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19 septembre 2023 2 19 /09 /septembre /2023 05:54

« Sénateurs, montrez que vous êtes nécessaires ! » (Victor Hugo).





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Après avoir présenté le mode d'emploi des élections sénatoriales du 24 septembre 2023, je propose d'y présenter les enjeux. Il y a les enjeux purement politiques, le nouveau rapport de forces entre les partis politiques (et incidemment, leur financement), mais il y a aussi les enjeux nationaux.

Passons rapidement sur le nouvel équilibre qui devrait se dégager de ces élections sénatoriales. Les tendances sont connues puisqu'elles sont les mêmes qu'aux dernières élections municipales (les délégués municipaux représentent 95% du corps électoral), à savoir une légère remontée des socialistes et une percée des écologistes, qui leur avait permis de reconstituer un groupe en 2020 (pour créer un groupe politique, il faut au moins 10 sièges).

Ce rééquilibrage se fera certainement au détriment du parti majoritaire au Sénat, Les Républicains (LR), ainsi que son fidèle et influent allié, l'Union centriste (UC). Par ailleurs, il est assez facile de comprendre que le parti du Président Emmanuel Macron, c'est-à-dire Renaissance (24 sénateurs), n'aura pas beaucoup de sièges supplémentaires après son échec aux élections municipales (il risque même d'en perdre mais l'existence du groupe n'est pas en danger). Les partis alliés pourraient en revanche gagner en sièges : le MoDem (dont les élus siègent à l'UC) et Horizons. Ce dernier, parti créé par l'ancien Premier Ministre Édouard Philippe, a l'objectif d'étoffer le groupe politique actuellement présidé par l'ancien ministre Claude Malhuret (14 sénateurs).

Les extrêmes, en revanche, auront peu de chance d'obtenir des sièges : le RN avait réussi une timide et étonnante percée en 2014 avec l'élection de deux sénateurs, mais comme souvent dans ce parti une fois qu'un élu est bien établi et installé sur son nom, l'un a quitté ce parti (et l'autre a préféré son mandat de maire). Percée provisoire, donc. FI non plus n'aura probablement pas d'élus au Sénat (sauf peut-être Ugo Bernalicis dans le Nord ?). La gauche a tenté des listes d'union totale ou partielle dans vingt départements (PS, PCF, EELV), mais en excluant catégoriquement les candidats FI qui partent donc seuls et isolés (Yannick Jadot a donc de bonnes chances d'être élu sénateur à Paris). Le Sénat feutré pourra en principe garder sa modération de forme et de fond dans les débats parlementaires, et montrer, par contraste avec l'Assemblée Nationale, qu'il est une assemblée respectueuse des citoyens et des institutions.

Mais il peut y avoir des surprises, car dans certains départements, les listes se sont multipliées. La raison en est simple : la proportionnelle et la parité incitent les sénateurs sortants à se représenter en tête de liste sans colistier sortant, afin de faire une sorte de scrutin majoritaire (qui court-circuiterait la parité puisque la plupart des têtes de liste sont des hommes). L'exemple le plus frappant est le Nord, un département très peuplé au point que seul Paris a plus de sièges que les 11 du Nord. En sortants, il y a 2 sénateurs UDI, dont l'ancienne ministre Valérie Létard qui ne se représente pas. 7 listes se présentent dont la tête de liste ou la liste sont des centristes et particulièrement l'UDI (aussi Renaissance, MoDem, ou LR ancien centriste). En tout, avec les extrêmes et la gauche, les grands électeurs du Nord devront faire un choix entre 16 listes ! Au niveau national, il y a 1 919 candidats pour les 170 sièges à pourvoir (136 pourvus à la proportionnelle, 34 au scrutin majoritaire), c'est un peu moins qu'en 2017 pour les mêmes sièges, 1 996 candidats (pour 171 sièges, pas 170, car il y avait aussi une élection partielle en Savoie).

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Cet exemple du Nord montre, et c'est le cas dans la plupart des départements, que les projets politiques sont rarement l'élément majeur du vote et que la personnalité des candidats compte avant tout. Pourquoi ? Parce qu'un sénateur est d'abord un passeur entre les conseils municipaux et l'État. Et un passeur autre qu'un ordonnateur technocratique comme l'est le préfet, bien sûr.

Aujourd'hui, il y a un réel problème entre l'État et les collectivités locales. On dit qu'Emmanuel Macron a une position politique centrale mais personne ne peut affirmer qu'il est centriste et encore moins démocrate chrétien. Le centrisme en France a deux caractéristiques essentielles, deux convictions : la construction européenne (celle-là, Emmanuel Macron l'a et en est même un porteur probablement le plus efficace des vingt dernières années en France voire en Europe), mais l'autre conviction, c'est la décentralisation, et cette dernière conviction, il ne l'a pas du tout. Au contraire, la tendance est vers une recentralisation de l'État, pondeur impénitent de nouvelles normes. (Le 15 septembre 2023 à Angers, Édouard Philippe expliquait : « Nous sommes dans un étau. Un étau de pouvoirs impuissants. Un étau de contraintes budgétaires dont les mâchoires vont se serrer de plus en plus. Un étau de contraintes juridiques, de procédures pointilleuses, toujours imaginées pour répondre à un problème, toujours conçues pour encadrer par la norme les appréciations, les décisions, les prises de risque. »).

Deux ou trois exemples, entre autres : la suppression de la taxe d'habitation, non seulement elle supprime un des leviers essentiels des finances locales, mais elle redonne à l'État un pouvoir exorbitant sur les collectivités locales. L'autre exemple ne concerne pas les collectivités locales mais est du même genre : la suppression des cotisations chômage salariales transfère de fait la charge des indemnités chômage de l'URSSAF à l'État qui reprend ainsi un pouvoir qu'il n'avait pas (ce n'est plus une assurance chômage, c'est une solidarité nationale). On peut en discuter, il y a des avantages comme des inconvénients à cela, mais c'est cette tendance. La même que la suppression de la redevance de l'audiovisuel public qui laissait une certaine indépendance et garantie de financement aux entreprises publiques concernées dont le financement est recentralisé dans le budget de l'État.

Paradoxalement, c'est le Sénat actuel qui est porteur de ce besoin de réelle décentralisation et une loi est attendue depuis longtemps pour la garantir et surtout, garantir une autonomie et un financement viable. Et le Sénat actuel, c'est principalement les élus LR et les élus UC, et LR, c'est surtout issu des gaullistes qui étaient les pourfendeurs de la décentralisation et partisans de l'étatisation des processus. L'État fort est représenté aujourd'hui par Emmanuel Macron et les "résistants" girondins par les sénateurs républicains, en somme, un retournement historique des rôles !

On voit bien qu'il y a un vrai problème indépendant des étiquettes politiques : les collectivités locales, en particulier les communes, sont indispensables à la société française, à la vie sociale. On l'a bien vu avec la crise du covid-19 : c'est grâce aux communes (et départements et régions) que la campagne massive de vaccination voulue par l'État a été une réussite. Les élus locaux ont beaucoup bossé, pour la plupart bénévolement, au service de leurs concitoyens. Le préfet n'est rien s'il n'a pas les antennes locales pour amener la politique de l'État au plus près des territoires. D'ailleurs, alors que la santé n'est pas dans leurs missions, les municipalités multiplient les initiatives pour proposer aux nouveaux médecins des "maisons de santé" souvent coûteuse afin de pallier les déserts médicaux. Même l'aide à l'Ukraine, au printemps 2022, a été principalement réalisée par les communes qui ont su catalyser la générosité des Français, en dehors de toute procédure bureaucratique. Du reste, c'est à l'échelle communale que la démocratie est la plus vivante, on a pu s'en rendre compte lors des grands débats en 2019.

Or, les collectivités locales (et surtout les communes) se retrouvent, selon le mot d'Édouard Philippe, dans un étau financier infernal pour des raisons structurelles et conjoncturelles.

Structurelles : depuis une dizaine d'années, les décisions des gouvernements sont toujours allées contre le financement autonome des collectivités locales. Ainsi, François Hollande a pris deux mesures particulièrement nocives pour les finances locales et l'autonomie des collectivités locales : la réforme de l'intercommunalité qui a imposé la création d'intercommunalités hors sol, sans homogénéité de bassin de vie ou de bassin économique, à marche forcée (sans demander l'opinion des communes concernées) ; la baisse généralisée et continue de la dotation globale de fonctionnement (DGF) attribuée par l'État aux collectivités territoriales, ce qui est un véritable scandale financier de l'État.

À cela s'ajoute sous Emmanuel Macron la suppression de la taxe d'habitation qui était le principal levier de l'autonomie financière des collectivités locales (dans une moindre mesure, la suppression de la taxe professionnelle sous Nicolas Sarkozy), et les mécanismes de transferts de l'État donnent la prime aux gestions non vertueuses des collectivités : une collectivité locale à la gestion rigoureuse qui a peu emprunté et qui a peu augmenté les impôts locaux se verra ainsi attribuer moins de dotation compensatoire de l'État qu'une collectivité qui gérait mal, qui a énormément emprunté et qui a beaucoup augmente les impôts locaux. Cette prime à la gestion non vertueuse est également présente dans la loi contre l'artificialisation des sols : les communes qui ont été les plus vertueuses dans ce domaine se verront contraintes par l'État beaucoup plus durement que les communes qui s'en moquaient.

Le dernier levier des communes reste la taxe foncière qui a explosé ces dernières années, principalement à cause de l'inflation, et qui, comme avec la transformation de l'ISF et l'IFI (impôt sur les grandes fortunes basé uniquement sur les propriétés immobilières), décourage les investissements immobiliers (que ce soit pour la résidence principale ou pour du locatif), alors qu'il y a un besoin immense de nouveaux logements (rien qu'en région parisienne, il faut 80 000 nouveaux logements chaque année). Les nouvelles réglementations environnementales et leurs conséquences sur les achats/ventes de biens immobiliers impactent également le marché immobilier déjà en baisse à cause de la remontée des taux d'intérêts.

Conjoncturelles : à côté de ces baisses constantes de financement (dont la DGF), l'État impose aux collectivités locales des dépenses supplémentaires sans compenser alors que les budgets de fonctionnement doivent être équilibrés : l'augmentation du point d'indice de la rémunération des agents de la fonction publique (4% en 2022, 1,5% en 2023) coûte très cher aux collectivités (la masse salariale correspond généralement à plus de 50% voire 60% du budget de fonctionnement) car décidée par l'État et payée par les collectivités locales.

De même, certains dispositifs favorables aux entreprises plombent les finances des collectivités locales : ainsi, dans un contrat avec un prestataire ou un fournisseur, doit être incluse une clause d'adaptation à l'inflation des prix présentés sur les devis, afin de permettre aux entreprises de ne pas réaliser leurs prestations à pertes. Ce qui est bien pour le soutien à l'activité économique, mais qui pénalise financièrement les communes et, par voie de conséquence, d'une manière ou d'une autre, les habitants qui, soit devront payer plus de taxe foncière, soit ne verront pas se réaliser certains projets qui seront abandonnés faute de moyens financiers. J'ajoute que la suppression de la réserve financière des parlementaires, qui permettait aux parlementaires d'apporter rapidement, hors dossier bureaucratique et en toute transparence, un soutien financier à des réalisations locales, réduit encore plus l'autonomie des collectivités territoriales.

On a beaucoup critiqué les gestions calamiteuses de certaines collectivités locales et c'était avec raison : depuis la décentralisation de 1982, l'autonomie permettait la survenue de nouvelles féodalités (au point que les journalistes parlaient de "fief" comme si un territoire était la propriété d'un "grand" élu), et ce mouvement, outre les éventuelles infractions à la loi (corruption, abus de biens sociaux, etc.), a entraîné un mouvement, là très légal, d'augmentation massive du nombre de fonctionnaires territoriaux. Le recrutement de la plupart était nécessaire pour assurer les nouvelles compétences accordées aux collectivités locales, mais cela s'est passé sans déconcentration et réduction équivalente des effectifs au niveau de l'État pour les mêmes compétences. Pire, le clientélisme dans certaines collectivités a été tel que beaucoup d'emplois plus ou moins nécessaires étaient proposés aux fidèles partisans du chef de l'exécutif local. C'était dans les années 1980 et 1990, mais depuis les années 2000 et l'extrême rigueur des lois de finances, ces abus sont devenus heureusement très rares.

L'étau n'est d'ailleurs pas seulement financier : l'État est devenu "schizophrène" et demande aux municipalités de construire plus de logements et plus de logements à loyer aidé, et en même temps, veut réduire l'artificialisation du territoire avec l'objectif en 2050 du zéro artificialisation ! À part construire des tours géantes ou des habitations en sous-sols, je ne vois pas comment rendre compatible ces deux injonctions ...paradoxales (plus de construction, moins de béton au sol).

Avec Emmanuel Macron, c'est la première fois depuis 1974 qu'un responsable politique arrive à l'Élysée sans avoir eu à gérer une commune, sans avoir été maire, même d'une petite ville, avant d'assumer les fonctions de Président de la République (Valéry Giscard d'Estaing a été maire de Chamalières, François Mitterrand maire de Château-Chinon, Jacques Chirac maire de Paris, Nicolas Sarkozy maire de Neuilly-sur-Seine et François Hollande maire de Tulle). Il y a donc depuis 2017 une réelle incompréhension entre le plus haut sommet de l'État, le Président de la République, et les élus locaux.

Les sénateurs ont donc aujourd'hui une mission cruciale de faire prendre en compte les préoccupations des élus locaux par l'État, non pas comme des syndics ou des lobbyistes, mais comme des intermédiaires pour revivifier la démocratie, et celle-ci a besoin de ses poumons que sont les collectivités territoriales avec leurs spécificités, leur autonomie, leur diversité. Pour cela, il ne faut pas que l'État les asphyxie financièrement.

Parce que l'inflation est encore très forte, parce que l'État demande encore plus aux collectivités territoriales et leur donne encore moins de dotation, ces élections sénatoriales du 24 septembre 2023 ont ce principal enjeu, pas un enjeu de politique politicienne (les sénateurs sont rarement à la manœuvre pour assouvir d'éventuelles ambitions présidentielles) mais un enjeu réellement fonctionnel : la base de notre démocratie est en jeu.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (18 septembre 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Sénatoriales 2023 (2) : les enjeux.
Sénatoriales 2023 (1) : présentation.
Gérard Larcher réélu Président du Sénat en 2020.
Les élections sénatoriales du 27 septembre 2020.
L’Assemblée Nationale en ordre de bataille pour la XVIe Législature.
Les élections législatives des 14 et 21 juin 2022.
L'élection présidentielle des 10 et 24 avril 2022.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230918-senatoriales-2023b.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/senatoriales-2023-2-les-enjeux-250289

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/09/20/40047132.html








 

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9 septembre 2023 6 09 /09 /septembre /2023 05:01

« L’ambition sera de convenir de voies d’action qui pourront trouver des traductions concrètes et rapides dans les réalisations du gouvernement et des textes législatifs bâtis ensemble. Le peuple, par la voix de ses représentants et le cas échéant par référendum, aura le dernier mot. J’ai confiance, comme beaucoup de Français, dans notre capacité à converger sans reniement ni renoncement. » (Lettre d'Emmanuel Macron le 23 août 2023).




