Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
30 août 2020 7 30 /08 /août /2020 03:27

« Le masque est si charmant que j’ai peur du visage. » (Alfred de Musset, 1839).


_yartiCovidBO01

Ce qui est remarquable, c’est que les réactions par rapport au port obligatoire du masque sont au moins stables dans le temps, l’espace, le contexte. Depuis ce vendredi 28 août 2020 à 8 heures du matin, le port du masque devient obligatoire même à l’extérieur, dans la ville de Paris et en petite couronne, et dans quelques autres agglomérations (comme Marseille, Strasbourg, Toulouse, Nice, Bordeaux, etc.).

On pourra toujours dire que c’est inutile et c’est probablement inutile d’un point de vue sanitaire, le coronavirus se transmettrait plutôt dans les espaces clos non aéré, et donc, obliger les gens à porter le masque dehors, avec quelques absurdités (pour les motards, on a exclu dans l’obligation les cyclistes et les joggers, et dans les textes, les fumeurs et les mangeurs de sandwich pourraient être verbalisés…) pourrait paraître une mesure de santé publique inutile. Le très calme professeur Éric Caumes, loin de se laisser démonter par un Jean-Jacques Bourdin, sur BFM-TV, le 28 août 2020, qui enrageait contre cette nouvelle obligation, après lui avoir dit que cette obligation était inutile, lui a concédé qu’il pensait que c’était stupide mais a insisté pour dire qu’il ne l’avait pas dit !

Mais il y a un monde entre la science et la gouvernance. Après le déconfinement, les Français se sont extrêmement bien comportés, ils ont respecté les gestes barrières, ont porté le masque là où il le fallait (même quand ce n’était pas encore obligatoire, dans les commerces, ce n’est obligatoire que depuis le 20 juillet 2020), et les courbes des contaminations en mai et juin 2020 ont été excellentes, le confinement avait atteint son objectif, enrayer l’épidémie (du moins en France, car malheureusement, elle est mondiale).

Et puis, avec la fête de la musique, avec le début des vacances estivales, il y a eu du relâchement. La courbe des contaminations a commencé à remonter dangereusement depuis la première quinzaine de juillet, jusqu’à nous retrouver, à la fin de ce mois d’août 2020, à une moyenne de plus de 5 000 contaminations par jour. Il y a même eu 7 000 en une journée la semaine qui vient de passer. Bien sûr, on peut dire que l’augmentation massive du nombre de tests de dépistage y est pour quelque chose (on a atteint un record cette semaine avec 900 000 tests par semaine), mais cela n’explique pas la hausse quasi-exponentielle des contaminations, ce que prouve également le taux de positivité qui, lui, aurait dû baisser à mesure qu’on augmentait le nombre de tests, et au contraire, celui-ci monte, il serait de l’ordre de 3,3% (nombre de personnes contaminées sur nombre de personnes dépistées).

Soyons clairs, comme le disent la plupart des médecins, la situation n’est pas catastrophique et on est loin de la situation du mois de mars 2020, mais elle reste cependant préoccupante car ce qui compte, évidemment, c’est le nombre de nouvelles hospitalisations et le nombre de décès. Or, depuis une quinzaine de jours, le nombre d’admissions en réanimation repart légèrement à la hausse, tandis que le nombre de décès reste stable (de l’ordre de 10 à 20 par jour avec quelques variations plus administratives que statistiques). Il faut compter deux à trois semaines pour avoir une réaction entre nombre de contaminations et admissions en réanimation, et encore un peu plus pour les décès, en sachant d’ailleurs que, heureusement, on sait mieux soigner les formes sévères (le taux de létalité chez les "malades sévères" a diminué par rapport à mars-avril).

On explique que la faible conséquence d’une augmentation des cas depuis le début de l’été sur le nombre de décès provient de la sociologie des personnes infectées, à savoir des personnes plus jeunes (les plus fragiles se protègent et font plus attention), ce qui peut se comprendre. Certains évoquent une mutation du coronavirus mais l’histoire n’est pas très claire, elle n’est pas claire déjà dans les comparaisons du taux de létalité entre les différents pays du monde, et les deux hypothèses (âge moyen des personnes touchées, mutation du virus) sont encore juste imaginées, peu prouvées et les deux peuvent intervenir en même temps. Néanmoins, l’augmentation du nombre d’admissions en réanimation devrait nous alerter : cette tendance est nouvelle. En une semaine, au début mars, les services de réanimation étaient passés de un ou deux cas à la saturation complète. Le caractère exponentiel fait que la remontée peut être très rapide et quand on le saura, ce sera trop tard.

Personne n’est madame Soleil mais tout le monde admet qu’un gouvernement doit se préparer au pire (ce qu’avait fait Roselyne Bachelot en son temps). Sinon, on le lui reprochera, c’est ce qu’on a reproché aux pouvoirs publics à la fin de l’hiver quand le covid-19 est apparu soudainement : ne pas nous être préparé au pire. Et le pire, c’est d’imaginer que la rentrée 2020 ne peut que faire empirer la situation sanitaire : les "jeunes", plus insouciants que les autres (ce qui est normal et gage de vitalité !), vont "partager" avec les moins jeunes, à leur lieu de travail, à leur lieu d’études, dans leur famille, et le risque est qu’au milieu du mois de septembre, des personnes beaucoup plus fragiles soient à leur tour contaminées et là, les sinistres courbes des décès remonteront inexorablement. Sans compter que l’arrivée de la (vraie) grippe, du rhume et d’autres virus saisonniers va particulièrement accroître les difficultés pour les médecins et encombrer les services d’urgences (faut-il rappeler que cette année, la vaccination contre la grippe aurait un double intérêt ?).

Cela, c’est l’hypothèse la pire. Car il y a une autre hypothèse, comme celle que le virus finalement, comme en mai, va perdre en virulence et que le plus dur est passé. Cette hypothèse n’est pas nulle, mais aucun fait n’indique qu’elle est la bonne. Les pouvoirs publics ne peuvent donc pas se permettre de rester sur un hypothétique optimisme malgré leur volonté de faire redémarrer l’économie.

Mais si c’est l’hypothèse du pire qui l’emporte, qu’adviendra-t-il ? Une nouvelle catastrophe sanitaire ? C’est clair qu’un reconfinement généralisé ferait encore plus de dégâts qu’en mars. Parce que celles des entreprises qui ont survécu difficilement au premier seraient achevées au second. Oui, le confinement est une atteinte aux libertés publiques. Non, l’obligation du port du masque n’est pas une atteinte aux libertés publiques, justement, c’est même la mesure qui éviterait un nouveau confinement, c’est donc la mesure de sauvegarde pour préserver nos libertés publiques. Il y a d’ailleurs une extraordinaire contradiction à critiquer le gouvernement de ne pas avoir su disposer des milliards de masques nécessaires en mars et, aujourd’hui qu’on les dispose, de refuser de s’en servir. À moins qu’il faille surtout critiquer pour critiquer. La vie des personnes vaut pourtant beaucoup plus qu’une posture politicienne.

Le problème avec la fin du confinement, et ses bons résultats sur le front sanitaire de la fin du printemps, c’est que beaucoup ont cru que le virus était parti ou que l’épidémie était derrière nous, ce qui était une erreur. Le virus circule toujours, malheureusement. Même la couleur verte des départements (il aurait fallu une autre couleur), cela ne signifie pas que le virus ne circule pas, mais qu’il circule peu (et petit à petit, tous les départements se mettent au rouge, ils sont déjà vingt et un). Depuis le milieu de l’été, la réglementation a donc durci. Il y a la nécessité d’une prise de conscience que rien n’est fini et que le pire peut encore être devant nous, hélas. Ce mardi 1er septembre 2020, jour de la rentrée scolaire, le port du masque est également obligatoire dans les entreprises, sauf dans un bureau individuel.

Les médecins confirment tous que le port du masque dans les milieux clos est très efficace. En fait, aucun foyer de contamination ne s’est créé au sein de collectivité portant le masque à l’intérieur, y compris dans des endroits à risques (comme les hôpitaux), si ces masques sont effectivement bien portés (il y aurait eu quelques relâchements même au sein de certaines hôpitaux), avec une exception, un call center (un centre d’appels) dont les employés portaient pourtant le masque, mais apparemment mal aéré et la contamination a eu lieu lors de la pause déjeuner avec (évidemment) retrait des masques et l’air chargé a contaminé les employés car pas il n’a pas été évacué assez rapidement.

A contrario, aucun foyer de contamination n’a eu lieu à l’extérieur, même sans masque : ni lors de la fête de la musique, ni sur les plages, ni au Puy-du-Fou (il me semble cependant que les 9 000 spectateurs étaient masqués)… Alors l’idée, très récente, d’obliger le port du masque à l’extérieur, dans les grandes agglomérations peut paraître stupide. En tout cas inutile sur le plan strictement sanitaire. Sur le plan politique, on peut comprendre pourquoi les maires et les préfets prennent ces mesures, histoire de montrer qu’ils agissent pour combattre l’épidémie et qu’on ne leur critique pas, plus tard, d’avoir été trop laxistes. Qui le leur reprochera vu ce qu’on voit pleuvoir comme critiques dès maintenant ?

Sur le grand public, il peut aussi y avoir un effet, la confirmation que non, l’épidémie n’est pas terminée et qu’il faut continuer à faire attention. Je ne sais pas si, sur ce plan purement psychologique, cela peut avoir un effet, mais je ne vois pas d’autre raison à ce genre de décision.

Et il y aurait aussi un autre moyen de renforcer cette attention : l’exemplarité. Or, ce qu’on voit sur les plateaux de télévision, ce sont des personnes très respectables qui dissertent …sans masque. Je comprends très bien que le plateau est très spacieux, un système d’aération très performant nettoie l’atmosphère, et que parler dans un masque n’est pas très évident, mais l’idée que cela donne aux téléspectateurs, c’est d’une nécessité très théorique du port du masque.

_yartiCovidBO02

Inutile de dire que l’exemplarité a son efficacité. Quand le Premier Ministre d’alors, Édouard Philippe, s’est exprimé dans l’hémicycle du Palais-Bourbon avec un masque le 23 juin 2020 pour répondre à une question, il a eu son petit effet. D’une part, on entendait aussi bien que s’il ne portait pas de masque, et il montrait que l’un des principaux personnages de l’État se soumettait aussi aux règles de déconfinement dans les entreprises (à partir du 22 juin). Tous ses ministres ont fait de même dans la semaine qui a suivi. Et ceux qui ont pu voir les réunions des commissions à l’Assemblée Nationale, auditions, discussions de textes, etc., tous les orateurs portaient le masque.

Cette exemplarité n’a pas semblé pourtant perdurer avec le nouveau gouvernement. Si effectivement, en juillet, les députés et les membres du gouvernement étaient présents dans l’hémicycle avec un masque, les orateurs ôtaient leur masque avant de s’exprimer (parfois, en le manipulant mal).

Dans les médias, l’exemplarité est mitigée. Avec le masque obligatoire dans la rue, les "envoyés spéciaux" sont obligés de faire leur reportage avec un masque (mais pas toujours). Dans le "Festival des festivals", diffusé en direct sur France 2 et France Inter, le soir du 27 août 2020, au parc de Saint-Cloud, l’animateur vedette Nagui se montrait ostensiblement sans masque et quand il allait voir le public, tous les participants étaient masqués sauf lui, qui se tenait pourtant très proche d’eux, il y avait un côté incompréhensible et assez méprisant (le masque, c’est bon pour le peuple, pas pour moi).

_yartiCovidBO04

En fait, c’est assez ordinaire de retrouver des réticences, si ce n’est des "résistances" dans le port du masque pour raison sanitaire. Le masque, ce n’est pas agréable à porter, ce n’est pas agréable à voir (un visage caché, l’absence de sourire, etc.). Pourtant, dans beaucoup de pays asiatiques, les gens ont pris l’habitude de porter le masque, soit à cause d’un risque d’épidémie, soit à cause de la pollution. Pourquoi ne serions-nous pas capables d’adopter les bonnes pratiques, temporairement ?

Ce qui est invariant, c’est qu’en France, on s’en prenne au gouvernement, au Président Emmanuel Macron, mais dans chaque autre pays (hors Asie), les citoyens s’en prennent aux dirigeants de leur propre pays. Il y a un côté surréaliste de ne pas vouloir comprendre que le problème n’a rien de national, n’a rien de politique, mais qu’il est sanitaire.

Mais dans d’autres contextes très différents, ce n’est pas nouveau non plus. J’ai eu l’occasion, dans une vie antérieure, de superviser quelques "fondeurs", c’est-à-dire, de personnes qui produisaient des échantillons de verre, avec une composition que je leur donnais à l’avance. Comme certains des composants étaient hautement toxiques (pas seulement cancérogènes, mais aussi mutagènes), je leur imposais de porter le masque (pas chirurgical, un spécialement pour cette utilisation) pour qu’ils soient protégés. Il se trouvait que certains travaillaient de nuit et je n’étais pas en situation de vérifier systématiquement qu’ils portaient effectivement le masque. L’un d’eux, assez ancien, me disait qu’il n’avait pas peur et qu’il avait déjà connu des situations plus dangereuses. J’avais établi un protocole sanitaire pour surveiller tout risque d’intoxication.

C’est le côté foi en son invincibilité qui peut induire en erreur : en avoir vu d’autres. Mais le virus, il s’en moque, il circule. Dans un microtrottoir (sur la nouvelle mesure à Paris), le 28 août 2020, une personne déjà d’un certain âge (donc plutôt à risques) expliquait qu’il n’avait pas besoin de masque, qu’il avait fait la guerre d’Algérie et qu’il n’avait peur de rien. Ben si, parfois, il vaut mieux avoir peur : la peur de se retrouver au service de réanimation, par exemple, surtout quand on est une personne "à risques".

Du reste, encore un qui n’a rien compris à ce qu’on explique depuis six mois : le masque ne sert pas à se protéger mais à protéger les autres, c’est pour cela qu’il faut que tout le monde le porte. Ce n’est pas une question de liberté individuelle mais une question de solidarité collective : la liberté individuelle d’une personne admise en réanimation est beaucoup plus limitée que celle d’une personne portant simplement un masque et pouvant vivre normalement.

L’entreprise est directement responsable de la santé de ses employés, mais si un employé refuse de se protéger et, surtout, de protéger les autres, faut-il le licencier ? appeler la police ? Le problème va se poser pour toutes les entreprises à partir du 1er septembre : s’il y en a qui refusent de porter le masque, surtout s’il est dans le management intermédiaire, que faudra-t-il faire ? Le licencier pour faute ? Et comment gérer les autres employés dont la peur pourrait alors augmenter et qui pourraient exercer leur droit de retrait ?

Droit de retrait (citation du site du gouvernement) : « Il n’incombe pas à l’employeur de garantir l’absence de toute exposition des salariés à des risques mais de les éviter le plus possible et s’ils ne peuvent être évités, de les évaluer régulièrement en fonction notamment des recommandations du gouvernement, afin de prendre ensuite toutes les mesures utiles pour protéger les travailleurs exposés. » (publié le 17 avril 2020).

On peut se rassurer sur les comportements d’aujourd’hui en France, qui sont les mêmes que dans d’autres pays (aux États-Unis, en Allemagne, par exemple)… et aussi, les mêmes qu’à d’autres époques, et en particulier, celle, terrible, de la fameuse "grippe espagnole" (très mal nommée) qui a commencé à sévir aux États-Unis en septembre 1918. Très rapidement l’épidémie a pris de l’ampleur avant de s’exporter en Europe et dans le monde, et beaucoup de villes ont réagi en imposant des mesures sanitaires.

_yartiCovidBO05

Ainsi, la ville de Seattle interdisait l’accès aux tramways de passagers qui ne portaient pas de masque, et cela a duré plus d’une année ainsi. Cette ville a eu beaucoup moins de décès que la moyenne. Au contraire, la ville de San Francisco a vu fleurir une association contre le port du masque (Anti-Mask League of San Francisco) créée le 25 janvier 1919 qui, au moyen de nombreuses pressions (réunions, journaux, pétitions) a conduit la ville à lever l’obligation du port du masque le 1er février 1919, en pleine seconde vague, ce qui a renforcé l’hécatombe.

Tous les gouvernements de tous les pays du monde sont toujours dans un équilibre instable, entre l’impératif sanitaire qui est hautement humaniste (j’insiste sur le mot), à savoir protéger la santé et la vie de leurs concitoyens, et l’impératif économique et social qui est de préserver les emplois et limiter la précarité des plus fragiles. Mais aussi un équilibre fragile dans les "opinions publiques" entre ceux qui ont peur du virus et trouvent que leur gouvernement n’en fait pas assez pour les protéger et ceux qui ont peur de perdre leur liberté et trouvent que leur gouvernement en fait trop.

Au-delà de l’inconfort de certains (pour le port du masque), il y en a d’autres qui dévoilent des valeurs qui n’ont plus rien d’humanistes : par exemple, que 30 000 morts ne vaudraient pas la peine de faire un confinement et mettre à zéro toute l’économie d’un pays. D’une part, les 30 000 personnes décédées et leurs proches les remercient de cette grande marque d’attention de leur part. D’autre part, ce n’est pas 30 000 morts, c’est bien plus, les 30 000 morts, c’était avec le confinement, et sans confinement, ce serait bien plus (certains chercheurs l’ont évalué, et il suffit aussi de voir les pays qui ont refusé un confinement rapide). Enfin, les pays asiatiques, ceux qui ont le mieux réussi à faire obstacle au virus, ils ont appliqué le confinement d’une manière encore plus strict qu’en France.

Je laisse le mot de la fin au docteur Philippe Klein, interrogé par LCI le soir du 28 août 2020. Il est directeur d’une clinique internationale à Wuhan, en Chine, et il se trouve que la ville a réussi à éteindre l’incendie viral puisqu’il n’y a plus eu de nouvelles contaminations depuis plusieurs semaines.

Le médecin, qui a vécu toute l’histoire depuis le début puisque Wuhan fut le premier foyer de contamination, a expliqué qu’heureusement que le taux de létalité était de l’ordre de 0,5%, car malgré les retours d’épidémie, les dégâts humains, certes graves et importants, resteront quand même limités (même si évitables avec les gestes barrières dont port du masque). Mais si jamais on était confronté à un virus d’une virulence si forte que le taux de létalité soit de l’ordre de 10% à 30% (comme la "grippe espagnole"), alors, seule la Chine aurait réussi son examen de passage pour maîtriser l’épidémie. Les autres pays, peut-être trop démocratiques ? (ma question est évidemment provocatrice), seraient alors dans une situation aussi terrible qu’en fin guerre. C’est-à-dire, humainement ravagée.

Heureusement, une large majorité des Français a conscience de la gravité de la situation. À ceux qui ne l’ont pas, je leur souhaite de ne jamais être confrontés un jour, ni personnellement ni par l’intermédiaire d’un proche, à une forme grave de la maladie qui n’est pas, je le répète, et de loin, une "grippette"…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (30 août 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Ne nous masquons pas la réalité !
Les vrais émotifs du coronavirus.
À propos de l’obligation du port du masque.
Covid-19 : seconde vague ? La prudence s’impose …par le masque.
Karine Lacombe.
Claude Huriet.
Didier Raoult.
La Charte de déontologie des métiers de la recherche (à télécharger).
Hydroxychloroquine : l’affaire est entendue…
Madagascar : la potion amère du docteur Andry Rajoelina contre le covid-19.
Rapport de Jean Castex sur le plan de déconfinement le 6 mai 2020 (à télécharger).
Protection rapprochée.
Discours de Claude Malhuret le 4 mai 2020 au Sénat (texte intégral).
Covid-19 : les trois inepties du docteur Claude Malhuret.
11 mai 2020 : Stop au covid-19 ! (et traçage ?).
Discours du Premier Ministre Édouard Philippe le jeudi 7 mai 2020 à Matignon sur le déconfinement (texte intégral).
Professeur mégalo (vidéo).
Covid-19 : où est l’Europe de la Santé ?
Michel Houellebecq écrit à France Inter sur le virus sans qualités.
Unitaid.
Déconfinement : les départements verts et les départements rouges, la confusion des médias…
Didier Raoult, médecin ou gourou ?
Le déconfinement selon Édouard Philippe.
Covid-19 : le confinement a sauvé plus de 60 000 vies en France.
Du coronavirus dans les eaux usées ?
Le covid-19 n’est pas une "simple grippe"…

_yartiCovidBO03




http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200828-coronavirus-covid-masque.html

https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/ne-nous-masquons-pas-la-realite-226746

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/08/29/38504548.html





 

Partager cet article
Repost0
31 juillet 2020 5 31 /07 /juillet /2020 03:30

« Le port du masque constitue, avec le respect des gestes dits barrières, une mesure de prévention et de protection efficace. J’ai donc proposé de rendre son port obligatoire dans tous les lieux publics clos, en particulier les commerces. Cela nécessite un décret. Pour ce qui est des locaux professionnels, cela suppose une évolution des protocoles sanitaires. Nous envisagions une entrée en vigueur au 1er août, car nous agissons dans une logique préventive, non sous l’empire de l’urgence. Mais j’ai compris que cette échéance pouvait paraître tardive et suscitait des interrogations. Le décret entrera donc en vigueur la semaine prochaine. » (Jean Castex, le 16 juillet 2020 au Sénat).



