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3 septembre 2024 2 03 /09 /septembre /2024 20:21

« Il ne faut jamais désespérer de notre pays, nous avons des ressources, des talents, des énergies, des compétences ! Je pense sincèrement que si nous cessons de nous bercer d'illusions et si nous nous rassemblons, nous pouvons construire une France plus prospère, plus juste, plus forte et plus libre. » (Édouard Philippe, "Le Point", le 3 septembre 2024).


 


L'ancien Premier Ministre Édouard Philippe a annoncé très clairement et très officiellement sa candidature à la prochaine élection présidentielle dans une interview publiée ce mardi 3 septembre 2024 dans la soirée (peu avant 20 heures) dans l'hebdomadaire "Le Point" : « Je serai candidat à la prochaine élection présidentielle. (…) J'ai créé un parti politique, Horizons, pour continuer à être un acteur de la vie politique nationale. (…) On dit souvent que pour une présidentielle il ne faut avoir envie de rien d'autre. J'y souscris. ».

Il est même allé plus loin, puisqu'à la dernière question des journalistes Mathilde Siraud et Valérie Toranian qui l'ont interviewé, à savoir : « Vous êtes prêt ? Y compris en cas de présidentielle anticipée ? », le maire du Havre a répondu sobrement : « Je vous le confirme ! ».

Édouard Philippe a une image publique très singulière : barbu avec encore quelques cheveux foncés et sans lunettes à Matignon, le voici, pour cause de maladie, imberbe, quasi-chauve (pas tout à fait, et ce qui reste de cheveux est blanc), presque à la manière d'un Edgar Faure (mais en longiligne), sans sourcils mais lunettes à grosse monture noire qu'il a troquée pour une fine monture, comme l'ont décrit les deux journalistes qui l'ont rencontré à son bureau de la mairie du Havre : « On le retrouve fidèle à lui-même, teint hâlé et fine monture de lunettes, boutons de manchette en forme de sablier, toujours prêt à faire montre de ses épatants talents d'imitateur. ».

Je dois avouer que j'apprécie beaucoup Édouard Philippe, tant lorsqu'il a été Premier Ministre que comme responsable politique en général, la personnalité comme son positionnement politique, son souci de la rigueur dans l'expression, sa grande intelligence, sa prudence, sa compréhension de la France des territoires que le Président de la République a toujours eu du mal à comprendre, et même son autodérision... mais depuis 2022, je peine à bien comprendre ses initiatives ou non initiatives.


Qu'il ait fondé son propre parti Horizons pour garder son autonomie politique vis-à-vis du camp présidentiel était tout à fait justifié, et il a fait ce que François Bayrou avait fait bien avant Emmanuel Macron avec le MoDem. En revanche, j'ai été très étonné de la grande passivité d'Édouard Philippe lors de la campagne présidentielle de 2022 car il n'a pris quasiment aucune part active audible dans le soutien à Emmanuel Macron.

J'ai également été très étonné par son attitude lors de la dissolution du 9 juin 2024. Certes, comme tous les autres responsables de la majorité présidentielle, il a été ulcéré par cette décision troublante, et il a aussi expliqué au début de la campagne des élections législatives anticipées qu'il ne fallait pas disserter sur les raisons de la dissolution mais qu'il fallait aller au combat pour faire gagner son camp, comme il l'a affirmé entre autres le 17 juin 2024 sur BFMTV.





Mais j'ai été étonné qu'il ne fût pas candidat lui-même aux élections législatives alors que le centre de gravité de la vie politique française allait se situer, au moins pour un an, dans l'hémicycle du Palais-Bourbon, et d'ailleurs, d'autres responsables politiques l'ont bien compris, de Marine Le Pen à Laurent Wauquiez, et évidemment Gabriel Attal, Gérald Darmanin et Élisabeth Borne. Non seulement il n'a pas voulu redevenir député, mais il a parfois présenté des candidats Horizons contre des candidats de la majorité présidentielle à un moment particulier de la vie politique où le RN était en possibilité favorable d'emporter une majorité absolue à l'Assemblée.

Alors, je m'étonne ce mardi soir de cette annonce de candidature à la prochaine élection présidentielle, alors que le nouveau Premier Ministre n'est toujours pas désigné après presque deux mois du second tour des élections législatives. Nous sommes, qu'on le veuille ou pas, dans une crise politique puisqu'on n'a pas de gouvernement, et Édouard Philippe se permet de penser au temps t+1 voire t+2. Car la situation politique à la prochaine élection présidentielle aura assurément beaucoup évolué depuis cette fin d'été.


D'ailleurs, des adversaires politiques l'ont bien compris comme cela. Ainsi Olivier Faure, l'insipide premier secrétaire du PS, a considéré que cette annonce montrait à quel point Édouard Philippe ne croyait plus à la seconde moitié du second quinquennat d'Emmanuel Macron puisqu'il souhaite passer tout de suite à la séquence suivante.

Ce qui est très étrange, c'est qu'Édouard Philippe a fait dans la même interview ce qu'il reprochait tant à Laurent Wauquiez qu'à Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et quelques autres, se préoccuper de la future élection présidentielle et oublier l'intérêt national et le pays qui doit être gouverné d'ici là, en l'exprimant dès le début de l'entretien : « Quand il s'agit de la France, je recommande vivement de n'être ni aveuglé par le passé, ni obsédé par le futur. ».

 


Édouard Philippe a démarré l'interview avec une charge singulière contre Emmanuel Macron : « J'ai déjà eu l'occasion de dire tout le mal que je pensais de la façon dont cette décision de dissoudre avait été pensée et exécutée. Mais avant la décision de dissoudre, il y a eu, en janvier, la décision de changer de Premier Ministre. J'avais recommandé au Président de la République de conserver Élisabeth Borne, qui me paraissait accomplir sa mission avec loyauté et abnégation, jusqu'aux européennes. Après le 9 juin, il aurait pu, s'il l'estimait nécessaire, changer de Premier Ministre pour changer de politique. Ce ne fut pas la décision du Président de la République. ».

Édouard Philippe fait partie des quelques personnalités politiques qui sont aujourd'hui populaires dans les sondages de popularité. Mais il ne l'avait pas été lorsqu'il était à Matignon. Grand connaisseur de notre histoire politique, l'ancien Premier Ministre devrait savoir qu'une forte popularité ne signifie pas forcément, pour ne pas dire jamais, à une élection à la Présidence de la République : avant lui, nombreux candidats l'ont compris à leurs dépens, Raymond Barre en 1988, Édouard Balladur en 1995, Lionel Jospin en 2002, François Bayrou en 2007, Ségolène Royal en 2007, Alain Juppé en 2016, Manuel Valls en 2017, etc. Car souvent, la popularité tient à ce que des sondés du camp adverse trouvent le personnage sympathique mais pour qui, dans l'isoloir, il ne serait pas question de voter.

Sa lecture des élections législatives est la suivante : « Trois sentiments ont prévalu : la déception des électeurs RN, le soulagement dans le bloc central (…), et l'enthousiasme de la gauche, qui prétend avoir gagné. Pour ma part, j'ai surtout vu le caractère ingouvernable d'une Assemblée sans aucune majorité nette. Le RN est le premier parti, mais le bloc le moins important ; le NFP rassemble 193 députés ; et entre le NFP et le RN, il y a un bloc central de 235 députés en incluant l'ex-majorité, les LIOT et la Droite républicaine, dont 47 députés LR qui affirment ne pas vouloir participer à ce bloc, mais qui votent avec lui… ». Et de le répéter plus tard : « Je redis que le bloc du NFP est plus restreint que le bloc central. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le NFP n'a pas réussi à faire élire monsieur Chassaigne à la Présidence de l'Assemblée. ».


Pour Édouard Philippe, la situation est dangereuse car il y a de nombreux dangers dont le premier est le sentiment de s'être fait voler l'élection avec la frustration des électeurs du RN qui n'ont pas gagné ces élections, mais aussi celle des électeurs de gauche qui croient, avec plus ou moins de bonne foi, qu'ils les ont gagnées. L'autre risque est bien sûr ce qu'il a appelé « le péril budgétaire que je crois sous-estimé » avec une absence grandissante de crédibilité de la parole de la France : « Mon sentiment c'est que nous sommes au bord de la falaise. Que l'instabilité politique perdure, ou qu'un gouvernement prenne des mesures directement contraires à nos engagements, et nous risquons l'accident majeur. ». Le troisième danger est l'immobilisme : « On ne parle plus des sujets importants qui ne se régleront pas si nous ne faisons rien : l'Éducation devrait être notre priorité et on n'en parle plus ; l'Écologie devrait nous obnubiler, plus personne n'en parle. C'est désastreux. Nous vivons une crise terrible du logement, qui limite les perspectives d'un grand nombre de nos concitoyens. (…) L'immobilisme a un coût considérable sur ces sujets notamment. ». Enfin, le quatrième danger est l'ordre public, la sécurité et la justice (il est notamment favorable aux peines planchers en matière de récidive).
 


Malgré ces quatre dangers, Édouard Philippe reste très optimiste pour l'avenir de la France : « Très souvent, quand je suis à Paris, je m'inquiète. Et quand je suis dans le pays, je me rassure. Je vois partout des initiatives incroyables dans une multitude de domaines. J'ai l'impression que, partout où je vais en France, je suis à 15 kilomètres d'une pépite. ». Sans oublier les Jeux olympiques et paralympiques : « Qu'est-ce qu'on a entendu avant ! La vérité, c'est que les organisateurs ont fait un travail remarquable, que les pouvoirs publics ont été à la hauteur, que les athlètes nous ont fait rêver et que l'ambiance était exceptionnelle. Et je dois dire que dans un pays qui doute, cela a fait du bien ! Qu'en restera-t-il ? J'espère un peu plus d'humilité pour ceux qui critiquent toujours tout avant… ».

Par ailleurs, le Normand est résolument opposé au scrutin proportionnel : « Je suis très attaché au scrutin majoritaire. Notamment parce qu'il impose un lien entre un député et les électeurs d'un territoire. Je me demande parfois si on ne devrait pas, pour les élections législatives, instituer la même règle que pour l'élection présidentielle, c'est-à-dire qu'au deuxième tour restent seulement les deux premiers. ». Et d'ajouter : « Méfions-nous d'un mode de scrutin qui laisserait la possibilité aux états-majors de partis politiques parisiens de construire des listes de candidats sans aucun lien avec les réalités politiques locales. ».

Dans les discussions actuelles pour la formation du gouvernement, Édouard Philippe a confirmé son désaccord avec Laurent Wauquiez : « La droite doit s'engager ! En refusant de participer à ce bloc central, elle précipite l'ensemble vers la gauche. J'observe d'ailleurs qu'il y a un certain nombre de gens, au sein de cette Droite républicaine, qui seraient prêts à prendre leurs responsabilités, parce qu'ils pensent que c'est nécessaire pour le pays. J'en connais ! Tous les partis de gouvernement devraient avoir pour objectif principal de favoriser la stabilisation de la vie politique. ».


D'ailleurs, sa logique actuelle est claire : « Je soutiendrai tout Premier Ministre choisi dans un espace politique qui va de la droite conservatrice à la social-démocratie et qui inscrira son action dans cet espace politique en construisant les compromis pour avancer. ». C'est valable notamment pour Bernard Cazeneuve, autre Normand, auquel il a succédé à Matignon en 2017 : « Entre des maires de grandes villes portuaires normandes, il y a toujours une amitié qui fait fi des logiques partisanes. Et je ne suis pas non plus insensible à son sens de la fidélité, de la nuance et de l'humour, qualités rares par les temps qui courent. ». Et pour Xavier Bertrand : « Nous partageons la même culture d'élu local de territoires populaires et ouvriers, le même engagement contre les extrêmes. ».

Il n'en reste pas moins que l'esprit d'Édouard Philippe est ailleurs, dans la future campagne présidentielle : « Je me prépare pour proposer des choses aux Français. Ce que je proposerai sera massif. Les Français décideront. ». En quelque sorte, ses déclarations du 3 septembre 2024 sont la déclaration de Rome [17 janvier 1969] de l'ancien Premier Ministre. Mais n'est pas Georges Pompidou forcément qui veut...



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (03 septembre 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Édouard Philippe massivement candidat à la succession d'Emmanuel Macron !
Édouard Philippe prêt à décoller.
De nouveaux Horizons.

 




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240903-edouard-philippe.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/edouard-philippe-massivement-256609

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/03/article-sr-20240903-edouard-philippe.html


 

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22 avril 2024 1 22 /04 /avril /2024 03:26

« L’équipe du député de la Somme a fait réaliser une enquête d’opinion dans laquelle il apparaît plus fort que Mélenchon si la gauche s’unit pour 2027. » ("Libération", le 21 avril 2024).


 


Décidément, la campagne des élections européennes parle de tout sauf de l'Europe, et plus préférentiellement, parle de l'élection présidentielle de 2027. C'est le problème avec la course aux petits chevaux de la Cinquième République, la campagne présidentielle démarre dès la fin de la précédente. Avec le quinquennat, inutile de dire qu'on ne vit que des supputations préprésidentielles, mais même avec le septennat, c'était pareil !

