Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
20 novembre 2021 6 20 /11 /novembre /2021 03:14

« J’ai consacré beaucoup de temps et de soins à traquer la vérité (…) pour évoquer le parcours du jeune garçon d’extrême droite que j’étais, qui, sous l’étreinte des circonstances, devient un homme de gauche. La vérité est parfois atroce. » (Daniel Cordier, 2009).



_yartiCordierDanielC05

Résistant du début, à l’origine, maurrassien mais ne comprenant pas qu’un nationaliste puisse s’abandonner aux mains de l’ennemi, Daniel Cordier, l’un des derniers héros de la Résistance avec quelques autres, est mort il y a un an, le 20 novembre 2020 à l’âge de 100 ans. Résistant à 19 ans, mort à 100 ans, et pendant 77 ans en état d’effondrement psychologique. Il l’a expliqué dans son autobiographie "Alias Caracalla" publiée en 2009 chez Gallimard, la tragédie de sa vie fut la mort de son patron Jean Moulin, dont il était le fidèle, efficace et discret secrétaire. Il a fallu d’ailleurs attendre la fin de la guerre pour qu’il connût le nom véritable de son chef appelé Rex.

Le 23 juin 1943, il a dîné à Paris avec Georges Bidault, qui a pris la succession de son patron : « En le voyant, je suis au bord des larmes. Sa présence souligne irréversiblement l’absence de Rex. (…) Grâce à lui, je ne suis plus seul pour apprivoiser la catastrophe. Afin d’être fidèle à mon patron, je vais accomplir simplement mon devoir : expédier les affaires courantes. Cette tâche sans gloire masquera au regard des autres la tragédie de ma vie, rivée à la solitude depuis l’effondrement de la France, en juin 1940. ».

Le Président Emmanuel Macron avait souvent rencontré Daniel Cordier les dernières années de sa vie. Le courant passait bien. Ils pouvaient parler de la Résistance mais aussi d’art. Daniel Cordier revendiquait d’être de gauche, mais contrairement à de nombreux résistants de sa génération, il n’avait pas voulu s’engager dans la vie politique. Au contraire, il voulait définitivement tourner la page et voir l’avenir d’un garçon de 25 ans autrement que celui d’un ancien combattant. Il ne voulait pas être comme son père, qui lui faisait des leçons de morale tous les jours en rappelant les combats de la Première Guerre mondiale. Lui ne serait pas son père pour la Seconde Guerre mondiale. Il n’a pas eu d’enfant.

Le métier dans lequel Daniel Cordier s’est épanoui fut galeriste. Il a acquis de nombreuses œuvres d’art, parfois d’artistes pas très connus mais qui le sont devenus par la suite. Il a légué sa grande collection au Centre Pompidou dont il fut l’un des conseillers initiaux. J’ai eu la chance de voir des œuvres de la collection Cordier à Rodez et à Colmar. Il y en avait de peintres contemporains très jeunes, souvent torturés, parfois qui sont morts jeunes. Il avait le goût de trouver les bons artistes et cette passion de l’art contemporain, il la devait bien sûr à Jean Moulin dont le métier de couverture était galeriste à Lyon. Jean Moulin l’a initié à l’art alors qu’il ne connaissait même pas l’existence de Picasso (qui était déjà très connu, depuis les années 1920).

_yartiCordierDanielG01

Ce n’est qu’à la fin des années 1970 que Daniel Cordier a refait surface, ou plutôt, a fait surface dans le débat public. Henri Frenay avait accusé Jean Moulin des pires rumeurs (d’être un agent soviétique) et Daniel Cordier s’est mis au travail pour défendre son ancien patron. Pas par le témoignage, mais par un travail scrupuleux d’historien. Il convenait que les simples souvenirs altéraient la réalité, la rendaient plus noire ou plus rose. Il voulait se documenter, apporter des preuves et c’est sur le tas, à l’approche de la soixantaine, sans formation préalable mais avec une énergie folle et une motivation de dingue qu’il est devenu un véritable historien de la Résistance, reconnu par les universitaires. On lui doit ainsi plusieurs livres sur Jean Moulin, puis son autobiographie déjà citée qu’il avait écrite avec la prudence des risques d’altération. Ce livre fut un grand succès en librairie, a fait l’objet d’une adaptation à la télévision (pas très réussie car elle collait trop au texte), et lui a donné l’occasion de venir dans les médias pour témoigner, témoigner et témoigner.

Avant-dernier Compagnon de la Libération à avoir été en vie, il ne voulait absolument pas être le dernier qui devait, selon la promesse de De Gaulle, être inhumé dans la crypte du Mont-Valérien, une dernière place lui était réservée. Son autre Compagnon, Hubert Germain, lui, avait accepté puisque c’était ainsi. Le destin les a aidés, Hubert est parti après Daniel.

L’an dernier, Emmanuel Macron a présidé l’hommage national à Daniel Cordier le 26 novembre 2020 dans la cour d’honneur des Invalides : « Lui qui traversa les plus sombres chapitres du siècle dernier (…) ne s’était jamais départi d’une lumineuse légèreté, d’une élégante pudeur quand les honneurs lui étaient rendus. Il nous aurait regardé avec ce sourire d’éternel enfant, aurait prononcé quelques mots dans un souffle et aurait pris congé, sans doute en riant, simplement. À 20 ans en 1940, il fit partie des résistants de la première heure, de ceux qui restèrent debout quand tout s’effondrait, prêts à tous les sacrifices pour que la France restât à la France. ».

Puis, le Président a évoqué le galeriste : « Les plus beaux espoirs et les futurs grands noms de la peinture abstraite se côtoient dans les galeries qu’il ouvre à Paris, à Francfort, à New York. Il voyage, explore le monde, organise des expositions, participe à a Fondation du Centre Pompidou, dont il étoffe les collections par ses conseils et par ses dons. ».

Et se tournant vers Hubert Germain qui assistait à l’hommage dans son fauteuil roulant, tous ses sens bien en alerte, lui qui occupait une chambre aux Invalides, Emmanuel Macron lui dit : « Et aujourd’hui, en cette cour d’honneur des Invalides, il n’en reste qu’un, à qui les braises ardente sont rendues. C’est vous, Hubert Germain. Mon lieutenant, je compte sur vous, et vous le savez, vous ne serez jamais seul. Daniel Cordier a rejoint Jean Moulin et tous vos camarades ; et leur souffle, leur bravoure sont intactes qui vous porteront un jour. ».

_yartiCordierDanielG02

Revenant au secrétaire de Rex : « Daniel Cordier a toujours agi par amour. L’amour de la patrie où se mêlent le passé, la terre et le goût de l’universel ; l’amour de la liberté qui justifie de prendre tous les risques ; l’amour du beau qui le conduisit à révéler tant d’artistes ; l’amour de la vérité qui lui fit écrire l’histoire. ».

À peine onze mois plus tard s’est éteint Hubert Germain. Le 15 octobre 2021, le Président de la République lui a aussi rendu un hommage dans la même cour d’honneur des Invalides : « Mon lieutenant, ces derniers mois, vous avez livré votre ultime combat, votre courage et votre dignité face à la mort furent une leçon pour nombre d’entre nous. L’humilité et les doutes vous ont accompagné et vous êtes devenu chaque jour un peu plus l’incarnation de tous vos compagnons, vibrant de cette flamme première, celle de l’amour de la France et du service de la patrie. Alors, en ce jour, le silence millénaire de l’esprit de résistance et de l’acharnement français vous accompagne. C’est cette cohorte chevaleresque qui vient du font des âges (…). Notre tâche sera de poursuivre avec la même ardeur ce combat. Nous le ferons. ».

Un mois plus tard, à la cérémonie du 11 novembre 2021, Emmanuel Macron a prononcé un autre discours pour honorer la mémoire d’Hubert Germain dont les restes allaient être transférés l’après-midi au Mont-Valérien : « Certaines nations sont faites de frontières partagées, d’hérédités de sang. La France s’est construite sur ses terres par une histoire, une langue, un État, par une volonté. La France vit, survit, surmontant les épreuves des temps grâce à des femmes et des hommes qui, unis par un amour pour sa terre, ses idéaux et ses valeurs, acceptent de risquer jusqu’à leur vie pour une cause plus grande qu’eux. La France est liberté. La France est transmission. Elle vit, survit et surmonte ses épreuves parce que de génération en génération, des femmes et des hommes se transmettent le flambeau de l’idéal. (…) Alors oui, oui, leurs braises ardentes [celles de Compagnons de la Libération] sont dans nos mains. Et quand viendra le jour, quand sonnera l’heure, nous saurons les raviver de ce souffle qui fit lever tous ceux qui nous précédent et qui nous ont fait libres Français et sans lesquels nous ne serions pas là. ».

Après Daniel Cordier et Hubert Germain, après Pierre Simonet et Edgard Tupët-Thomé, après tant d’autres, nous, citoyens, sommes tous dépositaires de cette larme de bravoure, de cette petite flamme qu’il ne faut jamais éteindre, même par temps de forte tempête.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (20 novembre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Daniel Cordier est mort.
Comment devenir résistant ?
Premier de Cordier.
Cordier, ni juge ni flic.
La collection Cordier.
Jean Moulin.
Pierre Simonet.
Edgard Tupët-Thomé.
18 juin 1940 : De Gaulle et l’esprit de Résistance.
Daniel Cordier : « C’est la guerre, que diable, le temps de tous les risques ! À quoi bon les précautions ? Il faut foncer. ».
Témoignage : mon 11 novembre, le songe de l’histoire.
Lazare Ponticelli, le dernier Poilu.
Chasseur alpin, courageux jusqu’au bout de la vie.
Les joyeux drilles de l’escadrille.
10 et 11 novembre 2018 : la paix, cent ans plus tard.
La Grande Guerre, cent ans plus tard.
Hubert Germain, le dernier Compagnon.
La Libération de Paris.
Fête nationale : cinq ans plus tard…
Les 75 ans de la Victoire sur le nazisme.
La Fête de l'Europe.


_yartiCordierDanielG03




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211120-daniel-cordier.html

https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/daniel-cordier-c-est-la-guerre-que-237328

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/11/24/38670695.html









 

Partager cet article
Repost0
19 novembre 2021 5 19 /11 /novembre /2021 03:27

« L’Ordre [des Compagnons de la Libération], surtout, vivra. Protégé par le chef de l’État, gardien de la mémoire de ces femmes et de ces hommes qui, un jour, se sont hissés au-delà d’eux-mêmes pour la liberté de tous. Il fera des compagnons de la liberté, une source éternelle d’inspiration pour tous les enfants de France, toujours unis. » (Emmanuel Macron, le 11 novembre 2021).



_yartiOnzeNovembreB01

Quand j’étais enfant, j’ai eu la chance de pouvoir discuter avec mon arrière-grand-mère. Elle m’avait attendu avant de disparaître. Et je lui demandais pas mal de trucs sur l’histoire. Par exemple : qui était Président avant De Gaulle ? Elle me disait Coty, mais elle en savait beaucoup plus. C’est bizarre, à 8 ans, on se pose des questions et on ne va pas plus loin ; je ne lui ai pas demandé qui était Président avant Coty. Pourtant, j’étais du genre endurant, pourquoi ? ... pourquoi ? … pourquoi ? etc. qui font aller très loin les parents. Je devais être focalisé sur De Gaulle. Elle en savait beaucoup plus parce qu’elle était née dans les débuts de la Troisième République. M’imaginer contemporain de Jules Ferry, Clemenceau, Poincaré, etc.

Mais c’étaient les mathématiques qui m’avaient le plus impressionné. J’avais 8 ans et elle, au début de la Première Guerre mondiale, elle était déjà vieille ! J’avais calculé et recalculé, je retrouvais toujours la même chose : mon arrière-grand-mère avait déjà 30 ans au début de la guerre. Ses deux premières filles, elle les a eues pendant la guerre (tardivement donc). 30 ans déjà alors qu’elle était de l’autre côté du siècle : je n’en revenais pas. Et si cela se trouve, demain, je croiserai un enfant qui sera centenaire et vivra jusqu’en 2120 ! Un seul intermédiaire, et deux siècles un tiers déjà de balayé, c’est impressionnant ! Et encore, je n’ai pas 100 ans !

J’ai fait cette longue introduction parce que j’ai le songe de l’histoire, du temps lointain qui n’est pas si lointain, le temps d’ancêtres que j’ai pu embrasser moi-même. Mais comme cela paraît loin aux enfants d’aujourd’hui. L’équivalent avec moi, c’est Napoléon III. C’est aussi lointain que Napoléon III l’était pour l’enfant que j’étais. À "mon" époque, il y avait encore des Poilus (en fait, il y en a eu jusqu’en 2008). Ce sont maintenant les combattants de la Seconde Guerre mondiale qui se raréfient. La France a inhumé son dernier Compagnon de la Libération le 11 novembre 2021 au Mont-Valérien.