_yartiCovidBL03

Tout le monde (ou presque) connaît l’histoire de Sissa, ou une variante. Un roi, en Inde, qui s’ennuyait à en mourir, a voulu qu’on lui inventât un jeu pour le divertir. Sissa lui proposa alors un jeu d’échecs. Retrouvant goût à la vie par ce jeu, le roi, pour le récompenser, a annoncé à Sissa qu’il lui donnerait ce qu’il voudrait. Après quelques secondes de réflexion, Sissa, aussi sage que bon mathématicien, lui demanda alors seulement des grains de riz, ceux qui se trouveraient sur l’échiquier, avec la méthode suivante : un sur la première case, deux à la deuxième case, quatre à la troisième, huit, et ainsi de suite, chaque fois doublé. Le roi fut surpris par la grande modestie de Sissa et accepta… sans se rendre compte qu’il ne pourrait jamais honorer son engagement. En effet, avec la méthode préconisée, il fallait lui donner plus de 18 milliards de milliards de grains de riz, soit près de 300 milliards de tonnes de blé (2 000 fois la production annuelle mondiale !).

Pourquoi cette petite histoire ? Parce que l’exponentielle est une méchante fonction mathématique qui combat le bon sens et l’intuition. Dès qu’on met à une puissance positive un nombre supérieur à un, on obtient rapidement un nombre gigantesque. Or, une épidémie suit toujours une loi exponentielle : la puissance, c’est le nombre de relations entre les personnes ou plus simplement, le temps, et le nombre à mettre sous la puissance, c’est le fameux R0, ce nombre qui permet de voir si une épidémie progresse ou au contraire, s’épuise. Lorsque le R0 est supérieur à 1, cela signifie qu’au cours du temps, le nombre de personnes contaminées augmente, et ce nombre augmente toujours de façon exponentielle. C’est pour cela qu’en février 2020, on ne pouvait pas imaginer les dizaines de milliers de morts des mois suivants. Les Chinois, par exemple, ont bien appris de cette méchante loi exponentielle appliquée aux épidémies, pour quelques centaines de cas dépistés, ils ont par exemple reconfiné la ville de Pékin. C’est plus facile d’arrêter une épidémie ou un rebond à son départ, qu’après, car après, c’est trop tard.

Or, la France de la mi-juillet 2020 s’est réveillée ainsi, avec de nombreuses régions où le R0 a franchi le seuil de 1, un seuil d’alerte. Les régions touchées sont surtout celles des villégiatures estivales, ce qui n’est pas étonnant. C’est seulement l’augmentation mécanique du nombre de relations interpersonnelles qui a fait ainsi rebondir l’épidémie en France comme dans d’autres pays européens. La situation est encore sous contrôle dans les hôpitaux, mais ne rien faire équivaut à répéter le macabre scénario de la mi-mars 2020. Il fallait donc agir, ou plutôt, réagir.

Depuis le lundi 20 juillet 2020, le port du masque est devenu obligatoire dans les lieux clos recevant du public. Coïncidence, je me suis rendu ce jour-là à Argenteuil, la quatrième commune la plus peuplée de la région parisienne, connue notamment (pas seulement, heureusement !) pour quelques incivilités dans la circulation automobile (où certains panneaux demeurent des indications inconnues pour certains)… et à ma grande surprise, j’ai vu une très grande majorité de piétons porter le masque, même dans la rue, entre deux boutiques, et même, porter "bien" le masque, c‘est-à-dire recouvrant à la fois le nez et la bouche, même des enfants très jeunes le portaient. Cette observation peut évidemment se faire dans la plupart des villes de France.

Ce n’est pas une surprise : en France, la recommandation ne vaut rien et l’obligation est très efficace. C’est dommage mais comme cela que cela fonctionne. Il fallait cette obligation parce que les commerçants, qui avaient le droit, depuis le début du déconfinement le 11 mai 2020, d’interdire l’entrée de leurs clients non masqués, n’étaient pas des policiers et pouvaient se retrouver avec des difficultés récurrentes et ce dilemme : le chiffre d’affaires ou la sécurité sanitaire ?

En rendant obligatoire le port du masque, le gouvernement a fait de l’État le régulateur neutre des comportements, et les commerçants ne sont plus, ainsi, les rabat-joie ou les "flics" de service. Cela résout le problème d’autorité des commerçants (au même titre qu’après quinze ans de polémiques, la loi contre le port du voile à l’école, en 2005, a retiré du pied une épine aux directeurs des établissements scolaires qui devaient négocier avec les élèves chaque qu’un cas se présentait : la loi étant la même pour tous, il n’y avait plus à discuter et le problème a été réglé).

La différence entre recommandation et obligation est ténue : elle se limite au fait que si l’on ne suit pas la recommandation, on peut se faire verbaliser par la maréchaussée, à savoir, une amende de 135 euros. Comme à l’époque du confinement, insistons sur le fait que les amendes en France sont "faibles" par rapport à la plupart des pays étrangers, nos voisins, par exemple, en Italie du Sud, l’amende pour non port du masque est de 1 000 euros. Le bâton est souvent très efficace. C’est la différence entre le management participatif (le boss cherche à convaincre) et le management directif (c’est comme ça et c’est tout !).

Répétons aussi l’utilité du masque jetable ou lavable : il ne sert pas à se protéger, car il n’empêche pas la contamination au coronavirus du porteur de masque (seuls, les FFP2 peuvent protéger leur porteur), il sert surtout à éviter (à 98%, plus ou moins, selon la qualité du masque) de contaminer les autres, et cela parce qu’on peut être porteur asymptomatique et donc, ne pas savoir qu’on peut contaminer les autres (sans masque). Donc, on comprend très bien que porter le masque n’a de sens que si tout le monde porte le masque, pour protéger les autres. Un seul n’a pas de masque et l’épidémie peut continuer à se propager.

D’où l’importance d’une obligation et pas seulement d’une volonté individuelle qui, ici, entraîne des conséquences collectives parfois dramatiques. Chez les individualistes, il est difficile de penser que l’intérêt d’un groupe nécessite des contraintes à la liberté individuelle. C’est valable aussi pour le code de la route, on ne roule jamais seul et rouler au-delà de la vitesse maximale autorisée, par exemple, n’est pas seulement la pratique d’une liberté individuelle, cela impacte sur les autres, tant individuellement (les morts et les blessés sur la route qui n’ont eu aucune responsabilité dans l’accident) que collectivement (coût de la sécurité sociale, des assurances, des équipements routiers, des réparations automobiles, etc.).

Avant de rappeler pourquoi cette mesure et pourquoi si tardivement, évoquons rapidement deux sujets.

Le premier est une forme de pirouette dans un pays dont la propension aux passions est assez élevée. Pour empêcher une certaine "islamisation des rues françaises" ou, si l’on prend le phénomène par un autre bout, pour "protéger les femmes dans leur intégrité vestimentaire", les parlementaires ont légiféré il y a dix ans pour interdire le port de la burqa dans les espaces publics. Évidemment, la motivation officielle n’a pas pu être formulée de manière si crue, si bien qu’il a fallu trouver des termes législatifs pour ne pas stigmatiser une religion.

En effet, la loi n°2010-1192 du 11 octobre 2010 "interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public" a su trouver les termes neutres pour empêcher le port de la burqa : la dissimulation du visage. Et il faut vraiment ne pas avoir l’esprit perspicace pour ne pas penser aujourd’hui au port obligatoire du masque.

Heureusement, le législateur est sage et astucieux, et a pensé à (quasiment) tous les cas de figure. La loi n’interdisait déjà pas le port du casque de moto ou mobylette qui dissimule aussi le visage, ni non plus le port de masque de carnaval quand il s’agit d’une fête de même nom (j’imagine qu’à Halloween aussi, on a le droit de se déguiser en grosse citrouille !).

En effet, si l’article 1er est très court et très clair : « Nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage. », il est suivi d’autres articles pour en limiter la portée. Mais déjà dans la formulation même (très judicieuse) de cette phrase, il y a beaucoup de finesse : "une tenue destinée à dissimuler le visage" n’est pas "une tenue dissimulant le visage", et le masque chirurgical peut donc déjà être autorisé puisqu’il ne vise pas à dissimuler le visage mais à protéger les autres de la pandémie de covid-19.

Dès le second alinéa de l’article 2 de la loi du 11 octobre 2010 (dans le premier aliéna, on définit ce qu’est un "espace public"), le cas d’une pandémie est imaginé : « L’interdiction prévu à l’article 1er ne s’applique pas si la tenue est prescrite ou autorisée par des dispositions législatives ou réglementaires, si elle est justifiée par des raisons de santé ou des motifs professionnels, ou si elle s’inscrit dans le cadre de pratiques sportives, de fêtes ou de manifestations artistiques ou traditionnelles. ». On sent que le législateur a tenu à imaginer tous les cas, le masque à souder en pleine rue, le masque des escrimeurs dans une compétition publique, le carnaval, etc.

Du reste, aujourd’hui, c’est moins coûteux de porter la burqa qui est interdite que de ne pas porter un masque là où c’est obligatoire, vu que l’amende prévue est seulement celle d’une contravention de deuxième classe (au lieu de quatrième classe). Mais il faut donc bien insister sur le fait qu’il n’y a aucune incohérence, ni incompatibilité ni opposition entre la mesure du port du masque obligatoire et cette loi de 2010 contre la dissimulation du visage dans l’espace public.

Le second point que je veux évoquer sera probablement ce que les commissions d’enquête parlementaires sur la gestion de la crise du covid-19 ont pris comme principale question : pourquoi la "doctrine" sur les masques a-t-elle été si changeante, si confuse, si contradictoire dans leur apparence ? En effet, au début de la crise sanitaire, les autorités publiques expliquaient que le grand public n’avait pas à porter le masque, et même, que c’était presque de l’incivisme car il fallait les réserver aux personnels soignants, aux malades et  tous ceux qui devaient travailler dans un contexte à risque (livreurs, etc.).

D’un côté, les autorités encore aujourd’hui se retranchent derrière les consignes de l’OMS (Organisation mondiale de la santé), martèlent qu’à l’époque, on disait que cela ne servait à rien (malgré l’expérience des pays asiatiques avec le SARS). De l’autre côté, beaucoup de personnes, j’ai été tenté d’en faire partie, imaginaient que le gouvernement avait adapté la "doctrine" au champ du possible, et à cause de la pénurie de masques, le gouvernement aurait donc dit que ce n’était pas nécessaire.

C’est Claude Weill, éditorialiste de "Nice-Matin" qui m’a convaincu qu’il fallait voir le problème à l’envers. Il pense que c’est parce que c’est au contraire la doxa française qui voulait que le masque était inutile pour le grand public qui a entraîné cette pénurie de masques, parce que l’État n’a pris en compte que les personnels soignants et les malades et pas toute la population dans ses stockages, commandes, etc. On laissera les commissions d’enquête parlementaires conclure à ce sujet qui est aussi délicat qu’épineux, mais cette hypothèse paraît la plus vraisemblable.

L’un des signes de cette doxa française, c’est que pendant plusieurs semaines, elle n’a pas été défendue seulement par le gouvernement, mais aussi, indépendamment, par de nombreux médecins chefs de service qui sont rarement des personnes qui cèdent facilement aux influences de l’État (au même titre que les mandarins d’autres corps de métier, journalistes, enseignants, etc.), l’indépendance intellectuelle de cette profession n’est pas discutable. Et si elle a été ainsi défendue par eux, c’est parce qu’ils n’ont jamais appris que cela. En d’autres termes, en mars, le gouvernement ne leur a pas dit : "dites que cela ne sert à rien car sinon, il n’y en aurait pas assez" (avec le nombre de médecins, on l’aurait su), mais c’est plutôt eux qui auraient dit au gouvernement cette doxa car ils l’avaient toujours appris comme cela.

Pour autant, je ne vois pas une contradiction entre l’absence d’obligation de port du masque en période de confinement (en pleine épidémie) et cette obligation en période de déconfinement : au contraire, le risque de circulation du virus est bien plus élevé en période de déconfinement que de confinement, le masque se justifie donc beaucoup plus car les occasions de contamination sont nettement plus nombreuses.

Venons-en maintenant au sujet du port du masque. Pourquoi si tardivement ? C’est probablement l’erreur du gouvernement. Cette erreur est probablement excusable car le gouvernement, et l’opposition, quelle qu’elle soit, aurait été au pouvoir que cela aurait été la même chose, est toujours sur une ligne de crête entre les priorités sanitaires (sauvegarder la vie de toute la population) et les priorités économiques et sociales (sauvegarder l’activité économique, et donc, l’emploi de toute la population active). Il aurait sûrement fallu mettre l’obligation en même temps que la dernière phase du déconfinement le 22 juin 2020. Le gouvernement a préféré réagir à agir, c’était peut-être mieux pour l’acceptabilité de la mesure : ne réagir que si nécessaire. Après tout, la date même du déconfinement, le 11 mai 2020, a paru (m’a paru) beaucoup trop tôt mais Emmanuel Macron a eu raison de prendre ce risque, il fallait bien un jour commencer à déconfiner et le plus tôt était le mieux dès lors que les services de réanimation dans les hôpitaux n’étaient plus saturés.

Or, il y a de nombreux signes qui montrent que la pandémie est loin d’être terminée.

Le premier signe est extérieur à la France, jamais elle n’a été aussi vive que maintenant. Ce mercredi 29 juillet 2020, il y a eu près de 300 000 cas nouveaux de personnes contaminées dans le monde (en tout, plus de 17 millions de cas), et plus de 7 000 décès dus au covid-19, 7 000 en un seul jour ! faisant monter le nombre de décès ce même jour à 670 000. Le million s’approche et sera forcément atteint, surtout que ces statistiques nationales sous-estiment généralement les dégâts humains (par exemple, en Espagne, certains "experts" tablent plus sur 45 000 décès que sur 28 000).

Aux États-Unis, la situation est tellement désastreuse que le Président Donald Trump a enfin mis son masque et le montre pour donner l’exemple. Il était temps ! Ce 29 juillet 2020, les États-Unis ont franchi le seuil des 150 000 décès, 154 000 exactement, dépassant désormais la France si l’on rapporte ce nombre au nombre d’habitants (465 décès par million d’habitants). En une seule journée, les États-Unis ont enregistré 67 000 nouveaux cas de contamination et environ 1 500 décès. Le Brésil est à peu près dans la même situation, près de 1 600 décès pour la seule journée du 29 juillet 2020 et 71 000 nouveaux cas de contamination, dépassant les 90 000 décès. L’Inde aussi est en situation très tendue, avec plus de 35 000 décès, près de 800 de plus en une journée et plus de 52 000 cas en une journée.

En France comme dans beaucoup de pays européens, probablement en raison des transhumances estivales, de nombreux foyers (plusieurs centaines) de contamination ont été détectés, parfois plusieurs centaines de cas, parfois plus encore. Le Ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran a d’ailleurs recommandé les Français, le 29 juillet 2020, de porter le masque aussi à l’extérieur si on doit traverser des zones avec beaucoup de monde, recommandation qui se transforme déjà en obligation pour le mois d’août dans le centre-ville de nombreuses villes de vacances (comme Saint-Malo). De son côté, le Premier Ministre Jean Castex a été sans doute maladroit lorsqu’il a voulu signer une convention et qu’on lui a dit de mettre un masque, il a répondu : pas de problème, je suis "pro-masque", ce qui ne signifie pas grand-chose (comme si le masque était une affaire d’idéologie), tout en le mettant …mal (en touchant avec ses mains l’ensemble du masque).

Comment expliquer autrement que par une opposition systématique ceux qui, aujourd’hui, râlent contre l’obligation du port du masque dans les lieux clos et qui, il y a quatre mois, râlaient pour la raison contraire, parce qu’on ne mettait pas assez de masques ? Tous les arguments sont bons pour s’opposer. Certes, il y a eu des carences (un désert industriel par exemple), des hésitations et des contradictions (plus le faits des "experts" médicaux que des politiques), mais il faut vraiment se rappeler que le virus était inconnu en décembre 2019 et que la réactivité a été finalement assez élevée en France si l’on compare avec des puissances comme le Royaume-Uni et les États-Unis.

Le pire est qu’aucun pays n’est épargné par cette pandémie, et ceux qui fanfaronnaient en se comparant aux premiers touchés (la France par rapport à l’Italie, les États-Unis par rapport à l’Europe, la Russie par rapport à l’Europe et aux États-Unis, etc.) se rendent compte aujourd’hui qu’ils doivent faire face, eux aussi, à cette crise sanitaire, et souvent dans des conditions moins bonnes. Même Madagascar, dont le Président se vantait de n’avoir aucun décès dû au covid-19 il y a deux mois et demi (et prônant une tisane miracle aussi efficace que l’hydroxychloroquine), vient de dépasser 10 000 personnes contaminées (10 748 cas au 30 juillet 2020) et a franchi le cap des 100 décès (105 au 30 juillet 2020), une augmentation répondant à l’insupportable loi exponentielle.

Mais revenons aux masques et terminons par deux réflexions rapides.

La première sur la gratuité du masque. Olivier Véran a annoncé que, dans les deux semaines, des masques gratuits seront distribués à 8 millions de foyers considérés comme les plus précaires. C’est mieux que rien mais on peut se poser la question du délai (pendant deux semaines, plus, puisque l’obligation a commencé le 20 juillet, ces familles ne devaient-elles donc pas se masquer ?), plus généralement du retard de réflexion sur la gratuité, pourquoi ne pas y avoir pensé en même temps que l’obligation (dont on a dû accélérer la préparation) ?

Et surtout, pourquoi pas la gratuité pour tout le monde, remboursé par la Sécurité sociale au même titre que les tests de dépistage (là aussi, cette gratuité a eu beaucoup de retard), puisqu’il s’agit de mesure de santé publique ? Pour les masques, j’ai lu dans un média que le coût, pour l’État, de la gratuité des masques pour tous serait de 300 millions d’euros. Je ne sais pas si cette estimation est pertinente ou pas, mais si elle l’est, voire si c’est le double, ce n’est rien par rapport aux 420 milliards d’euros que l’État va consacrer à l’accompagnement social et économique de la récession. La gratuité pour tous, si elle peut poser un problème d’équité (les plus riches n’ont pas besoin de cette aide, mais on pourrait aussi le dire pour le remboursement du paracétamol, des vaccins, etc.), ne pose pas de problème financier à l’État qui, chaque jour, jongle avec les milliards d’euros. À moins que ce ne soit qu’un simple problème de logistique : comment distribuer les masques gratuits ?…

Pour avoir une petite réponse, rappelons ce qu’avait déclaré Olivier Véran le 21 juillet 2020 à l’Assemblée Nationale : « L’État a très tôt fait distribuer gratuitement cinq millions de masques par semaine via les centres communaux d’action sociale et les communes et il va reprendre cette distribution de masques gratuits pour le public précaire, notamment pour les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire. Par ailleurs, les deux millions de Français présentant une fragilité peuvent obtenir le remboursement des masques chirurgicaux achetés sur prescription en pharmacie. Les masques, nous les avons en quantité, et nous invitons les Français à les porter massivement. ». Il faut noter qu’en proposant des masques gratuits aux personnes fragiles, le ministre laisse donc entendre que les masques chirurgicaux les protégeraient, ce qui est faux, ils protègent leur entourage, ce serait donc plutôt à ceux qui côtoient les personnes fragiles que la gratuité devrait s’appliquer.

La dernière réflexion que je propose ici est cette idée que les jeunes ne se sentent pas concernés par la crise du covid-19 car généralement, ils ne développent pas de forme sévère, d’où leur imprudence, leur insouciance, leur "indiscipline". Bon, la première chose à ne pas faire, c’est d’avoir avec eux un discours moralisateur : "ce n’est pas bien de s’embrasser entre copains et copines dans une fête nombreuse la nuit". C’est un discours typiquement "adulte" qui ne peut avoir que l’effet inverse et renforcer le sentiment que décidément, les "vieux", ce n’est pas le même monde que les "jeunes".