L'information provient d'un article de Charlotte Belaïch publié dans "Libération" la matinée du dimanche 21 avril 2024 et a valeur de coup de tonnerre : François Ruffin pourrait se qualifier au second tour d'une élection présidentielle et ferait jeu égal avec Marine Le Pen.

Avec cette information, il y a de quoi disserter sur beaucoup de sujets mais il faut bien rappeler que, hors contexte, les sondages d'intentions de vote à des élections ne valent quasiment rien : il y a d'abord l'identité de tous les candidats qui n'est pas connue (une élection, c'est avant tout une compétition entre plusieurs personnalités), et ensuite, il y a une campagne, avec des candidats qui tentent de montrer qu'ils seraient les meilleurs, et qui peuvent même convaincre des indécis et des hésitants.

La seule réelle information du sondage est un enfonçage de porte ouverte : les Français de gauche aimeraient mieux François Ruffin que Jean-Luc Mélenchon. À part cette très grande découverte, il n'y a pas trop à supputer sur ce sondage même si je vais en proposer quelques commentaires.

La première chose à savoir, c'est que c'est un sondage secret, ce qui veut dire que c'est un sondage qu'un candidat finance dans le but de connaître la faisabilité d'une candidature. C'est fréquent dans la perspective d'une élection municipale dans une grande ville (ne serait-ce que pour sonder déjà la notoriété du candidat potentiel). Autant que ça vaille le coup. Il n'y a que des exceptions comme Anne Hidalgo pour, après des premiers tests catastrophiques, se convaincre qu'on ferait un bon candidat. Les autres y renoncent sauf s'ils veulent faire du témoignage (comme les trotskistes). Mais avant l'élection de 2017, on trouvait déjà ce genre de résultats avec Benoît Hamon préféré à Jean-Luc Mélenchon, puis avant l'élection de 2022, avec Yannick Jadot préféré à Jean-Luc Mélenchon, et dans les dernières semaines de campagne, Jean-Luc Mélenchon a explosé et dépassé tous ses concurrents de gauche dans les urnes parce qu'il reste excellent tribun.

Pour le dire franchement, François Ruffin, certes, a l'air sympa, mais est-ce suffisant pour diriger la sixième (ou septième) première puissance mondiale ? Quelle est sa doctrine militaire ? Sa vision à long terme de l'Europe ? Sa stratégie industrielle ? À part : il faut faire payer les riches ? Il y a le contenu du programme politique, mais il y a aussi le tempérament, et, ma foi, je ne le vois pas du tout dans le rôle du candidat. Oui, dans le rôle du candide, mais dans le rôle du candidat, celui qui doit promettre, faire rêver, avoir de l'aplomb et à la fin (et aucun grand candidat n'y échappe), dire n'importe quoi car réussir à convaincre la majorité absolue des électeurs d'une France si éclatée à voter sur son nom, forcément, il y aura des malentendus, voire de la tromperie (on se souvient de la guerre contre la finance internationale en 2012 !). Je ne le vois pas sombrer dans une surenchère de démagogie, et cela plus par naïveté que par bonne conscience morale.

L'institut de sondages sollicité par les proches de François Ruffin est Cluster17. Il a proposé aux sondés deux hypothèses de premier tour : l'une avec François Ruffin comme unique candidat de la gauche, l'autre avec Jean-Luc Mélenchon à sa place. Le reste est inchangé, à savoir Marine Le Pen candidate de RN, Édouard Philippe représentant les couleurs macronistes, Laurent Wauquiez pour LR, sans oublier Éric Zemmour et Nicolas Dupont-Aignan. Le sondage a été réalisé sur Internet du 2 au 5 avril 2024.

Dans l'hypothèse Ruffin, c'est un coup de tonnerre : il se qualifierait pour le second tour en dépassant Édouard Philippe de 4 points avec 29% d'intentions de vote, à 1 point derrière Marine Le Pen. Le coup de tonnerre n'est pas interne à la gauche mais laisserait entendre que le candidat macroniste pourrait être éjecté dès le premier tour de la compétition. Ce serait une douche froide pour tous les électeurs modérés favorables à la construction européenne et aux valeurs républicaines de progrès.

 


Dans l'hypothèse Mélenchon, on retrouverait le rapport de forces de l'élection présidentielle de 2022 : Jean-Luc Mélenchon serait exclu du second tour avec seulement 18%, derrière Édouard Philippe 31% et Marine Le Pen 32%.
 


La comparaison des deux hypothèses de premier tour se suffisent à elles-mêmes et ce qu'il fallait démontrer serait ainsi démontré : François Ruffin obtiendrait 11 points de plus que Jean-Luc Mélenchon et dans le package, pourrait concourir pour le second tour face à Marine Le Pen. Et pourrait même être élu !

Deux hypothèses de second tour ont été testées, mais pas celle la plus probable, Marine Le Pen versus Édouard Philippe, ce qui aurait été intéressant (mais l'association de François Ruffin n'avait sans doute pas assez d'argent pour faire ce troisième test).

La première hypothèse est Marine Le Pen versus François Ruffin, et ils seraient tous les deux avec le même niveau de voix, à 50% (ce qui fait qu'on ne peut pas conclure).
 


Dans la seconde hypothèse, Marine Le Pen versus Jean-Luc Mélenchon, ce dernier s'effondrerait à 35% face à 65% pour la leader du RN. Là encore, la démonstration serait faite que François Ruffin tiendrait bien mieux face à Marine Le Pen que le gourou vieillissant des insoumis.
 


Si on osait aller plus loin dans l'analyse, on dirait qu'il y aurait une réelle incohérence entre ces deux hypothèses. En gros, 30% (15%/50%) des électeurs qui auraient voté pour François Ruffin au second tour voteraient pour Marine Le Pen si elle était opposée à Jean-Luc Mélenchon. De même, en comparant les deux hypothèses du premier tour, 38% (11%/29%) des électeurs qui auraient voté pour François Ruffin au premier tour ne voteraient pas pour Jean-Luc Mélenchon si c'était le candidat de la gauche et se reporteraient majoritairement sur Édouard Philippe (6 points sur les 11 points perdus par Jean-Luc Mélenchon), également sur Marine Le Pen (2 points), Nicolas Dupont-Aignan (1 point) et 1 point seulement à gauche (Philippe Poutou).

Cela montre que le sondage est foireux car il ne prend pas en compte les programmes. Or, que ce soit François Ruffin ou Jean-Luc Mélenchon, c'est bien le programme des insoumis qui serait identique et en vitrine et qui paraît assez incompatible avec un vote Édouard Philippe (par exemple).


Bien entendu, l'analyse devrait tenir compte de l'abstention, car dans l'hypothèse d'un second tour RN versus FI, beaucoup d'électeurs (ceux du pôle central) n'y retrouveraient plus leurs petits (ce serait mon cas). Mais ce serait aussi le cas entre les deux hypothèses du second tour adoptées : ainsi, 33% des sondés s'abstiendraient dans le cas d'un duel Marine Le Pen versus François Ruffin, tandis que 42% des sondés s'abstiendraient dans le cas d'un duel Marine Le Pen versus Jean-Luc Mélenchon. Cela montrerait surtout que François Ruffin est capable de mieux rassembler la gauche que Jean-Luc Mélenchon, réussissant à préserver l'électorat extrémiste insoumis tout en séduisant la partie plus modérée de la gauche non macroniste, à savoir écologiste et socialiste.
 


L'abstention observée au premier tour serait nettement moindre, ce qui est logique dans la mesure où l'offre politique serait plus large : dans le cas d'une candidature de François Ruffin, 23% seraient abstentionnistes, et dans le cas d'une candidature de Jean-Luc Mélenchon, 27% seraient abstentionnistes, ce qui confirmerait qu'une partie des électeurs de gauche rejetteraient absolument Jean-Luc Mélenchon mais seraient prêts à voter François Ruffin. L'ordre de grandeur de l'abstention est compatible avec l'abstention habituellement constatée dans la réalité des élections présidentielles passées.
 


Cependant, deux biais gigantesques remettent en question l'intérêt et les conclusions d'un tel sondage (sauf, je le répète, de conclure que les électeurs de gauche, dans leur globalité, préféreraient François Ruffin à Jean-Luc Mélenchon).

Le premier biais est valable dans tous les sondages, et c'est pour cela qu'au-delà de la simple mesure photographique d'un état de l'opinion qui pourrait évoluer au cours du temps, il y a aussi la marge d'erreur, très importante lorsque les scores se rapprochent de 50%. Dans les mentions officielles, il est dit et répété (notamment sur les slides des résultats) que le sondage est réalisé par Cluster17
« auprès d'un échantillon de 1 713 personnes représentatif de la population française ». 1 713, c'est déjà pas mal quand souvent d'autres prennent à peine 1 000 personnes.

Mais il faut aussi lire le détail technique de ce sondage, qui est pourtant clairement expliqué à qui veut le lire précisément. Et ce nombre de 1 713 n'est pas celui qu'il faut prendre pour calculer les intervalles d'incertitude : il est en fait bien plus faible. En effet, il faut prendre en compte ceux, parmi les 1 713 personnes, qui ne sont pas inscrits sur une liste électorale et par conséquent, qui ne voteront de toute façon pas, puis retrancher encore ceux qui n'ont aucune intention de voter, puis pondérer par ceux qui hésiteraient à voter (dont la probabilité de vote est entre 0 et 1).
 


Et cela donne nettement moins : seulement 1 238 personnes pour l'hypothèse Ruffin du premier tour. Et 1 063 personnes pour l'hypothèse Marine Le Pen versu François Ruffin au second tour. Inutile d'évoquer les deux hypothèses avec Jean-Luc Mélenchon car la différence des résultats obtenus est trop grande (relativement aux insoumis ou par rapport aux autres candidats) pour que le calcul de la marge d'erreur puisse avoir un intérêt (même si cette marge est plus grande car les personnes sont moins nombreuses à vouloir se plier à ces choix).

Pour le premier tour avec François Ruffin, l'intérêt est de connaître le niveau d'avance avec Édouard Philippe, 29% par rapport à 25%, c'est important puisque cela préfigurerait le second tour. Cela donnerait ainsi Édouard Philippe à 25% +/- 2,45%, tandis que François Ruffin serait à 29% +/- 2,6% soit : Édouard Philippe entre 22,5% et 27,5% tandis que François Ruffin entre 26,4% et 31,6%. Donc conclure avec ce sondage que François Ruffin dépasserait Édouard Philippe est une grossière erreur puisque les intervalles d'incertitude se chevauchent, d'où, avec les mêmes résultats, la possibilité que le score soit en fait inversé, avec une avance de 1 point, par exemple, de l'ancien Premier Ministre. Mais dans cette même logique, Marine Le Pen, qui serait à 30% +/- 2,6%, c'est-à-dire entre 27,4% et 32,6%, pourrait donc être dépassée par François Ruffin (dans l'incertitude haute pour les insoumis), ce qui reviendrait à dire que le candidat FI serait premier du premier tour (résultat qui, politiquement, a tout de même peu de chance de survenir). Je n'ai pas fait le calcul pour l'hypothèse Mélenchon du premier tour, car ce n'était pas l'objet du sondage, mais il est clair que Marine Le Pen et Édouard Philippe seraient au coude-à-coude et cela pourrait bien sûr être Édouard Philippe au premier rang, dépassant la candidate du RN.
 


Dans l'hypothèse du second tour avec François Ruffin, comme les scores seraient de 50% chacun, l'intervalle donné par la fiche technique explique qu'en fait, ils seraient compris entre 47% et 53%. Bref, à peu près l'écart de tous les candidats au second tour sauf en 1965, 1969, 2002, 2017 et 2022. Bref, le sondage dit surtout que tout est possible, nous voilà bien avancés !

Mais au-delà de ces calculs d'apothicaires de la vie électorale, le sondage de Cluster17 commandé par François Ruffin pêche par un second biais bien plus grave, celui de figer l'ensemble des candidats du premier tour. Si Marine Le Pen, Éric Zemmour, et, dans une moindre mesure, Laurent Wauquiez, ont une forte probabilité de participer au scrutin de 2027, il n'en est pas de même pour les autres. La présence de Nicolas Dupont-Aignan devient moins évidente depuis qu'il s'est retiré des élections européennes (ce qui avantagerait l'extrême droite). De même, le candidat du camp macroniste est loin d'être connu et Gabriel Attal pourrait aussi créer la surprise.

Toutefois, de toutes ces hypothèses, le biais principal reste l'hypothèse que le candidat insoumis soit le candidat unique de la gauche, de Lutte ouvrière aux radicaux de gauche, en passant par le PS, le PCF, EELV, et FI, ce qui n'est absolument pas crédible alors qu'ils ne s'entendent sur rien ! D'autant plus que l'hypothèse de garder un candidat du NPA, avec Philippe Poutou, est plutôt fantaisiste car ce parti est ruiné (par l'effet attractif de FI) et plutôt unitaire, alors que LO a toujours été autonomiste (refusant même de voter lors du second tour en 2002).


