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18 mars 2015 3 18 /03 /mars /2015 06:55

« Le débat est ouvert, et je vois bien que certains sont inquiets et d’autres déçus. Dans cet hémicycle, il y a parfois des affrontements que je juge stériles, mais aussi des débats riches, respectueux, qui sont les témoins de la vie démocratique et font l’honneur de notre assemblée. La mort n’est ni de droite ni de gauche, et elle peut rassembler des hommes et des femmes de bonne volonté pour trouver le chemin de l’amélioration de la loi sur ce sujet douloureux et intime. » (Jean Leonetti, le 10 mars 2015 en ouverture de l’examen en séance publique de sa proposition).

 

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Ce mardi 17 mars 2015 vers 16 heures 50, la proposition de loi rapportée conjointement par Alain Claeys (PS) et Jean Leonetti (UMP) sur la fin de vie a été adoptée en première lecture par l’Assemblée Nationale : elle a été votée par 436 voix contre 34 sur 553 votants. Les principaux groupes parlementaires ont voté très majoritairement pour la loi : PS, UMP, UDI et Front de gauche. Les députés EELV et PRG ainsi que quelques députés PS se sont abstenus pour protester contre le rejet de leurs amendements sur la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté et plusieurs députés UMP se sont également abstenus pour s’opposer à une nouvelle étape d’un "droit à la mort".

En introduction au débat parlementaire, le corapporteur Jean Leonetti, ancien chef du service de cardiologie de l’hôpital d’Antibes, avait évoqué le sujet très intime de la mort : « Dans notre société moderne, l’individu revendique toujours plus de sécurité, de performance et de certitude, mais restera démuni devant sa mort que rien n’empêchera, et que rien ne pourra codifier. Cette mort, la sienne, est encore une partie de sa vie, ultime rencontre avec lui-même, qu’il découvrira alors probablement dans sa complexité et son mystère. » (10 mars 2015).

En définitive, les débats ont été d’une bonne tenue et la sagesse des parlementaires a dominé les discussions même si à certains moments, certains élus ont failli flirter avec la polémique avec la ministre Marisol Touraine. Le texte va donc se retrouver en examen au Sénat, instance généralement très constructive pour toutes les lois en rapport avec la bioéthique, et la discussion publique au Sénat devrait avoir lieu en mai ou juin 2015.

Cette loi a préservé le fragile équilibre de la loi Leonetti du 22 avril 2005 qui va bientôt avoir dix ans. La proposition Claeys-Leonetti a donc obtenu un large consensus même si l’unanimité ne s’est pas réalisée comme ce fut le cas en première lecture dans l’hémicycle pour la loi Leonetti le 30 novembre 2004 où elle avait rassemblé 548 voix favorables et zéro voix contre sur 551 députés présents (généralement, le président de séance ne prend pas part au vote).

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Cette proposition de loi est focalisée sur l’idée qu’il faut tout faire pour soulager la souffrance des patients en fin de vie, jusqu’à ce droit à la "sédation profonde et continue" jusqu’au décès. Le médecin agit pour soigner les malades, pour leur rendre la vie qui leur reste le plus confortable possible lorsque la maladie est incurable, mais pas pour supprimer des vies.

Si cette pratique existe, j’évoque l’euthanasie, elle doit l’être sous la seule responsabilité de ceux qui la pratiquent et en répondre le cas échéant devant la justice qui, jusqu’à maintenant, est seule capable de distinguer un geste d’humanité d’un geste d’escroquerie ou de course à l’héritage ; elle ne doit pas être autorisée par une loi qui ouvrirait la porte à toutes les dérives (en particulier économiques) et qui généraliserait un acte qui est pourtant très spécifique puisqu’il n’existe pas une seule situation identique de fin de vie.

Si des sondages savamment tronqués et manipulés par le "lobby" de l’euthanasie (je ne sais qualifier autrement les actions militantes de l’ADMD qui, rappelons-le, s’est opposé au texte voté à l’Assemblée alors qu’il permet de mieux soulager la souffrance des malades) laissent croire que la grande majorité des gens est favorable à une "aide à mourir" (la grande majorité le dit "pour certains cas" qui sont déjà prévus par la loi depuis dix ans !), ce sont des réponses de sondés bien portants. Or, cela concerne avant tout ceux qui sont en fin de vie,et eux seuls.

L’ancienne Ministre déléguée chargée des Personnes âgées et de l’Autonomie Michèle Delaunay, députée (PS) de Bordeaux (qui avait battu Alain Juppé le 17 juin 2007 dans sa circonscription), cancérologue et responsable d’hôpital, a rappelé le 17 février 2015 la différence entre l’attente des personnes malades et celle des personnes en bonne santé : « L’impatience de la famille, le mot est cruel, doit toujours être adoucie autant que possible par des paroles et son avis ne pas être suivi à cause d’un éventuel changement d’opinion et de la très grande culpabilité qui pourrait en résulter. La question de l’euthanasie est évoquée par 3% des malades entrant dans une unité de soins palliatifs. Quand le malade est accompagné, qu’on est présent autour de lui, ce chiffre tombe à 0,3%. Un bon accompagnement réduit la demande euthanasique et c’était dans cette optique que je souhaitais que nous assurions l’accompagnement pour tous et en particulier pour les personnes âgées. Enfin, je vous l’assure, en quarante-cinq ans de vie hospitalière et médicale, aucun malade ne m’a jamais demandé d’euthanasie. À l’inverse, il n’y a guère de mois où une famille ne me l’a pas demandée. » (lors de l’examen de la proposition Claeys-Leonetti à la commission des affaires sociales, que j’ai déjà citée ici).

S’il y a eu carence dans le domaine de la fin de vie, ce n’était pas à cause de la loi Leonetti (qui est une excellente loi mais perfectible), mais à cause de tous les gouvernements depuis dix ans qui n’ont pas investi les moyens budgétaires comme il aurait fallu pour développer massivement les soins palliatifs. Le scandale est là et seulement là : seulement 20% des personnes qui devaient avoir accès aux soins palliatifs ont pu en bénéficier. Le quinquennat actuel a perdu trois ans et le plan annoncé par Marisol Touraine le 10 mars 2015 au Palais-Bourbon n’est toujours pas lancé alors qu’il avait été annoncé il y a trois ans, le 17 juillet 2012 à Rueil-Malmaison par le Président François Hollande lui-même.

Lors de la discussion dans l’hémicycle, Jean Leonetti avait tenu à rappeler : « Ce texte répond à l’attente des Français et vise à supprimer les fins de vie douloureuses. Ce texte, vous le savez comme moi, ne permet pas de donner la mort, et il n’est pas la porte ouverte à l’euthanasie ou au suicide assisté. Vous savez que j’y suis personnellement opposé, mais je respecte ceux qui pensent qu’il s’agit d’une évolution nécessaire de notre société. Je partage sur ce point l’avis de Robert Badinter, qui déclarait : "Le droit à la vie est le premier des droits de tout être humain. C’est le fondement contemporain de l’abolition de la peine de mort et je ne saurais en aucune manière me départir de ce principe". L’ancien garde des sceaux ajoutait, à propos de l’exception de l’euthanasie : "Je n’ai jamais été amateur de juridictions d’exception, encore moins quand il s’agit de principes fondamentaux. Nul ne peut retirer la vie à autrui dans une démocratie". » (10 mars 2015).

Le corapporteur a été ainsi écouté par plus des trois quarts de ses collègues députés. La navette avec le Sénat se fera dans un climat forcément constructif, hors de polémiques stériles, comme cela a toujours été le cas pour ce genre de texte.

Félicitations aux députés d’avoir su trouver la voie fragile du consensus sur ce sujet très sensible, malgré le militantisme parfois aveugle des uns et des autres. Faire preuve de responsabilité, c’est ne pas se focaliser sur ses propres convictions mais étudier le plus raisonnablement possible l’intérêt général des personnes en fin de vie : avec ce texte, ce sera pour les plus vulnérables ni souffrance, ni abandon.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (18 mars 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le vote de la loi Claeys-Leonetti en première lecture.
La loi Claeys-Leonetti en débat parlementaire.
Verbatim de la proposition Claeys-Leonetti en commission.
La proposition Claeys-Leonetti modifiée en commission.
L'euthanasie, une fausse solution.
François Hollande et la fin de vie.
Commentaire sur la proposition Claeys-Leonetti.
La consultation participative du Palais-Bourbon.
La proposition de loi n°2512 (texte intégral).
Le débat sur la fin de vie à l'Assemblée Nationale du 21 janvier 2015.
Les directives anticipées.
L'impossible destin.
La proposition Massonneau.
Présentation du rapport Claeys-Leonetti (21 janvier 2015).
Le rapport Claeys-Leonetti du 12 décembre 2014 (à télécharger).
Vidéo de François Hollande du 12 décembre 2014.
Rapport du CCNE sur le débat public concernant la fin de vie du 21 octobre 2014 (à télécharger).
Le verdict du Conseil d'État et les risques de dérives.
Le risque de la GPA.
La décision du Conseil d'État du 24 juin 2014 (texte intégral de la déclaration de Jean-Marc Sauvé).
L'élimination des plus faibles ?
Vers le rétablissement de la peine de mort ?
De Michael Schumacher à Vincent Lambert.
La nouvelle culture de la mort.
La dignité et le handicap.
Communiqué de l'Académie de Médecine du 20 janvier 2014 sur la fin de vie (texte intégral).
Le destin de l'ange.
La déclaration des évêques de France sur la fin de vie du 15 janvier 2014 (à télécharger).
La mort pour tous.
Suicide assisté à cause de 18 citoyens ?
L’avis des 18 citoyens désignés par l’IFOP sur la fin de vie publié le 16 décembre 2013 (à télécharger).
Le Comité d’éthique devient-il une succursale du PS ?
Le site officiel du Comité consultatif national d’éthique.
Le CCNE refuse l’euthanasie et le suicide assisté.
François Hollande et le retour à l'esprit de Valence ?
L’avis du CCNE sur la fin de vie à télécharger (1er juillet 2013).
Sur le rapport Sicard (18 décembre 2012).
Rapport de Didier Sicard sur la fin de vie du 18 décembre 2012 (à télécharger).
Rapport de Régis Aubry sur la fin de vie du 14 février 2012 (à télécharger).
Rapport de Jean Leonetti sur la fin de vie du 28 novembre 2008 (à télécharger).
Loi Leonetti du 22 avril 2005 (à télécharger).
Embryons humains cherchent repreneurs et expérimentateurs.
Expérimenter sur la matière humaine.
La découverte révolutionnaire de nouvelles cellules souches.
Euthanasie : les leçons de l’étranger.
Euthanasie, le bilan d’un débat.
Ne pas voter Hollande pour des raisons morales.
Alain Minc et le coût des soins des très vieux.
Lettre ouverte à Chantal Sébire.
Allocation de fin de vie.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20150318-fin-de-vie-2015AJ.html

http://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/fin-de-vie-pari-gagne-pour-un-164955

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/03/18/31724509.html



 

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16 mars 2015 1 16 /03 /mars /2015 06:08

Premier round pour la proposition de loi présentée par Alain Claeys et Jean Leonetti sur la fin de vie. La légalisation de l’euthanasie a été évitée de justesse grâce aux députés de l’opposition, tandis que le message du gouvernement n’est pas très clair sur la finalité réelle de ce qu’il appelle lui-même une étape dans la législation.


 

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Pendant deux journées, les 10 et 11 mars 2015, les députés ont examiné en quatre séances publiques la proposition de loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie, articles après articles, avant le vote final de l’ensemble de la proposition qui aura lieu ce mardi 17 mars 2015 après les questions au gouvernement.


Alain Claeys et Jean Leonetti, soldats du consensus

Le pari du gouvernement de susciter un consensus sur ce sujet très sensible a montré ses limites lors de la discussion dans l’hémicycle. Pourtant, François Hollande et Manuel Valls ont tout fait pour l’obtenir en missionnant deux députés, tous les deux de 66 ans et élus pour la première fois le 1er juin 1997 : Jean Leonetti, cardiologue (ancien chef du service de cardiologie à Antibes), ancien ministre UMP de l’aile modérée et auteur de la (fameuse) loi du 22 avril 2005 qui porte son nom, et Alain Claeys, économiste, maire PS de Poitiers proche de Laurent Fabius, qui a contribué au consensus sur la loi Leonetti en 2005 en étant le porte-parole du groupe socialiste durant les débats à l’époque.

C’est le problème des solutions médianes : pour certains, la proposition ne va pas assez loin, en clair, elle ne légalise pas l’euthanasie ni le suicide assisté ; pour d’autres, elle va au contraire trop loin en laissant beaucoup d’ambiguïtés sur le droit à la "sédation profonde et continue" qui pourrait s’apparenter, concrètement, à une euthanasie qui ne dirait pas son nom. Les deux, d’ailleurs, étrangement, se rejoignent pour s’opposer à l’arrêt de la nutrition et de l’hydratation artificielles considérés comme des traitements lors de la sédation en phase terminale.

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Le très fragile équilibre de la proposition de loi tient surtout par une extrême prudence sur l’utilisation de certains mots et expressions, même si certains mériteraient encore quelques précisions supplémentaires, ce qui devrait être fait lors de sa discussion au Sénat.


La boîte de Pandore à moitié ouverte

Concrètement, la boîte de Pandore a néanmoins été à moitié ouverte avec cette proposition de loi inscrite à l’ordre du jour et tout a été entendu, d’un côté comme de l’autre. Je reviendrai probablement plus tard sur les grandes lignes de cette (assez brève) discussion parlementaire.


Même si certains amendements ont été adoptés, le résultat de cette discussion est que la proposition de loi n’a pas été dénaturée et reste conforme à l’origine, ce qui devrait permettre à une grande partie des députés de la majorité mais aussi de l’opposition de s’y retrouver.

En effet, d’une part, le texte permet selon les premiers une "avancée" (dont l’ambiguïté serait qu’il ne serait qu’une étape) pour accompagner le mieux possible la fin de vie de patients en phase terminale, et d’autre part, comme le souhaitaient les seconds, le texte reste dans la ligne de la loi Leonetti du 22 avril 2005, c’est-à-dire a très précisément maintenu les digues contre un éventuel droit à mourir ou à tuer, à savoir en refusant la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté dont des dérives particulièrement inquiétantes ont pris le pas dans certains pays voisins (notamment nos voisins belges et néerlandais).


Un plan de développement des soins palliatifs

Dans la discussion générale avant l’examen des différents articles de la proposition de loi, les députés se sont répartis généralement entre deux types de discours, ceux qui ont considéré essentielle l’éthique de l’autonomie, à savoir que la liberté de choix est prioritaire, et ceux qui ont considéré essentielle l’éthique de la vulnérabilité, à savoir que le respect de la dignité des plus faibles compte plus que tout autre considération. Beaucoup ont fait état de l’inutilité d’une telle proposition tant que les soins palliatifs ne bénéficieraient pas d’un investissement budgétaire massif de la part du gouvernement.

En réponse, la Ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes Marisol Touraine a annoncé un plan sur trois ans de développement des soins palliatifs avec la formation de l’ensemble des professionnels de santé, l’élaboration de "référentiels communs" pour l’ensemble des professionnels de santé et surtout, l’accès aux soins palliatifs à domicile et dans les établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) : « À l’évidence, ce texte ne se résume pas à l’amélioration, la mise en place ou l’approfondissement d’une démarche palliative. Je le dis très clairement. S’il s’agit de développer les soins palliatifs, nous n’aurions pas besoin d’une nouvelle loi. Le plan de développement des soins palliatifs (…) ne s’inscrit pas dans le cadre législatif : il s’appuiera sur des dispositifs réglementaires de différente nature. ».

Ce plan n’est pas encore finalisé et sera présenté devant la commission des affaires sociales dès qu’il sera "lancé". Il serait temps alors qu’un tel plan avait déjà annoncé par le Président François Hollande dès le 17 juillet 2012 à Rueil-Malmaison. Trois ans de perdu, ce qui n’est pas rien pour les 80% patients en fin de vie qui n’ont pas pu bénéficier de soins palliatifs ces dernières années.

Marisol Touraine a par ailleurs rejeté l’inscription sur la Carte Vitale des directives anticipées (ce que proposait le texte) au profit d’un "registre national" consultable par les médecins : « Les faire figurer sur la Carte Vitale n’a pas semblé une solution satisfaisante. En effet, ce support étant amené à évoluer et comportant des informations administratives, son accès n’est pas des plus simples pour les professionnels. ».

Enfin, Marisol Touraine s’est engagée à revoir la tarification des soins palliatifs en les rehaussant, car ils sont bien moins valorisés que les actes curatifs et donc, peu rentables dans les structures hospitalières.


Des intentions gouvernementales très ambiguës

Même si l’exécutif a préféré laisser l’initiative aux parlementaires sur ce sujet, Marisol Touraine n’a pas manqué cependant d’ambiguïté sur les réelles motivations de l’exécutif en laissant entendre que ce texte ne serait qu’une simple étape.

