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22 mai 2021 6 22 /05 /mai /2021 03:59

« Étre homme, conscient à la fois de son animalité et de ses traits spécifiques fondant notre humanité, oser vouloir en réaliser pleinement ses potentialités, en communion avec autrui, s’en donner les moyens. Puis, parfois, se retourner sur son chemin et pouvoir se dire que, s’il n’est pas parfait, il n’est pourtant pas insignifiant. En ressentir quelque satisfaction, tenter d’être heureux, en somme… » (Axel Kahn, "L’homme, ce roseau pensant…", éd. NIL, 2007).



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Il a tout prévu, rien ne sera laissé au hasard. La musique des obsèques, aidé de son frère qu’il décrit comme un grand musicologue. Même le menu du repas d’enterrement, avec du champagne, parce qu’en Champagne, il y a toujours du champagne, même dans les enterrements. Il y a comme une gêne à écouter le professeur Axel Kahn qui était interviewé sur BFM-TV ce vendredi 21 mai 2021.

En fait, cette gêne existe depuis le début de la semaine, je ne sais pas s’il s’est répandu dans d’autres médias, mais il était l’invité de France Inter dans la matinale du lundi 17 mai 2021. Pour dire que, pour lui, tout était fini. Qu’il était atteint d’un cancer irrémédiable. Il partait à l’hôpital dans deux jours (le 19 mai 2021), et que ce ne serait qu’une question de semaines, peut-être de jours.

C’est la Ligue nationale contre le cancer, qu’il préside depuis le 28 juin 2019, qui l’a annoncé le 11 mai 2021 : la maladie s’est brutalement aggravée et il va devoir démissionner, tout laisser en plan. En fait, cette saleté de maladie, il a eu le premier diagnostic le 3 août 2020, mais il croyait pouvoir compter sur deux ou trois ans encore. Il voulait laisser son mandat de président de la Ligue contre le cancer en 2022, après une marche de Paris à Nice (c’est un grand randonneur). Il n’en aura pas le temps : en avril 2021, un brutal coup d’accélérateur de cette maladie terrible.

On ne présente plus le professeur Axel Kahn tant il est très souvent invité des plateaux de télévision et studios de radio. L’homme est volontiers cabotin et adore parler, adore expliquer, adore transmettre, et ma foi, pour une personne qui dit des choses sensées, parfois compliquées, toujours denses, c’est plutôt une bonne chose et cela change des vendeurs de vents et de rêves.

C’est un médecin et chercheur en génétique, il a travaillé notamment à l’INSERM et à l’Institut Cochin, il a aussi beaucoup enseigné, fut président de l’Université Paris-Descartes (Paris-5) de 2007 à 2011. Mais il est connu aussi pour ses ouvrages de vulgarisation et ses essais, ses réflexions qui dépassent largement sa seule sphère de compétences scientifiques, c’est un type qui réfléchit par lui-même et cela fait du bien de l’entendre ou de le lire, même si on n’est pas forcément d’accord avec tout ce qu’il exprime.

La science est toujours proche des limites de la philosophie dès lors qu’on réfléchit à l’éthique. Axel Kahn a d’ailleurs été l’un des éminents membres du Comité consultatif nationale d’éthique (CCNE) de 1992 à 2004, et c’est par cette qualité qu’il a eu sa notoriété médiatique, même si sa notoriété était déjà construite par ses travaux de recherche (près de 500 publications dans des revues prestigieuses à comité de lecture).

Ancien membre du parti communiste français, puis du parti socialiste, Axel Kahn a toujours été "de gauche" et s’est souvent engagé : auprès de Bertrand Delanoë à Paris aux élections municipales de mars 2008, aussi auprès de Martine Aubry lors de la primaire socialiste d’octobre 2011. Candidat socialiste lui-même aux élections législatives de juin 2012 dans la 2e circonscription de Paris, Axel Kahn a obtenu un score honorable au premier tour (dans les 5e, 6e et 7e arrondissements), 33,9% et fut battu au second tour avec 43,5% par l’ancien Premier Ministre François Fillon.

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Son frère aîné, le journaliste Jean-François Kahn (presque 83 ans), le "musicologue" selon son frère, lui, s’était plutôt engagé derrière François Bayrou, sur la liste du MoDem aux élections européennes de juin 2009 dans le Grand-Est.

À 76 ans (né le 5 septembre 1944), Axel Kahn jouissait jusqu’alors d’un statut confortable de mandarin, écouté par les médias qui lui ouvraient leurs portes quand il le voulait, à l’image d’un Albert Jacquard. Il n’était donc pas étonnant qu’avec la pandémie de covid-19, il fût parmi les premiers médecins à être au front médiatique pour commenter, conseiller, recommander, regretter…

Axel Kahn fut d’ailleurs parmi les médecins qui ont le moins compris la stratégie du gouvernement après Noël 2020, demandant un troisième confinement dès la fin du mois de janvier 2021 pour réduire ces quatre à cinq cents décès quotidiens du covid-19. Il a aussi mis en garde contre les retards de dépistage des cancers à cause de la crise sanitaire et a évalué une surmortalité d’environ 13 000 décès par cancer ce retard de prise en charge.

La maladie renforce-t-elle la lucidité ? Quand Bernard Tapie, atteint du même mal et probablement pas en meilleure posture, intervient dans les médias, c’est surtout pour parler de ses affaires, de son histoire, de sa vie, alors qu’Axel Kahn, lui, aborde d’abord sa maladie, sa mortalité, son bout du chemin. Marielle de Sarnez préférait combattre dans la discrétion et loin des médias.

L’épreuve qu’Axel Kahn traverse est malheureusement aujourd’hui incontournable. Certes, c’est le destin de tout homme, mais savoir l’échéance très proche n’aide pas forcément à vivre les dernières semaines de son existence de manière sereine. Lui qui est athée, il sait qu’il survivra à son corps, de manière intellectuelle, grâce à tous les écrits qu’il a pu laisser ici ou là, et aussi dans le souvenir de ceux qui restent.

Ce qui frappe cette semaine, c’est ce besoin de s’épancher dans les médias, comme si, pour lui, c’était aussi le moyen de continuer à vivre jusqu’au bout. Ce sentiment de gêne que j’ai décrit au début, c’est une sorte d’impudeur de s’étaler ou d’étaler sa maladie. C’est aussi cette sorte de volonté de se montrer en exemple, non pas comme modèle (bien sûr que non), mais pour exprimer, se faire en quelque sorte le porte-voix de tous les malades du cancer en phase terminale qui vivent la même stupeur, la même angoisse, la même terreur.

Mais son exemple est individuel, personnel, particulier, singulier, spécifique, il ne peut représenter que lui-même dans ce dernier combat. Car lui, au contraire peut-être d’autres, semble avoir gagné une extrême, une ultime, j’oserais écrire, une sublime sérénité. Il va mourir dans quelques jours, quelques semaines, il sait qu’il va mourir bientôt, il est bien placé comme médecin pour n’imaginer aucun réel échappatoire, mais il veut vivre ses derniers moments le mieux possible, le plus serein possible, comme on termine un copieux repas, qui, à un moment, doit nécessairement s’achever.

Alors, son expression médiatique n’a qu’une valeur descriptive, qu’une valeur de témoignage, de précieux témoignage, d’angoissant témoignage, elle ne saurait être figure instructive, elle est indicative, elle n’est qu’une parmi tant d’autres mais lui, au contraire de tant d’autres, a un accès illimité aux médias, ce qui lui donne un caisse de résonance importante, aussi une certaine responsabilité.

À la question sur l’euthanasie, ce n’est plus une hypothèse d’école, Axel Kahn a répondu très clairement : pas question d’abandonner le combat, il se battra jusqu’au bout, il ne choisira pas son heure car il ne sait pas ce qu’il est encore capable de vivre des petits bonheurs. Il n’exclut pas, aux tout derniers moments, d’utiliser la possibilité d’une sédation profonde comme l’autorise la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016, mais il refusera toute euthanasie active parce qu’il ne veut rien rater de la vie. Il ne desserra la mâchoire qu’à son dernier souffle.

Aux autres malades comme à lui, il recommande d’utiliser tous les moyens pour éviter la souffrance, ce qui est possible avec les soins palliatifs, mais sans arracher à la vie qui n’est pas le rôle du médecin, comme il l’avait toujours prôné lorsqu’il était au CCNE, comme il s’était prononcé contre la réification de l’embryon humain.

Comme je l’ai prudemment écrit quelques lignes plus haut, son refus d’euthanasie n’a pas valeur d’exemple et un choix contraire n’aurait pas été plus un exemple, il n’est pas question d’un combat idéologique ni politique, mais du combat d’un homme, du choix d’un homme. Tandis que j’observe que certains lobbyistes de l’euthanasie n’avaient pas hésité, il y a quelques mois, à récupérer honteusement le suicide assisté de l’ancienne sous-ministre socialiste Paulette Guinchard-Kunstler décédée le 4 mars 2021 à Berne, dont le geste, respectable par ailleurs, a choqué, par son caractère militant, de nombreux aidants qui accompagnent des personnes atteintes d’une maladie neurodégénérative, comme si seule la mort pouvait les soigner.

Face à son destin, en regardant les yeux dans les yeux l’échéance qui va arriver prochainement, Axel Kahn a montré un certain courage, une certaine dignité aussi, celle de vouloir encore un peu maîtriser ce qui n’est plus maîtrisable, une vie, qui vient et qui part, en tâchant de faire, entre les deux, ce que le devoir et l’envie lui ont dicté. Bon courage pour ce terrible voyage…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 mai 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Fin de vie : la sérénité ultime du professeur Axel Kahn.
L’intolérable du professeur Axel Kahn.
Jean-François Kahn.
Tribune de Michel Houellebecq dans "Le Figaro" du 5 avril 2021.
Tribune de Michel Houellebecq dans "Le Monde" du 12 juillet 2019.
Euthanasie : soigner ou achever ?
Soins palliatifs.
Le congé de proche aidant.
Stephen Hawking et la dépendance.
Le plus dur est passé.
Le réveil de conscience est possible !
On n’emporte rien dans la tombe.
Les nouvelles directives anticipées depuis le 6 août 2016.
La dignité et le handicap.
Alain Minc et le coût des soins des "très vieux".
Euthanasie ou sédation ?
François Hollande et la fin de vie.
Texte intégral de la loi n°2016-87 du 2 février 2016.
La loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016.
La leçon du procès Bonnemaison.
Les sondages sur la fin de vie.
Les expériences de l’étranger.
Fausse solution.
Autre fausse solution.
La loi du 22 avril 2005.
Chaque vie humaine compte.
Vincent Lambert.
Au cœur de la civilisation humaine.
Pr. Claude Huriet.
Pr. Jacques Testart.
Bioéthique 2021 (9).

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210521-axel-kahn-fdv2021cz.html

https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/fin-de-vie-la-serenite-ultime-du-233230

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/05/21/38981028.html









 

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4 mai 2021 2 04 /05 /mai /2021 03:10

« Deux modèles de laïcité s’opposent. L’un, combatif, anticlérical, est défendu par Émile Combes ; l’autre prône la séparation mutuelle de l’État et des religions dans le respect de toutes les options spirituelles. Ce dernier modèle, plus libéral et tolérant, porté notamment par Aristide Briand, Jules Ferry et Jean Jaurès, l’emporte. » (Rapport Stasi, le 11 décembre 2003).


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L’ancien ministre centriste Bernard Stasi est mort il y a dix ans, le 4 mai 2011, d’une méchante maladie, à quelques semaines de ses 81 ans. Pour ceux qui ont connu Bernard Stasi, l’homme était simple, convivial, sans chichi, mais il était aussi une grande pointure de réflexion et surtout, une boussole de la morale politique.

Il faut insister sur ce sujet : la morale et la politique. La politique ne prétend pas faire de morale. Le politique agit quand le moraliste réfléchit. La politique, ce n’est pas l’idéal, c’est le souhaitable dans le possible, avec ses failles, ses insatisfactions, ses douches froides. Bernard Stasi ne prônait pas le moralisme, mais considérait qu’une action politique vidée de toute morale pouvait être dangereuse, pouvait aboutir à des impasses de l’histoire. C’est pour cela que son avis a beaucoup compté pendant la trentaine d’années où il fut très actif dans la vie politique.

La morale, impossible de la séparer de l’action politique. Application rapidement à l’ordre du jour : quand on s’oppose au gouvernement socialo-communiste, faut-il faire alliance avec toutes les oppositions, y compris avec l’extrême droite, par peur du communisme ? La réponse de Bernard Stasi fut évidemment non : il y a  des limites à l’anticommunisme. À ce titre, Bernard Stasi fut l’une des cibles privilégiées de Jean-Marie Le Pen, ce qui en a fait la fierté du leader centriste.

Parce qu’il était franc, Bernard Stasi n’a pas eu sans doute la carrière politique que son talent, son intelligence, l’acuité de ses convictions auraient méritée, il rêvait d’être Ministre des Affaires étrangères et il fut finalement "remercié" par ses électeurs viticulteurs de la Marne pour avoir fait trop de voyages à l’étranger et pas assez dans sa circonscription.

Son ami et condisciple de promo Jacques Chirac, qui aurait voulu en faire son Ministre du Travail, l’a finalement nommé Médiateur de la République (devenu pour ses successeurs Défenseur des droits). Mais il a vu aussi qu’il était l’homme de la situation pour enfin résoudre cette quadrature du cercle que fut le voile à l’école.

Depuis 1989, la France était en effet infectée par des débats récurrents sur le port du voile islamique d’adolescentes à l’école. Prosélytisme religieux, atteinte aux droits des femmes… ce sujet a envenimé l’école et la vie politique pendant une quinzaine d’années. Il faut dire que le ministre de l’époque, Lionel Jospin, n’avait pas eu le courage de traiter le sujet avec lucidité et l’avait lâchement laissé pourrir au Conseil d’État (le dernier échelon de la juridiction administrative), qui bottait généralement en touche pour renvoyer la balle au législateur et à ses responsabilités. Il a fallu attendre 2003 pour que le gouvernement décidât de réagir et d’adopter des mesures fermes et acceptables.