Toute cette mousse médiatique sur ce sondage est donc assez stérile mais elle prouve deux choses : François Ruffin a envie d'y aller, à la présidentielle de 2027, et il aura des soutiens, de ceux qui veulent que Jean-Luc Mélenchon prennent définitivement sa retraite. L'autre chose est moins agréable pour la gauche : les électeurs de gauche modérés, qui ne supportent pas Jean-Luc Mélenchon et pensent trouver dans le vote pour Raphaël Glucksmann aux élections européennes une voie raisonnable, se trompent complètement : voter Glucksmann, c'est voter PS et donc, à terme, voter pour FI lors des choses sérieuses, en 2027.

Car si j'explique juste avant que la réunion de toute la gauche à l'élection présidentielle n'est pas crédible dans la situation actuelle, et c'est vrai surtout dans le cas d'une candidature de Jean-Luc Mélenchon (il suffit de voir en 2017 et 2022), ce genre de sondages pourrait, par leur fonction autoréalisatrice, conduire les appareils partisans de gauche à renoncer à se présenter à la présidentielle derrière une figure incontestée parce que peu politique comme celle de François Ruffin, mais, je le répète, derrière François Ruffin restera toujours le programme de FI qui est anti-européen, pro-Poutine, pro-palestinien et qui considère le Hamas comme faisant des actes de résistance légitimes.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 avril 2024)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :

Sondage secret : le tour de chauffe de François Ruffin !
Sondage secret : en cas de législatives anticipées, une victoire du RN ?
Marine Le Pen en tête dans un sondage : attention au buzz !





https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240421-francois-ruffin.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/sondage-secret-le-tour-de-chauffe-254289

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/04/22/article-sr-20240421-francois-ruffin.html




 

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9 décembre 2023 6 09 /12 /décembre /2023 04:53

« Elle songea qu'ils se trompaient probablement tous les uns les autres et qu'ils vivaient dans une illusion. » (Marie Vareille, "Ma vie, mon ex et autres calamités", éd. Charleston, 2019).





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Bien que déposée par le groupe écologiste de l'Assemblée Nationale, l'adoption surprise de la motion de rejet préalable contre le projet de loi Immigration le lundi 11 décembre 2023 a été une grande victoire du Rassemblement national et de sa stratégie pour arriver au pouvoir.

Car il ne faut pas douter d'une chose, et le thème de l'immigration est très clivant sur ce point-là : la France est divisée en deux, et ces deux parties, ces deux camps, quoi qu'en disent les leaderaillons de la Nupès, c'est la majorité présidentielle (Renaissance et alliés) et le RN, à l'exclusion de la gauche nupésienne qui ne reste que périphérique et revendicative.

Bien involontairement, mais de manière complètement prévisible, la gauche a donné au RN une victoire incroyable qui pourrait déboucher sur une crise politique voire des élections législatives anticipées. Pour l'heure, Gérald Darmanin, qui a proposé sa démission au Président Emmanuel Macron qui l'a refusée, a été reconfirmé comme poids lourd de la majorité présidentielle. Son objectif reste le même qu'avant le rejet de son texte qu'il ne considère que comme un incident de parcours. Il souhaite faire adopter la loi Immigration sans utiliser l'article 49 alinéa 3 de la Constitution. Le gouvernement aurait intérêt d'ailleurs à ne pas l'utiliser, car sur ce sujet très sensible qui est propice à toutes les postures électoralistes, l'hypothèse qu'une motion de censure soit adoptée est devenue très probable.

Certains observateurs imaginent une stratégie machiavélique d'Emmanuel Macron : ce dernier serait susceptible de provoquer une dissolution de l'Assemblée Nationale pour en finir avec tant d'impuissance dans l'hémicycle et de s'accommoder de la perspective d'une éventuelle victoire du RN aux élections législatives qui en suivraient. Les sondeurs le disent et le répètent, le RN pourrait gagner ces élections législatives.

Certes, certains commentateurs politiques pensent que ce serait impossible que le RN obtienne une majorité absolue ou même relative. Absolue ou relative, ce serait pourtant une véritable possibilité à ne pas écarter du champ des possibles : le RN a déjà décuplé le nombre de ses députés en juin 2022 (par rapport à juin 2017), et personne ne l'aurait imaginé même la veille du scrutin (tout au plus, le RN aurait pu constituer un groupe, mais de l'ordre de 20 à 30 députés, pas les 88 d'aujourd'hui). Ces 88 sièges, partout en France (pas dans quelques territoires mais répartis dans toute la France), ils ont donné au RN une force de frappe extraordinaire avec une implantation locale généralisée (chose que Renaissance peine à avoir).


Dès lors que le RN apparaît, ce qui semble malheureusement le cas, comme la seule perspective d'alternance à l'actuelle majorité macronienne, ce parti sera bénéficiaire de l'effet mécanique du scrutin majoritaire qui leur permet de poser la question : pour ou contre Emmanuel Macron ? Ou encore : pour ou contre Marine Le Pen ?

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L'objectif d'Emmanuel Macron serait de ne pas laisser dans la postérité un passage de pouvoir à l'Élysée à Marine Le Pen en 2027. Pour cela, il pourrait imaginer un gouvernement de cohabitation dirigé par le RN qui confronterait ce parti populiste aux réalités du pays. Comme c'est le cas du gouvernement italien actuel dirigé par Giorgia Meloni, même si la situation politique est très différente. Aucun gouvernement de cohabitation n'a été approuvé par une élection présidentielle qui le suivait : ni en 1988, ni en 1995, ni en 2002. Être Premier Ministre est un cadeau généralement empoisonné.

Mais pour la postérité, être le premier Président à nommer à Matignon un rejeton d'un parti créé par Jean-Marie Le Pen ne serait tout de même pas joli joli non plus. Sans compter la vie quotidienne dans les institutions, les humiliations au conseil des ministres, les déclarations impuissantes d'un Président de la République alors que les ministres feraient le contraire. Un tel machiavélisme prêté au Président serait presque de l'aliénation mentale. Une dissolution paraît surtout un suicide collectif en perspective, pas seulement pour Renaissance, mais pour toute la classe politique, RN compris.

Cela n'empêche pas l'idée de continuer à faire son chemin. Dans la matinale de ce mardi 12 décembre 2023 sur BFMTV et RMC, le président du RN et tête de la liste RN aux élections européennes du 9 juin 2024, Jordan Bardella, a déjà annoncé la couleur : le RN est prêt à gouverner, et en cas de majorité, il serait lui-même le Premier Ministre d'une cohabitation.

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Après l'autoproclamation à Matignon de Jean-Luc Mélenchon avant les élections législatives de juin 2022, voici l'autoproclamation de Jordan Bardella ! En un qui n'a rien compris au fonctionnement des institutions et à l'esprit de la Constitution : la nomination du Premier Ministre est une prérogative exclusive du Président de la République. Évidemment, ce qui fait tiquer, c'est : pourquoi ne serait-ce pas Marine Le Pen ? Celle-ci, bien sûr, a l'horizon présidentiel de 2027 à l'esprit et elle ne voudrait pas se brûler les ailes dans l'exercice du pouvoir quelques années auparavant. Une sorte de stratégie de Jacques Chirac élaborée en 1993 en laissant Matignon à son alors ami de trente ans Édouard Balladur.

L'un des arguments électoraux du RN pour voter pour lui, ou, du moins, ne pas voter contre lui, ce serait : il n'est jamais arrivé au pouvoir, on peut essayer. La thèse de l'essai est intéressante car elle est peu ambitieuse. En gros, tous ceux qui ont gouverné auraient été incapables de rendre la vie des Français plus confortable, alors, essayons n'importe quoi mais quelque chose de nouveau. Et il y en a même à gauche que se disent : levons l'hypothèque RN ! Voter nécessite pourtant un peu d'esprit de responsabilité.


En fait, le RN n'a rien de nouveau. Il fait partie intégrante du système politique. Il a fêté son cinquantenaire en automne 2022. En cinquante et un ans d'existence, qu'est-ce que ce parti a fait pour le bien des Français ? Rien. Absolument rien. Pas une seule proposition, pas une seule idée qui a abouti pour l'intérêt général. Ce parti a été géré comme une aubaine des situations. Sous Le Pen père, il était une PME prospère mais artisanale, avec un fonds de commerce juteux (l'anti-immigration), au point d'être déstabilisé lorsqu'il a été présent au second tour de l'élection présidentielle de 2002 (il manquait le financement d'une campagne de second tour). Avec Le Pen fille, cela a commencé à devenir une entreprise plus importante, surtout, plus sérieuse, au point de se confondre avec le système (ils sont comme les autres !).

Éric Zemmour, sur leur droite, et Jean-Luc Mélenchon, sur leur gauche, existent et, par leurs outrances, permettent au RN et à ses deux leaders, Marine Le Pen et Jordan Bardella (le pseudo-gendre), de se recentrer et surtout, d'augmenter leur respectabilité, mot d'ordre depuis 2022 à base de cravates et de propos courtois (il y a quand même quelques dérapages quand les chefs ne surveillent pas la meute). L'idéologie qu'ils servent n'a pas changé, mais elle est emballée dans une sorte de politiquement correct qui leur laisse l'espoir de convaincre les Français de leur compétence.

De toute façon, le moment venu, les Français arbitreront. Et jamais comme les sondages l'imaginent.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (12 décembre 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Rassemblement national : objectif 2027... ou avant !
Jordan Bardella.
Marine Le Pen.

Le nouveau JDD et la récupération des Enzo...
Geoffroy Lejeune.
Attention, un train de violence peut en cacher un autre...
Éric Caliméro Zemmour.
Jean-Marie Le Pen et sa marque dans l'histoire.
La tactique politicienne du RN.
La sanction disciplinaire la plus lourde de la Cinquième.

Louis Aliot.
Le congrès du RN.
Grégoire de Fournas.
Incident raciste : 89 nuances de haine à la veille du congrès du RN ?
Le Front national des Le Pen, 50 ans plus tard...

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20231212-marine-le-pen.html

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7 mai 2022 6 07 /05 /mai /2022 03:18

« Nous défendons l’idée de progrès, scientifique, technique, et intellectuel. Nous défendons la liberté comme condition première de toute évolutin et de chaque avancée, économique comme sociale. (…) La France est porteuse d’un modèle de société et de développement humain qu’il faut accepter de réformer pour faire face aux défis qui nous attendent, pour en conserver l’ambition et la force. » (Extrait de la Charte des valeurs d’Ensemble, majorité présidentielle, novembre 2021).





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Ce samedi 7 mai 2022 à 11 heures, le Président de la République Emmanuel Macron procède à sa nouvelle investiture au palais de l’Élysée. Cérémonie plus courte qu’il y a cinq ans en raison de l’absence de la passation des pouvoirs avec son prédécesseur et de la remise du cordon de grand-croix de la Légion d’honneur.

En revanche, on regardera avec attention qui a été invité, même s’il ne faut pas compter sur cette journée pour connaître le nom du prochain Premier Ministre. Le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal avait indiqué le 4 mai 2022 que Jean Castex resterait en fonction jusqu’au 13 mai 2022, date de la fin officielle du premier quinquennat (à minuit).

On peine cependant à comprendre pourquoi la fin du premier quinquennat ne concorde pas avec le début du second quinquennat. Une tentative de réponse peut être la fête de l’Europe, le 9 mai 2022. En effet, il est de tradition que le nouveau chef de l’exécutif, investi ou réinvesti, en France et en Allemagne, fasse son premier déplacement international chez l’autre, en Allemagne et en France. Olaf Scholz avait ainsi réservé sa première visite diplomatique en rendant visite au Président français Emmanuel Macron. Ce dernier va donc rendre la pareille après sa seconde investiture de ce week-end.

Le mauvais procès de venir chercher ses ordres à Berlin est stupide puisque c’est une tradition amicale systématiquement réciproque. Angela Merkel avait fait de même en 2018 lorsqu’elle a été confirmée à la tête de son quatrième gouvernement. Toutefois, Emmanuel Macron a été habile puisqu’en se rendant à Berlin le jour de la fête de l’Europe, le 9 mai 2022, il prononcera un discours pro-européen tant en qualité de Président français nouvellement réélu qu’en celle de Président du Conseil de l’Unions Européenne qu’il est toujours jusqu’au 1er juillet 2022.

Évacuons aussi le mauvais procès du Président de la République le plus mal élu, ce qui est faux, une assertion fausse martelée par Jean-Luc Mélenchon. Avec 58,5% des voix, Emmanuel Macron ferait bien des envieux, d’abord parmi les candidats ayant échoué (dont Jean-Luc Mélenchon dès le premier tour), ensuite parmi les élus de la Cinquième République qui, à l’exception de Jacques Chirac en 2002, n’ont jamais eu un aussi bon score (pas même le Général De Gaulle !).

