Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
10 juillet 2008 4 10 /07 /juillet /2008 12:30
Communiqué officiel et décret sur le nouveau fichier EDVIGE.


Fichiers informatiques

Edvige : une base de données pour collecter des informations personnelles

(10/07/2008)

La nouvelle base de données intitulée "Edvige" doit permettre de collecter toute une série d’informations notamment sur certaines personnes publiques (politiques, syndicales, religieuses) ou encore sur certains individus (ou groupes) "susceptibles de porter atteinte à l’ordre public".

Collectées en vue d’informer le Gouvernement et ses représentants dans les départements et les collectivités, ces données sont enregistrées sur fichiers. Les données enregistrées concernent les personnes âgées de 13 ans et plus. Elles contiennent les éléments suivants :
- informations ayant trait à l’état civil et à la profession ;
- adresses physiques, numéros de téléphone et adresses électroniques ;
- signes physiques particuliers et objectifs, photographies et comportement ;
- titres d’identité ;
- immatriculation des véhicules ;
- informations fiscales et patrimoniales ;
- déplacements et antécédents judiciaires ;
- motif de l’enregistrement des données ;
- données relatives à l’environnement de la personne, notamment à celles entretenant ou ayant entretenu des relations directes et non fortuites avec elle.

L’enregistrement des données est toutefois plus limité pour les personnalités publiques, l’enregistrement de données relatives aux comportements ou aux déplacements ne touchant pas ces personnalités. Le droit d’accès aux données s’exerce directement auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) conformément aux dispositions prévues à l’article 41 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

C’est ce que précise en particulier un décret publié au Journal officiel du mardi 1er juillet 2008.

Liens contextuels


JORF n°0152 du 1 juillet 2008 page
texte n° 3


DECRET

Décret n° 2008-632 du 27 juin 2008 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « EDVIGE »


NOR: IOCC0815681D 

Le Premier ministre,

Sur le rapport de la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales,

Vu le code de procédure pénale, notamment son article 777-3 ;

Vu la
loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment son article 26 (I à III) ;

Vu le
décret n° 85-1057 du 2 octobre 1985 modifié relatif à l'organisation de l'administration centrale du ministère de l'intérieur et de la décentralisation, notamment son article 12 ;

Vu le
décret n° 2007-914 du 15 mai 2007 pris pour l'application du I de l'article 30 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;

Vu l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés en date du 16 juin 2008 ;

Le Conseil d'Etat (section de l'intérieur) entendu,

Décrète :


Le ministre de l'intérieur est autorisé à mettre en œuvre un traitement automatisé et des fichiers de données à caractère personnel intitulés EDVIGE (Exploitation documentaire et valorisation de l'information générale) ayant pour finalités, en vue d'informer le Gouvernement et les représentants de l'Etat dans les départements et collectivités :
1. De centraliser et d'analyser les informations relatives aux personnes physiques ou morales ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui jouent un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif, sous condition que ces informations soient nécessaires au Gouvernement ou à ses représentants pour l'exercice de leurs responsabilités ;
2. De centraliser et d'analyser les informations relatives aux individus, groupes, organisations et personnes morales qui, en raison de leur activité individuelle ou collective, sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public ;
3. De permettre aux services de police d'exécuter les enquêtes administratives qui leur sont confiées en vertu des lois et règlements, pour déterminer si le comportement des personnes physiques ou morales intéressées est compatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées.


Conformément aux dispositions de l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, et dans la stricte mesure où elles sont nécessaires à la poursuite des finalités mentionnées à l'article 1er du présent décret, les catégories de données à caractère personnel enregistrées dans le traitement mentionné à l'article 1er et concernant des personnes physiques âgées de treize ans et plus sont les suivantes :
― informations ayant trait à l'état civil et à la profession ;
― adresses physiques, numéros de téléphone et adresses électroniques ;
― signes physiques particuliers et objectifs, photographies et comportement ;
― titres d'identité ;
― immatriculation des véhicules ;
― informations fiscales et patrimoniales ;
― déplacements et antécédents judiciaires ;
― motif de l'enregistrement des données ;
― données relatives à l'environnement de la personne, notamment à celles entretenant ou ayant entretenu des relations directes et non fortuites avec elle.
Les données collectées au titre du 1 de l'article 1er du présent décret ne peuvent porter ni sur le comportement ni sur le déplacement des personnes.
Le traitement peut enregistrer des données à caractère personnel de la nature de celles mentionnées à l'article 8 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée. Celles de ces données autres que celles relatives aux opinions politiques, philosophiques ou religieuses, ou à l'appartenance syndicale ne peuvent être enregistrées au titre de la finalité du 1 de l'article 1er que de manière exceptionnelle. Il est interdit de sélectionner une catégorie particulière de personnes à partir de ces seules informations.
Le traitement ne comporte pas de dispositif de reconnaissance faciale à partir de la photographie.
Les données concernant les mineurs de seize ans ne peuvent être enregistrées que dans la mesure où ceux-ci, en raison de leur activité individuelle ou collective, sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public.
Les données collectées pour les seuls besoins d'une enquête administrative peuvent être conservées pour une durée maximale de cinq ans à compter de leur enregistrement ou de la cessation des fonctions ou des missions au titre desquelles l'enquête a été menée.


Dans la limite du besoin d'en connaître, sont autorisés à accéder aux informations mentionnées à l'article 2 :
― les fonctionnaires relevant de la sous-direction de l'information générale de la direction centrale de la sécurité publique, individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur central de la sécurité publique ;
― les fonctionnaires affectés dans les services d'information générale des directions départementales de la sécurité publique ou, à Paris, de la préfecture de police, individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur départemental ou, à Paris, par le préfet de police.
Peut également être destinataire des données mentionnées à l'article 2, dans la limite du besoin d'en connaître, tout autre agent d'un service de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, sur demande expresse, sous le timbre de l'autorité hiérarchique, qui précise l'identité du consultant, l'objet et les motifs de la consultation.


Le traitement et les fichiers ne font l'objet d'aucune interconnexion, aucun rapprochement ni aucune forme de mise en relation avec d'autres traitements ou fichiers.


Conformément aux dispositions prévues à l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, le droit d'accès aux données s'exerce auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
Le droit d'information prévu au I de l'article 32 et le droit d'opposition prévu à l'article 38 de la même loi ne s'appliquent pas au présent traitement.


Sans préjudice de l'application de l'article 44 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, le directeur général de la police nationale rend compte chaque année à la Commission nationale de l'informatique et des libertés de ses activités de vérification, de mise à jour et d'effacement des informations enregistrées dans le traitement.


Le présent décret est applicable sur tout le territoire de la République.

Le présent décret entre en vigueur le jour de l'entrée en vigueur du décret n° 2008-631 du 27 juin 2008 portant modification du décret n° 91-1051 du 14 octobre 1991 relatif aux fichiers gérés par les services des renseignements généraux et du décret n° 2007-914 du 15 mai 2007 pris pour l'application du I de l'article 30 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978.


La ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales est chargée de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 27 juin 2008.


François Fillon


Par le Premier ministre :


La ministre de l'intérieur,

de l'outre-mer et des collectivités territoriales,

Michèle Alliot-Marie





 



Partager cet article
Repost0
2 juillet 2008 3 02 /07 /juillet /2008 12:56


Conseils des ministres

2-07-2008 13:46

Mesures d’ordre individuel

Le Conseil des ministres a adopté les mesures individuelles suivantes :

Sur proposition de la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales :


M. Bernard SQUARCINI
, préfet, est nommé directeur des services actifs de la police nationale, directeur central du renseignement intérieur ;

M. Gonthier FRIEDERICI
, préfet du Finistère, est nommé préfet hors cadre ;

M. Pascal MAILHOS
, secrétaire général adjoint, directeur de la modernisation et de l’action sociale, est nommé préfet du Finistère ;

M. Patrick BOUCHITÉ
, contrôleur général des services actifs de la police nationale, est nommé préfet délégué pour la sécurité et la défense auprès du préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, préfet de la zone de défense Nord, préfet du Nord.

Sur proposition de la garde des sceaux, ministre de la justice :


M. Gilbert AZIBERT
, procureur général près la cour d’appel de Bordeaux, est nommé secrétaire général du ministère de la justice ;

Mme Dominique LOTTIN
, inspectrice des services judiciaires, est nommée directrice des services judiciaires ;

M. Jean-Marie DARDE
, procureur général près la cour d’appel de Rennes, est nommé procureur général près la cour d’appel de Bordeaux ;

M. Léonard BERNARD de la GATINAIS
, directeur des services judiciaires, est nommé procureur général près la cour d’appel de Rennes ;

M. François FALLETTI
, avocat général à la Cour de cassation, est nommé procureur général près la cour d’appel d’Aix en Provence ;

M. Stéphane NOËL, inspecteur des services judiciaires, est nommé procureur général près la cour d’appel de Bourges.

M. le général d’armée Bernard THORETTE est nommé conseiller d’État en service extraordinaire.

Sur proposition du ministre de l’agriculture et de la pêche :


M. Jean-Marie AURAND
, ingénieur général du génie rural, des eaux et des forêts, est nommé directeur général des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires au ministère de l’agriculture et de la pêche ;

M. François du BREUIL-HELION de La GUERONNIERE
, administrateur civil hors classe, est nommé directeur des affaires financières, sociales et logistiques au secrétariat général du ministère de l’agriculture et de la pêche ;

Mme Marie-Françoise GUILHEMSANS
, conseiller d’État, est nommé directrice des affaires juridiques au secrétariat général du ministère de l’agriculture et de la pêche.