Alors, certes, on peut tenter l’approche pédagogique : même si les jeunes ne risquent rien, en se contaminant (il semblerait qu’aux États-Unis, il y a même chez certains jeunes des "soirées covid" pour tenter de choper le coronavirus !), ils ne risquent peut-être pas grand-chose pour eux (même si régulièrement, on apprend que des adolescents et même des enfants en meurent, c’est quand même ultrarare), mais ils font circuler le virus qui peut atteindre ainsi leurs parents et grands-parents qui, eux, peuvent en mourir. Ce n’est pas l’égoïsme mais plutôt l’égocentrisme, ce n’est pas le manque de solidarité mais plutôt le manque d’imagination qui conduit les jeunes à l’insouciance, avec ce qu’il ne faut cesser de répéter : le masque ne protège pas son porteur mais ceux qui sont autour de lui.

Que vaut l’approche pédagogique face à trois bières voire plus ? J’exagère, et pourtant, il y aurait un argument beaucoup plus porteur, à mon avis : plus les comportements sont insouciants, plus le risque d’un nouveau confinement comme au printemps est élevé. Or, qui sont les principales victimes du confinement ? Pas les retraités, mais les jeunes, justement. Le coronavirus, c’est une partie perdant perdant : les plus âgés parce qu’ils risquent d’y perdre la vie, les plus jeunes, parce qu’ils risquent le chômage et la précarité. Cela signifie qu’il y a pas de fossé entre les générations dans cet enjeu, tout le monde est dans la même galère et c’est pour cette raison que les comportements covid (gestes barrières, masque, hygiène des mains, etc.) doivent être appréhendés comme un nouvel aspect de la solidarité nationale.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (30 juillet 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
À propos de l’obligation du port du masque.
Covid-19 : seconde vague ? La prudence s’impose …par le masque.
Karine Lacombe.
Claude Huriet.
Didier Raoult.
La Charte de déontologie des métiers de la recherche (à télécharger).
Hydroxychloroquine : l’affaire est entendue…
Madagascar : la potion amère du docteur Andry Rajoelina contre le covid-19.
Rapport de Jean Castex sur le plan de déconfinement le 6 mai 2020 (à télécharger).
Protection rapprochée.
Discours de Claude Malhuret le 4 mai 2020 au Sénat (texte intégral).
Covid-19 : les trois inepties du docteur Claude Malhuret.
11 mai 2020 : Stop au covid-19 ! (et traçage ?).
Discours du Premier Ministre Édouard Philippe le jeudi 7 mai 2020 à Matignon sur le déconfinement (texte intégral).
Professeur mégalo (vidéo).
Covid-19 : où est l’Europe de la Santé ?
Michel Houellebecq écrit à France Inter sur le virus sans qualités.
Unitaid.
Déconfinement : les départements verts et les départements rouges, la confusion des médias…
Didier Raoult, médecin ou gourou ?
Le déconfinement selon Édouard Philippe.
Covid-19 : le confinement a sauvé plus de 60 000 vies en France.
Du coronavirus dans les eaux usées ?
Le covid-19 n’est pas une "simple grippe"…

_yartiMasque02


http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200730-coronavirus-covid.html

https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/a-propos-de-l-obligation-du-port-226094

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/07/28/38453041.html



 

Partager cet article
Repost0
17 juillet 2020 5 17 /07 /juillet /2020 03:49

« La meilleure façon de nous préparer à une reprise possible de l’épidémie est de renforcer nos actions de prévention ; cela passe nécessairement par le développement du port du masque et par une intensification de notre politique de dépistage. Nous devons par-dessus tout éviter un retour à des formes strictes et larges de confinement, dont nous connaissons désormais le coût humain et économique. » (Jean Castex, le 15 juillet 2020 à l’Assemblée Nationale).



_yartiCovidBL01

Il y a un côté inaudible dans la pandémie de covid-19 qui nous "submerge" actuellement. Une sorte de sidération, de refus de voir la vérité en face. Peut-être comme le refus d’accepter l'indicible, l’existence de la Shoah juste après la guerre.

Bien sûr que la pandémie est loin d’être terminée dans le monde. Ceux qui ne le comprendraient pas sont soit aveugles, soit sourds, soit les deux à la fois. Les chiffres sont hélas parlants. À ce jour, le jeudi 16 juillet 2020, en tout, il y a eu 592 000 décès dus au covid-19, valeur issue de statistiques probablement très sous-estimées dans bien des pays (quel gouvernement stupide irait se vanter d’avoir autant de décès ?). Ce nombre en lui-même ne signifie rien, car il n’est qu’une photographie à un instant t. Chaque jour, le rythme est d’environ 6 000 décès quotidiens dans le monde (5 760 le 15 juillet 2020, 5 564 le 16 juillet 2020). Il y a six mois, en mi-janvier 2020, aurait-on imaginé pareil désastre humain ? Je rappelle à toute fin utile que ces personnes décédées, elles le sont en plus de la mortalité "ordinaire". Plus d’un demi-million et l’on est loin d’être au maximum de la pandémie.

Pour le nombre de personnes qui ont été dépistées positives au coronavirus, la situation, toujours sous-estimée (il suffit de ne pas être testé pour ne pas être détecté), est de près de 14 millions, soit environ 2 pour 1 000 personnes dans la population mondiale ! Là encore, les bataillons s’élargissent puisque, rien que pour le 15 juillet 2020, il y en a eu 234 383 cas de plus, le 16 juillet 2020, 238 943 cas de plus… Parmi ces 14 millions de cas, plus de 5 millions sont encore actifs, c’est-à-dire  que 5 millions de personnes sont actuellement détectées comme étant malades du covid-19.

Déjà vingt-deux pays ont plus de décès que la Chine : l’Afrique du Sud (qui vient de "dépasser" la Chine ce 16 juillet 2020), l’Équateur, le Pakistan, la Turquie, la Suède*, la Colombie, les Pays-Bas*, le Chili, le Canada*, l’Allemagne*, la Belgique*, la Russie, le Pérou, l’Iran, l’Inde, l’Espagne*, la France*, l’Italie*, le Mexique, le Royaume-Uni, le Brésil et les États-Unis (l’astérisque signifie que l’épidémie s’est stabilisée). Et l’Égypte, l’Indonésie et l’Irak pourraient sérieusement concurrencer la Chine dans cette course macabre du nombre de décès dus au covid-19.

La situation en France a paru se stabiliser en mai 2020. "L’éruption" (ou "l’irruption") épidémique en France fut particulièrement terrible en mars et avril 2020. Heureusement, le confinement, mesure d’urgence nécessaire (on voit ce que cela a donné dans les pays qui ont refusé le confinement, comme la Suède), a permis de limiter les dégâts humains déjà gigantesques (plus de 30 000 décès, sans compter les décès à domicile).

Contrairement à ce qu’on a imaginé, la plupart des Français, malgré le côté "râleur", ont accepté les règles du confinement, dès lors qu’ils ont compris les enjeux sanitaires. Depuis le 11 mai 2020 et le début du déconfinement, il y a un peu de relâchement et c’est vrai que la période estivale a renforcé ce relâchement. Il est difficile de faire de l’entre-deux : ou c’est grave ou l’épidémie est passée. Ou vigilance extrême ou relâchement complet. Dans la tête de beaucoup de personnes, l’épidémie est passée.

C’est vrai qu’au bout de trois à quatre semaines, après le 11 mai, on a pu voir qu’il n’y avait pas de rebond. C’était étonnant mais réel. Pourtant, la situation semble avoir changé. Y a-t-il une seconde vague ? Et qu’est-ce qu’une seconde vague, d’ailleurs ?

Il faut à mon avis distinguer la seconde vague "saisonnière", celle qui pourrait revenir l’automne prochain, et la situation dans des pays comme l’Australie ou la Nouvelle-Zélande, dans l’hémisphère sud, pourrait donner une indication intéressante, c’est en tout cas ce que proposait le professeur Didier Raoult, et en Australie, on reconfine dans la région de Melbourne.

Mais c’est encore loin, l’automne, avec le coronavirus. Ici, lorsqu’on parle de "seconde vague", ce serait plutôt un "rebond" post-confinement dès cet été. Or, apparemment, beaucoup d’urgentistes observent des signaux alarmants, pour l’instant des signaux faibles mais néanmoins notables. Certains vont jusqu’à dire que nous serions dans la même situation qu’en février 2020, quand tout couvait avant l’explosion le mois suivant. Alors qu’il n’y avait plus d’arrivée à l’hôpital en juin, il y a, maintenant, de nouveau quelques hospitalisations chaque jour.

La grande différence entre février et juillet, en France, c’est qu’on est prêt, à savoir, on peut faire des tests et on a des masques. Le Ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran a même confirmé aux députés, lors dans la séance spéciale des questions au gouvernement du 16 juillet 2020, que la France avait commandé 4 milliards de masques et qu’elle était en capacité de faire 1 million de tests par semaine. Actuellement, seulement 200 000 sont réalisés. Alors, qu’attend-on pour les faire ? Simplement les volontaires. Rien n’oblige de se faire tester. Quand on n’a pas de symptômes et qu’on n’est pas dans un foyer, peut-être qu’on n’y trouve pas d’intérêt à se faire tester ?

Depuis le début du déconfinement, on a les moyens de faire des tests. Et donc, l’augmentation actuelle du nombre de personnes contaminées ne provient pas de cette meilleure capacité de tester : en mai et en juin, on avait la même capacité de tester. De plus, on observe le taux de positivité, c’est-à-dire le nombre de personnes dépistées positives sur le nombre de personnes dépistées au total, or malgré l’augmentation du nombre de tests, on observe une stabilité du taux de positivité, cela signifie qu’en absolu, le nombre de cas augmente. Il y a donc, depuis une dizaine de jours, une évolution qui peut être inquiétante. On trouve ainsi des nouveaux foyers à Marseille, en Mayenne, en Bretagne, en Nouvelle Aquitaine, aussi à Paris.

Au signe inquiétant, on détecte de nouveau le coronavirus dans les eaux usées de Paris, un signe là aussi avant-coureur qui trompe peu.

Le relâchement est aussi dû à des signes réglementaires : à partir du 22 juin 2020, on est entré dans une nouvelle phase du déconfinement, les trajets ne sont plus limités en kilomètres. De plus, on a quitté l’état d’urgence sanitaire le 11 juillet 2020. Les vacances renforcent les déplacements et les rencontres. Ce n’est donc pas étonnant de voir ces foyers sur le littoral, dans des lieux de villégiatures.

Certes, le docteur Cédric Arvieux, infectiologue au CHU de Rennes, a pondéré cette alerte à "Ouest France" le 16 juillet 2020 : « Il n’est pas étonnant qu’on ait une majoration des cas de covid dans des régions qui accueillent des estivants (…), non pas parce que les touristes y apporteraient le virus mais parce que les vacances sont propices au regroupement de personnes dans ces régions. Et dans la mesure où l’on fait du dépistage assez massif, il est assez logique que l’on se retrouve avec une augmentation des nombres de cas dans certaines zones. Mais globalement, la circulation du virus reste faible. (…) Les gens ont été assez secoués par le confinement et ont été prudents au début. Mais voyant les bons chiffres, il y a sûrement eu un recul des gestes barrières. (…) On doit être vigilants, mais la situation ne nous inquiète pas encore. (…) Nous sommes plusieurs infectiologues à estimer qu’il fallait être réactifs et ne pas attendre le 1er août pour rendre le port du masque obligatoire, même s’il est dommage de devoir en passer par là. Accompagné des mesures de distanciation physique, cela a un véritable impact sur la circulation du virus. Il faut donc garder ces bonnes pratiques. » (propos recueillis par Virginie Enée).

Ce qui paraît certain, c’est que le coronavirus continue à circuler. Probablement qu’aujourd’hui, les personnes dits à risques, en particulier les personnes âgées et les personnes fragiles sont plus sensibilisées qu’en février sur les risques pris et sont beaucoup plus prudentes dans leurs déplacements et rencontres (j’écris "probablement" car je connais personnellement des exemples contraires d’imprudence ou d’insouciance).

_yartiMasque02

Il faut insister lourdement sur le fait que le covid-19 n’est pas une "grippette". Si la forme sévère se développe, c’est parti pour une hospitalisation longue, peut-être deux mois, parfois en réanimation voire avec intubation, laissant des séquelles à la fois organiques et psychologiques si on s’en sort. Même la forme modérée, sans hospitalisation, peut être très difficile à vivre, parfois elle dure deux, trois ,voire quatre mois, des séquelles ont été observées dans le cerveau et dans certains organes (poumons, reins, cœur) avec des symptômes qui perdurent malgré l’absence de charge virale (essoufflement, grande fatigue, perte de goût et d’odorat, etc.).

On ne connaît pas encore grand-chose de cette saleté de maladie, mais dans tous les cas, elle n’est pas bénigne. La remontée des témoignages est en train de se faire, Internet en regorge, les antennes médicales commencent à rassembler les connaissances éparses (lorsqu’il n’y a pas hospitalisation, il y a rarement un suivi par la médecine de ville, surtout après une supposée guérison).

Dans tous les cas, porter un masque dans un espace clos est un million de fois moins contraignant en liberté individuelle que d’être amené, dans quelques semaines, par l’irresponsabilité de quelques-uns, à prendre à nouveau une mesure de confinement, généralisé ou localisé. Tant qu’il n’existe ni traitement curatif efficace, ni vaccin qui a fait ses preuves, le masque, les gestes barrières sont l’unique source de salut pour se préserver d’une telle pandémie. Et cela durera probablement encore de nombreux mois sinon années…

Pour terminer, voici les déclarations exactes concernant l’obligation du port du masque dans les lieux publics clos. La déclaration assez évasive et floue du Président Emmanuel Macron a renforcé la défiance de certains députés de l’opposition, parce qu’elle allait contre le bon sens : soit la mesure est efficace et il faut la faire appliquer immédiatement, soit elle ne sert à rien et alors, pourquoi la proposer ? Cette incohérence a été d’autant plus remarquée que lui-même avait annoncé le confinement le lundi 16 mars 2020 à 20 heures pour une application …le lendemain à 12 heures, soit seulement 18 heures de délai, pas même une journée entière, une mesure beaucoup plus compliquée, juridiquement, qu’un simple décret d’obligation du masque, même si ce dernier doit quand même définir exactement ce que sont les "lieux publics clos". En deux jours, Jean Castex a montré son degré d’écoute et a accéléré la rédaction du décret pour une application nettement plus rapide.

Emmanuel Macron, Président de la République, le 14 juillet 2020 à la télévision : « Il faut continuer d’appliquer ces gestes barrières. Là-dessus, on voit des faiblesses. Donc, j’ai demandé  ce qu’on passe une étape au gouvernement et je souhaite que dans les prochaines semaines, on rende obligatoire le masque dans tous les lieux publics clos. (…) Cela veut dire que les choses s’organisent. On ne va pas le faire du jour au lendemain mais je recommande à tous nos concitoyens qui nous écoutent de porter le masque au maximum quand ils sont dehors et a fortiori quand ils sont dans un lieu clos. Et nous allons observer la situation, mais nous mettre en situation de pouvoir, par exemple à partir du 1er août, le rendre totalement obligatoire. ».

Damien Abad, président du groupe LR à l’Assemblée Nationale, le 15 juillet 2020 à l’Assemblée Nationale : « Hier, le Président de la République, et vous, aujourd’hui, monsieur le Premier Ministre, vous dites l’inverse et c’est tant mieux. Mais il a fallu attendre plus de trois mois pour prendre une telle décision. Et encore, elle ne s’appliquerait qu’au 1er août. Pourquoi attendre encore quinze jours, alors que la Belgique l’a imposée en quarante-huit heures et que nous avons confiné les Français en vingt-quatre heures ? Nous vous demandons de rendre cette mesure effective dès lundi, afin que le port du masque obligatoire soit généralisé dans les lieux publics clos. ».

Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI, le 15 juillet 2020 à l’Assemblée Nationale : « La crise sanitaire demeure, et on n’entend pas assez la communication du gouvernement ; celle-ci devrait être plus ferme pour que nos concitoyens deviennent raisonnables et adoptent vraiment les mesures de précaution. On ne comprend pas l’annonce selon laquelle le port du masque sera obligatoire dans quinze jours, alors qu’il a suffi de quarante-huit heures pour confiner les Français ! ».

Jean-Luc Mélenchon, président du groupe FI à l’Assemblée Nationale, le 15 juillet 2020 à l’Assemblée Nationale : « Personne ne croit non plus que vous conduirez la politique de la nation, monsieur Castex ! Comme nous, vous serez déjà bien heureux de parvenir à la suivre ! Car souvent Jupiter varie, et bien fol qui s’y fie. Ordres et contre-ordres sont devenus la règle. Le masque, par exemple, hier inutile pendant la crise sanitaire, sera désormais obligatoire, mais pas tout de suite, seulement dans un mois ! Le covid-19 est prié de rester confiné. ».

Jean Castex, Premier Ministre, le 16 juillet 2020 au Sénat : « Enfin, le port du masque constitue, avec le respect des gestes dits barrières, une mesure de prévention et de protection efficace. J’ai donc proposé de rendre son port obligatoire dans tous les lieux publics clos, en particulier les commerces. Cela nécessite un décret. Pour ce qui est des locaux professionnels, cela suppose une évolution des protocoles sanitaires. Nous envisagions une entrée en vigueur au 1er août, car nous agissons dans une logique préventive, non sous l’emprise de l’urgence. Mais j’ai compris que cette échéance pouvait paraître tardive et suscitait des interrogations. Le décret entrera donc en vigueur la semaine prochaine. ».

Olivier Véran, Ministre des Solidarités et de la Santé, le 16 juillet 2020 à l’Assemblée Nationale : « Je partage votre agacement face aux images de la rave-party dans la Nièvre et, de manière plus générale, face à toutes les situations dans lesquelles des centaines, voire des milliers de personnes sont regroupées sans aucune protection ni distanciation sociale, et mettent en péril toute la stratégie française de lutte contre le coronavirus. (…) S’agissant de la systématisation du port du masque dans les lieux clos, et demain de son obligation, un décret est en cours de finalisation. D’ici à lundi ou mardi, le port du masque sera généralisé. La vigilance ainsi que l’esprit de responsabilité et de citoyenneté des Français peut s’exercer sans qu’il soit besoin de prendre un décret. J’invite l’ensemble des Français à porter sans délai un masque dans tous les lieux clos, quels qu’ils soient, d’autant plus s’ils sont nombreux à y être regroupés, sans attendre la parution du décret et l’inscription dans le marbre de l’obligation. Mais je rappelle aussi que le port du masque ne suffit pas s’il n’est pas accompagné d’une protection contre la transmission par les mains. Il faut conserver de la distanciation sociale, se laver les mains, utiliser du gel hydroalcoolique, changer régulièrement de masque et le porter correctement. Il s’agit d’un travail de vigilance de tous les instants, absolument nécessaire, surtout à l’heure où certains indicateurs tendent à montrer que non seulement l’épidémie n’est pas terminée, mais que ça et là, des signes de résurgence du virus apparaissent, je pense à la Mayenne et à certains hôpitaux parisiens. ».


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (16 juillet 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Covid-19 : seconde vague ? La prudence s’impose …par le masque.
Karine Lacombe.
Claude Huriet.
Didier Raoult.
La Charte de déontologie des métiers de la recherche (à télécharger).
Hydroxychloroquine : l’affaire est entendue…
Madagascar : la potion amère du docteur Andry Rajoelina contre le covid-19.
Rapport de Jean Castex sur le plan de déconfinement le 6 mai 2020 (à télécharger).
Protection rapprochée.
Discours de Claude Malhuret le 4 mai 2020 au Sénat (texte intégral).
Covid-19 : les trois inepties du docteur Claude Malhuret.
11 mai 2020 : Stop au covid-19 ! (et traçage ?).
Discours du Premier Ministre Édouard Philippe le jeudi 7 mai 2020 à Matignon sur le déconfinement (texte intégral).
Professeur mégalo (vidéo).
Covid-19 : où est l’Europe de la Santé ?
Michel Houellebecq écrit à France Inter sur le virus sans qualités.
Unitaid.
Déconfinement : les départements verts et les départements rouges, la confusion des médias…
Didier Raoult, médecin ou gourou ?
Le déconfinement selon Édouard Philippe.
Covid-19 : le confinement a sauvé plus de 60 000 vies en France.
Du coronavirus dans les eaux usées ?
Le covid-19 n’est pas une "simple grippe"…

_yartiCovidBL03



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200716-coronavirus-covid.html

https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/covid-19-seconde-vague-la-prudence-225797

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/07/16/38433379.html




 

Partager cet article
Repost0
1 juillet 2020 3 01 /07 /juillet /2020 03:19

« Avant de se jeter dans le péril, il faut le prévoir et le craindre : mais quand on y est, il ne reste plus qu’à le mépriser. » (Fénelon, 1699).


