(verbatim et vidéo)
Pour en savoir plus :
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241001-barnier.html
DÉCLARATION DE POLITIQUE GÉNÉRALE
DU PREMIER MINISTRE MICHEL BARNIER
LE MARDI 1er OCTOBRE 2024 À 15h00
À L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Source : Assemblée Nationale.
https://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20241001-discours-barnier.html
XVIIe législature
Session ordinaire de 2024-2025
Séance du mardi 01 octobre 2024
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Ouverture de la session ordinaire
Mme la présidente
Conformément au premier alinéa de l’article 28 de la Constitution, je déclare ouverte la session ordinaire 2024-2025.
2. Hommage à Philippine
Mme la présidente
Philippine avait 19 ans seulement. Le 21 septembre, son corps sans vie a été découvert. Le viol et le meurtre atroces dont elle a été victime nous ont tous saisis d’effroi. Dans tout le pays, cette tragédie insoutenable a soulevé une vague de douleur et d’émotion.
À la famille et aux proches de Philippine, je veux adresser nos condoléances les plus attristées et leur dire notre soutien sincère. Aucun discours ne saurait combler la perte d’un enfant mais qu’ils sachent que nous sommes à leurs côtés dans cette terrible épreuve. Leur affliction est aussi la nôtre.
Mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, mesdames et messieurs les députés, en la mémoire de Philippine, je vous invite à observer une minute de silence. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.)
3. Souhaits de bienvenue
Mme la présidente
Je suis heureuse de souhaiter en votre nom à tous la bienvenue à une délégation de Nouvelle-Calédonie, composée notamment de membres de son congrès. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)
4. Déclaration du Gouvernement et débat
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
La parole est à M. le Premier ministre.
M. Michel Barnier, Premier ministre
Mesdames, messieurs les députés, avant de commencer cette déclaration de politique générale, je veux vous dire l’émotion qui a été la mienne et celle, j’en suis sûr, de chaque membre du Gouvernement en prenant part avec vous toutes et vous tous à cette minute de silence en mémoire de Philippine. Nous pensons à elle, nous pensons à sa famille et nous pensons à toutes les femmes victimes de violences.
Alors que je m’adresse à vous pour la première fois en tant que Premier ministre, j’ai conscience de la gravité et de l’importance de ce moment pour notre action commune au service du pays et pour les Français…
Un député du groupe LFI-NFP
Ils n’ont pas voté pour vous !
M. Michel Barnier, Premier ministre
…qui nous regardent et qui nous écoutent.
À cet instant, j’ai en mémoire l’ordre de mission que le général de Gaulle, de sa propre main, a adressé depuis Londres, en mai 1942, à l’un de ses aides de camp, Pierre de Chevigné, pour l’envoyer aux États-Unis afin de tenter d’y créer une antenne de La France libre : « je vous demande de faire beaucoup avec peu et en partant de presque rien », lui écrivait-il.
M. Matthias Tavel
Il n’avait pas eu Marine Le Pen au téléphone ! (Exclamations sur les bancs du groupe DR.)
M. Michel Barnier, Premier ministre
Des décennies plus tard, dans un moment heureusement moins dramatique, cette exigence de « faire beaucoup avec peu », c’est la vie quotidienne de beaucoup de nos compatriotes (Plusieurs députés du groupe LFI-NFP brandissent leurs cartes d’électeur. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe DR) :…
M. Philippe Gosselin
Un peu de tenue !
M. Jean-Yves Bony
Ça va pas commencer !
M. Michel Barnier, Premier ministre
…les policiers, les gendarmes, les militaires qui assurent notre sécurité dans des conditions toujours plus dangereuses (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur plusieurs bancs des groupes RN, EPR et UDR) ; les aides-soignants, les infirmières, les médecins qui ont toujours moins de temps pour soigner toujours plus de patients (Mêmes mouvements) ; les professeurs, les éducateurs qui font tant d’efforts pour transmettre à nos jeunes le goût d’apprendre et l’esprit de citoyenneté (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP) ; les personnes en situation de handicap…
Une députée du groupe LFI-NFP
Vous les aviez oubliées !
M. Michel Barnier
…et toutes les associations qui se battent pour l’accessibilité et contre les discriminations (Mêmes mouvements) ; les bénévoles qui donnent de leur temps et de leur énergie pour les autres ; les parents aussi qui connaissent des fins de mois difficiles et se sacrifient souvent pour donner le meilleur à leurs enfants ; enfin, les enfants des milieux modestes qui, par leur mérite, avec le soutien de l’école de la République,…
Un député du groupe LFI-NFP
Que vous avez dépouillée !
M. Michel Barnier, Premier ministre
…parviennent à s’engager sur des chemins de vie désirés et non subis.
Comme chacun de celles et de ceux que je viens de citer et combien d’autres, nous sommes collectivement sur une ligne de crête : nous devons faire beaucoup. Si nous n’arrivons pas à faire beaucoup dans tous les domaines, nous devons faire bien pour répondre aux attentes des Françaises et des Français. Et nous devons faire avec peu, dans une économie de moyens et de ressources, j’y reviendrai.
Mme Aurélie Trouvé
Il y en a qui ont beaucoup !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Contrairement aux termes de l’ordre de mission signé par le général de Gaulle, nous ne partons pas de « presque rien ». (Exclamations et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe EPR.) Je pars, avec le Gouvernement, d’un vote populaire par lequel vous avez été élus, mesdames, messieurs les députés (Rires et exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR), …
Mme la présidente
S’il vous plaît !
M. Michel Barnier, Premier ministre
…et qui traduit des attentes fortes, urgentes et justifiées pour des services publics efficaces, pour une sécurité au quotidien, mais aussi, j’en suis convaincu, pour que notre pays retrouve le chemin de l’apaisement, de la fraternité, de l’espérance.
Un député du groupe LFI-NFP
Avec Retailleau !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Nous partons d’une France forte de la compétence, de la capacité d’innovation de ceux qui travaillent, produisent, entreprennent, ici, en métropole, mais aussi outre-mer et à l’étranger. Nous partons d’une France qui, ces dernières années, je le dis comme je le pense, objectivement, a progressé dans ces domaines et dans quelques autres, sous l’impulsion du chef de l’État et de ses différents gouvernements. Nous partons aussi d’une France riche de son histoire, de son patrimoine, de ses paysages, de sa biodiversité terrestre et maritime. Nous partons d’une France qui a été capable de s’unir, il n’y a pas si longtemps, pour encourager nos athlètes olympiques et paralympiques, pour chanter un peu partout La Marseillaise avec fierté, et pour, au bout du compte, étonner le monde.
Ces atouts, je les ai à l’esprit au moment où, après avoir été nommé Premier ministre par le Président de la République, il y a vingt-six jours, …
Mme Nathalie Oziol
Contre le vote des Français !
M. Michel Barnier, Premier ministre
…je viens vous présenter avec le Gouvernement notre feuille de route qui tient en une double exigence, que je vais rappeler, en une méthode, qui restera la mienne, et, au stade où nous sommes, en cinq grands chantiers.
Une exigence d’abord : la réduction de notre double dette, budgétaire et écologique. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Les Français attendent que nous regardions la vérité en face ; ils attendent aussi que le Premier ministre et les membres du Gouvernement, chacune et chacun d’entre vous, disent la vérité. Comme je m’y suis engagé, je dirai la vérité sur la réalité de nos comptes publics et sur la réalité de l’impact de notre mode de vie, de notre économie sur l’environnement.
J’ai entendu parler d’une épée de Damoclès qui pèserait sur la tête du Gouvernement mais la véritable épée de Damoclès, …
Mme Sophia Chikirou
C’est Macron !
M. Ugo Bernalicis
C’est la censure !
M. Michel Barnier, Premier ministre
…est dès aujourd’hui là sur la tête de la France et des Français et faute d’actions, faute de courage maintenant, je suis sûr d’une chose : elle pèsera beaucoup plus gravement demain sur nos enfants et nos petits-enfants.
La véritable épée de Damoclès, c’est notre dette financière colossale : 3 228 milliards d’euros.
À qui la faute ?
M. Michel Barnier
Si l’on n’y prend garde, elle placera notre pays au bord du précipice. Cette année, notre déficit public, celui de toutes les collectivités publiques, devrait dépasser 6 % de notre richesse nationale.
M. Hadrien Clouet
Bruno Le Maire et Gabriel Attal !
M. Michel Barnier, Premier ministre
En 2025, si rien n’est fait, il sera plus élevé encore. Pourquoi est-ce grave ? Pas seulement parce que ces chiffres n’ont rien à voir ni avec les prévisions de début d’année ni avec la trajectoire promise à nos partenaires ; pas seulement parce que cette situation nous affaiblit autour de nous en Europe. Mais d’abord parce que la charge de cette dette – 51 milliards d’euros – est aujourd’hui le deuxième poste de dépenses de l’État, derrière l’école.
Mme Mathilde Panot
Bravo Macron !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Est-il acceptable que nous dépensions plus pour payer des intérêts à d’autres, que pour notre défense et notre recherche ? Ma réponse, à la place où je me trouve aujourd’hui, est non. Face à nos défis qui sont immenses, nous n’avons pas le choix. Notre responsabilité, c’est d’alléger le fardeau et de retrouver des marges de manœuvre budgétaires. Aussi notre volonté est de ramener le déficit de notre pays à 5 % en 2025. Notre objectif est de remettre notre pays sur la bonne trajectoire pour revenir sous le plafond de 3 % en 2029, dans le respect de nos engagements européens. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Comment faire ? Ne nous racontons pas d’histoires – je ne raconterai pas d’histoires. Nos dépenses publiques atteignent 57 % de la richesse nationale, contre 49 % dans le reste de l’Europe. Elles ont augmenté de plus de 300 milliards depuis 2019, ce qui représente 5 000 euros de dépenses publiques supplémentaires chaque année par Français, quel que soit son âge. Le premier remède contre la dette, c’est la réduction des dépenses. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) En 2025, les deux tiers de l’effort de redressement viendront donc de la réduction des dépenses. Réduire les dépenses, c’est renoncer à l’argent magique, à l’illusion du tout gratuit, à la tentation de tout subventionner.
Un député du groupe LFI-NFP
Ce sont les entreprises que vous subventionnez !
M. Michel Barnier, Premier ministre
C’est en faisant des choix avec responsabilité – j’utilise ce mot avec gravité – que nous serons capables d’investir dans des actions qui améliorent la vie des Français dans la durée. Ces choix, nous les ferons avec une attention particulière aux plus fragiles pour qui les services de santé, d’éducation et de cohésion sociale sont essentiels. Ces choix, nous les ferons avec les collectivités locales…
M. Thibault Bazin
Très bien !
M. Ugo Bernalicis
Avec le sourire ?
M. Michel Barnier, Premier ministre
…pas contre elles ni sans elles, en trouvant ensemble la juste part que chacun doit prendre à l’effort collectif.
Le deuxième remède, c’est l’efficacité de la dépense publique. Nous sommes champions des dépenses publiques, mais pour quel résultat ? Est-il normal que le coût de l’éducation d’un élève français soit supérieur à celui de nos voisins,…
Mme Aurélie Trouvé
Ce n’est pas vrai ! Arrêtez les mensonges !
M. Thibault Bazin
Écoutez-le !
M. Michel Barnier, Premier ministre
…alors que nos professeurs sont souvent moins bien payés ? Est-il acceptable que les services de l’État louent à prix d’or des locaux au cœur de Paris quand un déménagement dans des départements limitrophes permettrait de faire des économies et de participer à la rénovation urbaine comme l’organisation des Jeux olympiques l’a prouvé en Seine-Saint-Denis ? Trop souvent, nos concitoyens ont l’impression – et vous les entendez, mesdames et messieurs les députés – de ne pas en avoir pour leurs impôts.
Mme Sophia Chikirou
Vous savez à quoi ça ressemble, un citoyen ?
M. Michel Barnier, Premier ministre
Nous ferons donc la chasse aux doublons, aux inefficacités, aux fraudes, aux abus du système et aux rentes injustifiées.
Une députée du groupe LFI-NFP
C’est vous, les abus du système !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Après la réduction de la dépense publique et l’amélioration de son efficacité, le troisième remède est d’ordre fiscal.
M. Hadrien Clouet
L’ISF !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Nos impôts sont parmi les plus élevés du monde. Les baisses d’impôts décidées depuis sept ans et les mesures prises pendant la crise du covid ont aidé beaucoup de Français et beaucoup d’entreprises – c’est la vérité – et ont redonné de l’oxygène dans une situation inédite et grave.
M. Hadrien Clouet
Rendez l’argent !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Mais la situation de nos comptes demande aujourd’hui un effort ciblé, limité dans le temps et partagé dans une exigence de justice fiscale. Ce partage de l’effort nous conduira à demander une participation au redressement collectif aux grandes et très grandes entreprises qui réalisent des profits importants.
M. Pierre Cordier
Vous devriez être contents ! (M. Pierre Cordier désigne les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Michel Barnier, Premier ministre
Nous le ferons sans remettre en cause notre compétitivité. Il n’y a ni partage ni redistribution possible s’il n’existe pas en amont de l’activité et de la production sur notre territoire. Cette exigence nous conduira également à demander une contribution exceptionnelle aux Français les plus fortunés (« Ah ! » et « Combien ? » sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS) afin d’éviter les stratégies de défiscalisation des plus gros contribuables.
Enfin, nous lutterons résolument et dans la durée contre la fraude fiscale et la fraude sociale (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP), y compris en sécurisant les cartes Vitale pour éviter le versement indu d’allocations. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR ainsi que sur quelques bancs des groupes RN et UDR.)
Sur ces questions budgétaires, il faudra faire des choix sérieux et graves avec vous, mesdames et messieurs les députés, au moment de la discussion du budget. Le projet de loi de finances, préparé en extrême urgence – jamais un Premier ministre n’a disposé d’aussi peu de temps pour présenter un budget –…
M. Sébastien Peytavie
La faute à qui ?
Une députée du groupe LFI-NFP
Allez le dire à Macron !
M. Michel Barnier, Premier ministre
…tient compte de la nécessité de redresser les comptes. Dans ce cadre, je souhaite que le Parlement, dont c’est le rôle, le débatte, l’ajuste et l’améliore. S’il y a urgence à redresser la barre, une bonne politique budgétaire se conduit dans la durée. Je souhaite donc que dans les ministères et chez les opérateurs publics soit engagé un effort de productivité contractualisé qui responsabilise chacun des directeurs d’administration centrale.
Il y a une autre épée de Damoclès, tout aussi redoutable,…
M. Hadrien Clouet
La censure !
Un député du groupe LFI-NFP
La destitution !
M. Michel Barnier, Premier ministre
…celle de la dette écologique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR. – Exclamations sur de nombreux bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Nous n’héritons pas la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants. Cette priorité m’a accompagné tout au long de ma vie publique, depuis mon tout premier engagement aux côtés du tout premier ministre français de l’environnement, dans mon pays de Savoie, à l’Assemblée nationale et au Sénat où j’ai eu l’honneur de siéger, au ministère de l’environnement puis au ministère de l’agriculture et de la pêche, à la Commission européenne enfin. Elle sera au cœur de notre action, parce que j’ai en mémoire la recommandation d’un homme d’État que je respectais et admirais, Pierre Mendès France : ne jamais « sacrifier l’avenir au présent ».
J’entends bien ceux qui disent : à quoi bon ? Que peut faire la France seule, face à un problème qui concerne l’ensemble de l’humanité ? Je pense qu’on peut faire beaucoup. Nos émissions de gaz à effet de serre ont à nouveau diminué de 3,6 % au premier semestre de 2024 : c’est la preuve que les efforts paient. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes EPR, Dem et HOR.) Nous pouvons et devons faire plus pour lutter contre le changement climatique et prévenir tous les risques de plus en plus nombreux et violents qu’il porte en lui, préserver la biodiversité et encourager l’économie circulaire. Nous devons agir plus concrètement au sein de l’Union européenne et dans le cadre des accords de Paris, et valoriser les initiatives des communes, de nos régions, des départements, de tant d’entreprises et d’associations.
Mme Clémence Guetté
Vous diminuez le fonds Vert de 60 % !
M. Michel Herbillon
Est-ce que LFI pourrait se taire et avoir du respect ?
M. Michel Barnier, Premier ministre
La transition écologique doit être l’un des moteurs de notre politique industrielle. Décarbonation des usines, encouragement à l’innovation, implantation de nouvelles industries de la transition, renforcement de nos filières de recyclage : je crois depuis longtemps à une écologie des solutions. Ensemble, nous allons agir aussi sur l’offre énergétique, en poursuivant résolument le développement du nucléaire (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR, Dem, HOR, ainsi que sur quelques bancs des groupes RN et LIOT), notamment des nouveaux réacteurs, mais aussi des énergies renouvelables en mesurant mieux tous leurs impacts – je pense en particulier aux éoliennes (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR) –, en valorisant la biomasse pour décarboner efficacement la production de chaleur et de gaz, en développant la filière française des biocarburants pour l’aviation. Enfin, dans les outre-mer, engagés vers un objectif de 100 % d’électricité renouvelable en 2030, seront développés des laboratoires d’innovation pour le solaire et la géothermie.
Ensemble, nous devons maîtriser nos besoins d’énergie, en poursuivant les efforts engagés et en faisant preuve de sobriété et d’efficacité. Nous allons mieux cibler l’accompagnement des particuliers et des entreprises, notamment pour la rénovation thermique des bâtiments.
Mme Clémence Guetté
Menteur !
M. Michel Barnier, Premier ministre
En attendant, le diagnostic de performance énergétique sera simplifié et son calendrier adapté. L’État qui est avec ses opérateurs le plus gros propriétaire immobilier foncier du pays doit aussi être exemplaire et réduira sa consommation d’énergie en isolant les surfaces qu’il gère. Pour tout cela, les travaux de planification vont reprendre immédiatement, avec les outils dont nous disposons : la stratégie française pour l’énergie et le climat, le troisième plan national d’adaptation au changement climatique, la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie.
Je voudrais dire un dernier mot sur la question de l’eau. Sécheresses ou inondations, conflit des usages, pollution des nappes phréatiques, envolée des prix : soixante ans après la toute première loi sur l’eau de 1963, le moment est venu, en prenant en compte les travaux et les réflexions engagées ces dernières années, de consacrer aux enjeux stratégiques liés à l’eau une grande conférence nationale pour agir. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
Ces deux réalités budgétaire et climatique certains veulent les nier ou les ignorer. D’autres les subissent ou se contentent de les commenter. Mettre la tête dans le sable ou se lamenter n’a jamais permis d’avancer. Il n’y a pas de fatalité tant qu’il n’y a pas de fatalisme ! Je pense que les hommes et les femmes politiques que nous sommes n’ont pas le droit en ce moment d’être fatalistes. Je suis convaincu que nous pouvons trouver un chemin de réalisme et d’action qui passe partout par le contrat plutôt que par la contrainte et qui nous permette pas à pas de reconstruire la confiance.
Regardons bien avec lucidité – je vous prie de croire que c’est mon cas, à la place où je me trouve, devant vous – le moment politique où nous sommes. Les élections législatives ont abouti début juillet à une Assemblée nationale divisée comme jamais depuis 1958. Aucun parti politique n’y a la majorité absolue, ni à lui tout seul ni avec ses alliés.
Mme Mathilde Panot
Oui, mais nous avons la majorité relative ! (Exclamations sur les bancs du groupe DR.)
M. Michel Barnier, Premier ministre
C’est le choix des Français…
Mme Mathilde Panot
Non, pas de la majorité des Français !
M. Michel Barnier, Premier ministre
… et c’est la réalité de votre assemblée.
Pourtant, les Français ne nous pardonneraient pas l’immobilisme dans les trois ans qui viennent. Ils nous demandent des réponses urgentes à quelques grandes questions : comment accéder rapidement à des soins de qualité près de chez soi, comment vivre dignement de son travail ou de sa retraite, comment améliorer les services publics, comment assurer la sécurité dans son quartier ou dans son village.
Pour répondre à ces questions dans le contexte politique particulier où nous sommes, nous avons besoin d’une nouvelle méthode. Nous avons besoin d’écoute, de respect et de dialogue. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Ian Boucard
Ça va leur faire bizarre !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Écoute, respect et dialogue entre le Gouvernement et le Parlement. Je demanderai à mon gouvernement de s’appuyer davantage sur le travail parlementaire : propositions de lois, amendements, recommandations des commissions d’enquête ou d’information, évaluation des politiques publiques.
Mme Clémence Guetté
Combien de 49.3 ?
M. Michel Barnier, Premier ministre
Cela vaut évidemment pour les groupes parlementaires de l’Assemblée nationale ou du Sénat dont certains membres font désormais partie du Gouvernement et que je remercie pour leur soutien, mais aussi pour tous les autres groupes.
M. Erwan Balanant
C’est un peu cela, l’État de droit, en fait !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Je souhaite qu’il y ait moins de textes et qu’il y ait plus de temps pour en débattre. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs des groupes EPR et HOR.)
M. Jean-Yves Bony
Très bien !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Je suis également prêt à ce que l’ordre du jour soit mieux partagé entre le Gouvernement et le Parlement, conformément à l’article 48 de la Constitution, pour accueillir des propositions de lois transpartisanes et ambitieuses pour le pays. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
M. Olivier Falorni
Très bonne idée !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Cela a été fait dans le passé, notamment pour la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), et pourrait être fait à l’avenir ; je pense à de grands sujets comme le handicap.
M. Olivier Falorni
Pas seulement…
M. Michel Barnier, Premier ministre
Écoute et respect à l’égard de toutes les forces politiques et de toutes les sensibilités politiques représentées à l’Assemblée nationale et au Sénat. Je l’ai dit dès le premier jour : nous écouterons et respecterons chacune et chacun d’entre vous,…
M. Ugo Bernalicis
Marine ?
M. Michel Barnier
…même si ce respect n’est pas toujours réciproque. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem, HOR, LIOT et sur quelques bancs du groupe RN.)
Un député du groupe LFI-NFP
Ça change des congrès LR !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Enfin, j’ai entendu les appels à davantage de représentativité. Je suis prêt, ainsi que le Gouvernement, à une réflexion et à une action sans idéologie s’agissant du scrutin proportionnel (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem), qui existe déjà au Sénat et dans les collectivités et que beaucoup de nos voisins pratiquent à différents degrés.
Écoute, respect et confiance dans les partenaires sociaux. J’ai souhaité prendre immédiatement le temps d’écouter tous les partenaires syndicaux et professionnels, que j’ai rencontrés cette semaine. Je pense que la situation requiert un renouveau du dialogue social (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP) et une relation exigeante et constructive avec l’État. Je fais confiance aux partenaires sociaux pour s’engager dans cet esprit et pour négocier dès les prochaines semaines à propos de l’emploi des seniors et du système d’indemnisation du chômage. Ils sont, de mon point de vue, les mieux placés pour trouver des solutions.
Sur les retraites aussi (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP), il faudra reprendre le dialogue.
Mme Mathilde Panot
Abrogez !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Il est impératif de préserver l’équilibre durable de notre système de retraite par répartition. Néanmoins, certaines limites de la loi votée le 15 avril 2023 peuvent être corrigées.
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
Abrogez !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Les questions des retraites progressives, de l’usure professionnelle, de l’égalité entre les femmes et les hommes face à la retraite méritent mieux que des fins de non-recevoir.
M. Xavier Breton
Très bien !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Sur ces sujets, nous proposons aux partenaires sociaux de réfléchir à des aménagements raisonnables et justes de la loi.
Écoute, dialogue et contractualisation avec les collectivités locales et les élus locaux, qui font chaque jour la preuve de leur courage et de leur engagement. Je me fais depuis longtemps une très haute idée du rôle des collectivités locales dans la République.
Un député du groupe LFI-NFP
C’est pour cela que vous coupez les crédits du fonds Vert ?
M. Michel Barnier, Premier ministre
Quarante ans après les grandes lois de décentralisation, il nous faut bâtir un nouveau contrat de responsabilité entre les collectivités locales et l’État.
M. Hervé Saulignac
Chiche !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Nous respecterons les compétences des collectivités et examinerons les possibilités de les renforcer. C’est dans cet esprit que la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation reprendra le dialogue avec les élus et les acteurs socio-économiques de la collectivité de Corse.
M. Ugo Bernalicis
Et avec le Parlement, accessoirement !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Écoute, respect et comptes à rendre aux Françaises et aux Français, qui ont des choses à dire et souvent de bonnes solutions à proposer. J’ai toujours pensé que les bonnes idées ne tombent pas systématiquement d’en haut et qu’il faut écouter les gens sur le terrain. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Un député du groupe LFI-NFP
Le terrain, c’est les gens qui votent !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Voilà pourquoi j’étudierai l’idée – que vous aviez soutenue, madame la présidente – d’organiser régulièrement – une fois par an ou tous les deux ans – une journée nationale de consultation citoyenne. (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Hadrien Clouet
Un grand débat !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Ce jour-là – dans mon esprit, mais cela mérite un débat –, toutes les mairies seraient ouvertes et internet utilisé. Les collectivités de chaque niveau – commune, intercommunalité, département, région, État – auraient la possibilité de poser une question aux citoyens et d’ouvrir un débat à ce propos.
Écoute, respect et dialogue, enfin, avec les 3 millions de Français qui vivent dans nos départements et territoires d’outre-mer et qui font vivre la France dans trois océans. Ces douze départements et territoires sont une partie essentielle de notre pays. Le Gouvernement dialoguera avec eux en respectant leur spécificité,…
Un député du groupe LFI-NFP
Comme en Kanaky !
M. Michel Barnier, Premier ministre
…leur culture, leur diversité et en entretenant des relations suivies avec leurs élus. Le ministre chargé des outre-mer, rattaché à Matignon, et moi-même reprenons le fil de la concertation avec les parlementaires et les élus locaux. Dans cet esprit, je présiderai durant le premier trimestre 2025 un comité interministériel des outre-mer (Ciom) pour valoriser, de concert avec les élus et les organisations professionnelles, les ressources propres – agricoles, forestières, maritimes ou encore énergétiques – de ces territoires au bénéfice direct de leurs habitants. Ensemble, nous devons aussi lutter rapidement contre la vie chère qui frappe nos compatriotes d’outre-mer. (Mme Maud Petit applaudit.)
Si vous me le permettez, je souhaite dire un mot de la Nouvelle-Calédonie, dont je salue amicalement les élus qui sont ici. (M. le Premier ministre fait un geste en direction des tribunes du public. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR, Dem, HOR, LIOT et sur quelques bancs des groupes RN et EcoS.)
M. Jean-Paul Lecoq
Et ici ! (M. Lecoq désigne en souriant M. Emmanuel Tjibaou.)
M. Michel Barnier, Premier ministre
Depuis maintenant quatre mois et demi, ce territoire connaît une crise d’une gravité exceptionnelle. J’ai conscience des souffrances et de l’angoisse que ressentent ses habitants et tiens à leur dire que l’État et mon gouvernement seront à leurs côtés. Je veux saluer tous ceux qui s’engagent pour l’apaisement, en premier lieu nos forces de l’ordre et les fonctionnaires de l’État (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR),…
M. Frédéric Maillot
Pas l’État, pour le coup !
M. Michel Barnier, Premier ministre
…mais aussi les responsables politiques et syndicaux et les acteurs de la société civile, qu’ils soient du monde économique, religieux ou coutumier. Une nouvelle période doit maintenant s’ouvrir, consacrée à la reconstruction économique et sociale de la Nouvelle-Calédonie et à la recherche d’un consensus politique concernant son avenir institutionnel. Ce travail sera conduit dans le respect des convictions de chacun, de la diversité du peuple calédonien et des principes démocratiques.
M. Frédéric Maillot et M. Jean-Victor Castor
Et de l’accord de Nouméa !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Je m’y emploierai personnellement. Je tiens d’ailleurs à vous remercier, madame la présidente, ainsi que le président du Sénat, car vous avez tous deux accepté de conduire une mission de concertation et de dialogue qui se rendra prochainement en Nouvelle-Calédonie.
Afin de garantir une gestion dans la durée de l’ensemble des enjeux calédoniens, les discussions, à Paris comme en Nouvelle-Calédonie, sont désormais soutenues par une délégation interministérielle placée auprès du Premier ministre et du ministre chargé des outre-mer.
Je suis en mesure d’annoncer, en accord avec le Président de la République, la décision de reporter les élections provinciales jusqu’à fin 2025. Les assemblées parlementaires auront donc prochainement à se prononcer sur ce report par le vote d’un projet de loi organique. Le projet de loi constitutionnelle sur le dégel du corps électoral adopté en mai ne sera pas soumis au Congrès. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS, LIOT et GDR.) Le Président de la République le confirmera aux élus de Nouvelle-Calédonie lorsqu’il les réunira au mois de novembre.
M. Jean-Victor Castor
Tout ça pour ça !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Par l’écoute et le dialogue, nous devons renforcer l’efficacité de l’action publique. Nous reprendrons par exemple le chantier ouvert par le projet de loi de simplification de la vie économique, mais tous les progrès ne passent pas par la loi : bien des améliorations peuvent advenir grâce à des mesures de mutualisation, de simplification et de déconcentration. Je l’ai constaté il y a quelques jours, dans mon pays de Savoie, en visitant une maison France Services.
M. Erwan Balanant
Merci Jacqueline Gourault !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Il existe désormais près de 3 000 de ces maisons qui placent les services à proximité des gens. J’ai vu des citoyens, parfois âgés, souvent en difficulté, y trouver l’aide administrative dont ils avaient besoin. Les mesures qui marchent seront poursuivies et consolidées. Nous devons encourager ce type de solutions, quitte à expérimenter, en donnant de la flexibilité aux préfets.
M. Ugo Bernalicis
De la souplesse ! De l’agilité !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Je signerai d’ailleurs rapidement une instruction pour leur permettre de déroger davantage au cadre national, à chaque fois que cela sera utile.
Nous développerons partout une culture de l’évaluation. Nous ne pourrons pas dépenser plus ; nous dépenserons mieux. Nous voulons par exemple continuer de soutenir l’apprentissage, mais en évitant les effets d’aubaine. Nous mutualiserons et regrouperons des agences, des opérateurs et des fonds qui partagent des objectifs communs, comme Business France et Atout France. Nous devons mieux détecter ensemble les cas de surtransposition des normes européennes qui pénalisent la compétitivité de nos entreprises et de nos exploitations agricoles. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur plusieurs bancs des groupes EPR, HOR et LIOT.) Enfin, pour conserver ou reconstruire une vraie capacité de prospective – j’ai toujours pensé que les acteurs publics tels que les députés ou les membres du Gouvernement en avaient besoin –, nous fusionnerons France Stratégie avec le haut-commissariat au plan. Il y a dans les services de l’État de l’intelligence et de l’expertise ; elles peuvent être mieux utilisées, sans avoir recours à des cabinets de conseil privés. (« Ah ! » sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Ce qui est vrai pour l’État l’est aussi pour les collectivités territoriales. Nous passerons méthodiquement en revue, pour les débloquer, les projets ou les actions locales qui sont empêchés en raison de la complexité de la réglementation. Nous ferons remonter du terrain des propositions concrètes de simplification pour lesquelles nous demanderons au Parlement de lever les obstacles relevant de la réglementation en vigueur.
Je demanderai aux membres de mon gouvernement, sous la coordination du ministre chargé de la simplification de l’action publique, de limiter au strict minimum les nouvelles normes.
Enfin, nous ferons du dialogue et de la culture du compromis un principe de gouvernement. Le mot de compromis n’est pas un gros mot !