Certes, dans la discussion, Marisol Touraine a déclaré : « La position du gouvernement et du Président de la République est que la proposition de loi qui est débattue constitue une avancée : c’est cette avancée qui permet de répondre sans brusquer la société. Le gouvernement, tout en respectant les positions des uns et des autres, ne propose donc pas d’aller au-delà. Peut-être, dans quelques années, d’autres parlementaires souhaiteront-ils faire progresser cette loi. Ce sera leur responsabilité, mais telle n’est pas la position du gouvernement aujourd’hui. (…) Le point d’équilibre atteint par cette proposition de loi ne réconcilie pas des positions divergentes, mais il permet de répondre aux attentes de nos concitoyens de la manière la plus ambitieuse possible sans prendre le risque de brusquer une partie de la société. ».

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Mais elle a ainsi poursuivi : « Dans le même temps, un jour peut-être (…), la société et le droit évolueront. (…) D’autres étapes viendront peut-être ; il appartiendra au législateur, à la société et au peuple français de se prononcer à ce moment-là. Je ne sais pas aujourd’hui s’il s’agit d’une dernière étape, ou si d’autres viendront. Certains souhaitent s’arrêter là, d’autres non. En tout cas, le gouvernement souhaite aujourd’hui un rassemblement sur la proposition de loi défendue par les rapporteurs. ».

Ce qui rappelait sa déclaration d’introduction au débat quelques heures auparavant qui avait de quoi laisser dubitatif : « À l’évidence, le débat reste ouvert, c’est naturel pour un tel sujet. Il s’agira par la suite de voir comment cette loi est appliquée et, au cas où une étape supplémentaire paraîtrait nécessaire, de réfléchir à la meilleure manière de l’engager. Le gouvernement apportera son appui à cette réflexion. Je donnerai d’ailleurs un avis favorable à un amendement prévoyant que l’application de cette proposition de loi fasse l’objet d’un rapport annuel du gouvernement au Parlement. ».

En clair, cela voudrait dire que le gouvernement serait prêt à rouvrir la boîte de Pandore chaque année au Parlement et, éventuellement, sans "brusquer" la société, lorsqu’elle serait "prête", faire adopter l’euthanasie et le suicide assisté.


Une bataille d’amendements

En tout, 1 041 amendements ont été déposés au cours de cette discussion parlementaire pour modifier la proposition. Quelques députés de l’opposition ont été très présents durant ces débats, ils l’avaient déjà montré à la commission des affaires sociales, en particulier Xavier Breton, Philippe Gosselin, Hervé Mariton, François Reiss, Nicolas Dhuicq et Jean-Frédéric Poisson.

Ils ont notamment réussi à éviter l’adoption d’amendements de contournement à finalité euthanasique, comme celui de Gérard Sebaoun (PS) qui voulait inscrire que les directives anticipées permettraient d’inscrire le "choix de sa fin de vie" et ont convaincu Marisol Touraine, initialement favorable à l’amendement, à donner finalement un avis défavorable, du fait de l’ambiguïté de la formulation.

Les amendements visant à dénaturer complètement le texte en légalisant l’euthanasie et le suicide assisté ont été avancés dans l’examen pour être discutés le plus tôt possible. Cette modification de l’ordre du jour voulue par le gouvernement avait un but : que la plupart des députés socialistes fussent présents et pussent s’y opposer face à la minorité militante de l’euthanasie. Alors que les débats ont largement entamé les deux nuits (à une heure et à une heure quarante-cinq du matin).


La légalisation de l’euthanasie évitée de justesse

Le principal amendement sur l’euthanasie a été présenté par le socialiste Jean-Louis Touraine et soutenu par 121 députés, avec l’expression exacte "assistance médicalisée active à mourir" (pour ne pas faire peur avec le mot "euthanasie"). Deux autres amendements similaires, l’un présenté par l’écologiste Véronique Massonneau et l’autre par le radical de gauche Roger-Gérard Schwartzenberg, ont été inclus dans un vote commun au scrutin public.

Sur 161 votants, ces trois amendements ont reçu 70 voix favorables dont 50 PS et 89 voix contre dont 40 PS et 43 UMP. Concrètement, c’est grâce à l’opposition que la légalisation de l’euthanasie a été évitée, et il y a eu plus de députés PS votant contre l’avis du gouvernement socialiste que de députés PS disciplinés. Cela donne une idée de l’autorité politique de l’exécutif (déjà aperçue avec le 49 alinéa 3).


Quelles sont les modifications adoptées ?

La plupart des amendements ont été refusés par le gouvernement et les deux corapporteurs et ont été rejetés par l’Assemblée Nationale. En particulier, la plupart des amendements de l’opposition visant à clarifier les ambiguïtés sémantiques du texte ou les éventuelles dérives euthanasiques qu’il pourrait susciter dans son application.

Quelques amendements ont quand même été adoptés.

À l’article 1 de la proposition de loi, un droit à une formation aux soins palliatifs pour le personnel médical a été approuvé (amendement de François de Mazières).

Beaucoup de parlementaires ont évoqué la situation très difficile que vivait Vincent Lambert à l’occasion de l’examen de  l’article 2. Il a été refusé de préciser l’expression "maintien artificiel de la vie". Jean Leonetti, comme en commission, en a donné la définition : « lésions cérébrales majeures et irréversibles, entraînant une absence de conscience de soi et une absence de relation à l’autre » mais "relation à l’autre" reste cependant une notion encore assez floue.

À l’article 3, il a été obtenu que l’expression "ne pas prolonger inutilement sa vie" n’était pas très pertinente, l’adverbe "inutilement" pouvant laisser entendre q’une vie pourrait être inutile. Pour éviter toute ambiguïté, une autre expression serait proposée lors de la navette avec le Sénat. Ont été ainsi proposés d’autres adverbes : "obstinément" ou "déraisonnablement" pour reprendre l’expression de l’article 2 et de la loi du 22 avril 2005 : "obsession déraisonnable".

À l’article 4, l’expression "effet secondaire" a été supprimée car elle était très maladroite pour évoquer le risque létal envisagé dans le principe du double effet, celui des traitements visant à soulager des douleurs réfractaires « même s’ils peuvent avoir comme effet d’abréger la vie ». En effet, mourir est loin d’être "secondaire".

À l’article 4 bis rajouté par la commission pour demander des rapports régionaux annuels sur les soins palliatifs, un amendement d’Anne-Yvonne Le Dain (PS) a été adopté contre l’avis du gouvernement et des corapporteurs pour créer un registre spécial dans chaque établissement concerné qui recense chaque cas de sédation profonde et continue. Un moyen de contrôle et d’évaluation qui paraît intéressant.

Les articles 5, 6 et 7 n’ont pas été modifiés par les députés.

À l’article 8, les directives anticipées pourront être, par un amendement du gouvernement, être consignée dans un registre national consultable par les médecins au lieu d’être inscrites sur la Carte Vitale. Ce registre n’est pas obligatoire et des directives anticipées gardées secrètes seront tout aussi valables.

Un amendement de Véronique Massonneau a été adopté pour compléter l’article 9 : la personne de confiance pourra consulter le dossier médical du patient qu’elle représente.

Enfin, un amendement de Sandrine Hurel (PS) a été adopté pour demander au gouvernement un rapport annuel au Parlement sur le développement des soins palliatifs et l’application de la future loi Claeys-Leonetti.


Vote final en première lecture de la loi le 17 mars 2015

Les explications de vote et le vote lui-même de l’ensemble du texte auront lieu le 17 mars 2015 avant sa transmission au Sénat. Comme la proposition de loi a subi des modifications mineures, tout porte à croire qu’elle sera adoptée largement au-delà des seuls députés de la majorité. Dans tous les cas, une seconde lecture sera nécessaire puisque les corapporteurs se sont déjà engagés à préciser quelques expressions lorsque le débat viendra au Sénat.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (16 mars 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La loi Claeys-Leonetti en débat parlementaire.
Verbatim de la proposition Claeys-Leonetti en commission.
La proposition Claeys-Leonetti modifiée en commission.
L'euthanasie, une fausse solution.
François Hollande et la fin de vie.
Commentaire sur la proposition Claeys-Leonetti.
La consultation participative du Palais-Bourbon.
La proposition de loi n°2512 (texte intégral).
Le débat sur la fin de vie à l'Assemblée Nationale du 21 janvier 2015.
Les directives anticipées.
L'impossible destin.
La proposition Massonneau.
Présentation du rapport Claeys-Leonetti (21 janvier 2015).
Le rapport Claeys-Leonetti du 12 décembre 2014 (à télécharger).
Vidéo de François Hollande du 12 décembre 2014.
Rapport du CCNE sur le débat public concernant la fin de vie du 21 octobre 2014 (à télécharger).
Le verdict du Conseil d'État et les risques de dérives.
Le risque de la GPA.
La décision du Conseil d'État du 24 juin 2014 (texte intégral de la déclaration de Jean-Marc Sauvé).
L'élimination des plus faibles ?
Vers le rétablissement de la peine de mort ?
De Michael Schumacher à Vincent Lambert.
La nouvelle culture de la mort.
La dignité et le handicap.
Communiqué de l'Académie de Médecine du 20 janvier 2014 sur la fin de vie (texte intégral).
Le destin de l'ange.
La déclaration des évêques de France sur la fin de vie du 15 janvier 2014 (à télécharger).
La mort pour tous.
Suicide assisté à cause de 18 citoyens ?
L’avis des 18 citoyens désignés par l’IFOP sur la fin de vie publié le 16 décembre 2013 (à télécharger).
Le Comité d’éthique devient-il une succursale du PS ?
Le site officiel du Comité consultatif national d’éthique.
Le CCNE refuse l’euthanasie et le suicide assisté.
François Hollande et le retour à l'esprit de Valence ?
L’avis du CCNE sur la fin de vie à télécharger (1er juillet 2013).
Sur le rapport Sicard (18 décembre 2012).
Rapport de Didier Sicard sur la fin de vie du 18 décembre 2012 (à télécharger).
Rapport de Régis Aubry sur la fin de vie du 14 février 2012 (à télécharger).
Rapport de Jean Leonetti sur la fin de vie du 28 novembre 2008 (à télécharger).
Loi Leonetti du 22 avril 2005 (à télécharger).
Embryons humains cherchent repreneurs et expérimentateurs.
Expérimenter sur la matière humaine.
La découverte révolutionnaire de nouvelles cellules souches.
Euthanasie : les leçons de l’étranger.
Euthanasie, le bilan d’un débat.
Ne pas voter Hollande pour des raisons morales.
Alain Minc et le coût des soins des très vieux.
Lettre ouverte à Chantal Sébire.
Allocation de fin de vie.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20150316-fin-de-vie-2015AI.html

http://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/proposition-claeys-leonetti-les-164862

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/03/16/31706118.html
 

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10 mars 2015 2 10 /03 /mars /2015 06:08

Je livre ici quelques extraits éclairants du débat d’examen de la proposition de loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie à la commission des affaires sociales du 17 février 2015. Troisième et dernière partie sur le cœur du débat, à savoir l’extension à l’euthanasie active et au suicide assisté.

 

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Après avoir évoqué le pronostic vital à court terme, la clause de conscience du médecin, le double effet et l’intention première de la sédation profonde et continue, je donne quelques éléments du débat en commission sur l’euthanasie et le suicide assisté. Encore une fois, j’insiste sur le fait que ce ne sont que de simples extraits qui ne peuvent reprendre les plus de six heures et demi de discussion.


Les amendements sur l’euthanasie active

Que cela soit dans la discussion générale que dans l’examen des quelques amendements réclamant l’autorisation de l’euthanasie active et du suicide assisté (en particulier AS108 et AS117 qui furent finalement retirés en commission avant leur dépôt pour le débat en séance publique), beaucoup de députés ont pris position pour ne pas intégrer ces dispositions dans la proposition Claeys-Leonetti, soit parce qu’ils y sont hostiles, comme la majorité des députés de l’opposition, soit parce qu’elles seraient en opposition à la volonté du Président François Hollande hostile à l’euthanasie.

Les échanges sur ce sujet constituent évidemment le cœur du débat sur la fin de vie, et la discussion se poursuivra bien entendu en séance publique.

Isabelle Le Callennec a pour sa part brandi une nouvelle fois l’autorité intellectuelle Robert Badinter pour s’opposer à l’euthanasie : « À l’instar de Robert Badinter, nous estimons que le droit à la vie est le premier des droits de l’homme et que personne ne peut disposer de la vie d’autrui. C’est la raison pour laquelle nous restons opposés à toute légalisation de l’euthanasie. Nous mettons aussi en garde contre la tentative d’aide active à mourir qui risque de recouvrir les mêmes réalités. ».

Arnaud Richard (UDI) a été lui aussi assez net sur le sujet : « Je souhaite ici affirmer l’opposition de notre groupe à la légalisation de l’euthanasie ou du suicide médicalement assisté qui revient à consentir à la société, fût-elle représentée par le médecin, un droit sur l’existence de chacun, qui outrepasse largement le respect, pourtant souhaité par tous, de la personne. Une évolution de la loi peut être envisagée pour éviter les souffrances, les abandons, l’acharnement, mais une rupture abrupte des digues érigées par la loi Leonetti risquerait d’entraîner des dérives qui, selon nous, seraient insupportables. ».

Dominique Dord (UMP) a remis en cause la nécessité de cette nouvelle loi qui ne serait pour certains qu’une étape intermédiaire avant la légalisation de l’euthanasie : « Personnellement, je ne me résous pas à l’idée qu’un jour, notre droit puisse consacrer l’euthanasie sous une forme ou sous une autre. J’ai de la peine à comprendre que l’on puisse parler de "droit" en la matière. En tout cas, pour moi, ce qui est certain, c’est que cela ferait franchir à notre législation une nouvelle frontière. Nos compatriotes et nos collègues qui sont ici porteurs de ces "droits nouveaux" peuvent légitimement considérer que la mort douloureuse de plusieurs dizaines de milliers de nos compatriotes chaque année nourrit ce débat sur l’euthanasie. Mais le débat d’aujourd’hui aurait-il eu lieu si la loi de 2005 était appliquée ? Si les soins palliatifs étaient généralisés, un tel débat perdrait de sa substance et, pour le coup, apparaîtrait vraiment dogmatique. (…) Mais en quoi cette loi nouvelle permettra-t-elle une généralisation effective des soins palliatifs ? Sera-t-elle appliquée ? Ou s’agit-il de la dernière étape avant le prochain texte qui, lui, finira par légaliser l’euthanasie dans notre pays ? Faute de cette généralisation des soins palliatifs, je crains malheureusement que telle soit la pente sur laquelle nous sommes engagés. ».

Des propos confortés par ceux d’Élie Aboud : « J’espère que, comme l’a dit brillamment notre collègue Dord, le corps médical appliquera enfin les lois existantes pour ne pas laisser ce débat de société, ce débat philosophique, aux mains de certaines personnes qui ne maîtrisent pas le sujet. ».

À certains députés qui citaient la position de Didier Sicard en faveur de l’exception d’euthanasie en 2001, Jean Leonetti a rappelé : « M. Sicard considère que depuis la loi de 2005, cette exception d’euthanasie n’a plus d’intérêt. On peut bien sûr en discuter, mais vous devez savoir qu’elle pose d’énormes problèmes dans une démocratie : qui la décide ? Ou c’est un droit ouvert, ou c’est un droit restreint. Mais restreindre un droit qui a vocation à être universel, c’est juridiquement très compliqué. ».

Comme Dominique Dord, Dino Cinieri est resté dubitatif sur cette nouvelle loi qui pourrait aller beaucoup trop loin : « Entre la mort dans d’atroces souffrances et l’euthanasie existe une voie médiane, que nous avions su trouver en 2005, et je trouve dommage que nous mettions en péril le fragile équilibre atteint grâce à la loi dite Leonetti. La désinformation considérable et le manque de formation des professionnels de santé à l’égard de la fin de vie sont inacceptables, dix ans après la promulgation de la loi. ».

Jean-Pierre Barbier a rejeté, lui aussi, l’euthanasie et le suicide assisté : « Le devoir des soignants et des familles est d’accompagner ces patients pendant les quelques mois qu’il leur reste à vivre. Si ces derniers demandent que l’on abrège leur vie, c’est que la société et leur entourage ont échoué à les aider à passer ce moment si difficile. Dès lors que le suicide est assisté, le patient perd son libre arbitre, car il entre dans une logique qui le conduit forcément à quitter la société. C’est pourquoi je ne peux absolument pas soutenir cet amendement. ».
 

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À l’adresse de ceux qui rappellent sans cesse la promesse numéro 21 de François Hollande, Jean Leonetti a voulu éclairer les intentions présidentielles : « Le candidat Hollande, dans un entretien, s’est prononcé contre l’euthanasie. Il ne me revient pas, de toute façon, d’interpréter la position du Président de la République en la matière. Reste que la sédation est une aide médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité lorsqu’on est en phase terminale et qu’on subit des souffrances insupportables. (…) Les amendements dont nous discutons [qui introduisent l’euthanasie et le suicide assisté] ne consistent pas à modifier le texte ou à le préciser : ils invitent clairement au franchissement d’une ligne. Or, je ne pourrais pas être le rapporteur d’un texte qui nous conduirait de nouveau à l’un de ces clivages, fussent-ils parfois artificiels, entre droite et gauche, comme nous avons pu déjà en vivre sur les sujets de société. ».

