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3 octobre 2015 6 03 /10 /octobre /2015 23:00

(verbatim)


Discours complet de M. Bernard Cazeneuve du 3 octobre 2015 à la cathédrale de Strasbourg
 

Monsieur le Préfet,
 Monsieur l’archevêque de Strasbourg,
 Mesdames Messieurs,

Je tiens à remercier La Vie pour cette invitation qui me permet de contribuer aux « Etats généraux du Christianisme » et qui m’offre l’occasion de m’exprimer pour la deuxième fois en deux semaines, dans l’enceinte même d’une cathédrale.

Le 20 septembre dernier en effet, le diocèse de Créteil m’a fait l’honneur et l’amitié de me convier à la dédicace de sa cathédrale, la première du XXIème siècle dans notre pays. J’ai éprouvé la sérénité de ce lieu. J’ai admiré la beauté de sa voute contemporaine se dressant dans le ciel d’Ile-de-France. J’ai senti ce jour-là notre assemblée, où se mélangeaient pourtant les clercs, les laïcs, les croyants de toutes les confessions mais aussi les incroyants, saisie par une authentique émotion à l’idée que notre pays était encore capable d’édifier de tels monuments, signes visibles de l’invisible, et de prolonger ainsi le fil d’une histoire vieille d’un millénaire.

Me voici donc placé aujourd’hui à l’autre extrémité de cette histoire, en quelque sorte, au sein de cet édifice grandiose, qui incarne depuis mille ans le destin tourmenté de l’Alsace, de la France et de l’Europe, leurs prouesses comme leurs épreuves. Aucun Français ne peut contempler sa flèche sans se souvenir du « serment de Koufra » que Leclerc fit prêter aux soldats de l’armée d’Afrique, ni de la « Proclamation aux habitants de Strasbourg » qu’il adressa au lendemain de la libération de cette ville, le 23 novembre 1944 : « Pendant la lutte gigantesque de quatre années menée derrière le générale de Gaulle, la flèche de notre cathédrale est demeurée notre obsession. »

Pourtant, ce lieu par excellence de notre mémoire nationale porte aussi la marque d’autres histoires, la trace d’autres rites. C’est ici que l’empereur Frédéric Barberousse reçut en 1187 les légats de Grégoire VIII chargés de recruter les croisés. C’est ici que Goethe eut la révélation de ce qui constituait à ses yeux, de la façon la plus caractéristique, le génie de l’art allemand. Eglise-mère des catholiques d’Alsace, cette cathédrale devint une église luthérienne sous la Réforme, pendant près d’un siècle, et fut même temple de la déesse Raison sous la Révolution française. Durant l’annexion nazie, elle fut désaffectée pour devenir le panthéon de divinités germaniques. Elle est désormais l’incarnation de la réconciliation franco-allemande avec le fameux vitrail de la paix qui orne l’abside et fut offert par le Conseil de l’Europe en 1956.

Il est donc impossible de s’exprimer en ce lieu sans ressentir une vive émotion, sans percevoir le souffle de l’histoire. Une telle disposition d’esprit n’est pas mauvaise, dès lors que nous nous attachons, comme vous m’y invitez, à mesurer nos responsabilités collectives face aux enjeux du moment. Il me semble du reste que le thème du « vivre-ensemble », que vous avez placé au cœur de vos réflexions, constitue dans la période troublée que connaît notre pays une interrogation et un défi qui s’adressent aussi bien aux Eglises qu’aux responsables politiques.

Années après années, vous réfléchissez à la juste place des chrétiens dans la société, à leurs engagements dans le monde d’aujourd’hui.

Permettez-moi de commencer par vous dire à mon tour que je crois que les chrétiens ont en effet un rôle essentiel à jouer, aux côtés des croyants d’autres confessions, dans le traitement des maux que connaît notre société anxieuse, éreintée par le chômage, inquiète des mutations du monde qui l’entoure, profondément en quête de sens. A mes yeux, les valeurs qu’ils défendent contribuent tout particulièrement à la cohésion sociale, car elles rejoignent celles du pacte républicain.

Cette proximité spirituelle entre la République et l’Eglise, paradoxale au premier abord, avait bien été soulignée par le pape Jean-Paul II dans sa célèbre homélie au Bourget en 1980 : «On sait la place que l’idée de liberté, d’égalité et de fraternité tient dans votre culture, dans votre histoire. Au fond, observait Jean-Paul II, ce sont-là des idées chrétiennes. Je le dis tout en ayant bien conscience que ceux qui ont formulé ainsi, les premiers, cet idéal, ne se référaient pas à l’alliance de l’homme avec la sagesse éternelle. Mais ils voulaient agir pour l’homme. »

Certes, notre histoire contemporaine, tout au long du 19ème siècle notamment, a pu témoigner des difficultés éprouvées par les catholiques français à embrasser sans réserve l’héritage révolutionnaire, tant les séquelles de la constitution civile du clergé et le souvenir des années qui ont suivi restèrent vivaces. La République elle-même ne fit pas toujours preuve de tolérance à l’égard d’une Eglise perçue comme un redoutable adversaire, plutôt que comme une source d’inspiration dans la recherche du bien public.

L’histoire politique ne doit cependant pas nous dissimuler  la réalité de certaines filiations. Certes, notre devise républicaine s’adresse à ceux qui croient au ciel, comme ceux à qui n’y croient pas. Pour autant, comme le relevait Jean-Paul II, notre devise nationale, « liberté, égalité, fraternité » rejoint bien à certains égards le message évangélique.

Pour prendre le premier membre de notre devise nationale, il est bon de rappeler que sous la Révolution française on pouvait lire à Strasbourg sur le pont qui enjambe le Rhin : « Ici commence le pays de la liberté ». Or la grande tradition chrétienne, avec St Thomas d’Aquin notamment, avait décliné l’idée de la liberté des enfants de Dieu, de l’émancipation des tyrannies, de la primauté de la loi d’amour du Christ sur les pesanteurs passées. Des figures telles que celle du Pasteur Dietrich BONHOEFFER ont magnifiquement témoigné de cet amour chrétien de la liberté, acceptant de subir le martyre plutôt que d’abdiquer face à la barbarie nazie.

De même, quand Saint Paul écrit aux Galates : « Il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un », comment ne pas y voir la racine première de l’égalité républicaine de tous devant la loi ?

Quant à la fraternité républicaine, elle est l’expression politique de la grande question biblique “Qu’as-tu fait de ton frère?”.

Cette fraternité, les chrétiens de tous les âges ne la vivent pas de façon abstraite. Ils constituent une communauté au service de leur prochain. Leur action, celle des Eglises et des associations qu’elles inspirent, est animée depuis toujours par le souci de secourir les déshérités. Je veux rendre à ce titre un hommage sincère à l’action qu’ils mènent au service des sans-abri, à l’aide matérielle et spirituelle qu’ils apportent aux handicapés, aux malades, aux personnes âgées remisés aux périphéries de nos sociétés. S’il revient avant tout à l’Etat de lutter contre la misère, les chrétiens s’emploient au quotidien à prendre leur part de cette mission.

Je pense également, bien entendu, à l’engagement qu’ont manifesté catholiques et protestants dans l’accueil des migrants depuis plusieurs mois. Ils se sont situés dans la tradition du christianisme social, défenseur des plus pauvres et des plus faibles et ont répondu aux exhortations du pape FRANCOIS, appelant l’Eglise et les chrétiens à se rapprocher des « périphéries existentielles ».

Faire vivre les valeurs républicaines, qui sont aussi largement celles de l’évangile, constitue pour moi l’une des clés de ce renouveau que vous appelez de vos vœux. Même si elle est marquée par la sécularisation comme tous les pays occidentaux, même si elle a accueilli sur son sol les croyants de toutes confessions, qui contribuent eux aussi à sa richesse culturelle, la France est historiquement un pays de tradition chrétienne. Comment donc les Français pourraient-ils faire société en négligeant cet engagement des chrétiens ? Réciproquement, comment les chrétiens français pourraient-ils vivre leur engagement sans être conscients et fiers de défendre également les valeurs de la République ?

Je n’ignore pas qu’en tenant de tels propos, je m’expose aux critiques de ceux qui estiment que la laïcité consiste pour l’Etat et ses représentants à ignorer l’existence du fait religieux, à redouter ses effets ou même à restreindre son expression dans l’espace public.

Telle n’est pas ma conception. Telle n’était pas non plus la conception des inspirateurs de la loi de 1905, je pense à Aristide BRIAND ou à Jean JAURES, qui désiraient une loi d’apaisement. A leur suite, je suis convaincu que la laïcité est avant tout un principe juridique de neutralité religieuse, qui s’impose à l’Etat et à ses représentants. Ce principe a ainsi pour finalité de garantir à chacun le droit de croire ou de ne pas croire, ainsi que, pour le croyant, le droit d’exercer son culte dans des conditions dignes et paisibles. « La Laïcité, comme l’a très bien dit Emile POULAT, c’est une société qui donne place à tous. »

Je suis donc également convaincu que l’Etat n’a pas à ériger la laïcité en hostilité contre la religion. Pour ne citer que quelques exemples récents, je suis préoccupé par l’attitude de certains élus locaux qui s’efforcent d’empêcher l’ouverture des lieux de culte, lorsque la religion que l’on y professe n’est pas de leur goût, et qui multiplient les manœuvres dilatoires pour faire obstacle à l’exercice d’un droit protégé par la constitution : la liberté de culte. Je n’ai pas non plus de bienveillance pour les élus qui invoquent la laïcité pour pénaliser certains Français en raison de leur religion,  qui voudraient interdire à des femmes portant un simple foulard l’accès à des plages publiques, ou à des enfants de pouvoir bénéficier de menus de substitution dans les cantines scolaires. Enfin, je me suis bien entendu indigné lorsque le principe de laïcité a été invoqué, de façon inepte, pour interdire une campagne faisant la publicité d’un concert au profit des Chrétiens d’Orient en danger.

Je ne vous surprendrai donc pas en vous disant que la laïcité républicaine, telle qu’elle figure dans nos textes, telle qu’elle est déclinée concrètement par nos juridictions, n’est pas à mes yeux très éloignée de la définition qu’en donnait Jean-Paul II, en parlant de la France : « La laïcité laisse à chaque institution, dans la sphère qui est la sienne, la place qui lui revient, dans un dialogue loyal en vue d’une collaboration fructueuse pour le service de tous les hommes. Une séparation bien comprise entre l’Église et l’État conduit au respect de la vie religieuse et de ses symboles les plus profonds, et à une juste considération de la démarche et de la pensée religieuse ».

La laïcité n’interdit ni le dialogue, ni le respect mutuel entre l’Etat et les responsables des cultes. Je suis personnellement très attaché à ce dialogue, dont la forme la plus simple réside dans les visites qu’un ministre de la République peut rendre aux fidèles des diverses confessions dans des moments de fête ou de recueillement. C’est ainsi que je me suis rendu la semaine passée à la synagogue, à l’occasion de Yom Kippour, et le lendemain à la Moquée de Cherbourg pour la fête de l’Aïd-El-Kebir. Tout comme j’ai pu assister à l’office protestant qui est célébré chaque été sous les châtaigniers lors de l’Assemblée du désert à Mialet, dans le Gard ; et à la messe de Noël de la paroisse syro-chaldéenne de Saint-Thomas l’Apôtre, à Sarcelles, au moment où notre pays exprimait sa solidarité à l’égard des chrétiens d’Irak victimes de terribles persécutions. L’évocation des camisards, qui fait aujourd’hui écho à d’autres persécutions, nous rappelle que le combat pour la liberté de conscience et la liberté religieuse doit être mené de manière inlassable.

Naturellement, ce dialogue peut aussi prendre des formes plus institutionnelles. Une instance de dialogue très utile existe ainsi entre l’Etat et l’Eglise de France, depuis 2000, et j’ai souhaité plus récemment créer, sous une forme un peu différente, un forum d’échange régulier avec l’Islam de France. Ces rencontres sont l’occasion d’examiner les problèmes très concrets que peut poser aujourd’hui l’exercice du culte dans le cadre de la laïcité, mais aussi d’échanger sur des sujets philosophiques ou sociaux. Chacun, je crois, en retire un réel bénéfice.

De façon plus exceptionnelle, à l’été 2014, le Président de la République a réuni la conférence des responsables des cultes de France – qui réunit les églises chrétiennes, mais aussi les cultes israélite, musulman et bouddhiste - à la suite des graves incidents antisémites qui avaient marqué certaines manifestations, pour examiner avec eux les moyens de faire cesser l’expression de cette haine insupportable. Plus récemment, j’ai invité les mêmes responsables à me retrouver place Beauvau pour évoquer la crise migratoire que connaît notre pays, ainsi que d’autres pays d’Europe, et pour répondre au mieux aux généreuses propositions d’accueil des réfugiés émanant des fidèles des différentes confessions et de leurs organisations caritatives.

Il me semble que la conscience de la dureté des temps, à laquelle nous ont  rappelés avec fracas les attentats du mois de janvier, donne un prix particulier à ce dialogue. Dans le malheur qui l’a frappé, notre pays a vécu en effet un moment exceptionnel d’union nationale et de fraternité. Toutes les forces spirituelles et morales se sont mobilisées. De nombreux responsables religieux ont su trouver les mots justes et exprimer en notre nom les sentiments mêlés de compassion, de résolution, de cohésion que nous avons tous ressentis alors.

Les terroristes qui nous menacent ont la volonté obstinée de susciter en Europe des guerres de religion, à la mesure de celles qu’ils livrent avec une cruauté inouïe au Proche-Orient. Il est donc essentiel que les Eglises puissent dans cette circonstance faire entendre leur message de tolérance et de paix. Elles ont l’autorité morale nécessaire pour dénoncer simultanément les crimes de DAESH et les tentatives odieuses qui sont à l’œuvre pour faire porter le soupçon sur nos compatriotes musulmans. Leurs voix doivent porter, car elles apportent la preuve que le combat que nous livrons n’est pas « une guerre entre les civilisations », mais le combat de toutes les civilisations, autrement dit  de la civilisation humaine, contre la barbarie.

Je ne vous cacherai pas, cependant, que l’état de notre société, y compris dans la relation qu’elle entretient avec la religion, m’inspire des sujets d’inquiétude. Vous les partagez sans doute.

