil des Ministres le 23 avril 2008.

Projet adopté par l’Assemblée Nationale le 3 juin 2008.


Constitution du 4 octobre 1958.

Autres articles sur les institutions.







http://www.lepost.fr/article/2008/07/11/1223064_la-reforme-des-institutions-votee-par-l-assemblee-nationale-3-principalement-le-legislatif.html

 

 

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11 juin 2008 3 11 /06 /juin /2008 06:08

Dans quelques jours, le Sénat va discuter du projet de loi constitutionnelle pour réformer les institutions. Après l’Assemblée Nationale. Suite de ce marathon parlementaire. Deuxième partie.


Il est toujours très difficile de rédiger un article pour présenter l’état de ce projet de loi constitutionnelle en vue de réformer les institutions, tant ce texte, comme je l’écrivais dans le précédent article, est un fourre-tout assez complexe.

J’ai déjà largement évoqué le projet initial, et dans cet article, je vais m’attarder uniquement sur les aménagements effectués par l’Assemblée Nationale du texte gouvernemental. L’Assemblée Nationale a, à mon sens, supprimé un certain nombre d’incongruités mais n’en a pas rendu plus cohérent toutefois le texte.

A priori, je ne reviendrai donc pas sur les dispositions qui ont été adoptées sans modification. Par ailleurs, la plupart de mes phrases sont à l’indicatif pour éviter de rester en permanence au conditionnel, seul mode cependant exact tant que la loi constitutionnelle n’est pas promulguée.

L’intégralité des textes sont accessibles sur les liens à la fin de l’article.

Cet article porte sur les articles 1er à 8 de ce projet.


10. Une mesure clientéliste qui ne mange pas de pain (art. 1er A du projet)

Rajoutée dans les principes de la Constitution à la suite de diverses tractations, la réforme introduit cette phrase : « Les langues régionales appartiennent à son patrimoine. ».

Cette reconnaissance n’est que théorique, ne définit pas ce qu’est une langue régionale (l’argot de banlieue peut-il postuler ?) et surtout, n’indique pas les conséquences pratiques.

Juste après dans la Constitution, si cette phrase passait, viendrait de façon assez cocasse la phrase suivante : « La langue de la République est le français. ».

Cet article ne sert à rien sinon à faire illusion et plaisir à quelques élus heureux de pouvoir dire auprès de certains électeurs qu’ils ont pensé à eux.


11. Reconnaissance des partis de l’opposition (art. 1er du projet)

L’article rédigé par le Gouvernement était décidément trop explicite sur la volonté du bipartisme (« Des droits particuliers peuvent être reconnus par la loi aux partis et groupements politiques qui n’ont pas déclaré soutenir le Gouvernement. »).

Plus astucieux, les députés ont juste laissé entendre qu’une « loi [garantirait] la participation des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation ».

Je reste relativement inquiet quand on veut mettre des lois partout dans tous les domaines (comme celui de l’euthanasie, mais c’est un autre sujet). En effet, la Constitution reconnaissait déjà le rôle des partis dans l’expression du suffrage. Légiférer plus précisément, c’est encadrer plus précisément le rôle et le fonctionnement des partis, ce qui me semble inutile et surtout, contraire au principe de liberté politique que notre pays a acquis parfois chèrement.


12. La limitation à deux mandats présidentiels consécutifs (art. 2 du projet)

Le texte ne change pas dans le fond mais dans la forme : cela passe de « Nul ne peut accomplir plus de deux mandats consécutifs. » à « Nul ne peut être élu plus de deux fois consécutivement. ».

Des nuances cependant pas si négligeables que cela si on passe en régime présidentiel intégral avec système de vice-présidence : en cas de vacance présidentielle, le Vice-Président succéderait au Président de la République sans avoir été élu.

Je reste opposé à une telle limitation qui pourrait s’opposer à l’expression de la souveraineté nationale dans des situations bien particulière qu’il est aujourd’hui bien difficile de prévoir. De plus, cette limitation n’empêcherait pas une ‘perspective à la Russe’, à savoir que le Président de la République, à l’issue de ses deux mandats, devienne Premier Ministre.


13. Suppression de la limitation du nombre de ministres (art. 3 du projet)

Dans leur sagesse, les députés ont supprimé ce qui avait trait à la composition du Gouvernement. Non seulement cela fait l’économie d’une loi organique, mais cela redonne la marge de manœuvre à toute nouvelle majorité arrivée au pouvoir et qui, si elle le juge nécessaire, pourra donc encore nommer des gouvernements pléthoriques (même si ce n’est plus à la mode, plus les coalitions sont composées de partis, plus il faut pouvoir ‘récompenser’).

Cette disposition supprimée allait naturellement dans le sens de l’institutionnalisation du bipartisme.


14. Introduction du référendum d’initiative populaire (art. 3 bis du projet)

Il s’agit de permettre un référendum qui serait à l’initiative d’un cinquième du nombre de parlementaires et d’un dixième du nombre d’électeurs inscrits sur les listes électorales. En clair, plus de quatre millions de signataires et plus de 180 parlementaires. Seuls, les très grands partis pourraient se permettre une telle campagne populaire. À moins qu’ils en soient déjà au pouvoir.

Cet aspect constitue cependant une avancée notable par rapport à l’existant, qu’il conviendrait sans doute de renforcer.


15. La mode écologique s’empare de la sémantique (art. 3 ter, 28 bis, 29, 30 et 30 bis du projet)

L’article 11 de la Constitution (qui parle de la nature des lois qui peuvent être soumises au référendum) inclurait au-delà des réformes économiques et sociales les réformes environnementales.

De même, on change l’appellation du Conseil Économique et Social en « Conseil Économique, Social et Environnemental ». Reste à savoir ce que cela signifierait concrètement, car aucune disposition sur les nominations au Conseil Économique et Social n’est prévue (contrairement aux propositions du Comité Balladur).


16. Pouvoir limité des nominations présidentielles (art. 4 du projet)

Contrairement au texte initial, les députés ont précisé avec pertinence les cas susceptibles d’empêcher certaines nominations, alors qu’initialement, il n’était prévu qu’un avis consultatif. Cette tournure rédactionnelle me paraît plus efficace et concrète.


17. Le droit de parole du Président de la République devant le Parlement (art. 7 du projet)

Les députés ont réduit les possibilités du Président de la République à ne parler que devant le Parlement réuni en Congrès. Les dispositions initiales l’autorisaient à s’exprimer également devant l’une des deux assemblées.

Il n’en demeure pas moins que cet arrangement, voulu avec beaucoup de force par Nicolas Sarkozy (volonté d’imiter les Présidents américains ?), ne me satisfait pas du tout.

Il est d’une part inutile d’un point de vue de communication politique : les médias traditionnels véhiculent beaucoup mieux un discours présidentiel que ces cadres solennels, et Nicolas Sarkozy et, avant lui, Jacques Chirac, ne se sont jamais privés de réunir des parlementaires à l’Élysée pour leur asséner leur manière de percevoir la situation nationale.

Il est d’autre part inquiétant d’un point de vue institutionnel, puisque le Président de la République est irresponsable devant les assemblées. Une déclaration présidentielle ne peut que réduire l’influence politique du Premier Ministre, ce qui présenterait de graves inconvénients en période de cohabitation (toujours possible, je le répète, même avec le quinquennat).