Il a également fait le point sur l’expérience à l’étranger : « Je ne voudrais pas qu’on continue à penser que seuls trois pays, qui comptent moins de 30 millions d’habitants ensemble, seraient merveilleux, que tout y serait parfait, quand d’autres pays, comme le Royaume-Uni, l’Allemagne ou la France, seraient en retard. Relisez donc le rapport Sicard, commandé par le Président de la République lui-même. Ce texte relève certaines dérives dans les pays montrés en exemple, je pense aux euthanasies clandestines là où l’on a légalisé l’euthanasie. ».


L’exception d’euthanasie

Un autre amendement défendu par Gérard Sebaoun (qui fut finalement rejeté par la commission) a proposé : « L’exception d’euthanasie, ainsi très encadrée, doit pouvoir être envisagée dans des cas d’agonie prolongée eu égard à la famille qui attend avec angoisse. En ces moments compliqués, difficiles, les demandes des familles sont variées et contradictoires. Aussi, cette exception pourrait-elle être proposée pour interrompre une agonie trop longue, inacceptable à vivre, notamment pour l’entourage. ».

Refus net de Dominique Tian : « La rédaction du présent amendement est tout à fait effrayante et nous avons bien raison de nous méfier. (…) Oui, effrayante : vous prévoyez d’euthanasier un individu si la sédation profonde n’a pas provoqué le décès "dans un délai raisonnable" ! J’y insiste : c’est effrayant et contraire à toutes mes convictions. De plus, par là, vous relancez le débat, ce qui est malsain car la proposition de loi doit être consensuelle. Vous voulez rompre cette orientation souhaitée par le Président de la République et faire de ce texte un marqueur. Vous avez beau afficher votre volonté de différer le débat dans l’hémicycle afin que nous parvenions à un consensus, vous défendez ici un amendement de pseudo-repli à travers lequel vous affirmez clairement que vous être favorable à l’euthanasie. Eh bien, nous, nous sommes contre. ».

Idem pour Jean-Pierre Barbier : « Je redoute le débat en séance publique, dont nous savons très bien qu’il sera bien moins apaisé qu’ici. Nous amènerons à nouveau la société vers une ligne de fracture, ce dont nous n’avons nul besoin, et vous en porterez la responsabilité. L’objet du texte est d’améliorer le confort du patient et de lui permettre de terminer sa vie dans la dignité. Et, de nouveau, vous évoquez la souffrance des familles. Cette souffrance, que nous comprenons et connaissons bien, n’y a-t-il pas d’autres moyens de l’accompagner qu’en abrégeant la vie du patient ? Quelqu’un souffre, la famille souffre, et on fait disparaître le malade. Ne recherchez-vous pas sans cesse la facilité ? ».

Bernard Perrut a eu la même réaction : « Si nous ne sommes pas d’accord entre nous, c’est notamment parce que vous allez beaucoup plus loin que le texte, marqué par l’équilibre, et qui prolonge la loi dite Leonetti (…). Il y a de quoi se montrer inquiet quand on observe ce qui se passe dans certains pays : je pense aux dérives de l’euthanasie en Belgique. En février 2014, ce pays est en effet devenu le seul pays au monde à autoriser l’euthanasie active sans limite d’âge, les mineurs étant donc concernés. Tous les rapports donnent un aperçu sérieux des dérives jugées inacceptables douze ans après l’entrée en vigueur de la loi sur l’euthanasie. L’euthanasie est en effet parfois pratiquée hors du cadre légal. Cette situation crée d’autres problèmes comme le développement du don d’organe chez les personnes engagées dans un processus d’euthanasie. Si l’intention est en soi louable, on peut imaginer les pressions et dérives qui peuvent résulter d’un tel cas de figure. ».

En tant que praticienne, Michèle Delaunay a apporté aussi sa contribution à ce sujet : « Il convient de revenir sur un point assez grave évoqué par Gérard Sebaoun : d’une part, notre volonté de placer le seul malade, et non sa famille, en tête de nos préoccupations et, d’autre part, le caractère très douloureux voire insupportable d’une agonie prolongée. Cette dissociation est importante et l’impatience de la famille, le mot est cruel, doit toujours être adoucie autant que possible par des paroles et son avis ne pas être suivi à cause d’un éventuel changement d’opinion et de la très grande culpabilité qui pourrait en résulter. La question de l’euthanasie est évoquée par 3% des malades entrant dans une unité de soins palliatifs. Quand le malade est accompagné, qu’on est présent autour de lui, ce chiffre tombe à 0,3%. Un bon accompagnement réduit la demande euthanasique et c’était dans cette optique que je souhaitais que nous assurions l’accompagnement pour tous et en particulier pour les personnes âgées. Enfin, je vous l’assure, en quarante-cinq ans de vie hospitalière et médicale, aucun malade ne m’a jamais demandé d’euthanasie. À l’inverse, il n’y a guère de mois où une famille ne me l’a pas demandée. Je tiens à souligner cette dissociation. ».


Le texte entre dans sa phase "politique"

Comme on peut s’en apercevoir, les débats se sont déroulés de manière très apaisée et dans un esprit constructif, même ceux qui sont opposés au texte, soit parce qu’il n’est pas assez "audacieux", soit au contraire parce qu’il va "trop loin", ont contribué de façon constructive à l’adoption de quelques améliorations parfois sémantiques, juridiques ou médicales.

Par ailleurs, il apparaît évident, dans l’écoute des différents arguments apportés en commission, que le texte repose techniquement sur le seul Jean Leonetti, spécialiste parlementaire du sujet depuis plus de dix ans et médecin, et que l’apport d’Alain Claeys est clairement politique pour associer au texte le principal groupe politique de la majorité, à savoir les socialistes, dont Michèle Delaunay est la porte-parole pour cette proposition de loi.

En tout cas, le texte modifié présenté dans l’hémicycle ce mardi 10 mars 2015 après-midi n’a pas été dénaturé par la commission, ce qui est très positif, et la discussion peut ainsi reprendre de manière responsable et …digne !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (9 mars 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Verbatim de la proposition Claeys-Leonetti en commission.
La proposition Claeys-Leonetti modifiée en commission.
L'euthanasie, une fausse solution.
François Hollande et la fin de vie.
Commentaire sur la proposition Claeys-Leonetti.
La consultation participative du Palais-Bourbon.
La proposition de loi n°2512 (texte intégral).
Le débat sur la fin de vie à l'Assemblée Nationale du 21 janvier 2015.
Les directives anticipées.
L'impossible destin.
La proposition Massonneau.
Présentation du rapport Claeys-Leonetti (21 janvier 2015).
Le rapport Claeys-Leonetti du 12 décembre 2014 (à télécharger).
Vidéo de François Hollande du 12 décembre 2014.
Rapport du CCNE sur le débat public concernant la fin de vie du 21 octobre 2014 (à télécharger).
Le verdict du Conseil d'État et les risques de dérives.
Le risque de la GPA.
La décision du Conseil d'État du 24 juin 2014 (texte intégral de la déclaration de Jean-Marc Sauvé).
L'élimination des plus faibles ?
Vers le rétablissement de la peine de mort ?
De Michael Schumacher à Vincent Lambert.
La nouvelle culture de la mort.
La dignité et le handicap.
Communiqué de l'Académie de Médecine du 20 janvier 2014 sur la fin de vie (texte intégral).
Le destin de l'ange.
La déclaration des évêques de France sur la fin de vie du 15 janvier 2014 (à télécharger).
La mort pour tous.
Suicide assisté à cause de 18 citoyens ?
L’avis des 18 citoyens désignés par l’IFOP sur la fin de vie publié le 16 décembre 2013 (à télécharger).
Le Comité d’éthique devient-il une succursale du PS ?
Le site officiel du Comité consultatif national d’éthique.
Le CCNE refuse l’euthanasie et le suicide assisté.
François Hollande et le retour à l'esprit de Valence ?
L’avis du CCNE sur la fin de vie à télécharger (1er juillet 2013).
Sur le rapport Sicard (18 décembre 2012).
Rapport de Didier Sicard sur la fin de vie du 18 décembre 2012 (à télécharger).
Rapport de Régis Aubry sur la fin de vie du 14 février 2012 (à télécharger).
Rapport de Jean Leonetti sur la fin de vie du 28 novembre 2008 (à télécharger).
Loi Leonetti du 22 avril 2005 (à télécharger).
Embryons humains cherchent repreneurs et expérimentateurs.
Expérimenter sur la matière humaine.
La découverte révolutionnaire de nouvelles cellules souches.
Euthanasie : les leçons de l’étranger.
Euthanasie, le bilan d’un débat.
Ne pas voter Hollande pour des raisons morales.
Alain Minc et le coût des soins des très vieux.
Lettre ouverte à Chantal Sébire.
Allocation de fin de vie.



(Les trois tableaux en illustration sont de Salvador Dali).

 

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20150310-fin-de-vie-2015AH.html

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9 mars 2015 1 09 /03 /mars /2015 06:06

Je livre ici quelques extraits éclairants du débat d’examen de la proposition de loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie à la commission des affaires sociales du 17 février 2015. Deuxième partie sur le pronostic vital à court terme, la clause de conscience du médecin, le double effet et l’intention première de la sédation profonde et continue.

 

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Après la discussion sur la dignité du patient, le statut de la nutrition et de l’hydratation artificielles et enfin le regard sur les personnes ayant un handicap, je propose quelques extraits des débats concernant le pronostic vital à court terme, la clause de conscience du médecin, le double effet et l’intention première de la sédation profonde et continue.

Il ne s’agit bien sûr pas de retranscrire l’ensemble des débats, mais quelques interventions clefs qui permettent de mieux comprendre les enjeux de cette proposition de loi, sur quelques thèmes essentiels.


Le pronostic vital à court terme

Interpellé sur la pertinence de la notion de "pronostic vital à court terme", Jean Leonetti a livré ces quelques précisions : « Il est vrai qu’il est difficile de déterminer combien de temps il reste à vivre à un patient, mais plus celui-ci approche de la mort, plus il est aisé d’identifier une phase de dégradation continue susceptible d’entraîner à court terme une défaillance viscérale. S’il est évidemment hasardeux de pronostiquer un décès un an à l’avance, il l’est moins d’affirmer que le pronostic vital d’un patient est engagé à une échéance de trois semaines. (…) Il est compliqué de dire en quoi consiste la fin de vie. Ne s’y trouve-t-on pas dès la naissance, dans la mesure où le compte à rebours a commencé ? On peut essayer, en revanche, de définir la phase avancée, au cours de laquelle une maladie a progressé sans avoir été arrêtée par un traitement. On peut ensuite considérer un patient comme étant en phase terminale dès lors que les traitements curatifs n’ont plus aucun effet d’amélioration sur son état. Puis survient un autre élément dans la phase terminale, que certains appellent la phase "toute terminale", dans laquelle le patient, malgré le traitement qu’il subit, voit son état se dégrader. Enfin, il existe au bout de la vie la phase agonique : bien définie, elle correspond à une phase de défaillance polyviscérale telle que la mort est imminente. Entre la phase terminale, où il y a un échappement thérapeutique et aggravation de l’état du malade, et la phase agonique, il est difficile de définir la phase au cours de laquelle on sait que le malade va mourir dans un bref délai sans pouvoir déterminer si ce délai est de quelques semaines, de quelques jours ou de quelques heures. ».

Témoignant de son expérience de médecin, il a ainsi poursuivi : « Je me suis beaucoup trompé, moi aussi, dans mes pronostics. Mais si, lorsque le décès d’un malade est encore lointain, le fait de dire qu’il ne lui reste plus que deux ans à vivre relève du pari statistique, lorsqu’en revanche, il entre dans une phase qui se compte en semaines, on peut certes se tromper d’une semaine, mais pas d’un an. Or, nous sommes en train de fixer les conditions de mise en œuvre de la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Si l’on admet que la sédation n’est pas euthanasique mais qu’elle vise à soulager, elle ne peut s’appliquer que lorsque le patient est en phase terminale de la maladie, lorsque son pronostic vital est engagé à court terme. Nous avons par ailleurs ici repris les termes de la lettre de mission du Premier Ministre qui visait précisément cette notion. Je ne dis pas cela pour que nos collègues socialistes trouvent le terme plus pertinent, mais nous n’avons finalement pas trouvé de meilleure expression pour désigner la phase dans laquelle le pronostic vital est engagé et qui ne correspond pas à la phase terminale. D’ailleurs, selon nombre de médecins que nous avons interrogés, la phase terminale peut durer plusieurs années : elle ne correspond nullement à la phase au cours de laquelle le pronostic vital est engagé à court terme. ».


La clause de conscience des médecins

Comme je l’avais indiqué dans mon premier article sur l’examen du texte en commission, deux amendements avaient été proposés en commission (l’un finalement retiré, l’autre rejeté) pour introduire une clause de conscience pour le médecin qui refuserait de pratiquer une sédation profonde et continue demandée par le patient.

Jean Leonetti y a vu un moyen de transformer la sédation en euthanasie : « Une clause de conscience ne saurait être invoquée lorsque c’est son devoir que l’on accomplit. Comment des médecins pourraient-ils donc s’en délier ? Le texte que vous nous citez (…) concerne l’aide à mourir, qui pose des problèmes tout différents. Le CNOM [Conseil national de l’Ordre des médecins] nous a confirmé par écrit qu’aucune clause de conscience n’est à invoquer si le texte reste en l’état. Votre amendement ne ferait que compliquer les choses, car il laisse entendre qu’une euthanasie pourrait être pratiquée au travers un traitement sédatif. Avis défavorable. ».

Jean-Pierre Barbier (UMP), opposé aussi à ces amendements, a précisé : « Sur ces questions d’une grande importance, nous devons être très précis. L’amendement AS12, qui a été retiré, faisait état d’une "assistance médicalisée active entraînant le décès du patient", et aurait pu donner lieu à l’application d’une clause de conscience. Ce n’est pas le cas de la "sédation profonde et continue associée à une analgésie jusqu’au décès du patient", qui n’a aucune visée euthanasique. Dans ces conditions, introduire une clause de conscience pour les médecins aurait pour conséquence de dénaturer le texte en laissant à penser que la sédation proposée a une visée euthanasique, ce qui n’est pas acceptable. ».

Jean Leonetti a ajouté à ce sujet : « Le Conseil de l’Ordre, saisi de deux situations différentes, a bien distingué la sédation terminale de la sédation en phase terminale, la première expression étant liée à la finalité et la seconde à la temporalité, en l’occurrence, la dernière période de la vie. ».


Prévenir du risque létal

Gérard Sebaoun, particulièrement actif au cours de cet examen, voulait rajouter la nature "létale" du risque indiqué lors de la sédation : « L’amendement AS22 vise notamment à préciser que le médecin indique au malade le "risque létal" lié aux traitements analgésiques et sédatifs permettant de répondre à la souffrance réfractaire. La rédaction actuelle du texte ne me paraît pas suffisamment claire. ».
 

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On peut comprendre que cet amendement purement sémantique n’est pas si anodin que cela. C’est d’ailleurs ce qu’a constaté Jean Leonetti : « Votre amendement n’est pas innocent. Loin de se contenter d’apporter une simple précision, il pourrait modifier, sinon l’orientation du texte, du moins son interprétation. Il faut savoir que le traitement sédatif n’accélère pas nécessairement la mort, les médecins spécialisés dans les soins palliatifs ne se prononcent pas. Le texte prévoit que la sédation doit être mise en place "même si" le risque existe : il n’y a pas, en revanche, à se prononcer sur l’effet létal de la sédation puisque celui-ci, je le répète, n’est pas démontré. De plus, le malade qui demande cette sédation est dans la phase terminale de sa vie. Votre amendement vise simplement à inscrire que le traitement sédatif relève en partie d’une action létale. ».

Jean-Pierre Barbier y a également vu le même "loup" : « Chercher à inscrire dans la loi le "risque létal" que comporte la mise en place de la sédation, c’est laisser entendre que ce traitement s’apparente à une euthanasie active, contrairement à l’objet du texte, qui ne vise pas à accélérer la mort mais à faire bénéficier le patient de traitements antalgiques et sédatifs. Si ces traitements devaient avoir pour effet de provoquer la mort, nous ne voterions pas le texte. ».


Le double effet

Véronique Besse s’est montrée inquiète de la potentielle intention euthanasique de l’article 3 : « L’article 3 de la loi pose problème car il fait disparaître le critère de l’intention. Il faut se demander quelle est l’intention de la sédation : accélérer la mort ou soulager les souffrances ? Signalons (…) que le rapport Sicard précisait que "l’administration de doses massives d’un sédatif ne peut pas s’appeler à double effet. Il s’agit, que l’on veuille ou non, d’une pratique euthanasique lente, surtout si elle est accompagnée de l’arrêt des traitements". ».

Jean Leonetti a voulu la rassurer ainsi : « Pour abréger une vie au moyen d’une sédation profonde, il faut administrer au patient des doses d’Hypnovel dont la disproportion est évidente. La proposition de loi ne cherche pas à masquer l’euthanasie derrière la sédation profonde. Cette technique n’a pas d’autre but que d’empêcher toute douleur physique ou psychique. ».

