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1 septembre 2024 7 01 /09 /septembre /2024 14:46

« À partir du moment où la gauche n'est pas sur le chemin de la crédibilité, elle ne peut pas incarner une alternance, et à partir du moment où elle encourage par ses positions toutes les désinhibitions, on voit qui en bénéficie. (…) Je ne suis pas favorable à une stratégie qui fabrique des votes d'extrême droite en quantité industrielle. » (Bernard Cazeneuve, le 4 décembre 2022 sur Radio J).



 


En cause, le parti des insoumis de Jean-Luc Mélenchon dont la bête noire, justement, est l'ancien Premier Ministre socialiste Bernard Cazeneuve. Ce dernier a été invité à l'Élysée pour s'entretenir avec Emmanuel Macron ce lundi 2 septembre 2024 dans la perspective de la nomination du nouveau Premier Ministre. Les deux anciens chefs de l'État Nicolas Sarkozy et François Hollande seront également reçu par l'actuel Président de la République ce lundi, a-t-on appris dimanche de leur entourage respectif.

Alors que depuis le 7 juillet 2024, le nom de Bernard Cazeneuve était régulièrement cité avec celui de Xavier Bertrand
(également invité à l'Élysée ce lundi) pour succéder à Gabriel Attal avec cette Assemblée sans majorité, dans une situation particulièrement inextricable, due principalement à une réalité alternative proclamée par Jean-Luc Mélenchon ("Nous avons gagné !"), jamais, pour l'instant, le dernier Premier Ministre de François Hollande avait encore eu de contact avec Emmanuel Macron depuis sept semaines.

Bernard Cazeneuve n'est pas particulièrement candidat à Matignon, au contraire de quelques politiques en mal d'emploi (comme Ségolène Royal), ou de complètes inconnues hissées au rang de déesses en disponibilité (comme Lucie Castets), mais a toujours admis qu'il répondrait présent si on le lui demandait (parce que, de toute façon, Matignon ne se refuse pas).

Actuellement, Bernard Cazeneuve est le recordman de brièveté à Matignon sous la Cinquième République, Premier Ministre pendant cinq mois et neuf jours du 6 décembre 2016 au 15 mai 2017. Il a déjà été dépassé par Gabriel Attal, pourtant nommé seulement le 9 janvier 2024 (presque huit mois). Pour les commentateurs et les observateurs de la vie politique, Bernard Cazeneuve serait "l'oiseau rare" de la situation, "cochant le plus de cases possible".

D'abord, il est socialiste, et c'est un plus dans la situation actuelle. En effet, la "grande coalition" devrait rassembler dans une sorte d'union de non-censure tous les partis de gouvernement, c'est-à-dire le bloc présidentiel, le PS et LR. Politiquement, la reconduction d'un membre du bloc présidentiel à Matignon est inconcevable car il y a un fort besoin de changement, même si dans les sondages, Gabriel Attal est plébiscité et serait le meilleur Premier Ministre possible (ce n'est pas la première fois que les Français sont en plein paradoxe). Il reste donc LR et le PS.

Pour LR, Laurent Wauquiez, malgré la position de Nicolas Sarkozy, a exclu toute participation de LR au gouvernement et le potentiel candidat originaire de LR, Xavier Bertrand, aurait bien du mal à recevoir le soutien total de ses anciens compagnons de route et par ailleurs rivaux récurrents à l'élection présidentielle.

Du côté du PS, la chose est un peu différente car en principe, la direction du PS prône l'union au sein de la nouvelle farce populaire (NFP) pour qui seule la nomination de Lucie Castets est admissible. Néanmoins, on l'a vu cette semaine à Blois, le PS est profondément divisé et beaucoup de voix discordantes pour ne pas écrie dissidentes se sont fait entendre pour que le PS ne rate pas l'occasion historique de diriger à nouveau le gouvernement alors que cela devenait rare.

Bernard Cazeneuve serait alors l'homme de la situation. Pas encore trop vieux (61 ans), mais très expérimenté, tant comme élu local (ancien maire de Cherbourg) que comme personnalité nationale (député, Ministre délégué aux Affaires européennes du 16 mai 2012 au 19 mars 2013, Ministre délégué au Budget du 19 mars 2013 au 2 avril 2014, Ministre de l'Intérieur du 2 avril 2014 au 6 décembre 2016 et enfin, Premier Ministre), il a été l'heureuse surprise de casting du quinquennat de François Hollande (avec Christiane Taubira et Emmanuel Macron). Celui qui avait été porte-parole du candidat Hollande pendant la campagne présidentielle de 2012 a su acquérir une réputation d'esprit de responsabilité au service de l'État, de grand républicain soutenant la laïcité contre les communautarismes islamocompatibles des mélenchonistes, une réputation reconnue également par ses adversaires politiques (de droite).

On le dit de centre gauche ou social-démocrate (ce sont ses adversaires de gauche ultradicalisée qui l'affirment), mais lui se considère toujours socialiste même s'il a quitté le PS en 2022 à regret à cause de l'alliance électorale contre-nature avec les insoumis, d'abord dans le cadre de la Nupes puis du NFP, ce qui l'a conduit le 1er février 2023 à créer son propre parti appelé La Convention, à laquelle se sont joints, en mars 2023, le MDC (Mouvement des citoyens fondé par Jean-Pierre Chevènement et Max Gallo) et le PRG (Parti radical de gauche dont Bernard Cazeneuve était lui-même membre entre 1985 et 1987 avant d'intégrer le PS). À l'Assemblée, le président du groupe LIOT (Stéphane Lenormand) fait partie de ce parti, ainsi qu'au Sénat, Patrick Kanner, le président du groupe socialiste, et Jean-Claude Requier, le président du groupe RDSE (radical).


Le 25 juin 2024, Bernard Cazenave a même cosigné, avec notamment Manuel Valls, Julien Dray, Élisabeth Badinter, Philippe Torreton, un appel publié dans "Le Monde" : « Les élections législatives des 30 juin et 7 juillet engageront, à un niveau rarement atteint dans l’histoire de la Ve République, les valeurs fondamentales sur lesquelles repose notre démocratie : le respect des personnes et des institutions, la quête de la vérité, la défense de la laïcité et le rejet viscéral de l’antisémitisme et du racisme. C’est peu dire que le Rassemblement national (RN), dont les racines puisent dans les eaux les plus obscures de l’histoire, doit être combattu. Mais ces valeurs ne sauraient souffrir aucun compromis, fût-ce au nom d’un barrage contre l’extrême droite. Elles ne peuvent pas plus être laissées à la merci de ceux qui les malmènent depuis des années. Camouflés au sein d’un prétendu front populaire, les candidats de La France insoumise en trahissent jusqu’à son idéal historique. Face aux risques majeurs engendrés par le cynisme des uns et la lâcheté des autres, nous appelons tous les citoyens qui refusent de se voir dépossédés de leur choix à ne pas se soumettre aux calculs aussi illégitimes que dérisoires. (…) Notre voix ne se portera ni sur un candidat RN ni sur un candidat LFI. ».

Paradoxalement, malgré une proximité idéologique avec lui, Bernard Cazeneuve n'a jamais été proche d'Emmanuel Macron, refusant de se jeter en 2017 dans l'aventure En Marche (par loyauté envers François Hollande). Et inversement, le Président de la République reste très réticent à nommer Bernard Cazeneuve à Matignon car cela signifierait qu'il finirait ses deux mandats là où il les avait commencés, avec un retour à la case départ (sans gagner 20 000 francs ?), celle où Bernard Cazeneuve était Premier Ministre de François Hollande. Il reste qu'objectivement, Bernard Cazeneuve serait la personnalité la plus apte à rassembler toutes les bonnes volontés du pays dans l'intérêt national et le sens de l'État.

Son expérience à Matignon précisément est intéressante dans cette situation de confusion de 2024 où il faut avant tout assurer la continuité de l'État. Il le disait dans une longue interview peu avant la dernière élection présidentielle : « Il n’était plus temps d’engager de grandes réformes, mais seulement de faire en sorte que l’État continue à être tenu, dans un contexte où les ambitions personnelles et les tensions inhérentes à la campagne pouvaient prendre le dessus, en occultant le sens de l’État. ».


C'était ce que disait Bernard Cazeneuve en mars 2022 pour la revue des anciens étudiants de l'IEP, "Émile" n°24 (propos recueillis par Louis Chahuneau, Bernard El Ghoul, Sandra Elouarghi et Maïna Marjany) sur les institutions. L'ancien Premier Ministre estimait que la crise politique n'était pas une crise des institutions mais une crise des acteurs politiques qui ns s'étaient pas élevés à la mesure des enjeux : « Ce ne sont pas les institutions de la Ve République qui sont à bout de souffle, mais le monde politique, les partis et les corps intermédiaires, qui peinent à se hisser à la hauteur des grands défis auxquels la nation est confrontée. Les modes de communication politique ont par ailleurs beaucoup changé  : la numérisation et les chaînes d’information en continu ont très largement contribué à la narcissisation de la vie publique et donné le sentiment aux aventuriers égotiques et possiblement extrémistes qu’ils pouvaient endosser les habits du chef de l’État, sans avoir préalablement fait l’expérience des épreuves de la politique, ni pris conscience de la dimension hautement symbolique de la fonction. Imperceptiblement, on s’est éloigné de l’esprit des concepteurs de la Ve République et de la haute idée qu’ils se faisaient de la magistrature suprême. C’est par ailleurs un travers très français, que celui qui consiste, pour la classe politique, à considérer que ses propres manquements sont imputables aux institutions et à vouloir en modifier en permanence les équilibres au gré des modes ou de spéculations de court terme. ».

Il notait cet équilibre subtil des institutions : « La Constitution de 1958 a instauré un équilibre subtil entre les pouvoirs exécutif et législatif. Grâce à l’instrument de la dissolution, le gouvernement pouvait s’assurer que le Parlement ne serait pas tenté d’organiser en permanence l’instabilité gouvernementale ou la paralysie de son action. Inversement, le Parlement pouvait toujours censurer le gouvernement, dès lors qu’il acceptait de prendre le risque de devoir retourner devant les électeurs. Étaient ainsi conjugués la cohérence et la cohésion, le fait majoritaire et le refus de l'arbitraire. ».

La doctrine Cazeneuve sur les institutions est la suivante : « Je suis pour ma part favorable au retour du septennat en accord avec l’esprit des origines de la Ve République  : le Premier Ministre doit gouverner au quotidien et le Président arbitrer sur l’essentiel. Le Parlement doit contribuer à l’élaboration de la loi, ainsi qu’à son évaluation, et au contrôle du gouvernement, en usant des pouvoirs dont il dispose déjà. Cette architecture, qui procura à la France des décennies de stabilité politique, a par ailleurs permis à des alternances de s’opérer sans drame et à la nation de surmonter toutes les crises auxquelles elle s’est trouvée confrontée. ».

Et il a mis en garde contre toutes les velléités de remettre en cause notre Constitution, comme le souhaitent Jean-Luc Mélenchon et Olivier Faure : « Je redoute que la VIe République, que certains appellent de leurs vœux, n'aboutisse à rien d’autre qu’au retour de la IVe République, les talents en moins. ».

Et de rester optimiste sur l'avenir du pays : « Les Français aspirent à ce qu'on leur épargne le bruit de fond des commentaires permanents et aléatoires pour ne retenir que ce qui est fondamental à leurs yeux. Je ressens que le temps du retournement des attentes citoyennes est proche et que la crise que nous vivons est annonciatrice d'un nouveau cycle, qui permettra à la pensée rationnelle de reprendre ses droits et à l'esprit de nuance de mieux rendre compte du réel dans toute sa complexité. C’est bien là le préalable à toute action efficace et juste. (…) Je ne pense pas que la France soit condamnée au populisme, dès lors qu'elle décide de ne pas être condamnée à la médiocrité. Je suis optimiste, car j'ai confiance dans l'intelligence du peuple français. Je crois que nous sommes un peuple politiquement intelligent. ». C'était exactement ce qu'exprimait Emmanuel Macron sur Génération Do It Yourself le 24 juin 2024.

Un homme politique aussi structuré, ayant autant le sens des responsabilités, avec un expérience qui lui a fait affronter le pire qu'un gouvernant peut vivre (les attentats en 2015 et 2016), avec sa vision régalienne de la nation, ne peut que s'entendre avec Emmanuel Macron, qui a une vision plus économique de la France, pour gouverner un pays d'ingouvernables.



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (01er septembre 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Bernard Cazeneuve, le fol espoirs des socialistes pour la présidentielle de 2027 ?
Bernard Cazeneuve, le thanatopracteur du hollandisme.
Bernard Cazeneuve nommé Premier Ministre.
Bernard Cazeneuve et les valeurs chrétiennes de la France.
Discours de Bernard Cazeneuve le 3 octobre 2015 à Strasbourg (texte intégral).
Bernard Cazeneuve et la sécurité routière.
Le fichier centralisé des 60 millions de visages des Français.
Législatives 2024 (42) : Bernard Cazeneuve et le retour à la case départ ?
Législatives 2024 (41) : intérêt national et mode de scrutin.
Législatives 2024 (40) : Patrick Cohen a raison !
Législatives 2024 (39) : Consultations et mains tendues !
Législatives 2024 (38) : la coconstruction du Premier Ministre.
Législatives 2024 (37) : stupide chantage à la destitution !
Législatives 2024 (36) : Gérald Darmanin plaide pour un Premier Ministre non macroniste !
François Hollande sera-t-il le Premier Ministre de son ancien Ministre de l'Économie ?
Législatives 2024 (35) : Vers une cohabitation du troisième type ?
Législatives 2024 (34) : Lucie Castets noyée dans une réalité alternative !
Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
Appel aux sociaux-démocrates.
Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
Sidération institutionnelle.
Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.




_yartiCazeneuveBernardF01



https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240901-cazeneuve.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-42-bernard-256580

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/01/article-sr-20240901-cazeneuve.html




 

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12 août 2024 1 12 /08 /août /2024 03:24

« En politique, je le sais au fond de moi, il est irrationnel de ne pas tenir compte de l'irrationalité. » (François Hollande, 11 avril 2018).