18. Le Premier Ministre reste responsable de la défense nationale (art. 8 du projet)

La volonté présidentielle de donner au seul Président de la République la responsabilité des armées et de la défense nationale a été éliminée par les députés avec une très grande sagesse.

En effet, cette disposition était triplement dangereuse : d’une part, le Président de la République étant irresponsable devant les parlementaires, ces derniers perdaient toute possibilité de contrôle et d’opposition de la politique de défense ; d’autre part, l’ambiguïté actuelle entre le rôle du Président de la République et celui du Premier Ministre donne un sain équilibre et évite toute décision personnelle excessive ; enfin, cette disposition aurait engendré de graves dysfonctionnements en cas de cohabitation.

C’était l’un des points les plus aptes à rendre le régime présidentiel. Il a heureusement été supprimé.


Dans le prochain article, nous verrons les dispositions modifiées concernant principalement le pouvoir législatif.

(à suivre)


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 juin 2008)


Pour aller plus loin :

Projet adopté au Conseil des Ministres le 23 avril 2008.

Projet adopté par l’Assemblée Nationale le 3 juin 2008.

Constitution du 4 octobre 1958.

Autres articles sur les institutions.








http://www.lepost.fr/article/2008/07/11/1223058_la-reforme-des-institutions-votee-par-l-assemblee-nationale-2-principalement-l-executif.html


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10 juin 2008 2 10 /06 /juin /2008 05:08

Dans quelques jours, le Sénat va discuter du projet de loi constitutionnelle pour réformer les institutions. Après l’Assemblée Nationale. Suite de ce marathon parlementaire. Première partie sur (toujours) la méthode.


Le 3 juin 2008, avec une semaine de retard, les députés ont adopté le projet de loi constitutionnelle visant à réformer nos institutions.

C’est maintenant au tour de Sénat de s’emparer du dossier, et là aussi, au pas de charge. Il a déjà auditionné un certain nombre de personnalités dont Édouard Balladur qui fut à l’origine de ce projet de loi constitutionnelle.

Après des travaux dans plusieurs commissions, principalement celle des Lois présidée par le sénateur de Seine-et-Marne Jean-Jacques Hyest qui a été aussi désigné rapporteur du projet de loi constitutionnelle le 30 avril 2008 (l’Assemblée Nationale avait, elle aussi, choisi le Président de la Commission des Lois pour rapporter ce projet), la réforme sera discutée en séances publiques du 18 au 23 juin 2008.

Enfin, en cas d’une seule lecture, c’est-à-dire, si le Sénat adopte dans le texte dans son intégralité, le Parlement réuni en Congrès sera convoqué probablement le 21 juillet 2008. Une occasion pour nos parlementaires d’envoyer une nouvelle fois (après la ratification du Traité de Lisbonne) une enveloppe premier jour de Versailles.

Avant d’évoquer les principales modifications réalisées par l’Assemblée Nationale par rapport au texte gouvernemental initial, énumérons quelques éléments conjoncturels.


1. Désintérêt médiatique total du sujet

Première inquiétude qui choque tout observateur : c’est justement le très faible nombre d’observateurs. Ne cessons de marteler que le sujet des institutions est essentiel au bon fonctionnement de notre démocratie.

Le faible intérêt des citoyens pour ce sujet a de quoi inquiéter, puisque cela signifie un véritable chèque en blanc (médiatique du moins) laissé aux professionnels de la politique.


2. Le peuple privé de parole

Deuxième chose également choquante, la méthode.

D’un côté, on nous dit que cette prétendue modernisation des institutions est la plus profonde depuis 1962 (l’adoption du scrutin universel direct pour l’élection du Président de la République).

Et d’un autre côté, on nous dit qu’elle va être ratifiée sans référendum, en dehors du peuple qui, pourtant, devrait se prononcer sur tout changement substantiel de ses institutions.

Sans doute l’effet irréprochable de la démocratie qu’on cherche à atteindre.


3. Aucune urgence à tout bouleverser

Troisième réflexion, l’urgence du texte. En gros, entre poire et fromage (entre OGM et modernisation de l’économie), on nous sort ce projet de loi constitutionnelle alors que la réforme des institutions est loin d’être une urgence pour la France d’aujourd’hui, même si tous les grands candidats s’étaient prononcé pour une révision constitutionnelle rapide en un an, sans doute sous l’effet d’une mode même pas demandée par l’opinion publique.

Où se trouve l’urgence ? L’incapacité à gouverner ? Je crois que le Président de la République, le Premier Ministre et son Gouvernement n’ont de soucis que de communication interne, mais ils disposent d’une large majorité tant à l’Assemblée Nationale qu’au Sénat.

Parallèlement à cela, il y a de nombreux autres chantiers : retraites, modernisation de l’économie, audiovisuel public… sans compter tous les chantiers ‘oubliés’ comme la nécessaire refonte de la fiscalité.


4. Recueil de charabias juridiques indigestes

Quatrième remarque qui augure mal de la cohérence du projet de révision constitutionnelle. Pour qu’elle soit comprise, une réforme doit être simple et claire.

Certes, l’édifice juridique actuel, de plus en plus complexe, nécessite l’écriture d’un charabia incompréhensible au profane. Le Traité de Maastricht avait déjà été critiqué à l’époque pour cela. Celui de Lisbonne aussi, mais par ceux qui avaient refusé le Traité Constitutionnel Européen qui, justement, avait pour but de rassembler en un seul texte, tous les traités ratifiés depuis cinquante ans.

Le charabia, c’est le fait de dire : j’annule l’alinéa 3 de l’article 15 de la loi du 31 novembre 1816, je rajoute une virgule, je le remplace par les mots « et la Communauté » et je mets au pluriel la dernière phrase.

J’exagère à peine (il suffit de lire le projet, voir en fin d’article), et cela nécessite, pour comprendre la portée de telles modifications parfois totalement mineures (comme le fait de remplacer les mots « Communautés européennes » par « Union européenne » qui n’est qu’un ravalement de surface, ou majeures (le moindre mot a son importance juridique), de connaître toutes les lois qui s’y rapportent.

Heureusement ici, en général, il suffit d’avoir sous les yeux le texte de la Constitution amendée vingt-trois fois depuis 1958 (voir en fin d’article).


5. Fourre-tout versus simplicité et clarté

Cinquième idée toujours sur la clarté. Une idée simple s’énonce simplement et chaque citoyen peut ensuite comprendre s’il est d’accord ou pas d’accord avec celle-ci.

Mais si on décide de faire de la réforme un fourre-tout que même les constitutionnalistes les plus chevronnés (comme l’ancien Président du Conseil Constitutionnel Pierre Mazeaud) ne retrouvent plus leurs petits, l’irréprochabilité de la démocratie restera encore à prouver.

Un fourre-tout inquiétant dont la tumeur enfle encore après la première lecture à l’Assemblée Nationale puisqu’on y a rajouté une défense des langues régionales, et quelques autres bricoles qui n’ont pour effet que de rendre encore plus confus le texte.

Une incapacité du gouvernement à rester sur l’essentiel et à élaguer le superflu.