Parlons-en du 11 novembre. De mon 11 novembre. Il y avait une joie presque unanime de célébrer ce 11 novembre-là, en 2021. L’année précédente, il n’y a pas eu de cérémonie, pour cause de covid-19 et de confinement. Trois ou quatre personnes seulement étaient venues se recueillir, pas plus. Alors quand nous nous sommes retrouvés, plus d’une centaine, peut-être cent cinquante pour quelques milliers d’habitants, sur la place centrale, c’était la joie qui se lisait sur les visages. Joie aussi parce qu’il y avait un soleil radieux. Ce genre de temps inespéré en novembre. Un soleil froid, ciel bleu.

C’est à 11 heures que cela a commencé. Une marche silencieuse avec les porte-drapeaux, des anciens combattants et il y avait aussi deux polytechniciens, dont un grand longiligne, des étudiants portant l’uniforme, et le bicorne, et un jeune gendarme. Le policier municipal roulait au pas devant nous, mettant son gyrophare silencieux pour alerter. Une quinzaine d’enfants ouvraient la marche, tous munis de leur écharpe tricolore du conseil municipal des enfants.

Nous sommes arrivés au monument aux morts à 11 heures 11, exactement à la fin de la guerre. Comme c’est stupide de tomber cette matinée-là du 11 novembre 1918, à quelques heures, quelques minutes près. L’accord avait été négocié dans la nuit. Il n’y avait plus de raison de tuer, de mourir, tout était plié.

Je n’étais pas loin du maire.  Pour lui, c’était un peu spécial. Sa première cérémonie du 11 novembre. L’an dernier, il n’était pas là. Il était un peu hésitant. Il s’en est très bien sorti. Tout le monde entourait le monument aux morts. Ah, une précision, le monument aux morts est situé au milieu du cimetière. Cela donnait une ambiance particulière. Il y a un monument aux morts dans chaque village de France. Pas un village n’a été épargné. Toujours des noms, des noms gravés dans le marbre. Remember ! Se souvenir.

_yartiOnzeNovembreB02

J’avais le soleil en pleine face. Agréable mais difficile de voir, avec le contre-jour. Qu’importe ! Il y avait quatre gerbes à déposer. La première du conseil municipal. Le maire est allé la déposer avec deux enfants. Il les a ceinturé de chaque côté avec ses bras et les a invités à se recueillir.

J’ai ressenti une immense émotion. Presque stupide mais oui, j’ai ressenti cette émotion. Heureusement, masque et lunettes de soleil me cachaient. Aucun de ces présents n’ont connu ces hommes qui sont morts pour notre liberté. Qui ont donné leur vie. J’avais cette émotion que plus de cent années après, nous ne les oublions pas, nous ne les oublierons jamais et qu’il fallait absolument transmettre. J’ai repensé à mon émotion devant la tombe de Tom Morel, sur le Plateau des Glières. 29 ans. Sacrifié pour ma liberté.

Cette émotion, je la ressentais en voyant ces enfants de 10 ans à peine, appliqués, qui se recueillaient, qui avaient pris leur matinée, sur un jour férié, un jour de congé. Ils auraient pu jouer, faire leurs devoirs, faire du sport, rester avec leurs parents, faire la grasse matinée (rare à cet âge)… Non, ils sont allés avec les grands, ou les vieux (?), à porter drapeaux et gerbes. Oui, j’étais fier de ma commune et fier de mon pays, capable de transmettre ces impératifs du souvenir, ces valeurs républicaines. Eux-mêmes, lorsqu’ils seront adultes, transmettrons à leur tour, et ainsi de suite.

Il y a eu quatre gerbes en tout. La deuxième était la gerbe du conseil municipal des enfants et ils l’ont déposée seuls. Il ne faut pas croire que ce n’était rien. Le conseil municipal des enfants reçoit chaque année une dotation et cette somme, ils en font ce qu’ils veulent, dans l’intérêt général bien sûr, décidée à la majorité absolue. Il y a eu ensuite la gerbe des anciens combattants, avec un ancien combattant et toujours deux enfants venus l’aider. Et enfin, la gerbe du député du coin, que le maire et deux autres enfants ont déposée. Le député du coin, absent (il y a plus d’une commune dans sa circonscription !), je ne vais pas dire qui c’est même s’il a une notoriété nationale, on pourra toujours dire qu’il fait campagne (renouvellement dans sept mois), mais c’était d’abord une marque d’attention qui avait son poids, sa valeur.

Les quatre gerbes étaient déposées. Le policier municipal a appuyé sur un bouton. La Marseillaise. Là aussi, forte émotion. Non, on ne peut pas se moquer des anciens combattants. Ils sont là pour rappeler d’où nous venons. Des jeunes, presque des gamins, qui se faisait tuer, parfois des têtes brûlées. Du hasard. Des bombardements. De la bravoure.

Le maire a dit alors "Fermez le ban". Il a lu un message du Ministre de l’Intérieur. Tout un speech sur Hubert Germain qu’on enterrait ce matin, au même moment, dans la crypte du Mont-Valérien. L’une des dernières volontés de De Gaulle. Le hasard a voulu qu’il fût aussi un ministre de Georges Pompidou, un proche de Pierre Messmer. Messmer et lui ont fait des batailles héroïques ensemble. Le soleil commençait à chauffer le ciel. Les enfants étaient silencieux, les adultes aussi, le silence planait.

Ensuite, un enfant, de 9-10 ans, a lu un discours. Il s’exprimait bien. Sans hésitation. Il a même su tenir son micro. Il était tout près de moi, sur ma gauche. J’imaginais qu’il avait répété plusieurs fois. Une vingtaine de minutes plus tard, à la sortie du cimetière, les parents avaient rejoint leur enfant et se sont excusés car ils avaient des invités pour le déjeuner, ils devaient partir. Je n’ai pas pu m’empêcher de remercier l’enfant, de le féliciter, il avait été extra pour la lecture.

_yartiOnzeNovembreB03

Le contenu de cette cérémonie était millimétré. Il a juste manqué l’homélie. Le maire me glissa dans l’oreille un peu plus tard qu’il ne savait pas qu’il pouvait aussi prononcer un discours personnel. On lui avait dit que ce n’était pas l’occasion, mais en fait, si, bien sûr que si que le maire pouvait donner son commentaire. Exactement comme dans un mariage.

J’étais venu le matin avec l’un de ses sympathiques prédécesseurs, un nonagénaire maintenant mais un cœur toujours aussi vif et jeune, qui m’expliquait qu’effectivement, tous les 11 novembre, il faisait aussi ses propres discours. Il le préparait longuement, il s’y prenait au moins quinze jours à l’avance, le retravaillait, le changeait et il demandait à son assistante de le corriger.

Homélie, lecture, recueillement, communion, chants, enfants de chœur, saints… cela ne vous pique pas les yeux ? Évidemment que la République a sa propre liturgie, le maire est le prêtre, et tout tourne autour de la transcendance, de la mort, du sacrifice. C’est incroyable comme il y a des rites républicains qui collent aux rites religieux (je dirais ici chrétiens). La foi en la patrie en guise d’espérance. Pas étonnant que Charles Péguy ait eu autant de lecteurs.

Le maire, à ma connaissance, n’est pas chrétien, il serait même anticlérical, au moins pour une raison non avouable : le chef de l’opposition municipale s’était investi dans l’association paroissiale (il ne connaissait pas la ville, cela lui a fait des amis, on manque toujours de bonne volonté dans ces lieux). Eh bien, à la fin de la célébration, il a proposé de faire un tour dans le cimetière. Lui aussi aime bien la fréquentation des cimetières.

Il faut savoir que le maire a deux obligations intangibles qu’il doit à tout prix respecter sous peine d’être dessaisi par le préfet, tout le reste est négociable, en termes d’équipement : les écoles primaires et les cimetières, avec une importance directement proportionnelle au nombre d’habitants. Nous avons de la place maintenant, on avait repoussé le terrain de football il y a quelques années et le cimetière a presque triplé de surface.

Dans cette seconde partie du cimetière, très peu de places sont occupées, mais malgré tout, petit à petit, il se remplit. Nous y avons même vu la tombe d’une adolescente. 12 ans, c’est bien jeune pour mourir. Un peu auparavant, nous nous sommes arrêtés sur la tombe d’un ancien maire récemment disparu et qui avait marqué énormément l’histoire récente de la ville. Notre petit cortège était toujours introduit par les porte-drapeaux et les enfants.

Derrière moi, une mémoire de la ville (pas si âgée que cela !) racontait à un petit-fils (je crois) où était enterrée son arrière-grand-mère, ainsi qu’une autre tante. L’enfant découvrait, ou redécouvrait. Les cimetières ne semblaient pas être fréquentés souvent. Les discussions étaient nombreuses. Après l’émotion et la tension, la détente et la convivialité.

Après notre petit tour, nous sommes sortis du cimetière sous les drapeaux, autour des enfants, et là, il y a eu dispersion. Le maire a invité l’assistance à venir boire le verre de l’amitié à la mairie. La salle venait d’être restaurée. C’était le premier pot public depuis le début de la crise sanitaire. Il n’y a pas eu de vérification du passe sanitaire, mais personne ne savait s’il était nécessaire ou pas (après recherche, apparemment, il le fallait pour un rassemblement de plus de 50 personnes, mais pour un rassemblement sans masque, puisqu’il fallait ôter le masque pour boire, il aurait fallu le passe même à moins de 50). J’y ai découvert une nouvelle plaque en verre, sur laquelle était inscrite la liste des maires de la ville depuis la Révolution. Il manquait un nom, le maire actuel, qui n’a, semble-t-il, pas voulu y figurer avec une date manquante.

Le sujet de discussion au pot ? Les projets d’avenir, un aménagement urbain, peut-être une nouvelle ville dans quelques années, sous la direction de l’État, de quoi échauffer bien des esprits. Nous étions déjà ancrés dans l’avenir après nous êtes recueillis dans le passé. Racines et modernité sont deux éléments indispensables à la vie : le progrès ancré dans son terroir. C’est l’enjeu des prochaines années, et les morts de 1914-1918 n’en sont pas moins absents… du moins dans les consciences. Émues. Le soleil au zénith l’a emporté sur le froid. Le maire a refermé la mairie et est rentré rejoindre sa famille.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (11 novembre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Témoignage : mon 11 novembre, le songe de l’histoire.
Lazare Ponticelli, le dernier Poilu.
Chasseur alpin, courageux jusqu’au bout de la vie.
Les joyeux drilles de l’escadrille.
10 et 11 novembre 2018 : la paix, cent ans plus tard.
La Grande Guerre, cent ans plus tard.
Hubert Germain, le dernier Compagnon.
La Libération de Paris.
Fête nationale : cinq ans plus tard…
Les 75 ans de la Victoire sur le nazisme.
La Fête de l'Europe.

_yartiOnzeNovembreB04




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211111-onze-novembre.html

https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/temoignage-mon-11-novembre-le-237129

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/11/13/39218750.html






 

Partager cet article
Repost0
5 novembre 2021 5 05 /11 /novembre /2021 03:05

« Ça continue toute sa vie en fait, c’est comme Tchernobyl, on met ça sous un sarcophage, mais cela continue. » (témoignage d’une victime, rapport Sauvé, 5 octobre 2021).



_yartiLegsEglise01

Je ne sais pas si c’est la proximité de la Toussaint, mais depuis quelques semaines est diffusé à la télévision un spot publicitaire assez court et succinct. L’ambiance est première communion, la musique va bien avec l’image d’une flamme qui est transmise de bougie à bougie. Le style est un peu image de première communion. Cette publicité m’indigne et me scandalise. Certes, il y a d’autres sujets d’indignation, mais tout ce qui touche à l’Église est important pour un croyant.

Pour être honnête, j’ai déjà vu ce spot il y a quelques années, et j’ai même l’impression que c’était sans aucun changement, ce qui est probablement une part de mon désarroi. Je crois qu’il a été diffusé également l’an dernier, et cela avait choqué quelques tweeters pour d’autres raisons.

Le message ? Très compréhensible. L’émetteur est l’Église catholique, cela peut être une association diocésaine, en tout cas française, même si le contact indiqué est une adresse internet générique. Le destinataire : plutôt des personnes âgées, mais plus généralement, ceux qui laisseront quelque chose après leur décès. Ceux qui vont mourir donc (et qui saluent), mais qui n’ont pas d’enfants ou de petits-enfants, bref, pas de descendants directs, d’héritiers directs. Des croyants aussi. Le message s’adresse aux croyants. Le message propose alors de faire un legs à l’Église catholique, voire de la désigner comme légataire universelle.

L’idée est simple et se base sur un dispositif fiscal. Une association catholique, au même titre que d’autres associations reconnues d’utilité publique, dans n’importe quel domaine, n’est pas soumise à l’impôt sur les successions. Ainsi, l’organisme peut hériter sans avoir à payer des droits de succession. Ce dispositif permet quand même de transmettre son patrimoine à ses neveux par exemple, mais en donnant également une partie à l’Église, sans léser ces neveux car à la fin, ils auront hérité de la même somme (les neveux sont imposés à 55% !).