_yartiLacombeKarine01

Ce mardi 30 juin 2020 en fin d’après-midi, l’ancienne Ministre de la Santé Agnès Buzyn a été auditionnée par la mission parlementaire d’information créée le 17 mars 2020 sur l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de coronavirus-covid-19. Cette très longue audition est intervenue après une autre audition très médiatisée, celle du professeur Didier Raoult le mercredi 24 juin 2020 dans l’après-midi. Je souhaiterais évoquer une autre audition, qui m’a paru intéressante bien que moins médiatisée : celle de la professeure Karine Lacombe le matin du jeudi 25 juin 2020.

Karine Lacombe fait partie de ces médecins chercheurs qui ont vu leur notoriété bondir auprès du grand public à l’occasion de la crise sanitaire. Elle est presque l’exact contraire de Didier Raoult : elle répond sans polémiquer, avec des termes précis, donne des arguments sur ce qu’elle avance et ose même s’aventurer sur des terrains qui pourraient lui être hostiles (comme sur les relations qu’elle peut avoir avec des entreprises privées, tous les liens sont d’ailleurs déclarés au centime de note de frais près, puisque c’est la loi depuis plusieurs années, tout est consultable sur Internet).

À 50 ans, Karine Kacombe est arrivée à un moment de sa carrière plutôt privilégié : on peut même imaginer qu’elle puisse susciter un peu de jalousie auprès de confrères qui auraient eu moins de succès. Bonne pédagogue (comme beaucoup dans la recherche médicale, elle est professeure des universités, médecin et chercheuse), elle a été appelée dans les médias à utiliser son talent de transmetteur de savoirs pour expliquer et faire comprendre cette nouvelle maladie qu’est le covid-19 et son évolution. Elle a fait ses études de médecine à Grenoble, a ensuite travaillé à l’Université Pierre-et-Marie-Curie (Paris-6), et depuis 2019, elle est cheffe du service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Saint-Antoine à Paris. Infectiologue réputée, elle est spécialisée dans la recherche sur le VIH et sur les hépatites, en particulier hépatite C pour laquelle elle a beaucoup communiqué dans les colloques internationaux.

Elle aussi porte la blouse blanche, elle non plus ne semble pas atteinte par le besoin des paillettes, elle aussi, elle soigne des patients et les connaît. Je m’arrêterai là car l’idée ici n’est pas de faire une comparaison avec un autre mandarin, l’impression qu’elle m’a donnée lorsqu’elle s’est exprimée aux députés de la commission, c’était une femme ultracompétente, très respectueuse de l’institution parlementaire. Et en l’écoutant, je me disais qu’il y avait encore du chemin à parcourir pour que la formule de Françoise Giroud sur l’égalité entre les hommes et les femmes soit applicable. En effet, elle disait en substance qu’il y aurait cette égalité le jour où l’on nommerait à un poste à grande responsabilité une femme incompétente. Indiscutablement, ce n’est pas le cas de Karine Lacombe !

_yartiLacombeKarine02

Karine Lacombe a en particulier évoqué ses propres essais cliniques (qui, je le rappelle, sont systématiquement réalisés avec l’accord des patients et sous le contrôle du comité d’éthique), des essais en collaboration avec l’Inserm et l’Établissement français du sang : son axe de recherche reprend une méthode traditionnelle qui peut fonctionner (mais pas toujours), la transfusion du plasma sanguin de malades guéris. En effet, ces anciens malades ont développé des anticorps contre le coronavirus qui peuvent ainsi aider les nouveaux malades à lutter contre le coronavirus. Elle a expliqué que les premiers résultats étaient encourageants mais qu’il n’y avait presque plus de patients à tester. Elle envisageait de créer une structure à Mayotte ou en Guyane où l’épidémie fait encore rage. Elle a également expliqué qu’ont été stockées 5 000 unités de tel plasma sanguin, et que l’autorité de santé a décidé d’arrêter le stockage pour le moment (ces unités ont une date de péremption, je ne me rappelle plus la durée de conservation, de l’ordre de six mois ou un an).

Par ailleurs, si Karine Lacombe a donné quelques résultats d’autres essais cliniques qui n’ont pas été encore publiés, c’était en précisant que les informations qu’elle donnait avaient déjà été présentées publiquement d’une manière ou d’une autre. Tout dans son expression respirait la rigueur, de fond comme de forme (ce qui est rassurant pour un médecin). Cela dit, je n’évoquerai pas les traitements testés, puisque, à l’heure actuelle, aucun de ces traitements (que ce soit l’hydroxychloroquine ou le remdesivir ou d’autres) n’a vu son efficacité prouvé pour traiter le covid-19.

J’évoquerai dans sa prestation un élément triple très intéressant : parce qu’elle est une femme qui cherche à améliorer l’avenir, elle a formulé trois dysfonctionnements dans la gestion de la crise, et donc, trois propositions pour rendre plus efficace le système de santé.

Auparavant, j’évoque aussi deux points de son audition qui m’ont paru intéressants à relever.

Le premier point, crucial, c’est la situation dans les EHPAD ou dans les services de réanimation des hôpitaux. C’est un témoignage important qui a son poids vu sa compétence. Elle a affirmé qu’en tant que cheffe de service à l’hôpital, elle n’a reçu aucune consigne, écrite ou orale, pour refuser l’entrée en réanimation de personnes atteintes du covid-19 en raison de son âge ou de ses pathologies. C’est important car il y a eu beaucoup de désinformation sur le sujet. Que ce soit en EHPAD ou à l’hôpital dans d’autres services, tous ceux qui ont eu besoin d’être hospitalisés en service de réanimation l’ont été. C’était la raison pour laquelle, d’ailleurs, au sommet de la crise, on a fait des transferts de centaines de patients d’un hôpital d’Île-de-France ou du Grand Est vers d’autres régions ou même d’autres pays qui ont accepté de les accueillir. En gros, il y a eu au sommet du pic 7 500 personnes en réanimation, en période normale, la France avait une capacité maximale de 5 000 lits en réanimation et toutes les équipes soignantes ont agi pendant des semaines pour avoir 10 000 lits disponibles. Le système de santé a donc tenu même s’il est améliorable. C’était Agnès Buzyn, juste avant sa démission, le 14 février 2020, qui a mis le système de santé sous tension (avec annulation des opérations programmées non urgentes, etc.).

En revanche, il y a une réelle réflexion lorsqu’un patient très âgé doit aller en réanimation. La réanimation est une douleur pour le corps et l’esprit, cela nécessite beaucoup d’énergie et la personne est complètement isolée, sous sédation (donc n’a plus de conscience), la famille éloignée. Lorsque, pour les personnes très âgées, les chances de s’en sortir sont proches de zéro, alors, comme dans la période d’avant-covid-19 (ce n’est pas une nouveauté, c’est l’application de la loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie), il y a une décision collégiale avec consultation de la famille et il est décidé généralement de faire entrer la personne en soins palliatifs au lieu de la réanimation. Sa fin de vie sera alors beaucoup plus douce. On peut toujours trouver contestable une telle décision, c’est pour cela qu’elle est collégiale et que la famille prend part aussi à la décision, mais ce n’est pas spécifique au traitement du covid-19 et dans tous les cas, cela est complètement indépendant du nombre de lits disponibles en réanimation (c’était très différent en Lombardie où beaucoup d’hôpitaux, pris de court, ne disposaient pas assez de lits en réanimation). C’est important de bien comprendre qu’il n’y a jamais eu d’euthanasie dans les EHPAD, mais des soins palliatifs. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas eu du manque de personnel et d’équipements, pour réduire le taux de contamination beaucoup trop élevé dans certains établissements.

Le second point, plus anecdotique mais à noter : parce qu’elle a été souvent interviewée dans les médias et qu’elle prônait des opinions proches du gouvernement, Karine Lacombe a été considérée souvent comme représentante du gouvernement. Lors de son audition, elle a tout de suite déclaré que ce n’était pas le cas, qu’elle était une chercheuse indépendante, et pour preuve, elle a expliqué qu’elle n’avait alors aucun contact avec le gouvernement, sauf un contact téléphonique de trois minutes avec le Ministre de la Santé Olivier Véran qu’elle avait régulièrement comme cheffe de service pour donner le pouls de l’épidémie dans son service, lorsque le vendredi 27 mars 2020, on l’a appelée de Matignon pour faire un exposé le lendemain sur l’état de l’épidémie. Elle n’a évidemment pas refusé (qui refuserait une telle demande, hors provocateur rebelle ?) et on l’a vue ainsi participer à la longue conférence de presse du Premier Ministre Édouard Philippe dans la soirée du samedi 28 mars 2020, aux côtés d’Olivier Véran et du professeur Jérôme Salomon (le directeur général de la santé).

_yartiLacombeKarine03

Venons-en au sujet principal : au fil des questions et réponses de son audition, Karine Lacombe a relevé trois sources d’amélioration dans le système de santé (et de recherche médicale). Elles ne sont pas nouvelles ni forcément très originale, mais elles ont eu le mérite d’être formulées intelligemment et de manière très constructive, et cela dans une instance officielle et même suprême : là où l’on fait la loi.


1e source d’amélioration : mieux impliquer les médecins de ville

Agnès Buzyn a affirmé que dès le 14 janvier 2020, les médecins de ville et les établissements médico-sociaux étaient informés et alarmés au même titre que les services hospitaliers de l’état d’avancement de la pandémie (à une époque où il y avait encore très peu de cas en Chine). Néanmoins, dans le protocole ultérieur pour dépister les cas dans les foyers de contamination (la "technique coréenne"), la réalisation des tests virologiques devait se faire dans des laboratoires de type P3 (très peu nombreux) pour éviter au maximum la contamination. De même, chaque personne dépistée positive était isolée et traitée à l’hôpital, et la consigne a été qu’en cas de suspicion de covid-19 (état grippal, fièvre, etc.), il ne fallait pas se rendre chez les médecins généralistes ni aux services d’urgence des hôpitaux (pour éviter les contaminations), mais appeler le 15 pour avoir un accueil spécifique covid. C’était possible jusqu’au milieu de février quand le virus ne circulait pas, mais après la réunion de Mulhouse, le nombre de cas s’est multiplié et il était impossible que les hôpitaux prissent en charge tous les malades sans forme sévère.

Ce n’était donc qu’à partir du début du mois de mars que les médecins généralistes ont commencé à ausculter des malades du covid-19, et cette implication a permis d’ailleurs de se rendre compte d’autres symptômes cliniques qui n’étaient pas encore évoqués, comme la perte de goût et d’odorat, ou des diarrhées (le coronavirus ne s’en prend pas qu’au système respiratoire), etc. Or ces symptômes sont souvent ceux de malades qui n’ont pas développé la forme sévère, et les hôpitaux ne connaissent que les cas graves.

La crise sanitaire a d’ailleurs fait apparaître un fossé entre la médecine hospitalière et la médecine de ville. Les essais cliniques sont difficilement réalisables en ville pour une raison simple : c’est beaucoup plus dur de suivre un patient en ville qu’à l’hôpital où il est installé dans une chambre d’hôpital avec un suivi quotidien, tandis que le patient de ville peut ne plus donner signe de vie, ou du moins, de nouvelles, après la première consultation (c’est toujours le cas pour des maladies bénignes comme la grippe). Peut-être faudrait-il imaginer un système facile et rapide, une application sur Internet, pour que le patient continue à donner des nouvelles (bonnes ou mauvaises) à son médecin de ville pour avoir une idée, par exemple, de l’évolution de son état et de l’efficacité et de la rapidité d’un traitement ? (Cette idée est de moi et pas de Karine Lacombe qui n’a fait que souligner des faiblesses à corriger).


2e source d’amélioration : la recherche médicale en Europe

En tant que scientifique avec des programmes de recherche internationaux, Karine Lacombe a été confrontée, pendant cette crise, à une véritable difficulté lorsqu’il fallait mettre en place un programme d’essais cliniques européen. En effet, selon elle, il manque une structure (une agence) européenne chargée de coordonner les programmes de recherche européens en faisant la liaison entre les différents pays impliqués. Si la santé ne fait pas partie des prérogatives actuelles de l’Europe, la recherche scientifique, en revanche, si. Le risque, c’est de rajouter une couche bureaucratique. Il faut donc une structure souple, légère, et surtout, efficace.


3e source d’amélioration : produire localement les médicaments

C’est sans doute la difficulté qui a été tout de suite détectée avec la crise, le fait que toutes les productions des équipements, médicaments se fassent en Chine, si bien que lorsque la Chine est confinée, les usines ne tournent pas et il n’y a plus de fournitures. Il est donc essentiel d’assurer une souveraineté sinon nationale au moins européenne sur la production de produits stratégiques, comme les masques, les médicaments, etc. On peut d’ailleurs voir que les pays qui ont gardé encore une force industrielle ont pu rapidement se doter de tests PCR, masques, etc. (Chine, Russie, Allemagne, États-Unis, etc.).

L’audition d’Agnès Buzyn a confirmé d’ailleurs ce problème majeur qui aurait cependant pu être anticipé : ses premières commandes datent du 28 janvier 2020 et du 4 février 2020, mais ce qu’elle n’imaginait pas, c’est que la production était arrêtée ou dans l’impossibilité d’être transportée par avion (il faut un mois en cargo !). Et comme l’a expliqué Agnès Buzyn, il n’y a pas que les masques et les tests comme produits stratégiques, mais des dizaines d’autres (comme l’iode en cas de catastrophe nucléaire) dont il faudra créer des filières européennes rapidement.

C’est autour de cet objectif, retrouver une souveraineté industrielle, que le Président Emmanuel Macron devrait axer la dernière année et demie de son mandat, c’est crucial et compatible avec le besoin de créer des emplois.

Sur la forme, Karine Lacombe n’est jamais sortie de son rôle, elle est une praticienne et une scientifique, elle n’est pas une politique et n’a aucun conseil à donner aux politiques. À chacun son rôle. En revanche, la praticienne a pu exprimer ses difficultés et poser finalement quelques jalons pour améliorer le système de santé dont le salut ne peut pas se réduire à la seule augmentation de ses crédits. Sa réorganisation est elle aussi une nécessité vitale.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (30 juin 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Karine Lacombe.
Claude Huriet.
Didier Raoult.
La Charte de déontologie des métiers de la recherche (à télécharger).
Hydroxychloroquine : l’affaire est entendue…
Madagascar : la potion amère du docteur Andry Rajoelina contre le covid-19.
Rapport de Jean Castex sur le plan de déconfinement le 6 mai 2020 (à télécharger).
Protection rapprochée.
Discours de Claude Malhuret le 4 mai 2020 au Sénat (texte intégral).
Covid-19 : les trois inepties du docteur Claude Malhuret.
11 mai 2020 : Stop au covid-19 ! (et traçage ?).
Discours du Premier Ministre Édouard Philippe le jeudi 7 mai 2020 à Matignon sur le déconfinement (texte intégral).
Professeur mégalo (vidéo).
Covid-19 : où est l’Europe de la Santé ?
Michel Houellebecq écrit à France Inter sur le virus sans qualités.
Unitaid.
Déconfinement : les départements verts et les départements rouges, la confusion des médias…
Didier Raoult, médecin ou gourou ?
Le déconfinement selon Édouard Philippe.
Covid-19 : le confinement a sauvé plus de 60 000 vies en France.
Du coronavirus dans les eaux usées ?
Le covid-19 n’est pas une "simple grippe"…

_yartiLacombeKarine04



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200625-karine-lacombe.html

https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/les-trois-sources-d-amelioration-225484

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/06/27/38397598.html





 

Partager cet article
Repost0
2 juin 2020 2 02 /06 /juin /2020 01:09

« Ce n’est pas seulement un devoir d’humanité. C’est aussi l’intérêt bien compris des pays les plus favorisés. Car le monde ne s’arrête pas aux limites de leur prospérité. Il ne se borne pas aux certitudes de ceux que la fortune sert aujourd’hui. (…) En Afrique, dans les pays émergents, une immense majorité de la population, dans les campagnes ou dans les bidonvilles, attend encore, mais n’attendra pas indéfiniment, la concrétisation des promesses du progrès. Cette situation est lourde de menaces. Elle est moralement inacceptable. (…) Le développement constitue le premier défi et la première urgence de notre temps. C’est une question de morale. C’est, pour le système économique ouvert et la civilisation humaniste que nous avons en partage, la meilleure des garanties et le meilleur investissement pour l’avenir. (…) Vaincre la pauvreté par l’alliance du marché et de la solidarité. Telle doit être notre ambition partagée. » (Jacques Chirac, le 26 janvier 2005 au Forum de Davos).



_yartiChirac2020A03

Il y a vingt-cinq ans, le 7 mai 1995, le leader du parti gaulliste Jacques Chirac fut élu Président de la République par près de 15,8 millions de Français, soit 52,6% des suffrages exprimés avec une abstention de 20,3%. Il resta douze ans à l’Élysée, réélu le 5 mai 2020 par plus de 25,5 millions de Français, soit 82,2% des suffrages exprimés avec une abstention de 20,3%. Recordman du score le plus haut, à la limite d’un score de "république bananière" (ou d’un régime communiste), il fut battu par son ancien adversaire François Mitterrand pour la longévité à l’Élysée (mais pas pour la longévité cumulée à l’Élysée et à Matignon).

Alors que Jacques Chirac était parti dans la bataille présidentielle (dans un meeting à Lille le 4 novembre 1994, le jour de la Saint-Charles) avec des sondages particulièrement bas (Édouard Balladur et Jacques Delors étaient à l’époque les rois de la popularité), il a su gagner la confiance des Français sur le fameux thème (séguiniste) de la fracture sociale. C’était sa troisième tentative et il a fallu de la persévérance et de l’énergie pour croire encore en lui après deux échecs cuisants.

Après son départ de l’Élysée, il a été souvent taxé de "roi fainéant", par ceux de ses successeurs qui voulaient montrer qu’ils agissaient pour le pays (agir = réformer). Certes, Jacques Chirac a été loin d’être un Président "efficace", dans le sens où ses années au pouvoir n’ont pas toujours été très utiles au pays, et il est l’archétype de l’homo politicus de la Cinquième République, du début jusqu’à la fin de sa carrière, cumulant mandats et responsabilités, et se donnant tout entier à sa passion dévorante, l’ambition politique. Mais il y a une chose qu’on a pu apprendre de Jacques Chirac au fil de son existence, c’est son humanisme.

Très loin du l’image du "Chirac facho" associée à lui à la fin des années 1970 et début des années 1980, très commune finalement pour les jeunes loups prêts à tirer sans sommation et avec mauvaise foi par esprit partisan (Nicolas Sarkozy a eu la même image d'arrogance au même âge, tout aussi inappropriée et insultante pour les victimes du fascisme), Jacques Chirac était un authentique humaniste, c’est-à-dire une personne qui considère que l’être humain est le premier des trésors à protéger et promouvoir.

Oh, évidemment ! Tout le monde est humaniste de nos jours (et c’est heureux), certains sont même capables d’en faire une sorte d’étendard électoraliste (c’est moins heureux), mais ceux qui s’en revendiquent trop explicitement me font toujours peur : il y a ceux qui parlent et il y a ceux qui agissent ; ce sont rarement les mêmes.

D’ailleurs, la crise sanitaire actuelle est aussi une leçon de vérité pour beaucoup de monde, selon les déclarations des uns et des autres. Michel Houellebecq l’a évoqué lorsqu’il parle d’impudeur de trouver plus normal que des personnes âgées (âge limite à définir) meurent du covid-19 que des plus jeunes. Il n’y a rien de normal et d’acceptable quand on n’a pas tout fait pour empêcher, non pas la mort (personne n’a jamais prétendu à l’immortalité, ou alors quelques dérangés mentaux), mais la propagation de la pandémie. Les médecins ne sont pas des magiciens, n’ont pas de potion magique, et feront tout pour sauver toute personne qui a besoin de soins, quels que soient son âge, son statut, sa nationalité, son origine, etc. La seule limite est le refus d’un acharnement thérapeutique, dont, certes, les contours sont assez flous mais ne peuvent absolument pas se confondre avec l’euthanasie voire la volonté délibérée de refus de soins sous prétexte d’âge ou d’autre chose.