6. Absence de réflexions approfondies

Sixième constat. La rédaction de plusieurs articles a été bâclée. Ou, tout au moins, n’a pas pris la peine d’avoir une réflexion prolongée sur sa signification à long terme.

Par exemple, le fait de vouloir rendre le Président responsable de la définition de la politique de défense nationale réduisait à néant toute flexibilité en cas de cohabitation (encore possible malgré le quinquennat). Heureusement, cette disposition a été supprimée par les députés.


7. Autre chèque en blanc avec l’inconnue des lois organiques ultérieures

Septième point concernant le chèque en blanc. Il n’y a pas que le citoyen qui a donné carte blanche et qui fait sous-traiter ce sujet (en fait, il n’a pas beaucoup le choix, puisque la voie référendaire a été exclue). Il y a aussi le parlementaire.

Pourquoi ? Parce que pour de nombreux cas (plus d’une dizaine de fois), les dispositions précises sont renvoyées dans une loi organique votée ultérieurement mais dont on n’a pas encore connaissance du contenu.

Comme par exemple les prérogatives du nouveau Défenseur des droits du citoyen. Il est clair que la dissolution de la CNIL ou du Médiateur de la République, deux institutions qui avaient fait leurs preuves, notamment la CNIL qui avaient eu des habilitations spéciales, serait un recul gravissime dans la défense de nos libertés.


8. Vocabulaire équivoque

Huitième confusion. Celle du vocabulaire. Dans trois cas au moins, l’absence de définition claire de certains mots ou expressions rend complètement opaque la réforme des institutions.

Introduction sournoise de la rétroactivité de la loi

8.1. Dans l’article 11 du projet, il est explicité « Sauf motif déterminant d’intérêt général, la loi ne dispose que pour l’avenir. ». Que signifie donc « motif déterminant d’intérêt général » ?

L’excellent film de Costa-Gavras ‘Section Spéciale’ de 1975 (rediffusé sur France 2 le 8 juin 2008) montre à quel point l’intérêt de l’État peut être dévié (il s’agissait d’abord de décider six condamnations à mort en 1941, et de trouver ensuite les malheureux prévenus afin de les juger selon un vague formalisme juridique).

Contrairement à ce que tend à faire croire l’article, la rédaction donne désormais au contraire la possibilité à la loi d’être rétroactive. N’oublions pas la loi sur la rétention de sûreté… avec la volonté initiale du gouvernement d’être rétroactive.

Niaiseries sur les droits de l’opposition afin d’instituer un bipartisme officiel

8.2. Dans l’article 22 du projet, on parle vaguement de groupes d’opposition définis ainsi : « des groupes parlementaires qui ne disposent pas de la majorité au sein de cette dernière ». Cette dernière semble reprendre la Conférence des Présidents.

Mais qu’en est-il des petits groupes (minoritaires à eux seuls donc) et faisant partie de la majorité, comme le groupe du Nouveau Centre aujourd’hui, ou celui des Radicaux de gauche à l’époque Jospin ? Seraient-ils aussi considérés comme les groupes d’opposition ?

8.3. Troisième exemple, l’article 24 du projet revient sur l’opposition en reconnaissant des droits spécifiques : « à ceux d’entre eux [groupes parlementaires] qui n’ont pas déclaré participer de la majorité de l’assemblée concernée ».

Mais de quoi parle-t-on ? Des droits spécifiques ! Différents donc ! Une sorte de nouvelle discrimination positive ?

Cela signifie d’une part que le rédacteur de cet article a oublié que le parlementaire n’a pas de mandat impératif, il a le droit de soutenir un jour et de s’opposer un autre jour. D’autre part, il va à l’encontre de l’égalité entre les parlementaires qui représentent l’ensemble des Français et pas seulement leurs seuls électeurs.

Tout cela (articles 22 et 24 du projet) n’a évidemment pour but que de formaliser insidieusement le contexte de bipartisme, qui ne peut guère déplaire au Parti socialiste.


9. Inconstitutionnalité impossible d’une révision constitutionnelle

Neuvième et dernière préoccupation : il est impossible de déclarer inconstitutionnelle une partie de la révision de la Constitution. Cela peut paraître absurde, mais considérant que la procédure de révision n’implique que ceux qui ont pouvoir constituant (à savoir le Parlement réuni en Congrès ou le peuple), le Conseil Constitutionnel refusera d’étudier toute aspérité aux principes fondamentaux.

C’est à la fois logique juridiquement, rassurant politiquement (le Conseil Constitutionnel n’a qu’une légitimité de gardien, pas de faiseur), mais concrètement dangereux si un Parlement réuni en Congrès vote n’importe quoi (j’ose l’écrire).


Dans les prochains articles, nous allons voir quelles ont été les contributions des députés sur le texte initialement rédigé par le gouvernement.

(à suivre)


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 juin 2008)


Pour aller plus loin :

Projet adopté au Conseil des Ministres le 23 avril 2008.

Projet adopté par l’Assemblée Nationale le 3 juin 2008.

Constitution du 4 octobre 1958.

Autres articles sur les institutions.







http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=40879

http://fr.news.yahoo.com/agoravox/20080610/tot-la-reforme-des-institutions-votee-pa-89f340e.html



http://www.lepost.fr/article/2008/07/11/1223047_la-reforme-des-institutions-votee-par-l-assemblee-nationale.html



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16 mai 2008 5 16 /05 /mai /2008 04:00

Après l’incident révélateur du rejet de la loi sur les OGM le 13 mai 2008, l’Assemblée Nationale va s’attaquer à la réforme des institutions. Un sujet important qui a déjà fait commettre quelques couacs au sein de la majorité UMP.


Le mardi 20 mai 2008 à 16 heures, l’Assemblée Nationale commencera la discussion du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République (pour avoir plus de précisions, je vous invite à lire mes articles précédents sur le sujet), une discussion qui devrait finir par un vote prévu dans la soirée du 27 mai 2008. Ensuite, le Sénat se saisira du dossier en juin et le Congrès passera au vote de ratification prévu le 7 juillet 2008.

Hélas, la volonté affichée de redorer les travaux du Parlement n’est pas vraiment mise en pratique par le gouvernement et le Président de la République.

Imposer un projet finalisé sans consultation préalable des parlementaires de la majorité, refuser les modifications en commission ou même en séance plénière, demander à des commissions ad hoc de faire le travail de réflexion que les parlementaires pourraient réaliser eux-mêmes ne constituent pas une innovation majeure dans la pratique de gouvernance, mais montre un cruel paradoxe entre le dire et le faire.

Aujourd’hui, la réforme des institutions a toutes les chances d’être remisée dans un tiroir des oubliettes de la République pour deux raisons : d’une part, les socialistes n’ont pas été convaincus par le projet, or certaines de leurs voix sont indispensables pour atteindre la majorité des trois cinquièmes nécessaire à la ratification par le Congrès, et d’autre part, de nombreux parlementaires de la majorité présidentielle, et plus particulièrement de l’UMP, sont plus que réticents sur bien des dispositions de la réforme.


Rappel de l’historique du projet de loi constitutionnelle

Avant son adoption au Conseil des Ministres du 23 avril 2008, le projet de loi avait déjà vu nommer son rapporteur à l’Assemblée Nationale par la désignation le 16 avril 2008 de Jean-Luc Warsmann, qui préside la Commission des lois.