_yartiLegsEglise03

Ce dispositif est valable pour d’autres œuvres, comme une fondation contre le cancer ou n’importe quel autre activité reconnue d’utilité publique. Bien sûr, les bouffe-curés y ont vu un financement public de la religion, mais c’est prendre par le mauvais bout tout le secteur des dons en général. Plus généralement, c’est un dispositif incitatif à être généreux, et par la même occasion, c’est un dispositif qui encourage, par l’État, l’initiative privée pour le bien public. On évalue à 600 millions d’euros le montant des legs annuels au bénéfice des organisations d’intérêt général.

Que l’Église, au même titre que des organismes de recherche etc., puisse en bénéficier ne me choque pas, évidemment. Le fait qu’un tel spot ait été également diffusé l’an dernier en pleine vague épidémique, à une époque où les décès étaient nombreux, ne me choque pas, au contraire de certains internautes. Car dans ce cas, la moindre publicité de pompes funèbres, voire d’assurance décès aussi pourrait choquer dans une période de forte mortalité. Il faut bien que la vie continue, et quand on commence à limiter sa communication parce qu’il y a beaucoup de morts, il faut avoir ensuite le courage d’aller jusqu’au bout et de dire à partir de combien de morts c’est scandaleux.

Non, tout cela ne me choque pas. Moi, ce qui me choque, précisément maintenant, précisément en fin octobre ou début novembre 2021, c’est que l’Église catholique, avec un spot un peu neuneu (mais je ne veux pas juger de la qualité du spot), n’a pour communication payante que ce message-là, alors qu’elle doit d’abord avoir un message beaucoup plus pertinent.

Je ne comprends pas comment un émetteur puisse ne pas imaginer comment réagissent ceux qui le reçoivent. Ne pas se mettre à leur place. Et pourtant, la religion, le prêtre, l’évêque, la "bonne nouvelle", c’est un "métier" de transmission, où il faut s’assurer que le message est bien transmis, qu’il y ait un accusé réception, au même titre qu’un enseignant, qu’un journaliste, qu’un responsable politique. Comment être aussi "autiste" ? Comment ne pas imaginer l’émotion, l’impression d’abandon, la réaction qui, parfois, et je ne parle pas seulement des victimes et de leurs proches, pourrait être violente ?

En effet, depuis la publication du rapport Sauvé qui fait état d’une tragédie à grande échelle d’abus sexuels sur mineurs, couverts par le silence sinon commis par la hiérarchie catholique, il y avait un besoin de communication évident avant de venir quémander un legs ou un don. Beaucoup de catholiques ont été effondrés par l’ampleur de la catastrophe humaine et cette publicité me paraît, dans ce calendrier, une aberration de communication, une indécence. En tout état de cause, une réelle maladresse.

Avant de venir solliciter la générosité des fidèles, il faut d’abord prendre le temps d’expliquer, de présenter la situation, de convaincre en quoi cette catastrophe ne se reproduira pas, car pour le moment, tout se passe comme si le donateur venait à financer un processus qui favorise les abus sexuels. Avant donc d’en appeler à la générosité, il est indispensable de renouer la confiance. La confiance pour ne pas inspirer l’indécence.

_yartiLegsEglise02

Alors que les évêques de France se réunissent depuis le 2 novembre 2021 en assemblée plénière, je ne doute pas de leur sincérité et de leur volonté de bien faire. Mais le tsunami provoqué par le rapport Sauvé, qui a confirmé ce qu’on imaginait implicitement mais pas dans cette démesure de gravité inouïe, nécessite qu’il faille retrouver la voie de la confiance, et celle-ci ne se reconstruit pas en trois jours.

Lorsque les évêques avaient envisagé d’indemniser les victimes, ce qui n’était pas pour absoudre l’Église des fautes commises mais surtout pour les reconnaître explicitement dans leur situation de victimes, ils avaient insisté pour dire que les dons des fidèles ne serviraient pas à financer ces indemnisations. J’imagine d’ailleurs que la situation des dons à l’Église catholique subit en ce moment la même chute vertigineuse que les dons à l’ARC, l’association de la recherche contre le cancer, après le scandale. J’imagine la situation grave que subit ainsi l’Église dans son ensemble, dans son institution, qui n’y pouvait rien des crimes et des délits sexuels, mais qui n’a rien fait de très efficace pour les prévenir.

Lorsqu’une institution aussi importante, aussi imposante, aussi ancienne, aussi universelle que l’Église catholique est touchée par un si grand scandale, la moindre des choses, c’est de ne pas faire comme auparavant. La moindre des choses, c’est de se poser, de réfléchir, de demander pardon, de recréer le lien, ce lien de confiance, ce contrat de confiance pour assurer que cette institution, désormais, elle ne me violera pas, elle ne violera pas mes enfants, elle ne violera pas mes petits-enfants…

Cette demande de pardon, c’est d’ailleurs la première chose qui a été faite. Par les évêques français par la voix de Mgr Éric de Moulin-Beaufort, par la voix du pape François. Mais ce n’est pas suffisant, ce message, il n’est pas passé partout, et il faut inlassablement le répéter, le marteler : regretter et montrer que cela ne se reproduira pas, avec la création de structures indépendantes d’écoute, de contrôle, et d’alerte. Pas des structures de sanction, nous sommes en République, ce sont les lois de la République qui s’appliquent, avec ses tribunaux, mais une structure d’alerte, d’alerte du procureur de la République. D’ailleurs, on ne peut pas ignorer la bonne volonté des autorités catholiques, toutes veulent s’attaquer à ce problème et trouver des réponses convaincantes. Sinon, elles n’auraient pas voulu qu’un tel rapport, lucide et indépendant, qu’elles ont elles-mêmes financé, fût rédigé et publié.

Mais il faut aller au bout. Le spot publicitaire sur les legs, aussi dérisoire soit-il, aussi nunuche soit-il, est une insulte à tous les catholiques qui ont été meurtris, moralement sinon physiquement, par les conclusions de ce rapport sinon par les prédateurs qui ont peuplé cette Église. Il faut d’abord chercher à les reconquérir en leur donnant des garanties. Le temps du retour à la demande de dons et legs est pour plus tard. C’est trop tôt. C’est surtout très contreproductif. Tant qu’à émettre un message aux catholiques par voie hertzienne, il faut d’abord parler de ce sujet, l’unique sujet du moment pour l’Église, ne pas faire comme si, mettre tout à plat, et donner les pistes d’un retour à la confiance. On ne donne jamais quand on n’a pas confiance. C’est la condition de base.

Cette campagne publicitaire, pas plus stupide qu’une autre, est dans ces temps troublés une machine à donner la nausée. Pour un résultat insignifiant : une bouteille dans un océan asséché. Il faudra du temps et de la patience pour reprendre le fil. Heureusement, l’Église est toujours vivante, elle est composée d’une multitude de bonnes âmes enthousiastes et volontaires. Mais il ne faut pas les décourager. Il ne faut pas refermer le sarcophage...


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (04 novembre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Legs et indécence.
Il y a un an, l’attentat de la basilique Notre-Dame de Nice le 29 octobre 2020.
Aider les chrétiens d’Orient sur France Inter : l’hypersensibilité de la laïcité.
Les messes à l’épreuve du covid-19.
Pâques 2020, le coronavirus et Dieu…
Secret de la confession et lois de la République.
Mgr Éric de Moulins-Beaufort.
Abus sexuels dans l’Église : honte, effroi et pardon !
Rapport de Jean-Marc Sauvé remis le 5 octobre 2021 sur la pédocriminalité dans l’Église (à télécharger).
Présentation du rapport Sauvé le 5 octobre 2021 (vidéo).
Discours du pape François le 24 février 2019 au Vatican (texte intégral).
La protection des mineurs dans l’Église.
Protection des mineurs (2) : pas d’imprescriptibilité pour la pédocriminalité.
Protection des mineurs (1) : 15 ans, âge minimal du consentement sexuel ?
Richard Berry et l’immonde.
Olivier Duhamel et le scandaleux secret de famille de Camille Kouchner.
La faute de Mgr Jacques Gaillot.
Ni claque ni fessée aux enfants, ni violences conjugales !
Mgr Barbarin : le vent du boulet.
Polanski césarisé au milieu des crachats.
Faut-il boycotter Roman Polanski ?
Pédophilie dans l’Église catholique : la décision lourde de Lourdes.
David Hamilton.
Adèle Haenel.
Mgr Barbarin : une condamnation qui remet les pendules à l’heure.
Pédophilie dans l’Église : le pape François pour la tolérance zéro.
Le pape François demande pardon pour les abus sexuels dans l’Église.
Violences conjugales : le massacre des femmes continue.

_yartiLegsEglise04



https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211026-legs-eglise-catholique.html

https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/legs-et-indecence-236770

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/10/29/39197743.html







 

Partager cet article
Repost0
29 octobre 2021 5 29 /10 /octobre /2021 03:17

« Le terroriste qui est venu pour y semer la mort n’a pas uniquement profané un lieu de culte, il a aussi profané cet esprit d’accueil et d’hospitalité dont la ville de Nice a fait un idéal. Le terrorisme s’en prend à ce que nous sommes, à ce qui fait notre identité, à notre liberté, à notre culture et enfin, à nos vies. L’ennemi, nous le connaissons. Non seulement il est identifié, mais il a un nom, c’est l’islamisme radical. Une idéologie politique qui défigure la religion musulmane en détournant ses textes, ses dogmes et ses commandements pour imposer sa domination par l’obscurantisme et la haine. » (Jean Castex, le 7 novembre 2020 à Nice).


_yartiAttentatNice20201029A01

Il y a un an, le 29 octobre 2020 en début de matinée, a été commis l'attentat terroriste à la basilique Notre-Dame l’Assomption de Nice. Trois victimes, qui était présentes dans la basilique, ont été assassinées par l’assaillant islamiste, un Tunisien du 21 ans qui a été blessé, arrêté et hospitalisé. Une messe du souvenir est prévue à 19 heures dans la basilique.

C’était la seconde fois que la ville de Nice a été ainsi traumatisée par un attentat terroriste, après l’attentat du 14 juillet 2016. C’était aussi la seconde fois que l’Église catholique a été touchée par un tel drame après l’assassinat du père Jacques Hamel le 26 juillet 2016.

L’assassin était venu en France, à Nice, clandestinement le 27 octobre 2020, probablement par train depuis Rome après avoir traversé la Méditerranée, rescapé à Lampedusa le 20 septembre 2020 par la Croix-Rouge italienne, amené à Bari le 9 octobre 2020 avec une obligation de quitter le territoire italien (mais laissé libre). Il a été mis en examen et écroué le 7 décembre 2020 après son hospitalisation.

Quelques heures après ce triple assassinat, le parquet national antiterroriste s’est saisi de l’affaire pour "assassinat et tentative d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste" et pour "association de malfaiteurs terroriste criminelle". Dans les jours qui ont suivi, six hommes ont été arrêtés qui étaient en contact avec l’assassin ou entre eux (et que les caméras de vidéoprotection ont repérés la veille de l’attentat sur les lieux, ainsi que le terroriste lui-même qui faisait des repérages). Le 30 octobre 2020, le Ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a affirmé à "La Voix du Nord" que l’assassin était venu en France « manifestement pour tuer ». L’enquête semble encore en instruction judiciaire.

Les réactions étaient évidemment unanimes pour condamner fermement cet attentat, y compris celle du Conseil français du culte musulman (CFCM) qui a appelé au recueillement et à la fermeture des mosquées. La cloche des défunts a retenti partout en France à 15 heures le jour même de l’attentat. Les sénateurs et les députés, en séances publiques, ont observé une minute de silence dès la connaissance du triple assassinat. Le plan Vigipirate a été renforcé et 4 000 militaires supplémentaires ont été déployés partout en France.

Le même jour, un terroriste a été tué après l’échec d’une tentative d’attentat à Avignon, un autre attentat a eu lieu également le 29 octobre 2020 contre le consulat français à Djeddah en Arabie Saoudite. Le surlendemain, un prêtre orthodoxe a été blessé par balle à Lyon (mais la piste terroriste n’est peut-être pas confirmée, l’assaillant a pris la fuite). Le 2 novembre 2020, un attentat islamiste à Vienne, en Autriche, a tué quatre personnes. Quelques jours auparavant, Samuel Paty avait été assassiné le 16 octobre 2020 à Éragny, près de son collège de Conflans-Sainte-Honorine.

Par ailleurs, la situation en France était déjà très tendue car Emmanuel Macron venait de s’exprimer au cours d’une allocution télévisée la veille au soir pour annoncer le deuxième confinement pour cause de pandémie de covid-19.

Accompagné par le Ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et le Ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti, le Président de la République Emmanuel Macron s’est rendu l’après-midi du 29 octobre 2020 devant la basilique Notre-Dame de Nice pour apporter le soutien de la République aux proches des victimes. Dans une courte déclaration (qu’on peut lire ici dans son intégralité), Emmanuel Macron a affirmé : « Très clairement, c’est la France qui est attaquée. (…) C’est une nouvelle fois les catholiques qui sont attaqués dans notre pays, menacés avant les fêtes de la Toussaint. La Nation toute entière se tient à leurs côtés et se tiendra pour que la religion puisse continuer de s’exercer librement dans notre pays, car notre pays sait cela. Ce sont nos valeurs, que chacun puisse croire ou ne pas croire, mais que chaque religion puisse s’exercer. Aujourd’hui, la Nation toute entière se tient aux côtés de nos concitoyens catholiques. ».

