Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
25 mai 2013 6 25 /05 /mai /2013 17:10

(verbatim)





Décret n° 2013-429 du 24 mai 2013 portant application de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe et modifiant diverses dispositions relatives à l'état civil et du code de procédure civile


n°0121 du 28 mai 2013 page 8733
texte n° 3

DECRET
Décret n° 2013-429 du 24 mai 2013 portant application de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe et modifiant diverses dispositions relatives à l'état civil et du code de procédure civile

NOR: JUSC1310218D

Publics concernés : procureurs de la République, officiers de l'état civil, autorités diplomatiques et consulaires, juridictions, particuliers.
Objet : dispositions de coordination suite à l'adoption de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Entrée en vigueur : le présent décret entre en vigueur dès le lendemain de sa publication.
Notice : le présent décret tire les conséquences de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, qui rend nécessaire l'adaptation de certaines dispositions du code de procédure civile, des décrets n° 62-921 du 3 août 1962 modifié, n° 74-449 du 15 mai 1974 relatif au livret de famille, n° 2002-1556 du 23 décembre 2002 portant application de l'article 22 de la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et n° 2004-1159 du 29 octobre 2004 portant application de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 relative au nom de famille, afin de prendre en compte l'existence de couples et de parents de même sexe.
Par ailleurs, le présent décret prend également en compte les modifications apportées à l'article 311-21 du code civil, en cas de désaccord entre les parents sur le choix du nom de leur enfant aux termes desquelles, dans ce cas, celui-ci prendra les noms de ses deux parents accolés selon l'ordre alphabétique. Il crée la déclaration conjointe de choix de nom souscrite dans le cadre de la procédure d'adoption.
Enfin, il procède à la mise à jour de diverses dispositions relatives au droit des personnes et de la famille.
Références : les décrets précités, modifiés par le présent décret, peuvent être consultés, dans leur rédaction issue de cette modification, sur le site Légifrance (http://www.legifrance.gouv.fr).
Le Premier ministre,
Sur le rapport de la garde des sceaux, ministre de la justice,
Vu le code civil, notamment ses articles 143, 311-21 et suivants, 357 et suivants et 363 et suivants, dans leur version issue de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ;
Vu le code général des collectivités territoriales, notamment son article L. 1211-4-2 ;
Vu le code de procédure civile ;
Vu le décret n° 62-921 du 3 août 1962 modifié modifiant certaines règles relatives aux actes de l'état civil ;
Vu le décret n° 74-449 du 15 mai 1974 modifié relatif au livret de famille et à l'information des futurs époux sur le droit de la famille ;
Vu le décret n° 2002-1556 du 23 décembre 2002 portant application de l'article 22 de la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral et modifiant le décret n° 74-449 du 15 mai 1974 relatif au livret de famille, notamment son article annexe ;
Vu le décret n° 2004-1159 du 29 octobre 2004 portant application de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 modifiée relative au nom de famille et modifiant diverses dispositions relatives à l'état civil ;
Vu l'avis du comité des finances locales (commission consultative d'évaluation des normes) en date du 2 mai 2013 ;
Le Conseil d'Etat (section de l'intérieur) entendu,
Décrète :

Article 1

Le code de procédure civile est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l'article 1181, les mots : « le père, la mère » sont remplacés par les mots : « l'un des parents » ;
2° A l'article 1182, les mots : « au père, à la mère » sont remplacés par les mots : « à chacun des parents » au premier alinéa et lesmots : « le père, la mère » sont remplacés par les mots : « chacun des parents » au deuxième alinéa ;
3°Au quatrième alinéa de l'article 1182, au premier alinéa de l'article 1189 et à l'article 1197, les mots : « père et mère » sont remplacés par le mot : « parents » ;
4° Au premier alinéa de l'article 1184, les mots : « du père, de la mère » sont remplacés par les mots : « de chacun des parents » ;
5° Aux deuxième et troisième alinéas de l'article 1184, au premier alinéa de l'article 1185, au second alinéa de l'article 1188, au premier alinéa de l'article 1190 et au second alinéa de l'article 1192, les mots : « père, mère » sont remplacés par le mot : « parents » ;
6° Au premier alinéa de l'article 1186 et au deuxième alinéa de l'article 1187, les mots : « le père, la mère » sont remplacés par les mots : « les parents » ;
7° Aux premier et troisième alinéas de l'article 1187, les mots : « de son père, de sa mère » sont remplacés par les mots : « de ses parents ou de l'un d'eux » ;
8° Au deuxième alinéa de l'article 1191, les mots : « le père, la mère » sont remplacés par les mots : « les parents ou l'un d'eux » ;
9° Au premier alinéa de l'article 1208, les mots : « père, mère, tuteur ou personne ou représentant du service » sont remplacés par les mots : « parents, le tuteur, la personne ou le représentant du service » ;
10° A l'article 1222-2, les mots : « son père, sa mère » sont remplacés par les mots : « ses parents ».

Article 2

Aux premier et quatrième alinéas de l'article 11, au premier alinéa de l'article 11-1 et aux premier et second alinéas de l'article 12 du décret n° 62-921 du 3 août 1962 susvisé, les mots : « père et mère » sont remplacés par le mot : « parents ».

Article 3 En savoir plus sur cet article...

Le décret n° 74-449 du 15 mai 1974 susvisé est ainsi modifié :
1° Les deuxième et troisième alinéas de l'article 9 sont remplacés par l'alinéa suivant :
« Les déclarations conjointes faites en application du premier alinéa de l'article 311-21, du quatrième alinéa de l'article 311-21, du deuxième alinéa de l'article 311-23 et des deuxième et sixième alinéas de l'article 357 du code civil sont portées sur le livret de famille par l'officier de l'état civil qui les reçoit ou par l'officier de l'état civil dépositaire de l'acte de naissance. » ;
2° A l'article 10, les mots : « père et mère » sont remplacés par les mots : « les époux ou les parents » ;
3° Au deuxième alinéa de l'article 12, les mots : « père et mère » sont remplacés par le mot : « parents » ;
4° Après l'article 12, il est inséré un article 12-1 ainsi rédigé :
« Art. 12-1. - En cas d'adoption simple d'un mineur, l'extrait d'acte de naissance reproduit sur le livret de famille des parents d'origine de l'adopté est complété par la mention du jugement d'adoption simple. En outre, l'extrait d'acte de naissance de l'adopté est reproduit dans le livret de famille du ou des adoptants et mentionne en marge la filiation d'origine de l'adopté ainsi que la référence au jugement d'adoption simple. » ;
5° L'article 18 est abrogé.

Article 4

L'annexe au décret n° 2002-1556 du 23 décembre 2002 susvisé relative aux informations sur le droit de la famille est modifiée ainsi qu'il suit :
1° Dans la partie intitulée : « Nom des époux et de leurs enfants » :
a) La seconde phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :
« Toutefois, chacun des époux peut utiliser dans la vie courante, s'il le désire et à titre d'usage, le nom de son conjoint ou adjoindre son nom au sien, dans l'ordre qu'il souhaite. » ;
b) Il est inséré, au deuxième alinéa, après les mots : « premier enfant commun », les mots : « lors de la déclaration de naissance » ;
c) Il est inséré après la première phrase du troisième alinéa, la phrase suivante :
« En cas de désaccord sur le nom de l'enfant, l'un des parents peut le signaler à l'officier de l'état civil en produisant un écrit faisant état de son désaccord au plus tard au jour de la déclaration de naissance ou, le cas échéant, au jour de l'établissement simultané de la filiation. L'officier de l'état civil vise le document et le restitue au parent. Dans ce cas, l'enfant prendra le nom de ses deux parents accolés selon l'ordre alphabétique. » ;
2° Dans la partie intitulée : « Droits et devoirs respectifs des époux », il est inséré au premier alinéa, après le mot : « mutuellement », le mot : « respect, » ;
3° Dans la partie intitulée : « Obligations alimentaires dues aux époux et par eux » :
a) Au premier alinéa, les mots : « leur père et mère » sont remplacés par les mots : « leurs parents » ;
b) Le second alinéa est ainsi rédigé :
« Dans les mêmes conditions, les gendres et belles-filles doivent des aliments à leurs beaux-parents. Cette obligation cesse lorsque celui des époux qui créait des liens d'alliance et les enfants issus de son union avec l'autre époux sont décédés. Réciproquement, les beaux-parents sont tenus de cette obligation envers leurs gendres et belles-filles. » ;
4° Dans la partie intitulée : « Adoption » :
a) La seconde phrase du cinquième alinéa est remplacée par la phrase suivante :
« En cas d'adoption de l'enfant du conjoint ou d'adoption d'un enfant par deux époux, l'adoptant et son conjoint ou les adoptants choisissent, par déclaration conjointe, le nom de famille dévolu à l'enfant : soit le nom de l'un d'eux, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux, dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux. Cette faculté de choix ne peut être exercée qu'une seule fois. En l'absence de déclaration conjointe mentionnant le choix de nom de l'enfant, celui-ci prend le nom de l'adoptant et de son conjoint ou de chacun des deux adoptants, dans la limite du premier nom de famille pour chacun d'eux, accolés selon l'ordre alphabétique. » ;
b) Le sixième alinéa est ainsi rédigé :
« En cas d'adoption simple, le nom de l'adoptant est adjoint au nom de l'adopté. Toutefois, si l'adopté est majeur, il doit consentir à cette adjonction. Lorsque l'adopté et l'adoptant, ou l'un d'eux, portent un double nom, le nom conféré à l'adopté résulte de l'adjonction du nom de l'adoptant à son propre nom, dans la limite d'un seul nom pour chacun d'eux. Le choix du nom adjoint ainsi que l'ordre des deux noms appartient à l'adoptant, qui doit recueillir le consentement de l'adopté âgé de plus de treize ans. En cas de désaccord ou à défaut de choix, le nom conféré résulte de l'adjonction en seconde position du premier nom de l'adoptant au premier nom de l'adopté. » ;
c) Le septième alinéa est ainsi rédigé :
« En cas d'adoption par deux époux, le nom ajouté au nom de l'adopté est, à la demande des adoptants, celui de l'un d'eux, dans la limite d'un nom. Si l'adopté porte un double nom de famille, le choix du nom conservé et l'ordre des noms adjoints appartient aux adoptants, qui doivent recueillir le consentement personnel de l'adopté âgé de plus de treize ans. En cas de désaccord ou à défaut de choix, le nom conféré à l'adopté résulte de l'adjonction en seconde position du premier nom des adoptants selon l'ordre alphabétique, au premier nom de l'adopté. » ;
d) Le huitième alinéa est ainsi rédigé :
« Le tribunal peut toutefois, à la demande de l'adoptant, décider que l'adopté ne portera que le nom de l'adoptant ou, en cas d'adoption de l'enfant du conjoint, que l'adopté conservera son nom d'origine. En cas d'adoption par deux époux, le nom de famille substitué à celui de l'adopté peut, au choix des adoptants, être soit celui de l'un d'eux, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un seul nom pour chacun d'eux. Cette demande peut également être formée postérieurement à l'adoption. Si l'adopté est âgé de plus de treize ans, son consentement est nécessaire. » ;
5° Dans la partie intitulée : « Autorité parentale » :
a) Au premier alinéa, les mots : « père et mère » sont remplacés par le mot : « parents » ;
b) Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :
« L'enfant a le droit d'entretenir des relations personnelles avec ses grands-parents et autres ascendants. Seul l'intérêt de l'enfant peut faire obstacle à l'exercice de ce droit. » ;
6° Dans la partie intitulée : « Régime fiscal », le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les époux sont soumis à une imposition commune pour les revenus perçus par chacun d'eux pour l'année entière au cours de laquelle ils se sont mariés et pour les années suivantes. Toutefois, au titre de l'année du mariage et sur option irrévocable, les époux peuvent souscrire deux déclarations distinctes comportant les revenus dont chacun a disposé personnellement pour l'année entière. » ;
7° Dans la partie intitulée : « Régime matrimonial », le paragraphe relatif au changement de régime matrimonial est ainsi rédigé :
« Quel que soit le régime matrimonial choisi au moment du mariage, les époux peuvent au bout de deux ans, dans l'intérêt de la famille, décider de le modifier ou d'en changer par acte notarié. Lorsque l'un ou l'autre des époux a des enfants mineurs, l'acte notarié est obligatoirement soumis à l'homologation du tribunal du domicile des époux. » ;
8° Dans la partie intitulée : « Droits du conjoint survivant », les troisième et quatrième alinéas sont ainsi rédigés :
« En présence des parents du défunt, le conjoint reçoit la moitié en propriété. En cas de prédécès de l'un des parents, le conjoint hérite des trois quarts.
« A défaut d'enfants, de descendants et des parents, le conjoint survivant hérite de l'entière succession. »

Article 5 En savoir plus sur cet article...

Le décret n° 2004-1159 du 29 octobre 2004 susvisé est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa de l'article 1er et au premier alinéa de l'article 10, les mots : « père et mère » sont remplacés par le mot : « parents » ;
2° L'article 1er est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La déclaration conjointe de choix de nom est annexée à l'acte de naissance de l'enfant pour lequel cette déclaration a été faite. » ;
3° Après l'article 4, il est créé un article 4-1 ainsi rédigé :
« Art. 4-1. - La déclaration conjointe de choix de nom prévue aux deuxième et sixième alinéas de l'article 357 du code civil est faite par écrit et jointe à la requête en adoption plénière.
« Elle comporte les prénom(s), nom, date et lieu de naissance, domicile des adoptants ou de l'adoptant et de son conjoint dans le cas de l'adoption de l'enfant du conjoint, l'indication du nom de famille choisi ainsi que les prénom(s) d'origine de l'enfant, date et lieu de naissance. Elle est datée et signée par les adoptants ou l'adoptant et son conjoint.
« Par cette déclaration, les adoptants ou l'adoptant et son conjoint attestent sur l'honneur que par le prononcé de l'adoption plénière, l'adopté deviendra leur premier enfant commun.
« La déclaration de choix de nom remise dans le cadre d'une demande de transcription de la décision d'adoption étrangère prévue à l'article 357-1 est annexée à l'acte de naissance de l'enfant. » ;
4° Le troisième alinéa de l'article 10 est complété par la phrase suivante :
« Le document contenant le consentement de l'enfant âgé de plus de treize ans est annexé à son acte de naissance. » ;
5° La section 4 est abrogée et la section 5 devient la section 4 ;
6° A l'article 13 :
a) Les mots : « ou d'adjonction » sont supprimésau premier alinéa ;
b) Il est ajouté l'alinéa suivant :
« Cette disposition est applicable au tribunal statuant en matière d'adoption plénière. »
7° Après l'article 13, il est inséré un titre Ier bis intitulé : « Modalité de détermination du nom en cas de désaccord des parents » et comprenant l'article 14 ainsi rédigé :
« Art. 14. - En application du premier alinéa de l'article 311-21 du code civil, en cas de désaccord des parents sur le nom de l'enfant, l'un d'eux fait connaître son désaccord par écrit devant l'officier de l'état civil de son choix, au plus tard au jour de la déclaration de naissance ou après la naissance lors de l'établissement simultanée de la filiation. Après vérification de l'identité du parent, l'officier de l'état civil appose son visa et date le document qu'il lui restitue.
« Le parent remet ce document à l'officier de l'état civil du lieu de naissance de l'enfant. Ce dernier indique dans l'acte de naissance qu'il dresse ou qu'il transcrit le nom de l'enfant constitué du premier nom de chacun des parents accolés selon l'ordre alphabétique. Lorsque le désaccord est porté à la connaissance de l'officier de l'état civil après l'établissement de l'acte de naissance, ce dernier saisit le procureur de la République afin qu'il ordonne la rectification du nom.
« Le document contenant le désaccord est annexé à l'acte de naissance de l'enfant. »

Article 6

Indépendamment de l'application de plein droit des articles 2 à 5 du présent décret en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française ainsi qu'à Wallis-et-Futuna, son article 1er est applicable dans cette collectivité.

Article 7

Le ministre des affaires étrangères, la garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre de l'intérieur et le ministre des outre-mer sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.


Fait le 24 mai 2013.

Jean-Marc Ayrault

Par le Premier ministre :

La garde des sceaux,
ministre de la justice,
Christiane Taubira

Le ministre des affaires étrangères,
Laurent Fabius

Le ministre de l'intérieur,
Manuel Valls

Le ministre des outre-mer,
Victorin Lurel




Partager cet article
Repost0
17 mai 2013 5 17 /05 /mai /2013 13:07

(verbatim)




Décision n° 2013-669 DC du 17 mai 2013

Décision n° 2013-669 DC
Communiqué de presse
Projet de loi adopté le 23 avril 2013 (T.A. n° 120)
Décision n° 2013-669 DC du 17 mai 2013

Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe

Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, le 23 avril 2013, par MM. Christian JACOB, Élie ABOUD, Bernard ACCOYER, Yves ALBARELLO, Julien AUBERT, Olivier AUDIBERT TROIN, Patrick BALKANY, Jean-Pierre BARBIER, Jacques Alain BÉNISTI, Sylvain BERRIOS, Xavier BERTRAND, Étienne BLANC, Marcel BONNOT, Jean-Claude BOUCHET, Mme Valérie BOYER, MM. Xavier BRETON, Philippe BRIAND, Bernard BROCHAND, Gilles CARREZ, Yves CENSI, Jérôme CHARTIER, Gérard CHERPION, Guillaume CHEVROLLIER, Alain CHRÉTIEN, Jean-Louis CHRIST, Dino CINIERI, Éric CIOTTI, Philippe COCHET, Jean-François COPÉ, François CORNUT-GENTILLE, Édouard COURTIAL, Jean-Michel COUVE, Mme Marie-Christine DALLOZ, MM. Gérald DARMANIN, Olivier DASSAULT, Marc-Philippe DAUBRESSE, Jean-Pierre DECOOL, Bernard DEFLESSELLES, Lucien DEGAUCHY, Rémi DELATTE, Patrick DEVEDJIAN, Nicolas DHUICQ, Mme Sophie DION, MM. Jean-Pierre DOOR, Dominique DORD, David DOUILLET, Mmes Marianne DUBOIS, Virginie DUBY-MULLER, MM. Christian ESTROSI, Daniel FASQUELLE, Georges FENECH, François FILLON, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FOULON, Yves FROMION, Laurent FURST, Claude de GANAY, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Mme Annie GENEVARD, MM. Guy GEOFFROY, Bernard GÉRARD, Alain GEST, Franck GILARD, Georges GINESTA, Charles-Ange GINESY, Jean-Pierre GIRAN, Claude GOASGUEN, Philippe GOSSELIN, Philippe GOUJON, Mmes Claude GREFF, Anne GROMMERCH, Arlette GROSSKOST, MM. Serge GROUARD, Henri GUAINO, Mme Françoise GUÉGOT, MM. Jean-Claude GUIBAL, Jean-Jacques GUILLET, Christophe GUILLOTEAU, Michel HEINRICH, Antoine HERTH, Patrick HETZEL, Philippe HOUILLON, Guénhaël HUET, Sébastien HUYGHE, Christian KERT, Jacques KOSSOWSKI, Mme Valérie LACROUTE, MM. Marc LAFFINEUR, Jacques LAMBLIN, Jean-François LAMOUR, Mme Laure de LA RAUDIÈRE, MM. Guillaume LARRIVÉ, Charles de LA VERPILLIÈRE, Thierry LAZARO, Alain LEBOEUF, Mme Isabelle LE CALLENNEC, MM. Marc LE FUR, Pierre LELLOUCHE, Dominique LE MÈNER, Jean LEONETTI, Pierre LEQUILLER, Philippe LE RAY, Céleste LETT, Mmes Geneviève LEVY, Véronique LOUWAGIE, MM. Lionnel LUCA, Gilles LURTON, Jean-François MANCEL, Alain MARC, Laurent MARCANGELI, Thierry MARIANI, Hervé MARITON, Olivier MARLEIX, Franck MARLIN, Alain MARSAUD, Patrice MARTIN-LALANDE, Alain MARTY, Jean-Claude MATHIS, François de MAZIÈRES, Damien MESLOT, Philippe MEUNIER, Pierre MORANGE, Pierre MOREL-A-L'HUISSIER, Jean-Luc MOUDENC, Alain MOYNE-BRESSAND, Jacques MYARD, Mme Dominique NACHURY, MM. Yves NICOLIN, Patrick OLLIER, Mme Valérie PÉCRESSE, MM. Jacques PÉLISSARD, Bernard PERRUT, Jean-Frédéric POISSON, Mmes Bérengère POLETTI, Josette PONS, MM. Christophe PRIOU, Didier QUENTIN, Bernard REYNÈS, Arnaud ROBINET, Camille de ROCCA SERRA, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Martial SADDIER, Paul SALEN, François SCELLIER, Mme Claudine SCHMID, MM. André SCHNEIDER, Jean-Marie SERMIER, Fernand SIRÉ, Thierry SOLÈRE, Michel SORDI, Éric STRAUMANN, Claude STURNI, Alain SUGUENOT, Lionel TARDY, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Guy TEISSIER, Michel TERROT, Jean-Marie TETART, Dominique TIAN, François VANNSON, Mme Catherine VAUTRIN, MM. Patrice VERCHÈRE, Jean-Pierre VIGIER, Philippe VITEL, Michel VOISIN, Laurent WAUQUIEZ, Éric WOERTH, Mme Marie-Jo ZIMMERMANN, MM. Arnaud RICHARD, Thierry BENOIT, Bertrand PANCHER, Francis HILLMEYER, Franck REYNIER, François SAUVADET, Yannick FAVENNEC, François-Xavier VILLAIN, Rudy SALLES, Philippe VIGIER, Jean-Christophe FROMANTIN, André SANTINI, Charles de COURSON, Philippe FOLLIOT, Francis VERCAMER, Gilles BOURDOULEIX, Maurice LEROY, François ROCHEBLOINE, Hervé MORIN et Yannick MOREAU, députés ;

Et le même jour, par MM. François ZOCCHETTO, Jean-Claude GAUDIN, Pierre ANDRÉ, Gérard BAILLY, Philippe BAS, René BEAUMONT, Christophe BÉCHU, Michel BÉCOT, Joël BILLARD, Jean BIZET, Pierre BORDIER, Joël BOURDIN, Mme Marie-Thérèse BRUGUIÈRE, MM. François-Noël BUFFET, François CALVET, Christian CAMBON, Jean-Pierre CANTEGRIT, Jean-Noël CARDOUX, Jean-Claude CARLE, Mme Caroline CAYEUX, MM. Gérard CÉSAR, Pierre CHARON, Alain CHATILLON, Jean-Pierre CHAUVEAU, Marcel-Pierre CLÉACH, Gérard CORNU, Raymond COUDERC, Jean-Patrick COURTOIS, Philippe DALLIER, Serge DASSAULT, Mme Isabelle DEBRÉ, MM. Francis DELATTRE, Robert del PICCHIA, Gérard DÉRIOT, Mmes Catherine DEROCHE, Marie-Hélène DES ESGAULX, MM. Éric DOLIGÉ, Philippe DOMINATI, Michel DOUBLET, Mme Marie-Annick DUCHÊNE, MM. Alain DUFAUT, André DULAIT, Ambroise DUPONT, Louis DUVERNOIS, Jean-Paul EMORINE, André FERRAND, Louis-Constant FLEMING, Bernard FOURNIER, Jean-Paul FOURNIER, René GARREC, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, MM. Jacques GAUTIER, Patrice GÉLARD, Bruno GILLES, Mme Colette GIUDICELLI, MM. Alain GOURNAC, Francis GRIGNON, François GROSDIDIER, Charles GUENÉ, Pierre HÉRISSON, Michel HOUEL, Alain HOUPERT, Jean-François HUMBERT, Benoît HURÉ, Jean-Jacques HYEST, Mmes Sophie JOISSAINS, Christiane KAMMERMANN, M. Marc LAMÉNIE, Mme Élisabeth LAMURE, MM. Gérard LARCHER, Robert LAUFOAULU, Daniel LAURENT, Jean-René LECERF, Antoine LEFÈVRE, Jacques LEGENDRE, Dominique de LEGGE, Jean-Pierre LELEUX, Jean-Claude LENOIR, Philippe LEROY, Gérard LONGUET, Roland du LUART, Michel MAGRAS, Philippe MARINI, Pierre MARTIN, Mme Hélène MASSON-MARET, M. Jean-François MAYET, Mme Colette MÉLOT, MM. Albéric de MONTGOLFIER, Philippe NACHBAR, Louis NÈGRE, Philippe PAUL, Jackie PIERRE, François PILLET, Xavier PINTAT, Louis PINTON, Rémy POINTEREAU, Christian PONCELET, Ladislas PONIATOWSKI, Hugues PORTELLI, Mmes Sophie PRIMAS, Catherine PROCACCIA, MM. Jean-Pierre RAFFARIN, Henri de RAINCOURT, André REICHARDT, Bruno RETAILLEAU, Charles REVET, Bernard SAUGEY, René-Paul SAVARY, Michel SAVIN, Bruno SIDO, Mme Esther SITTLER, MM. Abdourahamane SOILIHI, André TRILLARD, Mme Catherine TROENDLE, MM. François TRUCY, Jean-Pierre VIAL, Jean-Paul AMOUDRY, Jean ARTHUIS, Jean-Marie BOCKEL, Jean BOYER, Vincent DELAHAYE, Marcel DENEUX, Yves DÉTRAIGNE, Mme Muguette DINI, MM. Daniel DUBOIS, Jean-Léonce DUPONT, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Jean-Jacques LASSERRE, Mme Valérie LÉTARD, MM. Hervé MARSEILLE, Hervé MAUREY, Jean-Claude MERCERON, Michel MERCIER, Aymeri de MONTESQUIOU, Mme Catherine MORIN-DESAILLY, MM. Christian NAMY, Yves POZZO di BORGO, Gérard ROCHE, Henri TANDONNET et Jean-Marie VANLERENBERGHE, sénateurs.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;
Vu la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution ;
Vu le code civil ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le code rural et de la pêche maritime ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code du travail ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 2 mai 2013 ;
Vu les observations en réplique présentées par les députés requérants, enregistrées le 10 mai 2013 ;
Vu les observations en réplique présentées par les sénateurs requérants, enregistrées le 10 mai 2013 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ; qu'ils soutiennent que cette loi et, en particulier, ses articles 14 et 22 ont été adoptés selon une procédure contraire à la Constitution ; qu'ils soutiennent aussi que ses articles 1er, 7, 13, 14 et 21 sont contraires à la Constitution ; que les députés requérants contestent en outre la conformité à la Constitution de son article 19 ; que les sénateurs requérants mettent encore en cause la procédure d'adoption des articles 16, 17, 18 et 19 de la loi et la conformité à la Constitution de ses articles 8, 11 et 12 ;

- SUR LA PROCÉDURE D'ADOPTION DE LA LOI :

. En ce qui concerne l'étude d'impact jointe au projet de loi :

2. Considérant que les requérants font valoir que l'étude d'impact jointe au projet de loi n'a pas permis d'éclairer suffisamment les parlementaires sur la portée du texte qui leur a été soumis ; qu'en particulier, cette étude d'impact aurait omis d'indiquer les conséquences sociales, financières et juridiques des dispositions du projet de loi ; qu'elle aurait également omis de présenter l'état de la législation comparée et la compatibilité du projet de loi avec les conventions internationales conclues par la France ;

3. Considérant qu'aux termes des troisième et quatrième alinéas de l'article 39 de la Constitution : « La présentation des projets de loi déposés devant l'Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique. - Les projets de loi ne peuvent être inscrits à l'ordre du jour si la Conférence des présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues. En cas de désaccord entre la Conférence des présidents et le Gouvernement, le président de l'assemblée intéressée ou le Premier ministre peut saisir le Conseil constitutionnel qui statue dans un délai de huit jours » ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 susvisée : « Les projets de loi font l'objet d'une étude d'impact. Les documents rendant compte de cette étude d'impact sont joints aux projets de loi dès leur transmission au Conseil d'État. Ils sont déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que les projets de loi auxquels ils se rapportent » ; que, selon le premier alinéa de l'article 9 de la même loi organique, la Conférence des présidents de l'assemblée sur le bureau de laquelle le projet de loi a été déposé dispose d'un délai de dix jours suivant le dépôt pour constater que les règles relatives aux études d'impact sont méconnues ;

4. Considérant que le projet de loi a été déposé le 7 novembre 2012 sur le bureau de l'Assemblée nationale et que la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale n'a été saisie d'aucune demande tendant à constater que les règles relatives aux études d'impact étaient méconnues ; que les commissions des assemblées ont procédé à de nombreuses auditions ; qu'au regard du contenu de l'étude d'impact, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 doit être écarté ; qu'il en va de même du grief tiré de l'atteinte aux exigences constitutionnelles de clarté et de sincérité des débats parlementaires ;

. En ce qui concerne la procédure parlementaire :

5. Considérant que, selon les députés requérants, la fixation d'un temps législatif programmé pour l'examen en deuxième lecture du projet de loi à l'Assemblée nationale ainsi que le refus d'accorder un allongement exceptionnel de la durée d'examen, qui était de droit dès lors que le président d'un groupe d'opposition avait formulé une telle demande, ont porté atteinte aux exigences de clarté et de sincérité des débats parlementaires ainsi qu'aux droits spécifiques des groupes d'opposition et minoritaires prévus par l'article 51-1 de la Constitution ;

6. Considérant, d'une part, que, selon le dixième alinéa de l'article 49 du règlement de l'Assemblée nationale, une fois par session, un président de groupe peut obtenir, de droit, un allongement exceptionnel de la durée du temps législatif programmé dans une limite maximale fixée par la Conférence des présidents ; que cette dernière a fixé cette limite maximale, en deuxième lecture, à vingt-cinq heures ; que le président d'un groupe d'opposition a formulé une demande d'allongement exceptionnel en Conférence des présidents et que cette demande a été satisfaite par la fixation du temps législatif programmé à une durée de vingt-cinq heures ; qu'il résulte de ce qui précède que le grief tiré de l'absence d'octroi de l'allongement exceptionnel du temps législatif programmé doit être écarté ;

7. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 51-1 de la Constitution : « Le règlement de chaque assemblée détermine les droits des groupes parlementaires constitués en son sein. Il reconnaît des droits spécifiques aux groupes d'opposition de l'assemblée intéressée ainsi qu'aux groupes minoritaires » ; qu'en l'espèce, la durée du temps législatif programmé pour l'examen en deuxième lecture du projet de loi a été fixée à vingt-cinq heures ; qu'il en résulte qu'il n'a été porté atteinte ni à l'article 51-1 de la Constitution ni aux exigences de clarté et de sincérité des débats parlementaires ;

. En ce qui concerne la place des articles 16, 17 et 18 dans la loi déférée :

8. Considérant que les sénateurs requérants soutiennent que les articles 16, 17 et 18 ne présentent aucun lien avec le texte initial et ont été adoptés en méconnaissance du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution ; qu'ils font également valoir qu'en raison de leur caractère financier, ces dispositions relèvent d'une loi de finances ou d'une loi de financement de la sécurité sociale ;

9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de la seconde phrase du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis » ;

10. Considérant que l'article 16, qui modifie l'article L. 88 du code des pensions civiles et militaires de retraite, correspond au 2° de l'article 11 du projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 7 novembre 2012 ; qu'il en va de même de l'article 18, modifiant les articles L. 331-7, L. 351-4, L. 613-19, L. 613-19-1, L. 613-19-2, L. 711-9, L. 713-6, L. 722-8, L. 722-8-1 et L. 722-8-3 du code de la sécurité sociale, qui correspond à l'article 14 du projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale ; que le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution est inopérant ;

11. Considérant que l'article 17 a été inséré en première lecture à l'Assemblée nationale ; que cet article, qui modifie les articles L. 732-10, L. 732-11, L. 732-12 et L. 732-12-1 du code rural et de la pêche maritime et insère un nouvel article L. 732-10-1 dans ce code, prévoit, sous certaines conditions, en cas d'adoption, une allocation de remplacement au profit des travailleurs non salariés agricoles sans considération du sexe des bénéficiaires, à l'instar de ce que prévoyait l'article 14 du projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale pour les salariés relevant du régime général ; qu'ainsi l'article 17 présente un lien avec le projet de loi initial ;

12. Considérant, en second lieu, que si les articles 16, 17 et 18 comprennent des dispositions ayant une incidence sur les dépenses des régimes de sécurité sociale ainsi que sur celles du compte d'affectation spéciale relatif aux pensions, ils ne relèvent pas pour autant du domaine exclusif des lois de finances tel qu'il est défini par les articles 34 et 35 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée ou du domaine exclusif des lois de financement de la sécurité sociale tel qu'il est défini par l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les articles 16, 17 et 18 ont été adoptés selon une procédure conforme à la Constitution ;

- SUR LES NORMES DE CONSTITUTIONNALITÉ APPLICABLES :

14. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant « l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités » ; qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ; que l'article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois déférées à son examen ;

15. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi. . . Doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; que si, en règle générale, ce principe impose de traiter de la même façon des personnes qui se trouvent dans la même situation, il n'en résulte pas pour autant qu'il oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes ;

16. Considérant que le droit de mener une vie familiale normale résulte du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 qui dispose : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ;

- SUR LE MARIAGE :

. En ce qui concerne le paragraphe I de l'article 1er :

17. Considérant que l'article 1er de la loi rétablit un article 143 du code civil dans le chapitre Ier du titre V du livre Ier du code civil, consacré aux qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage ; qu'aux termes de cet article : « Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe » ;

18. Considérant que, selon les requérants, l'ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe méconnaît le principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel le mariage est l'union d'un homme et d'une femme ; qu'ils font en outre valoir que la modification de la définition du mariage porterait atteinte aux exigences du quatorzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ;

19. Considérant que les sénateurs requérants font également valoir que l'article 34 de la Constitution ne fait référence qu'aux « régimes matrimoniaux » ; que, par son caractère fondamental, la définition du mariage relèverait de la compétence du constituant ; que le mariage entre personnes de même sexe méconnaîtrait un « enracinement naturel du droit civil » selon lequel l'altérité sexuelle est le fondement du mariage ; que l'ouverture du mariage à des couples de même sexe « détournerait l'institution du mariage à des fins étrangères à l'institution matrimoniale » ; qu'enfin, l'importance du changement opéré par les dispositions contestées dans la définition du mariage porterait atteinte, à l'égard des personnes mariées, à la liberté du mariage et au droit au maintien des conventions légalement conclues ;

20. Considérant, en premier lieu, que les règles relatives au mariage relèvent de l'état des personnes ; que, par suite, le grief tiré de ce que l'article 34 de la Constitution ne confierait pas au législateur la compétence pour fixer les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage doit être écarté ;

21. Considérant, en deuxième lieu, que la tradition républicaine ne saurait être utilement invoquée pour soutenir qu'un texte législatif qui la contredit serait contraire à la Constitution qu'autant que cette tradition aurait donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens du premier alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ; que, si la législation républicaine antérieure à 1946 et les lois postérieures ont, jusqu'à la loi déférée, regardé le mariage comme l'union d'un homme et d'une femme, cette règle qui n'intéresse ni les droits et libertés fondamentaux, ni la souveraineté nationale, ni l'organisation des pouvoirs publics, ne peut constituer un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens du premier alinéa du Préambule de 1946 ; qu'en outre, doit en tout état de cause être écarté le grief tiré de ce que le mariage serait « naturellement » l'union d'un homme et d'une femme ;

22. Considérant, en troisième lieu, qu'en ouvrant l'accès à l'institution du mariage aux couples de personnes de même sexe, le législateur a estimé que la différence entre les couples formés d'un homme et d'une femme et les couples de personnes de même sexe ne justifiait plus que ces derniers ne puissent accéder au statut et à la protection juridique attachés au mariage ; qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, en matière de mariage, de cette différence de situation ;

23. Considérant, en quatrième lieu, que les dispositions de l'article 1er ne portent aucune atteinte aux droits acquis nés de mariages antérieurs ; que, par suite, le grief tiré de l'atteinte à la liberté du mariage, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, et au droit au maintien des conventions légalement conclues, qui résulte de son article 4, doit être écarté ;

24. Considérant, en cinquième lieu, que les dispositions de l'article 1er n'ont ni pour objet ni pour effet de déroger au principe selon lequel tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ; que, par suite, les griefs tirés de la méconnaissance des principes du droit international public et du quatorzième alinéa du Préambule de 1946 doivent être écartés ; qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi en application de l'article 61 de la Constitution, d'examiner la compatibilité d'une loi avec les engagements internationaux de la France ;

25. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions de l'article 143 du code civil ne méconnaissent pas les exigences constitutionnelles précitées ;

. En ce qui concerne le paragraphe II de l'article 1er :

26. Considérant que le paragraphe II de l'article 1er de la loi insère après le chapitre IV du titre V du livre Ier du code civil un chapitre IV bis, intitulé « Des règles de conflit de lois », et comprenant les articles 202-1 et 202-2 ;

27. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 202-1 du code civil : « Les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage sont régies, pour chacun des époux, par sa loi personnelle » ; que le second alinéa du même article prévoit : « Toutefois, deux personnes de même sexe peuvent contracter mariage lorsque, pour au moins l'une d'elles, soit sa loi personnelle, soit la loi de l'État sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet » ;

28. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions qui introduisent, au profit du mariage de personnes de même sexe, une règle de conflit de lois distincte de celle qui prévaut pour les mariages de personnes de sexe différent, méconnaissent le principe d'égalité devant la loi ; qu'ils soutiennent également qu'elles auront pour effet d'inciter des étrangers à venir en France pour « contourner les empêchements de leur loi nationale », de favoriser des « mariages blancs » en fraude à la législation sur l'entrée et le séjour en France ainsi que la législation sur la nationalité, et entraîneront une augmentation du nombre de mariages valables dans un pays et nuls dans l'autre ; que serait ainsi méconnu le principe de sécurité juridique ;

29. Considérant, en premier lieu, que, par les dispositions du second alinéa de l'article 202-1 du code civil dans sa rédaction résultant du paragraphe II de l'article 1er de la loi déférée, le législateur a entendu introduire un dispositif spécifique selon lequel « deux personnes de même sexe peuvent contracter mariage lorsque, pour au moins l'une d'elles, soit sa loi personnelle, soit la loi de l'État sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet » ; qu'il était loisible au législateur de permettre à deux personnes de même sexe de nationalité étrangère, dont la loi personnelle prohibe le mariage entre personnes de même sexe, de se marier en France dès lors que les autres conditions du mariage et notamment la condition de résidence sont remplies ; que le législateur, qui n'était pas tenu de retenir les mêmes règles pour les mariages contractés entre personnes de sexe différent, n'a pas traité différemment des personnes se trouvant dans des situations semblables ; que, par suite, le grief tiré de l'atteinte au principe d'égalité devant la loi doit être écarté ;

30. Considérant, en second lieu, que l'éventualité d'un détournement de la loi ou d'abus lors de son application n'entache pas celle-ci d'inconstitutionnalité ; qu'il appartient aux juridictions compétentes d'empêcher, de priver d'effet et, le cas échéant, de réprimer de telles pratiques ; que le grief tiré de l'atteinte à la sécurité juridique doit, en tout état de cause, être écarté ;

31. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions de l'article 202-1 du code civil, qui ne méconnaissent aucune exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution ;

- SUR L'ADOPTION :

32. Considérant que les articles 343 et 346 du code civil, applicables tant à l'adoption plénière qu'à l'adoption simple, disposent, d'une part, que l'adoption « peut être demandée par deux époux. . . » et, d'autre part, que « nul ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce n'est par deux époux » ; qu'en outre, il résulte tant de l'article 356 du code civil, applicable à l'adoption plénière, que de l'article 365 du même code applicable à l'adoption simple, compte tenu de la portée que la jurisprudence constante de la Cour de cassation confère à ces dispositions, que la faculté d'une adoption au sein d'un couple est réservée aux conjoints ; que, par suite, l'ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe a pour conséquence de permettre l'adoption par des couples de personnes de même sexe ainsi que l'adoption au sein de tels couples ;

33. Considérant que les articles 7 et 8 de la loi modifient les articles 345-1 et 360 du code civil afin de fixer les conditions dans lesquelles un enfant ayant déjà fait l'objet d'une adoption par une personne peut ultérieurement être adopté par le conjoint de cette personne ;

34. Considérant que l'article 13 de la loi insère dans le code civil un article 6-1 aux termes duquel : « Le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, à l'exclusion de ceux prévus au titre VII du livre Ier du présent code, que les époux ou les parents soient de sexe différent ou de même sexe » ;

35. Considérant que les requérants mettent en cause l'intelligibilité de ces dispositions, la conformité à la Constitution de l'ouverture de l'adoption aux couples de personnes de même sexe et les modifications apportées par les articles 7 et 8 aux dispositions du code civil relatives à l'adoption ;

. En ce qui concerne l'intelligibilité des dispositions relatives à l'adoption :

36. Considérant que les requérants font valoir que les dispositions du code civil qui font référence à la filiation désignent distinctement « le père » et « la mère » ; qu'en prévoyant que le mariage et la filiation emportent les mêmes effets, droits et obligations, que les époux soient de même sexe ou de sexe différent, les dispositions de l'article 13 conduisent, d'une part, à ce que les mots « père » et « mère » puissent désigner deux hommes ou deux femmes et, d'autre part, à ce que la portée de ces mots varie selon qu'ils sont ou non placés dans le titre VII du livre Ier du code civil ; qu'il en résulterait une méconnaissance des exigences de clarté et de précision de la loi ; qu'en permettant l'établissement d'un lien de filiation à l'égard de deux personnes de même sexe sans modifier les dispositions du titre VII du livre Ier du code civil, ces dispositions rendraient en outre inintelligibles certains articles du code civil, notamment ses articles 320, 330, 333, 336 et 336-1 ; que seraient également incompréhensibles les dispositions de l'article 310 du code civil relatives à l'égalité entre les enfants ;

37. Considérant que les députés requérants font en outre valoir qu'en s'abstenant d'apporter les modifications nécessaires aux règles relatives à la présomption de paternité, à la procréation médicalement assistée et à la gestation pour le compte d'autrui, les dispositions contestées auraient en outre rendu l'ensemble de ces règles incohérentes et inintelligibles ;

38. Considérant qu'il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, impose au législateur d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ;

- Quant au titre VII du livre Ier du code civil :
39. Considérant que, s'agissant des règles relatives à l'établissement et à la contestation de la filiation, le livre Ier du code civil comprend un titre VII, consacré à « la filiation », et un titre VIII, consacré à « la filiation adoptive » ;

40. Considérant que le titre VII distingue entre la filiation maternelle et la filiation paternelle ; que l'article 320 du code civil, qui figure au sein de ce titre VII, dispose : « Tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l'établissement d'une autre filiation qui la contredirait » ; que, par suite, les dispositions de cet article font obstacle à ce que deux filiations maternelles ou deux filiations paternelles soient établies à l'égard d'un même enfant ; qu'ainsi, en particulier, au sein d'un couple de personnes de même sexe, la filiation ne peut être établie par la présomption de l'article 312 du code civil ; que le mariage est sans incidence sur les autres modes d'établissement de la filiation prévus par le titre VII du livre Ier du code civil ;

41. Considérant qu'au sein du titre VIII, l'article 358, applicable aux enfants ayant été adoptés en la forme plénière, dispose : « L'adopté a, dans la famille de l'adoptant, les mêmes droits et les mêmes obligations qu'un enfant dont la filiation est établie en application du titre VII » du livre Ier ; qu'en prévoyant, à titre de mesure générale de coordination, que la filiation adoptive emporte les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, à l'exclusion de ceux prévus au titre VII du livre Ier, que les époux ou les parents soient de sexe différent ou de même sexe, les dispositions de l'article 6-1 du code civil n'ont pas entendu faire obstacle à l'application de la règle selon laquelle, les enfants adoptés, que leurs parents soient de même sexe ou de sexe différent, bénéficieront des mêmes droits que ceux dont la filiation est légalement établie en application de ce titre VII ;

42. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que doit être écarté le grief tiré de ce que l'article 6-1 du code civil entacherait le titre VII du livre Ier du code civil d'inintelligibilité ;

- Quant à l'article 13 de la loi :
43. Considérant qu'à l'exception des dispositions du titre VII du livre Ier du code civil, les règles de droit civil, notamment celles relatives à l'autorité parentale, au mariage, aux régimes matrimoniaux et aux successions, ne prévoient pas de différence entre l'homme et la femme s'agissant des relations du mariage, des conséquences qui en résultent et des conséquences relatives à l'établissement d'un lien de filiation ; que, par suite, en prévoyant que le mariage et la filiation emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, que les époux ou les parents soient de sexe différent ou de même sexe, sans supprimer les références qui, dans ces textes, désignent les « père » et « mère » ou « le mari et la femme », l'article 6-1 du code civil ne rend pas ces règles inintelligibles ;

44. Considérant que, d'une part, les dispositions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet de modifier la portée des dispositions de l'article 16-7 du code civil aux termes desquelles : « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle » ; que, d'autre part, il résulte de l'article L. 2141-2 du code de la santé publique que l'assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l'infertilité pathologique, médicalement diagnostiquée d'un couple formé d'un homme et d'une femme en âge de procréer, qu'ils soient ou non mariés ; que les couples formés d'un homme et d'une femme sont, au regard de la procréation, dans une situation différente de celle des couples de personnes de même sexe ; que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes dès lors que la différence de traitement qui en résulte est en lien direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; que, par suite, ni le principe d'égalité ni l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi n'imposaient qu'en ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de personnes de même sexe, le législateur modifie la législation régissant ces différentes matières ;

45. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de ce que l'article 13 de la loi serait entaché d'inintelligibilité doivent être écartés ;

. En ce qui concerne l'adoption par des personnes de même sexe ou au sein d'un couple de personnes de même sexe :

46. Considérant que, selon les requérants, la possibilité conférée à deux personnes de même sexe d'adopter un enfant porte atteinte au « principe de valeur constitutionnelle de la filiation bilinéaire fondée sur l'altérité sexuelle », proclamé par les lois de la République, ainsi qu'au droit constitutionnel de tout enfant à voir sa filiation établie à l'égard de son père et de sa mère ; que l'adoption par deux personnes de même sexe porterait en outre atteinte au droit de l'enfant de mener une vie familiale normale ainsi qu'à la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant ; qu'il en résulterait également une méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

47. Considérant qu'ils soutiennent encore que, lorsque l'enfant est adopté en la forme plénière par deux personnes de sexe différent, l'effacement de la filiation antérieure garantirait la préservation du secret de l'adoption et ferait entrer l'enfant dans la famille de l'adoptant « comme un enfant biologique » ; que la possibilité d'une adoption par deux personnes de même sexe conduirait au contraire nécessairement à révéler l'orientation sexuelle des adoptants et la nature adoptive de la filiation ; qu'il en résulterait une atteinte au droit à la protection de la vie privée et à l'égalité devant la loi ;

48. Considérant qu'ils font enfin valoir que, compte tenu notamment des difficultés que rencontreront les couples de personnes de même sexe pour adopter, la possibilité d'un établissement de la filiation à l'égard de deux personnes de même sexe incitera ces couples à recourir à l'étranger à la procréation médicalement assistée et à la gestation pour le compte d'autrui en fraude à la loi française ;

- Quant aux griefs tirés de l'atteinte au principe d'égalité et au droit de mener une vie familiale normale :
49. Considérant, en premier lieu que, d'une part, en permettant l'adoption par deux personnes de même sexe ou au sein d'un couple de personnes de même sexe, le législateur, compétent pour fixer les règles relatives à l'état et à la capacité des personnes en application de l'article 34 de la Constitution, a estimé que l'identité de sexe des adoptants ne constituait pas, en elle-même, un obstacle à l'établissement d'un lien de filiation adoptive ; qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, pour l'établissement d'un lien de filiation adoptive, de la différence entre les couples de personnes de même sexe et les couples formés d'un homme et d'une femme ;

50. Considérant que, d'autre part, en vertu de l'article 356 du code civil, l'adoption plénière confère à l'enfant une filiation qui se substitue à sa filiation d'origine ; que le principe d'égalité impose que les enfants adoptés en la forme plénière bénéficient, dans leur famille adoptive, des mêmes droits que ceux dont bénéficient les enfants dont la filiation est établie en application du titre VII du livre Ier du code civil ; qu'une telle exigence est satisfaite par les dispositions de l'article 358 du code civil précité ;

51. Considérant, en outre, que la liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration de 1789 implique le respect de la vie privée ; que, toutefois, aucune exigence constitutionnelle n'impose ni que le caractère adoptif de la filiation soit dissimulé ni que les liens de parenté établis par la filiation adoptive imitent ceux de la filiation biologique ; que, par suite, le grief tiré de ce que la possibilité d'une adoption par deux personnes de même sexe porterait atteinte au principe d'égalité et au droit à la protection de la vie privée doit être écarté ;

52. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet de reconnaître aux couples de personnes de même sexe un « droit à l'enfant » ; qu'elles ne soustraient pas les couples de personnes de même sexe aux règles, conditions et contrôles institués en matière de filiation adoptive ; qu'en effet, ces dispositions ne modifient pas la règle, fixée par le premier alinéa de l'article 353-1 du code civil, aux termes duquel : « Dans le cas d'adoption d'un pupille de l'État, d'un enfant remis à un organisme autorisé pour l'adoption ou d'un enfant étranger qui n'est pas l'enfant du conjoint de l'adoptant, le tribunal vérifie avant de prononcer l'adoption que le ou les requérants ont obtenu l'agrément pour adopter ou en étaient dispensés » ; qu'il n'est pas davantage dérogé à la règle, fixée par le premier alinéa de l'article L. 225-2 du code de l'action sociale et des familles, aux termes duquel : « Les pupilles de l'État peuvent être adoptés soit par les personnes à qui le service de l'aide sociale à l'enfance les a confiés pour en assurer la garde lorsque les liens affectifs qui se sont établis entre eux justifient cette mesure, soit par des personnes agréées à cet effet, soit, si tel est l'intérêt desdits pupilles, par des personnes dont l'aptitude à les accueillir a été régulièrement constatée dans un État autre que la France, en cas d'accord international engageant à cette fin ledit État » ; que s'appliquent également les dispositions de son article L. 225-17 qui prévoit : « Les personnes qui accueillent, en vue de son adoption, un enfant étranger doivent avoir obtenu l'agrément prévu aux articles L. 225-2 à L. 225-7 » ; qu'ainsi, les couples de personnes de même sexe qui désirent adopter un enfant seront soumis, comme ceux qui sont formés d'un homme et d'une femme, à une procédure destinée à constater leur capacité à accueillir un enfant en vue de son adoption ;

53. Considérant, d'une part, que la conformité à la Constitution d'une loi déjà promulguée peut être appréciée à l'occasion de l'examen des dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine ; qu'en l'espèce les dispositions contestées affectent le domaine des articles L. 225-2 et L. 225-17 du code de l'action sociale et des familles ; que les dispositions relatives à l'agrément du ou des adoptants, qu'ils soient de sexe différent ou de même sexe, ne sauraient conduire à ce que cet agrément soit délivré sans que l'autorité administrative ait vérifié, dans chaque cas, le respect de l'exigence de conformité de l'adoption à l'intérêt de l'enfant qu'implique le dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ; que, sous cette réserve, les dispositions des articles L. 225-2 et L. 225-17 du code de l'action sociale et des familles ne méconnaissent pas les exigences du dixième alinéa du Préambule de 1946 ;

54. Considérant, d'autre part, que les dispositions contestées ne dérogent pas aux dispositions de l'article 353 du code civil, selon lesquelles l'adoption est prononcée par le tribunal de grande instance à la requête de l'adoptant si les conditions de la loi sont remplies « et si l'adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant » ; que ces dispositions, applicables que les adoptants soient de même sexe ou de sexe différent, mettent en oeuvre l'exigence résultant du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 selon laquelle l'adoption ne peut être prononcée que si elle est conforme à l'intérêt de l'enfant ;

55. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le grief tiré de ce que les dispositions contestées méconnaîtraient le dixième alinéa du Préambule de 1946 doit être écarté ; qu'il en va de même du grief tiré de ce que les droits de l'enfant seraient inégalement protégés selon qu'ils sont adoptés par des parents de même sexe ou par des parents de sexe différent ;

- Quant aux autres griefs :
56. Considérant, en premier lieu, que la tradition républicaine ne saurait être utilement invoquée pour soutenir qu'un texte législatif qui la contredit serait contraire à la Constitution qu'autant que cette tradition aurait donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République ; que la législation républicaine antérieure à la Constitution de 1946 relative aux conditions de l'adoption et aux conditions d'établissement de la maternité et de la paternité a toujours compris des règles limitant ou encadrant les conditions dans lesquelles un enfant peut voir établir les liens de filiation à l'égard du père ou de la mère dont il est issu ; que notamment, l'action en recherche de paternité a vu son régime juridique modifié par la loi du 16 novembre 1912 sur la déclaration judiciaire de paternité naturelle et que l'action en recherche de paternité des enfants adultérins a été interdite jusqu'à la loi n° 72-3 du 3 janvier 1972 sur la filiation ; que de même les règles relatives à l'adoption de l'enfant mineur ont été modifiées par la loi du 19 juin 1923 sur l'adoption ; qu'ainsi, en tout état de cause, doit être écarté le grief tiré de la méconnaissance d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de « caractère bilinéaire de la filiation fondé sur l'altérité sexuelle » ; qu'il en va de même du grief tiré de la méconnaissance d'un principe constitutionnel garantissant le droit de tout enfant de voir sa filiation concurremment établie à l'égard d'un père et d'une mère ;

57. Considérant en deuxième lieu, que, si les dispositions de l'article 55 de la Constitution confèrent aux traités, dans les conditions qu'elles définissent, une autorité supérieure à celle des lois, elles ne prescrivent ni n'impliquent que le respect de ce principe doive être assuré dans le cadre du contrôle de la conformité des lois à la Constitution ; qu'ainsi, en tout état de cause, doit être rejeté le grief tiré de la méconnaissance de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

58. Considérant, en troisième lieu, que l'éventualité d'un détournement de la loi lors de son application n'entache pas celle-ci d'inconstitutionnalité ; qu'il appartient aux juridictions compétentes d'empêcher, de priver d'effet et, le cas échéant, de réprimer de telles pratiques ;

59. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ouverture de l'adoption par des couples de personnes de même sexe et au sein de ces couples n'est pas contraire aux exigences constitutionnelles précitées ; que les dispositions des articles 1er et 13 de la loi déférée, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution ;

. En ce qui concerne l'adoption d'un enfant ayant déjà fait l'objet d'une adoption :

60. Considérant que l'article 7 de la loi insère dans l'article 345-1 du code civil un 1° bis afin de permettre l'adoption de l'enfant du conjoint « Lorsque l'enfant a fait l'objet d'une adoption plénière par ce seul conjoint et n'a de filiation établie qu'à son égard » ; que l'article 8 de la loi insère dans l'article 360 du même code un troisième alinéa aux termes duquel : « L'enfant précédemment adopté par une seule personne, en la forme simple ou plénière, peut l'être une seconde fois, par le conjoint de cette dernière, en la forme simple » ;

61. Considérant que les sénateurs requérants font valoir qu'en maintenant la règle selon laquelle un enfant adopté ne peut faire l'objet d'une seconde adoption tout en levant cette interdiction pour permettre l'adoption de l'enfant du conjoint, les dispositions des articles 7 et 8 porteraient atteinte à l'égalité devant la loi ;

62. Considérant que l'article 346 prohibe l'adoption par deux personnes si ce n'est par deux époux ; que le deuxième alinéa de l'article 360 permet « s'il est justifié de motifs graves » l'adoption simple de l'enfant ayant déjà fait l'objet d'une adoption plénière ; qu'il ressort du second alinéa de l'article 356 du code civil, s'agissant de l'adoption plénière, ainsi que du premier alinéa de l'article 365 du même code, s'agissant de l'adoption simple, que l'adoption de l'enfant du conjoint produit des effets identiques à ceux de l'adoption par deux époux ; que les modifications apportées aux articles 345-1 et 360 du code civil fixent les conditions dans lesquelles un enfant ayant déjà fait l'objet d'une adoption, peut ultérieurement être aussi adopté par le conjoint de l'adoptant ; qu'en réservant cette possibilité à l'adoption de l'enfant du conjoint, le législateur a pris en compte, comme il lui était loisible de le faire, la différence entre les adoptions au sein du couple et les autres formes d'adoption ; que, par suite, le grief tiré de l'atteinte au principe d'égalité doit être écarté ;