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trange objet politique qu'est cette initiative politique et institutionnelle inédite (et de « grande ampleur ») du Président de la République, inédite de toutes les républiques confondues. Emmanuel Macron a proposé le 23 août 2023 aux chefs des partis représentés au Parlement de se réunir sur un terrain neutre (pas à l'Élysée), à la Maison d'Éducation de la Légion d'honneur dans l'ancienne abbaye de Saint-Denis, pour discuter de façon informelle des choses de la nation et du monde.

On sait que les grands débats, Emmanuel Macron sait les faire, aime les faire, il se complaît même à se frotter avec les gens, à se confronter aux idées et même à ses adversaires. L'initiative ne manque donc pas de panache, c'est même courageux de sa part quand on est autant impopulaire voire haïe parmi la classe politique d'opposition, mais elle laisse aussi un goût de suspicion : encore un coup politique ? une instrumentalisation présidentielle ? une manœuvre élyséenne ?

En prévenant les chefs de parti une semaine à l'avance, en fin août 2023, Emmanuel Macron laissait le temps aux partis de se préparer. Les ministres, d'ailleurs, étaient sans illusion et préparaient déjà des éléments de langage pour dénoncer le refus des partis d'opposition à venir dialoguer avec le chef de l'État, anticipant le refus notamment des insoumis. Au dîner de la majorité le 29 août 2023, la veille, beaucoup ne croyaient pas que l'opposition jouerait le jeu.

Et le miracle est arrivé : surprise générale, tout le monde était au rendez-vous le mercredi 30 août 2023 à 15 heures à Saint-Denis. Les quatre chefs des partis de la Nupes sont arrivés ensemble et n'ont pas hésité à communiquer avant leur entrée dans les lieux (à la sortie, ils n'étaient plus que trois, le communiste étant parti se coucher pour préparer une matinale). Le représentant du RN également, seul. En tout, douze heures de discussions à huis clos. Douze heures, mais certains participants n'hésitaient pas à dire que cela aurait pu durer le double : Emmanuel Macron aime parler, aime dialoguer. Les chefs des partis d'opposition sont venus sur la pointe des pieds, ne voulant surtout pas laisser croire qu'ils soutenaient la communication politique de l'Élysée, mais ne voulant pas non plus montrer qu'ils étaient hostiles au dialogue.

Pourtant, c'était bien de cela qu'il s'agit. Emmanuel Macron a admirablement réussi cette initiative politique et institutionnelle. Alors qu'on reprochait aux précédents Présidents de la République de rencontrer les chefs de leur propre majorité, laissant entendre qu'ils étaient plus chefs de parti que chefs de la nation, Emmanuel Macron va plus loin en rencontrant tous les chefs de parti.

Était-ce un piège ? Oui et non. Oui, cette rencontre a manifestement renforcé la légitimité politique et l'autorité institutionnelle du Président de la République après une année particulièrement difficile pour lui (malgré sa réélection, rappelons-le). Non, car il y a une évidente sincérité de la part du chef de l'État pour trouver un nouveau mode de gouvernance qui soit à la fois capable de prendre des décisions et capable de consulter les principales forces politiques. Emmanuel Macron a compris que la gouvernance par la verticalité (qui a toujours été de mise depuis 1959) n'est plus possible dans une société de transparence et de diffusion rapide et permanente de l'information (de plus, l'absence de majorité absolue au Palais-Bourbon nécessite des majorités de circonstance). Il essaie donc de nouveaux moyens d'agir ou de concertation et, pour cela, il ne manque pas de créativité ni d'originalité.

Si Emmanuel Macron a certainement obtenu plus d'avantages politiques que les chefs de l'opposition invités, ces derniers pouvaient difficilement refuser l'invitation car les gens, les Français, attendent d'eux qu'ils soient constructifs et qu'ils se comportent dans l'intérêt du pays et pas dans leur intérêt partisan. C'est cette conjonction des attentes qui a fait que cette rencontre a été positive, du moins à court terme pour le moment.

Qui étaient présents ? Le Président de la République Emmanuel Macron, la Première Ministre Élisabeth Borne, le Président du Sénat Gérard Larcher, la Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet et le Président du Conseil Économique Social et Environnemental (CESE) Thierry Beaudet. Cela pour la partie institutionnelle. Notons (et répétons) que pour Emmanuel Macron, le CESE est une troisième chambre parlementaire, ce qu'il n'est pas (c'est plutôt un placard doré pour recasés, déchus ou un tremplin pour jeunes espoirs), j'en reparlerai certainement.

Pour la partie "partisane", onze chefs de parti étaient présents. Ceux de la majorité : Stéphane Séjourné, secrétaire général de Renaissance ; François Bayrou, président du MoDem ; Édouard Philippe, président de Horizons ; Laurent Hénart, président du Parti radical. Hors de la majorité, les autres sont : Jordan Bardella, président du Rassemblement national ; Éric Ciotti, président de Les Républicains ; Hervé Marseille, président de l'UDI ; Olivier Faure, premier secrétaire du parti socialiste ; Fabien Roussel, secrétaire national du PCF ; Marine Tondelier, secrétaire nationale d'EELV ; Manuel Bompard, coordinateur de FI.

Précisons enfin que n'étaient pas conviés ni Éric Zemmour, président de Reconquête qui n'a pas obtenu de sièges au Parlement ni un représentant de LIOT, groupe politique à l'Assemblée Nationale qui n'est pas un parti politique mais un rassemblement hétéroclite et administratif. Ce groupe a protesté contre son absence en disant que c'était à cause de la motion de censure qu'il avait déposée, mais cette raison ne tient pas car les groupes RN et FI ont déposé eux aussi de nombreuses motions de censure et leurs chefs de parti ont été pourtant invités.

Anecdote amusante : cette nuit du 30 au 31 août 2023 était particulière car il s'agissait de la nuit d'une super-Lune bleue. Lune bleue car seconde pleine lune du mois (c'est assez rare) et super-Lune car la Lune était très proche de la Terre (prochaine fois en 2037). Faut-il y voir une signification politique ? (à mon sens, non !). Anecdote personnelle : j'ai eu la chance de voir sur une plage française près de Sète son lever soudain sur la mer, à l'est, dans un ciel dégagé... Cette anecdote est certes hors sujet mais il fallait bien que j'exprime cette belle observation qui, paradoxalement, rappelle qu'une Lune "bleue" reste une Lune très rouge ! (de là à faire des interprétations politiques, je ne m'y risquerais pas).

Les conditions de la rencontre sont intéressantes : cadre pittoresque et historique (chargé d'histoire), un site, Saint-Denis, qui rappelle plus que l'histoire républicaine, l'histoire nationale jusqu'à nos rois capétiens les plus anciens. Les smartphones devaient être déposés à l'entrée de la salle de discussion. L'idée était donc la franchise, hors de toute posture, du moins médiatique, car évidemment, aucun journaliste n'était convié. Ni d'ailleurs aucun collaborateur des participants (pas même Alexis Kohler, le Secrétaire Général de l'Élysée).

La première pause a eu lieu après la première partie consacrée à la politique extérieure de la France (où un consensus salutaire a été émis sur le soutien à l'Ukraine), à savoir vers 19 heures 30. Dîner à 21 heures 45. Les discussions ont terminé vers 3 heures 15 du matin, véritable marathon de concertation. Selon un participant qui s'est confié au journal "Le Monde" (dans son compte-rendu du 31 août 2023), Emmanuel Macron aurait pu tenir jusqu'à 6 heures du matin : « C'est une machine de guerre ! ». "Le Monde" a tenté d'en savoir plus : « Crayon en main, Emmanuel Macron écoute, prend des notes. Il n’y a aucun greffier dans la salle, ni de "salle d’écoute". Au lieu de repousser les propositions, il commente, problématise les questions, explique la marche du monde. ».

Pour les chefs des partis d'opposition, l'obsession était de bien marquer leur différence avec le pouvoir, qu'ils n'étaient pas venus se compromettre avec la Macronie mais qu'ils étaient là pour dire au Président de la République ce qu'ils avaient sur le cœur (selon l'expression du président du RN). La discussion a donc dû être franche et probablement parfois tendue !

Sur le fond, quel était l'objectif ? Comme l'explique la lettre présidentielle d'invitation, il s'agissait de s'entendre sur quelques sujets et de faire avancer la France ...ensemble. Le concept général est donc ultra-ambitieux et c'est même une mission quasi-impossible. Comment mettre d'accord le RN, la majorité présidentielle et FI sur l'immigration, par exemple ?

L'idée d'une "conférence sociale" (pour le pouvoir d'achat, les bas salaires) semble avoir fait consensus (en automne). Sur les institutions, les propositions ont fusé et sont peu unanimes. Édouard Philippe aurait remis en cause le non-cumul des mandats, constatant que les parlementaires devenaient coupés du terrain sans mandat local. Jordan Bardella aurait proposé le retour au septennat, mais non renouvelable, et Emmanuel Macron lui aurait dit que l'impossibilité de solliciter le renouvellement du mandat présidentiel était une grande erreur (laissant penser qu'il critiquait la réforme de Nicolas Sarkozy). Les discussions ont beaucoup évoquaient l'immigration et le principe du référendum (notamment un référendum pour l'immigration). En revanche, la transition écologique semble n'avoir pas été bien abordée.

Longtemps attendu, un projet de synthèse de ces rencontres a été adressé aux participants par l'Élysée dans la nuit du 6 au 7 septembre 2023 avec l'objectif de pouvoir être amendé avant ce dimanche 10 septembre 2023 dans la soirée. Objectif est pris pour qu'une seconde réunion de ce type ait lieu en automne 2023 et peut-être, à la longue, que ces rencontres soient en pratique institutionnalisées (comme le G7, les sommets européens, etc.).

Dans cette dernière missive (de six pages), Emmanuel Macron a écrit : « L'esprit et le contenu de nos échanges correspondent, j'en suis convaincu, à ce que nos compatriotes attendent de nous. L'ensemble des participants a constaté que le contexte international et national justifiait, pour l'indépendance et la cohésion de la France, un format de discussion inédit, respectueux de la séparation des pouvoirs et des responsabilités respectives de chacun. (…) Il nous revient collectivement de donner une suite concrète à nos échanges sur la base de ce relevé de conclusions partagé. ».

Il a assuré en outre : « Toutes les forces politiques présentes seront associées à l'ensemble des initiatives qui découleront de nos échanges. ». Les réponses apportés aux problèmes nationaux pourront être de toute forme, à savoir : référendum, loi parlementaire, mesure réglementaire ou décision ad hoc.

La synthèse prévoit un débat parlementaire cet automne sur le nouveau partenariat avec les pays du Sahel. Sur les institutions : « Tous les participants se sont retrouvés autour de la nécessité de rendre l'action publique plus claire, plus lisible, plus efficace pour nos compatriotes avec des responsabilités mieux identifiées. ». D'ici à un mois, Élisabeth Borne est chargée de faire des propositions concrètes sur la déconcentration de l'action de l'État et sur une plus grande expérimentation locale. Sur le référendum, Emmanuel Macron a annoncé une future proposition sur l'article 11 de la Constitution (élargir le champ référendaire). La conférence sociale a été confirmée pour octobre prochain « relative à la question des branches où la rémunération est inférieure au salaire minimum et sur l'évolution des salaires et des revenus ». Le projet de loi sur l'immigration sera présenté et débattu après les élections sénatoriales du 24 septembre 2023.

L'éditorial du journal "Le Monde" du 2 septembre 2023 a abordé cette rencontre ainsi : « La façon dont sera accueillie et amendée la synthèse des échanges et des chapitres de travail proposée par le chef de l’État dira si un véritable mouvement s’est enclenché. Dans le cas contraire, la nuit du 30 août n’aura été qu’un feu de paille, au-delà de la performance réalisée par l’hôte de l’Élysée : tenir douze heures durant, dans un huis clos de bonne tenue, une représentation politique d’ordinaire encline à l’empoignade. (…) Le retournement est tellement soudain, tellement spectaculaire, qu’il légitime la suspicion dont font preuve les oppositions de gauche et de droite. Celles-ci craignent de se trouver prises au piège d’une manœuvre présidentielle visant à redonner du souffle à un second mandat mal parti. Le fait est cependant qu’aucun participant n’a claqué la porte. Tous ceux qui étaient conviés, y compris les plus radicaux, ont estimé qu’ils avaient plus à perdre aux yeux des Français à boycotter la rencontre qu’à débattre à huis clos de sujets graves qui les renvoient tous à l’ampleur de la crise démocratique. ».

Emmanuel Macron, qui a profité très habilement de l'effondrement des grands partis de gouvernement, est le premier Président de la République à reconnaître autant l'importance des partis politiques. C'est cela le paradoxe, celui finalement, sur les ruines d'un paysage politique dépassé (dont il n'est pas responsable), de bâtir un nouveau paysage politique plus proche des attentes du peuple. À suivre, donc.



Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (07 septembre 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les Rencontres de Saint-Denis : une innovation institutionnelle d'Emmanuel Macron.
La France Unie soutient l'Ukraine !
Décalage.
Interview du Président Emmanuel Macron le 24 juillet 2023 à 13 heures sur TF1 et France 2 (vidéo).

Emmanuel Macron : le choix de l'efficacité.
Intervention filmée du Président Emmanuel Macron au conseil des ministres du vendredi 21 juillet 2023 (vidéo).
Composition complète du gouvernement d'Élisabeth Borne au 20 juillet 2023.

Le 4e remaniement ministériel du premier gouvernement d'Élisabeth Borne du 20 juillet 2023.
La France des investissements productifs félicitée par Emmanuel Macron.
Interview du Président Emmanuel Macron le 15 mai 2023 à 20 heures sur TF1 (vidéo).
Faut-il encore polémiquer sur le RSA ?
Emmanuel Macron : "J'appelle à la pause réglementaire européenne".

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230831-macron.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/les-rencontres-de-saint-denis-une-250272

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/09/01/40027186.html






 

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19 août 2023 6 19 /08 /août /2023 19:57

« Il était très apprécié par une partie de l'armée qui voyait en lui un bon chef, juste, charismatique et dévoué à la Nation. Parfois décrit comme brut de décoffrage, il n'était pas toujours très tendre avec ceux qui manquaient de courage, de conviction ou d'énergie. Il savait taper du poing sur la table. Jean-Louis Goergelin était aussi un grand lecteur et un homme de culture. » ("Le Figaro" du 19 août 2023).