_yartiAttentatNice20201029A02

Emmanuel Macron a tenu à rassembler dans l’unité nationale : « En France, il n’y a qu’une communauté, c’est la communauté nationale. Je veux dire à tous les concitoyens, quelle que soit leur religion, qu’ils croient d’ailleurs ou qu’ils ne croient pas, que nous devons dans ces moments nous unir et ne rien céder à l’esprit de division. Je sais que tous nos concitoyens sont aujourd’hui profondément choqués, bouleversés de ce qui vient une fois encore de se passer. J’appelle à l’unité de tous. ».

Accueillant Emmanuel Macron à Nice, le maire de Nice Christian Estrosi a affirmé : « Trop, c’est trop. Il est temps maintenant que la France s’exonère des lois de la paix pour anéantir définitivement l’islamo-fascisme de notre territoire. ». Député de Nice, et actuellement candidat à l’investiture LR pour l’élection présidentielle de 2022, Éric Ciotti a, quant à lui, déclaré : « Pour la première fois depuis l’Occupation, la France n’est plus libre ! Notre pays est en guerre, nous sommes en guerre ! Pensées pour les victimes de ce nouvel attentat qui touche au cœur notre ville de Nice. ».

De nombreux chefs d’État et de gouvernement ont exprimé leur solidarité et leur soutien aux Français à l’occasion de cette tragédie, en particulier Angela Merkel (Allemagne), Boris Johnson (Royaume-Uni), Giuseppe Conte (Italie), Pedro Sanchez (Espagne), Ursula von der Leyen (Commission Européenne), le pape François, Justin Trudeau (Canada)… et même Donald Trump (États-Unis) qui a tweeté : « Nous sommes de tout cœur avec le peuple français. L’Amérique se tient aux côtés de son plus vieil allié dans ce combat. Ces attaques terroristes islamiques radicales doivent cesser immédiatement. Aucun pays, que ce soit la France ou un autre, ne peut le supporter plus longtemps ! ».

Un hommage national a été rendu aux trois victimes le samedi 7 novembre 2020 sur la colline du Château, qui surplombe la Baie des Anges à Nice, sous la présidence du Premier Ministre Jean Castex et en présence notamment de l’ancien Président Nicolas Sarkozy, de l’évêque de Nice Mgr André Marceau, de Gérard Larcher (Président du Sénat), du Prince Albert de Monaco, de Renaud Muselier (président du conseil régional de PACA), du violoncelliste Gautier Capuçon (qui a joué pendant la cérémonie), etc.

À cette occasion, Jean Castex a déclaré : « Les prières d’une mère de famille ne condamnent pas à mort. Des cierges allumés au petit matin ne condamnent pas à mort. L’humble travail d’un sacristain ne condamne pas à mort. Et pourtant (…), trois personnes ont été assassinées parce qu’elles pratiquaient paisiblement leur religion (…). Ces trois personnes avaient un nom, une vie, une famille, et aujourd’hui, elles sont dans le cœur de tous les Français. Ces noms, je suis venu ici les honorer. Ces vies, je suis venu ici pour dire qu’elles avaient une valeur incommensurable, celle de toute vie humaine, unique par définition. Ces familles, je suis venu leur apporter les condoléances de la Nation toute entière. (…) Un terroriste a volé trois vies au cœur d’une église. ».

_yartiAttentatNice20201029A03

Alors, pour leur mémoire, rappelons-nous ces trois victimes. Ne les oublions pas !

Nadine Devillers (60 ans) était une fidèle très régulière de la basilique et habitait à proximité. En recherche d’emploi, elle adorait le théâtre, jouait Shakespeare, Tchekhov et Fassbinder, et écrivait en secret dans l’espoir d’être publiée. La diffusion de "L’Indifférence", une chanson de Gilbert Bécaud, a accompagné son hommage.

Vincent Loquès (55 ans le lendemain de son assassinat), père de deux enfants et ancien maçon, était le sacristain de la basilique, la faisait vivre, la personnifiait, il savait faire la crèche de Noël, il était connu et apprécié de tout le quartier. La lecture du poème poignant de Victor Hugo qui venait de perdre sa fille Léopoldine "Demain, dès l’aube" a accompagné son hommage.

Simone Barreto Silva (44 ans), mère de trois enfants et auxiliaire de vie, a été une héroïne en plus d’une victime, puisque blessée, elle a réussi courageusement à se traîner jusqu’à un bar près de la basilique pour donner l’alerte et sauver probablement d’autres vies, avant hélas de mourir sur place. La diffusion de "Toda menina baiana" de Gilberto Gil a accompagné son hommage. La victime était franco-brésilienne ; elle était venue en France en 1996 pour faire des études et allait prier avant de prendre son travail.

Rappelant que Romain Gary, futur Compagnon de la Libération, était arrivé en France à Nice dont il fréquentait assidûment la basilique Notre-Dame de l’Assomption, où il « s’était de son propre aveu, simplement converti à la France », Jean Castex a terminé son hommage par : « Je ne vois pas, aujourd’hui, de plus belle image pour dessiner, ici à Nice, le véritable visage de la France. C’est cette France-là, ouverte, diverse et accueillante que l’islamisme radical cherche à abattre. La France que nous aimons et que nous ne laisserons pas défigurer par ceux qui, le 29 octobre [2020], ont ensanglanté La Promesse de l’aube. ».

Que la mémoire de ces trois victimes, comme celle de toutes les autres victimes du terrorisme, puisse perdurer au fond des âges afin de mettre en échec ces épouvantables producteurs de mort et de désolation.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (24 octobre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Il y a un an, l’attentat de la basilique Notre-Dame de Nice le 29 octobre 2020.
Discours du Premier Ministre Jean Castex le 7 novembre 2020 à Nice en hommage aux victimes de l’attentat du 29 octobre 2020 (texte intégral).
Déclaration du Président Emmanuel Macron le 29 octobre 2020 à Nice (vidéo et texte intégral).
Le maire de Nice.
Samuel Paty : faire des républicains.
Les attentats du 11 septembre 2001 et la naissance du complotisme 2.0.
Les attentats du 11 septembre 2001.
Complot vs chaos : vers une nouvelle religion ?
Nouveau monde.
Qu’aviez-vous fait le 11 septembre 2001 ?
11 septembre, complot ?
Les théories du complot décortiquées sur Internet.
Ben Laden, DSK, même complot ?
L'attentat de Kaboul du 26 août 2021.
Jacques Hamel, martyr de la République autant que de l’Église.
Fête nationale : cinq ans plus tard…

_yartiAttentatNice20201029A04




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211029-attentat-basilique-nice-2020.html

https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/il-y-a-un-an-l-attentat-de-la-236835

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/10/29/39196900.html






 

Partager cet article
Repost0
26 octobre 2021 2 26 /10 /octobre /2021 03:52

« Pierre Simonet était bien un héros : il avait beau refuser ce titre, il en possédait tous les attributs, le courage, la force morale, le sens du devoir. Le Président de la République salue la vie de cet homme animé du souffle de la liberté qui, par-delà les risques et les frontières, fut toujours guidé par son immense amour de la France. » (Communiqué de l’Élysée, le 5 novembre 2020).



_yartiSimonetPierre03

L’un des trois derniers Compagnons de la Libération Pierre Simonet est né il y a 100 ans, le 27 octobre 1921 à Hanoi où son père polytechnicien avait été mobilisé. Il avait donc 18 ans le 17 juin1940, quand il a refusé l’armistice. Il fut le plus jeune des trois derniers et celui qui est parti en premier, le 5 novembre 2020 à Toulon, peu après son 99e anniversaire. À cause de la deuxième vague du covid-19, aucun hommage solennel n’a pu avoir lieu aux Invalides en son honneur pendant cette période, au contraire de Daniel Cordier le 26 novembre 2020 puis Hubert Germain le 15 octobre 2021.

Juste avant la guerre, Pierre Simonet était revenu d’Indochine et sa famille s’était installée à Bordeaux. Il avait 17 ans au début de la Seconde Guerre mondiale, trop jeune pour être mobilisé, il était en classe de "maths spé" au lycée Montaigne de Bordeaux. Dans un communiqué le 5 novembre 2020, le Président Emmanuel Macron a rappelé l’adolescent : « [Il] poursuivait alors ses études de mathématiques, mais cette année 1939-1940 fut surtout celle de l’éveil à la ferveur patriotique : le jour, il défilait avec ses camarades de classe pour manifester leur soutien aux Alliés ; le soir, il aidait à l’hôpital où affluaient les blessés. Lui qui avait aimé cette patrie de loin [d’Hanoi], qui l’aimait plus encore de près, refusait de la voir tomber aux mains d‘une puissance étrangère. On est parfois sérieux quand on a 17 ans. ».

Coïncidence, Hubert Germain, qui vient de mourir, avait fréquenté le même lycée que Pierre Simonet à Hanoi, puis à Bordeaux, et ils ont eu la même réaction, partir le 24 juin 1940 depuis Saint-Jean-de-Luz vers Londres via Liverpool pour rejoindre De Gaulle. Par la suite, ils ont combattu ensemble au sein des FFL dans les mêmes batailles (en particulier celles de Bir Hakeim et d’El Alamein en 1942 sous le commandement du général Pierre Kœnig).

Pierre Simonet a été opérationnel dès le 29 août 1940, envoyé à Sénégal, puis au Cameroun, puis en Syrie, en Libye, en Égypte, etc. En avril 1944, il a participé à la campagne d’Italie, contribuant à libérer Rome et Sienne, puis au débarquement en Provence et à la campagne d’Alsace. Le 27 décembre 1945, son héroïsme pour la France fut reconnue par De Gaulle qui l’a fait Compagnon de la Libération.

_yartiSimonetPierre02

Responsable des transmissions et de l’observation notamment aérienne (durant toute la guerre, il a fait 250 heures de vol et 137 missions de guerre), Pierre Simonet a été un véritable héros, agissant toujours avec courage et bravoure. Dans le même communiqué d’hommage du 5 novembre 2020, Emmanuel Macron a raconté sa périlleuse journée du 16 mars 1942 : « Alors qu’une dizaine de chars allemands approchait à pleine vitesse et que le capitaine avait donné l’ordre de décrocher, il débrancha les fils, attrapa son central téléphonique et, lesté de cinq kilos de matériel, se mit à courir vers son véhicule. À découvert sous les tirs des mitrailleuses allemandes, il put rejoindre la colonne et rentrer indemne au camp. À 21 ans, il avait déjà connu la soif, frôlé la mort, vécu l’enfer des combats, et reçu ses deux premières citations. ». En tout, il en a eu sept, de citations.

Après la guerre, comme Daniel Cordier, Pierre Simonet n’a pas amorcé une carrière politique. Au contraire, il a continué ses études au sein de l’École nationale de la France d‘Outre-mer et de 1948 à 1985, il a eu une carrière de haut fonctionnaire. Comme administrateur de la France d’Outre-mer, il a travaillé un peu partout dans le monde, notamment pour des organisations internationales comme la FAO, l’ONU, l’OCDE et le FMI. Il s’est installé à Toulon pour sa retraite.

Peu avant de mourir, Pierre Simonet a reçu le 20 janvier 2020 les insignes de Grand-croix de la Légion d’honneur, et le 7 juillet 2020, les insignes de l’ordre de l’Empire britannique, une manière qu’a eue le Premier Ministre britannique Boris Johnson de rendre hommage aux résistants français à l’occasion du quatre-vingtième anniversaire de l’appel du 18 juin 1940, en honorant les quatre derniers survivants des Compagnons de la Libération (le quatrième était Edgard Tupët-Thorné, parti quelques semaines avant Pierre Simonet, le 9 septembre 2020).

Parti en pleine vague épidémique, Pierre Simonet a été enterré discrètement le 13 novembre 2020 dans le cimetière d’un petit village de la Drôme où l’attendaient sous terre sa femme et un de ses cinq enfants.

Lorsque le Président Emmanuel Macron a rendu un hommage national au dernier Compagnon de la Libération Hubert Germain, le 15 octobre 2021 aux Invalides, il parlait aussi pour tous ses compagnons d’arme, tous ces résistants qui ont risqué leur vie pour que je puisse aujourd’hui m’exprimer librement et durablement. En particulier : « Avec les 1 037 Compagnons de la Libération qui, voilà 80 ans, ont relevé la France de l’abîme, il forma un ordre fraternel, une phalange de l’idéal. À l’aube comme au crépuscule, il fut le dernier à rendre les armes. Résistant de la première heure et ultime héros de ce cercle de combattant désormais disparu. ».