Et ne venons pas parler des inscrits, car d’une part, en prenant en compte les abstentionnistes et en les supposant comme des opposants, on fait de la très grossière manipulation politique, et d’autre part, même pris en tant que tel, Georges Pompidou a eu, avec 37,5% des inscrits, moins de pourcentage par rapport aux inscrits qu’Emmanuel Macron et François Hollande, avec 39,1% des inscrits, a eu un pourcentage sensiblement égal. Emmanuel Macron, avec 38,5% des inscrits, n’est donc pas "mal élu". Ou alors, que dire, le 18 juin 2017, de l’élection de Jean-Luc Mélenchon, député de la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône, avec seulement 20,0% des inscrits ? ou encore de Marine Le Pen avec seulement 24,0% des inscrits ?

En revanche, oui, on peut parler de "flottement" au plus haut niveau de l’État. À ma connaissance, aucun Président de la République n’a mis aussi longtemps pour désigner un Premier Ministre et un gouvernement à la suite d’une élection présidentielle. On peut imaginer qu’Emmanuel Macron attendait justement de voir comment les choses évolueraient du côté socialiste et du côté LR pour se faire une idée du prochain quinquennat.

Les nombreuses supputations sur l’identité du prochain Premier Ministre (à ceux déjà cités, il faut rajouter en particulier : Valérie Rabault, Véronique Bédague, Carole Delga, Pascal Canfin, Olivier Dussopt, Christelle Morençais, Nicolas Notat, Catherine Vautrin, Marisol Touraine, etc.) ont laissé un parfum d’indécision assez étonnant pour celui qui se fait régulièrement qualifié de Président "autocrate".

Ce flottement du côté de la majorité présidentielle et une désertion politique du côté de Marine Le Pen (qui est en vacances !) ont laissé pendant dix jours le terrain médiatiquement vide au profit de Jean-Luc Mélenchon qui a réussi à imposer, avec humiliation, la reddition du parti socialiste et à laisser croire qu’une majorité de gauche est possible à l’Assemblée Nationale (alors que le premier tour de l’élection présidentielle du 10 avril 2022 a montré qu’elle était au contraire ultraminoritaire).

Ce flottement a pris fin le jeudi 5 mai 2022 avec la conférence de presse de quatre des grands responsables de la majorité présidentielle en cours de restructuration. Effectivement, le mouvement Ensemble Citoyens créé le 29 novembre 2021 à la Mutualité de Paris est devenu le 5 mai 2022 Ensemble (tout court), comprenant tous les partis et formations ayant soutenu Emmanuel Macron dès le premier tour.

À savoir : LREM (qui a été renommé Renaissance, comme le nom de la liste aux élections européennes de 2019), le MoDem de François Bayrou, Horizons de l’ancien Premier Ministre Édouard Philippe, le parti radical de Laurent Hénart, Agir issu de LR et l’UDI de Franck Riester (avec Claude Malhuret, Fabienne Keller, Laure de La Raudière, Frédéric Lefebvre, Pierre-Yves Bournazel, etc.), et aussi des mouvements issus du parti socialiste, Territoires de progrès mené par Olivier Dussopt (avec Jean-Yves Le Drian, Olivier Véran, Clément Beaune, Émilie Chalas, Florence Parly, Élisabeth Borne, Emmanuelle Wargon, Agnès Pannier-Runacher, Brigitte Bourguignon, Stéphane Travert, Anne-Christine Lang, Francis Chouat, François Pupponi, etc.), En commun regroupé autour de Barbara Pompili (avec Hugues Renson, Jacques Maire, Cécile Rilhac, etc.), et la Fédération progressiste créée très récemment par François Rebsamen (avec Juliette Méadel, Thierry Repentin, Pascal Terrasse, etc.).

La construction de cette majorité présidentielle a été laborieuse, en particulier parce qu’il y aurait eu une "crise" entre Édouard Philippe et Emmanuel Macron en janvier 2022. Le Président de la République aurait refusé la fusion d’Agir dans Horizons, fusion qui aurait été logique (ce sont surtout d’anciens LR ou UDI devenus macronistes) mais dont la puissance aurait présenté un danger pour LREM.

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Dans cette conférence, quatre personnalités ont pris la parole : Richard Ferrand, président d’Ensemble, Édouard Philippe et François Bayrou, vice-présidents d’Ensemble, et Stéphane Guérini, secrétaire général d’Ensemble, ce dernier annonçant la transformation de LREM en Renaissance. Ces responsables ont également annoncé que le programme électoral d’Ensemble était le projet présidentiel d’Emmanuel Macron (là encore, c’est logique).

Bien entendu, le plus important était les investitures aux élections législatives. Regardons d’abord l’existant : dans la législature sortante, 346 députés sortants se réclament de la majorité présidentielle (il en faut au moins 289 pour avoir la majorité absolue), dont 267 de LREM, 57 du MoDem et 22 d’Agir. Le principe de cette coalition Ensemble, c’est qu’il n’y ait qu’une seule candidature de la majorité présidentielle dans chaque circonscription, et que les candidats élus députés s’engagent à s’inscrire à l’un des trois groupes de la majorité : LREM, MoDem et Horizons. Cela signifie aussi qu’Agir et le parti radical ne devront pas créer de groupe autonome à l’Assemblée Nationale. Et cela signifie enfin qu’un intergroupe sera créé pour rassembler toute la majorité présidentielle. Il ne faut pas négliger tout l’enjeu d’une cohésion de la majorité présidentielle à l’Assemblée Nationale. Entre 1974 et 1981, ce fut une épine pour Valéry Giscard d’Estaing qui avait confié à Olivier Guichard cette tâche.

Une première liste de 187 noms des candidats investis par Ensemble a été publiée le 5 mai 2022. En tout, LREM se réservera 400 circonscriptions, le MoDem entre 101 et 110, et Horizons 58. Ne seront pas candidats Ensemble notamment : Bruno Le Maire, Éric Dupond-Moretti, Jean-Jacques Bridey, Pacôme Rupin, Pierre Person, Mounir Mahjoubi.

Sont notamment candidats (sont indiquées les circonscriptions seulement pour ceux qui n’étaient pas élus en 2017 ou qui changent de circonscription) : Gérald Darmanin, Richard Ferrand, Jean-Michel Blanquer (4e circonscription du Loiret), Emmanuelle Wargon (8e circonscription du Val-de-Marne), Clément Beaune (7e circonscription de Paris), Élisabeth Borne (6e circonscription du Calvados), Gabriel Attal, Amélie de Montchalin, Olivier Dussopt, Manuel Valls (dans la 5e circonscription des Français de l’étranger : Espagne, Portugal, Andorre et Monaco, mais le député sortant LREM Stéphane Vojetta maintient sa candidature), Thierry Benoit (ex-UDI), Éric Woerth (ex-LR), Laurent Saint-Martin, Florian Bachelier, Marie Guevenoux, Paul Midy, directeur général de LREM (5e circonscription de l’Essonne, celle de Cédric Villani, ex-LREM), Astrid Panosyan (4e circonscription de Paris), Benjamin Haddad (14e circonscription de Paris), Thomas Cazenave (1e circonscription de Gironde), Violette Spillebout (9e circonscription du Nord), Julien Bargeton (6e circonscription de Paris), Élise Fajgeles (5e circonscription de Paris), Mohamad-Lamine Gassama (15e circonscription de Paris), Yanis Bacha (16e circonscription de Paris), Kolia Benié (17e circonscription de Pairs), Pierre-Yves Bournazel, Jeanne Dromard (1e circonscription de Seine-Saint-Denis), Anaïs Brood (2e circonscription de Seine-Saint-Denis), Nabil Aït Akkache (5e circonscription de Seine-Saint-Denis, celle de l’UDI Jean-Christophe Lagarde), Stéphane Testé, Sylvie Charrière, Frédéric Descrozaille, Jean-François Mbaye, Maud Petit, Philippe Hardouin (10e circonscription de Sainte-Saint-Denis), etc.

De ces 187 candidats déjà investis par Ensemble, 94 sont des femmes et 93 des hommes, 101 députés sortants et 86 nouveaux candidats, dont 43 déjà élus locaux. Les investitures complémentaires seront annoncées d’ici au 10 mai 2022 (le dépôt de candidature doit se faire officiellement entre le 16 et 21 mai 2022). Dans certaines circonscriptions, Ensemble ne devrait pas présenter de candidat pour aider certains députés sortants, comme Damien Abad (LR) et David Habib (PS), écarté de l’accord avec FI dans les Pyrénées-Atlantiques. Ancien député du MoDem, Jean Lassalle fait aussi l’objet d’un traitement particulier de la part de François Bayrou.

Le prochain Premier Ministre aura du mal à devenir le chef de la majorité et le chef de la campagne de la majorité présidentielle pour les élections législatives parce qu’il aura été complètement absent de ce long et minutieux processus sur les investitures. La semaine qui vient a des chances d’être cruciale pour les cinq prochaines années.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (06 mai 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Élysée 2022 (50) : Macron II succède à Macron I.
Élysée 2022 (49) : vers une quatrième cohabitation ?
Élysée 2022 (48) : qui sera le prochain Premier Ministre d’Emmanuel Macron ?
Élysée 2022 (47) : la victoire historique d’Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron réélu Président de la République le 24 avril 2022.
Discours du Président Macron le 24 avril 2022 au Champ-de-Mars à Paris (texte intégral et vidéo).
Interview d’Emmanuel Macron le 22 avril 2022 sur France Inter.
Résultats du second tour de l’élection présidentielle du 24 avril 2022 (Ministère de l’Intérieur).

_yartiMacron2022AM02




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220505-macron.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/elysee-2022-50-macron-ii-succede-a-241385

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25 avril 2022 1 25 /04 /avril /2022 03:38

« Je sais que nombre de nos compatriotes ont voté ce jour pour moi, non pour soutenir les idées que je porte, mais pour faire barrage à celles de l’extrême droite. Je veux ici les remercier et leur dire que j’ai conscience que leur vote m’oblige pour les années à venir. (…) Je ne suis plus le candidat d’un camp, mais le Président de toutes et de tous. (…) Nous avons tant à faire ! (…) Nul ne sera laissé au bord du chemin. (…) Cette ère nouvelle ne sera pas la continuité du quinquennat qui s’achève. » (Emmanuel Macron, le 24 avril 2022 à Paris).



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Ouf ! Soulagement et joie en France mais aussi en Europe à l’annonce des résultats du second tour de l’élection présidentielle de ce dimanche 24 avril 2022. La réélection du Président sortant Emmanuel Macron est historique à plus d’un titre (du reste, celle de son adversaire l’aurait été aussi). En effet, c’est la première fois dans l’histoire de notre République qu’un Président de la République est réélu au suffrage universel direct hors périodes de cohabitation, c’est-à-dire hors responsabilité du gouvernement sortant. Effectivement, François Mitterrand et Jacques Chirac ont été réélus, mais en tant que chef de l’opposition, il n’avait pas à défendre un bilan gouvernemental, et De Gaulle a été certes réélu mais il n’avait pas été élu au suffrage universel direct, l’élection de 1965 était sa première (et unique) consécration par l'onction du peuple à titre personnel (les référendums étant sur un sujet déterminé).

Ce mandat qui commence aura bien de problèmes, bien des enjeux, bien des responsabilités, mais il faut aussi savoir goûter à sa juste valeur cette victoire historique. D’après le Ministère de l’Intérieur, Emmanuel Macron a obtenu 18,8 millions de voix, soit 58,5% des suffrages exprimés, tandis que son opposante Marine Le Pen 13,3 millions de voix, soit 41,5%. C’est donc une large victoire du Président sortant, surtout si l’on prend aussi en fonction du nombre des votants : 53,5% des votants, soit plus de la majorité absolue des électeurs qui se sont déplacés. Sa légitimité populaire ne peut pas être mise en doute, pas plus qu’en 2017, même par ceux de ses opposants qui considèrent qu’une élection est légitime seulement si elle les fait élire (ce qui donne une définition très étrange de la démocratie).

Je m’en réjouis naturellement, soulagé et heureux que les Français aient choisi la poursuite de la modernité et de l’ouverture contre le repli sur soi et la haine, mais cela reste tout de même un résultat alarmant face à l’extrême droite.

Au second tour d’une présidentielle, le parti d’extrême droite est passé de 5,5 millions d’électeurs en 2002 à 10,6 millions en 2017 et 13,3 millions en 2022. Le plafond de verre a très largement explosé, depuis longtemps d’ailleurs, le seuil de 40% des exprimés a été franchi par Marine Le Pen. Celle-ci, comme prévu et comme l’ont fait avant elle de nombreuses personnalités politiques, celle qui avait affirmé qu’elle renoncerait à la vie politique en cas d’échec en 2022 a changé de position et a annoncé la poursuite de son engagement politique. Il est vrai que la perspective de 2027 est plutôt dégagée pour elle, car Emmanuel Macron ne pourra plus se représenter et son supposé héritier politique aura forcément moins de génie politique et surtout moins d’expérience de campagne présidentielle que lui, et il reste peu de survivants parmi les partis gouvernementaux d’avant Macron, LR et le PS. Mais c’est trop tôt pour y songer quand on sait tous les bouleversements et les crises qu’il y a eus entre 2017 et 2022.