En amont de loi n°2004-228 du 15 mars 2004 sur les signes religieux dans les écoles publiques, Bernard Stasi fut chargé le 3 juillet 2003 de présider la commission chargée de dégager quelques lignes directrices de l’État. Dans cette commission dont le rapporteur fut le jeune énarque Laurent Wauquiez, plein d’avenir (et considéré alors comme centriste), on pouvait y voir Michel Delebarre, René Rémond, Nelly Olin, Nicole Guedj, Régis Debray, Raymond Soubie, Alain Touraine…

Les travaux de cette commission, essentiellement de nombreuses auditions (qui furent, pour une centaine, diffusées en direct à la télévision, sur Public Sénat), ont été très riches et la conclusion n’était pas écrite à l’avance. Avec sa passion habituelle, Bernard Stasi a mené ces travaux avec une neutralité combative, cherchant à comprendre les ressorts de celles qui voulaient porter le voile, entre provocation familiale sans conséquence publique et promotion consciente de l’islamisme politique.

Son talent fut notamment d’avoir su créer une dynamique de groupe au sein de la commission, malgré la grande diversité de ses membres : « Très vite s’est créé, entre nous, ce que je m permettrai d’appeler un esprit d’équipe ; esprit d’équipe encore renforcé par un attachement commun à une laïcité qui soit à la fois intransigeante dans l’application des principes de la République et respectueuse de toutes les croyances religieuses et philosophiques ».

J’avais déjà évoqué le rapport qui a été remis au Président Chirac le 11 décembre 2003 (à lire ici dans son intégralité), et je voudrais y revenir pour quelques éléments intéressants. Cette commission a fait date car elle a permis d’écouter toutes les forces vives du pays sur l’un des fondements de notre pays, la laïcité, et, Bernard Stasi le précisait en introduction, aucune des personnalités sollicitées n’a refusé de s’exprimer (à l’exception des gamines porteuses de voile). C’est un sujet qui passionne les Français : « Oui, les Français ont parfaitement conscience que ce qui est en jeu dans ce débat est important pour eux et pour notre pays, pour la qualité de notre vivre ensemble, aujourd’hui et demain. ».  Et à l’évidence, presque que vingt ans plus tard, ce sujet passionne toujours autant les Français, voire plus, d’autant plus que depuis 2012, des citoyens français ont perdu leur vie pour cette laïcité, au nom d’un islamisme politique qui voudrait terroriser plus ou moins aveuglément la République.

Bernard Stasi voulait encore ménager ceux qui niaient, à l’époque, l’existence même d’un problème (à l’instar du ministre de l’époque Lionel Jospin) : « Il ne s’agit certes pas de dramatiser, mais c’est le devoir de tous ceux qui exercent des responsabilités dans notre pays d’être clairvoyants. ».

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Son rapport pointait du doigt la dégradation de nombreux "quartiers" urbains : « Dans sept cents quartiers, accueillant de nombreuses nationalités, les difficultés se cumulent : chômage supérieur à 40%, problèmes aigus de scolarisation, signalements sociaux trois fois plus importants que dans le reste du territoire. Les habitants de ces quartiers délaissés ont le sentiment d’être victimes d’une relégation sociale qui les condamne au repli sur eux-mêmes. C’est notamment le cas des plus jeunes. 32% de la population y a moins de vingt ans : c’est dire le gâchis pour eux-mêmes et pour la République. ».

En clair, cette situation dans les "banlieues" n’est pas nouvelle, et les militaires "en charentaises" signataires d’une tribune à l’expression extrémiste à la limite de l’appel à la sédition semblent avoir découvert récemment cette réalité sociale pourtant déjà très ancienne… En ce sens, Michel Houellebecq serait un meilleur capteur de signal alarmant que des militaires en retraite ambitionnant un "coup" (bas) politique.

Le rapport s’inquiétait aussi de la dégradation de la vie des femmes : « "La République ne protège plus ses enfants". Les jeunes femmes se retrouvent victimes d’une résurgence du sexisme qui se traduit par diverses pressions et par des violences verbales, psychologiques ou physiques. Des jeunes gens leur imposent de porter des tenues couvrantes et asexuées, de baisser le regard à la vue d’un homme ; à défaut de s’y conformer, elles sont stigmatisées comme "putes". Plusieurs associations s’alarment des démissions de plus en plus fréquentes de leurs adhérentes d’origine étrangère, qui se voient interdire par leur milieu l’engagement dans la vie associative. (…) Des droits élémentaires des femmes sont aujourd’hui quotidiennement bafoués dans notre pays. Une telle situation est inacceptable. ».

Une autre caractéristique déjà bien ancrée dans la société de l’époque, la recrudescence des faits d’antisémitisme : « Les menaces à la laïcité vont de pair avec un regain de violence à l’égard de personnes appartenant ou censées appartenir à la communauté juive. Cet antisémitisme ravivé, en France ou dans d’autres pays européens, est attisé par les images du conflit israélo-palestinien. (…) Toute injure, toute action, toute violence à caractère antisémite est répréhensible et doit être punie sévèrement conformément à la loi. ». Comment ne pas penser au meurtre de Sarah Halimi, au caractère antisémite reconnu, commis par une personne dont le procès n’aura a priori jamais lieu ?

Autre signe déjà présent qui fait penser à l’assassinat de Samuel Paty : « Ces menaces ne pèsent pas que sur les élèves. Des enseignants ont quitté l’enseignement public, en raison des difficultés auxquelles ils étaient confrontés du fait de leur patronyme. ».

Enfin, dans sa conclusion, le rapport rappelait : « La liberté de conscience, l’égalité de droit, et la neutralité du pouvoir politique doivent bénéficier à tous, quelles que soient leurs options spirituelles. Mais il s’agit aussi pour l’État de réaffirmer des règles strictes, afin que ce vivre en commun dans une société plurielle puisse être assuré. La laïcité française implique aujourd’hui de donner force aux principes qui la fondent, de conforter les services publics et d’assurer le respect de la diversité spirituelle. ».

Les travaux de cette commission ont été suivis de mesures concrètes, par cette loi qui interdit le port ostensible de signes religieux à l’école publique. Cette loi a réglé le problème de voile à l’école, donnant aux chefs d’établissement l’outil juridique de l’interdire sans risquer d’être démentis par un tribunal administratif.

Depuis cette commission, d’autres embûches se sont dressées sur le chemin de la laïcité. Et ce sont d’autres commissions Stasi qu’il faudrait mettre en place pour étudier en toute rationalité les problèmes qui se posent concrètement pour défendre les valeurs républicaines aujourd’hui. Que le souvenir de Bernard Stasi perdure dans l’idée que la tolérance ne peut que s’accompagner, pour être respectée, d’une défense ferme et déterminée des valeurs qui fondent notre cohésion nationale. Encore merci Bernard !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (02 mai 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La laïcité tolérante mais intransigeante de Bernard Stasi.
Rapport Stasi du 11 décembre 2003 sur la laïcité (à télécharger).
Bernard Stasi et la peine de mort.
Discours du Président Jacques Chirac le 17 décembre 2003 à l’Élysée sur la laïcité (texte intégral).
La Commission Stasi : la République, le voile islamique et le "vivre ensemble".
L’immigration, une chance pour la France : Bernard Stasi toujours d’actualité !
Bernard Stasi a 80 ans.
Pas de politique sans morale.
Merci Bernard !
Hommage de François Bayrou à Bernard Stasi (11 mai 2011).

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210504-bernard-stasi.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-laicite-tolerante-mais-232764

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/05/01/38949248.html



 

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2 mai 2021 7 02 /05 /mai /2021 01:28

En 2003, Bernard Stasi a présidé la commission qui a permis de résoudre le problème du voile à l'école. Le rapport de la commission remis au Président Jacques Chirac le 11 décembre 2003 peut être lu sur Internet.

Cliquer sur le lien pour télécharger le rapport (fichier .pdf) :
https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/034000725.pdf

Pour en savoir plus :
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210504-bernard-stasi.html

SR
https://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20031211-rapport-stasi.html

 

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8 avril 2021 4 08 /04 /avril /2021 03:57

« Je vais, là, devoir être très explicite : lorsqu’un pays, une société, une civilisation, en vient à légaliser l’euthanasie, il perd à mes yeux tout droit au respect. Il devient dès lors non seulement légitime, mais souhaitable, de le détruire ; afin qu’autre chose, un autre pays, une autre société, une autre civilisation, ait une chance d’advenir. » (Michel Houellebecq, "Le Figaro" du 5 avril 2021).



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L’euthanasie est un sujet qui revient sans cesse. C’est un sujet essentiel puisqu’il parle de la vie et de la mort, de sa vie, de celle des proches. Cette intimité immédiate peut remplacer la raison par l’émotion. Chacun en a une conscience qui est respectable, mais beaucoup s’aventure dans cette réflexion avec des idées biaisées. Ce jeudi 8 avril 2021 est examinée à l’Assemblée Nationale la proposition de loi émanant d’un député proche de la majorité qui souhaite instaurer l’euthanasie et le suicide assisté. Le 11 mars 2021, à peine un mois auparavant, les sénateurs avaient rejeté une autre proposition de loi, cette fois-ci d’une sénatrice socialiste, qui exigeait les mêmes mesures. Ce type d’initiative est régulièrement mis sur la table, et je propose ici de dire pourquoi sur le fond et sur le calendrier ces propositions me paraissent très inquiétantes. Mais plus inquiétante encore est l’hésitation du pouvoir exécutif sur le sujet.

La réalité que recouvre l’euthanasie est tellement dérangeante que pas un de ses promoteurs n’ose prononcer son nom. Ils préfèrent "mourir avec dignité", comme si être affaibli, être vulnérable, être en situation d’extrême dépendance (ce qui, finalement, est notre futur si tout se passe bien dans notre vie, sans maladie, sans agression et sans accident) était indigne d’être vécu. Comme si le clivage était "mourir avec dignité" ou "vivre avec indignité". Comme si le fait d’être un impotent, un inutile, un improductif nécessitait d’être immédiatement éliminé d’une société qui promeut en permanence la jeunesse, la force, la forme, le dynamisme, bref, le mode de vie Hollywood chewing-gum.

L’euthanasie, c’est commode quand on ne veut plus être solidaire. C’est commode quand on ne veut plus accompagner les fragiles sinon en les éliminant. C’est commode quand on ne veut plus financer leur occupation de lit, leurs soins, leur présence, leur existence. L’euthanasie, c’est écarter les mauvais éléments du bon grain de la société de surconsommation. Comment, dès lors, ne pas y associer l’eugénisme que sous-tend nécessairement le concept ?

Ce débat arrive à un moment assez peu opportun. D’une part, en pleine crise sanitaire, on essaie plutôt de sauver des vies que de faire mourir. La lutte de tous les instants, c’est de sortir de cette pandémie de la mort. Encourager l’abandon de l’autre, encourager le suicide assisté, c’est au mieux une maladresse de contexte. Imagine-t-on augmenter le nombre de lits en réanimation si l’on promeut l’euthanasie ? Faudra-t-il réanimer les candidats au suicide qui ont échoué dans leur tentative ? D’autre part, il existe une loi qui est encore trop peu connue et qui manque aussi d’accompagnement budgétaire. Ce qu’il faut, c’est ne pas souffrir et donner des moyens massifs pour créer des unités mobiles de soins palliatifs capables de visiter les domiciles, capables d’être présentes dans tous les services hospitaliers et pas seulement au "service des soins palliatifs".

La fin de vie est un sujet que j’ai très souvent abordé ici (voir en fin d’article). Je ne souhaite pas forcément reprendre tous les arguments qui me font opposer au principe de l’euthanasie. Chaque situation est unique et vouloir légiférer sur le sujet est plus qu’une erreur, c’est une horreur. La loi généralise alors que la mort est singulière. C’est ouvrir une brèche béante sur un interdit que reprend l’un des commandements chrétiens mais qui n’est qu’une injonction morale qu’on retrouve dans le code pénal, celui d’un pays comme le nôtre, laïque et sans rapport aucun avec la religion, sinon son origine.

C’est étrange d’ailleurs que certains promoteurs de l’euthanasie fustigent toute argumentation qui leur est opposée sous prétexte qu’elle pourrait être d’inspiration religieuse (chrétienne, mais également d’autres religions), alors qu’eux-mêmes évoquent "l’exigence morale" qui devrait rendre légal le fait de tuer des personnes fragiles et vulnérables. Alors, oui, plaçons-nous toujours sur le plan moral, et jamais sur le plan religieux. L’opposition à l’euthanasie n’est d’ailleurs pas réservée aux croyants, beaucoup de personnes athées ou agnostiques la combattent à juste titre, pour la même raison, morale. L’exigence morale, c’est de ne pas légaliser ce qui est un assassinat, un meurtre avec préméditation. Plus la frontière est floue, plus les abus viendront. Un médecin a prêté serment avant d’exercer. Le serment d’Hippocrate est assez clair : « Je ne remettrai à personne du poison, si on m’en demande, ni ne prendrai l’initiative d’une pareille suggestion. ». Il n’y a rien de religieux à cela. Seulement le service aux malades, les soigner les mieux possibles. Ne pas les abandonner dans leur propre déchéance.

Certains pays ont montré, par leur législation, ou leur non-législation, des horreurs que je ne souhaite absolument pas en France. La Suisse, par exemple, n’a jamais légalisé le suicide assisté, simplemeent, des associations militantes (et vénales) ont pu profiter d’un vide juridique qui permettait d’aider (le mot est mal choisi) les personnes candidate au suicide. Ceux qui s’intéressent d’un peu près à ce qui se passe à travers ces associations sont horrifiés, on y fait mourir mal, parfois dans des parkings désaffectés, au point que le gouvernement suisse songe aujourd’hui à légiférer, c’est-à-dire à interdire cette pratique qui fait les choux gras de quelques individus dans un business européen (la France et l’Allemagne sont de grands pourvoyeurs de clients).

En Belgique, la législation et la pratique de l’euthanasie est inquiétante, on a "euthanasié" des personnes en dépression nerveuse qui, par définition, sont suicidaires (on aurait peut-être pu les soigner, leur dire que la vie vaut le coup d’être vécue au lieu d’aller dans leur sens), d’autres en situation de handicap mental, d’autres encore parce qu’elles étaient orphelines et sans capacité à vivre sans parents, d’autres carrément des enfants, etc. Bref, plus le temps avance, plus le prétendu "progressisme" se fait en sens inverse, vers plus de barbarie, plus de lâcheté, plus d’égoïsme.