Conformément à la promesse ultime, Hubert Germain, le dernier des Compagnons de la Libération, sera inhumé le jeudi 11 novembre 2021 au Mont-Valérien, représentant Pierre Simonet et tant d’autres dans la Résistance : « Dernier chancelier d’honneur de l’Ordre de la Libération, [Hubert Germain] en a attisé les braises ardentes jusqu’à son dernier souffle. Elles ne s’éteindront pas avec lui. Hubert Germain reposera dans la crypte du Mont-Valérien, scellant ainsi l’histoire des 1 038 compagnons. Nous avons des convictions philosophiques, politiques et religieuses différentes, voire opposées, mais nous avons su nous rassembler pour la cause sacrée de la liberté de notre patrie. Tels étaient ses mots. Alors, oui, l’Ordre de la Libération lui survivra, indépendant et fidèle à son histoire. J’en fais ici le serment. » (Emmanuel Macron, le 15 octobre 2021).

Ne les oublions jamais et ne brisons pas leur rêve, ils sont nos exemples !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (23 octobre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Pierre Simonet.
Hommage national rendu à Hubert Germain le 15 octobre 2021 aux Invalides (texte intégral et vidéo).
Hubert Germain.
De Gaulle.
Daniel Cordier.
La France, 50 ans après De Gaulle : 5 idées fausses.
Edgard Tupët-Thomé.
Seconde Guerre mondiale.
Le courage exceptionnel de deux centenaires.
Libération de Paris.
18 juin 1940 : De Gaulle et l’esprit de Résistance.

_yartiSimonetPierre01




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211027-pierre-simonet.html

https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/n-oublions-pas-le-heros-pierre-236752

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/10/25/39191498.html








 

Partager cet article
Repost0
15 octobre 2021 5 15 /10 /octobre /2021 17:34

(verbatim)


Pour en savoir plus :
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211012-hubert-germain.html







Discours du Président Emmanuel Macron le 15 octobre 2021 aux Invalides à Paris
HOMMAGE NATIONAL à HUBERT GERMAIN






DISCOURS DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE LORS DE L’HOMMAGE NATIONAL À HUBERT GERMAIN


Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Président du Sénat,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Madame et Messieurs les Premiers ministres,
Madame l'Ambassadrice,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le Grand Chancelier de la Légion d'Honneur,
Monsieur le Délégué National,
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil de l'Ordre de la Libération,
Monsieur le Chef d'État major des armées,
Officiers, Sous-officiers, Officiers mariniers, Soldats, Quartiers maîtres et Matelots, Aviateurs,

Mesdames et Messieurs en vos degrés et qualités,
Mesdames et Messieurs,

La vie d'Hubert Germain est une anthologie d'engagements et de courage. Avec les 1 037 Compagnons de la Libération, qui voilà 80 ans, ont relevé la France de l'abîme. Il forma un ordre fraternel, une phalange de l'idéal. A l'aube comme au crépuscule, il fut le dernier à rendre les armes. Résistant de la première heure et ultime héros de ce cercle de combattant désormais disparu. Déraciné par les pérégrinations d'un père général en Syrie et en Indochine, Hubert Germain n’aimait rien tant que de retrouver ses terres de la Drôme et passa sa jeunesse à chercher la France partout, dans les livres, dans ses rêves. Adolescent, ses frasques inquiétaient sa famille. Il était indiscipliné en tout, d'une insoumission farouche, qui ne se connaissait qu'une fidélité, la patrie. Tout commence au printemps 1940, alors que Pétain vient de signer l'armistice, il passe le concours de l'Ecole navale et tandis qu'il compose sur la table d'examen, une révélation, réussir le conduirait à servir une armée aux ordres de l'Allemagne nazie. Alors, le voilà qui se lève, refuse d'achever son travail et déclare : « je pars faire la guerre » . La fougue d'Hubert Germain, heureusement, en rencontre d'autres. Car s’il quitte ses amis, sa famille, il trouve en Angleterre d'autres amis, une autre famille qui ont répondu comme lui à l'appel du général de Gaulle. A Londres, ils sont quelques centaines, une guilde de l'honneur prête à tout pour une cause qui les dépasse.

La France libre. Paysans, artisans, instituteurs, soldats. Ils deviennent camarades pour la vie. Ils sont aujourd'hui compagnons d'éternité. À l'été londonien succèdent pour Hubert Germain les printemps levantins. Lui qui brûle de se battre est d'abord envoyé sur le front de Syrie. Et à l'été 1942, c'est en Libye qu'il se couvre de gloire. De Gaulle demande à ses soldats de ralentir l'avancée des troupes de Rommel vers l'Egypte en tenant le verrou de Bir-Hakeim. “Toute la France vous regarde, vous êtes son orgueil”, leur dit-il. La chaleur est harassante. Le vent charrie le sable. Hubert Germain et ses compagnons de la 13e demi-brigade de Légion étrangère érigent malgré tout sur la route de l'ennemi un barrage impénétrable. 1 contre 10, peu importe. Durant 16 jours, ils résistent à tous les assauts du ciel et de la terre lancés contre eux. Miracle de la volonté, prodige du patriotisme. Soirée féerique car dans la nuit du 10 au 11 juin 1942, le bouclier impénétrable se mue en une colonne d'irréductibles qui finit par briser l'encerclement ennemi.

Et c'est Hubert Germain, enflammé de courage, qui prend la tête des troupes en cette nuit d'apocalypse. Il est alors pour eux une torche dans l'obscurité. Sa détermination est plus incandescente que les fusées qui zèbrent le ciel au milieu des lignes allemandes. L'épopée de la France libre ne s'arrête pas là et le mène ensuite au pied des pyramides d'Égypte, en Tunisie, en Italie. Il voit mourir sous ses yeux tant de frères d'armes qui ne quittèrent jamais son esprit, et les blessés à l'approche de Monte Cassino, mais continue malgré tout, toujours, pour se voir accroché tout près du cœur des mains mêmes du général De Gaulle la croix qui le fait Compagnon dans l'Ordre de la Libération, l'honneur et la mission d'une vie. Hubert Germain sait qu'il doit s'en montrer digne à jamais. Enfin vient le jour, sonne l'heure de retrouver son pays. Le 15 août 1944, Hubert Germain débarque sur les plages de Provence. Ce jour-là, son premier geste est de s'agenouiller pour prendre un peu de la terre de France dans ses mains, la sentir, la toucher. Retrouvailles charnelles après quatre ans de combat et d'exil. Il se relève encore et sa patrie avec lui, remonte le Rhône, rejoint le Rhin, libère l'Alsace, gagne Berlin avant enfin de revenir. Quelques années à peine après avoir quitté les théâtres militaires Hubert Germain entrera dans l'arène politique en devenant maire de Saint-Girons, petit bourg de l'Essonne qui ourle les rives de l'Orne. Fidèle de De Gaulle et proche de Messmer, il porte leurs idées, les siennes, jusqu'à l'Assemblée nationale, d'abord dans les rangs du gouvernement, ensuite ministre des Postes, Télégraphes et Téléphones, puis ministre chargé des Relations avec le Parlement sous la présidence de Georges Pompidou.

Avec ses frères d'armes, il avait défendu la liberté. Avec ses frères d’âmes, toutes celles et ceux qui se reconnaissent comme tels, il allait désormais rebâtir la fraternité. Quête inlassable d'une vie de résistance et d'espérance. Ces dernières années, Hubert Germain était devenu le gardien du flambeau qu'avait allumé le général De Gaulle. Ultime reconnaissance de ses frères d'armes, il avait été fait caporal-chef d'honneur de la Légion étrangère il y a quelques semaines. Dernier chancelier d'honneur de l'Ordre de la Libération, il en a attisé les braises ardentes jusqu'à son dernier souffle. Elles ne s'éteindront pas avec lui. Hubert Germain reposera dans la crypte du mont Valérien, scellant ainsi l'histoire des 1038 compagnons. Nous avions des convictions philosophiques, politiques et religieuses différentes, voire opposées, mais nous avons su nous rassembler pour la cause sacrée de la liberté de notre patrie. Tels étaient ses mots. Alors oui, l'ordre de la Libération lui survivra, indépendant et fidèle à son histoire. J'en fais ici le serment.

Mon lieutenant, ces derniers mois, vous avez livré votre ultime combat, votre courage et votre dignité face à la mort furent une leçon pour nombre d'entre nous. L'humilité et les doutes vous ont accompagnés et vous êtes devenus chaque jour un peu plus l'incarnation même de tous vos compagnons, vibrants de cette flamme première, celle de l'amour de la France et du service de la patrie. Alors, en ce jour, le silence millénaire de l'esprit de résistance et de l'acharnement français vous accompagne. C'est cette cohorte chevaleresque qui vient du fond des âges, de Reims, d'Arcole et du Chemin des Dames, de la Garde impériale à Koufra, d'Orléans à Bir-Hakeim, qui se tient à vos côtés et nous rappelle cette irrésistible résolution de la France : « Ne rien céder de la liberté, de la patrie et de son âme ». Vous les rejoignez, mon lieutenant, et notre tâche sera de poursuivre avec la même ardeur ce combat. Nous le ferons.

Vive la République, vive la France !


Emmanuel Macron, le 15 octobre 2021 dans la cour d'honneur des Invalides à Paris.



Source : www.elysee.fr/

https://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20211015-discours-macron-hubert-germain.html

 

Partager cet article
Repost0
13 octobre 2021 3 13 /10 /octobre /2021 03:22

« Ce n’était pas l’amour de la patrie, mot bien trop abstrait. Non, c’était vraiment l’amour de la France. » (Hubert Germain, en 2020).



_yartiGermainHubert03

Il avait assisté à de nombreux hommages militaires aux Invalides où il résidait. Des soldats morts au Mali, en Afghanistan, au Niger… et aussi Daniel Cordier, son devenu compère depuis le temps… Hubert Germain était comme Daniel Cordier, un résistant, et aussi un Compagnon de la Libération, titre rare, chichement attribué par De Gaulle (il ne l’a même pas attribué à son fils Philippe De Gaulle qui aurait pu le mériter pour son action). Les deux Compagnons étaient nés presque en même temps, à quatre jours près.

Même âge. La différence entre les deux ? La chronologie. Daniel Cordier est parti presque un an avant lui, le 20 novembre 2020. Daniel Cordier ne voulait pas être le dernier. Il ne voulait pas être inhumé au Mont Valérien comme c’était prévu depuis la Libération. Hubert Germain, lui, avait accepté, avait bien voulu, il est donc resté le dernier, il ressentait le lourd poids de l’histoire : il sera l’équivalent du Soldat inconnu. Mais connu. Il est parti ce mardi 12 octobre 2021 à l’âge de 101 ans. Sa mort a été annoncée par la Ministre des Armées Florence Parly en introduction à son audition devant la commission de la Défense du Sénat : « Je voudrais d’abord vous informer du décès d’Hubert Germain, notre dernier Compagnon de la Libération (…). C’est un moment important de notre histoire. ».

J’avais raconté son héroïque histoire il y a quelques années, il était à la fois un soldat courageux et brave, qui a refusé la défaite, il a été un cadre d’entreprise et il a été un ministre gaulliste. Dès la fin de la guerre, il s’est engagé en politique avec des mandats successifs (maire, député, etc.).

Il a été ministre dans les gouvernements de Pierre Messmer entre juillet 1972 et mai 1974, en particulier aux Postes et Télécommunications à une époque où il fallait attendre trois mois et avoir du piston pour pouvoir installer une ligne de téléphone (fixe). Politiquement, il était autant gaulliste que messmérien. Les deux hommes politiques avaient participé à la bataille de Bir Hakeim en juin 1942, au sud de Tobrouk : « Dans le désert, on n’est pas face à face, dans le désert, on est comme sur un océan. La conception même de la bataille n’est pas du tout la même. Oui, il y a le sable, il y a de vagues repères (…). Quant à l’ennemi, il est partout. Il est devant vous, il est à gauche, il est à droite, il est derrière vous, et en l’air (…), il était aussi au sol (…). » (Hubert Germain). Pierre Messmer recruta plus tard Hubert Germain dans son cabinet de Ministre des Armées de 1960 à 1962 et de 1967 à 1968 (périodes où ce dernier n’était pas encore puis plus député).

_yartiGermainHubert02

Très tôt, Hubert Germain, 19 ans, a compris. Il était le 14 juin 1940 en train de passer un concours pour intégrer la prestigieuse École navale de Bordeaux mais l’armée allemande allait entrer dans Paris. Ce fut copie blanche : « Au bout de cinq minutes, je me suis dit : mais qu’est-ce que tu fais là ? Je me suis levé en disant à l’examinateur : je pars faire la guerre. » (2017).

Avec quatre de ses amis, il a embarqué depuis Saint-Jean-de-Luz pour Londres le 24 juin 1940. On ne pouvait pas faire plus tôt, ni plus vite. Pour atteindre le bateau, il a rusé : il s’est adressé au général polonais des troupes qui allaient en Angleterre : « Mon général, je suis moi-même fils de général de l’armée française. Nous serions honorés, avec mes compagnons, de nous joindre à vous. ». Et ça a marché ! À la fameuse rencontre des (2 000) premiers venus à l’Olympia Hall le 6 juillet 1940 : « [De Gaulle] s’arrête un instant, me regarde, et me dit : "Je vais avoir besoin de vous" ! ».