Sur proposition du ministre de la défense :


M. le général de corps d’armée Elrick IRASTORZA est nommé chef d’état-major de l’armée de terre et élevé aux rang et appellation de général d’armée ;

M. le général de corps d’armée Jean-Marie FAUGÈRE, est nommé inspecteur général des armées à compter du 1er septembre 2008 et élevé aux rang et appellation de général d’armée, à compter de la même date ;

M. le vice-amiral d’escadre Christian PÉNILLARD est nommé inspecteur général des armées à compter du 15 septembre 2008 et élevé aux rang et appellation d’amiral, à compter de la même date ;

M. le général de division Jean-Tristan VERNA est élevé aux rang et appellation de général de corps d’armée à compter du 1er septembre 2008 ;

M. le général de division aérienne Patrick FRESKO est élevé aux rang et appellation de général de corps aérien à compter du 1er septembre 2008 ;

M. le général de division aérienne Jean VERHAEGHE est élevé aux rang et appellation de général de corps aérien à compter du 1er septembre 2008 ;

M. le général de division Jean CHEREAU est nommé contrôleur général des armées en mission extraordinaire à compter du 1er août 2008 pour une durée de deux ans, et il est élevé aux rang et appellation de général de corps d’armée, à compter de la même date ;

M. le vice-amiral Jean-Pierre TEULE est élevé aux rang et appellation de vice-amiral d’escadre à compter du 1er septembre 2008, et il est nommé sous-chef d’état-major « opérations » de l’état-major, à compter de la même date ;

M. le vice-amiral Jean-François BAUD est élevé aux rang et appellation de vice-amiral d’escadre à compter du 1er septembre 2008, et il est nommé commandant des forces sous-marines et de la force océanique stratégique, à compter de la même date ;

M. le général de division Jean-Loup CHINOUILH est nommé gouverneur militaire de Metz, commandant de la région terre Nord-Est, commandant des forces françaises et de l’élément civil stationnés en Allemagne et officier général de la zone de défense Est à compter du 1er septembre 2008, et il est élevé aux rang et appellation de général de corps d’armée, à compter de la même date ;

M. le général de division aérienne Bernard DUCATEAU est nommé inspecteur de l’armée de l’air à compter du 1er septembre 2008, et il est élevé aux rang et appellation de général de cors aérien, à compter de la même date ;

M. le général de corps d’armée François-Pierre JOLY est nommé major général de l’armée de terre ;

M. le général de corps d’armée Benoît PUGA est nommé directeur du renseignement militaire à compter du 1er septembre 2008 ;

M. le général de corps d’armée Xavier BOUT de MARNHAC est nommé gouverneur militaire de Lyon, commandant de la région terre Sud-Est, officier général de la zone de défense Sud-Est, à compter du 1er septembre 2008 ;

M. le général de division Marc BERTUCCHI est nommé commandant de l’EUROFOR à compter du 19 septembre 2008 ;

En outre, ont été adoptées diverses mesures d’ordre individuel concernant des officiers généraux de la gendarmerie nationale, de l’armée de terre, de la marine nationale, de l’armée de l’air, du service de santé des armées et de la délégation générale pour l’armement.

Partager cet article
Repost0
8 mai 2008 4 08 /05 /mai /2008 07:14

Parmi les sujets de réformes du Président Sarkozy, il y a la gendarmerie. Un flou actuellement générateur d’inquiétude pour toutes les personnes concernées… et pour un groupe de sénateurs.

 

« La gendarmerie, c’est une organisation à part. C’est la manière la plus efficace de maintenir la tranquillité d’un pays, c’est une surveillance moitié civile, moitié militaire, répandue sur toute la surface, qui donne des rapports les plus précis. »

Ce laïus, c’est Napoléon Ier qui l’écrit le 16 mai 1806 dans une lettre au roi de Naples.

C’est aussi ce qui a été mis en exergue dans le rapport d’information qu’un groupe de travail issu de la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des forces armées du Sénat, a rédigé sur l’avenir de la gendarmerie.


Présidé par le sénateur ex-centriste du Vercors Jean Faure (UMP), le groupe est composé des sénateurs Michèle Demessine (Nord, communiste), Hubert Haenel (UMP, Alsace), Philippe Madrelle (socialiste, Bordeaux), Charles Pasqua (UMP, Neuilly), Yves Pozzo di Porgo (NC, Paris) et André Rouvière (socialiste, Gard).

Ce groupe a donc rassemblé toutes les sensibilités politiques présentes au Sénat (à l’exception des centristes MoDem) et après de nombreuses auditions de décembre 2007 à mars 2008, il a esquissé des propositions dans un rapport approuvé à l’unanimité.

Lors d’un discours devant des gendarmes et des policiers le 29 novembre 2007, le Président de la République Nicolas Sarkozy a annoncé le rattachement de la gendarmerie au Ministère de l’Intérieur (actuellement au Ministère de la Défense) à partir du 1er janvier 2009, la préparation d’un projet de loi sur la gendarmerie courant 2008 et la mise en place d’un groupe de travail pour faire un état des lieux et des propositions.

Sans attendre une initiative gouvernementale, ce groupe de sénateurs a donc voulu anticiper en préconisant ses propres suggestions. Notons au passage que c’est par ce type d’initiatives que les parlementaires sont les plus aptes à capter leur pouvoir face à l’Exécutif, même si le rapport pourrait avoir peu de poids dans une décision finale qui restera du ressort du gouvernement, il pourrait y contribuer.


1. Un état des lieux de la gendarmerie

Le rapport signale en premier lieu que la gendarmerie est l’héritière de la maréchaussée royale, l’une des plus anciennes institutions françaises et qu’elle est une force de police à statut militaire. À ce titre, un gendarme n’a pas le droit de faire grève ni de se syndiquer.

Le but de la gendarmerie est d’assurer la sécurité du territoire (95% de la superficie totale, essentiellement des zones rurales) pour environ 50% de la population. La police étant plus centrée sur la sécurité urbaine.

Mais elle exerce aussi des missions civiles, telle que la police administrative, la police judiciaire ainsi que des missions militaires (qui ne représentent que 5% de l’activité totale de la gendarmerie).

Selon le rapport, il y a 101 000 personnes travaillant à la gendarmerie dont 99 000 militaires, organisés en brigades territoriales implantées dans chaque canton de France.

Son positionnement institutionnel depuis 2002 est un peu bâtard puisqu’il dépend à la fois du Ministère de l’Intérieur (pour les missions de sécurité intérieure) et du Ministère de la Défense (pour les missions militaires et les ressources humaines).

La gendarmerie peut se targuer de bons résultats dans la lutte contre l’insécurité routière.

Des groupes d’intervention régionaux ont été créés pour renforcer la coopération de la police et de la gendarmerie.

Après des crises sociales en 1989 et 2001, la situation de 2008 peut être décrite par un « climat temporairement apaisé mais caractérisé par de fortes attentes ».

Le principal malaise des gendarmes concerne une revalorisation de leur rémunération, en raison d’un net décrochage de celle-ci par rapport à celle des policiers.


2. Les réformes actuelles pour la gendarmerie


Le rattachement de la gendarmerie au Ministère de l’Intérieur prévu le 1er
janvier 2009 se fera en préservant son statut militaire et en excluant toute fusion avec la police.

La gendarmerie est par ailleurs impliquée dans l’élaboration d’un nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et de la future loi de programmation militaire.

De plus, elle fait aussi l’objet d’un audit dans le cadre de la RGPP (révision générale des politiques publiques) et les perspectives des effectifs et des moyens de la gendarmerie jusqu’en 2012 seront intégrées dans la seconde loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

Enfin, autre engagement présidentiel, une parité globale de traitement et de carrière sera assurée entre les gendarmes et les policiers.


3. Les fondamentaux de la gendarmerie


L’intérêt d’avoir deux composantes de sécurité (gendarmerie et police) n’est pas anodin : il s’agit d’éviter de permettre à un corps d’avoir le contrôle des forces de sécurité intérieure, dans le cas, par exemple, d’un coup d’État. Le maintien de deux corps de sécurité différents empêche toute dépendance du pouvoir politique sur les forces armées et de police.

C’est donc une garantie pour l’État républicain et les citoyens de prévenir toute dérive séditieuse ou de contestation.

Par ailleurs, la gendarmerie assure la continuité entre les actions policières et les actions militaires ainsi que la proximité grâce au maillage territorial.


4. Les recommandations des sénateurs

Dix-sept recommandations ont été suggérées au gouvernement par le groupe de travail de la Commission sénatoriale réparties dans quatre chapitres.

4.1. Clarifier le positionnement institutionnel de la gendarmerie

Le rapport insiste sur la nécessité de clarifier son positionnement et de pérenniser son statut militaire en lui reconnaissant la qualité de quatrième armée après l’armée de terre, l’armée de l’air et la marine (comme l’Arme des carabiniers italiens dans la loi italienne du 30 mars 2000).

Le rattachement notamment budgétaire de la gendarmerie au Ministère de l’Intérieur a pour but d’optimiser la lutte contre la délinquance par une meilleure coordination entre la police et la gendarmerie.

Mais la future loi devrait maintenir les liens de la gendarmerie avec le Ministère de la Défense notamment en réaffirmant ses missions militaires et en garantissant son statut militaire.

La gendarmerie devrait être gérée au sein du Ministère de l’Intérieur par une direction générale autonome (ne dépendant pas de la direction générale de la police).

4.2. Préserver la coexistence des deus forces de sécurité, police et gendarmerie


L’action des groupes d’intervention régionaux
devrait être renforcée pour une meilleure coordination face à la menace terroriste et face à la criminalité internationale.

La mutualisation des moyens de la police et de la gendarmerie devrait être développée (logistique, achat d’équipements coûteux etc.) mais la formation initiale devrait rester spécifique à chaque corps.

Le dualisme devrait être maintenu également pour la police judiciaire. Le magistrat instructeur doit en effet pouvoir choisir librement le service enquêteur (police ou gendarmerie). Pour remplir cette mission, la nouvelle loi devrait donc rappeler que la gendarmerie est placée sous la responsabilité de l’autorité judiciaire.

Le rapport préconise aussi l’allégement du formalisme du système de réquisition (qui est la conséquence du principe de subordination des forces armées au pouvoir politique) tout en maintenant son caractère écrit.

Il souhaite aussi que la police privilégie une logique d’agglomération urbaine et que la gendarmerie s’inscrive dans une logique de contrôle du territoire et des flux, quitte à redéployer les effectifs des deux corps.

Le groupe sénatorial veut également veiller à ce que la gendarmerie garde une implication aussi soutenue dans les opérations extérieures, notamment dans les coopérations européennes et internationales.


4.3. Donner les moyens pour remplir pleinement les missions

Cela signifierait d’une part le maintien à niveau actuel des effectifs, et donc, ne pas appliquer à la gendarmerie le principe de non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite (qui se traduirait par la suppression d’un poste pour chaque brigade territoriale, soit 3 500 pertes), d’autre part la poursuite des investissements pour moderniser les équipements, intégrer les nouvelles technologies et rénover le parc immobilier.