C’est pourquoi je suis mobilisé, bien évidemment, lorsque je vois que de jeunes Français, de toutes conditions, de toutes origines, élevés dans les écoles de la République, se laissent séduire par l’idéologie barbare et mortifère de DAESH et s’engagent en Syrie et en Irak dans un combat sans issue, mené au nom d’une conception dévoyée de la religion. Et je suis mobilisé également, lorsque d’autres jeunes Français choisissent de s’exclure délibérément de la société pour pratiquer leur religion dans des conditions telles qu’elle les amène à rejeter les valeurs de la République : la tolérance à l’égard des convictions d’autrui, l’égalité homme-femme, le respect des lois et de la justice. Je suis vigilant et déterminé lorsque des prédicateurs enseignent à de jeunes enfants la détestation de la musique.

Je suis aussi résolument engagé lorsque je constate les ravages nés de l’intolérance, du racisme, de l’antisémitisme, de la haine de l’autre. Depuis que j’ai pris mes fonctions, j’ai été frappé en effet par la progression très forte et continue depuis plusieurs années des actes visant les lieux de culte et parfois les fidèles, de toutes confessions. Le nombre des actes antisémites a ainsi doublé en France au cours de l’année 2014 et représente plus de la moitié des actes de haine raciale ou religieuse constatés. Les actes antimusulmans ont connu une poussée sans précédent au mois de janvier dernier et demeurent à un niveau tristement élevé. Cinquante actions ont visé des mosquées depuis lors, parfois de façon extrêmement violente : la mosquée d’Auch a ainsi été détruite par un incendie d’origine criminelle. Cela n’est pas supportable.

Cette violence n’épargne pas le christianisme. La grande majorité des dégradations commises contre des édifices religieux concerne des églises et des cimetières chrétiens, ne serait-ce que parce notre histoire fait qu’ils sont de très loin les plus nombreux. Mais au-delà de ces faits tristement récurrents, il y a une haine qui monte, de nature différente. Le projet d’attentat qui a été déjoué à Villejuif il y a peu visait précisément des églises, démontrant que celles-ci pouvaient être la cible de DAESH en Europe – et non pas seulement en Syrie et en Irak.

Face à ces tensions et à ces menaces, nous agissons chaque jour par une mobilisation exceptionnelle de l’Etat et de ses forces de sécurité. Vous savez que le Gouvernement fait protéger depuis le mois janvier des milliers de mosquées, de synagogues et d’églises, ainsi que des écoles confessionnelles et des centres communautaires. Des crédits ont été prévus afin de financer des équipements de sécurité pour ces sites sensibles de toutes confessions. C’est également pourquoi le Gouvernement a lancé un plan triennal, doté de 100M€, afin de lutter contre le racisme et l’antisémitisme. J’ai pour ma part donné instruction aux préfets de saisir systématiquement les procureurs de la République de tous les actes racistes, antisémites, antimusulmans, antichrétiens, dont ils auraient connaissance. Jamais la République n’acceptera que l’on puisse s’attaquer aux habitants de ce pays en raison de leurs origines, de leurs religions ou de leurs croyances ; sans quoi, elle ne serait plus la République.

Mais comment réagir lorsque les tensions naissent des propos et des attitudes de ceux-là mêmes qui devraient veiller à faire prévaloir la concorde et l’unité des citoyens ? Certes, notre pays a connu par le passé des périodes de tensions autour de la question religieuse. Sans remonter aux guerres de religion, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la question des inventaires en particulier, a engendré des désordres et des violences. Pourtant, face aux drames qui ont accompagné cette période, CLEMENCEAU disait sagement : « Nous trouvons que la question de savoir si l’on comptera ou ne comptera pas les chandeliers dans une église ne vaut pas la mort d’un homme. »

Je suis donc inquiet lorsque je constate que certains responsables politiques, ou d’autres qui portent une parole publique et  qui devraient avoir pour première ambition d’apaiser les tensions qui minent notre société, choisissent de les attiser par des propos hâtifs, haineux ou simplement stupides, qui blessent tel ou tel groupe de nos concitoyens. Je suis inquiet lorsque des maires déclarent qu’ils n’accueilleront des réfugiés dans leurs communes qu’après avoir fait le tri parmi eux, selon qu’ils pratiquent une bonne ou une mauvaise religion. Je suis inquiet lorsque les pratiques du discours politique font que l’approximation l’emporte sur l’observation lucide des faits, l’amalgame sur le  discernement, l’arrogance sur le respect que l’on doit aux opinions d’un adversaire. Je suis inquiet lorsque j’observe qu’Internet, cet extraordinaire outil d’échange et de diffusion de la connaissance, sert également à l’expression sans limite des haines, des rumeurs sans fondement, des propagandes outrancières, des prédications mortifères, des agressions et des injures lâchement anonymes.

Je suis inquiet, enfin, lorsque je vois délaissée cette valeur cardinale qu’est le respect.

Dans cette cathédrale qui est l’un des cœurs vivants de l’âme alsacienne, je ne veux pourtant pas poursuivre mon propos sans vous dire qu’il  est également des raisons d’espérer et de croire en ce « renouveau » que vous appelez de vos vœux.

Cette cathédrale est en effet un lieu propice à l’espoir. En raison de son histoire, elle est un symbole extrêmement fort de paix et de fraternité, une leçon silencieuse et vivante pour tous. Elle nous montre que la tolérance et la concorde finissent par prévaloir sur la barbarie et sur la folie des hommes.

La Fraternité est ici un mot qui prend tout son sens et le modèle alsacien montre que la fraternité passe par le dialogue. La République laïque, si elle n’a pas à connaître des débats théologiques entre les croyants, s’intéresse au dialogue inter-religieux, en tant qu’il favorise la concorde et la paix civile. L’Alsace en est un terreau fécond. On sait l’ardeur déployée par les évêques alsaciens, qui furent des acteurs engagés et décisifs du concile Vatican II, dont on célèbre le cinquantième anniversaire cette année. Mgr Jean-Julien WEBER et Mgr Léon-Arthur ELCHINGER ont beaucoup œuvré au rapprochement œcuménique avec les protestants, au dialogue judéo-chrétien. Je sais la qualité ici du dialogue entre responsables juifs et musulmans. Je souhaite qu’il puisse gagner tout le territoire national.

Mais la fraternité peut naturellement prendre d’autres formes. Sans céder à aucune forme d’irénisme, je crois qu’il y a dans ce pays une richesse humaine qui ne demande qu’à s’employer et que chaque moment de crise vient révéler. Les moments les plus sombres de l’année écoulée ont ainsi été pour moi simultanément des occasions de découvrir de magnifiques figures de la fraternité, des femmes et d’hommes, qui se sont signalés par leur héroïsme tranquille, leur sens du devoir, leur générosité et leur dévouement à autrui.

Comment ne pas mentionner les noms de Frank BRINSOLARO, d’Ahmed MERABET, de Clarissa JEAN-PHILIPPE ? Trois policiers tombés victimes du devoir les 7 et 8 janvier, sous les balles des terroristes. Un descendant d’immigré italien, mort les armes à la main en tentant de protéger les journalistes de Charlie-Hebdo, qui étaient devenus ses amis. Un policier franco-algérien, dont toute l’ambition avait été de rejoindre la police nationale pour assurer la protection de ses concitoyens et qui est mort en tentant, seul, d’empêcher la fuite des tueurs. Une policière municipale, stagiaire, venue des Antilles pour effectuer sa formation en région parisienne, qui aspirait elle aussi à aider les autres, froidement abattue. Ils étaient le visage de la France.

Comment ne pas évoquer également le nom de Lassana BATHILY, employé malien du magasin « Hyper Cacher », qui a réussi le 9 janvier à faire échapper au terroriste qui les avaient pris en otages une partie des clients menacés ? Interrogé par les journalistes, qui s’étonnaient parfois un peu naïvement de la présence d’un employé musulman au sein d’un magasin cacher, c’est à la fraternité humaine qu’il en a appelé pour expliquer son geste spontané : « On est des frères. Ce n’est pas une question de juifs, de chrétiens ou de musulmans. Il fallait qu’on s’aide pour sortir de cette crise. » Et comment ne pas citer son ami et collègue de travail Yohan COHEN, mort à vingt ans pour s’être comporté en héros ce jour-là, abattu par Amédy COULIBALY au moment où il tentait de s’emparer de l’arme du tueur ?

Parmi les raisons d’espérer, il y a donc la présence parmi nous de ces héros modestes, révélés par des circonstances exceptionnelles ou par le choix d’une profession où l’on accepte d’exposer sa vie au service de la collectivité : les militaires, les policiers, les gendarmes, les sapeurs-pompiers.

Mais il y a aussi, de façon quotidienne, les manifestations de générosité et de civisme qui sont le fait de tant de nos concitoyens anonymes. Il y a, par exemple, les offres spontanées d’hébergement que reçoivent les mairies et des préfectures de la part de Français qui sont pris de compassion face au drame des migrants qui cherchent l’asile sur notre sol et qui veulent contribuer à leur porter secours. Il y a les centaines de communes qui se sont portées volontaires pour les accueillir et que j’ai réunies à Paris voici deux semaines. Il y a tout le réseau des associations, d’inspiration religieuse aussi bien que laïques, qui se mobilisent face à l’urgence.

Au nombre des raisons de croire à la vitalité de notre société, je compterai également le grand nombre des étrangers, vivant parmi nous, qui souhaitent chaque année rejoindre la communauté nationale, par la naturalisation ou par mariage. Ils étaient 77 000 l’an passé. Car la citoyenneté en France est ouverte à tous ceux qui ont la volonté de la rejoindre, qui partagent ses valeurs et vivent selon ses règles.  Selon cette conception, comme l’a dit le général de Gaulle : « Est Français quiconque souhaite que la France continue.»

Etre Français, ce n’est donc pas forcément naître en France, ce n’est pas professer une religion plutôt qu’une autre, ce n’est pas avoir le français pour langue maternelle, ce n’est pas avoir la peau d’une certaine couleur. C’est adhérer à des valeurs, à une histoire et à un projet commun. Mais vous le savez mieux que personne, ici, à Strasbourg, dans cette ville et dans cette région dont les habitants furent autrefois séparés de force de la France au nom d’une conception racialiste de la communauté.  Comme le disait déjà Renan avec force : En dehors des caractères anthropologiques, il y  la raison, la justice, le vrai, le beau, qui sont les mêmes pour tous. »

Parvenu, au terme de ce propos, vous aurez compris quelle réflexion m’inspire l’état de notre pays. La France n’est pas à mes yeux ce pays exsangue, divisé, désorienté, tournant le dos à son passé, dont trop de commentateurs nous décrivent paresseusement, ouvrage après ouvrage, le déclin.

Au mois de janvier dernier, la réponse qu’a apportée la société française aux défis du terrorisme et la résolution qu’elle a mise à défendre ses libertés menacées, n’ont pas seulement démontré sa vitalité, elles ont forcé l’admiration du monde entier.

Je crois donc profondément que notre société recèle en son sein des trésors de dynamisme et de générosité, à l’image des héros du quotidien dont j’ai voulu tracer le portrait. Elle est, à bien des égards, très en avance sur nombre de ceux qui aspirent à diriger son destin mais qui négligent les exigences de vérité et de rigueur que les Français sont en droit d’attendre d’eux.
  Mais notre société a besoin d’apaisement. Elle a besoin de fraternité. Elle a besoin de respect. Elle a besoin de vérité. Elle a besoin qu’on lui fixe une ambition dans laquelle elle sache se reconnaître, parce qu’elle respectera les valeurs qui sont celles de la France depuis des siècles.

Un tel projet peut réunir tous les républicains authentiques. Il peut aussi rejoindre, me semble-t-il, les aspirations des chrétiens et des principales familles spirituelles de notre pays, également engagées dans la construction du bien commun.  Paul VI ne proclamait-il pas, à l’issue du Concile dont nous célébrons le cinquantième anniversaire : « Nous aussi, nous plus que quiconque, nous avons le culte de l’homme » ?

Je vous remercie.
  
Bernard Cazeneuve, Ministre de l'Intérieur
03 octobre 2015 à Strasbourg

 

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30 septembre 2015 3 30 /09 /septembre /2015 23:11

Les députés français sont amenés à débattre en seconde lecture de la proposition de loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie les 5 et 6 octobre 2015. La commission des affaires sociales s'est réunie le 30 septembre 2015 à ce sujet. Le rapport de cette commission est donc disponible sur Internet.

Cliquer sur le lien pour télécharger le rapport ainsi que ses deux annexes (fichiers .pdf) :
http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rapports/r3091.pdf
http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/ta-commission/r3091-a0.pdf
http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rapports/r3091-a1.pdf

Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20151005-loi-claeys-leonetti-2015AU.html

SR


 

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5 septembre 2015 6 05 /09 /septembre /2015 12:44

« Il y a une morale chrétienne, il y a une morale humaine qui impose des devoirs et reconnaît des droits. Ces devoirs et ces droits, tiennent à la nature de l’homme. (...) On peut les violer. Il n’est au pouvoir d’aucun mortel de les supprimer. Que des enfants, des femmes, des hommes, des pères et des mères soient traités comme un vil troupeau, que les membres d’une même famille soient séparés les uns des autres et embarqués pour une destination inconnue, il était réservé à notre temps de voir ce triste spectacle. Pourquoi le droit d’asile dans nos églises n’existe-t-il plus ? Pourquoi sommes-nous des vaincus ? (...) Ils font partie du genre humain. Ils sont nos Frères comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier. France, patrie bien aimée France qui porte dans la conscience de tous tes enfants la tradition du respect de la personne humaine. France chevaleresque et généreuse, je n’en doute pas, tu n’es pas responsable de ces horreurs. » (lettre de Mgr Jules-Géraud Saliège, archevêque de Toulouse, le 23 août 1942).


_yartiRefugies2015B04

Nous sommes dans une société de communication où l’image vaut plus que toutes les dissertations. Il a fallu donc une photo particulièrement émouvante prise par une journaliste d’une agence de presse turque au petit matin du 2 septembre 2015 sur une plage turque, près de Bodrum, pour commencer à secouer le monde, et en particulier l’Europe. La Turquie a accueilli sur son sol déjà environ deux millions de réfugiés.

Une famille décimée venant d’une embarcation pour parcourir trois miles et atteindre une île grecque, sésame d’une nouvelle vie. Le vent l’a fait échouer et Aylan (3 ans), son frère (5 ans) et leur mère (27 ans) ont péri noyés. Tous les trois ont été enterrés ce vendredi 4 septembre 2015 par leur père à leur ville d’origine, Kobané, qu’ils avaient fuie. Douze personnes en tout sont mortes sur leur bateau et quatre passeurs ont été arrêtés (le capitaine avait déserté la barre).