63. Considérant que, par suite, les dispositions des articles 7 et 8 de la loi déférée, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution ;

- SUR LES DISPOSITIONS RELATIVES AU NOM DE FAMILLE :

64. Considérant que l'article 11 porte sur les règles de dévolution du nom de famille ; que le 1° de son paragraphe I complète le premier alinéa de l'article 311-21 du code civil, applicable à la filiation, par une disposition selon laquelle « en cas de désaccord entre les parents sur le nom de l'enfant, signalé par l'un d'eux à l'officier de l'état civil, au plus tard au jour de la déclaration de naissance ou après la naissance, lors de l'établissement simultané de la filiation, l'enfant prend leurs deux noms, dans la limite du premier nom de famille pour chacun d'eux, accolés selon l'ordre alphabétique » ;

65. Considérant que le paragraphe III du même article 11 donne une nouvelle rédaction de l'article 357 du code civil relatif aux effets de l'adoption plénière sur le nom et les prénoms de l'enfant ; que, selon cet article, l'adoption confère à l'enfant le nom de l'adoptant ; qu'en cas d'adoption de l'enfant du conjoint ou d'adoption d'un enfant par deux époux, l'adoptant et son conjoint, ou les adoptants choisissent, par déclaration conjointe, le nom de famille dévolu à l'enfant : soit le nom de l'un d'eux, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux, dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux et, qu'en l'absence de déclaration conjointe, l'enfant prend le nom de l'adoptant et de son conjoint ou de chacun des deux adoptants, dans la limite du premier nom de famille pour chacun d'eux, accolés dans l'ordre alphabétique ;

66. Considérant que l'article 12 de la loi déférée modifie l'article 361 du code civil rendant applicables à l'adoption simple des dispositions relatives à l'adoption plénière afin de préciser que le dernier alinéa de l'article 357 relatif aux prénoms de l'enfant adopté est applicable en cas d'adoption simple ; que le paragraphe II du même article 12 donne une nouvelle rédaction de l'article 363 du même code sur le nom de l'enfant en cas d'adoption simple ; que, selon cet article, en principe, et selon certaines conditions avec l'accord de l'enfant, l'adoption simple confère le nom de l'adoptant à l'adopté en l'ajoutant au nom de ce dernier ; que, lorsque l'adopté et l'adoptant, ou l'un d'eux, portent un double nom de famille, le nom conféré à l'adopté résulte de l'adjonction du nom de l'adoptant à son propre nom, dans la limite d'un seul nom pour chacun d'eux, et qu'en cas de désaccord ou à défaut de choix, le nom conféré à l'enfant résulte de l'adjonction en seconde position du premier nom de l'adoptant au premier nom de l'adopté ;

67. Considérant que, selon les sénateurs requérants, la nouvelle rédaction de l'article 311-21 du code civil résultant de l'article 11 de la loi déférée modifie « artificiellement les règles qui prévalent en matière de dévolution du nom de famille pour tenter de trouver une solution à l'établissement de filiations artificielles » ; que ces dispositions, en raison de leur complexité, « conduiraient inévitablement à une multiplication des noms de famille doubles » et « feraient ainsi disparaître des noms patronymiques en fin d'alphabet » ; qu'ils soutiennent également que la différence dans l'attribution du choix du nom entre les enfants adoptés et les autres enfants méconnaît le principe d'égalité devant la loi ; qu'ils font valoir, enfin, que les dispositions de l'article 12 qui « relèvent de la même logique » sont inintelligibles et méconnaissent le principe d'égalité ;

68. Considérant que, par les dispositions des articles 11 et 12 de la loi déférée qui donnent une nouvelle rédaction des articles 357 et 363 du code civil, le législateur a entendu, en particulier, tirer les conséquences, sur la dévolution du nom de famille, de l'ouverture de l'adoption aux conjoints de même sexe ; que le législateur a notamment prévu qu'en l'absence de déclaration conjointe mentionnant le nom de l'enfant, celui-ci prendra le nom de l'adoptant et de son conjoint ou de chacun des deux adoptants, dans la limite du premier nom de famille pour chacun d'eux, présentés dans l'ordre alphabétique ; que la modification apportée par l'article 11 à l'article 311-21 du code civil prévoit une règle similaire pour les enfants dont la filiation est établie selon les modalités prévues par le titre VII du livre Ier de ce code ; qu'en réservant l'application de cette règle au cas de désaccord entre les parents signalé par l'un d'eux à l'officier de l'état civil au plus tard au jour de la déclaration de naissance, le législateur a instauré une différence de traitement rendue nécessaire par la différence entre des formalités relatives à la dévolution du nom de famille, d'une part, en cas de filiation et, d'autre part, en cas de filiation adoptive ; que cette différence de traitement ne méconnaît pas le principe d'égalité ; que, par suite, le grief tiré de sa méconnaissance doit être écarté ;

69. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions des articles 11 et 12, qui ne sont entachées d'aucune inintelligibilité, ne sont contraires à aucune exigence constitutionnelle et doivent être déclarées conformes à la Constitution ;

- SUR LES DISPOSITIONS RELATIVES AU CODE DU TRAVAIL :

70. Considérant que l'article 19 insère après l'article L. 1132-3-1 du code du travail un article L. 1132-3-2 ainsi rédigé : « Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire mentionnée à l'article L. 1132-1 pour avoir refusé en raison de son orientation sexuelle une mutation géographique dans un État incriminant l'homosexualité » ;

71. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions qui sont dépourvues de tout lien avec le texte ont été adoptées en méconnaissance du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution ; que les députés requérants soutiennent en outre qu'elles obligent un salarié à dévoiler à son employeur son orientation sexuelle, en méconnaissance de son droit au respect de la vie privée qu'implique l'article 2 de la Déclaration de 1789 ; qu'elles porteraient également atteinte à l'égalité entre les salariés selon leur orientation sexuelle ;

72. Considérant, en premier lieu, que l'article 19 est issu d'un amendement inséré en première lecture à l'Assemblée nationale dans le projet de loi initial et modifié en première lecture au Sénat ; qu'eu égard à son objet il présente un lien avec le projet de loi initial ; qu'il a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution ;

73. Considérant, en deuxième lieu, que, par les dispositions contestées, le législateur a entendu assurer une protection aux salariés qui, en raison de leur orientation sexuelle, auraient refusé une mutation géographique dans un État incriminant l'homosexualité ; qu'il appartient au salarié de décider de se prévaloir d'une telle protection ; que les dispositions de l'article 19 ne portent pas, en elles-mêmes, atteinte au droit au respect de la vie privée de ces salariés ; que, par suite, le grief doit être écarté ;

74. Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les dispositions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet de traiter différemment des personnes placées dans la même situation ; que, par suite, le grief tiré de l'atteinte au principe d'égalité doit être écarté ;

75. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article 19 de la loi doit être déclaré conforme à la Constitution ;

- SUR LE RECOURS AUX ORDONNANCES :

76. Considérant que l'article 14 autorise le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance certaines mesures de coordination nécessaires pour adapter à la loi déférée l'ensemble des dispositions législatives en vigueur à l'exception de celles du code civil ;

77. Considérant que, selon les requérants, l'introduction de cette disposition par amendement, qui aurait permis de ne pas présenter d'étude d'impact correspondant à la demande d'habilitation, serait constitutive d'un détournement de procédure ; que le champ et la portée de cette habilitation seraient définis de manière insuffisamment précise, en méconnaissance de l'article 38 de la Constitution ; qu'enfin, en prévoyant une entrée en vigueur immédiate des autres dispositions de la loi déférée alors que les dispositions prises par voie d'ordonnance sur le fondement de l'article 14 doivent l'être dans un délai de six mois, le législateur n'aurait pas assuré le respect des exigences constitutionnelles d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ;

78. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 38 de la Constitution : « Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre, par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi » ; que s'il ressort de cette disposition que seul le Gouvernement peut demander au Parlement l'autorisation de prendre de telles ordonnances, aucune exigence constitutionnelle n'impose que cette demande figure dans le projet de loi initial ; qu'en l'espèce, l'article 14 résulte d'un amendement du Gouvernement qui a été inséré en première lecture au Sénat ; que, dès lors, est inopérant le grief tiré de la méconnaissance des exigences relatives aux projets de loi concernant leur présentation ; que l'article 14 a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution ;

79. Considérant, en deuxième lieu, que, si l'article 38 de la Constitution fait obligation au Gouvernement d'indiquer avec précision au Parlement, afin de justifier la demande qu'il présente, la finalité des mesures qu'il se propose de prendre par voie d'ordonnance ainsi que leur domaine d'intervention, il n'impose pas au Gouvernement de faire connaître au Parlement la teneur des ordonnances qu'il prendra en vertu de cette habilitation ;

80. Considérant que l'autorisation délivrée au Gouvernement par le 1° du paragraphe I de l'article 14 porte sur « les mesures nécessaires pour adapter l'ensemble des dispositions législatives en vigueur, à l'exception de celles du code civil, afin de tirer les conséquences de l'applic

ation aux conjoints et parents de même sexe des dispositions applicables aux conjoints et parents de sexe différent » ; que l'autorisation délivrée au Gouvernement par le 2° du paragraphe I de l'article 14 a pour objet de permettre les mêmes modifications de la législation, avec les adaptations nécessaires, à Mayotte, dans les collectivités d'outre-mer relevant de l'article 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises ; que ces habilitations ont pour objet d'opérer des modifications d'ordre terminologique et des coordinations qui leur sont liées ; qu'en raison de cet objet limité, ces habilitations, bien qu'elles concernent l'ensemble des dispositions législatives, à l'exception de celles du code civil, sont définies avec une précision suffisante pour satisfaire aux exigences de l'article 38 de la Constitution ; qu'elles ne peuvent pas dispenser le Gouvernement, dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont ainsi conférés, de respecter les règles et principes de valeur constitutionnelle ;

81. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de coordination introduites par l'article 13 de la loi déférée dans le titre préliminaire du code civil à l'article 6-1, selon lesquelles le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, que les époux ou les parents soient de sexe différent ou de même sexe, sont d'application générale ; que, néanmoins, le Gouvernement a demandé à être habilité à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour adapter l'ensemble des dispositions législatives en vigueur, à l'exception de celles du code civil, dans le but de modifier la rédaction de certaines dispositions législatives pour tirer, de manière expresse et exhaustive, les conséquences de l'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples de personnes de même sexe et, ainsi, d'améliorer la qualité de la loi ; que, dans ces conditions, les griefs tirés de ce que, d'une part, la formulation de l'habilitation serait insuffisamment précise et, d'autre part, l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi s'opposerait à l'application immédiate de la loi doivent être écartés ;

82. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'article 14 doit être déclaré conforme à la Constitution ;

- SUR LA VALIDATION DES MARIAGES ANTÉRIEURS À LA LOI :

83. Considérant qu'aux termes de l'article 21 de la loi déférée : « Le mariage entre personnes de même sexe contracté avant l'entrée en vigueur de la présente loi est reconnu, dans ses effets à l'égard des époux et des enfants, en France, sous réserve du respect des articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162, 163, 180 et 191 du code civil. Il peut faire l'objet d'une transcription dans les conditions prévues aux articles 171-5 et 171-7 du même code. À compter de la date de transcription, il produit effet à l'égard des tiers » ;

84. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions ont pour objet de valider des mariages conclus, avant la nouvelle loi, en contrariété avec la loi qui était alors applicable et en créant ainsi « une insécurité juridique manifeste » ; que cette validation, dont la portée ne serait pas strictement définie, ne répondrait pas à un motif suffisant d'intérêt général ; que ces dispositions seraient en outre contraires à l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ;

85. Considérant qu'il résulte des travaux préparatoires que, par les dispositions de l'article 21, le législateur a entendu préciser les conditions de reconnaissance et de transcription des mariages contractés à l'étranger avant l'entrée en vigueur de la loi déférée ; qu'en l'état du droit antérieur à la promulgation de celle-ci, le mariage célébré à l'étranger entre un ressortissant français et un citoyen d'un État qui reconnaît aux couples de même sexe le droit de se marier n'est pas reconnu par le droit français ; que la reconnaissance, par l'article 21, du mariage contracté à l'étranger entre deux personnes de même sexe avant l'entrée en vigueur de la loi ainsi que la possibilité d'en obtenir la transcription sont subordonnées au respect des règles relatives à la validité du mariage prévues par les articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162, 163, 180 et 191 du code civil ; qu'en outre, la transcription d'un tel mariage est soumise aux contrôles de l'autorité diplomatique ou consulaire ainsi que du ministère public dans les conditions prévues par les articles 171-5 et 171-7 du code civil ;

86. Considérant que, d'une part, ces dispositions ne portent atteinte à aucun droit acquis ; que, d'autre part, il était loisible au législateur d'instaurer une exception à la règle selon laquelle la validité d'un mariage s'apprécie au jour de sa célébration, en faisant produire des effets en France aux mariages célébrés à l'étranger antérieurement à la promulgation de la loi ; que les dispositions contestées ne sont entachées d'aucune inintelligibilité ;

87. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article 21 doit être déclaré conforme à la Constitution ;

- SUR L'APPLICATION DE LA LOI OUTRE-MER :

88. Considérant que les requérants contestent l'article 22 qui rend applicables les dispositions des articles 1er à 13 et 21 de la loi déférée en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna et en Polynésie française ; que cette extension, qui n'a pas été précédée d'une consultation des assemblées délibérantes de ces collectivités, violerait les articles 74 et 77 de la Constitution ; que l'habilitation à légiférer par voie d'ordonnance prévue par le 2° du paragraphe I de l'article 14 pour permettre d'adapter les dispositions législatives autres que celles du code civil dans les collectivités d'outre-mer relevant de l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie permettrait de différer la consultation des assemblées délibérantes de ces collectivités et, en outre, de vider de tout sens utile la portée de la consultation, qui ne portera que sur des dispositions tirant les conséquences mécaniques de la loi déférée ;

89. Considérant que les dispositions de la loi déférée qui sont rendues applicables en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna et en Polynésie française portent sur l'état et la capacité des personnes ; que ces matières relèvent de la compétence de l'État ; que les dispositions de la loi déférée n'ont pas pour effet de modifier les règles applicables aux personnes soumises à un statut personnel distinct du statut civil de droit commun ;

90. Considérant que le législateur ayant rendu applicables les dispositions de la loi déférée sans les assortir de mesures d'adaptation tenant à l'organisation particulière des collectivités concernées, la procédure de consultation des assemblées délibérantes de ces collectivités n'était pas obligatoire ; que, par suite, le grief tiré de l'absence de consultation de ces assemblées délibérantes doit être écarté ;

91. Considérant que l'article 22, qui n'est contraire à aucune autre exigence constitutionnelle, doit être déclaré conforme à la Constitution ;

92. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune autre question de constitutionnalité,

D É C I D E :

Article 1er.- Les articles 1er, 7, 8, 11 à 14, 19, 21 et 22 de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe sont conformes à la Constitution.

Article 2. - Sous la réserve énoncée au considérant 53, les articles L. 225-2 et L. 225-17 du code de l'action sociale et des familles sont conformes à la Constitution.

Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 mai 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d'ESTAING, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.

JORF du 18 mai 2013 page 8281 (@ 10)
ECLI:FR:CC:2013:2013.669.DC




Partager cet article
Repost0
22 avril 2013 1 22 /04 /avril /2013 07:40

Nous ne sommes pas loin de l’implosion. Les forces centrifuges gouvernent aujourd’hui le débat public. Attention au point de non retour…


yartiMPTB06Le Président François Hollande ne pensait pas qu’il y aurait autant de mobilisation contre son projet de mariage et d’adoption par les couples homosexuels.

Il l’avait certes inscrit sur son programme électoral mais personne ne peut prétendre que l’élection de François Hollande valait référendum en faveur de cette mesure sociétale. Et même si c’était le cas, il faudrait reconnaître qu’il n’avait même pas atteint les 30% au premier tour de l’élection du 22 avril 2012. Loin donc de la majorité des Français. Comme toujours dans les seconds tours d’élection présidentielle, les électeurs se sont déterminés par défaut (sinon, l’élection aurait lieu dès le premier tour).


Durcissement scandaleux du mouvement

C’est parce que justement ce projet remet en cause de nombreuses notions sur la cellule familiale que ce texte a engendré une telle mobilisation. Je suis d’ailleurs très étonné de l’aveuglément de François Hollande. Lui si capable de faire des synthèses, lui si angoissé à l’idée du conflit, lui si favorable à une sorte de consensus mou, le voici au milieu d’une tourmente qu’il n’imaginait pas si violente.

Pourtant, il semble inflexible sur ce point. Pour quelle raison ? Pour démontrer qu’il est de temps en temps ferme ? Pour réaffirmer son autorité sans cesse en perte de crédit ? Ou parce que, loin d’être un engagement électoral (d’autres engagements ne seront pas tenus), c’était d’abord une promesse à certains groupes identitaires ?

C’est sûr qu’il faudra s’interroger en profondeur sur la raison de ces passions et de ces mobilisations contre ce projet sociétal dans un pays en crise économique dont le principal sujet de préoccupation reste le chômage. Cela veut dire peut-être que la famille est encore une valeur importante aux yeux des citoyens, ce qui peut être rassurant.

Ce qui l’est moins, rassurant, c’est cette prise en otage de la raison par tous ces communautarismes, des deux camps, qu’ils soient anti- ou pro-"mariage pour tous". Les passions flambent sur des considérations de moins en moins acceptables. La violence dans tous les cas ne l’est pas. Surtout dans un pays démocratique. C’est par exemple scandaleux que ce lundi matin, le Président de l’Assemblée Nationale Claude Bartolone ait reçu une lettre de menaces contenant de la poudre de munitions.

Le vote d’une loi est démocratique. L’adoption définitive par le Parlement de la loi Taubira le mardi 23 avril 2013 n’a rien de scandaleuse. L’empêcher est scandaleux. Faire des pressions sur les députés l’est aussi. On peut certes suspecter François Hollande d’avoir réagi par l’accélération pour s’ôter une épine du pied. Sur le plan tactique, c’est évidemment son intérêt. D’un point de vue historique, c’est faire adopter avec suspicion et c’est peut-être empêcher de pérenniser son projet.