M. Ludovic Mendes
Même au ministère de l’intérieur ?
M. Michel Barnier, Premier ministre
On ne se compromet pas quand on fait un compromis, surtout s’il est dynamique.
Mme Élisa Martin
Ça dépend quand même avec qui !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Michel Rocard ne disait pas autre chose dans sa propre déclaration de politique générale, en 1988 – j’ai d’ailleurs le souvenir qu’Édouard Philippe y a fait référence dans la sienne, en 2017 – : « Nos priorités ne sont pas celles d’une moitié de la France contre l’autre moitié, mais celles de tous les Français. Défaire ce que les autres ont fait, faire ce que d’autres déferont, voilà bien le type de politique dont les électeurs ne veulent plus. » (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR, Dem, HOR et LIOT.)
C’est toujours vrai à présent. Je ne suis donc pas le premier à le penser. Je sais qu’il reste du chemin à parcourir. Regardons l’exemple souvent donné dans les collectivités locales, où on sait bâtir des compromis dynamiques. Regardons aussi autour de nous, en observant ce qui marche chez nos voisins. En Europe, on mène campagne ; on se confronte parfois durement ; on défend ses idées ; on est élu – souvent, pas toujours – puis on discute et on se met d’accord pour travailler ensemble sur quelques grandes réformes.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, j’ai entendu que certains ont des lignes rouges, parfois très rouges. (Sourires sur les bancs du groupe DR. – Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et HOR.)
Un député du groupe DR
On préfère les lignes bleues aux lignes rouges ! (Sourires sur quelques bancs du groupe DR.)
M. Michel Barnier, Premier ministre
Depuis que j’ai accepté la proposition du Président de la République d’être le Premier ministre de notre pays, j’ai gardé en mémoire mes propres lignes rouges, qui sont celles de tout le Gouvernement.
Il n’y aura aucune tolérance à l’égard du racisme et de l’antisémitisme. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, EPR, DR, Dem, HOR et UDR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Plusieurs députés du groupe DR désignent les députés des groupes LFI-NFP et EcoS, qui désignent à leur tour les députés du groupe RN.)
Il n’y aura aucune tolérance à l’égard des violences faites aux femmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, EPR, DR, Dem, HOR et UDR, ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC, GDR et LIOT. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Il n’y aura aucune tolérance à l’égard du communautarisme. (Mêmes mouvements.)
M. Michel Herbillon
Regardez-les ! (M. Michel Herbillon désigne les députés du groupe LFI-NFP.)
M. Michel Barnier
Il n’y aura aucun accommodement en ce qui concerne la défense de la laïcité, aucun. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, EPR, DR, Dem, HOR et UDR, ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC, GDR et LIOT. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Nous n’accepterons aucune discrimination. Nous n’accepterons aucune remise en cause des libertés conquises au fil des ans.
M. Ugo Bernalicis
Qu’en est-il de votre gouvernement ?
M. Michel Barnier, Premier ministre
Je pense à la loi sur l’interruption volontaire de grossesse défendue par Simone Veil. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem, HOR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RN, DR, SOC, GDR, LIOT et UDR.) Pour tout vous dire, avoir siégé dans le même gouvernement que Simone Veil reste un des grands honneurs de ma vie. Il n’y aura donc aucune remise en cause de cette loi désormais protégée par la Constitution. De même, il n’y aura aucune remise en cause de la loi sur le mariage pour tous (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem, HOR ainsi que sur quelques bancs des groupes DR et SOC) ni des dispositions législatives sur la procréation médicalement assistée. (Mêmes mouvements.)
Depuis le premier jour de mon engagement politique, depuis le début de mon travail parlementaire, ici même, à l’Assemblée nationale, quand j’ai eu l’honneur d’en être le benjamin (Sourires sur les bancs des groupes EPR et DR), je me fais une certaine idée de la République et de ses institutions. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Un peu de silence !
M. Michel Barnier, Premier ministre
C’est cette idée qui animera, aussi longtemps que vous le déciderez,…
M. Carlos Martens Bilongo
C’est bientôt fini !
M. Michel Barnier, Premier ministre
…– car c’est bien vous qui le déciderez – l’action de mon gouvernement. Ce gouvernement, je l’ai voulu équilibré (Rires prolongés sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR, ainsi que sur quelques bancs du groupe EcoS), représentatif, pluriel, avec comme seule boussole l’intérêt général de notre pays. Peut-être n’est-ce pas habituel, mais vous me permettrez d’exprimer mes remerciements personnels à celles et ceux qui ont accepté de faire partie de cette équipe de France, dans une période très difficile, de travailler ensemble et, même s’ils ne viennent pas du même endroit et n’ont pas la même sensibilité, d’être solidaires.
Le Gouvernement ne fera pas de miracles – je l’ai dit lors de ma toute première visite, aux équipes du Samu de Paris, à l’hôpital Necker, tant le chemin est escarpé. Cependant, le Gouvernement est prêt à franchir un à un les obstacles et à s’efforcer de répondre aux préoccupations des Français.
La déclaration de politique générale,…
Un député du groupe EcoS
Très générale ! (Sourires.)
M. Michel Barnier, Premier ministre
…comme celle que je prononce devant vous, est souvent l’occasion de passer en revue toutes les politiques animées dans notre pays par des agents publics dont je salue l’efficacité, le sens du service et le dévouement. Mais la tentation de l’exhaustivité se heurte à l’urgence d’apaiser et de trouver des solutions. Voilà pourquoi je me concentrerai, dans une deuxième partie, sur cinq grands chantiers prioritaires. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Michel Herbillon
Un peu de respect ! Taisez-vous !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Le premier chantier concerne le niveau de vie des Français. Notre objectif est que tous les Français frappés par la vie chère constatent dès l’année prochaine une amélioration de leur niveau de vie. Pour cela, nous avons besoin d’une économie vigoureuse où chacun puisse bien vivre des fruits de son travail.
Il y a dans notre pays de nombreuses créations d’emplois et de plus en plus de personnes au travail grâce à l’attractivité de la France pour les investissements internationaux, qui est depuis sept ans une priorité du Président de la République, et grâce à la réussite des entrepreneurs et des entreprises, qu’elles soient grandes, petites ou intermédiaires, des artisans et des commerçants qui travaillent et produisent en France dans de nombreux secteurs, y compris le numérique et l’intelligence artificielle. Notre pays doit et veut amplifier son ambition industrielle. Le Gouvernement encouragera une meilleure mobilisation de l’épargne des Français pour soutenir cette dynamique, par exemple à travers un nouveau livret d’épargne dédié à l’industrie.
M. Pierre Cordier
Très bien ! J’y placerai mes économies. (Sourires.)
M. Matthias Tavel
Les Français n’ont rien à mettre dessus !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Néanmoins, nous le savons tous, nous n’avons pas encore atteint le plein emploi. Le RSA ne doit pas être uniquement un filet de sécurité. Nous devons en faire un tremplin vers l’insertion, un nouveau contrat social fait du droit d’être aidé et du devoir de chercher, vraiment, un travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Cela passe notamment – mais pas seulement – par l’action de France Travail, qui accompagnera désormais progressivement, en lien avec les départements et l’ensemble des acteurs de l’emploi, tous les allocataires du RSA et toutes les entreprises qui ont besoin de recruter.
M. Fabien Di Filippo
Il faut en finir avec l’assistanat !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Là où la réforme du RSA a été engagée, ça marche, (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR)…
M. Gérald Darmanin
Bravo !
M. Michel Barnier, Premier ministre
…comme à Marseille où, après six mois d’accompagnement, une personne sur trois est sortie du RSA.
Enfin, nous avons de nombreux dispositifs d’insertion par l’activité économique, auxquels je suis attentif, notamment le travail adapté pour les personnes en situation de handicap, ou des expérimentations que je connais assez bien comme Territoires zéro chômeur de longue durée, qui donnent des résultats et doivent être encouragés.
Encore faut-il que le travail paie. Nous revaloriserons le Smic de 2 % dès le 1er novembre 2024, anticipant ainsi l’augmentation prévue le 1er janvier 2025.
M. Manuel Bompard
De 2 % seulement ! («Oh là là ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Michel Barnier, Premier ministre
Ensuite, il reste dans notre pays des branches professionnelles dans lesquels les minima sont inférieurs au Smic. Ce n’est pas acceptable, et cela fera l’objet de négociations rapides. L’État y veillera.
En outre, il est désormais démontré que notre dispositif d’allègement de charges freine la hausse des salaires au-dessus du Smic ; nous le reverrons.
Enfin, vous n’en serez pas étonné, plus d’un demi-siècle après une déclaration prémonitoire du général de Gaulle nous relancerons la participation, l’intéressement et l’actionnariat salarié, et cela pas seulement dans les grandes entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR ainsi que sur quelques bancs du groupe EPR.)
Le niveau de vie des Français dépend de leur salaire, mais aussi des prix. La baisse de l’inflation est très nette dans les tableaux économiques. Il faut désormais la répercuter sur les factures d’électricité et à la caisse du supermarché.
Un député du groupe DR
Très bien !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Il faut aussi agir sur le logement. (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe DR). C’est le premier poste de dépense des Français. La baisse des taux d’intérêt est une bonne nouvelle pour relancer les crédits immobiliers. Cependant l’État et les collectivités territoriales doivent amplifier ce signal pour créer de la croissance et revitaliser la construction de logements. Pour construire, il faut du foncier.
M. Philippe Gosselin
Eh oui ! On en manque !
M. Pierre Cordier
Il faut supprimer le ZAN !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Nous devons faire évoluer de manière pragmatique et différenciée la réglementation zéro artificialisation nette (Applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs du groupe DR, ainsi que sur quelques bancs des groupes RN et EPR) pour répondre aux besoins essentiels de l’industrie et du logement.
Dans un contexte de crise du secteur de la construction, des mesures rapides sont nécessaires pour relancer l’investissement locatif et l’accession à la propriété, notamment chez les primo-accédants, pour lesquels le Gouvernement est favorable à l’extension du prêt à taux zéro, sur tout le territoire. (Mêmes mouvements.)
M. Philippe Gosselin
Excellent !
M. Michel Barnier, Premier ministre
En outre, nous devons simplifier au maximum les normes qui pèsent sur la construction des logements neufs ou la réhabilitation des logements anciens.
Quant au logement social, il ne devrait être qu’une étape. Les bailleurs doivent pouvoir réexaminer régulièrement la situation de leurs locataires afin d’adapter les loyers à leurs ressources. C’est aussi une mesure de justice sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Pour faciliter l’accession sociale à la propriété, il y a – j’en suis sûr – des mesures innovantes à trouver avec les offices HLM ; nous y sommes prêts.
Il faut également donner plus de pouvoir aux maires dans l’attribution et la priorisation des logements sociaux sur leur territoire. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et HOR.) Faisons-leur confiance pour permettre une vraie mobilité dans le parc social.
Un autre poste essentiel de dépense des Français est évidemment l’alimentation. Une alimentation de qualité, saine, variée, et traçable doit être à la portée de tous, alors que ce n’est pas le cas.
Pour cela, notre agriculture, en métropole et outre-mer, est l’un de nos principaux atouts. Je pense depuis longtemps que les agriculteurs et les pêcheurs sont d’abord des producteurs. Leur production est vitale pour notre souveraineté alimentaire et pour la compétitivité de notre pays. Ils ont résolument, et depuis longtemps, engagé la transformation de leurs filières, en investissant, en se modernisant, en s’adaptant au changement climatique. J’ai moi-même soutenu cette transformation quand j’étais leur ministre, en particulier en lançant le premier plan Écophyto. Nous devons poursuivre ce travail avec eux – ni sans eux ni contre eux. Nous devons également les soutenir lorsqu’ils sont frappés par des crises, qu’elles soient climatiques ou sanitaires, comme la grave crise de la fièvre catarrhale ovine qui sévit actuellement. Nous devons enfin leur donner des perspectives à long terme. Nous renforcerons la transparence sur les marges pratiquées par la grande distribution et nous encouragerons les contrats tripartites entre agriculteurs, transformateurs et distributeurs, conformément aux lois Egalim du 30 octobre 2018, du 18 octobre 2021 et du 30 mars 2023 et en allant au-delà. Pour relever ces défis, mon gouvernement reprendra sans délai le projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR.)
M. Sylvain Maillard
Très bien !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Nous défendrons aussi les agriculteurs français à Bruxelles, en poursuivant le travail indispensable de simplification des règles et afin de s’assurer que les négociations budgétaires et la négociation des accords de libre-échange respectent leurs intérêts et la réciprocité dans les échanges, ce qui n’est pas gagné.
Enfin, les transports pèsent lourd dans les dépenses des ménages. Là aussi, je veux soutenir l’initiative locale. C’est la logique du rattachement du ministère des transports à un grand ministère du partenariat avec les collectivités.
Nous travaillerons donc avec les collectivités et les acteurs économiques pour investir en priorité dans les transports du quotidien et offrir des solutions de transport aux Français des zones périurbaines et rurales, à ces millions de travailleurs qui font des dizaines de kilomètres par jour et n’ont pas pour le moment d’autre choix que la voiture.
Le deuxième chantier est celui de l’accès à des services publics de qualité. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Les Français sont attachés à leurs services publics dans tous les territoires. Je comprends leur colère et leur désarroi, que vous connaissez vous aussi, quand il faut attendre de longues semaines pour obtenir une pièce d’identité ou quand des professeurs absents ne sont pas remplacés.
L’école restera la priorité.
M. Maxime Laisney
Alors nommez une vraie ministre de l’éducation !
M. Michel Barnier
Nous voulons donner à tous nos enfants une école qui leur permette d’apprendre, de forger leur jugement et, à force de travail, de prendre leur avenir en main et de participer ainsi à celui du pays. J’ai confiance dans la qualité et l’engagement des enseignantes et des enseignants ainsi que de tous les personnels de l’éducation nationale. (Mêmes mouvements.)
M. Ugo Bernalicis
Mais eux n’ont pas confiance en vous !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Ils doivent être partout et toujours respectés et protégés. Ils ont moins besoin, me semble-t-il, de grandes réformes et d’une énième refonte des programmes que du bon fonctionnement de leur établissement.
Ensemble, nous voulons renforcer l’attractivité de la mission d’enseignement. Ensemble, nous devons trouver des réponses au défi posé par le remplacement des professeurs absents.
M. Ugo Bernalicis
Trouver un remplaçant, ce n’est pas compliqué !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Au-delà des améliorations en termes d’organisation et de formation, ne pourrait-on pas, par exemple, faire plus – et mieux – appel à des professeurs retraités volontaires, notamment pour accompagner leurs plus jeunes collègues ? (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Ensemble, nous devons travailler pour que toute notre jeunesse ait accès à la culture et au sport. Telle est la trace durable que doivent laisser les Jeux olympiques et paralympiques.
Ensemble, avec les parents, nous pouvons trouver des solutions pour mieux soutenir les élèves en difficulté, consolider les savoirs fondamentaux, améliorer l’accessibilité pour les élèves en situation de handicap et l’inclusion scolaire, et continuer la lutte sans merci contre le harcèlement à l’école et sur les réseaux sociaux.
Ensemble, nous devons réinvestir dans les équipes et les dispositifs d’orientation, afin de mieux accompagner nos élèves dans leurs choix d’avenir. Nous continuerons de valoriser les filières professionnelles.
Ensemble, nous devons aussi développer le service public de la petite enfance. C’est le lieu des premiers apprentissages et des premières protections, en particulier contre le danger des écrans.
Outre l’école, la santé est au cœur des préoccupations des Français. Avec tous les professionnels de santé, nous devons trouver des solutions de terrain qui fonctionnent pour les patients. En effet, nous sommes face à deux immenses défis : le fonctionnement de l’hôpital…
Mme Elsa Faucillon
Il est mort, l’hôpital !
M. Michel Barnier, Premier ministre
…et la lutte contre les déserts médicaux.
Ainsi, la lutte contre les déserts médicaux et la pénurie de soignants figurera parmi les priorités du Gouvernement. Le temps où l’on craignait de former trop de médecins est révolu : nous amplifierons l’effort engagé.
M. Thibault Bazin
C’est urgent, ça !
M. Arnaud Le Gall
Donnez des moyens !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Mesdames et messieurs les députés, je sais votre incompréhension au sujet de la diminution des postes d’internes cette année. En 2025, la dynamique reprendra fortement : il y aura 11 000 internes, contre 8 500 en 2024.
Avec tous ceux qui le voudront, nous travaillerons à un nouveau programme, que j’appellerai le programme « Hippocrate ».
Mme Andrée Taurinya
Hypocrite !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Grâce à l’accompagnement de l’État et des collectivités, les internes français et étrangers s’engageront, sur une période donnée, à exercer dans les territoires qui manquent le plus de médecins. Nous nous inspirerons de ce qui marche.
M. Hervé Saulignac
Ça existe déjà et ça ne marche pas !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Nous déploierons plus rapidement les assistants médicaux, les bus de santé et les regroupements de professionnels de santé. Nous nous appuierons sur les nouvelles technologies : la télémédecine, la télésurveillance et le recours à l’intelligence artificielle, lorsque c’est utile.
Puisque rien ne remplace le contact humain, pourquoi, là encore, ne pas s’appuyer davantage sur des médecins retraités, en leur permettant de reprendre du service avec un cumul favorable des rémunérations et des retraites ?
Je connais l’engagement des soignants, en particulier des médecins qui font l’objet d’une revalorisation légitime ; je sais qu’ils répondront présent au service des Français, tant l’urgence est grande.
Mon Gouvernement proposera d’accélérer l’accès aux soins grâce à une loi « infirmières et infirmiers », qui améliorera la reconnaissance de leur expertise et de leurs compétences, et leur donnera un rôle élargi dans la prise en charge des patients. Nous pourrions étendre la même démarche aux pharmaciens et aux kinésithérapeutes.
La situation de notre hôpital mérite, elle aussi, toute notre attention. Afin de soulager les urgences, nous devons mieux orienter les patients en généralisant le service d’accès aux soins, d’ici la fin de l’année. Nous devons aussi améliorer l’organisation et la complémentarité des soins au sein de nos territoires, entre la ville et l’hôpital, entre le public et le privé.
Notre système de santé est gravement malade de sa complexité et de sa bureaucratie.
M. Arnaud Le Gall
Il est malade de vos purges !
M. Ugo Bernalicis
Supprimez la T2A, ce sera plus simple !
M. Michel Barnier
Il y a peu, j’ai rencontré des médecins – qui savent de quoi ils parlent, et il y en a parmi vous – selon qui réduire les formalités auxquelles ils sont astreints permettrait d’augmenter d’environ 15 % le temps dédié aux consultations. Nous nous attaquerons donc à la simplification et à la suppression de ces formalités, afin de retrouver du temps médical utile et de redonner du sens au métier des soignants.
Enfin, à l’heure de l’intelligence artificielle, comment expliquer que l’hôpital, comme l’école et tant d’autres services, soit encombré par tant de paperasse qui mine le moral des agents et des usagers ?
M. Hadrien Clouet
C’est vous qui nous minez le moral !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Un autre sujet me tient à cœur depuis très longtemps, pour des raisons familiales, et je sais qu’il préoccupe aussi beaucoup d’entre vous. Les crises successives, en particulier celle, pas si lointaine, du covid, ont eu un effet aggravant sur la santé mentale de beaucoup de Français.
M. Hadrien Clouet
Encore neuf pages !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Les problèmes de santé mentale touchent un Français sur cinq – un sur cinq ! –, particulièrement les jeunes. L’impact sur les familles et les proches est immense. Les maladies psychiques sont le premier poste de dépenses de l’assurance maladie. Ces maladies se soignent et la prévention est essentielle.
M. Ugo Bernalicis
Pour cela, il faut des moyens !
M. Michel Barnier
Des progrès sont réalisés dans la recherche et les traitements, mais il y a encore tellement à faire s’agissant des modes d’accompagnement des malades et des aidants !
M. Hadrien Clouet
Par exemple ?
M. Michel Barnier, Premier ministre
Je n’oublie pas le trouble du neurodéveloppement et du comportement cognitif. L’accès aux soins, à l’éducation et à l’emploi des personnes concernées fait partie des enjeux prioritaires.
Je le redis, cet enjeu me tient à cœur. La santé mentale est l’affaire de tous : État, collectivités, entreprises et associations. C’est pourquoi nous ferons de la santé mentale la grande cause nationale de l’année 2025. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et HOR et sur plusieurs bancs des groups EPR, SOC et Dem.)
Enfin, dans tous les domaines de la santé, la politique de prévention guidera notre action : prévention des comportements à risque, intensification des dépistages, développement du sport santé. Nous mènerons ces chantiers avec énergie, car ils sont la seule manière d’améliorer durablement l’espérance de vie en bonne santé.
M. Arnaud Le Gall
Il y en a marre de vos effets d’annonce, à chaque fois c’est pareil !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Le troisième chantier est celui de la sécurité au quotidien : les Français nous demandent d’assurer la sécurité dans chaque territoire. Nous généraliserons la méthode expérimentée pendant les Jeux olympiques et paralympiques.
M. Sylvain Maillard
Très bien !
Mme Élisa Martin
Et voilà !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Dans chaque département, sous l’autorité des préfets et des procureurs, un plan d’action sera déployé par la police et la gendarmerie nationale, en liaison avec les autres acteurs locaux de la sécurité, à commencer par les polices municipales. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Les résultats, qui feront l’objet de points de situation réguliers, doivent être rapides, concrets et visibles. Tous les Français ont besoin d’être rassurés par la présence de nos forces, qui seront encore plus visibles et présentes sur la voie publique, ainsi que dans les villes et les villages de France. C’est l’objectif de la création de nouvelles brigades de gendarmerie, qui sera confirmée et poursuivie. Là encore, dans les commissariats et les gendarmeries, il y a trop de procédures administratives. Nous les réduirons méthodiquement, afin d’augmenter le temps de présence des forces de l’ordre sur la voie publique.
Mme Élisa Martin
Et allez donc !
M. Michel Barnier, Premier ministre
La lutte implacable contre le trafic de drogue, la criminalité organisée et l’économie souterraine qui gangrènent nombre de territoires urbains et ruraux, sera aussi une priorité du Gouvernement.
M. Ugo Bernalicis
C’est fini, ça ! Il y a eu l’opération Place nette ! Il n’est pas au courant ?
M. Michel Barnier, Premier ministre
Si nous les avons bien entendus, les Français s’attendent à des sanctions rapides, quand elles sont justifiées. Nous devons nous attaquer de manière volontariste à la réduction des délais de jugement, en particulier pour les mineurs. Nous reprendrons la discussion sur la création d’une procédure de comparution immédiate pour les mineurs délinquants de plus de 16 ans déjà connus de la justice et poursuivis pour des actes graves d’atteinte à l’intégrité physique des personnes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Nous poursuivrons la réflexion sur les atténuations de l’excuse de minorité. Il faut stopper la montée continue de la violence des mineurs, qui rend impossible la vie dans de nombreux quartiers. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Ugo Bernalicis
C’est du RN dans le texte !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Enfin, les Français demandent que les peines soient réellement exécutées. Il est nécessaire que les jugements soient respectés et que les peines soient exécutées sans être transformées, au risque, si ce n’est pas le cas, de faire perdre toute crédibilité à la réponse pénale. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et HOR.) C’est pourquoi nous proposons des peines de prison courtes et immédiatement exécutées pour certains délits. (Mêmes mouvements.)
M. Ugo Bernalicis
Tout le monde dit que ça ne marche pas !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Il nous faut également réviser les conditions d’octroi du sursis et limiter les possibilités de réduction ou d’aménagement de peine.
M. Ugo Bernalicis
Ça ne sert à rien ! Heureusement, vous n’aurez pas le temps de le faire !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Nous prévoirons un recours plus important aux travaux d’intérêt général, aux amendes administratives et aux amendes forfaitaires délictuelles. Pour que ces amendes soient bien payées, nous recouvrerons de manière effective les retenues sur salaire ou sur les prestations sociales. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Enfin, pour réaffirmer le rôle dissuasif de la sanction, nous devons construire des places de prison. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.) La France compte actuellement 80 000 détenus pour environ 62 000 places. Ce nombre est très insuffisant. J’ajoute, parce que ce sujet m’intéresse, qu’il nuit à la dignité des conditions de détention. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Ugo Bernalicis
Faites une réforme carcérale tout de suite si vous croyez à ce que vous dites !
M. Michel Barnier
Il est donc urgent de construire de nouvelles places de prison, effort qu’ont déjà engagé les gouvernements précédents.
M. Pierre Cordier
De manière insuffisante !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Devant l’ampleur du chantier, il faut aussi diversifier les solutions d’enfermement ou de surveillance effective en fonction du profil de la personne détenue et de la peine prononcée, notamment pour les mineurs délinquants. À ce titre, je suis favorable à la création de nouveaux établissements pour les courtes peines.
D’une manière générale, la fermeté de la politique pénale demandée par les Français est indissociable du respect de l’État de droit (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Inaki Echaniz applaudit.)…
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
Et M. Retailleau est d’accord ?
M. Michel Barnier, Premier ministre
…et des principes d’indépendance et d’impartialité de la justice, auxquels je suis profondément et définitivement attaché. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR et sur quelques bancs des groupes SOC et GDR.)
Le quatrième chantier est celui d’une politique de maîtrise de l’immigration. Il est urgent de sortir l’immigration de l’impasse idéologique où l’ont mise les uns et les autres. Un jour, dans un moment d’utopie, j’ai même imaginé qu’on pouvait en faire un sujet d’intelligence nationale.
M. Hadrien Clouet
Houlà !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Ce sujet, qui ne laisse personne indifférent, doit être traité avec dignité et gravité, au lieu d’être instrumentalisé dans des controverses inutiles.
M. Alexis Corbière
Vous n’êtes pas gentil avec M. Retailleau ! (Sourires.)
M. Michel Barnier, Premier ministre
Nous devons regarder la question de l’immigration avec lucidité et l’affronter avec pragmatisme. L’an dernier, 2,5 millions de visas ont été accordés à des ressortissants étrangers. Chaque année, plus de 150 000 demandes d’asile sont enregistrées, dont les deux tiers en moyenne sont rejetés. Chaque année, plus de 100 000 obligations de quitter le territoire français (OQTF) sont prononcées, mais des dizaines de milliers de migrants en situation irrégulière se maintiennent indûment sur notre territoire.
Nous ne maîtrisons donc plus de manière satisfaisante notre politique migratoire. En conséquence, nous n’atteignons plus notre objectif – je dirais même notre devoir républicain – d’intégration.
Le Gouvernement travaillera à un traitement plus efficace – et de proximité – des demandes d’asile, afin que les demandeurs obtiennent rapidement une décision. Nous proposerons de faciliter la prolongation exceptionnelle de la rétention des étrangers en situation irrégulière, afin de mieux exécuter les obligations de quitter le territoire français. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Pierre Cordier
Eh oui ! Il faut une solution !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Nous voulons aussi mieux contrôler nos frontières. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN. Le nouveau pacte européen sur la migration et l’asile a été récemment adopté après de longs débats au Parlement européen et au Conseil des ministres de l’Union européenne – je remercie M. Darmanin pour son engagement sur le sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Mme Andrée Taurinya
Le RN s’est félicité de ce texte !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Ce pacte prévoit de maîtriser les flux en opérant les contrôles aux frontières extérieures de l’Union européenne. C’est là que l’on décidera si une personne est en droit ou non d’entrer sur le territoire de l’Union européenne au nom du droit d’asile.
Plusieurs députés du groupe RN
Non !
M. Hervé de Lépinau
Vous avez désarmé Frontex !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Ce pacte doit être mis en place sans délai, mais aussi être complété en redonnant à Frontex sa mission première de garde-frontière de l’Union européenne. Dans cet esprit, nous devons être impitoyables avec les passeurs et les trafiquants…
M. Julien Odoul
Et les ONG !
M. Michel Barnier, Premier ministre
…qui exploitent la misère et le désespoir, au prix de la vie de milliers de migrants en Méditerranée ou dans la Manche.
M. Hervé de Lépinau
En matière de politique migratoire, vous avez été pitoyables !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Enfin, la France continuera, aussi longtemps que nécessaire, à rétablir des contrôles à ses propres frontières, comme le permettent les règles européennes, et comme l’Allemagne vient de le faire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Emmanuel Fouquart
Comme quoi, c’est possible !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Les Français nous demandent aussi de trouver des solutions avec les pays d’origine et de transit. Le Gouvernement ne s’interdira pas de conditionner davantage l’octroi de visas à l’obtention de laissez-passer consulaires nécessaires aux reconduites à la frontière. (Mêmes mouvements.) Nous poursuivrons les discussions déjà engagées avec les pays concernés par des accords bilatéraux conclus de longue, parfois de très longue date, lorsqu’ils ne correspondent plus aux réalités d’aujourd’hui.
C’est en appliquant ces mesures strictes de maîtrise de l’immigration que nous serons mieux en mesure d’atteindre notre objectif : intégrer dignement celles et ceux que nous choisissons d’accueillir, en leur ouvrant plus rapidement l’accès à un titre de séjour, à l’apprentissage du français, à un logement et à un emploi.
Je veux enfin évoquer un dernier chantier : notre pays a besoin de plus de fraternité. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR, Dem, HOR et LIOT.)
M. Matthias Tavel
Et de moins de Retailleau !
M. Michel Barnier, Premier ministre
La formidable réussite des Jeux olympiques et paralympiques de Paris a encouragé la pratique sportive, qui est une des clés pour soutenir le moral individuel et collectif des Français, l’apprentissage des règles du jeu, l’acceptation de l’autre ainsi que pour améliorer la santé de nos concitoyens.
Au-delà des belles cérémonies et des médailles françaises, la plus grande réussite de ces Jeux a été aussi de changer notre regard sur le handicap. Tous ces athlètes paralympiques nous ont rendus fiers. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR et Dem.)
L’une des priorités du Gouvernement sera de maintenir cet élan pour résoudre les inégalités qui demeurent, pour renforcer la scolarisation, l’accessibilité des transports et de l’espace public, et combattre les discriminations à l’embauche.
La fraternité, c’est renouer avec une politique familiale (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP), soutenir toutes les familles, en particulier les familles monoparentales (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR), combattre aux côtés de tant d’associations, avec la plus grande énergie, la pauvreté qui progresse à nouveau dans nos villes et dans nos campagnes. La fraternité, c’est encourager le bénévolat et la vie associative qui font reculer l’isolement et la solitude, et apportent tant de générosité à notre pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR et DR. – M. Yannick Favennec-Bécot applaudit.)
Tous les ministres qui le pourront, à commencer par celui chargé du sport et de la vie associative, mais aussi ceux de la ruralité, de l’environnement, de l’éducation et de l’intérieur, s’attacheront à valoriser un volet « bénévolat » dans leurs actions.
La fraternité, c’est aussi développer une politique culturelle accessible à tous, notamment aux jeunes, dans tout le territoire : l’accès à la culture est à la fois un facteur essentiel d’ouverture personnelle, une condition pour faire progresser l’égalité des chances et l’un des ciments de notre lien social.
Autre formidable chantier culturel : la sauvegarde, l’entretien et la valorisation de notre patrimoine, dans tous les villages comme dans les plus grandes villes,
La fraternité, c’est aussi tisser davantage de liens entre les générations.
Mme Clémence Guetté
Il faut un budget pour cela !
M. Michel Barnier, Premier ministre
La cohabitation intergénérationnelle, qui aide beaucoup de jeunes à se loger tout en aidant les plus âgés à vivre chez eux le plus longtemps possible, doit être développée.
Enfin, être fraternel, c’est savoir accompagner les personnes en fin de vie.