Ce sont toujours les bien portants qui réclament l’euthanasie, mais la plupart des médecins peuvent constater, à quelques exceptions, que très rares sont ceux qui, réellement, sont en situation de fin de vie et veulent être euthanasiés. Souvent, ce sont des personnes qui sont peu accompagnées qui veulent en finir. Ils ne reçoivent plus l’image d’humanité d’eux-mêmes. Parler de dignité, c’est les rendre indignes, leur enlever leur humanité.

Les sondages sont régulièrement émis et donnent une très mauvaise photographie de "l’opinion publique". On tronque l’enjeu avec un sophisme insupportable. On pose la question : voulez-vous souffrir atrocement ou qu’on vous achève ? Normal que 95% répondent vouloir être achevés (parmi lesquels des croyants, etc.). On se demande même pourquoi il y aurait encore 5% qui seraient prêts à souffrir. La bonne question n’est pas celle-là mais celle-ci : comment supprimer la souffrance ?

C’est en gros l’argumentation d’un auteur que j’adore particulièrement, Michel Houellebecq, et lui qui s’invite rarement dans les débats politiques, semble vouloir s’engager personnellement pour pourfendre les zélateurs de l’euthanasie. Il l’a fait dans une excellente tribune publiée par "Le Figaro" le 5 avril 2021. Elle reprend quelques éléments d’une autre tribune publiée dans "Le Monde" le 12 juillet 2019, à la mort voulue de Vincent Lambert, voulue par d’autres que lui.

Je ne suis pas toujours en accord avec toutes ses idées (par exemple, il veut la dépénalisation de la consommation de drogues) mais il semble avoir les mêmes valeurs que moi. Très étrangement, d’ailleurs, ce n’est pas signalé et pourtant, c’est remarquable : en combattant l’euthanasie, il rejoint probablement les positions de l’islam, tout comme celles du christianisme. Mais plus généralement, désabusé, le romancier se désespère de voir les religions avoir une influence quelconque sur ce débat alors que justement, les lobbyistes de l’euthanasie croient que la religion serait encore très influente (ce qui est un anachronisme, je crois que Michel Houellebecq a raison, la religion n’a plus beaucoup d’influence, même quand elle sait se mobiliser contre le mariage pour tous, et agiter cet étendard tend à déplacer le débat en disant : bouuh, ce sont les intégristes qui sont contre l’euthanasie, mesure supposée progressiste, moderniste et tout ça).

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Le raisonnement de Michel Houellebecq est très clair et très simple dans sa logique. Premièrement : « Personne n’a envie de mourir. On préfère en général une vie amoindrie à pas de vie du tout ; parce qu’il reste de petites joies. ». Deuxièmement : « Personne n’a envie de souffrir. J’entends, de souffrir physiquement. (…) La souffrance physique n’est rien d’autre qu’un enfer pur, dénué d’intérêt comme de sens, dont on ne peut tirer aucun enseignement. (…) À peu près tout le monde, placé devant une alternative entre une souffrance insoutenable et la mort, choisit la mort. ». Les personnes diminuées savent ce qu’est une "petite joie". Le plaisir encore de savourer un fruit, de ressentir la chaleur du soleil, l’odeur d’une fleur…

Ces deux premières propositions sont communes à tous les "protagonistes" de ce débat. Elles sont consensuelles. Mais les partisans de l’euthanasie oublient la troisième proposition que Michel Houellebecq qualifie de la plus importante : « On peut éliminer la souffrance physique. ». Et de rappeler la découverte de la morphine en 1804 (il évoque aussi l’hypnose). C’est tout l’objet de relancer un nouveau plan pour les soins palliatifs : soigner et pas tuer les patients en fin de vie, pour tuer la souffrance au lieu de la personne. Là est l’humanisme.

Dans ses deux tribunes sur le sujet, Michel Houellebecq revient aussi sur la "dignité" sans arrêt mise en avant par les partisans de l’euthanasie.

Le 12 juillet 2019 : « J’ai consulté Le Petit Larousse (édition 2017). Il définit, assez simplement, la dignité comme le "respect que mérite quelqu’un". (…) La dignité (le respect qu’on vous doit), si elle peut être altérée par divers actes moralement répréhensibles, ne peut en aucun cas l’être par une dégradation, aussi catastrophique soit-elle, de son état de santé. Ou alors c’est qu’il y a eu, effectivement, une "évolution des mentalités". Je ne pense pas qu’il y ait lieu de s’en réjouir. ».

Le 5 avril 2021 : « Je vais finir de perdre mes cheveux et mes dents, mes poumons vont commencer à partir en lambeaux. Je vais devenir plus ou moins impotent, plus ou moins impuissant, peut-être incontinent, peut-être aveugle. Au bout d’un certain temps, un certain stade de dégradation physique une fois atteint, je finirai forcément par me dire (encore heureux si on ne me le fait pas remarquer) que je n’ai plus aucune dignité. Bon, et alors ? Si c’est ça, la dignité, on peut très bien vivre sans ; on s’en passe. Par contre, on a tous plus ou moins besoin de se sentir nécessaires ou aimés ; à défaut estimés, voire admirés, dans mon cas c’est possible. Ça aussi, c’est vrai, on peut le perdre ; mais là, on n’y peut pas grand-chose ; les autres jouent à cet égard un rôle tout à fait déterminant. ». Le regard de l’autre renvoie sa propre humanité.

Je voudrais revenir au débat sénatorial du 11 mars 2021. Je regrette d’avoir une position commune avec le RN mais c’est le cas sur ce sujet. L’unique sénateur RN, élu de Marseille, Stéphane Ravier a exprimé précisément ce qui me paraît sensé et pertinent : « Alors que nous avons mis à l’arrêt l’économie pour protéger nos anciens et nos plus fragiles ces derniers mois, vous balayez ces sacrifices pour offrir aux Français une perspective macabre dans un projet nauséabond et matérialiste, ce projet que l’on nomme par antinomie "progressiste", pour éliminer ceux qui ne sont plus jugés utiles. Le professeur Jean Bernard disait qu’il faut "ajouter de la vie aux jours lorsqu’on ne peut plus ajouter de jours à la vie". C’est cela, la médecine humaniste. La souffrance peut faire peur, la liberté sans frein peut séduire ; mais jamais la mort précipitée ne doit être une solution. Une fin de vie confortable, voilà ce qui fait honneur à la société, à la conscience individuelle. Ne cédons pas à l’inconscience collective ! ».

L’orateur suivant était (le même jour) le sénateur LR René-Paul Savary, qui est aussi un médecin généraliste et qui a commencé son intervention en étonnant ses contradicteurs : « Je me souviens de Jeanne, me répétant à chaque visite, qu’elle voulait en finir, qu’elle souffrait le martyre. Je lui ai dit que j’étais prêt à répondre à sa volonté. J’ai alors vu dans son expression la crainte de ne plus vivre. Au fond d’elle-même, elle n’était pas prête. La volonté d’un jour n’est pas forcément celle de toujours. (…) [Cette proposition de loi] est plus sociétale que médicale (…). Les patients désireux de mourir le veulent-ils vraiment ? Leur volonté ne peut-elle être orientée ? Décrire la mort par euthanasie comme "naturelle", n’est-ce pas le signe d’une science à la dérive ? (…) Selon un collectif de médecins gériatres, dans les pays où l’aide active à mourir est autorisée, les patients peuvent ressentir une pression de la société ou de leur famille pour demander une mort anticipée. ».

Cette pression sera incontournable avec l’aspect économique des choses. Sur le plan personnel et familial, combien de familles voudraient-elles être "soulagées" par la mort de leur ascendant, avec un héritage en plus ? mais ce n’est pas cela qui m’inquiète le plus, c’est plutôt sur le plan national et politique, combien de gouvernements résisteront-ils avant d’imposer dans les faits l’euthanasie pour des raisons budgétaires ? Car évidemment, les six derniers mois d’une existence sont les plus coûteux pour la sécurité sociale. Il suffirait de les supprimer purement et simplement.

De plus, si on euthanasie les malades au lieu de les soigner, ce n’est pas ainsi qu’on fera des progrès dans la recherche médicale. Sauver des vies, c’est l’une des motivations clefs des scientifiques pour imaginer de nouveaux traitements et de nouveaux vaccins, on l’a bien vu avec la pandémie du covid-19. À quoi servirait-il de soigner des malades prêts à s’avouer vaincus et à mourir terrassés par leur maladie en y étant "aidés" ?

Vouloir en finir n’est pourtant parfois qu’un simple mouvement d’humeur. Ce changement de pied (vouloir en finir, vouloir continuer à vivre) est un comportement ordinaire des malades en grande vulnérabilité. L’idée d’un fardeau que parfois, il est difficile mais pas impossible de supporter. Michel Houellebecq en parle dans sa tribune du 12 juillet 2019 : « Moi aussi, dans certaines circonstances (heureusement peu nombreuses) de ma vie, j’ai été prêt à tout, à supplier qu’on m’achève, qu’on me pique, tout plutôt que de continuer à supporter ça. Et puis on m’a fait une piqûre (de morphine), et mon point de vue a changé radicalement, du tout au tout. En quelques minutes, presque en quelques secondes. ». Mais dans sa tribune du 5 avril 2021, il explique qu’une demande d’euthanasie cache parfois une autre demande, plus importante : « Et je me vois très bien demander à mourir juste dans l’espoir qu’on me réponde : "Mais non mais non, reste avec nous" ; ce serait tout à fait dans mon style. Et en plus j’avoue cela sans la moindre honte. ». Nous sommes peut-être entrés dans une société du seul premier degré.

La réalité, c’est qu’il existe déjà une loi depuis le 22 avril 2005, qui a été complétée le 2 février 2016 et qui demande encore à être connue : la loi Claeys-Leonetti. Pourquoi vouloir changer la loi alors qu’il existe déjà une loi pour la fin de vie qui a fait quasiment le consensus ? On ne peut pas légiférer sur la mort sans avoir un consensus, c’est un sujet trop sensible, trop profond, trop grave pour qu’il crée un clivage entre les pour et les contre. Or, cette loi interdit l’acharnement thérapeutique, elle est basée avant tout sur la suppression de toute souffrance et sur la volonté des patients qui peut s’exprimer dans les directives anticipées (même si, là encore, on peut avoir une vision différente lorsqu’on est bien portant et lorsqu’on est malade). Il faut déjà appliquer la loi avant d’en faire une nouvelle. Elle répond à presque toutes les situations de grande détresse.

Ce qui est un scandale, ce n’est pas que l’euthanasie ne soit pas possible. D’ailleurs, elle l’est dans le secret des chambres d’hôpital, et si on critique ces euthanasies clandestines, ce n’est pas pour un meilleur accompagnement des personnes en fin de vie, c’est avant tout pour une meilleure protection juridique. Or, justement, le sujet est tellement singulier qu’en ne légiférant pas, ceux qui les pratiquent (avec leurs raisons et leur conscience, que je ne me permettrais en aucun cas de juger) doivent prendre leurs propres responsabilités, et à ma connaissance, aucun médecin n’a été inquiété ni surtout condamné par la justice pour une telle pratique, même considéré, au yeux du droit, illégale. En revanche, le médecin ou l’infirmière voleur d’héritage qui tue en série de nombreux patients vulnérables aura plus de mal à être condamné par la justice avec une loi sur l’euthanasie puisque l’horrible précédent de Vincent Lambert montre bien qu’on peut supposer la volonté d’un patient incapable de l’exprimer dans le sens qu’on veut. L’exemple de l’affaire Bonnemaison est très instructif à cet égard.

Ce qui est un scandale, c’est qu’on souffre encore, c’est-à-dire, que les soins palliatifs ne soient pas encore assez développés. C’était le sens de la réponse du gouvernement le 11 mars 2021 au Sénat. Le Ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran a en effet annoncé un nouveau plan de développement des soins palliatifs, ce qui est la vraie réponse aux fins de vie scandaleuses qu’on peut encore décrire dans la France d’aujourd’hui : « À compter du mois d’avril [2021] sera lancé le cinquième plan national pour les soins palliatifs et l’accompagnement de la fin de vie. Il sera piloté par les docteurs Olivier Mermet et Bruno Richard. Ce plan sera triennal. Nous y inscrirons l’amélioration de la formation initiale et continue des soignants. Avec Frédéric Vidal, nous travaillons à intégrer la fin de vie dans les formations de santé. Nous développerons la prise en charge en ville, avec la mise à disposition du midazolam fin 2021. Il y a aussi un enjeu de moyens : le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) augmentera la dotation socle des soins palliatifs. Le Ségur de la santé a prévu 7 millions d’euros pour l’appui sanitaire dans les EHPAD, comprenant des astreintes de soins palliatifs. ».

Le ministre a auparavant insisté sur l’application d’abord de la législation actuelle : « Aide-soignant en EHPAD, puis médecin neurologue, j’ai assisté de près à l’imminence de la mort. Ces instants sont toujours des épreuves de vérité et de doute, parfois de sérénité. Il y a cinq ans, le législateur a voté la loi Claeys-Leonetti, issue d’un large consensus (…). Elle a notamment affirmé le droit du malade à demander l’arrêt des traitements (…). L’enjeu n’est pas tant de faire évoluer cette loi que de la faire connaître, aussi bien des professionnels que de nos concitoyens. Seuls 18% des Français de plus de 50 ans ont rédigé des directives anticipées. (…) Sur ce sujet intime, je ne crois pas que certaines législations soient plus "en avance" que d’autres. ».

Olivier Véran, qui n’a pas peur d’aller sur le terrain des complotistes, a alors évoqué le Rivotril dont le but n’était pas d’euthanasier les personnes atteintes du covid-19 en EHPAD mais de réduire leur éventuelle souffrance dans le traitement de la maladie. D’ailleurs, croire que le gouvernement voudrait se débarrasser des résidents dans les EHPAD est une impression contredite par la stratégie gouvernementale de la vaccination qui a permis quasiment la fin de la mortalité covid-19 en EHPAD alors qu’elle correspondait à un tiers environ de la mortalité générale en France avant janvier 2021. En effet, il a dit : « Si les soignants ne sont pas sensibilisés, ils ne peuvent appliquer correctement la loi. Durant la crise sanitaire, lorsque j’ai autorisé l’administration à domicile de produits antidouleur comme le Rivotril, je me suis parfois heurté à des réactions très négatives. ».