L’avenir de la loi

Je vois mal cependant comment revenir sur cette loi, une fois que des couples homosexuels se seront mariés, des enfants adoptés par eux : quatre ans après, s’ils n’ont pas divorcé, l’État pourrait-il vraiment revenir sur sa parole et les "démarier" ? Ou les laisser mariés et refuser aux autres le mariage parce qu’ils seraient arrivés trop tard ? Cela ne semble pas convaincant et le gouvernement le sait, car il imagine que la loi, par le fait accompli, s’imposera ensuite à tous les partis de gouvernement dans quelques années, exactement comme le PACS. L’avenir dira l’évolution d’une telle réforme.

yartiMPTB05

Au lieu de faire des sit-in aux Invalides la nuit, les manifestants seraient mieux inspirés de bien regarder quel sera le vote de leur député et de le sanctionner le cas échéant aux prochaines échéances électorales. Il faut laisser le Parlement légiférer, c’est son rôle et même si je suis en opposition avec une majorité parlementaire, je dois accepter cette règle du jeu du vivre ensemble. Sinon, pourquoi pas un coup d’État non plus ? Veut-on retourner dans les sombres péripéties de l’histoire ou de la géographie ?


Il fallait une loi sur les familles recomposées

La jeune ministre Najat Vallaud-Belkacem, qui ne sait plus qu’aboyer face à son opposition, a parlé ce week-end de sécuriser des familles homoparentales qui sont déjà existantes. Je peux le concevoir mais pourquoi donc seulement pour les couples homosexuels ?

L’intérêt général, cela aurait été de faire plutôt une loi sur les familles recomposées, sur ce troisième type d’adoption que je proposais qui lierait un enfant et le conjoint d’un de ses parents avec qui il vivrait. Quelle que soit la sexualité des adultes : c’est grave que l’État s’occupe de ce qu’il se passe sous la couette. Faudrait-il un jour mettre sur sa carte d’identité, à côté de son sexe, sa sexualité ? Pire : imaginons qu’un tyran homophobe prenne le pouvoir un jour en France, qu’adviendrait-il de ces couples homosexuels ?


Le délitement des valeurs sociales…

Si on laissait faire la majorité des écolo-socialistes, on risquerait d’aller très loin dans le délitement de la société, dans l’arrachement de chaque valeur qui fondait le vivre ensemble il y a encore peu de temps : si on les écoutait, on irait jusqu’à la PMA, à la GPA (un peu plus tard, mais si on régularise les GPA faites à l’étranger, pourquoi ne pas l’autoriser en France sauf hypocrisie ?).

Cela irait aussi aux salles de shoot, à la légalisation du cannabis (deux ministres importants l’ont annoncée sans avoir été virés : Vincent Peillon et Cécile Duflot), restriction abusive des pratiques religieuses, retour aux maisons closes pour contrôler la prostitution, expérimentation sur les embryons humains (heureusement, la tentative vient de "capoter"), légalisation du suicide assisté (l’aide au suicide des personnes en dépression serait alors au rendez-vous ; ce serait une catastrophe humanitaire), légalisation de l’euthanasie active (et accélération de l’héritage pour certains proches), etc.

Bref, la question est : où irait-on si on ne se posait pas quelques limites, quelques repères, quelques brides dans une société en perpétuel mouvement ?

La société de cette majorité hollandiste me fait peur. Elle n’est pas la mienne. C’est peut-être la dernière résurgence de cette génération soixante-huitarde tant critiquée par Henri Guaino. Cette génération se retrouve dans une furtive fenêtre de pouvoir, la dernière possible pour cette génération (qui avait 15-20 ans en 1968) très bien représentée au gouvernement. C’est peut-être sa seule ouverture pour imposer in extremis son idéologie libertaire qui est une sorte de libéralisme exacerbé poussé à son point le plus ultime, celui de la marchandisation du corps humain et de la marchandisation de la mort.

Et quel gouvernement futur aurait-il intérêt à supprimer ce type de mesures dans le futur ?


Taubira, la star médiatique

Pour être positif sur un point, une personnalité, ce débat très mouvementé aura au moins mis en lumière la Ministre de la Justice Christiane Taubira qui a montré, même si je ne suis pas d’accord avec elle, des capacités politiques qui en font l’un des rares poids lourds de ce gouvernement, qui tient politiquement et intellectuellement la route, et qui est même capable de susciter auprès de certains fidèles des scènes de fortes adhésions lors de ses déplacements (elle a même ses "fans" maintenant).

Même si elle est une ministre qui travaille très seule (un cauchemar pour son cabinet, comme avec Rachida Dati), peu contrôlable, la clarté et l’épaisseur de sa pensée politique la mettent en bonne place dans la course à Matignon (selon certains éditorialistes).


Taubira n’est ni Badinter ni Veil

Mais historiquement, Christiane Taubira ne sera jamais Robert Badinter avec la peine de mort ni Simone Veil avec la loi sur l’IVG, contrairement à ce que certains zélateurs voudraient faire croire.

yartiMPTB08

D’ailleurs, Simone Veil avait même tenu à manifester à la "manif pour tous" du 13 janvier 2013, accompagnée de son mari Antoine Veil qui vient de mourir il y a quelques jours, le 12 avril 2013, pour refuser d’utiliser son symbole pour une loi manifestement à côté de la plaque.

Il est sain qu’il y ait des forces qui s’opposent, à condition qu’elles respectent les personnes, les élus, et la démocratie.


Progrès ou intérêt général ?

Le clivage n’est pas un combat entre les forces de la réaction et les forces du progrès (et d’ailleurs, que signifie vraiment le progrès ?), mais entre l’intérêt général et les intérêts particuliers.

L’argument irrecevable qui dit que ce sont des droits nouveaux qui n’en ôteront pas aux autres, c’est complètement oublier que justement, cette loi va ôter aux futurs enfants le droit de connaître leurs origines biologiques.


La cohésion nationale en question

Cette loi va d’ailleurs coûter électoralement très cher aux socialistes. On ne leur reprochera sûrement pas la rigueur budgétaire (qui reste nécessaire et raisonnable et ce sera reconnu plus tard comme une option pertinente même si, à mon sens, elle n’est pas assez strictement appliquée, le déficit de 4,8% pour 2012 le montre ; entre les grandes envolées verbales et la réalité des faits, il y a toujours un fossé).

Mais trois mesures sont déjà mis au passif du quinquennat de François Hollande : la loi sur le mariage des couples homosexuels, la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires qui touchent essentiellement les ménages les moins aisés, et l’augmentation des droits de succession et de donation qui remet en cause le patrimoine que les ménages ont parfois laborieusement acquis pour leurs enfants. Ces décisions ont recueilli une forte opposition respectivement de 54%, 65% et 74% des sondés (sondage IFOP du 17 avril 2013 à télécharger ici).

Les Français avaient cru voter pour François Hollande pour apaiser une nation sérieusement clivée par Nicolas Sarkozy. En définitive, la cohésion nationale va ressortir de cette aventure législative en bien plus mauvais état qu’à la fin du quinquennat précédent. À quand donc un geste d’apaisement ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (22 avril 2013)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Et si l’on pensait plutôt aux familles recomposées ?
Christiane Taubira.
Sondage IFOP du 17 avril 2013 (54% contre le mariage gay).
Deux papas ?
L’embryon humain comme matériau d’expérimentation ?
François Hollande.
Affaire Cahuzac.

Texte du projet de loi (site de l’Assemblée Nationale).
En route vers le trouple pluriparental (21 mai 2012).
Projet de loi inutile : la réponse est dans le Code civil (18 novembre 2012).
Réflexion avisée de Hervé Torchet.
La délégation partage de l’autorité parentale existe déjà pour les couples homosexuels (7 janvier 2012).
Le premier mariage lesbien (à Nancy en juin 2011).
L’homosexualité malmenée en Afrique.
Mariage gris.
Mariage nécrophile.
Mariage annulé pour musulman.
Le coming out d’une grande star du journalisme.

(Les trois tableaux sont de Pablo Picasso).


yartiMPTB07


http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/mariage-gay-a-quand-l-apaisement-134673






Partager cet article
Repost0
18 avril 2013 4 18 /04 /avril /2013 07:08

Le mercredi 17 avril 2013, la discussion sur le mariage des couples de même sexe est revenue à l’Assemblée Nationale en seconde lecture après l’adoption du projet par les sénateurs en première lecture le 12 avril 2013.


yartiMPTB01La sénatrice UDI de Paris Chantal Jouanno, dans l’opposition mais favorable au projet du "mariage pour tous", a eu raison, le matin du 16 avril 2013 sur Public-Sénat, de s’inquiéter du climat délétère autour de cette réforme sociétale du Président François Hollande. Ces derniers jours, des mots très durs ont été prononcés qui font honte à l’esprit républicain (certaine personne parlant même de réclamer du sang !).

Pour autant, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, en pleine affaire Cahuzac, n’a pas joué l’apaisement en accélérant le rythme parlementaire. Il veut en finir le plus rapidement possible, avant le dimanche 5 mai 2013 qui promet d’être chaud dans les rues de Paris (le vote en seconde lecture devrait avoir lieu le 24 avril 2013 à l’Assemblée Nationale, et si c’est exactement le même texte que celui voté en première lecture par le Sénat, l’adoption sera alors définitive), et on peut le comprendre puisque les opposants sont capables de fortes mobilisations depuis janvier avec deux grandes manifestations qui ont rassembler autour d’un million de personnes les 13 janvier et 24 mars 2013.

L’ancien Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin (sénateur UMP) a, lui aussi, raison de demander au gouvernement un geste d’apaisement pour éviter d’enflammer des éléments communautaristes incontrôlables. L’idée n’est évidemment pas de faire le chantage de la rue (nous sommes en démocratie et les parlementaires ont la légitimité de voter les lois que la majorité souhaite) mais de dépassionner le débat et de "décliver" la société. Ce thème du mariage et de la famille, comme celui de l’identité nationale sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, a brutalisé la cohésion nationale déjà fragile, parce que les citoyens se sentent concernés dans leur part la plus intime.

yartiMPTB02

S’il y a colère, c’est surtout parce que le sujet principal, en fait, ne porte pas sur le mariage mais sur les droits de filiation et sur l’adoption par les couples homosexuels. Or, selon les sondages récents, si l’opinion publique semble encore à peu près d’accord sur le principe du mariage des couples homosexuels, elle est désormais majoritairement opposée au principe d’adoption.

Mais l’adoption n’est pas la seule en cause. Même si ce n’est pas inclus dans le projet actuel, il est prévu d’en parler encore sur une autre loi sur la famille, beaucoup de députés de la majorité sont favorables également à la PMA pour les couples homosexuels. Et au moins un élément majeur dans le financement des campagnes socialistes est favorable à la GPA, en clair, à la location de l’utérus, à savoir, à la marchandisation de l’être humain. La proposition de loi sur l’expérimentation sur les embryons humains (qui a capoté le 28 mars 2013 au Palais-Bourbon) va également dans le même sens, un sens bizarrement bien plus ultralibéral que le gouvernement socialiste ne veut bien l’avouer.

Lors de la discussion sur le PACS (loi n°99-944 du 15 novembre 1999), à savoir reconnaissance formelle des couples homosexuels, la Ministre socialiste de la Justice, Élisabeth Guigou, la main sur le cœur, annonçait qu’au grand jamais, ce PACS n’annoncerait de changement ultérieur dans le droit de la famille et de l’adoption : « Parce que le droit, lorsqu’il crée des filiations artificielles, ne peut ni ignorer, ni abolir la différence entre les sexes (…). Je veux être parfaitement claire : je reconnais totalement le droit de toute personne à avoir la vie sexuelle de son choix. Mais je dis avec la plus grande fermeté que ce droit ne doit pas être confondu avec un hypothétique droit à l’enfant. (…) Je soutiens comme de nombreux psychanalystes et psychiatres qu’un enfant a besoin d’avoir en face de lui, pendant sa croissance, un modèle de l’altérité sexuelle. » (Assemblée Nationale le 3 novembre 1998).

Aujourd’hui, quatorze ans plus tard, les socialistes, toujours la main sur le cœur, annoncent que le "mariage pour tous" (qui est en fait le droit à l’adoption pour tous) est une finalité et pas une étape vers la PMA (qui sera peut-être votée fin 2013 ou en 2014 ?) et encore moins vers la GPA (qui sait dans dix ans ?). Jusqu'où ira-t-on ? On fustige avec raison le mensonge de Jérôme Cahuzac, mais que dire de ces mensonges la main sur le cœur devant la représentation nationale ?

Il y a pourtant un principe simple, fondamental, que pour l’instant, les progrès de la médecine sont incapables d’éviter, c’est qu’un bébé ne peut naître que d’un père et d’une mère. Biologiquement, c’est un fait, têtu, implacable. Refuser ce principe profondément injuste (eh oui, il faut un homme et une femme pour procréer), c’est refuser la réalité biologique.

Cela me fait penser à une fausse conférence de presse de François Mitterrand en automne 1984. Écrit par l’humoriste Bernard Mabille, le célèbre imitateur Thierry Le Luron proposait ainsi à son auditoire, sous les traits présidentiels de l’homme de Latché, pour réduire les déficits publics, de réduire la durée de la grossesse de neuf mois à six mois. C’est un peu cela que la majorité parlementaire veut décider, changer les règles de la nature. Arbitrairement. Artificiellement. Simplement parce qu’elle est majorité parlementaire pendant quelques années.

Il ne faut pas non plus se faire d’illusion sur les possibles retours sur cette loi : une fois promulguée et surtout, appliquée, cette nouvelle loi ne pourra jamais être remise en cause, même par une autre majorité dans une autre législature. Ceux qui auront bénéficié de cette loi devront bien être respectés par la République. Impossible donc de revenir en arrière.

yartiMPTB03

Cette adoption d’enfant par des couples homosexuels n’est d’ailleurs pas une lubie de progressistes en mal de créativité. Elle répondrait aussi à un besoin réel, celui d’enfants qui vivent déjà au sein d’un foyer composé d’un couple homosexuel et qui ont besoin d’être sécurisés dans leur avenir et dans leur éducation (notamment en cas de décès ou de séparation).

Mais cet enjeu n’est pas valable seulement pour les couples homosexuels : tous les couples ont ce problème, et pas seulement les couples mariés. La complexification des relations affectives, les recompositions familiales, font qu’il existe maintenant beaucoup de demi-frères ou demi-sœurs et qu’il existe aussi beaucoup de "beaux-parents", pas dans le sens "parent du conjoint" mais "conjoint du parent".

Si le gouvernement voulait réellement répondre à un sujet essentiel dans la société actuelle, c’est-à-dire, adapter le corpus législatif à l’évolution actuelle des mœurs (qui est ce qu’elle est, sans la juger mais en cherchant à bien l’analyser), il ne proposerait pas ce "mariage pour tous" avec ces droits à l’adoption qui ne concernerait que quelques dizaines de milliers de cas tout en révolution tout le droit de la famille. Il proposerait une nouvelle sorte d’adoption, une troisième sorte (il en existe actuellement déjà deux).

Cette adoption serait ainsi spécifique. Elle pourrait s’appliquer au beau-parent pour l’enfant du conjoint qui vit chez lui et qu’il éduque par la force des circonstances (quelle que soit la sexualité des adultes du foyer, l’État devrait se moquer de ce qui se passe dans les chambres à coucher ; et quelle que soit leur situation matrimoniale). Cette adoption ne remettrait pas en cause les droits de l’autre parent (biologique ou même adoptif d’une précédente union) qui ne vit plus avec l’enfant.

À une situation spécifique (sans rapport avec la sexualité), celle des familles recomposées, une adoption spécifique, celle adapté à un beau-parent qui doit être capable d’assumer la responsabilité éducative quotidienne et qui, en cas de séparation, pourra demander, autant que les deux autres parents déjà séparés, la garde de l’enfant, selon le principe de l’intérêt de l’enfant (intérêt et, en fonction de l’âge, choix de l’enfant).

Bref, ce sujet, très complexe et que je ne souhaite évidemment pas réduire à quelques phrases, aurait mérité un véritable débat, qui concernerait toute la société (plus d’un enfant sur deux est né hors du cadre conjugal) et n’aurait pas été l’otage de groupuscules minoritaires et identitaires qui n’ont jamais cherché l’intérêt général mais seulement catégoriel.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (18 avril 2013)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Deux papas ?
L’embryon humain comme matériau d’expérimentation ?
François Hollande.
Affaire Cahuzac.

Texte du projet de loi (site de l’Assemblée Nationale).
En route vers le trouple pluriparental (21 mai 2012).
Projet de loi inutile : la réponse est dans le Code civil (18 novembre 2012).
Réflexion avisée de Hervé Torchet.
La délégation partage de l’autorité parentale existe déjà pour les couples homosexuels (7 janvier 2012).
Le premier mariage lesbien (à Nancy en juin 2011).
L’homosexualité malmenée en Afrique.
Mariage gris.
Mariage nécrophile.
Mariage annulé pour musulman.
Le coming out d’une grande star du journalisme.

(Les deux tableaux sont de Pablo Picasso).


yartiMPTB04




http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/mariage-pour-tous-ou-adoption-pour-134453

 



Partager cet article
Repost0
15 avril 2013 1 15 /04 /avril /2013 06:58

Ce lundi 15 avril 2013 à 17h00, les trente-sept ministres rendent publique leur déclaration de patrimoine. Jusqu’où ira cette mise à nu ?


yartiTransparence01Attention la classe politique, on arrive en pleine zone de transparence ! Après l’émission télévisée du 28 mars 2013 et la première allocution du 3 avril 2013, l’allocution du 10 avril 2013 n’a pas semblé redonner au Président François Hollande ce minimum syndical de confiance qui lui permettrait un semblant de crédibilité.


Déclarer son patrimoine

Aucune des mesures proposées ne semble vraiment efficace pour éviter… la dissimulation. Pourtant, la mesure phare prise la semaine dernière est la publication des déclarations de patrimoine des principaux responsables politiques : ministres, parlementaires et aussi (on le dit moins bruyamment mais c’est sans doute plus important car il y a moins d’exposition médiatique mais peut-être tout autant d’enrichissement personnel), les présidents des (grands) exécutifs locaux. Et pour faire bonne mesure, le gouvernement va mettre en ligne à la fin d’après-midi de ce lundi les déclarations de ses ministres.

Quelques ministres l’avaient déjà fait la semaine dernière, ainsi que l’ancien Premier Ministre François Fillon, et également Jean-Luc Mélenchon qui est allé très loin dans son "impudeur" puisqu’il a profité, par ironie plutôt sympathique, pour dévoiler ses mensurations, peut-être un moyen discret de se faire offrir quelques vêtements par ses fans ?

La mesure paraît largement approuvée par l’opinion publique selon les premiers sondages (plus de 60%) et dans l’absolu, elle semble être une mesure de bon sens : éviter de voir un responsable politique s’enrichir grâce à ses fonctions politiques. Quand on dit "s’enrichir", il ne s’agit évidemment pas de parler de ses indemnités publiques et légalement acquises mais de rémunérations occultes que la loi, déjà, interdit (corruption, abus de biens sociaux etc.).

C’est une décision démagogique, qu’aucun responsable dans la classe politique ne pourrait cependant refuser de mettre en pratique sous peine d’introduire à son encontre un subreptice soupçon de dissimulation.