 


Cette petite phrase, elle pourrait s'appliquer à son auteur qui l'a publiée au milieu de ses mémoires d'ancien Président de la République le 11 avril 2018 (aux éd. Stock). Justement, François Hollande est à l'honneur ce lundi 12 août 2024 puisqu'il fête son 70e anniversaire. 70 ans, de nos jours, c'est "rien", mais néanmoins, en politique, c'est déjà un âge canonique, pourrait-on dire par un euphémisme mal compris.

Concrètement, François Hollande a repris un dosette d'eau de Jouvence en juin dernier. Rappelez-vous ! En décembre 2016, lucide sur sa capacité à mobiliser les foules d'électeurs, le Président de la République en exercice avait renoncé à solliciter un nouveau mandat. Son Premier Ministre Manuel Valls l'avait alors abandonné pour se lancer, avec l'insuccès que l'on sait, dans l'aventure de la primaire socialiste. Finalement, son ancien Ministre de l'Économie Emmanuel Macron a gagné l'élection présidentielle en 2017 et pour l'ancien mentor qui l'avait nommé Secrétaire Général adjoint de l'Élysée en 2012, ce fut la traversée du désert (au lieu de la fierté).


De sa génération, peu ont raccroché : Ségolène Royal cherche toujours à se faire voir et à croire qu'on viendra la chercher ; François Bayrou est toujours une personnalité influente qui reste opérationnelle (chef de parti et maire d'une grande ville) ; Nicolas Sarkozy peut penser, mais de moins en moins, qu'il pourrait devenir un recours. Il n'y a guère que François Fillon qui a lâché prise pour s'investir dans d'autres affaires que la politique.

François Hollande, comme Nicolas Sarkozy, a bien sûr une position doublement singulière dans la vie politique : d'une part, il a été le chef d'un grand parti gouvernemental réduit à peau de chagrin ; d'autre part (le plus important), il est un ancien Président de la République, et quand on a moins de 80 ans, on se demande toujours ce qu'on peut faire d'utile pour le pays... ou pour soi. Sous la Cinquième République, De Gaulle, François Mitterrand et Jacques Chirac ont quitté l'Élysée et leur vie politique en même temps, terminant leur destinée par quelques mémoires. Seul, Valéry Giscard d'Estaing, battu en 1981 à l'âge de 54 ans, a refait toute une carrière politique, reprenant le plus bas échelon dès 1982 avec un mandat cantonal, puis parlementaire, régional, municipal, etc.


En raison de l'échec de Nicolas Sarkozy à la primaire LR de novembre 2016, ce qui l'a conduit à renoncer à toute prétention ultérieure, le seul qui pourrait se faire comparer à VGE serait donc François Hollande : les deux se sont fait réélire député après leur mandat présidentiel. En 1986, parmi certaines hypothèses, certes peu plausibles, Valéry Giscard d'Estaing aurait même pu devenu le Premier Ministre de son meilleur adversaire politique, François Mitterrand, mais Jacques Chirac avait veillé sur sa propre influence.

Aujourd'hui, François Hollande est plongé dans une grande irrationalité. Il s'est présenté sous l'étiquette de la nouvelle farce populaire (NFP) alors que ce mouvement baroque ne correspondait absolument pas à ses options politiques. Fallait-il sacrifier ses convictions pour un plat de lentilles ? C'est un peu le cas pour ceux qui se croyaient sociaux-démocrates, qui ont blâmé Emmanuel Macron pour le petit écart de déficit en 2023 et qui viennent de signer pour au moins 150 milliards d'euros de dépenses publiques supplémentaires, rien que cela ! J'avais parlé d'irresponsabilité, on peut aussi parler d'irrationalité.
 


Tous ceux, de ses camarades socialistes, qui ont saboté son socle politique pendant son quinquennat, ceux qu'on a appelés les frondeurs, sont aujourd'hui à la manœuvre au sein du NFP. Les politologues et les historiens se poseront longtemps la question du pourquoi de la dissolution du 9 juin 2024, mais ils se poseront aussi la question sur la motivation qui a amené François Hollande à reprendre du service (à la fin de son mandat de député de cinq ans, il aurait donc près de 75 ans) sous les couleurs d'une gauche ultradicalisée qui n'est certainement pas la sienne mais celle de ceux qui l'ont toujours détesté et détesté ses options, à commencer par un ancien apparatchik socialiste, Jean-Luc Mélenchon.

On peut toutefois imaginer les motivations de François Hollande qui a été réélu de manière assez laborieuse, avec seulement 43,1% des voix au second tour dans une triangulaire contre le candidat RN et le député LR sortant, ce qui est son plus mauvais score, même lorsqu'il a été battu en mars 1993, il l'a été avec quand même 46,1%.

La première motivation, très "désintéressée", c'est de tempérer les folles ardeurs dépensières du NFP afin de maintenir la France dans une ligne budgétaire qui reste compatible à son appartenance à l'Europe et à la zone euro. Boulot d'Hercule, pour certains ; mission impossible pour tous les autres. En tout cas, ce n'est pas avec Lucie Castets, déjà à l'œuvre à la ville de Paris, qu'on peut se rassurer.

La seconde motivation, c'est de reprendre de l'activité politique et on imagine sans mal que la fonction de simple député ne lui suffira pas. Le perchoir aurait pu être un beau lot de consolation et les rumeurs parlaient de lui parmi de nombreux autres candidats potentiels, mais il s'est bien gardé de tenter sa chance dans une élection qui a finalement montré que le NFP n'avait pas la majorité, même relative.

Mais d'autres hypothèses peuvent se présenter à lui, en particulier dans la recherche d'un Premier Ministre introuvable. Cheval de Troie au NFP, il reprendrait alors le dessus sur les dirigeants du NFP inféodés au mélenchonisme : car la seule majorité possible est une majorité qui irait des socialistes aux LR et l'idée d'un chef du gouvernement macroniste est peu crédible pour rassembler d'autres composantes de cette majorité impossible, et des LR et des socialistes, les socialistes sont les plus nombreux. La logique voudrait donc que Matignon revienne plus à un socialiste de type social-démocrate qu'à une personnalité d'origine LR comme Xavier Bertrand, même si la désignation de ce dernier semble une option sérieusement étudiée à l'Élysée.

De plus, François Hollande a une seule spécialité pour laquelle il est reconnu, c'est la capacité à faire des synthèses. Il l'a pratiquée en tant que premier secrétaire du PS de 1997 à 2008, notamment lors du référendum sur le TCE en 2005 où il a réussi le tour de force de garder uni un PS archi-divisé entre les pro-TCE et les anti-TCE. Le Premier Ministre de l'été 2024 devra à l'évidence être capable de construire des compromis sur des bases à l'origine très divergentes.
 


Dans son bouquin déjà cité, François Hollande se reconnaît un défaut ou une qualité, selon la perspective que l'on donne à ce trait de caractère marquant : « Au prétexte que j'avais longtemps comme dirigeant politique cherché la synthèse pour rassembler, on m'imputa l'habitude de préférer l'équilibre à l'audace, le dialogue à l'autorité, la prudence à la surprise ; alors que l'air du temps, nous disait-on, exigeait intrépidité, rapidité et fermeté. ».

Il expliquait également la raison pour laquelle il n'avait pas réformé le mode de scrutin pour les élections législatives : « La stabilité que nous confèrent nos institutions tient au fait majoritaire. Le scrutin proportionnel, en éclatant la représentation, priverait le chef de l'État d'un appui solide pour mener ses réformes. Il élargirait la place réservée aux extrêmes et donc obligerait à une coalition des partis de gouvernement comme on le voit en Allemagne, ce qui engendrerait à mes yeux confusion partisane et radicalisation politique. ».

Cette analyse est pertinente et reste pertinente malgré la situation issue des élections anticipées du 30 juin et 7 juillet 2024. En effet, le scrutin proportionnel ferait de la situation actuelle la seule représentation possible, et on voit bien à quel point la classe politique est incapable, aujourd'hui, de l'assumer. En d'autres termes, le scrutin majoritaire à deux tours ne donne pas obligatoirement une majorité absolue (exemples de 1958, 1988, 2022 et 2024), alors que le scrutin proportionnel donnerait obligatoirement une situation chaotique.

Premier Ministre "normal" ? Premier Ministre d'Emmanuel Macron ? Après tout, c'est lui qui l'avait promu à l'Élysée puis à Bercy. Il racontait sa relation avec Emmanuel Macron ainsi : « Je pressens chez lui un talent rare pour réunir des gens de sensibilités différentes. (…) Emmanuel Macron se révèle un conseiller hyperactif, dormant peu et recevant beaucoup, s'intéressant à tout, sans œillères, formulant des vues originales, détonnant par sa liberté d'esprit au sein de l'administration. (…) Il croit volontiers (…) que tout risque de conflit peut être surmonté par un dialogue direct entre personnes de bonne foi, que toute difficulté peut être dépassée par une forme d'impétuosité. Il est sûr que le réel se pliera de bonne grâce à sa volonté dès lors qu'elle s'exprime. ».

Le réel se pliera-t-il à la volonté du peuple du 7 juillet 2024 ? Le chantre de la synthèse et le dieu du en-même-temps auront au moins un langage commun. Reste pour eux à convaincre leurs troupes que gouverner dès maintenant, sans attendre 2027, est un impératif de responsabilité ...et de raison !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 août 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
François Hollande sera-t-il le Premier Ministre de son ancien Ministre de l'Économie ?
François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
François Hollande : si j’étais Président…
Julie Gayet.
Ségolène Royal.
Élysée 2022 : François Hollande candidat ?
François Hollande veut américaniser les institutions françaises.




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240812-hollande.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/francois-hollande-sera-t-il-le-256016

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/08/11/article-sr-20240812-hollande.html



 

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4 juillet 2024 4 04 /07 /juillet /2024 02:32

« Je pense que nous sommes dans une situation vertigineuse. La France est au bord d'une falaise et on ne sait pas si on va sauter, en fait, du haut de la falaise. Il y a une forme de gouffre qui s'est ouvert depuis le 9 juin à 21 heures, une atmosphère extrêmement tendue dans le pays, et la conscience que le choix qu'on va faire, là, est un choix qui va redessiner le visage du pays. » (Raphaël Glucksmann, le 4 juillet 2024 sur France Inter).



 

Invité de la matinale de France Inter ce jeudi 4 juillet 2024, l'ancienne tête de liste socialiste aux élections européennes Raphaël Glucksmann a exprimé son inquiétude pour l'avenir de la France et a redit l'enjeu de ces élections législatives : « Je suis dans l'inquiétude (…). Depuis le début, moi, je vois ces élections comme un référendum. Et encore plus depuis le premier tour. Un référendum avec une question simple : est-ce que nous voulons que l'extrême droite prenne le pouvoir en France ? Est-ce que nous voulons que la famille Le Pen s'empare de ce pays ? Est-ce que nous voulons avoir au gouvernement les dirigeants de l'extrême droite française dans ce moment-là de notre histoire ? Alors que la guerre fait rage en Europe, alors que notre démocratie est déjà fragile, alors que notre société est déjà extrêmement polarisée, est-ce que nous voulons prendre ce risque, oui ou non ? Et depuis ce 9 juin, je vis avec cette inquiétude en moi. ».

Et de répéter : « La vérité, c'est que, là, nous sommes dans une morale de l'extrême urgence. Et nous sommes dans une morale de l'extrême urgence en réalité depuis le 9 juin, depuis la décision insensée du Président de la République. Cette morale de l'extrême urgence, elle commande quoi ? D'empêcher la victoire du Rassemblement national ce dimanche. C'est ça qui conduit à une union des contraires dans les urnes, au fait que quand vous êtes de droite, vous serez amené à prendre une décision extrêmement difficile, c'est-à-dire de mettre un bulletin de gauche dans l'urne, et quand vous êtes de gauche, vous serez amené à voter pour des gens aussi loin de vos idées que Monsieur Darmanin. ».

Un premier sondage a été publié dans la soirée du mercredi 3 juillet 2024 avec une enquête commencée après la fin du dépôt des candidatures du second tour et la connaissance des désistements et maintiens des candidats. Il s'agit du sondage réalisé par Harris-Interactive et Toluna pour M6, "Challenges" et RTL sur un échantillon de 3 383 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus dont 3 008 sont inscrites sur les listes électorales françaises, interrogées du 2 juillet 2024 au soir au 3 juillet 2024.

C'est un sondage qui indique la projection en nombre de sièges et pas en nombre de voix (ce dernier beaucoup plus facile pour les sondeurs). Déjà pour un sondage normal, il faut être extrêmement prudent, mais pour les projections en sièges, encore plus car le résultat dépend de la répartition des votes dans les 501 circonscriptions restant en lice (76 députés ont déjà été élus dès le premier tour).

Voici ce que donnerait le sondage (majorité absolue à 289 sièges) : 190 à 220 sièges pour le RN et alliés ciottistes (extrême droite), 159 à 183 sièges pour le NFP (gauche et extrême gauche), 110 à 135 sièges pour Ensemble la République (majorité présidentielle) et 30 à 50 sièges pour LR. Je le répète, il faut être extrêmement prudent avec ces données, même elles sont logiques par rapport aux projections données au soir du premier tour qui ne prenaient pas en compte les désistements : la représentation parlementaire du RN s'en trouverait affectée.


Si on reprend la répartition par blocs, en rassemblant Ensemble et LR dans le bloc central, on se retrouve avec un bloc RN le plus nombreux et suivi de très près des deux autres blocs (gauche et central) qui sont à peu près d'égale importance. Cela confirme cette tripolarisation du paysage politique observée depuis 2022, mais jusqu'à son paroxysme. Trois blocs à peu près égaux mais toujours avec un avantage pour le RN. Dans tous les cas, le germe d'une ingouvernabilité durable du pays.

Je le répète, attention, ce type de sondage n'est pas prédictif. Pour preuve justement les élections législatives de juin 2022 où les sondages avaient prévu entre 20 et 50 sièges pour le RN et celui-ci a fini avec 89 députés élus. Il est donc très compliqué, dans cette situation inédite, autant pour les Français que pour les sondeurs, de savoir si ces projections minorent ou majorent les forces en présence.