À la suite de l’amendement de Gérard Sebaoun sur l’indication du risque létal, Rémi Delatte (UMP) est revenu sur le double effet : « Il convient de clarifier la finalité de la lutte contre la douleur, l’objectif poursuivi étant bien de soulager la souffrance et non d’abréger la vie, même si les traitements utilisés peuvent accélérer le décès. C’est pourquoi il me paraît nécessaire de recourir au principe du double effet, qui présente un enjeu important pour les soignants. ».

Jean Leonetti a expliqué qu’il tenait cependant à la rédaction initiale du texte : « La loi de 2005 affirme de manière insatisfaisante le principe du double effet, puisqu’elle le fait apparaître via l’obligation d’inscrire dans le dossier médical l’éventualité que les traitements sédatifs accélèrent la mort. C’est la raison pour laquelle le présent texte précise plus clairement que cette accélération possible de la mort n’est pas l’intention première. Nous avons choisi la rédaction suivante : "même s’ils peuvent avoir comme effet d’abréger la vie" après avoir procédé à des consultations juridiques de haut niveau. J’ajoute que le mot "secondaire" [qui était proposé dans l’amendement] présente en français de grandes difficultés en raison de sa polysémie : il peut signifier, non seulement : "qui vient en second dans le temps", mais aussi : "accessoire", dernier sens particulièrement mal venu s’agissant de la mort. Les mots "même si" traduisant, au plan juridique, la non-intentionnalité première, nous n’avons pas conservé le mot "secondaire". ».


La sédation profonde et continue

Roger-Gérard Schwartzenberg, partisan de l’euthanasie, a voulu protéger celui qui refuserait la sédation profonde, considérant que l’arrêt de la nutrition et de l’hydratation (voir verbatim ci-avant) pouvait devenir un calvaire : « Si le patient ne souhaite pas recevoir la sédation profonde, que M. Leonetti a précédemment qualifiée très justement d’anesthésie, il faut qu’il puisse l’exprimer. Cette solution, qui semble présenter quelques inconvénients, ne doit pas lui être imposée. ».

À ceux qui voudraient indiquer sur la loi un délai entre le début de la sédation et le décès, c’est-à-dire, qui voudraient indiquer le niveau de la dose de sédatif à administrer au patient en fin de vie, Jean Leonetti a répondu : « Récapitulons. Le patient meurt parce que sa mort est imminente, alors qu’il n’aurait pas droit à une sédation si son décès n’était envisageable que dans les cinq ans. Il meurt parce qu’il ne supporte plus les traitements de survie et se voit placé en sédation profonde et continue. Il meurt enfin parce que ces traitements ont cessé. Pardonnez ce rappel purement physiologique, mais un patient qui ne reçoit plus de traitement de survie et qui dort est un patient dont la mort survient à court terme. C’est une question de jours. En tout cas, un réveil n’est pas envisageable. Par ailleurs, le patient ne souffre plus. (…) Il n’est pas opportun de légiférer sur la posologie et de graver dans la loi les indications du Vidal. Pour ma part, je trouve notre texte déjà trop tatillon, ne serait-ce que parce que d’autres produits médicamenteux peuvent arriver demain et bouleverser les pratiques actuelles. ».


Dans un dernier article, je terminerai par le cœur du sujet pour certains parlementaires, à savoir la légalisation de l’euthanasie active et du suicide assisté.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (9 mars 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Verbatim de la proposition Claeys-Leonetti en commission.
La proposition Claeys-Leonetti modifiée en commission.
L'euthanasie, une fausse solution.
François Hollande et la fin de vie.
Commentaire sur la proposition Claeys-Leonetti.
La consultation participative du Palais-Bourbon.
La proposition de loi n°2512 (texte intégral).
Le débat sur la fin de vie à l'Assemblée Nationale du 21 janvier 2015.
Les directives anticipées.
L'impossible destin.
La proposition Massonneau.
Présentation du rapport Claeys-Leonetti (21 janvier 2015).
Le rapport Claeys-Leonetti du 12 décembre 2014 (à télécharger).
Vidéo de François Hollande du 12 décembre 2014.
Rapport du CCNE sur le débat public concernant la fin de vie du 21 octobre 2014 (à télécharger).
Le verdict du Conseil d'État et les risques de dérives.
Le risque de la GPA.
La décision du Conseil d'État du 24 juin 2014 (texte intégral de la déclaration de Jean-Marc Sauvé).
L'élimination des plus faibles ?
Vers le rétablissement de la peine de mort ?
De Michael Schumacher à Vincent Lambert.
La nouvelle culture de la mort.
La dignité et le handicap.
Communiqué de l'Académie de Médecine du 20 janvier 2014 sur la fin de vie (texte intégral).
Le destin de l'ange.
La déclaration des évêques de France sur la fin de vie du 15 janvier 2014 (à télécharger).
La mort pour tous.
Suicide assisté à cause de 18 citoyens ?
L’avis des 18 citoyens désignés par l’IFOP sur la fin de vie publié le 16 décembre 2013 (à télécharger).
Le Comité d’éthique devient-il une succursale du PS ?
Le site officiel du Comité consultatif national d’éthique.
Le CCNE refuse l’euthanasie et le suicide assisté.
François Hollande et le retour à l'esprit de Valence ?
L’avis du CCNE sur la fin de vie à télécharger (1er juillet 2013).
Sur le rapport Sicard (18 décembre 2012).
Rapport de Didier Sicard sur la fin de vie du 18 décembre 2012 (à télécharger).
Rapport de Régis Aubry sur la fin de vie du 14 février 2012 (à télécharger).
Rapport de Jean Leonetti sur la fin de vie du 28 novembre 2008 (à télécharger).
Loi Leonetti du 22 avril 2005 (à télécharger).
Embryons humains cherchent repreneurs et expérimentateurs.
Expérimenter sur la matière humaine.
La découverte révolutionnaire de nouvelles cellules souches.
Euthanasie : les leçons de l’étranger.
Euthanasie, le bilan d’un débat.
Ne pas voter Hollande pour des raisons morales.
Alain Minc et le coût des soins des très vieux.
Lettre ouverte à Chantal Sébire.
Allocation de fin de vie.



(Les trois tableaux en illustration sont de Salvador Dali).

 

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8 mars 2015 7 08 /03 /mars /2015 07:56

Je livre ici quelques extraits éclairants du débat d’examen de la proposition de loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie à la commission des affaires sociales du 17 février 2015. Première partie sur la dignité, la nutrition et l’hydratation, et enfin le handicap.


 

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La proposition de loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie sera discutée en séance publique à l’Assemblée Nationale ce mardi 10 mars 2015 à partir de 16 heures. Un débat qui sera très sensible avec une manifestation devant les grilles du Palais-Bourbon de personnes inquiètes d’une possible légalisation de l’euthanasie active en France.

Le texte a fait l’objet préalablement d’un examen approfondi à la commission des affaires sociales le 17 février 2015 où les principaux arguments ont été abordés dans une discussion générale puis dans l’examen des différents amendements déposés pour faire évoluer le texte. J’ai présenté les principales modifications du texte dans l’article précédent. Je présente ici un certain nombre d’interventions qui m’ont paru intéressantes pour comprendre les enjeux actuels. Ces quelques extraits très instructifs, bien que longs, ne reprennent évidemment pas l’ensemble des plus de six heures et demi de débats.

Les parlementaires qui ont pris la parole n’étaient d’ailleurs pas tous membres de la commission des affaires sociales ; certains ont été conviés à la réunion à leur demande. Ce fut le cas pour l’ancien ministre radical de gauche Roger-Gérard Schwartzenberg.


Une modification sémantique du texte

À l’initiative de Gérard Sebaoun (PS), le mot "analgésie" a été préféré au mot "antalgie" pour décrire la sédation profonde et continue, la mesure-phare du texte : « Il s’agit de substituer à la notion de traitement antalgique celle d’analgésie, plus large et, partant, plus conforme à l’objectif poursuivi. Je ne fais que reprendre les recommandations du groupe de travail "sédation en fin de vie" de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP). ».

Pour rappel, je cite les définitions du Petit Larousse. Antalgie : « Abolition ou atténuation des perceptions douloureuses ». Analgésie : « Disparition de la sensibilité à la douleur ».


La dignité du patient

La notion de dignité peut recouvrir plusieurs idées. Pour Isabelle Le Callennec (UMP), la dignité est en chaque homme, malgré ses faiblesses : « Nous estimons que notre corpus juridique doit créer les conditions favorables à un accompagnement tout au bout de la vie. Il s’agit de nos semblables ; ils se trouvent dans une situation d’extrême fragilité et rien dans notre regard ne doit trahir l’idée qu’ils ne seraient plus dignes de vivre. ».

Véronique Besse (MPF) n’a pas dit autre chose : « La dignité du mourant est respectée si la qualité de la vie du patient est correctement assurée par le médecin, en priorité grâce aux soins palliatifs. ».

Corapporteur de la proposition, Jean Leonetti (UMP) a apporté quelques précisions juridiques et historiques sur la dignité : « La notion de dignité est définie par des textes internationaux, textes relatifs aux droits de l’homme ou issus du Conseil [de l’Europe] qui traitent du respect de la personne humaine. Ils définissent la dignité comme étant liée à notre humanité. L’expression "ma dignité", c’est l’estime de soi. Notre dignité ne peut être un élément d’appréciation. En revanche, quelle que soit notre situation ou notre souffrance, l’estime de soi procède de nous-mêmes. La dignité est liée à la personne humaine, et ne décline pas avec nos forces. ».

Pour Élie Aboud (UMP) : « C’est faire une confusion que de dire que toute personne est seule juge de sa propre dignité et prétendre que cette même personne sera juge de sa fin de vie. Un patient en traitement psychiatrique, placé sous tutelle, est digne à mes yeux mais est-il en état de juger ? ».

Philosophant même très loin, l’ancienne ministre Michèle Delaunay (PS) a ajouté : « La notion de dignité humaine va au-delà de la mort même. Le cadavre aussi a droit au respect et, à ce stade, la notion échappe au soi. ».

Jean Leonetti a repris une ancienne affaire pour faire le lien entre dignité et liberté : « L’épisode fâcheux du lancer de nain illustre à l’envi ce débat entre liberté et dignité. Les personnes participant à ce "jeu" étaient consentantes. Le Conseil d’État a cependant interdit cette pratique en considérant, précisément, qu’elle portait atteinte à la dignité humaine et que la liberté de faire n’était pas garante de la dignité des intéressés. Dignité et liberté peuvent être confondues, mais aussi antagonisées et, dans ce cas, la jurisprudence du Conseil d’État montre bien que la dignité l’emporte sur la liberté. ».


L’adverbe inutilement

Bernard Perrut (UMP), opposé à l’euthanasie, s’est demandé à propos de la rédaction de l’article 3 qui dit que "la demande du patient (…) est de ne pas prolonger inutilement sa vie" : « Comment définir le mot "inutilement" ? Comment juger si une vie est utile et jusqu’où ? L’utilité d’une vie est-elle un critère de dignité ? ».

Cette même interrogation a été également formulée par Véronique Massonneau (EELV), adepte de la légalisation de l’euthanasie : « L’adverbe "inutilement" me paraît inapproprié : comment juger de l’utilité d’une vie ? ».

La réponse de second corapporteur Alain Claeys (PS) a porté sur une nuance dans l’interprétation de l’adverbe : « Il s’agit de juger de l’utilité de l a prolongation de la vie, non de l’utilité de la vie elle-même. ».


La nutrition et l’hydratation artificielles

L’un des points de contestation importants du texte est que ce dernier considère la nutrition et l’hydratation artificielles comme des traitements, et à ce titre, peuvent être arrêtés en cas de sédation profonde et continue jusqu’au décès.

Gilles Lurton (UMP) s’est ainsi inquiété de cet article 2 qui proclame que "la nutrition et l’hydratation artificielles constituent un traitement" : « L’interprétation de ces termes peut, de mon point de vue, être lourde de conséquence, notamment pour des personnes qui ne sont pas en fin de vie et qui pourront ainsi décider d’arrêter d’être nourries ou hydratées. ».

C’est aussi ce que pensait Véronique Besse : « Il faut supprimer l’idée que la nutrition et l’hydratation artificielles constituent un traitement. Il serait grave de confondre traitement et maintien en vie. La nutrition et l’hydratation artificielles n’ont pas pour objet de soigner mais de maintenir en vie. Celui qui ne peut pas se nourrir n’est pas forcément malade ni en fin de vie, il est simplement fragile. Si la nutrition et l’hydratation artificielles étaient considérées comme thérapeutiques, la loi pourrait alors autoriser leur arrêt, et pas seulement pour les personnes en fin de vie, mais tout au long du parcours de soins. ».

À ceux qui évoquaient les grandes souffrances dues à la faim et à la déshydratation, Jean Leonetti a déclaré : « Je tiens à vous dire amicalement que vous ne pouvez pas affirmer des choses fausses. Premièrement, en cas d’anesthésie générale, le patient n’a ni faim, ni soif. On peut dire qu’on meurt de déshydratation, même si cela ne correspond pas à la réalité. En revanche, dire qu’on meurt en souffrance, de faim et de soif sous une sédation profonde est un mensonge. Je l’entends de la part de l’Alliance Vita et de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, mais je m’étonne qu’un esprit aussi éclairé que le vôtre puisse le reprendre à son compte. ».

Dino Cinieri (UMP) est revenu sur le sujet : « La nutrition et l’hydratation ne sont pas des traitements dans la mesure où ces apports sont aussi nécessaires au corps en bonne santé. Il faut donc les poursuivre jusqu’à la fin de la vie. L’hydratation ne maintien pas une personne en vie mais lui procure un bien-être que nous devons à toutes les personnes en fin de vie. ».

Ce qu’a exprimé également Dominique Tian (UMP) : « La nutrition et l’hydratation artificielles ne sont pas nécessairement utilisées pour des malades en fin de vie, elles n’ont pas pour objet de soigner mais de maintenir en vie. Elles ne peuvent donc pas être considérées comme thérapeutiques. ».

Roger-Gérard Schwartzenberg (PRG) a paru également désemparé par cet aspect du texte : « L’importance de la nutrition et de l’hydratation artificielles est considérable. Le fait de les considérer comme des traitements conduirait à les arrêter automatiquement. Or, qui peut nous garantir que les patients ne connaîtront pas des conditions de décès très pénibles ? Il s’agira d’une anesthésie et pas d’une sédation ; la personne sera alors coupée de tout contact avec l’environnement extérieur. Dans ces conditions, l’utilité de prolonger cette période, qui peut durer de huit à dix jours, est nulle pour le patient et la famille. Je comprends donc mal l’intérêt de l’ensemble de ce dispositif. ».

Pour lui répondre, également médecin, Michèle Delaunay a apporté ces quelques éléments : « Le corps médical en général est enclin à penser que l’on n’a ni faim ni soif dans ces conditions. Il faut cependant reconnaître que le défaut d’hydratation entraîne une sécheresse des muqueuses et de l’inconfort. J’ai, moi aussi, du mal à considérer l’hydratation comme une simple thérapeutique. ».
 

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Coauteur du texte, Alain Claeys n’a pas donné un argument très convaincant à ces critiques : « Nous ne faisons que reprendre la décision du Conseil d’État du 24 juin 2014. ».

Ce qui a fait sortir chez Roger-Gérard Schwartzenberg, juriste chevronné, le sens de l’État et le rôle d’un parlementaire : « Nous ne sommes pas ici les porte-plume du Conseil d’État mais le législateur. C’est précisément parce qu’il y a des jurisprudences parfois bizarres qui ne concordent pas entre elles que le législateur doit trancher sans s’en remettre à des juridictions, aussi prestigieuses soient-elles. Je rappelle que, sur un sujet évoqué précédemment, la Cour européenne des droits de l’homme a contredit le Conseil d’État. ».

Un peu plus instruite que celle de son collègue Claeys, l’argumentation de l’autre coauteur du texte, Jean Leonetti, a repris les discussions d’il y a dix ans : « Le débat sur l’hydratation et la nutrition, en 2005, a abouti à un consensus pour reconnaître qu’il s’agissait d’un traitement. Une hydratation et une nutrition artificielles représentent une intervention sur le corps de l’autre. Cet acte consiste à ouvrir l’estomac pour y poser une sonde gastrique, c’est mettre une perfusion dans une veine. Selon la loi du 4 mars 2002, cela nécessite l’accord du patient. Il ne s’agit donc pas d’un soin simple mais d’une thérapeutique. La preuve en est que, passé un certain temps, on est conduit à remplacer la sonde gastrique par un tube placé dans l’estomac, c’est une gastrostomie, un geste chirurgical. Sauf à considérer que l’intervention chirurgicale n’est pas un traitement, il y a un problème. Aussi, placer quelqu’un sous respirateur constitue-t-il un traitement ? Vous allez répondre oui. Arrêter un respirateur dans certaines conditions est-il licite ? La réponse est oui lorsque, par exemple, il y a des lésions cérébrales irréversibles. Pourquoi serait-il moins naturel de faire circuler de l’air dans un poumon que d’ouvrir un estomac et y placer un tube pour faire passer des nutriments ? ».