Démagogie, quand tu nous tiens

On mesure l’amplitude de la démagogie au fait que cette publication n’aurait absolument pas empêché l’affaire Cahuzac. Jérôme Cahuzac a en effet déjà produit une déclaration de patrimoine (non publiée) tant comme député que, ensuite, comme ministre et il est fort probable que les ministres qui auraient encore un compte à l’étranger (les malheureux !) éviteraient d’en faire état publiquement (d’ailleurs, quel conseil recommanderiez-vous au ministre qui se trouverait dans le cas : aller jusqu’au bout de la vérité ou s’enfermer, comme l’a fait Jérôme Cahuzac, dans le pieux mensonge ?).

Cette publicité sur le patrimoine devrait aussi devenir obligatoire aux membres des cabinets ministériels (Jérôme Cahuzac était membre du cabinet du Ministre de la Santé il y a une vingtaine d’années avant de s’engager en politique) et aux directeurs des grandes administrations publiques.


Jusqu’où ira-t-on ?

Mais la question qui vient tout de suite, c’est jusqu’où ira-t-on dans la mise à nu ? Car si demander à tous les responsables politiques une parfaite honnêteté paraît tout à fait sain et normal, cela ne signifie pas qu’on ne demande pas aux (autres) citoyens une même parfaite honnêteté. La loi s’applique à tous et l’honnêteté (entre autres) est l’une des valeurs fondamentales qui fondent notre vivre ensemble.

En d’autres termes, l’État, qui est en principe déjà au courant de la situation patrimonial de chaque citoyen par le fisc, ne va-t-il pas imposer cette publicité à TOUS les citoyens ? Quel va être le seuil pour qu’on doive publier ou non ? Est-ce le montant du budget de la collectivité locale dans laquelle un citoyen est élu ? Pourquoi ne pas imposer aux patrons des grandes entreprises privées une même transparence ?

Notons que Nicolas Sarkozy n’aurait jamais osé une pareille …transparence. Avec ce mot, cela semble un progrès pour son successeur, mais si l’on le remplaçait par étalage public de la vie privée, ce serait moins sûr.

Bref, la République serait-elle devenue plus sécuritaire avec François Hollande qu’avec Nicolas Sarkozy ?


Liberté vs transparence

Je le redis, aucun responsable politique ne pourra échapper, moralement, à la publication de son patrimoine parce qu’il y a une réelle demande publique et une suspicion bien trop généralisée, quoi qu’en dise le président de l’UMP Jean-François Copé, mais ce dernier a raison lorsqu’il s’inquiète de protéger la vie privée.

Rendre ces déclarations publiques, c’est rendre publiques de nombreuses vies privées, des vies affectives doubles ou troubles, qui ne concernent aucun citoyen (sinon la famille), c’est étaler la complexité des vies familiales, c’est donner la possibilité à des tiers, personnes ou groupes privés (du genre Facebook ou Google) de collecter ces informations privées et d’en faire des fichiers dont on ne saura rien de la destination. Ce risque de fichage systématique de la vie privée est très grand.

Autre risque, celui de placer le débat sur la morale. Hélas, il faut bien comprendre que le législateur ne doit pas faire la morale mais le droit. Tu ne voleras pas, tu ne tueras pas etc. sont des élément essentiels du droit et de la morale publique, bien sûr, mais aucune loi ne rendra honnête un malhonnête, aucune loi ne rendra sincère un hypocrite ou un menteur.


Espionnage d’État ?

Les États-Unis, avec leur tendance moralisatrice, ont fait beaucoup contre l’évasion fiscale puisque le gouvernement américain est autorisé à faire des écoutes téléphoniques voire à espionner pour coincer un évadé fiscal. Ma question est : les citoyens français souhaitent-ils que le gouvernement français fasse de même ?

Car il n’y a aucune raison de s’arrêter aux grands élus politiques. À terme, ce sont tous les citoyens qui pourraient être fichés et étalés de la sorte. Dans les 600 milliards d’euros estimés d’évasion fiscale (montant à prendre avec beaucoup de pincettes car il faut bien analyser ce qu’il recouvre réellement, certains actes ne sont pas illégaux, comme investir à l’étranger), il y a probablement beaucoup de citoyens très discrets qui ne se sont jamais mis en avant et qui n’ont jamais voulu faire de la politique. Bref, de "simples" citoyens, bien plus rusés, adeptes du "Vivons heureux, vivons cachés".


L’émotion en méthode de gouvernance

On avait reproché avec raison à Nicolas Sarkozy de réagir sur le coup de l’émotion à chaque fait divers criminel en légiférant dans le sens de plus en plus répressif.

François Hollande lui emboîte allègrement le pas, dans le domaine fiscal, alors que l’essentiel, ce n’est pas de faire une nouvelles loi, c’est déjà de faire appliquer les lois actuelles. Faire une nouvelle loi, c’est réagir sur le coup, à l’improviste, dans l’urgence, pour tenter un rebondissement dans l’opinion publique. Et même cela, cela ne marche pas.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (15 avril 2013)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
L’affaire Cahuzac.
Faut-il interdire le mensonge ?
François Hollande.
Moralisation de la vie politique.
Télécharger les déclarations de patrimoine des ministres (15 avril 2013).


yartiTransparence02 



http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-transparence-et-la-republique-134278

 



 

Partager cet article
Repost0
28 mars 2013 4 28 /03 /mars /2013 07:16

…Ou bien (reformulation), la liberté religieuse est-elle soluble dans la laïcité ?



yartiRepuVoile01La crête est mince entre la laïcité et la liberté du culte. Jusqu’où ira-t-on ? Depuis une décision de justice qui s’impose à tous, d’autant plus qu’elle émane de la Cour de cassation, les parlementaires de la majorité et aussi de l’opposition commencent à imaginer une nouvelle loi rédigée à la va-vite pour répondre à cet événement précis : qu’il soit permis de licencier une salariée du secteur privé en cas de port du voile.

Évidemment, le sujet est ultrasensible et les passions se déchaînent rapidement. Les clivages sont nombreux. Entre partisans de l’islam et ceux qui veulent réduire au maximum l’influence qu’il peut avoir dans la société, craignant qu’il y ait une réelle volonté d’hégémonie et de conquête ; entre ceux qui croient (quelle que soit la religion) et ceux qui ne croient ; entre ceux qui sont prêts à mettre leur foi, leur religion dans le débat public, à mélanger explicitement religion et politique, et ceux qui, défendant la tradition laïque d’un État indépendant des Églises, ce qui est très rare dans le monde mais semble un élément fondateur du pacte républicain et du vivre ensemble en France, veulent absolument découpler les questions de religions et de politique ; enfin, entre les "libéraux" qui voudraient réduire au maximum toutes les réglementations de l’État et les "interventionnistes" qui, au contraire, considèrent l’État comme le meilleur régulateur des passions françaises.

Dans ces clivages, certains sont d’ailleurs antagonistes. Un chrétien pourrait être tenté de tout faire pour éviter l’expansion sociale de l’islam mais paradoxalement, il pourrait aussi se sentir lésé de renforcer les contraintes dans la pratique de son propre culte.

Les déçus du hollandisme révolutionnaire peuvent se comprendre. Ceux qui ont voté pour François Hollande principalement pour s’opposer avant tout à la personnalité de Nicolas Sarkozy semble tomber de haut (ont-ils été si naïfs sur les valeurs entre les deux tours ?). La gouvernance, la manière de gouverner, n’a en effet pas changé, et si le décomplexé Nicolas Sarkozy, prêt à toutes les transgressions, était bien représentatif de cette volonté de légiférer par l’émotion, il n’est visiblement pas le seul puisque lui parti, on continue toujours à expulser manu militari les gens du voyage, on continue toujours à avoir des problèmes de savoir vivre au sein d’une même nation entre des musulmans qui n’hésitent plus à faire du prosélytisme (mot à définitions très variables) et des défenseurs de la laïcité "jusqu’au-boutistes" au point d’en devenir anticléricaux.

Cette frénésie de légiférer sur des faits divers n’est donc pas l’apanage du quinquennat précédent mais bien celui d’une société hésitante et fragile dont le gouvernement a besoin de montrer qu’il agit, même si, en définitive, il ne soigne efficacement aucune des causes profondes du mal être social (emploi, logement, éducation).

Les polémiques semblent désormais s’amorcer autour de décisions de justice. Il y a eu ce jugement du tribunal de grande instance de Lille du 1er avril 2008 sur l’annulation d’un mariage pour cause de mensonge sur la virginité de l’épouse, annulation qui fut remise en cause en appel (à l’époque, cela avait fait grand bruit, tant en batailles juridiques qu’en interprétations de l’intrusion d’une religion dans la réflexion juridique, et la Ministre de la Justice de l’époque avait assez mal réagi en raison de sa propre situation conjugale), puis, ce fut aussi le jugement du Conseil d’État du 27 juin 2008 refusant la nationalité française à une femme qui pratiquait "trop radicalement" sa religion.

Cela a abouti rapidement, à l’initiative de Jean-François Copé, à la loi contre la burqa dans les espaces publics, loi qui est liberticide (sur la manière de s’habiller), qui ne concerne que quelques milliers de cas sur les soixante-cinq millions d’habitants mais qui avait le pouvoir symbolique de rassurer les citoyens sur le rôle protecteur de l’État contre une extension sociale d’une religion (les parlementaires socialistes s’y étaient très majoritairement opposés, à l’exception notable de Robert Badinter).

Je parle d’une religion en étant volontairement imprécis, mais il s’agit bien sûr de l’islam. Si l’anticléricalisme anti-catholique est encore très vivace (cela s’est encore illustré lors de l’élection du nouveau pape), un nouveau front contre les pratiques radicales de l’islam s’est formé depuis une dizaine d’années, au point d’en devenir parfois discriminatoire et affligeant.

Au-dessus des lois actuelles et de celles que le législateur pourrait être amené à voter pour répondre à un besoin médiatique ponctuel de réaction, il y a la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen qui est très claire.

Son article 10 déclare : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. » et son article 11 complète cette liberté du culte : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. ».

yartiRepuVoile02

Ces deux articles sont mis en avant par l’avocat catholique Koztoujours dans son blog le 21 mars 2013 pour rappeler le strict cadre de la laïcité en France, pays « qui respecte toutes les croyances » (selon l’article 1er de la Constitution), et l’auteur du blog insiste justement sur le principe de neutralité de l’État : « Contrairement à ce que certains semblent croire, la laïcité ne consiste pas à interdire à un croyant d’exprimer son opinion voire à lui claquer impunément à la gueule, mais uniquement à consacrer la neutralité de l’État et de l’ensemble de la sphère publique. ».

Et c’est en ce sens qu’il faut interpréter les deux arrêts rendus par la Cour de cassation le 19 mars 2013, deux arrêts qui paraissent contradictoires d’un point de vue pour ou contre l’islam mais qui obéissent tout à fait à la logique de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.

Ainsi, toute personne représentant l’État ou des services concédés par l’État (ici la CPAM de Seine-Saint-Denis) doit garder la neutralité religieuse dans l’exercice de sa profession (arrêt n°12-11.690 du 19 mars 2013) mais cela ne s’applique pas aux employés d’entreprises ou d’organismes purement privés, ce qui a remis en cause le licenciement d’une employée de la crèche Baby Loup de Chanteloup-les-Vignes pour avoir porté un voile (arrêt n°11-28.845 du 19 mars 2013).

Ces arrêts rappellent d’ailleurs la directive européenne du 27 novembre 2000 qui protège la liberté du culte ainsi : « Les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché. ».

En ce sens, ni le Ministre de l’Intérieur Manuel Valls, ni celle des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem n’ont vraiment compris ce qu’est le principe de laïcité. Il n’est pas d’éliminer partout dans la vie publique toute expression de la foi des uns et des autres, mais seulement de garantir à tous les citoyens un État neutre, apolitique et aconfessionnel, État ainsi que les services assimilés.

Les socialistes, sous le coup d’une double motivation antagoniste, ne cessent d’émettre des signes contradictoires sur le fondement du pacte républicain. D’un côté, ils prônent le droit de vote aux étrangers qui, concrètement, va engendrer un renforcement des communautarismes dans certaines communes ; et d’un autre côté, ils surpassent le principe de neutralité en voulant ériger une sorte d’anticléricalisme d’État où la pratique religieuse et son expression naturelle dans les espaces publics (celle qui ne trouble pas l’ordre public) seraient purement et simplement proscrites (notamment par le vote de la proposition de loi le 7 décembre 2011 au Sénat qui interdit le port du voile pour les assistantes maternelles).

Oui, il est important de réaffirmer le rôle régulateur de l’État pour garantir cette République laïque. Oui, il est important de refuser toute atteinte à l’égalité entre l’homme et la femme et toute réelle soumission de la femme à l’homme.

Mais non, il ne faut pas que sous prétexte d’une montée en puissance de sentiments clairement xénophobes voire islamophobes de certains électeurs (de droite comme de gauche), l’État en vienne à interdire à ceux qui croient le libre exercice de leur culte, ni à ériger ce que devrait être une pratique "éclairée" de telle ou telle religion. Il doit juste veiller à ce que nos principes fondateurs du vivre ensemble soient correctement appliqués sans empiéter lui-même dans le domaine religieux.

Méfions-nous des provocations qui instruisent les procès et donnent naissance à des jugements de justice propices aux polémiques et gardons toujours à l’esprit ces deux articles de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (10 et 11) qui ont été le creuset de nos libertés publiques.

En clair, ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (28 mars 2013)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Billet de Koztoujours (21 mars 2013).
Mariage annulé pour non virginité (1er avril 2008).
Nationalité française refusée pour pratique religieuse radicale (27 juin 2008).
Interdiction de la burqa.
L’islam rouge.
Apéro saucisson pinard.
Communautarismes et nouvelle citoyenneté.
Transgressions républicaines.
Nicolas Sarkozy et la laïcité.
François Hollande et la laïcité.
Ne pas se voiler la face (ailleurs).


yartiRepuVoile03 

http://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/le-voile-est-il-soluble-dans-la-133170

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
14 février 2013 4 14 /02 /février /2013 07:06

Le mariage pour les couples homosexuels ouvre une boîte de Pandore et remet en cause la notion traditionnelle de la famille. Pour autant, le législateur ne pouvait pas rester inerte face à l’insécurité des couples homosexuels et des éventuels enfants qui vivent actuellement auprès d’eux. Petit retour sur des débats enflammés.


yartiMPT01Il n’y a rien de plus beau au monde que deux êtres qui s’aiment. Mais ce n’est pas à l’État de s’occuper de l’amour. Il doit légiférer sur le cadre de la vie sociale, pas sur les amours. La vraie richesse d’un pays est d’accepter la différence et l’altérité tant dans la sexualité que des pratiques sexuelles. Un enfant sur deux naît en dehors du cadre conjugal. Le modèle familial traditionnel est donc déjà en perte de vitesse. Il y a de plus en plus de décalage entre mariage et enfant, et pourtant, le mariage impose la paternité plus que l’ADN : l’époux de la mère est considéré comme le père de l’enfant.

En voulant réformer le mariage, le gouvernement a touché à beaucoup de sujets très sensibles au quotidien des Français.


Adoption (et mariage) en première lecture

Le très officiellement "mariage pour tous" a été adopté par les députés français deux jours avant la Saint-Valentin, le mardi 12 février 2013 dans l’après-midi (projet de loi ici) avec 329 pour (dont Jean-Louis Borloo, Yves Jégo, Franck Riester, Benoist Apparu et Jean-Christophe Lagarde), 229 contre (dont 4 PS, dont Jérôme Lambert, et 4 PCF, dont Alfred Marie-Jeanne) et 10 abstentions (dont Nathalie Kosciusko-Morizet, Bruno Le Maire, Édouard Philippe, Nicole Ameline et Pierre Lellouche). Il a fallu en première lecture cent neuf heures de débat du 29 janvier au 9 février 2013, parfois en séances de nuit, week-end compris.

yartiMPT08

Les parlementaires britanniques  avaient adopté, quant à eux, un projet du même type, le mardi 5 février 2013 au soir (la majorité est conservatrice et centriste mais les conservateurs n’ont été qu’une minorité à l’approuver). L’enjeu était différent et bien moindre qu’en France puisqu’il n’est pas obligatoire de se marier civilement pour se marier religieusement et être reconnus comme tels par le Royaume-Uni.

À l’étranger, six pays (au moins) ont légalisé le mariage de couples de même sexe depuis le début de la décennie 2000 : le Canada depuis 2003, l’Argentine, la Belgique depuis 2006, les Pays-Bas depuis 2001, l’Espagne depuis 2005, l’Islande depuis 2010 (dont la Première Ministre s’est mariée avec sa compagne dès le premier jour d’application, le 27 juin 2010)…

Certains beaux esprits, qui condamnent parallèlement la mondialisation de la société, prennent paradoxalement ces exemples à l’étranger comme des modèles. De plus, l’argument pourrait être pris à l’envers, la très grande majorité des pays du monde n’autorisent pas un tel mariage.

yartigay02

Par ailleurs, au cours d’une interview à la chaîne américaine ABC, le Président des États-Unis Barack Obama avait clairement annoncé, le 9 mai 2012, courageusement avant sa campagne de réélection, qu’il était favorable au mariage homosexuel, mariage déjà possible dans sept États : « Pour moi, à titre personnel, il est important de dire que je pense que les couples du même sexe doivent pouvoir se marier. ». Il avait précipité ce soutien après les déclarations un peu imprudentes allant dans le même sens du Vice-Président Joe Biden le 6 mai 2012 sur NBC : « Je n’ai aucun problème avec le mariage gay ! ».

Les déclarations de Barack Obama ont été tenues quelques jours après l’élection de François Hollande en France.


Le référendum aurait-il déjà eu lieu ?

Cette élection, c’est justement un argument qu’ont utilisé avec beaucoup de mauvaise foi les partisans de la réforme en disant que François Hollande a été élu sur son programme qui contenait ce projet, et donc, que le référendum aurait déjà eu lieu avec l’élection présidentielle.

À cela, deux arguments s’opposent. D’une part, l’élection présidentielle est l’élection d’une personne que les électeurs pensent la plus apte à conduire le pays pendant cinq ans et n’a rien de contractuel (c’est anticonstitutionnel même, car aucun mandat électif ne peut être impératif, et heureusement ; l’élu doit agir selon les circonstances du moment, pas selon un programme théorique préétabli). Curieusement conception de la démocratie qui confond élection et plébiscite d’un programme.

D’autre part, le supposé référendum aurait eu mauvaise mine si on regardait les seuls résultats d’adhésion à ce programme, à savoir l’audience aux premiers tours, soit 28,6% pour la présidentielle le 22 avril 2012 (22,3% des inscrits) et 29,4% pour les législatives le 10 juin 2012 (16,5% des inscrits), ce qui est loin des 50% requis. Si l’on inclut EELV qui l’avait également mis dans son programme législatif, seulement 23 députés (PS ou EELV) sur 577 ont été élus dès le premier tour (donc, directement sur ce programme), les autres devant nécessairement rassembler au second tour au-delà de ce programme (sauf dans les quelques cas exceptionnels de candidature unique).