Plus intéressantes dans ce sondage sont les questions plus qualitatives.

On parle de trois blocs dont l'adhésion des Français est autour de 30 à 35% de l'électorat. Mais qu'en est-il de la répulsion ? Et là aussi, une quasi-égalité de détestation, avec malgré tout un avantage pour le RN, et cela de l'ordre de 40 à 45% de l'électorat. Dans le comportement de vote des sondés, 44% le feraient pour s'opposer à un candidat du NFP, 44% autres le feraient pour s'opposer à un candidat de la majorité présidentielle, enfin, 40% autres le feraient pour s'opposer à un candidat du RN. On voit bien que le petit avantage pour le RN revient à conclure qu'il y a plus de vote d'adhésion pour le RN que pour les deux autres blocs. Et la partie de ces sondés qui votent contre et qui sont très sûrs d'eux, l'avantage est pour Ensemble : 33% voudraient beaucoup s'opposer au NFP, 33% autres voudraient beaucoup s'opposer au RN et seulement 26% autres voudraient s'opposer à Ensemble.
 


Dans les prévisions de victoire des uns et des autres, il y aurait 37% des électeurs du NFP au premier tour qui croiraient (encore) à la possibilité d'une majorité absolue du NFP à l'issue du second tour, 69% des électeurs du RN au premier tour qui croiraient à la possibilité d'une majorité absolue du RN. En revanche, pour le bloc central, 59% des électeurs de la majorité présidentielle au premier tour et 52% des électeurs de LR au premier tour penseraient que ces élections n'apporteraient aucune majorité absolue à l'un ou l'autre des blocs. Il faut bien insister sur le fait que certaines réponses sont fantaisistes ou au moins irréalistes. Par exemple, il existerait encore 24% des électeurs de LR au premier tour qui penseraient que LR obtiendrait la majorité absolue à l'issue du second tour alors qu'il ne reste qu'une cinquantaine de candidats LR en lice !
 


Enfin, le sondage a testé deux hypothèses, une majorité absolue de députés RN et une majorité absolue de députés NFP, et selon leur vote au premier tour, est-ce que les sondés considèrent que la situation de la France s'améliorerait ou se détériorait, d'une part, et que leur situation personnelle s'améliorait ou se détériorait, d'autre part ? Là encore, on voit un avantage donné au RN qui serait 10% de moins pire que le NFP. Et instructif : les électeurs de LR seraient plus partagés que les électeurs des autres partis.
 


La perspective d'une majorité absolue de députés RN s'éloignerait-elle pour autant dimanche prochain ? Non ! Car ce ne sont que des sondages et des projections et on sait par expérience que ces projections ne sont jamais fiables. C'est aussi la crainte de Raphaël Glucksmann sur France Inter : « Non, je n'en suis pas sûr. C'est pour ça que la petite musique qui s'installe dans les commentateurs, dans les politiques eux-mêmes, dans les élites parisiennes, une petite musique de déni, de... finalement, le boulet n'est pas passé très loin mais nous avons sauvé les choses, cette musique-là est extrêmement dangereuse, et moi, je viens ici pour lancer un cri d'alarme. En fait, ce n'est pas parce qu'il y a eu des désistements républicains que les reports seront automatiques. Ce n'est pas parce que les appareils politiques ont décidé d'empêcher la victoire du Rassemblement national que ça se traduira dans les urnes. Moi, je crois que la vague, la lame de fond est encore extrêmement puissante. Et que finalement, dans ce déni-là, il y a un truc traditionnel qui habite les élites et qui est : finalement, on sera sûr toujours à bon compte. On a voulu croire qu'on n'aurait pas de claque dimanche dernier. On a eu la claque. Pendant 48 heures, il y a eu une sorte de stupéfaction qui a conduit justement à des gestes politiques. Mais là, je sens déjà le sentiment d'urgence disparaître. Mais moi, je veux dire : il n'y a rien de fait. Le Rassemblement national peut ce dimanche avoir une majorité absolue et être aux commandes de notre pays. Parce que les gestes qui vont être demandés à chacune et à chacun, c'est des gestes extrêmement compliqués. Moi, j'ai fait toute une campagne aux européennes en demandant aux gens de voter avec leur cœur, pour leurs convictions, en cohérence avec les principes qu'ils entendaient défendre. Eh bien là, on leur demande une chose complètement inverse, complètement inverse. On leur demande de mettre finalement sous le boisseau leurs envies pour hiérarchiser les périls et voter pour des gens dont ils ne partagent pas les idées. C'est un geste extrêmement difficile, il ne faut pas le sous-estimer, ce n'est pas parce qu'il y a des consignes de vote que ça se traduira dans l'isoloir. ».

C'est pour cela qu'il est aussi indécent d'envisager une situation de "grande coalition" (de LR au NFP, de Xavier Bertrand à Marine Tondelier) que d'envisager un gouvernement RN (de Jordan Bardella) dès maintenant. Il faut d'abord laisser le peuple s'exprimer dimanche prochain et c'est seulement après, selon la situation réelle, qu'il faudra trouver d'une manière ou d'une autre la méthode pour former un nouveau gouvernement. C'est indécent quand François Ruffin (qui a annoncé qu'il quitterait le groupe FI s'il était réélu) ou même Olivier Faure veulent imposer à l'hypothèse de "grande coalition" les conditions d'abrogation de la réforme des retraites, de rétablissement de l'ISF, etc. Ce n'est pas ainsi qu'on combat efficacement le RN en nourrissant la peur de l'extrême gauche comme l'agite comme un épouvantail les dirigeants du RN.

C'est dans cette perspective que la position de Raphaël Glucksmann est la meilleure : l'extrême urgence reste d'empêcher le RN de gouverner la France dans quatre jours. Après, on verra ! Dans l'intérêt de la Nation et de la République.



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (04 juillet 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Raphaël Glucksmann.
Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
Appel aux sociaux-démocrates.
Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
Sidération institutionnelle.
Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.






https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240704-raphael-glucksmann.html

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/04/article-sr-20240704-raphael-glucksmann.html




 

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19 juin 2024 3 19 /06 /juin /2024 03:47

« Le Président, par cette décision imprévue, improvisée, non réfléchie, a plongé le pays dans un moment troublé, et peut-être même dans un moment trouble. » (Lionel Jospin, le 17 juin 2024 sur France Inter).




 


La dissolution soudaine et brutale du 9 juin 2024 a fait ressortir de nombreux retraités de la vie politique. Par exemple, l'ancien Premier Ministre socialiste Lionel Jospin qui était l'invité de la matinale de France Inter ce lundi 17 juin 2024. À bientôt 87 ans (dans quelques jours), Lionel Jospin, s'il montre qu'il a son âge, s'exprimant très lentement, ce qui est commode pour éviter d'être interrompu par les journalistes, semble avoir gardé toute sa tête, toutes ses facultés mentales, peut-être même sont-elles encore trop intactes pour oublier son arrogance, son orgueil et sa propension à donner des leçons de morale à tout le monde, lui qui fut à l'origine du choc de la qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour de l'élection présidentielle.

Reprochant la supposée impréparation de la décision de dissoudre (c'est son point de vue, il semblerait que la décision était dans les projets de l'Élysée depuis plusieurs mois), l'ancien Premier Ministre a ajouté : « Pour la première fois dans l'histoire de la République, un parti d'extrême droite pourrait diriger la France. (…) Donc, c'est un moment extrêmement sérieux, et imprévisible. ».

Reprenant une narration plutôt personnelle, il n'a pas compris le pourquoi de la dissolution : « Et puis soudain, le Président, je ne sais pourquoi, décide que ce scrutin qui concernait l'Europe, il allait le projeter dans la vie politique nationale française. ». Une critique qui n'est pas si éloignée de celle, d'ailleurs, de l'ancien Président Nicolas Sarkozy (j'y reviendrai). Ce qui est notable, c'est que Lionel Jospin aurait pu dire la même chose de la dissolution prononcée le 21 avril 1997 par le Président Jacques Chirac qui, finalement, lui a permis de gouverner la France pendant cinq ans dans un gouvernement de cohabitation, sous les couleurs multiples de la gauche dite plurielle (PS, PCF, EELV). À l'époque, Jean-Luc Mélenchon était un sage sénateur du parti socialiste, nommé d'ailleurs sous-ministre par Lionel Jospin pendant quelque temps.

L'ancien premier secrétaire du PS sous François Mitterrand conçoit ainsi l'exercice démocratique, le retour aux urnes, comme un trouble : « S'il est garant des institutions, je constate qu'il les trouble [en parlant d'Emmanuel Macron]. La prochaine élection nationale était dans trois ans, c'était l'élection présidentielle. Les élections législatives (…) devaient être dans trois ans aussi, dans la foulée. Qu'est-ce qui justifie tout d'un coup... (…) Il ne se comporte pas comme un garant des institutions, mais comme quelqu'un qui les trouble, si vous voulez. ». Cet avis est complètement contre-constitutionnel : la dissolution est l'une des prérogatives constitutionnelles du Président de la République, la décider n'est pas un trouble mais une simple application de la Constitution. Lionel Jospin serait-il gâteux, au contraire de ce que j'ai écrit au-dessus, ou est-il tellement politisé contre Emmanuel Macron qu'il dit n'importe quoi ?

 


Ainsi, au lieu de dire que le risque d'une majorité RN vient d'abord du peuple (et des sondages qui essaient tant bien que mal de capter ce que pense le peuple à un instant t), Lionel Jospin considère ...qu'il vient d'Emmanuel Macron lui-même par la dissolution : « C'est lui qui vient d'exposer les Français par cette décision à ce danger lui-même, et donc, la résistance ne va pas venir de ce côté-là. (…) Il y a quelque chose d'incompréhensible, il y a un jeu avec les institutions. ». Bref, il oublie simplement de prendre l'avis des Français qui, aujourd'hui, semblent séduits (bien malgré moi) par la figure médiatico-creuse de Jordan Bardella comme ils l'avaient rejeté il y a vingt-deux ans de manière ferme et définitive, ce qu'il n'a jamais compris.

Je pense que Lionel Jospin s'est arrêté de réfléchir politiquement au 21 avril 2002. L'arrivée de la génération née dans les années 1950 (François Hollande, Ségolène Royal, Jean-Luc Mélenchon, François Bayrou, François Fillon et Nicolas Sarkozy) est déjà, pour lui, difficile à comprendre mais depuis 2017, c'est la génération des responsables nés dans les années 1970 voire 1980 qui est maintenant aux responsabilités (sans compter que Jordan Bardella est né... en 1995 !). Il est complètement dépassé par le jeu politique actuel qui est, il faut l'admettre, parfois assez déconcertant par sa violence (et pas seulement verbale).

L'une des preuves de ce que j'avance, c'est qu'il n'a toujours pas digéré sa défaite, et ce n'est jamais à cause de lui, c'est toujours à cause des autres ! Lionel Jospin a dédramatisé la candidature de "Félix Poutou" (il voulait dire Philippe Poutou) en bon trotskiste partisan de l'entrisme ! Pourtant, son intégration dans cette nouvelle farce populaire (NFP) est une véritable incompréhension, un accord de gouvernement avec le NPA ! Mais doctrinaire, il s'en moque. Écoutons-le maintenant parler de François Hollande qui fut son dauphin au PS entre 1997 et 2002 : « François Hollande est, je le rappelle quand même, le seul socialiste qui a été en mesure de devenir Président de la République après François Mitterrand. », ce qui est vrai (toutefois, comme il s'agissait d'une cohabitation et qu'il avait réellement le pouvoir, il aurait pu s'ajouter lui-même comme étant l'un des trois socialistes qui a réussi à conquérir le pouvoir sous la Cinquième République). Et puis, Lionel Jospin a ajouté cette petite phrase qui traduit toute son amertume et sa colère (contre les Français, contre la classe politique) vingt-deux ans plus tard : « Moi, ça a été refusé en raison de la division, et donc, je sais ce qu'est la division. ».

C'est cette petite phrase qui dévoile tout l'homme politique : non, ce n'est pas lui qui a été battu, ce n'est pas lui qui a fait une mauvaise campagne ou qui a été rejeté par les Français ! C'est juste qu'il a raté l'épreuve du concours national. La faute à pas d'chance : on m'a interdit l'Élysée, les vilains à l'administration. Ah si, il y a bien des coupables : la division ! Or, la division avait bon dos : les électeurs de gauche qui ont voté pour Jean-Pierre Chevènement, Noël Mamère, Robert Hue ou Christiane Taubira, de toute façon, au premier tour, si leur candidat ne s'était pas présenté, ils se seraient abstenus, car Lionel Jospin a été incapable de mobiliser tout son électorat traditionnel. Donc, il a échoué, lui personnellement, mais pour lui, ce ne serait pas à cause de lui, toujours la faute des autres !

François Hollande a été élu par défaut sur les décombres de l'antisarkozysme primaire poussé par un François Bayrou complètement déboussolé. Mais la gauche, depuis 2002, est victime de cette absence d'analyse sur les causes réelles et profondes de l'échec de Lionel Jospin. Car la division n'est pas la cause de l'échec mais une conséquence, un signe avant-coureur de cause bien plus profonde : l'incapacité de la gauche à écouter le peuple dans ses inquiétudes, notamment sur la sécurité, en lui disant qu'il se trompait, qu'il n'y avait pas de problème, et le FN/RN a beaucoup fleuri sur cette incompréhension de la gauche. Lionel Jospin est tenté de réduire toutes ses analyses politiques à de la cuisine politicienne, mais une campagne présidentielle, ce n'est pas les autres candidats, c'est avant tout un dialogue entre le candidat et le peuple. Et le courant, c'est le moins qu'on puisse dire, n'a pas eu lieu.

Cette cuisine politicienne, Lionel Jospin l'adore encore malgré son âge. En effet, il prétend se rassurer sur l'hégémonie de FI en regardant les investitures négociées avec le NFP dont il est un ferme partisan : « Alors que LFI avait 328 candidats en 2022, il en a maintenant 229. Alors que le parti socialiste en avait 70 en 2022, il en a 175. Et les écologistes baissant un peu et les communistes gardant le même score. Et donc, je vous rappelle que l'ensemble PC, PS, écologistes, Place publique... euh, qui sont assez proches au fond, qui étaient dans une évolution que le Président de la République a brisée par cette dissolution, représenteront 297 candidats dans ces élections contre 229 pour la France insoumise. ».