Cela signifierait aussi de transférer la responsabilité du transports des prévenus et des condamnés à l’administration pénitentiaire afin d’utiliser au mieux les effectifs de la gendarmerie (ces tâches indues lui coûtent très cher et n’utilisent pas à fond ses compétences).

Cela signifierait enfin le maintien du logement de fonction, qui demeure d’ailleurs plus une obligation statutaire (celle de vivre en caserne avec sa famille) pour être immédiatement disponible qu’un simple avantage en nature.

4.4. Améliorer la gestion des ressources humaines


Le management du personnel est une compétence encore récemment peu prise en compte par l’État.
Comme pour les autres corps de fonctionnaire, la gestion des ressources humaines de la gendarmerie devrait être améliorée.

Elle pourrait s’appuyer sur trois bases : une parité globale de traitement et de carrière entre policiers et gendarmes (promesse du Président Nicolas Sarkozy), une meilleure représentation interne des gendarmes (actuellement, les représentants sont tirés au sort, il faudrait qu’ils soient élus), et un renforcement de la réserve de la gendarmerie comme renfort pour faire face aux nouvelles missions en zone péri-urbaines.


Bon sens rural ?

Toutes ces propositions sont, globalement, le résultat du bon sens sénatorial qui veut préserver un corps aux particularités liées tant à l’histoire qu’à la nécessité de l’ambivalence (Intérieur, Défense et Justice).

Elles pourraient préfigurer ce que la loi en perspective pour cette année inclurait.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (7 mai 2008)



Pour aller plus loin :

Rapport d’information sur la gendarmerie (10 avril 2008).






http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=39654


http://fr.news.yahoo.com/agoravox/20080508/tot-le-senat-s-inquiete-de-l-avenir-de-l-89f340e_1.html
 


http://www.lepost.fr/article/2008/05/18/1194730_le-senat-s-inquiete-de-l-avenir-de-la-gendarmerie.html



 

Partager cet article
Repost0
18 mars 2008 2 18 /03 /mars /2008 13:11


Élysée : une surveillance accrue de la blogosphère ?

 

 

 

Une version présidentielle et virtuelle de Big Brother ? Ou l’application d’une vieille loi qui interdit toute insulte à l’égard du Président de la République ?


Selon le Journal du Dimanche, Nicolas Princen, normalien et HEC de 24 ans, irait travailler à l’Élysée pour une mission particulière dans le pôle Internet de l’équipe présidentielle.

Il serait l’adjoint de François de La Brosse, le réalisateur de Télé-Sarko et du site internet de l’Élysée au service de communication dirigé par Franck Louvrier.

Il serait chargé de surveiller la blogosphère sur tout ce qui a un rapport avec le Président Nicolas Sarkozy et traquer les fausses rumeurs.

Cette décision, si elle était confirmée, serait une réponse importante aux nombreux buzz qui mettait en scène à de nombreuses reprises Nicolas Sarkozy.

On peut se rappeler le sommet franco-russe où on laissait entendre que Nicolas Sarkozy était ivre alors qu’il ne semblait qu’essoufflé après un léger retard.

On se rappelle aussi les fameuses scènes auprès des marins pêcheurs de Guivinec ou au Salon de l’Agriculture.

Les nombreux écrits anti-sarkozystes qui s’en prennent contre la personne, la vie personnelle etc. au lieu de l’affronter sur le plan des idées et des mesures gouvernementales pourraient aussi être la cause de cette professionnalisation de la veille présidentielle.

Il serait cependant malheureux d’envisager une sorte de police virtuelle qui engagerait des actions en justice à l’encontre de tout blogueur qui ferait (même volontairement) de la désinformation sur Nicolas Sarkozy.

En effet, le Président de la République, quel qu’il soit, est la figure politique majeure de la France et par conséquent, il ne peut être que la cible de ses opposants, même si parfois, des attaques sont de mauvais goût.

La tradition française du fou du roi, des saltimbanques, traduite par exemple à la télévision avec l’ancien Bébette Show ou les Guignols de l’Infos, reste un élément majeur qui participe à la liberté d’expression en France.

La démocratie est un bloc qui ne saurait être réduit même partiellement.

Vigilance donc.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (18 mars 2008)

 

http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=37586 

http://www.centpapiers.com/Elysee-une-surveillance-accrue-de,3352

http://www.lepost.fr/article/2008/03/19/1167792_s.html

Selon le Journal du Dimanche, Nicolas Princen, normalien et HEC de 24 ans, irait travailler à l’Élysée pour une mission particulière dans le pôle Internet de l’équipe présidentielle.

 

Il serait l’adjoint de François de La Brosse, le réalisateur de Télé-Sarko et du site internet de l’Élysée au service de communication dirigé par Franck Louvrier.

 

Il serait chargé de surveiller la blogosphère sur tout ce qui a un rapport avec le Président Nicolas Sarkozy et traquer les fausses rumeurs.

 

Cette décision, si elle était confirmée, serait une réponse importante aux nombreux buzz qui mettait en scène à de nombreuses reprises Nicolas Sarkozy.

 

On peut se rappeler le sommet franco-russe où on laissait entendre que Nicolas Sarkozy était ivre alors qu’il ne semblait qu’essoufflé après un léger retard.

 

On se rappelle aussi les fameuses scènes auprès des marins pêcheurs de Guivinec ou au Salon de l’Agriculture.

 

Les nombreux écrits anti-sarkozystes qui s’en prennent contre la personne, la vie personnelle etc. au lieu de l’affronter sur le plan des idées et des mesures gouvernementales pourraient aussi être la cause de cette professionnalisation de la veille présidentielle.

 

Il serait cependant malheureux d’envisager une sorte de police virtuelle qui engagerait des actions en justice à l’encontre de tout blogueur qui ferait (même volontairement) de la désinformation sur Nicolas Sarkozy.

 

En effet, le Président de la République, quel qu’il soit, est la figure politique majeure de la France et par conséquent, il ne peut être que la cible de ses opposants, même si parfois, des attaques sont de mauvais goût.

 

La tradition française du fou du roi, des saltimbanques, traduite par exemple à la télévision avec l’ancien Bébette Show ou les Guignols de l’Infos, reste un élément majeur qui participe à la liberté d’expression en France.

 

La démocratie est un bloc qui ne saurait être réduit même partiellement.

 

Vigilance donc.

 

 

Aussi sur le blog.

http://rakotoarison.over-blog.com/article-17833335.html

 

 

Sylvain Rakotoarison (18 mars 2008)

http://www.rakotoarison.eu

 

 

NB :

 

 

http://ann.over-blog.com/ajout-trackback.php?ref=562534&ref_article=17833335

http://adminv1.over-blog.com/trackback.php?Id=17833335

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
4 mars 2008 2 04 /03 /mars /2008 08:49

Rem

Rem
Partager cet article
Repost0
4 janvier 2008 5 04 /01 /janvier /2008 10:09
Comme prévu dès le 29 mai 2007, les ministres vont être évalués sur leur action au sein de leur ministère, sur des critères quantifiables. Une méthode inhabituelle et qui peut choquer, mais parfaitement normale.


À la sortie du Conseil des ministres du 3 janvier 2008, il a été annoncé que les ministres seraient prochainement évalués sur leur bilan individuel.

Pour ce faire, un cabinet d’audit a aidé les cabinets du Premier Ministre et des principaux ministres à définir une grille d’évaluation objective composée de critères quantifiables.

Chaque ministre va devoir apporter les données pour remplir sa grille de critères et ensuite, il sera reçu en entretien individuel par le Premier Ministre dans la seconde quinzaine de janvier 2008.

Nous attendons avec impatience le bilan de ces entretiens.


Une méthode normale pour évaluer les performances individuelles

Cette procédure est très inhabituelle dans la vie politique, singulière et peut paraître même choquante.

Très vite d’ailleurs, une porte-parole du groupe socialiste à l’Assemblée Nationale, Aurélie Filippetti, jeune députée de Moselle, a protesté en qualifiant cette initiative de « grotesque » et « dangereuse, parce que la politique n’est pas affaire de chiffre, de quotas et de rendement ».

Le Président Nicolas Sarkozy l’avait déjà annoncé le 29 mai 2007 (et même avant son élection), ce qui l’avait conduit à envoyer à chaque ministre une lettre de mission cet été 2007 cosignée de François Fillon.

Mais la loi de finances 2006 du gouvernement de Dominique de Villepin l’avait déjà vaguement instituée en intégrant aux missions du gouvernement des objectifs et indicateurs chiffrés et détaillés.

En fait, cette méthode d’évaluation des performances est très classique et même très répandue dans les milieux professionnels et notamment dans le secteur privé.

Elle consiste pour un salarié de fixer chaque année un entretien d’évaluation avec son supérieur hiérarchique (n+1) où sont définis (ensemble en principe) les objectifs de l’année qui vient ainsi que des critères objectifs et si possibles chiffrables de réalisation de ces objectifs.

Pendant cet entretien sont passés en revue également les critères de l’année qui finit et est apprécié le décalage entre les prévisions et les réalisations.

Généralement, il est accompagné de feedbacks rédigés par un certain nombre d’interlocuteurs habituels du salarié (collègues, collaborateurs, clients, fournisseurs, partenaires etc.) qui donne un panorama (360° si les collaborateurs sont interrogés) relativement global du ressenti de l’entourage professionnel, et des résultats (ces feedbacks sont a priori basés sur du factuel, mais l’aspect subjectif peut être modéré par le nombre de feedbacks).

Ce type d’entretien est essentiel pour la carrière du salarié (d’autant plus important qu’il a des responsabilités) notamment pour envisager une promotion, ou encore un changement de trajectoire (de fonctions, de secteurs etc.). Et d’ailleurs, l’absence de tels entretiens annuels est le résultat, à mon sens, d’une très mauvaise gestion des ressources humaines (ces entretiens sont coûteux pour l’employeur, et l’employé en a parfois un sentiment de défiance).

Cette méthode d’origine américaine a eu parfois des difficultés à se mettre en place dans les entreprises françaises, et je pense qu’il s’agit surtout d’un problème culturel.

L’un des principaux reproches est qu’il est très difficile de prévoir de quoi l’année sera faite, et notamment, lorsque le salarié n’est qu’un élément d’influence mais n’a pas forcément le pouvoir de changer les choses.