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Beaucoup de responsables politiques et militaires ont rendu hommage à cette « figure impressionnante ». Le général d'armée Jean-Louis Georgelin a été retrouvé sans vie ce vendredi 18 août 2023 dans la soirée, à quelques jours de ses 75 ans (né le 30 août 1948) sur une pente du Mont Valier (2 838 mètres d'altitude), dans les Pyrénées, située sur la commune de Bordes-Uchentein, dans l'Ariège. Il aurait fait une chute mortelle au cours d'une randonnée.

Cette triste découverte a été faite par le peloton de gendarmerie de haute-montagne qui avait été alerté par le refuge des Estagnous (2 246 mètres). Selon le parquet de Foix : « Le cadavre d'un homme (…) a été formellement identifié comme étant le général Georgelin (…). Les investigations permettent d'établir que son décès est consécutif à une chute importante lors de la descente, aux alentours de 20 heures, au niveau d'un passage rocheux particulièrement raide. ».

Général d'armée, c'est le grade le plus élevé de l'armée française, cinq étoiles, promu ainsi le 3 octobre 2006. Diplômé de Saint-Cyr en 1969, il faisait partie des militaires les plus importants de France, même s'il était à la retraite. Le Président Jacques Chirac l'a choisi comme son chef d'état-major particulier à l'Élysée, du 25 octobre 2002 au 4 octobre 2006, puis, comme c'est souvent le cas, le chef d'état-major des armées (numéro un) du 4 octobre 2006 au 24 mai 2010 (confirmé par le Président Nicolas Sarkozy). Il a dirigé les opérations extérieures de la France en particulier en Côte d'Ivoire, en Afghanistan, dans les Balkans et au Liban « pour garantir la paix, la défense de nos valeurs et l'équilibre international ».

Jean-Louis Georgelin a été chef adjoint du cabinet militaire à Matignon de 1994 à 1997 (sous Édouard Balladur et Alain Juppé) ; c'était Michel Debré en 1959 qui avait voulu un cabinet militaire pour le Premier Ministre qui, selon l'article 20 de la Constitution, « dispose de la force armée » et, selon l'article 21, « est responsable de la défense nationale » : « Je n’ai pas eu le sentiment d’avoir un rôle exceptionnel, mais j’y ai tout appris sur la manière dont l’État fonctionne, et cela m’a été puissamment utile dans tout le reste de ma carrière. (…) Au cabinet militaire, j’ai beaucoup observé la vie politique et j’ai vu qui détenait quel pouvoir. C’était, de plus, une période intéressante : quand je suis arrivé, en 1994, Édouard Balladur était Premier Ministre. À l’époque, personne ne doutait qu’il deviendrait président, mais j’ai pu assister au fiasco de la "Balladurie", puis à celui des législatives de 1997. En tant que militaire, je n’avais pas de jugement à porter sur le sujet, mais j’ai observé de près tout ce remue-ménage. Autre avantage de ma fonction : elle m’a permis de commencer à connaître un certain nombre de personnes que j’ai retrouvées tout au long de ma carrière. », s'est-il confié en été 2021 à Maïna Marjany et Bernard El Ghoul pour le numéro 22 du magazine des Sciences Po "Émile".

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Il y évoquait aussi sa collaboration avec Jacques Chirac : « J’ai tendance à dire que les quatre années que j’ai passées en tant que chef d’état-major particulier du Président de la République furent celles où j’ai été le plus "puissant". Pourquoi ? Parce qu’on construit une relation très forte avec le président. C’est la fonction de chef des armées qui est au cœur de la fonction présidentielle. Il n’y a aucune décision d’ordre militaire, aucun soldat qui ne soit déployé à l’étranger sans que le Président de la République ne l’ait voulu. Et puis, il est celui qui a entre les mains la dissuasion nucléaire et donc le destin du pays. D’où le rôle tout à fait fondamental du chef d’état-major particulier, qui doit être l’interlocuteur du Président dans tous les aspects de la défense : à la fois militaires, mais aussi techniques, juridiques, économiques, financiers et industriels. (…) L’un des grands enjeux est la préparation des décisions futures, qu’il est nécessaire d’anticiper ; quand il faut changer un sous-marin nucléaire, la décision est prise 30 ans avant ! On est dans un rapport au temps différent de celui qui prévaut dans la politique classique. Dès mon passage à Matignon, j’avais compris l’importance stratégique, pour les armées, de la fonction de chef d’état-major particulier. C’est une chose capitale dont les militaires n’ont pas toujours conscience : avoir un officier général auprès du chef de l’État, c’est un atout majeur. Quand le trio Président de la République, chef d’état-major des armées et chef d’état-major particulier fonctionne bien, c’est une chance pour les armées. (…) Sous Giscard, l’usage s’est établi selon lequel le chef d’état-major particulier devient ensuite chef d’état-major des armées. C’était un atout considérable. Pourquoi ? Parce qu’on nommait chef d’état-major des armées une personne qui était rompue au fonctionnement de l’État, aux codes et aux usages de ce monde-là. Il ne faut pas être inhibé, il faut savoir ce qu’est un ministre, un directeur de cabinet, un inspecteur des finances, la Cour des Comptes, le Conseil d’État, une commission parlementaire, etc. En somme, avoir une vision personnelle du fonctionnement de l’État au plus haut niveau pour ne pas se laisser impressionner inutilement. Sinon, au premier conseiller d’État qui passe, vous rendez les armes ! ».

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Enfin, dans cette même interview, il rappelait un invariant majeur : « On ne peut pas être militaire sans avoir l’esprit de sacrifice. Le soldat est celui qui est prêt à se faire tuer pour son pays et qui tue au nom de l’État ; il a dans ses mains la violence d’État. C’est également un domaine dans lequel la formation et l’entraînement exigent le goût du risque avec ce que cela comporte de mise en danger, ce qui est peu compatible avec le principe de précaution poussé à l’extrême que l’on observe aujourd’hui dans notre société. ».

Le général Jean-Louis Georgelin a été ensuite nommé grand chancelier de la Légion d'honneur du 9 juin 2010 au 1er septembre 2016. C'est à ce titre, comme le rappelle Wikipédia, qu'il a remis le grand collier de la Légion d'honneur à François Hollande, au début de sa cérémonie d'investiture le 15 mai 2012, pour lui donner la qualité de grand maître de la Légion d'honneur. À la fin de sa carrière, il avait reçu beaucoup de décorations, notamment : grand-croix de la Légion d'honneur le 12 avril 2010, grand-croix de l'ordre national du Mérite, commandeur de l'ordre des Palmes académiques et commandeur de l'ordre des Arts et des Lettres.

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En 2016, à l'âge de 68 ans, libre de toute responsabilité, Jean-Louis Georgelin restait candidat à d'autres fonctions pour être encore utile à son pays, la France. Parallèlement, la foi catholique chevillée au corps, l'officier était devenu (presque) moine chez les bénédictins.

Sa foi et sa carrière ont reçu alors une consécration par le Président Emmanuel Macron qui l'a nommé en conseil des ministres le 17 avril 2019 représentant spécial du Président de la République « afin de veiller à l'avancement des procédures et des travaux qui seront engagés », deux jours après le terrible incendie qui a détruit la cathédrale Notre-Dame de Paris. Ainsi, il a été nommé le 2 décembre 2019 président de l'établissement public chargé de la conservation et de la restauration de Notre-Dame de Paris, avec la mission très ambitieuse de rouvrir la cathédrale pour les offices et pour les visites dans les cinq années : « On ne peut pas perdre Notre-Dame, c'est l'âme de la France ! ». La date de réouverture a été fixée au 8 décembre 2024 et malheureusement, Jean-Louis Georgelin n'assistera pas à cet événement.

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Pendant quatre ans, il n'a pas relâché ses efforts pour rendre cet exploit possible. Après une phase de diagnostic, l'un des enjeux était la reconstruction de la flèche de la cathédrale, tant dans sa conception (à l'identique ou novatrice ?) que dans sa réalisation. Il avait assisté à Briey, au nord de Nancy, en Meurthe-et-Moselle, le 21 juillet 2023, à la première répétition de l'assemblage du premier étage de la flèche et s'était montré optimiste : « À la fin de l'année, nous verrons la flèche dans le ciel de Paris ! ».

Sur Twitter, Emmanuel Macron a ainsi salué « le maître d'œuvre de [la] renaissance [de Notre-Dame] » et lui a rendu hommage : « Pour qui le connaissait, sa disparition en montagne est à l’image d’une vie tournée vers les cimes, toujours. (…) Partout, il laissait l’image d’un homme de devoir, unanimement respecté pour sa droiture sans concessions ni calcul d’intérêts, pour sa radicale liberté. (…) Cette force imposante cachait une sensibilité et une culture d’une finesse hors norme. ». De son côté, le nouvel archevêque de Paris (depuis le 26 avril 2022), Mgr Laurent Ulrich, a annoncé que la messe de ce dimanche 20 août 2023 en l'église Saint-Germain-l'Auxerrois à Paris serait célébrée à la mémoire du général : « La France et l'Église perdent aujourd'hui l'un de leurs plus dévoués serviteurs. ». Il est des verticalités fatales...


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (19 août 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Jean-Louis Georgelin.
Frédéric Veaux.

Pierre Loti.
Léon Gautier.
Lazare Ponticelli.
Le 8 mai, l'émotion et la politique.
Chasseur alpin, courageux jusqu’au bout de la vie.
Les joyeux drilles de l’escadrille.
Le maréchal Ferdinand Foch.
Le colonel Arnaud Beltrame.
Beyrouth, il y a trente-cinq ans.
L’amiral François Flohic.
Le maréchal Philippe Leclerc.
Le général Charles De Gaulle.
Le général Napoléon Bonaparte.
Le maréchal Philippe Pétain.
L’amiral Philippe De Gaulle.
Le général Marcel Bigeard.
Le général Pierre de Villiers.
Le Colonel de La Rocque.
Le colonel Émile Driant.
Être patriote.
L’appel du 18 juin.









https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230818-jean-louis-georgelin.html

https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/le-general-catholique-jean-louis-249986

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/08/19/40013858.html










 

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21 juillet 2023 5 21 /07 /juillet /2023 05:35

« Les ministres (…) doivent avoir la vision, la capacité à diriger leur administration, à porter des textes au Parlement. » (Élisabeth Borne, juillet 2023).




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Le non-événement politique de cette semaine a eu lieu ce jeudi 20 juillet 2023, le fameux remaniement ministériel, tant attendu par les journalistes, les journalistes seuls car les Français s'en moquaient un peu. Attendu aussi avec beaucoup de stress par les ministres et les ministrables. Après avoir confirmé Élisabeth Borne à Matignon le 17 juillet 2023 par un simple tweet, le Président Emmanuel Macron a réuni l'ensemble du gouvernement à dîner à l'Élysée le 18 juillet 2023, une occasion de dire à son équipe gouvernementale : « Dans une vie antérieure, j'ai été à votre place et je sais que ces moments ne sont jamais agréables. Il faut prendre beaucoup de distance. » (selon "Politico"). Et il l'a félicitée : « On peut collectivement être très fiers de ce qui a été fait ces derniers mois. L'année a été très chargée. ».

On ne pouvait pas faire plus discret pour ce quatrième remaniement ministériel du premier gouvernement d'Élisabeth Borne : aucune déclaration officielle du Secrétaire Général de l'Élysée, quelques communiqués éparses pour expliquer les va-et-viens des ministères, parfois, c'était même une ministre qui a annoncé son propre limogeage (c'était le cas de Marlène Schiappa)... On ne pouvait pas plus désacraliser la nomination des nouveaux ministres, au risque de passer inaperçus en pleine période estivale.

Élisabeth Borne aurait préféré un remaniement beaucoup plus important afin de donner un nouvel élan politique. La nouvelle équipe gouvernementale se réunit ce vendredi 21 juillet 2023 en fin de matinée à l'Élysée pour un premier conseil des ministres et, en principe, le Président de la République s'exprimera aux Français sous une forme encore non déterminée, avant de repartir en déplacement en Nouvelle-Calédonie dimanche. L'objectif est de clore cette période de cent jours amorcée le 17 avril 2023 (elle court jusqu'au 26 juillet 2023) afin de donner un sens à la politique du gouvernement.

Mais la principale tâche du gouvernement est connue depuis longtemps, elle sera l'examen des projets de loi de finances 2024, épreuve toujours ardue lorsqu'on ne dispose pas de majorité absolue. La loi sur l'immigration sera aussi un élément critique, puisque le président du groupe LR (charnière) Olivier Marleix a menacé de déposer une motion de censure sur le sujet si le gouvernement ne l'écoute pas (motion de censure qui risque d'être adoptée par toutes les oppositions). Pour l'heure, les deux ministères qui préparent la rentrée, l'Éducation nationale et le Budget, ont changé de titulaire.

Mais ce qui en ressort politiquement est principalement (et presque exclusivement) la brillante promotion de Gabriel Attal, bombardé à 34 ans Ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, le plus jeune ministre à ce ministère depuis au moins soixante-cinq ans. Même Éric Coquerel, député FI et président de la commission des finances de l'Assemblée Nationale, a expliqué que Gabriel Attal serait probablement un bon ministre, car, selon lui, il était déjà très bon à Bercy, comme Ministre délégué chargé des Comptes publics (en d'autres termes, chargé du Budget, poste stratégique dans une carrière politique pour les grandes ambitions : Valéry Giscard d'Estaing, Robert Boulin, Jacques Chirac, Christian Poncelet, Laurent Fabius, Henri Emmanuelli, Alain Juppé, Michel Charasse, Nicolas Sarkozy, Jean-François Copé, Éric Woerth, François Baroin, Valérie Pécresse, Jérôme Cahuzac, Bernard Cazeneuve, Gérald Darmanin, Olivier Dussopt, etc., mais aussi Maurice Rouvier, Pierre Tirard, Raymond Poincaré, Alexandre Ribot, Paul Doumer, Joseph Caillaux, Frédéric François-Marsal, Edgar Faure).

Gabriel Attal, à Bercy, a su exister malgré la prééminence du Ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire, mais sans lui faire de l'ombre. Il a été le meilleur ministre qui a défendu la réforme des retraites dans l'hémicycle, qui a bataillé contre les nombreux députés de l'opposition sur ces textes stratégiques (finances et retraites).