Appliquons la loi, misons massivement sur les soins palliatifs, cela demande un effort budgetaire mais c’est un investissement nécessaire, c’est le rôle de l’État protecteur, protecteur des vies humaines et protecteur du meilleur confort en fin de vie. On imagine beaucoup trop facilement ce qu’un État pourrait y gagner avec une généralisation massive de la pratique de l’euthanasie, la culpabilisation des personnes vulnérables qui oseraient vouloir rester en vie alors que la décence nouvelle imposerait de s’effacer pour libérer la place aux plus jeunes et surtout aux plus productifs, pour économiser de l’argent qui pourrait être dépensé à des choses plus futiles que soigner des apprentis mourants. Dès lors qu’on commence avec cette logique de la mort, avec cette culture de la mort, il n’y aura plus de limite, et les fictions comme le "Soleil vert" deviendront hélas une triste réalité.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (05 avril 2021)
http://www.rakotoarison.eu

Les trois illustrations proviennent de tableaux de Paula Modersohn-Becker.


Pour aller plus loin :
Tribune de Michel Houellebecq dans "Le Figaro" du 5 avril 2021.
Tribune de Michel Houellebecq dans "Le Monde" du 12 juillet 2019.
Euthanasie : soigner ou achever ?
Soins palliatifs.
Le congé de proche aidant.
Stephen Hawking et la dépendance.
Le plus dur est passé.
Le réveil de conscience est possible !
On n’emporte rien dans la tombe.
Les nouvelles directives anticipées depuis le 6 août 2016.
La dignité et le handicap.
Alain Minc et le coût des soins des "très vieux".
Euthanasie ou sédation ?
François Hollande et la fin de vie.
Texte intégral de la loi n°2016-87 du 2 février 2016.
La loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016.
La leçon du procès Bonnemaison.
Les sondages sur la fin de vie.
Les expériences de l’étranger.
Fausse solution.
Autre fausse solution.
La loi du 22 avril 2005.
Chaque vie humaine compte.
Vincent Lambert.
Au cœur de la civilisation humaine.
Pr. Claude Huriet.
Pr. Jacques Testart.
Bioéthique 2021 (9).

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210405-euthanasie-cy.html

https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/euthanasie-soigner-ou-achever-232141

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/03/11/38859793.html






 

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5 avril 2021 1 05 /04 /avril /2021 21:50

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Pour en savoir plus :
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210405-euthanasie-cy.html



Tribune de Michel Houellebecq
dans "Le Figaro" du 5 avril 2021 sur l'euthanasie



Proposition numéro 1 : personne n’a envie de mourir. On préfère en général une vie amoindrie à pas de vie du tout ; parce qu’il reste de petites joies. La vie n’est-elle pas de toute façon, par définition presque, un processus d’amoindrissement? Et y a-t-il d’autres joies que de petites joies (cela mériterait d’être creusé)?

Proposition numéro 2 : personne n’a envie de souffrir. J’entends, de souffrir physiquement. La souffrance morale a ses charmes, on peut même en faire un matériau esthétique (et je ne m’en suis pas privé). La souffrance physique n’est rien d’autre qu’un enfer pur, dénué d’intérêt comme de sens, dont on ne peut tirer aucun enseignement. La vie a pu être sommairement (et faussement) décrite comme une recherche du plaisir ; elle est, bien plus sûrement, un évitement de la souffrance ; et à peu près tout le monde, placé devant une alternative entre une souffrance insoutenable et la mort, choisit la mort.

Proposition numéro 3, la plus importante: on peut éliminer la souffrance physique. Début du XIXe siècle: découverte de la morphine ; un grand nombre de molécules apparentées sont apparues depuis lors. Fin du XIXe siècle: redécouverte de l’hypnose ; demeure peu utilisée en France.

L’omission de ces faits peut expliquer à lui seul les sondages effarants en faveur de l’euthanasie (96 % d’opinions favorables, si je me souviens bien). 96 % des gens comprennent qu’on leur pose la question: «Préférez-vous qu’on vous aide à mourir ou passer le restant de vos jours dans des souffrances épouvantables?», alors que 4 % connaissent réellement la morphine et l’hypnose ; le pourcentage paraît plausible.

Je résiste à l’occasion de me lancer dans un plaidoyer pour la dépénalisation des drogues (et pas seulement des drogues «douces») ; c’est un autre sujet, sur lequel je renvoie aux observations pleines de sagesse de l’excellent Patrick Eudeline.

Les partisans de l’euthanasie se gargarisent de mots dont ils dévoient la signification à un point tel qu’ils ne devraient même plus avoir le droit de les prononcer. Dans le cas de la «compassion», le mensonge est palpable. En ce qui concerne la «dignité», c’est plus insidieux. Nous nous sommes sérieusement écartés de la définition kantienne de la dignité en substituant peu à peu l’être physique à l’être moral (en niant la notion même d’être moral?), en substituant à la capacité proprement humaine d’agir par obéissance à l’impératif catégorique la conception, plus animale et plus plate, d’état de santé, devenu une sorte de condition de possibilité de la dignité humaine, jusqu’à représenter finalement son seul sens véritable.

La dignité, on peut très bien vivre sans ; on s’en passe. Par contre, on a tous plus ou moins besoin de se sentir nécessaires ou aimés ; à défaut estimés

Dans ce sens je n’ai guère eu l’impression, tout au long de ma vie, de manifester une dignité exceptionnelle ; et je n’ai pas l’impression que ce soit appelé à s’améliorer. Je vais finir de perdre mes cheveux et mes dents, mes poumons vont commencer à partir en lambeaux. Je vais devenir plus ou moins impotent, plus ou moins impuissant, peut-être incontinent, peut-être aveugle. Au bout d’un certain temps, un certain stade de dégradation physique une fois atteint, je finirai forcément par me dire (encore heureux si on ne me le fait pas remarquer) que je n’ai plus aucune dignité.

Bon, et alors? Si c’est ça, la dignité, on peut très bien vivre sans ; on s’en passe. Par contre, on a tous plus ou moins besoin de se sentir nécessaires ou aimés ; à défaut estimés — voire admirés, dans mon cas c’est possible. Ça aussi, c’est vrai, on peut le perdre ; mais, là, on n’y peut pas grand-chose ; les autres jouent à cet égard un rôle tout à fait déterminant. Et je me vois très bien demander à mourir juste dans l’espoir qu’on me réponde: «Mais non mais non, reste avec nous» ; ce serait tout à fait dans mon style. Et en plus j’avoue cela sans la moindre honte. La conclusion, j’en ai peur, s’impose: je suis un être humain absolument dépourvu de toute dignité.

Un élément de baratin habituel consiste à affirmer que la France est «en retard» sur les autres pays. L’exposé des motifs de la proposition de loi qui va prochainement être déposée en faveur de l’euthanasie est à cet égard comique: cherchant les pays par rapport auxquels la France serait «en retard», ils ne trouvent que la Belgique, la Hollande et le Luxembourg ; je ne suis pas franchement impressionné.

La suite de l’exposé des motifs consiste en un enfilage de citations d’Anne Bert, présentées comme «d’une force admirable», mais qui ont plutôt eu sur moi l’effet malencontreux d’éveiller le soupçon. Ainsi, quand elle affirme: «Non, l’euthanasie ne relève pas de l’eugénisme» ; il est pourtant patent que leurs partisans, du «divin» Platon aux nazis, sont exactement les mêmes. De même, lorsqu’elle poursuit: «Non, la loi belge sur l’euthanasie n’a pas encouragé les spoliations d’héritage» ; j’avoue que n’y avais pas pensé, mais maintenant qu’elle en parle…

Immédiatement après, elle lâche carrément le morceau en affirmant que l’euthanasie «n’est pas une solution d’ordre économique». Il y a pourtant bel et bien certains arguments sordides que l’on ne rencontre que chez des «économistes», pour autant que le terme ait un sens. C’est bien Jacques Attali qui a insisté lourdement, dans un ouvrage déjà ancien, sur le prix que coûte à la collectivité le maintien en vie des très vieilles personnes ; et il n’est guère surprenant qu’Alain Minc, plus récemment, soit allé dans le même sens, Attali c’est juste Minc en plus bête (sans même parler du guignol de Closets, qui est comme le singe des deux précédents, leur Jean Saucisse).

Pour tout lecteur du Bardo Thödol, l’agonie est un moment particulièrement important de la vie d’un homme

Les catholiques résisteront de leur mieux, mais, c’est triste à dire, on s’est plus ou moins habitués à ce que les catholiques perdent à chaque fois. Les musulmans et les juifs pensent sur ce sujet, comme sur bien d’autres sujets dits «sociétaux» (vilain mot), exactement la même chose que les catholiques ; les médias s’entendent en général fort bien à le dissimuler. Je ne me fais pas beaucoup d’illusions, ces confessions finiront par plier, par se soumettre au joug de la «loi républicaine» ; leurs prêtres, rabbins ou imams accompagneront les futurs euthanasiés en leur disant que là c’est pas terrible, mais que demain sera mieux, et que même si les hommes les abandonnent, Dieu va s’occuper d’eux. Admettons.

Du point de vue des lamas, la situation est sans doute encore pire. Pour tout lecteur conséquent du Bardo Thödol, l’agonie est un moment particulièrement important de la vie d’un homme, car elle lui offre une dernière chance, même dans le cas d’un karma défavorable, de se libérer du samsara, du cycle des incarnations. Toute interruption anticipée de l’agonie est donc un acte franchement criminel ; malheureusement, les bouddhistes interviennent peu dans le débat public.

Demeurent les médecins, en qui j’avais fondé peu d’espérance, sans doute parce que je les connaissais mal, mais il est indéniable que certains d’entre eux résistent, se refusent obstinément à donner la mort à leurs patients, et qu’ils resteront peut-être l’ultime barrière. Je ne sais pas d’où ça leur vient, ce courage, c’est peut-être juste le respect du serment d’Hippocrate: «Je ne remettrai à personne du poison, si on m’en demande, ni ne prendrai l’initiative d’une pareille suggestion». C’est possible ; ça a dû être un moment important, dans leurs vies, la prononciation publique de ce serment. En tout cas c’est beau, ce combat, même si on a l’impression que c’est un combat «pour l’honneur». Ce ne serait d’ailleurs pas exactement rien, l’honneur d’une civilisation ; mais c’est bien autre chose qui est en jeu, sur le plan anthropologique c’est une question de vie ou de mort. Je vais, là, devoir être très explicite: lorsqu’un pays – une société, une civilisation – en vient à légaliser l’euthanasie, il perd à mes yeux tout droit au respect. Il devient dès lors non seulement légitime, mais souhaitable, de le détruire ; afin qu’autre chose — un autre pays, une autre société, une autre civilisation — ait une chance d’advenir.

Michel Houellebecq, le 5 avril 2021 (dans "Le Figaro")


Source :
:https://www.lefigaro.fr/vox/societe/michel-houellebecq-une-civilisation-qui-legalise-l-euthanasie-perd-tout-droit-au-respect-20210405

https://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20210405-houellebecq-le-figaro.html



 

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11 mars 2021 4 11 /03 /mars /2021 03:57

« Des sexes, je n’en connais que deux, l’un qui se dit raisonnable, l’autre qui nous prouve que cela n’est pas vrai. » (Marivaux, 1724).


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Coup de gueule ! Avec le second tour des élections municipales du 28 juin 2020, une génération de nouveaux maires de grandes villes a été élue : des maires écologistes d’un genre nouveau, idéologiques, doctrinaires et hors sol. Loin de mettre en cause leur légitimité de nouveaux élus malgré la très forte abstention, je trouve au contraire que l’expérience de ces maires est intéressante et très instructive. Autant avoir une idée au niveau local de ce à quoi la France doit s’attendre en cas de victoire de ce courant de pensée dans une élection nationale. Il y a eu par exemple cette vision anti-sapin de Noël à Bordeaux, remettant en cause la vieille tradition de la période de Noël des Bordelais. Mais la palme, sans aucun doute, revient à la ville de Lyon, dont le nouveau maire, Grégory Doucet, a battu le record de l’esprit doctrinaire.

Depuis que cette nouvelle municipalité est aux commandes (le 4 juillet 2020), il y a régulièrement des polémiques stupides et dérisoires, sur des sujets qui sont loin d’être les plus préoccupants des Lyonnais qui ont été particulièrement touchés par la seconde vague de la pandémie de covid-19.

Il y a d’abord eu la détestation du maire pour le Tour de France, encore une tradition populaire qui est condamnée, supposé être polluant et sexiste (pourtant, il y a eu beaucoup d’effort dans ces deux domaines pour s’améliorer). Effectivement, Grégory Doucet s’est interrogé le 13 septembre 2020 sur l’empreinte écologique du Tour de France et a dénoncé l’absence d’une version féminine : « Il devrait y avoir un Tour de France féminin depuis longtemps. C’est la dernière épreuve d’envergure à ne pas avoir franchi le pas. ». Mais en fait, ce Tour féminin a existé en 1955 et de 1984 à 2009 et son retour était prévu en 2022, qui n’avait pas attendu la mauvaise humeur de ce maire.

Refusant de considérer la spécificité très catholique de la ville de Lyon, Grégory Doucet a également refusé le 8 septembre 2020 d’assister à la cérémonie du Vœu des échevins de Lyon sous prétexte d’une laïcité étriquée et mal comprise : « Dans mon interprétation des règles de laïcité, je laisse les croyants réaliser cette cérémonie. ». C’était d’autant plus regrettable que ce vœu de quatre échevins avait été fait en raison d’une épidémie de peste qui a sévi dans la ville en 1642 et depuis 1915, cette cérémonie à laquelle le conseil municipal est invité est symbole d’union sacrée.

Plus grave, le 18 février 2021, il y a eu cette décision dogmatique de refuser de servir de la viande dans les cantines scolaires sous prétexte d’aller plus vite à cause du protocole sanitaire :« Afin de faciliter l’accueil de l’ensemble des classes d’un établissement et d’organiser un plus grand nombre de service durant la pause méridienne permettant à toutes les classes de déjeuner normalement, seul un plat unique, sans viande mais composé de protéines animales, sera proposé. » (j’ai recopié sur le site officiel de Lyon, la faute comprise).