Je sais l’engagement et le travail de beaucoup d’entre vous dans ce dossier grave, sur lequel les opinions étaient partagées. Nous reprendrons en début d’année prochaine le dialogue avec vous, avec le Sénat, avec les soignants et les associations, sur le projet de loi dont l’examen a été interrompu par la dissolution. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Et, sans attendre, nos efforts en faveur du développement des soins palliatifs seront renforcés dès 2025.
M. Olivier Falorni
Ça fait des années qu’on attend !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Mesdames et messieurs les députés, j’ai évoqué une double exigence, celle de diminuer la dette financière et la dette écologique ; une méthode, fondée sur le dialogue et le respect ; et cinq chantiers – il y en a bien d’autres. Cette feuille de route doit nous permettre de répondre sincèrement et sérieusement à une partie des défis de notre pays.
Il me reste à mentionner un impératif conforme à notre histoire, à notre géographie, à notre culture, à notre belle et grande langue, à nos intérêts, aussi : celui de tenir compte du monde qui nous entoure – un monde de plus en plus dangereux, instable, fragile – et d’y être influents.
M. Ugo Bernalicis
C’est mal barré !
M. Michel Barnier
Les responsabilités que j’ai assumées à Bruxelles, non seulement dans le cadre des négociations sur le Brexit mais en tant que commissaire européen, m’ont convaincu que l’influence française ne tombe pas du ciel. Elle ne se décrète pas : elle se cultive, elle se construit, pas à pas, jour après jour. Je salue à ce titre les 3 millions de nos compatriotes vivant à l’étranger, qui incarnent cette influence dans tous les pays du monde.
L’influence française se construit patiemment, en défendant nos intérêts, sans arrogance, et en prêtant de l’attention à tous nos partenaires, quels qu’ils soient. Il y a 27 pays dans l’Union européenne : tous, grands ou petits, ont une valeur ajoutée et doivent être respectés.
Depuis 1950, la France et l’Europe vont ensemble, et la France a un rôle majeur à jouer pour continuer de faire changer l’Europe. Ces dernières années, l’Union européenne a – enfin ! – progressé en matière de politique industrielle, qui n’est plus un gros mot, de souveraineté technologique, de sécurité économique, de défense ou de lutte contre la concurrence déloyale.
Il reste bien des choses à faire bouger en Europe, pour accélérer la transition écologique en veillant à l’acceptabilité sociale et économique et à la réciprocité environnementale de nos échanges commerciaux ; pour investir de façon innovante et massive dans les secteurs du numérique, de la santé, de l’espace, de la défense.
Pour la première fois, sous l’impulsion du chef de l’État et de la chancelière allemande, des pays européens ont décidé d’emprunter massivement ensemble, à hauteur de 750 milliards d’euros, pour investir ensemble. Ce n’est pas rien ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
M. Sylvain Maillard
Il a raison !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Notre influence en Europe dépend aussi de vous, députés de la nation. Il faut que vous soyez précisément et objectivement informés de ce qui se fait à Bruxelles, et je demanderai aux députés européens ainsi qu’aux ministres de mon gouvernement de venir régulièrement vous rendre compte des négociations qu’ils mènent sur le plan européen,…
M. Matthias Tavel
Sur le Mercosur, par exemple ?
M. Michel Barnier
…mais aussi, si vous le souhaitez, de vous aider à organiser des débats publics sur les textes les plus importants, au sein de cette assemblée comme dans vos circonscriptions.
M. Jean-Philippe Tanguy
On ne vous a pas attendu !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Tant mieux !
La France doit tenir son rang en Europe. Elle doit aussi continuer à porter une voix singulière dans le monde où notre capacité à prendre des initiatives est reconnue et respectée par nos partenaires. Sous l’impulsion du Président de la République, et avec les ministres de l’Europe et des affaires étrangères, nous continuerons à agir au service de la paix, de l’influence française et de la sécurité en Europe et dans le monde.
Mesdames et messieurs les députés, la France restera aux côtés du peuple ukrainien. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, SOC, DR, EcoS, Dem et HOR, sur plusieurs bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Deux ans et demi après l’agression russe, les Ukrainiens continuent avec courage de se battre – et, souvent, de mourir – pour défendre leur souveraineté et leur liberté, pour faire respecter l’intégrité territoriale de leur pays mais aussi pour défendre les valeurs européennes que nous avons en partage.
La France restera également active au Proche et au Moyen-Orient. Quelques jours avant le triste anniversaire du 7 octobre, nous pensons à toutes les victimes des attaques terroristes du Hamas. Nous pensons à tous les otages dont nous exigeons la libération et, parmi eux, à nos compatriotes. (Mêmes mouvements.)
Nous pensons aussi à toutes les victimes civiles palestiniennes. (Mêmes mouvements.) Cette violence n’a que trop duré.
M. Thomas Portes
Arrêtez de donner des armes à Israël !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Voilà pourquoi la France appelle et continuera d’appeler à un cessez-le-feu à Gaza. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, SOC, DR, Dem, HOR et LIOT et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
Au-delà de cette tragédie, nous savons qu’à long terme, la clé de la paix et de la stabilité dans cette région – j’y ai pris part lorsque j’ai eu l’honneur d’être ministre des affaires étrangères, en me rendant à Ramallah, à Gaza et naturellement à Tel-Aviv – repose sur une solution à deux États. (Mêmes mouvements.)
L’aggravation de la situation au Liban, pays si cher à la France, et que je connais bien, exige notre pleine mobilisation avec nos partenaires de la région, les États-Unis et les pays européens, pour faire cesser au plus vite les hostilités qui menacent gravement la stabilité de la région.
M. Matthias Tavel
Que faites-vous au Liban ? Vous abandonnez les Libanais, c’est honteux !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Je rappelle que 20 000 de nos compatriotes vivent au Liban…
Mme Sarah Legrain
Que faites-vous pour eux ?
M. Michel Barnier
…et que nos soldats y sont déployés au sein de la Finul, la Force intérimaire des Nations unies au Liban.
Face à ces conflits, face à l’instabilité persistante et grave tout autour de nous, face à toutes les menaces hybrides, l’effort de défense est évidemment nécessaire et doit être poursuivi. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
C’est le sens de la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 que nous mettrons en œuvre.
M. Thibault Bazin
Très bien !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Poursuivre cet effort de défense, cette solidarité, c’est aussi exprimer la reconnaissance de la nation aux militaires, en pensant aux 26 000 hommes et femmes déployés sur tous les théâtres d’opérations. (Applaudissements.)
Nous n’oublions aucun des militaires morts ou blessés en opération. J’ai une pensée particulière pour les 58 parachutistes français tués il y a quarante et un ans à Beyrouth. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)
Madame la présidente, j’en termine enfin. Voilà la feuille de route…
M. Nicolas Sansu
De déroute !
M. Michel Barnier
…que je vous propose pour les deux années et demi qui sont devant nous.
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
Sauf si nous votons la motion de censure !
M. Michel Barnier, Premier ministre
J’ai conscience des difficultés – des « épines », comme l’a dit M. Chassaigne – qui se dressent ici et là. Mais j’ai confiance en notre capacité collective à franchir les obstacles, et, si vous le souhaitez, puisque la clé est entre vos mains, à avancer pas à pas pour apaiser les tensions et redonner espoir aux Françaises et aux Français.
M. Éric Coquerel
Pourquoi refusez-vous le vote de confiance ?
M. Michel Barnier, Premier ministre
J’en appelle à toutes les formations politiques qui composent cette assemblée, et à chacune et chacun d’entre vous qui représentez le peuple français. Devant l’urgence de la situation, et pour l’avenir, recherchons des chemins communs, dégageons des compromis, relevons la ligne d’horizon.
Un dernier mot : prenons soin de la République, elle est fragile. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.) Prenons soin de l’Europe : elle est nécessaire. (Mêmes mouvements.) Prenons soin ensemble de la France et des Français : ils nous demandent – je l’entends tous les jours sur le terrain – de dépasser nos divisions, nos querelles, d’agir dans l’intérêt supérieur du pays. (Mêmes mouvements.) Les Français méritent notre engagement. (Les députés des groupes EPR et DR se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et HOR. – Les députés du groupe LFI-NFP brandissent leur carte électorale.)
Mme la présidente
Nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes. La parole est à Mme Marine Le Pen. (Les députés des groupes RN et UDR se lèvent et applaudissent.)
Mme Marine Le Pen (RN)
Nous vivons une période que rien ne pouvait laisser prévoir – ni la logique des institutions solides de la Ve République, ni la hauteur supposée du président de la France, ni la simple intelligence politique. Comme des millions de Français, constatant dans quel bourbier politique et même institutionnel notre pays se trouve enlisé, ce sont des sentiments mêlés que j’éprouve au moment de prendre la parole devant vous.
Les dernières élections législatives ont donné à voir le pire de la politique,…
M. Loïc Prud’homme
Rends l’argent !
Mme Marine Le Pen
…dont nous nous croyions débarrassés depuis 1958 : arrangements, désistements, combines, rien, au cours des trois derniers mois, ne nous a été épargné. (Exclamations sur quelques bancs du groupe EPR. – Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) La classe politicienne, regroupée dans une sorte de parti unique, a réussi à transformer la Ve République en la IVe, une construction constitutionnelle solide en un régime chancelant et presque grotesque ; à faire du Président de la République, censément au-dessus des partis et des factions, d’abord le chef vibrionnant et partisan de la majorité, puis le chef discrédité d’une minorité en déroute. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Idir Boumertit
Alors votez la censure !
Mme Marine Le Pen
Plus grave, le seul objectif de cette coalition du vide et du cynisme ne fut pas de donner à la France un projet commun, positif, mais de briser un élan démocratique qui se faisait jour, d’interdire 1’alternance,…
M. Jean-François Coulomme
Elle est où, l’alternance ?
Mme Marine Le Pen
…laquelle constitue pourtant la marque et la mesure de la bonne santé d’un système démocratique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.) Or, mes chers collègues, pendant ces trois mois de pantalonnades, la Terre ne s’est pas arrêtée de tourner, et la situation de notre pays ne s’est pas améliorée par magie. Immigration et insécurité ont atteint des niveaux records ; malgré une pression fiscale sans équivalent au monde, nos services publics sont en état d’urgence, et après sept ans de « quoi qu’il en coûte », qui ressemblent de plus en plus à une vaste opération de falsification des comptes de l’État, nos finances publiques sont en crise.
C’est avec amusement, je l’avoue, que nous entendons se multiplier les appels à une bonne gestion. Admettez que nous nous demandions où étaient tous ces responsables lorsque, au printemps, nous déposions, afin de dénoncer les mensonges concernant l’état des finances publiques (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR), une motion de censure pour laquelle tous les groupes, de LR à LFI, ont refusé de voter ! Nous avions alors, sous les quolibets, souligné l’urgence d’un audit précis des comptes publics : manifestement, au vu des derniers chiffres émanant de Bercy, cette demande n’était pas superfétatoire !
De tous côtés, le château de cartes édifié par Emmanuel Macron depuis 2017 vacille. Pourtant, par patriotisme, par égard pour nos compatriotes qui souffrent, par respect envers nos institutions, et compte tenu de la tâche ingrate qui vous incombe en ces circonstances – ramasser l’action publique que certains ont laissé choir –, je vous le dis, monsieur le Premier ministre : le mouvement national n’entend pas entraîner le pays vers le chaos, vers cette politique du pire qui est la pire des politiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.) Voilà pourquoi le Rassemblement national a fait un choix responsable : refuser de censurer a priori votre gouvernement pour lui donner une chance, si infime soit-elle, d’engager enfin les mesures de redressement nécessaires.
M. Ugo Bernalicis
Allez, à la niche !
M. Nicolas Sansu
Présidente du conseil de surveillance !
Mme Marine Le Pen
Nous nous en tiendrons strictement à cette feuille de route, sans excès ni manigances, sans surenchères ni arrogance, mais avec le souci pragmatique du bien commun et une volonté inflexible de préserver notre pays des terribles errements passés dont il subit les conséquences.
M. Ugo Bernalicis
C’est le macro-lepénisme !
Mme Marine Le Pen
J’ai entendu votre timide souhait de tourner la page de sept ans de macronisme et du tristement célèbre « en même temps », devenu au fil du temps la devise de 1’impuissance régalienne, de la course à l’abîme des comptes publics, des trahisons sociales. Il ne faudra pas, pour cela, vous contenter comme aujourd’hui de déclarations d’intention ou de diagnostics éculés, assortis de quelques gadgets consultatifs. L’état de la France ne nous permet plus de tolérer les demi-mesures : nous n’en avons tout simplement plus le temps. Chaque mois, chaque année d’inaction supplémentaire se payera par un effort plus dur pour vos successeurs et pour les générations futures. La première force parlementaire, que nous formons, sera donc, à l’égard de votre gouvernement, exigeante, c’est-à-dire attentive au respect des orientations politiques qui se sont dégagées du scrutin de juillet, mais aussi soucieuse de la méthode.
Certes, les uns et les autres, comme nous-mêmes, ont pu mesurer votre sens de la courtoisie assez naturel, le respect inné que vous portez aux personnes, y compris à vos adversaires : c’est là une qualité qui vous honore, et d’autant plus appréciable qu’elle tend à se raréfier. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est la Saint-Valentin !
M. Ugo Bernalicis
Belle histoire d’amour !
Mme Marine Le Pen
Je le dis ici de manière solennelle, à l’intention de chacun des ministres, de tout détenteur de l’autorité publique issue de ce gouvernement : nous entendons que les 11 millions de patriotes qui ont voté pour notre coalition d’union nationale soient respectés, que cessent ces attaques inutiles et injustes qui procèdent tant du mépris de classe que de l’intolérance caractéristique des totalitarismes. Ces attitudes n’honorent ni surtout ne servent le pays, son unité, son modèle démocratique.
Ma première demande, monsieur le Premier ministre, est simple : faites preuve de volontarisme dans tous les domaines, et pas seulement dans celui des finances. Il ne s’agit pas de vous concilier votre « aile gauche », votre « aile droite » ou vos « partenaires exigeants », bref, toutes ces périphrases qui vous permettraient de justifier votre inaction par le respect de médiocres équilibres partisans : il s’agit de produire un impact rapidement perceptible par tous les Français. Or, en vous écoutant, j’entends des constats, mais tout de même bien peu de solutions.
M. Jean-Yves Bony
Vous avez mal écouté ! Vous n’avez pas suivi !
Mme Marine Le Pen
Face à la flambée de l’insécurité, à la multiplication des faits divers, à la prolifération d’enclaves mafieuses où les forces de l’ordre n’entrent plus, qu’allez-vous faire vraiment ?
Un député du groupe Dem
Et vous ?
Mme Marine Le Pen
Qu’allez-vous faire vraiment face aux déficits commerciaux records, alors que l’industrie représente moins de 10 % du PIB – un autre de nos points communs avec la Grèce ? Face à l’effondrement des services publics, en particulier touchant la santé et l’éducation, en dépit, je le répète, d’une pression fiscale sans équivalent dans le monde, qu’allez-vous faire vraiment ? Et qu’allez-vous faire de sérieux face à l’explosion de l’immigration légale et illégale, qui fragilise la cohésion nationale, qui contribue à la dégradation de nos comptes sociaux, et au sujet de laquelle vous n’avez encore quasiment rien dit, sinon pour exprimer votre volonté de confier à l’Union européenne – qui veut davantage d’immigration ! – la maîtrise de nos frontières et le soin d’installer les migrants dans nos campagnes ?
M. Ugo Bernalicis
Dans nos campagnes, dans nos villes…
Mme Marine Le Pen (RN)
Face à l’affaissement continu du pouvoir d’achat des Français, autre sujet que vous avez si peu abordé et conséquence directe du déclassement de la France dans la compétition internationale, qu’allez-vous faire ? Face à la stagnation des salaires, à la smicardisation des travailleurs français, en faveur desquels nous avions formulé des propositions lors de la campagne présidentielle, qu’allez-vous faire ?
Nous vous jugerons sur vos actes, jamais, contrairement à d’autres, en partant de postures puériles. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Avec 11 millions d’électeurs au dernier scrutin, nous entendons plus que jamais être une force de construction et, le plus tôt possible, d’alternance. Ces suffrages, qui font de notre mouvement la première force politique du pays (M. Antoine Léaument s’exclame), ne sont pas notre propriété ; ils constituent en revanche un contrat moral qui nous lie à nos électeurs et que nous respecterons à la lettre. Ce sont 11 millions d’espoirs, après quarante années de recul constant de la France dans tous les classements internationaux.
Cet effondrement, nos électeurs, et au-delà d’eux une majorité de Français, ne le fantasment pas : ils le vivent dans leur chair lorsqu’ils cherchent à obtenir un rendez-vous chez le médecin, une école pour leurs enfants, un emploi digne et bien payé, un logement adapté à leurs besoins, ou lorsqu’ils modifient leurs habitudes en raison de l’insécurité qui règne dans nos villes et nos campagnes.
Vous le savez, nous avons trois priorités, au sujet desquelles notre vigilance s’exercera de manière accrue : le pouvoir d’achat, l’immigration et la sécurité. Ce faisant, nous vous rendrons service, puisqu’elles correspondent aux exigences des Français et que vos mesures en la matière, peut-être, vous rendront populaire ; la France aussi y trouvera son intérêt, puisque ces urgences, trop longtemps négligées, ne peuvent plus l’être davantage. Permettez-moi donc d’énoncer clairement les lignes rouges sur lesquelles notre groupe pourrait, demain, fonder un vote de censure. (« Oui ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
La première d’entre elles réside dans l’évolution de la pression fiscale, déjà insupportable, qui s’exerce sur les Français, en particulier sur les classes populaires et moyennes. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Toute hausse d’impôt touchant les plus fortunés, entreprises ou ménages, devra être compensée par du pouvoir d’achat rendu à nos concitoyens modestes, qui travaillent et ont vu leur reste à vivre fondre depuis trois ans.
M. Antoine Léaument
Rends ton château !
Mme Marine Le Pen
Vous avez sur ce point, monsieur le Premier ministre, une possibilité considérable : sans mandat électif à défendre aujourd’hui ou demain, vous pouvez faire preuve de courage en réalisant les économies dont le gisement a été identifié depuis des années, dans les observations de la Cour des comptes comme dans d’autres rapports publics portant sur le sujet. Une étude américaine publiée fin 2023 évalue à quatre points de PIB les pertes causées en France par la suradministration. Nous le répétons depuis des années, vous avez, encore une fois, l’occasion de le faire : débureaucratisez ! L’hôpital (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN) est suradministré depuis des années en raison du mille-feuille territorial, où intercommunalités et régions entraînent des gaspillages massifs, des pertes d’efficacité ; l’éducation nationale alourdie par une bureaucratie surnuméraire et dépassée, qui empêche les enseignants de faire leur travail ; au sein de l’État lui-même pullulent les agences, les comités, les organismes publics sans objet réel. Soyez-en sûr : dans cette mission, nos députés ne vous seront pas des obstacles, mais des soutiens, si vous savez faire preuve de courage.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Et voilà !
Mme Marine Le Pen
Notre deuxième ligne rouge serait l’absence du sursaut migratoire, sécuritaire et pénal qu’attendent des millions de Français. Nous vous demandons, à vous qui teniez il y a quelques années un discours si ferme à ce sujet, de remettre à votre agenda, dès le premier trimestre de 2025, un projet de loi « immigration » restrictif, reprenant au minimum les dispositions censurées en janvier par le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) De plus, puisqu’une tragique actualité a encore une fois mis en lumière la question des obligations de quitter le territoire français (OQTF) et des laisser-passer consulaires, je vous suggère une règle simple : en l’absence de laissez-passer, zéro visa. (Mêmes mouvements.)
Enfin, il est urgent de dénoncer les accords préférentiels, totalement injustifiés, qui nous lient à certains pays, à commencer par l’Algérie ; pour cela, il n’est pas même besoin d’une loi. Ces mesures n’affecteront pas uniquement les flux migratoires : elles auront également, vous le savez, des effets bénéfiques sur nos finances publiques, sociales en particulier. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.) En effet, le nécessaire redressement des comptes ne devra en aucun cas être supporté exclusivement par nos entreprises et nos ménages.
Par ailleurs, à vous qui avez choisi en M. Retailleau un ministre de l’intérieur adepte des envolées lyriques sur le rétablissement de l’ordre, et dont les propositions ne sont pas sans me rappeler un certain programme présidentiel (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR), nous demandons un changement profond de la doctrine pénale. Lancez la construction des places de prison qui nous manquent et mettez un terme à l’hypocrisie qui permet à l’État, depuis des années, de rejeter sur les élus locaux la responsabilité de son inaction : le foncier public ne manque pas, et vous le savez. Rétablissez les peines planchers et la double peine,…
M. René Pilato
Oh non !
Mme Marine Le Pen
…effacez d’un même geste la culture de l’excuse (Mêmes mouvements), le règne de la récidive, les tragédies suscitées chaque semaine par l’impunité dont bénéficient les criminels étrangers. Aujourd’hui plus que jamais, nous le devons à Philippine, comme aux dizaines de femmes assassinées l’an dernier par des étrangers sous OQTF. (Mêmes mouvements.)
Enfin, notre troisième ligne rouge, ce serait le refus d’engager au plus vite une réforme institutionnelle permettant de rendre justice aux nouveaux équilibres politiques du pays. Notre mouvement réclame depuis des années l’instauration d’un scrutin proportionnel, comme chez tous nos voisins européens.
Par ses manœuvres peu reluisantes des mois de juin et juillet, la classe politique a soustrait du mode de scrutin majoritaire actuel à deux tours le seul argument qui justifiait abusivement son maintien : celui de dégager des majorités de gouvernement. Cette démonstration par l’exemple ouvre désormais obligatoirement la voie à la réforme du mode de scrutin – j’ai entendu votre engagement de vous atteler à cette réforme essentielle.
M. Pierre Cordier
Essentielle ? Il ne faut pas exagérer !
Mme Marine Le Pen
Le nouveau mode de scrutin devra allier transparence, représentativité et capacité de dégager une majorité. Je pense évidemment au scrutin proportionnel à un tour, avec une prime majoritaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Murmures sur divers bancs.)
Telle est, monsieur le Premier ministre, la réponse que je souhaitais vous apporter. L’heure tourne et la patience des Français face au petit théâtre des partis ne sera pas infinie. Soyez donc, après ces trois interminables mois de gabegie, l’acteur courageux du retour de la rationalité dans la vie politique nationale.
L’heure tourne et des dizaines de millions de Français, fonctionnaires, artisans, chefs d’entreprise, employés, ouvriers, agriculteurs, ont les yeux tournés vers la représentation nationale. L’heure tourne et chaque seconde d’immobilisme se traduira par une aggravation du décrochage de la France, car les compteurs de la dette publique, de l’immigration, de l’insécurité, eux, continuent de s’égrener implacablement.
Si je prends l’engagement aujourd’hui de ne jamais céder, un seul instant, aux médiocres sirènes de la comédie des menaces de censure qui seraient fondées sur autre chose que l’observation impartiale de vos actes, c’est parce que c’est à vous, et à vous seul, qu’il appartient, par la juste prise en considération des mesures que je viens d’évoquer, de faire de cette période, autant que possible, un temps de construction et de service de l’intérêt général. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Cet esprit d’ouverture ne doit pas être interprété comme un blanc-seing,…
Mme Sandra Regol
Eh non !
Mme Marine Le Pen
…pas plus que notre esprit républicain ne doit être assimilé à de la faiblesse, de l’irrésolution, voire une forme d’allégeance à un gouvernement que nous considérons davantage de circonstances que de convenance.
L’absence de direction gouvernementale signifierait mécaniquement, pour notre pays et pour les Français, une double servitude technocratique, française et surtout bruxelloise. Or le pays a besoin de décisions politiques, parfois fortes et exigeantes, qui ne peuvent émaner que de politiques et non d’administratifs,…
M. Pierre Cordier
Ce sont les politiques qui décident !
Mme Marine Le Pen
…aussi dévoués soient-ils, ni, encore moins, d’instances supranationales, acquises à d’autres intérêts. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
Les Français ont d’ailleurs clairement exprimé leur sentiment sur les dérives de l’Union européenne lors des élections européennes de juin dernier et, manifestement, ils ont exigé une réorientation drastique de la construction européenne.
Mme Sandra Regol
Rendez l’argent !
Mme Marine Le Pen
Ne commettez donc pas la même erreur qu’en 2005, lorsque vous avez ignoré le vote des peuples. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe UDR.)
Le retour du politique, que nous appelons de nos vœux, passe aussi nécessairement par la prise en compte de la volonté populaire. Il est la condition de la légitimité et donc de l’adhésion, de l’unité et donc de l’action ; il est la seule voie pour sortir notre pays des multiples crises graves qui le rongent et pour répondre aux défis majeurs que nous devons collectivement relever dès à présent.
En attendant la grande alternance, nous resterons inlassablement les gardiens vigilants de l’intérêt de la France et des Français. (Les députés du groupe RN se lèvent et applaudissent.– Applaudissements également sur les bancs du groupe UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Gabriel Attal.
M. Matthias Tavel
La parole est à la défense !
M. Gabriel Attal (EPR)
La France est à la croisée des chemins. Nous sommes dans une configuration inédite, puisque les Français n’ont donné à aucun bloc, aucun groupe, aucune formation politique une majorité suffisante pour agir seuls. Pour agir, il nous faut donc changer nos habitudes, sortir définitivement des débats stériles, des oppositions factices, du sectarisme et des postures politiciennes qui ne font avancer personne et certainement pas le pays, et guérir la politique française devenue trop malade de ses divisions et de ses affrontements.
Avec les députés Ensemble pour la République, nous sommes convaincus que c’est non seulement souhaitable mais possible – et nous y sommes prêts ! Il suffit d’observer nos voisins européens, qui entretiennent, pour beaucoup d’entre eux, une culture de coalition. Il suffit de regarder la France, qui ne se résumera jamais à trois blocs s’affrontant matin, midi et soir et cherchant la disparition ou l’écrasement des deux autres. Non, la France, ce n’est pas le conflit sans fin, l’affrontement sans but, l’opposition sans raison ! Non, la France, ce n’est surtout pas cela !
L’idéal français, c’est la quête de l’unité, la recherche de la stabilité, l’aspiration à la fraternité.
M. Sylvain Maillard
Il a raison !
M. Gabriel Attal
Alors nous, députés, représentants du peuple à l’Assemblée nationale, l’affirmons avec force et en même temps avec beaucoup d’espoir : soyons à la hauteur de la France. Oui, soyons à la hauteur de la France, (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR), de ses forces, de ses attentes, de ses doutes, de ses espoirs, de son histoire et de son avenir.
Bien sûr, ce ne sera pas facile. Nous devrons sortir de nos logiques habituelles, car cette assemblée ne dispose pas de majorité. Le clivage entre majorité et opposition doit être dépassé au profit d’un nouveau clivage entre ceux qui veulent agir concrètement et ceux qui ne le veulent pas ; ceux qui sont capables de mettre le pays au-dessus des partis et ceux qui ne le sont pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Nous sommes plusieurs groupes à avoir fait ce choix, sans jamais rien renier de nos divergences et de nos différences, parfois profondes – j’y reviendrai. Nous savons que les extrêmes ne se placeront jamais dans cette logique. C’est d’ailleurs leur raison d’être que de se placer à ce point en marge de tout ce qui peut faire réussir le pays.
M. René Pilato
Vous, vous êtes l’extrême finance !
M. Gabriel Attal
Je le dis ici : je ne me résous pas à ce que le Parti socialiste, parti de gouvernement, puisse manquer à cet appel de l’unité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR.) S’il faut des preuves que nous sommes prêts au compromis et à nous remettre en question pour ce faire, sachez que notre groupe cherchera toujours à emprunter cette voie pour vous convaincre. Je vous ai entendus réagir – lorsque le Premier ministre a déclaré que son Gouvernement était pluriel et représentatif –, considérant que ce n’était pas le cas. Mais alors, pourquoi n’avez-vous pas accepté d’entrer dans le Gouvernement pour appliquer vos idées et vos propositions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur plusieurs bancs des groupes Dem et HOR. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Ayda Hadizadeh
Parce que vous êtes de droite !
M. Jean-François Coulomme
Voleur d’élection !
M. Gabriel Attal
Soyons lucides. Les Français ne nous demandent pas de penser, de dire ni de vouloir la même chose. Ils nous demandent non pas d’effacer nos différences, mais de les surmonter pour agir : agir pour eux et avec eux. La lucidité, ce doit d’ailleurs être notre base commune. Nous habitons tous le même pays et rencontrons les mêmes Français. Il y a des Français qui souffrent, évidemment, des Français qui doutent et qui sont en colère. Plus grave encore, des Français perdent foi en la France.
M. René Pilato
Ils perdent foi dans les élections !
M. Gabriel Attal
Ils perdent foi dans la promesse républicaine,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Bonne description de votre bilan !
M. Gabriel Attal
…dans ce rêve français, mélange de grandeur et d’universel, d’une puissance à nulle autre pareille, portant un message pour le monde. C’est une réalité. Si tel n’était pas le cas, le groupe que j’ai l’honneur de présider aurait été doté d’une majorité absolue dans cet hémicycle ; j’ai la lucidité et l’humilité de le reconnaître devant vous.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Encore heureux !
M. Gabriel Attal
Alors oui, nous sommes lucides. Lucides sur les doutes quant à la capacité de l’État à protéger, quant à la capacité du travail à rémunérer, quant à la capacité de l’école à éduquer, quant à la capacité de la santé à tous nous soigner.
M. Matthias Tavel
Qu’avez-vous donc fait pendant tout ce temps ?
M. Gabriel Attal
Ce même exercice de lucidité devrait conduire, me semble-t-il, ceux qui s’opposaient à nous hier à reconnaître que, peut-être, tout n’est pas à jeter, qu’il existe des raisons d’espérer, des succès qui, d’ailleurs, sont non pas ceux d’une étiquette politique ou d’un camp, mais ceux de la France et de tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Nous avons enfin vaincu le fléau du chômage de masse ; le taux de chômage est au plus bas depuis vingt-cinq ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem.) Le taux de chômage des jeunes est au plus bas depuis quarante ans. (Mêmes mouvements.)
L’industrie reprend : pour la première fois depuis des décennies, il y a davantage d’ouvertures d’usines dans notre pays que de fermetures, davantage de créations d’emplois industriels que de suppressions. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
Les émissions de gaz à effet de serre ont diminué de 6 % l’an dernier en France, soit six fois plus qu’avant 2017. (Mêmes mouvements.)
Nous avons considérablement agi afin d’augmenter les moyens de notre armée, de notre sécurité, de notre justice, après des décennies de paupérisation et de sous-investissement. Nous avons octroyé à la santé des moyens sans précédent et débloqué la formation des médecins. Nous avons entamé, je le crois profondément, l’inversion de la tendance du déclin de l’école, en affirmant notre volonté de rehausser le niveau grâce au choc des savoirs.
M. Alexis Corbière
On n’a pas remarqué !
M. Gabriel Attal
Nous avons accordé de nouveaux droits à nos compatriotes, en particulier aux femmes, en ouvrant la PMA à toutes ou encore en adoptant l’inscription de la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Tout n’est pas à jeter.
M. Jérôme Guedj
Presque rien ! (Sourires.)