Société clivée en deux

En France, la rage argumentaire a clivé la société en deux. La question est maintenant de savoir si politiquement, le mariage pour les couples homosexuels va tourner comme la loi de Simone Veil légalisant l’avortement (loi n°75-17 du 17 janvier 1975) ou comme le projet de loi d’Alain Savary sur un système scolaire unique qui avait abouti, après de très nombreuses manifestations de protestation, à son abandon par François Mitterrand et à la démission du gouvernement de Pierre Mauroy le 17 juillet 1984.

Dans le premier cas, la loi est entrée dans l’histoire et dans le second cas, le projet est reparti discrètement dans les oubliettes de la politique politicienne (qui se rappelle que le Sénat avait débattu dans la chaleur du mois d’août 1984 du référendum sur le référendum ?).

yartiMPT04

La première manifestation nationale le dimanche 13 janvier 2013 a été un grand succès avec plus d’un demi-million de participants et il est prévu une nouvelle manifestation de protestation contre ce projet le dimanche 24 mars 2013, quelques jours avant le début des débats au Sénat, prévu le 2 avril 2013. Les partisans de la réforme ont également défilé dans les rues de Paris, mais avec une moins grande mobilisation.


Pas seulement mariage, aussi adoption

Toute cette polémique était provoquée par le gouvernement en incluant dans le mariage le très complexe thème de la filiation et de l’adoption. Certes, il n’y a pas de mariage sans famille (lire notamment cet article), et pas de famille sans enfant ni filiation, mais le fait de retirer du Code civil la précision de "père" et "mère" a choqué beaucoup de monde, et évidemment pas par homophobie mais par volonté de soutenir la famille et de protéger les enfants.

yartiMPT05

Ceux qui soutiennent le projet disent que cela ne changera rien dans la vie de ceux qui sont contre. Ce qui est faux puisque, d’une part, le mariage est célébré au nom de la société toute entière, donc, également au nom de ceux qui s’opposent au projet ; d’autre part, si cela donne plus de droits aux couples homosexuels, cela réduit le droit à l’égalité des enfants.

Sur les problèmes de filiation, il y a même un véritable antagonisme entre le droit de l’enfant à connaître son origine (biologique entre autres) et l’enfantement volontaire au sein d’un foyer homosexuel dans lequel l’un des deux parents biologiques serait a priori exclu voire anonyme ou inconnu.

La passion l’a emporté sur une certaine raison, celle de répondre à un besoin, celui de la sécurisation de certaines personnes, qui aurait pu trouver une solution dépassionnée et admissible par tous (certains considèrent d’ailleurs que les solutions sont déjà accessibles, notamment sur l’autorité parentale). La passion, c’est lorsque la puissance des symboles et des anathèmes l’emporte sur certaines évidences. 


L’évidence de l’origine de la vie

La première évidence, c’est qu’un enfant ne peut naître que d’un homme et d’une femme. Si on peut légiférer pour l’égalité des sexes et contre toute discrimination, sexuelle ou basée sur l’orientation sexuelle, le législateur ne peut modifier la loi biologique de l’espèce humaine, du moins tant qu’on ne réussisse pas à rendre l’être humain hermaphrodite !

Et cette évidence est directement exprimée dans le dictionnaire. Celui avant ces débats car j’imagine que les nouvelles éditions vont devoir être suprêmement prudentes.

Depuis deux siècles, la définition du mariage était sans ambiguïté : « Acte solennel par lequel un homme et une femme établissent entre eux une union dont les conditions, les effets et la dissolution sont régis par des dispositions juridiques en vigueur dans leur pays (en France, par le Code civil), par les lois religieuses ou par la coutume ; union ainsi établie. » avec un complément juridique : « Droit. En France, le mariage civil, qui est le seul reconnu par la loi, doit nécessairement précéder le mariage religieux. Les époux doivent être de sexe différent (…). » (Petit Larousse).


Deux logiques respectables mais contradictoires

La deuxième évidence, c’est que ce débat oppose deux logiques différentes qui sont toutes les deux louables : l’une (gouvernementale) qui voudrait accorder à tous les couples les mêmes droits ; l’autre (d’opposition) qui voudrait préserver la cellule familiale et protéger tous les enfants.

Certains ont voulu faire de ce combat une opposition entre le "droit à l’enfant" et le "droit de l’enfant", mais sans doute que les enjeux sont ailleurs. Des enfants, il y a ceux qui vont naître, et là, le législateur peut modifier les règles avec de nouvelles règles de filiation, et plus tard, peut-être la PMA (procréation médicalement assistée) et même la GPA (gestation pour autrui). Mais il y a aussi des enfants qui existent déjà et qui ont besoin d’être protégées en cas de décès d’un parent.


Malaise sur l’identification selon la sexualité

Si le mot "homosexuel" n’est pas utilisé dans le projet de loi, c’est par euphémisme puisque c’est bien de lui qu’il s’agit finalement. Son silence engendre même un certain malaise.

Car depuis ce débat, j’ai l’impression de devoir m’identifier en fonction de ma propre sexualité, ce qui, indépendamment du caractère particulièrement intime du sujet, renforce la classification d’une société déjà suffisamment divisée comme cela. La division entre hommes et femmes ne suffit plus, il va falloir la division entre hétérosexuels et homosexuels, sans compter qu’il pourrait y avoir du "mixte". Comme si l’État devait être présent jusque sous nos couettes !

Ce qui conduit à de la logique Shadok. Depuis octobre 2012, pour renforcer la parité, le gouvernement veut faire élire les conseillers généraux par binôme homme/femme (le Sénat a refusé), et à côté de cela, il veut permettre des mariages sans parité (lire une revendication sexuelle à ce sujet). Faudrait-il aussi des binômes hétéro/homo pour lutter contre les discriminations ? Aura-t-on encore le droit de laisser sa sexualité hors de l’étalage public ? Et si un futur gouvernement extrémiste, ce que je n’espère pas, venait par malheur à prendre le pouvoir et à pourchasser les homosexuels, ne lui serait-il pas plus facile à les identifier dans le fichier d’état-civil des mairies ?


Mots vidés de leur sens

La sémantique a été particulièrement massacrée par le gouvernement en vidant de leur sens certains mots : "mariage pour tous", "égalité", etc.

Le mariage n’a jamais été une reconnaissance de l’amour (d’ailleurs, l’amour n’a besoin rien que de deux êtres qui s’aiment) mais une formalisation de la société d’un mode de vie, celui de vivre en famille, dans un foyer (les époux ont obligation de vivre sous le même toit et de subvenir mutuellement à leurs besoins).

Ce n’est pas seulement un contrat entre les époux, ni entre les époux et l’État, mais aussi la reconnaissance d’un maillon essentiel de la société, d’autant plus essentiel que les églises, les entreprises, l’armée etc. jouent un rôle de liant de plus en plus négligeable dans la vie sociale des personnes (surtout dans une société en crise durable de l’emploi). C’est aussi un contrat entre les éventuels enfants et l’État, un contrat de protection, de défense, aussi de délégation de l’éducation aux parents.


Niveau médiocre des arguments pour ou contre

Les débats ont été longs et pas forcément de haute tenue. Ce qui est malheureux, c’est qu’ils auraient pu aboutir un projet consensuel et stable dans le temps. De toute façon, il serait bien délicat de revenir sur cette loi en 2017 ; que ferait-on alors des couples de même sexe déjà mariés ?

yartiMPT02

La plupart des arguments pour ou contre ont été plutôt nuls, sur la forme comme sur le fond.

Comme celui de dire qu’il y a plus urgent. C’est évident et on voit bien que le gouvernement fait comme le précédent en mettant des points de diversion avec des sujets qui fâchent (identité nationale, mariage pour les couples homosexuels). Mais il faut aussi admettre qu’il y aura toujours plus urgent. Fallait-il attendre pour abolir la peine de mort malgré le chômage déjà très élevé en 1981 ? Heureusement, un gouvernement est multifonctionnel !

En face, l’argumentation du gouvernement n’est pas plus pertinente sur le fond. En se basant sur l’égalité et la modernité. L’égalité (l’égalité de quoi ? faut-il uniformiser les sexes ?) ouvre toutes les interprétations, comme celle de la polygamie et de l’inceste qui sont dans le prolongement logique de l’argumentation (si aucune intuition naturelle n’est valable, où pourrait-on s’arrêter ? selon quels autres critères ?).

La modernité, en plus, donne prise à l’inquiétude du futur, de la possible PMA (procréation médicalement assistée) et de la programmée GPA (gestation pour autrui, autrement dit, les mères porteuses). Avec ces notions, on s’achemine lentement mais sûrement vers un ultralibéralisme où le corps ne serait plus qu’un outil de travail (voir les déclarations scandaleuses de Pierre Bergé, grand financeur du PS), où le corps devient le dernier continent de l’argent maître et esclave.


Statu quo impossible

Ce qui est vrai, pourtant, c’est que le statu quo ne peut pas être maintenu. Il n’est plus possible. Il y a effectivement une nécessité à sécuriser plus sérieusement que dans un PACS un couple homosexuel dans le cas du décès de l’un des deux membres. Sécurité pour le membre restant (pension de réversion, donation au dernier survivant, etc.) mais aussi et avant tout sécurité des enfants qui vivent déjà dans ce cadre familial (évalué à quelques dizaines de milliers). Ces enfants existent déjà, et ils ont droit à la protection des autres enfants. Sécurité aussi en cas de séparation qui protège toujours les plus faibles.

Le PACS n’apporte pas cette double sécurité et le sujet n’aurait pas subi tant de polémiques si le gouvernement avait proposé une "union civile" (ou une autre expression) qui aurait résolu tous ces problèmes pratiques faciles à mettre en place et qui sont la marche normale d’une société en évolution.

Du reste, les députés UMP auraient été mieux inspirés s’ils avaient fait cette réforme avant 2012, cela leur aurait évité de se battre aujourd’hui parfois avec des procédures à la limite de l’honneur du parlementarisme (la stupidité de certains des milliers d’amendement est renversante).


Mauvais symboles

Ce qui nuit gravement à la cohésion nationale, c’est que le gouvernement a cherché par dogmatisme à faire de cette réforme une vitrine du progressisme et de la modernité, un symbole peut-être louable de la tolérance pour les homosexuels, mais j’ai l’impression au contraire que les débats ont fait ressurgir un fond d’homophobie qu’on aurait pu croire révolue.

Au même titre que le débat sur l’identité nationale en 2009 avait fait ressurgir des profondeurs de certaines consciences obscures un fond de racisme, d’antisémitisme et de xénophobie voire d’islamophobie. Du reste, c’est pratiquement la même méthode que dans le quinquennat précédent, celle de la diversion face aux vrais enjeux du pays (emploi, formation, logement, environnement).


Légitimité de la parole religieuse

Dans cette discussion nationale, le combat de l’Église catholique (entre autres religions) est compréhensible et surtout légitime. Les évêques français, par exemple, ne sont pas moins citoyens français que les autres, et ont le droit de participer comme tous les autres à ce débat public.

Certains leur nient le droit de s’exprimer ès qualités, au nom de l’Église catholique, mais quelle est donc la représentativité des associations de lesbiennes et gays qui ont été pourtant reçues immédiatement et en grandes pompes par l’Élysée ? C’était dès le lendemain d’une boulette malheureuse de François Hollande proposant au congrès des maires de France une "hérésie" juridique avec ce droit de conscience (un maire a des obligations, et n’a pas le droit de refuser de célébrer un mariage si celui-ci est légal). L’Église catholique est à ce titre l’organisation non gouvernementale la plus représentative d’une certaine catégorie de la population. Il n’y a aucune raison de lui interdire d’occuper ce terrain.


Beaucoup de maladresses

Le gouvernement a commis beaucoup de maladresses, devant brider une partie de sa majorité très extrémiste sur ces thèmes sociétaux (sont-ils tant pressés parce qu’ils se disent qu’ils ne resteront pas longtemps au pouvoir ?).

La dernière boulette date du 10 février 2013, entre la fin des discussions et le vote solennel en première lecture. La Ministre de la Justice Christiane Taubira a alors encouragé fortement Nathalie Kosciusko-Morizet à ne pas s’abstenir. La ministre sait-elle donc qu’il y a indépendance entre l’Exécutif et le Législatif et que cet exhortation prend l’allure d’une pression insensée du gouvernement sur le Parlement, procédé qui aurait levé bien des boucliers sous le quinquennat précédent ?


En marche forcée vers la commercialisation du corps ?

Le décret de Christiane Taubira sur la régularisation des enfants nés d’une GPA à l’étranger (pour un homme, cela peut coûter 8 000 euros et la femme indienne ou ukrainienne, mère porteuse, est en semi-esclavage, car elle ne reçoit que 200 euros) renforce le sentiment de flou qui règne au sein du pouvoir.

Et sentir le flou est logique, car certains députés socialistes, que j’appellerais des "ultras", menés notamment par leur président de groupe, Bruno Le Roux, tout auréolé de sa proximité présidentielle, voudraient aller plus loin que le gouvernement en embrayant de force vers la PMA et la GPA.


Peu de maîtrise du sujet

Le projet de loi a été rédigé de manière précipitée. Aucune commission, contrairement à certains sujets moins importants, n’a été nommée pour étudier et proposer le meilleur. Les auditions de la commission parlementaire ont été réalisées de manière très partisane.

Même si la solidité de Christiane Taubira est admirable (elle s’est vraiment imposée, et on en parle même pour Matignon, ce qui doit faire enrager Manuel Valls !), les multiples couacs ministériels montrent à l’évidence que le gouvernement ne maîtrise pas beaucoup son sujet.

Il s’agit quand même de bouleverser la dernière institution sociale respectée par les gens, à savoir la famille. Il est vrai que le Président de la République François Hollande, à l’origine de ce débat, semble n’avoir, comme sur beaucoup de sujets, aucune conviction personnelle (du reste, on voit à quel point, dans sa propre vie, avec quatre enfants, il méprise le concept du mariage). Pourtant, élu des Français, pour clarifier sa propre majorité, il y aurait eu nécessité qu’il s’exprimât sur le sujet en fixant clairement les limites du débat et des enjeux, dire ce qu’il voulait, ce qu’il ne voulait pas et ce qui aurait pu être négociable dans le jeu normal de la discussion parlementaire.


Mauvais sujet d’opposition

Malgré tout, je ne crois pas que pour l’opposition, ce soit un bon combat, en ce sens qu’il y aurait des combats bien plus essentiels dans les projets du gouvernement (parfois déjà votés, pour d’autres en gestation), comme l’autorisation de l’expérimentation sur les embryons humains qui est l’ouverture à la marchandisation inéluctable du corps humain (il suffit d’observer ce qu’il se passe à l’étranger).

Un autre sujet éthique essentiel sera abordé en juin 2013 par le gouvernement, a priori sur la dangereuse aide au suicide et l’éventuelle légalisation de l’euthanasie active, sans tenir compte des précieux conseils de la commission pourtant nommée exprès pour cela.

L’Église catholique devrait, elle aussi, réserver son énergie pour ces combats qui mettent directement la vie humaine en jeu.


Le vrai problème, ce sont les familles recomposées

Plutôt que de jeter le peuple dans la rue pour, somme toute, quelques cas particuliers qui auraient pu se régler concrètement selon une méthode plus consensuelle, le gouvernement aurait mieux fait de présenter un projet de loi pour TOUS, à savoir, pour tous les couples, quelle que soit leur orientation sexuelle, afin de résoudre beaucoup de difficultés liées aux familles recomposées, proposant en particulier un statut de beau-parent, parent non biologique qui aurait contribué, en pratique, à l’éducation des enfants et qui n’est pas reconnu en cas de décès d’un parent biologique.

Il aurait été peut-être plus judicieux de proposer un nouveau type d’adoption, basé sur la responsabilité éducative et réservé aux conjoints actuels, anciens ou futurs des parents biologiques avec qui vit ou a vécu l’enfant. Et cela serait valable aussi bien pour les couples hétérosexuels que homosexuels, et pas forcément mariés ni pacsés.


Déstructuration de la société

Le détricotage structurel de la société risque se poursuivre avec les lois dites sociétales du gouvernement écolo-socialiste managé par François Hollande : l’expérimentation sur les embryons humains, la décomposition de la famille, et peut-être bientôt la remise en cause de la citoyenneté par le vote des étrangers, la légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie active…

Toutes ces réformes, c’est avant tout la victoire du libéralisme social et économique qui ne peut qu’applaudir les perspectives juteuses de la légalisation éventuelle de la PMA ("pour tous") et de la GPA.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (13 février 2013)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Texte du projet de loi (site de l’Assemblée Nationale).
En route vers le trouple pluriparental (21 mai 2012).
Projet de loi inutile : la réponse est dans le Code civil (18 novembre 2012).
Réflexion avisée de Hervé Torchet.
La délégation partage de l’autorité parentale existe déjà pour les couples homosexuels (7 janvier 2012).
Le premier mariage lesbien (à Nancy en juin 2011).
L’homosexualité malmenée en Afrique.
Mariage gris.
Mariage nécrophile.
Mariage annulé pour musulman.
Le coming out d’une grande star du journalisme.


NB.
1. Mon titre pourrait se traduire ainsi : Nous n’avons plus de pape, mais nous avons maintenant deux pères.
2. La première illustration est un tableau de Picasso, "Femme devant un miroir", et la dernière illustration est un autre tableau de Picasso, "Figure au bord de la mer". Le schéma du projet de loi est de France Info.

yartiMPT06


http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/habemus-non-papam-habemus-duos-130665

 

 

 

Partager cet article
Repost0
12 février 2013 2 12 /02 /février /2013 17:11

(dépêche)

Le mariage pour les couples homosexuels est adopté par 329 députés contre 229.

 


ALERTE INFO FIGARO>12/02/2013 à 17H02    

Les députés votent le projet de loi ouvrant le mariage et l'adoption aux couples homosexuels

Lors d'un vote solennel à l'Assemblée, les députés ont adopté en première lecture le projet de loi sur le mariage pour tous. 329 parlementaires se sont prononcés en faveur du texte, 229 contre, alors que la majorité pour que le texte soit voté était fixée à 280 voix. Le projet de loi sur le mariage et l'adoption pour les couples homosexuels va maintenant être transmis au Sénat, où il sera examiné à partir du 18 mars.




Partager cet article
Repost0
19 décembre 2012 3 19 /12 /décembre /2012 07:04

S’opposant au rapport dont il prétend vouloir suivre les recommandations, le Président de la République voudrait légiférer sur la fin de vie. Un sujet très sensible qui risque de heurter le consensus républicain.


yartiSicard01Missionné le 17 juillet 2012 par le Président de la République François Hollande sur la fin de vie, le professeur Didier Sicard lui a rendu après cinq mois de travail et de consultations son rapport le mardi 18 décembre 2012 à l’Élysée (téléchargeable ici). Comme dans ce cas-là, les médias se basent sur quelques fuites opportunément laissées auparavant.