La Commission des lois s’est réunie le 14 mai 2008 pour amender le projet de loi constitutionnelle (j’y reviendrai dans la suite de l’article) et a adopté sans les voix socialistes qui trouvaient que les modifications n’allaient pas assez loin le rapport de Jean-Luc Warsmann déposé dans la nuit du 14 au 15 mai 2008 (rapport n°892 par Jean-Luc Warsmann).

Parallèlement, d’autres commissions permanentes de l’Assemblée Nationale ont été saisies pour donner leur avis sur quelques dispositions particulières de la réforme.

Ainsi le 13 mai 2008, la Commission de la défense (avis n°883 par Guy Tessier, son président) et la Commission des affaires culturelles (avis n°881 par Bernoist Apparu) ont apporté leur contribution.


Fortes tensions au sein de la majorité UMP

Le 13 mai 2008, c’était aussi le tour de la Commission des affaires étrangères (avis n°890 par Axel Poniatowski, son président) qui, de façon inattendue, a rejeté le texte de la réforme par quatre voix contre trois. Trois députés UMP, Jacques Myard, Hervé de Charrette (ancien ministre UDF) et Roland Blum ont en effet voté contre, agacés par la manière dont le gouvernement s’y prend pour cette réforme.

Cette rébellion n’est pas isolée. Le villepiniste François Goulard, député-maire de Vannes et soutien de François Bayrou en 2007, a fait cette semaine ce constat : « Une révision constitutionnelle doit être préparée et discutée, cela n’a pas été le cas. Il ne faut donc pas s’étonner qu’il y ait des dysfonctionnements. ».

Autre villepiniste, JeanPierre Grand n’hésite pas non plus à s’opposer à cette réforme et le président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale, Jean-François Copé, n’hésite pas non plus à considérer que le projet de loi constitutionnelle est mal parti, tant du côté de la majorité que du côté socialistes qui, selon lui, « trouvent [tous les jours] une raison nouvelle pour ne pas la voter ».


Les améliorations apportées par la Commission des lois

La Commission des lois a adopté de nombreux amendements (une soixantaine sur 300 déposés) qui améliorent considérablement la réforme, mais la question sera de savoir sur quel texte de base l’Assemblée Nationale discutera le 20 mai 2008. La réforme prévoit que ce sera sur le texte corrigé en commission, mais les règles actuelles ne l’obligent pas. Un bon moyen de tester le gouvernement sur sa volonté de promouvoir une démocratie irréprochable dans les actes.

Sur les pouvoirs du Président de la République

La possibilité au Président de la République de s’exprimer devant les parlementaires ne serait que devant le Congrès et pas devant l’une des deux chambres. L’intérêt de cette mesure est de faire de cette prise de parole un acte solennel pour des occasions exceptionnelles. Je suis assez d’accord pour cette formule qui évite la banalisation des relations entre le Président de la République et les parlementaires. Le PS a voté contre cet amendement.

La limitation par une loi organique du nombre de ministres a été supprimée (ce qui constitue un camouflet pour Nicolas Sarkozy qui tenait à cette mesure).

Des amendements précisent les conditions dans lesquelles une nomination ne peut pas être procédée par le Président de la République (rendant par ce droit de veto plus contraignant le système prévu par le texte initial).

Sur les pouvoirs du Parlement

La Commission a adopté un amendement déposé par le Vert Noël Mamère précisant que les auditions faites par les commissions sont en principe publiques sauf décision contraire.

La possibilité offerte au Parlement d’adopter des résolutions n’ayant pas de valeur contraignante a été supprimée (amendement déposé par Jean-Luc Warsmann).

Les socialistes ont fait adopter un amendement qui impose au Gouvernement d’informer le Parlement des interventions des forces armées à l’étranger dans les trois jours et de préciser les objectifs poursuivis et les effectifs engagés.

Un autre amendement de Jean-Luc Warsmann adopté par la Commission précise que le nombre de députés ne peut excéder 577 et celui des sénateurs 348 (la réforme prévoyait de faire représenter à l’Assemblée Nationale les Français de l’étranger sans évoquer de nombre, mais le risque était une inflation du nombre de députés, déjà augmenté lors de la loi de 1985 instituant la proportionnelle voulue par François Mitterrand et pas retouché lors de la restauration du scrutin majoritaire en 1986 réalisée par Jacques Chirac).

Sur d’autres dispositions évoquées ou non dans le texte initial

Un amendement socialiste a été approuvé sur l’interdiction aux ministres de cumuler leurs fonctions avec tout mandat parlementaire (rien de nouveau), tout mandat de maire d’une commune de plus de 20 000 habitants, de président d’un Conseil régional ou général, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou activité professionnelle.

L’obligation de faire ratifier par référendum l’adhésion à l’Union Européenne de tout nouvel État est revenue (supprimée complètement dans le texte initial) seulement dans le cas où l’État représente plus de 5% de la population de l’Union Européenne. Cet amendement défendu par Jean-Luc Warsmann n’est pas sans arrière-pensée concernant l’adhésion éventuelle de la Turquie ou celle de l’Ukraine.

Le Conseil Économique et Social a été rebaptisé par un amendement adopté par la Commission en ‘Conseil Économique, Social et de l’Environnement’ (ce qui ne fait pas très sérieux, du fait de l’anacoluthe).

D’autres amendements ont été adoptés sur la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature, profondément remodelée par le texte initial, comme une présidence tournante tous les quatre ans et une restauration de la parité entre magistrats et non magistrats pour la formation disciplinaire.


Opposition renforcée du PS

Comme on peut le constater, la Commission des lois, majoritairement UMP (rappelons-le), a profondément modifié le projet de loi constitutionnelle voulu par le gouvernement.

Cela n’a cependant pas permis aux socialistes d’approuver la version remodelée, dans la mesure où, selon Arnaud Montebourg, les quelques avancées « ne sont pas suffisantes ».

Le député de l’Isère, André Vallini, secrétaire national du PS chargé des institutions, a estimé dans Le Figaro du 15 mai 2008 que « Nicolas Sarkozy et son gouvernement s’aperçoivent que la majorité n’est pas aussi docile qu’ils le pensaient. Si le gouvernement ne prend pas en compte ce qui s’est passé sur les OGM, il s’expose à de graves revers. » ajoutant : « Aujourd’hui, non seulement le gouvernement n’a pas une majorité suffisante pour faire passer la réforme des institutions, mais même au sein de son propre camp, il est loin d’emporter l’adhésion unanime. » et concluant : « Vu le malaise grandissant dans la majorité, la réforme paraît gravement menacée. ».

Les exigences du PS sont notamment la composition du collège électoral pour les élections sénatoriales et le pluralisme dans les médias alors que
« ce qui est proposé aujourd’hui est une simple amélioration du travail parlementaire ».

À l’exception des fabiusiens satisfaits de la modification en commission, les socialistes ne veulent pas non plus de la possibilité donnée au chef de l’État de s’exprimer devant les parlementaires.

Le PS refuse également que le contrôle de l’évaluation des politiques publiques soit confié à la Cour des Comptes et pas au Parlement.