M. Gabriel Attal
Il y a des succès et je veux voir dans votre intervention, monsieur le Premier ministre, une forme de reconnaissance envers une partie du travail engagé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.) Lorsque vous avez évoqué l’insertion, vous avez mentionné la réforme du RSA, dont nous avons engagé la généralisation. (« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe EPR. – Mme Laure Miller applaudit.) Lorsque vous avez évoqué l’accès au logement, vous avez mentionné la proposition de loi visant à renforcer le rôle des maires dans l’attribution des logements sociaux, que nous avons fait adopter en commission au Sénat. Lorsque vous avez évoqué l’agriculture, vous avez fait référence au projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole, adopté par l’Assemblée nationale et actuellement en navette. S’agissant de la famille, vous avez renvoyé vers le service public de la petite enfance, que nous avons inscrit dans la loi et que nous nous efforçons, depuis, de décliner. En matière de jeunesse, vous avez mentionné la réforme du lycée professionnel, dont nous sommes fiers et qu’il faut concrétiser. Sur la lutte contre la fraude, vous avez évoqué la sécurisation de la carte vitale, difficile chantier que nous avions engagé, avec Gérald Darmanin, pour lequel nous vous accompagnerons. Lorsque vous avez évoqué le pouvoir d’achat, vous avez mentionné le travail mené en matière de désmicardisation, désormais essentielle – j’y reviendrai. Vous avez évoqué le plan sur les soins palliatifs qui a été engagé et le projet de loi relatif à la fin de vie, le travail concernant les familles monoparentales, la lutte contre la délinquance des mineurs et les mesures que nous avions rédigées pour réformer l’excuse de minorité.
Lorsque je vois tout cela, et après avoir entendu votre discours, je ressens, bien sûr, une satisfaction, non pas pour nous, mais pour le pays. Parce que sur tous ces sujets profondément ancrés dans le quotidien des Français et sur lesquels ces derniers nous attendent, on ne peut pas accepter les zigzags. Ce qui compte, c’est la concrétisation des travaux engagés et non leur attribution à une étiquette ou à une personnalité en particulier. C’est pourquoi nous nous réjouissons que vous ayez repris l’ensemble de ces chantiers dans la feuille de route de votre Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Oui, le groupe Ensemble pour la République veillera sur l’acquis des sept dernières années et il l’assume. Ce groupe est issu d’une famille politique qui ne s’est jamais défilée, qui a toujours eu à cœur de penser l’avenir de notre pays et d’agir pour qu’il soit meilleur. C’est un groupe de députés issus de familles politiques différentes, mais qui se sont reconnus dans un projet politique, celui du mouvement et du dépassement. Mouvement, pour faire entrer notre pays dans le XXIe siècle avec davantage de force et d’atouts ; dépassement pour réunir enfin, autour de la table, des femmes et des hommes qui ne pensent pas toujours la même chose mais qui se rejoignent sur une conviction : la France ne peut avancer que si elle est unie.
Alors, en cet instant où il n’y a plus de véritable majorité parlementaire, en cet instant où l’unité doit prévaloir sur le reste, nous trahirions nos valeurs, la raison même de notre existence, si nous décidions d’être une force de division. (M. Benjamin Lucas-Lundy s’exclame.)
Monsieur le Premier ministre, je connais la difficulté de la tâche qui vous incombe désormais ; je ne serai donc jamais celui qui cherchera à la compliquer davantage. C’est aussi l’état d’esprit de mon groupe. Nous sommes clairs : tout ce qui permettra de rendre le pays plus fort, plus prospère, plus juste et plus sûr, nous le soutiendrons. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Nous le soutiendrons et nous agirons depuis ces bancs, en tant que députés et groupe parlementaire. La situation politique fait que, plus que jamais, l’Assemblée nationale peut être puissante. Depuis ses bancs, des majorités peuvent se dégager, des textes peuvent naître et nous pouvons changer la vie des Français. Notre groupe l’a compris : c’est le moment ou jamais d’agir vraiment depuis le Parlement. Nous le ferons, avec le seul objectif d’agir vite, fort, et vraiment, en respectant les Français et nos valeurs.
Au sommet de nos valeurs, il y a l’État de droit – je le dis très solennellement. Je vous remercie, monsieur le Premier ministre, pour la clarification que vous venez d’apporter. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.) L’État de droit est le rempart contre la folie des hommes. On peut avoir une parole forte, mais sans hystériser tout le temps le débat. On peut être plus ferme – beaucoup plus ferme, probablement – en matière d’insécurité, pour faire respecter nos frontières, pour protéger nos concitoyens. On peut changer le droit – c’est la raison d’être même de cette Assemblée –, mais pour cela, il faut agir plutôt que parler – je cite vos propos –, agir plutôt qu’hystériser et semer la division. (Mêmes mouvements.) L’attente des Français est forte : elle mérite des actes, des engagements, du changement, plutôt que des paroles pour faire parler dans les médias.
Parmi nos valeurs, il y a la recherche de la prospérité pour tous – ce fut le cœur de notre combat. Pour redistribuer des richesses, pour que les Français vivent mieux, il faut créer de la valeur, de l’activité, et de la croissance, tout en rééquilibrant nos comptes. Nous y sommes parvenus entre 2017 et 2019, avant la crise du covid, sans céder à la facilité des hausses d’impôts. (Mêmes mouvements.) Nous avons même allégé le poids des impôts sur notre économie, sur les Français et sur les entreprises, de plus de 50 milliards d’euros. Nous n’avons pas baissé les impôts par dogme ou par fétichisme anti-impôts, mais par volonté d’efficacité économique. Les résultats sont là : la croissance française est supérieure à celle de nos voisins européens, nous avons recréé des millions d’emplois et notre taux de chômage se situe à son niveau le plus bas depuis des dizaines d’années. (Mêmes mouvements.)
Après le « quoi qu’il en coûte » qui a protégé des millions de Français au prix de dizaines de milliards d’euros, la situation budgétaire de notre pays nécessite que l’on continue à agir sans délai. Un pays surendetté ne peut pas être un pays libre. Nous avons commencé cet effort en février. Quelques jours seulement après notre nomination, mon gouvernement et moi-même avons pris la décision sans précédent d’annuler par décret 10 milliards d’euros de crédits. Nous avons gelé plus de 16 milliards d’euros de crédits, dont une partie importante devait être annulée en fin d’année – vous pouvez le faire. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Jean-François Coulomme
Vous savez bien dissoudre !
M. Gabriel Attal
Les lettres plafonds que j’ai transmises cet été aux ministères prévoyaient une quinzaine de milliards d’euros d’économies compte tenu de l’inflation anticipée.
Nombreux parmi ceux qui aujourd’hui donnent des leçons de responsabilité budgétaire critiquaient alors les économies actées dans le décret du 12 février 2024 portant annulation de crédits ou dans les lettres plafonds. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem.) Beaucoup de ceux qui expliquent que tout aurait été catastrophique depuis des années n’ont pas été au rendez-vous de la réforme des retraites – réforme courageuse et nécessaire pour l’équilibre des comptes publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.). Les mêmes proposaient des dizaines de milliards d’euros de dépenses supplémentaires à chaque discussion budgétaire. (Mêmes mouvements.)
Sur le chemin de la réduction des déficits, nous devons agir avec méthode, sans idéologie, et certainement pas au prix de notre croissance, de nos emplois et de notre prospérité. La bonne méthode, selon nous, est la suivante : moins de dépenses, certainement pas plus d’impôts ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.) J’entends le terme de justice fiscale dans le débat public : qui pourrait être contre ? Personne dans cet hémicycle ne soutient l’injustice fiscale. (« Si ! Vous ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mais qui ici peut soutenir que la France est un paradis fiscal alors que 10 % des contribuables payent 70 % de l’impôt sur le revenu ? La France est le dernier pays de l’Union européenne à disposer d’un impôt national sur la fortune. Malgré les baisses d’impôts, nous sommes quasiment champions du monde des prélèvements obligatoires : le taux marginal d’imposition des revenus et les taux supérieurs de CSG (contribution sociale généralisée) sont parmi les plus élevés de la zone euro.
M. Jean-Yves Bony
Mais on l’avait augmenté !
M. Gabriel Attal
Personne ne peut dire que la France est un paradis fiscal, malgré les baisses d’impôts engagées. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Le groupe Ensemble pour la République est prêt à évaluer des mesures pour corriger certains comportements – nous avions travaillé avec Jean-René Cazeneuve et les commissaires aux finances sur la taxation des rachats d’action. Mais nous ne soutiendrons aucune mesure qui se ferait au détriment de la croissance de notre pays ou du pouvoir d’achat des Français. (Mêmes mouvements.)
M. Mathieu Lefèvre
Bravo !
M. Gabriel Attal
Prenons garde à ce que derrière une prétendue justice fiscale ne surgisse une véritable injustice sociale. Augmenter les impôts de nos entreprises peut en affaiblir beaucoup et, in fine, créer du chômage ou priver de nombreux salariés de l’intéressement et de la participation auxquels ils ont droit. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.) Même en ne ciblant que les très grandes entreprises, des millions d’emplois et des milliers de sous-traitants seraient menacés – il est envisagé d’augmenter les impôts des entreprises qui font plus de 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires. Derrière l’exemple facile de Total, il y a la Compagnie des Alpes, Renault, Atos, Kiabi, STMicroelectronics, les Chantiers de l’Atlantique, la Société bretonne de volaille, Électricité de Strasbourg, Gaz de Bordeaux, Picard, et tant d’autres entreprises, fleurons français ancrés dans chacune de nos circonscriptions, qui créent de l’emploi et qui ne s’en mettent pas plein les poches. (Applaudissements sur les bans du groupe EPR.) Aujourd’hui déjà, elles seraient moins taxées si elles partaient dans d’autres pays de l’Union européenne. (Mêmes mouvements.) N’attaquons pas l’économie réelle de notre pays. Il ne se remettrait pas d’un choc fiscal similaire à celui qui lui a été imposé il y a dix ans – nous en avons la conviction.
M. Thibault Bazin
Vous avez laissé filer les dépenses.
M. Gabriel Attal
Ce serait la certitude d’un retour en arrière sur ce qui a fait notre force.
M. Thibault Bazin
À qui en revient la faute ?
M. Gabriel Attal
Vous l’avez rappelé, monsieur le Premier ministre : nous devons la situation économique actuelle, en particulier le recul du chômage, à l’action qui a été menée depuis 2017 en matière de baisse de la fiscalité et de soutien à l’économie. Notre position est claire : nous ferons le choix des économies plutôt que celui des impôts. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. Olivier Marleix
C’est nouveau, bravo ! C’est une petite révolution, monsieur Attal !
M. Gabriel Attal
Nous ne garderons la maîtrise de nos comptes qu’en réduisant nos dépenses. Nous avons la conviction qu’avant de demander des efforts aux Français, l’État doit balayer devant sa porte et se serrer davantage la ceinture.
M. Michel Herbillon
Qu’avez-vous fait pendant sept ans ?
M. Olivier Marleix
Il vaut mieux entendre cela que d’être sourd !
M. Gabriel Attal
Des économies sont possibles au sein de la puissance publique. Elle doit revoir ses priorités. Nous ferons des propositions articulées autour de trois grandes priorités. La première concerne notre modèle social, qui est à l’origine de la majorité de nos dépenses. Des économies sont possibles, en régulant mieux les dépenses d’indemnités journalières, qui sont devenues hors de contrôle, en réduisant les dépenses de transports sanitaires, et enfin celles d’assurance chômage, en accompagnant et en incitant mieux à la reprise d’emploi.
La deuxième priorité porte sur les économies au sein de la sphère de l’État, notamment dans le domaine des dépenses liées au travail : le chômage étant au plus bas, il paraît naturel de diminuer les financements des politiques du travail et de l’apprentissage. Je pense aussi aux opérateurs de l’État.
Enfin, troisième priorité, il faut continuer à réformer pour simplifier, débureaucratiser, et faire ainsi des économies substantielles sur nos modes de fonctionnement. Je pense aux très bons rapports d’Éric Woerth sur la décentralisation et de Boris Ravignon sur le coût du mille-feuille administratif. Au fond, la stratégie doit être la suivante : créer de la richesse par le travail, réduire nos dépenses, lutter contre la fraude et ajuster notre fiscalité – et dans cet ordre-là.
M. Ugo Bernalicis
C’est bizarre, il y a de l’écho !
M. Gabriel Attal
Le travail, qui est l’une de nos valeurs, doit toujours être valorisé, encouragé, récompensé. Il est la condition de notre prospérité : pour redistribuer des richesses, il faut d’abord les produire. L’objectif de la politique économique de notre pays doit être : tout pour le travail, tout pour ceux qui travaillent.
Notre modèle social a beaucoup de qualités et d’atouts, mais il a un défaut principal : il n’incite pas suffisamment au travail.
Nous avions préparé une réforme de l’assurance chômage. Elle n’est sans doute pas parfaite, mais elle existe et elle envoyait un signal clair : quand on peut travailler, on doit travailler ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.) Dans la situation dans laquelle nous sommes, nous ne pouvons pas nous payer le luxe d’hésiter, de tergiverser ou de reculer : il est urgent de réformer l’assurance chômage.
Tout faire pour ceux qui travaillent, c’est aussi faire en sorte que le travail paye mieux. Le constat est connu : trop de Français sont bloqués autour du Smic. Pour certains, il est devenu un plafond de verre.
Mme Clémence Guetté
Indexez les salaires sur l’inflation !
M. Gabriel Attal
Il faut avancer dans le chantier de la désmicardisation – je me réjouis que vous l’ayez annoncé, monsieur le Premier ministre. Le travail est une urgence française et le pays risque le grand déclassement si nous n’y répondons pas, mais penser le travail, c’est aussi inventer la société de demain. Il faut travailler plus, mais il faut que le travail donne plus envie.
M. Ugo Bernalicis
Travailler plus pour gagner plus : j’ai la réf’ !
M. Gabriel Attal
Notre pays n’a pas vraiment pensé son rapport au travail depuis des décennies. Il est plus que temps de le faire : en s’attaquant à la question des accidents et de la mortalité au travail, en innovant, en pensant en dehors des chemins habituels, en inventant les solutions de demain. La semaine en quatre jours, les semaines alternées pour les parents divorcés, les horaires adaptés pour les travailleurs de première ligne sont des chantiers essentiels pour que la France redevienne une grande nation de travail et de prospérité.
M. Ugo Bernalicis
Il faut libérer les énergies !
M. Gabriel Attal
Le travail concerne aussi ceux qui travaillent notre terre. Notre pays n’aurait pas la même histoire, les mêmes paysages, la même puissance, la même grandeur, sans nos agriculteurs et nos pêcheurs. L’hiver dernier, la colère qui grondait depuis des années s’est réveillée.
M. Thibault Bazin
Vous n’avez rien fait depuis !
M. Gabriel Attal
Marc Fesneau, Agnès Pannier-Runacher, des élus de l’opposition – Julien Dive notamment – et moi-même avons agi aussi vite que nous le pouvions.
M. Jean-Yves Bony
Beaucoup de promesses !
M. Gabriel Attal
Tout ce qui pouvait être fait par voie réglementaire l’a été. En quelques semaines, les lignes ont bougé comme rarement auparavant, mais le travail n’est évidemment pas terminé. Je vous remercie, monsieur le Premier ministre, d’avoir annoncé que la loi d’orientation agricole serait remise à l’ordre du jour sans délai. (« Elle est vide ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Pascal Lecamp applaudit.)
Parmi nos valeurs, il y a le respect des droits de tous et surtout de toutes. J’ai dit il y a huit mois à cette tribune combien la France avait changé en la matière, et qu’il fallait y voir le signe que notre pays bouge, qu’il avance et que les Français sont un peuple de progrès et d’égalité.
M. Ugo Bernalicis
Dans un monde en mouvement permanent !
M. Gabriel Attal
Continuons à faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes.
Mme Farida Amrani
Vous n’avez rien fait !
M. Gabriel Attal
S’il est un sujet qui peut nous réunir toutes et tous ici, c’est bien celui-là. Alors qu’à Avignon, un procès choque tout le pays, et que le courage de Gisèle Pelicot force notre admiration, nous devons nous saisir de cette nouvelle forme de domination des femmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Monsieur le Premier ministre, nous y tenons : relancez la mission gouvernementale sur la soumission chimique – question ô combien essentielle –, que mon gouvernement avait confiée à la députée Sandrine Josso et à la sénatrice Véronique Guillotin. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Parmi nos valeurs, il y a la justice. Elle consiste à prendre soin de ceux qui souffrent, de ceux qui posent un genou à terre, de ceux qui ont des vies plus difficiles que les autres – ce sont eux avant tout qui ont besoin de l’État. Vous avez évoqué les familles monoparentales, qui pourraient constituer un sujet consensuel. Sous la précédente législature, la députée Fanta Berete avait mené un travail sur cette question, tout comme Philippe Brun, membre du groupe Socialistes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.) Avançons ensemble par-delà les clivages sur cette question essentielle.
Dans le domaine du handicap, nous célébrerons l’an prochain les vingt ans de l’adoption de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Tous ensemble, soyons à la hauteur des valeurs de notre pays, de l’engagement de Jacques Chirac, et construisons l’acte II de la loi de 2005.
M. Jérôme Guedj
Et le grand âge ?
M. Gabriel Attal
Parmi nos valeurs, il y a l’ordre. L’ordre, c’est d’abord le respect des règles et de ceux qui les incarnent. Les Français aspirent à ce que tout le monde respecte les règles communes : les délinquants, les fraudeurs, les jeunes, l’école, les entreprises, et les responsables politiques. Cela vaut partout et pour tous.
Mme Mathilde Panot
Il joue au Premier ministre bis !
M. Gabriel Attal
Nos forces de l’ordre, nos militaires, nos pompiers, nos soignants sont des héros (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.) – il est important de le rappeler puisque cela ne va plus de soi sur l’échiquier politique. Tous ici rassemblés, nous n’aurons de cesse de le rappeler. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
L’ordre, ce sont les hommes et les femmes qui le font vivre mais ce sont aussi des moyens, prévus dans la loi de programmation militaire 2024-2030 et dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. Nous serons très attentifs à ce qu’elles soient respectées à l’euro près, monsieur le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
L’ordre, c’est agir contre la délinquance des mineurs. Je ne reviendrai pas sur les mesures que nous avions prévues : vous avez évoqué notamment la comparution immédiate pour les mineurs et la réforme de l’excuse de minorité. Nous vous accompagnerons dans la reprise de ce chantier. L’ordre, c’est aussi notre capacité à faire respecter nos frontières et maîtriser notre immigration. Je ne connais aucun gouvernement qui n’a pas dit vouloir faire de cette thématique une priorité, mais je connais peu de gouvernements qui ont vraiment réussi.
Il faut faire très attention car en la matière, qui sème l’hystérie récolte le conflit.
M. Ugo Bernalicis
C’est une autocritique ?
M. Gabriel Attal
Il n’y aurait rien de pire que d’attiser la colère des Français à coups de grandes phrases sans que rien ne bouge. (« C’est un mea culpa ? » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Sur ce sujet, les Français attendent à la fois de l’efficacité et de l’intransigeance. J’assume de dire que nous devons aussi faire notre part d’autocritique (« Ah ! » sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP) : nous n’avons pas toujours réussi à convaincre les Français.
M. Jérôme Guedj
Bravo, Gabriel !
M. Gabriel Attal
Et pourtant, nous avons agi pour plus de fermeté et obtenu de premiers résultats. Notre position est claire : accueillir moins pour accueillir mieux. C’est cet équilibre qui a motivé ce que nous avons fait : je pense en particulier à la loi Collomb pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, en 2018, et surtout à la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, défendue par Gérald Darmanin et Élisabeth Borne en 2023. Certains annoncent vouloir des places supplémentaires en centres de rétention administrative ? Cela tombe bien : cette loi le prévoit. Certains veulent plus de mesures d’éloignement ? Cela tombe bien : cette loi le prévoit. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Ugo Bernalicis
Bravo, vous avez préparé le terrain à l’extrême droite !
M. Gabriel Attal
Certains veulent plus de fermeté ? Cette loi le prévoit. Certains veulent permettre à ceux qui travaillent dur de s’intégrer ? Cette loi le prévoit aussi !
M. Nicolas Meizonnet
Quelle arrogance !
M. Gabriel Attal
L’immigration est un sujet sérieux. La loi « immigration » a été votée il y a moins d’un an : commençons par l’appliquer pleinement (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR), évaluons ses résultats et décidons ensuite s’il faut aller plus loin ! D’ici là, rien n’interdit à ceux qui ont des idées sur le sujet d’y travailler et de faire des propositions. Je pense notamment à l’exécution des OQTF : cela reste un défi majeur que nous n’arrivons pas à relever. Et quand je dis « nous », je parle pour toute l’Europe, puisque ceux qui formulent des critiques à ce sujet oublient souvent de rappeler que nos voisins européens éprouvent les mêmes difficultés que nous à exécuter leurs OQTF,…
M. Hervé de Lépinau
L’Europe est une passoire !
M. Gabriel Attal
…et que nous avons plutôt progressé ces dernières années – nous avons récemment dépassé l’Allemagne en la matière. Oui, nous versons à certains des pays concernés de l’aide au développement ; oui, nous leur délivrons de nombreux visas diplomatiques et migratoires. Mais ces aides, ces accords, ces visas ne sont en aucun cas gravés dans le marbre : nous avons des moyens de pression pour faire exécuter les OQTF et nous les avons d’ailleurs déjà mobilisés, notamment en matière de visas. La France n’est pas n’importe quel pays et si nous vous rejoignons sur un point, c’est celui-ci : quand la France s’exprime, elle doit être respectée. Nous chercherons donc à faire respecter nos frontières et nos règles.
M. Kévin Pfeffer
Ça fait sept ans que vous êtes au pouvoir ! Vous n’avez rien fait pendant tout ce temps ?
M. Gabriel Attal
Parmi nos valeurs, il y a l’Europe, qui ne supporte aucune ambiguïté. Tant de choses se jouent en Europe : l’avenir de notre planète, la maîtrise de notre immigration, la prospérité de notre continent. Je pense au combat sans relâche que nous menons pour notre planète : nous devons à la fois freiner de toutes nos forces le réchauffement climatique et nous y adapter. Le freiner passe par la poursuite de l’action engagée – je vous remercie, monsieur le Premier ministre, d’avoir rappelé qu’au premier semestre de cette année, nos émissions de CO2 ont baissé de près de 4 %. Il faut se souvenir qu’avant 2017, les émissions de CO2 baissaient en moyenne de 1 % par an dans notre pays. Elles ont baissé de 2 % en moyenne lors du quinquennat 2017-2022, et de 6 % l’an dernier ! Nous devons poursuivre cet effort ; nous vous soutiendrons en ce sens et nous nous réjouissons des propos que vous avez tenus sur le développement des énergies renouvelables (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem), qui est évidemment essentiel et doit s’ajouter au nucléaire.
Mesdames et messieurs les députés, voilà les combats que nous devons mener ensemble. S’il en est un qui nous tient encore plus à cœur que les autres – c’est mon cas –, c’est celui qui concerne l’école de la République. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme Farida Amrani
Que vous avez détruite !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Qu’est-ce que ce serait, si ça ne vous tenait pas à cœur !
M. Gabriel Attal
La promesse de l’école doit tous nous réunir ; elle ne supporte aucun conflit et nécessite au contraire de l’unité et de la détermination.
Mme Farida Amrani
C’est pour cela que vous mettez tous vos gamins dans le privé ?
M. Gabriel Attal
Nous préférerons toujours l’autorité au laxisme, l’élévation du niveau au nivellement par le bas, les savoirs fondamentaux à la dilution des savoirs. Nous continuerons donc à déployer le choc des savoirs…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Personne n’en veut !
M. Gabriel Attal
…et à renforcer les moyens de notre école.
Monsieur le Premier ministre, chers collègues, nous avons le destin de notre nation en partage ; nous sommes coresponsables de l’avenir de notre pays. C’est ainsi qu’avec vous et votre gouvernement, nous aurons à cœur de bâtir une relation de confiance solide, le genre de confiance qui ne se décrète pas mais se construit mutuellement. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Ugo Bernalicis
Quelqu’un peut lui dire qu’il a perdu ?
M. Gabriel Attal
Aucun soutien ne peut se tenir pour acquis car chaque majorité se forge pas à pas, en rassemblant largement, sur le fondement d’une méthode qui associe et n’exclue pas les partenaires de bonne volonté. (« Jusqu’à l’extrême droite ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Nous ne voulons pas fonctionner selon la méthode d’avant ; si c’était le cas, nous ne serions pas réunis ici dans cette configuration.
Mme Clémence Guetté
Vous avez perdu !
M. Gabriel Attal
Jamais, je le crois, être député n’aura conféré autant de responsabilités ; à nous d’être à la hauteur. Le pays doit toujours passer au-dessus des partis ; à nous d’en être les garants – les garants vigilants et libres. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Nous devons être vigilants quant à nos valeurs, à l’esprit d’unité et de concorde qui doit à nouveau souffler sur notre vie politique, ainsi qu’à la direction que prendra votre action. Nous devons être libres de proposer, d’amender, de nous exprimer ; libres de voter. (Mêmes mouvements.)
Monsieur le Premier ministre, notre responsabilité, c’est de rester fidèles à la France, à sa vocation de puissance et à son impératif d’unité. (« Ah là là ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Élisa Martin
C’est gênant !
M. Gabriel Attal
La puissance, d’abord, parce que notre pays, la France, n’a jamais renoncé et ne renoncera jamais à la puissance. La puissance est son âme, sa vocation ; elle doit être sa réalité.
M. Manuel Bompard
Ça ne veut rien dire !
M. Gabriel Attal
C’est cette ambition de puissance qui a animé le groupe que je préside dans chaque choix, dans chaque vote depuis sept ans. C’est cette ambition qui nous guide car nous, nous croyons à notre pays ; nous refusons la fatalité et la résignation. Chaque jour, partout en France, nous parlons à des Français qui se battent pour leur famille, qui font vivre leur pays, qui créent de l’emploi, qui investissent dans nos territoires. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Tous ces Français que vous refusez de voir, c’est pour eux que nous devons agir ! C’est pour eux que nous devons assumer notre rôle et notre volonté de puissance. C’est pour eux que le groupe Ensemble pour la République se mobilisera chaque jour et chaque instant. L’unité est la seule solution, la responsabilité est la seule méthode, la France est notre seule boussole. (Les membres du groupe EPR se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme Mathilde Panot (LFI-NFP)
Caligula avait un cheval qu’il avait paraît-il nommé consul. Certes, monsieur le Premier ministre, vous n’êtes pas un cheval ; mais si je vous parle de Caligula, c’est parce qu’il avait adopté pour devise : « Qu’ils me haïssent, pourvu qu’ils me craignent ! »
Depuis cet hémicycle, je veux dire au président Macron : nous ne vous craignons pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Nous ne vous craignons pas car vous n’avez aucune légitimité démocratique pour gouverner. Le président a décidé d’une dissolution sur demande du Rassemblement national, en espérant installer Jordan Bardella à Matignon. Vingt-sept sondages donnaient tous, sans aucune exception, l’extrême droite en tête, mais c’est le Nouveau Front populaire qui l’a emporté (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes SOC, EcoS et GDR), et avec lui un programme clair de rupture avec votre système de violence sociale, écologique et démocratique. Nous avons gagné ces élections en déjouant tous les pièges ; nous devons gouverner !
M. Thibault Bazin
Vous avez moins de députés qu’avant !
Mme Mathilde Panot
Mais quand le vote du peuple déplaît au monarque de l’Élysée, il s’acharne à le nier. C’est donc vous, monsieur Barnier, qui avez été nommé ; vous, issu d’un parti ultraminoritaire, dont le score de forme oscille entre 5 et 6 % des suffrages exprimés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Votre nomination est le signe qu’Emmanuel Macron souhaite soumettre ses députés à plus minoritaires qu’eux-mêmes, afin de continuer sa politique en bafouant le suffrage universel. Pourtant, la Macronie a été pour la troisième fois battue dans les urnes, elle qui, depuis 2017, a perdu 5 millions de voix et 180 députés. (Mêmes mouvements.)
Pour continuer à appliquer sa politique, Emmanuel Macron vous a donc nommé Premier ministre. Et pour pouvoir rester, vous vous mettez dans la main du Rassemblement national, bienheureux de vous servir de larbin, lui qui rêvait d’une alliance des droites racistes et antisociales. (Mêmes mouvements.) Et vous, vous qui avez été défaits, vous avez décidé de gouverner par la force.
Nous ne vous craignons pas car vous n’avez plus aucune légitimité pour imposer votre politique de malheur contre le peuple. (Mêmes mouvements.)
M. Vincent Descoeur
Excessif !
Mme Mathilde Panot
Le peuple vote pour que tout change, mais vous continuez à gouverner comme si de rien n’était. Le peuple vote pour abroger la réforme de la retraite à 64 ans et vous voici devant nous, monsieur le Premier ministre, partisan de la retraite à 65 ans ! Le peuple vote pour l’investissement massif dans les services publics, pour le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune et pour la taxation des superprofits ; et vous, vous proposez des retraités à la place des professeurs et préparez la pire cure d’austérité jamais vue dans le pays. (« La honte ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Thibault Bazin
Ce n’est pas ce qu’il a dit ! Vous n’avez pas écouté !
Mme Mathilde Panot
Après avoir méthodiquement vidé les caisses de l’État, à coups de 60 milliards d’euros par an de cadeaux fiscaux aux plus riches et aux multinationales, vous voilà à dire aux Français qu’ils doivent payer. Où allez-vous trouver cet argent dont vous nous avez privés ? Dans les hôpitaux ? Dans les écoles ? Dans les associations ?
Le peuple vote pour l’égalité des droits, et voilà devant nous le pire gouvernement de réactionnaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) L’année de l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution, vous nommez cinq ministres qui n’ont pas voté la protection constitutionnelle de ce droit. (« Honteux ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) La moitié de vos ministres se sont opposés au mariage pour tous, à la PMA ou encore aux droits des personnes transgenres. Ce n’est pas étonnant puisque vous-même, monsieur le Premier ministre, avez voté contre la dépénalisation de l’homosexualité (Huées sur les bancs du groupe LFI-NFP), contre le Pacs ou encore contre le remboursement de l’IVG par la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Nous ne vous craignons pas car vous n’avez plus aucune légitimité politique alors que vous rampez devant l’extrême droite.
M. Vincent Descoeur
Un peu de décence et de mesure !
Mme Mathilde Panot
L’extrême droite a été repoussée par une mobilisation citoyenne inédite venue déferler des cités populaires, de la jeunesse consciente pour son pays, des précaires et des têtes dures. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Oui, la République a été sauvée par celles et ceux que vous aimez appeler « les gens d’en bas », monsieur le Premier ministre ! (Mêmes mouvements.) Par millions, nos concitoyens se sont déplacés et ont voté pour dire que la République tenait à son peuple, et que son peuple tenait à la devise qu’il a donnée au monde entier : Liberté, Égalité, Fraternité. (Mêmes mouvements.)
Et vous voilà, monsieur Barnier, avec votre gouvernement macrono-lepéniste, dont votre ministre de l’intérieur est la figure abjecte. Car ça y est : nous y sommes. Un ministre régalien de l’État met directement en cause l’État de droit (« La honte ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP), alors que l’une de ses fonctions est d’être le « garant du libre exercice et du respect des libertés publiques ». (Mêmes mouvements.) Bruno Retailleau se réjouit parfois des « belles heures » de la colonisation. Quand il s’ennuie, il reprend l’expression pétainiste « Français de papier » ;…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Quelle honte !