Didier Sicard a une approche de la fin de vie pleine de sagesse et de pragmatisme. Pour lui, ce qui est important est avant tout l’écoute du malade, et il déconseille de légiférer encore une nouvelle fois alors que la loi Leonetti du 22 avril 2005 n’est encore pas assez appliquée et encore trop peu connue même du personnel médical.


Ne pas légiférer

Pour lui, légiférer sur la fin de vie n’a pas beaucoup de sens car chaque fois qu’une limite sera repoussée, il y en aura toujours d’autres qui voudront la repousser encore plus loin. Or, l’interdit majeur de tuer doit rester présent dans le Code pénal.

Il est difficile juridiquement de faire la différence entre un assassinat et un acte sincère et désintéressé pour soulager la douleur d’un proche, sans ouvrir une boîte de Pandore qui pourrait aboutir à des morts non voulues ou des morts programmées, comme c’est le cas en Belgique ou en Suisse. Didier Sicard l’a redit le 18 décembre 2012 : « C’est une utopie de penser pouvoir enfermer une pratique dans une loi, et la mort dans des limites ; on voit bien qu’il est impossible de déterminer des critères. Toute loi est débordée le jour même par une autre situation, et en appelle une autre. ».


Sédation terminale

Le rapport propose quelques pistes d’amélioration comme le "geste médical" pour la "sédation terminale", un moyen de s’endormir avant de mourir quand on souffre. Didier Sicard a développé sur ce geste médical : « Lorsqu’une personne en fin de vie (…) demande expressément à interrompre tout traitement susceptible de prolonger sa vie, voire toute alimentation et toute hydratation, il serait cruel de la laisser mourir ou de la laisser vivre sans lui apporter la possibilité d’un geste accompli par un médecin accélérant la survenue de la mort. ».

La loi du 22 avril 2005 permet l’interruption de tout traitement et alimentation, mais pas l’administration d’un sédatif pour réduire les souffrances causées par la non-alimentation. C’est probablement le point le plus fragile de cette loi qui, par ailleurs, mériterait un écho plus large dans les hôpitaux, sept années et demi après sa promulgation.

yartiSicard02

C’est le seul aménagement de la loi qu’a plaidé le rapport de la commission Sicard dont le président a explicité le point de vue : « Une personne qui n’a pas envie d’agoniser plusieurs jours inutilement et inconsciemment et qui refuse les soins palliatifs a le droit d’être entendue. L’obtention d’une sédation terminale lorsque, et seulement quand elle est demandée par le patient, est un droit qui devrait être inscrit dans la loi Leonetti. Et je ne parle pas d’une sédation lente, éprouvante pour le malade et son entourage, sur plusieurs jours. (…) La médecine accepte d’arrêter les traitements, de retirer les perfusions, la nutrition, l’eau ; et au dernier moment, elle dirait "c’est de votre responsabilité maintenant, laissez-vous mourir" ? C’est une violence, au moment même où le malade a le plus besoin d’aide. La Loi Leonetti s’arrête au milieu du chemin en autorisant la mort comme une conséquence du soin. Dans la mesure où la médecine exerce son retrait pour ne pas se livrer à l’acharnement thérapeutique, elle doit aller au bout. Elle n’a pas à laisser mourir de mort naturelle quelqu’un qui réclame ardemment d’en finir. ».

Pour le professeur Sicard, cette sédation terminale n’a rien à voir avec l’euthanasie : « La sédation, dès le début, est un geste d'accompagnement, de soin, qui est porteur de sa propre évidence, qui n'est pas programmé dans le temps, et qui va entraîner la mort dans un ou deux jours. C'est radicalement différent de l'euthanasie, qui relève d'un processus bureaucratique, d'une date programmatoire et même cérémonielle. Les soins palliatifs ne répondent pas à tout, au sens où une personne peut refuser de les avoir ; et alors elle a droit de demander que cela cesse. La médecine n'a pas vocation à donner la mort de façon radicale : mais elle peut avoir vocation à aider quelqu'un à mourir. » ("La Vie" du 18 décembre 2012).


Directives anticipées

Autre piste du rapport Sicard, il y a les "directives anticipées", qui pourraient être centralisées et seraient des déclarations écrites et toujours modifiables de chaque citoyen sur ses intentions pour sa future fin de vie (un peu à l’instar des dons d’organes).

Les directives anticipées peuvent prêter à débat puisqu’il est établi (notamment dans le rapport Leonetti) que le désarroi dans lequel se trouve la personne en fin de vie renforce les fluctuations de sa volonté et rend dépassée toute déclaration d’intention antérieure.


Renforcer les soins palliatifs et aussi l’accompagnement

Toute l’insistance du rapport Sicard est focalisée sur le renforcement des moyens pour les structures de soins palliatifs et de ne plus distinguer les soins curatifs des soins palliatifs. L’accompagnement des malades dans la dernière phase de leur vie est un enjeu capital dans une société où l’espérance de vie augmente.

Un accompagnement médical, avec tous les moyens pour réduire la douleur, même si ceux-ci peuvent précipiter la mort (la loi Leonetti l’autorise justement, en s’opposant à toute obstination thérapeutique déraisonnable), mais aussi un accompagnement psychologique : un malade aimé et entouré, soulagé de ses douleurs physiques, aura rarement la volonté de demander son euthanasie.

Il n’y a aucune personne en fin de vie indigne. Il n’y a que souffrances qu’il est possible aujourd’hui, chimiquement, d‘apaiser, ce que les hôpitaux en France ne font pas assez, soit par manque de budget, soit par manque de formation. La dignité est le résultat du regard de l’autre ou de son propre regard. Une personne entourée et aimée se sentira toujours digne. Le rapport Sicard l’a rappelé : « Un véritable accompagnement de fin de vie ne prend son sens que dans le cadre d’une société solidaire qui ne se substitue pas à la personne mais lui témoigne écoute et respect au terme de son existence. ».

La dignité, c’est aussi de chercher à vivre. Une des jeunes membres de l’Association française des syndromes d’Ehlers-Danlos, ayant cette maladie, a rappelé l’effet pervers de l’affaire Chantal Sébire : « L’association a (…) touché du doigt le retentissement involontaire, mais bien réel, de ces demandes de suicide assisté sur les malades souffrant de la même maladie et qui se battent au quotidien pour que la vie soit possible et bonne, ces anonymes, oubliés des médias, qui ont choisi de se battre pour la vie, quel que soit leur niveau de dépendance, de maladie ou de handicap. Je souhaiterais que dans tous nos débats éthiques, nous pensions à eux. » (Clara Blanc auditionnée à l’Assemblée Nationale le 9 juillet 2008).


Le suicide assisté ?

Étrangement, toute la communication des médias a porté sur le suicide assisté pour la simple raison que, bien qu’opposé à une loi sur le sujet, le rapport a préconisé tout de même quelques limitations en cas de volonté de légiférer. Une position un peu tortueuse qui a fait dire à certains médias "feu orange pour le suicide assisté".

yartiSicard03

De fait, le Président François Hollande n’a pas tardé pour annoncer qu’un projet de loi serait débattu au Parlement en juin 2013 sur le suicide assisté.

De quoi s’agit-il ? Il s’agit, sous certaines conditions (d’état de santé et de conscience individuelle pour rendre la volonté sincère), de prescrire des médicaments que le patient demandeur pourrait ingérer pour se donner lui-même la mort. La différence est très forte avec l’euthanasie active où un tiers, médecin ou infirmière, administre lui-même la dose mortelle au patient demandeur, acte considéré en théorie comme un assassinat (puisqu’il y a préméditation forcément) mais qui, dans les rares cas qui sont allés devant les tribunaux, ont toujours été jugés avec clémence (par non-lieu). Cette faculté de garder la théorie telle qu’elle est permet de condamner par exemple cette infirmière de Poitiers qui avaient tué de nombreux patients pour récupérer leurs biens.

Le problème, c’est qu’à partir du moment où le législateur commencerait à autoriser l’assistance au suicide, toutes les lois contre l’abus de faiblesse ou la provocation au suicide deviendraient caduques.


Un regard inquiétant sur ce qui se pratique déjà en Europe

Les exemples à l’étranger où le suicide assisté est autorisé sont édifiants. Parlons-en.

En Belgique, la procédure est très rapide. Trente minutes ont suffi à l’écrivain Hugo Claus pour se suicider. Ce dernier n’en était qu’à la phase débutante de la maladie d’Alzheimer, totalement conscient et dont la situation n’était pas irréversible.

La souffrance psychiatrique est souvent admise en Belgique comme une affection pouvant être prise comme un critère pour la mort anticipée.

Dans certains cas, encore rarissimes (cinq cas recensés en 2008), ce type de pratique a même donné lieu à des prélèvement d’organes. On peut imaginer les dérives ultérieures d’une instrumentalisation du marché de la mort. Après tout, le gouvernement chinois n’a aucun scrupule pour faire des prélèvements d’organes sur ses condamnés exécutés, créant d’ailleurs un effet d’aubaine pour certains.

En Suisse, le pays a depuis très longtemps autorisé le suicide assisté, ou plutôt, punit juste l’aide au suicide en cas de motif égoïste. Dans la pratique, deux associations ont pris le monopole de ce "marché" juteux de la mort emballée. Exit pour les citoyens suisses et Dignitas pour les étrangers. Un partage du marché qui semble satisfaire les deux associations.

Pourtant, loin d’être une simple action de prosélytisme désintéressée, l’activité de ses associations est loin d’être sans polémique. Le rapport Leonetti du 28 novembre 2008 a même pointé du doigt de graves irrégularités : « Les accompagnateurs d’Exit sont des personnes qui reçoivent une formation d’une durée de deux ans. On est donc en présence d’une pratique qui encourage au suicide, sans encadrement juridique et sans sanction. ».

Entre 1998 et 2006, 868 se sont suicidés, assistés par Dignitas qui facture chaque suicide 6 600 euros pour les frais (crémation comprise).

Les critères pour accepter un suicide assisté sont d’ailleurs définis par ces associations elles-mêmes, ce qui est une grave faute de l’État suisse (d’où la recommandation du rapport Sicard que l’État prenne toutes ses responsabilités dans cette affaire et ne délègue rien à des tiers privés). Ils sont chez Dignitas de souffrir d’une maladie mortelle, d’un handicap "excessif" (que signifie-t-il ?) ou d’une douleur non maîtrisable. C’est très flous comme critères d’autant plus que selon un ancien responsable de l’association, son dirigeant aurait lui-même réalisé des euthanasies actives pour arrondir ses fins de mois (au contraire de la Belgique, l’euthanasie active est interdite en Suisse).

Le même dirigeant avait reconnu dans les médias qu’il avait euthanasié un frère et une sœur atteints de schizophrénie en raison de la mort de leur père et du placement de leur mère en asile, et qu’il avait fait de même pour un couple de quinquagénaires britanniques malades de diabète et d’épilepsie. Bref, c’est pour le moins une notion très "large" du suicide assisté qui doit recueillir le consentement éclairé et réitéré des demandeurs.

Moins de quatre heures peuvent s’écouler entre la consultation avec un médecin de Dignitas et la mort du demandeur.

Pour être sûr de ne pas être accusée d’assassinat, l’association n’hésite d’ailleurs pas à filmer l’intégralité de la scène d’agonie pour retransmettre la vidéo aux juges et prouver son innocence. Dignitas a aussi trouvé un autre moyen de suicide, par étouffement dans un parking public.

Gilles Antonowicz, l’avocat de Chantal Sébire, s’est même désengagé sur le suicide assisté tellement il était écoeuré par ces méthodes : « Je suis en désaccord aussi avec l’attitude de l’ADMD [le lobby de Jean-Luc Roméro qui s’active sans relâche pour légaliser l’euthanasie active et le suicide assisté] vis-à-vis de l’association suisse Dignitas qui aide à mourir dans des conditions qui n’ont rien à voir avec la dignité de la personne. (…) Ces pratiques doivent être condamnées sans appel. » ("Le Figaro" du 26 juin 2008). Il n’y a par ailleurs aucun suivi médical.

En Suisse, 20% des suicides proviennent des suicides assistés ! C’est énorme.

Dans une enquête très fouillée sur les différents "suicidés" de ces associations d’assistance, la sociologue Susanne Fischer, soutenue par l’Académie suisse des sciences médicales, a constaté que les patients qui sont morts par ce moyen ne faisaient généralement pas partie des critères énoncés : « Il s’agissait pour la plupart d’entre eux de personnes âgées chez lesquelles plusieurs maladies avaient été diagnostiquées, comme par exemple des affections rhumatismales ou des syndromes de douleurs. ». Les deux associations suisses ont aussi assisté le suicide de beaucoup de malades psychiques incapables de discernement et de volonté sincère.


Négation de valeurs essentielles

Le rapport Leonetti sur lequel se fondent les éléments précédents était assez clair : « La Garde des Sceaux a rappelé que l’interdiction de tuer constituait un interdit fondateur et absolu et que la reconnaissance d’un droit à la mort serait la négation de valeurs essentielles de nos sociétés modernes. La Cour européenne des droits de l’Homme a clairement fait valoir que le droit à la mort n’entrait pas dans le champ d’application du droit à la vie protégé par la Convention européenne des droits de l’Homme. ».

Rachida Dati, qui était auditionnée le 7 octobre 2008, a insisté : « La Cour européenne des droits de l’Homme s’est interdit d’autoriser le suicide assisté et de prêter renfort à une culture de mort qui ne demande qu’à investir toujours davantage le champ social. Cette décision est sage. Décider autrement eût été méconnaître que les réalités sociales et culturelles (…) sont des éléments intiment liés à une identité construite au fil des siècles et des bouleversements qui ont marqué l’histoire de l’Europe. ».


Frontière diffuse

Enfonçant le clou, Rachida Dati, prenant exemple sur le modèle suisse, a observé que la frontière restait très floue entre l’assistance au suicide et la provocation au suicide punie d’entre trois et cinq ans d’emprisonnement et d’entre 45 000 et 75 000 euros d’amende (art. 223-13 du Code pénal) : « Y a-t-il si loin du "tu me demandes des médicaments pour t’aider à en finir, je vais te les donner" au "tu souffres tellement ! Si tu veux, je peux te fournir des médicaments…" ? Les dérives seront donc inévitables si on légalise ce droit au suicide, d’autant que de plus en plus de personnes meurent seules : ne faut-il pas les protéger contre les incitations déguisées de "proches" qui n’arrivent souvent qu’à la toute fin de vie ? Le Ministère de la Justice est bien placé pour savoir que l’assistance peut tourner à la provocation, à l’incitation déguisée. C’est en revanche compliqué à démontrer. ».

yartiSicard04

C’est exactement ce qu’a pronostiqué le 9 juillet 2008 le docteur Marie-Hélène Boucand, coordinatrice médicale de l’Association française des syndromes d’Ehlers-Danlos (déjà citée) et elle-même malade. Le rapport Leonetti expliquait : « À [la] fragilisation de la volonté de la personne risque de s’ajouter une fragilisation de la détermination de son entourage. En effet, une telle obligation "morale" peut également gagner insidieusement le corps social. Selon Marie-Hélène Boucand, lorsque la souffrance éprouvée par le malade en vient à désespérer son entourage ou l’institution qui le prend en charge, (…) le "je n’en peux plus" devient (…) pour le malade et pour ceux qui l’entourent, le "c’est insupportable", la seule issue logique pour la personne souffrante étant alors de disparaître. C’est même un choix qui pourrait progressivement s’imposer à l’entourage et à la société qui, sous couvert de l’argument ambigu de la compassion, en viendraient ainsi à accepter ou à proposer de supprimer la personne pour supprimer sa souffrance, tentation qui permettrait à tous de ne plus avoir affaire avec la souffrance et le souffrant. ».


Sans tabou ?

Le rapport Sicard est donc sans ambiguïté, malgré le flot médiatique : « Pour la commission, l’assistance au suicide ne peut en aucun cas être une solution proposée comme une alternative à l’absence constatée de soins palliatifs ou d’une réel accompagnement. ».

Alors que la lutte contre le suicide n’est pas assez soutenue (et que ce fléau touche plus durement que les accidents de la route), le Président François Hollande envisagerait pourtant de légaliser le suicide assisté. Ce serait un mauvais coup porté à l’humanité et aux valeurs intrinsèques de liberté et de vie. On l’a déjà vu pour l’expérimentation sur l’embryon humain, François Hollande n’a jamais montré de conviction très ferme sur le plan éthique et bioéthique. Aux citoyens de s’impliquer dans ce très lourd débat national pour ne pas rendre légale la mort, ce qui se ferait au grand soulagement de tous les assassins.

Le rapport Sicard l’a dit sans hypocrisie : « Toute médecine comporte sa part d’action aux confins de la vie sans qu’il soit nécessaire de légiférer à tout coup. ». Aménager la loi Leonetti sur la sédation terminale serait la seule mesure qui rencontrerait un large consensus républicain. Espérons que les parlementaires soient inspirés par autant de sagesse et d’esprit de responsabilité, loin des préoccupations électorales, que la commission Sicard…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (19 décembre 2012)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Lettre de mission de François Hollande à Didier Sicard (à télécharger).
Rapport de Didier Sicard sur la fin de vie du 18 décembre 2012 (à télécharger).
Rapport de Régis Aubry sur la fin de vie du 14 février 2012 (à télécharger).
Rapport de Jean Leonetti sur la fin de vie du 28 novembre 2008 (à télécharger).
Embryons humains cherchent repreneurs et expérimentateurs.
Euthanasie : les leçons de l’étranger.
Euthanasie, le bilan d’un débat.
Ne pas voter Hollande pour des raisons morales.

yartiSicard05 




http://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/rapport-sicard-hollande-veut-il-le-127801




 



Partager cet article
Repost0
18 décembre 2012 2 18 /12 /décembre /2012 13:29

Le professeur Didier Sicard a remis officiellement son rapport sur la fin de vie au Président de la République François Hollande le 18 décembre 2012 à Paris. Il préconise de ne pas légiférer mais de renforcer les soins palliatifs.


Cliquer sur le lien pour télécharger le rapport Sicard (fichier .pdf) :
http://www.elysee.fr/assets/pdf/Rapport-de-la-commission-de-reflexion-sur-la-fin-de-vie-en-France.pdf


SR



Partager cet article
Repost0


 




Petites statistiques
à titre informatif uniquement.

Du 07 février 2007
au 07 février 2012.


3 476 articles publiés.

Pages vues : 836 623 (total).
Visiteurs uniques : 452 415 (total).

Journée record : 17 mai 2011
(15 372 pages vues).

Mois record : juin 2007
(89 964 pages vues).