Conseiller municipal de Vanves depuis 2014, Gabriel Attal a commencé sa carrière politique en militant au PS. Conseiller technique dans la cabinet de Marisol Touraine, Ministre de la Santé, de 2012 à 2017, il a rejoint le staff de campagne d'Emmanuel Macron en 2016. Élu député de Paris en juin 2017 (réélu en juin 2022), Gabriel Attal a été nommé Secrétaire d'État auprès de Jean-Michel Blanquer chargé de la jeunesse du 16 octobre 2018 au 6 juillet 2020 (il connaît donc bien ce ministère), porte-parole du gouvernement du 6 juillet 2020 au 20 mai 2022, pendant la pandémie de covid-19, enfin Ministre délégué chargé des Comptes publics du 20 mai 2022 au 20 juillet 2023.

Très politique, il est une révélation du premier quinquennat d'Emmanuel Macron et son accession à un ministère important, septième dans l'ordre protocolaire, le place parmi les ministres essentiels de la Macronie, et l'un des très rares, avec Olivier Véran et Olivier Dussopt, à être d'origine de gauche (socialiste). Gabriel Attal nourrirait l'ambition d'être candidat à la mairie de Paris pour 2026, avant une ambition... disons plus élyséenne.

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Dans un article publié dans l'hebdomadaire "Le Point" le 18 juillet 2023 (avant le remaniement), la journaliste Nathalie Schuck évoquait l'ambition dévorante du nouveau ministre : « Gabriel Attal a intégré une donnée majeure, qu'il met en application depuis quelques mois : pour durer en politique, il faut avoir une colonne vertébrale, un corpus idéologique, bref des idées, pas seulement être un sniper de plateaux télévisés. Depuis le débat sur la réforme des retraites, où on l'a beaucoup vu monter au créneau, il a commencé à opérer une discrète mue politique dans l'objectif non avoué de s'affranchir petit à petit de la Macronie et de monter sa propre boutique pour la suite. Le jeune ministre a ainsi surpris en proposant de faire la chasse aux fraudeurs fiscaux chez les plus riches et la chasse aux fraudeurs sociaux qui abusent de la carte vitale. Ce faisant, il a pris le risque, assumé, d'égratigner une image beaucoup trop lisse avec des propositions au canon, "populistes", qui éreintent ses détracteurs. Son objectif, dit-il : parler aux classes moyennes tentées par le vote Rassemblement national. (…) Lorsqu'il était au lycée, ses copains de classe le surnommaient déjà "le président", parce qu'il était intarissable sur la politique. En classe de Terminale, ses camarades avaient même réalisé un photomontage de lui inspiré de la photo officielle de Georges Pompidou dans la bibliothèque de l'Élysée. Déjà, tout était dit. ».

Si le remaniement était si long, c'était aussi parce que le renouvellement de certains ministères clefs a été très difficile. En particulier pour l'Éducation nationale : l'ancien Premier Ministre Édouard Philippe a été sollicité, également l'ancien Président de l'Assemblée Nationale Richard Ferrand, mais aucun n'a accepté cette mission rude qui a souvent été impopulaire. Quant à François Bayrou, son affaire judiciaire (sur l'emploi de permanents du MoDem) le paralyse (son procès aura lieu cet automne).

En arrivant à ce ministère, Gabriel Attal jouit d'une excellente image auprès des Français (deuxième ministre le plus populaire), et il n'a jamais manqué de courage pour affronter les combats difficiles. Volontariste, il est un protégé du Président de la République. Il a remplacé Pap Ndiaye qui n'a pas démérité mais qui a eu ce reproche d'invisibilité médiatique (trop intellectuel, il n'a pas su rentrer dans l'arène médiatique).

Les autres nominations (et départs) confortent la professionnalisation des ministres : exit les "candides" de la "société civile" qui n'ont pas été capable de défendre leur action ministérielle auprès des parlementaires et auprès des médias, et arrivée de responsables politiques chevronnés, même si certains sont encore jeunes, mais très à l'aise dans la communication politique, dans le combat contradictoire et dans la défense de la politique du gouvernement.

Ainsi, François Braun, médecin égaré au Ministère de la Santé et de la Prévention, n'a jamais su se familiariser avec les coutumes de la vie politique. Pour lui succéder, ce n'est pas un homme politique pourtant, mais un technocrate, qui connaît bien la vie politique : Aurélien Rousseau, qui venait de démissionner de son poste de directeur de cabinet d'Élisabeth Borne pour, en principe, diriger la Caisse des dépôts, et qui s'est vu, lui aussi, bombarder ministre plein à la Santé et à la Prévention. Cet ancien professeur d'histoire géo communiste passé par l'ENA et le Conseil d'État connaît bien le domaine de la santé puisqu'il a été trois ans directeur de l'ARS d'Île-de-France pendant la période du covid-19 (entre juillet 2018 et août 2021).

Autre consécration pour une députée qui n'a jamais cessé de se rêver ministre, Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance à l'Assemblée Nationale, a été nommée à 36 ans Ministre des Solidarités et des Familles en remplacement de Jean-Christophe Combe, elle est donc arrivée par la grande porte au gouvernement, et sera probablement chargée, si c'est une priorité du gouvernement, de la grande loi sur la dépendance. Par ailleurs, cela permet de la remplacer à la présidence du groupe par une personnalité plus consensuelle au sein de la majorité, sans doute par Sylvain Maillard.

Un proche d'Emmanuel Macron, le député de Bordeaux Thomas Cazenave, a pris la succession de Gabriel Attal comme Ministre délégué chargé des Comptes publics. Le député très expérimenté du MoDem Philippe Vigier est nommé Ministre délégué chargé des Outre-mer en remplacement de Jean-François Carenco.

Olivier Klein, Isabelle Lonvis-Rome, Marlène Schiappa et Geneviève Darrieussecq ont quitté le gouvernement, tandis que le maire de Dunkerque Pierre Vergriete a été nommé Ministre délégué chargé du Logement et la députée de Marseille Sabrina Agresti-Roubache a été nommée Secrétaire d'État chargée de la Ville, tous les deux pour remplacer l'ancien maire PS de Clichy-sous-Bois évincé Olivier Klein qui n'avait pourtant pas démérité pendent les émeutes urbaines.

La très médiatique députée Prisca Thevenot a fait son entrée au gouvernement comme Secrétaire d'État à la Jeunesse et au Service national universel. Elle a succédé à Sarah El Haïry qui est devenue Secrétaire d'État chargée de la Biodiversité. Autre arrivée, celle la présidente de la commission des affaires sociales de l'Assemblée Nationale, très appréciée, Fadila Khattabi, qui a été nommée Ministre déléguée chargée des Personnes handicapées. Quant à elle, en charge de l'Écologie, Bérangère Couillard a changé de ministère et a rejoint Matignon comme Ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations (remplaçant Isabelle Lonvis-Rome).


Globalement, ce remaniement a donc remplacé des non-politiques par des politiques. Il devrait donc être plus combatif dans les débats parlementaires de la rentrée. Les nombreux changements de sous-ministres entrants et sortants sans notoriété ne confortent cependant pas le message politique du Président de la République. Il restera seulement l'arrivée de Gabriel Attal dans un ministère très exposé, qui bénéficie d'un préjugé favorable, et aussi de combattantes médiatiques comme le sont, entre autres, Aurore Bergé et Prisca Thevenot.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (20 juillet 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le 4e remaniement ministériel du premier gouvernement d'Élisabeth Borne du 20 juillet 2023.
Gabriel Attal.
Pap Ndiaye.

Élisabeth Borne.
Emmanuel Macron.
Un Président réélu.
La réforme des retraites.
Brigitte Macron.
Rima Abdul-Malak.
Claude Malhuret.
Robert Badinter.
Olivier Véran.
Aurore Bergé.

Olivier Dussopt.
Bruno Le Maire.
François Bayrou.
Caroline Cayeux.
Sacha Houlié.
Christophe Béchu.
Agnès Pannier-Runacher.
François Braun.
Jean-Louis Bourlanges.
Jean-Yves Le Drian.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230720-gabriel-attal.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/remaniement-gabriel-attal-le-grand-249471

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/07/20/39980627.html






 

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12 juin 2023 1 12 /06 /juin /2023 20:38

« Merci (…) de montrer une nouvelle fois, par cette motion de censure, que nous sommes bel et bien dans une démocratie parlementaire où le gouvernement est responsable devant le Parlement, qui peut à tout moment tenter de le renverser. Merci (…) de faire une fois de plus la démonstration que, quels que soient les événements, quels que soient les textes, quels que soient les débats, le mot de la fin revient toujours à l’Assemblée Nationale. » (Élisabeth Borne, le 12 juin 2023 dans l'hémicycle).



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L'une des expressions fétiches du dessinateur Hergé dans les aventures de Tintin ("L'Oreille cassée") lâchée par un quasi-anagramme du Président Macron (Ramon) pour conclure l'examen et le vote de la dix-septième motion de censure déposée depuis le début de la législature il y a un peu moins d'un an.

149 députés de la Nupes étaient à l'origine de cette motion de censure, déposée le 9 juin 2023 et examinée ce lundi 12 juin 2023 à la séance de 16 heures. "Comme d'habitude", dramatisation à outrance des enragés et des excités de la Nupes au nom des grands principes démocratiques (dont ils ne respectent même pas le premier : ils ont été rejetés par les électeurs, ce qui explique qu'ils sont dans l'opposition, mais ils se croient les uniques dépositaires de la parole du peuple français), rationalisme de la Première Ministre Élisabeth Borne, parfaite dans les dossier technique, mais aussi dans les phrases bien aiguisées, les arguments institutionnels bien léchés, mais qui lit son discours comme une bonne élève, plus scolaire que tribun.

Et l'issue fatale, une fois encore (donc), la motion de censure n'a été votée que par 239 députés, soit 50 de moins que la nécessaire majorité absolue pour être adoptée. Parmi ces 239 députés, il y a (insistons !) 88 députés RN sur les 88 au total, plus les députés de la Nupes (la totalité des FI, PS et EELV, et 4 voix ont manqué chez les communistes), plus 2 députés du groupe LIOT (dont Olivier Serva) et 2 députés non-inscrits (dont Nicolas Dupont-Aignan). Les députés de gauche ne ont pas du tout semblé gênés d'être systématiquement soutenus par les députés de l'extrême droite. Quant au petit groupe LIOT à l'origine des derniers rebondissements du débat sur la réforme des retraites, la raison et la responsabilité ont semblé avoir refait surface car 19 députés LIOT sur le total de 21 ont rejeté la motion de censure, en particulier Charles de Courson.

Contrairement à ce que l'opposition martèle à longueur de journées, il y a bien une démocratie et l'Assemblée Nationale a toujours le dernier mot, conformément à la Constitution : elle avait ainsi une nouvelle occasion de renverser le gouvernement et elle ne l'a pas saisie, tout simplement parce qu'il n'y a pas de majorité de rechange.

Cette dix-septième motion de censure a été défendue par la première vice-présidente de l'Assemblée Nationale, la socialiste Valérie Rabault, ancienne rapporteuse générale du budget, qui a tenté de disqualifier l'irrecevabilité de la proposition de loi du groupe LIOT par l'historique des débats sur une certaine tolérance dans l'application de l'article 40 de la Constitution :
« Il vous suffit pour le constater de consulter les archives de l’Assemblée Nationale, ce que j’ai fait. C’est cet usage constant qui a permis par exemple, en 2019, que la proposition de loi visant à déconjugaliser l’allocation aux adultes handicapés, rendue recevable sous la présidence d’Éric Woerth, puisse être examinée alors qu’elle aurait créé de facto une charge. (…) Cette décision [d'irrecevabilité] est un très grave précédent. Pour la première fois dans l’histoire de la VRépublique, des amendements reprenant une disposition par deux fois déclarée recevable par l’Assemblée Nationale, une première fois par son bureau le 25 avril, une seconde fois par le président de sa commission des finances le 30 mai, n’ont pu être mis en discussion dans l’hémicycle. À nos collègues qui estiment qu’on ne pouvait faire autrement, je réponds que la doctrine est très claire ; elle a même été écrite par Éric Woerth le 23 février 2022, lorsqu’il était président de la commission des finances. Je vous en donne lecture : "La référence au droit proposé introduit une souplesse permettant de ne pas paralyser totalement les initiatives parlementaires". En l’espèce, le "droit proposé", c’est la proposition de loi. Cette doctrine s’applique depuis 1958 sans aucune exception, mes chers collègues : vous pouvez pointer les comptes rendus publiés au Journal officiel, vous ne trouverez absolument aucune exception. ».

Et Valérie Rabault a terminé son intervention par une excessive généralisation et une interprétation erronée et dramatisée :
« En procédant ainsi, vous avez ouvert une voie dangereuse : celle de l’arbitraire, celle qui abîme l’État de droit que notre pays a courageusement construit au fil des ans depuis la Révolution française. Oui, madame la Première Ministre, il s’agit bien d’arbitraire. Jusqu’à ce jeudi 8 juin, tous les députés, quelle que soit leur appartenance politique, étaient traités à égalité, conformément à un usage constant depuis 1958. Depuis ce 8 juin, c’est un saut dans l’inconnu, c’est le règne de la recevabilité partisane, sans voie de recours. ».

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Paradoxalement, c'est un autre groupe de l'opposition, le groupe Les Républicains, pour une fois uni, qui lui a répondu sur cet article 40 de la Constitution, un article essentiel dans la vie institutionnelle de la France.

Son orateur, Jean-Louis Thiériot, s'est chargé de le défendre :
« La Constitution, pas davantage que son article 40, ne sont des options à la carte. C’est pourtant ainsi que raisonnent les auteurs de cette motion de censure. Ils sont bien loin de leur grand ancêtre Maurice Thorez qui, quelques années avant de déserter à Moscou, avait eu la sagesse de dire qu’il fallait "savoir terminer une grève". Il faut savoir terminer une contestation. (…) La motion de censure dont nous débattons aujourd’hui n’a aucune chance d’être adoptée ; elle ne vise qu’à prolonger artificiellement un combat perdu, à maintenir l’agitation dans la rue et à transformer la démocratie en ochlocratie. Lorsque votre guide suprême, M. Mélenchon, lance qu’il "faut mettre à bas la mauvaise république", il fait un bras d’honneur à l’ordre républicain. Rien d’étonnant de la part de ceux qui préfèrent les casseurs de Sainte-Soline aux gendarmes blessés et les vandales des Soulèvements de la terre au labeur patient de nos paysans. Tout cela pour quoi ? Pour assister au mariage de la carpe LFI et du lapin RN, alliés objectifs de la politique de la terre brûlée. À vous entendre, nous constatons que les extrêmes ont toujours un visage de frère pour prospérer dans l’outrance sur les malheurs des plus faibles. Cette alliance de fait appelle à revenir à l’esprit de la motion de censure. Pour le constituant, il s’agissait de proposer une majorité alternative, pas une coagulation des oppositions dans le cloaque des arrière-pensées électoralistes. ».