Selon le sous-ministre sarkozyste ex-PS Éric Besson, « les socialistes ne rateront pas l’occasion de saboter le projet du gouvernement. », ce qui a convaincu François Fillon de vouloir au maximum rassembler sa majorité pour renvoyer au PS la responsabilité d’un probable échec de la réforme des institutions.

Lors d’un échange tumultueux à l’Assemblée Nationale le 14 mai 2008, Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS à l’Assemblée Nationale, a interrogé durement le gouvernement : « Quelle est votre conception de la démocratie ? Nous voulons des actes. Ne comptez pas sur nous pour vous servir de faire-valoir. », ce qui a fait réagir le Premier Ministre François Fillon ainsi : « Il n’y a pas d’institutions démocratiques qui consistent à donner à la minorité le pouvoir que le peuple a donné à la majorité. ».


Opposition réaffirmée du MoDem

À l’issu du premier conseil national du MoDem qui a vu adopter son règlement intérieur, François Bayrou, son président, a basé sa position concernant la réforme des institutions sur l’introduction constitutionnalisée d’une dose de proportionnelle aux élections législatives et sur l’interdiction pour le gouvernement de présenter un budget en déficit de fonctionnement hors période de fonctionnement.

François Bayrou souhaite être suivi dans ses positions par les députés du Nouveau Centre en les mettant au défi de rester fidèles à leurs idées (celles qu’ils avaient défendues en commun avec François Bayrou lors de la campagne de l’élection présidentielle de 2007).

Par ailleurs, François Bayrou a déposé plusieurs amendements à la réforme des institutions : sur la défense des langues régionales, sur une loi électorale équitable, sur l’indépendance des médias et sur l’obligation du Président de la République d’assister à l’éventuel débat sans vote en cas de discours devant le Congrès.


Une réforme en voie de pompidolisation ?

L’opposition du PS et du MoDem (le MoDem n’a pas beaucoup d’influence à l’Assemblée Nationale, mais peut avoir une position décisive au Sénat), les interrogations et les réticences voire les oppositions de certains députés UMP, ainsi que la manière cavalière que le gouvernement a adoptée pour ce sujet, tout laisse croire que la réforme des institutions qui se voulait être le modèle d’une modernisation réussie et surtout, la mise en place d’une démocratie irréprochable, court à l’échec.

Un peu comme le quinquennat proposé par Georges Pompidou en avril 1973.

Pas de quoi s’attrister : le quinquennat aura été finalement adopté en… septembre 2000 !

Les parlementaires, le gouvernement… une cour de récréation ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (16 mai 2008)


NB : certains liens de l’Assemblée Nationale sont donnés par anticipation, mais les documents n’ont pas encore été publiés (les liens sont cependant bons et les documents devraient être mis en ligne dans les prochains jours).


Pour aller plus loin :

Auditions de la Commission des Lois de l’Assemblée Nationale du 30 avril au 7 mai 2008.

Auditions du Comité Balladur (2007).







http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=39955

http://fr.news.yahoo.com/agoravox/20080517/tot-du-grabuge-en-perspective-entre-les-89f340e.html



http://www.lepost.fr/article/2008/05/18/1194662_du-grabuge-en-perspective-entre-les-parlementaires-ump-et-le-gouvernement.html











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30 avril 2008 3 30 /04 /avril /2008 11:06

Le projet de loi constitutionnelle sur la modernisation des institutions adopté au Conseil des ministres du 23 avril 2008 a fait l’impasse sur quelques dispositions pourtant souvent débattues.


Dans les premier, second et troisième articles, j’avais présenté la modernisation des institutions de la Ve République voulue par le Président de la République Nicolas Sarkozy et défendue par le Premier Ministre François Fillon.

Il était question d’une méthode discutable (pas de consultation préalable des parlementaires, pas de référendum pour sa ratification), de mesures parfois contestables concernant l’Exécutif (droit du Président de la République à s’exprimer au Parlement, limitation à deux mandats consécutifs etc.) et de mesures très consensuelles visant à renforcer le rôle du Parlement (vote des lois et contrôle du Gouvernement) issues des travaux du Comité Balladur.

Dans ce dernier épisode, je fais le point sur les sujets qui n’ont pas été abordés dans ce projet de loi constitutionnelle, ce qui aura sans doute déçu de nombreuses élus et citoyens.


8. Ce qui n’est pas dans le projet de loi constitutionnelle

Quelques mesures pourtant souvent débattues n’ont pas été évoquées ici. Elles ne sont pas contenues dans la réforme sans pour autant préjuger de leur absence totale.

En effet, pour au moins deux thèmes, le mode de scrutin et le cumul des mandats, ce n’est pas du ressort de la Constitution mais de lois organiques.

D’ailleurs, ce projet de révision nécessiterait, s’il était adopté, plusieurs lois organiques qui fixeraient un certain nombre de conditions dans lesquelles s’appliqueraient les nouvelles dispositions votées. Le contenu de ces lois organiques ferait sans doute l’objet de nouveaux enjeux pas forcément bien visibles pour le simple citoyen.

8.1. Pas de référendum d’initiative populaire

Sans doute considérant que le peuple n’est pas assez ‘mature’, le projet ne reprend pas la proposition très encadrée du Comité Balladur qui pouvait servir de base à une discussion de type parlementaire (la question étant de savoir si le gouvernement laissera ou pas les parlementaires amender le texte).

À la place est évoqué un droit de pétition consultatif auprès du Conseil Économique et Social.

Le sujet mérite cependant de s’y attarder. L’absence d’une telle mesure ne signifie pas nécessairement qu’on veuille brider le peuple.

Il y a deux arguments en défaveur d’un tel type de référendum.

D’une part, il est difficile dans un pays à grande population de permettre des pétitions de 10% de l’électorat par exemple (plus de 4 millions de personnes). Seuls, les grands partis pourraient aboutir à un tel projet. C’est pourquoi ce type de mesure est souvent applicable dans des petits pays (notamment la Suisse).

D’autre part, sans encadrement strict, cela peut aboutir à des relents populistes malsains (comme demander un référendum pour rétablir la peine de mort). Il paraît normal également que les pouvoirs publics préservent une exclusivité dans ce type d’initiative.

Le tout étant de rester à l’écoute des attentes du peuple. Ce qu’a cherché à faire De Gaulle jusqu’en 1968 (ensuite, la distance fut si grande qu’il a démissionné de lui-même, acte ‘héroïque’ qu’un simple homme politique commun n’aurait jamais commis, ni Mitterrand en 1986 ou 1993, ni Chirac en 1997 ou 2005).

8.2. Mode de scrutin pour l’élection des députés

Serpent de mer habituel de la vie politique française depuis plusieurs républiques (la loi sur les apparentements avait déjà cassé la dynamique du RPF sous la IVe République), le mode de scrutin a été souvent modifié et beaucoup de personnalités politiques ont pris, au cours de leur existence politique, des positions différentes.

En 1958, Ministre de la Justice et chargé de rédiger la nouvelle Constitution, Michel Debré était favorable au scrutin majoritaire à un tour comme en Grande-Bretagne. Cette idée a été abandonnée par De Gaulle surtout parce qu’il voulait des députés élus à la majorité absolue et pas relative afin de leur donner la légitimité, d’où la nécessité d’un second tour (même si la possibilité de triangulaires voire de quadrangulaires au second tour ne donne pas forcément au candidat finalement élu une majorité absolue).