Jacques Chirac, lui, s’affichait rarement comme étant explicitement un "humaniste", surtout par pudeur personnelle. Le 14 juillet 2002, il a pourtant lancé de nombreux chantiers humanistes et consensuels, pour réduire les hécatombes : lutte contre le cancer, lutte contre l’insécurité routière, lutte contre le sida, et aussi, insertion dans la société des personnes en situation de handicap. C’est Jacques Chirac qui a révolutionné le regard que la société porte aux enfants en situation de handicap avec une loi en 2005 pour les scolariser comme les autres enfants. Pourquoi avoir attendu si longtemps ? Certes, la loi est imparfaite et surtout, son application est compliquée car il faut faire appel à des assistants de vie qui coûtent cher aux finances publiques, mais il y a eu changement de paradigme. Mais avant 2005, il n’y avait rien dans la législation.

Ce qui est révoltant et a révolté le Président de la cinquième puissance mondiale, c’était la situation sanitaire dans les pays surtout pauvres, où l’on meurt encore beaucoup de tuberculose, du paludisme, et du sida. Pour le sida, on n’en guérit toujours pas mais la trithérapie coûtait très cher, et pour les autres maladies, on était capable de les soigner, à condition d’y mettre le budget. C’est pour cela que pour lui, le développement est le premier défi de la diplomatie et sa position faisait qu’il pouvait faire quelque chose de constructif.

Lorsqu’il s’est rendu pour la première fois au Forum de Davos, le 26 janvier 2005, il n’y était pas allé avec beaucoup d’enthousiasme, peu favorable aux grand-messes du monde économique, mais il avait compris que c’était à cette tribune qu’il pouvait toucher le plus possible ses interlocuteurs, à savoir, les dirigeants des autres puissances économiques du monde. Quand il a parlé d’intérêts économiques bien compris, il ne fallait d’ailleurs pas y voir du cynisme mais de l’efficacité, au même titre que si la France décidait de ne pas financer le soin de personnes étrangères en situation irrégulière, cela coûterait très cher à la population française, car (encore une fois), non seulement les virus ne connaissent pas les frontières, mais ils ne connaissent pas non plus les nationalités.

L’efficacité, c’est de faire comprendre à ceux qui ont un pouvoir financier (dirigeants politiques et acteurs économiques) que la morale va dans le même sens que leurs intérêts économiques. On voit bien d’ailleurs que l’intérêt sanitaire va dans le sens de l’intérêt économique : si on ne casse pas l’épidémie du covid-19, les économies ne redémarreront jamais. Certes, le confinement a ébranlé les économies, mais l’absence de confinement aurait très largement aggravé la situation sanitaire au niveau mondial et aurait continué à paralyser les économies. C’est dans le même sens qu’on ne peut pas imaginer le succès d’une politique de transition écologique qui irait à l’encontre de l’intérêt économique. Si la vertu affronte l’argent, hélas, l’argent a de grandes chances de gagner la bataille, en revanche, les batailles se gagnent plus facilement si l’argent est l’allié de la vertu.

L’ONU a profité de l’an 2000 pour proposer des "Objectifs du Millénaire pour le développement" avec pour horizon 2015 (dépassé), en mettant la santé comme priorité à l’aide publique au développement, dans trois batailles contre les maladies : le sida, la tuberculose et le paludisme. Par exemple, en Afrique et en Asie, seulement 1,8 milliard de dollars ont été levés en 2010 pour le paludisme alors qu’il en faudrait 6 milliards (selon l’OMS). L’argent réglerait une partie du problème (pas tout, la recherche médicale aussi).

Jacques Chirac considérait qu’il était "assez facile" de venir à bout de grandes maladies comme la tuberculose et le paludisme, par exemple, avec des fonds finalement pas si élevés que cela à l’échelle mondiale. Mais comment trouver les fonds ? L’idée d’une taxation des vols aériens a rapidement fleuri. Notons que taxer et encore taxer est peu une position "libérale" et encore moins une position dite "de droite". Ce serait plutôt une position "collectiviste" (ou une facilité, faute de trouver d’autres moyens que la charité publique).

L’idée de cette taxe datait du rapport rédigé par Jean-Pierre Landau, inspecteur général des finances et conseiller financier à l’ambassade de France à Londres, publié le 1er septembre 2004 sur les nouvelles contributions financières internationales (lettre de mission du 21 octobre 2003, rapport remis le 14 mai 2004). Dans ce rapport, le groupe d’étude l’envisageait pour réduire la pollution aérienne : « la taxe directe des billets, qu permettrait de discriminer entre les passagers et, le cas échéant, les destinations, afin d’éviter de pénaliser le tourisme vers les pays en développement ». Et de l’évaluer : « Une taxe de 5% sur le prix des billets de première classe et de classe affaires dégagerait de l’ordre de 8 milliards de dollars US. ». À condition que tous les pays l’appliquent.

Dans le second tome de ses mémoires ("Le temps présidentiel", sorti en 2011 chez Nil), Jacques Chirac a explicité son idée : « Parmi les solutions de financement (…), je défends celle, moins ambitieuse que d’autres, mais sans doute plus commode à réaliser, d’un "faible prélèvement sur les trois milliards de billets d’avion vendus annuellement", à raison, dans l’immédiat, d’un dollar par billet. "Ce qui frappe, leur dis-je en conclusion, c’est la disproportion entre la modestie de l’effort nécessaire et les bénéfices qui en résulteraient pour tous". ».

Concrètement, le Président Chirac a fait adopter ce principe de taxe sur les vols aériens par la France, le Brésil (dirigé par Lula), le Royaume-Uni, la Norvège et le Chili, au cours d’une conférence ministérielle à Paris le 14 juillet 2005, puis il a écrit à cent quarante-cinq chefs d’État ou de gouvernement pour leur proposer d’instituer cette taxe qui était relativement facile à mettre en place. Finalement, très peu de pays ont répondu positivement à son appel, une trentaine, et encore moins ont réellement mis en place cette taxe (en 2013, huit autres pays ont rejoint les cinq premiers : Madagascar, la Corée du Sud, le Congo-Brazzaville, le Maroc, le Cameroun, le Mali, l’île Maurice et le Niger). Ajoutons que la solidarité européenne n’a pas joué dans cette "diplomatie sanitaire", ce qui est tout à fait regrettable (j’ai expliqué que "l’Europe de la Santé" n’existait pas et qu’il faudrait un jour la construire).

Sans attendre une entente internationale qui aurait peu de chance d’aboutir, Jacques Chirac a fait en sorte que la France appliquât cette mesure immédiatement, malgré la contestation de sa propre majorité UMP. Outre la réticence à augmenter taxes et impôts dans un pays déjà excessivement taxé et imposé, il y avait aussi cette crainte que si cette taxe était appliquée seulement en France, la compagnie aérienne Air France serait handicapée par rapport à ses concurrents. En effet, les seules taxes possibles portent sur les vols au départ du pays qui les met en place, et Air France est la compagnie qui a le plus de départs depuis la France (ce qui est normal), et donc, se voit désavantagé si les pays originaires de ses concurrents ne mettent pas également en place cette taxe.

Déposé le 23 novembre 2005, le projet de loi de finances rectificative pour 2005 a été adopté par les députés le 22 décembre 2005 après un débat houleux. L’article 22 de cette loi n°2005-1720 du 30 décembre 2005 a introduit la taxe de solidarité sur les billets d’avion : « Il est créé un fonds de solidarité pour le développement dont l’objet est de contribuer au financement des pays en développement et de tendre à réaliser les "objectifs du millénaire pour le développement", notamment dans le domaine de la santé. (…) Les montants (…) font l’objet d’une majoration au profit du fonds de solidarité pour le développement. Un décret fixe le montant de cette majoration, dans la limite respectivement de 1 euro et de 4 euros, ou, lorsque le passager peut bénéficier sans supplément de prix à bord de services auxquels l’ensemble des passagers ne pourrait accéder gratuitement, de 10 euros et de 40 euros. ».

Dans ses mémoires, Jacques Chirac l’a évoqué : « Dois-je encore m’étonner ? C’est dans les rangs de l’UMP que sont venues les critiques les plus assassines. Tel député prédisant que trois mille emplois allaient être supprimés du fait de cette taxe. Tel autre assurant qu’elle aurait des conséquences aussi désastreuses sur notre économie que les 35 heures. (…) J’ai apprécié, dans le même temps, le courage avec lequel Jean-François Copé, alors Ministre du Budget, a su défendre ce projet qui ne méritait pas d’être à ce point contesté par des éléments de notre propre majorité. ». Rappelons qu’à l’époque, l’UMP était présidée par …Nicolas Sarkozy.

La taxe, appelée "taxe Chirac", est appliquée en France depuis le 1er juillet 2006. Par la suite, elle a été relevée de 12,7% le 16 novembre 2016 lors d’une réunion du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement. Les craintes économiques sur l’impact financier n’étaient pas vraiment fondées. Au Salon du Bourget, en juillet 2007, après un an d’application de la taxe, le PDG d’Air France-KLM a lui-même reconnu : « Bien sûr, au départ, nous avons constaté une incidence négative sur le transports, mais rapidement, cela s’est estompé, le niveau de taxe fixé étant raisonnable. ». Le rapport Emmanuelli (voir plus loin) a lui aussi affirmé : « En dépit de la levée de boucliers suscitée à l’époque de son lancement, la taxe n’a eu aucun effet négatif sur le trafic ou les emplois du secteur aérien et la collecte n’a pas trop souffert de la crise financière. » (12 juillet 2011).

D’un point de vue diplomatique, l’action de Philippe Douste-Blazy (homme politique et cardiologue) a été déterminante. Alors Ministre des Solidarités, de la Santé et de la Famille du 31 mars 2004 au 31 mai 2005, il fut nommé Ministre des Affaires étrangères du 2 juin 2005 au 15 mai 2007, dans le gouvernement de Dominique de Villepin. Ce fut donc avec ces deux casquettes, chef de la diplomatie française et grand connaisseur de la santé publique (médecin et ancien ministre de la santé), qu’il a réussi à mobiliser les forces vives de la "communauté internationale" (au concept très flou).

Ces actions ont débouché sur la création du fonds international Unitaid, lancée le 2 juin 2006 à New York au cours d’une conférence des Nations Unies sur le sida. Le 3 mars 2007, Philippe Douste-Blazy fut élu pour en assurer la présidence sous les auspices de l’ONU (jusqu’au 23 juin 2016 ; l’ancien ministre a également été candidat à la direction générale de l’OMS en 2016). Élue le 29 mai 2019, l’ancienne Ministre de la Santé Marisol Touraine est l’actuelle présidente d’Unitaid depuis le 20 juin 2019. Elle a succédé à Celso Amorim, qui fut le Ministre brésilien des Affaires étrangères lorsque Unitaid fut lancée.

Dans une déclaration à Paris le 3 novembre 2006, Jacques Chirac a justifié la création d’Unitaid : « La France a concrétisé ses promesses. En créant le Fonds de solidarité thérapeutique international, nous avons démontré qu’il n’y avait pas de fatalité : oui, l’accès aux traitements antiviraux dans les pays du Sud était possible. Depuis, la France a activement soutenu la création du Fonds mondial, premier instrument multilatéral de financement de la prévention et du traitement du sida, de la tuberculose et du paludisme. (…) C’est pourquoi la France a mis en place au 1er juillet dernier une contribution de solidarité sur les billets d’avion : l’essentiel de son produit sera affecté à Unitaid, la facilité internationale d’achat de médicaments. L’idée de ce type de financement innovant est simple, elle est aussi juste : affecter une proportion infime des immenses richesses générées par l’accélération des échanges, pour qu’à la mondialisation de l’économie réponde la mondialisation de la solidarité. ». C’est de l’humanisme par les faits, pas par de belles paroles.

_yartiChirac2020A02

Dans une tribune publiée dans "La Croix" le 26 septembre 2006, Philippe Douste-Blazy a, de son côté, expliqué la démarche de la France ainsi : « Les diplomates ont dû (…) s’emparer de nouveaux sujets, du réchauffement climatique à la lutte contre les pandémies. (…) La France a entrepris une démarche pionnière en lançant l’idée d’une contribution internationale de solidarité sur les billets d’avion et en proposant la création d’Unitaid. (…) Ce financement innovant permettra, à un niveau d’une ampleur inégalée, de sécuriser et de renforcer l’approvisionnement durable des pays du Sud en médicaments. (…) La santé publique est aujourd’hui une question politique et diplomatique de premier ordre, inscrite dans les grands agendas internationaux. Au-delà de la question éthique, nous devons prendre conscience de l’enjeu que représentent ces questions au niveau de la politique étrangère. Au-delà de l’exigence de dignité, un pays qui n’a ni système de santé, ni politique de prévention, ni accès aux médicaments est un pays fragilisé, sujet à toutes les déstabilisations. ».

Parallèlement à cette mission, Philippe Douste-Blazy a été nommé Secrétaire Général adjoint de l’ONU chargé de ce projet du 19 février 2008 au 19 février 2017 (fonction bénévole), et à ce titre, il a tenté également de lancer le programme humanitaire MassiveGood le 4 mars 2010, mais sans succès (cela coûtait plus cher que cela n’a remporté), dont l’idée était de permettre des micro-dons par les voyageurs de vol aérien (quelques euros ou dollars), mais le coût du logiciel (qui a été par la suite utilisé dans d’autres programmes) a plombé financièrement le projet. Ce projet était pourtant important car beaucoup de pays ont refusé d’imposer une nouvelle taxe et ont seulement encouragé les dons (volontaires).

En 2007, Unitaid a pu collecter 300 millions de dollars et en 2008, 500 millions. Parmi les actions très importantes d’Unitaid, la réussite, le 8 mai 2007, des négociations, par l’intermédiaire de la fondation de l’ancien Président américain Bill Clinton, avec l’industrie pharmaceutique a permis de réduire les prix des médicaments de la trithérapie pour soigner les personnes atteintes du sida de 25 à 50% dans soixante-six pays pauvres. Dans le monde, 5 millions de personnes malades du sida n’avaient pas accès aux soins sur les 7 millions qui en auraient eu besoin.

Selon Unitaid, entre 2006 et 2013, Unitaid a reçu au total 2,2 milliards de dollars de contributions (dont 1,3 milliard de dollars provenant de la France, soit 60%) et a engagé 1,9 milliard de dollars pour des projets de lutte contre le paludisme, le sida et la tuberculose (14% sont consacrés aux frais de fonctionnement). Rien que dans l’achat de produits (médicaments, vaccins, etc.), entre 2007 et 2015, Unitaid a consacré 560 millions de dollars dans la lutte contre le paludisme, 530 millions de dollars contre le sida et 162 millions de dollars contre la tuberculose. Quatre-vingt-huit pays ont bénéficié de subvention d’Unitaid dans l’achat de médicaments, en particulier ceux correspondant aux besoins en matière de diagnostic et de thérapeutique du sida ou de la tuberculose multirésistante (entre 2006 et 2011, plus de 270 000 enfants malades du sida et 750 000 enfants atteints de la tuberculose ont été traités grâce à l’action d’Unitaid). Rien que sur les fonds français, selon le Quai d’Orsay, 5,6 millions de malades ont été soignés en 2009, dont 5,1milllions pour le paludisme, 250 000 pour la tuberculose et 240 000 pour le sida.

Plus récemment, lors de la Journée mondiale du paludisme le 24 avril 2020, le directeur exécutif d’Unitaid Philippe Duneton a rappelé que les objectifs d’Unitaid restaient inchangés malgré la pandémie du covid-19 : « Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre les bénéfices de plus d’une décennie de travail dans la lutte contre le paludisme, et courir le risque d’une recrudescence d’une maladie qui tue plus de 400 000 personnes chaque année, dont beaucoup d’enfants. ». En 2018, il y avait 228 millions de cas de paludisme, et l’objectif ambitieux de l’OMS est d’éradiquer l’épidémie d’ici à 2030. Grâce à l’aide internationale, 600 000 personnes atteintes du paludisme sont sauvées chaque année. Unitaid fonctionne par de nombreux projets de développement. Son aide annuelle dans la lutte contre le paludisme est passée de 150 millions de dollars en 2015 à 350 millions de dollars en 2020.

Unitaid ne se préoccupe pas seulement du sida, du paludisme et de la tuberculose. En octobre 2018, Unitaid s’est engagée pour lutter contre l’hépatite C dont la situation mondiale est préoccupante : dans le monde, 71 millions de personnes souffrent d’une infection chronique au VHC (hépatite C) à comparer aux 37 millions de personnes qui vivent avec le VIH (sida). Mais seulement 4% des malades de l’hépatite C sont traités (à comparer aux 59% des porteurs du VIH traités). L’objectif d’Unitaid est d’éliminer l’hépatite C grâce à des nouveaux médicaments depuis 2015 (appelés des antiviraux à action directe).

Lors du dixième anniversaire d’Unitaid, le Ministre français des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault a déclaré le 23 juin 2016 à Paris : « La naissance d’Unitaid est étroitement associée à celle des financements innovants et plus particulièrement à la taxe sur les billets d’avion. Cette taxe, adoptée à Paris en 2005, qui partait du principe qu’il était légitime de faire contribuer un secteur emblématique de la mondialisation à la solidarité internationale, apporte aujourd’hui plus de la moitié des financements d’Unitaid. (…) En agrégeant la demande mondiale, Unitaid a permis de diviser le prix des traitements contre le VIH par 10 et de multiplier le nombre de personnes bénéficiant de ces médicaments également par 10. En favorisant des diagnostics innovants, le plus tôt possible, elle fait aussi mieux : le taux de détection de la tuberculose pharmaco-résistante a doublé. Et innover, c’est également créer des solutions là où elles n’existent pas. Unitaid utilise sa position unique sur le marché mondial des médicaments pour inciter l’industrie à fournir des solutions à des besoins trop souvent négligés. (…) Le Président Jacques Chirac fait partie des pionniers qui ont suivi, on pourrait le dire, une intuition, celle du rôle majeur que devaient jouer les financements innovants dans le combat pour la santé mondiale. Je voudrais saluer l’œuvre qui a été la sienne car elle ne partait pas seulement de l’intuition dont je viens de parler mais elle partait aussi du cœur et du refus de cette inégalité majeure face aux exigences légitimes en matière de santé. ».

Revenons à la France. En 2012, la taxe Chirac (française) a levé 185 millions d’euros. 90% des produits de la taxe Chirac (taxe française) sont reversés à Unitaid : entre 2007 et 2010, la France a levé 546 millions d’euros, et elle a versé 496 millions d’euros à Unitaid, et 50 millions à un fonds créé par l’Agence française de développement (AFD). Selon un rapport parlementaire déposé à la Présidence de l’Assemblée Nationale le 12 juillet 2011 par l'ancien ministre Henri Emmanuelli (rapport n°3645), la France a contribué à Unitaid à hauteur de 70% pour la période 2006-2010 (60% pour la période 2006-2013, information hors rapport, indiquée plus haut), ce qui montre son isolement international. Ce n’est pas la taxation des vols aériens qui pose des problèmes aux autres pays, mais son affectation à l’aide sanitaire dans les pays pauvres, souvent, la priorité est donnée aux enjeux nationaux comme la réduction du déficit public en Allemagne.

Lors d’une réunion de la commission des finances de l’Assemblée Nationale, le 15 février 2011, celui qui était à l’époque son président, Jérôme Cahuzac, a déploré l’absence de reconnaissance à la France pour sa contribution majeure aux fonds : « Apparemment, les fonds sont bien mobilisés, plus de 540 millions d’euros en moins de quatre ans, et arrivent à leurs destinataires ; en revanche, ces derniers ignorent le rôle déterminant joué par la France dans cette aide. ».

C’est d’ailleurs l’un des titres de chapitre du rapport Emmanuelli : "Une collecte efficace mais une communication insuffisante pour un financement innovant" en insistant sur « l’insuffisante information des voyageurs et du Parlement sur cette taxe ». Et de suggérer : « Malgré son montant très faible, l’absence de toute mention de la taxe sur le billet d’avion acheté, et de promotion de la taxe dans la communication des compagnies aériennes, est regrettable. Pour minime que soit le montant du prélèvement, l’acheteur-contribuable a le droit d’être informé (…). Par ailleurs, la communication des objectifs de la taxe doit être mieux reprise par les compagnies aériennes si la France, plaque tournante du tourisme international, souhaite promouvoir le dispositif d la taxe auprès d’autres pays. ».