Les Américains ne sont pourtant pas des madame Soleil. Seulement, ils veulent faire des prévisions chiffrées pour avoir un fil rouge. Même si celui-ci ne sera pas tenu.

Au contraire, c’est l’explication de l’écart entre le prévisionnel et le réel qui permet de mieux comprendre l’évolution de l’entreprise ou des projets, ou de leur environnement. Rappelons qu’aux États-Unis, un échec n’est pas en soi un élément de honte mais plutôt un élément d’expérience (ce pragmatisme mériterait d’être plus fréquent en France).

C’est exactement ce qu’a expliqué le Porte-parole du gouvernement Laurent Wauquiez pour qui « la politique est un domaine comme les autres, qui doit rendre des comptes à nos concitoyens ». La démarche, selon lui, a trois missions : « ajuster le tir », « rendre des comptes sur ce qui change concrètement » et « évaluer chaque ministre ». Et d’ajouter : « On pourra évaluer comme ça ce qui bouge et ce qui ne bouge pas ».


L’évaluation ministérielle sur le fond

Évidemment, le plus crucial réside dans la définition des objectifs et des critères quantifiables.

En principe, les objectifs généraux sont définis au plus haut niveau, en terme de stratégie d’entreprise, et les objectifs des uns et des autres dépendent de ceux de leur n+1.

Par exemple, pour une entreprise qui fait beaucoup de recherche, le nombre de brevets est un facteur déterminant de compétitivité (et de confiance vis-à-vis de ses investisseurs). Donc, il faut bien que des ingénieurs ou des scientifiques en rédigent. Ce qui signifie qu’un nombre concret de brevets sera inscrit parmi leurs objectifs individuels. En soi, c’est peu raisonnable d’imaginer que durant l’année qui vient, des résultats feront forcément l’objet de x brevets. Mais c’est le principe de tout prévisionnel.

Ainsi, Brice Hortefeux (Ministre de l’Immigration) sera évalué sur le nombre de sans-papiers expulsés. Je ne redirai jamais assez l’absurdité d’un tel critère. Mais aussi sur le nombre d’étrangers au titre de l’immigration de travail.

On peut être choqué par ces critères, évidemment, mais ce n’est pas une question de méthode d’évaluation des ministres, c’est une question de politique générale décidée par le Président de la République et le gouvernement.

Au contraire, ces critères sont la conséquence (et pas la cause) de la stratégie gouvernementale (on peut donc discuter de celle-ci indépendamment de la méthode d’évaluation) et permettent surtout une meilleure lisibilité de l’action gouvernementale.


Des indicateurs pas forcément en prise directe du ministre

Alors, voici quelques objectifs confirmés parfois par les entourages ministériels (je n’ai pas eu le détail, juste les dépêches de presse) :

Construction de nouveaux logements sociaux, nombre de brevets déposés, accueil des élèves handicapés, évolution de la fréquentation totale des lieux culturels, fréquentation des musées quand ils sont gratuits, taux de consultations médicales ne donnant pas lieu à une prescription de médicaments, nombre de dossiers de surendettements, taux d’application de la loi sur la récidive, nombre d’aménagements de peine, nombre d’heures supplémentaires chez les enseignants, nombre d’universités qui ont opté pour la nouvelle gouvernance basée sur leur autonomie, progression de l’assouplissement de la carte scolaire, indice des prix dans la grande distribution…

On constate que beaucoup de ces critères ne dépendent pas directement de l’action d’un ministre, mais sont plus des indicateurs de la conjoncture.

Cela dit, beaucoup de gouvernements sont tombés à cause du chômage ou de l’insécurité, et les élus locaux sont souvent considérés (souvent à tort) comme responsables de la situation des logements ou de l’emploi. Un sondage de popularité se base finalement sur des critères beaucoup plus flous et subjectifs que de tels indicateurs.


L’évaluation ministérielle sur la forme

C’est évidemment nouveau d’évaluer les ministres, mais pourtant, il me semble que cela manquait. Un parlementaire peut facilement être évalué sur les réalisations de son mandat. L’électeur peut le sanctionner à la prochaine élection. Pas forcément le ministre qui n’est pas obligé de se présenter au suffrage électoral, et de toutes façons, un mandat électoral n’est pas un ministère ; on peut être un bon ministre, savoir gérer efficacement une administration, améliorer la vie des citoyens et être un mauvais élu.

Bien sûr, peu de monde sera dupe de l’objectif essentiel de la manœuvre. Montrer l’action gouvernementale, montrer les réalisations concrètes.

De façon plus anecdotique, montrer que la culture du résultat se porte au plus haut niveau de l’État.

C’est un moyen de rendre plus actif le lien entre le peuple et les gouvernants. Rendre des comptes, c’est avoir du respect pour les citoyens. Au même titre que n’importe quel prestataire de service. Ministre, service. Un peu oublié parfois, l’étymologie (fameuse confusion entre servir l’État et se servir de l’État).

Concrètement, la composition d’un gouvernement reste éminemment politique. Donc, je conçois mal qu’un ministre ‘mal évalué’ soit renvoyé manu militari !

Les critères de maintien, sortie ou entrée au gouvernement sont très différents de ces critères d’évaluation. Il y aura les succès et échecs électoraux (municipales et cantonales en mars 2008), mais aussi d’autres paramètres comme la représentativité du gouvernement (géographie, ‘diversité’, catégories socio-professionnelles, âge, sexe etc.) ou des arrière-pensées électorales vaguement clientélistes.


Des notes et des classements, il y en a déjà !

La démarche permet peut-être de mieux faire accepter un éventuel limogeage, mais les sondages de popularité donnent déjà amplement des classements sur les ‘bons’ et les ‘mauvais’ ministres.

D’ailleurs, des notes d’évaluation et des classements, il y en a déjà. La presse ne s’en prive pas.

Par exemple, le journal Le Point vient de faire un palmarès des ministres du gouvernement. Il s’est appuyé sur un jury de onze ‘experts’ (comme Alain Duhamel ou Guy Carcassonne) et quelques critères subjectifs comme la vision, le courage, la volonté de réforme (ce qui, en soi, n’est pas pertinent : vouloir réformer, ok, mais pour quelles réformes ?), et des critères objectifs comme le nombre de textes défendus à l’Assemblée Nationale, ou le nombre de déplacements hors circonscription etc.

On y lit ainsi que Xavier Bertrand est le premier de la classe selon les experts du Point. Assez normal. Il est réservé mais actif, lisse mais compétent et il a su prendre le train du sarkozysme assez tôt (plus tôt que Jean-François Copé) mais pas trop vite (bien après Patrick Devedjian par exemple). D’ailleurs, il est souvent considéré comme ayant la carrure d’un futur Premier Ministre (ou du moins, d’un super-Ministre des Finances).

Parmi les autres ministres en haut de classement, Martin Hisch, Valérie Pécresse, Bernard Kouchner, Fadela Amara, Jean-Louis Borloo, Rachida Dati et Xavier Darcos.

En bas de classement, en dehors des Secrétaires d’État dans la faible notoriété ne leur donne pas beaucoup de visibilité, on note surtout Hervé Morin et Christine Albanel (qui ont moins de 9 sur 20, Xavier Bertrand ayant plus de 15).

Pas de classement pour les critères objectifs, car ce ne sont que des données factuelles et d’autres éléments doivent être pris en compte pour se faire une idée assez juste de la situation.


Conséquences négatives

Jean-Pierre Jouyet, le Secrétaire d’État aux Affaires Européennes, a affirmé : « On fait tout pour avoir une bonne note » en précisant toutefois que « c’est pas du tout infantilisant. Au contraire, c’est responsabilisant ».

Focalisation uniquement sur une certaine visibilité

La réelle conséquence négative, c’est l’obsession de la visibilité.

Qui, dans sa vie professionnelle, ne l’a pas eue ? Entre le travailleur et le communicateur ? Entre le chercheur ours qui bosse comme un fou dans son coin et le ‘scientifique réputé’ qui vole de séminaires en colloques à présenter le travail des copains ?

Comme le dit Jouyet, les ministres vont se focaliser sur les indicateurs.

Mais après tout, si c’est regrettable, ce n’est pas nouveau ni déraisonnable, et cette évaluation ministérielle n’innove en rien. Dire par exemple de ne pas dépasser cinq mille morts sur les route par an (maintenant, c’est le seuil de trois mille qui est en consigne) n’est pas nouveau. Et plutôt sain.

Et rien de nouveau concernant la visibilité ministérielle : quel sous-ministre n’a pas inventé des trésors d’ingéniosité pour passer à la télévision ?

Une privatisation latente de la gouvernance

Je vois cependant une autre conséquence négative bien plus grave.

Comme nous l’avons vu, c’est la définition de la grille d’évaluation qui est l’élément décisif. La détermination d’indicateurs quantitatifs et si possible, représentatifs de la politique menée par le gouvernement.

Cette détermination fait tout, en fait. Puisqu’elle créée un nouveau système de référence. Et donc, la procédure adoptée consistant à consulter un cabinet privé me paraît peu transparente et peu démocratique, vu l’enjeu de l’exercice.

J’aurais préféré par exemple que des responsables de la majorité parlementaire fussent présents pour ce travail (uniquement de la majorité, puisqu’il s’agit d’une politique à laquelle on adhère). Cette ‘privatisation’ du travail gouvernemental ne me paraît pas saine.


Conséquences positives

En revanche, je vois des avantages considérables à adopter la méthode d’évaluation ministérielle.

Des citoyens mieux respectés par la classe politique

Le premier avantage, c’est que les citoyens seront plus facilement en mesure de cerner le bilan réel des gouvernements (je mets au pluriel car je m’aventure à croire que cette méthode sera reprise par les gouvernements suivants). Les bilans deviendront plus impartiaux.

Ce qui est amusant, c’est que certains pensent que cette méthode serait un moyen de renvoyer un ministre qui ne plairait plus à Nicolas Sarkozy. Mais une ‘mauvaise note’ d’un ministre rejaillirait forcément négativement sur le bilan présidentiel, puisque l’action présidentielle se repose sur l’action gouvernementale.

Le second avantage, qui est un corollaire du premier, c’est une meilleure compréhension de l’opinion publique des frictions entre volonté politique et conjoncture économique dans un environnement international.