Cette volonté d’imposer un mode de vie particulier est assez inquiétant. Certains ont rappelé que son prédécesseur Gérard Collomb avait agi de la même façon en mai 2021 lors de la fin du premier confinement, mais à l’époque, il y avait une urgence et un effet de surprise qui ne sont plus actuels. La crise sanitaire est donc un bon alibi pour tenter une certaine propagande idéologique, même si, il est vrai, "on" mange sans doute un peu trop de viande actuellement.

Le plus stupide, c’est toutefois ce premier "budget genré" de France (ce qui est inexact, il y en a eu d’autres), présenté à grand renfort de publicité et de (coûteuse) communication. L’idée est que toutes les rubriques du budget de la ville de Lyon (à savoir 850 millions d’euros) sont passées sous le filtre du …genre ! Cette idée est louable de son intention puisqu’elle vise à l’égalité entre les hommes et les femmes.

Mais dans son application concrète, elle est stupide. Il est donc question de changer la taille des bancs qui, trop étroits, empêcheraient les femmes de s’y asseoir de peur d’être trop proche d’un homme qui viendrait s’asseoir à côté d’elles (la mairie souhaite donc remédier à la promiscuité scandaleuse du mobilier urbain en supprimant les accoudoirs !).

Ou encore, il est question de mettre des emplacements de jardinage dans les cours de récréation des écoles pour ne pas laisser monopoliser l’espace les garçons qui jouent au football. Ou encore d’imaginer des horaires où des espaces urbains sportifs seraient réservés aux femmes qui les utilisent à trop faible proportion aujourd’hui. Toutes ces réflexions, comme cette découverte extraordinaire que les toilettes publiques sont très peu utilisées par les femmes car elles sont trop sales, sont le résultat d’une coûteuse étude de consultants dont la rémunération aurait été plus efficacement dépensée dans le nettoyage plus fréquent des dites toilettes publiques.

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Ce qui fait peur, c’est que toutes ces idées sont contreproductives et peuvent aller loin dans l’extrémisme. Par exemple, le fait de vouloir reconquérir le territoire de la cour de récréation par les filles en créant des zones de jardinage (et pourquoi pas de repassage ? de couture ?) est aberrant puisqu’il s’agit au contraire, de manière très machiste, de considérer que le football est un sport de garçons et le jardinage une activité de filles. Pour la ville qui a le meilleur club de football féminin d’Europe, c’est même paradoxal ! La mairie voudrait choisir aussi les artistes dans les expositions pour éviter qu’il y ait plus d’hommes que de femmes parmi les visiteurs.

Loin d’être innovante et audacieuse, cette idée de genrer le budget ressemble surtout à un retour en arrière, à l’époque où il n’y avait pas de mixité entre garçons et filles. Pourtant, cette mixité a été l’un des grands progrès sociaux depuis la fin de la guerre, un progrès républicain et humaniste (contrairement à ce que vante le maire de Lyon, ce retour en arrière va contre ce progressisme), c’est l’un des facteurs qui a permis de tendre vers l’égalité sociale des femmes et des hommes : fini les cours de couture pour les filles et les cours de bricolage pour les garçons, tout le monde a maintenant le même apprentissage.

L’extrémisme se niche dans cette idéologie complètement hors sol. J’ose penser que c’est involontaire, mais que dire de cette idée de réserver des horaires uniquement pour les femmes, comme dans d’autres villes, on a réservé des horaires pour les femmes dans les piscines ? Avec le menu sans viande, on pourrait même croire que cet écologisme genré-là soit islamo-gaucho-compatible.

Pourquoi cette lecture politique est-elle complètement déconnectée de la réalité politique ? D’abord, parce que la vie est plus complexe qu’une simple considération du sexe des personnes. Avec ce principe, il faudrait aussi ne pas défavoriser les personnes homosexuelles, ou se préoccuper des différences entre les âges (pas question d’installer un boulodrome sans installer un skate park, et réciproquement), ou des différences sociales (certains lieux publics sont fréquentés plus par les CSP++ que d’autres, comment faire pour amener à l’opéra une personne qui ne mange pas à sa faim ou qui n’a pas de toit ?), etc.

Ensuite, c’est grave parce que le filtre du genre peut faire perdre les choses essentielles. Sur LCI le 10 mars 2021, Adrienne Brotons, engagée dans Les Engagés (le mouvement politique de Laurent Joffrin qui milite entre autres pour la stupide écriture inclusive), aurait sans doute souhaité donner raison au maire écologiste de Lyon mais malheureusement, elle est tombée de haut et a trouvé cette idéologie du genre complètement absurde. Elle a donné, avec raison, l’exemple d’une relance économique. Elle se fait plus efficacement en relançant le bâtiment et les travaux publics. Mais comme c’est un secteur qui fait travailler principalement les hommes (les femmes ne sont qu’une infime minorité), alors il faudrait ne pas consacrer un budget pour relance ce secteur économique pour éviter de privilégier l’emploi des hommes ? Quitte à laisser le territoire dans un marasme économique ? Cet égalitarisme aveugle est carrément suicidaire pour la cause qu’il croit défendre.

Oui, il y a encore de gros efforts à faire dans l’égalité entre les hommes et les femmes. Mais en se dispersant sur des considérations dérisoires comme la longueur des bancs, la mairie de Lyon risque de rater son objectif. Il faudrait plutôt aider les femmes victimes de violences conjugales, elles sont les premières concernées, en leur fournissant tous les moyens matériels et psychologiques pour les faire sortir de cet enfer affectif, de cet univers quasi-carcéral que représente l’emprise de leur conjoint violent.

Restons avec les fondamentaux et évitons les effets d’annonce. Dans ce domaine, les maires ont beaucoup moins de pouvoirs que le gouvernement et les parlementaires qui pourraient par exemple imaginer un dispositif qui imposerait une un peu plus grande proportion de femmes dans les conseils d’administration des entreprises du CAC40, par exemple…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 mars 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Genrer la part du Lyon ?
Grégory Doucet.
L’écriture inclusive.
Femmes, je vous aime !
Parole libérée ?
Bioéthique 2020 (9) : le rejet par les sénateurs de la PMA pour toutes.
L’avortement.
Ni claque ni fessée aux enfants, ni violences conjugales !
Violences conjugales : le massacre des femmes continue.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210310-genre-lyon.html

https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/genrer-la-part-du-lyon-231525

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/03/10/38858773.html




 

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6 mars 2021 6 06 /03 /mars /2021 03:09

« L’amitié homme-femme, c’est comme la licorne ou l’égalité des salaires. »


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J’ai remarqué cette tirade dans un film, un soir de la semaine dernière, entre deux coups de zapette. Malheureusement, impossible de retrouver le titre du film, pas même la chaîne, peut-être un téléfilm voire une série médiocre, je ne sais pas, mais je pense que c’était une production française. Cela m’a amusé de la noter parce que j’ai beaucoup d’amies femmes, et je les adore !

Je ne suis peut-être pas normal. Après tout, avoir peur de l’amour entre femme et homme, oui, pourquoi pas ? mais pourquoi ne pas avoir peur de l’amour entre deux personnes de même sexe, alors que l’homosexualité connaît un écho si fort dans les médias ? J’ai toujours aimé les femmes ! J’ai même toujours préféré les femmes.

Par exemple, mon expérience me fait dire que, pour moi (restons dans le seul témoignage personnel), c’est plus facile de travailler avec des femmes. Enfin, cela dépend des femmes, hein, bien sûr. D’ailleurs, voilà l’essentiel : quand on travaille, le sexe importe peu, l’idée, c’est d’avoir une relation de confiance entre deux interlocuteurs professionnels. Le sexe, l’âge, l’origine ethnique, que sais-je ? la sexualité, etc. importent peu face à la personnalité, aux motivations, parfois aux compétences, et même, oui, à l’humeur du moment.

Je me souvins même d’avoir eu un professeur d’allemand qui m’avait diagnostiqué ceci : j’étais particulièrement timide avec lui, et il avait conclu que je travaillais mieux avec une prof femme. Il avait peut-être raison, mais je n’en suis pas si sûr aujourd’hui. Certes, pour des adolescents en plein éveil des sens, avoir une enseignante en cours peut être assez motivant (ou pas !), mais toujours est-il que mes profs importants, ado, ceux qui ont compté, ils ont toujours été des hommes. En revanche, petit enfant, oui, une institutrice a été "fondatrice".

Dans cette veine, c’est toujours vain de faire des généralités. Il existe de tout et peut-être faut-il admettre qu’il y a des personnes avec qui cela va bien, quelles que soient ses "caractéristiques" (dont le sexe), et d’autres personnes avec qui cela risque de mal aller. Et d’autres, profonde indifférence. Peut-être une première impression. N’avez-vous jamais eu des "coups de foudre" qui n’avaient rien à voir avec le sexe ou l’amour ? Plutôt à voir avec de l’amitié, ou une collusion professionnelle, une complicité même ? Un éclair relationnel, un flash.

Reprendre en tire la fameuse chanson, est-ce du sexisme ? Ça dépend de ce qu’on entend par "aimer", évidemment, le français est tellement ambigu dans cette zone-là du langage… À l’occasion du 8 mars prochain, je voulais écrire un petit papier sur les femmes, non pas qu’il ne faille être aimable avec les femmes seulement un jour sur trois cent soixante-cinq, mais pour rappeler qu’elles sont les égales des hommes. Il y a même un ministère pour cela depuis Valéry Giscard d’Estaing, et probablement qu’il reste encore de grands progrès à faire.

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Par exemple, en politique. C’est vrai que c’est un progrès immense si on regarde en arrière. Rappelons-nous les "Juppettes", nommer une dizaine de femmes à des postes pourtant pas superstratégiques au gouvernement d’Alain Juppé était considéré comme un exploit à l’époque. Maintenant, heureusement, il y a une parité, mais une parité non obligatoire.

J’exècre la parité obligatoire, elle me paraît une insulte faite aux femmes. Une femme politique est une femme combattante, pas une "potiche". Elle doit donc "mériter" son mandat électif, tout autant qu’un homme. Si elle se retrouve sur une liste simplement parce qu’elle est une "femme" et qu’il faut bien mettre des femmes, cela relativiser le respect qu’on aura pour cette femme en principe politique. Femme, je me sentirais insultée par les institutions politiques avec cette parité obligatoire même si elle pouvait se comprendre et être nécessaire pour débloquer la mainmise des hommes.

La preuve que cette parité obligatoire est une arnaque intellectuelle ? Je prends deux exemples. Aux sénatoriales, la plupart des sénateurs sont élus au scrutin proportionnel, or, la parité obligatoire oblige à alterner un candidat homme, une candidate femme, etc. Sur le papier, c’est tout à fait juste et sage. Mais dans la réalité, il peut y avoir des contournements. Deux candidats hommes du même parti, s’ils veulent être élus tous les deux et qu’ils imaginent peu probable de faire élire trois personnes sur une seule liste, préféreront donc déposer deux listes, quitte à nuire à l’unité de leur parti (et à perdre quelques voix), mais ils peuvent au moins être élus tous les deux… sauf surprise, car évidemment, la situation électorale n’est pas toujours aussi simple que cela.

L’autre exemple est plus flagrant et moins politicien. En principe, il y a à peu près autant de conseillères municipales femmes que de conseillers municipaux hommes dans toutes les communes de France. J’écris "à peu près" car il y a toujours un nombre impair dans les assemblées et il peut y avoir un de différence par liste en présence.

Cependant, cet aspect cache la forêt d’inégalités. En effet, selon le Ministère de l’Intérieur et le répertoire national des élus au 1er septembre 2020, en moyenne nationale, seulement 19,8% des maires sont des femmes. Plus la commune est peuplée, plus ce taux diminue, sauf pour les communes de plus de 100 000 habitants (il y en a 39 en France), où 23,1% des maires sont des femmes (17,1% pour les communes entre 50 000 et 100 000 habitants).

On peut le voir aussi dans les fonctions nationales. Il n’y a eu qu’une seule Premier Ministre femme (Édith Cresson), et encore, c’était il y a trente ans déjà ! Mais il n’y a eu aucune Présidente de la République française encore. Seulement deux candidates au second tour de l’élection, Ségolène Royal en 2007 et Marine Le Pen en 2017.

Hors de France, il y a eu depuis longtemps des femmes d’État exceptionnelles : Golda Meir en Israël, Angela Merkel en Allemagne, Margaret Thatcher et Theresa May au Royaume-Uni, Benazir Bhutto au Pakistan, Indira Gandhi en Inde, etc. sans oublier Eva Peron, Michelle Bachelet, Dilma Rousseff, Cristina Kirchner, par exemple. Comme en France, pas encore de Présidente aux États-Unis, mais depuis le 20 janvier 2021, la première Vice-Présidente des États-Unis, Kamala Harris.

Au Parlement, il est vrai que la parité commence à se faire dans les circonscriptions. En juin 2017, 38,8% des députés élus sont des femmes, ce qui est le record historique, et si on prend par groupe politique, le groupe le plus féminisé est le groupe LREM avec 48%, presque la parité "totale". Au renouvellement du Sénat de septembre 2017 (entre-temps, il y a eu le renouvellement de septembre2020), la proportion de femmes sénatrices était de 29%, moins d’un tiers, malgré une grande partie des sièges pourvue par un scrutin proportionnel avec parité obligatoire (voir le contournement ci-dessus). Ce taux est constamment croissant depuis 1986 (avant 1986, il oscillait entre 1,5% et 3,0%). Malgré cette féminisation, jusqu’à maintenant, il n’y a eu aucune femme Présidente de l’Assemblée Nationale ni aucune femme Présidente du Sénat.

Au gouvernement, c’est un peu différent. À l’heure actuelle, il y a une ministre femme de plus que de ministres hommes. Les principaux ministères ont été pourvus au moins une fois par une femme : Matignon, Économie et Finances, Justice, Affaires étrangères, Défense (ou Armée), Intérieur, Éducation nationale, Affaires sociales, Écologie, Santé, Agriculture, Fonction publique, Budget, Culture, Travail… De même, de grands partis et grands syndicats ont été dirigés par une femme (UMP, PS, RN, FNSEA, CDFT, etc.).