 


Là encore, on voit bien que Lionel Jospin a dit que toute la gauche sauf FI a été stoppée dans leur unification (ah bon ? Pas si l'on regarde les listes multiples aux élections européennes !), c'est à cause d'Emmanuel Macron, bien sûr, ce n'est jamais à cause de lui, c'est toujours à cause des autres. De plus, le décompte de marchand de tapis des investitures ne vaut pas grand-chose. Évidemment, ce ne sont pas les investitures qu'il faut appréhender, mais celles sur des circonscriptions gagnables par le NFP, et ce n'est certainement pas proportionnel. Et en faisant les décomptes, 297/229, cela signifie que FI a de grandes chances de dominer la future gauche car beaucoup de circonscriptions imprenables ont été abandonnées par FI.

En revanche, à la question : on n'a pas encore essayé l'extrême droite, que dites-vous de cela ? Lionel Jospin a un réponse assez pertinente : « L'extrême droite, si elle n'a pas encore été essayée en France, et c'est quand même caractéristique, si vous voulez, que ça n'appartiennent pas à l'identité de la République, ça a été essayé ailleurs. Et quand ça a été essayé ailleurs, ça a nourri souvent de terribles drames. (…) Les Français jamais n'ont porté l'extrême droite au pouvoir pendant toute l'histoire de la République. ».


Il a également remis à sa place Nicolas Sarkozy : « Pour être un républicain, il faut partager les valeurs de la République, et notamment dire liberté, égalité, fraternité, et non pas identité, sécurité et... autorité ! ».

Quant au programme du NFP, Lionel Jospin ne s'en est pas caché : il est absolument déraisonnable, mais pour lui, ça ne compte pas, l'idée est d'avoir le plus d'élus possible et puis après, on verra bien. Quelle piètre conception de l'engagement politique et du respect des électeurs : « Ce qui est important pour moi, c'est que les partis de ce regroupement, nouveau front populaire, aient une place importante au Parlement demain. Seront-ils en mesure, les Français leur feront-ils confiance pour remporter une victoire ? Je ne sais pas (…). Mais en tout état de cause, compte tenu de la situation du pays, il est clair que, dans cette hypothèse où ce rassemblement de gauche serait au pouvoir ou proche du pouvoir, eh bien, il faudrait que soient aux postes principaux choisies des personnalités capables de maîtriser et d'opérer une synthèse ! ». Une synthèse ! Comme si le Parlement était un comité directeur du parti socialiste des années 1970 !

Dans cette dernière réflexion, il y a à la fois de la rêverie utopique (Jean-Luc Mélenchon laissant la gauche de gouvernement tranquillement gouverner en cas de majorité) et du mépris des Français (le programme, on s'en moque, il est pour une « inflexion »).


De cette interview, il en ressort que Lionel Jospin, décidément, n'a pas encore compris son échec personnel du 21 avril 2002. Et s'il critique la dissolution de l'Assemblée Nationale, lui serait bien d'avis qu'il faudrait plutôt dissoudre le peuple, en tout cas, celui qui n'a pas voté pour lui. Celui de 2002. Et peut-être aussi celui de 2024, tant qu'on y est.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (17 juin 2024)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
Sidération institutionnelle.
Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.







https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240617-jospin.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-5-le-trouble-de-255287

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/17/article-sr-20240617-jospin.html




 

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15 juin 2024 6 15 /06 /juin /2024 03:39

« Je ne comprendrai jamais pourquoi ceux prêts à s'allier avec l'extrême gauche sont jugés moins sévèrement que ceux qui seraient prêts à le faire avec l'extrême droite. S'allier avec un parti considéré par 92% des Français juifs comme le principal responsable de l'augmentation de l'antisémitisme, qui a trahi la gauche républicaine et qui souhaite le chaos pour favoriser l'extrême droite, devrait être inacceptable pour tout républicain. » (Simone Rodan-Benzaquen, directrice générale de l'American Jewish Committee Europe depuis 2015 et fondatrice de SOS Darfour).




 


L'ancien Président de la République François Hollande, qui fut premier secrétaire du PS de 1997 à 2008, était l'invité du journal de 20 heures sur TF1 ce jeudi 13 juin 2024. Et ses propos étaient d'une irresponsabilité totale : « Ce qui est essentiel, c’est que l’union ait pu se faire. (…) Il y a un moment où il faut aller au-delà de nos divergences. ».

Comme Carole Delga, il a annoncé en effet qu'il soutenait le Nouveau front populaire (NFP), en signant un chèque en blanc puisqu'il ne connaissait pas encore le programme de gouvernement qui accroîtrait de 250 milliards d'euros par an le déficit public en France. Il y a une véritable contradiction alors qu'il venait de critiquer Emmanuel Macron pour avoir laissé filer le déficit ! Autre contradiction, François Hollande s'était opposé à la Nupes en 2022, alors que le NFP a inclus beaucoup plus de gauchistes avec le NPA, etc. et que les discours de haine de FI sont particulièrement graves pour la cohésion nationale.

Je ne suis pas psychologue de bazar, mais on peut sans doute chercher du côté du fils-qui-tue-le-père pour imaginer que lorsque le père bouge encore, son esprit de revanche est viscéral. Il reste que l'actuel Président de la République est avant tout une de ses créatures, parmi les meilleures de ses castings d'ailleurs, et que le reniement paternel a toujours un effet étrange. Jalousie ? Jalousie d'un si jeune âge, jalousie car unique Président à quinquennat qui a été réélu par le peuple français ? Le seul Président qui a fait réellement baisser le chômage en France et redémarrer le secteur industriel ?

François Hollande, qui avait rencontré le chef de l'État le 10 juin 2024 à Tulle par les hasards du calendrier, n'a pas le sens de l'honneur ni de la dignité puisque le voilà en train de se déculotter devant le gourou de l'extrême gauche qui considère le Hamas comme un mouvement de résistance, j'ai nommé Jean-Luc Mélenchon, prochain futur ex-Premier Ministre autoproclamé (petit astérisque : sous réserve de gagner les élections). La moindre des choses qu'on peut dire, c'est que Flanby n'est pas ingrat car Méluche n'a jamais cessé de le harceler depuis mai 2012, lui-même regrettant amèrement son vote inconditionnel au second tour de 2012 en faveur du pire Président de toutes les Républiques confondues.

Ce qui est certain, c'est que ses deux derniers Premiers Ministres, Manuel Valls et Bernard Cazeneuve, sont absolument contre cette union de dupes à la sauce mélenchonienne appelée Nouveau front populaire (NFP), on n'a peur de rien, mais ils sont terriblement seuls au sein des socialistes. Même Raphaël Glucksmann a viré sa cuti pour rejoindre les troupes d'extrême gauche dans lesquelles se trouvent le NPA, et même le Parti ouvrier indépendant (POI) et le Parti pirate !

Car il faut le dire haut et fort : non seulement ils ont conclu un accord électoral (un seul candidat dans chaque circonscription), mais aussi un accord de gouvernement où on rase gratis, avec les écologistes, avec le NPA, avec FI, avec le PCF, qui ne sont pourtant d'accord sur rien et d'abord sur le nom d'un éventuel futur Premier Ministre. Mais les rapports de force sont ce qu'ils sont : le Premier Ministre est toujours issu du parti de la majorité le plus nombreux à l'Assemblée Nationale. Or, en investissant 229 candidats FI et seulement 175 candidats PS, le rapport de forces au sein du NFP est déjà plié avant les élections : FI sera dominant, comme en juin 2022.


C'est même un « programme de rupture », rien que ça, pondu en quarante-huit heures ! François Mitterrand était un blaireau ; lui, il a mis dix ans à sortir son programme commun. Certes, en 2024, on lui a piqué le mot rupture puisque ces caciques de la politique politicienne ne savent que recycler les vieilleries historiques. Ainsi, le nouveau premier secrétaire du PS proclamait à qui voulait l'entendre le 13 juin 1971 (au congrès d'Épinay) : « Violente ou pacifique, la révolution, c’est d’abord une rupture. Celui qui n’accepte pas la rupture, la méthode, cela passe ensuite, celui qui ne consent pas à la rupture de l’ordre établi, politique, cela va de soi, c’est secondaire…, avec la société capitaliste, celui-là, je le dis, il ne peut pas être adhérent du parti socialiste. (…) À compter du moment où nous adoptons une stratégie de rupture, il importe de savoir quelle est la définition hors de laquelle il n’y a pas de marche possible vers le socialisme. Eh bien je dis, aussi clairement que je le pense, après quelques réflexions et quelques temps mis à cette réflexion, que notre terrain est celui-là : il n’y a pas, il n’y aura jamais de société socialiste sans propriété collective des grands moyens de production, d’échange et de recherche. » (déclaration très connue et passée en boucle chez les mitterrandiens historiques malgré cette odeur de naphtaline).
 


En campagne dans le Loiret, le président du RN Jordan Bardella, lui aussi candidat autoproclamé à Matignon, a considéré que son principal adversaire était le NFP et plus la majorité présidentielle. On sait que François Hollande aime bien faire du gauchisme en pleine campagne (mon ennemi, c'est la finance !), mais l'énumération des nombreuses mesures très démagogiques fait froid dans le dos : abrogation de la réforme des retraites, de la réforme de l'assurance-chômage, augmentation du SMIC, rétablissement de l'ISF pour faire fuir les investisseurs étrangers, etc. Où est la cohérence quand on critiquait il y a une ou deux semaines le niveau record de la dette publique ?

Manifestement, François Hollande a désappris à gouverner, et pour lui, l'intérêt de son petit parti socialiste (le parti de Jérôme Cahuzac) passe avant l'intérêt de la France. Quelques sièges supplémentaires (et l'argent qui va avec, du financement public des partis politiques). Un plat de lentilles. Un peu plus copieux en 2024 qu'en 2022 grâce au chef Méluche. Les socialistes républicains sont ulcérés, mais ils se comptent sur les doigts d'une seule main, à peine. Il est temps de se réveiller, messieurs et mesdames les socialistes, les électeurs français ne peuvent se retrouver dans ce cauchemar de ne devoir choisir qu'entre une extrême droite lisse et arrogante et une extrême gauche de boutiquiers. Car un tel clivage, dans la société d'aujourd'hui, ne peut que favoriser l'extrême droite qui arrive masquée et calme, prête même à rassurer les milieux des affaires, un comble !

Honte à vous, François Hollande d'avoir donné votre accord à de la cuisine d'état-major de parti ! Votre avis n'est pas déterminant dans le cours des événements, mais il salit les institutions républicaines, parce que vous avez été l'arbitre suprême de la cohésion nationale pendant cinq ans. Votre retraite sera aussi misérable que l'a été votre Présidence. Ce n'est pas une surprise.



Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (14 juin 2024)
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Pour aller plus loin :
Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
Sidération institutionnelle.
Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

 



https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240613-hollande.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-3-francois-255202

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30 mai 2024 4 30 /05 /mai /2024 03:12

« Ses recherches l’ont amené à publier plusieurs études sur le syndicalisme, la politique agricole, le statut juridique du paysan, ou encore l’élevage et la production laitière. Cette connaissance du monde agricole l’a guidé dans ses premiers engagements politiques. » (Site du Ministère de l'Agriculture, mai 2024).


 


L'ancien ministre socialiste Henri Nallet est mort ce mercredi 29 mai 2024 à l'âge de 85 ans (il est né le 6 janvier 1939 à Bergerac). Je l'avais rencontré le 25 juin 2014 à l'occasion d'un colloque à la Sorbonne sur Jean Jaurès, une réflexion proposée au centenaire de son assassinat. Henri Nallet était la "puissance invitante" en tant que président de la Fondation Jean-Jaurès (il l'a présidée de 2013 à 2022), une fondation en soutien intellectuel du PS fondée (et présidée) par Pierre Mauroy en 1992, et présidée depuis 2022 par l'ancien Premier Ministre socialiste Jean-Marc Ayrault (Henri Nallet en était devenu le président d'honneur).

Dans ce colloque, il y avait du beau monde, je ne citerai pas tous les intervenants, mais parmi les plus réputés, il y avait Robert Badinter, Alain Juppé, Pierre Bergé (en tant que président des Amis de François Mitterrand, oui oui, ça existe encore), Alain Richard, Jean-Noël Jeanneney, Christiane Taubira, Claude Bartolone, Laurent Fabius, etc. C'est dans les activités d'une telle fondation de faire des retours sur le passé (colloques, séminaires, etc.), et aussi des propectives pour préparer l'avenir. Henri Nallet adorait faire de la recherche, car c'était son métier d'origine.

J'ai toujours eu du mal en politique avec Henri Nallet, en ce sens que j'ai toujours eu du mal à le considérer comme un véritable homme politique et pourtant, il avait tout pour être considéré comme tel : des portefeuilles ministériels, un mandat parlementaire et même, une implantation locale qui l'a fait élire maire de Tonnerre, petite ville de l'Yonne à l'est d'Auxerre, de 1989 à 1998 (conseiller municipal de 1998 à 2001) ainsi que conseiller général de l'Yonne de 1988 à 2001.

Sans doute parce qu'il a pris ses engagements politiques par la grande porte, un peu à l'instar de beaucoup de responsables politiques depuis 2017 : celle d'un grand ministère. En effet, après la démission surprise de Michel Rocard comme Ministre de l'Agriculture en avril 1985 pour protester contre l'instauration du scrutin proportionnel pour les législatives de 1986, cuisine électorale pour empêcher l'alliance UDF-RPR d'atteindre la majorité absolue et de favoriser l'élection de députés FN, François Mitterrand a nommé Henri Nallet à sa succession, du 4 avril 1985 au 20 mars 1986.