Le troisième, c’est le renforcement du lien de confiance avec les gouvernants et plus généralement, avec la classe politique. C’est une opération très risquée, cette évaluation ministérielle, car c’est une opération qui devient transparente.

Un renforcement du rôle du gouvernement
et notamment du Premier Ministre
 
Le quatrième avantage est un élément nouveau mais qui est à prendre en compte : cette évaluation ministérielle va renforcer l’assise politique du gouvernement alors que l’omniprésence présidentielle est si décriée.

En effet, la démarche redonne à François Fillon une autorité nouvelle, celle du ‘n+1’ de ses ministres, en étant celui qui passe ces ‘entretiens d’évaluation’. C’est très important que ce soit le Premier Ministre et pas le Président de la République, et je m’en réjouit donc. La place de François Fillon comme chef de l’équipe gouvernementale retrouve une utilité nouvelle.

Mais pas seulement Matignon. Chaque ministre étant comptable de ses indicateurs, le rôle des ministres donne une visibilité plus responsable et personnelle face à un Président de la République qui est souvent critiqué pour vouloir aussi exercer lui-même les fonctions de ses propres ministres.


Bientôt un ‘vrai’ contrôle parlementaire du gouvernement ?

Par conséquent, je suis très heureux de la concrétisation de cette promesse d’évaluation des ministres, malgré la réserve que j’ai émise sur l’apport malsain d’un cabinet d’audit.

Et je songe que petit à petit, grâce à cette méthode d’évaluation entrée dans les mœurs, ce ne soit plus Matignon, mais bien les parlementaires qui, un jour, prendront en charge cette évaluation, avec leur propre système de référencement, ce qui sera alors encore plus objectif.



Sylvain Rakotoarison


Voici les dépêches des agences de presse concernant cette information :

Dépêche de l’AFP.

Dépêche de l’AP.

Dépêche de Reuters.






      Article paru sur Agoravox.






Partager cet article
Repost0
6 décembre 2007 4 06 /12 /décembre /2007 19:58
Les faits divers atroces sont désormais souvent le point de départ à nouvelles lois pénales. Dans quelques jours, les députés vont débattre du projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale défendue par Rachida Dati. Un projet prévu depuis l’été dernier.




L’horrible fait divers qui a coûté la vie à la jeune Anne-Lorraine Schmitt a replacé dans l’actualité, une nouvelle fois, le problème des délinquants sexuels qui ont déjà commis des délits ou des crimes et qui ont fini de purger leur peine.


Une polémique bien inutile

Mon propos ici n’est pas de revenir sur une polémique à plusieurs étages, à mon sens stérile, concernant l’assassinat d’Anne-Lorraine Schmitt sinon pour préciser deux points.

1. Les idées qu’aurait semblé revendiquer la victime et qui seraient apparemment loin des miennes (mais elle n’est plus là pour se défendre), son environnement familial et social, et sa réaction de défense face au violeur n’enlèvent rien à l’atrocité du drame qu’elle a malheureusement vécu.

2. Et faire un parallélisme avec une autre tragédie, la mort accidentelle des deux jeunes à Villiers-le-Bel, tant sur le traitement médiatique que sur la réaction des proches, ne me paraît pas être non plus porteur d’apaisement et de respect pour les disparus.


Des faits divers instrumentalisés bien avant Nicolas Sarkozy

Cette parenthèse refermée, on a pu observer qu’à chaque drame de ce type (viol de femmes, assassinat, enlèvement d’enfants…) dont l’horreur peut difficilement être échelonnée sinon qu’elle enlève dans des conditions émouvantes des êtres chers, de nombreuses personnes demandent des lois de plus en plus sévères (voire le rétablissement de la peine de mort).

Si l’abolition de la peine de mort semble un acquis définitif (notamment pas son inscription dans la Constitution en février 2007, l’un des derniers actes du Président Jacques Chirac), le reste de la législation reste bien sûr amendable.

Depuis plus d’une douzaine d’années, beaucoup de lois pénales ont été élaborées sous le coup de l’émotion, après un fait divers marquant. Cela a commencé avec le principe d’incompressibilité d’une peine, défendue par le Ministre de la Justice Pierre Méhaignerie, l’un des quatre grands ‘barons’ (Ministres d’État) du balladurisme triomphant.

Et ses successeurs ont agi souvent avec le même processus : un fait divers grave, une effervescence médiatique, une profonde émotion dans l’opinion publique, une nouvelle loi pour aggraver les sanctions pénales. Et ce cycle se poursuit. Or, une loi devrait être le fruit de mûres réflexions, pas l’aboutissement de compassionnelles émotions.


Une nouvelle loi en discussion

Sans rien à voir avec les deux faits divers que j’ai évoqués au début, mais répondant à des crimes antérieurs, le projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pour cause de trouble mental a été adopté au Conseil des Ministres du 28 novembre 2007 et sera débattu à l’Assemblée Nationale à partir du 18 décembre 2007 (en principe), défendu par la Garde des Sceaux Rachida Dati et le rapporteur de la loi, Georges Fenech, député de Lyon et ancien juge.

De quoi s’agit-il ?

De trois volets : la rétention de sûreté, qui concerne mon article, la modification de la procédure quand l’auteur d’une infraction est atteint de troubles mentaux, et enfin des mesures pour renforcer l’efficacité du dispositif d’injonction de soins.

Sur le second volet, l’objectif n’est pas de changer fondamentalement les choses : l’auteur d’une infraction atteint de troubles mentaux resterait déclaré irresponsable pénalement mais pourrait être cependant (c’est nouveau) reconnu comme l’auteur des faits. « Le but, c’est de faire en sorte que l’infraction soit reconnue comme telle, avec une audience publique devant la chambre de l’instruction si les victimes le souhaitent. » a expliqué Laurent Wauquiez, le porte-parole du gouvernement.


Être du côté des victimes…

Dès le 29 novembre 2007 à la télévision, le Président Nicolas Sarkozy a enfoncé le clou en se déclarant du côté des victimes. Qui peut s’en offusquer ? Ses propos sont cependant assez durs, évoquant des ‘prédateurs’ et divisant la société par un manichéisme assez puéril en deux catégories : les ‘voyous’ et les ‘honnêtes gens’.


La rétention de sûreté contre les risques de récidive

Le dispositif prévu pour la rétention de sûreté est assez simple à expliquer. Il s’agit de créer une mesure de rétention, pour certains criminels à l’issue de leur peine, dans un centre fermé appelé « centre socio-médico-judiciaire ».

Cette mesure a été imaginée pour renforcer la prise en charge de criminels (surtout sexuels) qui restent encore très dangereux une fois sortis de prison.

La rétention de sûreté ne serait ni une peine ni une sanction mais une mesure visant à prévenir la récidive.

Déjà, quatre mesures de ce type, déclarées constitutionnelles, sont applicables : le suivi socio-judiciaire avec injonction de soins (loi 98-468 du 17 juin 1998), la surveillance judiciaire (loi 2003-239 du 19 mars 2003), l’inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (loi 2004-204 du 9 mars 2004) ainsi que la surveillance judiciaire (loi 2005-1549 du 12 décembre 2005) qui permet d’imposer, le cas échéant, une injonction de soins et une surveillance électronique mobile.

Bien sûr, la rétention de sûreté aurait un caractère exceptionnel et ne s’appliquerait qu’à des auteurs de crimes commis contre les mineurs condamné à quinze ans au moins de réclusion criminelle et qui présentent, à l’issue de leur peine, un « risque très élevé de récidive » et uniquement dans le cas où les quatre mesures citées plus haut (lois de 1998, 2003, 2004 et 2005) seraient jugées insuffisantes.

Elle ne pourrait être en effet adoptée que « si aucun autre moyen ne s’avère suffisant pour canaliser la dangerosité de l’individu ». Cette dangerosité serait appréciée par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté (déjà existante) après une expertise médicale.

Pour rappeler l’intérêt de cette procédure, il est rappelé que l’Allemagne, le Canada, la Belgique et les Pays-Bas ont déjà de telles dispositifs.


Qu’en penser ?

Personnellement, j’ai beaucoup de mal à me forger une opinion sur cette mesure.

Car elle concerne avant tout des criminels qui sont dans la capacité de recommencer leurs crimes, et souvent les plus odieux. La réalité des dernières années montrent que des viols d’enfants ont été commis en effet par d’anciens criminels dont la peine a été achevée. Si je me place du côté des potentielles victimes, je veux avoir le maximum de protection.

A contrario, on peut cependant s’étonner d’un élément. Si la peine est terminée, la société considère donc que la faute (le crime) a été sanctionnée et que le criminel a eu ce qu’il mérite. Pourquoi alors vouloir le maintenir encore en détention ? Pourquoi, par exemple, ne pas rallonger dans une nouvelle loi la peine encourue pour un crime similaire, dans ce cas ? Pourquoi ne pas obliger de soigner ces malades sexuels durant leur détention ?


Dans ce dispositif, je vois trois éléments qui m’indisposent sans oublier qu’ils sont peut-être nécessaires pour renforcer la sécurité de tous.


La détection de la dangerosité et l’incapacité à envisager l’avenir

Le premier, c’est la capacité de déterminer ce « risque très élevé de récidive ». Sur quels critères ? Si c’est sur le crime ayant déjà fait l’objet d’une condamnation, ne serait-ce pas jugé une seconde fois le même crime ? Avec quelle méthode ? Comment se déroulerait l’expertise médicale ? Comment pouvoir déterminer le risque de récidive sinon en jouant à madame Soleil ?

Le deuxième, c’est le maintien du criminel en fin peine dans une absence totale de visibilité de son avenir. On sait bien que la projection vers le futur est un élément de motivation psychologique essentiel. Or, cette rétention de sûreté, si elle était prononcée, serait pour une durée d’un an « mais elle [pourrait] être prolongée (…) pour la même durée tant que la dangerosité de la personne et le risque de récidive [perdureraient] ».


Une présomption d’innocence mise en péril

Le troisième, c’est la principale crainte qu’a émise l’ancien Garde des Sceaux (et ancien Président du Conseil Constitutionnel) Robert Badinter dans une récente tribune dans le journal Le Monde du 28 novembre 2007.