Dans un communiqué rendant hommage à celui qui a « incarné un siècle de liberté » et qui a été une « figure de proue de la France libre », le Président Emmanuel Macron a complété : « Sur le papier qu’il signa à l’Olympia Hall lors de son engagement militaire, la France qu’il défendait avait désormais un nom, c’était la France libre, et le chef qu’il servait un visage, celui du Général De Gaulle. Sa rébellion individuelle devenait une résistance collective. » (12 octobre 2021).

Daniel Cordier a raconté plus précisément cet épisode historique dans "Alias Caracalla" chez Gallimard (en 2009) : « Il me fait penser à un héron. Je n’ai jamais vu le général "en vrai". Ceux dont les journaux publient les portraits m’ont toujours paru vieux. De Gaulle, lui, est plus jeune, mais son aspect bizarre est accentué par sa voix aux intonations étranges. ». Et voici ce que De Gaulle, martial et distant, a dit à ses premières recrues : « Je ne vous féliciterai pas d’être venus : vous avez fait votre devoir. Quand la France agonise, ses enfants se doivent de la sauver. C’est-à-dire de poursuivre la guerre avec nos alliés. (…) Notre armée sera française, commandée par des chefs français. (…) Ce sera long, ce sera dur, mais à la fin, nous vaincrons. N’oubliez jamais l’exemple des Français qui, dans notre histoire, ont sacrifié leur vie pour la patrie. Vous devez être dignes de leur sacrifice. Dans les moments de découragement, rappelez-vous qu’ "il n’est pas besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer". ».

Les médias disent de manière convenue qu’avec sa disparition, une page de l’Histoire se tourne. En fait, elle était tournée depuis très longtemps. Lui était comme la conscience contemporaine d’un héroïsme très ancien. Justement, je pensais à lui hier matin en écoutant Michel Barnier qui voudrait instituer une semaine de civisme chaque année pour tous les jeunes, ce qui consisterait à faire des travaux civiques mais aussi rencontrer des personnes exemplaires pour comprendre le monde, et il citait entre autres des résistants. Hélas, Michel Barnier était un peu trop en retard, rencontrer des résistants à notre époque est quasiment impossible. Les vies s’envolent.

Toujours présent dans les différentes commémorations, selon son état de santé qui s’est détérioré rapidement ces derniers mois, Hubert Germain, devenu chancelier honoraire de l’ordre de la Libération (il était le dernier survivant de cet ordre), est resté une conscience républicaine précieuse pour ces temps de relativisme et d’oubli de l’histoire.

Hubert Germain a laissé un petit livre d’entretiens pour témoigner de son expérience. La France ne l’oubliera pas car il sera célébré à chaque commémoration comme représentant de tous les Compagnons de la Libération. Emmanuel Macron lui rendra un hommage militaire dans la cour d’honneur des Invalides le vendredi 15 octobre 2021 dans l’après-midi, et l’ancien résistant sera inhumé au Mont Valérien au cours d’une cérémonie officielle présidée par le Président de la République, le jeudi 11 novembre 2021 et qui commencera à l’Arc-de-Triomphe.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 octobre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Biographie militaire d’Hubert Germain.
Hubert Germain le survivant.
Le courage exceptionnel de deux centenaires.
Hubert Germain.
De Gaulle.
Daniel Cordier.
Pierre Mazeaud.
Michel Debré.
Bernard Pons.
Pierre Juillet.
Philippe Mestre.
Henry Chabert.
Olivier Dassault.
Éric Raoult.
Yvon Bourges.
Christian Poncelet.
René Capitant.

_yartiCordierGermain02




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211012-hubert-germain.html

https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/hubert-germain-le-dernier-236472

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/10/12/39174701.html







 

Partager cet article
Repost0
8 octobre 2021 5 08 /10 /octobre /2021 03:51

« Le secret de confession s’impose à nous (…) et en ce sens-là, il est plus fort que les lois de la République. » (Mgr Éric de Moulins-Beaufort, le 6 octobre 2021 sur France Info).



_yartiDeMoulinsBeaufortEric01

Quelle maladresse ! Mgr Éric de Moulins-Beaufot, archevêque de Reims depuis le 28 octobre 2018 et président de la Conférence des évêques de France (CEF) depuis le 3 avril 2019, c’est-à-dire le premier représentant de l’Église de France, de ce qu’elle pense, de ce qu’elle a à dire, a visiblement commis une gaffe monumentale lors de son entretien sur France Info le mercredi 6 octobre 2021 à 8 heures 30. Il s’agissait, pour lui, de commenter la remise du rapport Sauvé, très lourd, sur la pédocriminalité dans l’Église de France depuis 1950 et qui a fait état de 330 000 victimes (je l’ai évoqué ici et j’y reviendrai).

On ne parle pas impunément de notions ultrasensibles en République française. Dire que le secret de la confession est plus fort que les lois de la République, c’est, dans l’esprit de nombreux Français, y compris dans le mien alors que je suis pourtant catholique, c’est en quelque sorte prôner la charia dans sa version soft catholique.

Il a fallu attendre un jour pour que la polémique éclatât vraiment sur la scène médiatique.

Le gouvernement a cru bon de réagir. Il ne voulait pas être critiqué de ne pas avoir réagi. Le sujet est sensible. Ainsi, cette réaction a été une communication assez étrange : à l’issue du conseil des ministres qui s’est tenu exceptionnellement ce jeudi 7 octobre 2021, le porte-parole du gouvernement Gabriel Atttal a déclaré que le Président de la République Emmanuel Macron avait demandé au Ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin de convoquer Mgr Éric de Moulins-Beaufort. A priori, pour une République qui garantit la séparation des Églises et de l’État, c’est assez cavalier. Mais le président de la CEF n’a pas voulu y voir une offense et a répondu dès 14 heures 45 le même jour qu’il acceptait volontiers de rencontrer le Ministre de l’Intérieur qu’il verra donc le mardi 12 octobre 2021 à 14 heures.

C’est très étonnant d’entendre la phrase polémique de la bouche de l’archevêque de Reims car évidemment, sa pensée est beaucoup plus complexe et subtile que cela. Quand on suit d’ailleurs son parcours, celui qui a été nommé le 21 mai 2008 évêque auxiliaire de Paris aux côtés de Mgr André Vingt-Trois a obtenu, avant sa formation au Séminaire français de Rome, le diplôme de l’IEP Paris, une école qui assure généralement une bonne capacité à communiquer. Mais ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’archevêque a parlé avec maladresse. Quand il évoquait Vincent Lambert, il y avait aussi des propos assez ambigus.

Sur la confession, il faut rappeler une note de la Conférence des évêques de France du 8 décembre 2020 (donc très récente) qui assure : « Il n’est pas permis à un prêtre de faire usage de ce qu’il a entendu en confession (…) et donc, il ne peut en aucun cas signaler aux autorités judiciaires un pénitent (…). La sanction (…) est l’excommunication. ». C’est une note et elle n’a pas forcément une grande valeur, car même le pape François, conscient de l’extrême gravité du problème, y réfléchit depuis plusieurs années.

Car le problème est là, se pose. D’un côté, on a des responsables cléricaux (prêtres, évêques) qui sont dépositaires, par la confession, d’informations particulièrement abjectes, des cas de pédocriminalité, et la seule logique, et même, la seule obligation, c’est de signaler les faits au procureur de la République, ne serait-ce que pour stopper le prédateur s’il devait commettre d’autres abus sexuels. Ça, c’est la logique républicaine.

Le rapport Sauvé du 5 octobre 2021 rappelle ainsi : « Le secret de la confession ne peut déroger à l’obligation, prévue par le code pénal, de signaler aux autorités judiciaires et administratives les cas de violences sexuelles infligées à un mineur ou à une personne vulnérable. ».

De l’autre côté, la logique religieuse, c’est de rappeler que tout ce qui est dit au cours de la confession est secret, un secret plus grand qu’un secret professionnel (comme le secret médical qui peut être levé par la justice), car le prêtre qui confesse n’est qu’un intermédiaire entre celui qui se confesse et Dieu.

L’importance du secret de la confession, d’un point de vue pratique, c’est qu’il permet aux bouches de s’ouvrir malgré tout, tant celles des victimes que celles des prédateurs. Sans ce secret, la confession n’aurait plus aucun rôle ni de sens, à moins de faire renaître le principe des confessions publiques particulièrement connu dans les dictatures communistes.

Le point qui permet de résoudre le problème, c’est que le prêtre confesseur ne doit pas lâcher l’affaire et doit encourager la personne qui s’est confessée d’aller parler dans un autre cadre, soit auprès d’une cellule d’écoute (l’Église en a mis en place depuis quelques années, et la Commission Sauvé en a été une, elle mériterait peut-être d’être pérennisée et permanente), soit directement auprès d’une autorité judiciaire.

La polémique dont le président des évêques français est à l’origine est d’autant plus surprenante que justement, au contraire de certaines organisations musulmanes, il n’y a jamais eu de problème entre les institutions républicaines et les organisations catholiques sur la primauté des lois de la République française sur toute autre considération, y compris religieuse. La loi du 9 décembre 1905, qui fut combattue par une majorité de catholiques à l’époque, a au contraire été la garante de la neutralité de l’État, garante très originale quand on regarde les autres pays, et même la loi consacre la célèbre formule : "Rends à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu".

Ce qu’a dit Mgr Éric de Moulins-Beaufort le 6 octobre 2021, bien que maladroit, était pourtant plus subtil que ce que la polémique voudrait bien entendre : « Il faut un espace de parole libre qui se fait devant Dieu. (…) Il y a deux cas. Il y a le cas du pédophile qui viendrait se confesser. Comme c’est secret, on ne sait pas s’il y en a qui le font (…). C’est un vrai souci (…). Là encore, il faut certainement que nous soyons plus précis, plus fermes, sur le fait que les violences sexuelles ne sont pas un problème de chasteté, c’est un problème d’atteinte à la vie, c’est un problème de crime, de meurtre, symboliquement au moins, et il est très important de le voir. Il faut que les confesseurs soient bien conscients de cela. Et puis d’autre part, il peut y avoir le cas d’un enfant, qui dit quelque chose, qui laisse entendre, ou qui fait comprendre qu’il est une victime. Il faut que nous trouvions le moyen de permettre à cet enfant de parler autrement. Mais beaucoup d’enfants ne parlent qu’en confession, parce que c’est la confession, parce qu’ils savent que c’est secret. S’ils découvrent que nous utilisons ce qu’ils nous disent pour aller faire du mal à leurs parents, dans la psychologie des enfants, c’est un problème. Parce que les enfants ne veulent pas, souvent, que l’on touche à leurs parents. C’est déjà un premier pas pour eux de pouvoir parler en confession. Il faut que nous apprenions, il faut nous former, que nous formions pour apprendre à partir de cette parole à rendre possible une autre parole. Ça me paraît beaucoup plus important et cela portera de meilleurs fruits. ».

 




Dans son communiqué du 7 octobre 2021, il a complété : « Le secret de la confession, imposé aux prêtres par le droit canonique n’est pas contraire au droit pénal français, comme le souligne la circulaire de la chancellerie du 11 août 2004. La confession est aussi un moment durant lequel une personne victime, par exemple un enfant, peut évoquer ce qu’elle a subi, et être rassurée sur son innocence… parce que la certitude du secret lui permet de livrer ce qui lui est le plus difficile. ».

Et le communiqué se termine ainsi : « Le secret de la confession a toujours été respecté par la République française. C’est l’honneur de la République française que de respecter ainsi la dignité de la conscience de chacun. ». Ainsi rédigé, cela n’a rien à voir avec la phrase : "Le secret de la confession est plus fort que les lois de la République". En effet, le communiqué précise au contraire que le secret de la confession est conforme aux lois de la République. Il n’y a donc pas d’incompatibilité, pas de bataille d’influence entre l’un ou les autres, mais bien un accord. Du reste, ce n’est pas le seul secret qui est respecté par la justice, les échanges entre un prévenu et son avocat sont, eux aussi, couverts par le secret dans la procédure pénale (ce qui explique la nature du grand scandale de mettre sous écoute des avocats, par exemple).

_yartiDeMoulinsBeaufortEric02

On voit donc bien qu’il y a surtout ici une erreur de communication. L’Église catholique et l’État sont ici alliés, avec le même but, en finir avec la pédocriminalité, ou plutôt, car on n’en finira hélas jamais, des déviants existeront toujours, les pourchasser, surtout les détecter et les empêcher de recommencer, voire prévenir les abus sexuels si c’est possible.

Cette polémique aura peut-être l’effet bénéfique de clarifier les positions de chacun. Et ce rapport Sauvé rendu public le 5 octobre 2021, aura sans nul doute des répercussions bien plus conséquentes que dans la seule Église catholique. L’étendue de la pédocriminalité est bien plus grave qu’on ne pouvait l’imaginer, dans toutes les strates de la société où on peut lâchement s’en prendre aux enfants.