_yartiRefugies2015B03

La photo met juste une image à ce qu’on sait depuis plusieurs années, à savoir les dizaines, peut-être centaines de milliers de morts noyés dans la Méditerranée au cours de leur traversée. Aylan ne serait pas un enfant, ne serait pas un Syrien, ne serait qu’un migrant économique que cela ne changerait pas fondamentalement les choses.

Ce que j’expliquais en début de semaine, c’est que c’est au nom des valeurs de l’Europe qu’il faut aider ces réfugiés à sauver leur vie, à protéger leur vie, leur être. Et c’est paradoxal que ce soit ceux qui ont peur de perdre leur identité, et donc, de perdre ces valeurs, qui refuseraient l’hospitalité. J’invite les lecteurs à lire l’appel de l’excellent blogueur Koztoujours à sauver "l’âme française".

_yartiRefugies2015B01

Je passe sur la spécificité des médias français par rapport aux autres du monde, qui préféraient mettre en une le blocage routier des agriculteurs à Paris plutôt que la mort du petit Aylan (j’en ai moi-même été affecté, mais comment oser mettre en parallèle les problèmes, réels des agriculteurs, même la gène des automobilistes franciliens, avec la fragilité de tant de vies humaines, parfois des bébés ?).

Sur iTélé, le journaliste Jospeh Macé-Scaron expliquait le 3 septembre 2015 que beaucoup de journalistes étaient en overdose d’images et de vidéos choquantes (lui-même affirme devoir visionner toutes les vidéos glauques et infectes du Daech pour faire son métier) et que cette photo d’Aylan ne leur paraissait pas plus choquante qu’une autre. Daniel Schneidermann l’a très bien résumé : « Cette incapacité à saisir, quand il passe, l’instant décisif, cette hantise de tout journaliste : et si je m’étais trouvé place de la Bastille, le 14 juillet 1789, aurais-je moi-même pris immédiatement la mesure de l’événement, et immédiatement distingué cette journée révolutionnaire de toutes celles qui, depuis plusieurs semaines, l’avaient précédée ? » (4 septembre 2015). On pourrait aussi citer le début des révolutions arabes en décembre 2010 en Tunisie, et l’aveuglément d’une ministre française encore deux mois après.

La France, généreuse de tradition, est devenue frileuse depuis que le FN fait des scores à deux chiffres aux élections nationales. Tous les responsables politiques craignent le FN et son discours haineux contre l’immigration, au lieu de faire confiance avant tout à leurs valeurs, leurs valeurs fondamentales.

L’Allemagne a donné l’exemple en prenant en charge 800 000 réfugiés syriens. La Grande-Bretagne de David Cameron a suivi et va accepter des milliers de réfugiés supplémentaires. Enfin, la France bouge aussi. Je salue la décision de François Hollande le 3 septembre 2015 de proposer, en commun avec Angela Merkel, un "mécanisme permanent et obligatoire" d’accueil des réfugiés et de répartition équitable de la charge sur tout le territoire européen. Honte aux déclarations xénophobes et haineuses de certains responsables hongrois qui considèrent les réfugiés comme du bétail avarié dont ils ne sauraient pas quoi faire.

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Oui, c’est à la fois déprimant et prometteur. Déprimant qu’il faut une image choc pour faire agiter les consciences. Ce n’est pas nouveau. Les enfants affamés du Biafra en 1970, ou encore, Kim Phuc, la petite fille dénudée par une bombe au napalm ont, eux aussi, heurté la conscience collective. Prometteur, car c’est à l’échelle du monde village : cette diffusion spontanée dans les réseaux sociaux (sous la légende, en turc : "L’humanité échouée"), cette émotion spontanée propagée partout sur la planète est capable de faire plier les plus timorés, les plus hésitants, de faire bouger les indifférents et même les hostiles.

La France, très timide sur le droit d’asile, ne pouvait donc plus fermer les yeux car son "opinion publique" prompte certes à râler est capable aussi de s’émouvoir et d’être généreuse. Les manifestations spontanées à la suite des attentas de "Charlie Hebdo" l’ont montré.

L’événement, c’est donc bien cette photo, qu’elle a fait le tour du monde, qu’elle a éveillé les consciences les plus réticentes à l’ouverture. Or, cette prise de conscience des peuples, dans ce qu’ils ont de plus cher, c’est essentiel pour que leurs gouvernements fassent quelque chose et ne jouent pas à l’autruche en attendant que cela se calme.

C’est pour cela que j’ai trouvé François Hollande bon ce 3 septembre 2015, dans sa  déclaration d’autant plus pesée qu’il a insisté aussi pour rendre hommage aux victimes qui ne sont jamais photographiées, histoire de ne pas se focaliser sur une seule victime parmi des milliers.

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Or, son immobilisme depuis l’automne 2013 était particulièrement déconcertant. Son attentisme, encouragé par un Premier Ministre qui ne veut pas montrer de faiblesse sur le dossier de l’immigration, commençait à peser sur les consciences, au point que c’est Angela Merkel qui a dû, elle-même, elle, la responsable d’un pays qui a eu des soucis avec sa conscience morale il n’y a pas très longtemps, faire la leçon à la France, rappeler les valeurs humaines qui guidaient l’esprit européen et qui ont toujours inspiré tous les précurseurs d’une union européenne (à commencer par Victor Hugo).

L’hésitation de François Hollande ne relevait certes pas d’un problème idéologique (même si parfois, il a commis de réelles maladresses, comme dans sa décision au sujet de Leonarda), mais d’un enjeu électoraliste. Ce qui se joue aujourd’hui en France, c’est la bataille de "l’opinion publique". Jusqu’à cette photo, François Hollande n’avait pas osé engager le combat. Ce n’est plus cas aujourd’hui.

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Pour "Charlie Hebdo", il avait cru l’avoir gagnée, cette bataille, et en fait, il l’a finalement perdue. Là, l’enjeu est plus grave encore. C’est presque un véritable choix de société : acceptons-nous d’accueillir à court terme environ 120 000 réfugiés supplémentaires sur le territoire national sans donner sur un plateau d’argent la majorité absolue au FN dans un an et demi ? Car c’est cela, la vraie question, et l’Élysée y pense tout autant que l’opposition parlementaire.

La photo d’Aylan, bien malgré lui, sans oublier bien sûr sa tragique existence elle-même, devient alors un instrument efficace, presque une divine surprise, pour retourner l’opinion et convaincre que refuser l’accueil en urgence de ces milliers de réfugiés ne sera de toute façon pas de notre intérêt. Car qui sait si un jour, ce ne seront pas des Français eux-mêmes qui devront se réfugier ailleurs, en raison de perturbations climatiques ? Nul n’est vraiment à l’abri.

Il faut prendre cette image comme un détonateur, comme un catalyseur, comme une nécessaire gifle chez les timorés qui ont eu peur d’agir et de prendre des décisions rapides et peut-être impopulaires alors qu’ils sont au pouvoir. Il ne s’agit pas de savoir qui est responsable de cette situation. Il s’agit simplement d’aider immédiatement des personnes en danger de mort. La générosité publique semble s’activer au même titre que lors du tsunami de fin décembre 2004 par exemple.

Bref, Aylan, bien malgré lui, a réussi par sa présence même, par son absence plutôt, à devenir le symbole de l’horreur et un début de réponse. Aujourd’hui, l’accueil d’urgence semble être une donnée nouvelle que les gouvernements devront prendre en compte dans le court terme.

La question pratique, c’est : comment le gouvernement, les collectivités, associations et citoyens peuvent-ils aider concrètement ? Un site Internet propose déjà aux réfugiés des places dans des chambres d’ami inoccupées.

Ensuite, il restera encore à Aylan de se rendre lui-même au Conseil de sécurité des Nations Unies, comme le montre ce photomontage poignant, pour amorcer la réponse dans le long terme de cette catastrophe humaine, à savoir une intervention militaire internationale contre les troupes du Daech. Ce sera alors une guerre totale mais est-elle évitable alors qu’elle sévit déjà ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (5 septembre 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
L'humanité échouée.
L'exemple allemand.
Aylan invité au Conseil de sécurité de l'ONU.
Lettre de Mgr Saliège le 23 août 1942 sur la personne humaine (texte intégral).
Les Français sont-ils vraiment eurosceptiques ?
Chaque vie humaine compte.
Rouge de honte.
Les drames de Lampedusa.
L’Europe doit faire quelque chose.
L’humain d’abord.
L’immigration en Hollandie.
Une chance pour l‘Europe.
Les valeurs de la République.
Le gaullisme, c’est d’abord des valeurs.
Valeurs républicaines et patriotisme.

_yartiMigrants2015A05



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20150905-refugies-2015B.html

http://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/l-humanite-echouee-le-choc-de-la-171457

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/09/05/32579828.html

 

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3 septembre 2015 4 03 /09 /septembre /2015 02:48

 Un problème urgent à résoudre par la communauté internationale.

_blogAylanKurdiONU

(photomontage réalisé par un internaute).

SR (3 septembre 2015)





 





 

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3 septembre 2015 4 03 /09 /septembre /2015 02:46

Mgr Jules-Géraud Saliège était l'archevêque de Toulouse le 23 août 1942.

_blogSaliege19420823

SR


 

 

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2 septembre 2015 3 02 /09 /septembre /2015 06:57

« Les droits civils universels ont été jusqu’à présent étroitement liés à l’Europe et à son histoire, en tant que principe fondateur de l’Union Européenne. Si l’Europe échoue dans la crise des réfugiés, ce lien avec les droits civils universels sera rompu, il sera détruit et ce ne sera pas l’Europe que nous nous représentons, ce ne sera plus d’Europe dont nous devons toujours aujourd’hui développer le mythe fondateur. » (Angela Merkel, Berlin le 31 août 2015).


_yartiMigrants2015A01

De nouveaux drames des "migrants" qui tentent d’atteindre l’Europe se déroulent devant nos yeux. La mort des 71 personnes enfermées dans un camion retrouvé à Parndorf, en Autriche, le 27 août 2015, les près de 300 morts naufragés la veille au large de la Libye, etc. obligent les Européens à réfléchir sur un sujet particulièrement important et sensible, l’humain.


Vocabulaire

Je n’apprécie pas beaucoup l’expression "migrants" qui est un terme indéfini, vague et ambigu, car il peut confondre l’immigration économique, des personnes faisant le voyage pour trouver une vie plus aisée en Europe, avec le concept de réfugiés (politiques), des personnes qui fuient leur pays par nécessité vitale, car leur vie est mise en danger par des oppresseurs. Cependant, je garderai probablement ce mot de vocabulaire à défaut d’en trouver d’autres, meilleurs, ou par facilité.

Et puisque j’en suis à la sémantique, je déteste particulièrement l’emploi, pour ce sujet, de mots comme "vagues", "déferlantes", "rampants", "invasion", etc. qui confinent la personne humaine à un rang de catastrophe naturelle en lui retirant son caractère humain et même parfois, en lui collant un caractère parasitaire qu’il faudrait forcément éliminer (lire certains slogans actuels pour vendre des insecticides et penser à la Shoah, qui n’a pu se produire et qui ne pourrait se reproduire le cas échéant qu’en retirant le caractère humain aux victimes).


Nos valeurs en danger ?

Cela évoqué, le sujet qui bouscule les consciences et qu’on prend en pleine figure est pourtant une excellente occasion de voir de quoi sont capables "nos" valeurs, le "nos" se rapportant aux Français, peut-être aux Européens car finalement, elles sont les mêmes, elles sont même universelles, le "nos" pourrait se rapporter à l’ensemble de l’humanité.

Faisons paradoxalement cette réflexion : ce sont ceux qui ont le plus peur de leur perte d’identité, de la perte d’identité de la nation à laquelle ils appartiennent, qui ont peur de perdre leurs valeurs, qui sont les plus réticents à accueillir les réfugiés qui sonnent à notre porte, à leur porte. Pourtant, c’est le moyen le plus fort d’éprouver ces valeurs qu’ils défendent tant, que nous défendons tant. Et la première valeur, c’est la dignité humaine, la protection de la vie humaine, l’attention à l’humain. C’est donc plutôt aux noms de NOS valeurs que ces centaines de milliers de réfugiés nous demandent l’asile. Sonnent à notre porte et pas à celle du Qatar ou de l’Arabie Saoudite, par exemple.


La situation factuelle

Au-delà des drames personnels qui touchent au plus profond des cœurs, il y a des statistiques, froides mais tout aussi effrayantes. Celles que je donne proviennent de Melissa Fleming, la porte-parole du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) qui a tenu une conférence de presse le 28 août 2015 à Genève.

300 000 personnes ont traversé la Méditerranée au péril de leur vie pour aller en Europe depuis le 1er janvier 2015 : 110 000 ont débarqué en Italie, tandis que près de 200 000 (soit le double) ont débarqué en Grèce. En 2014, il y avait eu 219 000 migrants, ce qui fait que cette année, le "flux" (je n’aime pas trop ce mot non plus pour parler des personnes) a déjà plus que doublé. Le plus révoltant, au moins 2 500 personnes auraient péri ou disparu dans les eaux de la Méditerranée depuis huit mois au cours de leur funeste traversée, sans tenir compte des derniers drames évoqués plus haut. L’Union Européenne a de son côté sauvé plusieurs dizaines de milliers de vies humaines depuis le début de l’année dans ses opérations de sauvetage. C’est heureux, mais c’est insuffisant.

L’ONU est d’ailleurs assez attentive aux politiques nationales suivies dans ce domaine : « La plupart des personnes arrivant par la mer en Europe du Sud (…) proviennent de pays touchés par la violence et les conflits, comme la Syrie, l’Irak et l’Afghanistan. Physiquement épuisés et psychologiquement traumatisés, ils ont besoin d’une protection internationale. Le HCR a donc appelé tous les gouvernements concernés à fournir une réponse collective et à faire preuve d’humanité, conformément à leurs obligations internationales. ». Et dans les obligations internationales, il y a bien sûr le droit d’asile que j’étendrais en devoir d’asile lorsque la vie dans les pays d’origine est réellement en danger (ce qui est le cas dans les territoires contrôlés par le Daech).