Donc, pour les députés LR, pas question de soutenir cette motion de censure, et s'il n'y a aucun soutien LR, la motion de censure ne peut pas être adoptée dans cette configuration de l'hémicycle :
« Vous l’aurez compris, notre groupe ne prêtera pas la main à la manœuvre politicienne qui nous occupe, car notre famille politique est celle de l’ordre, de la liberté et du progrès. (…) Nous avons lu avec soin votre motion de censure. Elle ne vise rien de moins qu’à priver de tout effet l’article 40 de la Constitution. C’est pourtant l’un des fondements de notre parlementarisme rationalisé. Trop instruit par l’exemple de la IIIe et de la IVe République, où les logiques clientélistes de ceux qu’on appelait alors les députés "pinardiers" rendaient impossible l’établissement d’une politique budgétaire à long terme, le constituant, dans sa sagesse, a décidé de rendre au gouvernement la plénitude de son pouvoir budgétaire. Il n’est pas possible de conduire la politique de la nation si les amendements de tel ou tel accroissent les charges sans les compenser. L’article 40 mérite d’être respecté. Le président de la commission des finances, qui vient de vos rangs, ne s’est pas acquitté de sa charge. Il a préféré ses engagements partisans aux devoirs de sa fonction. C’est une sorte de forfaiture contre laquelle notre groupe ne peut que s’insurger. ».

Et Jean-Louis Thiériot de terminer sur la démocratie :
« La liberté, ensuite : c’est reconnaître aux urnes le statut d’arbitre suprême. Vous avez perdu l’élection présidentielle. Vous avez perdu les élections législatives. M. Mélenchon n’est pas Premier Ministre. (…) Nous en avons assez de vos milliers d’amendements en feuilles de salade, ridicules et vains, qui ne servent qu’à paralyser les débats. Ne venez pas vous plaindre ! Pompiers pyromanes, vous ne faites que nourrir l’antiparlementarisme des honnêtes gens qui sont saisis de nausée au spectacle de notre hémicycle transformé en Grand-Guignol. (…) Notre famille politique n’apportera pas sa voix à ce baroud du déshonneur. ».

L'orateur suivant, pour le compte du groupe du MoDem, Jean-Louis Bourlanges, fin connaisseur de la vie politique, n'est pas plus élogieux pour la gauche : « De mémoire de débat de censure, on n’a, semble-t-il, jamais vu motion aussi chétive, aussi pauvre et aussi étrangère à l’objet normal d’un débat de cet ordre que le texte proposé pour présenter et justifier l’initiative majeure dont on argumente ce soir. (…) Un texte de quelques lignes, qui ne dit rien de la politique gouvernementale et se contente de dénoncer les prétendues irrégularités de procédure qui auraient permis d’écarter, jeudi dernier, l’initiative législative du groupe LIOT visant à abroger le report de l’âge légal de départ à la retraite. (…) Ce que ce texte met vraiment en cause, toutefois, ce sont les points de procédure qui ont conduit à l’échec de l’initiative du groupe LIOT. Le problème, c’est que sur les points litigieux, ce n’est pas le gouvernement mais le Parlement, et plus précisément l’Assemblée Nationale, son bureau, ses commissions, le président de la commission des finances et, bien entendu, notre Présidente elle-même, qui sont en cause et qui devraient être blâmés, si tant est qu’il y ait matière à blâme. L’opposition cherchait un coupable, elle a trouvé le gouvernement, on se demande bien pourquoi, d’ailleurs, et en fait son bouc émissaire, même s’il est parfaitement étranger à notre querelle de l’article 40. La censure n’est pourtant pas un fusil à tirer dans les coins ! Vous avez le perchoir dans la lunette, mais vous tirez sur le banc ! Drôles de chasseurs en vérité : avec vous, la galinette cendrée ne peut recevoir qu’une balle perdue ! Épargnons donc au gouvernement un injuste procès et laissons-le vivre, comme disait le grand Du Bellay, "le reste de son âge". Concentrons-nous en revanche sur nos propres responsabilités. ».

Et le président de la commission des affaires étrangères de diagnostiquer : « La grande querelle est toutefois ailleurs. Elle porte sur nos responsabilités de parlementaires relatives à l’application et au respect de l’article 40 de la Constitution. Les députés du MoDem soutiennent avec force que celles et ceux qui ont contribué à la décision de rejeter pour inconstitutionnalité le texte litigieux avaient non seulement le droit mais le devoir d’en user comme ils l’ont fait, et cela pour deux raisons. La première, c’est que les parlements, comme vient de le rappeler M. Thiériot, ont été inventés et se sont développés en Angleterre, aux États-Unis, en France et en Allemagne notamment, pour lutter contre la prodigalité des princes et en protéger les contribuables. Le régime parlementaire est né chez nous de la nécessité de mettre un terme aux désordres financiers de l’ancienne monarchie. Il y est dans un premier temps fort mal parvenu, et c’est pourquoi de Gambetta à Tardieu, de Mendès France à Félix Gaillard, de Paul Reynaud à Michel Debré, les plus grands républicains ont affirmé avec constance et sous trois Républiques la nécessité de soustraire l’augmentation des charges ou la réduction des recettes à la seule initiative parlementaire. ».

Cependant, l'intervention la plus importante fut bien entendu la réponse de la Première Ministre Élisabeth Borne à l'auteure de la motion de censure, Valérie Rabault : « Dans ce moment de gratitude, j’éprouve aussi une forme de perplexité, un sentiment sans doute partagé par tous les observateurs de notre vie politique et de nos débats. En effet, nous vivons avec vous des temps d’incohérences, de contradictions, et même, j’en ai bien peur, de démagogie. Des temps d’incohérence, tout d’abord, où ceux qui ont perdu deux fois l’élection présidentielle et les élections législatives, ceux qui ne disposent d’aucune majorité sur ces bancs, prétendent être les seuls à être légitimes pour parler au nom du peuple ; où ceux qui appellent (…) à s’opposer au Rassemblement national sont les mêmes qui veillent à rendre le texte de leurs motions acceptables pour l’extrême droite, comptant sur ses voix pour tenter de renverser l’exécutif. Des temps de contradictions, ensuite, où ceux qui twittent pour empêcher à tout prix un vote crient ensuite au déni de démocratie ; où ceux qui se plaignent aujourd’hui de l’absence de débat sur les retraites, sont les mêmes qui ont tout fait pour l’empêcher en utilisant tous les outils d’obstruction à leur disposition ; où ceux qui crient à la mise en péril de la démocratie parlementaire adoptent les méthodes de l’antiparlementarisme, s’exprimant à force d’injures et de hurlements (…) Des temps de démagogie, enfin, où les mêmes qui exigent le respect de nos institutions et de nos règles négligent les décisions du Conseil constitutionnel et détournent le contrôle de recevabilité à des fins purement partisanes. ».

Pour la Première Ministre, la Constitution doit être défendue complètement : « Mesdames et messieurs les députés censeurs, il n’y a pas d’un côté les bons articles de la Constitution, ceux que vous invoquez, et, de l’autre, les mauvais, ceux que nous invoquons. La Constitution n’est pas à géométrie variable : on ne prend pas les articles qui nous plaisent, avant de rejeter ceux qui ne nous arrangent pas. La Constitution est un bloc, et quand on respecte la République, on l’accepte tout entière, du début à la fin. Cette Constitution, notre Constitution, permettez-moi de vous en rappeler l’histoire. Elle est née dans une période de troubles graves, pour faire face aux défis de la stabilité économique et de la décolonisation, alors que la République même était menacée. Bâtie par le Général De Gaulle et Michel Debré, approuvée par le peuple, elle a été conçue pour permettre à notre pays d’avancer, y compris, et surtout, dans les moments les plus rudes. La Ve République, c’est une construction institutionnelle, qui, si elle donne toujours le dernier mot au Parlement, permet au gouvernement d’avancer sans être empêché par des manœuvres ou des majorités de circonstance. ».

Elle a conclu ainsi : « Certains, ici, semblent convaincus que le courage politique, c’est une opposition vocale, caricaturale, totale ; pour ma part, je ne confonds pas le courage et les décibels : le vrai courage politique, c’est de sortir du confort de la posture et de la course aux petites phrases, pour construire des majorités, même avec ceux qui ne pensent pas exactement comme nous. Des défis d’une immense ampleur nous attendent, nous devons trouver la force collective pour les relever. (…) Sous le regard de nos concitoyens et, comme toujours, sous votre contrôle démocratique, nous sommes au travail. Alors, dans cette période de défis où les enjeux et les attentes sont immenses, je le demande aux partisans de la censure permanente : voulez-vous continuer les indignations factices, les stratagèmes politiciens et les références sélectives aux articles de notre Constitution ? Ou pouvons-nous, ensemble, débattre de bonne foi et agir en responsabilité ? ».

Question finalement toujours vaine parce que l'opposition de l'extrême gauche restera, comme des adolescents retardés, toujours dans la posture à décibels. Mais à la fin, Élisabeth Borne a gagné une dix-septième fois son droit de poursuivre à gouverner démocratiquement la France. La Nupes ne supporte toujours pas d'avoir perdu les élections, mais le peuple va supporter de moins en moins bien ces mauvais perdants. D'ailleurs, la page se tourne enfin, comme viennent de le demander 338 députés en cette soirée du 12 juin 2023, ceux qui ont rejeté la motion de censure, soit une large majorité de l'Assemblée Nationale.


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Sylvain Rakotoarison (12 juin 2023)
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Le coronavirus supplante la réforme des retraites de 2019-2020.

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6 mai 2023 6 06 /05 /mai /2023 05:55

« Après l'incendie des cars de gendarmerie il y a un mois à Sainte-Soline, le 1er mai, à Paris, ce sont les policiers eux-mêmes qui ont été transformés en torches vivantes. Semaine après semaine, l'ultragauche et les Black Blocs programment l'escalade, avec l'insurrection pour objectif. » (Claude Malhuret, le 3 mai 2023 au Sénat).



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L'ancien président de Médecins sans frontières, et l'ancien ministre, Claude Malhuret, qui fut également le maire de Vichy de 1989 à 2017, a toujours eu le sens des belles formules. Il les utilise en particulier au sein du Sénat dont il est membre depuis septembre 2014 et où il préside un petit groupe politique représentant les indépendants (à l'origine, des sénateurs LR de tradition libérale, sociale et européenne, qui ont soutenu Emmanuel Macron).

Le mercredi 3 mai 2023, le sénateur Malhuret est ainsi revenu sur les violences inacceptables qui ont eu lieu en marge des manifestations du 1er mai 2023 dans plusieurs grandes villes françaises, au cours de la séance des questions au gouvernement présidée par Gérard Larcher.

On aurait pu penser que la question, qui s'adressait à la Première Ministre Élisabeth Borne, portait sur la police, sur les violences, sur la nécessité de les réprimer pour rétablir l'ordre... mais sa formulation a débordé sur le leader de France insoumise, jusqu'à exprimer l'indignation du sénateur contre la sape systématique de nos institutions par Jean-Luc Mélenchon qui a atteint un nouveau degré d'infamie le 1er mai 2023.

Voici sa description à peine caricaturale : « Balayée la réforme des retraites, le guide suprême de la France soumise à Poutine, vêtu d'un manteau de cuir qui aurait fait fureur dans les années 1930, nous a expliqué lundi, avec les gestes de la main et du menton en vogue à l'époque, qu'il fallait "mettre à bas la mauvaise République". Ce n'est pas un énième dérapage verbal. ».

Et d'évoquer aussi un autre incident, la question au gouvernement d'un député FI le 2 mai 2023 : « Hier, à l'Assemblée Nationale, l'un de ses sous-fifres s'est chargé de l'exégèse lors des questions d'actualité au gouvernement. Il commence en s'adressant à vous, madame la Première Ministre : "Policiers brûlés, les coupables, c'est vous !". Il continue : "La Ve République permet d'agir sans le peuple et, contre lui, elle n'est plus légitime. À bas Macron et la mauvaise République. Vive la Constituante et la VIe République. Le 14 juillet, vous aurez votre prise de la Bastille". ».

Claude Malhuret parlait ainsi du député FI Antoine Léaument (33 ans) qui a été outrancier contre la République dans la formulation de sa question (qui n'était pas une question) dont il faut rappeler ici les termes exacts et exhaustifs, aussi militants que stupidement révolutionnaires : « En vous acharnant, vous abîmez la démocratie. Vous abîmez la démocratie en utilisant les outils les plus autoritaires de la Ve République. Vous abîmez la démocratie en bafouant la Constitution en vertu de laquelle la République est "le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple". Vous abîmez la démocratie en utilisant la police non pour garantir le droit à manifester, mais pour le réprimer. Votre bilan, c’est la violence. Ça suffit ! Policier brûlé, journalistes frappés, manifestants mutilés : les coupables, c’est vous ! Nous apportons notre soutien à tous les blessés. Vous opposez le peuple au peuple, pas nous ! Vous vouliez tourner la page des retraites : c’est raté ! Vous reportez tous vos projets de loi. Vous ne savez plus où vous allez, et où que ce soit, les casseroles vous accompagnent ! Vous ne pouvez plus gouverner. La crise est maintenant politique. La Ve République permet d’agir sans le peuple et contre lui : elle n’est plus légitime. En bafouant ses principes républicains, vous accélérez sa chute et la vôtre. Alors, oui, à bas Macron et la mauvaise République ! Vive la constituante et la VIe République ! Ici, c’est la France, celle d’un peuple insoumis, celle d’une nation née de la Révolution ! On ne fait pas taire le peuple, on l’écoute. On ne le méprise pas, on le respecte. On ne le réprime pas, on lui obéit. Nous ne céderons pas ! Vous vouliez en avoir fini le 14 juillet, mais vous aurez votre prise de la Bastille ! ».

Pendant qu'Antoine Léaument lâchait son indigeste logorrhée antirépublicaine, sa collègue FI Sophia Chikirou balançait un lâche « Vive la révolution ! ». Elle a continué dans l'invective lors de la réponse du Ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin qui a en effet rétorqué : « Je n’ai pas entièrement saisi votre question, mais j’ai compris que vous n’étiez pas content et que vous n’aimiez toujours pas la police. Après les violences absolument inacceptables de la journée d’hier, qui ont blessé 405 policiers et gendarmes, dont un policier qui a reçu un cocktail Molotov à la tête, chacun l’a vu à la télévision, qui aurait pu en mourir et qui est brûlé au deuxième degré, je regrette sincèrement que vous n’ayez pas un mot, dans cette première question au gouvernement, pour ces pères et ces mères de famille. Cela démontre bien votre humanisme… Nous sommes habitués à votre haine à l’encontre de la police, monsieur Léaument ! Ce à quoi nous ne sommes pas habitués, en revanche, c’est que vous n’ayez même pas un mot pour les trois militants du parti communiste agressés par les black blocs. ».