Et de poursuivre de façon plutôt morbide : « Certes, la symbolique de l’hydratation et de l’alimentation peut ne pas être la même, cependant, je n’ai jamais entendu dire que l’arrêt d’un respirateur entraînait un étouffement désagréable du malade. M. Schwartzenberg a raison, nous sommes dans le cadre d’une anesthésie générale. Or, sous anesthésie générale, on ouvre des crânes ou des thorax, on coupe des jambes et jamais personne ne s’est réveillé en faisant état de sensations désagréables. Depuis la loi du 4 mars 2002, l’arrêt d’un traitement de survie, qui peut être interrompu ou ne pas être mis en œuvre, propose la mise en place d’une sonde gastrique qui peut être refusée par le patient. C’est bien qu’il s’agit d’un traitement. En revanche, le texte présenté aujourd’hui fait au médecin l’obligation, ce qui, auparavant, n’était qu’un devoir, de sédater profondément le malade afin d’éviter tout désagrément. ».

Jean Leonetti a évoqué ensuite une image qu’il avait déjà donnée dans certaines interviews : « Lorsque l’on pratique une sédation, il est logique de ne pas appuyer à la fois sur le frein et l’accélérateur et de maintenir une vie de manière lente et excessive. On ne peut cependant pas dire qu’il y a une souffrance. En revanche, si on arrête l’hydratation d’une personne à qui on n’administre pas une sédation, Dominique Tian a raison, il s’agit d’un soin que le malade ne peut pas refuser. On ne peut pas dire qu’il ne s’agit pas d’un traitement. Cela, le Conseil d’État ne l’a pas décidé : il a simplement constaté que, dans la loi du 22 avril 2005, cela est interprété comme un traitement. Il a alors fallu adapter la terminologie, faute de quoi, prendre un cachet d’aspirine relèverait du traitement alors que la pose d’une sonde gastrique relèverait du soin. Dans la mesure où cela figure déjà dans la loi, nous aurions pu ne pas l’écrire dans le présent texte. Mais le retirer à ce stade risquerait de créer une confusion entre le soin et le traitement sur le plan juridique et judiciaire. ».


Le handicap

Jean Leonetti a tenu à expliciter l’expression très floue dans son texte sur le maintien en vie artificiel : « Qu’on lise Descartes ou Pascal, une personne, même sans conscience, est toujours digne, elle demeure humaine. On peut néanmoins se poser la question de pertinence du maintien de sa vie qui n’est plus que biologique. À mes yeux, deux critères sont liés : pour être, il faut avoir conscience d’exister et avoir une relation à l’autre. En revanche, si j’ai conscience de moi-même mais que je n’ai pas de relation à l’autre, je suis encore dans une vie qui n’est pas végétative. Il vaudrait alors mieux mentionner une absence totale de conscience et une absence totale de relation à l’autre. Cela correspond à ce que nous avons voulu écrire dans la proposition de loi au sujet des corps artificiellement maintenus en vie sans espoir d’évolution favorable. ».

Il a ajouté : « On m’a fait dire que je voulais tuer toutes les personnes handicapées. Il ne s’agit pas de personnes polyhandicapées ou qui ont perdu leurs facultés cognitives mais de gens qui n’ont plus de conscience ni de relation à l’autre en raison de lésions cérébrales majeures et irréversibles. À la lumière de la décision du Conseil d’État, nous pourrions chercher une rédaction précisant ce que nous entendons par "d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie". (…) Pour ma part, je considère qu’aller au-delà et maintenir en vie une personne qui n’a pas conscience d’elle-même ni de relation à l’autre entre dans le cadre de l’obstination déraisonnable. ».

Je note que cette dernière phrase de Jean Leonetti est très contestable dans son sens et serait assez grave si elle devait être mise en application…

Dino Cinieri est revenu à la charge sur le sujet : « L’alinéa 4 du nouvel article L. 1110-5-2 prévoit la sédation profonde et continue jusqu’au décès de personnes hors d’état d’exprimer leur volonté, mais qui ne sont pas en fin de vie. Je crois que nous glissons dangereusement vers une dérive euthanasique des personnes lourdement handicapées. Je suis choqué lorsque j’entends certains, pas ici heureusement, parler d’eux comme de "légumes", car ces personnes ont droit au respect ! Nombreux sont les gens en bonne santé qui proclament ne vouloir à aucun prix vivre gravement malades ou handicapés, mais le jour où ils le deviennent, le discours change du tout au tout car, s’ils se sentent respectés et aimés, ils prennent conscience que leur vie, même dans ces conditions difficiles, est précieuse. C’est notre regard sur le handicap et la maladie que nous devons changer, plutôt que de chercher à faire disparaître les personnes qui en souffrent. Je propose la suppression de cet alinéa. ».

La réponse de Jean Leonetti a été purement juridique : « L’alinéa ne fait que reprendre la loi de 2005 et le code de déontologie, en son article 37, alinéa III, tel que modifié en 2008. Il ne s’agit pas d’une innovation, mais d’une reformulation. ».


Dans mon prochain article, j’évoquerai les arguments concernant le pronostic vital à court terme, la clause de conscience du médecin, le double effet et l’intention première de la sédation profonde et continue.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (9 mars 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Verbatim de la proposition Claeys-Leonetti en commission.
La proposition Claeys-Leonetti modifiée en commission.
L'euthanasie, une fausse solution.
François Hollande et la fin de vie.
Commentaire sur la proposition Claeys-Leonetti.
La consultation participative du Palais-Bourbon.
La proposition de loi n°2512 (texte intégral).
Le débat sur la fin de vie à l'Assemblée Nationale du 21 janvier 2015.
Les directives anticipées.
L'impossible destin.
La proposition Massonneau.
Présentation du rapport Claeys-Leonetti (21 janvier 2015).
Le rapport Claeys-Leonetti du 12 décembre 2014 (à télécharger).
Vidéo de François Hollande du 12 décembre 2014.
Rapport du CCNE sur le débat public concernant la fin de vie du 21 octobre 2014 (à télécharger).
Le verdict du Conseil d'État et les risques de dérives.
Le risque de la GPA.
La décision du Conseil d'État du 24 juin 2014 (texte intégral de la déclaration de Jean-Marc Sauvé).
L'élimination des plus faibles ?
Vers le rétablissement de la peine de mort ?
De Michael Schumacher à Vincent Lambert.
La nouvelle culture de la mort.
La dignité et le handicap.
Communiqué de l'Académie de Médecine du 20 janvier 2014 sur la fin de vie (texte intégral).
Le destin de l'ange.
La déclaration des évêques de France sur la fin de vie du 15 janvier 2014 (à télécharger).
La mort pour tous.
Suicide assisté à cause de 18 citoyens ?
L’avis des 18 citoyens désignés par l’IFOP sur la fin de vie publié le 16 décembre 2013 (à télécharger).
Le Comité d’éthique devient-il une succursale du PS ?
Le site officiel du Comité consultatif national d’éthique.
Le CCNE refuse l’euthanasie et le suicide assisté.
François Hollande et le retour à l'esprit de Valence ?
L’avis du CCNE sur la fin de vie à télécharger (1er juillet 2013).
Sur le rapport Sicard (18 décembre 2012).
Rapport de Didier Sicard sur la fin de vie du 18 décembre 2012 (à télécharger).
Rapport de Régis Aubry sur la fin de vie du 14 février 2012 (à télécharger).
Rapport de Jean Leonetti sur la fin de vie du 28 novembre 2008 (à télécharger).
Loi Leonetti du 22 avril 2005 (à télécharger).
Embryons humains cherchent repreneurs et expérimentateurs.
Expérimenter sur la matière humaine.
La découverte révolutionnaire de nouvelles cellules souches.
Euthanasie : les leçons de l’étranger.
Euthanasie, le bilan d’un débat.
Ne pas voter Hollande pour des raisons morales.
Alain Minc et le coût des soins des très vieux.
Lettre ouverte à Chantal Sébire.
Allocation de fin de vie.



(Les trois tableaux en illustration sont de Salvador Dali).
 

_yartiFinDeVie2015AF03
 


http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20150309-fin-de-vie.html

http://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/loi-claeys-leonetti-verbatim-de-la-164597

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/03/09/31670167.html

 

 

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7 mars 2015 6 07 /03 /mars /2015 07:15

Quelles sont les principales modifications que la commission des affaires sociales a apportées au texte initial ?


 

_yartiFinDeVie2015AE01Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le texte qui est débattu par les députés en séance publique est le texte qui sort modifié après une première discussion en commission, et pas, comme ce fut le cas pendant cinquante ans, le texte déposé initial. C’est dire si le rôle des commissions parlementaires a pris de l’importance ces dernières années.

C’est le cas notamment de la proposition de loi Claeys-Leonetti que j’ai évoquée à plusieurs reprises ces dernières semaines. La commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale s’est saisi de ce dossier dans ses deux dernières séances du mardi 17 février 2015, celle de 17 heures 30 et celle de 21 heures 35. En tout, l’examen de la proposition Claeys-Leonetti en commission a duré six heures trente-cinq et les débats ont abouti à l’adoption de l’ensemble de la proposition de loi modifiée à une heure trente-cinq du matin (rappelons-le : les parlementaires ne font pas les trente-cinq heures hebdomadaires). Le rapport n°2585 du texte déposé le 18 février 2015 n’a été édité que le 6 mars 2015 à 19 heures 45.

C’est donc bien la proposition modifiée qui sera examinée par les députés en séance publique prévue ce mardi 10 mars 2015 à partir de 16 heures.

Mon propos ici est d’évoquer les modifications par rapport au texte initial.

L’ambition des deux corapporteurs (de la majorité et de l’opposition) et du gouvernement est très élevée puisqu’elle est d’atteindre un large consensus parlementaire sur un sujet très sensible. Pour certains députés, le texte n’irait pas assez loin puisqu’il est hors de question d’autoriser explicitement l’euthanasie ; pour d’autres députés, le texte irait déjà trop loin car il autorise de facto l’euthanasie sans le dire explicitement. Pour ces derniers, une nouvelle loi n’a pas lieu d’être et l’application déjà de la loi Leonetti du 22 avril 2005, encore très peu connue et très peu appliquée, devrait être la priorité du gouvernement, en particulier par un investissement massif des structures de soins palliatifs. Une manifestation est d'ailleurs prévue le 10 mars 2015 à 13 heures devant le Palais-Bourbon.

Si la discussion est restée relativement calme et apaisée, les jusqu’au-boutistes de l’euthanasie et du suicide assisté ont cependant tenté, à l’aide de quelques amendements, de dénaturer le texte initial en prônant des "cavaliers" qui rompraient l’équilibre général et la volonté de rassemblement du gouvernement. Heureusement, dans sa sagesse, la commission a refusé ce genre d’amendement, mais la discussion dans l’Hémicycle risque d’être sûrement un peu plus mouvementée. Ce sera un bon test pour savoir si le Premier Ministre Manuel Valls est capable de tenir sa majorité ou pas, après l’application de l’article 49 alinéa 3 sur la loi Macron.

Ce rejet des amendements "lourds" n’a cependant pas empêché au texte d’évoluer par petites touches, avec des précisions techniques et des améliorations sémantiques ou juridiques.
 

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Ainsi, le député Gérard Sebaoun a fait adopter l’expression sédation "analgésique" à la place de sédation "antalgique" (amendements AS76 et AS77), tandis que la députée Sandrine Hurel a donné la possibilité de faire cette sédation profonde et continue à domicile, pour que les personnes en fin de vie puissent mourir chez eux plutôt qu’à l’hôpital (amendement AS70). C’est sans doute cette dernière modification qui a fait la plus grande amélioration du texte.

De même, à l’initiative de la députée Véronique Massonneau, la procédure de collégialité en cas de directives anticipées inappropriée est précisée (amendements AS157 et AS104 rectifié). Les directives anticipées ont fait aussi l’objet d’une discussion sur leur durée de validité : au contraire de la loi du 22 avril 2005, ce texte n’indique aucune durée mais laisse le Conseil d’État la définir, qui sera probablement de trois ans comme précédemment.

Le corapporteur Jean Leonetti a précisé également le fait que pour les enfants (les mineurs), il n’y a pas de "personne de confiance" et seul, l’avis de parents ou du tuteur légal compte.

Après cette réunion en commission, les deux corapporteurs du texte Alain Claeys et Jean Leonetti ont eu trois travaux encore à réaliser avant la discussion en séance publique du 10 mars 2015.

D’une part, sur l’idée d’Alain Claeys, le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) a été de nouveau auditionné par les parlementaires pour comprendre sa recommandation sur une éventuelle "clause de conscience" que les médecins pourraient opposer au droit des patients à la sédation profonde et continue.

Cette "clause de conscience" a été proposée par un amendement qui voulait également légaliser l’euthanasie et le suicide assisté, or, pour la sédation en phase terminale, la situation est très différente. Jean Leonetti la refuse car cela voudrait dire que la sédation qu’il propose dans le texte serait à visée euthanasique, ce qu’il rejette formellement, en expliquant que le CNOM a proposé cette "clause de conscience" seulement dans le cas où l’euthanasie viendrait à être légalisée. De plus, Jean Leonetti, lui-même médecin, considère que les médecins ont obligation de soigner les patients et de réduire au mieux les souffrances que leur état de santé leur font subir.

D’où la proposition d’Alain Claeys de réécouter le CNOM précisément sur cette question d’une éventuelle clause de conscience pour la sédation profonde. Cette question est importante car si jamais elle était introduite, il y aurait forcément inégalité de traitement en fonction des médecins, ce qui serait peu acceptables pour les patients. En l’occurrence, les deux corapporteurs ont auditionné Patrick Bouet, président du CNOM et Jean-Marie Faroudja, président de la section Éthique et déontologie du CNOM.

D’autre part, deux amendements sont en cours de rédaction pour être présentés lors de la discussion en séance publique, proposés par les deux corapporteurs, qui nécessitent un peu de travail juridique, médical et même littéraire en amont.

Le premier vise à enlever le flou de l’expression "d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie", pour préciser exactement ce que le législateur veut dire. La rédaction d’une phrase explicitant cette expression est nécessaire pour toutes les personnes qui se trouvent en handicap fort et qui pourraient se retrouver dans un "simple maintien artificiel de la vie" alors qu’ils vivent et ne sont pas en fin de vie.

Le second, beaucoup plus technique, et qui a été aussi abordé par un amendement présenté par le député Jean-Pierre Gille (amendement AS136), concerne la désignation de la personne de confiance pour un majeur qui serait mis sous tutelle, car le juge révoque généralement toutes les procurations et les pouvoirs de représentation conférés à la personne concernée. Il faudrait donc prévoir une exception pour que la personne de confiance ait juridiquement la possibilité de représenter quand même un majeur sous tutelle lorsque ce dernier se retrouve en situation de fin de vie.

Dans le prochain article, je citerai les principales interventions des députés durant l’examen de la proposition de loi Claeys-Leonetti lors de la réunion de la commission des affaires sociales dont je viens de faire le compte-rendu ici.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (7 mars 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Verbatim de la proposition Claeys-Leonetti en commission.
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Sur le rapport Sicard (18 décembre 2012).
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(Les trois tableaux en illustration sont de Salvador Dali).

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17 février 2015 2 17 /02 /février /2015 05:29

« L’excès de liberté ne peut tourner qu’en excès de servitude pour un particulier aussi bien que pour un État. » (Platon, "La République").


yartiFinDeVie2015AD01Le débat sur la proposition de loi n°2512 sur la fin de vie débute ce mardi 17 février 2015 après-midi au cours d’une séance de la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale, avant la discussion en séance publique dans l'Hémicycle les 10 et 11 mars 2015. En tout, 11 923 contributions de citoyens ont été reçues par les députés. Un débat essentiel qui touche tous les citoyens, d’une manière ou d’une autre, et qui, contrairement aux précédents débats sur le sujet depuis cinq ans, va certainement aboutir au vote d’une nouvelle loi qui viendra compléter la loi du 22 avril 2005 (loi Leonetti).

Dans mes précédents articles sur la fin de vie, j’ai salué la position très prudente du Président de la République François Hollande ainsi que son soutien à un aménagement de la loi actuelle sans faire de révolution juridique.

Il en est pourtant des dogmatiques qui contestent cette position et qui réclament la légalisation de l’euthanasie qui voudrait dire, étymologiquement, "mourir bien" (en grec) comme si on pouvait mourir bien ou mal. La mort ne sera jamais une partie de plaisir, et un État qui se met à légiférer sur la mort me donne toujours des frayeurs. Il y a beaucoup de leurre de la part des humains qui veulent tout contrôler de leur vie.

Cependant, j’aimerais reprendre les principaux arguments que ces lobbyistes de la "bonne mort" utilisent pour prendre en otage toute une nation avec des valeurs particulièrement inquiétantes. Deux arguments sont principalement martelés : la souffrance et la liberté, et d’autres, moins insistants, viennent ensuite.