Des points de friction se sont développés en Europe, en particulier à la frontière entre la Grèce et l’ex-République yougoslave de Macédoine, à la frontière entre la Serbie et la Hongrie, à la frontière franco-britannique sur le site d’Eurotunnel (neuf personnes sont mortes début juin 2015 et 2 000 ont cherché à traverser ainsi la Manche pendant la nuit en juillet 2015), et cela se passe même dans l’Arctique, à la frontière entre la Russie et la Norvège (150 personnes d’origine syrienne ont ainsi atteint les frontières de l’Europe, selon Hans Mollebakken, chef de la police norvégienne à Kirkenes).

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Le 25 août 2015 à Genève, François Crépeau, le Rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’Homme des migrants et demandeurs d’asile, a fait un état des lieux pas très positif de la réaction européenne : « N’allons pas prétendre que ce que font actuellement l’Union Européenne et ses États membres fonctionne. Les flux migratoires ne vont pas disparaître. La construction de clôtures, l’utilisation de gaz lacrymogène et d’autres formes de violence contre les migrants et demandeurs d’asile, la détention, l’obstruction d’un accès à des services de base tels que des abris, de la nourriture ou de l’eau, et l’utilisation d’un langage menaçant ou de discours haineux ne parviendront pas à empêcher les migrants de venir ou de tenter de venir en Europe. ».


Trois sujets

L’arrivée massive de nouveaux migrants en Europe constitue trois sujets politiques important, à très haute sensibilité électorale.

Le premier est le sujet récurrent sur l’immigration, en particulier l’immigration clandestine qu’il s’agit de combattre. Celle-ci, motivée essentiellement pour des raisons économiques, fait le beurre des populistes en Europe depuis plus d’un quart de siècle, et le fera tant que la crise économie perdurera.

Le deuxième est la protection et le sauvetage des personnes dans leur traversée périlleuse de la Méditerranée. Il est inadmissible et insupportable qu’autant de milliers de morts soient à déplorer. Les coupables sont bien sûr les passeurs qui font de ces personnes un commerce juteux. Ce sont des escrocs et des trafiquants et s’il est pénible d’imaginer ainsi s’enrichir en laissant mourir volontairement des centaines de personnes, c’est du même registre que les trafiquants d’armes ou les trafiquants de drogue. Il faut évidemment intensifier les opérations de sauvetage et agir en amont sur les passeurs pour empêcher le départ de navires trop vétustes pour assurer la sécurité des passagers et pour réduire ce trafic odieux.

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Mais même en résolvant ce problème qui a engendré des multiples tragédies dans la mer, on ne réduira pas la volonté des personnes à fuir leur pays. Comme le dit François Ernenwein dans "La Croix" du 17 juin 2015 : « Personne au monde ne renoncera à fuir une mort programmée. ». Ou encore Alain Juppé le 26 août 2015 : « Tant que des régions entières du monde seront dévastées par les guerres et des pays par des guerres civiles, que le terrorisme sévira à des degrés de barbarie inouïs, que la misère avilira des milliards de personnes, que les inégalités se creuseront entre riches et pauvres dans des proportions indécentes, rien ni personne n’empêchera des hommes, des femmes, des enfants de quitter leur terre et de courir tous les risques, la mort comprise, pour rejoindre ce qu’ils croient être l’Eldorado …à commencer par notre Europe. » (sur son blog).

C’est sur ce troisième sujet, éminemment politique, qu’il convient de réfléchir (je n’ai pas de solution) pour trouver une solution qui convienne autant aux réfugiés qu’aux populations des pays d’accueil.

En d’autres termes :


Que faire de tous ces réfugiés en Europe ?

Ce n’est évidemment pas facile d’accueillir sans préparation chaque année plusieurs milliers de personnes de culture différente. Pas qu’elle risque de "dissoudre" la population nationale, comme on peut lire parfois, car qu’est-ce que quelques centaines de milliers de personnes, sauvent sans ressource, face aux cinq cent millions d’Européens ? La dissolution est une peur du "grand remplacement" complètement stupide et il faut vraiment avoir peu confiance en soi, en sa propre identité pour croire qu’une si faible proportion de personnes puisse entraîner une si grande conséquence. C’est avant tout un leurre électoral. Ou plutôt, un appât électoral.

On pourra aussi toujours commencer par la formule choc : il faut agir dans les pays d’origine pour que les réfugiés n’aient plus envie ou besoin de partir. Mais il s’agit d’une considération politique, diplomatique voire militaire qui n’apporte, dans tous les cas, aucune solution immédiate. Or, c’est aujourd’hui que le problème se pose. Pas demain.

Certains avec raison ont rappelé que l’Europe, et en particulier la France avait accueilli les réfugiés espagnols réprimés du franquisme. On peut se rappeler l’action exceptionnelle d’une Élisabeth Eidenbenz, par exemple. On peut aussi parler des immigrés dans les années 1910 et les années 1930 et rappeler qu’ils ont apporté à la France de très nombreuses richesses considérées aujourd’hui comme partie intégrante de la culture nationale, certains étant devenu des symboles de l’excellence française (j’hésite à les citer, tant ils sont nombreux, de Charpak à Ionesco).

La situation d’urgence a aussi son complément : la plupart des réfugiés souhaiteraient probablement retourner dans leur pays une fois une stabilisation politique réalisée (on en est loin actuellement). Il est donc nécessaire de leur trouver, collectivement, des moyens d’hébergement et de nourriture pour plusieurs années. D’où la volonté de Jean-Claude Juncker, le Président de la Commission Européenne, de répartir l’effort sur tout le territoire européen, et pas uniquement sur les pays géographiquement les plus exposés.

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Cela nécessite certes des moyens budgétaires, mais au même titre que lorsqu’il y a un coup dur, le pays aide les victimes, au même titre qu’un pays étranger est aidé lorsque c’est nécessaire. On pourrait presque dire que le véritable ennemi des réfugiés, ce sont les populismes qui veulent instrumentaliser cette (nouvelle) détresse pour faire fructifier leur fonds de commerce xénophobe, populismes qui engendrent de la part des gouvernements nationaux un certain attentisme, hésitant entre la raisonnable nécessité humanitaire et la peur d’une impopularité qui se traduirait électoralement. Certaines personnalités, heureusement, sont capables de prôner leurs propres solutions, comme Nathalie Kosciusko-Morizet qui a suggéré que les demandeurs d’asile puissent bénéficier d’un permis de travail afin de pouvoir vivre par eux-mêmes pendant la période d’étude de leur dossier.

François Crépeau (ONU) a rappelé que « les frontières démocratiques sont poreuses par nature » et qu’il ne faut donc pas les fermer mais les contrôler : « Si les Européens veulent que leurs gouvernements reprennent le contrôle de leurs frontières, ils doivent les exhorter à miser sur la mobilité et à offrir aux migrants et demandeurs d’asile des voies officielles pour entrer et séjourner en Europe. » (25 août 2015). Sans se cacher sur la réalité à venir : « Il existe un besoin clair et urgent pour l’Europe de créer, en coopération avec d’autres pays du Nord, un programme de réinstallation massive destiné aux réfugiés tels que les Syriens et Érythréens afin d’offrir une protection à 1,5 ou 2 millions d’entre eux au cours des cinq prochaines années. » (François Crépeau).


L’exemple de l’Allemagne ?

Faut-il encore ramener l’Allemagne dans cette histoire ? Peut-être, finalement. L’Allemagne d’Angela Merkel qu’on disait triomphante et arrogante, qu’on disait sans cœur pour les Grecs, la voici sur le front étonnant de l’humanitaire : elle a décidé d'ouvrir ses portes à 800 000 demandeurs d'asile cette année. Toute une campagne médiatique vise désormais à accueillir dans les meilleures conditions. Même le magazine "Bild" s’y est mis en imposant presque à ses lecteurs d’aider les réfugiés. Dans les stades, des banderoles "Refugees welcome" tapent à l’œil des supporters.

Dans une longue conférence de presse, la Chancelière allemande Angela Merkel a déclaré le 31 août 2015 à Berlin : « Le monde voit en l’Allemagne comme une terre d’espoir et d’opportunités, et cela n’a pas toujours été le cas. ». Phrase choc qui rappelle aussi le devoir de se racheter après les années 1930.

Dans sa chronique du 1er septembre 2015, Daniel Schneidermann a proposé une explication à ce surprenant élan du cœur allemand, der Ordoliberalismus : « Dans ce système, il incombe à l’État de construire les structures de la libre concurrence, et de veiller à leur respect, au nom de principes moraux supérieurs dont il est le garant, le profit ne constituant pas une fin en soi. On ne dépense pas plus qu’on ne gagne, on ne triche pas sur ses comptes, et on accueille les migrants dans des conditions dignes, équitables, et …ordonnées : trois faces d’une même morale ? » ("Arrêt sur image").

C’est plutôt habile de la part d’Angela Merkel de remettre l’Allemagne sur le terrain de l’humanitaire et du social. Il faut dire aussi que les Allemands ont plutôt confiance en eux et n’ont donc pas peur de s’ouvrir et d’accueillir les étrangers en détresse, d’autant plus que leur démographie est déclinante. On pourra toujours dire que l’Allemagne est un pays économiquement puissant et qu’elle peut se permettre d’accueillir "la misère du monde", mais il y a aussi des pauvres, en Allemagne et la France est une puissance économique de même ordre, elle aussi doit en "prendre sa part", selon les beaux mots devenus cliché de Michel Rocard qui, à Matignon, devait lui aussi lâcher quelques phrases de fermeté sur l’immigration.

L’Union Européenne a accordé à la France 266 millions d’euros pour la période 2014-2020 pour le financement d’actions structurelles dans les domaines de l’asile, des migrations et de l’intégration. Accompagnant le Premier Ministre Manuel Valls à Calais, le Premier Vice-Président de la Commission Européenne chargé de l’amélioration de la législation européenne, des relations inter-institutionnelles, de l’État de droit et de la Chartre des droits fondamentaux, Frans Timmermans (un travailliste néerlandais), a annoncé le 31 août 2015 une aide de 5 millions d’euros en plus des 3,8 millions d’euros alloués en 2014 pour offrir une assistance humanitaire à environ 1 500 réfugiés qui cherchent à atteindre les côtes britanniques.


C’est une crise européenne

Le numéro deux de la Commission Européenne a déclaré à cette occasion : « Ce défi est destiné à durer (…). Les gens continueront à fuir les persécutions, les conflits, pour assurer leur avenir et protéger leurs familles. Et l’Union Européenne continuera à les accueillir. Car il s’agit d’abord et avant tout d’être fidèles à nos propres valeurs, des valeurs d’humanité. Des valeurs dont nous devrions être fiers : nous ne refoulerons jamais ceux qui ont besoin de protection. Cette crise migratoire met à l’épreuve notre capacité à nous tous, Européens, à répondre ensemble à une situation qui nous concerne tous. Je veux le répéter avec force : nous pouvons le faire. (…) À condition que nous répondions à cette crise dans un esprit d’unité et de responsabilité. (…) Cette crise n’est pas une crise française ou britannique, ni même d’ailleurs une crise italienne, grecque, autrichienne ou hongroise. C’est une crise d’ampleur européenne, qui réclame donc une réponse européenne. (…) Il est temps que tous les pays européens, y compris ceux qui se sentent à l’abri de ces problèmes et se sont montrés plus difficiles à convaincre, comprennent que l’adoption de politiques plus courageuses et l’expression de la solidarité sur le terrain est aussi dans leur intérêt. Car il n’y a de réponse efficace que collective ; il n’y a pas de solutions nationales. (…) J’appelle, à nouveau, tous les Européens à la mobilisation collective. Nous pouvons, et nous devons, agir. Agir avec humanité vis-à-vis des persécutés, avec solidarité entre pays européens, et avec fermeté dans l’application des règles. Les solutions communes sont les seules qui soient efficaces et durables. ».

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Frans Timmermans voudrait en outre que les demandeurs d’asile qui voient leur demande rejetée soient le plus tôt possible de retour dans leur pays d’origine : « Nous ferons d’ailleurs très prochainement d’autres propositions pour assurer le caractère effectif et rapide du retour dans leur pays d’origine de ceux qui n’ont pas le droit de rester. Voilà un domaine où, collectivement, les pays européens ne sont pas assez efficaces, ce qui alimente le scepticisme des citoyens concernant les politiques d’immigration. ».


Ne pas perdre son âme

Et sa conclusion est assez claire : « Si nous échouons, ce sera la porte ouverte au populisme et à la xénophobie, à ceux qui n’ont rien d’autre à offrir que le "chacun pour soi", dont nous mesurons tous les jours l’inefficacité. Et font courir le risque, ni plus ni moins, que l’Europe perde son âme. » (31 août 2015).

Il est donc essentiel de bien séparer les deux enjeux, la limitation de l’immigration économique mais le devoir d’accueil et de protection des réfugiés venant des zones anéanties par la guerre.

Défendre notre identité nationale, c’est d’abord défendre nos valeurs, et la première d’entre elle, celle du respect et de la dignité de la personne humaine. Il ne sert à rien de défendre une nation si elle a perdu son âme. À cause de leur histoire récente, les Allemands l’ont bien compris.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (2 septembre 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les Français sont-ils vraiment eurosceptiques ?
Chaque vie humaine compte.
Rouge de honte.
Les drames de Lampedusa.
L’Europe doit faire quelque chose.
L’humain d’abord.
L’immigration en Hollandie.
Une chance pour l‘Europe.
Les valeurs de la République.
Le gaullisme, c’est d’abord des valeurs.
Valeurs républicaines et patriotisme.

_yartiMigrants2015A06


http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20150902-migrants.html

http://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/migrants-l-exemple-allemand-171323

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/09/02/32568750.html



 

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24 juillet 2015 5 24 /07 /juillet /2015 06:38

« Vincent Lambert est vivant et l’on s’occupe de lui. Il est également nourri, et l’eau et la nourriture représentent deux éléments basiques essentiels au maintien de la vie et intimement liés à la dignité humaine. Ce lien intime a été affirmé à de maintes reprises dans de nombreux documents internationaux. Nous posons donc la question : qu’est-ce qui peut justifier qu’un État autorise un médecin (…), en l’occurrence non pas à "débrancher" Vincent Lambert (celui-ci n’est pas branché à une machine qui le maintiendrait artificiellement en vie) mais plutôt à cesser ou à s’abstenir de le nourrir et de l’hydrater, de manière à, en fait, l’affamer jusqu’à la mort ? (…) Une personne lourdement handicapée, qui est dans l’incapacité de communiquer (…), peut être privée de deux composants essentiels au maintien de la vie, à savoir la nourriture et l’eau, et, de plus, la Convention est inopérante face à cette réalité. Nous estimons non seulement que cette conclusion est effrayante mais de plus, et nous regrettons d’avoir à le dire, qu’elle équivaut à un pas en arrière dans le degré de protection que la Convention et la Cour ont jusqu’ici offerte aux personnes vulnérables. » (Opinion en partie dissidente de cinq juges de la Cour européenne des droits de l’Homme, 5 juin 2015).