Certains ont alors considéré (en voulant la remettre en cause) que l’aide multilatérale de la France n’était pas efficace en termes de visibilité, mais Philippe Douste-Blazy, alors président (français) d’Unitaid, a rejeté ce genre d’arguments : « Quand les médicaments sont donnés par des Américains, Unitaid est américaine, mais elle serait française si les Français étaient sur place. Plutôt que de la remettre en cause, il faudrait faire en sorte que la France ait les moyens d’utiliser l’argent. ». Là aussi, le rapport Emmanuelli a un titre de chapitre très à-propos : "Faute d’opérateur français, la visibilité de l’effort français dans les pays aidés est inexistante". Le rapport constate en effet : « L’aide apportée par la France, quatrième bailleur de fonds de l’aide mondiale à la lutte contre le sida, reste largement méconnue (…). Compte tenu de l’effort contributif national, il est regrettable que les ONG françaises ne soient pas assez puissantes ou structurées pour faire partie des opérateurs. ».

Certes, cette taxe de solidarité sur les billets d’avion n’a pas été généralisée dans tous les pays du monde, ce qui aurait apporté des fonds supplémentaires pour combattre la malaria, la tuberculose et dans une moindre mesure, le sida, dans le monde, qui sont de terribles fléaux sanitaires. Certes aussi, la pandémie du covid-19 et la paralysie du transport aérien mondial pendant cette crise sanitaire ont anéanti l’effet de cette taxe pendant plusieurs mois cette année, ce qui va avoir des conséquences dramatiques dans les programmes sanitaires d’Unitaid.

Mais justement, s’il avait fallu attendre l’accord de toutes les nations du monde, le fonds de solidarité n’aurait jamais existé. Jacques Chirac n’a pas attendu, il a pris ses responsabilités et a agi avec les seuls leviers qu’il maîtrisait, c’est-à-dire la fiscalité nationale. C’est en cela que Jacques Chirac n’était pas seulement un "humaniste croyant" ; il était avant tout un "humaniste pratiquant".


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (05 mai 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le covid-19.
La malaria (le paludisme).
Le sida.
Unitaid et la taxe de solidarité sur les billets d’avion.
Chirac, l’humanisme sanitaire en pratique.
HiroChirac mon amour.
On a tous quelque chose de Chirac.
Le dernier bain de foule de Jacques Chirac, l’universaliste.
Chirac au Panthéon ?
À l’heure où Jacques Chirac entre dans l’Histoire…
Jacques Chirac a 86 ans : comment va-t-il ?
Présidence Chirac (1) : les huit dates heureuses.
Présidence Chirac (2) : les huit dates malheureuses.
Jacques Chirac contre toutes les formes d'extrême droite.
Jacques Chirac et la paix au Proche-Orient.
Sur les décombres de l'UMP, Jacques Chirac octogénaire.
Jacques Chirac fut-il un grand Président ?
Une fondation en guise de retraite.
L’héritier du gaulllisme.
…et du pompidolisme.
Jérôme Monod.
Un bébé Chirac.
Allocution télévisée de Jacques Chirac le 11 mars 2007 (texte intégral).
Discours de Jacques Chirac le 16 juillet 1995.

_yartiChirac2020A01



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20060602-unitaid.html

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/05/06/38266375.html


 

Partager cet article
Repost0
1 juin 2020 1 01 /06 /juin /2020 03:53

« Les maladies du cœur, aussi bien que celles du corps, viennent à cheval et en poste, mais elles s’en revont à pied et au petit pas. » (Saint François de Sales, protecteur des journalistes, 1609).



_yartiMazerolleOlivier01

Longtemps journaliste de la radio RTL, de 1980 à 2001 (et aussi de 2015 à 2017), Olivier Mazerolle est devenu une star du journalisme politique à la télévision. Ce qu’on appelle "mandarin" chez les médecins. Il a longtemps animé l’une des émissions politiques les plus anciennes du paysage audiovisuel français, "Le Grand Jury" sur RTL avec des partenaires divers en fonction des périodes ("Le Monde", "Le Figaro", LCI, etc.). Olivier Mazerolle a eu aussi des fonctions managériales, comme directeur de l’information puis directeur général adjoint de RTL.

Passé au service public comme directeur de l’information de la chaîne France 2 de 2001 à 2005, Olivier Mazerolle a fait partie de ces journalistes qui comptaient, avec l’animation de l’émission politique régulière de la chaîne (avec Alain Duhamel puis avec Arlette Chabot). C’est lui qui a notamment recruté David Pujadas en 2001 en poste sur LCI. Une "mésaventure" à propos d’une "fausse information" annoncée trop prématurément en février 2004 (sur le retrait politique de l’ancien Premier Ministre Alain Juppé) a réduit une certaine arrogance, celle de croire planer sur l’information nationale.

Disons-le, c’est connu dans tous les métiers, dans toutes les professions, quand on atteint des postes très en vue, c’est toujours difficile de résister et de garder la tête froide. Les journalistes ne sont pas plus arrogants que les autres, seulement ils s’affichent plus facilement car c’est leur métier de s’afficher. À cela, il faut ajouter qu’un bon journaliste est maintenant celui qui a de l’audience, pas celui qui analyse bien. Et un accroc rend souvent plus humble.

Olivier Mazerolle a ainsi trouvé une terre d’asile sur BFM-TV de 2005 à 2013, puis, après une aventure provençale (Bernard Tapie lui a proposé la direction de la rédaction de "La Provence" de 2013 à 2014), et un retour sur RTL, le voici maintenant sur …LCI.

Ce mercredi 27 mai 2020, c’était donc un nouvel embauché qui se retrouvait sur le plateau de LCI, interrogé par …son ancien poulain, David Pujadas (lui-même évincé de France 2 et repêché par LCI). Un entretien plein d’humilité et même si c’était pour un drame, un drame hélas assez commun en temps de crise sanitaire, humilité a rimé avec sincérité. Envolée l’arrogance, envolé ce sentiment d’être convaincu d’être les meilleurs. Humilité.

Olivier Mazerolle n’était plus l’intervieweur mais l’interviewé, pour témoigner. Car il a été malade du covid-19 et il a été hospitalisé (comme plus de 100 000 Français). Je crois qu’il est sorti de l’hôpital le 18 avril. Il a simplement raconté sa mésaventure. Simplement, sans se victimiser, sans non plus de l’égocentrisme (il sait bien qu’il n’a pas été le seul), mais juste pour faire savoir. Son témoignage l’honore d’autant plus qu’il était très loin de vouloir s’impliquer dans une polémique pseudo-médicale (voir plus loin) qui le concernait pourtant.

Il a commencé à avoir les symptômes du covid-19 le 15 mars. Une fièvre qui frôlait les 39°C. Suivi par son médecin traitant, il est allé aux urgences. Toujours pour refuser la polémique, il a refusé de dire dans quel hôpital, car il n’en voulait à aucun soignant mais voudrait dénoncer un système. Aux urgences, il se sentait vraiment pris pour un c@n. On lui a dit de repartir chez lui avec du Doliprane, et en cas de difficultés pour respirer, d’appeler le 15. C’était très commun. Et angoissant. L’idée d’être abandonné dans la nature.

Plusieurs jours sont passés et la fièvre s’est intensifiée. Le médecin traitant lui a conseillé de retourner aux urgences. Il y est allé (ailleurs ?) avec un mot de recommandation de son médecin. Là, il a été très bien suivi, on l’a hospitalisé, mis sous oxygène. C’était grave, mais autant les quatre jours restés chez lui l’ont beaucoup angoissé, l’impression de ne pas avoir été pris en charge, autant, une fois hospitalisé, il a eu l’impression d’être comme un bébé, l’impression qu’on s’occupait (enfin) de lui, même si c’était parfois assez dur (perfusion, prise de sang, etc.).

Pendant ces jours de début d’hospitalisation, il était encore conscient mais parfois dans les vapeurs, et un membre de sa famille et lui-même aussi ont insisté pour être soigné avec l’hydroxychloroquine (voyez pourquoi je parle de polémique plus haut). Cela a duré quelques jours pour se décider : certains médecins étaient opposés à sa prescription et après réunion des médecins du service, il a finalement été accepté le principe de le traiter à l’hydroxychloroquine, comme traitement dit compassionnel (il ne fait pas d’effet, mais il est demandé par le patient et s’il sait ce qu’il risque, pourquoi pas ?). Et en effet, il a été informé des risques pour son cœur. Il a quand même… 77 ans (eh oui), ce n’est pas rien. Il a signé une décharge et a été soigné à l’hydroxychloroquine.

_yartiMazerolleOlivier02

Dans son témoignage, il a expliqué sans passion qu’il n’a pas de position sur cette molécule mais qu’il a constaté, une fois sorti de l’hôpital, en lisant son dossier médical, que cela allait mieux les jours après avoir pris ce médicament. Évidemment, il est conscient que cela ne constitue pas une preuve scientifique et que peut-être que cela aurait mieux allé aussi sans cette molécule (il était bien suivi). Son témoignage n’a pas eu pour but de replonger dans la polémique avec le professeur Didier Raoult, mais plutôt pour dénoncer quelques dysfonctionnements.

Cependant, restons brièvement sur l’hydroxychloroquine et insistons pour dire que lorsque les "partisans" de sa supposée efficacité passent leur temps à démolir une étude (de "The Lancet") qui conclut à son inefficacité (confirmée dans tous les pays par quasiment toutes les études), c’est toujours suspect : ils feraient mieux (ce serait logique) de passer du temps plutôt à prouver son efficacité. Refuser de faire les tests cliniques selon les protocoles de recherche reconnus, c’est admettre finalement que la molécule n’a aucun effet.

Quant à Olivier Mazerolle, visiblement, il n’a pas pris l’hydroxychloroquine selon la procédure Raoult puisqu’il était déjà très engagé dans la maladie, sous assistance d’oxygène depuis plusieurs jours et avec une forte fièvre (on lui a d’ailleurs dit que s’il était venu aux urgences un jour plus tard, il aurait été en réanimation avec tout ce que cela comportait en termes de mortalité).

Bref, Olivier Mazerolle est revenu de loin et après plus d’un mois de convalescence, il lui a paru nécessaire d’apporter son témoignage. Bravo à lui pour ce courage et surtout, sa volonté de neutralité et d’objectivité.

Ce qu’il a dit est intéressant car il a confirmé d’autres témoignages d’anciens malades et aussi, cela en dit long sur le système de santé : il y a un véritable fossé entre la médecine de ville (les généralistes) et la médecine hospitalière. Et c’est à son avis (et je pense qu’il a raison) un grand dysfonctionnement car qui connaît mieux le patient que son médecin traitant ? Il a eu l’impression d’avoir été un numéro aux premières urgences et que la connaissance du patient ne comptait pas.

C’est une impression et quand on lit aussi certains témoignages d’urgentistes dans la seconde quinzaine de mars (au plus fort de l’épidémie), l’aspect très impersonnel pouvait se concevoir en raison du nombre de patients à traiter. L’un a mis dans son journal de bord qu’à un moment, comme seule connaissance du patient aux urgences, c’était : à intuber ou pas ?

Mais ce fossé entre les deux médecines est effectivement regrettable. Les médecins de ville ont été mis "dans la boucle" du covid seulement très tardivement, au milieu du mois de mars (avant, c’était l’hôpital qui s’en occupait), ce qui a fait qu’ils ont mis un certain temps à comprendre cette nouvelle maladie. Ce n’est que vers la fin mars qu’on a su, par exemple, que parmi les symptômes les plus fréquents, il y avait la perte de goût et d’odorat, or, à l’hôpital, on ne s’occupe que des cas les plus graves, souvent placés en coma artificiel et ce que ressentent les patients sans forme sévère n’était pas la priorité (et impossible à savoir puisque renvoyés chez eux).

Les médecins de ville ont l’avantage de connaître les patients, leur histoire, de pouvoir discuter avec eux sans être en permanence en situation d’urgence. Ils sont donc complémentaires aux médecins des hôpitaux qui sont évidemment indispensables et précieux en cas de complication.

D’ailleurs, même les statistiques sont hospitalières. Le gouvernement n’a misé que sur la médecine hospitalière, si bien qu’il a fallu attendre le 4 avril pour avoir des statistiques complémentaires aux hôpitaux, à savoir le nombre de cas et de décès en EHPAD et assimilés. Néanmoins, cela ne fournit pas les statistiques des personnes malades du covic-19 qui meurent chez eux. Un syndicat de médecins généralistes avait estimé, selon une étude, 9 000 décès à domicile du covid, néanmoins, cette étude ne m’a paru pas très rigoureuse puisqu’ils ont fait une règle de trois entre les quelque 2 000 médecins qui avaient répondu à un questionnaire et les quelque 55 000 médecins généralistes que compte le pays, pas très rigoureuse car rien n’indique que ceux qui ont répondu soient représentatifs, en termes de covid, à l’ensemble du pays.

Inutile de dire aussi que les tests cliniques ne sont réalisés qu’à l’hôpital, et cela pour plusieurs raisons : il faut une surveillance accrue (pour l’hydroxychloroquine, par exemple, surveillance du cœur), et il faut aussi avoir un retour du patient, c’est-à-dire, pouvoir les observer, pouvoir connaître l’évolution de l’état du patient selon son traitement, or, à domicile, le taux de réponse est très faible tandis qu’à l’hôpital, forcément, le patient est accessible immédiatement pour connaître l’évolution de son état.

La crise d’urgence sanitaire a déjà permis quelques évolutions à mon sens favorables, comme les téléconsultations par Internet de son médecin traitant, quand il n’est pas nécessaire d’avoir une auscultation précise (par exemple, la prescription de médicaments permanents), la consultation à distance paraît la meilleure solution pour les deux, patients et médecins (j’avoue que je n’y croyais pas avant cette crise, je trouve finalement que c’est très efficace). Il reste cependant un effort à faire pour connecter médecin traitant et hôpital, ou plus exactement, service des urgences. Cela risque de se résoudre par un dossier médical partagé plus systématiquement (c’est déjà un peu le cas).

Olivier Mazerolle a eu la formule avec un léger humour de dire qu’il a continué à faire du journalisme, mais en immersion, à la place des malades… parce que malade. Je l’ai donc trouvé très courageux, d’une part, de parler de lui sans faire trop d’ego mais aussi sans trop de pudeur, pour évoquer les dysfonctionnements qu’il a vécus et que beaucoup de patients dans son cas ont vécus, et d’autre part, de ne pas sombrer dans la polémique de l’hydroxychloroquine au contraire de certains de ses contemporains. S’il voulait en prendre, c’est parce qu’il n’imaginait pas ne rien faire pour tenter de guérir.

Au crépuscule de sa carrière de "grand" journaliste, Olivier Mazerolle a repris humblement les habits d’un petit reporter. Inutile de dire qu’il voit la vie maintenant d’un autre œil, éprouvé. Un peu comme Jean d’Ormesson, lui qui n’avait jamais eu aucun souci dans la vie, très éprouvé par sa maladie, et après une accalmie, avait pu témoigner sur le si grand dévouement du personnel soignant avant hélas de sombrer et s’éteindre.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (28 mai 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Olivier Mazerolle.
Alain Duhamel.

_yartiMazerolleOlivier03



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200527-olivier-mazerolle.html

https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/olivier-mazerolle-et-le-covid-19-224851

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/05/28/38329048.html



 

Partager cet article
Repost0
27 mai 2020 3 27 /05 /mai /2020 03:23

« Je cherche l’estime de moi-même (…). La seule chose qui m’intéresse, c’est l’estime de moi-même. » (Didier Raoult, le 26 mai 2020 sur LCI).


_yartiRaoultDidierE03

Ego 1er interrogé par David Pujadas. Quand on entend le professeur Didier Raoult répondre ce mardi 26 mai 2020 au non professeur David Pujadas, sur l’antenne de LCI, on se dit : voici le candidat idéal pour l’élection présidentielle de 2022.

Il faut savoir que le développement d’une candidature, c’est maintenant ou jamais : après l’été 2020, la situation va se figer, il sera difficile aux nouveaux venus du club de devenir un candidat crédible. En mars 2015, Emmanuel Macron avait déjà le charisme et la popularité, et sans doute aussi l’ambition d’aller jusqu’au bout à l’élection de 2017.

Alors, pourquoi Didier Raoult ne serait-il pas le candidat idéal ? Parce qu’il pourrait représenter la candidature anti-système idéale. C’est un leurre, bien sûr, mais s’il est si aimé, voire adulé, c’est justement parce qu’il s’exprime à la fois habilement et clairement, dans un langage accessible et franc. Il est clivant et l’anti-système se nourrit du clivant. Il est populaire, pas seulement populiste, ce qui donne quelques longueurs d’avance aux candidats populistes déjà vaguement déclarés.

Ah, tiens, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon auraient intérêt à se méfier, à force de vouloir soutenir tout ce qui peut s’opposer de près ou de loin au gouvernement, elle pourrait se retrouver très embarrassée par une candidature concurrente qui, pour le coup, ne serait pas répulsive comme la sienne l’a été les deux dernière fois. Après tout, si Pierre Dac n’a même pas été sondé en 1965, Coluche en 1981, Yves Montand en 1988 et Bernard Tapie en 1995 auraient pu bouleverser le jeu politique en prenant entre 10% et 15% d’un électorat par définition d’opposition (ceux de la majorité votant pour le candidat sortant ou son héritier).

Évidemment, ce scénario catastrophe n’arrivera pas. Le professeur Didier Raoult se moque complètement de la politique dont il a une très mauvaise image, d’autant plus mauvaise qu’il est lui-même un sujet de discussion politique. Il était très clair ce mardi 26 mai 2020, et c’était son orgueil, son ego, qui pouvaient convaincre qu’il n’avait aucune tentation politique : « C’est méchant de croire que j’ai pu faire de la politique. Cela voudrait dire que j’ai fait mal mon métier. ». Car il adore son métier, celui de chercheur, et après une douzaine de découvertes, il en a encore d’autres en cours qu’il veut mener à bien (« C’est un orgueil, je n’ai pas envie de changer. »). Tant pis pour ses fans, pour ses adeptes.

Il a d’ailleurs reconnu qu’il ne voudrait pas être en ce moment à la place du Ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran (« Si on m’avait proposé le même métier, je ne l’aurais pas fait. »), tout en lui envoyant une flèche d’autorité en affirmant faire preuve d’indulgence envers lui : « parce que je ne veux pas être désagréable avec lui, il a l’âge d’être mon fils. ».

Dans son long entretien sur LCI, Didier Raoult a été, sur la première moitié, étrangement raisonnable. Un homme modéré, pondéré, sage, qui rappelait qu’il disait toujours « Je n’en sais pas. » avant de répondre à une question sur un virus nouveau, sur une épidémie nouvelle, mais qu’il pouvait ensuite formuler une « hypothèse principale, rien à voir avec une affirmation ». Cette humilité est à son honneur, c’est celle du scientifique, mais elle était malheureusement une posture facile, voire imposture, certes habile, qui pouvait se retourner très facilement avec son orgueil, puisqu’il rappelait qu’il était également un enseignant et qu’il apprenait à ses étudiants, savoir dire "je ne sais pas" quand on ne sait pas (il a même affirmé piéger ses étudiants en leur posant des questions impossibles pour révéler ceux qui se sentaient obligés d’y répondre !).

Oui, orgueil, amour-propre, vanité, ego surdimensionné (ce qui en fait donc un atout pour une candidature présidentielle !), c’est cela qu’il a exprimé, d’abord de manière mesurée, puis, à partir du moment où le sujet de l’hydroxychloroquine a été abordé, de manière odieuse, orgueilleuse et arrogante, et sa première victime fut le pauvre David Pujadas, le journaliste au sourire pitoyablement niais qui s’est laissé très facilement manœuvrer par son invité.

Très mauvaise semaine pour Didier Raoult : le Haut conseil de la santé publique venait de recommander l’arrêt de prescription de l’hydroxychloroquine par précaution dans la journée : « C’est une opinion comme une autre, je m’en fiche un peu. ». Et de remettre en cause la crédibilité de toutes les instances nationales et internationales (l’OMS a retiré aussi l’hydroxychloroquine) : « Le vrai problème, c’est la crédibilité (…). C’est l’une des questions qui est la plus violente en ce moment. Est-ce qu’on est crédible parce qu’on est nommé ou parce qu’on est crédible tout court ? ». Pas loin du sketch des Inconnus sur la différence entre les chasseurs et les chasseurs.

Cette réflexion a surtout montré un déficit de confiance en soi. En effet, Didier Raoult avait visiblement un complexe d’infériorité pendant toute la durée de l’émission télévisée. On pouvait l’observer se gratter en permanence la barbe, ce qui, d’ailleurs, était contre-indiqué dans les gestes barrières.