À l'époque, il était inconnu du grand public et était considéré comme un technocrate... qu'il était. En effet, Henri Nallet, diplômé de l'IEP de Bordeaux (il est né en Dordogne), d'une licence de droit public et d'un DESS de sciences politiques à Paris (sur l'agriculture), est devenu avocat en 1968. Mais également chercheur de 1970 à 1981 à l'INRA (Institut national de la recherche agronomique) dont il est devenu un directeur de recherches. De 1965 à 1970, Henri Nallet fut aussi chargé de mission pour les affaires économiques auprès de Michel Debatisse, secrétaire général de la FNSEA, mais il démissionna sur un désaccord idéologique.

 


Quand il était étudiant, il s'est parallèlement engagé à la JEC (Jeunesse étudiante chrétienne) dont il fut le secrétaire général en 1963 avant de démissionner en 1964 en raison d'un désaccord avec la tutelle catholique. C'est à cette occasion qu'il a rencontré le futur maire de Lille Pierre Mauroy, président du Conseil français des mouvements de jeunesse dont Henri Nallet fut l'un des vice-présidents jusqu'en 1965. Au début des années 1970, il a collaboré aussi au journal protestant "Réforme" où il a fait la connaissance de Pierre Joxe qui l'encouragea à intégrer l'équipe de campagne de François Mitterrand pour l'élection présidentielle de 1981, spécialisé dans les questions agricoles.

La victoire des socialistes en 1981 l'a conduit à fréquenter les cabinets du pouvoir : d'abord celui de la toute nouvelle Ministre de l'Agriculture Édith Cresson, mais la réputation de brillant conseiller d'Henri Nallet l'a fait entrer quelques semaines plus tard à l'Élysée comme conseiller technique chargé des questions agricoles, des problèmes communautaires et de la pêche, complétées par les questions sur l'environnement un peu plus tard. Il était entre autres dans les réunions européennes aux côtés du ministre Roland Dumas pour préparer l'entrée de l'Espagne et du Portugal à la CEE.

 


En avril 1985, c'était donc à la fois un homme très compétent techniquement sur les questions agricoles (et sur la pratique du pouvoir) et un engagé au sein du parti socialiste (de manière informelle, car il a pris sa première carte du PS seulement en 1987 !) qui a fait son entrée au Ministère de l'Agriculture. Mais comme il est passé par la grande porte sans toutes les étapes de l'élu local qui s'est fait un nom jusqu'à monter à Paris, il y a eu une sorte de procès en illégitimité politique qui lui a toujours collé à la peau, conforté par le fait qu'il n'avait pas d'ambition politique en tant que telle (il ne s'est jamais frotté aux batailles claniques au sein du parti socialiste). En tant que ministre, il apporta à Coluche à la fin de 1985 le soutien des autorités publiques à son excellente initiative des Restos du cœur.

Pressentant la défaite du PS et leur retour dans l'opposition, les dirigeants du PS ont tenté de sauver les ministres sortants en les présentant en tête de listes aux élections législatives de mars 1986. N'ayant aucune implantation locale, Henri Nallet a été parachuté dans l'Yonne sur le conseil de son ami Pierre Joxe, régional de l'étape, alors qu'il avait d'abord songé à la Manche où sa belle-famille était installée. Henri Nallet fut élu député de l'Yonne en mars 1986, réélu au scrutin majoritaire en juin 1988, battu en mars 1993 et réélu en juin 1997.

Après la réélection de François Mitterrand, Henri Nallet fut renommé Ministre de l'Agriculture et de la Forêt du 12 mai 1988 au 2 octobre 1990 dans le gouvernement de Michel Rocard. Son successeur et son prédécesseur exerçant durant le gouvernement de la cohabitation dirigé par Jacques Chirac fut le président de la FNSEA François Guillaume (91 ans). Son action au service de l'agriculture l'a amené à présider le Conseil mondial de l'alimentation ainsi que, plus tard, le Haut Conseil de la coopération agricole.

Mais ce n'est pas dans le domaine agricole que l'action politique d'Henri Nallet resta la plus mémorable. En effet, lors d'un remaniement qui a évincé Pierre Arpaillange de la Place Vendôme, Henri Nallet fut bombardé Ministre de la Justice du 2 octobre 1990 au 2 avril 1992, dans le gouvernement de Michel Rocard et confirmé dans celui d'Édith Cresson qui le connaissait bien (du 2 octobre 1990 au 15 mai 1991, il avait auprès de lui un ministre délégué, l'avocat Georges Kiejman). Son successeur à l'Agriculture fut Louis Mermaz, et il fut évincé lui-même de la Place Vendôme lors de la formation du gouvernement de Pierre Bérégovoy, remplacé par l'ancien conseiller de François Mitterrand à l'Élysée Michel Vauzelle.

 


Là encore, un ministre de l'agriculture qui devient ministre de la justice, cela a étonné beaucoup d'observateurs. Mais juriste (et même avocat), Henri Nallet avait bien sûr les qualités pour devenir garde des sceaux (et la politique veut que ministre, c'est une fonction politique et pas technique). Néanmoins, ce qui resta de lui fut le dessaisissement le 7 avril 1991 du juge Thierry Jean-Pierre qui a enquêté sur l'Affaire Urba, un scandale politico-financier impliquant de nombreux dirigeants socialistes. Thierry Jean-Pierre avait alors mené une perquisition au siège d'Urba-Gracco (une boîte à financements occultes des élus socialistes), ce qui avait provoqué la colère de François Mitterrand et sa tentative d'étouffement de l'affaire (le juge Renaud Van Ruymbeke a repris l'affaire, et l'a poursuivie en perquisitionnant au siège du PS !). Il faut aussi rappeler qu'Henri Nallet était le trésorier de la campagne présidentielle des socialistes de 1988 et à ce titre, connaissait sans doute les ressorts du financement du PS.

Après son exclusion du gouvernement, Henri Nallet fut nommé conseiller d'État en décembre 1992, un statut qui lui assurait une bonne protection alimentaire. Il s'éloigna alors de la vie politique pour devenir expert auprès d'organisations internationales comme la Commission Européenne ou la BERD (Banque européenne pour la reconstruction et le développement présidée alors par Jacques Attali, l'ancien conseiller spécial de François Mitterrand à l'Élysée). Il a ensuite intégré l'équipe de campagne de Lionel Jospin pour l'élection présidentielle de 1995.

Réélu député de l'Yonne en juin 1997, Henri Nallet a repris une activité politique nationale voire internationale en se faisant élire président de la délégation de l'Assemblée pour l'Union Européenne, fonction pour laquelle il a pondu de nombreux rapports. Il a aussi beaucoup travaillé à l'époque pour Dominique Strauss-Kahn (Finances) et Élisabeth Guigou (Justice). Henri Nallet fut également vice-président du Parti socialiste européen en 1998, tandis que Pierre Mauroy était le président de l'Internationale socialiste.

Resté avocat, Henri Nallet a lâché ses mandats électifs au début des années 2000, et a présidé la Fondation Jean-Jaurès après la mort de Pierre Mauroy. Lorsque François Hollande a voulu l'élever le 14 juillet 2015 au grade de commandeur de la Légion d'honneur, une polémique s'est développée en raison du scandale du Mediator, car Henri Nallet était également rémunéré de 1997 à 2013 par le groupe Servier, notamment comme directeur général des affaires extérieures et de la communication. Il a en effet été accusé de trafic d'influence. Ce commandeur du Mérite agricole n'a, semble-t-il, jamais été inquiété par la justice. Et c'est peut-être justice (je ne connais pas son degré d'implication).

Dans son hommage, son lointain successeur, l'actuel Ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Marc Fresneau a déclaré : « J’avais eu la chance de pouvoir dîner avec lui au mois de janvier dernier et nous avions évoqué les sujets agricoles et politiques avec un grand esprit de liberté et d’ouverture. Je n’oublie pas combien il a œuvré pour l’agriculture, de l’enseignement agricole aux relations syndicales et pour favoriser le développement des appellations d’origine contrôlées. ». Tandis que Jean-Marc Ayraud, son successeur à la Fondation Jean-Jaurès, a rappelé ses contributions intellectuelles, en particulier sur le multilatéralisme (septembre 2004), sur l'Europe (septembre 2009), sur la gauche et la justice (février 2011), sur les relations entre François Mitterrand et Pierra Mauroy (juin 2016) ainsi que sur Michel Rocard (juillet 2017).



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (29 mai 2024)
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Pour aller plus loin :
Jean Jaurès.
Henri Nallet.
Jacques Delors.
Ségolène Royal.
Najat Vallaud-Belkacem.
Frédéric Mitterrand.
Jean-Pierre Chevènement.
Robert Badinter.
Édith Cresson.
Patrick Kanner.

Olivier Dussopt.
Louis Le Pensec.
Gérard Collomb.
Jérôme Cahuzac.
Pierre Moscovici.
Jacques Attali.
Louis Mexandeau.
Joseph Paul-Boncour.
Bernard Cazeneuve.
Charles Hernu.

Pierre Mauroy.
Roger-Gérard Schwartzenberg.
Georges Kiejman.
Roland Dumas.

Jean Le Garrec.
Laurence Rossignol.
Olivier Véran.

Sophie Binet.
Hidalgo et les trottinettes de Paris.
Hidalgo et les rats de Paris.
Les congés menstruels au PS.
Comment peut-on encore être socialiste au XXIsiècle ?
Nuit d'épouvante au PS.
Le laborieux destin d'Olivier Faure.

PS : ça bouge encore !
Éléphants vs Nupes, la confusion totale.
Le leadershit du plus faure.
L'élection du croque-mort.
La mort du parti socialiste ?
Le fiasco de la candidate socialiste.
Le socialisme à Dunkerque.
Le PS à la Cour des Comptes.




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29 novembre 2023 3 29 /11 /novembre /2023 10:23

« La France s’enlise dans une dangereuse crise de confiance des citoyens envers leurs institutions censées protéger leur santé. » (Michel Rivasi, avril 2015).




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On peut n'avoir que 70 ans, ce n'est plus tout jeune mais c'est quand même un peu tôt pour mourir, et être victime d'une crise cardiaque. Ce fut le triste sort de la députée européenne écologiste Michèle Rivasi ce mercredi 29 novembre 2023 dans la matinée alors qu'elle se rendait au siège bruxellois du Parlement Européen. Elle a été immédiatement transférée à un hôpital de Bruxelles où elle s'est éteinte. Née le 9 février 1953 à Montélimar, elle était une femme politique expérimentée après avoir été une militante acharnée...

J'imagine la tristesse des proches, un tel événement est toujours un séisme dans une vie, mais il faut bien constater que Michèle Rivasi défendait des causes qui ne m'ont pas paru pertinentes, surtout depuis quelques années. Être diamétralement opposé aux idées ne signifie pas ne pas saluer la femme engagée qu'elle était. Pourtant, il y a un paradoxe à voir aujourd'hui l'extrême droite rendre hommage à cette militante écologiste résolument engagée à gauche.

Normalienne, elle était professeur agrégée de sciences naturelles et a enseigné à l'IUFM de Valence puis de Grenoble, quand sa vie militante et politique le lui permettait. Je passe sur son excursion ratée dans le management : directrice de Greenpeace France de septembre 2003 à novembre 2004, elle aurait mis la pagaille dans l'équipe d'une cinquantaine de personnes qu'elle devait motiver et a été rapidement remerciée.

Michèle Rivasi s'est fait connaître à l'époque de la catastrophe nucléaire de Tchernbyl ; elle refusait de croire, avec raison, que le nuage nucléaire s'était arrêté, comme le prétendaient les autorités françaises, à la ligne bleue des Vosges. Elle a créé avec d'autres militants et présidé la Commission de recherche d'information indépendantes sur la radioactivité, autrement dit, la CRIIRAD. Elle fut également la vice-présidente du Centre de recherche et d'information indépendante sur les rayonnements électromagnétiques (CRIIREM). Dans les années 1980, elle militait notamment aux côtés de Corinne Lepage, future ministre et future candidate à l'élection présidentielle.

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Cet engagement militant l'a placée sur le terrain électoral. Élue conseillère municipale de Félines-sur-Rimandoule, une commune de moins de 100 habitants dans la Drome, elle a été élue députée de la Drome en juin 1997 de manière très serrée avec l'appui du parti socialiste et des Verts (tandis qu'elle a battu Patrick Labaune qui retrouva son siège en juin 2002). Inscrite au groupe socialiste, Michèle Rivasi a exercé pendant cinq ans son mandat de députée où elle s'est surtout préoccupée des questions d'environnement, d'énergie (elle a enquêté sur Superphénix), de la sûreté des installations industrielles et des centres de recherche, etc.


Après son échec pour sa réélection en 2002, elle a relancé sa carrière politique en s'engageant au sein des Verts en 2005 et en s'implantant à Valence : en mars 2008, elle a été élue conseillère générale de la Drome (et vice-présidente du conseil général) ainsi qu'adjointe au maire de Valence. Elle a mené la liste aux municipales de 2014 mais, battue, ne fut élue que conseillère municipale jusqu'en 2020. Michèle Rivasi fut élue députée européenne sans discontinuité depuis juin 2009 (réélue en 2014 et 2019), sur les listes écologistes.

En avril 2015, Michèle Rivasi a choqué beaucoup de monde en déclarant ceci : « Aujourd’hui, les vaccins créent plus de problèmes qu’ils n’en résolvent, il est temps de changer de paradigme sur la prévention. ». Si cette petite phrase franchement antivax est restée discrète pendant quelques années, elle a été rappelée par la Ministre de la Santé Agnès Buzyn elle-même le 13 mars 2019, avant les élections européennes. En fait, elle a provoqué des remous au sein de son parti écologiste dès le 10 juillet 2017 car elle militait contre l'obligation vaccinale proposée par le gouvernement : « La France serait le premier pays d'Europe à vouloir imposer avec autant de force la panacée vaccinale. À raison ? Justement pas. ».