Selon lui, cette loi serait « un changement profond d’orientation de notre justice ». La justice a pour rôle de prononcer une peine contre l’auteur d’une infraction qu’il a déjà commise. Ici, « le lien entre une infraction commise et l’emprisonnement de son auteur [disparaîtrait] ». Robert Badinter ajoute ainsi : « Nous quittons la réalité des faits (le crime commis) pour la plasticité des hypothèses (le crime virtuel qui pourrait être commis par cet homme ‘dangereux’) ».

Il rappelle que si depuis une dizaine d’années « quand un fait divers particulièrement odieux suscite l’indignation du public, on durcit les peines et on accroît les rigueurs de contrôles », on a toujours respecté le principe de la responsabilité pénale. Le non-respect des mesures de contrôle par exemple (qui est, en elle-même, une infraction) entraîne une nouvelle incarcération.

Dans ce projet de loi, « le lien est rompu : il n’y a plus d’infraction commise, mais un diagnostic psychiatrique de ‘dangerosité’, d’une prédisposition innée ou acquise à commettre des crimes » et Robert Badinter prédit avec l’expérience de l’influence des crimes récents : « on verra s’accroître toujours plus le domaine d’une ‘justice’ de sûreté au détriment d’une justice de responsabilité, garante de la liberté individuelle ».


Robert Badinter avait déjà exprimé dans une interview au journal Le Monde du 9 septembre 2007 sa conception de la justice : « Au nom de la souffrance des victimes, qui appelle toute la solidarité de toute la société, nous ne devons pas altérer le difficile équilibre de la justice pénale qui repose sur les principes du procès équitable » ajoutant que « la justice ne peut se confondre avec la vengeance ni avec la compassion pour les victimes. C’est ce qui rend son exercice si difficile. Rappelons-nous l’affaire d’Outreau. ».


Ce lien rompu (pas d’infraction entraîne malgré tout une détention par prévention d’hypothétiques crimes) remet donc explicitement en cause la présomption d’innocence en supposant la probabilité forte d’un crime non commis.


Quand le doute demeure…

Certains pourraient certes dire que s’il y a doute, il vaut mieux en faire bénéficier les éventuelles futures victimes que le criminel déjà condamné. Mais jusqu’où aller ? Et quelle drôle de préférence ! Si elle était appliquée en cour d’assise, alors cela voudrait dire qu’il vaudrait mieux condamner un innocent que de ne pas trouver de coupable ?


Sécurité et liberté, deux valeurs parfois antagonistes

La sécurité des personnes est l’un des principes fondateurs d’une démocratie. Sans sécurité, pas de possibilité d’agir en toute liberté. Les lois qui veulent assurer la sécurité se veulent évidemment de plus en plus contraignantes contre les criminels et les futurs criminels.

Mais n’oublions pas non plus que mise à l’extrême, cette sécurité des personnes aboutit à un État qui pourrait, à terme, atteindre aux libertés individuelles.


Ce projet de loi ne met évidemment pas en péril notre démocratie. Mais aurait-elle, comme les précédentes lois, un effet pour réduire la criminalité la plus odieuse ?

Pas si sûr.


Sylvain Rakotoarison


Note documentaire :

Le projet de loi en question peut être lu ici.



     Article paru sur Agoravox.






     À la UNE d'Agoravox
    du 07 décembre 2007











Partager cet article
Repost0
23 novembre 2007 5 23 /11 /novembre /2007 08:37
Neuf jours de grèves, une réforme résolument engagée, un affrontement du fait de minorités agissantes, un gouvernement qui ouvre enfin les yeux…mais la situation sociale est encore loin d’être apaisée.



Le 20 novembre 2007, j’avais proposé quelques éléments du sociologue Gérard Mermet pour alimenter le débat sur les grèves qu’ont subies pendant neuf jours les usagers des transports en commun et qui semblent enfin s’estomper.

Ce dernier (Gérard Mermet) se défend d’ailleurs d’être instrumentalisé par l’UMP et le gouvernement et parle d’une démarche citoyenne, rappelant d’ailleurs qu’il demandait également un réforme des retraites des parlementaires, une réforme qui, à ma connaissance, n’est pas dans les cartons de l’Élysée.

Encore que des modifications ont eu lieu le 31 octobre 2007 pour rapprocher le système de retraite des députés à celui de la Fonction Publique (le système de retraite est forcément déficitaire, puisqu’il n’y a qu’un nombre limité de cotisants ‘actifs’, 577 pour les députés par exemple, pour un nombre croissant de pensionnés).

Il n’était pas dans mes intentions de vouer aux gémonies des catégories de Français qui sont tout aussi respectables les unes que les autres.

Ni les cheminots qui bénéficient d’une politique sociale extrêmement sophistiquée mais qui perçoivent une rémunération ridiculement basse. Ni même les fonctionnaires dont le dévouement est généralement reconnu (aux exceptions près qu’on peut rencontrer aussi dans le privé).

Évidemment, ce débat regroupe plusieurs sujets bien différents, le fond et la forme : la réforme des régimes spéciaux de retraite, la grève et ses conséquences, le comportement du gouvernement, des syndicats voire des médias.


Sur les grèves et le comportement des partenaires sociaux

Il est clair qu’il y a eu une double logique d’affrontement durant ces longues grèves.

D’une côté, une minorité organisée et extrémiste a souhaité une confrontation sociale dans la rue, pour compenser leur échec de l’élection présidentielle : échec du premier tour (le total Besancenot, Buffet, Bové, Laguiller, Schivardi ayant été très faible) et échec du second tour avec l’élection de Nicolas Sarkozy.

Olivier Besancenot avait lui-même annoncé cet esprit de revanche en mai et préparé une confrontation sociale qui devait avoir lieu cet automne, à défaut de violences urbaines menacées par Ségolène Royal à la veille du second tour.

Il continue d’ailleurs toujours à appeler à la ‘résistance sociale’ (à la Mutualité de Paris le 22 novembre 2007) comme si nous étions en période d’Occupation (François Bayrou a aussi employé dès le 10 mai 2007 le mot ‘résistance’, ce qui me paraît bafouer la mémoire des vrais résistants).

Dans les faits, le principe de la grève est toujours préventif en France, ce qui empêche toute négociation avant, et impose un inévitable rapport de forces.

De l’autre côté, le gouvernement a évidemment tout intérêt à montrer son volontarisme et à dire qu’il s’attaque aux problèmes de front. Ainsi, conforté par des sondages (le nombre n’est certes pas un critère de vérité, mais avoir la majorité est cependant un élément encourageant dans une démocratie), le gouvernement n’a eu aucune peine à resté déterminé.

Dans ce cadre d’affrontement, il y a les inévitables ‘débordements’. Des sabotages par exemple dont l’origine sera, je l’espère, identifiée pénalement, mais qui permettent à chaque ‘camp’ d’accuser l’autre de provocation (d’une manière quasi-infantile). Grévistes extrémistes pour les uns, pyromanes du Reichstag pour les autres, la polémique s’enflent sur du hors sujet.

Est-ce le but, la diversion ? En tout cas, c’est dans la logique de l’affrontement.

Mais ce petit ‘jeu’ coûte très cher à l’économie nationale. Les chiffres ne sont pas sortis et ils seront sans doute contestés suivant le mode de calculs. Mais le coût est évidemment très élevé.

Il y a les pertes directes, absence d’employés, ou retards, absence de production. Ces pertes sont pour les entreprises, mais aussi pour de nombreuses personnes qui, ne pouvant se rendre à leur lieu de travail, ont perdu pécuniairement ces journées.

Il y a des pertes commerciales et de crédibilité, notamment face à des clients étrangers. Il est clair que la forte médiatisation des grèves et de la paralysie du pays n’aide pas à les convaincre que le service ou le bien qu’on leur propose peut être excellent, rapide et à prix compétitif.

Mais il y a d’autres pertes aussi.

Il est étrange par exemple de penser, quelques semaines après le ‘Grenelle de l’environnement’, que les considérations environnementales ont eu peu d’importance face à des considérations de défense des acquis sociaux.

Les pics de pollution engendrés par des embouteillages récurrents et prévisibles montrent que les prises de conscience sont lentes à émerger.

Faut-il aussi parler d’égoïsme ?

J’ai lu qu’on reprochait le ‘manque de solidarité’ des usagers qui rouspétaient contre les grévistes, mais aussi un certain ‘égoïsme’ de ceux qui refusent la réforme, préférant garder leurs ‘avantages’ à participer à l’effort national.

J’ajoute aussi, finalement, une absence complète d’anticipation pour les générations futures : tant sur la pollution engendrée (qui restera cependant ponctuelle, donc négligeable et pour certains nécessaire) que sur le financement même de notre système de retraite. L’endettement public monstrueux dope déjà les générations futures, et rien n’est fait (par le gouvernement) pour y remédier malgré un étrange constat de ‘faillite’.

Hélas, dans toutes ces assertions, il y a beaucoup de généralisations alors que finalement, seule une minorité semble faire sa loi et est capable de l’imposer (la paralysie) car elle est placée à un poste stratégique. (Et pourquoi n’y a-t-il plus de coupure de courant électrique lors les grèves des électriciens, comme c’était fréquent il y a une trentaine d’années ?).


Sur les régimes spéciaux et la retraite en général

Les salariés du privé, engagés par un contrat de travail avec leur employeur, avait vu dès 1995 leur régime de retraite modifié bien avant les catégories impliquées aujourd’hui, avec l’augmentation du nombre d’annuités (deux ans et demi de plus) et une diminution notable de la pension basée sur les vingt-cinq ‘meilleures années’ au lieu des dix meilleures, ce qui, dans des vies aux emplois précaires, ne donnent la chance qu’à ceux qui ont eu un ‘bon salaire’ pendant au moins vingt-cinq ans.

Les fonctionnaires aussi ont eu, un peu plus tard, en 2003, cette réforme qui les ramènent grosso modo aux conditions du régime général.

La fin des régimes spéciaux est donc avant tout une mesure d’équité face à l’effort national. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la plupart des ‘catégories’ impliquées sont majoritairement favorables à cette réforme malgré l’impact négatif qu’elle aura sur leur propre condition, ce qui montre leur grand sens des responsabilités.

Mais disons-le clairement, la fin des régimes spéciaux ne résoudrait que pour 5% du nouveau besoin de financement des retraites. Cela veut dire que cette réforme en soi n’a pas pour cause le financement des retraites, puisqu’il reste encore 95% à trouver.