Les meilleures défenseuses des droits des femmes, ce ne sont, à mon avis, ni les femmes qu’on a "arbitrairement" nommées, et le "on", souvent, est un homme, ce ne sont pas non plus les militantes féministes qui, à mon sens, se trompent de combat lorsqu’elles entendent lutter plutôt contre les hommes que pour les femmes (à moins que ce ne soit "tout contre", oui, propos sexiste). Les meilleures défenseuses, ce sont des femmes de caractère, très nombreuses dans l’histoire, célèbres ou anonymes, qui ont pris elles-mêmes leurs responsabilités et leurs pouvoirs, souvent, dans un premier temps, en s’éduquant, se formant et se hissant au même niveau intellectuel que les hommes (voire supérieur).

Alors, voici mon hommage aux femmes, à ces femmes, qui ont tant fait non seulement dans leurs domaines mais aussi pour une meilleure prise en considération sociale des femmes dans la société. Évidemment, mes choix sont arbitraires, pas du tout exhaustifs et très incomplets.

Je pense en premier lieu à Simone Veil qui fut la première femme Présidente du Parlement Européen (et première aussi à présider ce parlement au suffrage universel direct). Mais cela peut être des femmes de sciences, comme Marie Curie, bien sûr, comme Simone Veil, leur mari aurait pu ou a fait carrière également dans le même domaine mais leur notoriété s’est effacée derrière celle de l’épouse. Katalin Kariko a aussi apporté une contribution décisive avec la recherche sur les vaccins à ARN messager, et probablement qu’elle ait permis de sauver des centaines de milliers de vies humaines dans l’actuelle crise sanitaire du covid-19 et, peut-être, l’avenir le dira, dans d’autres pathologies très graves.

Je pense à des femmes comme Germaine Tillion, à Sœur Emmanuelle. Je pense à des grandes artistes, des auteures incontournables. Je pense aussi à une grande résistante lorraine, Marie-Jeanne Bleuzet-Julbin, aussi à une femme de caractère également lorraine. À Françoise Giroud, l’une de prêtresse du journalisme moderne, première à occuper un ministère de la "condition féminine" (comme s’il devait ne pas y avoir de "condition masculine").

De Françoise Giroud, on retiendra cet excellent critère qui dit en substance : on aura véritablement l’égalité entre l’homme et la femme lorsqu’on nommera à un poste très important une femme incompétente. Eh oui, l’incompétence déclinée au masculin est légion (et acceptée !) mais pour une femme, c’est une hérésie, déjà qu’elles sont des femmes ! Notons à ce sujet que cela sera peut-être l’atout futur de Marine Le Pen : en 2017, elle s’est effondrée par rapport à son potentiel dans les sondages à cause de son incompétence manifeste et en 2022, peut-être qu’on ne lui tiendra plus rigueur de cette incompétence.

Plus généralement, au-delà des Mère Teresa, Irina Sendlerova et plein d’autres femmes, chacun connaît, dans son entourage, des femmes exceptionnelles qui, à leur niveau, autour d’elles, parfois très humblement, ont fait avancer grandement la cause des femmes, par une audace, un refus, une volonté, un acte de courage fondateur qui n’allait alors pas de soi à l’origine.

Je leur dis à toutes : bravo ! et comme le veut l’adage, bien entendu que la femme est l’avenir de l’homme. Et réciproquement !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (05 mars 2021)
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Pour aller plus loin :
Femmes, je vous aime !
Parole libérée ?
Bioéthique 2020 (9) : le rejet par les sénateurs de la PMA pour toutes.
L’avortement.
Ni claque ni fessée aux enfants, ni violences conjugales !
Violences conjugales : le massacre des femmes continue.

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15 février 2021 1 15 /02 /février /2021 03:21

« L’imprescriptibilité est née du refus de nos consciences d’accepter que demeurent impunis, après des décennies, les auteurs des crimes qui nient l’humanité. L’imprescriptibilité doit demeurer tout à fait exceptionnelle : elle doit être limitée aux crimes contre l’humanité et ne saurait être étendue (…) dans une sorte de mouvement émotionnel. » (Robert Badinter, le 1er février 1996 au Sénat).



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C’était il y a vingt-cinq ans, le 1er février 1996, l’ancien avocat, l’ancien Ministre de la Justice, l’ancien Président du Conseil Constitutionnel et le "jeune" sénateur Robert Badinter avait pris la parole sur l’imprescriptibilité des crimes terroristes lors de l’examen de la future loi n°96-647 du 22 juillet 1996 tendant à renforcer la répression du terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public et comportant des dispositions relatives à la police judiciaire. Il était monté au créneau contre un amendement proposant cette imprescriptibilité et il considérait qu’il fallait préserver cette exception.

Onze ans plus tard, reprenant la même philosophie, le rapport d’information n°338 des sénateurs Jean-Jacques Hyest, Hugues Portelli et Richard Yung intitulé "Pour un droit de la prescription moderne et cohérent" déposé le 20 juin 2007 sur le bureau de la Présidence du Sénat, proposait dans sa recommandation n°1 : « Conserver le caractère exceptionnel de l’imprescriptibilité en droit français, réservée aux crimes contre l’humanité. ».

Cette exception avait été introduite dans le droit français par la loi n°64-1236 du 26 décembre 1964 : « Les crimes contre l’humanité, tels qu’ils sont définis par la résolution des Nations Unies du 13 février 1946, prenant acte de la définition des crimes contre l’humanité, telle qu’elle figure dans la charte du tribunal international du 8 août 1945, sont imprescriptibles par leur nature. ». Il faut rappeler que seulement un criminel de guerre sur sept avait été poursuivi et 100 000 criminels de guerre n’avaient pas encore été "inquiétés", selon le sénateur Louis Namy en séance au Sénat le 17 décembre 1964.

Le 22 juillet 1992, le nouveau code pénal, par son article 213-5, avait conservé ce caractère exceptionnel de l’imprescriptibilité, sans pour autant se référer à la définition de la charte du 8 août 1945. Le rapport déjà cité du 20 juin 2007 précisait : « Soucieux de préserver la spécificité du crime contre l’humanité, le législateur s’est toujours refusé, jusqu’à présent, à élargir les bornes de l’imprescriptibilité. ».

Il y a donc le droit et l’exception, depuis la fin de la guerre, et puis il y a évidemment l’émotion. On parlait alors, dans les débats parlementaires des années 1990, du terrorisme, sujet qui, hélas, reste toujours d’actualité, mais depuis que la parole se libère, et souvent, elle se libère très tardivement, il y a plein de raisons à cela, notamment psychologiques, on parle aussi, maintenant, de la pédocriminalité, des viols et agressions sexuelles sur des enfants ou adolescents qui mettent des décennies avant de parler voire de prendre conscience de ce qu’ils ont subi.

Crimes abominables, souvent tus, les crimes sexuels sur des mineurs sont particulièrement abjects et il arrive désormais que, dans beaucoup de cas, les faits soient avérés, parfois reconnus par leur auteur, et pourtant, que la justice soit dans l’incapacité de pouvoir juger et condamner en raison de la prescription. La règle de la prescription est d’autant plus compliquée (j’avais abordé rapidement ce sujet ici) que depuis trente ans, plusieurs lois ont modifié le régime, passant de 10 ans à 20 ans voire 30 ans dans certains cas, après la majorité civile (âge de 18 ans).

Beaucoup de voix ont donc régulièrement émis, ces derniers mois, leur volonté de rendre imprescriptible ce genre de crime, ce qui me paraît très peu opportun sur le plan du droit. En effet, il n’y a rien de pire qu’une loi faite sur le coup de l’émotion, mais hélas, les lois sur la sécurité des personnes sont souvent des lois d’affichage politique réagissant à un fait-divers saisissant et scandaleux. L’empilement des lois n’a jamais réduit la criminalité, ni du reste l’émotion qu’elle suscite.

Plus généralement, je trouve personnellement malsain de proposer une imprescriptibilité pour des crimes qui, s’ils traumatisent durablement, parfois définitivement, des personnes à l’époque enfants, ne leur ont toutefois pas ôté la vie et de conserver la prescription pour des crimes que je considère plus graves, dans mon échelle de gravité, comme les meurtres et les assassinats. Il y aurait une incohérence à la fois intellectuelle et juridique qui me paraîtrait insurmontable et, dans tous les cas, insupportable.

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C’est pour cette raison que j’applaudis la sagesse de l’actuel garde des sceaux Éric Dupond-Moretti, invité à l’émission "Grand Jury" sur LCI RTL et "Le Figaro" ce dimanche 14 février 2021, qui a voulu prendre des mesures sur les crimes et délits sexuels contre les mineurs, sur demande du Président Emmanuel Macron et après un certain nombre de faits étalés publiquement. Il a ainsi rencontré toutes les associations de protection des mineurs pour les écouter et comprendre leurs éventuelles revendications, parfois contradictoires.

C’est la raison pour laquelle il a été proposé un âge minimal de consentement sexuel à 15 ans (il avait été créé à 13 ans, et à l’époque déjà, c’était nouveau et plus protecteur que l’absence de seuil), afin de pouvoir faire condamner des pédocriminels dont les victimes pouvaient avoir 11 ans au moment des faits. Le Ministre de la Justice a annoncé par ailleurs que concernant l’inceste, sera institué un âge de non-consentement à 18 ans et pas 15 ans. L’écart entre l’adulte qui a des relations sexuelles avec un mineur doit aussi être pris en compte et étudié (il pourrait être de cinq ans), car un adolescent de 17 ans et demi qui aime une adolescente de 14 ans et demi, quand l’adolescent atteint 18 ans, il ne peut pas être considéré comme un criminel, comme un homme de 60 ans qui s’en prend à une adolescente de 14 ans, c’est à ces situations-là qu’il faut penser pour que la loi ne soit pas injuste.

Sur la prescription, Éric Dupond-Moretti paraît tout aussi sage. Oui, le droit peut évoluer, mais jamais sous le coup de l’émotion. On ne dira jamais à quel point Robert Badinter, son aura moral, peut influencer sur le législateur, et c’est une chance pour un sage. La phrase du 1er février 1996 que j’ai citée en début d’article mérite donc d’être prise en compte, même si beaucoup de monde, encore aujourd’hui, pourrait penser ce qu’a répondu le sénateur Bernard Joly (auteur de l’amendement 75 sur l’imprescriptibilité des crimes terroristes) : « J’ai bien écouté l’argumentaire de M. Badinter. Mais, pour ma part, je pense plus aux victimes qu’aux agresseurs. Pour moi, un crime contre l’humanité, c’est un crime contre les innocents, principalement contre les enfants. ». Ce qui était une réponse particulièrement démagogique puisque l’imprescriptibilité ne fait pas références aux agresseurs mais à la hiérarchie des crimes.

Le rapport déjà cité du 20 juin 2007 évoquait ainsi un autre rapport, celui de Christian Estrosi sur l’inceste : « Dans le rapport sur l’inceste confié par le gouvernement à M. Christian Estrosi en 2005, celui-ci relevait que l’imprescriptibilité des infractions contre les mineurs "ne ferait que renforcer les difficultés probatoires déjà existantes et, par là même, risquerait de survictimiser des personnes qui, frustrées de ne pas avoir été reconnues, pourraient nourrir une certaine amertume à l’encontre des institutions". (…) La généralisation de l’imprescriptibilité aurait pour inconvénient de conduire à un traitement indifférencié des infractions quel que soit leur degré de gravité. (…) En particulier, la remise en cause de la prescription supprimerait la spécificité reconnue aujourd’hui dans notre droit aux crimes contre l’humanité qui, seuls, sont imprescriptibles. ».

Fort de ce principe, le ministre Éric Dupond-Moretti a proposé plutôt une prescription "glissante" ou "échelonnée", à savoir, qu’on puisse poursuivre un pédocriminel pour un crime déjà prescrit s’il a commis un autre crime qui, lui, n’est pas encore prescrit. C’est un moyen de remettre à zéro le temps de prescription, et même, peut-être (ce sera aux juristes, au Conseil d’État, en amont, et en aval, en dernier ressort, éventuellement au Conseil Constitutionnel de se prononcer), permettre une "rétroactivité" technique de la loi. En effet, si la loi proposant ce type de prescription devait être applicable maintenant, cela voudrait dire qu’on ne pourrait poursuivre des crimes initialement prescrits qu’à partir du moment où ces crimes sont prescrits à la date d’application de cette loi, c’est-à-dire en gros qu’elle ne pourrait pas avoir d’effet avant une vingtaine ou trentaine d’années sauf à admettre cette "rétroactivité" que j’appellerais technique.

L’idée du ministre paraît d’autant plus intéressante qu’elle permet d’atteindre deux objectifs plutôt contradictoires : d’une part, ne pas bouleverser la hiérarchie du droit en maintenant l’exceptionnalité de l’imprescriptibilité (le risque est majeur car par relativisme, tout pourrait devenir exceptionnel à mesure que l’émotion est grande dans les consciences), d’autre part, renforcer les capacités de la Justice à punir la pédocriminalité en élargissant ses moyens d’action.

Mais Éric Dupond-Moretti n’a pas tenu compte seulement des arguments intellectuels ou juridiques pour rejeter l’imprescriptibilité, il a aussi écouté le point de vue des victimes, et surtout, de ceux qui les accompagnent dans leur traumatisme. Or, instituer une imprescriptibilité de la pédocriminalité pourrait, loin de les "soulager", au contraire augmenter les problèmes. Pourquoi ? Pour deux raisons (très différentes).

La première, c’est que la date à partir de laquelle les actes (viols et agressions sexuels) deviennent prescrits est une date fatidique pour rompre le silence. La victime est motivée pour parler enfin si elle veut que leur auteur soit puni. Cela l’oblige à parler avant cette date. Elle a un effet référence important.

La seconde, c’est plutôt le contraire. Lorsque la victime ne veut pas que la justice s’en mêle (pour diverses raisons), elle peut toujours parler après la fin du délai de prescription. S’il n’y a plus de prescription, alors elle ne pourra jamais parler et se libérer par la parole.