Mme Mathilde Panot
…et à son apogée, le voici qui parle de « régression vers les origines ethniques » d’une partie de nos concitoyens, reprenant volontiers les théories racistes qui ont tant prospéré au XXe siècle. (« La honte ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) À entendre leur éminent représentant, on se dit que les Républicains ont déserté la République depuis longtemps. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.)
M. Thibault Bazin
N’importe quoi !
Mme Mathilde Panot
Je le dis aux collègues élus du Modem, de Renaissance ou d’Horizons : si vous ne censurez pas le Gouvernement, vous trahissez le sens du vote du 7 juillet (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS) et vous acceptez que de tels propos racistes, violents et antirépublicains puissent être récompensés par l’attribution de l’un des plus grands ministères du pays. Si vous ne censurez pas ce gouvernement – la seule présence d’un homme ayant tenu ces propos y suffit –, vous aurez et la honte et le déshonneur. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.)
M. Vincent Descoeur
Tout ce qui est excessif est insignifiant !
Mme Mathilde Panot
C’est le sens de ce qui est arrivé au ministre de l’économie. Comprenant quelque chose de l’élection du 7 juillet, il a refusé de considérer le RN comme républicain. Vous lui avez tapé sur les doigts, monsieur le Premier ministre (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN) ; vous avez immédiatement appelé Mme Le Pen pour la cajoler et avez ainsi refusé à un arrière-petit-fils de résistant le droit de s’opposer aux héritiers de Vichy. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Votre présence sur ce banc est exclusivement justifiée par la complicité de l’extrême droite dont vous êtes l’otage. Ainsi, Emmanuel Macron a fait le choix du pire : le parfum de cohabitation a l’odeur nauséabonde d’une colocation avec le RN. (« Oh ! » sur les bancs du groupe DR.)
M. Vincent Descoeur
Et chez vous, la cohabitation se passe bien ?
Mme Mathilde Panot
Nous ne vous craignons pas, car le chaos, c’est vous !
Ils sont tant et tant à avoir faim qu’un adulte sur trois se prive de repas pour que ses enfants puissent manger. N’avez-vous pas vu les files qui s’allongent dans les lieux de distribution solidaire ? S’y entassent étudiants et privés d’emploi, celles et ceux qui souffrent de la politique de violence sociale menée ces dernières années. Chaque soir, 2 043 enfants sont à la rue ! C’est une blessure infligée à nos consciences dans notre république sociale. Disons-le bien : gouverner pour les riches, c’est gouverner contre le peuple. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)
Le 22 juillet 2024 a été la journée la plus chaude depuis 100 000 ans et les catastrophes climatiques dévastent les peuples. La dette écologique n’est pas un passe-temps, monsieur le Premier ministre ! Elle impose un programme : celui de l’entraide et des biens communs. Face au plus grand défi de notre siècle, votre programme est aussi réactionnaire que vos idées.
En Kanaky-Nouvelle-Calédonie, vous avez pris l’entière responsabilité de raviver les pires violences, qui nous ramènent quarante ans en arrière. À cette crise politique s’ajoute une crise économique et sociale qui fait craindre des émeutes de la faim. Qu’attendez-vous pour retirer le projet de loi constitutionnelle sur le dégel du corps électoral ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.) Qu’attendez-vous pour libérer les prisonniers politiques ? Un processus politique doit être rouvert d’urgence, afin de garantir l’impartialité de l’État pour aboutir à la pleine émancipation du pays, dans l’esprit des accords de Matignon et de Nouméa, et de restaurer la paix civile.
En Martinique, un mouvement immense contre la vie chère s’est déployé, expression d’une volonté de justice sociale et de vie digne. Mais votre seule réponse, comme à votre habitude, a été d’envoyer les CRS, ravivant le souvenir douloureux des drames de 1959.
Sur la scène internationale, la France s’est privée de toute voix audible. Où sommes-nous quand ce pays auquel nous sommes tant liés, le Liban, se fait bombarder et que des femmes, des hommes, des enfants y meurent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Hervé de Lépinau
Ils n’ont pas besoin de vous, les Libanais !
Mme Mathilde Panot
Où est la France, amie du Liban, quand ses frontières et sa souveraineté sont à ce point contestées qu’un sixième de sa population, soit 1 million de personnes, est d’ores et déjà déplacé ? Où est la France quand deux de nos compatriotes sont tués par les bombes israéliennes sans que vous ne disiez un mot ? Jusqu’où laisserez-vous aller le criminel Netanyahou ? Combien de morts faut-il de plus ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR. – Les députés du groupe LFI-NFP, continuant d’applaudir, se lèvent.)
Arrêter la guerre au Liban, c’est arrêter le génocide toujours en cours à Gaza. Arrêter le génocide en cours à Gaza, c’est arrêter la guerre faite au peuple libanais. Assez de vaines paroles ! Quand allez-vous décréter un moratoire sur la vente d’arme à Netanyahou ? Quand allez-vous décider de sanctions à l’encontre d’Israël, reconnaître l’État de Palestine et suspendre le traité d’association entre l’Union européenne et Israël ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
La France doit retrouver une voix internationale claire au service de la paix, et cela ne passera pas par votre gouvernement.
Puisque vous n’êtes plus légitimes, il ne vous reste qu’à partir. Cette prise du pouvoir contre les urnes est inédite dans l’histoire de notre démocratie. Les médias étrangers s’en sont fait l’écho, il n’y a que les macronistes et les journalistes de cour pour ne pas s’en émouvoir. Monsieur Macron, entendez-le bien depuis cet hémicycle : la République n’aime pas les monarques, et encore moins les monarques absolus. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.)
Face au chaos que vous nous laissez, nous avons trois priorités : censurer votre gouvernement, destituer le Président, le remplacer. (Mêmes mouvements.)
Emmanuel Macron est d’ores et déjà entré dans l’histoire comme l’autocrate de la IVe et de la Ve Républiques réunies avec le plus long gouvernement démissionnaire. Il est surtout le premier président visé par une procédure de destitution. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Après cela, nous ne pouvons que vous souhaiter, monsieur Barnier, et surtout souhaiter au pays que vous soyez le Premier ministre du gouvernement le plus court de la Ve République. Car après vous, le Président n’aura d’autre choix que de nommer Lucie Castets Première ministre ou de s’en aller. (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS. – Rires sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Le monde ne s’y trompe pas. Il regarde la France d’un œil qui appréhende les temps difficiles mais partout dans le pays, une certitude demeure : le printemps revient toujours. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Une majorité relative nous a été acquise, et bientôt nous gouvernerons ce pays. De Louise Michel, nous ne faisons pas qu’une statue. Nous la citons et nous nous en inspirons. Et nous la rejoignons, lorsqu’elle dit, en insoumise : « Sans l’autorité d’un seul, il y aurait la lumière, il y aurait la vérité, il y aurait la justice. L’autorité d’un seul, c’est un crime. Ce que nous voulons, c’est l’autorité de tous. » (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris Vallaud (SOC)
Nous sommes au rendez-vous d’une crise morale et politique. Votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, en est l’expression la plus manifeste et à tout dire la plus inquiétante. Le Président de la République avait, nul ne le conteste, le droit constitutionnel de vous désigner, mais il n’en demeure pas moins que votre nomination est le fruit d’une grave faute politique et institutionnelle dont les conséquences seront profondes et durables. On ne tourne pas impunément en son contraire le résultat du suffrage universel. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – MM. André Chassaigne et Benjamin Lucas-Lundy applaudissent également.)
J’ai cherché dans votre intervention ce moment de lucidité par lequel vous diriez aux Français : « Nous avons perdu », « Nous nous sommes trompés ». Je dis « nous » pour mettre dans votre bouche l’encombrant président de la République, sèchement battu dans les urnes. Rien. Nous ne voyons dans vos propos aucun changement de cap, ni alternance, ni cohabitation. Vous symbolisez la continuation du macronisme dans sa part la plus à droite, la plus réactionnaire et désormais la plus exaltée. (Mêmes mouvements.)
Que penser, en effet, des rodomontades d’un ministre de l’intérieur gouverné par les préjugés de l’extrême droite, entre poncifs éculés et fausses vérités ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.) « L’ordre, l’ordre, l’ordre », dit-il. Mais de quel ordre parle-t-il ? De celui qui règne à Budapest ? De l’ordre qui se défie de la Constitution et remet en cause l’État de droit ? Il y a l’ordre qui cache le désordre et celui qui s’oppose à la justice. De quel ordre parle-t-il quand il parle d’immigration ? De l’ordre sanglant qui laisse mourir en Méditerranée ? De l’ordre qui prend ses pouvoirs dans la haine ? De ce fameux « ordre des choses » que dénonçait Léon Blum, toujours en contradiction flagrante avec la volonté de justice et d’égalité ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. Michel Herbillon
C’est un peu excessif…
M. Boris Vallaud
Pour nous, socialistes, ce n’est pas l’ordre qui renforce la justice, monsieur le Premier ministre, c’est la justice qui donne sa certitude à l’ordre.
M. Michel Herbillon
Arrêtez de donner des leçons de morale.
M. Boris Vallaud
L’école serait la mère des batailles mais de quelle école parle-t-on ? Que dire d’une ministre de l’éducation nationale qui promet de maintenir le cap quand le cap est mauvais ? Que dire d’un ministre délégué qui n’a jamais caché son attachement à l’école privée quand c’est l’école publique qui doit être la priorité et la mixité sociale, l’impératif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. Thibault Bazin
On a besoin des deux.
M. Boris Vallaud
Les urgences de l’école sont ailleurs que dans la poursuite coûte que coûte du choc des savoirs. Nous ne cesserons jamais de dénoncer le malthusianisme de la politique éducative de la droite guidée, non par l’ambition d’offrir une place à chacun, mais par le souci que chacun reste à sa place. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. Michel Herbillon
Quels résultats avez-vous obtenus quand vous étiez au pouvoir ?
M. Boris Vallaud
Vous dites que la situation des finances publiques est alarmante et vous promettez un budget de vérité et d’efforts. Quelle vérité ? Celle que l’on demande depuis des mois, celle qui révèle les mensonges coupables de M. Le Maire et de ceux qui, au Gouvernement désormais, l’ont soutenu ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Allez-vous à votre tour proposer aux Français d’insoutenables et trompeuses trajectoires des finances publiques, et une austérité qui leur coûtera cher ? Quels efforts, quelles économies, et surtout pour qui ? Pour celles et ceux que nous avons applaudis à 20 heures et qui paieront, du fait de la réforme des retraites, un impôt sur la vie ? Ou pour les passagers clandestins de la solidarité nationale, multinationales et ultra-riches ? Vous ne parlez pour ceux-là que d’impôts exceptionnels, mais la justice fiscale ne s’accommode pas d’arrangements exceptionnels.
Le niveau de vie des Français est une priorité, dites-vous ? Comment vous croire alors que vous ne parlez jamais d’augmenter les salaires et si peu, en vérité, le Smic ? Nous défendons pour notre part la valeur du travail. Nous voulons parler de travail, de conditions de travail, de santé au travail, de temps de travail et de temps libéré, d’organisation du travail. Comment parler de niveau de vie des Français, encore, sans prendre à bras-le-corps la situation de cette jeunesse qui, par milliers, grossit les rangs des banques alimentaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Sans engager aussi la grande bataille du logement, en particulier du logement social, exsangue après sept ans de macronisme ? Sans nourrir l’ambition que l’urgence climatique commande en matière de rénovation thermique des logements ? (Mêmes mouvements.)
M. Inaki Echaniz
Bravo !
M. Boris Vallaud
Améliorer l’accès aux services publics et leur fonctionnement, promettez-vous encore, mais quelle est votre conception du service public ? Notre conviction de socialistes est claire : quand l’État social recule, les inégalités avancent et les injustices prospèrent. Ce sont les Français les plus modestes, aux prises avec des services sociaux chamboulés par l’austérité, fragilisés par des réformes toujours suspicieuses, qui en sont les premières victimes. La République sociale reste pour nous la meilleure façon de faire durablement front républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. Arthur Delaporte
Il a raison !
M. Boris Vallaud
Monsieur le Premier ministre, si le pouvoir a quitté l’Élysée, il n’est pas à Matignon désormais. Il est ici, au Palais-Bourbon. C’est ici qu’est le cœur battant de la démocratie. Vous avez il y a quelques jours déclaré ne pas être en cohabitation avec le Président de la République. Nous en faisons le constat sans céder à la résignation. J’ignore combien de temps durera votre ministère, mais considérez dès à présent que vous êtes ici en cohabitation avec le Parlement, avec la représentation nationale, avec la souveraineté populaire.
Monsieur le Premier ministre, en dépit des apparences, il y a bien une majorité absolue. C’est celle des vies difficiles. La majorité absolue des Françaises et des Français qui ont dit leur colère et leur refus d’une politique qui ne se préoccupe pas d’eux, de leurs angoisses, de leurs souffrances. La majorité absolue de celles et ceux qui se désespèrent de leurs conditions travail, de leur salaire, de leurs factures, de leur santé, de leur sécurité, de leur retraite, de leurs enfants, comme de l’avenir de la planète.
Vous ne la voyez pas, cette majorité, parce que vous ne voulez pas la voir, la comprendre et lui proposer un autre chemin. Nous serons donc à son service. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.)
Héritiers d’une vieille famille, le socialisme, notre rôle d’opposition, c’est de convertir l’alerte en perspective et la critique en action. En me retournant sur notre histoire longue, je constate que certaines de nos plus grandes conquêtes ont été l’œuvre de majorités très relatives.
M. Ian Boucard
C’est l’époque où vous étiez socialistes et républicains.
M. Boris Vallaud
Monsieur le Premier ministre, c’est donc ici que nous nous opposerons à toute régression sociale, à toute atteinte aux droits fondamentaux, à la suppression de l’aide médicale de l’État, à l’application de la réforme des retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mais c’est surtout ici que nous, socialistes, avec le Nouveau Front populaire et avec les majorités républicaines les plus larges possible,…
M. Laurent Croizier
Avec ou sans LFI ?
M. Boris Vallaud
…nous proposerons, débattrons et voterons la régulation de l’installation des médecins, le statut des mamans solo, une loi relative au grand âge,…
M. Jérôme Guedj
Ah, enfin le grand âge !
M. Boris Vallaud
…des mesures de justice fiscale, une loi pour mettre fin à la vie chère en outre-mer, des mesures fortes contre les violences faites aux femmes. (Applaudissements continus sur les bancs du groupe SOC.)
M. Jean-René Cazeneuve
On ne vous a pas attendus !
M. Boris Vallaud
Nous serons ici de tous les combats qui amélioreront la vie des Françaises et des Français. Nous sommes à leur service quand vous êtes encore à celui du Président de la République.
En deux mots, nous légiférerons et vous exécuterez. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Monsieur le Premier ministre, vous avez parlé de respect et nous avons montré tout au long de notre histoire que nous étions des opposants respectueux des institutions, des démocrates adultes capables de construire des compromis à chaque fois que nous avions un mandat pour le faire, et que les circonstances le permettaient.
En tant que socialistes et républicains, nous respectons nos adversaires, nous respectons leurs électeurs, tous les électeurs, sans exception et sans distinction. Nous respectons le peuple français, en bloc. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Nous respectons les institutions, les règles et, en toutes circonstances, la lettre et l’esprit des lois de la République et d’abord de la Constitution. Nous respectons le débat d’idées, la liberté d’opinion, les convictions qui ne sont pas les nôtres. Nous avons même la faiblesse de penser que ce respect est la condition de toute démocratie, nous qui avons toujours été des partisans de la raison, de la modération et du dialogue, autant que d’un réformisme radical. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Nous avons toujours choisi l’intérêt supérieur de la nation au détriment de toutes les autres considérations,…
M. Michel Herbillon
Et le sectarisme !
M. Boris Vallaud
…et nous avons bien l’intention de continuer à le faire, envers et contre tout, peut-être même contre vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) C’est cela que nous voulons faire comprendre aux Françaises et aux Français : nous ne sommes pas seulement fidèles et loyaux envers les engagements que nous avons pris en nous présentant unis devant eux avec toute la gauche faisant front populaire, nous sommes fidèles et loyaux à la démocratie, au suffrage universel, à l’esprit de responsabilité qui est le nôtre depuis toujours.
Monsieur le Premier ministre, une majorité des députés devant vous a été élue par l’élan démocratique du front républicain. Partout dans la société, des femmes et des hommes ont refusé la fatalité de la défaite, ont refusé la fatalité de l’accession au pouvoir de l’extrême droite. Cette majorité de députés n’était tenue que par une seule promesse, une seule fidélité, un seul engagement : ne rien céder à l’extrême droite.
Cet engagement est ébranlé du seul fait que vous-même, comme le parti Les Républicains, avez récusé le front républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Cet engagement est ébranlé par le seul fait que beaucoup de celles et de ceux, ici même, qui ont bénéficié de ce front républicain l’ont oublié sitôt leur élection acquise. Cet engagement est ébranlé du seul fait que votre avenir dépend du Rassemblement national qui vous accorde d’ores et déjà sa confiance a priori. Pour ce qui nous concerne, nous n’avons aucune leçon à recevoir de ces maquignons du patriotisme occupés à mettre en pièces leur propre patrie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Mais pour ce qui vous concerne, la leçon semble avoir été bien apprise, qui se récite dans votre gouvernement même. Quelle est donc, monsieur le Premier ministre, cette majorité de revers dont vous espérez la bienveillance ? En vérité, une sinistre majorité de connivence à laquelle, monsieur Attal, aucun socialiste ne saurait se rallier sans se trahir. Quel qu’en soit le prix, il est à tout républicain authentique trop cher payé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Monsieur le Premier ministre, nous contestons votre gouvernement comme votre projet politique car nous considérons que la volonté des Françaises et des Français telle qu’ils l’ont exprimée au suffrage universel direct n’est pas respectée.
M. Pierre Cordier
Le changement, c’est maintenant ?
M. Boris Vallaud
Si nous choisissons, en conscience et en responsabilité, de provoquer dans quelques jours un vote de défiance à votre encontre et à celle de votre gouvernement, c’est au nom de cette responsabilité, oubliée par beaucoup qui vous soutiennent, même s’ils le font du bout des doigts et dans le silence de leurs applaudissements. Parce que c’est notre devoir démocratique le plus élémentaire, nous vous censurerons. (Les députés du groupe SOC se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Wauquiez.
M. Laurent Wauquiez (DR)
Notre pays danse au-dessus du volcan. La France s’endette à des taux supérieurs à la Grèce. Ceux qui entreprennent rencontrent de plus en plus de difficultés. Nous constatons tous les jours l’effondrement de l’ordre, nous perdons la maîtrise de nos frontières et nos services publics, l’école comme la santé, n’ont jamais aussi mal fonctionné.
Notre pays danse au-dessus du volcan et pendant qu’il danse, nous risquons le blocage politique. La dissolution nous a plongés dans un chaos institutionnel. Aucune majorité n’est sortie des élections : ni la gauche sous la coupe de LFI, ni le RN, ni la majorité sortante. Et le risque est de bloquer le pays au moment où il a besoin, plus que jamais, de politiques courageuses.
Notre pays danse au-dessus du volcan et quel spectacle donnons-nous ? Injures, invectives et hurlements.
Mme Émilie Bonnivard
Comme d’habitude !
M. Laurent Wauquiez
Rien de tout cela n’est à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Nous avons besoin de femmes et d’hommes de bonne volonté. La gravité de la situation impose de prendre le parti de la France. Et il n’y a que deux choix, deux attitudes possibles entre lesquelles on ne saurait tergiverser : bloquer ou construire, le chaos ou la responsabilité, le désordre ou les solutions, l’inaction ou l’action.
M. Pierre Cordier
Très bien !
M. Laurent Wauquiez
Nous devrions tous nous rappeler l’injonction d’Albert Camus dans Le Mythe de Sisyphe : il est impératif de continuer à agir et à prendre ses responsabilités face aux absurdités des époques tourmentées.
Je repose donc la question : où sont les femmes et les hommes de bonne volonté ? L’extrême gauche a tenté d’imposer sa première ministre et son programme : 150 milliards d’euros d’impôts,… (« C’est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
…régularisation des immigrés illégaux, terroristes du Hamas dépeints en résistants et policiers traités d’assassins. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Tel est le visage réel de l’extrême gauche actuelle. (« La honte ! » et applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mais les Français ne veulent pas de vos choix insensés (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP).
M. Ugo Bernalicis
Si ! Nous, nous n’avons pas fait 5 % des voix !
M. Laurent Wauquiez
Ils se demandent où est passée la gauche de Ferry et de Jaurès,…
M. Dominique Potier
Elle est là !
M. Laurent Wauquiez
…celle qui forçait le respect par son attachement à la laïcité, à l’autorité républicaine et au mérite. Aujourd’hui, la gauche n’est même plus capable d’applaudir lorsque la laïcité est évoquée dans cet hémicycle et reste silencieuse quand le Premier ministre appelle à son respect. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme Dieynaba Diop
Nous, nous n’avons pas fait alliance avec le Rassemblement national !
M. Laurent Wauquiez
Je le dis avec gravité, sous nos yeux, sur ces bancs, nous assistons à la dérépublicanisation de la gauche ; elle épouse désormais les causes les plus extrémistes de Jean-Luc Mélenchon. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Droite radicalisée !
M. Laurent Wauquiez
Pour empêcher les semeurs de chaos d’abîmer notre pays et sortir la France de l’impasse, la droite républicaine s’est engagée.
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
Vous avez fait 6 % !
M. Laurent Wauquiez
Nous avons pris nos responsabilités pour que la France ait un Premier ministre alors qu’il eût été si confortable de rester de côté, comme certains l’ont fait. Nous avons pris et nous prendrons nos responsabilités en vous soutenant, monsieur le Premier ministre, pour mener la politique de changement dont notre pays a besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme Dieynaba Diop
Avec la bienveillance du Rassemblement national !
M. Ugo Bernalicis
Garde à vous !
M. Laurent Wauquiez
J’ai bien dit « politique de changement », ce qui suppose de rompre avec la politique menée depuis sept ans. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Nos 178 parlementaires ont fait des propositions, dont je suis fier, en présentant un pacte législatif articulé autour de priorités simples : revaloriser le travail…
M. Jean-François Coulomme
Et la famille et la patrie ?
M. Laurent Wauquiez
…et rétablir l’ordre.
M. Julien Dive
Il a raison !
M. Pierre Cordier
Nous avons été les premiers à travailler sur le fond !
M. Laurent Wauquiez
Il convient, en premier lieu, monsieur le Premier ministre, de mettre la récompense du travail au cœur de notre contrat social. Aujourd’hui, la plus grande injustice de notre pays, c’est que le travail n’est pas récompensé.
Mme Andrée Taurinya
Hausse du Smic !
M. Laurent Wauquiez
Le plus grand scandale de notre système social, ce sont les travailleurs pauvres : travailler et être pauvre, travailler pour survivre et non pas travailler pour vivre.
M. Jean-Yves Bony
Bravo !
M. Laurent Wauquiez
Je pense à tous ceux qui, dans le monde rural, alors qu’ils font parfois des kilomètres pour se rendre sur leur lieu de travail, constatent à la fin du mois le faible reliquat de salaire qui leur reste. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Mme Sophie Taillé-Polian
Il faut augmenter les salaires !
M. Laurent Wauquiez
Je pense aux classes moyennes dont les efforts sont récompensés par des impôts et des charges.
Mme Justine Gruet
Eh oui !
M. Laurent Wauquiez
Je pense aux nombreuses absurdités de notre système social dans lequel le travail ne figure pas parmi les dizaines de critères de priorité pour l’attribution d’un logement social. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Nous nous battrons pour revenir à des principes simples : celui qui travaille doit être récompensé, celui qui reprend un travail doit être encouragé, celui qui a travaillé toute sa vie doit être reconnu et celui qui abuse de la solidarité doit être sanctionné. Valoriser le travail, garder le social, arrêter l’assistanat ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Ensuite, il est urgent de mettre fin au laxisme.
M. Matthias Tavel
Rendez l’argent !
M. Laurent Wauquiez
Le laxisme tue quand quatre condamnés à de la prison ferme sur dix n’y mettent jamais les pieds et que plus de neuf décisions d’expulsion sur dix sont inappliquées. Il faut réarmer notre droit : en face d’une infraction, une sanction. Les juges ne sont pas en cause, ce sont nos lois qui ont perdu le bon sens.
M. Pierre-Yves Cadalen
Cela ne veut rien dire !
Si cela ne veut rien dire pour certains dans l’hémicycle, cela veut tout dire pour les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Laurent Wauquiez
Nous avons oublié depuis trop longtemps que la justice tient d’une main la balance et de l’autre, le glaive.
M. Erwan Balanant
Qui a supprimé 10 000 postes de policiers ?
M. Laurent Wauquiez
Nous avons perdu l’autorité depuis trop longtemps. En République, l’autorité n’opprime pas, elle protège. Je le dis ici : le ministre de l’intérieur aura tout notre soutien. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Nous avons un autre impératif : produire davantage plutôt que dépendre des importations polluantes, ce que j’ai nommé le « patriotisme environnemental ». Les importations chinoises polluent davantage que l’ensemble des ménages français. Parce que notre économie est une des plus respectueuses de l’environnement, l’action la plus utile pour défendre la planète est de défendre la fabrication française. C’est un message d’espérance pour notre jeunesse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Thibault Bazin
Eh oui !
M. Laurent Wauquiez
Libérez les entrepreneurs, les agriculteurs, les artisans, les commerçants, les professions libérales (Mmes Émilie Bonnivard et Anne-Laure Blin applaudissent) et tous ceux dont on ne parle pas assez ici des normes folles, ces ZAN, CRSD et autres DPE – zéro artificialisation nette, directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, diagnostic de performance énergétique – qui les empoisonnent. Oui, monsieur le Premier ministre, il faut mettre fin au dispositif ZAN, si funeste et si contraire aux intérêts du pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Enfin, nous devons sortir du laxisme budgétaire.
M. Matthias Tavel
Rendez l’argent !
M. Laurent Wauquiez
Si certains ne sont pas adeptes de l’autocritique, il est assez cocasse – quelle que soit l’estime que je leur porte – de voir ceux qui ont laissé filer la dette et les déficits s’étonner des conséquences de leur légèreté budgétaire.
Pour éviter les hausses d’impôts, il faut commencer par faire des économies – ce qui n’a pas été fait –, mettre fin au « quoi qu’il en coûte aux autres » – ce qui n’a pas été fait –, gérer l’argent public comme si c’était le nôtre – ce qui n’a pas été fait – et mettre un terme au gaspillage – ce qui n’a pas été fait. Qui peut croire que, dans un pays où il y a tant d’agences administratives et de lourdeurs, il soit impossible de faire des économies ? Dès cette semaine, nous ferons des propositions en ce sens, permettant à chacun de prendre position. Notre état d’esprit sera constant : présenter des solutions et prendre des engagements. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Si les personnes de bonne volonté, au-delà des différences, se retrouvent autour de propositions de bon sens, nous pouvons travailler utilement pour le pays dans les mois qui viennent. C’est bien le moment de répondre à cette question : le chaos ou l’action ?
En 1871, notre pays était à terre, privé de l’Alsace-Lorraine, humilié par la défaite, brisé par la guerre civile. Alors même que les républicains avaient perdu les élections, ils s’engagèrent pour rebâtir la France ; notre pays se couvre d’écoles et d’industries ; un grand essor culturel commence. Ces républicains-là ont surmonté leurs différences pour bâtir la IIIe République et ils n’ont pas, comme vous (L’orateur désigne les bancs des groupes SOC et EcoS), trahi les valeurs qui la fondent. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Mme Sandra Regol
Quelle honte !
M. Laurent Wauquiez
Dans notre histoire, il y a toujours eu cet espoir. Il faut être les républicains d’aujourd’hui, dans un pays qui en a tant besoin, et faire œuvre utile, avec courage et détermination. Nous allons nous y atteler autour de Michel Barnier et mener cette politique de changement. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe DR dont les membres se lèvent.)
M. Ugo Bernalicis
C’est le changement dans la continuité !
Mme la présidente
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS)
Partout, le trouble s’installe, l’incompréhension se propage, la colère monte. Il y a quelque chose de dysfonctionnel dans cette Ve République ! À de nombreuses reprises – comme cela vous est certainement arrivé, chers collègues –, j’ai été interpellée par des amis, de la famille, des inconnus, qui m’ont dit ne plus rien y comprendre et se demander à quoi sert de voter.
La question est légitime puisqu’après avoir pris connaissance des résultats des élections législatives, Emmanuel Macron a tergiversé, négocié et fui son devoir qui était de nommer une Première ministre issue de la première force politique du pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. Fabien Di Filippo
Dans votre monde parallèle !
M. Pierre Cordier
C’est-à-dire dans la quatrième dimension…
Mme Cyrielle Chatelain
Parce qu’Emmanuel Macron a été un garant défaillant pour nos institutions, qu’il a refusé sa défaite, un sentiment glaçant s’est insinué dans les consciences et dans les cœurs de 28 millions d’électeurs, au fur et à mesure que duraient les tractations de salon : celui que leur vote serait méprisé. Le principe fondateur de notre République est pourtant simple et puissant : le suffrage universel est notre juge et notre maître à tous. Lorsqu’il a parlé, chacun est tenu de s’incliner. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS et du groupe LFI-NFP.)
La composition du Gouvernement ne reflète en rien les résultats du 7 juillet dernier. Car, monsieur le Premier ministre, votre nomination et celle de votre gouvernement ne sont pas le fruit du vote, elles sont la résultante d’une entente opportuniste,…
M. Thibault Bazin
Un peu comme le Nouveau Front populaire !
M. Pierre Cordier
Vous vous êtes massacrés pendant la campagne des européennes !
Mme Cyrielle Chatelain
…d’une alliance tacite entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.) En d’autres termes, ni vous ni vos ministres n’êtes légitimes. En France, la seule légitimité est issue du vote.
Je veux m’adresser à toutes les citoyennes et tous les citoyens qui ont fait barrage. À vous qui n’attachez pas d’importance à l’étiquette politique, qui refusez la xénophobie, la discrimination et tous les conservatismes, je dis merci : grâce à vous, le Rassemblement national a perdu ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
À tous ceux et celles qui se sont engagés, qui ont tracté, frappé aux portes, collé des affiches, je dis merci : grâce à vous, nous sommes 193 députés du Nouveau Front populaire ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.) Nous sommes la première force politique de cette assemblée ! Nous porterons vos voix, nous mènerons vos combats, parfois jusqu’à la victoire, toujours avec fierté. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et GDR.)
À vous qui faites partie de ces 28 millions d’électeurs, je veux dire que votre vote s’incarne ici, dans cette assemblée. Certes, cet hémicycle est fractionné, divisé mais il est représentatif de la France, des Français et de la diversité de leurs opinions politiques. Chacun d’entre nous est le porte-parole de son territoire, de ses électeurs, de son parti mais ensemble, dans cet hémicycle, par la délibération publique, par nos votes, nous serons l’expression de votre volonté.
Pour redonner la primauté à cette délibération, au collectif et aux idées, nous devons guérir de la maladie qui a peu à peu rongé notre République : l’hyper-présidentialisation, la personnalisation à outrance, la recherche sans cesse déçue de l’homme providentiel.
Ainsi, dans cette Ve République à bout de souffle, à l’heure où se révèlent toutes les failles d’un système pyramidal construit autour d’un seul homme, un rapport de force doit s’instaurer entre vous, monsieur le Premier ministre et nous, Assemblée nationale nouvellement élue, et, en premier lieu par la censure. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Comme il l’a annoncé, le Nouveau Front populaire déposera, une motion de censure.