Emmanuel Macron a perdu un peu moins de 2 millions d’électeurs, ce qui, après l’usure de cinq ans de mandat, est finalement assez faible. En nombre de voix, il est en cinquième position dans l’histoire des présidentielles, derrière Jacques Chirac avec 25,5 millions de voix en 2002, lui-même avec 20,7 millions en 2017, Nicolas Sarkozy avec 19,0 millions de voix en 2007 et François Hollande avec 18,0 millions en 2012, ce qui est un score quasiment identique.

Lors de sa venue à France Inter dans la matinale du vendredi 22 avril 2022, Emmanuel Macron comptait sur 58,5% des voix, ce qui donne une approche assez pertinente de son analyse électorale. Valéry Giscard d’Estaing aussi avait approché assez bien son résultat de 1974 en comptant sur 51% des voix.

Si l’on regarde par rapport aux électeurs inscrits, avec 38,5% des inscrits, Emmanuel Macron a une légitimité équivalente à celle de François Hollande qui avait obtenu 39,1% des inscrits. Le procès en illégitimité ne devrait jamais avoir lieu, sinon par des mauvais joueurs de réflexe typiquement trumpiste qui refusent le principe de la démocratie. C’est d’ailleurs, là aussi, une grande émotion d’avoir eu la possibilité de choisir en toute liberté, sans pression, par vote secret et sincère, le Président de la République de son pays, quand on regarde un certain nombre de pays à l’étranger dont les peuples n’ont pas cette chance.

Emmanuel Macron revient de loin. Il y a exactement un an, en avril 2021, en plein dans la troisième vague pandémique, qui aurait misé qu’il allait être réélu avec presque trois électeurs sur cinq ? C’est sa capacité à gérer les crises, à s’adapter aux fluctuations géantes de notre monde actuel qui lui a apporté le soutien nécessaire. C’était le candidat de la raison, face aux pulsions, face aux passions, face aux émotions parfois les plus négatives du peuple français.

Cette victoire historique n’empêchera pas une analyse détaillée du scrutin, une France éclatée en deux, celle des personnes âgées et celle des actifs inquiets, celle des urbains et celle des ruraux, celle des diplômés et celle des sans diplôme, etc. Emmanuel Macron l’a bien compris quand il est venu au Champ-de-Mars à Paris, derrière la Tour Eiffel mais aussi en face du Trocadéro, ce dimanche soir. Sa phrase la plus importante est sans nul doute : « Nul ne sera laissé au bord du chemin. ». Cela ressemble à un vœu pieux et le challenge du nouveau quinquennat, c’est que cela devienne réalité (il n’est pas le premier à avoir émis un tel vœu).

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Malgré le large écart entre les deux candidats du second tour, il ne faut pas se bercer d’illusions : ce second tour a été un choc de deux haines, une détestation quasi-idéologique contre le candidat du réel, et un refus de l’extrême droite au pouvoir. À l’étranger, personne ne comprend vraiment cette détestation contre la personnalité d’Emmanuel Macron. Elle est forte et aurait pu l’emporter sur le rejet de l’extrême droite dès lors qu’il n’y a plus de front républicain.

Je crois qu’on peut considérer qu’il y a un front républicain quand il y a plus de participation au second tour qu’au premier tour lorsque le candidat de l’extrême droite est présent au second tour. C’était le cas en 2002 (20,3% d’abstention au second tour, bien moins que les 28,4% du premier tour), mais pas en 2017 (25,4% au second tour, plus que les 22,2% du premier tour), ni en 2022 (28,0% au second tour, plus que les 26,3% du premier tour).

Dans mon bureau de vote, qui a voté à 75,5% pour Emmanuel Macron, j’ai pu voir qu’il y avait des électeurs qui n’étaient pas venus voter au premier tour voter au second tour, mais aussi l’inverse, qui ont voté au premier tour et ne sont pas venus voter au second tour. Cela dit, il faut se méfier des interprétations trop rapides car les vacances scolaires (dans cette commune) ont commencé à Pâques et le premier tour n’était pas en période de vacance au contraire du second tour situé au milieu des vacances (même s’il reste la possibilité des procurations).

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On va évidemment scruter les premiers gestes du Président réélu. Sa présence au Champ-de-Mars a été accompagnée (de sa femme et d’enfants) au lieu d’être seule au Louvre qui symbolisait terriblement l’exercice solitaire du pouvoir, pour reprendre une expression giscardienne. En 2017, il avait aussi voulu fêter sa victoire au pied de la Tour Eiffel, mais la maire de Paris, Anne Hidalgo, le lui avait refusé pour d’obscures raisons techniques. Son repos ensuite à la Lanterne à Versailles doit moins porter sur la symbolique que ce besoin de souffler après une campagne épuisante et avant un nouveau mandat qui se révélera sans doute aussi sportif.

Il s’agit de ne pas aller trop vite et de bien choisir les mesures du nouveau quinquennat. Il y a deux enjeux : commencer un nouveau mandat présidentiel mais terminer une législature. Car tous les esprits sont désormais à la préparation des élections législatives des 12 et 19 juin 2022.

Pour Emmanuel Macron, la nomination d’un nouveau gouvernement est donc le premier enjeu de cette nouvelle ère : il devra être celui qui mènera la majorité présidentielle aux législatives tout en étant suffisamment consensuel pour représenter l’ensemble de son électorat du second tour. Une attention que n’avait pas eue Jacques Chirac en 2002 et qui a été une erreur que la France paie peut-être encore aujourd’hui par cette colère quasiment permanente ressentie par une partie des Français depuis 2002. Là est le travail présidentiel à venir : « Je sais que pour nombre de nos compatriotes qui ont choisi l’extrême droite, la colère et les désaccords qui les ont conduits à voter pour ce projet doivent aussi trouver une réponse. C’est ma responsabilité et celle de ceux qui m’entourent. ».

Bravo l’artiste !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (24 avril 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Élysée 2022 (47) : la victoire historique d’Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron réélu Président de la République le 24 avril 2022.
Discours du Président Macron le 24 avril 2022 au Champ-de-Mars à Paris (vidéo).
Interview d’Emmanuel Macron le 22 avril 2022 sur France Inter.
Résultats du second tour de l’élection présidentielle du 24 avril 2022 (Ministère de l’Intérieur).
Rien n’est joué !
Duel Emmanuel Macron vs Marine Le Pen du second tour du 20 avril 2022.
Emmanuel Macron, le candidat de la puissance française et européenne.
Avec Marine Le Pen, l’État de droit en peine.
La révolution verte du candidat Emmanuel Macron.
Discours d’Emmanuel Macron au Pharo à Marseille le 16 avril 2022 (vidéo et texte intégral).
Discours d’Emmanuel Macron à la Porte de Versailles de Paris La Défense le soir du 10 avril 2022 (vidéo et texte intégral).
Discours d’Emmanuel Macron à Arena de Paris La Défense le 2 avril 2022 (vidéo et texte intégral).
Marine Le Pen : ne nous trompons pas de colère !
Tout sauf Macron : pourquoi tant de haine ?
Élysée 2022 (45) : le naufrage du parti Les Républicains.
Élysée 2022 (44) : la consécration du mélenchonisme électoral.
Élysée 2022 (43) : le sursaut républicain !
Résultats du premier tour de l’élection présidentielle du 10 avril 2022 (Ministère de l’Intérieur).
Gestion de la crise du covid : la France au tableau d’honneur !
Emmanuel Macron et son rapport à l’imprévisible.
13 raisons de voter pour Emmanuel Macron : pouvoir d’achat, santé, école, écologie…
Projet du candidat Emmanuel Macron pour 2022 (à télécharger).
Élysée 2022 (42) : Emmanuel Macron en danger !
Élysée 2022 (41) : Emmanuel Macron descend dans l’arène.
Élysée 2022 (37) : Emmanuel Macron n’est pas (encore) réélu !
Élysée 2022 (36) : pour qui votera Nicolas Sarkozy au premier tour ?
Élysée 2022 (35) : le projet présidentiel du candidat Emmanuel Macron.
Élysée 2022 (33) : Emmanuel Macron à 30% ?
Élysée 2022 (32) : Emmanuel Macron candidat !
Élysée 2022 (29) : Emmanuel Macron sera-t-il candidat un jour ?
Enfin, une vision européenne !

_yartiMacron2022AM04





https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220424-presidentielle-second-tour.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/elysee-2022-47-la-victoire-241171

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/04/21/39444786.html






 

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24 avril 2022 7 24 /04 /avril /2022 21:46

Les résultats du second tour de l'élection présidentielle du 24 avril 2022 en France sont les suivants, validés par le Conseil Constitutionnel le mardi 26 avril 2022 :

Résultats au 2d tour
Liste des candidats Voix % Inscrits % Exprimés
M. Emmanuel MACRON 18 768 639 38,50 58,55
Mme Marine LE PEN 13 288 686 27,26 41,45


 

  Nombre % Inscrits % Votants
Inscrits 48 752 339    
Abstentions 13 655 861 28,01  
Votants 35 096 478 71,99  
Blancs 2 233 904 4,58 6,37
Nuls 805 249 1,65 2,29
Exprimés 32 057 325 65,76 91,34


En raison des arrondis à la deuxième décimale, la somme des pourcentages peut ne pas être égale à 100%.








Résultats avant la validation du Conseil Constitutionnel :

10 et 24 avril 2022

 
France Entière
Résultats au 2d tour
Liste des candidats Voix % Inscrits % Exprimés
M. Emmanuel MACRON 18 779 641 38,52 58,54
Mme Marine LE PEN 13 297 760 27,28 41,46
 
  Nombre % Inscrits % Votants
Inscrits 48 752 500    
Abstentions 13 656 109 28,01  
Votants 35 096 391 71,99  
Blancs 2 228 044 4,57 6,35
Nuls 790 946 1,62 2,25
Exprimés 32 077 401 65,80 91,40

En raison des arrondis à la deuxième décimale, la somme des pourcentages peut ne pas être égale à 100%.
France Entière
 
Rappel des Résultats au 1er tour
Liste des candidats Voix % Inscrits % Exprimés
M. Emmanuel MACRON 9 783 058 20,07 27,85
Mme Marine LE PEN 8 133 828 16,69 23,15
M. Jean-Luc MÉLENCHON 7 712 520 15,82 21,95
M. Éric ZEMMOUR 2 485 226 5,10 7,07
Mme Valérie PÉCRESSE 1 679 001 3,44 4,78
M. Yannick JADOT 1 627 853 3,34 4,63
M. Jean LASSALLE 1 101 387 2,26 3,13
M. Fabien ROUSSEL 802 422 1,65 2,28
M. Nicolas DUPONT-AIGNAN 725 176 1,49 2,06
Mme Anne HIDALGO 616 478 1,26 1,75
M. Philippe POUTOU 268 904 0,55 0,77
Mme Nathalie ARTHAUD 197 094 0,40 0,56
 
  Nombre % Inscrits % Votants
Inscrits 48 747 876    
Abstentions 12 824 169 26,31  
Votants 35 923 707 73,69  
Blancs 543 609 1,12 1,51
Nuls 247 151 0,51 0,69
Exprimés 35 132 947 72,07 97,80

En raison des arrondis à la deuxième décimale, la somme des pourcentages peut ne pas être égale à 100%.



 
Résultats incomplets calculés sur la base de 94% des électeurs inscrits
Résultats au 2d tour
Liste des candidats Voix % Inscrits % Exprimés
M. Emmanuel MACRON 16 977 656 37,64 56,97
Mme Marine LE PEN 12 824 397 28,43 43,03
 
  Nombre % Inscrits % Votants
Inscrits 45 103 778    
Abstentions 12 445 536 27,59  
Votants 32 658 242 72,41  
Blancs 2 100 949 4,66 6,43
Nuls 755 240 1,67 2,31
Exprimés 29 802 053 66,07 91,25

En raison des arrondis à la deuxième décimale, la somme des pourcentages peut ne pas être égale à 100%.
France Entière
 
Rappel des Résultats au 1er tour
Liste des candidats Voix % Inscrits % Exprimés
M. Emmanuel MACRON 9 783 058 20,07 27,85
Mme Marine LE PEN 8 133 828 16,69 23,15
M. Jean-Luc MÉLENCHON 7 712 520 15,82 21,95
M. Éric ZEMMOUR 2 485 226 5,10 7,07
Mme Valérie PÉCRESSE 1 679 001 3,44 4,78
M. Yannick JADOT 1 627 853 3,34 4,63
M. Jean LASSALLE 1 101 387 2,26 3,13
M. Fabien ROUSSEL 802 422 1,65 2,28
M. Nicolas DUPONT-AIGNAN 725 176 1,49 2,06
Mme Anne HIDALGO 616 478 1,26 1,75
M. Philippe POUTOU 268 904 0,55 0,77
Mme Nathalie ARTHAUD 197 094 0,40 0,56
 
  Nombre % Inscrits % Votants
Inscrits 48 747 876    
Abstentions 12 824 169 26,31  
Votants 35 923 707 73,69  
Blancs 543 609 1,12 1,51
Nuls 247 151 0,51 0,69
Exprimés 35 132 947 72,07 97,80

En raison des arrondis à la deuxième décimale, la somme des pourcentages peut ne pas être égale à 100%.