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Vincent Lambert a encore la vie sauve, mais pour combien de temps ? De plus en plus, sa situation douloureuse se confond dans l’incertitude des jours futurs de son existence avec le destin de Serge Atlaoui, condamné à mort en Indonésie dont l’ultime recours judiciaire a été rejeté le 22 juin 2015. Pourtant, Vincent n’est pas accusé d’avoir commis des actes criminels dans un pays lointain. Son vrai "chef d’inculpation", c’est d’avoir été victime d’un grave accident de la circulation le 29 septembre 2008 et de subir une situation de lourd handicap.

L’équipe médicale du CHU de Reims a en effet annoncé ce jeudi 23 juillet 2015 à 14 heures, devant la famille, qu’aucune décision ne serait prise sur l’arrêt des soins de Vincent Lambert et a suspendu la procédure collégiale d’arrêt de soin : « Les conditions de sérénité et de sécurité nécessaire à la poursuite de cette procédure, tant pour Vincent Lambert que pour l’équipe soignante, ne sont pas réunies. ». Affirmant qu’il y a eu des pressions, l’équipe médicale s’est tournée vers la justice pour demander le placement sous protection judiciaire de Vincent Lambert en raison de menaces d’enlèvement, et la protection du service médical, et pour demander au procureur de la République de désigner le représentant légal de Vincent : son épouse partie en Belgique ou sa mère qui a déménagé à Reims il y a environ deux ans pour s’occuper quotidiennement de lui ? L’hôpital avait déjà convoqué un premier conseil de famille le mercredi 15 juillet 2015 pour initier une nouvelle procédure d’arrêt de soins.


Plus de deux ans de cauchemar

Depuis plus de deux ans, Vincent Lambert se bat pour survivre. Son épouse, le médecin qui s’occupait de lui au CHU de Reims (et qui a démissionné maintenant), le Conseil d’État et la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) ont considéré que Vincent Lambert était en fin de vie et qu’il était tout à fait normal d’arrêter les soins, à savoir son alimentation et son hydratation artificielles.

Ses parents et ses amis se battent au contraire pour qu’il continue à vivre dans les meilleures conditions, qu’il puisse bénéficier des soins minimales de confort et notamment de soins de kinésithérapie dont il a droit et qu’il n’a plus reçu depuis deux ans.

Vincent n’est pas malade, il a un lourd handicap. Vincent n’est pas en fin de vie, il peut vivre sans être intubé, sans appareil pour l’aider à respirer. Il a juste besoin d’une alimentation et d’une hydratation artificielles car il a des difficultés pour déglutir, mais au bout d’un an et demi auprès de lui tous les jours, sa mère affirme qu’il commence même petit à petit à retrouver la possibilité à déglutir. Ceux qui connaissent de près ce genre de problème savent que c’est délicat mais qu’il y a possibilité pour des améliorations, progressives, lentes, patiemment.


Instrumentalisé bien malgré lui

L’emballement médiatique depuis janvier 2014 a fait que Vincent est devenu, bien malgré lui, un symbole. Un triple symbole.

Le premier, celui des lobbyistes de l’euthanasie active et du suicide assisté, qui ont vu une nouvelle occasion pour imposer leur idéologie, celle de considérer qu’on n’a plus de dignité quand on est faible, celle de la culture de la mort.

Le deuxième symbole n’est pas celui de l’euthanasie mais de la fin de vie et de ceux qui considèrent que cette situation (à tort à mon avis) fait partie du domaine d’application de la loi Leonetti du 22 avril 2005. Pourtant, Vincent n’est ni malade ni en fin de vie, mais le Conseil d’État, dans sa toute puissance de jurisprudence, a affirmé le contraire. L’enjeu reste important puisqu’il est question de compléter cette loi par la proposition Claeys-Leonetti qui a été largement approuvée par l’Assemblée Nationale mais complètement rejetée par le Sénat en première lecture. Il est clair que l’ambitieux Manuel Valls ne veut pas polluer son irrésistible ascension vers les sommets avec ces considérations "annexes", l’avenir de cette proposition est donc plongé dans l’incertitude.

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Le troisième symbole, au contraire, est la défense d’environ mille sept cents personnes qui vivent dans les mêmes conditions, difficiles, de grand handicap, les mêmes que Vincent. Vouloir tuer Vincent pour son handicap, c’est non seulement vouloir condamner à mort les autres personnes qui subissent les mêmes faiblesses, mais aussi détruire toutes les personnes qui, depuis des années, les accompagnent, au prix parfois de leur propre vie, de leur travail, sans compter toutes les équipes médicales dévouées qui, parfois, font des miracles malgré les affirmations maladroites et jamais assurées d’irréversibilité d’un état de santé.


La dépendance, nouveau pilier de la solidarité nationale

L’épouse de Vincent Lambert, qui a courageusement accompagné son mari les premières années, visiblement n’en pouvait plus et c’était bien normal. Personne ne peut lui reprocher de n’en plus pouvoir. Personne ne peut lui reprocher d’avoir refait sa vie depuis plus d’un an en Belgique (pays connu pour ses abus sur l’euthanasie, notamment appliquée sur des enfants malades ou des personnes dépressives). Accompagner une personne dépendante est très difficile, d’autant plus difficile que les statistiques sont même monstrueuses : la moitié de ces personnes qui accompagnent meurent avant la personne accompagnée !

Le Président Nicolas Sarkozy avait eu raison de vouloir fonder un cinquième pilier de la protection sociale avec la dépendance, mais au moment où il avait eu l’intention de le faire, en été 2010, la crise des dettes souveraines se profilait et il n’a pas osé engager un véritable bouleversement qui allait coûter beaucoup d’argent tant à l’État qu’aux entreprises et aux contribuables pour financer la dépendance. Quant au Président François Hollande, trop occupé à réduire la voilure budgétaire de l’État pour assurer sa réélection en 2017, il n’a jamais été question de ce cinquième pilier.

Pourtant, il y a urgence, de nombreuses familles souffrent et ne trouvent pas de solution viable à cette situation. Les valeurs de la République, en particulier l’esprit de solidarité nationale, imposent que la solution ne soit pas simplement la mort, l’élimination des plus faibles mais la contribution de l’ensemble de la collectivité à aider à vivre les plus vulnérables.


La justice saisie plusieurs fois

Affaire médicale, affaire politique, et aussi affaire judiciaire puisque le seul moyen que les parents. Il s’agissait d’abord, en raison de l’inflexibilité du médecin de l’époque, d’un tribunal administratif qui a imposé de reprendre les soins en urgence. Ensuite, sur recommandation de la Ministre de la Santé (pour quelle raison ?), l’épouse de Vincent a fait un recours au Conseil d’État qui lui a finalement donné raison, et la Cour européenne des droits de l’Homme, après un an d’instruction, lui a également donné raison le 5 juin 2015. Les parents de Vincent ont alors déposé le 26 juin 2015 un recours en révision devant la Cour européenne des droits de l’Homme, recours rejeté par la CEDH le 6 juillet 2015 car les "éléments nouveaux et décisifs" invoqués « ne constituaient pas des faits nouveaux susceptibles d’exercer une influence décisive sur l’issue de l’affaire ».

Craignant qu’une nouvelle procédure d’arrêt de soins n’aboutisse, les parents ont déposé plainte le 16 juillet 2015 (au lendemain du premier conseil de famille) : « Nous portons plainte contre le CHU en tant que personne morale, contre [l’ancien chef du service de soins palliatifs où est hospitalisé Vincent], contre [son successeur] et contre [un autre médecin du CHU] pour tentative d’assassinat et pour maltraitance sur personne vulnérable. (…) La plainte s’arrête le jour où Vincent est transféré. Le but, c’est que Vincent soit correctement pris en charge et correctement soigné. » (un des deux avocats de la mère de Vincent).

Là, l’action judiciaire est loin d’être anodine, ce n’est plus la justice administrative mais le pénal qui est en cause, des peines de prison pourraient donc être décidées. L’Ordre des médecins, plutôt opposé à l'euthanasie, a néanmoins dès le 17 juillet 2015 apporté son soutien à l’équipe médicale de Reims : « Porter plainte contre des professionnels engagés dans l’accompagnement et la prise en charge de M. Vincent Lambert et ce conformément aux dispositions déontologiques, scientifiques et humaines qui régissent l’action médicale au service du patient est une atteinte aux fondements mêmes de l’action au service de l’autre des professionnels de santé. ». Un réflexe corporatiste ? Je n’en sais rien.


Un désir incontestable de vivre

Quelle a été la volonté de Vincent Lambert ? Personne ne la connaît. Son épouse affirme qu’il aurait voulu mourir dans une telle situation mais ce témoignage est tardif, exprimé seulement au bout de plusieurs années pendant lesquelles elle s’était occupée quotidiennement de lui. En l’absence de consigne (il connaissait pourtant l’existence des directives anticipées puisqu’il était infirmier avant son accident en 2008), pourquoi choisir la mort ?

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Ce qui est clair, c’est qu’il y a les faits. Or, les faits, c’est que pendant trente et un jours, au printemps 2013, Vincent a été affamé, a subi l’arrêt de son alimentation artificielle et une réduction très forte de son hydratation, et pourtant, il a survécu. Or, dans son cas, malgré sa jeunesse et la vigueur de son corps, il aurait dû s’éteindre au bout d’une dizaine de jours, quinze au maximum, s’il avait renoncé. Sa grande résistance a été probablement un véritable acharnement à vouloir continuer à vivre encore. C’est le seul fait qui donne une indication sur sa volonté actuelle. Celle de maintenant, pas celle quand il était en parfaite santé et dont la moindre faiblesse ferait peur.


Des intégristes ?

La situation est loin d’être simpliste et d’être manichéenne. Ainsi, certains, les mêmes lobbyistes de l’euthanasie que j’évoquais plus haut, fustigent depuis deux ans les parents de Vincent parce qu’ils seraient des "catholiques intégristes". Les médias ont pris leur relais par facilité ou indolence.

D’une part, ses parents ont rejeté ces "accusations", considérant que leur fils veut continuer à vivre et que leur combat n’a rien de religieux, qu’il est juste le résultat de leur amour pour leur fils (qui le leur reprocherait ?).

D’autre part, ce ne sont pas des "accusations" : depuis quand dans une République libre et laïque comme la France, les citoyens n’auraient-ils pas le droit de croire à ce qu’ils veulent ?

Par ailleurs, le médecin qui avait engagé les premières procédures d’arrêt de soins est lui-même un catholique pratiquant. Ce n’est donc pas une lutte entre "bouffe-curé" et "intégristes", c’est un peu plus subtil que cela et de toute façon, d'autant plus que le médecin en question s'est déclaré très fermement opposé à l'euthansie, Vincent Lambert ne doit être le symbole de rien, il n’est qu’un simple homme et c’est uniquement de lui qu’il s’agit, de sa vie, de son existence qui doit être la plus confortable possible.


Un patient avec le même handicap dans le même service ?

Un reportage réalisé par Nicolas Styrianov et diffusé le 24 mai 2014 a fait état d'un autre patient qui serait dans le même état de grand handicap que Vincent et qui est soigné dans le même service à Reims. Il y serait depuis une quinzaine d'années. Pourquoi Vincent ne serait-il plus accepté également ?





Droit à l’image ?

On a reproché aussi aux parents de Vincent d’avoir donné leur accord à la diffusion d’une vidéo de quelques minutes le 9 juin 2015 montrant Vincent éveillé dans sa chambre d’hôpital. Beaucoup de médecins, même le professeur Bernard Debré, ont protesté contre cette violation de la vie intime. Le 18 juin 2015, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), qui s’était autosaisi le 10 juin 2015, a même fait les gros yeux aux médias qui avaient osé diffuser la vidéo litigieuse. Mais franchement, qu’est-ce qui est le plus grave ? Voir son droit à l’image bafoué ou voir son droit à la vie carrément nié ? Si on le tuait, Vincent se moquerait bien de son droit à l’image. Ce sont ceux qui considèrent qu’il n’a plus la dignité de vivre qui s’insurgent contre ce qu’ils appellent une atteinte à sa dignité.



Quand le médecin de l’époque parlait dans une vidéo qui a été diffusée sur M6 le 16 novembre 2014, il se tenait debout en blouse blanche dans la chambre de Vincent, avec Vincent en arrière-plan, comme si c’était un légume, une chose, et ce médecin parlait de Vincent sans aucun respect pour lui :  : « S’abstenir de discourir de lui devant lui, d’une façon qui pourrait le blesser, c’est le B.A. BA du respect. Trop de soignants l’oublient. Au retour de certains comas, des patients l’ont révélé, à l’image d’Angèle Lieby (…) qui fut témoin, impuissante, du choix de son cercueil, avant de recouvrer sa capacité de communication. » (Tugdual Derville, le 11 juin 2015). À l’époque, personne n’a eu rien à redire, le CSA était alors complètement absent dans la défense du droit à l’image de Vincent. Deux poids, deux mesures. L’ami d’enfance de Vincent qui a fait la vidéo a eu au moins la décence de parler à la caméra dehors, pas dans la chambre de Vincent, avant d’aller le visiter dans sa chambre.


Zone interdite - Droit de mourir le 16 novembre... par Telerama_BA

En revanche, cette vidéo du 9 juin 2015 a ému l’opinion publique et ouvert les yeux à ceux qui pensaient que Vincent était torturé dans une sorte d’acharnement thérapeutique qui le mettrait en souffrance : « Je m’interroge enfin sur l’acharnement de certaines personnes extérieures à attester, sans l’avoir vu, que la vie de Vincent n’en est pas une et qu’il doit donc mourir. La séquence qui fait débat aura eu le mérite de faire sortir quelques loups du bois : la menace d’exclusion des patients pauci-relationnels et neurovégétatifs est bien réelle quand on entend la façon dont certains déconsidèrent publiquement leur existence. » (Tugdual Derville, le 11 juin 2015).