C’était encore plus visible à la manière dont il se fatiguait systématiquement à vouloir rabaisser ses interlocuteurs (la terre entière s’il le fallait). À une question du journaliste, il a répondu : « Question intéressante… » et il s’empressa d’ajouter : « Généralement, quand mes étudiants disent une bêtise, je dis que c’est intéressant… ». Ce n’était pas la seule fois : « Vous ne pouvez pas la lire [une publi], ce n’est pas votre métier. ». Ou encore : « Nous avons des difficultés à nous comprendre, car ce nous ne jouons pas dans la même pièce. ». Avec une arrogance qui montrait sa haine des  journalistes : « Vous ne faites pas partie de l’élite ! ».

_yartiRaoultDidierE02

À David Pujadas, montrer sa supériorité était facile, il suffisait de se placer sur le mode professeur/élève. On se souvient que Valéry Giscard d’Estaing avait tenté la manœuvre à son rival François Mitterrand lors d’un duel présidentiel, mais ce dernier avait habilement désamorcé la chose en disant : je ne suis pas votre élève. Ce qu’aurait dû simplement lui rappeler David Pujadas. Au lieu de cela, dans ses petits souliers, il semblait presque fasciné par le charisme de Didier Raoult.

Et du charisme, il n’en manquait pas. Il a trouvé des formules choc. Par exemple, il a rejeté l’idée d’être contre les élites… en rappelant qu’il faisait partie de l’élite (« Moi, je fais partie de l’élite, je m’excuse de dire cela. »), mais en refusant le droit à ses adversaires de faire partie de l’élite, il considérait que c’était une fausse élite. "Moi, je suis intelligent, vous, vous tous, vous être des nuls". Il y a aussi la traduction pour les soignants. "Moi, j’agis, je vois les malades, vous, les autres, ceux qui publient contre ma potion magique, vous n’avez jamais vu de malades depuis longtemps" (« Moi, je fais ! »). C’est insupportable pour ses collègues, ceux des médecins et infirmières qui sont au bord de l’épuisement à Paris et dans le Grand-Est pour sauver le plus de monde possible en réanimation. Les malades aussi apprécieront.

Toujours les arguments d’émotion qui n’ont rien à voir avec la science. Gardant la blouse blanche (ce qui est très efficace en communication : « Je suis dans la vraie vie ! »), il a expliqué qu’il se réunissait tous les matins avec son équipe pour faire le point avec ses malades (mais quel médecin hospitalier ne fait pas sa réunion du matin ?!). Autre argument dénué de toute science : « Les malades, je peux vous dire que je n’ai pas eu de problème avec eux. Aucun n’a porté plainte contre moi, aucun ne s’est plaint sur Internet. ».

Il a précisé à David Pujadas : « Vous n’avez pas le degré de performance dans l’analyse scientifique. » (ce qui est probablement vrai), suivi de : moi, si, j’ai les outils. Et de dire (il a raison aussi) qu’il y a toute une gamme de scientifiques, comme il en est pour les joueurs de football, des petits sportifs de quartier et des grands champions internationaux. Lui, bien sûr, se place dans la seconde catégorie.

Pourtant, il a assuré ne pas chercher à choquer ni à bâtir sa notoriété (qui serait « pesante », selon lui), mais a reconnu qu’il aimait la polémique : « J’adore le conflit intellectuel. ».

Parmi les clivages qui font vivre son image médiatique (qu’il regrettait tout en l’alimentant), il y a cette extraordinaire formule : « Le Paris actuel ressemble au Versailles du XVIIIe siècle. », pour parler de phénomène de cour (en parlant de chuchotements et de déconnexion) et pour dire qu’il n’y a plus de personnes intéressantes à Paris (il n’était pas à une contradiction près car à un autre moment, il disait quand même : « J’en ai discuté avec des amis à Paris… », encore un argument scientifique très nul).

Quand David Pujadas a tenté de dire qu’il n’y avait dans les Alpes-Maritimes pas plus de décès que dans les Bouches-du-Rhône, Didier Raoult a dit que l’urbanisation de Marseille était telle qu’il faudrait comparer avec Lyon ou Paris… alors qu’on pourrait aussi comparer la ville avec Bordeaux, Nantes, par exemple, pas plus touchés que Marseille par la pandémie et qui, pourtant, n’ont pas utilisé l’hydroxychloroquine. Et puis, ce décompte de décès était absolument odieux, c’est comme les polémiques sur le nombre de morts de la Shoah.

Ah, d‘ailleurs, quand on a parlé de ce produit et qu’on lui a dit qu’il n’allait plus avoir le droit de l’utiliser, il a répondu qu’il s’en moquait aussi parce qu’il n’y avait plus de malades chez lui. La dernière guerre mondiale, c’est aussi une référence pour Didier Raoult puisqu’il a expliqué que si l’on ne tentait pas de soigner les malades, si on renonçait avec seulement du Doliprane, c’était comme lors de l’Occupation allemande : « C’est la même chose qu’en 40, dire il n’y a plus rien à faire et donc, on se rend. ».

Il a repris aussi cette référence en disant qu’il craignait la peur dans cette pandémie et a vu dans le confinement une manière de canaliser la peur : « Si le confinement a aidé à gérer la peur, alors c’était une très, très bonne décision politique. Cela a empêché des conduites dangereuses. ». Et il a affirmé qu’il y avait plus de morts à la Débâcle que pendant les combats (affirmation qui mériterait d’être vérifiée), en laissant presque croire qu’il avait vécu cette période (il est né en 1952).

Pourquoi un tel vécu ? Parce qu’il n’a pas hésité pas à insister sur le fait qu’il était fils et petit-fils de résistants, que son père et son grand-père lui ont beaucoup parlé de cette période, et à un autre moment, il a affirmé que c’était rare d’être la quatrième génération d’officiers de la Légion d’honneur. Toujours ces moyens de vouloir sans arrêt se valoriser lui-même tout en dévalorisant les autres, comme si son activité scientifique ne lui suffisait pas. Voici une belle preuve qu’il est friand de la moindre décoration, du moindre honneur et surtout, de la moindre reconnaissance que le système a pu sécréter à ce représentant éclatant …du système.

Cela m’amène naturellement à rappeler que Didier Raoult est le symbole du système, il a reçu la plus grosse subvention publique pour la recherche médicale, il est en partenariat avec les plus grands établissements privés et publics (de là à dire qu’il est vendu à madame BigPharma, je ne le dirai pas même si lui-même ne se prive pas de penser que ses adversaires le sont), etc. Certes, il a perdu quelques "labels" avec de prestigieux centres de recherche (dont le CNRS).

Le sommet de l’argument foireux, c’était quand, à court d’argument scientifique, le grand professeur Didier Raoult, infectiologue connu et reconnu de la terre entière, a répondu à David Pujadas : « Vous voulez faire un sondage entre vous et moi ? » pour dire qui avait raison. Degré zéro de l’esprit scientifique ! Puis, il a rectifié : « Vous voulez faire un sondage entre Véran et moi ? ». Pourquoi ne pas demander par référendum quels médicaments administrer aux malades du covid-19, tant qu’on y est ? Le pire, c’est qu’on trouvera encore des gilets jaunes pour applaudir cette tirade, sans prendre conscience de la grande absurdité de la chose.

En somme, Didier Raoult, certes grand scientifique, a délibérément voulu communiquer en prenant les profanes à témoin (ceux qui l’apprécient le plus seraient selon un sondage récent ceux qui sont les moins diplômés, c’est bizarre pour un représentant de la vraie élite), en privilégiant l’émotion sur la raison. C’est peut-être plus efficace dans les sondages de popularité, mais cela laisse douter de la compétence scientifique.

Appelé à commenter ces nombreux propos souvent péremptoires, le professeur Éric Caumes, chef du service des maladies infectieuses à la Pitié-Salpêtrière, y a renoncé tant il aurait de choses à réfuter, si ce n’est qu’il a juste cité le très opportun théorème de Brandolini qui peut s’énoncer ainsi : la quantité d’énergie pour réfuter des baratins est très largement supérieure à la quantité d’énergie pour produire ces baratins. C’est un théorème énoncé par l’informaticien italien Alberto Brandolini en janvier 2013 (sous le nom de : "bullshit asymmetry principle"). J’aurai au moins appris quelque chose…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (26 mai 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Didier Raoult, candidat des populistes à l’élection présidentielle de 2022 ?
Hydroxychloroquine : l’affaire est entendue…
Didier Raoult, médecin ou gourou ?
Hydroxychloroquine : attention au populisme scientifique !
Polémique avec le professeur Didier Raoult : gardons notre sang-froid !
Le covid-19 n’est pas une "simple grippe"…
Hydroxychloroquine vs covid-19 : Didier Raoult est-il un nouveau Pasteur ?

_yartiRaoultDidierE01



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200526-didier-raoult.html

https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/didier-raoult-candidat-des-224700

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/05/26/38324385.html


 

Partager cet article
Repost0
26 mai 2020 2 26 /05 /mai /2020 03:21

Préférons le principe de solidarité à l’argument stérile de la peur, pour protéger les autres des risques de contamination au covid-19.


_yartiMasque01

Imaginez qu’on sonne à votre porte, tandis que vous regardez tranquillement la télévision (une émission de variétés, par exemple, ou un talk-show, ou même un film). Vous vous levez, vous ouvrez et vous trouvez Gérard Depardieu planté là, devant vous. Vous ne le connaissez pas, lui ne vous connaît pas, aucune de vos relations ne le connaît. Il est tout seul, il vous salue. Quelle est votre première réaction, une fois que vous avez vérifié qu’aucune caméra n’était cachée à un kilomètre à la ronde ? L’incrédulité. On vous fait une farce, ce Gérard Depardieu est un faux, il est un sosie. Il ne peut pas être ce Gérard Depardieu que vous voyiez justement à la télévision au même moment.

Eh bien, pour certains, le coronavirus SARS-CoV-2 joue le rôle de Gérard Depardieu. Ce n’est pas une question de manque d’intelligence, ni une question d’ignorance, d’insouciance ni d’inconscience. Il y a juste une séparation très étanche entre ce qu’on peut regarder à la télévision, ce qui se passe dans le "monde", et sa petite vie personnelle, et l’on imagine mal les interconnexions.

C’est ainsi que durant ces dernières semaines, beaucoup de personnes qui ont eu des symptômes de simple rhume, par exemple (petite fièvre et toux), ont mis plusieurs jours avant d’imaginer l’hypothèse qu’elles pouvaient être infectées au covid-19, et cela malgré le matraquage pourtant généralisé et durable des médias. C’est comme les crimes (cela se passe à côté de chez vous), on emmagasine l’information de manière très théorique, très abstraite, et on la coupe de la réalité personnelle. En revanche, dès qu’il y a perte de goût, comme c’est très singulier, il y a prise de conscience et esprit de responsabilité. Mais plusieurs jours ont ainsi été perdus. Inconsciemment, on croit toujours passer au travers des gouttes. D’où, en ce moment, l’avantage sanitaire des personnes hypocondriaques.

Pourquoi ai-je ainsi évoqué l’épidémie ? Parce qu’il n’y a qu’il y aurait environ 5% de personnes contaminées au niveau national, soit, environ 10 à 20% personnes touchées, de près, par l’épidémie (elles et leur entourage). Pour les autres, c’est donc très théorique. On le voit bien dans les interventions dans les médias, on voit immédiatement ceux qui en parlent de manière théorique et ceux qui, d’une manière ou d’une autre, en sont touchés (et les soignants hospitaliers le sont, évidemment). Dans certains territoires, en Aquitaine, en Bretagne, etc., le taux de contamination est si faible (moins de 1% de la population) qu’on peut comprendre que leurs habitants ne se sentent pas vraiment concernés par le coronavirus (les foyers à Église-Neuve-de-Vergt, Chauvigny, Fleury-les-Aubrais, etc. montrent que les risques sont pourtant réels même sur des territoires où le virus circulerait peu).

C’est un peu le problème des gestes barrières, des mesures de distanciation physique et des masques. Quand on ne se sent pas concerné, l’on n’est pas très rigoureux sur cette pratique qui est pourtant la plus efficace pour éviter la propagation du virus. Nul doute que depuis le début du déconfinement, le 11 mai 2020, les gestes barrières sont généralement assez bien appliqués, ou plutôt, beaucoup mieux appliqués qu’avant le confinement, durant la première quinzaine de mars 2020, où il y a eu une envolée de la contamination (ce qui a nécessité cette mesure d’urgence qu’était le confinement pour enrayer la progression).

Il suffit de regarder comment chacun, y compris moi-même, nous avons réagi lorsqu’on a commencé à parler des gestes barrières. Ne plus faire la bise quatre fois (parce que dans sa région, c’est quatre fois, dit-on souvent) à la charmante jeune collègue, ne plus toucher l’épaule ou le bras de son interlocuteur pour appuyer sa démonstration, ne plus serrer la main comme si on était fâché… Toute une culture sociale à revoir, tout un "logiciel" relationnel à reprogrammer. Ce n’est pas évident.

Selon mes souvenirs, les recommandations des gestes barrières et distanciation physique ont été annoncées la dernière semaine du mois de février 2020. Nul doute que les grandes structures, publiques et encore plus privées, ont été très rigoureuses dans le respect de ces consignes. Rappelons que la loi est très sévère sur la responsabilité pénale des chefs d’établissement et si les mesures préventives n’ont pas été mises en place, cela peut se retourner contre les dirigeants, mesure de responsabilité assez stressante mais très efficace sur les statistiques des accidents du travail. Ainsi, le droit de retrait (invoqué bien avant la période de confinement) par certains salariés (notamment des chauffeurs de bus scolaires) n’est valable que si l’employeur n’a pas mis en place les mesures nécessaires (les consignes sanitaires édictées par le gouvernement).

Mais dans les relations interpersonnelles, quel qu’en soit le cadre, professionnel, associatif, amical, familial, etc., c’est du ressort de la responsabilité individuelle. En ce qui me concernait, j’ai eu deux ou trois jours "flottants". Je saluais en disant que je ne serrais pas la main, mais si mon interlocuteur me tendait la sienne, je la lui serrais quand même, un peu par réflexe pavlovien et aussi parce qu’il est très difficile, humainement, de refuser une main tendue. Après ces quelques jours de flottement, je suis devenu beaucoup plus ferme et j’ai gagné ma capacité à refuser la main tendue (ou pire, la joue tendue). C’est le temps d’une prise de conscience, plus ou moins long en fonction des individus, de leur histoire, de leur culture.

La réaction habituelle de négliger ces gestes barrières (je ne parle pas de se laver les mains, car pour moi, ce n’est pas un geste barrière, c’est de la simple hygiène : je me suis toujours lavé très souvent les mains même hors période d’épidémie), c’était de se dire : "même pas peur !". Une réaction plutôt masculine, voire virile. J’ai noté en effet que les femmes ont réagi positivement beaucoup plus rapidement que les hommes aux gestes barrières (peut-être que certaines d’entre elles ont apprécié d’éviter ainsi les embrassades baveuses de collègues pas très attirants). Moi non plus, je n’avais pas peur.

Ce sentiment d'invulnérabilité est cependant très dangereux. Dans sa chronique du 19 mai 2020, le journaliste Daniel Schneidermann relatait un fait historique appris dans les médias : « Troisième fils de François Ier, Charles II d'Orléans est surtout passé à la postérité par les circonstances de sa mort. En campagne contre l'Anglais dans le Boulonnais en 1545, et mécontent du logement qui lui était réservé, il réquisitionne une demeure dans laquelle huit personnes venaient de mourir de la peste. La peste ? "Jamais fils de France n'est mort de la peste" fanfaronne le prince. Il se roule en riant dans les lits des défunts et, à en croire le nonce du pape qui relate l'histoire, organise une bataille d'oreillers avec ses compagnons d'armes. Il meurt de la peste quelques jours plus tard. » ("Arrêt sur images").

C’est ce paradigme qui a fait qu’il y a une incompréhension sur les gestes barrières. Ne croyez pas que c’est un problème d’égoïsme ou d’égocentrisme. Non, c’est un problème de manque d’imagination. On comprend bien qu’il ne faut pas se toucher pour ne pas propager le virus, mais on ne l’imagine que dans un seul sens : que le virus vienne de l’autre vers soi. Pourquoi ? Parce qu’on n’imagine pas être soi-même porteur du virus, même si on sait qu’il existe une proportion élevée de personnes infectées asymptomatiques, c’est-à-dire qui ne présentent aucun symptôme de la maladie (je ne sais pas si, aujourd’hui, on peut les appeler des "porteurs sains").

Résultat, on n’a pensé que dans un seul sens. Si je respecte les gestes barrière, c’est parce que je ne veux pas attraper le virus, et, par extension, je ne veux pas que ma famille, le cas échéant, en tout cas, tous ceux avec qui je vis sous le même toit, en soient infectés (par moi). Ainsi, les personnes qui vivent à plusieurs font plus attention que ceux qui vivent seuls en se disant : moi, même pas peur, mais pas question de transmettre le virus à ma famille, donc je fais attention. Mais même avec une famille, l’esprit reste le même : se protéger du virus qui vient de l’extérieur.

C’est un peu comme la vitesse sur les routes. Les chauffards roulent comme des fous du volant plus aisément lorsqu’ils sont seuls dans la voiture. S’il y a un conjoint, a fortiori une famille avec des enfants, l’esprit de responsabilité l’emportera plus aisément sur l’extase de la vitesse. Cela suppose évidemment qu’ils ne pensent pas aux autres, à ceux qu’ils pourraient croiser sur la route dans leur course folle.

Dans ce paradigme, le seul argument efficace pour faire respecter les consignes sanitaires est donc le sentiment de peur : j’ai peur d’attraper le virus, j’ai peur que ma famille l’attrape, j’ai peur de faire partie (éventuellement) des personnes vulnérables (qui ne sont pas seulement les personnes de plus de 70 ans ; des adolescents en meurent aussi, et beaucoup de quadragénaires et quinquagénaires en bonne santé, sportifs), etc. Mais cet argument peut être, au contraire, contreproductif, puisque d’autres disent justement "même pas peur !" ou même (c’est le cas pour des fumeurs, des mangeurs de bonne chair, et ils ont peut-être raison) : "faut bien mourir de quelque chose !".

La peur n’a jamais été l’argument idéal parce qu’il est basé sur la contrainte et sur la crainte. C’est un argument négatif. Il n’apporte aucune visibilité, aucun horizon, aucune solution. Or, pour cette épidémie, il y avait un autre argument beaucoup plus efficace et universel, mais à condition de changer de paradigme.

En effet, dès la fin du mois de février, respecter les gestes barrières n’était pas une question de peur ou de pas peur de recevoir le virus, c’était plutôt le risque que moi-même, je pouvais être porteur du virus et donc, les gestes barrières n’évitaient pas ma contamination, mais la contamination de mon interlocuteur. En prenant les choses à l’envers, comme il est possible d’être asymptomatique, on pouvait plus facilement se convaincre de respecter ces gestes : par esprit de responsabilité, et surtout, de solidarité. En particulier chez les plus jeunes. Au lieu de toucher le copain qu’ils peuvent croiser, ils pensent plutôt que s’ils lui transmettaient le virus, celui-ci pourrait contaminer leurs parents voire grands-parents qu’il va voir le week-end.

Pendant le confinement, les médias ont mis en avant la solidarité avec le personnel soignant, pour éviter de saturer les services de réanimation. L’idée est juste, mais beaucoup trop théorique, le passage entre les services hospitaliers très abstraits et la rencontre très concrète avec un ami, c’est le même fossé que Gérard Depardieu qui sonne à ma porte. En revanche, si je peux m’imaginer en train de contaminer les parents d’un ami, je ferai évidemment beaucoup plus attention.

Nous sommes maintenant en période d’après-confinement. Près de 30 000 personnes sont mortes en France du covid-19, peut-être beaucoup plus si l’on prend ceux qui sont morts à domicile, et le paradigme, à mon sens, a encore très peu évolué. Maintenant, ce ne sont plus les gestes barrières qui sont en question, ils sont généralement appliqués, mais le port du masque.

_yartiMasque02

On se doute bien que si le port du masque n’est pas obligatoire dans tout l’espace public, c’est simplement parce qu’on ne peut pas exiger une chose concrètement impossible : cela signifierait en gros qu’il faudrait entre 65 et 130 millions de masques chaque jour, pour les masques à usage unique. Depuis quelques jours, heureusement, il n'y a plus de pénurie (les rayons dans les magasins ne sont plus dévalisés). Je ne m’étends pas sur les raisons de la pénurie qui, il faut vraiment le marteler, n’est pas spécifiquement française. Indépendamment de ce problème de pénurie qui tend néanmoins à se régler, le port du masque est loin d’être généralisé.