En avril 1985, François Mitterrand modifiait le mode de scrutin en raison de considération très circonstancielles : sûr d’échouer aux élections législatives du 16 mars 1986, il voulait réduire au maximum l’effet majoritaire d’une victoire de la coalition UDF-RPR menée par Jacques Chirac. François Mitterrand avait donc institué après bien des supputations le scrutin proportionnel par listes départementales avec répartition au plus fort reste. Cette décision avait d’ailleurs engendré la démission de Michel Rocard (partisan du maintien du scrutin majoritaire) du gouvernement de Laurent Fabius.

Dès l’automne 1986, Jacques Chirac, Premier Ministre de cohabitation, avait rétabli le scrutin majoritaire à deux tours sans toutefois modifier le nombre de députés (qui était passé de 496 à 577 avec la réforme de François Mitterrand).

Pour l’instant, aucun autre changement n’a eu lieu.

Trois écoles s’opposent.

Il y a les partisans du statu quo qui souhaitent préserver l’élection d’une majorité absolue à l’Assemblée Nationale (son absence dans l’Assemblée élue en juin 1988 et sa présence dans celle élue en mars 1986 mettent en défaut cette argumentation). Le scrutin est cependant plus efficace pour gouverner mais a une plus faible capacité de représentation de tous les courants politiques du pays.

Il y a les partisans du tout-proportionnel ou d’une forte dose de proportionnelle (50% des députés). La plupart des partis laminés par le scrutin majoritaire y sont évidemment favorables (notamment le MoDem, le Front National, mais aussi le PCF, les Verts et l’extrême gauche).

Il y a enfin ceux qui sont favorables à une petite dose de proportionnelle, à l’instar du Comité Balladur qui suggérait 5% des députés (ce qui est faible). Le Nouveau Centre, certains élus de l’UMP et du PS y seraient favorables.

Quatrième position, ultra-minoritaire, Patrick Devedjian (ancien ministre, député et secrétaire général de l’UMP) et Gérard Longuet (ancien ministre, sénateur et ancien président du Parti républicain) seraient partisans du scrutin majoritaire à un tour (ce qui laminerait définitivement les candidats qui ne seraient soutenus ni par l’UMP ni par le PS). Je les soupçonne d’être surtout des provocateurs.

8.3. Mode de scrutin pour l’élection des sénateurs

De nombreuses modifications ont déjà eu lieu pour les sénateurs qui sont élus dans un cadre départemental. Pour les départements qui élisent au moins trois sénateurs, il s’agit d’un scrutin à la proportionnelle au plus fort reste (avant, il fallait au moins cinq sénateurs dans un département).

Le souci n’est donc pas le mode de scrutin qui semble désormais admis, mais le collège électoral (voir mon article sur le sujet).

En effet, ce collège électoral, pourtant déjà modifié pour représenter plus les villes que les campagnes, fait la part encore trop belle aux élus ruraux surreprésentés par rapport aux grands électeurs issus des villes.

Pierre Mauroy (sénateur et ancien Premier Ministre) aurait même réussi à convaincre ses camarades socialistes d’abandonner leur refus de voir le Président de la République s’exprimer devant le Parlement au profit d’une réforme de la composition du collège électoral pour le Sénat.

L’enjeu est important, notamment depuis les élections municipales et cantonales de mars 2008, puisque le PS pourrait gagner la majorité du Sénat en septembre 2011 avec le renouvellement des sénateurs franciliens.

Dans tous les cas, le collège pour les élections sénatoriales prévues le 21 septembre 2008 (date avancée d’une semaine à la tradition) ne serait pas modifié.

Le 23 avril 2008, l’éditorialiste Olivier Duhamel (et ancien député européen socialiste) proposait sur France Culture une Assemblée Nationale élue au scrutin majoritaire à un tour (assurant la majorité absolue) et un Sénat élu à la proportionnelle intégrale (et au suffrage direct), assurant la représentation de tous les courants politiques, et modifiant le clivage actuel : le député représente la population et le sénateur représente le territoire.

8.4. Renforcement de la limitation du cumul des mandats

Rappelons à cet effet qu’il est faux de dire qu’il n’y a actuellement pas de limitation de cumul des mandats. La loi a d’abord limité à deux mandats, puis a interdit à plus d’un exécutif local. Tout en plafonnant les indemnités de ces fonctions électives.

Un mandat local et un mandat national pourrait être un bon équilibre. Nathalie Kosciusko-Morizet l’avait d’ailleurs récemment expliqué à Agoravox.

Le vrai problème reste cependant que ne sont pris en compte que les mandats obtenus au suffrage direct, or il existe de nombreux autres mandats que les élus cumulent allègrement en toute discrétion et qui ne sont pas pris en compte.

Par exemple, les mandats concernant les structures intercommunales qui sont pourtant dotées de budgets supérieurs aux communes. Mais aussi de nombreux mandats dans des syndicats mixtes, intercommunaux divers et variés.

En observant la pratique gouvernementale proposée par Nicolas Sarkozy depuis mai 2007, il n’est pas sûr que ce thème soit mis en discussion rapidement.

En effet, alors que Lionel Jospin avait émis la règle (personnelle), en juin 1997, qui interdisait d’être à la tête d’un exécutif en même temps qu’au gouvernement, et que Jacques Chirac l’avait reprise à son compte en mai 2002, notamment pour éviter de nommer Philippe Douste-Blazy, alors nouveau maire de Toulouse, au gouvernement (mais qu’il n’a pas appliquée à Nicolas Sarkozy lors de son retour au Ministère de l’Intérieur en juin 2005, cumulant en plus la présidence du Conseil général des Hauts-de-Seine et la présidence de l’UMP), le gouvernement de François Fillon est composé de nombreux responsables d’exécutifs territoriaux (surtout depuis le remaniement du 18 mars 2008).

8.5. Cumul des mandats dans le temps

La question doit sans doute être aussi débattue.

La réponse est proposée pour le mandat présidentiel dans le projet de loi constitutionnelle, mais n’est pas vraiment utile dans la mesure où aucun Président de la République n’a jamais commencé de troisième mandat (et deux seuls ont achevé leur second mandat depuis deux siècles, François Mitterrand et Jacques Chirac).

L’enjeu porte plutôt sur l’exécutif des collectivités locales (mairie, présidence de Conseil général, présidence de Conseil régional) où la très grande longévité de certains élus interroge les citoyens sur leur aptitude à prendre les bonnes décisions et à imaginer les meilleures solutions aux enjeux qui se posent.

Mais, je ne suis pas sûr que le choix doit être refusé à l’électeur. Les électeurs sont aujourd’hui tout à fait aptes à refuser la prolongation de mandats trop durable.

C’est ainsi, par exemple, qu’ils ont renvoyé à ses études Jean-Marie Rausch (78 ans), candidat à un nouveau mandat en mars 2008, alors qu’il était maire de Metz depuis… mars 1971.

Jacques Chaban-Delmas avait été encore plus long à Bordeaux (pendant 48 ans maire) ou Aimé Césaire (56 ans maire de Fort-de-France).