Par ailleurs, rappelons aussi que lors du débat électoral du 2 mai 2007, « Sarkozy a assuré que les lois Fillon ont pérennisé le financement des retraites jusqu’en 2020, ce qui me paraissait vite dit, et peu crédible, mais peu contesté par Royal », disais-je à l’époque.

Pourquoi aucun média, aucun journaliste, ni aucun membre de l’opposition ne rappelle-t-il donc pas ces propos électoraux pourtant les plus importants de la campagne présidentielle ? Est-ce une amnésie collective seulement six mois et demi après ?

Aujourd’hui, personne ne conteste que malgré les réformes des gouvernements Balladur et Raffarin, il y a en effet nécessité à apporter une réforme supplémentaire pour faire face à un nouveau déficit prévisible.

Cette réforme est prévue d’ailleurs en 2008 (le site de l’UMP est à cet égard honnête, puisqu’il le dit).

L’observateur politique pourra une fois encore maugréer contre l’absence soit d’anticipation soit de courage politique soit les deux qui marquent ces vingt dernières années.

Michel Rocard avait même prophétisé que le sujet brûlant des retraites était capable de faire chuter dix gouvernements. Cependant, son gouvernement s’est bien gardé d’y toucher, et l’observateur attentif restera étonné que les socialistes, si prompts à critiquer les réformes, ont toujours ‘oublié’ ce type de considération lorsqu’ils étaient au pouvoir, notamment à l’époque déjà lointaine du gouvernement Jospin (Martine Aubry préférait s’occuper des 35 heures et Jospin préférait attendre l’élection présidentielle de 2002).

Alors, pourquoi cette réforme des régimes spéciaux aujourd’hui ? Sans doute pour préparer celle prévue en 2008, qui modifiera une fois encore le régime général.

Sans préjuger des conclusions des négociations sociales à venir, il est assez facile d’imaginer que la durée de cotisations augmentera sans doute, passant de quarante à quarante et un ou quarante-deux annuités, ce qui aurait rendu la différence avec les régimes spéciaux non réformés beaucoup plus criante (et donc injuste).

De toute façon, si les Français souhaitent préserver leurs retraites par répartition (ce que j’espère), il n’y a pas beaucoup d’autres solutions que d’allonger la durée de cotisations, sinon, il n’y a que deux autres leviers financiers : augmenter les cotisations sociales (part salariale ou/et part patronale) ou baisser le montant des pensions.

Et finalement, l’allongement du nombre d’annuités est sans doute l’effort le moins douloureux à condition d’y inclure un autre paramètre, la pénibilité du travail. En effet, non seulement l’espérance de vie augmente, ce qui est déjà positif, mais la ‘vaillance’ des personnes reste encore forte à un âge de plus en plus avancé.

Pour de nombreux emplois, travailler plus longtemps ne confère pas vraiment de gêne si l’emploi est là (ce qui reste à voir, à cause des départs anticipés), mais pour certains emplois (à définir certes !), le travail use beaucoup et ce nouveau critère doit donc permettre d’aménager le système de retraites en conséquence.

Cette définition de la pénibilité, qui n’est évidemment pas facile (est-il facile de tenir encore une classe dans un lycée agité à 65 ans ?), mettrait les différences de régimes de retraite sur une base plus cohérente et surtout, plus acceptable par tous.


Et ce n’est sûrement pas en confisquant les biens ou les revenus des x pourcents les plus aisés qu’on résoudrait ce problème de fond qu’est la pérennisation de notre système de retraites par répartition que je veux défendre. L’absence de réforme aboutirait forcément à la faillite complète du système. Ce serait alors un désastre social majeur. C’est par ce refus de lucidité que de nombreuses entreprises font faillite. Pour une fois qu’un gouvernement refuse cet aveuglément si fréquent, je veux le soutenir.

Sylvain Rakotoarison





     Article paru sur Agoravox.





Partager cet article
Repost0
20 novembre 2007 2 20 /11 /novembre /2007 11:22
Une semaine de circulation paralysée, un coût très élevé pour l’économie française, une image déplorable de la France à l’étranger, des citoyens en colère, mais résignés, des réformes hésitantes... Serait-ce donc cela le "troisième tour social" improprement proposé par Olivier Besancenot ?



À propos de la grève des transports publics qui sera, à mon avis, la dernière du genre, j’ai reçu ce texte qui est rédigé par un "observateur-citoyen inquiet et en colère" (voir son nom en bas du texte) et comme il reprend quelques éléments intéressants dans le débat national actuel, il m’a paru pertinent de le faire partager.


« Sous divers prétextes, les béné-ficiaires des régimes spéciaux défendent le maintien de ce que l’on doit appeler, en toute objectivité, des privilèges. À tous ceux qui s’efforcent de regarder la société sans prisme idéologique ou politique, mais en se réclamant du bon sens, de l’équité, de la solidarité, de la responsabilité, leur attitude paraît irresponsable, voire indécente.

Rappels :

1. Les bénéficiaires des 128 régimes concernés partent à la retraite bien avant ceux du régime général. Exemples : 50 ans pour les agents de conduite SNCF ou RATP ; 53 ans pour les sénateurs, 55 pour les députés qui auraient dû montrer l’exemple...

2. La durée moyenne de leur retraite est pour beaucoup supérieure à celle de leur vie active et ils percevront ainsi plus de pensions qu’ils n’ont reçu de salaires !

3. Le montant de leur retraite est calculé sur les 6 derniers mois de salaire (comme pour les fonctionnaires, qui bénéficient encore à ce titre d’un régime spécial), soit un écart considérable par rapport aux 25 années du régime général. Leur taux de cotisation est en outre souvent inférieur (7,8% contre 10 à 11%).

4. La plupart bénéficient par ailleurs d’un autre privilège important : la garantie de l’emploi.

5. Dans l’immense majorité des cas, l’existence de ces "exceptions" n’est plus justifiée par une pénibilité particulière du travail.

6. Le coût de ces régimes (qui concernent 1,2 million de retraités pour seulement 560 000 actifs) représente 15 milliards d’euros pour 2007, dont la moitié payée par la collectivité.

7. La France est le seul pays développé au monde où demeurent de telles inégalités.

8. La réforme de ces régimes est souhaitée par 82 % des Français (sondage Metro/Ifop, 11 octobre 2007), y compris par une majorité des agents de la Fonction publique.

9. On estime à 300 milliards d’euros les engagements de retraite des sept principaux régimes spéciaux au cours des six prochaines décennies : une charge injuste et insupportable pour les générations futures.

Un constat semblable peut être fait pour les autres réformes jugées nécessaires par la grande majorité des experts : université, recherche, fonction publique, système de santé, droit du travail, justice, dialogue social... Réalisées dans les autres pays depuis des années, elles sont chez nous sans cesse bloquées par des minorités fortement politisées, incapables d’appréhender la réalité du monde et la nécessité de s’y adapter (ce qui n’interdit pas de chercher à l’améliorer).

La réforme des régimes spéciaux était a priori la plus "facile" et consensuelle, d’autant qu’elle a été comme d’habitude proposée aux intéressés avec des aménagements et un étalement dans le temps. Un recul du gouvernement rendrait donc quasiment impossible la mise en oeuvre des réformes plus "difficiles". Il démontrerait une fois encore que des individus et organisations se réclamant des principes d’égalité et de solidarité défendent en réalité des corporatismes, des égoïsmes, des privilèges injustifiables ou un statu quo insupportable. Comme en 1995, ils peuvent (souhaitent peut-être, pour certains) paralyser le pays et l’enfoncer un peu plus dans la crise économique et morale.

Cette attitude est irresponsable et dangereuse. De plus, la conjoncture économique actuelle ne permet pas de différer plus longtemps les réformes, sous peine d’un nouveau décrochage national, avec de graves conséquences sur le pouvoir d’achat, la cohésion sociale, la place de la France dans le monde. Rappelons enfin que les grèves occasionnent une gêne considérable pour les particuliers, coûtent très cher à la collectivité (150 millions d’euros pour celle du 18 octobre 2007 dans les transports pour la seule région Île-de-France), affectent la compétitivité déjà réduite de la France, son attractivité et son image à l’extérieur, donc son avenir.

Face à cette situation, les citoyens inquiets et en colère ne peuvent rester silencieux. Pour leur propre dignité, pour l’avenir de leurs enfants et du pays, ils ne doivent pas laisser le monopole de l’expression à ceux qui refusent l’adaptation.

Nous ne pouvons accepter que le pouvoir de nuisance de quelques-uns mette en péril notre avenir commun. »

L’auteur de cet appel est le sociologue Gérard Mermet, auteur notamment de ‘Francoscopie’.

Sylvain Rakotoarison




     Article paru sur Agoravox.














 Article paru aussi sur LePost.












Partager cet article
Repost0
15 novembre 2007 4 15 /11 /novembre /2007 18:03
Le 15 novembre 2007, la loi Hortefeux a passé l’épreuve du Conseil constitutionnel. Une décision qui se voudrait ‘gagnant-gagnant’, selon l’expression de la silencieuse Ségolène Royal.



Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision ce 15 novembre 2007 concernant deux articles de la loi Hortefeux votée le 23 octobre 2007.


Ces deux articles ont déjà été abondamment commentés ces dernières semaines. J’ai moi-même évoqué ici les tests ADN utilisés pour le regroupement familial (l'article 13) et l’autorisation des études ‘ethniques’ (l'article 63).


Rappelons les principaux éléments.


Le Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel est composé de neuf membres, trois nommés pour neuf ans tous les trois ans par le Président de la République, le Président du Sénat et le Président de l’Assemblée Nationale, et des anciens Présidents de la République. Ce qui en fait onze aujourd’hui.

Jean-Louis Debré en est le président depuis février 2007 (nommé par Jacques Chirac), les autres membres sont (par ordre d’ancienneté) : Olivier Dutheillet de Lamothe, Dominique Schnapper, Pierre Joxe, Pierre Steinmetz, Jacqueline de Guillenchmidt, Jean-Louis Pezant, Renaud Denoix de Saint Marc et Guy Canivet.

S’ajoutent Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac (dont c’était la première séance ce 15 novembre).