Source : Ministère de l'Intérieur


Pour en savoir plus :
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220424-presidentielle-second-tour.html

RAPPEL : Résultats du premier tour du 10 avril 2022 :

https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220410-presidentielle-premier-tour.html

https://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20220410-resultat-presidentielle.html


SR
https://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20220424-resultat-presidentielle.html
 

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24 avril 2022 7 24 /04 /avril /2022 21:00

(verbatim et vidéo)


Pour en savoir plus :
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220424-macron.html












Discours du Président Emmanuel Macron le 24 avril 2022 à Paris


Merci !

Merci chers amis, chers compatriotes ici à Paris et partout à travers le territoire, en hexagone, dans nos Outre-Mer et à l’étranger, oui, avant toute chose, merci.

Après cinq années de transformations, d’heures heureuses et difficiles, de crises exceptionnelles aussi, ce jour du 24 avril 2022, une majorité d’entre nous a fait le choix de me faire confiance pour présider notre République durant les 5 années à venir.

Je veux remercier l’ensemble des militants, des volontaires, des compagnons de route et élus qui depuis le début m’accompagnent et ont rendu cette élection possible.

Je sais que vous n’avez pas ménagé vos efforts, avez donné tant d’énergie, partagé tant de convictions. C’est en frappant au cœur que vient la vérité. Merci.

Je sais ce que je vous dois. Merci !

Je veux remercier l’ensemble des Françaises et des Français qui au premier puis au deuxième tour m’ont accordé leur confiance afin de faire advenir notre projet pour une France plus indépendante, une Europe plus forte, et par des investissements et des changements profonds, continuer d’assurer des progrès concrets pour chacun en libérant la créativité, l’innovation dans notre pays, et pour faire de la France une grande Nation écologique.

Je sais aussi que nombre de nos compatriotes ont voté ce jour pour moi non pour soutenir les idées que je porte mais pour faire barrage à celles de l’extrême droite.

Je veux ici les remercier et leur dire que j’ai conscience que ce vote m’oblige pour les années à venir.

Je suis dépositaire de leur sens du devoir, de leur attachement à la République et du respect des différences qui se sont exprimées ces dernières semaines.

Je pense aussi à tous nos compatriotes qui se sont abstenus. Leur silence a signifié un refus de choisir auquel nous nous devrons aussi de répondre.

Je pense enfin à ceux qui ont voté pour Madame le Pen dont je sais la déception ce soir.

(Sifflets du public)

EMMANUEL MACRON

Non, ne sifflez personne. Depuis le début je vous ai demandé de ne jamais siffler.

Parce que, dès à présent, je ne suis plus le candidat d’un camp, mais le Président de toutes et tous.

Je sais aussi que pour nombre de nos compatriotes, qui ont choisi aujourd’hui l’extrême droite, la colère et les désaccords qui les ont conduits à voter pour ce projet, doivent trouver une réponse.

Ce sera ma responsabilité et celle de ceux qui m’entourent.

Car le vote de ce jour nous impose de considérer toutes les difficultés des vies vécues et de répondre avec efficacité aux colères qui se sont exprimées.

Mes chers compatriotes, mes chers amis.

Aujourd’hui vous avez fait le choix d’un projet humaniste, ambitieux pour l’indépendance de notre pays, pour notre Europe, un projet républicain dans ses valeurs, un projet social et écologique, un projet fondé sur le travail et la création, un projet de libération de nos forces académiques, culturelles, entrepreneuriales.

Ce projet, je veux le porter avec force dans les années qui viennent, en étant dépositaire aussi des divisions qui se sont exprimées, et des différences, et en veillant chaque jour au respect de chacun, et en continuant d’œuvrer à une société plus juste et à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Pour cela, il nous faudra être exigeants et ambitieux.

Nous avons tant à faire et la guerre en Ukraine est là pour nous rappeler que nous traversons des temps tragiques où la France se doit de porter sa voix, de montrer la clarté de ses choix, et de bâtir sa force dans tous les domaines, et nous le ferons.

Il nous faudra aussi, mes amis, être bienveillants et respectueux, car notre pays est pétri de tant de doutes, de tant de divisions.

Alors il nous faudra être fort. Mais nul ne sera laissé au bord du chemin.

Il nous reviendra ensemble d’œuvrer à cette unité par laquelle seule nous pourrons vivre plus heureux en France et relever les défis qui nous attendent, les années à venir à coup sûr, ne serons pas tranquilles. Mais elles seront historiques ! Et, ensemble, nous aurons à les écrire pour nos générations.

Mes chers compatriotes, c’est avec ambition et bienveillance pour notre pays, pour nous tous, que je veux pouvoir à vos côtés aborder les cinq années qui viennent.

Cette ère nouvelle ne sera pas la continuité du quinquennat qui s’achève.

Mais l’invention collective d’une méthode refondée pour cinq années de mieux, au service de notre pays, de notre jeunesse.

Chacun d’entre nous y aura une responsabilité.

Chacun d’entre nous aura à s’y engager.

Car chacun d’entre nous compte plus que lui-même.

C’est ce qui fait du peuple français cette force singulière que j’aime si profondément, si intensément, et que je suis si fier de servir à nouveau.

Vive la République ! Et vive la France !

Emmanuel Macron, le dimanche 24 avril 2022 au Champ-de-Mars à Paris.

Source : AvecVous.

https://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20220424-discours-macron.html


 

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22 avril 2022 5 22 /04 /avril /2022 09:02

Emmanuel Macron a été l'ultime invité de la campagne présidentielle à la matinale de France Inter pendant une heure dix. Interrogé par Léa Salamé et Nicolas Demorand, il l'est également par les auditeurs et a pu prendre le temps d'expliquer son projet. On peut écouter sur Internet cet entretien.

Cliquer sur le lien pour télécharger l'interview (fichier .mp3) :
https://rf.proxycast.org/d4e94853-ae84-4387-aacb-0d3d0766bacd/22994-22.04.2022-ITEMA_23003395-2022F46888S0112-22.mp3

Pour en savoir plus :
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220424-macron.html

SR
https://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20220422-interview-macron.html






 

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22 avril 2022 5 22 /04 /avril /2022 06:12

« Devant l’enjeu historique, l’abstention n’est en effet pas une option. Quelle que puisse être la déception des uns ou des autres devant le quinquennat passé, on ne peut fuir ses responsabilités citoyennes pour l’avenir que l’extrême droite au pouvoir mettrait en péril. Il faut lui faire barrage activement et non s’en laver les mains. Le duel s’annonce serré. » (Sébastien Maillard, directeur de l’Institut Jacques-Delors, le 19 avril 2022).




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Je n’ai jamais compris les gens qui, pour faire barrage à un candidat dans un second tour d’une élection présidentielle, s’abstienne ou vote blanc ou nul. Tout le monde peut voter pour n’importe qui du moment que tout le monde respecte la loi, c’est la démocratie, mais vouloir faire barrage en ne votant pas pour le candidat opposé, c’est au mieux un doux rêve ou une illusion d’optique, au pire une hypocrisie cynique. Il ne faut pas se voiler la face, si on ne veut vraiment pas l’élection d’un candidat donné, il vaut voter pour son adversaire. Il n’y a pas à tergiverser.

Cela me fait penser à "Matin brun", une nouvelle de Franck Pavloff (éd. Cheyne, 1998). Il s’agissait d’un nouveau pouvoir qui votait des lois bizarres. Au début, les habitants tentaient de s’y accommoder tout en poursuivant leurs divertissements. Jusqu’au jour où (c’est la fin de la nouvelle) : « On frappe à la porte. Si tôt le matin, ça n’arrive jamais. J’ai peur. Le jour n’est pas levé, il fait encore brun dehors. Mais, arrêtez de taper si fort, j’arrive. ». Bien sûr, Marine Le Pen ne va pas obliger les chats et les chiens à être bruns, mais son programme est pourtant assez clair, à tel point qu’elle tente de l’édulcorer, maintenant qu’il est sous les projecteurs, mais c’est clair qu’elle ne sera pas au pouvoir pour ne rien faire. On dit qu’elle est victime d’être la fille de son père : le fait d’être sa fille n’est le problème ; le problème, c’est qu’elle a repris le parti de son père, avec son corpus idéologique et ses hommes d’appareil, ce n’est pas du tout la même chose !

Le risque est de faire sous-traiter le vote pour Emmanuel Macron par d’autres parce qu’on ne souhaiterait pas soi-même se compromettre devant son miroir, bien qu’on ne veuille absolument pas de Marine Le Pen. À cette sous-traitance, il y a une réelle lâcheté : si au petit matin du lundi 25, vous vous réveilliez avec Marine Le Pen élue, il ne faudrait alors pas venir pleurnicher, ce serait à cause de vous, vous qui n’avez pas voulu vous compromettre avec le supposé méchant Macron en laissant filer Le Pen. Il y aurait alors des barrages électoraux plus efficaces que le vôtre. Certains électeurs américains ont connu cela avec l’élection de Donald Trump. D’autres électeurs britanniques ont connu cela avec le vote sur le Brexit.

Plus calculateur, si un électeur anti-Le Pen qui souhaiterait qu’Emmanuel Macron soit réélu, mais du bout des lèvres, juste avec un petit score, que devrait-il faire ? L’ennui, dans son cas, c’est qu’il ne vote pas pour donner un score, il vote 100% pour un candidat ou 0% pour son concurrent, mais il ne peut pas faire un panachage des deux, par exemple, voter 55% pour l’un et 45% pour l’autre, ainsi, la victoire serait mesurée. C’est typiquement un raisonnement bidon et stupide. Car il n’y a pas de volonté collective des "Français" en tant que tout, que peuple, il n’y a que des millions de volontés individuelles qui sont du tout ou rien, soit l’un soit l’autre (soit encore aucun des deux).

J’ai un exemple en tête très flagrant. En septembre 1992, j’étais un élu dans une grande agglomération de Lorraine et le maire était un député RPR qui avait des responsabilités nationales au sein de son parti et souhaitait sans doute devenir ministre quelques mois plus tard dans la perspective d’une grande victoire en mars 1993 (il n’aura jamais été ministre). Pour le référendum sur le Traité de Maastricht, j’étais bien évidemment favorable et je faisais campagne activement pour le "oui". À ma grande stupeur, j’ai appris que le député-maire avait appelé à voter "non" (le RPR était très divisé). Je suis alors allé le voir pour demander des explications. Il m’a répondu : "Non, Sylvain, tu vois, je suis bien sûr pour Maastricht, mais politiquement, il nous faut un petit "oui", pas un grand "oui", pour éviter de favoriser François Mitterrand". J’ai tenu un bureau de vote et j’ai participé au dépouillement, ma ville était très européenne, mais des villes voisines montraient des résultats très contrastés, et j’ai pu revoir le maire à la fin de la soirée qui n’en menait pas large, en me disant : "oui, on a failli perdre !".

Quand vous êtes pour, il faut voter pour et ne pas croire que les autres le feront à votre place. Qu’on vote contre (à un référendum) ou qu’on vote pour un candidat ou un autre, c’est normal et c’est la démocratie. Qu’on fasse des calculs en présupposant que le résultat est déjà acquis d’avance, c’est certes tout aussi démocratique, mais c’est stupide et surtout casse-cou ! Si on ne veut vraiment pas l’élection d’un ou d’une candidate, alors, il n’y a pas à tergiverser, il faut voter pour le candidat concurrent, c’est la seule chose qui pourra garder votre sérénité si d’aventure le candidat en question est quand même élu.

Aujourd’hui, Emmanuel Macron jouit dans les sondages d’une courte avance. Significative sur le plan des calculs d’intentions de vote, mais pas du tout sur le plan pratique. Il aurait 10 points d’avance (environ) sur la candidate du RN. Le duel du 20 avril 2022 ne semble pas avoir beaucoup modifié ce rapport de forces. 10 points, c’est peu par comparaison à 2017, et très peu en remontant jusqu’à 2002. Cela veut dire qu’un déplacement de 5% des voix pourrait inverser le résultat. On a vu au premier tour à quel point les hésitations des électeurs, jusqu’à l’isoloir, peut bouleverser les sondages, et d’au moins 5% des voix, il suffit de regarder les scores de Valérie Pécresse (passant de 10% à 4,8%, Éric Zemmour passant de 11% à 7%, Jean-Luc Mélenchon passant de 17% à 22%, et même de Marine Le Pen passant de 20% à 23%. Au total, les transferts sont de bien plus que 10 points en deux jours.