Je considère que la hiérarchie de la gravité des crimes est l’argument majeur pour rejeter l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineur. Mais les deux autres arguments montrent aussi que le sujet n’est pas aussi facile à traiter que ce que l’émotion pourrait "nous" commander, même du point de vue des victimes. La loi doit être générale alors qu’elle s’occupe de situations personnelles très spécifiques, uniques. C’est le problème général des lois d’ailleurs, mettre des généralités là où il n’y a que des cas particuliers. C’est la raison de l’extrême complexité de notre législation qui, jour après jour, se rend compte de cas particuliers auxquels elle n’avait pas songé en construisant la loi.

Peut-être que concrètement, cette modification de la durée de prescription va avoir peu d’incidence sur les affaires judiciaires, mais ce qui est, en revanche, très positif, c’est qu’en débattant ouvertement de ce sujet, on rend plus facile la libération de la parole. Car si les pédocriminels ont d’excellents alliés, ce sont le silence et la peur. Il s’agit que ces alliés se retournent contre les coupables : que ce soit aux pédocriminels de garder le silence et d’avoir peur ! C’est le but d’une telle nouvelle loi.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (14 février 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Protection des mineurs (2) : pas d’imprescriptibilité pour la pédocriminalité.
Protection des mineurs (1) : 15 ans, âge minimal du consentement sexuel ?
Richard Berry et l’immonde.
Olivier Duhamel et le scandaleux secret de famille de Camille Kouchner.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210214-protection-mineurs.html

https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/protection-des-mineurs-2-pas-d-230948

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/02/14/38815215.html











 

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11 février 2021 4 11 /02 /février /2021 03:09

« Ne dites plus que des enfants sont victimes "d’abus sexuels" : y aurait-il un "us", un usage autorisé du sexe des enfants ? "Une fois : ça va ; trois fois : bonjour les dégâts ?". Non ! Dites que ces enfants sont victimes d’agressions sexuelles ou de viols. Ne dites plus que les agresseurs et violeurs d’enfants sont des "pédophiles" : on ne peut pas dire que les violeurs d’enfants aiment les enfants (pédo-philes). Condamnez les pédocriminels violeurs d’enfants. » ("Avis pour une juste condamnation sociétale et judiciaire du viol et autres agressions sexuelles" du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes, le 5 octobre 2016).



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Invité du journal de 20 heures sur France 2 ce mardi 9 février 2021, le Ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti a rassuré beaucoup de professionnels de la protection des mineurs sur les intentions du gouvernement. Les nombreux scandales qui refont surface après des décennies de silence grâce à la "parole libérée" montrent que de nombreux adolescents victimes de prédateurs sexuels n’ont jamais pu prouver ne serait-ce que leur atteinte physique et psychologique. Le garde des sceaux a donc voulu statuer en tranchant dans le vif, franchement, sans tergiversation.

Que propose-t-il ? De fixer l’âge du consentement à avoir des relations sexuelles à 15 ans. Et de proposer l’idée très intéressante d’une prescription glissante pour ce genre de crime sexuel sur mineur. Est étudiée également l’idée de prendre en considération la différence d’âge entre un majeur et un mineur, l’interdiction étant à partir d’une différence d’âge supérieure à cinq ans. Dans cet article, je n’aborde pas la modification du délai de prescription qui pourra faire l’objet d’un article ultérieur.

En revanche, sans doute est-ce une déception pour beaucoup d’associations, rien n’est prévu pour les situations spécifiquement d’inceste, qui rentrent dans le cadre plus général où l’agresseur ou le violeur jouit d’une autorité sur la victime mineure.

Ce sujet est très sensible et concerne tout le monde. Les faits de pédocriminalité, d’agression sexuelle ou de viol d’adultes (principalement des hommes) sur des mineurs sont nombreux et existent dans toutes les cultures, dans tous les milieux, aisés comme précaires. Chaque mot a une charge psychologique très forte.

Depuis trois ans, une rumeur en France expliquait que le gouvernement voulait abaisser l’âge de la "majorité sexuelle" de 16 ans à 13 ans, ce qui avait provoqué une forte émotion. Pourtant, cette rumeur est complètement fausse puisque l’intention du gouvernement actuel est au contraire de durcir la législation existante. L’idée du gouvernement en 2017 était de créer cet âge du consentement, qui, aujourd’hui, n’existe pas. Et à l’époque, le gouvernement n’avait pas encore décidé de le fixer, si ce n‘est entre 13 et 15 ans. Le gouvernement avait rejoint finalement la position du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes dans son avis n°2016-09-30-VIO-022 publié le 5 octobre 2016 qui avait proposé l’âge de 13 ans dans sa recommandation n°8. C’est pourtant très jeune, 13 ans.

Actuellement, que dit le droit à ce sujet ? On dit que la "majorité sexuelle" est à 15 ans. En fait, l’expression "majorité sexuelle" n’existe dans aucun texte. D’autant plus qu’on mélange cette notion (inexistante) avec la notion de consentement. L’âge de 15 ans est fixé pour le délit d’atteinte sexuelle.

En effet, comme l’explique l’association Agir contre la prostitution des enfants (ACPE) : « Légalement, un mineur, même très jeune, peut consentir à une relation sexuelle, même avec un adulte. Mais attention : ce n’est pas parce que le mineur est considéré consentant que la relation sexuelle est légale. En effet, il existe des situations dans lesquelles un mineur est considéré consentant et dans lesquelles les majeurs sont tout de même sanctionnés. Les majeurs n’ont pas le droit d’avoir des relations sexuelles avec des mineurs de moins de 15 ans : c’est ce qu’on appelle l’infraction d’atteinte sexuelle. ».

L’âge de 15 ans donne cette possibilité : un majeur a le droit d’avoir une relation sexuelle consentante avec un mineur à partir de 15 ans, sauf lorsque ce majeur a une autorité de droit ou de fait sur le mineur (professeur, parent, beau-parent, etc.). Dans ce dernier cas (autorité sur mineur), il y a alors atteinte sexuelle pour tout mineur jusqu’à ses 18 ans. La peine de prison en cas d’atteinte sexuelle diffère en fonction de l’âge de la victime : au-dessus de 15 ans, elle est de trois ans, en dessous de 15 ans, elle est entre cinq et dix ans de prison (et 75 000 euros d’amende).

Par ailleurs, même consentant, un mineur n’a pas le droit de se livrer à la prostitution. Il lui faut attendre ses 18 ans. La loi oblige les adultes d’empêcher un mineur de se prostituer pour le protéger.

Le gros problème concerne le consentement. Il n’y a ni agression sexuelle ni viol si l’absence de consentement sexuel n’est pas prouvée, et il est prouvé si le fait correspond à l’une des situations suivantes : violence, contrainte, menace ou surprise. Autant dire que c’est difficilement prouvable, surtout trente ans après les faits.

Le droit actuel a abouti à des décisions de justice particulièrement scandaleuses. Ainsi, un homme de 22 ans (à l’époque des faits) a été acquitté le 7 novembre 2017 en Seine-et-Marne pour le viol d’une fillette de 11 ans dont on n’a pas pu prouver l’absence de consentement. C’est kafkaïen. Un homme de 28 ans a été jugé dans le Val-d’Oise en février 2018 seulement pour atteinte sexuelle et pas viol après une relation sexuelle avec une autre fillette de 11 ans. Peut-on parler de consentement pour des victimes de 11 ans ? Sans fixer d’âge minimal, tout âge est donc possible.

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Encouragé par de nombreux acteurs de la protection des mineurs, Éric Dupond-Moretti souhaite donc faire évoluer le droit français en supprimant l’obligation de démontrer l’absence de consentement. La première idée était de proposer une présomption d’absence de consentement, ce qui revenait à inverser la charge de la preuve : le prévenu devrait alors démontrer qu’il y a eu consentement pour ne pas voir qualifier ses actes d’agression sexuelle ou de viol.

Mais le ministre souhaite aller encore plus loin, au risque de se retrouver avec une difficulté constitutionnelle. Il voudrait en effet instituer un âge de consentement en dessous duquel il y a présomption d’absence de consentement irréfragable, ce qui signifie qu’il serait interdit, pour les défenseurs du prévenu, de démontrer le contraire. En d’autres termes, qu’en dessous de cet âge (que le ministre Dupond-Moretti veut fixer à 15 ans et pas 13 ans comme dans le précédent projet), le mineur sera considéré comme automatiquement non consentant car dans l’incapacité de consentir de manière libre et éclairée (par manque de maturité). La culpabilité du prévenu sera ainsi plus facile à démontrer.

C’était ce que disait Marlène Schiappa, alors Secrétaire d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes, dès le 12 novembre 2017 sur BFM-TV : « En dessous d’un certain âge, on considérerait qu’il ne peut pas y avoir débat, jamais, sur le consentement sexuel d’un enfant, et que tout enfant en dessous d’un certain âge serait d’office considéré comme violé ou agressé sexuellement. ».

Le projet présenté le 9 février 2021 a parlé clairement d’acte de pénétration sexuelle sur un mineur de moins de 15 ans par un majeur ayant une différence d’âge d’au moins cinq ans (ce dernier point n’est pas encore figé) qui serait alors systématiquement qualifié de viol et pas d’atteinte sexuelle (les peines encourues sont bien plus graves, jusqu’à vingt ans de prison).

Dans la matinale du 9 février 2021 sur Europe 1, le Secrétaire d’État chargé de l’Enfance et des Familles Adrien Taquet, chargé par le Président Emmanuel Macron il y a deux semaines de réfléchir sur le sujet, a expliqué effectivement : « Après avoir consulté, nous sommes favorables à ce que soit défini un nouveau crime, c’est-à-dire que tout acte de pénétration sexuelle commis par un majeur sur un mineur de 15 ans serait un crime, sans qu’il ne soit plus question de consentement. » [Précisons que l’expression "mineur de 15 ans" signifie une personne mineure de moins de 15 ans ; pour qu’il n’y ait pas d’équivoque, j’ai ici toujours rajouté le "moins de 15 ans" au risque du pléonasme].

Ce projet peut susciter cependant plusieurs problèmes. Un obstacle constitutionnel car cela signifie que la loi mettrait un empêchement dans la capacité du prévenu à se défendre, ce qui est un principe important dans la procédure judiciaire. En outre, les juges ont généralement tendance à souhaiter maintenir leur capacité d’appréciation au cas par cas (ce qui se passe aujourd’hui), afin de ne pas faire de trop grandes généralisations et rester libre de toute interprétation des textes.

À l’étranger, des pays ont déjà adopté une telle législation avec des seuils différents. Ainsi, l’Espagne et les États-Unis ont fixe l’âge minimal du consentement sexuel à 12 ans, l’Allemagne, la Belgique et l’Autriche à 14 ans, le Danemark à 15 ans, la Suisse et la Grande-Bretagne à 16 ans. En Corée du Sud, ce seuil était à 13 ans et il a été relevé à 16 ans après une annonce du Ministère sud-coréen de la Justice le 12 mai 2020. La prescription y a aussi été supprimée pour les crimes sexuels commis sur des mineurs de moins de 13 ans.

Cette évolution était demandée par beaucoup d’acteurs de la protection. Elle va dans le bon sens dans la mesure où elle peut être pondérée en prenant en compte la différence d’âge entre le majeur et le mineur concernés, ce qui éviterait quelques injustices. Il y a en effet des cas de "vrai" amour durable avec des personnes très jeunes. Mais la question que doit se poser l’État est dans quel sens mettre la norme : dans le sens du plus contraignant ou du moins contraignant ? À 13 ans, l’adolescent peut avoir déjà sa maturité, savoir ce qu’il veut, être assez autonome, mais en même temps, sans expérience de l’âme humaine, il est totalement démuni et pourrait regretter une relation sexuelle avec un adulte qu’il croyait consentie. Certains voudraient même fixer l’âge à 18 ans.

En cas d’adoption de cette mesure que j’approuve totalement et dont l’absence à ce jour dans les dispositifs législatifs me surprend encore, la question sera cependant la suivante : comment pourra-t-on s’assurer que le prévenu connaissait l’âge réel de la victime ? C’est là tout le rôle du juge, chargé d’apprécier la situation au cas par cas en fonction des protagonistes.

Cette mesure pourrait révolutionner la situation de nombreux foyers devenus pour des enfants de véritables cauchemars. Aux parlementaires de l’adopter en urgence, la lutte pour protéger les jeunes victimes des prédateurs n’attend pas !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 février 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Protection des mineurs (1) : 15 ans, âge minimal du consentement sexuel ?
Richard Berry et l’immonde.
Olivier Duhamel et le scandaleux secret de famille de Camille Kouchner.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210209-protection-mineurs.html

https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/protection-des-mineurs-1-15-ans-230857

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/02/10/38808520.html








 

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6 février 2021 6 06 /02 /février /2021 17:36

« À l’heure actuelle, ce pic relativement stable est très élevé avec des dégâts considérables (…). La situation n’est pas bonne ; encore deux mois comme cela et la France sera à 100 000 morts. » (Axel Kahn, le 6 février 2021).



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Nouveau cri d’alarme du professeur Axel Kahn ce samedi 6 février 2021 : « La situation est stable, certes, mais stable dans l’intolérable. ». Presque tout est dit avec ces quelques mots. Depuis la décision du gouvernement le 29 janvier 2021 de ne pas faire un troisième confinement, les médecins hospitaliers, en particulier en région parisienne, sont en pleine inquiétude.

Rappelons qu’être le gouvernement en cette époque difficile n’est pas un bonheur : prendre des décisions, ou ne pas en prendre, ce qui revient au même, c’est avoir une action directe sur la santé des Français, et donc, sur leur propre vie parfois. La voie de la responsabilité et de la solidarité n’est pas facile à définir, c’est une ligne de crête, dynamique, et les considérations sanitaires s’entrechoquent avec les considérations économiques, sociales, psychologiques… C’est l’histoire d’une fonction à mille variables qu’il est impossible de dériver, d’optimiser.

Quoi que décide le gouvernement, de toute façon, il sera critiqué. La crise sanitaire majeure que nous vivons depuis janvier 2020 le montre assez bien. Sur ce troisième confinement, c’est assez simple : la moitié des Français serait contre, l’autre moitié pour. Le gouvernement, quel que soit son choix, sera donc critiquable et contesté. C’est avec cette idée (inhérente à tout gouvernement) qu’il peut donc choisir la voie de la responsabilité indépendamment d’autres préoccupations, puisque la voie démagogique restera toujours une voie sans issue dans cette optique. Mais cela ne dit rien sur quelle voie prendre.