Et pendant que le ministre insistait sur le lâchage des communistes : « Et si le parti communiste a publié ce matin un communiqué très clair pour soutenir les forces de l’ordre, qui protègent le droit de manifester, et pour condamner les violences des black blocs, vous assumez manifestement d’être complices de ces violences puisque vous refusez de condamner, devant les représentants du peuple, les gens qui abattent notre démocratie à coups de cocktail Molotov ! », au même moment, Sophia Chikirou a cru intelligent de lancer : « Les communistes, prenez-les, on vous les donne ! » (les communistes, pourtant leurs alliés, apprécieront certainement).

Dans un tel climat de guerre civile voulu par les mélenchonistes, Claude Malhuret voulait revenir à la sauvegarde de la République et de la démocratie ce 3 mai 2023 : « Cette névrose obsessionnelle de se croire chaque jour le 13 juillet 1789, comme d'autres se prennent pour Napoléon, pourrait sembler ne mériter qu'une consultation à Sainte-Anne. Méfions-nous, pourtant : les émeutes et parfois même les insurrections ont souvent été déclenchées par des dingues, et je conseille à ceux qui ne l'ont pas encore fait de se documenter sur la VIe République que nous propose la France irrécupérable. La Ve serait vite regrettée comme un modèle de démocratie. Cette tenaille entre les violences dans la rue et la zadisation de l'Assemblée Nationale, qui dure depuis des mois, est en train peu à peu de saper la confiance des Français dans leurs institutions et de dissoudre lentement le respect pour l'ordre républicain. Dans ce contexte, je veux rendre hommage au jeune policier de 27 ans brûlé avant-hier et toujours hospitalisé, mais aussi aux 405 membres des forces de l'ordre blessés ce jour-là et aux 1 083 blessés depuis le début de l'année en accomplissant leur mission. ».

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La Première Ministre Élisabeth Borne lui a répondu par le respect tant du droit à manifester que du devoir de maintenir l'ordre public. Et elle n'a pas pu s'empêcher d'aborder le sujet le plus important de la question de Claude Malhuret : « Monsieur le président, vous évoquez également les nouvelles outrances du leader de la France insoumise. Celles-ci s'inscrivent dans une remise en cause permanente de nos institutions. Elles sont une nouvelle étape pour saper la confiance de nos concitoyens dans notre démocratie. "À bas la mauvaise République", dit-il. Chacun le sait bien, pour Jean-Luc Mélenchon, la seule bonne République, c'est lui. Pour notre part, nous sommes et nous resterons du côté de la République et de l'ordre républicain. ».

Chaque jour, le leader de FI et ses sbires démontrent par l'absurde à quel point la Cinquième République est nécessaire à notre démocratie, que sans elle, ce ne serait plus qu'immobilisme et désordre, violence et guerre civile. Heureusement que le Général De Gaulle a su léguer aux générations suivantes des institutions solides et efficaces qui, tout en faisant de la France l'une des plus grandes démocraties du monde, est devenue enfin une nation capable d'être gouvernée, même par un peuple aussi irascible et inquiet que le nôtre. Claude Malhuret, en mettant le doigt sur ces propos totalement irresponsables de FI, montre ainsi que la menace contre notre République est bien réelle. Et qu'il s'agit de la défendre contre tous les partis de l'anti-France. Aux armes, citoyens !


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (03 mai 2023)
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Pour aller plus loin :
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L'Iran et les femmes : Claude Malhuret contre la mollarchie.
Passe vaccinal : Claude Malhuret charge lourdement les antivax.
Covid-19 : les trois inepties du docteur Claude Malhuret.

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https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/claude-malhuret-denonce-la-248170

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3 mai 2023 3 03 /05 /mai /2023 20:35

« Le Conseil Constitutionnel juge que ne porte pas sur une réforme relative à la politique sociale de la nation, au sens de l’article 11 de la Constitution, la proposition de loi visant à interdire un âge légal de départ à la retraite supérieur à 62 ans. » (Communiqué du Conseil Constitutionnel du 3 mai 2023 à 19 heures).




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La seconde proposition de loi que l'opposition a soumise au Conseil Constitutionnel pour organiser un référendum d'initiative partagé sur la réforme des retraites a été rejetée ce mercredi 3 mai 2023 à 19 heures par la décision n°2023-5 RIP du 3 mai 2023 du Conseil Constitutionnel.

Cette proposition, signée par 252 sénateurs et députés de la Nupes, a été transmise par le Président du Sénat au Conseil Constitutionnel le 13 avril 2023. Ce dépôt précipité de la Nupes juste avant le premier avis (prévu le 14 avril 2023) avait pour but de rectifier le défaut de rédaction de la première proposition.

J'avais d'ailleurs évoqué la possibilité que le Conseil Constitutionnel, qui avait rejeté la première proposition, puisse accepter la seconde proposition de loi parce qu'elle aurait été déposée avant la promulgation de la réforme des retraites qui a eu lieu quelques heures après sa validation, le 14 avril 2023 (le Président de la République était dans l'obligation de la promulguer dans les quinze jours). Un dépôt après la promulgation rendait en effet impossible tout RIP sur le même sujet avant un délai d'un an. Et on peut comprendre cette disposition : cela reviendrait à court-circuiter les parlementaires alors qu'ils sont eux-mêmes dépositaires de la souveraineté nationale, en tant que ses représentants.

Mais cette idée de validation du RIP qui j'avais généreusement prêtée aux membres du Conseil Constitutionnel le 14 avril 2023, je l'avais imaginée sans avoir pris connaissance du texte de cette seconde proposition de loi et, une fois lu, on peut dire que la manière dont elle est rédigée ne laissait aucun doute sur le refus du Conseil Constitutionnel.

En effet, composée de deux articles, cette seconde proposition de loi pêche comme la première car le premier article est la répétition de l'article unique de la première proposition. Ce premier article propose d'interdire un âge légal de départ à la retraite supérieur à 62 ans. Or, à la date du dépôt, 13 avril 2023, l'état du droit en France était que l'âge légal de départ à la retraite était 62 ans. Donc, cet article n'est pas une réforme au sens de l'article 11 de la Constitution : « À la date d’enregistrement de la saisine, l’interdiction de fixer l’âge légal de départ à la retraite au-delà de 62 ans n’emporte donc pas de changement de l’état du droit. » explique benoîtement la décision, reprenant exactement la logique de la précédente décision.

Le second article de la seconde proposition de loi, qui manquait à la première proposition, présente un financement supplémentaire des retraites en augmentant de 9,2% à 19,2% (cela ferait plus que doubler !) le taux d'imposition à la contribution sociale généralisée (CSG) des revenus du patrimoine.

C'est donc l'unique modification de cette seconde proposition : prévoir un financement supplémentaire, ce qui stupide puisque ce financement serait obligatoire dans le cas où on passerait de 64 ans à 62 ans mais pas dans le cas où on maintiendrait à 62 ans !

Néanmoins, le Conseil Constitutionnel ne blâme pas cet article pour cette raison (augmenter les recettes de l'État est toujours bon à prendre !). Il rappelle, en revanche, que la CSG finance déjà la branche vieillesse et donc, que le mécanisme de financement proposé n'est pas une réforme au sens que le dispositif existe déjà : « Cette proposition de loi prévoit d’augmenter de 9,2% à 19,2% le taux d’imposition à la contribution sociale généralisée des revenus du patrimoine mentionnés au e du paragraphe I de l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale et des produits de placement mentionnés au 1° du paragraphe I de l’article L. 136-7 du même code ainsi que d’affecter le produit de cette contribution sur ces revenus et produits à la branche vieillesse et veuvage du régime général de la sécurité sociale. Elle a ainsi pour seul effet d’abonder le budget d’une branche de la sécurité sociale en augmentant le taux applicable à une fraction de l’assiette d’une imposition existante dont le produit est déjà en partie affecté au financement du régime général de la sécurité sociale. ».

Ainsi, le Conseil Constitutionnel a conclu que ni l'article premier, ni l'article deux de cette proposition de loi « ne porte pas, au sens de l’article 11 de la Constitution, sur une réforme relative à la politique sociale ». D'où le rejet de cette demande de RIP. Ils sont vraiment malins à la Nupes !

Il me semble que c'est Patrick Kanner, ancien ministre et président du groupe socialiste au Sénat, qui ait chapeauté la rédaction de cette seconde proposition, et il m'apparaît aujourd'hui bien décevant sur le plan intellectuel. J'avais cru qu'une telle personnalité avait un peu plus de savoir-faire en matière institutionnelle car je considère que cette seconde proposition a été bâclée, torchée comme un débutant (un étudiant de première année de droit, et encore, en début de l'année).

Ce n'était pas compliqué de passer outre ces obstacles du Conseil Constitutionnel. Il aurait pu y en avoir d'autres par la suite, mais ceux-là était très grégaires. Il suffisait par exemple de modifier l'âge de 62 ans en 61 ans et 11 mois, ce qui relevait effectivement d'une réforme de la politique sociale au sens de l'article 11.

Même si le Conseil Constitutionnel, voulant donner politiquement raison à l'opposition (mais je m'efforce de répéter que le Conseil Constitutionnel ne fait pas de la politique mais du droit, et le droit est toujours glacial, logique, intraitable, général), avait souhaité apporter une réponse positive ce mercredi soir, il n'aurait pas été capable de la fournir sans être totalement incohérent avec les précédentes décisions prises en la matière, et pourtant, il n'y en avait pas beaucoup, seulement quatre précédentes en tout.

Les mélenchonistes saboteurs des institutions continueront bien sûr à critiquer les institutions, le Conseil Constitutionnel, le gouvernement, Emmanuel Macron, etc., mais quelqu'un d'un petit peu attentif, d'autant plus que tous les documents sont disponibles à tous les citoyens sur le site du Conseil Constitutionnel, aboutira rapidement à la conclusion que les responsables de ce refus ne sont pas les Sages du Palais Royal mais bien les rédacteurs de ce brouillon sans queue ni tête de cette proposition de loi.

Ou alors, il y a une autre explication : un formidable jeu de rôle ; que la Nupes, supposée être l'opposition, est une opposition si bête (et méchante) qu'elle aide le gouvernement pour rendre définitive la réforme des retraites ?

Vu le niveau très médiocre de la proposition de loi, on peut réellement se poser des questions : ou c'est de l'incompétence massive, ou c'est volontaire et dans ce cas, dans quel but ? Se donner l'illusion d'une opposition déterminée mais bien contente de ne plus avoir à faire cette réforme si d'aventure elle arrivait au pouvoir ?

La proposition de loi du groupe LIOT qui vise à abroger cette réforme, dont l'examen est prévu durant la niche de ce petit groupe centriste, le 8 juin 2023, ne menace en rien le gouvernement : il y a peu de chance qu'à part quelques députés LR (dont Aurélien Pradié), le groupe LR vote une telle proposition qui irait à l'encontre de leur programme présidentiel depuis une douzaine d'années, et même si cette proposition était adoptée (ce qui serait fort improbable), il faudrait ensuite qu'elle soit mise à l'ordre du jour au Sénat ; or, il n'y a pas de groupe LIOT au Sénat, et aucun sénateur LR ou UC ne prendra la responsabilité de soutenir une telle proposition alors que la réforme des retraites, plus que celle du gouvernement, c'est avant tout la leur, celle de la majorité sénatoriale.

Contrairement à ce que les syndicats tentent de faire croire, et au-delà des violences toujours condamnables, la mobilisation de la journée du 1er mai 2023 (au total, selon le Ministère de l'Intérieur, 782 000 manifestants) a montré que le mouvement s'essoufflait alors qu'il s'agissait d'un jour férié, ce qui est logique : il n'y a plus d'échéance institutionnelle, le processus législatif est achevé. Emmanuel Macron a donc respecté son engagement de campagne.

Car ce qui est maintenant sûr, c'est que la réforme des retraites du 14 avril 2023
(loi n°2023-270 du 14 avril 2023) s'appliquera bien. Les décrets d'application sont en cours de rédaction. C'est une question de semaines. Aux syndicats de savoir s'ils veulent être pleinement entendus dans les négociations de la future loi Travail ou seulement jouer le jeu des destructeurs des institutions...


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Sylvain Rakotoarison (03 mai 2023)
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Le coronavirus supplante la réforme des retraites de 2019-2020

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230503-retraites.html

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1 mai 2023 1 01 /05 /mai /2023 13:33

« Les Polynésiens ont voté pour le changement. Le gouvernement prend acte de ce choix démocratique. Nous travaillerons avec la majorité nouvellement élue avec engagement et rigueur, pour continuer d'améliorer le quotidien de nos concitoyens polynésiens. » (Gérald Darmanin, le 1er mai 2023 sur Twitter).




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Le Ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, a pris acte de ce qu'il pourrait ressentir comme un revers. Ce dimanche 30 avril 2023 a eu lieu le second tour des élections territoriales en Polynésie française (le premier tour avait eu lieu le 16 avril 2023). Peu de médias ont évoqué cette information venue de très loin (de l'autre bout du monde), ou plutôt, si, mais de manière plutôt distraite sinon discrète, alors qu'elle concerne pleinement la France puisque la Polynésie française, comme son nom l'indique, est un territoire français. L'événement, c'est la victoire électorale des indépendantistes. Sans ambiguïté.

Rappelons très rapidement l'histoire de la Polynésie française qui est un territoire français regroupant cinq archipels de 118 îles au total, de plus de 4 000 kilomètres carrés et accueillant un peu plus de 300 000 habitants (l'équivalent de l'agglomération de Nancy, par exemple).

Protectorat français en 1842, colonie française en 1880, territoire d'outre-mer (TOM) en 1946 (avec la citoyenneté française et l'élection de parlementaires), la Polynésie française a joué, par la volonté du Général De Gaulle, un rôle stratégique dans la dissuasion française dans le sens où les essais nucléaires ont été localisés en Polynésie française (à Mururoa et Fangataufa : 193 essais nucléaires aériens puis souterrains ont eu lieu entre 1966 et 1996).

Le territoire polynésien a été doté principalement de trois statuts successifs dans la période récente, avec une autonomie croissante : le statut d'autonomie en 1977 (à la suite d'une crise importante), le statut de 1984 (à la suite des lois Defferre de décentralisation de 1982) qui a institué un gouvernement de Polynésie française (avec un président du gouvernement), enfin, le statut actuel, qui date de 2004 (loi organique n°2004-192 du 27 février 2004), avec le président du gouvernement qui devient président de la Polynésie française, titre qui va avec des institutions locales : le président peut dissoudre l'Assemblée territoriale et les députés territoriaux peuvent censurer le président, dans le premier cas, de nouvelles élections sont organisées.