1. La souffrance

Cet argument est plutôt utilisé comme contre-argument. En gros, les lobbyistes insultent ceux qui s’opposent fermement à la légalisation de l’euthanasie en leur reprochant leur manque d’humanisme et leur manque de compassion parce qu’ils aimeraient voir souffrir les personnes malades.

C’est le même procédé que lors du débat sur le mariage homosexuel où certains lançaient injustement : "ceux qui sont contre sont forcément des homophobes", et la discussion se terminait rapidement.

Cette même mauvaise foi engage particulièrement mal le débat sur la fin de vie et heureusement, le gouvernement n’y a pas succombé. Alors, autant les rassurer : personne, à ma connaissance, n’a jamais voulu la souffrance et tout le monde veut la vaincre. Il est loin le temps où certains osaient dire que la souffrance était rédemptrice.

Mais que proposent ceux qui veulent l’euthanasie ? Que lorsqu’il y a souffrance, on supprime purement et simplement la personne qui souffre. La solution est, il est vrai, intellectuellement simple et physiquement rudement efficace. Plus de personne en souffrance, plus de souffrance.


1.1. Manichéisme simpliste vs soins palliatifs

Est-ce l’ambition d’une société humaniste, justement ? Eh bien, je suis convaincu que non. Qu’il n’y a pas que cette alternative : ou tu souffres, ou tu crèves. Un manichéisme simpliste qui ne fait pas avancer un débat sensible et difficile, complexe et subtil, aussi national qu’intime.

Au contraire, il y a une autre possibilité, la seule qui vaille dans notre société de solidarité, c’est d’accompagner au mieux la personne qui souffre, non dans sa mort, mais dans sa vie, dans ces quelques moments qui lui reste à vivre. Et là, évidemment, le développement des soins palliatifs est essentiel : développement des structures au sein des établissements médicalisés, multiplication des structures mobiles à domicile, quasiment inexistantes, formation initiale de tous les médecins, etc. Les soins palliatifs ne doivent pas être un service à part mais être présents dans tous les services d’un hôpital.

Il y a une véritable culture des soins palliatifs à acquérir. Pour l’instant, seulement 20% des 300 000 personnes qui en ont besoin en bénéficient : c’est là le scandale, c’est là que la société solidaire doit se réaffirmer avec plus de force, plus de vigueur budgétaire.

La loi du 22 avril 2005 a fait beaucoup avancer le droit des personnes malades, notamment en instituant le droit à avoir des soins palliatifs, et le droit de ne plus avoir de traitements médicaux si le patient le demande, en clair, la fin de "l’acharnement thérapeutique".


1.2. Des sondages simplificateurs

Les partisans de l’euthanasie qui ne représentent qu’un petit groupe (ce sont toujours les mêmes qui s’expriment dans les médias, « une association manipulatrice et extrémiste », dixit l’avocat blogueur Koz) se vantent d’être les représentants d’une immense majorité des Français, oscillant entre 90 et 95% …des sondés.

Le souci, c’est qu’ils se basent effectivement sur des sondages (on en pense ce qu’on veut mais ils servent quand même parfois d’indicateurs utiles) qui généralement, ne donnent que deux possibilités au sondé : ou souffrir, ou se faire euthanasier. Comme personne n’est masochiste, on se demande même pourquoi il n’y aurait pas 100% contre le fait de souffrir.

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Cependant, des études plus fines montrent que la loi du 22 avril 2005 qui propose justement les soins palliatifs, la lutte contre la souffrance et les moyens de l’apaisement, est très peu connue, alors qu’elle répond à la très grande majorité des situations douloureuses des personnes en fin de vie. Non seulement les citoyens ne la connaissent pas, mais une grande partie également des soignants, en particulier médecins et infirmiers (en 2008, moins de 10% des cancérologues pouvaient dire ce que contenait précisément la loi Leonetti !).

Ces derniers n’en sont pas vraiment fautifs : lorsque la loi a été mise en application, le Ministre de la Santé de l’époque avait refusé d’en faire une large publicité car il était plutôt opposé aux dispositions de la loi. Ce déficit de communication gouvernementale a donc eu les conséquences mécaniques sur les sondages. Une loi méconnue et insuffisamment appliquée.


1.3. L’émotion, mauvaise conseillère du législateur

Troisième point à propos cet argument sur la souffrance, après le manichéisme simpliste de la présentation des enjeux et les sondages aux questions elles aussi manichéennes, l’émotion : la plupart du temps, le mode d’expression de ces personnes qui militent pour l’euthanasie se fait dans le registre de l’émotion. Et c’est bien normal de réagir à l’émotion, c’est très humain. Mais ce n’est pas par l’émotion qu’on résout efficacement un problème. Surtout juridiquement.

Dans l’actualité, il y a un certain nombre de situations qui sortent de l’intimité des familles, la dernière en date concerne Vincent Lambert qui n’avait pas demandé une telle mise en lumière, mais chaque année, ce sont plusieurs dizaines de milliers qui sont dans ces situations très douloureuses.

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Pourtant, s’il y a un reproche qu’on peut faire au législateur depuis plusieurs décennies, c’était déjà valable à l’époque de Raymond Marcellin dans les années 1970, c’est bien de faire trop de loi, et de les faire sous le coup de l’émotion après un fait divers particulièrement choquant ou touchant. C’est souvent le cas sur la sécurité et les lois contre la délinquance et la criminalité. Jamais il n’y a eu d’évaluation sérieuse de ces lois, de leur efficacité, de leur utilité etc.

Heureusement, sur la fin de vie, la raison l’a emporté sur la passion et l’émotion, mauvaises conseillères, dans le débat parlementaire qui s’engage aujourd’hui.


2. La liberté individuelle

L’autre grand argument, tout à fait respectable puisqu’il fait partie de notre devise républicaine, c’est la liberté individuelle. Si j’avais envie de mourir prématurément (pour ne pas souffrir), je devrais en avoir le droit et cela me concernerait uniquement moi, toi, tu pourrais toujours continuer à souffrir si tu ne voulais pas être euthanasié.

Là encore, même argumentation que pour le mariage homosexuel : cela apporterait des libertés en plus pour les uns, et les autres ne seraient pas concernés. Pour le mariage homosexuel, ses concepteurs ont juste oublié qu’au-delà du couple (deux personnes qui s’aiment font ce qu’elles veulent), il y a éventuellement des enfants, avec leurs droits, et un État dont le devoir est de les protéger.

Pour la fin de vie, c’est évidemment beaucoup plus grave que pour le mariage. Il s’agit déjà de bien comprendre quelle est la volonté de la personne en fin de vie. Qu’est-ce que la liberté individuelle ?

Il y a à la base le suicide, purement et simplement. Des personnalités célèbres l’ont prôné, certains allant jusqu’à l’acte final, comme l’ancien Ministre socialiste du Logement Roger Quilliot, philosophe et agrégé de grammaire, le 17 juillet 1998. Un suicide philosophique. Respectable, comme tous les suicides. Mais il faut bien accepter le fait qu’une société solidaire et humaniste ne peut en aucun cas encourager le suicide, même philosophique. Elle doit au contraire le combattre.

Le problème qui se pose, évidemment, c’est lorsque la personne qui veut en finir n’est plus capable de se suicider seule. D’où cette demande soit d’euthanasie (un tiers, le médecin par exemple, commet l’acte), soit de suicide assisté (un tiers apporte les moyens matériels pour commettre l’acte).


2.1. La volonté personnelle fluctuante et sous influence sociale

Mais comment être sûr de la volonté individuelle ? On a parlé des directives anticipées, j’ai évoqué les risques que pèserait la seule prise en compte de directives anticipées rédigées en général quand on est en bonne santé.

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Et face à la pression sociale (charge pour la société), la pression de la famille (l’accompagnement est épuisant), sans prendre même en compte l’intérêt pécuniaire d’éventuels héritiers (tout n’est pas réduit à l’argent, heureusement), que signifie vraiment liberté individuelle quand une pauvre grand-mère âgée et malade se sent de trop dans une société qui ne lui montre plus son amour ni sa reconnaissance ? Où est l’humanisme ?

Le médecin Gilbert Desfosses, président de la Société française des soins palliatifs et responsable de l’unité de soins palliatifs au Groupe hospitalier Diaconesses Croix Saint-Simon (Paris) jusqu’en janvier 2013, remarquait : « La plupart des grands malades s’adaptent à leur maladie. Les demandes d’euthanasie, lorsqu’elles existent, sont en fait ambivalentes et reflètent la peur de vivre, elles peuvent fluctuer dans le temps, car le malade passe par différents états de révolte, de peur, de dépression, et se renverser dans des phases d’apaisement. ».


2.2. Expériences à l’étranger

Une fois que la transgression est réalisée, il n’y a plus de limite. Le "cadre strict" souvent évoqué pour légaliser l’euthanasie éclatera au fil des évolutions futures, comme le démontre très bien la Belgique dont le champ d’application s’est élargi au fil du temps depuis la loi du 28 mai 2002. Où est la liberté individuelle pour un gosse de 7 ans ? pour une personne atteinte de troubles mentaux ? Plusieurs cas d’euthanasie pour dépression ont même été constatés, alors qu’on ne pourrait jamais affirmer que la dépression est une maladie incurable. Par ailleurs, la Belgique autorise le prélèvement d’organes sur les personnes euthanasiées, ce qui donne une idée des évolutions futures, sur la lancée du film "Soleil vert".

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Il est aussi fait appel à une légalisation de l’euthanasie pour mieux l’encadrer et éviter les dérives avec une législation "floue". La réalité, c’est qu’aux Pays-Bas, la moitié des euthanasies pratiquées sont illégales (clandestines), c’est-à-dire sans l’avis du médecin, et donc sans le consentement de la personne, alors qu’elles sont légales dans des conditions strictes (loi du 12 avril 2001). Un encadrement n’empêche donc pas les dérives, au contraire les accroît par rapport au vide juridique car personne ne viendra protester auprès des juges un acte qui est juridiquement autorisé. La commission des droits de l’Homme des Nations Unies s’est d’ailleurs inquiétée du taux anormalement élevé d’euthanasies dans ce pays.

L’argument d’autorité qui explique que certains pays étrangers, que certains voudraient imiter, ont adopté une législation favorable à l’euthanasie est à donc double tranchant, quand on observe précisément ce qu’il se passe en Belgique, aux Pays-Bas, et même en Suisse dont l’absence d’interdiction a fait développer tout un juteux commerce du suicide assisté où les abus sont tels que les autorités helvétiques envisagent maintenant de réagir en l’interdisant. Des organisations privées qui profitent assidûment de cette brèche juridique, peu nombreuses sur ce marché inespéré, font beaucoup de prosélytisme partout en Europe, en particulier en France et en Allemagne. Pour quelques milliers d’euros, elles peuvent proposer la mort clef en main en moins de quatre heures, entre le premier contact et le constat du décès, parfois dans des conditions épouvantables (on est loin de la dignité).

Dès 1999, par sa recommandation 1418, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe avait déjà vivement encouragé ses membres « à respecter et à protéger la dignité des malades incurables et des mourants (…) en maintenant l’interdiction absolue de mettre intentionnellement fin à la vie des malades incurables et des mourants. ».

La bonne question serait plutôt : pourquoi la très grande majorité des nations démocratiques (laissons de côté les régimes totalitaires justement) a conservé l’interdit de l’euthanasie ? La loi doit protéger les plus faibles, pas encourager leur élimination.


2.3. La liberté de mourir et la liberté (et le devoir) de ne pas tuer

Le vide juridique est sage car aucune loi ne saurait régir tous les cas particuliers de fin de vie. Chaque fin de vie est particulière. En cas de doute, comme cela s’est déjà passé, l’affaire est jugée et même si c’est éprouvant, c’est nécessaire pour séparer ceux qui, de bonne foi, ont cherché la meilleure solution, des coureurs d’héritage et autres criminels (par exemple, un infirmier du Stepping Hill Hospital de Stockport, près de Manchester, arrêté pour avoir empoisonné au moins trois patients en juillet 2011).

Par ailleurs, la liberté des uns ne doit pas empiéter la liberté des autres. Or, un "droit" à l’euthanasie entraînerait de fait un devoir pour un tiers de commettre l’acte de tuer, ce qui est une entrave à la liberté du tiers.

L’Académie de médecine a rappelé le 20 janvier 2014 la mission des médecins : « Il n’est pas dans la mission du médecin de provoquer délibérément la mort. Aucun médecin ne saurait consentir à donner la mort. Aucun médecin ne saurait se voir imposer par la loi de transgresser cet interdit fondateur. ».


2.4. Droit fondamental à la vie

De plus, cela remet en cause un autre droit fondamental, le droit à la vie.

Robert Badinter, très écouté sur ces questions car il est celui qui a aboli la peine de mort en France en tant que Ministre de la Justice, a pour cette raison rejeté l’idée d’une "exception d’euthanasie" : « Le droit à la vie est le premier des droits de l’Homme, personne ne peut disposer de la vie d’autrui. ».

Petit à petit, au nom d’une supposée "liberté individuelle", la société pourrait évoluer vers un eugénisme qui ne dirait pas son nom. Déjà, la télévision, la littérature, le cinéma, la publicité insistent sur le besoin d’être jeune, beau, fort, en bonne santé (je le mérite bien !). Toute personne déviante, qui aurait un handicap, qui ne serait plus autonome, qui serait trop âgée, qui serait trop malade… devrait être cachée voire éliminée d’une manière ou d’une autre. L'aboutissement d'une société matérialiste et consumériste.

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D’ailleurs, cette liberté n’est pas seulement individuelle, elle est collective et elle doit ainsi s’exercer avec une responsabilité collective. Voulez-vous la liberté de ne pas se faire vacciner ? Certes, mais on sait que les épidémies sont maîtrisées seulement à partir d’une certaine proportion de personnes vaccinées. Ne pas me faire vacciner n’influe donc pas seulement sur ma propre vie, mais aussi sur celle de toute une population dans laquelle je vis et même sur l'évolution des virus qui peuvent muter en ne stoppant pas l'épidémie.


2.5. Les contingences économiques et la recherche médicale

Pour l’euthanasie, ce serait pareil si jamais on voulait la légaliser. La raison économique l’emporterait sur tout le reste. Or, que dicteraient les finances publiques ? De limiter les dépenses. Les soins palliatifs coûtent très cher, mais à quoi bon, puisqu’il serait possible d’euthanasier ? Ne pas demander l’euthanasie, ce serait alors fatalement vouloir croître l’endettement public pour ses enfants… difficile de résister à une telle pression sociale où le sentiment de culpabilité se jouxterait avec un sentiment d’inutilité sociale voire de boulet.

Et comment réussir à soigner des maladies aujourd’hui incurables si tous les malades préfèrent se faire euthanasier ? Il n’y aurait plus de progrès dans la recherche médicale et de nouvelles maladies viendraient, incurables, et les hommes resteraient impuissants face à elles car ils auraient apporté une solution bien plus simple et bien moins coûteuse qu’un projet de recherche médicale. Le progrès scientifique, c’est justement de croire qu’une maladie incurable aujourd’hui puisse se soigner demain.


3. La modernité historique, les avancées sociales

Dans une mythologie qui reprend assez bien la mythologie socialiste de 1936 (congés payés), puis de 1981 (retraite à 60 ans), puis de 1997 (les 35 heures), bizarrement, il n’y a rien en 2012, où il y aurait une lente progression sur les avancées sociales et sociétales, en oubliant par exemple que De Gaulle a fait en 1945 et 1968 beaucoup plus que Blum et Mitterrand réunis, les partisans de l’euthanasie veulent faire croire à une étape d’avancée sociétale en citant des sujets complètement différents comme la légalisation de l’avortement, l’abolition de la peine de mort, l’institution du mariage gay...

J’évite au préalable la question très philosophique sur la modernité, pourquoi faut-il une société en avancée, en progrès, en modernité ? Je crois au progrès, mais pas tout le monde, et notamment pas les partisans de la décroissance, et je conçois que cette question se discute. Pourquoi ne pas vouloir une société statique, imparfaite mais encore satisfaisante ? Je crois cependant que tout est améliorable, donc, la notion de progrès me paraît pertinente, surtout dans l’action politique. Mais il reste ensuite à définir ce qu’est un progrès et on sait bien que parfois, ce n’est pas un progrès, même présenté comme tel, mais une régression, un retour en arrière.

Prenons justement l’abolition de la peine de mort. Philosophiquement, ceux qui considèrent que la société n’a pas le droit de toucher à la vie et au contraire, doit la protéger, ne peuvent être à la fois pour l’abolition de la peine de mort et pour l’euthanasie qui est une forme très sournoise de la peine de mort, Vincent Lambert pourrait même en être la première victime. Inversement, ceux qui sont philosophiquement contre l’euthanasie et contre toute transgression sur l’interdiction de tuer ne peuvent être que favorables à l’abolition de la peine de mort.

Pour moi, autoriser l’euthanasie serait une véritable régression historique. La société ne serait plus chargée d’accompagner un mourrant mais carrément de l’achever. Où se situerait la modernité ? Où se situerait l’avancée ? Cela rappelle plutôt des solutions très expéditives d’il y a plus de soixante-dix ans.