Épilogue

Ces oublis dans l’actuel projet de loi constitutionnelle feront nécessairement de nouveaux débats voire polémiques dans les mois et les années à venir.

L’opposition au gouvernement, notamment les socialistes, devrait saisir cette occasion du débat institutionnel pour se faire entendre et surtout se faire comprendre. Car pour ses dernières positions institutionnelles concernant le Traité de Lisbonne, le Parti socialiste a été d’une incohérence politique doublée d’une confusion étonnante.

À lui de montrer clairement où se trouvent, à son sens, les priorités institutionnelles. Le gouvernement semble avoir déjà accompli cette tâche. Et au MoDem d’avoir l’audace de faire entendre sa voix malgré sa faible force de frappe parlementaire.

Je souhaite également que le gouvernement laisse une grande marge de manœuvre aux parlementaires pour amender ce projet de révision lors des lectures à l’Assemblée Nationale en mai 2008 et au Sénat en juin 2008.

Il restera ensuite à déterminer si cette réforme voulue par Nicolas Sarkozy va renforcer la Ve République… ou l’affaiblir.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (30 avril 2008)


Pour aller plus loin :

Texte intégral du Projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.

Constitution de la V
e République.






http://www.AgoraVox.fr/article.php3?id_article=39395

http://fr.news.yahoo.com/agoravox/20080501/tot-reforme-des-institutions-4-les-oubli-89f340e.html

http://www.centpapiers.com/Reforme-des-institutions-en-France,3694

http://www.lepost.fr/article/2008/05/06/1190028_reforme-des-institutions-4-les-oublies-du-projet-sarkozy-fillon.html

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30 avril 2008 3 30 /04 /avril /2008 09:28

Lecture commentée du projet de loi constitutionnelle sur la modernisation des institutions adopté au Conseil des ministres du 23 avril 2008. Suite et presque (!) fin.

Dans le premier article, j’avais évoqué les conditions de cette réforme qui veut moderniser les institutions de la Ve République, qui ne sont pas celles qu’on aurait souhaitées pour impliquer une large partie du peuple français. Dans un deuxième article, j’ai énuméré la plupart des mesures qui ont trait à l’Exécutif et aux droits du citoyens.

Dans ce troisième article, je présente les dispositions qui ont été prévues pour renforcer les droits et pouvoirs du Parlement. Inutile de dire que le gouvernement considère que c’est cette partie qui est l’essentiel de l’esprit de cette réforme, savamment préparée par le Comité Balladur.

Dans un quatrième et dernier article, je présenterai ce qui a été ‘oublié’ dans ce texte de révision.


7. Le Parlement rénové dans ses droits et pouvoirs

Voyons donc la plupart de ces mesures en faveur du Parlement.

7.1. Des nominations mieux contrôlées (art. 4, 25, 28 et 31 du projet de loi)

La tendance de ces dernières années (fortement accentuée avec l’arrivée de François Mitterrand à l’Élysée) a été de rendre le Président de la République maître des nominations de plus en plus de hauts fonctionnaires de l’État. Cette tendance, qu’en d’autres lieux et autres temps on appelait népotisme, n’est pas de nature à rendre la confiance des citoyens à leurs représentants. La réforme prévoit donc, pour certaines nominations, que ce pouvoir de nomination ne puisse s’exercer que « après avis d’une commission constituée de membres des deux assemblées du Parlement ».

Cette disposition s’appliquerait également à d’autres nominations comme celle du Défenseur des droits du citoyens (qui regrouperait les fonctions actuelles du Médiateur de la République, du Contrôleur général des lieux de privation de liberté et de la Commission nationale de déontologie de la sécurité), celle de certains membres du Conseil Supérieur de la Magistrature, ainsi que celle des membres du Conseil Constitutionnel.

Mon avis : Très favorable. Cette mesure qui encadrerait le pouvoir présidentiel empêcherait ainsi des nominations totalement déplacées de proches du pouvoir dans des fonctions pour lesquelles ils n’auraient aucune compétence. Par ailleurs, notamment pour la nomination des membres du Conseil Constitutionnel dont l’importance serait grandissante, il résulterait de cette disposition la fin des polémiques souvent naissantes lors du renouvellement du Conseil Constitutionnel (nomination de Roland Dumas à sa présidence en 1995 etc.).

7.2. Énonciation officielle des missions du Parlement (art. 9 du projet de loi)

La réforme comblerait une « lacune significative » de l’actuelle Constitution qui ne mentionne nulle part les missions du Parlement. Elle les énoncerait clairement dès le début du titre IV concernant le Parlement (article 24 de la Constitution) : « Le Parlement vote la loi et contrôle l’action du Gouvernement. ».

Mon avis : Pour. Si le vote de la loi paraît une mission évidente du Parlement (et est rappelé à l’article 34 de la Constitution), le contrôle de l’action gouvernementale l’est beaucoup moins en France. En l’énonçant explicitement dans la Constitution, la réforme donnerait aux parlementaires le cadre constitutionnel de leurs éventuelles investigations.

7.3. Représentativité des députés et des sénateurs (art. 9 et 10 du projet de loi)

Il ne s’agirait pas ici d’évoquer le mode de scrutin, mais de créer aussi une représentation des Français établis hors de France pour l’Assemblée Nationale (actuellement seulement pour le Sénat) ainsi que de créer une Commission indépendante (une loi fixerait ses règles d’organisation et de fonctionnement) pour se prononcer « par un avis public sur les projets et propositions tendant à délimiter les circonscriptions pour l’élection des députés ou des sénateurs ou à répartir les sièges entre elles ».

Mon avis : Pour. L’absence de députés représentant les Français de l’étranger est en effet une lacune, mais le plus important reste le fait de contrôler tout nouveau ‘charcutage électoral’. Le problème est très important, car le dernier redécoupage des circonscriptions législatives date de… 1988. Or, en vingt ans, la démographie a considérablement évolué et de très fortes inégalités de représentation ont été observées de part et d’autre. Malgré cela, aucun gouvernement n’avait osé s’attaquer au redécoupage de peur d’être attaqué sur ce registre. Cette commission pourrait faire en sorte que cette opération, qui devrait être régulière, soit réalisée de manière plus consensuelle.

7.3. Possibilité de voter des résolutions (art. 12 du projet de loi)

Là encore, la ‘mode anglo-saxonne’ est très forte dans ce type de disposition qui prévoit « la faculté, à l’instar de la grande majorité des Parlements étrangers, d’adopter, en tout domaine, des résolutions n’ayant pas de valeur contraignante, mais marquant l’expression d’un souhait ou d’une préoccupation ». L’objectif est de décharger la loi de « cette fonction tribunitienne ».

Mon avis : Pour. Cette disposition séparerait les résolutions des lois (la France en produit beaucoup trop). Il suffit, pour se le rappeler, d’évoquer l’article 4 de la loi du 23 février 2005 qui n’avait rien à y faire dans une loi (aspect positif de la colonisation). Il resterait cependant à bien encadrer cette nouvelle possibilité offerte aux parlementaires pour ne pas, par exemple, mettre le gouvernement en porte-à-faux diplomatique.