Mme Anne-Laure Blin
Vous ne savez faire que cela !
M. Jean-René Cazeneuve
Vous avez perdu !
Mme Cyrielle Chatelain
En toute logique, si chacun était fidèle à ses électeurs, votre gouvernement devrait tomber. Il bénéficiera d’un sursis grâce au soutien hypocrite du Rassemblement national. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.) Vous serez alors le premier gouvernement depuis 1945 qui recevra le soutien sans participation de l’extrême droite. C’est une tache indélébile. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Olivier Marleix
Vous ne parlez jamais d’écologie !
Mme Cyrielle Chatelain
Cette assemblée, dont la majorité des membres est issue du barrage citoyen contre l’extrême droite, devra tenir la digue républicaine entre l’ensemble des partis républicains et l’extrême droite antirépublicaine.
Il lui faudra ensuite réparer. La réforme des retraites a été passée en force. Elle est maintenue grâce à votre gouvernement. Il revient donc au Parlement de l’abroger. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.) La censure est l’outil le plus efficace pour ce faire : un nouveau gouvernement légitime reviendra sur cette réforme. Si la censure échoue, le Nouveau Front populaire défendra cette abrogation à l’Assemblée et au Sénat, pour que les injustices soient enfin réparées. (Mêmes mouvements.)
M. Olivier Marleix
Quand parlerez-vous d’environnement ?
Mme Cyrielle Chatelain
L’Assemblée doit être la garante de notre longue histoire. Le 4 août 1789, la prise de la Bastille, les barricades, la liberté de la presse, la liberté d’association, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ce sont autant de révoltes contre l’arbitraire.
Mme Émilie Bonnivard
C’est vous, l’arbitraire, vous ne laissez pas parler les autres !
Mme Cyrielle Chatelain
L’État de droit est notre héritage, il est le socle sur lequel s’est érigée notre société, il est la protection des plus faibles contre le bon droit des puissants. Quand votre ministre de l’intérieur foule aux pieds nos valeurs et notre histoire, il revient à cette assemblée de les défendre.
M. Thibault Bazin
C’est un peu caricatural !
Mme Cyrielle Chatelain
Il lui faut surtout défendre l’intérêt général. Fin de vie, lutte contre les déserts médicaux, transition énergétique, prévention des morts au travail, action contre la crise du logement, taxation des superdividendes constituent autant de sujets sur lesquels nous pouvons trouver des majorités. Ne laissons pas la fragmentation de cette assemblée nous freiner ! Nous devons démontrer notre capacité à adopter des textes qui rendront enfin la vie plus douce.
L’intérêt général dicte de mettre un terme aux cadeaux fiscaux non financés qui sont offerts depuis sept ans. Monsieur le Premier ministre, vous faites un premier pas en proposant de mettre un tout petit peu à contribution ceux qui ont beaucoup accumulé et beaucoup pollué. C’est loin d’être suffisant mais le groupe Écologiste et social soutiendra toutes les mesures qui iront dans le sens de davantage de justice fiscale. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Dans une société usée par la dégradation des conditions de travail, par des décennies de sous-investissement dans les services publics, par les délocalisations, par l’augmentation de la pauvreté, usée par les vagues de chaleur, la précarité énergétique, l’insécurité alimentaire, usée par les superprofits de l’agrobusiness et des grandes entreprises pétrolières, la mise à contribution des grandes fortunes est un impératif économique, social, environnemental et moral. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. Olivier Marleix
Elle a enfin prononcé le mot « environnement » !
Mme Cyrielle Chatelain
Nous sommes enfermés dans l’idée que c’est en augmentant les richesses produites que nous augmenterons la richesse de chacun, sans nous préoccuper du fait que les richesses produites sont accaparées par une minorité dont la fortune grossit encore et toujours, ne laissant que des miettes au reste de la société, sans voir que ces richesses sont produites en asséchant les sols, en polluant les eaux et en surexploitant une nature qui n’arrive plus à se reconstituer. Rendons-nous en compte : nous sommes en train de détruire notre terre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Nous ne nous soucions pas non plus du fait que certaines zones de la planète deviennent inhabitables à cause du manque d’eau, des vagues de chaleur suffocante ou des risques de submersion marine, contraignant à l’exode les victimes de notre irresponsabilité qui devront risquer leur vie sur des canots de fortune et subir les insultes d’hommes politiques en quête de notoriété. (Applaudissements sur les bancs du groupe ÉcoS.)
Il faut regarder la réalité en face : la croissance pour la croissance n’a rien de bénéfique. Elle ne permet plus, depuis longtemps, de créer des emplois ni de réduire la pauvreté ou les inégalités. Tant que l’économie restera principalement orientée vers la maximisation des profits, elle rendra impossibles l’élimination de la pauvreté, la résorption des inégalités, la protection de la biodiversité et la préservation du climat.
Chez moi, en Isère, la neige se raréfie, mettant en péril emploi et accès à la ressource en eau. Les maisons se craquellent, la montagne s’effrite, le hameau de La Bérarde a été submergé, 350 étudiants font la queue à la distribution alimentaire et les salariés de la plateforme chimique se battent pour leur emploi.
Dans le Pas-de-Calais, les usines sont déjà parties, remplacées par le chômage de masse, et les inondations se répètent au point que le territoire a presque déjà atteint son plafond en matière de capacité d’adaptation au réchauffement climatique. En Nouvelle-Calédonie, l’économie est sur le point de s’effondrer alors que le retour des réflexes colonialistes a provoqué le soulèvement des indépendantistes défendant leur droit à l’autodétermination. À Lyon, 395 enfants dorment dans la rue. À Paris, on mourra bientôt de chaud sous des toits en tôle. À La Réunion, la flambée des prix devient insupportable.
Voilà le résultat, sur l’intégralité du territoire, du modèle économique productiviste, extractiviste et destructeur qui guide votre politique comme celle de vos prédécesseurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Pensez-vous qu’il suffise de quelques effets de manche et de figures de style éculées pour que notre pays aille mieux ?
Permettre aux gens de vivre mieux : tel est justement l’engagement pris par les députés du groupe Écologiste et social avec l’ensemble des membres du Nouveau Front populaire. Notre cap est clair : une économie fondée non plus sur la recherche du profit mais sur la réponse aux besoins ; une conférence sociale sur les salaires et une réforme des héritages dorés pour lutter contre les inégalités de moyens et de destins ; le développement des énergies renouvelables, la protection des terres et de la biodiversité grâce à l’application de l’objectif zéro artificialisation nette ; le réinvestissement massif dans la rénovation et la construction de logements ; la défense et le redéploiement de nos services publics.
Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement, vous le savez, a une durée de vie limitée parce que vos alliés du Rassemblement national mettront fin un jour à votre collaboration, non dans l’intérêt des Français, par souci d’exigence, mais parce que, à un moment, leurs ennuis judiciaires cesseront d’une manière ou d’une autre. Ce jour-là, les députés du groupe Écologiste et social et l’ensemble des députés du Nouveau Front populaire seront là, prêts pour qu’enfin, demain, la vie soit plus belle. (Les députés du groupe EcoS et M. Boris Vallaud se lèvent pour applaudir. – Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Marc Fesneau.
M. Marc Fesneau (Dem)
Pour juger du sens de votre déclaration de politique générale, monsieur le Premier ministre, il faut porter un regard lucide sur les postures partisanes – et parfois même claniques – de ceux qui, depuis les élections, se prévalent du message que les Français ont exprimé et ne tentent en réalité que de l’altérer à leur profit.
Une nouvelle fois, il faut d’abord partir de la volonté du peuple. Une telle exigence peut – et devrait – être partagée par toutes les forces parlementaires qui, dans un contexte grave, sont issues des élections. Nous sommes ici par la volonté du peuple ; c’est elle qui a façonné l’assemblée à laquelle, monsieur le Premier ministre, vous vous êtes adressé.
Ce que les Français, dans leur diversité, ont exprimé mais aussi ce qu’ils ont fondamentalement en partage : voilà ce qui doit constituer notre loi commune, le point d’ancrage et le cap de votre action et de celle de votre gouvernement, ainsi que ceux de l’Assemblée nationale.
Dès lors, il est absolument crucial de ne pas travestir le message qui nous a été adressé. Personne, au sein de notre hémicycle, ne peut, de façon sincère, prétendre être le produit d’une adhésion majoritaire à un projet, à son projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
Vous l’avez dit, monsieur le Premier ministre – et c’était nécessaire : à un cri de colère a succédé, sans pour autant apporter une réponse à la hauteur de l’alerte, un sursaut des démocrates et des républicains pour dire non à un gouvernement dirigé par le Rassemblement national, dire non, plus largement, aux propositions extrêmes, qu’elles viennent de la droite ou de la gauche, dire non au chaos que portent en elles ces solutions, dire non aux divisions et aux fractures dont de tels projets et de tels discours sont les germes. Ce refus ne doit cependant pas effacer les attentes exprimées par le vote des Français – j’y reviendrai. Une telle réaction a été possible au prix de désistements réciproques qui ont exigé des Français qu’ils abandonnent leurs préférences, qu’ils sachent aller plus loin que ce que leur conviction politique leur dictait spontanément. Ainsi ont-ils fait le choix résolu de ce qui était à leurs yeux l’intérêt supérieur de la nation.
M. Erwan Balanant
Cela nous engage !
M. Marc Fesneau
Là est la seule vérité au terme de ces élections : personne n’a gagné. Aucune force politique ici présente ne peut par conséquent prétendre qu’elle détient à elle seule la légitimité à gouverner et que son idéologie est la seule qui domine. Le message des urnes est clair : puisque personne n’est en situation de décider seul, il vous appartient, il nous appartient de dialoguer, de dépasser nos différences et peut-être d’apprendre enfin à nous rassembler sur l’essentiel. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
Ainsi en ont décidé les Françaises et les Français le 30 juin et le 7 juillet derniers. Cela nous engage, nous lie, nous oblige – et vous oblige, monsieur le Premier ministre.
Vous aviez la lourde responsabilité de former un gouvernement qui soit à l’image du vote, dont les équilibres répondent à une logique de rassemblement large et cohérent autour des forces démocrates et républicaines. C’est ce qu’attendaient les Français et que nous, au groupe Les Démocrates, appelions avec force de nos vœux.
La vérité m’oblige à dire que nous n’y sommes pas et que nous aurions souhaité pouvoir définir un véritable contrat d’action gouvernementale. Toutefois, la vérité m’oblige aussi à ajouter que vous seul n’êtes pas – tant s’en faut – responsable de cette situation que notre groupe déplore. En effet, ce gouvernement déséquilibré procède avant tout du refus du Nouveau Front populaire – en tout cas de ceux qui se sont exprimés en son nom et qui le dominent – d’engager le dialogue voulu par les Français, de son opposition pavlovienne et dogmatique à tout ce qui n’appartient pas à son cartel électoral (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem), et cela alors même que la crise profonde que traverse le pays exigeait que, tous, nous prenions nos responsabilités.
Mme Blandine Brocard
Ils ne connaissent pas ce mot, « responsabilités » !
M. Marc Fesneau
Ce refus du Nouveau Front populaire constitue une trahison de la gauche de gouvernement à l’égard de son histoire.
M. Gabriel Amard
Absolument pas ! C’est tout l’inverse !
M. Marc Fesneau
Il montre qu’un parti, autrefois parti de gouvernement, et ses alliés se retrouvent désormais prisonniers de La France insoumise. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SOC.) Pire : vous n’avez cessé, depuis, de dénoncer le déséquilibre d’un gouvernement qui est en partie le produit de votre défection et de vos manquements à l’esprit du front républicain, lequel a pourtant aussi permis votre élection.
Il est vrai que le choix du cynisme et du sectarisme est toujours plus facile et confortable que celui de l’esprit de responsabilité et de la recherche de convergences. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
Plutôt que d’œuvrer utilement, dans le cadre d’un dialogue avec les forces politiques,…
M. Boris Vallaud
Avec l’extrême droite ?
M. Marc Fesneau
…à la justice sociale, aux transitions écologiques, à la défense des valeurs qui fondent notre pacte républicain ou au projet européen, vous avez fait le choix de l’immobilisme et du renoncement. Au fond, vous avez réussi à rendre impossible la nomination d’un Premier ministre issu de vos propres rangs et inévitable la situation que vous critiquez aujourd’hui. À la vérité, personne n’est dupe.
Je sais pourtant que figurent dans vos rangs des femmes et des hommes, sincèrement de gauche, de bonne volonté, qui aspirent à retrouver leur liberté et attendent l’heure de l’émancipation. J’espère qu’un jour nous nous retrouverons dans le respect de nos différences – car elles existent. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.) Je vous invite, au-delà des postures et en vous concentrant sur le fond, à saisir nos mains tendues – le Premier ministre a lui aussi esquissé ce mouvement. (Exclamations sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. Inaki Echaniz
Parlez-nous plutôt de M. Retailleau !
M. Marc Fesneau
Monsieur le Premier ministre, le choix qu’a fait la gauche est une faute. Si notre groupe ne vous en estime pas comptable, sachez que la victoire aux élections ne revient pas, pour autant, à la droite.
M. Erwan Balanant
Certainement pas !
M. Marc Fesneau
Au groupe Les Démocrates, nous tenterons d’être les dépositaires exigeants, vigilants et ardents du message qu’ont adressé les Français. Nous respecterons les nuances qu’ils ont exprimées et qui ne sauraient se réduire à une idée simple, voire simpliste, énoncée trois fois. Si les Français veulent de l’ordre – ce dont je suis certain –, ils sont tout autant attachés au respect de nos libertés publiques et, plus généralement, au principe de l’État de droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR.) Ils n’attendent plus de discours martiaux, qui, d’une certaine manière, ne font qu’alimenter le sentiment de l’impuissance politique, parce qu’ils laissent penser, à tort, qu’il serait possible de passer soudainement et facilement de l’ombre à la lumière ; un tel résumé ne rendrait pas justice au travail engagé depuis sept ans ni ne permettrait de dire la vérité sur le chemin qui reste encore à parcourir dans le combat quotidien pour obtenir des résultats concrets.
Les Français attendent tout simplement des actes. Au groupe Les Démocrates, nous voulons être celles et ceux qui défendront cette indispensable humilité car les Français nous y invitent, comme ils y ont invité l’ancienne majorité – pour laquelle, il faut le reconnaître, les élections législatives ont constitué une défaite. Si nous avions pleinement réussi, nous aurions probablement gagné.
M. Jean-Paul Lecoq
Bravo, monsieur de La Palice ! (Sourires.)
M. Marc Fesneau
Je veux saluer le bilan positif de ces sept dernières années que vous avez évoqué, monsieur le Premier ministre : réforme des retraites, accès aux services publics grâce aux maisons France Services ou encore questions liées à la transition écologique, aux grandes causes nationales et au RSA. J’ai été heureux de vous entendre saluer les politiques que vos amis n’ont pas toujours soutenues ces dernières années. Voilà peut-être une première vertu de l’union nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
Tout en assumant des évolutions et des inflexions – et vous avez eu raison, monsieur le Premier ministre –, vous avez choisi d’éviter la rupture et revendiqué aussi une forme de continuité. C’est une bonne nouvelle. Au sein de notre groupe, nous avons toujours été soucieux, en situation aussi bien de majorité absolue que de majorité relative, de ne jamais alimenter le procès en arrogance qui nous a parfois été fait, de tenter d’être humbles, d’admettre que l’on ne peut répondre à tout de façon immédiate et que le temps long est parfois nécessaire, d’assumer aussi bien les réussites que les insuffisances ou les échecs d’un bilan.
M. Pierre Cordier
Il nous faudrait un haut-commissaire au plan !
M. Marc Fesneau
Je vous remercie, monsieur le Premier ministre, d’avoir fait preuve de ce même état d’esprit.
Sens de la nuance, capacité de dialogue et de dépassement, humilité et sincérité : telles sont les attitudes que les électeurs exigent, y compris – et d’abord – au sein de l’hémicycle. Je le dis à nos collègues parce qu’on m’en parle chaque jour : vous n’imaginez pas le mal que les comportements provocateurs font à la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme Justine Gruet et MM. Franck Riester et Laurent Wauquiez applaudissent également.) Les attitudes que j’ai évoquées sont, me semble-t-il, les clés d’une culture du compromis que nous, avec beaucoup d’autres, défendons depuis longtemps et que, toutes et tous ici, nous devons désormais adopter dans l’intérêt de la France.
Nous soutiendrons un gouvernement qui s’attache à répondre aux attentes des Français. Selon nous, cela passe par la nécessité de trouver un équilibre entre, d’un côté, l’impératif de doter la France d’un budget afin de financer nos politiques publiques, de l’autre, la forte attente de justice fiscale et sociale qui a été exprimée. J’ai la conviction que ces deux impératifs peuvent se conjuguer.
Cela passe aussi par les réponses que nous apporterons face au sentiment d’impuissance publique. Concernant l’accès aux services publics, la santé ou – question fondamentale – l’éducation, il existe en effet le sentiment lancinant que, malgré les moyens déployés depuis plusieurs décennies, des inégalités perdurent et des dysfonctionnements persistent ou s’accentuent. S’agissant de l’immigration, de la justice et de la sécurité au quotidien, il existe le sentiment que l’État mène une action encore trop peu efficace et que son autorité est trop souvent bafouée, et ce malgré les nombreuses lois adoptées depuis 2007. Comme dans bien d’autres domaines, il s’agit non pas de voter toujours plus de lois mais de faire appliquer celles qui existent – vous l’avez d’ailleurs dit vous-même, monsieur le Premier ministre.
Oui, notre groupe soutiendra l’action qui sera menée pour répondre à ces attentes, en prenant en considération leur globalité et leur complexité. Nous le ferons avant tout par sens du devoir et, je le redis, sans arrière-pensée ni calcul politicien. Tel est le sens de la participation au Gouvernement de ministres issus de nos rangs ; nous nous prononcerons en toute occasion suivant un esprit de responsabilité.
Cela étant, si nous avions été d’accord sur tout, il ne nous aurait pas fallu sept ans pour nous asseoir autour de la même table et tenter de former un gouvernement. Des différences nous séparent. En humanistes, nous nous opposerons à tout choix politique alimentant la recherche de boucs émissaires ou les ferments de la division, notamment par la caricature. Dresser l’étranger ou l’immigré contre celui qui ne l’est pas, le laïque contre le religieux, le pauvre contre le riche, le rural contre l’urbain, la croissance contre l’écologie ou la solidarité ne ferait que précipiter notre échec collectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
Monsieur le Premier ministre, vous avez évoqué ce que certains appellent les lignes rouges.
M. Thibault Bazin
Dans votre cas, il s’agit plutôt de lignes orange !
M. Marc Fesneau
Vous savez que je ne suis pas très friand de cette expression et je crois comprendre que vous ne l’êtes pas davantage.
M. Jean-Paul Lecoq
La couleur rouge vous poserait-elle un problème ?
M. Marc Fesneau
À la vérité, en employant ces termes, vous avez simplement, utilement et clairement rappelé les éléments fondateurs de notre pacte républicain. À la lumière de ce que nous savons de vous et de votre parcours, cela ne m’étonne pas et il était utile, dans cette enceinte et à ce moment, de l’entendre – et pour certains, peut-être, de le réentendre.
Aucun choix politique qui s’affranchirait du cadre de nos engagements européens ne serait acceptable car, si nous observons avec lucidité les importantes imperfections que présente le fonctionnement des institutions européennes, nous sommes viscéralement attachés au projet que défend l’Europe. Si nous devons la changer, c’est en Européens et non suivant la logique du chacun pour soi.
Je sais, monsieur le Premier ministre, qu’il s’agit de l’engagement de votre vie et que vous l’avez parfois assumé contre vos propres amis. En outre, pour en avoir fait l’expérience, je crois comme vous à la nécessité de cultiver une véritable influence européenne.
Nous, parlementaires du groupe Les Démocrates, croyons qu’il existe un chemin sur lequel il est possible de rassembler les Français au sein de cette assemblée sans majorité absolue, un chemin que nous pourrons suivre pour surmonter l’obstacle budgétaire. Je vous présenterai rapidement quelques principes d’action et de soutien.
Le premier de ces principes consiste à ancrer le budget dans les trajectoires qui, au Parlement, ces dernières années, ont été définies de manière pluriannuelle et – du moins en grande partie – consensuelle. Pour cela, il nous paraît important de préserver les orientations fixées en matière militaire, de justice et de sécurité ou en faveur de la recherche.
M. Pierre Cordier
Pas forcément !
M. Marc Fesneau
Elles constituent le bilan des gouvernements qui se sont succédé depuis 2017. Nous en sommes fiers en notre nom et au nom de ceux pour qui ces mesures ont été prises : policiers, gendarmes, soignants, militaires.
M. Erwan Balanant
Et magistrats !
M. Marc Fesneau
Et magistrats.
Cet ancrage, cependant, ne doit pas nous empêcher de remettre en question des trajectoires et des dépenses d’une autre nature. Je pense aux aides aux entreprises ou encore à la poursuite de la diminution des impôts de production. Nous serons à vos côtés pour trouver des solutions parce que c’est là une question de souveraineté.
Je parlais à l’instant des moyens alloués à nos armées. Je voudrais saluer leur action ainsi que vos propos relatifs à la défense par la France de l’indépendance et de la souveraineté de l’Ukraine, à son soutien à la lutte contre tous les impérialismes et à son appui à la recherche inlassable de la paix pour les peuples du Moyen et du Proche-Orient – qui n’aspirent qu’à elle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)
Notre deuxième principe d’action est le suivant : ne pas sacrifier les impératifs de la transition écologique sur l’autel de considérations purement comptables. Les transitions engagées, notamment dans le cadre de la planification écologique, sont essentielles – je pourrais évoquer leur importance pour notre agriculture – et il faut par conséquent les confirmer.
Plus encore, il convient d’adapter ou de réexaminer nos dépenses fiscales lorsqu’elles vont à l’encontre de la réponse que nous avons l’obligation de formuler face à l’urgence climatique. C’est une question de cohérence et d’urgence, comme vous l’avez indiqué.
Troisième et dernier principe, en faveur duquel notre groupe s’est constamment engagé – je tiens à saluer tout particulièrement les combats menés sous la présidence de Jean-Paul Mattei (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe SOC) : le budget doit être respectueux de la justice fiscale et sociale. Je pense à la taxation des superdividendes et des rachats d’actions ou encore de la fiscalité sur le capital. Si l’on veut vraiment réhabiliter le travail, il faut mettre fin aux situations de rente en général et de rente fiscale en particulier. Nous le ferons conformément à l’objectif qui a été le nôtre et celui des gouvernements depuis 2017 : alléger la charge fiscale de nos concitoyens et envoyer des signaux favorables à la création de richesse et à l’attractivité de notre pays.
Cette stratégie fiscale a porté ses fruits. Il ne faudra pas la perdre de vue. Notre discours est le même et notre effort est continu depuis près de sept ans.
M. Thibault Bazin
C’est vrai !
M. Marc Fesneau
Il serait également utile de poursuivre le travail engagé relativement à plusieurs questions dont le traitement est susceptible de faire consensus. Vous avez notamment fait allusion au projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture, tant attendu par les agriculteurs. Ceux-ci comptent sur le pragmatisme que je suis heureux d’avoir entendu dans votre bouche. Ce pragmatisme s’inscrit dans le prolongement de ce qu’évoquait Gabriel Attal et de notre action depuis février 2024. Il faut avoir l’humilité de reconnaître que tout n’a pas été achevé et que ce travail doit se poursuivre.
Il en va de même de la simplification, éternel enjeu français, si nécessaire pour libérer et donner envie de faire, d’essayer, d’innover, ainsi que de la fin de vie. S’agissant de ce dernier sujet, éminemment important, l’examen du projet de loi pourrait trouver son point d’équilibre entre les deux assemblées. J’ai bien entendu ce que vous avez dit sur ce point, monsieur le Premier ministre. Je ne suis pas certain que nous ayons besoin d’y réfléchir davantage. Il faudrait plutôt inscrire à nouveau ce texte à l’ordre du jour. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme Élisabeth Borne applaudit également.)
Je n’oublie pas les initiatives parlementaires, de quelque banc qu’elles viennent, qui peuvent faire évoluer la vie de nos concitoyens de manière utile et concrète et doivent poursuivre un parcours législatif parfois interrompu par la dissolution. Je rends hommage aux ouvertures que vous avez faites de ce point de vue en affirmant que le Parlement devait se saisir d’un nombre de textes plus important et, en filigrane, qu’il s’agissait de légiférer non pas davantage mais mieux – c’est un ancien ministre des relations avec le Parlement qui vous le dit.
Il faut en outre s’engager dans un chemin tout aussi nécessaire et possible : celui de l’amélioration de l’accès aux services publics et de leur efficacité. Pour éviter la dispersion, je ne mentionnerai que deux priorités : la santé et l’éducation.
Concernant la santé, nous pourrions avancer dans trois directions au moins : notre capacité à garantir notre approvisionnement en médicaments, la promotion d’une culture de la prévention par la modification du mode de rémunération et la lutte contre les déserts médicaux. Cette lutte requiert l’instauration de ce que j’appelle un service médical minimum territorialisé, dont il nous faudra dessiner les contours en attendant que les mesures prises ces dernières années produisent les effets que nous espérons. Nous examinerons avec attention vos propositions.
Pour ce qui est de l’éducation, nous pouvons nous interroger lucidement sur la pertinence de la réforme dite du choc des savoirs. Il faut en tout cas faire davantage confiance aux enseignants, dont il convient de conforter et de renforcer la capacité d’initiative.
Plus encore, il est nécessaire de traiter la question de l’efficacité des services publics sur la base d’un travail de fond relatif au contrôle et à l’évaluation des politiques publiques. Il faut en effet améliorer les politiques que nous conduisons afin qu’elles répondent aux attentes de celles et ceux qui sont supposés en bénéficier. C’est là un enjeu crucial pour rétablir la confiance de nos concitoyens dans l’action publique.
J’ai écouté avec intérêt votre évocation des éléments de méthode que vous souhaitez appliquer pour valoriser l’implication des collectivités territoriales. Nous vous suivrons dans cette voie et, en tant qu’élu local et président d’un groupe attaché à la logique de décentralisation, j’y serai attentif. Il convient de se tenir à un principe de base : celui de la confiance, qui doit être réciproque, comme doit l’être la responsabilité.
Enfin, je n’oublie pas que les Français, par leur vote, ont exprimé une défiance envers nos institutions. Ils ont en quelque sorte fabriqué un scrutin proportionnel par les urnes, dont les effets bénéfiques, faute d’une loi électorale préalable, ne peuvent se déployer. J’ai entendu vos propos à ce sujet, sur lequel nous continuerons de travailler. Nous avons besoin pour ce faire d’un calendrier.
Vous l’aurez compris, monsieur le Premier ministre : dès lors que votre action et celle de votre gouvernement seront fidèles à la volonté que les Français ont exprimée – et, si j’en crois ce que j’ai entendu, elles le seront –, nous serons à vos côtés, déterminés, soucieux d’efficacité et conscients de la gravité du moment. Votre discours a fait état d’orientations dont l’immense majorité nous convient et va dans le bon sens, avec pragmatisme.
Dans la suite de nos débats législatifs, nous déterminerons ce qui s’inscrit dans la ligne de l’engagement de notre groupe, en prenant nos responsabilités, parce que nous voulons la réussite de la France, mais en toute liberté : nous serons toujours les dépositaires du message des Français.
Vous avez raison, monsieur le Premier ministre, de vouloir, en montagnard que vous êtes, avancer pas à pas – c’est plus sage et plus sûr, vu ce que nous avons à gravir ensemble. Et l’élu des plaines de Beauce que je suis vous répond que les femmes et les hommes de bonne volonté que nous sommes sont prêts à vous accompagner, avec l’engagement et la lucidité nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Marcangeli.
M. Laurent Marcangeli (HOR)
Cela fait précisément trois mois et vingt-quatre jours que nous ne nous sommes pas exprimés publiquement dans cet hémicycle. Si la vie politique a battu son plein cet été, surtout sur les plateaux de télévision, l’action politique en a, en revanche, beaucoup souffert.
Je ne cherche pas ici à désigner un ou plusieurs responsables.
Mme Anne-Laure Blin
Le responsable, c’est Emmanuel Macron !
M. Laurent Marcangeli
Soyons lucides : de cet échec, nous sommes tous un peu comptables. Faute d’une culture du compromis politique, nous n’avons pas réussi à nous mettre d’accord pour aboutir à un pacte de gouvernement aussi large que possible.
Or, pendant cette période, les problèmes du pays n’ont, quant à eux, pas été mis entre parenthèses. Les Français, qui se sont massivement déplacés aux urnes lors des dernières élections législatives, attendent des réponses, des résultats, de l’efficacité dans le traitement d’enjeux urgents : pouvoir d’achat, sécurité, santé, éducation, transition écologique – pour ne citer que ceux-là. Il est urgent d’en finir avec le sentiment trop répandu d’une impuissance publique.
Il est difficile de proposer une lecture claire des résultats des dernières élections législatives puisque, contrairement à ce que j’entends ici ou là, personne ne les a emportées. Toutefois, s’il est une certitude, c’est que par leur suffrage, les Français ont choisi de confier aux parlementaires la stabilité politique et institutionnelle de ce pays. Il en résulte que, depuis le début la Ve République, la place de l’Assemblée nationale n’a jamais été aussi importante qu’aujourd’hui. Nous avons la responsabilité collective de ne pas tomber dans les affres de la IVe République.
Depuis juillet dernier, voire depuis juin 2022, par les voix d’Édouard Philippe et du groupe Horizons & indépendants que je préside, nous avons fait preuve de constance en appelant systématiquement au rassemblement. Au soir du second tour des élections, prenant acte de la nouvelle composition de l’Assemblée, nous appelions de nouveau au rassemblement le plus large possible, de la droite conservatrice à la gauche sociale-démocrate. Cet appel à la responsabilité et à l’apaisement d’un pays fracturé est malheureusement resté lettre morte. Je le regrette vivement.
Monsieur le Premier ministre, de la constance découlent la cohérence et la clarté. Nous n’avons pas changé d’avis au sujet des réponses que nous souhaitons apporter aux préoccupations qu’expriment les Françaises et les Français. Ainsi, nous sommes toujours convaincus que le travail doit permettre l’élévation du niveau de vie. En janvier dernier, j’évoquais devant votre prédécesseur l’inquiétante érosion de la société du travail et le fait que travailler sérieusement ne permet plus à la plupart des gens d’élever leur condition.
J’en veux pour preuve la crise de l’accession à la propriété immobilière : pénalisée ces dernières années par la forte croissance des prix et plus récemment par la remontée brutale des taux d’intérêt, cette accession ressemble plus à un espoir lointain qu’à un projet concret pour de nombreux Français. Voilà de quoi nourrir un redoutable sentiment de stagnation sociale. Plus profondément, c’est toute la confiance dans notre société du travail qui s’en trouve ébranlée. De telles situations suscitent le sentiment d’une absence de considération, auquel nous devons tous remédier.
Parce qu’une démocratie a besoin d’ordre et d’autorité, nous prônons aussi un État fort, qui maîtrise ses flux migratoires et rende la justice avec fermeté et efficacité. Face aux menaces qui planent sur lui, de l’entrisme religieux à l’antisémitisme, nous serons intransigeants dans la défense des valeurs de la République.
M. Thibault Bazin
Il a raison !