Vincent vivant

Oui, Vincent est bien vivant, il réagit même parfois, ce sont peut-être des réflexes, mais c’est clair qu’il ne semble pas souffrir, qu’il n’est pas bourré de tubes ou de tuyaux pour survivre. Il a juste besoin d’une alimentation et hydratation artificielle car il a du mal à déglutir, mais cet appareillage, que connaissent beaucoup de personnes en dépendance, peut être transporté puisque les parents de Vincent avaient même hébergé quelques jours leur fils lorsqu’ils habitaient dans la Drôme.

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Désormais, six structures médicalisées, qui connaissent bien l’état de handicap de Vincent, sont prêtes, depuis plusieurs mois, à l’accueillir pour qu’il reçoive les meilleurs soins possibles, la rééducation dont il a besoin, pour que sa vie soit la plus confortable possible.

Ma question est donc claire : pourquoi cet acharnement à vouloir le tuer ? Pourquoi ne pas accepter simplement le transfert de Vincent dans l’une de ces structures médicalisées prêtes à l’accueillir ? Pourquoi vouloir transformer cette simple personne en symbole qu’il n’a jamais souhaité être ? Pourquoi cet hôpital de Reims, visiblement dépassé par l’état de Vincent, s’acharne-t-il à refuser ce transfert ?

Arrêtez cet acharnement, laissez-le vivre dans le meilleur des conforts au lieu de vouloir justifier je ne sais quelle idéologie ! La dignité humaine, c’est surtout le respect de la personne de Vincent Lambert. Il n’est pas un concept, il n’est pas une idée, il est une personne humaine, un cœur qui bat, et certainement, encore quelques émotions qu’il ressent, et sa dignité est intrinsèque à sa personne, elle ne dépend pas de son état de santé.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (24 juillet 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Chaque vie humaine compte.
Sursis surprise.
Rejet surprise de la proposition Claeys-Leonetti par le Sénat en première lecture.
Discussion de la loi Claeys-Leonetti en commission au Sénat.
Le rapport du 27 mai 2015 du Sénat sur la loi Claeys-Leonetti (à télécharger).
Euthanasie et construction européenne.
Le modèle républicain en question.
L’arrêt de la CEDH du 5 juin 2015 sur requête n°46043/14 (à télécharger).
Société barbare ?
Débrancher ?
La Cour européenne des droits de l'Homme.
La peine de mort.
Les sondages sur la fin de vie.
Les dix ans de la loi Leonetti.
Le vote de la loi Claeys-Leonetti en première lecture.
La loi Claeys-Leonetti en débat parlementaire.
Verbatim de la proposition Claeys-Leonetti en commission.
La proposition Claeys-Leonetti modifiée en commission.
L'euthanasie, une fausse solution.
François Hollande et la fin de vie.
Commentaire sur la proposition Claeys-Leonetti.
La consultation participative du Palais-Bourbon.
La proposition de loi n°2512 (texte intégral).
Le débat sur la fin de vie à l'Assemblée Nationale du 21 janvier 2015.
Les directives anticipées.
L'impossible destin.
La proposition Massonneau.
Présentation du rapport Claeys-Leonetti (21 janvier 2015).
Le rapport Claeys-Leonetti du 12 décembre 2014 (à télécharger).
Vidéo de François Hollande du 12 décembre 2014.
Rapport du CCNE sur le débat public concernant la fin de vie du 21 octobre 2014 (à télécharger).
Le verdict du Conseil d'État et les risques de dérives.
Le risque de la GPA.
La décision du Conseil d'État du 24 juin 2014 (texte intégral de la déclaration de Jean-Marc Sauvé).
L'élimination des plus faibles ?
Vers le rétablissement de la peine de mort ?
De Michael Schumacher à Vincent Lambert.
La nouvelle culture de la mort.
La dignité et le handicap.
Communiqué de l'Académie de Médecine du 20 janvier 2014 sur la fin de vie (texte intégral).
Le destin de l'ange.
La déclaration des évêques de France sur la fin de vie du 15 janvier 2014 (à télécharger).
La mort pour tous.
Suicide assisté à cause de 18 citoyens ?
L’avis des 18 citoyens désignés par l’IFOP sur la fin de vie publié le 16 décembre 2013 (à télécharger).
Le Comité d’éthique devient-il une succursale du PS ?
Le site officiel du Comité consultatif national d’éthique.
Le CCNE refuse l’euthanasie et le suicide assisté.
François Hollande et le retour à l'esprit de Valence ?
L’avis du CCNE sur la fin de vie à télécharger (1er juillet 2013).
Sur le rapport Sicard (18 décembre 2012).
Rapport de Didier Sicard sur la fin de vie du 18 décembre 2012 (à télécharger).
Rapport de Régis Aubry sur la fin de vie du 14 février 2012 (à télécharger).
Rapport de Jean Leonetti sur la fin de vie du 28 novembre 2008 (à télécharger).
Loi Leonetti du 22 avril 2005 (à télécharger).
Embryons humains cherchent repreneurs et expérimentateurs.
Expérimenter sur la matière humaine.
La découverte révolutionnaire de nouvelles cellules souches.
Euthanasie : les leçons de l’étranger.
Euthanasie, le bilan d’un débat.
Ne pas voter Hollande pour des raisons morales.
Alain Minc et le coût des soins des très vieux.
Lettre ouverte à Chantal Sébire.
Allocation de fin de vie.

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24 juin 2015 3 24 /06 /juin /2015 06:19

« Mesdames, messieurs les sénateurs, la fin de vie est un sujet sensible, qui nous concerne tous, individuellement et collectivement. Par-delà nos croyances, nos engagements, nos parcours et nos points de vue, nous avons une grande mission collective, celle de répondre aux attentes exprimées par nos concitoyens. (…). Cet appel, nous ne pouvons pas le nier, fait appel à la conscience de chacun. Selon moi, nous devons l’aborder avec la conviction que nul ne détient la vérité absolue et que chacun [doit] pouvoir exprimer sa conviction profonde. (…) Certains considèrent que ce texte ne va pas assez loin. D’autres estiment que toute évolution du cadre juridique de la fin de vie est inopportune. (…) Il s’agit aujourd’hui de définir un texte qui rassemble largement et constitue un point d’équilibre de la société, conformément à la volonté du Président de la République, lequel a fixé un cap clair : franchir, dans le rassemblement, une étape de liberté pour les malades. Le Sénat est sans doute le lieu le plus à même de répondre à cette double exigence et d’entendre cet appel. En effet, votre engagement historique sur ce sujet, mesdames, messieurs les sénateurs, montre bien que des rassemblements peuvent s’opérer par-delà les clivages partisans. En outre, vous avez à cœur de rester attentifs à l’aspiration à la dignité des personnes en fin de vie. » (Marisol Touraine, discours introductif à la discussion au Sénat, le 16 juin 2015).


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Coup de théâtre au Sénat : les sénateurs ont en effet rejeté le texte qu’ils avaient eux-mêmes modifiés de la proposition de loi Claeys-Leonetti par 196 voix contre et 87 pour. C’est un échec complet pour le gouvernement et la volonté de "rassemblement" du Président François Hollande.

Parmi ceux qui ont appelé à voter contre cette version très modifiée du texte adopté par les députés le 17 mars 2015, les groupes PS, UDI, PCF et EELV, alors que le groupe Les Républicains a laissé la liberté de vote à ses membres.

Non seulement les sénateurs ne se sont pas contentés de la version proposée par la commission des affaires sociales du Sénat en cassant le fragile consensus esquissé au Palais-Bourbon, mais ils ont finalement renoncé à cette nouvelle version devenue une "coquille vide" pour beaucoup de groupes politiques.

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Dans sa séance du mardi 23 juin 2015 après-midi, le Sénat a effectivement rejeté au cours du vote solennel de la première lecture la proposition de loi Claeys-Leonetti sur le droit des personnes malades en fin de vie. Ce qui a vivement soulagé la Ministre des Affaires Sociales et de la Santé Marisol Touraine très remontée contre la nouvelle version sénatoriale.

Le texte avait été profondément remanié, pour ne pas dire dénaturé, en rompant l’équilibre consensuel voulu par le gouvernement. Pourtant, il me paraît nécessaire que, indépendamment des procédures constitutionnelles qui donneront le dernier mot à l’Assemblée Nationale en cas de désaccord, les deux assemblées puissent s’accorder pour adopter un texte aussi important pour la vie de chaque personne dans ce qu’il y a de plus intime.

Les grandes modifications ont été acquises à partir de la contestation de certaines expressions du texte adopté par les députés qui prêtaient le flanc tant à la polémique qu’aux incertitudes d’interprétation, au cours de la discussion en séance publique les 16 et 17 juin 2015.


Deux votes publics dans la discussion

Au cours de la discussion, deux votes avaient eu lieu au scrutin public, ce qui permet à chaque citoyen de connaître la position officielle de chaque sénateur sur le sujet.

Le premier scrutin (scrutin n°204) avait eu lieu à 2 heures du matin dans la nuit du 16 au 17 juin 2015 à la demande du groupe Les Républicains sur un amendement déposé par le sénateur socialiste Jean-Pierre Godefroy (amendement n°9 rectifié) instituant purement et simplement la légalisation de l’euthanasie active et du suicide assisté. Il avait été rejeté par 157 sénateurs contre et 75 pour.

Parmi ceux qui avaient voté cet amendement, on y trouve Michel Berson (PS), Nicole Bricq (PS), Marie-Noëlle Lienemann (PS), Roger Madec (PS), Daniel Reiner (PS), CatherineTasca (PS), Chantal Jouano (UDI), Yvon Collin (RDE), Robert Hue (RDE), Jacques Mézard (RDE), Esther Benbassa (EELV), Marie-Christine Blandin (EELV) et Jean-Vincent Placé (EELV). Parmi ceux qui ont voté contre, il est à remarquer les noms de Pierre Laurent (PCF), Michelle Demessine (PCF) et Paul Vergès (PCF).

Le second scrutin public (scrutin n°205) s’était déroulé le 17 juin 2015 à 18 heures 15 à la demande du groupe UDI pour adopter globalement la nouvelle version (sénatoriale) de l’article 3 de la proposition de loi, le cœur de la loi sur la "sédation profonde et continue", en retirant les mots "jusqu’au décès", considérant que cette expression aurait apporté une intention de faire mourir, ce qui n’était pas dans l’intention du législateur.

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Cette nouvelle version avait été adoptée par 187 voix pour et 146 contre. Les groupes Les Républicains et UDI l’avaient massivement approuvée tandis que les groupes PS, RDE (centre gauche), PCF et EELV l’avaient rejetée. La ministre Marisol Touraine avait regretté ce vote favorable en ce sens que la nouvelle rédaction avait vidé toute la substance de la loi. Ce vote avait montré aussi les limites de la volonté de rassemblement du gouvernement et le retour à une polarisation politique du débat avec un affrontement entre la gauche et le centre droit, clivage qui avait pourtant été mis en veilleuse à l’Assemblée Nationale.

Nul doute que la mobilisation des opposants à la perspective d’une nouvelle loi sur la fin de vie, avec quelques mois supplémentaires, a été très efficace pour mieux faire entendre leur voix auprès des sénateurs.


Les autres modifications du texte rejeté

Plusieurs autres modifications majeures avaient été décidées par les sénateurs avant leur rejet global.

Par exemple, cette disposition qui semblait être directement une réponse du Sénat aux décisions récentes du Conseil d’État (24 juin 2014) et de la Cour européenne des droits de l’Homme (5 juin 2015) concernant la malheureuse situation de Vincent Lambert, en précisant clairement : « L’hydratation artificielle constitue un soin qui peut être maintenu jusqu’en fin de vie. ».

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C’était très différent de la version adoptée par les députés qui considérait au contraire l’hydratation comme un "traitement" et pas un "soin" et à ce titre, devant être arrêtée en même temps que tous les autres traitements (thérapeutiques), disposition qui avait été interprétée ainsi par le Conseil d’État et qui avait profondément choqué beaucoup de monde et en particulier beaucoup de médecins qui estimaient que l’hydratation faisait partie des soins de confort nécessaires pour réduire la souffrance en fin de vie (évitant l’assèchement des muqueuses).

L’autre modification majeure avait été de retirer le caractère trop contraignant des directives anticipées pour préserver aux médecins leur liberté de prescription : « Le médecin prend en compte les directives anticipées pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement concernant le patient. ». Les sénateurs avaient aussi imposé, concernant les directives anticipées que : « Lorsqu’elles sont conservées dans ce registre, un rappel de leur existence est régulièrement adressé à leur auteur. ». Enfin, ils avaient retiré au juge de tutelle tout rôle dans la rédaction des directives anticipées : « Le tuteur ne peut ni assister [la personne] ni la représenter à cette occasion. ».

Par ailleurs, les sénateurs avaient rajouté deux obligations parlementaires supplémentaires au gouvernement. La première (article 11 bis nouveau) de remettre un rapport avant le 31 décembre 2015 « sur l’opportunité d’étendre le versement de l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie, créée par l’article L. 168-1 du code de la sécurité sociale [loi du 2 mars 2010], aux personnes qui accompagnent, dans un établissement de santé, une personne en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable ». La seconde (article 13 bis nouveau) de remettre chaque année un rapport « évaluant la politique de développement des soins palliatifs ».

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Toutes ces transformations du texte ont illustré que malgré le travail accompli, les deux corapporteurs du Sénat ont "encadré" beaucoup moins efficacement leurs "troupes" que Jean Leonetti (Les Républicains) et Alain Claeys (PS) à l'Assemblée Nationale, ces deux derniers députés ayant été des spécialistes du débat parlementaire sur les questions d'éthique depuis plus de dix ans.


L’occasion manquée

En rejetant finalement sa propre version du texte, le Sénat a été "sage" dans le traitement de cette proposition de loi, en refusant la confrontation avec les députés, même si cet acte, à l’évidence, ne redore pas l’image des sénateurs puisqu’il ont mis à la poubelle trois mois de travaux en commission et en séance. C’est avant tout un échec du gouvernement dans un contexte de plus en plus électoral.

Lorsque le texte repassera en seconde lecture, les députés pourront donc reprendre les mêmes termes de leur version adoptée en première lecture, puisque aucune nouvelle version n’a été adoptée entre temps. Il serait néanmoins dommage qu’un tel sujet suscite la rupture d’un consensus dont l’existence me paraît essentiel.

Et en final, si aucun accord ne pouvait se faire, et si le gouvernement, craignant qu’un tel débat puisse trop perturber les enjeux politiques dans la perspective de la campagne présidentielle de 2017, décidait de renoncer à légiférer sur le sujet, le risque serait grand qu’à court terme, une légalisation de l’euthanasie, version forte, soit alors proposée avec plus de chance de succès que les précédentes, parce que les parlementaires n’auraient pas réussi à légiférer auparavant avec une version édulcorée.

Il faut se rappeler que la peur de Nicolas Sarkozy de légiférer durant son quinquennat pour créer une "union civile" pour les couples de même sexe a directement favorisé l’adoption du mariage gay en 2013, qui n’était pourtant proposé et soutenu que par une infime minorité de la population.

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L’échec de ce mardi 23 juin 2015 donne en définitive raison aux lobbyistes de tout poils qui pensent qu’il n’y a pas d’autre alternative que souffrir ou se tuer. Les parlementaires ont une seconde lecture pour rectifier cette idée fausse.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (24 juin 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Chaque vie humaine compte.
Rejet surprise de la proposition Claeys-Leonetti par le Sénat en première lecture.
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Le rapport du 27 mai 2015 du Sénat sur la loi Claeys-Leonetti (à télécharger).
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Les dix ans de la loi Leonetti.
Le vote de la loi Claeys-Leonetti en première lecture.
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L'euthanasie, une fausse solution.
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Commentaire sur la proposition Claeys-Leonetti.
La consultation participative du Palais-Bourbon.
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Les directives anticipées.
L'impossible destin.
La proposition Massonneau.
Présentation du rapport Claeys-Leonetti (21 janvier 2015).
Le rapport Claeys-Leonetti du 12 décembre 2014 (à télécharger).
Vidéo de François Hollande du 12 décembre 2014.
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Le risque de la GPA.
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Sur le rapport Sicard (18 décembre 2012).
Rapport de Didier Sicard sur la fin de vie du 18 décembre 2012 (à télécharger).
Rapport de Régis Aubry sur la fin de vie du 14 février 2012 (à télécharger).
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Loi Leonetti du 22 avril 2005 (à télécharger).
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Euthanasie : les leçons de l’étranger.
Euthanasie, le bilan d’un débat.
Ne pas voter Hollande pour des raisons morales.
Alain Minc et le coût des soins des très vieux.
Lettre ouverte à Chantal Sébire.
Allocation de fin de vie.

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22 juin 2015 1 22 /06 /juin /2015 11:02

« Peu avant la guerre de 1914, un assassin dont le crime était particulièrement révoltant (il avait massacré une famille de fermiers avec leurs enfants) fut condamné à mort à Alger. Il s’agissait d’un ouvrier agricole qui avait tué dans une sorte de délire du sang, mais aggravé son cas en volant ses victimes. L’affaire eut un grand retentissement. On estima généralement que la décapitation était une peine trop douce pour un pareil monstre. Telle fut, m’a-t-on dit, l’opinion de mon père que le meurtre des enfants, en particulier, avait indigné. L’une des rares choses que je sache de lui, en tout cas, est qu’il voulut assister à l’exécution, pour la première fois de sa vie. Il se leva dans la nuit pour se rendre sur les lieux du supplice, à l’autre bout de la ville, au milieu d’un grand concours de peuple. Ce qu’il vit, ce matin-là, il n’en a dit rien à personne. Ma mère raconte seulement qu’il rentra en coup de vent, le visage bouleversé, refusa de parler, s’étendit un moment sur le lit et se mit tout d’un coup à vomir. Il venait de découvrir la réalité qui se cachait sous les grandes formules dont on la masquait. Au lieu de penser aux enfants massacrés, il ne pouvait plus penser qu’à ce corps pantelant qu’on venait de jeter sur une planche pour lui couper le cou. Il faut croire que cet acte rituel est bien horrible pour arriver à vaincre l’indignation d’un homme simple et droit et pour qu’un châtiment qu’il estimait cent fois mérité n’ait eu finalement d’autre effet que de lui retourner le cœur. » (Albert Camus, 1957).


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C’est tôt ce matin du lundi 22 juin 2015, à cause du décalage horaire, que fut connue la décision de la cour administrative de Jakarta concernant la situation du Français Serge Atlaoui. Son président Ujang Abdullah a annoncé : « Nous rejetons le recours du demandeur. ». Le parquet de Jakarta a par ailleurs affirmé que ce recours était la dernière voie de recours à disposition de Serge Atlaoui. Aucune date n’a été encore arrêtée pour son exécution (il avait déjà échappé de peu à l’exécution le 29 avril 2015), et il semblerait qu’il ne serait pas exécuté avant la fin du ramadan.

Il s’agissait d’un recours fait par Nancy Yuliana, l’une des avocats de Serge Atlaoui, qui avait contesté le refus de la grâce présidentielle.

La position de Serge Atlaoui est donc à ce jour, on ne peut plus effrayante. Il a été condamné à mort pour trafic de drogue. La réalité est tout autre. Il avait accepté un travail illégal (au noir) bien payé (il avait des besoins d’argent) et pensait entretenir (il est soudeur) des machines destinées à la fabrication d’acrylique. Le fait est que ses employeurs étaient des producteurs d’ecstasy. Cela fait presque dix ans qu’il a été arrêté, et après avoir été condamné en première instance puis en appel à la réclusion criminelle à perpétuité, la Cour suprême indonésienne a aggravé sa peine en prononçant contre lui la peine de mort en 29 mai 2007.

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Dans cette affaire, il y a plusieurs considérations qui s’imbriquent.


La souveraineté d’un grand pays

La première, c’est que la justice de l’Indonésie est indépendante des pressions étrangères et que le pays est démocratique. Le nouveau Président de la République, élu en été dernier dans un scrutin libre, Joko Widodo, a voulu se montrer intraitable dans la lutte contre le trafic de drogue et refuse systématiquement toute grâce concernant ce sujet. Il avait pourtant fait campagne sur les droits de l’Homme.

Delphine Alles, professeur à l’Université Paris-Créteil, a expliqué cependant en février dernier, la cohérence de celui qui veut avant tout afficher un nationalisme indonésien : « Je pense qu’il n’y a pas d’incohérence entre la position de Jokowi [Joko Widodo] aujourd’hui sur la peine de mort, et la dimension souverainiste de sa campagne et de son parti. Ces exécutions relèvent selon lui de l’application de la loi indonésienne, et il estime que céder aux injonctions de gouvernements occidentaux souhaitant épargner leurs citoyens serait une abdication inacceptable de la souveraineté nationale. Par ailleurs, l’opinion publique est largement favorable à la peine de mort pour le trafic de drogue. Le fait de gracier ces condamnés aurait été perçu comme un signe de faiblesse au moment où le Président, dont la popularité est en baisse, cherche à affirmer son autorité. Leur exécution lui permet au contraire de donner l’image d’un Président fort notamment face aux pressions extérieures, raison pour laquelle sa position s’est durcie au fur et à mesure que les demandes de grâce s’intensifiaient. » ("Le Monde" du 9 février 2015).


Des réactions éloquentes de la "fachosphère"

Le deuxième point a trait justement au souverainisme et il n’y a pas loin de voir sur les sites Internet francophones des réactions assez affligeantes à propos de cette malheureuse nouvelle. Il suffit d’ailleurs de commencer une recherche sur Google en mettant uniquement le nom "Atlaoui" pour comprendre que le premier mot associé proposé est "juif" et on peut lire des commentaires ou des billets particulièrement puants et antisémites, considérant que le sort de Serge Atlaoui serait un bienfait et qu’il représenterait l’anti-France.

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Au-delà de l’antisémitisme condamnable (par les tribunaux français), il y a aussi une grosse bêtise à tenir de telles réflexions.  Richard Sédillot, l’un des avocats de Serge Atlaoui, déclarait ainsi en février dernier : « C’est un bon ouvrier, un bon père de famille, un bon musulman. Il n’a jamais tenu de propos désobligeant envers la justice indonésienne, en qui il garde confiance. » ("Le Monde" du 9 février 2015). D’où vient alors cet antisémitisme sans jamais larvé qui n’attend qu’une occasion supplémentaire pour se déverser en bile sur tout le Web ?


Trafiquant de drogue à 2 000 euros par semaine

Mais évidemment, la religion n’a rien à voir à l’affaire. Le troisième élément, c’est sur les faits et sa culpabilité. À l’évidence, il a fait preuve de beaucoup de légèreté avec la loi, il savait que le travail qu’on lui avait proposé aux Pays-Bas était illégal puisque payé au noir, et bien payé pour son métier d’ouvrier, mais c’est différent d’être un trafiquant de drogue : « Le type de machines sur lesquelles il travaillait est très courant, notamment dans l’industrie cosmétique. » (Richard Sédillot).

D’ailleurs, Serge Atlaoui a compris assez vite qu’il fallait s’en aller mais s’est retrouvé piégé : « Sur place, il réalise que l’ambiance est délétère et demande à rentrer. Mais il ne disposait pas de la somme nécessaire pour son billet d’avion, et ses employeurs l’ont contraint à finir son travail. » (Richard Sédillot).

Ce qui est d’ailleurs étonnant, c’est que ses employeurs (les premier responsables), indonésiens, ont été eux aussi arrêtés et condamnés, mais seulement à vingt ans de prison alors qu’ils auraient directement participé à la confection des pastilles d’ecstasy. Pourquoi une telle différence de traitement alors que Serge Atlaoui n’a eu qu’un rôle subalterne de maintenance de machines ?


En finir avec la peine de mort dans le monde

Enfin, le quatrième point, essentiel celui-ci, concerne la peine de mort. Même si la culpabilité était prouvée, même si la souveraineté de l’Indonésie est effectivement indépendante, cela resterait un scandale non seulement d’exécuter une personne à mort mais aussi, avant, de la condamner à mort.

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Cette protestation contre cette condamnation à mort n’est pas là parce que c’est un Français et parce que c’est en Indonésie. Il était aussi scandaleux d’avoir procédé aux exécutions du 29 avril 2015, et c’est aussi scandaleux les exécutions nombreuses commises aux États-Unis, mais aussi en Iran, en Arabie Saoudite et en Chine, pour n’évoquer que les grands pays, tout comme est scandaleux la possibilité juridique de condamner à mort un enfant de 7 ans aux îles Maldives (réfléchissez bien avant de choisir vos vacances) et de prononcer des condamnations à mort collectives sans étudier la responsabilité individuelle de chacune des personnes mises en cause en Égypte.


Que faire pour sauver Serge Atlaoui ?

Il ne s'agit pas de glorifier Serge Atlaoui, il n'est pas un héros, il a commis des fautes graves, mais il s'agit de sauver sa vie, et avec sa vie, de sauver aussi la vie de tous les condamnés à mort partout dans le monde.

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Malheureusement, je crains que de nouveaux recours judiciaires soient désormais impossibles. Alors, même si, intellectuellement, c’est peu satisfaisant de l’envisager, il me semble que la dernière et seule voie de recours capable encore de sauver Serge Atlaoui est la voie diplomatique.

Je ne suis pas sûr que ceux aujourd’hui en charge de la diplomatie française soient suffisamment habiles et discrets pour éviter de renforcer l’inflexibilité d’un Président démocratiquement élu d’une grande puissance économique et politique de l’Asie.

Cela fait pourtant trente-six ans qu’aucun citoyen français n’a été exécuté dans un pays étranger. "Le Figrao" avait recensé le 22 avril 2015 les Français qui étaient condamnés à mort à l’étranger par une juridiction souveraine. Il y en aurait actuellement huit : Serge Atlaoui, très médiatisé ; mais aussi Chan Thao Phoumy, condamné à mort le 7 août 2010 par le tribunal intermédiaire de Canton pour trafic de drogue en Chine ; Jean-Marc Thivind, condamné à mort en 2009 pour meurtre en Thaïlande, puis acquitté en 2011 et en attente d’un troisième procès à Bangkok (il clame son innocence) ; Michaël Legrand, condamné à mort en 2001 pour meurtre aux États-Unis ; Adil Al-Atman et Hakim Dah, condamnés à mort le 9 mars 2012 pour l’attentat meurtrier de Marrakech du 28 avril 2011 (dix-sept morts) au Maroc, mais le Maroc n’exécute plus de condamnés à mort depuis 1993 ; le nom des autres condamnés à mort français n’aurait pas été communiqué par le Quai d’Orsay.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (22 juin 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les droits de l'Homme.
Encore la peine de mort.
Chaque vie humaine compte.
Rapport d’Amnesty International "Condamnation à mort et exécutions en 2014" (à télécharger).
Il n’y a pas d’effet dissuasif de la peine de mort (rapport à télécharger).
Serge Atlaoui.
Peshawar, rajouter de l’horreur à l’horreur.
Hommage à George Stinney.
Pourquoi parler des Maldives ?
Maldives : la peine de mort pour les enfants de 7 ans.
Pour ou contre la peine de mort ?
La peine de mort selon François Mitterrand.
La peine de mort selon Barack Obama.
La peine de mort selon Kim  III.
La peine de mort selon Ali le Chimique.
Troy Davis.
Les 1234 exécutés aux États-Unis entre 1976 et 2010.
Flou blues.
Pas seulement otage.
Pas seulement joggeuse.
Nouveau monde.
Le 11 septembre 2001.
Chaos vs complot.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20150622-atlaoui.html

http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/il-faut-sauver-serge-atlaoui-168844

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/06/22/32255788.html



 

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17 juin 2015 3 17 /06 /juin /2015 23:19

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Communiqué des avocats des parents de Vincent Lambert
Strasbourg, le 5 juin 2015


La Cour européenne des droits de l’Homme vient de rendre une décision dans l’affaire Vincent Lambert qui marque d’une pierre noire la défense des droits humains dans les 47 États membres du Conseil de l’Europe.

Elle a validé l’arbitraire d’une décision médicale prise sur la foi de témoignages intéressés et contestés faisant état de la prétendue volonté de Vincent Lambert de mourir, alors qu’il ne peut pas s’exprimer. Elle a validé le fait qu’aujourd’hui, il était conforme à la Convention de provoquer intentionnellement la mort d’un être humain sans défense, en le privant d’alimentation et d’hydratation, en violation formelle de l’article 2 de la Convention.