Je reviendrai sur cette initiative courageuse de la Conférence des évêques de France et de la Conférence des religieux et religieuses de France (CORREF) d’avoir pris l’initiative d’un tel audit qui aura pour conséquence qu’on prendra désormais l’Église comme un proche de la victime et pas comme un proche du prédateur, ce qu’elle aurait dû faire depuis longtemps. C’est à l’honneur de l’Église d’avoir ouvert enfin, officiellement et en toute transparence, le couvercle de la marmite nauséeuse. Et personne ne peut imaginer toutes les conséquences que cela va engendrer.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (07 octobre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Secret de la confession et lois de la République.
Mgr Éric de Moulins-Beaufort.
Abus sexuels dans l’Église : honte, effroi et pardon !
Rapport de Jean-Marc Sauvé remis le 5 octobre 2021 sur la pédocriminalité dans l’Église (à télécharger).
Présentation du rapport Sauvé le 5 octobre 2021 (vidéo).
Discours du pape François le 24 février 2019 au Vatican (texte intégral).
La protection des mineurs dans l’Église.
Protection des mineurs (2) : pas d’imprescriptibilité pour la pédocriminalité.
Protection des mineurs (1) : 15 ans, âge minimal du consentement sexuel ?
Richard Berry et l’immonde.
Olivier Duhamel et le scandaleux secret de famille de Camille Kouchner.
La faute de Mgr Jacques Gaillot.
Ni claque ni fessée aux enfants, ni violences conjugales !
Mgr Barbarin : le vent du boulet.
Polanski césarisé au milieu des crachats.
Faut-il boycotter Roman Polanski ?
Pédophilie dans l’Église catholique : la décision lourde de Lourdes.
David Hamilton.
Adèle Haenel.
Mgr Barbarin : une condamnation qui remet les pendules à l’heure.
Pédophilie dans l’Église : le pape François pour la tolérance zéro.
Le pape François demande pardon pour les abus sexuels dans l’Église.
Violences conjugales : le massacre des femmes continue.

_yartiDeMoulinsBeaufortEric03




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211007-secret-confession.html

https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/secret-de-la-confession-et-lois-de-236321

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/10/08/39168486.html









 

Partager cet article
Repost0
8 octobre 2021 5 08 /10 /octobre /2021 03:33

« Notre responsabilité de protéger et de défendre la vie humaine à chaque étape de son développement. Cette conviction m’a conduit, depuis le début de mon ministère, à défendre, à différents niveaux, la cause de l’abolition mondiale de la peine de mort. Je suis convaincu que ce chemin est le meilleur, puisque chaque vie est sacrée, chaque personne humaine est dotée d’une dignité inaliénable, et la société ne peut que bénéficier de la réhabilitation de ceux qui sont reconnus coupables de crimes. » (pape François, le 24 septembre 2015, devant le Congrès des États-Unis).


_yartiAbolitionPeineDeMort01

Ce samedi 9 octobre 2021 dans la matinée aura lieu la commémoration du quarantième anniversaire de l’abolition de la peine de mort en France. Le Président Emmanuel Macron participera à la cérémonie officielle (évidemment). C’est l’occasion de revenir à ce sujet, d’autant plus qu’un des candidats supposés à l’élection présidentielle, Éric Zemmour, a réaffirmé sa volonté de rétablir la peine de mort (mais ce n’était pas l’urgence).

La peine de mort a été effectivement abolie en France. Mais elle a été abolie tardivement. Déjà le 8 décembre 1908, les députés français auraient pu voter l’abolition mais ils l’ont repoussée par 330 voix contre 201. Les 17 et 18 septembre 1981 a eu lieu le débat parlementaire crucial et son adoption par les députés, pas seulement de la majorité, mais aussi certains de l’opposition comme Jacques Chirac, Philippe Séguin, Bernard Stasi, Pierre Bas, Loïc Bouvard, etc. Le 9 octobre 1981 a été promulguée la loi n°81-908 du 9 octobre 1981 dont l’article 1er est ainsi rédigé : « La peine de mort est abolie. ».

La peine de mort a été abolie par l’un des actes les plus honorables du Président François Mitterrand qui, malgré son opportunisme légendaire, avait quand même montré quelques convictions fortes. Il faut aussi saluer l’un des derniers actes de son successeur, le Président Jacques Chirac pour avoir constitutionnalisé l’abolition de la peine de mort le 19 février 2007 en introduisant l’article 66-1 de la Constitution : « Nul ne peut être condamné à la peine de mort. ». Pour l’anecdote, c’est Pascal Clément, alors Ministre de la Justice, qui a défendu cette révision constitutionnelle lors du débat parlementaire du 30 janvier 2007, alors que le 17 septembre 1981, il avait posé une question préalable pour éviter ce même débat sur l’abolition, vingt-cinq ans auparavant.

Ministre de la Justice en 1981, Robert Badinter incarne cette réforme de l’abolition de la peine de mort au regard de l’histoire nationale. S’il ne rejette pas cette incarnation, cela peut l’agacer d’être réduit à cette seule action, et surtout, il a été amené à faire cette réforme mais ce n’était pas prévu. Au départ, le 22 mai 1981, François Mitterrand avait nommé son ami radical Maurice Faure comme Ministre de la Justice et il aurait dû le rester pour un certain temps, il aurait donc été chargé de faire cette réforme. Mais la Justice était un ministère bien trop exposé pour ce dilettante de la politique, si bien qu’il a quitté ces fonctions après un mois d’exercice, après les élections législatives de juin 1988 à l’occasion de la nomination du deuxième gouvernement de Pierre Mauroy.

Dans la réalité, l’abolition de la peine de mort était donc plus la réforme de François Mitterrand que de Robert Badinter lui-même, au même titre que Valéry Giscard d’Estaing était agacé quand on associait la loi sur l’IVG à Simone Veil, ce qui n’avait pas été prévu au départ (elle était Ministre de la Santé et pas Ministre de la Justice, qui était alors Jean Lecanuet et qui ne voulait pas faire la réforme), la loi sur l’IVG était avant tout la réforme de VGE.

Comme on le voit, l’abolition de la peine de mort a été "sécurisée", non seulement d’un point de vue constitutionnel (il faut réviser la Constitution si on veut la rétablir) mais aussi d’un point de vue international. La France s’est en effet engagée à maintenir la peine de mort abolie dans un certain nombre de traités et conventions internationales, en particulier dans l’article 2 de la Charte européenne des droits fondamentaux : « Nul ne peut être condamné à mort, ni exécuté. » (ce texte émane de l’Union Européenne).

Le 17 février 1986, la France a ratifié le Protocole n°6 de la Convention européenne des droits de l’homme, adopté par le Conseil de l’Europe le 28 avril 1983 à Strasbourg, qui proclame dans son article 1er : « La peine de mort est abolie. Nul ne peut être condamné à une telle peine ni exécuté. », mais qui permet quand même quelques dérogations. Le 10 octobre 2007, la France a alors ratifié aussi le Protocole n°13 de la Convention européenne des droits de l’homme, adopté par le Conseil de l’Europe le 3 mai 2002 à Strasbourg, qui interdit la peine de mort en toutes circonstances, y compris en temps de guerre ou en cas de danger imminent de guerre. Ces deux protocoles cités est une émanation du Conseil de l’Europe et pas de l’Union Européenne. Le 2 octobre 2007, la France a également ratifié le second protocole facultatif du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies le 15 décembre 1989 à New York et entré en vigueur le 11 juillet 1991 qui interdit la peine de mort (ce protocole-là est une émanation de l’ONU).

_yartiAbolitionPeineDeMort02

Mais revenons aux arguments puisqu’il y a toujours débat sur le sujet. Je propose ici quelques points de réflexion, très modestement et très succinctement. Des pistes de réflexion.

Le premier point, c’est qu’il est naturel que lorsqu’il y a un choc terrible dans une vie, comme l’assassinat d’un enfant, on soit favorable à la peine de mort (heureusement, ce sentiment n’est pas automatique). Ce n’est pas constructif car la mort d’un criminel ne ramènera jamais sa victime à la vie, mais cela peut apaiser la famille, dans un sentiment pourtant plutôt malsain de vengeance. Rappelons que le pape Jean-Paul II avait pardonné à celui qui voulait l’assassiner le 13 mai 1981. Mais tout le monde n’a pas la force d’esprit de ce pape hors du commun. Les sondages montrent bien qu’à chaque fait-divers horrible ou à chaque vague terroriste, il y a une recrudescence d’opinions en faveur de la peine de mort. C’est un sentiment instinctif, l’humain peut aller au-delà. Doit aller au-delà.

Le deuxième point, c’est que la peine de mort permet de définir la peine suprême, la plus forte. Sans peine de mort, il est difficile de définir une telle peine et l’institution d’une réclusion à perpétuité réelle peut s’apparenter à ce remplacement. On parle aussi de hiérarchie des peines. Dans les pays non abolitionnistes qui ont adopté des mesures de perpétuité réelle, le nombre de condamnations à mort ont diminué.

Le troisième point, c’est que la justice est toujours donnée au nom du peuple français, et donc, en mon nom. Je refuse qu’on se serve de mon nom pour tuer un homme, quels que soient les crimes qui ont été commis. Et je refuse aussi que ce soit au nom de mes proches.

Le quatrième point, c’est que l’argument de la dissuasion n’a jamais fonctionné. C’est normal, puisque la plupart des meurtres n’étaient généralement pas prévus la veille et étaient donc peu réfléchis. Le risque de la peine de mort n’a jamais eu d’effet sur un crime à venir. D’une part, pour être vraiment dissuasif, il faudrait revenir aux exécutions publiques (si elles sont cachées, elles ne sont plus dissuasives sinon intellectuellement, et si on a arrêté les exécutions publiques, c’est justement qu’elles montraient la cruauté d’une telle peine et cela militait en faveur de l’abolition). D’autre part, si la peine de mort avait un effet dissuasif, il y aurait moins de crimes dans les pays qui n’ont pas encore aboli la peine de mort, ce qui ne semble pas être le cas, notamment aux États-Unis.

Le cinquième point, c’est d’être pour la peine de mort pour les terroristes. Ne soyons pas hypocrite, et François Hollande semblait même y trouver un certain plaisir (selon certains journalistes), certains États sont technologiquement capables d’éliminer des individus pour raison de terrorisme partout dans le monde. Dans les faits, elle existe donc encore pour la France, et cela hors de toute justice, hors de tout procès, mais on peut aussi considérer ce fait comme un fait de guerre, les terroristes étant nos ennemis. En tout cas, ce n’est certainement pas en rétablissant la peine de mort pour les terroristes que cela arrêter le terrorisme, puisque les terroristes islamistes sont des êtres suicidaires et préfèrent même mourir au cours de leur crime en entraînant à la mort le plus d’innocents possible.

Le sixième point, c’est le risque de l’erreur judiciaire. La justice humaine est comme tout ce qui est humain, c’est-à-dire faillible. Le risque de condamner et d’exécuter un innocent est plus grave que le risque de laisser libre un coupable. Or, cela a été le cas de nombreuses fois. On peut réhabiliter un innocent mais jamais le faire revivre. Mais attention, cet argument est délicat à utiliser. Aujourd’hui, les technologies permettent d’avoir des preuves d’innocence ou de culpabilité plus grandes et difficilement opposables (par exemple, des analyses ADN, même s’il peut y avoir un risque d’erreur de 1%, c’est beaucoup trop quand on veut condamner à mort). L’argument de l’erreur judiciaire peut donc se retourner en faveur de la peine de mort si la justice a les moyens techniques d’être sûre de la culpabilité du prévenu. Or, je suis opposé à la peine de mort pas seulement à cause du risque d’erreur judiciaire, mais par le fait même que cette peine ne correspond pas à une société humaine pour punir même les crimes les plus dégueulasses. On ne s’honore pas en imitant les barbares.

Le septième point est plus philosophique et contrasté. C’est notamment un argument développé par Albert Camus : dès lors que la société est déchristianisée et ne croit plus en un Au-delà après la mort, la peine de mort n’a plus de sens, celui de rédemption, par exemple. En d’autres termes, dans une société athée, la mort serait plus grave que dans une société croyante. À cet argument (exprimé beaucoup trop grossièrement), on pourrait répondre qu’il y aurait un peu trop de "légèreté" intellectuelle. D’une part, il y a la société et il y a les individus, certains sont croyants, d’autres pas. Pour la foi, on ne peut jamais parler au pluriel. Ainsi, au cours d’une messe, dans le credo, on ne dit pas "nous croyons" mais "je crois", on ne peut jamais parler pour les autres. D’autre part, l’Église catholique s’est souvent exprimée contre la peine de mort (depuis le pape Paul VI), encore le pape François en 2015. Je crois au contraire qu’on ne peut pas être pour la peine de mort quand on est croyant car le respect de la vie humaine doit être l’un des principes intangibles de la pensée chrétienne.

Ce sont sept points de réflexion exprimés rapidement et qui mériteraient plus de développement, ils ne sont pas exhaustifs et il y a bien d’autres points, comme sur la récidive, sur le type d’exécutions, sur les limitations par rapport au type de aux crimes ou au type de criminels (par exemple, pas de peine de mort aux mineurs au moment du crime), etc.