7.4. Augmentation du nombre des commissions permanentes (art. 17 du projet de loi)

Chaque assemblée du Parlement s’organise jusqu’à maintenant avec six commissions permanentes. Ce nombre est porté à huit. Objectif : élargir le champ des commissions permanentes et resserrer leur composition pour rendre leur travail plus efficace.

Mon avis : Pour. Les commissions ont un certain nombre de prérogatives intéressantes (comme celui de demander des audiences parfois publiques). On peut aisément envisager l’instauration d’une commission chargée de l’écologie et du développement durable et d’une commission chargée des nouvelles technologies par exemple. Cette disposition ne préjugerait pas de ce que les assemblées décideraient d’en faire.

7.5. Généralisation des lois de programmations (art. 11 du projet de loi)

La réforme élargirait constitutionnellement le champ d’application des « lois de programmes » qui deviendraient « lois de programmation » au-delà de la seule action économique et sociale de l’État.

Mon avis : Pour. Des lois de programmation avaient déjà été envisagées sur d’autres sujets qu’économiques et sociaux, comme une loi de programmation militaire mais était interdite par le Conseil Constitutionnel. Ces lois de programmation stabiliserait la gestion de l’État et permettrait à tous les acteurs plus d’anticipation dans leurs projets.

7.6. Implication du Parlement en cas d’intervention des forces armées à l’étranger (art. 13 du projet de loi)

La réforme imposerait au Gouvernement d’informer systématiquement et le plus rapidement possible toute intervention des forces armées à l’étranger, éventuellement avec un débat sans vote à la suite. Après un délai de six mois (ou, le cas échéant, au début de la session suivante si c’était hors session), le Parlement devrait autoriser la prolongation de l’intervention.

Mon avis : Pour. Cette disposition remédierait à une critique récurrente de l’opposition chaque fois que des troupes françaises sont engagées à l’étranger (Kosovo, Côte d’Ivoire, Koweït, Liban, Afghanistan etc.). Jusqu’à maintenant, seule la « déclaration de guerre » était autorisée par le Parlement.

7.7. Examen du Conseil d’État des propositions de loi (art. 14 du projet de loi)

Voici encore une disposition nécessaire pour mettre sur le même pied d’égalité le Gouvernement (qui rédige des projets de loi) et le Parlement (qui rédige des propositions de loi). Le Président d’une assemblée pourrait soumettre pour avis au Conseil d’État une proposition de loi déposée par un de ses membres. La réforme prévoit aussi la possibilité au Président d’une assemblée d’opposer l’irrecevabilité d’une proposition ou d’un amendement qui ne serait pas du domaine de la loi (pour l’instant, seul le Gouvernement peut opposer l’irrecevabilité).

Mon avis : Pour. Cela éviterait que certaines propositions de loi soient anticonstitutionnelles ou mal rédigées. Il est cependant dommage que n’aient pas été pris en compte les éventuels amendements d’origine parlementaire dont la rédaction pourrait être, elle aussi, erronée (comme l’amendement Mariani sur le recours aux tests ADN pour la loi Hortefeux).

7.8. Texte de base pour la discussion parlementaire (art. 16 du projet de loi)

Là encore, l’expérience sénatoriale de la première lecture de la loi Hortefeux (sur les tests ADN entre autres) a été intéressante. La réforme obligerait de prendre comme texte de base à une discussion en séance le texte éventuellement modifié par la commission parlementaire chargée de l’étudier et pas celui du Gouvernement (sauf pour les lois de finances et révisions constitutionnelles).

Mon avis : Pour. Ce serait sans doute la principale avancée de ce projet de loi : les travaux des parlementaires ne seraient plus inutiles et le Gouvernement serait dans ce cas en retrait dans l’élaboration de la loi.

7.9. Droits des partis se disant d’opposition (art. 1 et 24 du projet de loi)

La première mesure indiquerait dès l’article 4 de la Constitution (sur les partis qui « concourent à l’expression du suffrage ») la phrase suivante : « Des droits particuliers peuvent être reconnus par la loi aux partis et groupements politiques qui n’ont pas déclaré soutenir le Gouvernement. ». Les garanties spécifiques visées seraient par exemple « les règles de financement ou les règles protocolaires ».

De plus, serait ajouté l’article 51-1 de la Constitution ainsi rédigé : « Le règlement de chaque assemblée détermine les droits respectifs des groupes parlementaires selon qu’ils ont ou non déclaré soutenir le Gouvernement. ».

Mon avis : Plutôt contre. Cette mesure (qui imiterait la tradition britannique du ‘shadow cabinet’) renforcerait la bipolarisation du système politique français. S’il est relativement facile de savoir si l’UMP ou le PS sont dans la majorité ou dans l’opposition, il est moins évident pour le MoDem (encore que sa représentation parlementaire soit très faible actuellement). C’était notamment le cas lors de la précampagne présidentielle où le temps de parole de François Bayrou ne pouvait être décompté ni du temps de la majorité (puisqu’il avait voté une motion de censure en 2006) ni du temps de l’opposition (qui refusait d’être amputée d’autant). Cela dit, ces droits spécifiques permettraient à l’opposition de créer des commissions d’enquête et autres missions de contrôle du Gouvernement qui nécessitent aujourd’hui un accord de la majorité. Cette possibilité aurait pu être obtenue sans évoquer de différences entre les partis mais en autorisant la création de telles commissions par seulement 20 ou 30% des parlementaires d’une même assemblée.

7.10. Autres mesures sur le Parlement

Il est très difficile de présenter de façon exhaustive ce projet de loi car il contient de nombreuses mesures très positives pour redonner des prérogatives au Parlement.

Je les cite donc ici rapidement :

- Possibilité par le Parlement de refuser la déclaration d’urgence faite par le Gouvernement (art. 19 du projet de loi).

- Questions au Gouvernement également pendant les sessions extraordinaires (art. 22 du projet de loi).

- Partage de l’ordre du jour à moitié-moitié pour le Gouvernement et le Parlement (art.22 du projet de loi).

- La Cour des Comptes assisterait le Parlement dans sa mission de contrôle (art. 21 du projet de loi).

- Limitation du 49-3 aux lois de finances et à un texte par session (art. 23 du projet de loi).



Assurément, toutes ces dispositions visant à redorer le Parlement sont très positives et apporteraient une avancée majeure dans le fonctionnement des institutions de la V
e République.

Il aurait sans doute fallu, pour éviter toute polémique inutile, faire de ce seul recueil de dispositions facilitant le travail parlementaire un projet de loi constitutionnelle à lui tout seul et séparer la discussion de ce texte (consensuel) des autres mesures indiquées dans mon précédent article qui font parfois l’objet de fortes contestations.

Dans le prochain article, je terminerai l’étude de ce projet par les dispositions qui ne sont pas (justement) dans ce projet.

À suivre…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (30 avril 2008)


Pour aller plus loin :

Texte intégral du Projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.

Constitution de la V
e République.





http://www.AgoraVox.fr/article.php3?id_article=39385

http://fr.news.yahoo.com/agoravox/20080430/tot-reforme-des-institutions-3-un-parlem-89f340e.html

http://www.centpapiers.com/Reforme-des-institutions-en-France,3693

http://www.lepost.fr/article/2008/05/06/1190016_reforme-des-institutions-3-un-parlement-aux-prerogatives-renforcees.html


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