S’il devait y avoir une comparaison sur le thème de la fin de vie à proposer concernant l’histoire législative de la France, ce serait à mon avis avec la laïcité et la loi du 9 décembre 1905. Une nouvelle loi sur la fin de vie qui touche si intimement chaque citoyen doit se faire sur la base d’un large consensus, comme elles ont toutes été adoptées jusqu’à maintenant, comme celle du 22 avril 2005. Le gouvernement a estimé nécessaire ce rassemblement pour un sujet aussi grave et il a eu raison.


4. Les animaux auraient plus de chance

Les partisans de l’euthanasie évoquent souvent l’idée que les animaux domestiques, lorsqu’ils sont en fin de vie, seraient plus chanceux que leurs maîtres car ils auraient droit à cette injection létale que le vétérinaire propose.

Cette réflexion manque curieusement de perspicacité. J’évite d’aborder un débat très philosophique sur la différence entre un être humain et un animal (qui sont maintenant reconnus comme des êtres vivants sensibles et pas seulement des biens meubles), mais cette piqûre finale est loin d’être un "droit" du malheureux animal.

Elle se justifie pour une raison simple : c’est qu’il serait coûteux de mettre en œuvre les soins pour les animaux, je ne parle même pas de soins palliatifs ; coûteux et scandaleux quand on voit la détresse et l’extrême pauvreté de certains êtres humaines. C’est donc une solution de facilité, de réduction des coûts financiers, et c’est moralement admissible parce que justement, ce sont "seulement" des animaux et pas des humains. Libre à chacun de croire qu’un être humain n’est qu’un animal comme un autre, mais ce n’est pas ainsi que je conçois la personne humaine.

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Si la société des hommes n’avait que la solution de les achever quand ils ne sont plus dans la norme, ce serait une piètre société qui n’aurait plus rien d’humain. Juste de la gestion d’individus. Utiles ou pas. Dignes ou pas. Selon des critères qui pourraient effrayer.


Cœur et humanisme

Ne pas transgresser l’interdit de tuer qui ouvrirait les digues à tous les abus, voulus ou pas, et à tous les risques si l’État venait à se retrouver sous le contrôle de groupes totalitaires.

Ne pas rompre le lien de confiance indispensable entre soignés et soignants, un médecin étant là pour soigner ou accompagner mais certainement pas pour tuer.

Ne pas considérer les personnes en état de faiblesse comme des indignes, des inutiles, voire des intouchables… reconnaître leur valeur intrinsèque, leur accorder le regard du droit à vivre même avec leurs incapacités.

Le docteur Gilbert Desfosses, par ailleurs président du Fonds pour les soins palliatifs, avait exprimé il y a déjà quinze ans ce qui devrait guider les équipes médicales : « L’expérience de tous les soignants confirme la rareté de la demande d’euthanasie exprimée par les malades. Lorsqu’elle existe, elle est le plus souvent en rapport avec une souffrance insuffisamment évaluée et mal comprise. Cette demande est majoritairement ambivalente, variable dans le temps, en fonction de notre attitude et de notre capacité à apporter un soutien et des thérapeutiques ajustées. C’est un cri de détresse à entendre pour se mobiliser auprès du malade. Voilà la dynamique à favoriser au sein des équipes soignantes. » ("La Croix" du 31 mars 2000).

Si le cœur doit s’exprimer dans ce débat sur la fin de vie, si les valeurs humanistes doivent s’exprimer dans ce débat, alors, la société ne choisira pas la voix irréversible de l’euthanasie mais celle, plus difficile, plus coûteuse, plus ambitieuse, plus attentionnée, plus solidaire, de l’accompagnement jusqu’à la fin des personnes qui souffrent, qu’elles soient malades, en perte d’autonomie, très âgées ou encore avec un grave handicap.

Je souhaite que ce soit cette voie qui prime dans le vote futur des parlementaires sur la fin de vie, et que notre nation, qui a déjà été un modèle original dans le monde pour la laïcité, le soit également dans ce domaine si difficile à maîtriser, comme cela a commencé déjà à l’être avec la loi du 22 avril 2005. Éros, Philia et Agapê doivent l'emporter sur Thanatos.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (17 février 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
François Hollande et la fin de vie.
Commentaire sur la proposition Claeys-Leonetti.
La consultation participative du Palais-Bourbon.
La proposition de loi n°2512 (texte intégral).
Le débat sur la fin de vie à l'Assemblée Nationale du 21 janvier 2015.
Les directives anticipées.
L'impossible destin.
La proposition Massonneau.
Présentation du rapport Claeys-Leonetti (21 janvier 2015).
Le rapport Claeys-Leonetti du 12 décembre 2014 (à télécharger).
Vidéo de François Hollande du 12 décembre 2014.
Rapport du CCNE sur le débat public concernant la fin de vie du 21 octobre 2014 (à télécharger).
Le verdict du Conseil d'État et les risques de dérives.
Le risque de la GPA.
La décision du Conseil d'État du 24 juin 2014 (texte intégral de la déclaration de Jean-Marc Sauvé).
L'élimination des plus faibles ?
Vers le rétablissement de la peine de mort ?
De Michael Schumacher à Vincent Lambert.
La nouvelle culture de la mort.
La dignité et le handicap.
Communiqué de l'Académie de Médecine du 20 janvier 2014 sur la fin de vie (texte intégral).
Le destin de l'ange.
La déclaration des évêques de France sur la fin de vie du 15 janvier 2014 (à télécharger).
La mort pour tous.
Suicide assisté à cause de 18 citoyens ?
L’avis des 18 citoyens désignés par l’IFOP sur la fin de vie publié le 16 décembre 2013 (à télécharger).
Le Comité d’éthique devient-il une succursale du PS ?
Le site officiel du Comité consultatif national d’éthique.
Le CCNE refuse l’euthanasie et le suicide assisté.
François Hollande et le retour à l'esprit de Valence ?
L’avis du CCNE sur la fin de vie à télécharger (1er juillet 2013).
Sur le rapport Sicard (18 décembre 2012).
Rapport de Didier Sicard sur la fin de vie du 18 décembre 2012 (à télécharger).
Rapport de Régis Aubry sur la fin de vie du 14 février 2012 (à télécharger).
Rapport de Jean Leonetti sur la fin de vie du 28 novembre 2008 (à télécharger).
Loi Leonetti du 22 avril 2005 (à télécharger).
Embryons humains cherchent repreneurs et expérimentateurs.
Expérimenter sur la matière humaine.
La découverte révolutionnaire de nouvelles cellules souches.
Euthanasie : les leçons de l’étranger.
Euthanasie, le bilan d’un débat.
Ne pas voter Hollande pour des raisons morales.
Alain Minc et le coût des soins des très vieux.
Lettre ouverte à Chantal Sébire.
Allocation de fin de vie.



(Les quatre tableaux en illustration sont de Salvador Dali).





 

(Les trois autres photos sont issues du film "Soleil vert").
(Le dessin est de Konk).

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http://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/l-euthanasie-une-fausse-solution-163730

 







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16 février 2015 1 16 /02 /février /2015 07:12

Le Président de la République, connu pour son indécision chronique, a-t-il des convictions pour l’un des sujets les plus graves de la société française, celui de l’accompagnement de la personne en fin de vie ? Ses déclarations prouvent au contraire que ses idées sont particulièrement fermes sur ce thème, et clairement annoncées bien avant son élection le 6 mai 2012.


yartiFinDeVie2015AC01On ne s’étonnera pas du grand nombre d’articles sur la fin de vie en ce moment puisqu’une loi soutenue par le gouvernement est actuellement en préparation et rassemblera probablement une majorité de parlementaires. Le débat est essentiel pour les citoyens et la dernière loi sur le sujet date du 22 avril 2005, il y a dix ans, et donc, il y a deux élections présidentielles.

Le Président François Hollande a-t-il une opinion sur la fin de vie ? On aurait pu croire que non, comme dans beaucoup de domaines où il navigue souvent à vue, en fonction des circonstances, essayant de ménager la chèvre et le chou.


La promesse d’une fin de vie "dans la dignité"

Certes, il avait précisé dans sa promesse de candidat, la numéro 21 en janvier 2012, qu’il souhaitait légiférer sur le sujet, mais il faut bien admettre que le flou qui en fait son principal défaut était encore très présent dans la rédaction de cette promesse : « Je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisées pour terminer sa vie dans la dignité. » ("60 engagements pour la France").

En fait, François Hollande a au contraire une ligne directrice bien définie qui le guide sur ce sujet très sensible. Il l’a sans doute rendue ambiguë pour des raisons purement électoralistes, mais la grande habileté de la rédaction de la promesse montre qu’il y a beaucoup réfléchi, et comment cela aurait-il pu être autrement lorsqu’il a été confronté, lui-même, comme de très nombreux compatriotes, à une situation très douloureuse dans sa famille ?


Déclarations avant son élection

Reprenons ses (rares) déclarations sur le sujet depuis fin 2011 et sa désignation comme candidat à l’élection présidentielle.

Généralement très pudique sur sa propre vie personnelle (en dépit du futur scandale de "Closer" sur sa vie affective), François Hollande a évoqué sa propre mère dans une interview à l’hebdomadaire chrétien "La Vie" le 15 décembre 2011 : « J’ai été confronté à l’agonie de ma propre mère et je sais les phases qui peut traverser une personne confrontée à une terrible maladie. (…) Ces questions méritent un débat maîtrisé. (…) Sur ce sujet, des progrès ont été faits, notamment avec la loi Leonetti. Nous devons poursuivre cette réflexion. ».

Pendant la campagne présidentielle, François Hollande a précisé son engagement : « Il ne s’agit pas de dépénaliser mais d’encadrer cette mort dans la dignité. » sans préciser pour autant ce qu’était "la mort dans la dignité".

Il a quand même souhaité bien circonscrire le débat dès le 17 février 2012 : « L’euthanasie, je n’y suis pas favorable. » ("Marianne").

François Hollande a toujours considéré les soins palliatifs comme la pierre angulaire du moins souffrir, comme il l’a dit sur BFM-TV le 19 février 2012 : « C’est déjà de mettre davantage de soins pour soulager la souffrance et terminer sa vie dans des conditions dignes. ».

Il a aussi évoqué ce thème dans l’émission "Des paroles et des actes" le 15 mars 2012 sur France 2 : « Il y a eu une loi qui est utile, qui est la loi Leonetti, qui prévoit des soins intensifs. (…) Quand une personne demande, parce qu’elle n’en peut plus, quand sa famille appuie cette demande, qu’elle est réitérée, que quatre médecins se sont eux-mêmes prononcés, alors il sera possible d’en terminer avec cette souffrance. » tout en ajoutant : « Je ne prends pas le mot d’euthanasie, ça laisse penser qu’il serait accepté une forme de suicide. ». Il en a profité pour promettre : « Je veillerai à ce qu’il y ait beaucoup plus de places de soins palliatifs dans nos établissements hospitaliers et d’assistance à domicile. ».

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Toujours le 15 mars 2012, François Hollande a confié de nouveau qu’il avait connu une situation très douloureuse : « J’ai vécu cette situation, il faut davantage de soins palliatifs, aussi bien à l’hôpital qu’à domicile. (…) Je veillerai à ce qu’il y ait beaucoup plus de places en soins palliatifs dans les établissements. ». Ce qu’a confirmé Jean-Marc Ayrault : « Les soins palliatifs existent et ne sont pas toujours développés partout dans les mêmes conditions. Donc, il y a toute une série de progrès que l’on peut faire et qui doivent respecter la dignité de la personne et, en tout état de cause, sa libre détermination. ».


Déclarations après son élection

Son Premier Ministre Jean-Marc Ayrault a voulu, lui aussi, décrypter la pensée présidentielle dès le 4 juin 2012 interrogé par Radio Fidélité (une radio chrétienne) : « Si la loi Leonetti doit être complétée dans l’esprit du projet de François Hollande, les décisions ne pourront pas être prises comme ça : il y aura un collège de médecins et puis l’engagement de la personne concernée qui sera évidemment sa totale liberté et détermination. » en ajoutant également, à propos du mot euthanasie : « S’il ne l’a pas employé, c’est à dessein : c’est un sujet extrêmement grave et je comprends que les évêques et les catholiques expriment des interrogations, des réserves. Ils en ont parfaitement le droit. (…) Je ne sais pas s’il faudra une loi. (…) Nous écouterons tous les points de vue, c’est bien le moins pour des sujets d’une telle gravité. ».

Un terme que voudrait entendre évidemment le lobbyiste en chef de l’euthanasie, Jean-Luc Roméro, ancien conseiller régional RPR et actuel conseiller régional PS, mais ce mot est rejeté par le gouvernement. La (future) Ministre des Affaires sociales en charge du sujet, Marisol Touraine, l’a rappelé dès le 21 février 2012 : « Nous récusons ce terme dont le sens diffère selon qui l’utilise (…). Certains y voient un droit au suicide assisté, ce qui n’est absolument pas notre position. » ("La Croix").

Concrètement, rien n’a été fait sur les soins palliatifs en trois ans de mandat : François Hollande a visité le 17 juillet 2012 à Rueil-Malmaison la maison médicalisée "Notre Dame du Lac" où il a annoncé un grand plan national pour les soins palliatifs. À ce jour, aucune action concrète n’a été décidée alors que seulement 20% des 200 000 personnes en situation de fin de vie ont pu en bénéficier. C’est là le véritable scandale, pas l’euthanasie qui ne règle aucun problème sinon de réduire les charges financières.

yartiFinDeVie2015AC05

Ce même jour, dans ce premier discours sur le sujet comme Président de la République, François Hollande a rendu hommage à la loi du 22 avril 2005 et s’est interrogé s’il fallait « aller plus loin dans des cas exceptionnels, quand la douleur est irréversible et appelle un acte médical assumé » en cadrant de débat : « Poser cette question, c’est poser une perspective qui elle-même entraîne un débat. (…) J’entends et je respecte les consciences et les voix venues notamment des autorités spirituelles qui affirment que ce principe essentiel, respectable, selon lequel tout instant de vie mérite d’être vécu. (…) Le débat mérite d’être engagé [et] doit se faire dans l’apaisement. ».

Bien plus tard, après son interview sur TF1 le 6 novembre 2014, François Hollande a répondu aux questions des internautes sur le site Internet de TF1. On lui a notamment posé la question : "Souhaitez-vous légaliser l’euthanasie ?" et il a exprimé son état d’esprit sur le sujet : « Je souhaite qu’il y ait une loi qui puisse être préparée dans le cadre d’un consensus. Deux députés ont d’ailleurs été mandatés : un député de gauche, un député de droite. Essayons de ne pas politiser le sujet parce que c’est un sujet qui nous intéresse tous, qui pourrait nous intéresser tous, soit parce que nous-mêmes, nous pourrions connaître cette épreuve, soit parce que nous avons des parents qui peuvent être justement dans ce dilemme. ».

Poursuivant sur ses intentions, François Hollande a déclaré : « Donc, oui, il nous faut permettre que lorsqu’il y a une souffrance, lorsque la fatalité est maintenant proche, nous puissions accompagner ces personnes et je pense qu’il faut trouver, à partir de la loi Leonetti, des améliorations nécessaires. Vous savez, il y a le cas de Vincent Lambert, ça a créé beaucoup de débats, et c’est ce qu’on va faire avec les directives anticipées : c’est-à-dire que toute personne pourra dire à l’avance ce qu’elle souhaite par rapport à ce cas-là et, deuxièmement, tout doit se faire avec la famille et les équipes médicales. ».

Il a également reparlé de sa mère : « J’ai connu une situation très douloureuse : ma mère a été dans une situation très pénible pour elle, pour son entourage ; donc, une fin de vie qui a été extrêmement rude et elle a eu le bénéfice de soins palliatifs. Je veux saluer tous ceux qui se dévouent pour les soins palliatifs. C’est déjà largement le cas avec la loi Leonetti, et c’est ce qu’on doit améliorer : permettre que les fins de vie se fassent sans la douleur et dans la dignité des personnes. ».

Ses avant dernières déclarations sur le sujet ont donc eu lieu le 12 décembre 2014 lors de la remise de leur rapport par les députés Alain Claeys et Jean Leonetti. Il a assuré les deux députés du soutien à la proposition qu’ils ont rédigée et qui sera débattue à la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale ce mardi 17 février 2015.

François Hollande a reconfirmé le 5 janvier 2015 sur France Inter son soutien à la proposition de loi Claeys-Leonetti : « Peut-être y aura-t-il une nouvelle étape plus tard mais je considère que là, dans le moment où nous sommes, avancer avec les directives anticipées et permettre l'accompagnement de la mort, (...) c'est un point très important. ».


Une vision claire et sage dès le début

Le Président François Hollande a donc montré qu’il avait une véritable ligne directrice qui est de toujours rester dans le cadre de la loi Leonetti, en éventuellement la modifiant sur certaines dispositions, en basant toute la lutte contre la souffrance sur le développement des soins palliatifs encore trop peu développés en France.