À partir de 2004, il existe donc une véritable autonomie, qui permet à la Polynésie française d'avoir ses propres lois (qui doivent rester compatibles avec la Constitution française) et le gouvernement polynésien peut nouer des accords internationaux avec des pays étrangers, même hors de l'Océan Pacifique. Effectivement, la révision constitutionnelle n°2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République a institué les Collectivités d'outre-mer, qui ont gagné en autonomie de gestion et qui sont actuellement au nombre de cinq : la Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna.

En 1978, l'état des forces politiques étaient très grossièrement deux tiers de la population protestante (et autonomiste) et un tiers catholique (et gaulliste : cela a permis à Gaston Flosse de se faire élire député). Depuis 2004, le clivage se fait plutôt entre les autonomistes, plutôt du centre et de droite, et les indépendantistes, plutôt de gauche.

Entre 2004 et 2014, la vie politique polynésienne est absolument incompréhensible pour l'observateur extérieur, dans un jeu de pouvoir à trois, Gaston Flosse (gaulliste), Oscar Temaru (indépendantiste) et Gaston Tong Sang (issu anciennement du parti de Gaston Flosse mais prenant son indépendance politique). Sans majorité absolue d'un parti, ces trois personnalités se sont partagées la présidence de la Polynésie française, changeant douze fois de locataire entre le 27 février 2004 et le 5 septembre 2014 (chaque parti tentant de censurer l'autre, avec parfois des alliances politiciennes incohérentes comme entre Gaston Flosse et Oscar Temaru contre Gaston Tong Sang, etc.).

Depuis le 12 septembre 2014, Édouard Fritch préside le gouvernement de Polynésie française, réélu le 18 mai 2018. Dauphin de Gaston Flosse (qui avait été condamné à l'inéligibilité), Édouard Fritch jouit depuis deux mandats d'une stabilité grâce à une majorité absolue de Tapura huiraatira, dont il est le président (il a quitté le parti de Gaston Flosse pour créer son propre parti). Positionné au centre droit et soutenu par l'UDI, LR et LREM, Tapura a obtenu 43,0% des voix au premier tour et 49,2% des voix au second tour, lors des précédentes élections territoriales des 22 avril et 6 mai 2018, lui permettant d'avoir la majorité absolue des sièges, 38 sur 57. En face de lui, il y avait Tahoeraa huiraatira (devenu Amuitahirra o te nuna'a Maohi) avec 11 sièges (le parti de Gaston Flosse mené actuellement par Bruno Sandras) avec 29,4% au premier tour, et Tavini huiraatira (le parti indépendantiste d'Oscar Temaru) 8 sièges (20,7% au premier tour).

Le premier tour de ces dernières élections territoriales, le 16 avril 2023, a été un succès pour les indépendantistes même s'ils sont minoritaires : Tavini (mené par Oscar Temaru) a obtenu la première place avec 34,9% des voix (gain de 14 points), suivi de Tapura (mené par Édouard Fritch) 30,5% (perte de 12 points !). Amuitahiraa o te nuna'a Maohi (mené par Bruno Sandras) s'est écroulé à 11,9% (à comparer aux 29,4% de 2018). Un nouveau parti, anti-indépendantiste, A here ia Porinetia (AHIP), a été créé en septembre 2020, dissidence de Tapura huiraatira et de Tahoeraa huiraatira, par Nicole Sanquer (ancienne députée UDI) et Nuihau Laurey (ancien sénateur UC) ; tous deux, comme parlementaires, ont parrainé et soutenu la candidature de Marine Le Pen à l'élection présidentielle de 2022, et ce parti a obtenu 14,5% des voix.

Au second tour du 30 avril 2023, Tavini huiraatira a amélioré son score avec 44,3% des suffrages, lui permettant d'atteindre et de dépasser la majorité absolue en envoyant à l'Assemblée territoriale 38 députés polynésiens sur 57. La majorité sortante Tapura huiraatira allié au second tour avec Amuitahiraa o te nuna'a Maohi n'a même pas totalisé les scores du premier tour avec 38,5% et 16 sièges. A here ia Porinetia (mené par Nuihau Laurey) a, lui, eu une progression entre les deux tours avec 17,2% des voix et 3 sièges.

La division des anti-indépendantistes de centre droit était importante puisqu'au-delà des trois partis cités (de cette tendance), il y en avait un quatrième, Ia Ora te Nuna'a (mené par Teva Rohfritsch) qui a quand même obtenu 4,4% au premier tour (mais n'a pas pu se présenter au second tour).

Le report des voix du parti écologiste (Heiura mené par Jack Bryant) n'explique pas le succès des indépendantistes (les écologistes ne représentaient que 1,9% des voix). La forte progression de Tavini huiraatira entre les deux tours s'explique plutôt par une forte augmentation de la participation électorale entre les deux tours, passant de 60,1% à 70,0%. Ces quelque 21 000 électeurs supplémentaires correspondent à cette progression : 20 909 votants en plus entre les deux tours, plus les 2 373 électeurs écologistes, peuvent expliquer les 21 150 électeurs supplémentaires des indépendantistes entre le premier et le second tours.

La suite logique de cette victoire est la très probable élection du député PCF Moetai Brotherson, au nom de Tavini huiraatira, à la présidence de la Polynésie française le 12 mai 2023 ; gendre du leader historique Oscar Temaru, Moetai Brotherson (d'un père d'origine danoise) était également, entre 2014 et 2020, conseiller municipal de Faaa dont le maire est Oscar Temaru depuis 1983 (Faaa, limitrophe de Papeete, est la ville la plus peuplée de la Polynésie française).

Cette élection présidentielle polynésienne est sur le mode d'une élection de président d'assemblée : le président de la Polynésie française est élu à la majorité absolue au premier et second tours et relative au troisième tour. Avec 38 sièges sur 57, il n'y a donc aucune incertitude sur l'élection, dès le premier tour, de Moetai Brotherson, à moins d'un rebondissement politique dont la Polynésie française a le secret. Édouard Fritch, pour la majorité sortante, et Nicole Sanquer, pour AHIP, devraient être candidats également, sans aucun chance d'être reconduits ou élus.

France Télévisions, dans son article évoquant ce scrutin, pense utile d'écrire, en parlant des indépendantistes victorieux : « Cette victoire les place notamment en position de force face à l'État français pour négocier un processus de décolonisation et un référendum d'autodétermination. ». Même si, effectivement, c'est la première fois depuis 2004 que les indépendantistes jouissent d'une majorité absolue, donc stable, à l'Assemblée territoriale (pour un mandat de cinq ans), ce n'est pas la première fois que la Polynésie française a été dirigée (et présidée) par un indépendantiste puisque Oscar Temaru a été élu président de la Polynésie française déjà cinq fois : du 14 juin 2004 au 22 octobre 2004, du 3 mars 2005 au 26 décembre 2006, du 13 septembre 2007 au 23 février 2008, du 11 février 2009 au 24 novembre 2009 et du 1er avril 2011 au 17 mai 2013.

Au-delà du clivage sur l'indépendance (qui est un clivage entre indépendantistes et autonomistes, alors qu'il y a cinquante ans, les gaullistes n'étaient pas autonomistes), c'est bien le clivage droite/gauche qui a fait basculer la majorité de l'Assemblée territoriale.

Marine Le Pen avait obtenu en Polynésie française, au second tour de l'élection présidentielle du 24 avril 2022, 48,5% soit 7 points de plus que la moyenne nationale, et en juin 2022, trois députés de gauche ont été élus sur les trois circonscriptions que compte la Polynésie française (dont le futur président de la Polynésie française).

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La victoire des indépendantistes a fait au moins un heureux en métropole, le saboteur en chef des institutions de la France, Jean-Luc Mélenchon, tout excité à l'idée de décolonisation, a en effet balancé un tweet le 1er mai 2023 : « Une nouvelle époque commence. Exigeante de respect mutuel, d'esprit de raison et de compromis. Macron ne doit pas brutaliser les gens. ». On ne voit pas ce que le Président Emmanuel Macron vient faire là, mais celui qu'il appelle camarade, le député Moetai Brotherson, n'a pourtant pas choisi le groupe des insoumis, ni en 2017 ni en 2022 ; il a préféré le groupe communiste plus sage avec les institutions...


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (01er mai 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le vent se lève-t-il en Polynésie française ?
La Nouvelle-Calédonie dit non à l’indépendance.

_yartiPolynesieFrancaiseA03




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15 avril 2023 6 15 /04 /avril /2023 05:45

« Cette décision marque la fin du cheminement institutionnel et démocratique de cette réforme. Un cheminement qui a commencé par des cycles de concertations avec les partenaires sociaux à l’automne, puis s’est poursuivi par un débat parlementaire à l’Assemblée Nationale et au Sénat, permettant l’adoption d’un texte en commission mixte paritaire largement enrichi par les initiatives des parlementaires. » (communiqué du gouvernement le 14 avril 2023).




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C'est avec quelques minutes d'avance sur l'horaire prévu (18 heures) que le Conseil Constitutionnel a rendu son double verdict sur la régularité constitutionnelle de la réforme des retraites et sur la proposition de référendum d'initiative partagée sur le sujet. Toutes ses décisions étaient prévisibles car le Conseil Constitutionnel a apporté un point de vue juridique (constitutionnel) et pas politique.

C'est ce que les enragés de la Nupes ont fait semblant de ne pas comprendre depuis une quinzaine de jours : faire du Conseil Constitutionnel une instance politique, qui déciderait, sans légitimité populaire (en raison de leur nomination entre autres), de la politique de la Nation. Il y a là une confusion des genres et des critiques paradoxales : on critique la non-légitimité populaire du Conseil Constitutionnel et en même temps, on lui demande de faire de la politique. Justement, il n'est pas légitime pour faire de la politique nationale, mais il est légitime pour veiller à ce que la Constitution (et le bloc de constitutionnalité) soient strictement respectés (ce qui est le minimum dans un État de droit).

On a voulu lui faire faire de la politique au point que les opposants à la réforme du gouvernement ont voulu faire pression sur les Sages en manifestant directement à leurs fenêtres (ce 13 et ce 14 avril 2023). Comme respect de la loyauté constitutionnelle, il y a mieux.

Les décisions étaient purement juridiques et le Conseil Constitutionnel a bien insisté à ce sujet (en évoquant le contenu de la réforme) :
« Il n’appartient pas au Conseil Constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur à cet égard, mais uniquement de s’assurer que ces dispositions se rattachent à l’une des catégories mentionnées à l’article L.O. 111-3-12 du code de la sécurité sociale. ».

S'il a validé l'élément clef de la réforme, son article 10 sur le passage de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans, le Conseil Constitutionnel a cependant invalidé six dispositions qu'il considérait comme des "cavaliers sociaux" à une loi de financement de la sécurité sociale :
« Relevant qu’elles n’avaient pas d’effet ou un effet trop indirect sur les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement, le Conseil Constitutionnel a, suivant sa jurisprudence constante relative aux "cavaliers sociaux", censuré [six dispositions]. ». En particulier l'index sénior (article 2 du projet) et le contrat de travail sénior (article 3).

Cette censure ne concerne que le fait d'être dans un tel projet de loi de financement :
« Sans préjuger de la conformité de leur contenu aux autres exigences constitutionnelles, le Conseil a donc censuré ces six ensembles de dispositions, juridiquement détachables du reste de la loi. ». Donc, le gouvernement pourra toujours présenter un autre projet de loi, ordinaire celui-ci, pour revenir sur ces dispositions censurées, mais c'était de toute façon l'intention du gouvernement qui veut faire une grande loi sur le travail.

Par ailleurs, selon le surveillant général de la Constitution, les procédures adoptées par le gouvernement ont respecté scrupuleusement la Constitution :
« L’examen successif de chacune de ces procédures a conduit le Conseil Constitutionnel à relever que, appliquées conformément aux règlements des assemblées, aucune n’avait porté d’atteinte substantielle aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire. Puis, le Conseil Constitutionnel a jugé que la circonstance que plusieurs procédures prévues par la Constitution et par les règlements des assemblées aient été utilisées cumulativement pour accélérer l’examen de la loi déférée, n’est pas à elle seule de nature à rendre inconstitutionnel l’ensemble de la procédure législative ayant conduit à l’adoption de cette loi. En l’espèce, si l’utilisation combinée des procédures mises en œuvre a revêtu un caractère inhabituel, en réponse aux conditions du débat, elle n’a pas eu pour effet de rendre la procédure législative contraire à la Constitution. ».

Si cette décision n°2023-849 DC du 14 avril 2023 était exclusivement juridique et pas politique (le Conseil Constitutionnel a également exposé d'autres arguments en rapport aux sujets des saisines ; elle fait l'objet de 120 considérations), il est vrai que cela conforte politiquement le gouvernement et le Président Emmanuel Macron : d'une part, l'ensemble de la réforme des retraites est passé, et l'Élysée a annoncé que la promulgation aurait lieu d'ici à la fin du week-end ; d'autre part, même les éléments censurés font l'affaire du gouvernement (en particulier, le contrat de travail sénior imposé par les sénateurs) car le gouvernement voulait de toute façon faire une grande loi sur le travail, ce qui inciterait ainsi les syndicats à revenir à la table des négociations. D'ailleurs, quelques heures avant la décision du Conseil Constitutionnel, Emmanuel Macron avait invité les syndicats à venir à l'Élysée le 18 avril 2023.

Certains députés ont demandé le report de la promulgation, ce qui est insensé. Au-delà du simple scandale de vouloir faire pression sur le Président de la République, il faut rappeler que le Président de la République est dans l'obligation de promulguer une loi définitivement adoptée par le Parlement et validée par le Conseil Constitutionnel. C'était d'ailleurs l'objet de tout un débat constitutionnel avant la première cohabitation de 1986 qui était dans le paradigme inverse : un Président de la République a-t-il le droit de refuser de promulguer une loi ? La réponse est non, il est dans l'obligation de promulguer la loi (même Jacques Chirac sur la loi sur les CPE en mars 2006) ; la demande aux parlementaires de réexaminer le texte est extrêmement rare. La seule liberté que s'est permis François Mitterrand en pleine cohabitation, c'était de refuser de promulguer des ordonnances pour la privatisation de certaines entreprises publiques, et Jacques Chirac, préférant d'autres combats politiques et pragmatiques, n'avait pas insisté en reprenant le processus législatif avec un projet de loi ordinaire.

L'autre décision du Conseil Constitutionnel (décision n°2023-4 RIP du 14 avril 2023) n'était pas, elle non plus, imprévisible : il a rejeté la proposition de référendum d'initiative partagée signée par 252 députés et sénateurs qui voulait consulter les Français sur la phase : « Affirmer que l'âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans ».

L'article 11 de la Constitution, tel que révisé par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 et la loi organique n°2013-1114 du 6 décembre 2013, est très clair. Et il y a un aspect intéressant (trivial même) que la Conseil Constitutionnel a noté. Peut être soumis au référendum « tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ».