On comprend bien que chaque jour de confinement coûte très cher à la France, à son économie, à sa population. Après avoir évoqué les professions dévastées en décembre (restaurants, bars, salles de culture et de sport, remontées mécaniques, etc.), on a beaucoup évoqué le problème des jeunes et des étudiants en janvier, en parlant de leur précarité sociale, mais aussi de leur grand malaise psychologique. Ceux des étudiants qui ont passé leur baccalauréat en juin 2020 (ou plutôt, qui n’ont pas vraiment passé leur bac), peut-être aussi la génération qui vient avec le bac 2021, sont particulièrement touchés par la crise sanitaire.

Mais enfin, parle-t-on aussi des morts ? Parce que chaque jour, il y a autour de 500 décès dus au covid-19 qui s’ajoutent à ceux des jours précédents. Chaque jour de maintien de la situation actuelle coûte très cher aux Français. Ceux-là, on ne les reverra plus, sinon sous terre. C’est ce cri d’alarme qu’a poussé le professeur Axel Kahn.

Tout le monde connaît bien ce généticien très médiatique, très grand connaisseur de l’éthique médicale et scientifique, qui n’hésite pas à venir souvent exposer les enjeux médicaux au grand public, depuis le 28 juin 2019, il est d’ailleurs le président de la Ligue nationale contre le cancer, et il voit bien que les malades du cancer vont, eux aussi, mourir plus, à cause de la crise sanitaire. Il a évalué à environ 10 000 décès supplémentaires dans les prochaines années de personnes atteintes d’un cancer dont le diagnostic ou les traitements ont été retardés de quelques mois à cause du covid-19. Les effets collatéraux de la pandémie sont sans limites et l’on mettra beaucoup de temps à tous les identifier et les analyser.

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Personne ne peut contester la compétence du professeur Axel Kahn et la pertinence de ses analyses. Comme les mémoires sont courtes et que beaucoup de choses et leurs contraires ont été dits, il y a un relativisme ambiant qui discréditent aujourd’hui les médecins, à tort car tous ne se sont pas trompés. Je rappelle donc ce que disait Axel Kahn sur France Culture le 10 avril 2020, en plein premier confinement : « Les pistes les plus prometteuses, c’est d’abord la prévention par la vaccination. Je n’ai aucun doute que l’on va parvenir à développer un vaccin (…). Il y a déjà plusieurs dizaines de candidats en train d’être testés. Je fais le pari que d’ici l’hiver prochain, au début de l’année 2021, il y aura un vaccin. Cela évitera qu’il y ait une récurrence annuelle de ces épidémies, comme la grippe espagnole. ». Il a vu juste puisque les premiers vaccins ont été injectés dès le mois de décembre 2020. Sa parole vaut donc peut-être un peu plus que d’autres collègues médecins qui se sont sans arrêt trompés…

Le Président Emmanuel Macron a décidé de ne pas confiner une troisième fois la France, parce qu’il considère que politiquement, ce ne serait pas tenable. C’est son opinion. Plus de 90% des sondés disent pourtant que, d’accord ou pas d’accord, ils seraient prêts à respecter un tel troisième confinement si jamais il était décidé. La décision d’Emmanuel Macron tient donc sur un pari, très risqué, celui d’un maintien hors d’un nouveau pic épidémique en conservant un couvre-feu très strict (à partir de 18 heures, heure valable même en cas de bouchons), et en réduisant la fréquentation de grands centres commerciaux (environ 400 centres commerciaux sont concernés).

Le "pari" est un mot qui paraît bien adapté à ces circonstances puisque ni le Président de la République, ni les médecins, ni vous, ni moi, ni personne ne sommes Madame Soleil et par conséquent, ne connaissons l’avenir. Mais parier sur quoi ? Sur la santé et la vie des Français ? Cela peut faire froid dans le dos.

Je ne critique pas forcément : j’étais très inquiet lors du premier déconfinement qu’il fût fixé si tôt, le 11 mai 2020, alors que j’estimais qu’il aurait mieux valu attendre la fin du mois, trois semaines plus tard. Et pourtant, ce "pari" (un autre pari) a été gagné, et Emmanuel Macron a eu raison de déconfiner si tôt et surtout, de porter attention sur le retour des écoliers avant les vacances estivales (cela me fait sourire qu’aujourd’hui, on critique ce déconfinement : au contraire, il a été optimisé pour réduire au maximum la durée du premier confinement à une époque où on en connaissait beaucoup moins qu’aujourd’hui sur le virus).

Et si le pari actuel, c’est que l’épidémie ne s’enflamme pas, il est actuellement étrangement tenu. Je dis étrangement car tous nos voisins sont en grande difficulté et sans doute que la France bénéficie de son deuxième confinement qui a été bien plus tôt que ceux de nos voisins. L’étrangeté, c’est-à-dire ce qui est surprenant, et réjouissons-nous en puisque c’est une surprise positive, c’est qu’il n’y a pas eu de pic épidémique à la suite des fêtes de fin d’année (Noël et Nouvel an), ce qui est le résultat de la sagesse et de la responsabilité d’une très grande partie des Français, ce que nous pourrions conclure par : bravo nous ! Et toujours bravo nous pour cette guerre de position (qui n’est jamais aisée) depuis le début du mois de janvier 2021 : il n’y a pas de reprise épidémique flagrante.

Maintenant, je voudrais apporter un certain nombre d’éléments dans la réflexion.

Par exemple, la responsabilité des Français, du peuple en général : des actes irresponsables peuvent créer de nouveaux foyers et faire redémarrer une épidémie. Toutefois, à l’inverse, des pics épidémiques peuvent ne pas être du fait du seul comportement des Français mais de la cinétique propre au virus. Clairement, le pic épidémique appelé deuxième vague en France, qui a commencé à la fin du mois de septembre et début du mois d’octobre 2020 ne pouvait pas provenir d’un comportement irresponsable des Français : cette irresponsabilité, qu’on appellera plus gentiment négligence, on a pu la tester, l’apprécier pendant tout l’été et au retour des vacances avec une légère remontée des nouveaux cas détectés, mais le pic du mois d’octobre n’a pas correspondu à un changement du comportement des gens qui travaillaient et ne faisaient pas la fête.

Un nouveau pic peut donc toujours se déclencher sans que le comportement des gens ne soit en cause : il y a deux raisons, la cinétique propre du virus respiratoire, surtout en hiver, propice à ce type de pic, mais aussi, les variants, et en particulier le variant anglais, qui semble être plus contagieux et en France, en trois semaines, on est passé d’environ 1% à 10% des nouveaux cas, et cela ne fait qu’augmenter (en région parisienne, il est déjà à 30%).

C’est ce que dit Axel Kahn : « Un pic épidémique pourrait être provoqué par l’augmentation du pourcentage du variant. ». Selon le professeur Arnaud Fontanet, de l’Institut Pasteur, le variant anglais risque d’être bientôt majoritaire en France : « Avec cette trajectoire, on atteindra 30-35% à la mi-février et il sera majoritaire vers le 1er mars. ».

Autre élément de réflexion, un rapport de l’économiste Nicolas Bouzou précise que les causes de la dégradation économique ne sont pas le confinement à proprement parler, mais surtout la contamination des personnes qui travaillent, en particulier parce que leur absence pour maladie désorganise complètement les entreprises et administrations par le grand nombre. Le nombre d’absences pour covid-19 (contaminés ou cas contacts) est d’ailleurs un élément clef de connaissance concrète de la situation épidémique, connu des DRH.

Plus généralement, les conséquences économiques des deux premiers confinements ont surpris positivement. Dans un article de "L’Opinion" du 4 février 2021, la journaliste Jade Grandin de l’Eprevier a analysé les conséquences économiques d’un éventuel  troisième confinement : « Cela veut-il (…) dire qu’un troisième confinement ne serait pas si grave pour l’économie ? Techniquement, l’impact ne pourrait pas être pire qu’au deuxième. Le télétravail est rentré dans les mœurs. Depuis l’automne, la corrélation entre le temps passé chez soi et les pertes d’activités est moins étroite, alors qu’elle était presque parfaite auparavant. ». Et de citer Nicolas Bouzou : « Je pense que l’impact négatif du stop-and-go est psychologique plus qu’économique. Des restaurateurs, directeurs de théâtre ou de salles de sport me disent : "Avec les aides, économiquement, on peut tenir. Mais psychologiquement, on ne tient plus". On est en train de perdre des gens, comme le montrent les hausses de consommation d’antidépresseurs et d’anxiolytiques. ».

Le pari d’Emmanuel Macron, c’est qu’il n’y ait pas un nouveau pic, mais le pari est doublement risqué : d’une part, parce que la situation actuelle est, comme le rappelle Axel Kahn, intolérable (trop de morts, trop de malades, trop de séquelles) ; d’autre part, parce qu’un pic ne partirait pas d’un "faible bruit", de zéro, comme en mars 2020, mais d’un niveau déjà très élevé, d’environ 20 000 à 25 000 nouveaux cas quotidiens. Une flambée maintenant signifierait probablement un pic qui irait beaucoup plus haut qu’en mars et avril derniers.

Certains considèrent qu’il faudrait "territorialiser" les mesures sanitaires (j’y reviendrai), car si la Bretagne est beaucoup moins touchée encore, la région parisienne est dans une situation de pire en pire au fil des jours, ce qui expliquent l’alarme des médecins hospitaliers parisiens. Le maire de Metz, François Grosdidier, a même réclamé le confinement pour sa ville ou son département.

Les plus timides parmi les médecins hospitaliers ne veulent pas parler de confinement qui est une mesure politique et pas sanitaire mais contestent la possibilité de partir en vacances dans toutes les régions de France. Ainsi, Axel Kahn a déclaré : « Les départs en vacances sont un moyen d’homogénéiser tout, y compris le variant anglais. ». Avec la confirmation, le 4 février 2021, du non confinement par Jean Castex, l’infectiologue Benjamin Davido a exprimé son inquiétude : « C’est une stratégie qui a le mérite d’être innovante et qui évite un énième confinement pour le moment (…). [Mais] la stratégie de ne pas limiter les déplacements [entre les régions pendant les vacances de février] me semble un pari très risqué parce qu’on sait que les deux vagues qu’on a connues font suite successivement à des périodes de vacances scolaires sur un large temps ; en février 2020, et cet été, avec la deuxième vague. ».

Le professeur Gilbert Deray, chef du service de néphrologie à La Pitié-Salpêtrière, auteur de plus de 600 publications scientifiques (c’est un argument d’autorité utilisé aussi par d’autres !), l’a d’ailleurs dit clairement le 5 février 2021 : « La seule façon de casser l’épidémie, c’est de confiner totalement. ». En réaction à la conférence du presse de Jean Castex du 29 janvier 2021, il avait dit : « C’est reculer pour moins bien sauter. ». La situation actuelle avec couvre-feu et mise sous cloche de toutes les activités culturelles, de restauration, etc. n’est pas économiquement satisfaisante et coûte cher, mais quand s’arrêtera-t-elle sans perspective ? Selon lui, il serait économiquement plus bénéfique de faire un confinement strict pendant trois semaines et de faire baisser ce plateau beaucoup trop élevé en réduisant le taux d’incidence de 210 (actuellement) à 50 nouveaux cas par semaine pour 100 000 habitants que de laisser flotter l’épidémie comme maintenant. Ce serait économiquement plus judicieux selon lui.

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Un autre grand expert aussi s’est prononcé clairement pour un nouveau confinement. L’épidémiologiste Arnaud Fontanet a déclaré au "Journal du dimanche" du 7 février 2021 : « Sans confinement, les chances de contrôler l’épidémie sont minces. ».

Plus alarmant encore, le docteur Bruno Riou, directeur médical de crise de l’AP-HP, s’est aidé de Churchill en s'adressant aux 100 000 soignants parisiens : « En tant que directeur médical de crise de l’Assistance Publique, ma mission est avant tout de mobiliser au maximum toutes les forces de l’AP-HP mais je crois aussi n’avoir à proposer qu’un discours churchillien sur le sang et les larmes. ».

Avec la situation actuelle, c’est environ 10 000 à 15 000 décès supplémentaires par mois qu’il faudra hélas comptabiliser sans changement notable. C’est inacceptable ! À ce dimanche 7 février 2021, il y a déjà 78 965 décès, 27 694 personnes hospitalisées pour covid-19, 3 272 patients en réanimation et 19 715 nouveaux cas détectés. Cette situation est plus ou moins stable depuis deux mois. Elle coûte beaucoup en vies humaines.

La vaccination est heureusement un bout du tunnel, mais pas à court terme. Au 6 février 2021, 1 866 091 Français ont été déjà vaccinés, dont 243 550 avec une deuxième dose. C’est très loin des 60% de la population totale, mais le rythme n’a rien de calamiteux non plus.

À Emmanuel Macron de prendre la décision la plus sage, c’est-à-dire, celle qui sera la plus économe en vies humaines.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (07 février 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Covid-19 : inquiétudes médicales sur le pari d’Emmanuel Macron.
Axel Kahn.
Procrastination ?
Conférence de presse du Premier Ministre Jean Castex le 29 janvier 2021 à l’Élysée (texte intégral).
Faut-il confiner seulement les personnes âgées ?
Katalin Kariko.
Li Wenliang.
Karine Lacombe.
Claude Huriet.
Didier Raoult.
Agnès Buzyn.
Pandémie de covid-19 : plus de 2 millions de décès et une poignée de néo-négationnistes.
Covid-19 : faut-il rapidement un troisième confinement ?
7 questions sur les vaccins contre le covid-19.
Remdesivir : la polémique qu’on n’a pas eue en France…
Les messes à l’épreuve du covid-19.
Nouvelles attestations de déplacements à partir du 28 novembre 2020 (à télécharger).
Il regarde le soleil dans tes yeux !
Pâques 2020, le coronavirus et Dieu…
Covid-19 : faut-il rendre contraignant l’isolement des personnes contaminées ?
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 24 novembre 2020 (texte intégral et vidéo).
Le calendrier de l’Avent du Président Macron.
Covid-19 : vaccins et informations parcellaires.
La lune de Jupiter.
Faudra-t-il rendre obligatoire le futur vaccin contre le covid-19 ?

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210206-axel-kahn.html

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/02/08/38804519.html


 

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