En ce sens, contrairement au débat sur le mariage homosexuel, François Hollande a su prendre les précautions nécessaires pour ne pas sombrer sous la pression de quelques groupuscules d’extrémistes qui veulent lever toutes les digues de la mort au risque de graves dérives qui ont déjà montré leurs inévitables conséquences pendant la dernière guerre, mais également dans les pays qui se disent "ouverts", ouverts pour euthanasier sans l’assurance de leur volonté des enfants de 7 ans, des personnes atteintes de troubles mentaux, et avec le temps, à chaque réforme, le champ d’application est élargi au point d’en inquiéter les responsables des droits de l’Homme aux Nations Unies sur un taux anormalement élevé d’euthanasies.

yartiFinDeVie2015AC02

Parce qu’il a été confronté de près à cette souffrance, François Hollande a sagement pris le débat dans le bon sens : à savoir, comment soulager la souffrance et pas comment supprimer la personne qui souffre. Cela relève de la solidarité d’une société humaniste qui doit, par les soins palliatifs, savoir accompagner les siens jusqu’au bout et pas, dans une logique très libérale de l’économie, les abandonner à leur triste sort en ne leur proposant que la souffrance ou la tombe.

Cela ne veut pas dire que la loi qui sera votée à la fin de ce processus sera complètement pertinente (j’en avais relevé deux points très inquiétants), mais au moins, le débat parlementaire va débuter dans de bonnes conditions, apaisées et dépassionnées, où tous les arguments seront écoutés avec le même esprit de rassemblement, sans esprit dogmatique et sans pression des lobbyistes de l’euthanasie.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (16 février 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Commentaire sur la proposition Claeys-Leonetti.
La consultation participative du Palais-Bourbon.
La proposition de loi n°2512 (texte intégral).
Le débat sur la fin de vie à l'Assemblée Nationale du 21 janvier 2015.
Les directives anticipées.
L'impossible destin.
La proposition Massonneau.
Présentation du rapport Claeys-Leonetti (21 janvier 2015).
Le rapport Claeys-Leonetti du 12 décembre 2014 (à télécharger).
Vidéo de François Hollande du 12 décembre 2014.
Rapport du CCNE sur le débat public concernant la fin de vie du 21 octobre 2014 (à télécharger).
Le verdict du Conseil d'État et les risques de dérives.
Le risque de la GPA.
La décision du Conseil d'État du 24 juin 2014 (texte intégral de la déclaration de Jean-Marc Sauvé).
L'élimination des plus faibles ?
Vers le rétablissement de la peine de mort ?
De Michael Schumacher à Vincent Lambert.
La nouvelle culture de la mort.
La dignité et le handicap.
Communiqué de l'Académie de Médecine du 20 janvier 2014 sur la fin de vie (texte intégral).
Le destin de l'ange.
La déclaration des évêques de France sur la fin de vie du 15 janvier 2014 (à télécharger).
La mort pour tous.
Suicide assisté à cause de 18 citoyens ?
L’avis des 18 citoyens désignés par l’IFOP sur la fin de vie publié le 16 décembre 2013 (à télécharger).
Le Comité d’éthique devient-il une succursale du PS ?
Le site officiel du Comité consultatif national d’éthique.
Le CCNE refuse l’euthanasie et le suicide assisté.
François Hollande et le retour à l'esprit de Valence ?
L’avis du CCNE sur la fin de vie à télécharger (1er juillet 2013).
Sur le rapport Sicard (18 décembre 2012).
Rapport de Didier Sicard sur la fin de vie du 18 décembre 2012 (à télécharger).
Rapport de Régis Aubry sur la fin de vie du 14 février 2012 (à télécharger).
Rapport de Jean Leonetti sur la fin de vie du 28 novembre 2008 (à télécharger).
Loi Leonetti du 22 avril 2005 (à télécharger).
Embryons humains cherchent repreneurs et expérimentateurs.
Expérimenter sur la matière humaine.
La découverte révolutionnaire de nouvelles cellules souches.
Euthanasie : les leçons de l’étranger.
Euthanasie, le bilan d’un débat.
Ne pas voter Hollande pour des raisons morales.
Alain Minc et le coût des soins des très vieux.
Lettre ouverte à Chantal Sébire.
Allocation de fin de vie.

yartiFinDeVie2015AC03


http://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/francois-hollande-et-la-fin-de-vie-163629

 



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14 février 2015 6 14 /02 /février /2015 07:55

Soutenue par le gouvernement, la proposition de loi vise à autoriser dans certains cas "un traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance jusqu’au décès associé à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie" y compris l’alimentation et l’hydratation artificielles. Des définitions qui font rudement débat…


yartiFinDeVie2015AB01Comme je l’avais évoqué ici, l’Assemblée Nationale a souhaité ouvrir sur son site Internet pour la première fois une consultation accessible à l’ensemble des citoyens pour commenter la proposition de loi n°2512 déposée par les députés Alain Claeys (PS) et Jean Leonetti (UMP) sur la fin de vie. J’invite tous les lecteurs à rédiger leur propre contribution, puisque le législateur propose de les écouter avant de commencer ses travaux en commission. La consultation sera terminée lundi 16 février 2015 à 12 heures, et les travaux en commission débuteront le lendemain.

Cette proposition de loi (dont le texte intégral est accessible ici) comporte onze articles et tend à garder l’esprit de consensus de la loi du 22 avril 2005 tout en précisant un certain nombre de définitions et à ouvrir de sérieux fronts de discussion.


Ce que dit la proposition de loi

Pour un sujet d’une telle importance, chaque mot compte.
J’en reproduis ici les principaux extraits :

Article 1er : « Toute personne a droit à une fin de vie digne et apaisée. Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour satisfaire ce droit. ».

Article 2 : « Les actes mentionnés à l’article L.1110-5 ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable lorsqu’ils apparaissent inutiles ou disproportionnés. Lorsque les traitements n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, sous réserve de la prise en compte de la volonté du patient et selon la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale, ils sont suspendus ou ne sont pas entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l’article L.1110-10. La nutrition et l’hydratation artificielles constituent un traitement. ».

Article 3 : « À la demande du patient d’éviter toute souffrance et de ne pas prolonger inutilement sa vie, un traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance jusqu’au décès associé à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie est mis en œuvre dans les cas suivants : lorsque le patient atteint d’une affection grave et incurable dont le pronostic vital est engagé à court terme présente une souffrance réfractaire au traitement ; lorsque la décision du patient (…) d’arrêter un traitement, engage son pronostic vital à court terme. Lorsque le patient ne peut pas exprimer sa volonté et dans le cadre du refus de l’obstination déraisonnable (…), dans le cas où le médecin arrête un traitement de maintien en vie, le médecin applique le traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance jusqu’au décès. ».

Article 4 : « Toute personne a le droit de recevoir des traitements et des soins visant à soulager sa souffrance. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, prise en compte, évaluée et traitée. Le médecin met en place l’ensemble des traitements antalgiques et sédatifs pour répondre à la souffrance réfractaire en phase avancée ou terminale, même s’ils peuvent avoir comme effet d’abréger la vie. Il doit en informer le malade (…), la personne de confiance (…), la famille, ou, à défaut, un des proches. ».

Article 5 : « Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas subir tout traitement. Le suivi du malade reste cependant assuré par le médecin, notamment son accompagnement palliatif. (…) Le professionnel de santé a l’obligation de respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. Si, par sa volonté de refuser ou d’interrompre tout traitement, la personne met sa vie en danger, elle doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable. ».

Article 8 : « Toute personne majeure et capable peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives anticipées expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions du refus, de la limitation ou l’arrêt des traitements et actes médicaux. Elles sont révisables et révocables à tout moment. (…) Elles s’imposent au médecin, pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement, sauf en cas d’urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation. Si les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées, le médecin, pour se délier de l’obligation de les respecter, doit consulter au moins un confrère et motiver sa décision qui est inscrite dans le dossier médical. Un décret en Conseil d’État définit les conditions d’information des patients, de validité, de confidentialité et de conservation des directives anticipées. Leur accès est facilité par une mention inscrite sur la carte vitale. ».

Article 9 : « Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance, qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant et qui sera consultée en cas où elle-même serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin. Elle témoigne de l’expression de la volonté de la personne. Son témoignage prévaut sur tout autre témoignage. Cette décision est faite par écrite. Elle est révocable à tout moment. Si le malade le souhaite, la personne de confiance l’accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l’aider dans ses décisions. ».


Contribution personnelle

Voici par ailleurs ma contribution personnelle pour cette consultation.

blogContributionFinDeVieSR201502111823

Alimentation, hydratation, directives anticipées

Je ne suis pas convaincu de la nécessité d’une nouvelle loi sur la fin de vie dès lors que l’actuelle loi du 22 avril 2005 n’est pas encore assez connue ni assez appliquée. Il faudrait plutôt débloquer massivement des moyens budgétaires pour développer les soins palliatifs, notamment à domicile.

Néanmoins, je salue le gouvernement et les parlementaires de leur volonté sincère d’aborder ce débat très sensible dans un esprit d’écoute et de rassemblement, loin d’un cadre dogmatique soumis aux pressions des plus revendicatifs.

La dignité se mesure plus dans le regard que portent les bien-portants que dans la faiblesse et les incapacités des personnes en fin de vie dans la mesure où chaque être humain est porteur intrinsèquement de la dignité humaine. Je l’écris en ayant vécu la fin de trois êtres chers dont deux, par un sourire permanent, ont rayonné de leur amour de la vie pendant leurs derniers mois d’existence, malgré leurs graves incapacités.

Il y a d’autres mots qui peuvent blesser. Au nom de quels principes, ou de quels critères, le législateur serait-il compétent pour juger de l’utilité ou de l’inutilité d’un maintien en vie ? Jusqu’à quel point une vie est inutile ? En quoi les inactifs, malades, personnes handicapées seraient-ils utiles ou inutiles à la société ? Ces considérations me paraissent effrayantes.

La proposition de loi n°2512, qui répondrait à une supposée attente de "l’opinion publique", serait toutefois acceptable, à mon sens, à la condition de retirer deux dispositions qui m’ont beaucoup choqué et qui semblent choquer aussi un certain nombre de contributeurs sur ce site.

1. L’alimentation et l’hydratation artificielles ne peuvent pas être considérées comme un traitement, ce sont des soins élémentaires au même titre que l’hygiène pour maintenir la personne malade dans un minimum de confort. Les considérer comme un traitement, cela signifierait que la personne qui ne peut plus déglutir serait considérée comme sous traitement, et on pourrait parler ensuite d’obstination déraisonnable.

2. Il est pertinent d’encourager la rédaction de directives anticipées. Mais elles ne doivent être qu’un simple élément parmi d’autres à prendre en compte et elles ne devraient pas avoir le caractère contraignant que la proposition de loi voudrait imposer à l’équipe médicale. Elles ne sont pas paroles d’Évangile qu’on voudrait privilégier sur l’avis de ceux qui s’occupent de la personne en fin de vie au jour le jour. Surtout si les directives anticipées ont été rédigées quand la personne était bien-portante. La volonté des patients est très fluctuante et les changements de perspectives très fréquents.

Merci au gouvernement, s’il tient vraiment au consensus sur ce sujet qui touche à l’intime, de tenir compte de ces deux réserves et bravo pour cette consultation dont le principe me paraît prometteur de plus de démocratie.


Près de 8 000 contributions des citoyens

Comme près de huit mille citoyens (au moins 7 788 au 13 février 2015), n’hésitez pas à faire part de vos remarques, témoignages, commentaires auprès des parlementaires. Il ne vous reste plus que ce week-end pour le faire. C’est à ce lien.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (14 février 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La consultation participative du Palais-Bourbon.
La proposition de loi n°2512 (texte intégral).
Le débat sur la fin de vie à l'Assemblée Nationale du 21 janvier 2015.
Les directives anticipées.
L'impossible destin.
La proposition Massonneau.
Présentation du rapport Claeys-Leonetti (21 janvier 2015).
Le rapport Claeys-Leonetti du 12 décembre 2014 (à télécharger).
Vidéo de François Hollande du 12 décembre 2014.
Rapport du CCNE sur le débat public concernant la fin de vie du 21 octobre 2014 (à télécharger).
Le verdict du Conseil d'État et les risques de dérives.
Le risque de la GPA.
La décision du Conseil d'État du 24 juin 2014 (texte intégral de la déclaration de Jean-Marc Sauvé).
L'élimination des plus faibles ?
Vers le rétablissement de la peine de mort ?
De Michael Schumacher à Vincent Lambert.
La nouvelle culture de la mort.
La dignité et le handicap.
Communiqué de l'Académie de Médecine du 20 janvier 2014 sur la fin de vie (texte intégral).
Le destin de l'ange.
La déclaration des évêques de France sur la fin de vie du 15 janvier 2014 (à télécharger).
La mort pour tous.
Suicide assisté à cause de 18 citoyens ?
L’avis des 18 citoyens désignés par l’IFOP sur la fin de vie publié le 16 décembre 2013 (à télécharger).
Le Comité d’éthique devient-il une succursale du PS ?
Le site officiel du Comité consultatif national d’éthique.
Le CCNE refuse l’euthanasie et le suicide assisté.
François Hollande et le retour à l'esprit de Valence ?
L’avis du CCNE sur la fin de vie à télécharger (1er juillet 2013).
Sur le rapport Sicard (18 décembre 2012).
Rapport de Didier Sicard sur la fin de vie du 18 décembre 2012 (à télécharger).
Rapport de Régis Aubry sur la fin de vie du 14 février 2012 (à télécharger).
Rapport de Jean Leonetti sur la fin de vie du 28 novembre 2008 (à télécharger).
Loi Leonetti du 22 avril 2005 (à télécharger).
Embryons humains cherchent repreneurs et expérimentateurs.
Expérimenter sur la matière humaine.
La découverte révolutionnaire de nouvelles cellules souches.
Euthanasie : les leçons de l’étranger.
Euthanasie, le bilan d’un débat.
Ne pas voter Hollande pour des raisons morales.
Alain Minc et le coût des soins des très vieux.
Lettre ouverte à Chantal Sébire.
Allocation de fin de vie.


(Les deux tableaux en illustration sont de Salvador Dali).

yartiFinDeVie2015AB02



http://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/la-proposition-de-loi-claeys-163596

 




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11 février 2015 3 11 /02 /février /2015 18:25

Alimentation, hydratation, directives anticipées

Je ne suis pas convaincu de la nécessité d’une nouvelle loi sur la fin de vie dès lors que l’actuelle loi du 22 avril 2005 n’est pas encore assez connue ni assez appliquée. Il faudrait plutôt débloquer massivement des moyens budgétaires pour développer les soins palliatifs, notamment à domicile.

Néanmoins, je salue le gouvernement et les parlementaires de leur volonté sincère d’aborder ce débat très sensible dans un esprit d’écoute et de rassemblement, loin d’un cadre dogmatique soumis aux pressions des plus revendicatifs.

La dignité se mesure plus dans le regard que portent les bien-portants que dans la faiblesse et les incapacités des personnes en fin de vie dans la mesure où chaque être humain est porteur intrinsèquement de la dignité humaine. Je l’écris en ayant vécu la fin de trois êtres chers dont deux, par un sourire permanent, ont rayonné de leur amour de la vie pendant leurs derniers mois d’existence, malgré leurs graves incapacités.

Il y a d’autres mots qui peuvent blesser. Au nom de quels principes, ou de quels critères, le législateur serait-il compétent pour juger de l’utilité ou de l’inutilité d’un maintien en vie ? Jusqu’à quel point une vie est inutile ? En quoi les inactifs, malades, personnes handicapées seraient-ils utiles ou inutiles à la société ? Ces considérations me paraissent effrayantes.

La proposition de loi n°2512, qui répondrait à une supposée attente de "l’opinion publique", serait toutefois acceptable, à mon sens, à la condition de retirer deux dispositions qui m’ont beaucoup choqué et qui semblent choquer aussi un certain nombre de contributeurs sur ce site.

1. L’alimentation et l’hydratation artificielles ne peuvent pas être considérées comme un traitement, ce sont des soins élémentaires au même titre que l’hygiène pour maintenir la personne malade dans un minimum de confort. Les considérer comme un traitement, cela signifierait que la personne qui ne peut plus déglutir serait considérée comme sous traitement, et on pourrait parler ensuite d’obstination déraisonnable.

2. Il est pertinent d’encourager la rédaction de directives anticipées. Mais elles ne doivent être qu’un simple élément parmi d’autres à prendre en compte et elles ne devraient pas avoir le caractère contraignant que la proposition de loi voudrait imposer à l’équipe médicale. Elles ne sont pas paroles d’Évangile qu’on voudrait privilégier sur l’avis de ceux qui s’occupent de la personne en fin de vie au jour le jour. Surtout si les directives anticipées ont été rédigées quand la personne était bien-portante. La volonté des patients est très fluctuante et les changements de perspectives très fréquents.

Merci au gouvernement, s’il tient vraiment au consensus sur ce sujet qui touche à l’intime, de tenir compte de ces deux réserves et bravo pour cette consultation dont le principe me paraît prometteur de plus de démocratie.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (11 février 2015)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin.


Consultation des citoyens :

http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-125513028.html

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