Le Conseil Constitutionnel a effectivement souligné que pour être soumis au référendum, il faut, dans le domaine social, que ce soit une "réforme". Or, à la date du dépôt, la situation en France est que l'âge légal de départ à la retraite est 62 ans. Proposer que l'âge ne soit pas au-delà de 62 ans n'est donc pas une réforme puisque applicable actuellement. Il l'écrit ainsi : « Ainsi, à la date d’enregistrement de la saisine, la proposition de loi visant à affirmer que l’âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans n’emporte pas de changement de l’état du droit. ».

Sur le référendum d'initiative partagée, rien ne semble perdu puisqu'une seconde proposition a été déposée le 13 avril 2023, in extremis, qui tenterait de contourner cet aspect juridique. On se demande d'ailleurs si des fuites ont eu lieu au Conseil Constitutionnel pour retoquer la première proposition mal rédigée. Le Conseil Constitutionnel donnera sa décision sur sa validation ou son rejet le 3 mai 2023. Je pense que la réponse sera plutôt en faveur de la validation, non pour apaiser la situation politique (le Conseil ne fait pas de politique, il fait du droit), mais parce que cette seconde proposition aura été déposée avant la promulgation de la réforme des retraites. C'est une condition d'admissibilité ; il est impossible qu'un sujet qui a été délibéré par le Parlement dans les six derniers mois soit l'objet d'un référendum d'initiative partagée.

Ce qui compte est donc la date du dépôt de la proposition et la date de la promulgation, et sur ce sujet des dates (il peut y avoir d'autres motifs de rejet), je ne vois pas comment le Conseil Constitutionnel pourrait s'y opposer, si on prend les choses à la lettre. Dans l'esprit du RIP, bien sûr, ce serait en contradiction car cela voudrait dire que l'opposition, non contente d'être minoritaire, voudrait court-circuiter les lois votées par la représentation nationale par des référendums. Cela dit, comme j'imagine que les capacités de mobilisation pour obtenir 4,8 millions de signataires (10% des inscrits) paraissent réelles, ce serait instructif de voir comment se passerait la procédure d'un RIP jusqu'à son terme. Ma curiosité l'emporterait sur l'inquiétude économique.

Dès ces décisions connues, l'opposition, par la voix de Mathilde Panot, présidente du groupe FI à l'Assemblée Nationale, a vociféré, rejetant l'ensemble des institutions parce qu'elles ne lui seraient pas profitables, alors que justement, dans cette situation si tendue et si kaléidoscopique, heureusement que les outils sont là pour pouvoir gouverner, apporter des réponses aux nombreuses crises actuelles, set ne pas stagner dans l'immobilisme de la Quatrième République.

Elle a surtout oublié de dire que deux motions de censure auraient pu renverser le gouvernement pour cette réforme des retraites, et que la représentation nationale (dans son ultime sagesse) en a décidé autrement en laissant le gouvernement en place. Les élus de France insoumise ont la fâcheuse habitude, depuis 2017, de croire qu'ils sont majoritaires alors que par deux fois, les électeurs (donc le peuple) ont très majoritairement rejeté leurs propositions. Le peuple, c'est d'abord le Président élu avant les minoritaires. C'est cela, la loi de la démocratie.

Si les décisions du Conseil Constitutionnel vont dans le sens du gouvernement, la situation politique et sociale reste pour autant dans l'impasse. Les journalistes nous expliquent que la Première Ministre Élisabeth Borne a été confortée par ces décisions du Conseil Constitutionnel. C'est une erreur d'analyse car, je le répète encore une fois, le Conseil Constitutionnel n'a donné qu'un point de vue juridique et pas du tout politique. Inversement, si le Conseil Constitutionnel avait invalidé l'ensemble de la réforme des retraites, Élisabeth Borne n'aurait pas pour autant été désavouée par lui.

Du reste, la réaction de la Première Ministre a été sage en disant qu'il n'y avait ni vainqueur ni vaincu. Le Conseil Constitutionnel s'est "borné" à veiller au respect de la Constitution et à rien d'autre. C'est, certes, une étape, la dernière, du processus législatif (Emmanuel Macron avait parlé du "processus démocratique"), mais l'essentiel était dans le vote des motions de censure du 20 mars 2023. En refusant de renverser le gouvernement, les députés ont apporté au gouvernement un soutien implicite à la réforme des retraites, même ceux qui, dans l'opposition, n'auraient pas voulu être considérés comme des ralliés.

Ce triomphe modeste se traduit dans le communiqué du gouvernement ainsi : « La volonté du gouvernement est désormais de poursuivre la concertation avec les partenaires sociaux pour donner davantage de sens au travail, améliorer les conditions de travail et atteindre le plein emploi. ».

Le front syndical a donc des raisons de se diviser : Laurent Berger a déjà dit qu'il n'entendait pas appeler à manifester sans arrêt et avec sans cesse une mobilisation décroissante, alors qu'il veut être écouter pour la prochaine grande loi sur le travail. Il manque juste un geste d'Emmanuel Macron pour pacifier une situation politique particulièrement tendue. Les vacances de Pâques et les multiples ponts du mois de mai pourront sans doute contribuer à un meilleur état d'esprit des partenaires sociaux. Par simple pourrissement.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (14 avril 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Réforme des retraites : feu vert (sans surprise) du Conseil Constitutionnel.
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10 avril 2023 1 10 /04 /avril /2023 05:52

« Le poids des obligations officielles, c'est vraiment quelque chose de lourd. (…) Quand je pense aux malheureuses souveraines, en Angleterre, aux Pays-Bas ou au Danemark qui ont cela à vie, je ne les envie pas. » (Anne-Aymone Giscard d'Estaing).




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Élise, Élisabeth, Coralie, Cécile, Hélène, Berthe, Marie-Louise, Jeanne, Henriette, Germaine... je ne vais pas toutes les citer mais quel est le point commun de toutes ces dames ? Elles étaient les "premières dames" de France, un statut qui n'a rien d'officiel, qui n'a probablement que des conséquences ingrates. Épouse de Président de la République n'est probablement pas un rôle enviable : vous n'existez pas dans les institutions, et pourtant, vous êtes connues, vous êtes adorées, vous êtres parfois détestées, vous ne laissez personne indifférent. Je mets encore au féminin car pour l'instant, il n'y a pas encore eu de Président de la République femme ou homosexuel.

C'était le cas de la très distinguée Anne-Aymone Giscard d'Estaing, femme du Président de la République du 27 mai 1974 au 21 mai 1981, qui fête ses 90 ans ce lundi 10 avril 2023. D'origine grand-bourgeoise voire aristocrate (selon les branches), Anne-Aymone Marie Josèphe Christiane Sauvage de Brantes est la fille d'un officier résistant mort en déportation en 1944 dans le camp de Melk-Mauthausen. Elle s'est mariée avec Valéry Giscard d'Estaing en décembre 1952, alors jeune diplômé de l'ENA (et major de Polytechnique), civilement à Paris et religieusement à Authon, dans le château de la famille de la mariée (c'est là où est mort VGE le 2 décembre 2020 du covid-19).

Discrète, timide, peu intéressée aux choses politiques (beaucoup plus aux choses culturelles), Anne-Aymone Giscard d'Estaing a dû suivre les consignes de son mari pour satisfaire son ambition politique (énorme). Dans les années 1960, VGE se voulait le Kennedy français (il y avait d'autres candidats à ce rôle : Jean Lecanuet, Jean-Jacques Servan-Schreiber, etc.), il voulait se montrer un homme politique dynamique, moderne, simple (!), proche des gens... et ambitieux bien sûr, prêt à assurer les plus hautes responsabilités, crédible dans ce rôle d'autorité.

Pour cela, Anne-Aymone a été la première femme d'homme politique entrée dans la modernité, dans le processus publicitaire des hommes politiques qui se mettent en scène, pas seulement eux mais toute leur famille, leur épouse, leurs enfants, etc. C'est ainsi que pour la campagne présidentielle de 1974 (précipitée par la mort de Georges Pompidou), Valéry a demandé à Anne-Aymone sa contribution qui fut fort utile : présente sur les affiches électorales et les magazines, elle montrait l'image d'une famille classique, stable, rassurante, jeune (elle avait 41 ans, son époux 48 ans), avec également l'image de Jacinte, la plus jeune des quatre enfants, 14 ans à l'époque (et morte le 16 janvier 2018 : Anne-Aymone a été doublement endeuillée ces dernières années, d'abord comme mère et ensuite comme épouse, Valéry Giscard d'Estaing repose d'ailleurs près des restes de leur fille Jacinte), adolescente qui figurait exclusivement sur la première affiche électorale avec le slogan "La paix et la sécurité".

Anne-Aymone Giscard d'Estaing a aussi tenu des meetings dans les Antilles pour représenter son mari pendant la campagne présidentielle. L'élection de VGE a porté un coup fatal à sa tranquillité de mère de famille. La voici première dame de France, avec un bureau à l'Élysée pour répondre aux nombreux courriers qu'elle recevait, et pour participer à de nombreuses cérémonies, réceptions et autres mondanités...

Les Français l'ont probablement découverte à la télévision le 31 décembre 1975 à l'occasion des vœux présidentiels pour 1976. L'exercice était le suivant : VGE se voulait un bon père de famille tranquille, avec la cheminée en arrière-plan, et son épouse à ses côtés pour adresser ses vœux comme le font des amis. Hélas pour Anne-Aymone, le rendu était catastrophique : hyperstressée et crispée, elle a grincé quelques mots comme : « À tous et à toutes, j'exprime mes vœux chaleureux pour cette année. Bonheur, santé et succès. J'ajouterai un souhait, que ceux d'entre nous qui ont la chance d'avoir bonheur et santé n'oublient pas ceux qui sont moins favorisé, que pour eux aussi 1976 soit une année meilleure. ». Le mot "chaleureux" alors que la gestuelle montrait une grande distance et un grand froid a été plutôt l'objet (injuste) de moqueries ultérieures. Elle aurait dû refuser à son époux ce genre de guignoleries qui, d'ailleurs, ne s'est jamais reproduit par la suite, ni pour VGE ni pour ses successeurs bien avertis.


 



C'est instructif de rappeler que peu avant ces mots, le Président lui-même, dans ses vœux, a prononcé cette phrase : « Le rayonnement de la France, dans le monde où nous vivons, et compte tenu de notre dimension, le rôle qui convient à la France est celui du rayonnement et pour cela, elle doit offrir une image humaine, libérale, mondialiste et moderne. ». On imagine mal qu'un Président de la République évoque aujourd'hui ce mondialisme avec une telle fierté !

Anne-Aymone n'aimait pas vivre à l'Élysée et comme sa prédécesseure, Claude Pompidou, elle habitait à son domicile privé pendant tout le septennat. Elle accompagnait son mari lors de tous ses voyages diplomatiques et réceptions (parfois, elle représentait son mari, comme lors de l'intronisation du pape Jean-Paul Ier le 3 septembre 1978). Elle a pu étonner certains, par exemple, lors d'une réception en Espagne par le roi Juan Carlos, elle a spontanément proposé de traduire (excellemment) le discours de son mari en espagnol. Il faut dire qu'enfant, elle avait séjourné à Londres puis à Lisbonne en raison des affectations successives de son père militaire, ce qui lui a permis de parler couramment l'anglais, l'espagnol et le portugais (elle a par ailleurs commencé des études à l'École du Louvre, qu'elle n'a pas semblé avoir achevées).

La présence de la première dame a été permanente durant le septennat et bien malgré elle. Si ce n'est pas la première fois qu'une première dame a créé une fondation caritative (elle a créé la Fondation pour l'enfance en 1977 grâce aux droits d'auteur du livre de son époux, "Démocratie française", afin de venir en aide aux enfants qui cherchent une famille d'accueil), déjà Élise Thiers avait créé la Fondation Thiers, c'était la première fois qu'une première dame agissait très directement comme représentante de son mari, et cela sans statut ni constitutionnel ni même formel. Elle participait bien sûr aux fameux déjeuners de son mari chez les Français, qui avaient une allure un peu artificielle (VGE n'a jamais fait peuple mais voulait faire peuple, ça se voyait un peu trop).

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L'échec électoral de Valéry Giscard d'Estaing le 10 mai 1981 a été un soulagement pour Anne-Aymone : « Certaines activités ne sont pas très drôles tous les jours. L'idée de refaire la même chose pendant encore sept ans, c'est éprouvant. ». Elle était ravie de retourner hors des projecteurs médiatiques.

Néanmoins, elle fut la première dame à s'est présentée à une élection (et à être élue) ; après le septennat, elle fut élue conseillère municipale de Chanonat de mars 1983 à juin 1995 (pour deux mandats). Après elle (en fait, avant elle), seule Bernadette Chirac a eu aussi des activités électives, conseillère générale de Corrèze (de mars 1979 à mars 2015) et conseillère municipale de Sarran (de mars 1971 à mars 2020 ; adjointe au maire à partir de mars 1977).

Si Anne-Aymone Giscard d'Estaing n'a pas marqué de sa personnalité cette fonction pourtant inexistante, une fonction fantôme, elle a pourtant défriché ce qui est devenu un personnage indispensable à la Présidence de la République au point qu'il existe souvent un lien particulier entre les Français et cette première dame au statut si incertain. Elle est ainsi la première à exercer cette fonction de manière moderne, celle de meilleure représentante du Président. Celles qui lui ont succédé, chacune à sa manière, ont suivi son exemple, sans doute avec plus d'assurance.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (02 avril 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Anne-Aymone Giscard d'Estaing.
Valéry Giscard d’Estaing et son problème, le peuple !
Michel Poniatowski, le bras droit sacrifié de Giscard.
Valéry Giscard d’Estaing, le rêveur d’Europe.
Hommage européen à Valéry Giscard d’Estaing le 2 décembre 2021 au Parlement Européen à Strasbourg (texte intégral et vidéos).
VGE en mai (1968).
Michel Debré aurait-il pu succéder à VGE ?
Le fantôme du Louvre.
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron d’hommage à VGE le 3 décembre 2020 (texte intégral et vidéo).
Le Destin de Giscard.
Giscard l’enchanteur.
Valéry Giscard d’Estaing et les diamants de Bokassa.
Valéry Giscard d’Estaing et sa pratique des institutions républicaines.
VGE, splendeur de l’excellence française.
Propositions de VGE pour l’Europe.
Le septennat de Valéry Giscard d’Estaing (1).
Le septennat de Valéry Giscard d’Estaing (2).
Loi n°73-7 du 3 janvier 1973.
La Cinquième République.
Bouleverser les institutions ?

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230410-anne-aymone-giscard-d-estaing.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/anne-aymone-giscard-d-estaing-et-l-247623

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/04/03/39867276.html










 

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