Bref, il faut être logique avec soi-même. Mais qu’on ne se méprenne pas sur ce que j’écris. Il ne s’agit absolument pas de culpabiliser ceux qui choisiraient de ne pas choisir. Si vous êtes indifférent au résultat, l’abstention ou le vote blanc semble cohérent. Il s’agit juste de montrer la voie de la responsabilité d’un côté, mais aussi ce que le candidat doit faire pour faire accepter qu’on vote pour lui. Car c’est bien sûr de la responsabilité du candidat Macron de convaincre les électeurs qui ne veulent absolument pas l’élection de sa concurrente de voter pour lui. Comme l’écrivait Jean-Pierre Chevènement dans "Le Monde" du 19 avril 2022 : « Le plus sûr moyen d’arrêter Marine Le Pen, c’est encore de montrer le sens humaniste de notre projet. Car, comme l’a dit Emmanuel Macron, "la France n’est pas n’importe quelle nation". ».

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Le dimanche 24 avril 2022, nous serons donc dans une drôle de situation, avec un camp contre Marine Le Pen et plus généralement, contre l’extrême droite, et un camp contre le Président sortant. C’est la première fois qu’une telle situation a lieu : en 2002, Jacques Chirac, bien que formellement sortant, n’était pas le responsable de la politique de Lionel Jospin des cinq précédentes années, et en 2017, Emmanuel Macron n’était pas du tout le sortant qui s’était déjà sorti par lui-même. Quant à la confrontation avec un sortant politiquement actif, que se fût en 1981 avec Valéry Giscard d’Estaing ou en 2012 avec Nicolas Sarkozy, ils n’étaient pas opposés à un candidat extrémiste et donc, le mot d’ordre : "sortez le sortant !" (ou "tout sauf…") prenait alors toute sa puissance sans contrepoids avec un autre mot d’ordre de type front républicain.

Le front républicain ne fonctionnera pas pour Marine Le Pen en 2022 car il n’a déjà pas fonctionné en 2017. La preuve, c’est la participation entre les deux tours. En 2002, il y a une forte hausse de la participation entre le premier et le second tours pour empêcher l’élection de Jean-Marie Le Pen. En 2017, au contraire, la participation a baissé entre les deux tours, certains électeurs de François Fillon et de Jean-Luc Mélenchon ayant refusé de départager les deux finalistes. En 2022, la situation risque d’être identique, à savoir une plus faible participation au second tour qu’au premier tour, en raison de l’indécision d’un certain nombre d’électeurs principalement de Jean-Luc Mélenchon. La faible audience du débat de second tour en est un signe avant-coureur : 15,6 millions de téléspectateurs, c’est faible. En 2017, ils étaient 16,5 millions ; en 2012, 17,8 millions ; en 2007, 20,5 millions.

De nombreux journalistes semblent considérer que la réélection d’Emmanuel Macron serait acquise dès maintenant. Ils évoquent le lieu où il fera la fête (au Champ de Mars à Paris), ils évoquent le futur gouvernement (supposé dirigé par une femme, laquelle ? capable de mener la majorité présidentielle aux élections législatives de juin 2022), les ministres qui s’en iraient, les nouveaux qui entreraient, etc. C’est aller un peu vite en besogne, aussi vite que Jean-Luc Mélenchon qui demande le 19 avril 2022 sur BFM-TV de se faire élire Premier Ministre aux législatives, ignorant qu’entre-temps, il y a d’abord second tour qui structurera toute la vie politique des cinq prochaines années.

Le bilan du Président sortant est très encourageant, y compris socialement. Par exemple, de nombreux enfants en situation de handicap ont pu être scolarisés (100 000 de plus qu’en 2017) grâce à la titularisation et au renforcement de statut des accompagnants. Ou encore ces plus d’un million de jeunes qui ont pu accéder à la culture et à l’art grâce au Pass Culture.

En outre, Emmanuel Macron n’a pas voulu suivre la mode des mesures démagogiques que la candidate d’extrême droite propose, comme l’interdiction du port du voile. Il a rappelé au débat de l’entre-deux-tours la philosophie générale de nos valeurs, à savoir que si le port du voile était interdit par la loi de 2005, c’était uniquement dans des administrations publiques recevant du public et aussi dans les écoles où les consciences se forment. Ailleurs, tout le monde est libre de porter les vêtements qu’il veut. Sinon, au nom de quoi l’interdire ? Sûrement pas de l’islamisme radical qui ne se confond pas avec le port du voile. D’ailleurs, la maman d’une victime du terrorisme islamiste porte elle-même le voile, c’était la réponse d’Emmanuel Macron à cette mesure stupide, à la fin du débat télévisé.

Ces quelques exemples montrent qu’Emmanuel Macron est bien plus près des préoccupations des Français et du respect de la fragile cohésion sociale que la candidate de l’extrême droite qui se présente une troisième fois toujours avec ses gros sabots. Et forcément, les électeurs voteront en conséquence. Mais rien n’est figé, des mouvements de voix peuvent avoir lieu juste avant le vote, comme cela était le cas au premier tour. Les sueurs froides resteront de rigueur jusqu’à la fermeture des bureaux de vote dimanche soir. Électeurs, allez voter !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 avril 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Rien n’est joué !
Duel Emmanuel Macron vs Marine Le Pen du second tour du 20 avril 2022.
Emmanuel Macron, le candidat de la puissance française et européenne.
Avec Marine Le Pen, l’État de droit en peine.
La révolution verte du candidat Emmanuel Macron.
Discours d’Emmanuel Macron au Pharo à Marseille le 16 avril 2022 (vidéo et texte intégral).
Discours d’Emmanuel Macron à la Porte de Versailles de Paris La Défense le soir du 10 avril 2022 (vidéo et texte intégral).
Discours d’Emmanuel Macron à Arena de Paris La Défense le 2 avril 2022 (vidéo et texte intégral).
Marine Le Pen : ne nous trompons pas de colère !
Tout sauf Macron : pourquoi tant de haine ?
Élysée 2022 (45) : le naufrage du parti Les Républicains.
Élysée 2022 (44) : la consécration du mélenchonisme électoral.
Élysée 2022 (43) : le sursaut républicain !
Résultats du premier tour de l’élection présidentielle du 10 avril 2022 (Ministère de l’Intérieur).
Gestion de la crise du covid : la France au tableau d’honneur !
Emmanuel Macron et son rapport à l’imprévisible.
13 raisons de voter pour Emmanuel Macron : pouvoir d’achat, santé, école, écologie…
Projet du candidat Emmanuel Macron pour 2022 (à télécharger).
Élysée 2022 (42) : Emmanuel Macron en danger !
Élysée 2022 (41) : Emmanuel Macron descend dans l’arène.
Élysée 2022 (37) : Emmanuel Macron n’est pas (encore) réélu !
Élysée 2022 (36) : pour qui votera Nicolas Sarkozy au premier tour ?
Élysée 2022 (35) : le projet présidentiel du candidat Emmanuel Macron.
Élysée 2022 (33) : Emmanuel Macron à 30% ?
Élysée 2022 (32) : Emmanuel Macron candidat !
Élysée 2022 (29) : Emmanuel Macron sera-t-il candidat un jour ?
Enfin, une vision européenne !

_yartiMacron2022AI08







https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220421-macron.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/rien-n-est-joue-241092

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/04/19/39441588.html










 

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21 avril 2022 4 21 /04 /avril /2022 03:35

« Pilate vit que ses efforts ne servaient à rien, sinon à augmenter le désordre ; alors, il prit de l’eau et se lava les mains devant la foule, en disant : "Je ne suis pas responsable du sang de cet homme : cela vous regarde !" » (La Passion du Christ selon saint Matthieu).




_yartiDuelEMMLP2022042002

Le traditionnel duel télévisé du second tour de l’élection présidentielle opposant Emmanuel Macron et Marine Le Pen a eu lieu ce mercredi 20 avril 2022, diffusé en direct sur TF1 et France 2 à partir de 21 heures. Il a été animé par Léa Salamé et Gilles Bouleau qui s’étaient mis en retrait sur le plateau, laissant pendant près de trois heures les deux candidats discuter en face-à-face.

Probablement que ce débat n’influera pas beaucoup le vote des Français, regardé par 15,6 millions d’entre eux, soit moins qu’en 2017. Emmanuel Macron et Marine Le Pen avaient à prouver, pour l’un, sa sincérité, et pour l’autre, sa crédibilité, et devaient éviter de tomber, pour l’un, dans la suffisance, et pour l’autre, dans l’insuffisance.

On a parlé de débat de bonne tenue, ce qui sur la forme était vrai, chacun des candidats a respecté son interlocuteur, mais je reste toujours écœuré, je crois que je n’ai pas d’autre mot, par le fait même de débattre sur des mesures particulièrement nauséabondes. Indépendamment de l’enjeu électoral, qui est très fort (rien n’est joué), débattre très sérieusement de ces mesures, notamment en présence du Président de la République, le magistrat suprême, c’est donner à ces mesures une respectabilité qu’elles ne devraient pas avoir, même si parfois, elles peuvent être soutenues par une supposée majorité des sondés dans des sondages (on sait ce qu’ils valent aux référendums). En 2002, la philosophie de Jacques Chirac qui consistait à dire qu’il ne voulait en aucun cas discuter avec l’extrême droite avait au moins sa raison politique. En 2017, Marine Le Pen avait montré tellement bien ses talents de cancre que même ses partisans ont trouvé que leurs idées étaient desservies par elle et certains d’entre eux ont même été découragés d’aller voter.

De toute façon, pour Emmanuel Macron, la question ne se posait pas, il aime la castagne et il en avait eu un premier aperçu la première semaine de l’entre-deux-tours en rencontrant des Français mécontents. De plus, personne n’aurait compris qu’il puisse refuser un tel débat, d’autant plus qu’il l’avait accepté il y a cinq ans. Malheureusement, lorsque le débat, comme ce fut le cas ici, est de bonne tenue, il apporte de la respectabilité à des propos peu respectables. Du reste, Emmanuel Macron était parfois tendu et agacé, les bras souvent croisés et en retrait sur son siège, voire la main sur le menton ou la tempe, des gestes qu’on conseille généralement d’éviter car plutôt perçus négativement.

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Alors, certes, Marine Le Pen s’en sort mieux en 2017, à l’évidence, elle n’est plus le cancre qui n’était même pas assise à sa place, elle était maintenant l’élève avec ses insuffisances et son incompétence, à peine passable à l’épreuve orale car montrant de nombreuses lacunes (à force de sécher ses cours à l’Assemblée Nationale et, avant, au Parlement Européen), mais suffisamment pour que ses partisans puissent justifier encore leur soutien (au contraire de 2017). C’est pour cette raison qu’Emmanuel Macron pourrait avoir gagné ce débat politiquement. Mais le ressenti qui fera voter est d’une autre nature que la réalité intellectuelle.

On pourrait ainsi classer ce débat dans la même catégorie que celui de 1995 où Jacques Chirac et Lionel Jospin, chacun à la recherche d’une crédibilité politique, avaient refusé de s’attaquer mutuellement dans une sorte de pace de non-agression. Marine Le Pen a cependant encore à développer des pistes d’amélioration pour la crédibilité, ne serait-ce que dans la manière de présenter son référendum sur l’immigration qui était confus, comme si elle hésitait sur ce qu’elle proposait.

Quant à Emmanuel Macron, peut-être n’a-t-il pas voulu trop l’attaquer pour ne pas apparaître comme un candidat arrogant. Il ne l’a cependant pas ratée à propos de la Russie en rappelant que Marine Le Pen avait des emprunts encore non remboursés avec une banque russe proche du pouvoir politique qu’elle a contractés avant 2017 (donc, l’argument sur la banque de la démocratie ne tient pas la route car Emmanuel Macron n’était pas encore à l’Élysée). Marine Le Pen n’a pas su répondre à cette attaque qui discrédite complètement sa position en faveur de Vladimir Poutine (c’est la candidate des banques russes !).

Car cette position, c’est de vouloir faire un rapprochement avec Vladimir Poutine après la guerre en Ukraine. Je ne sais pas s’il y aura un "après-guerre" rapide (à mon avis, vu la combativité des Ukrainiens, non), mais ce qui est sûr, c’est qu’il n’est plus possible de considérer Vladimir Poutine, qui a encore montré ses gros missiles nucléaires le même jour, comme hier, comme un chef d’État respectable, au même titre qu’on n’a plus considéré, comme des interlocuteurs respectables, Milosevic ou d’autres fauteurs de guerre après leurs forfaits.

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La réponse de Marine Le Pen est confondante d’infantilisme, lorsqu’elle a dit que les Français qui ont un emprunt ne doit rien à Emmanuel Macron qui a eu beau jeu de dire : les Français n’ont pas contracté avec des banques russes mais avec des banques françaises. Cela dit, le principal argument devrait être celui-ci : quand on se dit patriote et aimant la France, on ne doit pas se vendre à des intérêts russes, et même plus généralement, étrangers. Tous les propos de l’extrême droite sont d’ailleurs les mêmes, ils prétendent être patriotes français et ils détestent la France, ils détestent l’Europe qui contribue pourtant à la puissance de la France, et finalement, ils reprennent les mêmes rhétoriques que ceux qui se placent comme les ennemis de la France (Charles Maurras ne faisait pas mieux).