M. Laurent Marcangeli
La République française doit rester indivisible, laïque, démocratique et sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
À ce titre, je souhaite revenir sur la crise qui frappe la Nouvelle-Calédonie, dont souffrent toujours nos concitoyens du Caillou, et cela malgré sa disparition presque totale des gros titres de presse. Cette crise de sécurité intérieure tient au cœur des députés de notre groupe. Je me réjouis, monsieur le Premier ministre, que vous vous saisissiez pleinement de cette question capitale. Il faudra de même s’occuper du reste de nos départements et territoires d’outre-mer – je pense aux Antilles et à Mayotte, qui subit depuis trop longtemps une crise sans précédent.
M. Frédéric Maillot
Et La Réunion ?
M. Laurent Marcangeli
Des travaux visant à armer et à renforcer notre justice ont déjà été réalisés et n’attendent que d’être présentés à cette assemblée. J’en profite pour rappeler que la lutte contre les trafics et le crime organisé doit être prise à bras-le-corps par le Gouvernement. Il est nécessaire d’aménager le statut de repenti, de doter la justice de moyens supplémentaires, de lutter contre les organisations criminelles qui ne cessent de gangrener nos quartiers et qui, dans certains pays voisins, mettent parfois en péril le fait démocratique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR.)
Parce que notre pays ne pourra pas affronter les défis à venir sans rebâtir un système de santé fiable et fonctionnel, nous faisons de l’accès aux soins pour tous une priorité. C’est une conviction partagée sur l’ensemble des bancs de cet hémicycle. Par une proposition de loi, nous avons tenté de proposer une réponse réaliste, en confiant aux acteurs locaux l’organisation de l’offre de soins. Ce serait la première marche d’un grand escalier à gravir. Le nouveau gouvernement devra poursuivre ce travail, de même qu’il devra se pencher sur la question des déficits récurrents dans les Ehpad, qui sont une source d’inquiétude pour nos aînés et pour leurs familles.
Monsieur le Premier ministre, vous avez récemment annoncé votre souhait de faire de la santé mentale une grande cause nationale. Je tiens à vous dire que c’est une cause que mon groupe soutient pleinement. Au cours de mes travaux préparatoires à la loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, j’ai cherché à faire un état de la recherche sur l’usage excessif de ces réseaux à un jeune âge : j’ai été saisi par l’ampleur du problème, bien plus grave qu’on ne l’imagine chez les préadolescents, voire chez les écoliers. Plus largement, la moralisation de la vie numérique de notre pays est une question primordiale ; il faudra certes la traiter en connexion avec les politiques européennes décidées il y a peu en la matière, mais en allant plus loin.
C’est bien parce que l’école est au cœur de la promesse républicaine que nous devons lui redonner sa juste place. Elle doit préparer au mieux les citoyens de demain en garantissant la progression de chacun et l’excellence du plus grand nombre. L’école, lieu d’apprentissage des règles républicaines, doit cesser d’être une machine de reproduction sociale ; pour cela, il faut privilégier la liberté et la responsabilité des établissements scolaires.
Cette politique scolaire doit s’appliquer de façon homogène sur tout notre territoire et pour tous les enfants, qu’ils grandissent en milieu rural ou en milieu urbain. Je veux dire aux enfants concernés que les occasions ne sont pas réservées aux seuls habitants des grandes métropoles et affirmer à leurs parents notre volonté systématique de lutter contre le sentiment de relégation et d’exclusion géographique. C’est ainsi que nous mettrons à mal la thèse selon laquelle il existerait une France périphérique, dénigrée par les responsables politiques et snobée par le pouvoir central parisien. Le groupe Horizons & indépendants, dont la composition témoigne d’une grande diversité de parcours et d’implantation géographique, ne peut consentir à une telle vision binaire du système scolaire – et de la société en général.
Je suis convaincu que, dans cet hémicycle, des majorités existent au cas par cas, pour faire avancer les grands chantiers que je viens de citer. Je le dis avec solennité : il y a urgence à agir. Le blocage du pays, rythmé par des esclandres et invectives quotidiennes, est un luxe que nous ne pouvons pas nous permettre.
Il faut donc agir dans l’intérêt général, avec pragmatisme et sans ambition démesurée compte tenu des rapports de force politiques inédits dans l’hémicycle, faute de quoi nous exposerions le pays et les Français à de grands dangers.
Le premier danger qui nous guette, c’est bien entendu l’examen imminent des budgets de l’État et de la sécurité sociale par les deux chambres parlementaires. Ces textes ne sont pas optionnels, ils doivent être votés dans les délais imposés par la Constitution. Vous venez de le dire, monsieur le Premier ministre : notre marge de manœuvre est réduite. Le risque est, à terme, de ne plus avoir les mains libres s’agissant de notre destin financier. Un budget pour 2025 plus dépensier qu’auparavant ou l’impossibilité d’en adopter un amputerait notre crédibilité à l’international, ce qui entraînerait inexorablement une hausse des taux d’intérêt de notre dette. Les chiffres parlent d’eux-mêmes – nul besoin de les rappeler – et il serait illusoire de penser que la réalité ne finirait pas un jour par nous rattraper ; et si ce n’est pas vous et moi, mes chers collègues, elle rattraperait nos enfants et nos petits-enfants. Du reste, pour des raisons encore inexpliquées à ce jour, le déficit public annoncé est, une fois encore, significativement supérieur aux prévisions de Bercy. Nous comprenons que cela proviendrait de recettes fiscales inférieures à celles qui étaient prévues, mais comment justifier un tel décalage ? La vague paraît si haute que nous pourrions être tentés par l’inaction, fruit du déni ou du fatalisme… Ne rien faire, c’est s’assurer de faire chavirer le paquebot France ! Le groupe Horizons & indépendants croit que quelques principes simples doivent nous guider pour l’éviter.
Le débat sur les hausses d’impôt ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt de la réduction de la dépense publique : il convient de réduire le train de vie de l’État, de faire aussi bien, sinon mieux, avec moins. C’est possible si l’on prend le temps d’évaluer l’efficacité de chaque euro d’argent public investi. N’ayons pas peur de cultiver la notion de performance des politiques publiques ; il ne faut pas hésiter à se retourner de temps en temps pour évaluer ou réévaluer tel ou tel dispositif et, s’il n’a pas marché, à le supprimer à des fins de rationalisation. De même, chaque nouvelle dépense devra être financée.
Quant à la lutte contre les fraudes, qu’elles soient fiscales ou sociales, elle nous paraît un axe prioritaire pour le Gouvernement et je me félicite que vous l’ayez évoquée. On est depuis peu enfin capable d’évaluer le coût de la fraude sociale : à elle seule, elle représente à peu près 13 milliards d’euros par an, dont quelques centaines de millions seulement sont récupérés. C’est une confiscation insupportable des fruits du travail des Français.
On ne peut pas céder encore à ce vieux réflexe d’augmenter les impôts de façon indifférenciée alors que nous sommes déjà les champions des taux de prélèvement obligatoire dans l’Union européenne. Les classes moyennes, trop riches pour percevoir les bénéfices de notre système de redistribution et trop pauvres pour ne pas regarder à leurs dépenses, n’ont pas à supporter la majorité de l’effort fiscal. Et s’agissant des entreprises, rappelons que la stabilité fiscale a été un atout majeur qui a permis d’attirer les investissements, notamment industriels, vers notre pays depuis 2017.
Plus généralement, nous considérons qu’il ne faut pas se lancer dans une course consistant à défaire ce qui a été fait en matière économique – et qui a fonctionné. Préserver ces précieux acquis n’empêchera pas quelques ajustements conjoncturels, s’ils se font dans le respect de l’esprit de la politique fiscale menée jusqu’à présent. L’essentiel est que chacun contribue à sa juste part et puisse vivre de son travail sans tomber en état d’asphyxie fiscale.
Monsieur le Premier ministre, notre groupe souhaite par ailleurs appeler votre attention sur le respect de diverses trajectoires financières adoptées sous la précédente législature.
Ainsi, dans un monde en proie au retour de conflits plus longs et plus intenses, notamment en Ukraine et au Proche-Orient, la loi de programmation militaire est un rempart pour la protection des intérêts de la France, un signal envoyé à ceux qui privilégient le rapport de force : nous leur montrons que nous avons conscience de la réapparition de ces dangers et que nous préparons notre pays à un maximum d’éventualités.
Sur le plan de la sécurité intérieure, les lois d’orientation et de programmation des ministères de l’intérieur et de la justice répondent à l’urgence d’augmenter les moyens humains et matériels. Ces moyens supplémentaires permettent de renforcer l’accès à ces services publics sur l’ensemble du territoire. Il ne faudrait pas revenir dessus.
Quant aux retraites, nous pouvons, bien sûr, effectuer des ajustements à la réforme de 2023, par exemple en faveur de certaines catégories de métier particulièrement pénibles – notre groupe est prêt à en discuter –, mais nous ne souhaitons pas porter atteinte à sa philosophie générale, qui améliore la robustesse de notre système de retraites par répartition. Là encore, ce n’est pas à nos enfants de porter le poids de cette dette.
La réduction de nos déficits est un combat à mener dans la longue durée – un combat difficile car le péril semble parfois si lointain qu’il en paraît invisible. Il est lointain mais il est réel. Et c’est le même défi que nous devons relever avec la transition écologique : je pense que vous avez raison, monsieur le Premier ministre, d’associer dette publique et dette écologique.
Pragmatique, fondée sur les notions de progrès, de sobriété, de durabilité et de bon sens, la transition écologique doit irriguer l’ensemble de nos politiques publiques tout en veillant à ne pas prendre nos concitoyens en étau. Je pense à cet égard notamment à la récente crise agricole, une parfaite illustration du mal que représente l’excès de normes qui aboutit parfois à des injonctions contradictoires pour une profession qui souffre tant. Écologie et agriculture n’ont pourtant pas à être antinomiques.
Nous prônons, vous le savez, le développement soutenu de l’énergie nucléaire, technologie maîtrisée, décarbonée et bon marché. La décarbonation est aussi un enjeu budgétaire : plus on baissera le niveau d’émissions de CO2, plus on préviendra les risques, moins l’État devra intervenir pour régler la facture des catastrophes environnementales. J’y attache une importance d’autant plus grande que, comme chacun le sait, je suis l’élu d’une île particulièrement fière de sa biodiversité et de ses paysages. Je souhaite d’ailleurs vous remercier d’avoir mentionné cette région dont je suis issu dans votre déclaration de politique générale, monsieur le Premier ministre. Vous en avez rappelé les deux enjeux : l’un est institutionnel – et je me réjouis que mon amie Catherine Vautrin soit notre partenaire dans le cadre des discussions qui doivent se poursuivre ; l’autre, économique et social, est propre aux îles, fussent-elles proches du continent, comme la Corse. (Mme Anne Le Hénanff applaudit.)
Si je devais résumer notre position, je déclarerais que nous sommes heureux de participer à ce gouvernement – je salue la présence en son sein de Paul Christophe, Charlotte Parmentier-Lecoq et Marie-Agnès Poussier-Winsback. (Mme Anne Le Hénanff applaudit.) Vous nous trouverez toujours à vos côtés, monsieur le Premier ministre, pour soutenir des mesures concrètes qui vont dans le bon sens, celui qui contribue à faire de la France un pays plus fort, plus juste, plus prospère. Nous serons également au rendez-vous s’il faut accepter des mesures qui ne tournent pas viscéralement le dos à nos convictions – l’art du compromis et du consensus devant à mon avis s’implanter dans cet hémicycle à la faveur de cette législature. Enfin, si d’aventure nous nous opposions à certaines de vos propositions, ne doutez ni de notre sincérité ni de notre modération quand nous vous le dirons. Ce triptyque est la seule configuration qui nous permette de faire face aux temps incertains, confus, parfois instables qui nous guettent. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe EPR. – M. Laurent Wauquiez applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Lenormand.
M. Stéphane Lenormand (LIOT)
Jamais la France n’est apparue aussi divisée alors que les crises se multiplient. Cette assemblée, issue de la dissolution voulue par le Président de la République, ressemble au peuple français, qui nous a adressé des messages forts lors de ces dernières élections législatives. Ces messages, monsieur le Premier ministre, vous obligent à une véritable rupture, tant sur le fond que sur la forme, avec les politiques menées ces dernières années. Il faut plus d’écoute, plus de dialogue, plus de respect du Parlement, tout en dégageant des objectifs partagés et en abandonnant un centralisme déconnecté des réalités de nos concitoyens et des territoires éloignés des grandes métropoles.
Malgré le contexte fédérateur des Jeux olympiques, une majorité de Français voient l’avenir de la France, et par conséquent le leur, avec beaucoup d’inquiétude. Pourtant, la vision des Français n’est pas que pessimisme, puisqu’une grande majorité d’entre eux estime que le pays dispose de beaucoup d’atouts. Là où nos concitoyens se montrent en revanche extrêmement critiques, c’est envers leurs représentants politiques. Le défi pour nous tous est immense. L’humilité, la responsabilité et la transparence doivent guider nos pas, ainsi que les vôtres et ceux du Gouvernement.
Fidèle à sa ligne, le groupe LIOT continuera à se positionner comme un groupe indépendant, d’opposition mais constructive, au service de l’intérêt général. Nous continuerons à travailler et à nous prononcer sur les textes à venir sans faire prévaloir une logique de bloc ou de parti, mais en ayant en tête l’intérêt de nos concitoyens, avec pour seule boussole la volonté de répondre à leurs urgences.
M. Paul Molac
Très bien !
M. Stéphane Lenormand
La première d’entre elles est d’engager des réformes visant à améliorer le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Une conférence sociale nationale sur le partage de la valeur, associant les corps intermédiaires, doit être organisée. Il est indispensable de réfléchir aux pistes qui permettront aux entreprises françaises, de toutes tailles, de générer plus de résultats afin de permettre ce partage.
Nous sommes également convaincus que le travail doit être plus rémunérateur. Pour ce faire, il convient de desserrer les étaux réglementaires, parfois inefficaces, qui rendent nos entreprises moins compétitives par rapport à la concurrence étrangère.
Les entreprises et les ménages sont en outre pénalisés par une énergie trop chère ; il y a nécessité à négocier une refonte du mécanisme européen de fixation des prix de l’électricité.
Quant au logement, premier poste de dépenses des Français – vous l’avez rappelé –, il est urgent de l’ériger en grande cause nationale, tant il est symptomatique des problèmes français : surréglementation, manque de visibilité, éparpillement des moyens et, à l’arrivée, absence de résultats probants.
S’agissant du pouvoir d’achat, nous ne pouvons passer sous silence le sort de nos concitoyens d’outre-mer, singulièrement oubliés. Au premier rang des revendications ultramarines, qui ont créé une forte tension et perturbé notamment la Martinique, se trouvent la cherté de la vie et la continuité territoriale. Cette dernière se traduit à la fois par la continuité territoriale des hommes et des femmes, ce qui pose le problème du prix des billets d’avion, et par la continuité territoriale des biens et des marchandises, mise en difficulté par l’explosion du prix des matières importées et du coût de la vie. Nos compatriotes ultramarins attendent des réponses précises. S’agissant de Mayotte, il est impératif de présenter un texte comportant une programmation budgétaire et fixant un calendrier de développement, de manière à répondre aux problèmes rencontrés spécifiquement par nos concitoyens mahorais ; des adaptations sont en outre attendues afin de lutter contre l’immigration clandestine. En Polynésie française, il est indispensable que l’État apporte son soutien au système de santé et de solidarité. Quant à la Nouvelle-Calédonie, elle doit être écoutée, dans un climat apaisé par le dialogue : les tensions qui se sont accrues ces derniers mois l’ont amenée au bord du gouffre ; il faudra l’aider à se relever, socialement comme économiquement.
Un autre territoire insulaire, la Corse, est lui aussi dans l’expectative. Sous la précédente législature, le processus dit de Beauvau a été engagé. Le groupe LIOT estime fondamentale la reprise de ce processus qui répond à une attente majeure, longuement exprimée par le peuple corse et par ses élus. La création d’un ministère du partenariat avec les territoires et de la décentralisation est en ce sens bienvenue ; nous espérons que le flambeau des négociations y sera repris.
Lors des dernières élections législatives, les Françaises et les Français ont exprimé de graves inquiétudes en matière de santé. De nombreux Français, particulièrement dans les territoires ruraux ou ultramarins, rencontrent des difficultés pour obtenir une simple consultation chez un médecin généraliste ou pour accéder à un spécialiste. Des services hospitaliers ferment et les personnels soignants ressentent toujours un mal-être ou de la souffrance. En matière d’accès aux soins, de gestion des hôpitaux et de désertification médicale, nos concitoyens attendent des réponses concrètes et rapides.
Une profonde réforme de notre système de santé, incluant une meilleure prise en charge de la santé mentale, est nécessaire. Il convient aussi de souligner l’importance d’une meilleure prise en compte du vieillissement de la population et de ses conséquences graves en élaborant un plan grand âge ; cela a été souvent évoqué et maintes fois repoussé mais c’est nécessaire. Enfin, je ne saurais faire abstraction de la situation des Ehpad. Elle est problématique et deviendra critique si nous ne faisons rien.
Lors de la précédente législature, notre groupe s’est opposé à l’adoption de la réforme des retraites ; celle-ci a créé crispation, colère et incompréhension au sein de la population, notamment en raison du report de l’âge de départ. Une nouvelle discussion de cette réforme avec les partenaires sociaux, dans le cadre d’une grande conférence sociale, nous paraît indispensable, tout comme la suspension de son application dans l’attente de l’aboutissement des négociations.
La France a besoin de retrouver une démocratie sociale. Seul un changement radical dans la conduite de la politique de l’État, par l’écoute et par la concertation avec les corps intermédiaires et les partenaires sociaux, permettra de relever les défis auxquels est confronté le pays, qu’il s’agisse de la réforme des retraites ou de celle de l’assurance chômage.
L’actualité a été marquée par des drames humains qui ont été l’occasion pour nos concitoyens de nous rappeler l’importance des questions régaliennes comme la sécurité et, surtout, la justice. Les Jeux olympiques ont mis en évidence aux yeux des Français l’efficacité de la présence des forces de l’ordre sur le terrain. Il est devenu clair pour tous qu’il faut plus de personnel actif et visible, ainsi que de nouvelles places de prison, pour une réelle exécution des peines, et des dispositifs efficaces de lutte contre la récidive.
Le contrôle et la limitation effective des flux migratoires sont une source d’interrogations et d’inquiétudes pour nos concitoyens. Des mesures concrètes doivent être déployées, avec pragmatisme, réalisme et rigueur mais aussi avec humanité, ainsi que vous l’avez souligné lors de vos premières prises de parole publiques.
Comme son nom l’indique, le groupe LIOT est attaché aux libertés fondamentales. Nous ne pouvons pas accepter de mettre entre parenthèses les fondamentaux de notre démocratie, au premier rang desquels l’État de droit. Nous attendons de vous, monsieur le Premier ministre, et de l’ensemble du Gouvernement que vous soyez les garants du respect de nos institutions démocratiques, qui ne peuvent souffrir aucune contestation.
Nous sommes parfaitement conscients que le travail du Gouvernement s’engage dans un contexte budgétaire très inquiétant pour le pays, dont les comptes publics sont particulièrement dégradés. L’enjeu majeur de leur redressement doit être abordé dans un esprit de justice fiscale et sociale, notamment en rééquilibrant les charges sur les revenus du travail et celles sur ceux du capital. Nous ferons des propositions responsables d’économies à réaliser et de recettes supplémentaires. Cet effort juste et partagé ne doit ni reposer sur les plus modestes ni détruire l’appareil de production et les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME).
Enfin, comment comprendre qu’avec des niveaux de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires parmi les plus élevés au monde, une grande partie de nos services publics – la santé, la sécurité, la justice, le logement, l’éducation – ne fonctionnent pas ?
M. Jean-Paul Lecoq
C’est la bombe atomique ! Elle a coûté cher !
M. Stéphane Lenormand
Les Français sont majoritairement insatisfaits. À vouloir s’occuper de tout, l’État central finit par faire tout mal. Au groupe LIOT, nous sommes convaincus que la centralisation exacerbée du pays est un facteur de tensions sociales et de dégradation démocratique qui contribue lourdement aux déficits budgétaires.
Un grand mouvement de décentralisation politique, avec l’attribution d’un pouvoir réglementaire aux élus locaux dans leurs domaines de compétences et l’avènement d’une véritable autonomie fiscale, donnerait à la France l’occasion de retrouver confiance en son avenir et de mieux maîtriser sa trajectoire budgétaire. Nous appelons ardemment de nos vœux ce nouveau processus de décentralisation, afin de libérer le pays des pesanteurs administratives étatiques.
En conclusion, notre priorité au cours de cette législature est d’être une force à la fois d’opposition et de proposition, dans le dialogue et le respect de tous, afin de donner une chance à notre pays et à nos concitoyens d’aborder l’avenir avec plus de sérénité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – MM. Marcellin Nadeau et Steevy Gustave applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne (GDR)
Le soir de la défaite cuisante de son parti aux élections européennes, le président Macron a décidé de dissoudre notre assemblée. Après avoir plongé le pays dans la plus grande inquiétude, il s’est réjoui du mouvement de clarification qu’apporteraient les élections législatives.
La réponse des électeurs a été on ne peut plus claire : 80 % d’entre eux ont rejeté la politique présidentielle dès le premier tour et près des deux tiers se sont ensuite mobilisés au second tour pour faire barrage à l’extrême droite. Ils ont désigné le Nouveau Front populaire comme première force de l’hémicycle et l’ont donc appelé à diriger le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Malgré cela, le président Macron, recherchant un auteur pour continuer à écrire sa propre histoire, vous a désigné, monsieur le Premier ministre, à la tête d’un gouvernement composé principalement d’élus des Républicains et de la coalition présidentielle ; un gouvernement qui réunit les principaux perdants de l’élection et représente toutes les nuances – libérale, conservatrice, autoritaire – de la droite.
Trois mois plus tard, vous incarnez avec votre gouvernement la triple clarification élyséenne : concernant le profond irrespect du Président de la République pour la démocratie ; concernant les alliés qu’il s’est choisis pour poursuivre son programme politique ; concernant la volonté de l’extrême droite de ne pas entraver ce programme.
Complice de ce hold-up électoral, vous devez, pour garantir votre survie, composer entre votre promesse de poursuivre une politique néolibérale – condition sine qua non à votre recrutement – et votre allégeance à l’extrême droite. Telle est la philosophie de ce gouvernement, que vous a rappelée la présidente du groupe Rassemblement national.
Première satisfaction pour ce dernier : malgré le désastre économique et la détresse sociale auxquels est confronté le pays, vous renforcez la politique d’austérité budgétaire dans le prochain projet de loi de finances. Qu’il ne vous reste presque rien est le résultat de sept ans de désarmement fiscal qui nous prive annuellement, selon la Cour des comptes, de 62 milliards d’euros de recettes en raison des baisses d’impôts offertes aux plus aisés et aux grandes entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS. – M. Gabriel Amard applaudit également.) Ces milliards n’ont jamais ruisselé et, malgré l’échec cuisant de cette politique, vous vous apprêtez à nous rejouer la même rengaine, qui compterait, selon votre ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, parmi les plus grandes réussites de ces dix dernières années.
Les quelques gages de charité fiscale que vous consentirez avec l’assentiment du Medef – et qui ont d’ailleurs déclenché la panique dans une frange radicalisée des députés du camp présidentiel – ne permettront pas de compenser les effets de cette politique désastreuse. Ces gages ne constituent en rien des mesures pérennes de justice fiscale, celle que les Français appellent de leurs vœux. Ils ne masqueront pas les coupes claires, préparées depuis des mois, qui rendent inaccessibles les modestes ambitions que vous avez affichées aujourd’hui. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.)
Votre remède face à la dette aura des conséquences bien palpables : une absence de moyens à la hauteur des besoins dans l’hôpital public et pour l’accès généralisé aux soins ; une pénurie de moyens pour faire face à la crise du logement ; une absence de mesures ambitieuses pour soutenir la réindustrialisation d’un pays dont le secteur manufacturier ne représente qu’à peine 10 % du PIB, bien loin de la moyenne européenne ; une absence de moyens pour permettre à nos agriculteurs de faire face aux crises qui les mettent à terre – crise du revenu, crise climatique, crises sanitaires comme la fièvre catarrhale ovine (FCO) qui ruine des milliers d’élevages (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC. – M. Gabriel Amard applaudit également) ; une pénurie de moyens pour développer le transport ferroviaire et les transports pour tous dans le respect de l’environnement ; un abandon de toute ambition dans la lutte contre les effets du dérèglement climatique, dont de nombreux Français subissent déjà les effets ; une diminution drastique des moyens pour nos territoires dits d’outre-mer qui ne pourra qu’aggraver la crise économique et sociale qui les gangrène (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Mme Danielle Simonnet applaudit également) ; un manque de moyens pour juguler la vulnérabilité économique et la détresse psychologique auxquelles est exposée la jeunesse.
Vous allez également poursuivre le programme présidentiel qui a conduit au naufrage de l’école publique. « Le navire ne changera pas de cap », dit votre ministre de l’éducation nationale, confirmant votre choix de l’immobilisme, du tri scolaire et de la reproduction sociale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.) Face aux personnels qui se sentent délaissés, face aux inégalités qui s’aggravent dans les salles de cours, face à la chute vertigineuse de la performance de notre système éducatif au niveau mondial, vous n’avez rien à proposer.
Tout cela a lieu grâce à la complicité de l’extrême droite (M. Frédéric Boccaletti s’esclaffe), qui vous donne quitus pour continuer à ronger la charpente de l’État social jusqu’à son effondrement irréparable (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR) ; qui applaudit aux propos de votre ministre de l’intérieur, quand il égrène ses priorités ou qu’il remet en cause l’État de droit, accusé de contrarier leur feuille de route xénophobe commune. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) L’État de droit n’est pas une option, monsieur le Premier ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.) Ne pas l’avoir rappelé avec promptitude et fermeté fait augurer le pire pour notre édifice démocratique. Qu’allez-vous encore sacrifier de notre République en échange de la neutralité bienveillante de l’extrême droite ?
M. Laurent Jacobelli
Mais vous êtes communiste !
M. André Chassaigne
En bon Savoyard, vous savez pourtant que quand on sème des épines, on ne va pas sans sabots.
Votre gouvernement sera celui du triomphe des insécurités.
Triomphe de l’insécurité économique et sociale, en premier lieu : aucune mesure concrète n’est prévue dans votre feuille de route pour sécuriser les conditions de vie et répondre à l’angoisse quotidienne de la précarité. Vous continuez à mésestimer une partie grandissante de notre peuple, à commencer par les travailleurs précaires ou pauvres, les jeunes, les étudiants, les retraités, les familles monoparentales, les ménages les plus vulnérables, qui ne peuvent se projeter dans l’avenir faute de perspectives économiques et financières stables. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR. – Mme Danielle Simonnet applaudit également.) Vous ne proposez rien, sinon de vieilles recettes inefficaces,…
M. Ian Boucard
Alors que le communisme, c’est moderne !
M. André Chassaigne
…pour répondre à la précarité de l’emploi, à la stagnation des revenus, à l’augmentation du coût de la vie. Ah, si ! en Martinique, vous répondez par le bâton et par l’envoi de la huitième compagnie républicaine de sécurité, une première depuis 1958 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Votre gouvernement sera aussi celui de l’insécurité géopolitique. Alors que des guerres bouleversent l’ordre du monde, que l’urgence est à l’action pour la paix, la France persiste à préférer le bruit des bottes au bruissement des ailes de colombe. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Sa complaisance coupable à l’égard du gouvernement d’extrême droite israélien met en danger la sécurité internationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. Emeric Salmon
N’avez-vous pas honte ?
M. André Chassaigne
Après avoir abandonné le peuple palestinien aux bombes, la France abandonne le peuple du Liban, malgré l’accord de défense qui la lie à ce pays frère. Votre gouvernement ne fait aucun signe pour permettre à notre pays de retrouver son rôle historique dans cette région. La politique humanitaire ne suffira pas. Il faut des décisions politiques et diplomatiques fermes. Nous vous avons entendu sur la solution à deux États. Quand allez-vous reconnaître l’État de Palestine ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS.)
C’est enfin un gouvernement de l’insécurité institutionnelle, qui a confié sa durée de vie à l’extrême droite sans mesurer les effets d’une telle forfaiture démocratique sur les prochains scrutins. L’insécurité institutionnelle est également installée en Kanaky Nouvelle-Calédonie, où elle a déclenché des émeutes sanglantes. Votre décision de ne pas soumettre le dégel du corps électoral au Congrès est un premier geste d’apaisement. Nous vous attendons désormais pour accompagner le redressement économique et social du territoire.
Monsieur le Premier ministre, votre potion à base d’injustice, d’insécurité et d’instabilité est vraiment trop amère. Jamais nous ne troquerons notre démocratie contre une démocrature ! À « l’ordre, l’ordre, l’ordre », nous répondrons toujours « justice, justice, justice ». (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR, sur plusieurs bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine s’opposeront radicalement à la poursuite de la politique d’austérité néolibérale et autoritaire par votre gouvernement. Nous resterons fidèles à nos engagements. Nous combattrons, avec détermination, le sabotage méthodique de notre État de droit. Par notre action parlementaire et nos propositions, nous défendrons les valeurs qui font la grandeur de notre République indivisible, laïque, démocratique et sociale. (Les députés du groupe GDR se lèvent pour applaudir. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS, dont quelques députés se lèvent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Ciotti.
M. Éric Ciotti (UDR)
Monsieur le Premier ministre, vous venez de prononcer votre discours de politique générale. À l’issue du débat, vous ne solliciterez pas la confiance de la représentation nationale, c’est-à-dire du peuple français. Je le regrette mais, au fond, je vous comprends, car cette confiance vous aurait été refusée. En toute franchise, je vous l’aurais personnellement refusée malgré le respect, la considération et l’amitié que je vous porte. Je ne peux, nous ne pouvons en effet accorder notre confiance à un gouvernement qui vient d’annoncer, comme première et presque seule mesure, une nouvelle augmentation du fardeau fiscal. La seule information concrète qui se trouve dans votre discours, c’est la hausse des impôts.
Mme Christine Arrighi
Vous allez donc voter la motion de censure ?
M. Éric Ciotti
Votre déclaration est étrange : vous êtes le porte-parole de la minorité macroniste responsable de la tempête qui agite notre pays, tout en étant légitimement critique sur le bilan catastrophique de vos prédécesseurs.
La France traverse la pire crise de son histoire depuis 1958. Notre pays se trouve en situation d’urgence absolue : urgence migratoire, urgence sécuritaire, urgence budgétaire. Tous les feux sont au rouge. Le grand effacement de la France dans le concert des nations du monde est en marche. Pour l’enrayer, il faut avoir le courage de regarder enfin la réalité en face. Alors que la France aurait besoin de chirurgie lourde en matière de réformes, vous nous proposez de l’homéopathie à base de tisanes – fussent-elles de nos montagnes ! Le préalable indispensable à toute action, et nous vous le demandons solennellement, est un audit sérieux et indépendant du désastre financier que vous a légué celui qui vous a nommé, celui qui vous soutient, celui avec qui vous avez bâti une alliance électorale : le président Macron.
Mme Nathalie Oziol
Vos disputes de famille ne nous intéressent pas !
M. Éric Ciotti
Regardons les plaies françaises sans détourner le regard, et agissons ! Six crises profondes font de notre pays l’homme malade de l’Europe.
Les deux premières renvoient à la dette et aux déficits. Le Mozart de la finance était en vérité le Beethoven de la dette et des dépenses publiques. Celles-ci représentent 58 % de la richesse nationale, alors que le président Giscard d’Estaing considérait qu’au-delà de 40 %, nous serions dans un État collectiviste.