Le Conseil constitutionnel est l’instance judiciaire suprême en France. Son pouvoir est grand puisqu’il est capable, avant leur promulgation, d’annuler des dispositions de lois qui viennent d’être votées par le Parlement.

En fait, pas forcément si grand que cela, il a besoin d’être saisi selon une procédure facilitée par Valéry Giscard d’Estaing en 1976 (saisine par un certain nombre de parlementaires).

Le rôle du Conseil constitutionnel, surtout depuis l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir en 1981, a toujours suscité des polémiques sur ‘le gouvernement des juges’.

La réalité, c’est que ces ‘sages’ s’attachent peu aux polémiques politiques et prennent leurs décisions sur des critères uniquement juridiques.

Et c’est donc là la limite très forte du pouvoir de cette instance : le Conseil constitutionnel ne donne aucun avis politique, ne prend pas en compte le contexte social, et ne décide que sur la conformité du texte qui fait l’objet de la saisine à la Constitution et aux autres textes qui ont valeur constitutionnelle.

Ses décisions sont sans appel.


La loi Hortefeux

L’histoire de la loi Hortefeux, déclarée ‘urgente’ et dont la mission est de contrôler le flux migratoire (cinquième loi depuis 2002 !), s’était surtout focalisée sur deux dispositions très contestées (au sein même du gouvernement de François Fillon) : la possibilité de tests ADN et l’interdiction pour les sans-papiers de bénéficier de l’aide d’hébergement d’urgence.

Le gouvernement a lâché très vite sur l’hébergement d’urgence, et le Sénat a failli refuser les tests ADN. Il a fallu des négociations entre les sénateurs et le gouvernement pour alourdir la procédure des tests ADN qui, devenue ‘acceptable’, a été finalement adoptée par le Sénat.

Ensuite, malgré les réticences de certains députés UMP qui voulaient revenir à l’amendement Mariani initial, l’Assemblée Nationale a adopté le même texte que le Sénat.

Pour suivre toute la chronologie, vous pouvez vous rendre sur dossier de l’Assemblée Nationale ou sur celui du Sénat.

Curieusement, l’autorisation discrète des ‘statistiques ethniques’ avait fait nettement moins de bruit médiatique malgré une opposition notamment de la Secrétaire d’État Famela Amara.


La saisine du Conseil constitutionnel

Heureusement, les députés et les sénateurs de l’opposition qui ont procédé le 25 octobre 2007 à la saisine du Conseil constitutionnel ont demandé de refuser non seulement les ‘empreintes génétiques’ (tests ADN) mais également cette autorisation des études ‘ethniques’ (les deux articles en question, 13 et 63, de la loi).

Dans leur argumentaire, ces  parlementaires ont estimé que l’article 13 (tests ADN) devait être censuré pour quatre raisons, en se basant aussi sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel : violation du droit au regroupement familial et du droit à la vie privée et familiale, violation du principe d’égalité devant la loi entre les familles biologiques et les autres, disproportion manifeste entre l’objectif et le principe de dignité humaine et enfin, violation du principe de clarté et d’intelligibilité de la loi.

Par ailleurs, ils ont soutenu leur volonté de censurer l’article 63 (‘statistiques ethniques’) pour deux raisons : l’absence de lien avec la loi elle-même, puisque l’autorisation de ces enquêtes concernent aussi bien les étrangers que les nationaux, et la remise en cause du pacte social inclus dans l’article 1er de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. ».


Position du gouvernement

Le gouvernement a tenu à apporter ses observations dans cette procédure de saisine.

Ce qui semble remarquable dans la mesure où les deux dispositions contestées étaient le fait d’amendements de députés (donc pas d’origine gouvernementale et donc, pas de passage par le Conseil d’État non plus).

Ce n’est certes pas étonnant, puisque le texte final a été approuvé par le gouvernement lui-même, et pour sauver sa loi, le gouvernement doit évidemment défendre toutes ses dispositions (le seul cas où le gouvernement s’est déjugé d’une loi dont il était à l’origine concerne la loi instituant le CPE en avril 2006).

Le gouvernement rejette bien sûr toutes les critiques formulées par les initiateurs de la saisine.

Notamment en rappelant que les tests ADN permettront l’exercice d’un « droit nouveau susceptible d’aider [les étrangers] à apporter un élément de preuve supplémentaire de leur filiation au soutien d’une demande de regroupement familial ».

Soulignant par la suite que « l’article 13 ouvre aux étrangers, à titre expérimental, la possibilité, encadrée par des garanties précises, d’avoir recours à un mode de preuve supplémentaire de leur filiation. ».

Évoquant ensuite cette « faculté d’exercer un nouveau mode de preuve de leur filiation avec leur seule mère », nouveau mode de preuve qui « est conçu pour conforter l’acte d’état civil (…) ou pallier son absence (…) ».

Insistant encore sur « une faculté nouvelle de recourir à un mode de preuve supplémentaire ».

Ce qui est contradictoire. Soit le gouvernement, avec cette loi, veut restreindre les possibilités d’immigration (« maîtriser »), soit il veut favoriser le regroupement familial comme il semble s’en prévaloir dans son argumentation.

Concernant l’article 63, le gouvernement insiste uniquement sur le fait qu’il y a un lien avec la loi puisque loi vise à « faciliter l’intégration des personnes issues de l’immigration » et que les dispositions critiquées « n’ont d’autre objet que d’autoriser la collecte ou le traitement de données à caractère personnel pour faire apparaître (au moyen de données objectives rattachées à l’état civil des personnes : nom, prénom, origine géographique…), de manière directe ou non, les origines des personnes dans le cadre d’études sur la mesure de la diversité, la discrimination et l’intégration ».

En revanche, le gouvernement n’argumente pas sur l’éventuelle atteinte à l’article 1er de la Constitution.


Décision du Conseil constitutionnel

Pour s’aider à prendre sa décision, le Conseil constitutionnel a rassemblé les conséquences de la loi Hortefeux sur la législation actuelle et toute la documentation juridique nécessaire.

Comme le dit le communiqué de presse (la décision intégrale est également disponible sur internet), le Conseil constitutionnel a accepté sous réserve l’article 13 et censuré l’article 63.


Passons tout de suite sur l’article 63.

Le Conseil constitutionnel l’estime contraire au principe de l’article 1er de la Constitution selon lequel les études sur la mesure de la diversité ne saurait reposer sur l’origine ethnique ni la race (notons l’emploi discutable du mot ‘race’).

De plus, son absence de lien avec la loi l’annule de facto pour procédure irrégulière.

Cette censure est un élément très réjouissant selon moi, sans laquelle des dérives très fortes de ‘discrimination positive’ (‘affirmative action’) auraient pu se développer alors qu’aux États-Unis commence à être remise en question cette pratique.


La décision sur l’article 13 est plus nuancée.

L’importance, c’est que l’article sur les tests ADN n’est pas déclaré anticonstitutionnel et, par conséquent, est validé. C’est regrettable sur le principe d’utiliser des empreintes génétiques comme armes d’une politique civile.

En revanche, le Conseil constitutionnel a accompagné sa validation de nombreuses réserves, notamment en « interdisant une application systématique du recours aux tests ADN dans les États où se déroulera cette expérimentation » et en imposant aux autorités diplomatiques ou consulaires de « vérifier, au cas par cas, la validité et l’authenticité des actes de l’état civil produit » (ces autorités devront prouver ces vérifications avant de proposer d’emblée un test ADN).

Le Conseil constitutionnel insiste aussi sur le fait que « la filiation de l’enfant étranger reste en principe soumis à la loi personnelle de la mère étrangère. Le Conseil a jugé que la loi déférée n’avait ni pour objet ni pour effet de créer un droit spécial réservé aux étrangers, tant quant à l’établissement du lien de filiation qu’à sa preuve. Tous les modes de preuve reconnus par la loi personnelle de la mère étrangère pourront donc être utilisés. En particulier, l’article 13 n’est pas applicable à la filiation adoptive qui continuera à se prouver par la production d’un jugement. ».

Notons également que le Conseil constitutionnel n’a étudié que les deux articles évoqués dans la saisine et pas tous les articles de la loi, bien que ce soit « l'ensemble de la loi » que les parlementaires opposés lui avait déféré.


Les commentaires sur cette décision consignés par le Conseil constitutionnel sont aussi consultables sur internet.


Chèvre et chou

Finalement, la décision permet de ménager les deux camps.

D’une part, les oppositions aux tests ADN sont contents car concrètement, les réserves du Conseil constitutionnel rendent cette disposition quasi-inopérante.

D’autre part, le gouvernement est satisfait car il obtient gain de cause en ne voyant pas invalidée la disposition sur les tests ADN.

Des médisants auraient évoqué une sorte de pacte, au sein du Conseil constitutionnel, entre les deux anciens Présidents de la République.

Jacques Chirac, foncièrement contre les études ‘ethniques’ aurait ainsi obtenu son rejet en échange de l’adoption des tests ADN approuvés par Valéry Giscard d’Estaing qui souhaiterait transformer le droit du sol en droit du sang dans le Code de la nationalité (comme le réclame d’ailleurs le Front national).

Mais c’est un peu vite oublier que toute décision du Conseil constitutionnel doit être motivée, non seulement juridiquement, mais aussi en restant en cohérence avec ses décisions antérieures. Les documents que j’ai mis en lien en apportent la preuve.



Je reste cependant convaincu que l’adoption donc définitive (la promulgation de la loi Hortefeux n’a plus désormais aucun obstacle) d’une mesure visant à utiliser une méthode biologique (et génétique) pour accompagner une politique, même si, sur cette application ponctuelle, elle aura peu de conséquences concrètes, c’est amener notre pays dans une voie où la liberté pourrait être, à terme, menacée et dont la vision se rapprocherait de celle de fictions cinématographiques comme ‘Le Cinquième Élément’ ou ‘Bienvenue à Gattaca’, et de cela, je n’en veux pas.


Sylvain Rakotoarison




     Article paru sur Agoravox.








Partager cet article
Repost0


 




Petites statistiques
à titre informatif uniquement.

Du 07 février 2007
au 07 février 2012.


3 476 articles publiés.

Pages vues : 836 623 (total).
Visiteurs uniques : 452 415 (total).

Journée record : 17 mai 2011
(15 372 pages vues).

Mois record : juin 2007
(89 964 pages vues).