Je suis fier de la France de ces quarante dernières années. Elle a rejoint les démocraties qui ont rejeté cette peine intolérable qui criminalisait l’État lui-même. Ce dessin de Franquin dans ses "Idées noires" prouve l’absurdité philosophique de la peine de mort et je suis fier pas seulement de l’abolition mais aussi de toutes les mesures constitutionnelles ou conventionnelles, de tous ces verrous juridiques qui empêchent le rétablissement de la peine de mort. C’est sans doute, à mon sens, ce sujet qui est crucial pour la Chine si elle veut devenir la grande nation culturelle, politique et économique qu’elle aspire à devenir dans la "communauté internationale". À cet égard, la Russie est en avance sur les États-Unis. Depuis 2003, la journée du 10 octobre a été instituée comme Journée mondiale contre la peine de mort. C’est un long combat, mais il n’est jamais vain. Et la France y a pris toute sa part.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (03 octobre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
7 pistes de réflexion sur la peine de mort, abolie il y a 40 ans en France.
Débat parlementaire du 17 septembre 1981 sur l’abolition de la peine de mort (compte-rendu à télécharger).
La peine de mort selon Edmond Michelet.
La peine de mort selon Bernard Stasi.
La peine de mort selon Robert Badinter.
La peine de mort selon Pierre Bas.
La peine de mort selon Loïc Bouvard.
Une lueur d’espoir pour Serge Atlaoui ?
Vives inquiétudes pour Mary Jane Veloso.
Peine de mort pour les djihadistes français ?
Rosa Luxemburg.
La Commune de Paris.
Georges Mandel.
Jean Moulin.
Patrick Henry.
La peine de mort industrialisée.
Les exécutions à répétition, version Daech.
Les exécutions à répétition, version Hitler.
Les exécutions à répétition, version Mao.
Les exécutions à répétition, version Lénine, Trotski et Staline.
Les exécutions à répétition, version Saint-Just.
Les exécutions à répétition, version Che.
Les exécutions à répétition, version Duvalier.
L’exécution de Mata Hari.
L’exécution de l’archidupe Maximilien.
L'exécution de Saddam Hussein.
Quatorze exécutions pour le 29 juillet 2016 ?
François Mitterrand, pas si abolitionniste que sa réputation…
Le pape résolument contre la peine de mort.
Encore la peine de mort.
Chaque vie humaine compte.
Rapport d’Amnesty International "Condamnation à mort et exécutions en 2014" (à télécharger).
Il n’y a pas d’effet dissuasif de la peine de mort (rapport à télécharger).
La peine de mort, barbarie humaine.
Peshawar, rajouter de l’horreur à l’horreur.
Hommage à George Stinney.
Pourquoi parler des Maldives ?
Maldives : la peine de mort pour les enfants de 7 ans.
La peine de mort selon François Mitterrand.
La peine de mort selon Barack Obama.
La peine de mort selon Kim  III.
La peine de mort selon Ali le Chimique.
Troy Davis.
Les 1234 exécutés aux États-Unis entre 1976 et 2010.
Flou blues.
Liste précise des personnes condamnées à mort et exécutées aux États-Unis depuis 1976.
Pour ou contre la peine de mort ?

_yartiAbolitionPeineDeMort03




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211009-abolition-peine-de-mort.html

https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/7-pistes-de-reflexion-sur-la-peine-235867

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/10/04/39163166.html










 

Partager cet article
Repost0
4 octobre 2021 1 04 /10 /octobre /2021 03:05

« C’est mieux qu’avant, parce que les enfants qui naissent à partir de maintenant vont pouvoir être reconnus dès la naissance, mais ça aurait été mieux une reconnaissance de fait, parce que là, on est quand même obligées de repasser chez un notaire, ce qui va d’ailleurs à nouveau nous coûté au moins 500 euros de frais. » (le 29 septembre 2021 sur France Inter).


_yartiPMA2019A04

Jamais assez ? Dans ce reportage sur France Inter le 29 septembre 2021, cette femme interrogée par la journaliste Léa Guedj regrettait de devoir payer le notaire pour faire acte de reconnaissance du futur enfant par celle de leur couple homosexuel qui ne portera pas l’enfant. Mais elles n’auront déjà pas à payer les frais très coûteux que la Sécurité sociale leur remboursera (ou avancera ?) pour ces actes qui n’ont aucun motif médical (et qui peuvent dépasser les 10 000 euros). D’après une enquête publiée le 16 janvier 2020 par "La Croix", au moins 2 400 femmes célibataires ou en couple homosexuel auraient eu recours, chaque année, à une PMA à l’étranger, en Espagne ou en Belgique.

L’élargissement de la procréation médicalement assistée (PMA) aux femmes seules et aux couples de femmes est désormais applicable par la loi n°2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique. Toutes les femmes peuvent désormais bénéficier de la PMA à partir du 29 septembre 2021, date de parution d’un décret et d’un arrêté au Journal officiel.

Le 29 juillet 2021, le Conseil Constitutionnel a validé toutes les dispositions pour lesquelles il a été saisi (j’y reviendrai en détail). Pour l’élargissement de la PMA, le décret d’application a été signé par Jean Castex et Olivier Véran le 28 septembre 2021 (décret n°2021-1243 du 28 septembre 2021 fixant les conditions d’organisation de la prise en charge des parcours d’assistance médicale à la procréation). Olivier Véran a également signé l’arrêté du 28 septembre 2021 relatif aux règles de bonnes pratiques cliniques et biologiques d’assistance médicale à la procréation qui reprend les règles définies par l’arrêté du 11 avril 2008.

Étrangement, il y a eu peu de publicité autour de ce début d’application de la loi de bioéthique sur la mesure phare, l’élargissement de la PMA, même si on a pu lire ou écouter quelques reportages sur le sujet dans certains médias. Jusqu’à maintenant, la PMA était réservée aux couples hétérosexuels sur indication médicale. Désormais, le critère d’infertilité est supprimé et la PMA élargie à tous les couples et aux femmes seules. Si cette mesure concerne principalement les femmes, seules ou en couple homosexuel, elle a aussi des conséquences sur les couples hétérosexuels qui bénéficient de la suppression du critère d’infertilité (notamment dans l’idée de retarder une grossesse pour des raisons autres que médicales, par exemple professionnelles).

Le décret du 28 septembre 2021 a en particulier introduit des âges limites sur l’utilisation et le stockage sans motif médical des gamètes. Pour bénéficier de la PMA, le prélèvement d’ovocytes peut être fait chez la femme jusqu’à son 43e anniversaire et de spermes chez l’homme jusqu’à son 60e anniversaire.

Quant au stockage de gamètes sans motif médical pour bénéficier ultérieurement d’une PMA, les conditions sont très réglementées : le prélèvement d’ovocytes chez la femme ne peut se faire qu’entre les âges de 29 et 37 ans, et le prélèvement de spermes chez l’homme entre les âges de 29 et 45 ans.

Les actes liés au recueil ou prélèvement des gamètes sont remboursés, mais pas le coût de conservation et les employeurs (et "autres personnes avec lesquelles l’intéressé est dans une situation de dépendance économique") n’ont pas le droit de prendre en charge les frais d’autoconservation des gamètes, afin de ne pas faire pression sur l’intéressé pour différer un projet de maternité.

Enfin, le projet d’enfant n’est possible par insémination artificielle que jusqu’au 45e anniversaire chez la femme, non mariée ou au sein du couple, qui a vocation à porter l’enfant et jusqu’au 60e anniversaire chez le membre du couple qui n’a pas vocation à porter l’enfant (là aussi, cette réglementation peut concerner un couple hétérosexuel).

_yartiLoiBioethique2019C03

Les enfants nés d’une PMA on un nouveau droit d’accès à leurs origines en pouvant accéder, lorsqu’ils seront majeurs, à des données non identifiantes du donneur (âge, caractères physiques, etc.) ou carrément à l’identité du donneur. Tout donneur devra apporter son consentement à communiquer de telles données, ce qui n’était pas le cas avant cette loi (cela ne concerne donc que les enfants nés après le début de l’application de cette loi ; cela signifie aussi qu’un donneur ne pourra plus donner ses gamètes s’il veut rester indéfiniment anonyme). Les enfants nés d’une PMA avant l’application de cette loi pourront contacter l’éventuel donneur tiers et leur demander la communication de ses informations personnelles, mais le donneur pourra alors refuser puisqu’il n’a pas fait le don en signant son consentement pour la communication de ces données.

Par ailleurs, le recueil du consentement du conjoint de donneur de gamètes est supprimé (là aussi, cette disposition a son importance).

La loi traite aussi de la filiation des enfants nés par GPA à l’étranger. Alors que les débats parlementaires ont clairement insisté sur le refus de la légalisation de la GPA en France, la loi essaie d’unifier la jurisprudence en complétant le code civil et en précisant que la reconnaissance de la filiation à l’étranger est  « appréciée au regard de la loi française ». Ainsi, la transcription d’un acte d’état-civil étranger est limitée au seul parent biologique et l’autre parent, dit d’intention, devra systématiquement passer par une procédure d’adoption.

Cette loi a aussi des conséquences sur d’autres sujets très importants dans le domaine de l’éthique, et c’était d’ailleurs mon premier motif d’opposition à cette loi, de mélanger une mesure phare qui s’apparente plus à une loi sociétale (comme le mariage pour tous) qu’à une loi de bioéthique, et d’en faire un "package" à prendre ou à refuser en bloc. Une loi sociétale a une finalité éminemment politique et elle est un marqueur d’une législature, elle peut donc cliver les camps politiques. Tandis que la bioéthique doit être un sujet consensuel sur lequel la plus grande unanimité possible aurait dû être cherchée et atteinte, ce qui n’a pas été le cas à cette occasion. Je reviendrai donc sur ces sujets éthiques en évoquant la validation de cette loi pendant l’été par le Conseil Constitutionnel.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (03 octobre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Bioéthique 2021 (12) : la PMA pour toutes les femmes désormais autorisée en France.
La PMA en France depuis le 29 septembre 2021.
Validation de la loi de bioéthique par le Conseil Constitutionnel.
Chronique d’une mort annoncée.
Choisir sa mort.
Bioéthique 2021 (11) : adoption définitive du texte, les embryons humains protestent !
Un allié inattendu pour les partisans de la PMA pour toutes.
Bioéthique 2021 (10) : à partir de quand l’humanité commence ?
Euthanasie : soigner ou achever ?
Protection des mineurs (2) : pas d’imprescriptibilité pour la pédocriminalité.
Protection des mineurs (1) : 15 ans, âge minimal du consentement sexuel ?
Bioéthique 2021 (9) : le rejet par les sénateurs de la PMA pour toutes.
En quoi le progrès médical est-il immoral ?
Bioéthique 2020 (8) : diagnostic préimplantatoire (DPI) et interruption médicale de grossesse (IMG).
Bioéthique 2020 (7) : l’inquiétante instrumentalisation du vivant.
Document : le rapport approuvé le 3 juillet 2020 de la commission spéciale de l’Assemblée Nationale sur la bioéthique (à télécharger).
Bioéthique 2020 (6) : attention, un train peut en cacher un autre !
Vincent Lambert.
La Charte de déontologie des métiers de la recherche (à télécharger).
Claude Huriet.
Document : le rapport approuvé le 8 janvier 2020 de la commission spéciale du Sénat sur la bioéthique (à télécharger).
Le Sénat vote le principe de la PMA pour toutes.
La PMA et ses sept enjeux éthiques.
Les 20 ans du PACS.
Harcèlement sexuel.
Pédophilie dans l’Église catholique.
Le projet de loi sur la bioéthique adopté par les députés le 15 octobre 2019.
Texte du projet de loi sur la bioéthique adopté le 15 octobre 2019 par l’Assemblée Nationale (à télécharger).
Quel député a voté quoi pour la loi sur la bioéthique ? Analyse du scrutin du 15 octobre 2019.
Attention, les embryons humains ne sont pas que des "amas de cellules" !
La découverte révolutionnaire de nouvelles cellules souches.
Embryons humains cherchent repreneurs et expérimentateurs.
Expérimenter sur la matière humaine.
Chaque vie humaine compte.
L’embryon puis le fœtus est-il une personne humaine ?
La PMA.
Le mariage pour tous.
L’avortement.
La peine de mort.
Ni claque ni fessée aux enfants, ni violences conjugales !
Violences conjugales : le massacre des femmes continue.
Jacques Testart.
Simone Veil.

_yartiBioethique2020AE01





https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210929-bioethique-al-pma.html

https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/bioethique-2021-12-la-pma-pour-236169

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/10/04/39162892.html





 

Partager cet article
Repost0

Résultats officiels
de l'élection présidentielle 2012
 


Pour mettre la page en PDF : Print


 




Petites statistiques
à titre informatif uniquement.

Du 07 février 2007
au 07 février 2012.


3 476 articles publiés.

Pages vues : 836 623 (total).
Visiteurs uniques : 452 415 (total).

Journée record : 17 mai 2011
(15 372 pages vues).

Mois record : juin 2007
(89 964 pages vues).