Elle a déclaré en outre, au mépris de sa propre jurisprudence antérieure (Campéanu/Roumanie, 2014), les parents irrecevables à défendre les droits de leur fils à ne pas subir des traitements inhumains et dégradants (art. 3). Ce faisant, une majorité de 12 juges de la Cour européenne des droits de l’Homme a décidé que la Convention ne s’applique plus aux personnes hors d’état d’exprimer leur volonté. Il y a désormais deux catégories d’êtres humains : ceux qui sont pleinement protégés par la Convention ; et ceux qui ne le sont pas, parce qu’ils ne peuvent pas saisir eux-mêmes la Cour.

Dans une remarquable opinion dissidente, 5 juges de la Cour se sont insurgés contre cette décision et dénient désormais à la Cour le titre qu’elle s’était arrogé de « Conscience de l’Europe ».

La Cour a fait tomber le dernier rempart contre l’arbitraire, elle a perdu toute légitimité et toute crédibilité. Elle n’est plus la Cour européenne des droits de l’Homme vulnérable, handicapé, sans défense. Elle n’est désormais plus que la « Cour-européenne-des-droits-de-l’Homme-en-bonne-santé ».

Cela étant dit, cette décision est sans incidence sur la situation actuelle de Vincent Lambert.

Comme elle l’énonce dans son dispositif, la Cour déclare qu’il n’y aurait pas de violation de la Convention en cas de mise en œuvre d’un arrêt d’alimentation et d’hydratation.

Or la seule décision d’arrêt est celle prise et signée par le docteur Kariger.

Conformément à la loi Léonetti, seul le médecin ayant pris la décision peut la mettre à exécution. Le docteur Kariger ayant quitté le CHU de Reims il y a un an, sa décision d’arrêt de soins est désormais caduque et inapplicable. Nous avons d’ores et déjà entamé une procédure aux fins de transfert de Vincent, au nom des parents de celui-ci, ses parents étant désormais seuls au chevet de leur fils, son épouse Rachel ayant quitté Reims pour la Belgique depuis maintenant près de deux ans.

Nous réclamons aujourd’hui que soit réalisée sans délai une nouvelle évaluation médicale de Vincent, et notamment une évaluation de sa capacité à déglutir. Vincent a en effet recommencé à déglutir depuis plusieurs mois, et cette capacité doit désormais être sérieusement évaluée.

Enfin, nous rappelons avec force qu’une équipe médicale, dirigée par le docteur Bernard Jeanblanc, forte de trente ans d’expérience dans l’accompagnement des personnes dans la situation de Vincent, attend le transfert de celui-ci dans son unité. Il y a une autre voie : prendre soin de Vincent dans un établissement parfaitement adapté à sa situation.

Vincent n’a jamais demandé à mourir. La défense de Vincent continue.

Jean Paillot, avocat
Jérôme Triomphe, avocat



Communiqué de presse du CSA du jeudi 18 juin 2015

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a été saisi le 10 juin 2015 de la diffusion sur certaines chaînes de télévision d’extraits d’une vidéo mise en ligne sur internet montrant M. Vincent Lambert dans sa chambre de l’hôpital de Reims.

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a été sensible aux commentaires et explications qui ont pu accompagner ces diffusions.

Toutefois, réuni en assemblée plénière le jeudi 18 juin, il a décidé d’adresser une mise en garde à BFMTV, LCI, M6 et TF1 ayant considéré que la diffusion de ces images de M. Vincent Lambert sans consentement préalable et sans floutage constituait une atteinte à l’intimité de sa vie privée et à son image.

Par ailleurs, le Conseil a adressé un courrier à Canal+, France 2, France 3 et i>télé qui ont eu recours au floutage du visage de M. Vincent Lambert en leur rappelant que la diffusion de telles images sans consentement préalable était de nature à porter atteinte à l’intimité de la vie privée.




http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/2015/06/vid%C3%A9o-de-vincent-lambert-le-csa-demande-quil-y-ait-consentement-de-qui-.html
18 juin 2015
Vidéo de Vincent Lambert : le CSA demande qu'il y ait consentement. De qui ?

Le CSA vient de rendre son avis sur la vidéo montrant Vincent Lambert bien vivant :

"[Le CSA] a décidé d’adresser une mise en garde à BFMTV, LCI, M6 et TF1 ayant considéré que la diffusion de ces images de M. Vincent Lambert sans consentement préalable et sans floutage constituait une atteinte à l’intimité de sa vie privée et à son image.

Par ailleurs, le Conseil a adressé un courrier à Canal+, France 2, France 3 et i>télé qui ont eu recours au floutage du visage de M. Vincent Lambert en leur rappelant que la diffusion de telles images sans consentement préalable était de nature à porter atteinte à l’intimité de la vie privée."

Le CSA ne précise pas de qui doit venir le consentement... de Vincent Lambert lui-même ? de son épouse ? de ses parents ? Dans une vidéo diffusée dans Zone Interdite en 2014, qui vise à légitimer sa mise à mort, on voit Vincent Lambert, le visage flouté, juste derrière le Dr Kariger parlant de lui au passé. On voit aussi son épouse lui rendre visite. Le CSA n'a envoyé aucun courrier à M6.

 Posté le 18 juin 2015 à 17h53 par Louise Tudy | Catégorie(s): Culture de mort : Euthanasie
 


http://www.tugdualderville.fr/image-pudeur-et-dignite
Image, pudeur et dignité
par Tugdual Derville le 11 juin 2015


Depuis mardi 9 juin, en quelques plans vidéo, avec des millions de Français, j’ai pu découvrir Vincent Lambert tel qu’il est aujourd’hui : vivant. Scandale ! Faut-il crier à l’indignité et à l’impudeur ? Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a été saisi. L’ancien médecin de Vincent dénonce une manipulation.

L’organe de régulation de l’audio-visuel n’avait pourtant pas réagi quand le même médecin traitant s’était laissé interviewer en 2014 par M6, devant le même patient alité, pour légitimer son choix controversé de stopper son alimentation et son hydratation.

http://www.dailymotion.com/video/x2a5tr5_zone-interdite-droit-de-mourir-le-16-novembre-sur-m6-2_tv

Que révèle la comparaison de ces deux séquences ?

Couvrez ce visage…

Dans la version tournée par la télévision, le visage de Vincent est flouté, mais pas ses avant-bras et ses mains qui sont rétractées, comme souvent après des années d’immobilité, dans une posture qui peut impressionner les néophytes. Le patient apparaît en fond, seul sur son lit médicalisé. Il n’a pas vraiment figure humaine. La façon dont le praticien en blouse blanche donne, debout, à voix haute, son avis sur le destin de celui qui est couché dans son dos, en parlant de lui au passé, achève ou préfigure – inconsciemment – son exclusion totale. Il n’a pas sa place dans la conversation. Heureusement, la séquence s’achève par un « Bonne journée Vincent ! » qui contraste avec ce qui vient d’être exprimé. Devant un homme diagnostiqué en état de conscience minimale, faire le pari de la présence est un principe de précaution. S’abstenir de discourir de lui devant lui, d’une façon qui pourrait le blesser, c’est le b.a.-ba du respect. Trop de soignants l’oublient. Au retour de certains comas, des patients l’ont révélé, à l’image d’Angèle Lieby (auteur de Une Larme m’a sauvée) qui fut témoin, impuissante, du choix de son cercueil, avant de recouvrer sa capacité de communication.

Dans les séquences filmées le 5 juin 2015, c’est seulement le visage de Vincent que l’on découvre, en gros plan. Signe d’identification, reflet de la personne. Un visage sans voile, avec un regard qui parait mobile et réceptif, tout en gardant une insondable part de mystère. Je ne me permettrais pas de l’interpréter davantage. Ce qui est notable dans ces plans qui ont, justement, la pudeur de ne montrer que le visage et les mains, ce sont les relations d’ultra-proximité et de tendresse avec ses proches : ces corps qui le touchent, ces voix qui s’adressent à lui, ces regards qui cherchent le sien l’humanisent, et humanisent nos propres regards en attestant sa valeur et sa dignité. Les corps de ces proches ne sont pas debout devant l’homme couché mais penchés sur lui. « Tu as du prix à mes yeux et je t’aime, tel que tu es ! » : voilà ce dont chaque humain a un besoin vital, quel que soit son état. En toute logique, l’ami de Vincent a la délicatesse de nous donner son témoignage personnel de l’extérieur de la chambre.

Nous avons tous besoin d’ambassadeurs de la dignité d’autrui, de médiateurs aptes à nous approcher des personnes ou communautés qui nous angoissent. Pour dépasser nos peurs, nous devons commencer par nous regarder. Si possible, dans les yeux. C’est le seul moyen d’abandonner les fausses-images, les caricatures et, notamment, cette propension à imaginer les personnes handicapées qu’on nous décrit en monstres inhumains. Quand tant de personnes éprouvent de l’effroi à l’idée de la grande dépendance, couvrir « pudiquement » le visage de Vincent, c’est presque attester son retrait du monde, à la façon dont on remonte un linceul sur la face d’un défunt.

Au contraire, ceux qui ont découvert, grâce à un ami de son enfance, que Vincent n’est aucunement un spectre bardé de tuyaux, se débattant pour mourir, mais une personne vivante et paisible malgré son ultra-dépendance, sont stupéfiés. La vidéo ne permet pas d’ajuster un diagnostic sur son degré de conscience, mais elle atteste au moins que Vincent est éveillé et aucunement en fin de vie. Son visage dit simplement : « Je suis comme je suis, mais je suis là ». Incitation au respect de sa vie car, selon l’expression d’Emmanuel Levinas, philosophe du visage par excellence : « Autrui est visage » et « Le visage, c’est ce qui nous interdit de tuer ».

Au nom de quoi faudrait-il pousser Vincent vers la sortie ? Avec le professeur Emmanuel Hirsch, directeur de l’espace éthique des Hôpitaux de Paris, interviewé sur Europe 1, dont il faut écouter l’avis, nous devons nous rappeler que Vincent a déjà survécu à 31 jours d’arrêt d’alimentation, et de réduction drastique de l’hydratation ! N’y a-t-il pas là une stupéfiante preuve d’exceptionnelle vitalité ? Car ce n’est pas la société qui empêche Vincent de mourir : c’est bien lui qui ne meurt pas. C’est son droit. Notre devoir n’est-il pas d’en prendre soin, dans un lieu adapté comme le demandent ses parents ?

Des loups sortent du bois

Paradoxe de la controverse, la saisine du CSA a été effectuée « au regard de l’application du principe de respect de la dignité humaine » par ceux-là même qui affirment qu’un patient en état neurovégétatif ou pauci-relationnel a déjà perdu sa dignité… Les promoteurs de l’euthanasie ont coutume d’abuser de la dialectique de l’émotion et n’hésitent pas à brandir des images frappantes. Je l’ai décrypté dans mon livre La Bataille de l’euthanasie à propos de sept autres affaires qui ont bouleversé l’opinion. N’aurait-on le droit de s’émouvoir que dans un sens ? Nous savons tous que certaines images fortes, de personnes et de visages (je pense à la petite fille brûlée du Vietnam), ont contribué à d’utiles prises de conscience au service de l’humanité.

Pourtant, je comprends la gêne, voire la peine, que ces images peuvent provoquer pour certains membres d’une famille divisée par l’épreuve. Je sais bien, également, que Vincent n’est pas en mesure de donner son consentement. Des circonstances exceptionnelles peuvent-elle légitimer que les « protecteurs naturels » que sont désormais les parents de Vincent aient accepté ce moyen pour répondre au reste de la société qui les accusent de s’acharner à forcer leur fils à vivre ? C’est peut-être à leurs yeux l’ultime façon de nous faire revenir à la réalité, et de le protéger de cette mort par arrêt d’alimentation et d’hydratation qui le menace.

Je m’interroge enfin sur l’acharnement de certaines personnes extérieures à attester, sans l’avoir vu, que la vie de Vincent n’en est pas une et qu’il doit donc mourir. La séquence qui fait débat aura eu le mérite de faire sortir quelques loups du bois : la menace d’exclusion des patients pauci-relationnels et neurovégétatifs est bien réelle quand on entend la façon dont certains déconsidèrent publiquement leur existence. Je préférerais qu’ils reviennent aux sages paroles du docteur Bernard Wary, co-fondateur de la société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) : il témoignait n’avoir jamais vu un légume dans un lit d’hôpital, et même n’avoir jamais soigné aucun « mourant » mais toujours des patients 100% vivants.

Image, pudeur et dignité 4.74/5 (94.81%) 27 votes Posted by: Tugdual Derville // FIN DE VIE, NOUVEAU, REFLEXIONS // dignité, pudeur, vincent lambert, visage // juin 11, 2015



Communiqué des avocats des parents de Vincent Lambert du 16 juin 2015

"Ce 16 juin 2015, devant la représentation nationale au Sénat, Madame le Ministre de la Santé, après avoir à deux reprises publiquement pris parti pour Madame Rachel Lambert, a officiellement reconnu :

• Que Vincent Lambert « n’est pas en fin de vie, il faut le préciser »,

• Que « l’expression de la volonté de Vincent Lambert fait l’objet d’interrogations et de débats ».

C’est là un aveu, de la part du Gouvernement, que son analyse devant la Cour européenne des droits de l’Homme de la situation médico-juridique de Vincent Lambert était erronée. Non, Vincent Lambert n’est pas en fin de vie, et arrêter son alimentation et son hydratation revient à une euthanasie. Non, à ce jour, aucune preuve sérieuse de la volonté de Vincent Lambert n’a été apportée. Les seuls éléments étaient des interprétations de sa prétendue volonté.

Depuis maintenant deux ans, l’épouse de Vincent Lambert a quitté Reims pour refaire sa vie en Belgique. Désormais, après cet aveu, il n’est plus possible d’engager une nouvelle procédure collégiale aux fins d’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation au motif des prétendues volontés de Vincent LAMBERT dont Madame le ministre de tutelle du CHU de REIMS reconnaît elle-même qu’elles font l’objet « d’interrogations et de débats ». On ne peut invoquer la prétendue volonté d’un homme pour provoquer sa mort quand ses volontés sont déclarées incertaines par le supérieur hiérarchique direct du CHU de REIMS.

Dès lors, le transfert de Vincent LAMBERT vers l’établissement spécialisé qui lui a réservé une place et qui l’attend est la seule solution éthique, médicale, juridique et humaine. Nous attendons la réponse du CHU de REIMS à la demande que nous lui avons faite en ce sens au nom des parents de Vincent, qui sont quotidiennement au chevet de leur fils."

Avocats de Viviane et Pierre Lambert, parents de Vincent Lambert, le 16 juin 2015

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