Détester la France, ce n’est pas lui assurer un avenir meilleur. Lorsque dans sa conclusion, Marine Le Pen dit que la situation de la France de 2022 est pire qu’en 2017, elle est aveuglée par son obsession de l’islamisme. Malgré les très graves crises que la France a subies pendant cette période, elle a su faire preuve de résilience et ne pas tomber à terre, grâce à tous les Français. Le chômage a considérablement baissé et en particulier, jamais le chômage des jeunes, l’une des plaies de la société française, n’a été aussi bas que depuis quarante ans. Le gouvernement actuel a pris les mesures pour réindustrialiser la France et depuis plus de vingt ans, c’est la première fois qu’il y a plus d’ouvertures d’usines que de fermetures. La France est le pays européen qui attire le plus les investisseurs étrangers, en ce sens, elle est l’anti-Russie. Emmanuel Macron a mis la France en état de marche, en état aussi de sens, avec une vision du pays au sein du monde actuel, en dehors des idéologies, tandis que Marine Le Pen, au contraire, faute de mieux, essaie d’exploiter les vieux réflexes idéologiques qui sont largement dépassés.

Je voudrais revenir sur la confusion de Marine Le Pen entre islam et islamisme radicalisé, confusion faite aussi par son ancien concurrent et devenu désormais rallié zélé Éric Zemmour. Marine Le Pen a fustigé la charte de la laïcité qui est pourtant une très bonne idée : l’idée est qu’une collectivité publique ne verse pas de subventions publiques à une association si celle-ci ne signe pas cette charte qui rappelle quelques principes du vivre-ensemble. Elle a affirmé que si l’association ne signe pas, l’État ne fait rien, mais c’est logique, il est seulement question de subventions publiques. Et elle a conclu qu’il fallait alors renvoyer l’association à son pays d’origine. Ce qui est très stupide. Emmanuel Macron a répondu très mollement à cela sans insister sur le fait que ce sont des associations françaises qui peuvent ne pas signer, que les personnes sont françaises. Il n’a pas insisté sur le fait qu’une fois encore, la nature revient au galop dans les propos de Marine Le Pen et qu’elle considère identique, dans son esprit, le fait d’être musulman et le fait de ne pas être français.

Marine Le Pen a confirmé qu’elle voulait une loi pour interdire le port du voile dans l’espace public. Au-delà du fait que cette disposition est contraire à la Constitution, Emmanuel Macron a fait remarquer que une cette loi serait inapplicable : dans les quartiers des banlieues, cela pourrait même aboutir à des émeutes, car cela interdirait aux femmes de sortir dehors, et sur le plan pratique, cela mobiliserait les forces de l’ordre inutilement alors qu’elles ont d’autres choses à faire pour protéger les Français.

Après avoir tenté de mettre sur le même plan les amendes pour non respect des gestes barrières (j’aurais aimé qu’elle allât jusqu’au bout et qu’elle rappellât le nombre de victimes de l’islamisme radicalisé ces deux dernières années par rapport aux nombres de victimes du covid-19 qui est de 144 614 à ce jour), Marine Le Pen a répondu en disant qu’on ne peut pas accepter que des citoyens s’opposent à la loi, mais cette disposition n’est pas encore la loi et elle serait contraire à la Constitution, je le répète (lire aussi "Matin brun", j’y reviendrai).

Tout le laïus ultrapopuliste de Marine Le Pen sur le référendum a été assez affligeant. Bien sûr qu’il faut de temps en temps, pour des sujets majeurs, interroger les Français, et il est vrai que les deux prédécesseurs d’Emmanuel Macron ne l’ont pas fait. Emmanuel Macron a constaté que les référendums, après Georges Pompidou, quand il y en avait, étaient soumis au cours du second mandat, et il a expliqué qu’il n’a pas pu en faire lui-même parce que pendant une moitié de son (premier) quinquennat, c’était la crise sanitaire et qu’on s’interrogeait déjà sur la manière d’organiser les élections locales.

Mais Marine Le Pen a précisé qu’elle voulait réviser la Constitution par l’article 11, en disant qu’on ne peut pas modifier la Constitution sans que cela ne passe par le peuple. Elle a fait, dans son argumentation, une faute de logique. Ce que la Constitution dit, ce n’est pas que cela ne passe pas par le peuple, c’est l’obligation que cela passe aussi par le Parlement. Emmanuel Macron a timidement répliqué que son adversaire se moquait de l’Assemblée Nationale (en oubliant le Sénat) en voulant ainsi court-circuiter le Parlement.

Or, Marine Le Pen a beau parler de souveraineté nationale (la Constitution est très claire, car la candidate de l’extrême droite ne tient compte que de la moitié de la phrase), celle-ci s’exerce par la voie du peuple mais aussi par la voie de ses représentants (donc, des parlementaires dont elle se moque complètement). Pourtant, la Constitution est très claire sur sa capacité à être révisée, qui est heureusement prévue : son article 89 impose que toute révision constitutionnelle passe par l’adoption du projet de révision par les deux assemblées du Parlement avant éventuellement d’être approuvé par référendum. L’initiative de De Gaulle de 1962 est historique, singulière et personne ne pourrait l’imiter dans son audace politique car Marine Le Pen n’a aucune légitimité historique comparable à celle de De Gaulle.

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Ce qui est grave, c’est que Marine Le Pen a martelé que sa démarche serait constitutionnelle, mais ce n’est pas au Président de la République de dire si ce qu’il fait est constitutionnel ou pas, car la démocratie, c’est justement d’avoir des contre-pouvoirs pour préserver nos valeurs fondamentales. C’est au Conseil Constitutionnel de juger de ce qui est constitutionnel ou pas. À l’évidence, puisque ce référendum serait prévu en septembre si elle venait à être élue dans trois jours, il se produirait une crise institutionnelle majeure.

J’essaie d’imaginer son déroulement : Marine Le Pen proposerait donc un texte à référendum qui réviserait la Constitution. Même si le texte ne passait pas par le Parlement, le Président de l’Assemblée Nationale ou le Président du Sénat pourrait saisir le Conseil Constitutionnel (qui ne peut pas s’autosaisir). Et le Conseil Constitutionnel rendrait alors un avis en déclarant qu’une disposition du texte soumis à référendum est anticonstitutionnel. Je rappelle que l’avis du Conseil Constitutionnel est sans appel et sans discussion, il s’impose à tous, du moins, à tous les démocrates. Si Marine Le Pen voulait ne pas tenir compte de cet avis, les communes seraient donc convoquées pour organiser le scrutin. Que se passerait-il ? Eh bien, beaucoup de maires refuseraient de l’organiser en raison de son anticonstitutionnalité déclarée. On pourrait même imaginer que des militants de Marine Le Pen organise un scrutin parallèle faute de la collaboration des municipalités. Bref, ce serait la pagaille dans une France qui, après la crise sanitaire et sa crise économique, n’a vraiment pas besoin de cela pour se relever. C’est donc bien un zéro pointé que l’élève Marine Le Pen a eu à ce débat en droit constitutionnel.

Je vais plus loin. Le concept de constitutionnalité des lois est un principe récent (trois quarts de siècle). Marine Le Pen en est resté au concept initial de la démocratie : ce que le peuple veut, le gouvernement le doit. Mais elle oublie que le peuple peut se tromper et ce n’est pas elle qui dirait le contraire, puisqu’elle et son parti n’ont cessé de perdre les élections depuis cinquante ans. Albert Camus disait que la démocratie, c’était le droit et la protection des minorités. Effectivement, une majorité populaire ne doit pas écraser une minorité. La démocratie, c’est aussi ses valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité, et la laïcité en fait partie aussi. Or, si une majorité du peuple souhaitait s’en affranchir, que se passerait-il ? C’est là que le concept de constitutionnalité est essentiel : au-delà de la volonté populaire, fluctuante, le bloc de constitutionnalité protège tous les Français, tous, par des valeurs inamovibles, des valeurs inscrites dans le marbre dont on ne peut pas s’affranchir. Elle est là la démocratie.

Après tout, avec les idées constitutionnelles de Marine Le Pen, si la majorité du peuple voulait la mort d’un homme, pourquoi le lui refuser ? L’État de droit, c’est un État qui protège le peuple de ses éventuels abus : dans tous les cas, on ne viole pas les valeurs fondamentales. Cela me fait finalement penser au Nouveau Testament, puisque justement, nous sommes dans la période de Pâques. Le Vendredi Saint, le dirigeant romain Ponce Pilate a laissé le peuple choisir quel prisonnier devait mourir et lequel devait vivre.

Voici un court extrait de la Passion du Christ selon saint Matthieu : « À chaque fête, [le gouverneur] avait coutume de relâcher un prisonnier, celui que la foule demandait. Il y avait alors un prisonnier bien connu, nommé Barabbas. La foule s’étant donc rassemblée, Pilate leur dit : "Qui voulez-vous que je vous relâche : Barabbas ? ou Jésus qu’on appelle le Messie ?". Il savait en effet que c’était par jalousie qu’on l’avait livré. (…) Les chefs des prêtres et les anciens poussèrent les foules à réclamer Barabbas et à faire périr Jésus. Le gouverneur reprit : "Lequel des deux voulez-vous que je vous relâche ?". Ils répondirent : "Barabbas !". Il reprit : "Que ferai-je donc de Jésus, celui qu’on appelle le Messie ?". Ils répondirent tous : "Qu’on le crucifie !". Il poursuivit : "Quel mal a-t-il donc fait ?". Ils criaient encore plus fort : "Qu’on le crucifie !". Pilate vit que ses efforts ne serviraient à rien, sinon à augmenter le désordre ; alors, il prit de l’eau et se lava les mains devant la foule, en disant : "Je ne suis pas responsable du sang de cet homme : cela vous regarde !" (…). Il leur relâcha donc Barabbas ; quant à Jésus, il le fit flageller, et le leur livra pour qu’il soit crucifié. ».

C’est pénible à écrire mais je l’écrit : ce que propose Marine Le Pen vient directement du droit fil de l’attitude de Ponce Pilate. En effet, Ponce Pilate écoute la foule en oubliant deux choses : d’une part, son esprit de responsabilité, il n’assume pas la décision de la foule, mais plus encore, il n’assume pas la question qu’il lui pose, alors qu’un Président de la République doit assumer les questions qu’il poserait dans un référendum ; d’autre part, il accepte tout de la foule, y compris si cela va à l’encontre de ses propres valeurs (ici, la justice : Jésus n’a rien fait mais tant pis, pour préserver l’ordre, je le sacrifie).

La République française, heureusement, a dépassé ce premier stade de la démocratie (écouter exclusivement le peuple), en l’accompagnant de nombreuses garanties qui protègent les citoyens parfois de leurs propres excès. Marine Le Pen, elle, n’a pas évolué dans sa considération de ces principes, elle devrait donc prendre quelques cours de rattrapage en droit constitutionnel avant de prétendre vouloir devenir Présidente de la République…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (20 avril 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Rien n’est joué!
Élysée 2022 (46) : le second débat télévisé Emmanuel Macron vs Marine Le Pen du 20 avril 2022.
Duel Emmanuel Macron vs Marine Le Pen du second tour du 3 mai 2017.
Emmanuel Macron, le candidat de la puissance française et européenne.
Avec Marine Le Pen, l’État de droit en peine.
La révolution verte du candidat Emmanuel Macron.
Discours d’Emmanuel Macron à Arena de Paris La Défense le 2 avril 2022 (vidéo et texte intégral).
Marine Le Pen : ne nous trompons pas de colère !
Tout sauf Macron : pourquoi tant de haine ?
Élysée 2022 (45) : le naufrage du parti Les Républicains.
Élysée 2022 (44) : la consécration du mélenchonisme électoral.
Élysée 2022 (43) : le sursaut républicain !
Résultats du premier tour de l’élection présidentielle du 10 avril 2022 (Ministère de l’Intérieur).
Gestion de la crise du covid : la France au tableau d’honneur !
Emmanuel Macron et son rapport à l’imprévisible.
13 raisons de voter pour Emmanuel Macron : pouvoir d’achat, santé, école, écologie…
Projet du candidat Emmanuel Macron pour 2022 (à télécharger).
Élysée 2022 (42) : Emmanuel Macron en danger !
Élysée 2022 (41) : Emmanuel Macron descend dans l’arène.
Élysée 2022 (37) : Emmanuel Macron n’est pas (encore) réélu !
Élysée 2022 (36) : pour qui votera Nicolas Sarkozy au premier tour ?
Élysée 2022 (35) : le projet présidentiel du candidat Emmanuel Macron.
Élysée 2022 (33) : Emmanuel Macron à 30% ?
Élysée 2022 (32) : Emmanuel Macron candidat !
Élysée 2022 (29) : Emmanuel Macron sera-t-il candidat un jour ?
Enfin, une vision européenne !








https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220420-duel-macron-le-pen.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/elysee-2022-46-le-second-debat-241066

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/04/19/39441586.html








 

 





 

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