Désinformation ou informations médicales mal digérées, toujours est-il que Michèle Rivasi, probablement sincère, a fait le jeu des antivax et des complotistes en se lançant très maladroitement contre les supposés lobbies pharmaceutiques. Après la relance de la polémique par le gouvernement, elle a tenu à nuancer sa position dans une note le 12 mars 2019 intitulée : « Oui aux vaccins, non aux lobbies ! ». Elle y affirmait : « Que les choses soient claires : je ne remets pas en cause l’utilité de la vaccination, et je sais ce que les vaccins ont apporté en termes de progrès sanitaires au XXe siècle, de lutte contre la mortalité infantile… (…) Mon combat depuis toujours a été pour la transparence et l’information des citoyens. (…) Je l’affirme donc haut et fort : je suis pour la vaccination ; pour la protection de la santé. (…) Il faut exiger la transparence dans les prises de décisions et s’assurer que les décisions prises, notamment en ce qui concerne la loi sur l’obligation vaccinale, n’ait pas été prise ou suggérée sous l’influence du lobby pharmaceutique. Il faut mettre fin aux conflits d’intérêts et aux portes tournantes entre les élus et les dirigeants et experts d’agences sanitaires et les laboratoires pharmaceutiques. ». Pourtant, les médecins sont déjà tenus à publier les différents intérêts qu'ils pourraient avoir dans l'industrie pharmaceutiques.

Malgré les dénégations de la députée européenne, tout dans son discours reprenait le vocabulaire voire les rumeurs et les mensonges des antivax. Pire, elle a récidivé contre le vaccin contre le covid-19, doutant de sa fiabilité future dès le 25 avril 2020 (donc de manière totalement gratuite puisque la première communication sur l'efficacité de tels vaccins n'a été publiée que le 9 novembre 2020) dans un tweet qu'elle a finalement supprimé avec précipitation après les pressions de son propre parti, mais elle a à nouveau abusé de Twitter en comparant excessivement le passe sanitaire à l'apartheid le 12 juillet 2021. Bien plus tard, en 2023, elle a participé à la rédaction d'un livre aux côtés de parlementaires ou anciens parlementaires ouvertement antivax.

Son discrédit scientifique est devenu complet (malgré ses diplômes et titres) lorsqu'elle a soutenu l'homéopathie (la justifiant par la prétendue mémoire de l'eau) et même en faisant la promotion de l'anthroposophie appliquée au traitement du cancer, ainsi qu'en s'opposant aux ondes wifi et aux compteurs Linky. Le "Journal internationale de médecine" a ainsi sacrée Michèle Rivasi « reine de l'alterscience » le 18 février 2017, l'accusant de colporter des rumeurs complotistes erronées.


Le problème de ce type de positions pour Michèle Rivasi, c'est qu'elle bénéficiait d'un fort écho médiatique par son engagement militant et son mandat de parlementaire européenne, ainsi que par sa candidature le 1er août 2016 à la Présidence de la République.

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Effectivement, Michèle Rivasi a voulu participer à la primaire des écologistes pour l'élection présidentielle de 2017 et a créé la surprise : elle a dépassé Cécile Duflot le 19 octobre 2016 avec 30,2% des voix et s'est retrouvée projetée dans un second tour face à Yannick Jadot qui, finalement, allait gagner la partie le 7 novembre 2016 avec plus de 54,2% des voix... mais de manière très provisoire puisqu'au fil de la campagne, il s'est effacé au profit du candidat socialiste.

Elle comptait vivement se représenter aux élections européennes de juin 2024 pour un quatrième mandat au Parlement Européen. Dans son dernier tweet, un jour avant sa mort, elle rouspétait encore contre ce qu'elle appelait le lobby pharmaceutique...


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (29 novembre 2023)
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Pour aller plus loin :
Michèle Rivasi.
Hubert Reeves.

Yannick Jadot.
Sandrine Rousseau.
Élysée 2022 (5) : profondes divisions chez les écologistes.
Grégory Doucet.
René Dumont.

_yartiRivasiMichele04





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29 octobre 2023 7 29 /10 /octobre /2023 04:08

« L’histoire m’a appris une dernière leçon : elle est tragique. Toujours. Le pire est le plus probable. Toujours. Et la meilleure façon de l’éviter est de s’y préparer. Cela veut dire, pour les démocraties, de ne pas baisser la garde (…), de se préparer à des compromis (…) ; et, pour les Européens, à écouter ces leçons, à se mettre d’urgence en économie de guerre, et à se préparer au pire, pour l’éviter. » (Jacques Attali, le 12 octobre 2023, sur son blog).




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Ce mercredi 1er novembre 2023, l'économiste Jacques Attali fête son 80e anniversaire. Faut-il y voir un signe, d'être né à la Toussaint ? Évidemment non, chacun a eu une chance sur 365 d'être né ce jour-là (et donc, en principe, près de 22 millions d'humains devraient avoir son anniversaire ce jour-là).

J'ai écrit "l'économiste" mais c'est difficile de bien le qualifier, lui-même se décrit sur son blog comme « écrivain, éditorialiste de l'Express, président de la Fondation Positive Planet, du Groupe A&A, et de Slate.fr ». Major à Polytechnique, IEP Paris, ENA, Conseil d'État, doctorat d'État en sciences économiques à Paris-Dauphine (thèse dirigée par Alain Cotta et soutenue en 1972 sur "La Théorie de l'ordre par le bruit dans la théorie économique"), assurément, Jacques Attali est une intelligence très brillante ...et très rare.

Il a acquis ses vraies lettres de noblesse médiatique comme "conseiller spécial du Président de la République" de 1981 à 1991. François Mitterrand avait été séduit par cette mécanique intellectuelle incroyable qui venait d'adhérer au parti socialiste en 1974. De ces dix années à l'Élysée, au plus près du pouvoir suprême (tous les visiteurs du Président devaient passer par son bureau !), est sorti son fameux best-seller "Verbatim" en trois tomes (sortis en 1993 et 1995 chez Fayard) où il a publié les confidences présidentielles de son mentor, sans doute avec l'ambition d'être un livre référence comme le "C'était De Gaulle" du ministre Alain Peyrefitte.


C'est sans doute ce métier d'écrivain qui occupe le plus son temps, et dont il est le plus fier. Il n'est en effet d'ailleurs pas peu fier d'avoir commencé à être édité dès l'âge de 30 ans, bien avant sa notoriété médiatique et politique. Selon mon décompte, Jacques Attali serait l'auteur de 98 ouvrages, principalement des essais, plusieurs biographies, quelques romans, et même du théâtre. Un production de masse qu'il dit assurer dans la solitude de la réflexion.

Certains ouvrages ont une certaine prétention comme le dernier "Le Monde, modes d'emploi : comprendre, prévoir, agir et protéger", sorti en mai 2023 chez Flammarion : « J’ai rassemblé ici tout ce que chacun devrait savoir sur la marche du monde et son avenir. Tout. » a-t-il cabotiné auprès de la journaliste Vanessa Schneider pour un portrait dans "Le Monde" du 4 juillet 2023 où il a précisé son rythme de vie : une heure de gym par jour, jeûne quotidien de seize heures (un repas sauté), pas d'alcool, pas de tabac, pas de café, mais du chocolat et surtout, du travail. Des conférences, des visites à l'étranger, des activités de son cabinet de conseil auprès de patrons et de gouvernements qui marche rudement bien (avec vingt-cinq collaborateurs à son service), trois à quatre livres lus chaque semaine, et plusieurs livres écrits par an.

À la journaliste Anne-Sophie Novel dans "Le Monde" du 2 avril 2015, il expliquait : « Je dors peu et j’ai pour habitude de me lever tôt. Si je mène des activités de natures différentes, ma principale obsession est d’avoir du temps libre et de la solitude, de ménager du temps pour l’inattendu, pour lire, écrire ou faire de la musique. Certains dorment peu et ne font rien de leur journée, donc dormir peu n’explique pas tout, c’est l’intensité du temps qui compte. ». Ah oui, j'avais oublié, Jacques Attali est aussi un chef d'orchestre passionné.

Assurément, Jacques Attali ne connaît pas la retraite, malgré ses 80 ans : « Je rêve d’une société où chacun, grâce à la robotisation, et à l’organisation politique et sociale, pourrait exercer l’activité qu’il souhaite, sans limite de temps. Dans une telle société, la revendication principale serait de retarder l’âge de la retraite, et pas de le réduire. Il n’y aurait pas de retraite, où travailler serait naturel… On en est évidemment très loin pour l’immense majorité des gens, et il faut réduire de toutes les façons possibles le temps consacré à des travaux pénibles, dégradants, ennuyeux, aliénants. Le critère d’une bonne société, c’est la part de "bon temps", librement choisi pour devenir soi, que chacun peut avoir. Une bonne société est une société où l’on préfère le lundi matin au vendredi soir, autrement c’est une société aliénée. ».

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On l'a compris, Jacques Attali est un utopiste. Il anticipe, il imagine, il crée des mondes futurs. Parfois, cela peut donner le tournis. Ou prêter à sourire sinon à rire. Entre autres, il pense que seul, un gouvernement mondial, raisonnable, dépassionné, pourrait trouver des solutions aux graves problèmes du moment comme les bouleversements climatiques. Comme il dit, il rêve.

Il l'a confirmé le 2 septembre 2023 sur France Inter, face à Charline Vanhoenacker : « Aujourd'hui, personne ne gouverne. C'est bien, parce qu'on n'est plus sous la domination absolue des États-Unis. On n'est pas encore, et à mon avis on ne le sera jamais, sous la domination de la Chine, parce que je ne pense pas qu'elle y arrivera. Ce qui n'est pas bien, c'est qu'il n'y a pas à la place quelque chose qui serait une organisation internationale crédible et sérieuse. Et si on n'est pas capable, avec les 500 millions d'habitants, de s'organiser, comment va-t-on être capable de le faire avec dix fois plus d'habitants à l'échelle de la planète ? C'est pour ça qu'il est si important de réussir l'Europe. (…) Dans un an, c'est les élections européennes. Quel parti, quelle organisation, présidera la Commission Européenne ? On a besoin d'avoir des gens puissants et compétents. Et malheureusement, on ne nomme pas toujours les meilleurs à Bruxelles, pour une raison d'ailleurs assez classique, c'est que les hommes politiques dans tous les pays européens ont toujours peur d'envoyer à Bruxelles quelqu'un de très bon pour leur faire concurrence. Ce qui fait que pratiquement tous les pays européens n'envoient pas leurs meilleurs comme commissaires à Bruxelles. Mises à part quelques exceptions comme Jacques Delors ou quelques grands Belges, on n'a jamais eu une classe politique européenne de très haut niveau. Il y a aujourd'hui, au Parlement Européen, des gens formidables ; j'ai beaucoup d'espoir. ».

Il rêve, donc. C'est peut-être pour cela qu'il n'a jamais été ministre. L'aurait-il voulu ? À mon sens, oui. Une personnalité brillante, mais moins brillante que lui, le même moule, la même génération presque, c'est Laurent Fabius, un camarade du lycée. Arrivé plus tard que Jacques Attali au PS, mais ministre dès 1981, Premier Ministre dès 1984. Attali, c'est l'intello, ce n'est pas l'acteur, l'opérationnel, il est le prospecteur. Malgré ses fonctions de banquier : premier président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERP) d'avril 1991 à juin 1993 (son frère jumeau Bernard Attali a été, lui, PDG d'Air France de 1988 à 1993).

L'influence de Jacques Attali sur le pouvoir politique n'est cependant plus à rappeler. Lorsqu'il était le directeur de cabinet du premier secrétaire du PS avant 1981, il s'était adjoint deux collaborateurs énarques qui furent plus tard présents à un second tour d'élection présidentielle (et l'un l'a même gagné), Ségolène Royal et François Hollande.

Un peu plus tard, en 2007, le Président Nicolas Sarkozy l'a nommé président de la commission pour libérer la croissance économique (son rapport ici), et il s'est adjoint un jeune haut fonctionnaire, un certain Emmanuel Macron. L'image qui les montre l'un à côté de l'autre le 10 septembre 2007 est assez trompeuse maintenant qu'Emmanuel Macron est Président de la République : le sous-fifre est bien Macron et le patron Attali, qui bénéficie d'ailleurs d'un fauteuil plus luxueux. On prête aussi à Jacques Attali le conseil de choisir en 2017 le député-maire LR du Havre Édouard Philippe pour Matignon. En 2015, il a même envisagé sa candidature à l'élection présidentielle de 2017, face à la vacuité qui se dégageait à gauche. Mais faire campagne n'est pas un boulot facile pour un intellectuel.

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Les dernières chroniques de Jacques Attali sur son blog évoquent bien sûr l'actualité brûlante.

Le 19 octobre 2023, par exemple, il faisait un parallèle intéressant entre le FLN et le Hamas, entre l'Algérie (il est né à Alger) et la Palestine : « Dans l’esprit du Hamas et des autres antisionistes, la situation d’Israël aujourd’hui est la même que celle de l’Algérie française : pour eux, son existence est illégitime ; et, pour eux, les Juifs israéliens devront choisir, comme les Français d’Algérie, entre "la valise et le cercueil". Ils savent que, en Algérie, à défaut de gagner la guerre sur le terrain, le FLN l’a gagné politiquement sur la scène internationale ; et que, pour faire partir tous les Français, il avait fallu créer les conditions de l’impossibilité d’une coexistence entre les deux communautés. C’est ce qui s’est passé quand certains Algériens (pas tous) déclenchèrent un terrorisme aveugle, jetant des bombes dans les cafés, assassinant des familles entières ; et quand une partie des Français d’Algérie (pas tous) choisirent d’y répondre par la création d’une organisation terroriste, l’OAS, qui assassina aveuglement des milliers d’Algériens dans les rues. Bien des jeunes pieds-noirs en firent partie et répondirent à l’horreur par l’horreur, pour la plus grande joie de leurs adversaires, heureux de les voir tomber dans ce piège, qui aboutit au départ de tous les Français d’Algérie, seulement huit ans après le début de la guerre d’indépendance. Le Hamas, organisation terroriste, qui veut que tous les Israéliens meurent, ou au moins qu’ils quittent tous la région, emploie la même stratégie : la barbarie, pour provoquer une contre-barbarie. La barbarie des actes, celles des vidéos montrant leurs actes barbares, pour exciter la colère des Israéliens, et l‘invention d’actes barbares qu’auraient commis les Israéliens, pour exciter la colère du monde contre eux. Beaucoup d’Israéliens ont participé à cet engrenage, en tombant dans le piège de l’occupation, puis dans celui de la colonisation, puis du contre-terrorisme. Dès le début, bien des voix s’étaient élevées, y compris dans les plus hautes sphères de l’armée israélienne, contre cette colonisation, qui ne pouvait que corrompre l’âme des occupants. Aujourd’hui, si les Israéliens répondent à la barbarie par la barbarie, à l’horreur par l’horreur, ils perdront leur âme, je dirai même leur raison d’être qui est morale autant qu’historique ; et ils provoqueront les mêmes conséquences que celles qui interdirent aux Français de rester en Algérie. ».