Troisième plaie : les impôts et les prélèvements obligatoires. Nous détenons le triste record des impôts et des charges les plus élevés au monde. S’il existe des paradis fiscaux, c’est parce qu’il existe des enfers fiscaux, et la France est incontestablement le cœur du volcan de l’enfer fiscal. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme Christine Arrighi
C’est vous, l’enfer ! (Exclamations sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. Éric Ciotti
L’immigration massive, ensuite, menace lourdement la France. L’année dernière, 514 000 étrangers sont entrés légalement en France ; parmi ceux qui sont présents sur notre territoire, près de 1 million sont en situation irrégulière. Un quart des détenus sont étrangers ; un délit sur deux commis à Paris l’est par un étranger. Pendant ce temps, le taux d’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) ne cesse de baisser : 22 % en 2012, 6,9 % en 2023.
L’insécurité est la conséquence de cette situation. Tels des dominos couleur orange mécanique, les chiffres explosent : depuis 2017, les atteintes aux personnes ont augmenté de 80 % ; les homicides et tentatives d’homicide, de 50 %. Toutes les vingt minutes, un policier subit un refus d’obtempérer ; quinze d’entre eux sont blessés chaque jour. Ce sont les fruits de quarante ans de dérives et d’échecs, aggravés par le macronisme et son père spirituel, le hollandisme. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UDR et RN. – Exclamations sur les bancs des groupes SOC et EPR.)
La dernière plaie nationale est le corollaire direct de ce bilan : c’est la crise politique qui nous réunit. En voulant casser la Ve République, le président Macron ravale la Constitution du général de Gaulle en médiocre IVe République. Malgré ses défaites électorales, il a trouvé en vous, monsieur le Premier ministre, et les quelques ralliés à son Titanic, une bouée de sauvetage pour s’accrocher au pouvoir. Mais le pouvoir, en disposez-vous vraiment ? Vous êtes en réalité un Premier ministre sous tutelle présidentielle. Votre directeur de cabinet, assis derrière vous en ce moment même, a été choisi par le président Macron – ce qui ne remet pas en cause sa qualité. L’ensemble du pôle économique et social du Gouvernement, notamment le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et le ministre chargé du budget et des comptes publics, ont été choisis par le président Macron. Votre porte-parole a été choisie par le président Macron. Le ministère de l’immigration, évoqué durant quelques secondes, a été interdit par l’Élysée, tout comme le ministère de la laïcité. La femme politique pressentie pour devenir ministre de la famille a été récusée pour ses convictions.
M. Jean-Yves Bony
Et toi, tu n’as pas été proposé !
M. Éric Ciotti
À vous donc de nous prouver que vous n’êtes pas qu’un Premier ministre sous tutelle élyséenne !
Vos premiers pas nous inquiètent. Notre vigilance tire sa source du scandaleux hold-up électoral du second tour des élections législatives. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.) Après vous être alliés au macronisme au premier tour, vous vous êtes alliés au Nouveau Front populaire au second – une faute historique, une tache indélébile. Le nouveau bloc central a été élu grâce au front de la honte, en appelant à voter pour l’extrême gauche contre l’union des droites. (Mêmes mouvements.)
M. Jean-François Coulomme
C’est vous, la honte !
M. Éric Ciotti
Ce constat étant posé, ces inquiétudes étant formulées, nous soutiendrons toutes les mesures qui iront dans le bon sens et serviront l’intérêt du pays et le bien commun. Nous combattrons toujours le Nouveau Front populaire et ses dérives, guidées par l’outrance des Insoumis – mais ne vous trompez pas de partition : nous sanctionnerons avec la même force la poursuite impuissante du « en même temps ».
Vous vous apprêtez à franchir notre première ligne rouge, celle de l’augmentation des prélèvements obligatoires, ligne que vous aviez pourtant vous-même fixée, que nous avions fixée ensemble avec Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez. Répondre à tout problème par une hausse des impôts ou par une augmentation des dépenses relève d’une forme de paresse intellectuelle. La seule injustice fiscale provient du caractère confiscatoire des prélèvements. Je vous mets en garde contre tout choc fiscal. Vouloir taxer la réussite des entreprises, c’est prendre le risque d’affaiblir la nation tout entière. Toute hausse d’impôts constituerait une hérésie économique et une faute politique. Comment la droite pourrait-elle se renier autant ? Pas vous ! Pas ça ! Pour nous, ce sera clair : aucune augmentation fiscale, d’aucune sorte. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UDR et RN.)
La seconde ligne rouge est celle de l’immigration. Nous vous proposons d’assumer votre programme, celui que vous aviez mis en avant lors de la primaire de la droite. Contre le chaos migratoire, osez défendre ces convictions ! Nous vous offrons l’occasion de le faire en soutenant notre proposition de loi qui reprend toutes nos idées communes du passé. Osez, par-dessus tout, la révision constitutionnelle approuvée par référendum, au titre de l’article 89. Supprimez l’aide médicale d’État au profit d’une aide médicale d’urgence. Interdisez le versement de toute aide sociale aux étrangers avant cinq ans de présence sur le territoire. Révoquez la convention avec l’Algérie. Conditionnez l’octroi de tout visa à la délivrance sans limite de laissez-passer consulaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.) Ce sont vos propositions, celles d’hier.
Monsieur le Premier ministre, refusez le consensus mou, le « en même temps », le diktat moral de la gauche et du macronisme ! Nous vous attendons sur le terrain des réformes courageuses.
M. Rodrigo Arenas
Sur le terrain du RN !
M. Éric Ciotti
Si elles arrivent, nous les soutiendrons. (Les députés des groupes UDR et RN se lèvent pour applaudir.)
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Pradié.
M. Aurélien Pradié (NI)
Le tirage au sort m’a désigné pour m’exprimer à titre de député non inscrit : parfois, l’indépendance a du bon ! (Sourires.)
Avons-nous confiance ? C’est la question qui, ce soir, est posée aux représentants du peuple que sont les députés. Si l’homme qui est entré à Matignon il y a quelques semaines n’a rien oublié des valeurs humaines et politiques qui furent par le passé celles de Michel Barnier, alors oui, à titre personnel, j’ai confiance – si, et seulement si, le Premier ministre d’aujourd’hui n’a rien perdu de sa liberté et de sa conscience d’hier.
Mais une confiance a priori ne saurait suffire. L’intervention d’un député à cette tribune, dans la suite du discours de politique générale du Premier ministre, exige d’abord de la lucidité. Cette même volonté de ne pas raconter d’histoires, que vous avez mentionnée dans votre discours, je veux me l’appliquer – par respect pour votre fonction, pour mon mandat et pour les Français.
De grands dangers guettent notre pays et si vous n’y prenez pas garde, ces mêmes dangers guetteront aussi l’existence politique de votre gouvernement.
Le principal danger, c’est l’illusion. D’abord, l’illusion démocratique. Pour la première fois sous la Ve République, le Gouvernement ne s’appuie pas sur une légitimité électorale. Personne n’a gagné les élections : ni ceux qui ont, bruyamment, fait valoir leur légitimité hypothétique durant des semaines ni ceux qui, aujourd’hui, forment le Gouvernement de la République. Par confort partisan, par choix tactique ou par stratégie individuelle, je pourrais faire comme si de rien n’était, mais la lucidité et le respect des électeurs impliquent de dire clairement les choses.
Vous nous avez invités, monsieur le Premier ministre, à prendre soin de la République, parce qu’elle est fragile. Vous avez raison. À mon tour de nous inviter collectivement à prendre soin de la démocratie, parce qu’à force d’illusions, de fausses histoires racontées par les uns et par les autres, celle-ci se fragilise également.
Vous et vos ministres apparaissez à cette assemblée comme un immeuble sans fondations. Cette situation inédite peut aussi bien être source d’échec que donner naissance à un espoir et à une méthode nouvelle. Je le dis avec une ardente conviction : la seule voie possible sera le rassemblement de tous les bâtisseurs et patriotes allant de la droite républicaine jusqu’à la gauche républicaine. Partielles, toutes les autres configurations seraient fragiles, décevantes et sûrement passagères.
M. Erwan Balanant
Il a raison !
M. Aurélien Pradié
Pour rebâtir la France de l’après-guerre, des femmes et des hommes issus d’horizons politiques différents s’étaient rassemblés dans un gouvernement de reconstruction. Ce qui les réunissait alors n’était pas le bonheur passager de devenir ministre. Ils avaient d’abord en commun ce que n’a aucun d’entre nous, l’acte immense de résistance, mais aussi, ne l’oublions pas, un projet commun et une feuille de route préalablement définie.
C’est l’autre illusion : imaginer que des tractations entre partis politiques, entre écuries, entre chapelles pourraient faire naître une majorité. Seul un projet politique partagé donne une ambition et un horizon. Les tractations sont tôt ou tard des impasses. Le moment exceptionnellement grave que nous connaissons appelle des pratiques gaullistes plutôt que les habitudes de la IVe République. L’équilibre ne peut pas être l’équilibrisme.
Une illusion de plus consisterait à vouloir faire les choses à moitié ou à répondre aux défis d’un monde qui change par de vieilles recettes. Je le dis sans ambages : le levier fiscal, l’augmentation des impôts et des taxes, est une vieille recette. C’est à l’État de produire d’abord les efforts. Ce n’est pas aux Français qui travaillent dur d’être à nouveau sanctionnés.
La dernière illusion est une tentation : la prudence. L’heure n’est pas à la prudence. L’heure est à l’audace et aux révolutions : révolution pour stopper la course folle de l’endettement ; révolution pour assurer – non pas dans les slogans polémiques mais dans les actes – la sécurité des Français et la maîtrise de nos frontières ; révolution dans le combat pour que le mérite redevienne le socle de notre nation.
Du handicap jusqu’au respect des travailleurs qui connaissent les carrières les plus longues et les plus rudes, en passant par les violences faites aux femmes et aux enfants, il y a une bataille essentielle : celle pour la dignité. Dans cet hémicycle, nous avons mené beaucoup de ces combats. Certains furent difficiles et je suis heureux de les voir parmi vos priorités.
Monsieur le Premier ministre, sortir des illusions est la seule issue possible. Rien n’assure de réussir mais l’amour que vous avez, je crois, et que nous avons en commun pour notre pays peut rendre aux Français ce qui leur manque aujourd’hui : l’espoir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR. – M. Raphaël Schellenberger applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le Premier ministre.
M. Michel Barnier,, Premier ministre
Merci, madame la présidente, de me donner la parole au terme de ce long débat, au cours duquel j’ai eu le souci d’écouter tout le monde et de prendre beaucoup de notes sur les interventions, les souhaits et les critiques des uns et des autres.
Je prends la parole à cet instant – il est dix-neuf heures seize – alors que la situation s’aggrave au Proche et au Moyen-Orient : un conflit direct semble s’être engagé entre l’Iran et Israël, situation extrêmement sérieuse.
Si je ne répondrai pas avec précision à chacune de vos interventions, soyez assurés que j’ai écouté avec attention tout ce que vous avez dit. Permettez-moi de faire quelques remarques en style télégraphique.
Madame la présidente Le Pen, j’ai pris bonne note de votre vigilance. Comme d’autres orateurs, vous avez dit que vous ne vous contenteriez pas de paroles, que vous voulez des actes. Cela me va bien. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
Mme Nathalie Oziol
Cela vous va bien ?
M. Matthias Tavel
Ça va, on ne vous dérange pas trop ?
Mme la présidente
S’il vous plaît !
M. Michel Barnier,, Premier ministre
Je dis simplement que je veux avancer pas à pas,…
M. Matthias Tavel
Un peu de décence !
M. Michel Barnier,, Premier ministre
…en faisant attention où je mets les pieds. Tel est mon tempérament de montagnard. Je veux être jugé sur mes actes, que le Gouvernement soit jugé sur ses actes. Je trouve normal que vous soyez dans cet état d’esprit.
Je ne compte pas m’enfermer dans des querelles idéologiques. Le meilleur contrôle des frontières, une meilleure exécution des peines, l’exécution des OQTF : le Gouvernement y travaille. Nous essaierons d’apporter des réponses non pas idéologiques mais pratiques, précises, concrètes pour faire des progrès en matière de maîtrise de l’immigration – avec dignité et fermeté – et de sécurité.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Il a son bon point ?
M. Michel Barnier,, Premier ministre
Vous avez évoqué, de même que M. Ciotti, des hausses de la fiscalité. Il convient de dire la vérité. Je répète une fois pour toutes, à l’intention des orateurs des divers groupes, qu’il n’y aura ni choc fiscal ni matraquage. Si nous devons travailler – j’espère le plus longtemps possible – en bonne intelligence ou du moins dans le respect des uns et des autres, je vous demande que vous ne me fassiez pas dire ou que vous ne disiez pas que le Gouvernement fait certaines choses alors que ce n’est pas vrai. Nous allons faire porter l’essentiel de l’effort – vital pour la crédibilité de notre signature, pour celle de notre action et pour la préservation de l’investissement – sur la maîtrise des dépenses publiques. Dans le cadre d’un budget difficile, nous proposerons ainsi de consacrer les deux tiers de l’effort à cette maîtrise des dépenses – qui concernera toutes les collectivités publiques, notamment celles dont l’État est animateur –, tandis qu’un tiers consistera en une hausse ciblée, exceptionnelle et temporaire de la fiscalité, touchant ceux qui, de mon point de vue, peuvent y participer, notamment parce qu’ils ont été beaucoup soutenus dans les sept années passées par des actions et des financements prioritaires.
M. Matthias Tavel
Rendez l’argent !
M. Michel Barnier,, Premier ministre
Le succès est partagé et je pense que l’effort doit l’être aussi. Ciblées, exceptionnelles et temporaires, ces hausses ne concerneront donc pas tous les Français. J’aimerais que vous me donniez au moins acte que je n’ai pas parlé d’effort général.
J’ai d’autre part indiqué notre ouverture à la prise en considération des travaux relatifs au scrutin proportionnel que votre assemblée a réalisés.
Merci au président Attal pour son soutien vigilant à l’action du Gouvernement. Je l’ai dit : au cours des sept dernières années, il y a eu des réussites. Jamais vous ne m’enfermerez dans une attitude partisane ou sectaire. (L’orateur se tourne vers la gauche de l’hémicycle.) J’ai appris très tôt que le sectarisme était une preuve de faiblesse. Quand on est sectaire, c’est qu’on n’est pas sûr de ses idées ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR et sur quelques bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Je ne serai donc pas sectaire…
M. Matthias Tavel
Vous commencez à devenir arrogant !
M. Michel Barnier,, Premier ministre
…et je veux bien reconnaître que dans les domaines que vous avez précisément et méthodiquement cités – peut-être en avez-vous oublié, d’ailleurs – les gouvernements d’Élisabeth Borne, de Jean Casteix et d’Édouard Philippe ont fait des choses utiles, dont on a constaté les résultats en matière d’attractivité, d’apprentissage, d’économie, de baisse du chômage.
M. Manuel Bompard
De misère !
M. Michel Barnier,, Premier ministre
Je ne dirai pas autre chose, puisque c’est vrai. Cela étant, si le choix des électeurs n’a pas été au rendez-vous, c’est qu’il doit y avoir des raisons. Il importe de les comprendre et de reconnaître qu’il faut des changements, des ruptures et probablement aussi de la persévérance dans les domaines où cela a bien marché. Voilà mon état d’esprit.
Dans le débat qui va s’engager sur le projet de loi de finances, je vous demande de bien comprendre et de ne pas travestir l’indication suivante : les deux tiers de l’effort porteront sur la maîtrise de la dépense publique.
M. Boris Vallaud
C’est votre proposition : on verra !
M. Michel Barnier,, Premier ministre
Ce sera difficile et je serai, monsieur Attal, très attentif à vos propositions d’économies supplémentaires (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – M. Gabriel Attal applaudit également) afin de faire face au déficit que j’ai trouvé en arrivant. (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN, LFI-NFP et EcoS.)
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
Saine ambiance !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Il faudra que vous vous habituiez, les uns et les autres, à m’entendre dire ce que je pense !
M. Erwan Balanant
On aurait aussi pu ne pas payer les salaires des Français pendant la crise du covid !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Monsieur Attal, vous avez raison de dire votre attachement aux libertés fondamentales. Je le partage. Nous ne ferons aucune concession concernant leur protection.
Je suis aussi d’accord avec une phrase que vous avez prononcée : la confiance ne se décrète pas. Elle ne tombe pas du ciel. Je ne vous demande pas de me l’accorder de manière automatique : l’équipe des ministres qui sont à mes côtés et moi-même voulons la mériter.
Madame la présidente Panot, où avez-vous trouvé que je chercherais à vous faire peur ?
Mme Mathilde Panot
En l’occurrence, je ne parlais pas de vous, mais de M. Macron.
M. Pierre Cordier
C’est le grand méchant loup !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Je suis rassuré. (Sourires.) Cela fait peut-être trop longtemps que je ne suis pas venu dans cette assemblée – j’ai été député pendant quinze ans – mais j’ai du mal à comprendre votre ton et votre agressivité. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem, HOR et sur quelques bancs des groupes RN et UDR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) J’ai du mal à comprendre la manière dont vous attaquez personnellement et de manière systématique le chef de l’État.
Je vais vous dire une chose, madame Panot : plus vous serez agressive, plus je serai respectueux. (Mêmes mouvements.) Je voudrais que nous évitions les caricatures.
Mme Nathalie Oziol
Commencez par respecter la démocratie ! Nous n’avons pas de leçons à recevoir de vous !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Vous avez soulevé la question des professeurs retraités : il ne s’agit évidemment pas de la seule solution, mais d’une des solutions que nous pouvons étudier ensemble, intelligemment, avec pragmatisme.
M. Pierre Cordier
Ça va être difficile !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Il n’y a pas non plus, contrairement à ce que vous avez prétendu, d’austérité.
M. Manuel Bompard
C’est dans votre projet de budget ! Vous venez de le dire !
M. Michel Barnier, Premier ministre
En cinq ans, il y a eu 300 milliards de plus de dépenses publiques : on ne peut parler d’austérité.
La situation du Proche et du Moyen-Orient mérite mieux qu’une vision unilatérale. Vous devriez vous réjouir que notre pays garde dans cette région du monde, comme dans beaucoup d’autres, une voix singulière et écoutée.
M. Matthias Tavel
Laquelle ? Vous n’avez rien dit, rien fait. Vous vous contentez de commentaires !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Monsieur le président Vallaud, vous avez dit : « Nous respectons, nous respectons, nous respectons ». Mais il faut aussi que vous respectiez le Gouvernement ! Le faites-vous quand vous déclarez : « Nous légiférerons et vous exécuterez » ?
M. Arthur Delaporte
Oui, c’est dans la Constitution !
M. Matthias Tavel
Cela s’appelle la démocratie parlementaire !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Vous êtes le pouvoir « exécutif » !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Il y a en outre le Sénat, monsieur Vallaud, qui compte et qui apporte son opinion de manière constructive. Nous verrons bien comment cela se passe. En tout cas, pour ce qui me concerne, je vous respecte, de même que tous les députés.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Vous ne respectez pas les électeurs !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Nous vous écouterons, et nous respecterons vos électeurs. (Exclamations prolongées sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme la présidente
S’il vous plaît, un peu de silence !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Les présidents de groupe ont souligné qu’ils resteraient vigilants et que leur confiance était conditionnelle, qu’elle n’avait rien d’automatique. Cela me va très bien, mais il y a une chose importante à comprendre – c’est presque une banalité de le dire. Vous voyez bien, monsieur Vallaud, que le socle qui se construit sous nos yeux, cet après-midi, celui qui va soutenir l’action du Gouvernement, est le plus important au sein de cette assemblée sans majorité. Nous pouvons le constater en toute objectivité, en additionnant les voix mathématiquement.
M. Matthias Tavel
Ça ne saute pas aux yeux !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Il est constitué par les groupes…
M. Boris Vallaud
Par l’extrême droite !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Je ne parle ni de l’extrême droite ni de l’extrême gauche mais de ce socle, qui est le plus important.
M. Matthias Tavel
Ce n’est pas vrai !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Vous pouvez répéter, comme vous le faites tous les jours depuis deux mois, que ce n’est vrai : en réalité, bien que minoritaire, le socle appelé à soutenir le Gouvernement sera le plus large de tous les socles potentiels au sein de l’Assemblée nationale. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. Matthias Tavel
Nous verrons bien quand il y aura des votes !
M. Michel Barnier, Premier ministre
C’est de ce socle, dont la composition reste ouverte, monsieur Vallaud, que le Gouvernement tirera sa légitimité.
Mme Sophie Taillé-Polian
Vous n’avez pas de légitimité !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Cela m’a toujours un peu surpris que vous et d’autres ayez annoncé que vous alliez voter une motion de censure avant même que j’ouvre la bouche, avant même que je constitue un gouvernement, avant même que je vienne devant vous prononcer ma déclaration de politique générale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.– Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
J’aurais bien aimé que vous acceptiez le dialogue pour nous venir aide. Il n’y a pas de honte à chercher des solutions communes.
M. Marc Fesneau
Il n’est pas trop tard !
M. Michel Barnier,, Premier ministre
Moi, je suis et je resterai partisan de la culture du compromis. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Je remercie beaucoup le président Wauquiez de l’esprit constructif qu’il a manifesté et de la confiance qu’il a exprimée en toute clarté (Applaudissements sur les bancs du groupe DR), confiance marquée par la vigilance car, comme d’autres, il a fait comprendre que nous serions jugés sur nos actes, ce qui, je le répète, me va bien.
Je veux, avec le Gouvernement, valoriser le travail, rendre les hausses de salaires moins coûteuses et faire des minima sociaux un tremplin vers l’emploi. Nous allons travailler en ce sens dans ce domaine comme dans d’autres qui font partie du pacte législatif que vous avez construit avec le groupe Les Républicains du Sénat.
Madame la présidente Chatelain, vous avez parlé d’effets de manche mais je ne vois pas où vous en avez trouvé dans mon discours. Je n’en ai pas fait et je n’en ferai pas – on dit d’ailleurs souvent de moi, je le sais bien, que je suis trop sérieux et pas marrant. Je me suis exprimé sincèrement et sobrement et je continuerai ainsi.
M. Hadrien Clouet
Ah ça, la sobriété !
M. Michel Barnier,, Premier ministre
Je suis attentif, vous le savez, à la transition écologique. J’étais même engagé avant vous sur ces questions. (Rires et exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme Cyrielle Chatelain
Je n’étais pas née !
M. Michel Barnier,, Premier ministre
Vous venez m’expliquer, madame Chatelain, les conséquences des inondations dans le Nord-Pas-de-Calais – et je salue la mobilisation du précédent gouvernement à cette occasion – et des catastrophes naturelles. Je rappellerai ici que j’ai la fierté d’avoir créé, il y a trente ans, le fonds Barnier, dont il est beaucoup question. Je continue à suivre son développement et je vais avec la ministre compétente augmenter les moyens dont il est doté. J’estime en effet que la prévention coûte toujours moins cher que la réparation…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Parlez-en à vos amis !
M. Michel Barnier,, Premier ministre
…et qu’une réparation anticipée et organisée est plus efficace et moins coûteuse qu’une réparation improvisée. J’ai aussi indiqué que des mesures de justice fiscale seraient prises et nous nous y tiendrons.
Monsieur le président Fesneau, des actions positives sont en effet à souligner et parmi elles, celles que vous avez vous-même menées à la tête du ministère de l’agriculture. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
M. Christophe Blanchet
C’est vrai !
M. Michel Barnier,, Premier ministre
Ce ministère, comme je l’ai dit à Annie Genevard lorsqu’elle a été nommée à sa tête, n’est pas facile car on y est confronté en permanence à des crises mais il est aussi extrêmement humain et je n’ai pas oublié l’honneur qui a été le mien d’avoir été le ministre des agriculteurs, des agricultrices et des pêcheurs.
Il y a des domaines où il y aura des changements et des ruptures. Nous ne prévoyons pas trop de lois, et comptons plutôt exercer un suivi. Comme je l’ai indiqué aux ministres, dès le premier jour, j’accorde plus d’importance au suivi qu’aux effets d’annonce. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Je vous remercie pour vos propos d’apaisement et de compromis ainsi que pour le soutien que vous avez exprimé à l’égard de nombreux chantiers et de notre méthode, qui consiste à travailler sans sectarisme et dans le concret. Nous allons reprendre le projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture et le débat sur la fin de vie. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.) Je serai attentif aux propositions constructives formulées dans de nombreux domaines, notamment celui de la santé que vous avez évoqué.
Je vous remercie également, monsieur le président Marcangeli, pour votre franchise et votre soutien vigilant. J’ai la même intransigeance que vous lorsqu’il s’agit des valeurs de la République. Contre les trafics et le crime organisé, il n’y aura aucune pitié, nous y veillerons avec le garde des sceaux et le ministre de l’intérieur, comme je l’ai souligné dans ma déclaration.
Sur la question fiscale, je le répète, il n’y a pas d’ambiguïtés. Nous n’avons pas l’intention de procéder à une augmentation indifférenciée, pour reprendre vos termes. Il s’agira au contraire de hausses exceptionnelles, ciblées sur des gens qui peuvent participer à cet effort et qui y ont d’ailleurs intérêt. Nous partageons vos priorités en matière de baisse des dépenses, sens dans lequel va l’action du Gouvernement, et de santé, domaine dans lequel je vais m’inspirer des travaux menés par votre groupe.
Monsieur le président Lenormand,…
M. Pierre Cazeneuve
Il n’est plus là et les autres membres de son groupe sont partis !
M. Michel Barnier,, Premier ministre
Eh bien, je lui dirai que j’ai bien noté son appel à l’humilité, à la transparence et au dialogue. Il a aussi souligné la nécessité de faire de la simplification une grande cause nationale mais elle devrait s’imposer à nous en permanence, au-delà de l’échelle d’une année. En matière de différenciation et d’expérimentation, nous avons plein d’idées et nous comptons avec les préfets, les préfets de département en particulier, aller très vite et très loin. Nous avons le même attachement que le président Lenormand aux libertés fondamentales et nous veillerons à préserver les Français les plus modestes, qui doivent être accompagnés.
J’ajoute que mon gouvernement comprend un ministre de l’outre-mer de plein exercice, placé directement auprès du Premier ministre, ce qui traduit toute l’importance que nous accordons à l’outre-mer auquel j’ai consacré une large part de ma déclaration de politique générale – je pense en particulier à la Nouvelle-Calédonie. Cela constituera un engagement important.
Enfin, comme M. Lenormand, j’estime que la territorialisation, la décentralisation et la déconcentration constituent des solutions aux problèmes que la France connaît depuis trop longtemps.
Je me tourne maintenant vers le président Chassaigne. Je vous ai écouté, vous savez : vous parliez d’épines et je suis bien décidé à mettre des sabots…
M. Matthias Tavel
Ce n’est pas autorisé par le règlement de notre assemblée. (Sourires.)
M. Michel Barnier,, Premier ministre
…et à faire attention où je mets les pieds.
J’espère me tromper mais j’ai le sentiment que vous avez écrit votre intervention avant de m’écouter. (Rires sur plusieurs bancs du groupe DR.) Si c’est une fausse impression, je vous prie de m’excuser.
Vous avez évoqué la paix au Proche-Orient. Je vous ai dit la gravité de ce qui est en train de se passer et je répète devant l’Assemblée nationale que la sécurité d’Israël, pour nous Français, n’est pas négociable.
Je ne peux pas vous laisser dire que l’école serait devenue celle du tri social. C’est l’école de la République, elle le restera et j’y veillerai.
M. Erwan Balanant
Très bien !
M. Michel Barnier,, Premier ministre
Monsieur le président Ciotti, j’ai déjà répondu au sujet de ce que vous appelez, dans une volonté de généralisation que je comprends bien, un « fardeau fiscal ». Cela ne correspond pas à la vérité. Un effort proportionné sera demandé et je m’attendrais plutôt à ce que vous m’aidiez à le faire comprendre.
M. Éric Ciotti
Ah ça non !
M. Michel Barnier,, Premier ministre
Il reposera pour un tiers sur des prélèvements ciblés, temporaires et exceptionnels, et pour deux tiers sur la maîtrise des dépenses.
Vous avez aussi dit des choses qui ne sont pas vraies sur la formation de mon équipe gouvernementale. Je vous connais depuis longtemps et je n’ai pas envie de polémiquer avec vous. D’ailleurs, je n’en ai pas le temps. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes DR et Dem, ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR et HOR.)
Quant à M. Pradié, je le remercie pour sa franchise. Nous allons prendre soin de la démocratie et c’était cela aussi que j’évoquais lorsque je disais qu’il fallait prendre soin de la République. J’assume mes responsabilités mais je ne suis pas responsable de la situation politique inédite, improbable, dirais-je, dans laquelle se trouve aujourd’hui la France, notamment avec cette assemblée.
M. Hadrien Clouet
Oui mais vous êtes complice !
M. Michel Barnier, Premier ministre
J’ai accepté d’être nommé Premier ministre et je vais essayer de faire pour le mieux ou plutôt, comme on dit en patois savoyard, monsieur Chassaigne, je vais « tâcher moyen » de faire pour le mieux.
M. Hadrien Clouet
Nous aussi, on va « tâcher moyen » !
M. Michel Barnier, Premier ministre
M. Pradié a aussi rappelé mon parcours. Mon engagement remonte à ma classe de troisième au collège Jean-Moulin d’Albertville – établissement nommé ainsi parce que Jean Moulin avait été sous-préfet dans cette ville – et je n’ai pas atteint l’âge que j’ai pour changer. Le Michel Barnier qu’il a évoqué est aujourd’hui Premier ministre – je ne sais pour combien de temps – et il se fait toujours la même idée de la politique.
Je suis d’accord pour dire que la seule issue possible est de faire en sorte que tous les bâtisseurs travaillent ensemble, sans pour autant fusionner ou abandonner leurs convictions et leurs différences. J’ai eu la chance, le privilège diront certains, d’avoir été commissaire européen pendant dix ans et de gérer les négociations du Brexit pendant cinq ans. À la Commission européenne, j’ai toujours eu des cabinets dont les membres ne partageaient pas mes idées et je m’en suis bien porté. Au Parlement européen, il n’y a pas de majorité et j’ai bâti, notamment lorsque j’étais commissaire au marché intérieur et aux services, quarante et une lois destinées à instaurer de la transparence, de la morale, de l’éthique dans le secteur bancaire alors que les banquiers en avaient perdu le goût. Il s’agissait de reconstruire une régulation financière (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP) après trente ans d’ultralibéralisme. J’ai essayé de corriger ces évolutions pendant les cinq années où j’ai occupé ces fonctions de commissaire.
M. Hadrien Clouet
Avec quel succès !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Et j’ai fait cela avec tous les groupes du Parlement européen – certains d’entre vous s’en souviennent.
Mme Christine Arrighi
Avec l’extrême droite ?
M. Michel Barnier, Premier ministre
On peut donc, sans se compromettre, trouver des voies vers des positions communes. Et je le dis à M. Pradié, je ferai très attention aux Français les plus modestes dans les efforts que nous allons demander. Comme vous l’avez compris aussi, le Gouvernement est très attaché à la cause du handicap.
M. Hadrien Clouet
Vous l’aviez oubliée !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Je vous remercie beaucoup pour votre attention et pour vos contributions. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur plusieurs bancs des groupes RN, EPR et HOR.)
Mme la présidente
Le débat est clos.
5. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, demain, à quatorze heures :
Questions au Gouvernement.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra