Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
10 octobre 2013 4 10 /10 /octobre /2013 23:09

Amnesty International a publié le 10 octobre 2013 un rapport qui démonte l'argument du faux effet dissuasif de la peine de mort dans le monde.

Cliquer sur le lien pour le télécharger (fichier .pdf) :
http://www.amnesty.org/download/Documents/8000/act510022013en.pdf

SR


 

Partager cet article
Repost0
7 octobre 2013 1 07 /10 /octobre /2013 07:55

Un nouveau radeau de La M(p)édus(a). Le pape a eu raison d’être scandalisé. La tragédie du 3 octobre 2013 devrait être l’occasion d’une réflexion approfondie sur les valeurs que l’Union Européenne entend réellement promouvoir dans un monde avec de moins en moins de repères. Il faut mobiliser la communauté internationale, en particulier les pays européens et africains, pour tout faire pour empêcher de prochains drames.


yartiLampedusa01Près de trois cent cinquante victimes (de Somalie et d’Érythrée) dans le naufrage de l’un des nombreux bateaux chargés de conduire des immigrés africains en terre européenne. En toute illégalité.


Tristesse et colère

Il y a deux réactions qui s’entremêlent à l’écoute de cette terrible actualité : d’abord, une légitime émotion, légitime mais passagère, celle de la spontanéité, en pensant à ces malheureux ; ensuite, une remarque d’impuissance, de fatalité sur un fond de "on ne peut pas s’occuper de toute la misère humaine". Avec un "on" si indéfini que cela arrange bien (voir ci-dessous le discours du pape).

En somme, lorsque les sauveteurs auront fini leur éprouvant travail, que les corps auront été enterrés (où ?), l’actualité passera à autre chose. Et dans quelques mois, un nouveau drame reviendra et le même cycle d’émotion et de fatalisme apparaîtra jusqu’à une nouvelle indifférence.

Pourtant, depuis 1992, c’est à un rythme croissant que ces immigrés arrivent, plusieurs dizaines de milliers par an, dans des embarcations de fortune, avec environ 25 000 personnes qui auraient péri pendant cette période. En gros, trois morts par jour en moyenne sur ces vingt années, mais le rythme s’est accéléré et l’an dernier, c’était une moyenne de quatorze noyés par jour. Certes, rien qu’en France, il y a environ onze tués sur la route par jour. Mais ces quatorze immigrés noyés, ils sont à rajouter à ces autres morts. On ne peut pas se satisfaire d’une simple émotion passagère. Ces noyés ont autan de dignité que les autres êtres humains.

D’ailleurs, même accéléré, ce rythme n’est pas aussi soutenu qu’on pourrait l’imaginer. Dès le 29 septembre 2013 à Rome, José Angel Oropeza, le directeur du Bureau de coordination pour la Méditerranée de l’OIM (Organisation internationale des migrations), tenait à insister : « Aujourd’hui, la migration est Sud-Sud. Les 26 000 personnes arrivées en Italie après la crise libyenne ne représentent que 3% des personnes ayant fui ce pays durant la crise. ». Les 97% autres ont fui dans d’autres pays africains.


Les nouveaux boat people

Ce sont les nouveaux boat people. Le phénomène avait commencé à la chute de Saigon en 1975 avec cent cinquante mille réfugiés vietnamiens qui fuirent le régime communiste dans des bateaux très dangereux. Coïncidence ? Le général victorieux, Vo Nguyen Giap, s’est éteint à 102 ans le lendemain de la (dernière) tragédie de Lampedusa. Cela a continué avec des Haïtiens cherchant à atteindre la Floride.

yartiLampedusa07

Aujourd’hui, avec l’Espace de Schengen qui veut que les frontières intérieures de l’Europe soient ouvertes, les réfugiés africains voient l’intérêt d’atteindre Lampedusa, porte de l’Europe. Lampedusa est une petite île située très près des côtes tunisiennes et libyennes, au large de Malte. Les révolutions arabes ont eu certes une influence à partir de 2011.

yartiLampedusa03


Deux souvenirs…

Ce drame me fait penser à deux "buzz" médiatiques, l’un ancien et l’autre récent.

L’acteur Yves Montand avait présenté l’émission "Vive la crise" diffusée le 22 février 1984 sur Antenne 2 pour évoquer la crise économique mondiale (déjà) et avait évoqué la menace de nouveaux boat people qui iraient accoster en masse le sol européen pour chercher un peu de prospérité.

L’autre souvenir fut la phrase maritime très choquante de l’ancienne députée UMP de Seine-et-Marne Chantal Brunel qui avait lancé le 8 mars 2011 (en pleine journée de la femme) : « Il n’est pas normal que l’on ne rassure pas les Français sur toutes les populations qui viennent de la Méditerranée. Après tout, remettons-les dans les bateaux ! Le temps n’est plus à la parole mais aux actes et aux décisions. On doit assurer la sécurité en France et rassurer les Français. ». Désavouée par son parti, ce dernier l’avait quand même investie en juin 2012 et heureusement, elle a été battue dans sa circonscription.


Le pape François

Car finalement, sans vouloir culpabiliser dans un pays de bisounours, c’est bien le pape François qui a la meilleure réaction. Lui, il parle de honte. Honte car, dans ce type de drame, ce sont nos valeurs qui sont en danger, celles de l’humanisme et du respect à la personne humaine. Ce n’est pas une question de culpabilité mais de responsabilité.

Ce n’est pas un hasard si la première visite pastorale du nouveau pape François a été pour Lampedusa, le 8 juillet 2013. Heureusement qu’il n’a pas attendu ces trois cents morts pour s’inquiéter du sort de ces fragiles migrants. Son rôle est clairement du côté des plus démunis et contre ceux qui, par égoïsme ou par lâcheté, préfèrent se fermer les yeux, voire sont vaguement heureux de voir moins d’immigrés clandestins sur le sol européen.

En ce début de l’été, devant plusieurs milliers de migrants et d’habitants, le pape François avait proclamé dans son homélie : « Immigrés morts en mer, dans ces bateaux qui, au lieu d’être un chemin d’espérance, ont été un chemin de mort. Il y a quelques semaines, quand j’ai appris cette nouvelle, qui malheureusement s’est répétée tant de fois, ma pensée y est revenue continuellement comme une épine dans le cœur qui apporte de la souffrance. J’ai alors senti que je devais venir ici aujourd’hui pour prier, pour poser un geste de proximité, mais aussi pour réveiller nos consciences pour que ce qui est arrivé ne se répète pas. S’il vous plaît, que cela ne se répète pas ! ».

Et il avait insisté sur l’irresponsabilité de tous : « Aujourd’hui aussi, cette question émerge avec force : qui est le responsable du sang de ces frères et sœurs ? Personne ! Nous répondons tous ainsi : ce n’est pas moi… les autres, mais pas moi. (…) Nous regardons notre frère à moitié mort sur le bord de la route, peut-être pensons-nous "le pauvre" et nous continuons notre route, ce n’est pas notre affaire, et avec cela, nous nous mettons l’âme en paix. La culture du bien être qui nous amène à penser à nous-mêmes, nous rend insensibles aux cris des autres, nous fait vivre dans des bulles de savon qui sont belles mais ne sont rien, qui ne sont que l’illusion du futile, du provisoire, qui conduit à l’indifférence envers les autres, et qui conduit même à une mondialisation de l’indifférence. Nous sommes habitués à la souffrance des autres, cela ne nous concerne pas, ne nous intéresse pas, n’est pas notre affaire !… La mondialisation de l’indifférence nous rend tous "innommés", des responsables sans nom et sans visage. ».

Mais pour lui, il ne s’agissait pas de culpabiliser les hommes, juste de leur faire prendre conscience que ces tragédies concernent tout le monde : « Seigneur (…), nous te demandons pardon pour notre indifférence envers nos frères et sœurs. Nous te demandons pardon pour ceux qui se sont habitués, se sont fermés dans leur bien-être qui entraîne l’anesthésie du cœur. Nous te demandons pardon pour ceux qui, par leurs décisions au niveau mondial, ont créé des situations qui conduisent à ces drames. ».

Ses mots étaient très forts, ses expressions très incisives : "illusion du futiles", "mondialisation de l’indifférence", "anesthésie du cœur"… mais aussi "phare pour le monde".

Car le pape est aussi capable de voir la générosité des habitants de Lampedusa qui font tout leur possible pour secourir les migrants : « Je veux vous remercier une fois encore, vous les Lampédousiens, pour votre exemple d’amour, pour votre exemple de charité, pour votre exemple d’accueil, que vous donnez, que vous avez donné, que vous donnez encore. (…) Que cet exemple soit un phare pour le monde entier, pour qu’on ait le courage d’accueillir ceux qui cherchent une vie meilleure. Merci de votre témoignage. Et je veux aussi vous remercier de votre tendresse (…). ».

yartiLampedusa05

C’est lors d’un symposium, le 3 octobre 2013, sur le cinquantenaire de l’encyclique "Pacem in Terris" de son prédécesseur Jean XXIII que le pape François a appris le naufrage de l’embarcation : « En parlant de la paix et de la crise économique mondiale, symptôme d’un manque de respect envers l’homme, je ne peux pas ne pas penser avec une immense douleur aux nombreuses victimes du énième naufrage. Un seul mot me vient à l’esprit : honte ! C’est une honte ! (…) Unissons-nous pour que de telles tragédies ne se reproduisent pas ! Seule une véritable collaboration générale peut aider à les prévenir ! ».


Ne pas en rester à la seule émotion

L’égoïsme engendré par la forte crise économique et sociale a complètement aveuglé ceux qui ne voient plus l’essentiel, ceux qui ne mettent plus la priorité à leurs valeurs.

Car de quoi s’agit-il ? Il ne s’agit pas ici de parler de politique d’immigration. Il ne s’agit pas de gloser sur les "Roms" et leur capacité à ou à ne pas s’insérer dans la société française, comme le gouvernement actuel s’évertue à le faire. Il ne s’agit pas d’avoir une idée théorique des flux migratoires.

Il s’agit juste de parer au plus pressé. D’agir avec urgence. De sauver ces centaines de vies en danger, souvent dupées par de négociants en chair humaine motivés par l’argent.

Du reste, ce ne sont pas seulement "nos" valeurs mais également la loi internationale. L’article 98 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, issue de la résolution 3067 adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU le 16 novembre 1973  et entrée en application le 16 novembre 1994, oblige chaque pays à porter assistance aux naufragés, quels qu’ils soient. L’Union Européenne a ratifié cette convention en 1998.

La France brille par la vacuité de sa pensée face à ce drame humain. Pourtant, Lampedusa n’est pas qu’une affaire italienne, c’est une affaire européenne, et essentiellement française et allemande, puisque la destination finale de ces migrants sont surtout la France et l’Allemagne.

Je parle de vacuité mais ce n’est pas tout à fait exact, car le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault a quand même commencé à se réveiller avec deux jours de retard en proposant timidement, le 5 octobre 2013 à Metz, une discussion au sein de l’Union Européenne sur le sujet de la gestion des frontières maritimes, sans cependant indiquer une seule solution : « Au-delà du drame, de la tragédie, il est important que les responsables politiques européens en parlent, et vite, ensemble. (…) C’est à eux de se réunir pour trouver la bonne réponse mais la compassion ne suffit pas. (…) Qui peut rester insensible ? J’ai été profondément touché, ému par les images que j’ai vues. (…) C’est un drame terrible, qui ne peut que soulever notre compassion, notre solidarité, mais au-delà des mots, je crois qu’il est important que l’Europe se préoccupe de cette situation particulièrement dramatique. ».


Comment éviter les futurs naufrages ?

Parmi les mesures à prendre, donc, il n’y a pas à tergiverser.

Il y a les mesures d’urgence. C’est une honte de laisser mourir des migrants si on sait qu’ils sont en dérive et qu’ils vont se noyer. Il faut sauver ces vies comme on sauve toutes les vies en danger sur son sol. Je rappelle, à tout hasard, que ces malheureux sont avant tout des être humains et qu’ils sont loin d’être des envahisseurs : ils viennent sans arme et sont loin de vouloir "conquérir" la terre de leur destination.

Il y a aussi des mesures de moyen terme. Il faut absolument combattre tous ces marchands de rêves et de morts qui trafiquent pour affréter ces radeaux de la Méduse. Une activité qui semble très lucrative vu le coût exorbitant que doivent payer les candidats à l’immigration illégale (plusieurs milliers d’euros qu’ils trouvent principalement en s’endettant) pour une sécurité quasi-nulle. La méthode, ce serait sans doute des conventions avec les pays de départ de ces pitoyables traversées, la Tunisie, la Libye, peut-être l’Égypte. Interdire le départ de tout bateau qui ne serait pas avec un minimum de normes de sécurité, notamment en terme de contenance humaine. Les navires surchargés arrivent rarement à destination.

yartiLampedusa04

Le président de l’UMP, Jean-François Copé a proposé le 5 octobre 2013 à Paris de réformer en profondeur la Convention de Schengen : « Nous devons sanctionner et même exclure les pays qui ne contrôlent pas les frontières extérieures de l’Europe. ». Ce qui a réagir le Ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders sur : « la nécessité d’une politique européenne de l’immigration, globale, solidaire et équilibrée. Le contrôle des frontières extérieures ne constitue qu’un des éléments de cette politique. ».

Le 1er octobre 2013, Daniela Pompei, experte sur l’immigration au sein de la communauté de Sant’Egidio, avait prôné la mise en place d’un centre d’accueil européen en Sicile : « L’Europe devrait constituer un réseau continental de premier accueil dans les lieux de débarquement, et non en Libye ou ailleurs. ».

Mais cela ne réduirait pas le risque des traversées de la Méditerranée et Jean-François Copé l’avait noté aussi : « Tant que nous laisserons croire à des millions d’hommes et de femmes à travers le monde que l’Europe est un continent ouvert à tous les flux, que nos frontières sont des passoires, alors il y aura des mafieux pour les exploiter, il y aura des réfugiés prêts à tenter le tout pour le tout pour arriver sur notre sol. ». Le problème, c’est qu’il n’y a pas besoin de laisser croire pour que les candidats à l’immigration croient.

Vers un horizon plus large, les solution à long terme concernent le développement des pays d’origine. Si ceux-ci étaient prospères, il y aurait moins de tentations et de tentatives d’émigrer (mais il en resterait encore). C’est un discours très théorique puisque, s’il est possible, avec un effort des contribuables, d’aider financièrement des pays, il est impossible de remplacer leur propre gouvernance (ou non gouvernance).

L’Italie pourrait aussi imaginer des solutions loufoques comme céder à la Tunisie ou à la Libye l’île de Lampedusa, lui retirant ainsi tout intérêt pour les migrants, qui iraient cependant s’échouer ailleurs (Chypre, Malte, Grèce, Italie, Espagne).

D’autres enfin imaginent la mise en place d’un couloir humanitaire pour éviter les naufrages, mais ce n’est pas très réaliste non plus : d’une part, cela encouragerait ces traversées illégales ; d’autre part, les autorités auraient plus de facilité à les stopper à temps, et finalement, d’autres voies maritimes, plus dangereuses, seraient adoptées. On reviendrait au point de départ.


Monde globalisé aux flux migratoires permanents

Ce qui est important de reconnaître, c’est que le monde est et a toujours été globalisé, à savoir, qu’il y a toujours eu des flux migratoires. Aujourd’hui, le mouvement est peut-être plus ample : il y a actuellement au moins un milliard de personnes dans le monde qui sont des migrants, dont deux cent vingt millions internationaux, selon José Angel Oropeza.

yartiLampedusa02

On aurait beau vouloir fermer complètement les frontières qu’il y aurait toujours des brèches et de nouveaux marchands de rêves pour les exploiter. À moins de vouloir vivre dans un pays autarcique, coupé du monde, interdit d’entrer mais aussi de sortir (il en reste encore quelques-uns dans ce monde), il faut plutôt essayer répondre avec les mêmes valeurs à ces enjeux nouveaux.

Le jour enfin où l’on comprendra que dans tous les cas, quelles que soient les situations difficiles et complexes, l’homme est avant tout une richesse par lui-même, on pourra revoir le dossier avec à la fois plus d’humanisme mais aussi plus d’efficacité, au lieu de jouer perpétuellement au chat et à la souris dans un malaise général qui provoque des drames et aussi de la xénophobie.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (7 octobre 2013)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le pape François.
Pendant ce temps, on parle "Roms".
Vive la Crise (22 février 1984).
Le point de vue très proche de Koztoujours sur le sujet (7 octobre 2013).



(Tableaux : le premier est de Danielle Bellefroid et le second, bien plus connu, de Théodore Géricault).

yartiLampedusa06

 

  http://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/lampedusa-la-honte-de-l-europe-141886

 

 

 

Partager cet article
Repost0
1 octobre 2013 2 01 /10 /octobre /2013 14:31

(verbatim)

Très bonnes remarques (comme souvent) du blogueur Koztoujours sur les récentes déclarations de Manuel Valls à propos des "Roms"...
Je me permets de livrer sa réflexion provenant de son blog au lien ci-dessous.

http://www.koztoujours.fr/roms-des-freres




Roms, des frères
par Koztoujours, tu m'intéresses !
Posted: 01 Oct 2013 07:51 AM PDT

Ne pas parler des Roms, passer son tour.

Il y aurait bien des raisons de le passer. Il y a les jeunes filles ce matin, place du Châtelet, qui tendent des pétitions pour mieux faire les poches.

Il y a ces autres jeunes filles que j’ai croisées, enfant, il y a probablement 30 ans à Rome, et qui me faisaient peur en me pressant avec des pétitions du même tonneau. Il y a la forte probabilité pour que le cambriolage subi l’an dernier ait été le fait de Roms. Il y a aussi tous ces faits qui ne me touchent pas directement mais que nous savons exacts, il y a ces réseaux de mendicité, et les nuisances pour les voisins. Les nier serait aussi injuste que lâche. Et l’on ne peut pas ignorer non plus ces populations locales soumises à des exactions.

Il y a la trop pratique accusation d’angélisme, que lancent ceux pour lesquels la seule réponse jamais valide sera toujours la répression. Des angéliques ou « des tordus », notez. Il y a cette question, tout aussi commode : « et tu ferais quoi, toi ? », qui les autoriserait davantage à s’exprimer puisque leur solution de facilité est connue. Il y a cette autre accusation latente d’être un bourgeois au chaud (oubliant que le bourgeois apeuré est également au chaud). Et il y a cette variante mi-sérieuse mi-badine entendue d’une proche, qui porte pourtant une lourde responsabilité là-dedans : « arrête de faire ton catholique ». Cette crainte de paraître politiquement correct, qui prend le pas sur le cœur. Il y a aussi ces 77% de Français qui approuvent Manuel Valls.

Il y a encore ceux que l’on avait entendus il y a trois ans déjà, dans l’Eglise ou à gauche, et qui se montrent trop discrets aujourd’hui, alors même que les déclarations (réitérées) de Manuel Valls sont plus que comparables à celles de Nicolas Sarkozy dans son fameux discours de Grenoble. Combien de politiques de gauche pour venir apporter leur soutien à Valls aujourd’hui, signe que ce discours progresse tranquillement. S’ils se taisent, alors, pourquoi parler ?

Et puis, il y a aussi cette petite voix d’enfant qui, d’un trottoir à l’autre de l’avenue de la Grande Armée, appelle son frère perché sur les épaules de son père. Il y a le sourire éclatant du père, le signe de la main de la mère, le regard des enfants. Cette petite famille que je croisais encore récemment tous les jours et qui, certes, vit de la mendicité, mais dont je ne peux imaginer qu’elle s’en satisfasse. Il y a Marizska, Mozol et Luana, dont nous parle Valérie. Luana, qui a été scolarisée et qui est aujourd’hui étudiante en médecine. Il y a Sergiu, professeur de piano. Il y a cet homme, vu en photo dans La Croix, fier d’avoir pu acheter la photo de classe de son fils. Et Anna et Maria, qu’évoque Florence.

Il y a tout simplement cette confiance intuitive en l’Homme qui doit nous faire rejeter l’idée étonnante qu’une population globale puisse refuser, par principe et par culture, le confort, l’intégration, la paix, l’estime des autres, la sécurité, le respect, la stabilité, la vie de famille et l’avenir pour ses enfants. Passe encore pour une personne isolée, mais imaginer cela d’une population entière n’est ni réaliste ni acceptable. Cette idée est encore plus odieuse vis-à-vis d’une population qui a connu directement les conséquences des propos globalisants poussés à l’extrême, et envers laquelle l’Europe aurait peut-être une dette d’humanité.

Aujourd’hui, les associations humanitaires ont raison, dans leur lettre ouverte, d’exiger du Président une parole forte sur les Roms. Il ne peut pas se retrancher derrière ses habituelles synthèses impossibles.

Intégrer les Roms se heurte certainement à leurs propres réticences, à leur méfiance aussi. Ce choix est certainement difficile. Ça l’est évidemment plus encore lorsqu’on expulse une famille avec des enfants scolarisés, ou lorsqu’on ferme aux parents le marché du travail. Une société qui se respecte devrait, sur ce sujet comme sur d’autres, mettre le paquet pour les plus faibles.

Tant pis alors si nous passons pour des angéliques, des tordus ou, pire, des catholiques. Tant pis. Prenons même le risque, en voyant surtout en eux des Hommes, d’avoir un regard réducteur sur la réalité des Roms en France. D’autres ne se privent pas d’être cruellement simplistes pour ne voir en eux que des délinquants, ou des engeances d’inadaptés. Vous qui pensez que je me trompe, dîtes-vous que je veux bien risquer de me tromper mais, de préférence, en ayant cru en l’Homme. Me tromper par amour du prochain, pas par haine de l’autre (ni indifférence). Refuser d’être bassement flatté dans mon rejet de l’étranger par ces discours tristement connus des temps de crise. Être une voix, même  – et encore – contre la majorité, pour gêner un tant soit peu les consciences qui s’assoupissent. Être aussi intraitable sur ce sujet que sur d’autres pour rappeler la dignité de tout l’homme et de tout Homme, pour rappeler que les Roms sont aussi, tout simplement, des frères.

Koztoujours le 01/10/2013
(Visited 3 270 times, 1 342 visits today)

Partager cet article
Repost0
2 août 2013 5 02 /08 /août /2013 19:30

(verbatim)




Décision n° 2013-674 DC du 01 août 2013
Communiqué de presse
Projet de loi adopté le 16 juillet 2013 (T.A. n° 187)
Saisine 60 députés
Décision n° 2013-674 DC du 01 août 2013

Loi tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires.


Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, le 18 juillet 2013, par MM. Christian JACOB, Élie ABOUD, Yves ALBARELLO, Julien AUBERT, Olivier AUDIBERT-TROIN, Jean-Pierre BARBIER, Étienne BLANC, Mme Valérie BOYER, MM. Xavier BRETON, Olivier CARRÉ, Yves CENSI, Jérôme CHARTIER, Guillaume CHEVROLLIER, Dino CINIERI, François CORNUT-GENTILLE, Édouard COURTIAL, Mme Marie-Christine DALLOZ, MM. Gérald DARMANIN, Bernard DEFLESSELLES, Patrick DEVEDJIAN, Nicolas DHUICQ, Mme Sophie DION, MM. Jean-Pierre DOOR, David DOUILLET, Mmes Marianne DUBOIS, Virginie DUBY-MULLER, MM. Christian ESTROSI, Daniel FASQUELLE, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FOULON, Yves FROMION, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Hervé GAYMARD, Mme Annie GENEVARD, MM. Guy GEOFFROY, Bernard GÉRARD, Daniel GIBBES, Philippe GOSSELIN, Mmes Claude GREFF, Anne GROMMERCH, MM. Jean-Jacques GUILLET, Christophe GUILLOTEAU, Patrick HETZEL, Sébastien HUYGHE, Mme Laure de LA RAUDIÈRE, M. Alain LEBOEUF, Mme Isabelle LE CALLENNEC, MM. Marc LE FUR, Dominique LE MÈNER, Jean LEONETTI, Pierre LEQUILLER, Mme Véronique LOUWAGIE, MM. Hervé MARITON, Alain MARTY, François DE MAZIÈRES, Damien MESLOT, Philippe MEUNIER, Pierre MORANGE, Yannick MOREAU, Pierre MOREL-A-L'HUISSIER, Jacques MYARD, Mme Dominique NACHURY, MM. Yves NICOLIN, Bernard PERRUT, Jean-Frédéric POISSON, Mme Josette PONS, MM. Didier QUENTIN, Frédéric REISS, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Thierry SOLÈRE, Claude STURNI, Lionel TARDY, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Jean-Marie TETART, Patrice VERCHÈRE, Philippe VITEL, Éric WOERTH, Mmes Marie-Jo ZIMMERMANN et Véronique BESSE, députés.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code civil ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 24 juillet 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires ; qu'ils mettent en cause la procédure d'adoption de la loi et la conformité à la Constitution de son article unique ;

- SUR LA PROCÉDURE :

2. Considérant que, selon les requérants, le recours à une proposition de loi a eu pour conséquence d'éluder l'application de l'article L. 1412-1-1 du code de la santé publique qui prévoit : « Tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé doit être précédé d'un débat public sous forme d'états généraux. Ceux-ci sont organisés à l'initiative du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, après consultation des commissions parlementaires permanentes compétentes et de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
« À la suite du débat public, le comité établit un rapport qu'il présente devant l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui procède à son évaluation.
« En l'absence de projet de réforme, le comité est tenu d'organiser des états généraux de la bioéthique au moins une fois tous les cinq ans » ;

3. Considérant que, d'une part, les dispositions précitées de l'article L. 1412-1-1 du code de la santé publique, applicables aux projets de loi, ont valeur législative ; que, d'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article 39 de la Constitution : « L'initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement » ; qu'aucune règle constitutionnelle ou organique ne faisait obstacle au dépôt et à l'adoption de la proposition de loi dont est issue la loi déférée ; que, par suite, le grief tiré de ce que le recours à une proposition de loi et l'absence de mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 1412-1-1 précité seraient constitutifs d'un « détournement de procédure » doit en tout état de cause être écarté ; que la loi déférée a été adoptée selon une procédure conforme à la Constitution ;

- SUR LE FOND :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de l'article unique de la loi déférée : « I. - Aucune recherche sur l'embryon humain ni sur les cellules souches embryonnaires ne peut être entreprise sans autorisation. Un protocole de recherche conduit sur un embryon humain ou sur des cellules souches embryonnaires issues d'un embryon humain ne peut être autorisé que si :
« 1° La pertinence scientifique de la recherche est établie ;
« 2° La recherche, fondamentale ou appliquée, s'inscrit dans une finalité médicale ;
« 3° En l'état des connaissances scientifiques, cette recherche ne peut être menée sans recourir à ces embryons ou ces cellules souches embryonnaires ;
« 4° Le projet et les conditions de mise en oeuvre du protocole respectent les principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires.
« II. - Une recherche ne peut être menée qu'à partir d'embryons conçus in vitro dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation et qui ne font plus l'objet d'un projet parental. La recherche ne peut être effectuée qu'avec le consentement écrit préalable du couple dont les embryons sont issus, ou du membre survivant de ce couple, par ailleurs dûment informés des possibilités d'accueil des embryons par un autre couple ou d'arrêt de leur conservation. À l'exception des situations mentionnées au dernier alinéa de l'article L. 2131-4 et au troisième alinéa de l'article L. 2141-3, le consentement doit être confirmé à l'issue d'un délai de réflexion de trois mois. Le consentement des deux membres du couple ou du membre survivant du couple est révocable sans motif tant que les recherches n'ont pas débuté.
« III. - Les protocoles de recherche sont autorisés par l'Agence de la biomédecine après vérification que les conditions posées au I du présent article sont satisfaites. La décision de l'agence, assortie de l'avis du conseil d'orientation, est communiquée aux ministres chargés de la santé et de la recherche qui peuvent, dans un délai d'un mois et conjointement, demander un nouvel examen du dossier ayant servi de fondement à la décision :
« 1° En cas de doute sur le respect des principes éthiques ou sur la pertinence scientifique d'un protocole autorisé. L'agence procède à ce nouvel examen dans un délai de trente jours. En cas de confirmation de la décision, la validation du protocole est réputée acquise ;
« 2° Dans l'intérêt de la santé publique ou de la recherche scientifique, lorsque le protocole a été refusé. L'agence procède à ce nouvel examen dans un délai de trente jours. En cas de confirmation de la décision, le refus du protocole est réputé acquis ;
« En cas de violation des prescriptions législatives et réglementaires ou de celles fixées par l'autorisation, l'agence suspend l'autorisation de la recherche ou la retire. L'agence diligente des inspections comprenant un ou des experts n'ayant aucun lien avec l'équipe de recherche, dans les conditions fixées à l'article L. 1418-2.
« IV. - Les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation » ;

5. Considérant que les requérants soutiennent que l'autorisation de recherches sur l'embryon humain et les cellules souches embryonnaires porte atteinte au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine en ce qu'elle méconnaît à la fois le principe du respect de l'être humain dès le commencement de sa vie, le principe d'intégrité de l'espèce humaine, le principe d'inviolabilité, ainsi que le principe de non-patrimonialité du corps humain ; qu'ils font valoir que l'atteinte à ces principes résulte notamment de l'imprécision et de l'inintelligibilité des dispositions contestées ;

6. Considérant que, selon les requérants, les conditions énumérées au paragraphe I de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique permettant d'autoriser la recherche sur l'embryon sont imprécises ; qu'en particulier, la troisième condition serait inintelligible ; que la quatrième condition ferait référence à des principes éthiques qui ne sont pas définis et que le législateur aurait ainsi méconnu l'étendue de sa compétence ;

7. Considérant que les requérants font également valoir qu'en prévoyant un nouvel examen dans un délai de trente jours soit « en cas de doute sur le respect des principes éthiques ou sur la pertinence scientifique d'un protocole autorisé », soit « dans l'intérêt de la santé publique ou de la recherche scientifique, lorsque le protocole a été refusé », le paragraphe III de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique ne définit pas précisément les conditions de ce nouvel examen ; que le législateur aurait ainsi méconnu l'étendue de sa compétence ; que l'absence de garanties d'examen contradictoire et de procédure constituerait également une méconnaissance de la garantie des droits inscrite à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
. En ce qui concerne les griefs tirés de l'incompétence négative et de la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi :

8. Considérant qu'il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que le plein exercice de cette compétence, ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ;
- Quant au paragraphe I de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique :

9. Considérant, d'une part, que la législation antérieure à la loi déférée prévoit que la recherche sur l'embryon humain et les cellules souches embryonnaires peut être autorisée lorsque « la recherche est susceptible de permettre des progrès médicaux majeurs » et qu'il « est expressément établi qu'il est impossible de parvenir au résultat escompté par le biais d'une recherche ne recourant pas à des embryons humains, des cellules souches embryonnaires ou des lignées de cellules souches » ; que les dispositions contestées remplacent ces deux conditions en permettant l'autorisation de la recherche « fondamentale ou appliquée » qui « s'inscrit dans une finalité médicale », lorsque, « en l'état des connaissances scientifiques, cette recherche ne peut être menée sans recourir à ces embryons ou ces cellules souches embryonnaires » ;

10. Considérant qu'en imposant que le projet et les conditions de mise en oeuvre du protocole respectent les « principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires », le législateur a entendu faire référence aux principes fixés notamment aux articles L. 2151-1 et suivants du code de la santé publique, relatifs à la conception et à la conservation des embryons fécondés in vitro et aux principes fixés notamment aux articles 16 et suivants du code civil et L. 1211-1 et suivants du code de la santé publique, relatifs au respect du corps humain ;

11. Considérant que les conditions énumérées au paragraphe I de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique, qui ne sont ni imprécises ni équivoques, ne sont pas contraires à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ;

12. Considérant, d'autre part, qu'en subordonnant au respect de ces conditions la délivrance de toute autorisation de recherche sur l'embryon humain ou les cellules embryonnaires issues d'un embryon humain, le législateur n'a pas confié à une autorité administrative le soin de fixer des règles qui relèvent du domaine de la loi ; qu'il n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence ;
- Quant au paragraphe III de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique :

13. Considérant que les dispositions du paragraphe III de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique permettent aux ministres chargés de la santé et de la recherche de demander conjointement, dans un délai d'un mois suivant la décision de l'Agence de la biomédecine sur une demande d'autorisation d'un protocole de recherche, un nouvel examen du dossier ayant servi de fondement à la décision ; qu'il ressort des dispositions du 1° et du 2° du paragraphe III que, pour toute demande de réexamen, qu'elle fasse suite à une autorisation ou à un refus, l'Agence de la biomédecine doit à nouveau s'assurer que l'ensemble des conditions prévues aux 1° à 4° du paragraphe I sont remplies ; que l'Agence de la biomédecine dispose d'un délai de trente jours à compter de la demande de réexamen ; que, par suite, le législateur a défini précisément la possibilité de réexamen des protocoles de recherche par l'Agence de la biomédecine et les conditions de ce réexamen et n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence ;
. En ce qui concerne le grief tiré de l'atteinte au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine :

14. Considérant que le Préambule de la Constitution de 1946 a réaffirmé et proclamé des droits, libertés et principes constitutionnels en soulignant d'emblée que : « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés » ; qu'il en ressort que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle ;

15. Considérant qu'aux termes du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » et qu'aux termes de son onzième alinéa : « Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère..., la protection de la santé » ;

16. Considérant que les dispositions contestées prévoient qu'aucune recherche sur l'embryon humain ni sur les cellules souches embryonnaires ne peut être entreprise sans autorisation ; qu'elles soumettent aux conditions énumérées dans le paragraphe I de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique tout protocole de recherche conduit sur un embryon humain ou sur des cellules souches embryonnaires issues d'un embryon humain ; qu'elles fixent la règle selon laquelle la recherche ne peut être autorisée que si elle s'inscrit dans une « finalité médicale » ; qu'elles posent le principe selon lequel la recherche n'est menée qu'à partir d'embryons conçus in vitro dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation et qui ne font plus l'objet d'un projet parental ; qu'elles prévoient également le principe selon lequel la recherche est subordonnée à un consentement écrit préalable du couple dont les embryons sont issus ou du membre survivant de ce couple, ainsi que le principe selon lequel les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation ; qu'elles fixent les conditions d'autorisation des protocoles de recherche par l'Agence de la biomédecine et la possibilité pour les ministres chargés de la santé et de la recherche de demander un nouvel examen du dossier ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les dispositions du paragraphe III n'instituent pas une procédure d'autorisation implicite des recherches ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, si le législateur a modifié certaines des conditions permettant l'autorisation de recherche sur l'embryon humain et sur les cellules souches embryonnaires à des fins uniquement médicales, afin de favoriser cette recherche et de sécuriser les autorisations accordées, il a entouré la délivrance de ces autorisations de recherche de garanties effectives ; que ces dispositions ne méconnaissent pas le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ;

18. Considérant, enfin, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la procédure administrative de réexamen du dossier ayant servi de fondement à la décision de l'Agence de la biomédecine ne porte aucune atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif et au principe du contradictoire qui découlent de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;

19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la loi déférée, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, doit être déclarée conforme à la Constitution,

D É C I D E :

Article 1er.- La loi tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires est conforme à la Constitution.

Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 1er août 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d'ESTAING, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.

JORF du 7 août 2013 page 13450 (@ 2)
ECLI:FR:CC:2013:2013.674.DC



Partager cet article
Repost0
16 juillet 2013 2 16 /07 /juillet /2013 17:58

(dépêche)


ALERTE INFO LE FIGARO >16/07/2013 à 17H31    
Le Parlement adopte le texte autorisant la recherche sur l'embryon

Le Parlement français a adopté aujourd'hui une proposition de loi qui autorise sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, malgré la vive opposition de la droite et des associations religieuses. La loi de 2011 prévoit une interdiction de la recherche sur les embryons mais assortie de dérogations accordées par l'Agence de biomédecine. La proposition de loi présentée par les radicaux de gauche prévoit de passer d'un régime "d'interdiction assorti de dérogations" à un régime "d'autorisation encadrée" de la recherche sur l'embryon.
L'Assemblée a adopté aujourd'hui dans les mêmes termes par 314 voix contre 223 le texte que le Sénat avait voté le 5 décembre dernier et qui est donc définitivement adopté. L'opposition, qui avait déjà réussi le 28 mars à faire interrompre l'examen de cette proposition de loi en faisant traîner les débats, a mené une longue bataille, déposant près de 300 amendements sur un texte comptant un seul article. L'UMP a d'ores et déjà annoncé qu'elle allait déposer un recours devant le conseil constitutionnel.
L'ensemble de la gauche, Front de gauche inclus, a voté en faveur de cette proposition soutenue par Geneviève Fioraso, la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. "Il est grand temps de désentraver la recherche au profit des scientifiques et surtout des malades en attente de thérapies nouvelles", a dit Roger-Gérard Schwartzenberg, le président du groupe des radicaux de gauche.
Pour l'UMP Philippe Gosselin, au contraire, ce texte "rompt l'équilibre" de la loi de 2011 "pour céder à de l'idéologie, de la calinothérapie à l'égard des radicaux de gauche et puis aussi à la pression mercantile d'un certain nombre de laboratoires".
Plusieurs dizaines d'opposants à ce texte, également critiqué par Mgr André Vingt-Trois, cardinal archevêque de Paris, étaient venus manifester jeudi aux abords du Palais-Bourbon.



Tout savoir sur l'expérimentation sur l'embryon humain ici :
http://0z.fr/lWpK9

 

 



Partager cet article
Repost0
10 juillet 2013 3 10 /07 /juillet /2013 06:22

La France s’avance dans la zone rouge de l’aventure anti-éthique : toutes les digues du respect de la personne humaine sont progressivement renversées… Est-ce le symptôme de la victoire définitive du matérialisme sur la conscience ? L’embryon humain n’est pourtant pas un matériau comme les autres.


yartiEmbryonB04On n’en a pas fini avec la désacralisation de la personne humaine et les transgressions en tout genre. Après le "mariage pour tous" et son corollaire probable mais honteux, la "PMA pour tous", et peut-être même une future et déconseillée "mort pour tous", voici l’expérimentation pour tous.

J’en avais déjà parlé à l’issue du débat au Sénat dans la nuit du 4 au 5 décembre 2012, un vote en catimini, loin des médias. Il s’agit d’une proposition de loi qui est ensuite passée en discussion à l’Assemblée Nationale le 28 mars 2013 et par un artifice de procédure, et un problème de calendrier, cette discussion n’avait pas pu aboutir.

Eh bien, la voici qui revient par la porte de service : la poursuite de la discussion de la proposition de loi sur la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires à l’Assemblée Nationale est prévue pour ce jeudi 11 juillet 2013 à partir de 9h30, en pleine période estivale et probablement, comme les fois précédentes, sans aucune couverture médiatique.


Un débat tronqué et bâclé

Le gouvernement, de manière hypocrite puisqu’il s’agit ici d’une initiative parlementaire mais fortement encouragée par l’Exécutif, souhaite désormais légaliser le principe général d’expérimentation sur les embryons humains.

Expérimenter sur les embryons humains, cela veut dire utiliser des cellules souches issues d’un embryon humain, provenant d’une "banque" d’embryons surnuméraires "inutilisés" issus d’une assistance médicale à la procréation. Au contraire d’autres types de prélèvement cellulaire, cette opération détruit inéluctablement l’embryon.

Le problème, ici, c’est que les parlementaires de la majorité, encouragés par le gouvernement, ont voulu bâcler une réforme qui constitue une véritable révolution de la bioéthique en France, qui traditionnellement, et conformément aux accords d’Helsinki du 1er août 1975 qui évoquent principalement « la dignité inhérente à la personne humaine », défend la protection de l’embryon humain considéré comme personne en devenir.

Et quand j’écris "bâcler", je pèse mes mots puisque les rapports de la proposition de loi (au Sénat comme à l’Assemblée Nationale) n’ont auditionné quasiment personnes d’autres que des promoteurs de la recherche sur les embryons humains sans prendre des avis d’horizons différents. Par ailleurs, comme ce n’est pas un projet de loi, le texte n’a pas bénéficié de l’appui éclairé du Conseil d’État (cependant déjà favorable à l’idée depuis mai 2009).

Le sujet est doublement difficile, puisqu’il est à la fois très technique (il faut comprendre l’état d’avancement des biotechnologies) et très politique, où le politique se doit de faire la part de l’éthique et la part de l’économique qui est la motivation première de ce texte.


De quoi s’agit-il ?

L’idée est d’autoriser en général sous conditions particulières et contraignantes (que la loi pourra toujours assouplir par la suite, progressivement), au lieu d’interdire sauf exceptions dérogatoires (la loi actuelle).

yartiEmbryonB03

La principale motivation de cette démarche est, le cœur sur la main, les progrès de la médecine et la capacité de soigner des maladies encore difficiles à traiter.

Pourtant, cette proposition de loi ne changera rien sur l’état actuel de la recherche en France puisque les conditions contraignantes d’autorisation seraient à peu près équivalentes aux conditions de dérogations possibles à l’interdiction actuelle (selon l’Agence de la biomédecine qui fait autorité en la matière, 173 dérogations ont été délivrées jusqu’au 6 février 2011 et il n’y a eu que 4 refus sur sept ans, ce qui prouve bien que la loi de 2011 n’a en rien freiné la recherche en France).


Une idée dépassée et anachronique

De plus, cette idée est largement dépassée et anachronique puisque maintenant, il existe des procédés modernes qui permettent de faire le même type de recherche mais sans utiliser d’embryons humains, juste avec de la culture de cellules.

En effet, les travaux des deux biologistes John Gurdon et Shinya Yamanaka (prix Nobel de médecine 2012) sur les "induced pluripotent stem cells" (iPS ; cellules différenciées adultes reprogrammées en cellules souches embryonnaires) proposent depuis 2007 une bonne voie pour éviter de s’engluer dans une négation de la personne humaine, même en devenir, par l’instrumentalisation du corps.

Ce type de procédé a été purement et simplement méprisé par les députés de la majorité : « L’efficacité et les effets des autres méthodes (…) ne sont pas encore suffisamment connus et leur utilisation pose, elle aussi, des problèmes éthiques. », ce qui n’est pas exact puisque cela fait six ans que cette méthode existe, qu’elle a sans arrêt été justement comparée au clonage thérapeutique, et que le problème éthique ne se pose pas à l’heure actuelle puisqu’il est impossible d’aboutir à un embryon viable avec des cellules iPS (dire le contraire est méconnaître le procédé, voir l’avis de Jacques Testart ci-dessous).


Un texte qui divise et qui refuse le débat public

C’est certainement cette absence de publicité qui est le signe d’une véritable atrophie de la conscience républicaine. Car il faut rappeler deux éléments majeurs.

Le premier est que tout ce qui concernait la bioéthique faisait jusqu’à maintenant l’objet d’un consensus général, car ces sujets touchent au plus profond de la conscience. Depuis les premières lois du 19 juillet 1994, le législateur a ainsi souhaité adapter la législation périodiquement. Les premières lois de 1994 avaient mis en avant la protection de la personne humaine. Cela a fait l’objet d’une révision le 6 août 2004 puis le 7 juillet 2011 : il est donc étonnant d’adopter à la va-vite une réforme qui bouleverse toute la tradition républicaine à peine deux ans après une révision des lois bioéthiques.

Le second élément, c’est que la loi n°2011-814 du 7 juillet 2011 impose désormais l’organisation de débats publics, sous forme d’états généraux, avant de toucher à un seul sujet d’éthique. Ce sera donc le cas pour l’éventuel débat sur la fin de vie. Cela aurait dû être le cas également de l’expérimentation sur les embryons humains. Les juristes pourraient toujours dire qu’on peut défaire par une loi ce qu’on a fait par une précédente, mais ils ne montreraient dans ce cas pas beaucoup de considération pour la concertation sur un sujet qui ne devrait pas être politisé.


L’argument économique (et juridique)

Parmi les arguments en faveur de cette autorisation d’expérimentation, il y a ceux développés par François Hollande alors qu’il n’était que candidat, le 22 février 2012 lors de sa visite au Génopole d’Évry au côté de celui qui n’était encore que son directeur de communication, Manuel Valls (à l’époque député-maire d’Évry).

François Hollande y avait exactement déclaré : « Aucune raison sérieuse ne s’y oppose. Une cellule souche embryonnaire n’est pas un embryon. (…) Certes, des limites sont nécessaires et ces recherches devront être encadrées et soumises à des autorisations préalables délivrées par l’agence de biomédecine de manière à éviter toute marchandisation du corps humain. » et il avait ajouté : « Nous rattraperons notre retard sur d’autres pays, (…) nous favoriserons le retour des post-doctorants partis à l’étranger. ».

Donc, indépendamment de son immense incompétence sur le sujet (avec lui, on se demande vraiment d’où vient une cellule souche embryonnaire, si ce n’est d’un embryon), il y a eu deux arguments utilisés.

Le premier est que François Hollande est complètement favorable à l’instrumentalisation du corps humain tant que celle-ci se déroule gratuitement, sans considération marchande. On avait déjà ce type d’argument avec la PMA, ou la GPA, défendue par Najat Vallaud-Belkacem : oui mais sans marchandisation.

Le second argument n’est pourtant qu’un simple élément marchand : le retard de la recherche, et donc, le retard pour breveter et donc, des pertes pour l’économie nationale (en supposant que les chercheurs français aboutiraient à des résultats palpables).

La question d’ailleurs reste toujours assez troublante : ceux qui insufflent ces considérations économiques dans les questions éthiques ont de quoi faire très peur sur le type de société qu’ils voudraient. Une loi légalisant l’euthanasie et le suicide assisté serait également très favorable à l’économie : elle réduirait les coûts exorbitants des soins médicaux pour les malades en fin de vie, elle exonérerait des investissements massifs dans les soins palliatifs (qui manquent cruellement en France), et elle favoriserait la multiplication des transmissions de patrimoine (l’État se servant toujours d’une manière ou d’une autre au passage).

L’argument économique était revenu lors de la première journée de discussion à l’Assemblée Nationale le 28 mars 2013. La présidente de la commission des affaires sociale Catherine Lemorton (PS) rappelait que cette proposition était attendue des chercheurs car la législation actuelle bloquait les financements de l’industrie pharmaceutique par manque de visibilité.

yartiEmbryonB05

Couplé à l’argument économique, la rapporteure de la loi, la députée Dominique Orliac (PRG) a parlé de l’insécurité juridique dans laquelle la loi de 2011 aurait placé les chercheurs : « La rédaction actuelle de la loi est source de contentieux qui retardent le lancement de certains projets scientifiques. ». Pourtant, s’il y a contentieux, c’est que la situation est loin d’être si claire que cela sur la pertinence de certaines dérogations. Cet argument devrait en fait être un contre-argument en défaveur de la proposition de loi. De plus, cela ne changerait rien avec le texte en discussion, les conditions d’autorisation se prêtant aux mêmes incertitudes d’interprétation.

Le député Bernard Perrut (UMP) considérait effectivement que l’insécurité juridique ne serait pas éliminée avec l’adoption de cette proposition de loi puisque les contentieux concernent avant tout la compréhension des conditions de dérogations qui seraient les mêmes que les conditions d’autorisations si le texte était adopté.

On voit à quel point l’absence de réflexion en amont est grande parmi ces élus soumis au lobby des industries pharmaceutiques que l’affaire Cahuzac n’a malgré tout pas semblé réduire au silence.


Remettre de l’éthique dans l’économique

Faut-il donc encourager la science sans conscience ? Car les opposants à cette proposition dénoncent clairement une collusion entre autorisation d’expérimentation et ultralibéralisme, voire, libertarisme qui laissent de côté la primauté de l’humain sur l’économique.

Le député Jean Leonetti (UMP), réputé pour sa réflexion et son action sur la bioéthique, lors de la séance du 20 mars 2013 de la commission des affaires sociales, a tenté de remettre de la pondération et de la sagesse dans les débats : « J’invite nos collègues à adopter sur des sujets aussi sensibles des positions moins tranchées, triomphantes ou binaires. La loi de 2011 a mis en place, de façon consensuelle, une certaine procédure. J’avais proposé qu’on puisse modifier les lois de bioéthique dès que nécessaire. L’opposition de l’époque préférait une formule de révision régulière, tous les sept ans. Ce que nous avons voté, hormis le cas où une découverte scientifiques viendrait à bouleverser les équilibres. Nous avons précisé aussi, par amendement adopté à mon initiative, que chaque modification législative devrait être précédée d’états généraux (…). Car il ne s’agit pas d’un sujet aussi simple qu’on pourrait le croire. Or, voilà qu’aujourd’hui nous légiférons au bout d’un an et sans états généraux, donc sans débat public préalable, alors même que, à côté des scientifiques qui plaident toujours en faveur de la recherche, les citoyens se montrent extrêmement prudents quant au statut de l’embryon, être en devenir et non pas objet. ».

Dominique Dord (UMP), lui non plus, n’a pas compris cette précipitation : « Sur ces sujets sensibles, il est d’usage que l’on se donne du temps, et que l’on organise un débat public : comment pouvez-vous modifier la loi dans de telles conditions, par une proposition de loi comportant un article unique, en balayant d’un revers de main des convictions qui, si elles ne sont pas les vôtres, sont partagées par des millions de Français ? » (le gouvernement l’avait déjà fait avec le mariage des couples homosexuels).

Jean Leonetti n’a pas hésité à faire le parallèle avec l’avortement : « La bioéthique repose à la fois sur le pragmatisme et sur le symbolique, avec des conflits de valeurs portant sur la dignité de la personne humaine dès sa conception, référence constitutionnelle et non pas biblique, et autour de la nécessité de progresser sur le plan scientifique. La loi Veil sur l’interruption volontaire de grossesse protège le fœtus et autorise néanmoins, par dérogation, le droit à l’avortement. C’est là une constante du droit français, jamais abandonnée jusqu’ici, que d’affirmer la protection avant de prévoir des dérogations. ».


Détruire les principes fondateurs de notre société

Jean Leonetti a ensuite évoqué la « portée symbolique sur le plan international » de la législation française : « Ce n’est pas parce que certaines pratiques ont cours dans certains pays qu’on doit les autoriser chez nous. Au Brésil, on vend son rein pour quelques reals et la gestation pour autrui est autorisée dans certains pays européens… Attention donc à ne pas céder au moins disant éthique au nom du mieux disant scientifique et de la performance ! ».

S’adressant à Catherine Lemorton : « Vous avez dit, madame la présidente, que la France était en retard. Relisez donc ce qu’a écrit madame Sylviane Agacinski [épouse de Lionel Jospin] sur les lois de bioéthique : elle rappelle que la France est, au contraire, en avance, parce qu’elle est protectrice. » et a jugé utile de fustiger les lobbies à l’origine de cette proposition de loi : « Ce chant s’appelle aujourd’hui lobbying avec, à la clef, d’importants intérêts financiers. De ce lobbying, les députés doivent se garder comme Ulysse du chant des sirènes : il faut avoir connaissance du progrès mais ne pas s’y fourvoyer. ».

La députée Véronique Louwagie (UMP) aussi a beaucoup de doutes sur la pertinence de la proposition de loi : « Vous proposez un changement inédit, puisque le principe fondateur de la protection de l’être humain devient une exception. ».

La députée Valérie Boyer (UMP) a été encore plus alarmante : « Cette proposition de loi propose un bouleversement majeur des conditions de la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires. Sans débat et sans raison, la majorité s’acharne, avec la complicité du gouvernement, à détruire les principes fondateurs de notre société. Le respect de l’embryon humain, au cœur du droit bioéthique français, est aujourd’hui menacé. Faut-il rappeler qu’en vertu de l’article 16 du code civil, "la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie" ? Comme le relève Jürgen Habermas, l’autorisation de conduire des recherches sur l’embryon transforme la perception culturelle de la vie humaine. ».


D’autres solutions existent déjà, tout aussi performantes

Valérie Boyer en a profité pour rappeler que les cellules souches embryonnaires sont déjà dépassées dans la recherche thérapeutique : « En effet, les cellules souches adultes et issues du sang de cordon permettent d’ores et déjà de soigner des pathologies grâce à la thérapie cellulaire. En ce qui concerne la modélisation de pathologies et le criblage de molécules, les cellules souches iPS ont le  même potentiel que les cellules souches embryonnaires. Dès 1991, les travaux de l’équipe de Marie-Louise Labat, du CNRS, montraient la présence dans le sang d’une cellule souche capable de former différents tissus, vraisemblablement pluripotente. Récemment, en France également, l’équipe du professeur Luc Douay a obtenu des globules rouges à partir de cellules souches de sang de cordon ou de moelle osseuse. Les travaux des professeurs Yamanaka et Gurdon, couronnés par le prix Nobel en 2012, prouvent à quel point la recherche sur les cellules embryonnaires est désormais supplantée par les cellules non-embryonnaires ; plus de vingt lignées ont été obtenues et un institut, iPS Core, créé à Harvard, leur est consacré. Les pathologies concernées sont la maladie de Parkinson, le diabète, la chorée de Huntington, la trisomie, la maladie de Gaucher, la dystrophie de Duchenne, pour n’en citer que quelques-unes. Ces progrès extraordinaires concernant les cellules souches adultes ou induites et leurs possibles applications thérapeutiques, ou encore la vitrification des ovocytes autorisée depuis le 27 janvier 2011 et qui va enfin mettre un terme à la production d’embryons humains surnuméraires, sont totalement ignorés par cette proposition de loi passéiste. Force est de constater qu’il s’agit d’une démarche purement idéologique, qui fait courir de lourds risques de dérives et d’instrumentalisation. ».


Des consultations bâclées…

Pour préparer la discussion qui aura lieu ce jeudi 11 juillet 2013, il n’y a eu l’audition que de onze personnalités, dont le généticien Axel Kahn (ancien candidat PS aux législatives à Paris), le professeur Claude Huriet, président de l’Institut Curie (et ancien sénateur de Meurthe-et-Moselle, à l’origine des premières lois sur la bioéthique et sur l’expérimentation sur des êtres humains en 1988 et 1994), le journaliste Jean-Claude Ameisen (président du Comité national consultatif d’éthique) et le professeur René Frydman (père scientifique du premier pseudo-"bébé médicament" né le 26 janvier 2011).

yartiEmbryonB01

La discussion au Sénat en décembre 2012 était encore plus "pauvre" puisqu’il n’y avait eu que quatre personnes auditionnées (dont trois qui font partie des onze personnes auditionnées ensuite à l’Assemblée Nationale). C’est dire à quel point le sujet a été fouillé et débattu.


Pourquoi Jacques Testart n’a-t-il pas été auditionné ?

Par exemple, il y a un absent de taille qui aurait largement mérité d’être écouté sur ces questions d’éthique et d’expérimentation sur les embryons humains. C’est le professeur Jacques Testart, "père" scientifique du premier "bébé éprouvette" français, Amandine née le 24 février 1982, et spécialiste des embryons humains, qui est une référence exceptionnelle sur les questions d’éthique puisque lui-même a préféré arrêter certaines recherches qu’il considérait comme allant à l’encontre de sa propre conception de la personne humaine.

Il expliquait dans une tribune publiée le 1er septembre 2011 dans le journal "Le Monde" : « Les débats et leurs traductions juridiques sous-estiment encore des conséquences importantes de ces innovations (…). Ces conséquences sont masquées par des arguments d’utilité : principalement satisfaire le "projet parental" et respecter la "liberté de recherche". Alors, on peut fabriquer des enfants privés d’origine, ou triés dans l’éprouvette, mais aussi utiliser les embryons humains comme un matériau expérimental ordinaire afin de juguler la "fuite des cerveaux" ou le "retard dans la compétition internationale". (…) En 2011, les pressions des praticiens l’ont largement emporté sur celles des catholiques. ».

En effet, le 28 mars 2011 sur "Mediapart", Jacques Testart constatait déjà à propos de la recherche sur l’embryon humain : « Dérisoire débat qui ne dit rien des enjeux mais confirme la victoire des avocats de l’instrumentalisation de l’embryon, sans que cela soit raisonnablement bénéfique pour l’espèce humaine. », en relevant au passage que : « les recherches réalisées sur quelques embryons humains disparates n’auront jamais la pertinence scientifique de celles qu’on peut mener chez l’animal : le "modèle souris" en particulier autorise des conditions optimales pour la fiabilité du matériel biologique (souches génétiques homogènes, condition d’obtention et de culture modulables, évaluation possible de la viabilité des embryons, reproductibilité des expériences, etc.) » pour s’inquiéter des dérives déjà actuelles : « Or, et ceci ne semble pas émouvoir ni les chercheurs, ni les parlementaires, les recherches revendiquées à partir d’embryons humains ne font pas suite à des connaissances nouvelles qu’il faudrait vérifier ni à des démonstrations d’efficacité d’une innovation chez l’animal. Ainsi cette prétention à utiliser d’emblée du matériel humain échappe au pré-requis de l’expérimentation animale, lequel est justifié scientifiquement mais aussi éthiquement puisque c’est une règle affichée en recherche médicale depuis l’après Deuxième guerre mondiale. ».

Peu suspect de faire partie d’un groupe d’influence ou de pression religieuse, Jacques Testart a pour autant proposé deux voies de substitution : « Ainsi des travaux devraient être menés sur des embryons animaux comme sur des cellules souches non embryonnaires humaines (…) afin de constituer un pré-requis obligatoire à la recherche sur l’embryon humain. » et doute de l’impartialité de l’Agence de biomédecine sur laquelle tout contrôle repose.


Pour les recherches thérapeutiques, il y a mieux que les cellules embryonnaires

Le 8 janvier 2010, Jacques Testart évoquait, dans un séminaire à Chambéry, les cellules non embryonnaires comme une solution efficace et répondait déjà à ceux qui faisaient valoir l’ignorance sur l’efficacité thérapeutique de ces cellules : « Cette réponse correspond à une fuite en avant plus qu’à une attitude responsable et, en considérant tous les matériaux biologiques comme équivalents, elle fait fi du respect minimal que nous devons aux êtres appartenant à notre espèce. Comment jugera-t-on plus tard ces expérimentations humaines s’il devait apparaître qu’elles furent inutiles ? Car on ne peut confondre le recours à l’embryon humain au bénéfice de l’espèce, lequel pourrait être légitime, avec son sacrifice "pour voir". ».

De même, Jacques Testart a démonté dès ce début 2010 l’argument selon lequel le professeur Yamanaka aurait découvert les cellules iPS grâce à des cellules embryonnaires humaines, ce qui est historiquement totalement faux : « [Marc Peschanski] explique aussi que c’est grâce aux travaux sur les cellules embryonnaires que l’équipe de Yamanaka a découvert les facteurs de transcription nécessaire pour transformer les fibroblastes en cellule iPS. Cette affirmation semble avoir impressionné les membres de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ou ceux du Conseil d’État lors des auditions récentes, (…) puisque toutes ces structures souhaitent soutenir "la recherche sur tous les fronts simultanément". Pourtant c’est avec des cellules d’embryon de souris que Yamanaka a réalisé cette avancée en 2006… Ce qui n’empêche pas le Conseil d’État de conclure, inspiré aussi par Philippe Menasché, clinicien fortement impliqué : "Sans les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines, celles très prometteuses sur les cellules iPS n’auraient pas été possibles" et donc que "les recherches sur les cellules souches se fertilisent mutuellement" [rapport de mai 2009]… ».

Notons que les deux chercheurs cités, Marc Peschanski, de l’INSERM, spécialiste des neurosciences, et Philippe Menasché, professeur de chirurgie cardio-vasculaire, faisaient partie des personnes auditionnées en mars 2013 par les députés. On peut constater que ce sont toujours les mêmes qui sont auditionnés depuis quatre ans, avec le même son de cloche.


Pourquoi cette pression des Big Pharma ?

Mais le pire, selon Jacques Testart, toujours à Chambéry, c’est que le lobbying pour expérimenter les embryons humains n’est pas très clair : « Outre que les cellules embryonnaires n’ont encore jamais guéri un malade, leur instabilité chromosomique et leur propension à la tumorisation font problème. S’ajoutant au malaise éthique que provoque leur origine, et à leur absence apparente d’avantage par rapport à d’autres cellules souches, il est alors surprenant qu’elles occupent une large place dans les débats, au lieu de rester seulement l’objet de recherches approfondies chez l’animal. ».

Il est d’ailleurs à noter que les cellules iPS, au contraire des cellules embryonnaires, n’entraînent apparement pas de problème de tumeurs (article du professeur Yamanaka dans la revue "Science" de février 2008).

Jacques Testart poursuivait à propos des Big Phama : « On peut y voir la croyance d’industriels dans un nouvel Eldorado (…). Cet engouement est étrange puisque l’industrie pharmaceutique pourrait tout aussi bien tester ses molécules sur des lignées obtenues à partir de cellules iPS de malades ou de personnes saines. La question est alors de savoir si les industriels poussent les chercheurs (…) ou si c’est l’inverse… ».

En effet, Anne-Caroline Berthelot a soutenu en mai 2009 une brillante thèse sur "les interactions de l’industrie pharmaceutique et des gouvernements autour des cellules souches humaines" qui affirme que les industriels, en crise de la recherche, voient dans les cellules souches embryonnaires un nouvel axe de développement et « tentent d’influencer les différentes législations gouvernementales ».


Pas seulement un amas de cellules vivantes

La conclusion de cette thèse est d’ailleurs très explicite : « De manière objective, la nature révèle qu’il n’y a, en réalité, aucune discontinuité dans le processus biologique de développement d’une personne (…), dès la fécondation de l’ovule et jusqu’à la mort de l’individu (…). Il apparaît que l’être en devenir, alors même qu’il n’aurait que l’apparence d’un amas de cellules vivantes, existerait bel et bien depuis sa conception (…). Il porterait alors, sous l’appellation d’embryon, l’intégralité du patrimoine génétique du nouvel être en devenir qu’il est, ceci dès le premier instant de la rencontre des gamètes mâle et femelle qui l’ont conçues, et y compris en dehors du moindre projet parental. » pour terminer ainsi : « Ce constat réaliste induit une éthique de protection de la vie, une éthique de la vie, encore appelée bioéthique, dont sera issue une politique définissant des législations de protection du patrimoine humain, inscrites dans une démarche proactive de développement durable. ».

En annexe de ses travaux, Anne-Caroline Berthelot a présenté une remarquable liste de toutes les avancées médicales réalisées dans le monde grâce aux cellules iPS, confortée par 167 références de publications scientifiques qu’il est aisé de vérifier (pp. 108-120).


Le risque de produire des embryons à finalité exclusive de destruction

Reprenant une étude présentée à la journée des experts de l’AMP (assistance médicale à la procréation) du 1er octobre 2008, Jacques Testart a cité que 83% des professionnels de l’AMP étaient favorables à l’autorisation définitive de la recherche sur les embryons surnuméraires et nombreux parmi eux réclamaient la possibilité de produire des embryons humains aux seules fins de recherche (ce que la proposition de loi actuelle interdirait encore, mais son adoption encouragerait évidemment cette dérive inquiétante).

Dans le journal "Libération" du 27 avril 2009, Jacques Testart concluait très durement : « Des motivations non exprimées se substituent ou s’ajoutent aux arguments à prétention scientifique des conquistadors de l’embryon humain. Peut-être est-ce le mythe de la fontaine de jouvence qui leur fait privilégier le plus jeune des matériaux biologiques ? Ou est-ce parce qu’ils ne supportent pas que l’embryon se trouve encore légalement préservé de "la recherche", laquelle peut cependant concerner tous les autres stades de l’humain, du fœtus jusqu’au cadavre ? La pulsion d’accaparement du plus petit de notre espèce pourrait ainsi relever d’une exigence de consommation cannibale… ».


La réification de l’être humain est en cours

On comprend donc vite, à la lecture de ses différentes interventions depuis quatre ans, pourquoi Jacques Testart n’a jamais été invité à s’exprimer devant les commissions parlementaires à l’idéologie consumériste déjà bien arrêtée. Il aurait été capable de démonter un à un tous les arguments du lobby favorable à la légalisation de l’expérimentation sur les embryons humains.

Ne vous y trompez pas : ce n’est que le début d’une évolution inquiétante, qui est associée à d’autres sujets éthiques essentiels comme l’euthanasie et le suicide assisté ou encore la PMA pour les couples homosexuels, et à terme, la GPA, à savoir la réification de la personne humaine et son instrumentalisation.

Après bien des luttes, "la" femme a réussi heureusement à quitter son statut d’objet… mais l’humain va bientôt le devenir ou le redevenir, pour le seul bénéfice des "intérêts marchands".

De tout cela, des beaux esprits qui se réclament de l’humanisme, ou qui s’opposent au libéralisme, ou encore qui sont choqués par les manipulations génétiques sur les végétaux, semblent se moquer ; ils voteront cette proposition de loi qui ferait de l’humain une matière première comme les autres et qui permettrait de trafiquer le vivant sans capacité, pour le législateur, de stopper les dérives ultérieures, puisque les digues seraient désormais levées...


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 juillet 2013)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
L’embryon humain et ultralibéralisme.
Mariage des couples homosexuels.
Bientôt la PMA ?
Bientôt l’euthanasie et le suicide assisté ?
Documentation sur la proposition de loi sur les embryons humains (Sénat).
Ne pas voter Hollande pour des raisons morales.
En quoi le progrès médical est-il amoral ?
ADN, pour ou contre ?
Robert Ewards couronné avec trente ans de retard.
Trente années de bébés éprouvette (fécondation in vitro).
Le fœtus est-il une personne à part entière ?
Les transgressions présidentielles.
Cannibales et marchands à la recherche de l’embryon (27 avril 2009).

yartiEmbryonB02
 


http://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/l-experimentation-sur-les-embryons-138470

 

 

 

Partager cet article
Repost0
2 juillet 2013 2 02 /07 /juillet /2013 07:13

Si les Sages refusent de lever l’interdit de l’homicide, ils proposent en revanche de renforcer le droit des patients à finir leur vie sans souffrance en proposant un droit à la sédation qui compléterait et renforcerait la loi actuelle, mais des moyens supplémentaires sont nécessaire pour mieux former les soignants et pour garantir les soins palliatifs à tous ceux qui en auraient besoin.


yartiEuthaFH201302Le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) présidé par le journaliste Jean-Claude Ameisen a rendu public son avis n°121 le 1er juillet 2013 après la saisine par le Président François Hollande sur les questions de fin de vie, dans la foulée du rapport Sicard remis à l’Élysée le 18 décembre 2012.

C’est le quatrième avis du CCNE sur le sujet depuis sa création (avis n°26 du 24 juin 1991, avis n°58 du 12 juin 1998 et avis n°63 du 27 janvier 2000).

L’avis critique en particulier les nombreux sondages et enquêtes d’opinions qui sont régulièrement réalisés en France « aux questions souvent trop sommaires, dont on peut noter qu’ils ne s’adressent presque jamais aux personnes en fin de vie, et d’une présentation trop schématique des enjeux du débat par des médias ou des militants » en rappelant la double notion de la "dignité", la conception moderne voulant justement qu’elle soit intrinsèque à l’être humain en tant que tel, et pas en fonction de son état physique et mental.

Cet avis n°121 contient soixante-dix-neuf pages (qu’on peut lire ici) assez bien documentées sur les différentes expériences à l’étranger, et sur les lacunes de la loi de référence, à savoir la loi Leonetti du 22 avril 2005.


Ne pas "faire mourir" et protéger les plus vulnérables

Cette loi référence, encore trop peu connue, même dans les milieux médicaux, a eu le mérite de faire la « distinction essentielle et utile entre le laisser mourir et le faire mourir ». Elle a donné ainsi des droits nouveaux aux patients en fin de vie pour écourter les souffrances inutiles sans pour autant transgresser le tabou de la mort, le médecin étant là pour soigner et éventuellement guérir et pas pour tuer. C’est cela qui est essentiel pour Jean-Claude Ameisen : « Le maintien de l’interdiction faite aux médecins de provoquer délibérément la mort protège les personnes en fin de vie (…). Il serait dangereux pour la société que les médecins puissent participer à donner la mort. ».

Pourtant, selon une enquête réalisée en 2012 en collaboration avec l’Observatoire de la fin de vie (S. Pennec, A. Monnier, S. Pontone et R. Aubry), la seule qui a fourni des estimations récentes sur le sujet, environ 2 200 cas de décès en France auraient été causés par l’injection de produit létal par un soignant sans aucune demande de la personne et sans justification du médecin. Environ 1 100 cas auraient été causés par une telle injection sur demande de la personne.

Pour ces cas limites, le CCNE souligne : « Il est indispensable d’en savoir plus sur ce point, en conduisant, dans la durée, des études approfondies, qui tiennent compte de la qualité de l’accompagnement, du bénéfice de soins palliatifs et de la possibilité éventuelle d’obtenir en toute fin de vie une sédation profonde ; ces éléments, lorsqu’ils sont effectivement présents, devraient tendre à limiter considérablement les situations limites ».

En clair, en l’absence de statistiques fiables, les Sages insistent lourdement sur l’un des arguments mis en avant par les défenseurs de l’euthanasie : « À ce stade, il n’est donc pas possible d’affirmer que la volonté de maintenir l’intangibilité des principes se fait au prix d’une pratique ambiguë et occulte, mais acceptée, qu’une légalisation "réaliste" permettrait d’aborder de manière plus claire. » et ils remarquent d’ailleurs que « déplacer la frontière de l’interdit ne supprimerait pas cette frontière : quelle que soit la limite, il existera toujours des situations limites qui la rencontreront et qui l’interrogeront ».

Par ailleurs, le Comité d’éthique a fustigé toute législation motivée par l’émotion : « Compatir avec la souffrance de l’autre est une valeur indiscutable ; faire de la compassion un principe d’éthique ou juridique déterminant serait dangereux. La compassion seule peut conduire aux pires excès, dans une attitude fusionnelle. Elle peut être une projection de nos peurs. Elle doit être équilibrées par d’autres principes. Une morale qui, excluant de son champ les repères, se réfèrerait à la seule empathie, risquerait de se dispenser de l’appui de la raison discursive et de se détacher de la nécessité première de renforcer l’engagement solidaire envers les personnes vulnérables. ».

Car c’est cela qui est essentiel, et si le CCNE n’a pas été unanime dans ses positions, sa majorité met en garde contre « toute évolution vers une autorisation de l’aide active à mourir [qui] pourrait être vécue par des personnes vulnérables comme un risque de ne plus être accompagnées et traitées par la médecine si elle manifestaient le désir de poursuivre leur vie jusqu’à la fin ».


Des évolutions alarmantes à l’étranger

Les Sages du Comité d’éthique ont étudié les différentes expériences à l’étranger, avec un recul parfois d’une dizaine d’années et certaines évolutions sont très inquiétantes et donnent la mesure des valeurs fondamentales qui comptent dans une société.

En Belgique (loi du 28 mai 2002), le débat public se focalise aujourd’hui sur la question d’autoriser l’euthanasie de personnes considérées comme incapables de donner sereinement leur consentement, comme les enfants (moins de 12 ans) ou les malades mentaux, notamment des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Le nombre d’euthanasies pratiquées en Belgique a triplé entre 2006 et 2011. Aux Pays-Bas (loi du 12 avril 2001), le nombre d’euthanasies est en train de progresser chaque année de près de 20% (18% entre 2010 et 2011), un rythme qui était de 13% en 2009. Une douzaine de cas de démences avaient été signalés en 2009 (alors que le consentement éclairé devait être acquis). Le Luxembourg a suivi la législation de ses deux voisins du Benelux le 16 mars 2009.

Quant aux suicides assistés pratiqués surtout en Suisse (car ils y sont tolérés) par des associations sans état d’âme, un véritable business de la mort s’est développé, avec des méthodes très contestables et parfois morbides (assistance au suicide dans des parkings publics, utilisation d’hélium, matraquage publicitaire dans les espaces publics, etc.) donnant lieu à un très juteux tourisme de la mort (33% des assistances au suicide concernaient des étrangers en 2007), à des interprétations très larges de la "non-législation" et à des abus évidents (34% des assistés au suicide entre 2001 et 2004 n’étaient pas en fin de vie, ne souffraient d’aucune maladie mortelle et certains étaient même atteints de troubles psychiques). Certaines associations ont doublé leur chiffre d’affaires entre 2004 et 2008. Le nombre de suicides assistés a progressé de 52% entre 2003 et 2007 puis a connu un palier à partir de 2008, qui pourrait être le résultat d’un renforcement des soins palliatifs (que ces associations lucratives ne proposent que rarement à leurs clients).

L’État d’Oregon, aux États-Unis, a légalisé le suicide assisté le 27 octobre 1997, et pour l’appliquer, il n‘est pas fait mention de la souffrance des patients, car c’est une notion très subjective, mais du caractère terminal de leur maladie, en d’autres termes, que leur espérance de vie soit inférieure à six mois, ce qui donne à cette loi un aspect économique assez malsain dont cet État américain n’a pas hésité à tenir compte, puisque c’est dans les six derniers mois qu’un malade coûte le plus cher à la société. Même s’il semble y avoir moins d’abus qu’en Suisse, les expertises psychiatriques pour s’assurer que le patient soit dans sa totale capacité de consentement ont baissé en Oregon de 14% des cas en 2005 à seulement 1,5% en 2010, une proportion équivalente à celle de l’État de Washington (3%) qui a imité très récemment l’Oregon dans sa législation (depuis le 5 mars 2009). L’État du Montana a, lui aussi, légalisé le suicide assisté le 31 décembre 2009. Un débat public se poursuit sur le suicide assisté en Grande-Bretagne (et également au Canada).

L’avis indique que les malades réclament nettement moins l’euthanasie s’ils sont soignés dans des centres de soins palliatifs (seulement 10% de demandes en Belgique en 2010-2011, au lieu de 50% auprès de médecins généralistes ou 40% auprès de médecins spécialistes).

Dans la plupart des pays où le suicide assisté ou l’euthanasie sont autorisés (dans la loi ou par défaut de loi), ce qui est flagrant est l’absence de contrôle de la légalité des actes et le débordement des seuils vers des actes illégaux. Que ce soit sur le type de patients auxquels ces actes s’appliquent (consentement réel, stade terminal de la maladie, etc.) ou sur les procédures mises en place pour éviter les abus (consultation psychiatrique du patient, consultation d’un second médecin, pratique par des infirmières au lieu de médecins, etc.). Dans la meilleure des hypothèses en cas d’abus, des sanctions (très rares) sont décidées toujours a posteriori, donc, bien après le décès du patient.


Un droit à la sédation

Pour autant, le CCNE n’a pas souhaité défendre un statu quo inflexible dans la mesure où la situation actuelle est loin d’être satisfaisante pour la fin de vie de nombreux malades en France. La loi Leonetti a permis l’arrêt des soins et même de l’alimentation mais cela entraîne une agonie pendant de longs jours et des souffrances peu supportables.

Ce qui est proposé, du reste comme le rapport Sicard, c’est de donner à chaque patient le droit de sédation, à savoir, le droit, en phase terminale, d’être accompagné dans la douleur du non-traitement de leur maladie par des soins adaptés qui n’ont pas pour but de soigner mais de perdre la conscience de la douleur (sans pour autant autoriser le surdosage des sédatifs qui aurait pour effet d’écourter l’agonie, ce qui serait une euthanasie).

Une autre proposition des Sages est de renforcer le pouvoir des directives anticipées des malades ("déclarations anticipées de volonté"), rendant obligatoire au médecin le respect de la volonté de leurs malades (quand cette volonté a été clairement formulée en présence du médecin et en connaissance de la maladie dont ils souffrent) et, le cas échéant, les obligeant à justifier par écrit dans le dossier médical les raisons de ne pas l’avoir suivie (urgence etc.).


Encore une loi sociétale qui va diviser ?

François Hollande voudrait une loi pour la fin de l’année. Qu’il se méfie de ce sujet ultra-sensible ! Avec le "mariage pour tous", il a déjà mis des millions de Français dans la rue pour un projet que les sondages avaient pourtant plébiscité, et surtout, il a clivé la société en deux camps pour longtemps. Ses convictions éthiques ne semblent pas très assurées, vu sa capacité à promouvoir par exemple l’expérimentation sur des embryons humains (le processus législatif a heureusement été provisoirement stoppée pour une question de procédure) ou son absence de position sur la PMA, deux réformes qui pourraient contribuer à la marchandisation du corps humain.


Quelle société voulons-nous ?

Le thème de la fin de vie est une véritable vitrine du choix de la société que les citoyens veulent : veulent-ils une société où seuls les bien portants (et pourquoi pas, seuls les actifs et les enfants) pourraient avoir le droit de vivre ? Faut-il remettre au rebut humain tous les impotents, les vieillards, les malades, les dégradés de la vie, voire les personnes handicapées ? La logique économique pourrait vite remplacer l’éthique et l’humain, logique individuelle (héritage) comme logique collective (coût des soins).

Le CCNE affirme notamment que le risque « est particulièrement sensible dans une société où la place du réalisme économique peut largement empiéter sur le respect de la personne. Une prudence extrême s’impose ainsi s’agissant de l’aide active apportée à une personne pour qu’elle mette fin à ses jours ; ce, d’autant qu’il serait très difficile de borner de manière efficace la possibilité ouverte par la loi de supprimer sa vie pour vaincre une situation jugée insupportable par la personne, notamment parce qu’il est excessivement difficile de codifier de manière sérieuse les limites du supportable. ».

L’expérience de l’évolution des pratiques dans certains pays montre que légalisation de l’euthanasie ou du suicide assisté aboutira progressivement à une société eugéniste, où tout ce qui n’est pas parfait devra être éliminé d’une manière ou d’une autre, certes, en principe, avec le consentement plus ou moins réel des personnes.

Pourtant, certaines études ont déjà montré que des malades qui sont dans un environnement humain d’amour (famille, amis) et traités en soins palliatifs ne réclamaient pas ou plus à mourir au contraire des malades laissés à leur propre sort par le corps médical ou leur famille. Ainsi, une étude a observé en 2001 que neuf demandes d’euthanasie sur dix se rétractaient lorsque le malade était bien entouré : les demandes d’euthanasie « apparaissent être le plus souvent l’expression d’un sentiment de détresse, de solitude voire d’abandon. La présence et le dévouement de l’entourage, l’administration de soins palliatifs et le dialogue constituent alors une réponse appropriée à ces demandes et sont de nature à apaiser le patient. » (mission parlementaire, 28 novembre 2008).


Bientôt, "La mort pour tous" ?

C’est pourquoi j’ai apprécié la teneur de cet avis 121 du Comité consultatif national d’éthique, formulé de manière très raisonnable, hors des passions et des émotions, qui recommande de renoncer à toute législation visant à ouvrir la brèche définitive de la peine de mort légalisée, tout en proposant des améliorations substantielles à la loi existante comme le droit à la sédation et un meilleur respect de la volonté des malades.

Dans tous les cas, l’article 46 de la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique rend obligatoire l’organisation d’un débat public sous forme d’états généraux à l’initiative du CCNE avant l’adoption de toute loi sur ces sujets très sensibles.

Espérons seulement qu’on ne nous ponde pas dans quelques mois un projet de type "La mort pour tous" !…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (2 juillet 2013)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
L’avis du CCNE sur la fin de vie à télécharger (1er juillet 2013).
Sur le rapport Sicard (18 décembre 2012).
Rapport de Didier Sicard sur la fin de vie du 18 décembre 2012 (à télécharger).
Rapport de Régis Aubry sur la fin de vie du 14 février 2012 (à télécharger).
Rapport de Jean Leonetti sur la fin de vie du 28 novembre 2008 (à télécharger).
Loi Leonetti du 22 avril 2005 (à télécharger).
Embryons humains cherchent repreneurs et expérimentateurs.
Euthanasie : les leçons de l’étranger.
Euthanasie, le bilan d’un débat.
Ne pas voter Hollande pour des raisons morales.
Alain Minc et le coût des soins des très vieux.
Lettre ouverte à Chantal Sébire.
Allocation de fin de vie.

yartiEuthaFH201304 

 

http://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/euthanasie-et-suicide-assiste-le-138136

 

 

Partager cet article
Repost0
1 juillet 2013 1 01 /07 /juillet /2013 20:48

Le Comité consultatif national d'éthique présidé par le journaliste Jean-Claude Ameisen a rendu public son avis (l'avis n°121) concernant la fin de vie, à la suite de la remise du rapport de Didier Sicard le 18 décembre 2012. L'avis fait 79 pages qui sont accessibles à tous les citoyens. Il recommande de ne pas légiférer ni sur l'euthanasie active, ni sur le suicide assisté mais propose de laisser le libre choix de la sédation.


Cliquer sur ce lien pour télécharger l'avis de la CCNE sur la fin de vie (fichier .pdf) :
http://www.lavie.fr/www/files/medias/pdf/avis-ccne-fin-de-vie.pdf


Sur le Rapport Sicard :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-113571797.html



SR

Partager cet article
Repost0
28 mai 2013 2 28 /05 /mai /2013 07:55

Ancienne responsable des questions sur la bioéthique et des relations avec les "milieux homosexuels" au sein du parti socialiste, la ministre Najat Vallaud-Belkacem n’est pas très futée pour apaiser un pays en pleines divisions sur la conception de la société : faut-il donc donner toujours plus de nouveaux droits aux adultes, au mépris parfois du respect de l’autre, et surtout, du respect des enfants ?


yartiVallaudBelkacem01J’expliquais précédemment que la loi Taubira n’irait probablement pas plus loin et j’évoquais deux raisons, une juridique et constitutionnelle évoquée par le Conseil Constitutionnel dans son avis du 17 mai 2013 où il rappelait que le principe d’égalité n’est pas en cause lorsqu’on traite de la procréation selon le type de couple (hétéro- ou homosexuel), et une politique, les centaines de milliers voire millions de manifestants depuis cinq mois rendant illisible la politique économique et sociale du Président François Hollande.

C’était peut-être aller bien vite en besogne sur les intentions réelles du gouvernement puisque le soir du même jour, j’ai découvert qu’un important membre du gouvernement expliquait le contraire.

En effet, la Ministre des Droits de la femme, Najat Vallaud-Belkacem (35 ans), qui a un rôle crucial au sein du gouvernement puisqu’elle est également son porte-parole, chargée notamment de faire le compte-rendu du conseil des ministres tous les mercredis, était l’invitée de l’émission "Mots croisés" ce lundi 27 mai 2013 sur France 2 dans un débat sur les conséquences de la dernière "manif pour tous" de la veille.

Elle débattait avec, entre autres, le député UMP Christian Jacob, la sénatrice UDI Chantal Jouanno (qui avait voté pour la loi Taubira), et le député EELV Noël Mamère.

Tandis que Najat Vallaud-Belkacem confirmait sa présence mercredi 29 mai 2013 à la célébration du premier mariage d’un couple homosexuel à Montpellier (de ses amis, qui ont dû attendre les dix jours réglementaires de publication des bancs), Noël Mamère s’est plu à préciser que c’était lui, le premier maire à avoir célébré ce type de mariage, le 5 juin 2004 et que cette union n’avait été définitivement annulée par la justice qu’un an après, et qu’entre temps, l’administration fiscale avait pris en compte ce mariage (le fisc a toujours été très moderne !).

yartiVallaudBelkacem03

Pourtant habituée des médias, Najat Vallaud-Belkacem est, depuis qu’elle est ministre, une "débatteuse" relativement médiocre : elle n’apporte généralement rien d’intéressant à la réflexion, ne fait que répliquer à ses contradicteurs de manière peu performante (en coupant sans arrêt la parole) et sans respect pour l’intelligence du téléspectateur.

Ce qui est dommage car elle vaut bien plus. Je dois dire en effet que je suis un peu déçu par elle. J’ai suivi son itinéraire depuis la campagne présidentielle de 2007 où elle était une (jeune) porte-parole de Ségolène Royal et elle m’avait paru plein d’avenir et de potentiel. Diplômée d’IEP de Paris, elle a su hélas rapidement acquérir la langue de bois depuis qu’elle collabore avec François Hollande, à savoir le 16 novembre 2011.

Elle manie ainsi l’arrogance du faible, prenant exemple sur son illustre collègue du gouvernement, Laurent Fabius, qui, à peu près au même âge, était à Matignon et se faisait traiter (à juste titre) de "roquet" dans un débat contradictoire avec son futur successeur Jacques Chirac le 27 octobre 1985 sur TF1.

Cependant, Najat Vallaud-Belkacem a, au milieu de l’émission, donné une information capitale qui mérite d’être diffusée et amplifiée, à tel point que l’animateur Yves Calvi n’en croyait pas ses oreilles et lui a bien fait répéter.

La ministre a effectivement annoncé que le projet d’autoriser la PMA (procréation médicalement assistée) aux couples homosexuels n’était absolument pas abandonné par le gouvernement. Représentant les "ultras" de la majorité écolo-socialiste, Najat Vallaud-Belkacem a estimé que si le comité national consultatif d’éthique rendait un avis favorable à ce sujet, le gouvernement proposerait de légiférer une fois encore.

Ce type de signaux, en permanence chauds et froids, envoyés depuis un an et sur tous les fronts (économiques, sociaux, sociétaux) ne contribue pas à rassurer la société française dont la cohésion sociale est fragile. La République apaisée que voulait François Hollande est au contraire, à cause de lui, tombée dans une fracture profonde qui a trait aux valeurs fondamentales du vivre ensemble, dont la première institution est la famille.

yartiVallaudBelkacem02

Par cette (sans doute) maladresse de communication, Najat Vallaud-Belkacem a donc dévoilé les véritables intentions du gouvernement, aller plus loin que la loi Taubira, dans un prochain projet de loi sur la famille, en élargissement les applications de la PMA (la Ministre chargée de la famille y est du reste favorable).

Or, rouvrir ce débat au sein de parlementaires parfois galvanisés par des groupes de pression très actifs auprès d’eux, c’est rouvrir de nouveau tous les possibles, jusqu’à la GPA (gestation pour le compte d’autrui).

On se rappelle que la Ministre de la Justice Christiane Taubira avait donné consigne aux consuls à l’étranger de reconnaître les enfants illégalement nés par GPA à l’étranger (au mépris de la loi française), ce qui équivaut à un encouragement, et que le principal soutien financier au parti socialiste depuis quinze ans, Pierre Bergé, milite toujours très activement en faveur de la PMA et de la GPA, sans imaginer une seule seconde que sa conception du "progrès" n’est qu’une nouvelle forme d’esclavage moderne pour les femmes de milieux défavorisés.

Le risque de jouer aussi peu intelligemment avec ces projets sensibles, c’est de mettre toute la France dans la rue comme ce fut le cas en juin 1984. François Hollande avait pourtant réussi à "terminer" la loi Taubira qui sera définitive dans la pratique dès ce mercredi, avec la célébration du premier mariage d’un couple de même sexe, pour passer (médiatiquement) à autre chose (notez aussi que l’affaire Cahuzac est sortie des préoccupations médiatiques depuis plusieurs semaines, le flux des actualités zappe rapidement les sujets de préoccupation).