Le 5 octobre 2023, sous le titre insolite "L'éléphant et le lion", Jacques Attali reprenait sa casquette d'économiste pour évoquer la structure des sociétés : « La démocratie [est], et sera, le meilleur des systèmes pour répartir les biens publics rares. (…) Il en va de même avec le capitalisme, c’est-à-dire avec l’allocation des biens privés rares par les marchés, quels que soient les propriétaires, privés ou publics, des entreprises. Il n’existe là non plus aucun système qui puisse prétendre rivaliser avec lui : aucun système ne sait mieux que le marché organiser la production et l’échange efficace de biens privés, susciter l’innovation, vaincre les rentes. Il est vrai que comme la démocratie, le marché est loin d’être parfait : il n’empêche pas les gaspillages, ni l’allocation des ressources à des secteurs nuisibles, ni la concentration excessive de richesses. (…) De plus, le marché et la démocratie ont besoin l’un de l’autre pour compenser leurs faiblesses : le marché a besoin de la liberté de circuler, d’innover, de créer, de changer et d’une règle de droit stable, protégeant en particulier la propriété privée, et réduisant les inégalités, que seule la démocratie peut lui garantir. Et la démocratie a besoin du marché pour fournir à chacun un certain nombre de libertés qu’une économie planifiée ne peut que remettre en cause et qui constituent des fondements de la démocratie. Mais les deux systèmes ne sont pas également puissants. La démocratie est, par nature, limitée par deux sortes de frontières : celles de ses domaines de compétences, qui ne peuvent changer aisément ; et celles de son champ d’application, qui est limité à un territoire géographique. On peut la comparer à un éléphant : très puissant mais peu mobile. Le marché, quant à lui, c’est-à-dire le capitalisme, ne respecte aucune limite : aucune frontière géographique ne gêne un marchand ; aucun domaine d’intervention ne lui est fermé ; aucun bien public n’est à l’abri de sa privatisation ou de sa marchandisation pour ceux qui ne sont pas encore intégralement inscrits dans la sphère marchande : le marché a vocation à transformer en objets tous les services que les humains se rendent les uns aux autres, à s’orienter vers les secteurs les plus rentables (…). On peut le comparer à un lion. (…) La survie de l’humanité ne passe pas par la disparition de la démocratie ou du capitalisme, mais au contraire par la mise en œuvre de règles planétaires et démocratiques, capables de protéger la nature, le vivant, les faibles, et le temps, d’un marché à la fois nécessaire et suicidaire. ».

Je termine par des reproches récurrents sur Internet. Dans les réseaux sociaux, de la désinformation tourne en effet en boucle à propos de Jacques Attali. C'est vrai qu'on ne prête qu'aux riches. Ainsi, dans un recueil d'entretiens faits par Michel Salomon sorti en 1981 ("L'Avenir de la vie", éd. Seghers), il aurait proposé l'euthanasie pour toutes les personnes âgées de plus de 65 ans. C'est bien entendu faux, il répondait à des questions et les citations qui ont été extraites du livre sont trompeuses.

La rubrique Checknews de "Libération" a d'ailleurs fait cette conclusion le 12 octobre 2018 (il y a cinq ans) :
« En résumé, Jacques Attali n'a jamais proposé d'euthanasier les plus de 65 ans ni même déclaré qu'il était favorable à une telle mesure. Les phrases qui lui sont prêtées sont des raccourcis à partir de déclarations dans un ouvrage de 1981 où il abordait les questions de l'allongement de la durée de vie, du suicide ou de l'euthanasie. » (Emma Donada).

De même, il n'a jamais planifié ni souhaité la pandémie de covid-19 avec pour objectif de réduire la population, en particulier en ciblant les populations âgées, d'autant plus qu'attendre quarante ans pour que cela se réalise, c'est quand même un peu long pour une planification (et en plus, celle-ci s'appliquerait à lui-même, ce ne serait pas très malin). Mais Internet est ainsi, on fait courir de fausses rumeurs et elles se font références mutuelles.


Son avocat Georges Kiejman, aujourd'hui décédé, se vantait d'ailleurs d'avoir obtenu toujours gain de cause devant les tribunaux sur ces fausses informations : « Jacques Attali a gagné le procès qui lui attribuait une opinion favorable à l'euthanasie des vieillards. ». Du reste, Jacques Attali lui-même a répondu à ses détracteurs de mauvaise foi dans un recueil d'entretiens avec Frédéric Taddeï, "À tort et à raison", sorti en 2020 (éd. de L'Observatoire) : « On m'impute des idées que je n'ai jamais eues. Par exemple, je serais ou j'aurais été, l’apologue de (…) l'euthanasie des retraités. Je défie quiconque de trouver dans un seul de mes textes ces idées, à condition de ne pas extraire une phrase de son contexte, pour lui faire dire le contraire de ce qu'elle dit. Et de ne pas confondre ce que je perçois comme une menace avec ce que je pourrais souhaiter. ».

Concrètement, tous les mal-attentionnés qui vouent une haine contre Jacques Attali (dont les ressorts sont facilement imaginables) s'amusent à dire dans les réactions aux articles évoquant ces fake news qu'ils ont acheté le livre et que les phrases en cause sont bien écrites, mais ils sont incapables de faire une photo des pages concernées et de les proposer en lien aux autres internautes, laissant ainsi planer l'imposture intellectuelle. Qu'importe, on dira toujours qu'il n'y a pas de fumée sans feu.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (28 octobre 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Jacques Attali.
Jacques Attali et le Titan d'OceanGate.
Jacques Attali et Emmanuel Macron : pourquoi la fresque d’Avignon était antisémite.
François Mitterrand, Jacques Attali et la science.
Document : Rapport Attali du 23 janvier 2008 à télécharger.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20231101-jacques-attali.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/jacques-attali-conseiller-special-250948

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/10/29/40089308.html




 

 

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31 juillet 2023 1 31 /07 /juillet /2023 05:20

« Levez-vous, et rassemblons nos forces pour les victoires auxquelles nous devons contribuer, et qui ne dépendent désormais que de nous, que de vous. Levez-vous pour l’espérance, pour que vive la République, et vive la France ! » (Bernard Cazeneuve, le 10 juin 2023 à Créteil).




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Un événement politique majeur d'envergure intergalactique a échappé aux médias d'information continue il y a deux mois. Quasiment échappé, pour être honnête (on en a un peu parlé). En effet, le samedi 10 juin 2023 à Créteil, l'ancien Premier Ministre socialiste Bernard Cazeneuve a lancé son propre mouvement politique, appelé "La Convention" (la convention pour quoi ? de quoi ? on ne saura pas). On ne peut s'empêcher d'y voir une référence à François Mitterrand qui avait dirigé la Convention des institutions républicaines (CIR) dans les années 1960 avant de s'emparer du PS.

Encore chef du gouvernement, il avait d'ailleurs profité du vingt-et-unième anniversaire de la mort de François Mitterrand, le dimanche 8 janvier 2017, pour lui rendre hommage à Jarnac, en pleine campagne présidentielle, tout en attaquant, par contraste, son ancien collègue Emmanuel Macron qualifié de déloyal : « C'est une belle valeur que la fidélité... comme la loyauté d'ailleurs (…). Encore faut-il tenir sa parole, car la politique ne pouvait se réduire à ses yeux à un exercice de séduction pure, fait de couvertures de magazine et de discours sans projet. ». Ce qui ne l'avait pas empêché le 23 avril 2017 d'appeler tous les électeurs socialistes à voter pour Emmanuel Macron et a faire campagne pour lui entre les deux tours afin de "faire barrage" à l'extrême droite.

Malgré la désaffection des Français pour les partis politiques, et plus particulièrement pour le parti socialiste, Bernard Cazeneuve a réussi à réunir en banlieue parisienne près de 2 000 militants socialistes qui en ont marre de cette alliance contre-nature avec France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, ce sont des socialistes anti-Nupes dont l'objectif est de présenter une liste aux élections européennes de juin 2024 et, ensuite, un candidat à l'élection présidentielle de 2027.

Pour l'occasion, l'ancien Président François Hollande a fait le déplacement, mais je me demande bien en quoi sa présence aiderait son ancien porte-parole de campagne dans cette délicate tâche de vouloir fédérer tous les mécontents du mélenchonisme. J'aurais même tendance à trouver qu'elle serait plutôt contre-productive.

Du quinquennat pourri de François Hollande ont pu quand même se révéler au grand public deux grandes personnalités politiques : Emmanuel Macron, bien sûr, ne serait-ce que parce qu'il a été ensuite élu puis réélu Président de la République, et Bernard Cazeneuve, qui, en 2012, était assez peu connu en dehors du sérail politique, ordinaire député-maire de Cherbourg et porte-parole du PS.

J'ai eu l'occasion de rencontre Bernard Cazeneuve il y a quelques années, c'était le 11 décembre 2017 à la Maison de la Chimie, dans le cadre d'une réunion organisée par Jean-Pierre Chevènement. Bien qu'il soit socialiste, j'ai beaucoup apprécié l'homme, je l'ai trouvé excellent, à la fois sympathique, rigoureux, intelligent, une sorte de monsieur tout-le-monde qui n'a pas eu la grosse tête tout en étant à la fois un crâne d'œuf technocrate et un redoutable animal politique. Quand Richard Ferrand est arrivé pour parler, la comparaison était très dévalorisante pour ce dernier : on n'était plus du tout dans la même catégorie, dans la même pointure. L'excellence se mesure souvent par comparaison.

Élu local depuis 1994, Bernard Cazeneuve est devenu un homme à tout faire de la Hollandie. À l'origine, il a été nommé Ministre délégué aux Affaires européennes le 16 mai 2012, et il faisait le boulot avec une forte motivation européenne, présent où il fallait pour convaincre les jeunes et moins jeunes de l'importance de la construction européenne. Puis, en catastrophe, après l'effondrement de Jérôme Cahuzac, il l'a remplacé immédiatement, au pied levé, bombardé Ministre délégué au Budget le 19 mars 2013, l'un des postes les plus importants de la vie politique (Budget et Intérieur sont essentiels dans une carrière politique ambitieuse).

Lors de la formation du gouvernement de Manuel Valls, l'Élysée et Matignon étaient en désaccord sur le nom du futur Ministre de l'Intérieur... et Bernard Cazeneuve est devenue la solution médiane le 2 avril 2014. À ce nouveau poste, il a fait preuve d'une forte compétence, hissé comme homme d'État à partir des attentats qui ont endeuillé la France en 2015 et 2016. La démission de Manuel Valls pour cause de candidature à la primaire socialiste a enfin poussé Bernard Cazeneuve jusqu'à Matignon le 6 décembre 2016, pour le mandat le plus court de la Cinquième République (jusqu'au 15 mai 2017), choisi là encore pour sa fidélité, sa loyauté, sa technicité, et sa solidité.

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Âgé de 60 ans (qu'il vient d'avoir le 6 juin 2023 ; il aura donc 64 ans en 2027, l'âge de François Mitterrand en 1981), Bernard Cazeneuve coche toutes les cases pour être un candidat majeur à l'élection présidentielle, mais toutes les cases de l'ancien monde, celui d'une séparation bien claire du paysage politique entre la gauche et la droite. Depuis six ans, le paysage s'est éclaté en deux gros extrémismes populistes, de droite avec le RN et de gauche avec FI, mais aussi leurs supplétifs respectifs, une partie de LR à droite et une partie du PS à gauche, et entre les deux, grâce à Emmanuel Macron, il y a eu un regroupement des "gens raisonnables".

Pourquoi Bernard Cazeneuve a-t-il attendu si longtemps ? S'il voulait vraiment attendre son but, il aurait dû se lancer dans la bataille présidentielle dès le lendemain de l'élection présidentielle de 2017 au même titre que Dominique Strauss-Kahn aurait dû se lancer dès le lendemain de l'élection présidentielle de 2002. Au lieu de cela, il a été attentiste, observateur, écrivain (il a écrit sur le quinquennat qu'il a servi), mais en n'ayant rien fait, il a laissé le terrain à Anne Hidalgo avec le "succès" que l'on sait.

Apparemment, Bernard Cazeneuve, poussé par des vieux éléphants socialistes (entre autres François Hollande et Jean-Christophe Cambadélis), ne semble pas vouloir réitérer cette erreur, ou plutôt, pense que l'impossibilité constitutionnelle d'une troisième candidature d'Emmanuel Macron lui donne une "fenêtre de tir", comme on dit, pour avoir toute sa place dans le débat présidentiel de 2027. Mais encore faut-il qu'il puisse se distinguer tant d'Emmanuel Macron que de Jean-Luc Mélenchon. Pour ce dernier, la distinction est évidente et son mouvement La Convention est même basé sur cet anti-mélenchonisme viscéral.

Pour Emmanuel Macron, la distinction n'est pas évidente sinon des susceptibilités personnelles. Bernard Cazeneuve est un homme raisonnable, qui souhaite gérer le pays avec un équilibre budgétaire et maintenir une intégration européenne qui est l'intérêt de la France. Il a, par ailleurs, un atout qu'aucun autre socialiste n'a jamais eu dans l'histoire du socialisme, ni François Mitterrand, ni Lionel Jospin, c'est la crédibilité de vouloir maintenir l'ordre. Il est même l'auteur d'une loi (la loi n°2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique) que les socialistes aujourd'hui veulent abroger parce qu'elle serait trop sécuritaire. Seul Manuel Valls pouvait le rivaliser sur ce terrain-là, mais son arrivisme promacronien entrecoupé d'une aventure électorale barcelonaise intempestive l'a complètement grillé aux yeux des électeurs français.