Dès le 3 avril 2013 sur LCP et France Info, l’ancien Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin s’était déjà inquiété de la mobilisation populaire contre la loi Taubira et surtout, de la réforme des allocations familiales. Toucher à la politique familiale, remettre en cause le caractère médical de l’assistance à la procréation, défricher le terrain aux ultras qui souhaitent en profiter pour légaliser la GPA, ce serait politiquement de la folie, et même, à quelques mois des élections municipales, du masochisme, après l’émergence de cet (étrange) mouvement issu des "manifs pour tous", mouvement qui, d’ailleurs, dérange plus l’UMP que le PS.

Le mariage des couples homosexuels n’aura-t-il donc pas suffi ? Faut-il encore remettre de l’huile sur le feu en annonçant un nouveau débat sur la PMA et ressortir ce concept malsain du "droit à l’enfant" qui ignorera le "droit de l’enfant" ?

Rallumer la "guerre des familles", c’est comme rallumer la "guerre scolaire", ce n’est pas faire preuve d’esprit de responsabilité, et pour une ministre de la République, aussi jeune, intelligente et belle soit-elle, c’est assez pitoyable…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (28 mai 2013)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le mariage pour les couples homosexuels définitivement adopté.
François Hollande.
Avis du Conseil Constitutionnel du 17 mai 2013 sur la PMA et la GPA.
Conférence de presse du 16 mai 2013.
Christiane Taubira.

yartiVallaudBelkacem04 

 

  http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/najat-vallaud-belkacem-va-t-en-136457

 

 

 

Partager cet article
Repost0
27 mai 2013 1 27 /05 /mai /2013 07:02

Le Conseil Constitutionnel a été plus efficace que les manifestants pour limiter l’aventure sociétale. Après cette forte mobilisation pour le dernier baroud d’honneur contre le "mariage pour tous", il est temps de passer à autre chose, maintenant qu’il s’impose à tous.


yartiMPT4D01Dimanche 26 mai 2013, alors que le jury du Festival de Cannes récompensait un film racontant l’amour entre deux femmes, les opposants au mariage pour les couples homosexuels ont réussi leur troisième grande manifestation à Paris après le 13 janvier 2013 et le 24 mars 2013.


Entre la rue et la loi

La bataille des chiffres n’a pas grand intérêt sinon d’envisager que certains parlent en euros et d’autres en francs : 150 000 manifestants selon la police, plus d’un million selon les organisateurs. L’écart est si excessif qu’il en devient insignifiant. Il suffit de voir les rues de Paris pour comprendre que dans tous les cas, et malgré les déclarations assez inédites par leur intimidation d’un Ministre de l’Intérieur quelques heures avant l’événement, ce fut un franc et étonnant succès.

yartiMPT4D03

Je le considère en effet étonnant car dans cette bataille entre le gouvernement et la rue, le gouvernement a évidemment déjà "gagné", et c’est heureux pour tous les partisans de l’ordre républicain, tout comme le gouvernement précédent avait "gagné" la réforme des retraites en 2010 face à la rue. La rue peut se mobiliser, mais elle n’exprimera jamais la volonté populaire qui doit avant tout s’exprimer dans les urnes. C’est d’ailleurs ce que compte désormais répéter Jean-François Copé, présent pour la dernière fois dans une telle manifestation, en voulant se focaliser sur les élections municipales de mars 2014.

Certes, au printemps 2006, le gouvernement de Dominique de Villepin, après un entêtement hors norme, avait finalement dû reculer sur injonction du Président de la République Jacques Chirac lors des manifestations contre le CPE (contrat première embauche), et à l’époque, effectivement, la loi avait été déjà adoptée et le Président allait la promulguer en annonçant en même temps qu’il ne l’appliquerait pas (une véritable première historique, d’un point de vue institutionnel !).

Mais il faut quand même reprendre le cours des événements.


La réforme est faite

Le 23 avril 2013, l’Assemblée Nationale a adopté en seconde lecture le projet de loi défendu par Christiane Taubira avec 331 voix favorables et 225 voix défavorables. Pour aller plus rapidement dans la procédure, les députés n’avaient fait aucune modification au texte adopté en première lecture par le Sénat le 12 avril 2013. Résultat, l’adoption du projet de loi a été définitive, et après le recours de plusieurs parlementaires, le Conseil Constitutionnel a rendu le 17 mai 2013 son avis de conformité au bloc constitutionnel. Dès le 18 mai 2013, le Président de la République François Hollande l’a donc promulguée, ce qui bouleverse l’article 143 du Code civil : « Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe. ».

yartiMPT4D05

En clair, l’affaire est pliée, que l’on soit pour ou contre, plutôt pour ou plutôt contre, ou même indifférent. La loi de la République s’applique à l’ensemble du territoire et s’impose à tous les citoyens. Y compris les maires.

Au même titre que Noël Mamère, député-maire de Bègles, avait été hors-la-loi en voulant, avant l’heure, célébrer un mariage pour un couple homosexuel le 5 juin 2004 (il avait même été condamné à une suspension d’un mois de ses fonctions de maire et l’acte avait été annulé par le tribunal de grande instance de Bordeaux le 27 juillet 2004), les maires qui, aujourd’hui ou demain, voudraient refuser de célébrer un mariage en seule raison du caractère homosexuel du couple, s’exposeraient également, par cette même logique constitutionnelle, à se retrouver hors-la-loi.


Miser sur l’esprit de responsabilité

Le premier mariage d’un couple homosexuel devrait être célébré le 29 mai 2013 à Montpellier en présence de la ministre Najat Vallaud-Belkacem. J’espère que la sécurité y sera solidement assurée, tant ce sujet est devenu sensible et passionnel. En fait, un couple de femmes lesbiennes avait déjà été uni de la sorte le 4 juin 2011 à Nancy.

yartiMPT4D02

S’il n’y a aucune raison de reprocher à de simples citoyens d’aller manifester contre un sujet même si la loi est désormais applicable (c’est la démocratie qui veut la liberté d’expression et de manifestation), je trouve en revanche choquant et assez irresponsables que des élus, en particulier des parlementaires, continuent à manifester contre une loi qui vient d’être votée et promulguée. L’insoumission aux lois de la République serait la porte ouverte à toutes les aventures et à tous les abus.

Ce n’est donc pas étonnant qu’une personnalité qui s’était pourtant opposée à la loi Taubira, comme l’ancien Premier Ministre François Fillon, ait refusé de manifester et même de contester ce qui, désormais, s’impose à tous. On ne peut pas être républicain à moitié. C’est la règle du jeu, même si ça ne plaît pas.

La seule sortie par le haut de l’opposition à la loi Taubira ne peut être que dans une réflexion pour l’avenir. L’avenir de la loi Taubira sous deux perspectives.


Pourra-t-on abroger la loi Taubira ?

La première perspective serait dans le cas d’un changement de majorité en 2017. Est-il possible de revenir sur la loi Taubira ? Malheureusement pour les opposants, il paraît évident que cette loi est définitive : on peut légiférer pour donner un droit nouveau, pas pour en enlever.

yartiMPT4D07

Car entre 2013 et 2017, il est certain qu’un certain nombre de couples homosexuels se marieront. Par conséquent, revenir sur cette loi, c’est assurément choisir l’une des deux voies de toute façon impossibles : ou tous ces mariages seraient annulés et alors, la parole de l’État serait remise en doute (ces annulations seraient alors rapidement annulées elles-mêmes, soit au niveau français, soit au niveau européen) ; ou les couples homosexuels mariés le resteraient mais il serait alors impossible à d’autres de se marier, et là aussi, on comprendra que le principe d’égalité de traitement entre situations équivalentes n’aurait pas été appliqué (ce serait anticonstitutionnel).

De la même manière, il serait difficile de revenir sur des adoptions qui auront lieu dans le cadre de cette loi durant cette période ni de les interdire dans le futur.

yartiMPT4D06

La seule possibilité pour une autre majorité serait juste de modifier à la marge quelques détails concernant la loi Taubira, mais son principe ne pourrait probablement pas être modifié. D’ailleurs, cet exemple montre à l’évidence que dans certains cas, une majorité ne peut pas défaire ce qu’une autre a fait. C’est pourquoi, pour ces cas-là, il aurait fallu que la loi Taubira fût au moins constitutionnelle pour qu’elle ait pu recueillir le consentement d’une large partie de la représentation nationale (au moins les trois cinquièmes). Ce qui n’a pas été le cas.


Pourra-t-on aller encore plus loin que la loi Taubira ?

La seconde perspective, c’est la possibilité, à l'inverse, d’aller encore plus loin que la loi Taubira, c’est ce que craignent d’ailleurs principalement les opposants à cette loi, à savoir, l’extension de la PMA (procréation médicalement assistée) aux couples homosexuels (mariés ou non ; du reste, le mariage n’est pas une condition pour la PMA dans le cas de couples hétérosexuels), voire l’autorisation de GPA (gestation pour le compte d’autrui), actuellement interdite aussi aux couples hétérosexuels.

yartiMPT4D04

Et en ce sens, si la validation de la loi Taubira par le Conseil Constitutionnel était prévisible, ce dernier a émis dans son avis (qu’on peut lire intégralement ici) quelques réserves très intéressantes pour prendre date pour l’avenir.

En effet, sur les quatre-vingt-douze considérations de l’avis, sans doute le quatre-quatrième est le plus important pour l’avenir car il y met des balises constitutionnelles que les futurs législateurs ainsi que les futurs membres des prochains Conseils Constitutionnels devront prendre en compte.

1°. L’avis a constaté que la loi Taubira ne change aucune règle concernant la PMA et la GPA : « Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle » (article 16-7 du Code civil).

2°. Les Sages ont rappelé le cadre inscrit dans l’article L.2141-2 du Code de la santé publique : « L’assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l’infertilité pathologique, médicalement diagnostiquée, d’un couple formé d’un homme et d’une femme en âge de procréer, qu’ils soient ou non mariés. ».

3°. Ils ont aussi insisté sur le fait que « les couples formés d’un homme et d’une femme sont, au regard de la procréation, dans une situation différente de celle des couples de personnes de même sexe ».

4°. Ce qui a eu pour conséquence de rendre invalide le principe d’égalité dans ce domaine : « Le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes dès lors que la différence de traitement qui en résulte est en lien direct avec l’objet de la loi qui l’établit. ».

5°. Enfin, l’avis a eu la volonté de clore toute discussion constitutionnelle future sur le sujet : « Par suite, ni le principe d’égalité, ni l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi [n’imposent] qu’en ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de personnes de même sexe, le législateur modifie la législation régissant ces différentes matières. ».


L’avenir moins incertain qu’on pourrait le croire

En ce sens, si les intentions tant du Président de la République que de certains ministres et de certains parlementaires de la majorité n’étaient pas claires sur la PMA ni même la GPA, le Conseil Constitutionnel a précisément bordé l’action de ceux-ci concernant les couples de même sexe : ni PMA, ni GPA.

Certes, rien n’interdirait, plus tard, le législateur, de remettre en cause l’article L.2141-2 du Code de la santé publique en élargissant l’application de l’assistance médicale à la procréation mais la très forte mobilisation populaire peut servir justement d’avertissement aux futures aventures sociétales.

C’est d’ailleurs en ce sens que François Hollande a semble-t-il décidé de renoncer à d’autres réformes sociétales pour ne se consacrer qu’à l’essentiel sur lequel il sera jugé, à savoir l’emploi et la croissance. Si c’est vraiment le cas, je m’en réjouirai.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (27 mai 2013)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
L’avis du Conseil Constitutionnel du 17 mai 2013 (texte intégral).
À quand l’apaisement ?
Et si l’on pensait plutôt aux familles recomposées ?
Deux papas ?
Le premier mariage lesbien.
L’homosexualité malmenée en Afrique.
Mariage gris.
Mariage nécrophile.
Mariage annulé pour musulman.
Le coming out d’une star de la culture.
François Hollande.
Christiane Taubira.

yartiMPT4D08 

 


http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/manif-pour-tous-toujours-autant-de-136420




Partager cet article
Repost0


 




Petites statistiques
à titre informatif uniquement.

Du 07 février 2007
au 07 février 2012.


3 476 articles publiés.

Pages vues : 836 623 (total).
Visiteurs uniques : 452 415 (total).

Journée record : 17 mai 2011
(15 372 pages vues).

Mois record : juin 2007
(89 964 pages vues).