Bernard Cazeneuve croit que la gauche raisonnable, celle qui rejette le populisme des insoumis, a un boulevard en 2027 : « L’enjeu, c’est de reconstituer la grande force de gauche dont le pays a besoin. Il n’y a pas de victoire possible pour la gauche, si ce n’est pas cette force là qui est la première à gauche. ». Mais il n'a pas compris que la France a complètement changé sa sociologie électorale depuis 2017, il devient anachronique de rester dans le vieux schéma mitterrandien d'une gauche qu'il faudrait unir face à une droite de droit divin.

Aujourd'hui, le pays est complètement tourné vers la droite voire la droite populiste et extrême. Depuis deux élections présidentielles, le débat n'est plus entre la gauche et la droite, mais entre l'extrême droite et le centre droit. Il n'y a justement plus d'espace politique pour le centre gauche parce qu'il doit choisir entre la gauche la plus archaïque ou la droite. François Mitterrand avait choisi l'alliance avec les communistes, mais les communistes étaient, malgré tout, des gens raisonnables si on les compare aux insoumis d'aujourd'hui. Emmanuel Macron a gagné en 2017 parce qu'il avait convaincu surtout la gauche de voter pour lui au lieu de Jean-Luc Mélenchon, mais aussi une partie de la droite qui ne croyait plus aux chances de François Fillon.

On peut penser que l'héritier du macronisme sera de droite, mais il peut y avoir aussi des prétendants sur le flanc gauche (auquel on peut même ne pas s'attendre, par exemple, Gabriel Attal, qui aura 38 ans en 2027, soit, finalement, seulement un an de moins qu'Emmanuel Macron en 2017...). Une division du centre gauche et du centre droit entraînerait nécessairement la victoire de l'extrême droite en 2027. Quand j'écris "division", je pense à une division dans l'électorat, pas à une division dans l'offre politique car si une candidature ne recueille pas plus que Anne Hidalgo en 2022, il n'y a pas division, il y a juste inexistence.

De plus, Bernard Cazeneuve se complaît à critiquer ou mettre en garde Emmanuel Macron (comme sur la police après la polémique marseillaise). C'est de bonne guerre quand on veut exister politiquement, mais à force de critiquer un courant de pensée sensiblement identique au sien, on offre le pouvoir à des populismes autrement plus dangereux pour la nation.

Pire : Bernard Cazeneuve a pris une référence à Léon Blum. Certes, Léon Blum est un grand homme d'État qui mérite bien plus qu'être simplement le symbole d'une gauche au pouvoir, il appartient à l'ensemble des Français et la modestie de sa tombe à Jouy-en-Josas (où il habitait) fait comprendre que le pays n'en a pas tiré toutes ses richesses d'enseignement. Se référer à lui donne cependant à la démarche une connotation totalement anachronique dans un pays où les électeurs de Marine Le Pen et d'Éric Zemmour représentent quand même 30,2% des suffrages exprimés (plus de 10,6 millions d'électeurs !).

Il y a en ce moment un petit frémissement dans les sondages en faveur de Bernard Cazeneuve. Ce n'est pas une vague, mais comme personne ne bouge, le moindre mouvement est récompensé dans "l'opinion publique". Il reste que son parti, le PS, est tenu d'une main de fer par Olivier Faure qui souhaiterait être l'héritier de Jean-Luc Mélenchon à la Nupes. Deux stratégies diamétralement opposées qui ont pourtant le point commun d'être destinées à foncer dans un mur.

Si Bernard Cazeneuve croit vraiment en son destin, et je le répète, il n'est pas illégitime d'y croire, il devra alors plutôt séduire les électeurs de centre droit comme l'a fait Emmanuel Macron en 2017. Sinon, La Convention ne serait qu'une chapelle socialiste de plus dans un paysage électoral déjà sinistré. Rendez-vous est pris aux européennes...


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (29 juillet 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Bernard Cazeneuve, le thanatopracteur du hollandisme.
Bernard Cazeneuve nommé Premier Ministre.
Bernard Cazeneuve et les valeurs chrétiennes de la France.
Discours de Bernard Cazeneuve le 3 octobre 2015 à Strasbourg (texte intégral).
Bernard Cazeneuve et la sécurité routière.
Le fichier centralisé des 60 millions de visages des Français.
Bernard Cazeneuve.
Charles Hernu.

Pierre Mauroy.
Roger-Gérard Schwartzenberg.
Georges Kiejman.
Robert Badinter.
Roland Dumas.
Olivier Dussopt.
Laurence Rossignol.
Olivier Véran.

Sophie Binet.
Hidalgo et les trottinettes de Paris.
Hidalgo et les rats de Paris.
Les congés menstruels au PS.
Comment peut-on encore être socialiste au XXIsiècle ?
Nuit d'épouvante au PS.
Le laborieux destin d'Olivier Faure.

PS : ça bouge encore !
Éléphants vs Nupes, la confusion totale.
Le leadershit du plus faure.
L'élection du croque-mort.
La mort du parti socialiste ?
Le fiasco d'Anne Hidalgo.
Le socialisme à Dunkerque.
Pierre Moscovici.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230729-cazeneuve.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/bernard-cazeneuve-le-fol-espoir-249395

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/07/01/39957879.html





 

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10 juin 2023 6 10 /06 /juin /2023 05:01

« Pour moi, tout ce qui est manipulation sur le vivant, qu’il soit animal, végétal et encore plus humain, est quelque chose qui doit être combattu. » (José Bové le 24 avril 2014 sur KTO).




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L'ancien porte-parole de la Confédération paysanne José Bové fête son 70e anniversaire ce dimanche 11 juin 2023. Des moustaches sympathiques et une pipe (aujourd'hui politiquement incorrecte), c'était facile, pendant longtemps, de caricaturer Bové, au nom prédestiné. Fils d'un directeur régional de l'INRA, Institut national de la recherche agronomique, et membre de l'Académie des sciences (mort en 2016), il fut paradoxalement à la tête de la lutte contre les OGM (organismes génétiquement modifiés) qui furent des objets d'étude du paternel.

Militant gauchiste, entre pacifisme et anticapitalisme, écologisme et altermondialisme avant l'heure, José Bové, qui se destinait à devenir professeur de philosophie, s'est finalement installé dans les années 1970 dans le Larzac comme éleveur de brebis et fournisseur pour le roquefort (il est cogérant de la société des Terres du Larzac qui a bénéficié, grâce à François Mitterrand, d'un bail emphytéotique de 1981 à 2083 (renouvelé en 2013).

En 1987, José Bové a cofondé la Confédération paysanne, un nouveau syndicat agricole (opposé à la toute puissante FNSEA) et en est devenu un secrétaire national. En 1998, il a cofondé également le mouvement ATTAC altermondialiste. Son militantisme débordait donc très largement le seul secteur agricole et il s'engageait dans des actions sur de nombreux fronts (à Greenpeace, contre la reprise des essais nucléaires en 1995 ; en soutien aux indépendantistes en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française ; etc.).

Son fait d'arme le plus éloquent a été la destruction d'un magasin MacDonald's à Millau le 12 août 1999 pour s'opposer de manière caricaturale au capitalisme américain. Si c'était réussi d'un point de vue médiatique (sa renommée a très largement dépassé les frontières hexagonales), c'était peu pertinent sur le fond vu que les MacDonald's situés en France vendent de la viande produite en France.

Cette action, qui visait à exprimer son mécontentement contre l'autorisation donnée par l'OMC (Organisation mondiale du commerce) aux États-Unis de pénaliser les importations de fromages au lait cru, dont le roquefort, en représailles contre la décision française d'interdire l'importation du bœuf américain aux hormones (sur fond d'une époque de la vache folle), lui a valu une condamnation à trois mois de prison ferme le 30 juin 2000 par le tribunal correctionnel de Millau, peine confirmée le 22 mars 2001 par la cour d'appel de Montpellier (après avoir été incarcéré du 19 août au 7 septembre 1999).

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Auparavant, ce qui lui a valu la détention provisoire, José Bové avait déjà été condamné pour la destruction de champs OGM et de stocks de semence. Actions militantes qu'il allait renouveler jusqu'en 2007, se payant ainsi un abonnement de fidélité à la justice française. Pendant cette période, il a été effectivement condamné à d'autres peines de prison ferme pour ces actions "coups de poing". Le 8 avril 2004, il a quitté la tête de la Confédération paysanne sans pour autant quitter le militantisme qui, depuis longtemps, s'est poursuivi à l'échelle internationale. Il s'est opposé à l'Europe en 2005 (au référendum sur le TCE), par refus du supposé libéralisme.

Voulant œuvrer pour une candidature commune de la gauche anticapitaliste à l'élection présidentielle de 2007, José Bové a lancé sa candidature le 13 juin 2006, confirmée le 1er février 2007, avec le slogan facile mais sympathique "Osez Bové" (reprenant le titre d'une chanson de Bashung).

Malgré sa forte notoriété et celle de ses combats très politiques, José Bové a fait une campagne médiocre (on ne s'improvise pas homme politique, Éric Zemmour en sait quelque chose) et le résultat a été un cuisant échec au soir du 22 avril 2007 : seulement 483 008 électeurs lui avaient accordé leur confiance (soit 1,3% des suffrages exprimés). Il faut dire qu'il était en concurrence sur le plan écologiste avec la candidature de l'ancienne ministre Dominique Voynet (Les Verts), et sur le plan anticapitaliste avec les candidatures de l'ancienne ministre Marie-George Buffet (PCF), Olivier Besancenot (NPA) et Arlette Laguiller (LO).

Après cet échec, au lieu de renoncer à toute action politique, José Bové s'est au contraire engagé dans l'épopée d'Europe Écologie en 2009. Il a été élu député européen en juin 2009 (grâce à l'excellente campagne de Daniel Cohn-Bendit) puis réélu en juin 2014 sur la liste écologiste, jusqu'en 2019.

Au lieu de s'arque-bouter dans ses convictions extrémistes, José Bové, durant l'exercice de ses deux mandats de député européen, a pris ses responsabilités en se confrontant au réel, ce qui est un cheminement rare dans cette partie de l'échiquier politique. Et d'origine anti-européenne, il a pu se rendre compte du fonctionnement, parfois un peu laborieux mais bien réel, de la démocratie européenne.

Après ses mandats, José Bové a soutenu la candidature de la présidente sortante du conseil régional d'Occitanie, la socialiste Carole Delga (ancienne ministre), aux élections régionales de juin 2021 (contre la liste écologiste), et en 2022, après avoir fait campagne pour Yannick Jadot, José Bové a pris fermement position le 7 mai 2022 contre l'alliance de EELV au sein de la Nupes, dans une tribune collective publiée dans "Le Monde" : « N'avez-vous pas honte, camarades d’Europe Écologie-Les Verts ? Passer un pacte avec les souverainistes de la France insoumise, ouvrant la voie du renoncement à d’autres mouvements de pensée qui ont construit le progrès humain à travers les âges, revient, à nos yeux, à sacrifier l’essentiel : le principe démocratique ; son universalité et son intangibilité. Cette violence politiquement majeure que vous commettez contre le joyau du patrimoine humain conduit à abandonner le meilleur de ce qui nous fait et, malgré les différences, nous tient ensemble, écologistes, sociaux-démocrates, démocrates-chrétiens, libéraux et républicains. (…) Sous couvert d’un pseudo-"non-alignement", renvoyant dos à dos agresseur et agressés dans le conflit ukrainien, vous avez signé un "accord" avec ceux qui cultivent à dessein l’ambiguïté à l’égard des valeurs démocratiques. Vous vous asseyez à la droite du père Ubu du Kremlin et de ses complices. Vous le faites au moment où le pire se déroule sous vos yeux, étalage cynique de sang, de morts, de massacres, de viols, de destructions, de souffrances. En évitant soigneusement d’évoquer l’Ukraine, devenue aujourd’hui la patrie des libertés et la dépositaire meurtrie de notre avenir à tous, en mettant volontairement sous le tapis un principe de base de la civilisation, vous consentez un silence assourdissant aux adversaires de la démocratie et de la liberté, autrement dit vous cédez aux ennemis des peuples et du bien commun. C’est une escroquerie. Savez-vous que c’est une histoire collective que vous immolez ainsi, en même temps qu’une espérance ? Qui vous a donné le droit de disposer de nos consciences, au nom d’obscures tractations électorales ? ».

Il ne faut pas croire à un renversement des positions de José Bové. Il est par ailleurs opposé à la PMA pour toutes et à la GPA, et, selon lui, cela rentre dans une cohérence de fond identique à son combat contre les OGM : « Je n’ai jamais varié, je suis contre toute manipulation sur le vivant, que ce soit pour les couples homosexuels ou hétérosexuels. Je ne crois pas que le droit à l’enfant soit un droit. La réflexion ne peut pas se couper en tranches sinon, d’évolution en évolution, il n’y aura plus de limite. Tout ce qui fait qu’on va fabriquer le vivant plutôt que de le laisser se développer pose énormément de problèmes humains et éthiques. », a-t-il affirmé le 24 avril 2014 à la chaîne catholique KTO. Et que pense-t-il alors de l'avortement ?

Le combattant contre la nourriture industrielle et, plus généralement, contre la malbouffe mondialisée, serait-il donc le représentant de la France d'hier, celle des villages et des mille clochers, celle des terroirs, celle où tout était encore facile ? Nul doute qu'il est difficile aujourd'hui, à notre époque du tweet et d'instagram comme seules sources d'information, de défendre une "pensée complexe", lorsque celle-ci ne cadre pas avec une sorte de manichéisme idéologique qui, aujourd'hui, se réduit de manière très simpliste et surtout paresseuse à : pour ou contre Emmanuel Macron ?


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (10 juin 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
José Bové.
Sophie Binet.
Philippe Martinez.
Henri Krasucki.
Edmond Maire.
François Chérèque.
Georges Séguy.
Marc Blondel.
André Bergeron.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230611-jose-bove.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/les-brebis-philosophes-de-jose-248382

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/06/08/39935093.html



 

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