Comme je le disais, on en reste avec le paradigme de la protection personnelle. Beaucoup pensent encore que le masque sert à se protéger du virus, ce qui est faux. Ce n’est valable que pour les masques FPP2, qu’utilise le personnel soignant et qui sont relativement rares. Au mieux, le grand public dispose de masques chirurgicaux ou (au pire) de masques dit "alternatifs", "grand public", voire cousus par une charmante "aïeule" (bravo à toutes ces couturières le cœur sur la main et l’aiguille dans l’autre, pour certaines heureuses de participer à l’effort national de lutte contre le virus).

Car l’absence du port du masque reste encore avec les mêmes arguments que le refus des gestes barrières en février et début mars : "même pas peur" (d’attraper le virus). Sauf que ces masques n’empêchent pas du tout d’être infecté. Il est un moyen de protection …des autres, pas de soi. C’est cela qui est important de rappeler : comme les gestes barrières, le masque évite de contaminer les autres, car on peut être contaminé soi-même sans le savoir. Principe de solidarité et pas sentiment de peur (souvent inefficace).

On conçoit que dans cette perspective, c’est un exemple essentiel de responsabilité individuelle qui a des conséquences sur le collectif, sur la santé publique. Chacun peut se moquer des consignes sanitaires (ce n’est pas demain qu’on recrutera un policier derrière chacun de nous pour les faire respecter). C’est ce principe de confiance qu’énonçait Édouard Philippe dès le 28 avril 2020, mais pas confiance dans la peur de ses contemporains, non, confiance dans leur esprit de responsabilité et dans leur souhait de solidarité.

Du reste, c’est une responsabilité individuelle aussi importante que pour les vaccins : le refus de se faire vacciner n’a pas eu seulement des conséquences sur les personnes qui l’ont refusé, mais sur d’autres personnes qui en ont souffert parce que le virus en question (en fonction des vaccins) a pu mieux circuler : ne pas seulement penser à soi et imaginer jusqu’au bout les conséquences de sa liberté individuelle, c’est un conseil que je proposerais notamment à ceux qui se vantent de vouloir l’intérêt collectif, un affichage permanent qui, concrètement, par l’absence de petits gestes anodins, n’est pas forcément suivi des faits.

Aujourd’hui, on est loin d’en avoir fini avec l’épidémie du covid-19. Rien que pour la journée de ce lundi 25 mai 2020, 90 décès supplémentaires à l'hôpital ont été déplorés en France, et cela hors EHPAD. Certes, le recensement n’est pas très régulier, cela oscille au fil des jours de congé des administratifs, et il y en a quelques-uns en mai, mais globalement, la descente des courbes (hospitalisations, personnes en réanimation, personnes décédées) reste très lente.

Alors, gardons prudence lorsqu’on ne reste pas chez soi. J’essaie d’éviter de dire : protégeons-nous, mais plutôt, protégeons les autres, adoptons les consignes sanitaires qui freinent la circulation du virus. En d’autres termes, pensons simplement aux autres, à leur vie qui mérite autant que les autres d’être préservée, même s’ils sont âgés, même s’ils ont d’autres problèmes de santé, leur vie vaut autant que la vôtre, que la mienne.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (25 mai 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La Charte de déontologie des métiers de la recherche (à télécharger).
"Hydroxychloroquine or chloroquine with or without a macrolide for treatment of covid-19 : a multinational registry analysis" (la publication dans "The Lancet" à télécharger).
Hydroxychloroquine : l’affaire est entendue…
Madagascar : la potion amère du docteur Andry Rajoelina contre le covid-19.
Rapport de Jean Castex sur le plan de déconfinement le 6 mai 2020 (à télécharger).
Les attestations nécessaires pour les transports après le 11 mai 2020 (à télécharger).
Tout savoir sur le déconfinement à partir du 11 mai 2020.
Protection rapprochée.
Discours de Claude Malhuret le 4 mai 2020 au Sénat (texte intégral).
Covid-19 : les trois inepties du docteur Claude Malhuret.
11 mai 2020 : Stop au covid-19 ! (et traçage ?).
Discours du Premier Ministre Édouard Philippe le jeudi 7 mai 2020 à Matignon sur le déconfinement (texte intégral).
Professeur mégalo (vidéo).
Covid-19 : où est l’Europe de la Santé ?
Michel Houellebecq écrit à France Inter sur le virus sans qualités.
Unitaid.
Déconfinement : les départements verts et les départements rouges, la confusion des médias…
Didier Raoult, médecin ou gourou ?
Le déconfinement selon Édouard Philippe.
Covid-19 : le confinement a sauvé plus de 60 000 vies en France.
Du coronavirus dans les eaux usées ?
Le covid-19 n’est pas une "simple grippe"…

_yartiMasque03




http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200517-masques.html

https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/protection-rapprochee-224502

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/05/16/38297781.html





 

Partager cet article
Repost0
24 mai 2020 7 24 /05 /mai /2020 03:39

« L’utilisation de l’hydroxychloroquine ou de la chloroquine n’est associée à aucune preuve d’amélioration, mais plutôt à une augmentation du risque d’arythmie ventriculaire. » ("The Lancet", le 22 mai 2020).



_yartiCovidBG01

Cela faisait plus de trois mois que se disputaient partisans et opposants à l’utilisation de l’hydroxychloroquine pour traiter les malades du covid-19. Enfin, une étude scientifique sérieuse donne un éclairage quasi-définitif sur le sujet.

Disons d’abord, avant même cette étude, que l’absence d’étude scientifique prouvant l’effet bénéfique de l’hydroxychloroquine donnait déjà une idée sur son intérêt : après trois mois d’une pandémie qui a touché la plupart des pays, et très durement (j’y reviendrai), si un remède existait pour traiter efficacement les patients, il aurait été utilisé massivement dans les plus brefs délais.

L’argument d’un refus de traitement "pas cher" pour promouvoir un traitement "coûteux" voire un vaccin pour faire plaisir à madame BigPharma est d’autant plus stupide que, hélas, il n’y a ni traitement coûteux, ni vaccin, et pour le vaccin, l’imaginer avant une année est très peu raisonnable.

En outre, madame BigPharma fabrique également l’hydroxychloroquine et comme, selon le protocole, il faudrait l’administrer juste au début d’un dépistage positif, cela signifierait, appliqué rigoureusement, que l’hydroxychloroquine aurait un marché de plus de 5 millions de personnes, prix à l’unité peut-être faible, mais avec le nombre, probablement aussi coûteux que des médicaments très chers administrés uniquement à ceux qui sont en grandes difficulté respiratoire (soit autour de 1% des personnes infectées), ce qui signifie qu’un marché cent fois plus important avec un prix à l’unité cent fois moindre ferait finalement la même "fortune" que des médicaments coûteux.

Il n’y a pas d’explication à un soutien qui tient de la croyance, celle d’une secte, à une molécule qui, malheureusement, n’a aucune efficacité, si ce n’est qu’elle est promue par un infectiologue très réputé mais très atypique dont la personnalité attachante balaie tout sur son passage, y compris la raison, y compris l’éthique du chercheur.

L’étude publiée par "The Lancet" ce vendredi 22 mai 2020 devrait clore intellectuellement le débat, ce qui permettra de passer à autre chose et de consacrer des budgets à des essais qui pourraient être un peu plus porteurs de bonnes nouvelles. "The Lancet", c’est l’une des revues scientifiques les plus réputées au monde dans le milieu médical, ce n’est pas un simple bulletin rattaché à l’institut où travaillent les auteurs des articles. C’est une revue très rigoureuse, avec un comité de lecture exigeant qui vérifie les informations écrites dans le projet de publication et, le cas échéant, qui demande correction, précision, suppression de certains passages. Publier dans "The Lancet", c’est une petite heure de gloire pour l’heureux chercheur, du moins, le débutant, le doctorant, qui n’a pas encore de réputation. C’est le mini Nobel des apprentis.

Désolante plus qu’amusante (le sujet ne m’amuse pas, avec près de 350 000 personnes décédées du covid-19), c’est la contre-attaque. Elle aurait été amusante dans un autre contexte, pour un autre sujet. Elle est désolante car elle utilise un argument particulièrement stupide : dans une obscure réunion secrète, le directeur de "The Lancet" aurait confié que la moitié des études que publie sa revue serait bidonnée. Notons qu’il reste quand même l’autre moitié.

Désolante aussi car l’argumentation a été donnée par l’ancien Ministre de la Santé, également médecin, Philippe Douste-Blazy, sur BFM-TV le 23 mai 2020. Du reste, il n’a pas beaucoup insisté sur l’efficacité non démontrée ou plutôt, l’inefficacité démontrée de l’hydroxychloroquine, substance qu’il a rappelée très dangereuse à ne pas prendre en automédication (il est cardiologue), et a préféré parler du dépistage systématique et isolement des personnes infectées comme manière de faire efficace face à l’épidémie (ce qui est la procédure postconfinement prônée par le gouvernement).

Je suis bien incapable de savoir si l’affirmation du directeur de "The Lancet" a réellement été dite, et si elle exprime la vérité, et cela ne m’intéresse pas car c’est sans rapport avec l’efficacité de l’hydroxychloroquine. Je me doute bien que les intérêts financiers colossaux en jeu derrière des autorisations de mise sur le marché de certains médicaments pourraient évidemment encourager certaines grandes entreprises à faire pression sur les chercheurs ou sur leurs éditeurs. Il y a déjà eu des scandales, et il y en aura certainement encore d’autres.

On imagine aisément que si une étude est truquée (on appelle cela de la fraude et c’est pénalement répréhensible, je le rappelle à tout hasard), c’est pour un intérêt industriel évident : prouver que telle molécule est efficace dans le traitement d’une maladie. Le fabriquant de cette molécule aurait le jackpot s’il arrivait à démontrer son efficacité. Ok.. Mais j’ai du mal à comprendre quel est l’intérêt de qui pour faire pression pour dire que telle molécule n’est pas efficace pour traiter une maladie. Car dans ce cas, il n’y a rien à vendre, justement, et qu’on ne me dise pas que c’est pour vendre les traitements coûteux ou les vaccins de madame BigPharma, je le répète, il n’y en a pas à ce jour, et c’est même le drame (ce n’est pas étonnant pour une maladie aussi nouvelle). Quel est l’intérêt de truquer une étude pour empêcher le développement d’un marché potentiellement juteux ? Je ne vois pas.

Quand on n’a aucun argument sérieux à opposer à une étude scientifique rigoureuse, on remet en cause l’argument d’autorité : attaquer la revue qui la publie, ce qui n’a pas beaucoup de sens. C’est le fond qu’il faut juger.

Revenons donc à cette étude intitulée très clairement "Hydroxychloroquine or chloroquine with or without a macrolide for treatment of covid-19 : a multinational registry analysis", proposée par Mandeep R. Mehra (de Boston), Sapan S. Desai (de Chicago), Frank Ruschitzka (de Zurich) et Amit Patel (de Salt Lake City et Nashville). Son objectif est de déterminer si l’hydroxychloroquine d’une part, la chloroquine d’autre part, administrée seule ou avec l’ajout d’un antibiotique (macrolide) serait efficace pour le traitement du covid-19, en sachant que les deux substances peuvent avoir des effets négatifs sur le rythme cardiaque. On pourra lire l’intégralité de cette étude ainsi que ses documents annexes ici.

L’étude prend en compte …96 032 patients qui ont été hospitalisés dans 671 hôpitaux répartis sur les cinq continents. On voit le sérieux de l’étude, on est loin de quelques dizaines voire centaines de patients. L’annexe de la publication donne tous les détails sur les caractéristiques de cet échantillon : âge, sexe, pathologies, origines géographiques, etc. (on pourra s’étonner de la mention de caractéristiques ethniques, dont l’objectif est de démontrer que les différents groupes sont composés de la même manière, même ethniquement). D’un point de vue géographique, 65,9% de ces patients proviennent d’Amérique du Nord (559 hôpitaux), ce qui n’est pas surprenant, vu la nationalité des auteurs de l’étude, 17,3% d’Europe (50 hôpitaux), 7,9% d’Asie, 4,6% d’Afrique, 3,7% d’Amérique du Sud et 0,6% d’Australie.

_yartiCovidBG02

Autre argument de "contre-attaque prohydroxychloroquinienne", le protocole du professeur Didier Raoult n’aurait pas été appliqué car il administre les médicaments à toutes les personnes dépistées positives, dès qu’elles le sont, pas à celles qui sont hospitalisées. Cela signifierait-il que "son" traitement ne serait efficace que pour ceux qui n’auraient besoin de rien pour guérir ? Un bon chocolat chaud ne ferait-il pas plutôt l’affaire ? Concrètement, toutes les personnes qui prennent de l’hydroxychloroquine doivent être, de toute manière, hospitalisées car elles doivent bénéficier d’une surveillance du rythme cardiaque (avec électrocardiogrammes).

Dans l’étude, il est indiqué qu’il y avait eu à l’origine 98 262 patients, mais 2 230 ont été exclus de l’analyse pour diverses raisons, dont 852 parce qu’ils ont eu de la chloroquine trop tard, c’est-à-dire, plus de 48 heures après le diagnostic de leur infection. Donc, le protocole, au contraire, semble avoir été correctement appliqué (précisons bien que ce sont des observations, voir plus loin).

Ce qui m’étonne, c’est l’extraordinaire entêtement à vouloir soutenir l’hydroxychloroquine pour le traitement du covid-19. Comme s’il s’agissait d’une secte et que le produit était assimilé au gourou et comme si on voulait défendre le gourou coûte que coûte. Pourtant, le professeur Didier Raoult n’y peut rien si son protocole est inefficace, c’était une tentative qui méritait d’avoir été faite, mais pourquoi vouloir s’entêter ? Ce n’est pas la première fois dans la médecine qu’une piste mène nulle part. Beaucoup y ont cru et semblent aujourd’hui se déconsidérer des résultats de cette étude, alors que cela n’a rien à voir. Il y a les faits et ceux-là doivent être reconnus comme tels. Les malades du covid-19 se moquent bien des susceptibilités égotiques, ils veulent du concret pour les soigner.

J’avais évoqué le professeur Claude Huriet, auteur de la première loi de bioéthique en France, qui a beaucoup travaillé sur l’éthique des chercheurs et l’intégrité scientifique. C’est le minimum qu’on peut attendre d’un chercheur, son honnêteté intellectuelle. Claude Huriet avait évoqué le 23 février 2017 à Nancy les atteintes à cette intégrité par une « liste qui, excluant les erreurs de bonne foi, comporte une vingtaine de rubriques, depuis la fabrication, l’embellissement ou la falsification de données, les conflits d’intérêts, le plagiat, jusqu’à un management trompeur de la demande de financement, ou le manque de respect dans le traitement des collaborateurs : abus d’autorité, harcèlement, discrimination, diffamation ».

L’ancien sénateur avait également encouragé la signature, le 26 janvier 2015 à Bordeaux, de la "Charte nationale de déontologie des métiers de la recherche" sur la manière de travailler : « La description détaillée du protocole de recherche, dans le cadre de cahiers de laboratoire ou de tout autre support, doit permettre la reproductibilité des travaux expérimentaux. Tous les résultats bruts (qui appartiennent à l’institution) ainsi que l’analyse des résultats doivent être conservés de façon à permettre leur vérification. ». Aussi sur la manière de communiquer : « La liberté d’expression et d’opinion s’applique dans le cadre légal de la fonction publique, avec une obligation de réserve, de confidentialité, de neutralité et de transparence des liens d’intérêt. Le chercheur exprimera à chaque occasion à quel titre, personnel ou institutionnel, il intervient et distinguera ce qui appartient au domaine de son expertise scientifique et ce qui est fondé sur des convictions personnelles. La communication sur les réseaux sociaux doit obéir aux mêmes règles. ».

J’insiste sur la nature de cette étude publiée dans "The Lancet". C’est une étude observationnelle, comme il y en a beaucoup aux États-Unis. Par exemple, je me souviens avoir lu en 1988 une étude sur la chute des chats à New York : il y avait une courbe sur le nombre de chats par étages d’où ils sautaient et sur les conséquences (mort, blessures, etc.). La conclusion était assez intéressante (et déconcertante). Cette étude portait sur plus d’une centaine de chats et évidemment, les chercheurs n’avaient pas récupéré des chats vivants ni ne les avaient balancés du haut d’un appartement selon l’étage de l’immeuble. Ils avaient simplement repris toutes les informations sur toutes les chutes de chats qui avaient eu lieu à New York (malheureusement très nombreuses).

Pour cette étude sur l’hydroxychloroquine, c’est un peu la même chose. Les auteurs n’ont pas ordonné des traitements à près de 100 000 personnes dans près de 700 hôpitaux sur les cinq continents : quel scientifique aurait-il assez de puissance pour l’organiser ? Simplement, les chercheurs ont recueilli un très grand nombre de données très précises pour établir des statistiques significatives et fiables. Donc, pour être concret, ils n’ont pas joué avec la vie des patients, ils ont juste observé la manière dont les médecins hospitaliers, partout dans le monde, ont traité leurs patients du covid-19, ainsi que les effets de leurs traitements.

C’est là une argumentation très foireuse de l’équipe du professeur Didier Raoult (en particulier exprimée le 27 mars 2020 sur LCI par le professeur Éric Chabrière qui travaille pour lui) : celle de dire que ce n’est pas éthique de ne donner aucun traitement à un malade pour voir ce qu’il se passe (le fameux placebo). D’une part, c’est faux de parler d’aucun traitement, c’est le traitement "standard" qui est donné, mais pour ce genre de personnes si aveuglées par leur gourou, pas d’hydroxychloroquine signifie nécessairement dans leur esprit pas de traitement. D’autre part, c’est le plus important, il est plus dangereux de donner une molécule qui n’a pas encore testée pour l’objectif voulu que de ne rien donner du tout. La folie, c’est de vouloir administrer aux 5 millions de personnes infectées un protocole qui risque de faire beaucoup de dégâts cardiaques sur les patients lorsqu’il y a un grand nombre.

Je n’en veux pas à des non scientifiques d’utiliser cette argumentation, ils ont le droit d’être des profanes (tout le monde l’est hors de son domaine de confort). En revanche, c’est une honte, une malhonnêteté intellectuelle, une atteinte à l’éthique scientifique que des scientifiques, d’autant plus s’ils sont réputés, utilisent cet argument de l’éthique en le déployant à l’envers. Les plus de 2 000 victimes du Mediator apprécieront la rhétorique.

Et insistons toujours : le problème, c’est de soigner les personnes à risques, celles qui déclenchent une forme grave de la maladie, souvent en raison de comorbidités, et parmi elles, beaucoup sont avec des faiblesses cardiaques qui, justement, empêchent l’utilisation de l’hydroxychloroquine. Bref, voici un médicament très intéressant pour ceux qui n’ont pas de problème de santé. Les autres, on repassera.

_yartiCovidBG04

Indiquons enfin le plus important dans cette étude. Le groupe contrôle a eu 7 530 décès, soit 9,3%, tandis que les groupes qui ont reçu de l’hydroxychloroquine ou de la chloroquine, avec ou sans antibiotique, ont eu un taux de décès supérieur, entre 16,4% et 23,8%. Si l’on prend ceux qui sont décédés ou qui ont dû être sous ventilation artificielle, la différence reste également nette en défaveur de l’hydroxychloroquine ou chloroquine : un taux de 13,2% pour le groupe contrôle, entre 28,4% et 34,1% pour ceux qui ont été testés à l’hydroxychloroquine ou chloroquine.

En d’autres termes, il est plus probable de décéder ou d’être placé sous ventilation artificielle si l’on a été traité avec de l’hydroxychloroquine ou chloroquine que si un traitement standard seulement a été appliqué. Ce sont ceux qui administrent ces produits à leurs patients sans avoir rien démontré qui bafouent l’éthique car ils réduisent la chance de ces malades à s’en sortir. Honte à ceux qui invoquent l’éthique à contresens !

En réaction à cette étude, le Ministre de la Santé Olivier Véran a senti venir sa responsabilité : « Suite à la publication dans "The Lancet" d’une étude alertant sur l’inefficacité et les risques de certains traitements du covid-19 dont l’hydroxychloroquine, j’ai saisi le HCSP (Haut conseil de la santé publique) pour qu’il l’analyse et me propose sous 48 heures une révision des règles dérogatoires de prescription. » (Twitter, le 23 mai 2020).

Qui d’ailleurs pourrait faire le reproche à Olivier Véran de réagir ainsi ? En effet, en laissant l’utilisation en milieu hospitalier de l’hydroxychloroquine pour traiter les patients du covid-19, alors que la balance risques sur avantages penche désormais beaucoup plus sur les risques, Olivier Véran et plus généralement son ministère pourraient se retrouver dans le même scandale que celui du Mediator, prescrit pour une autre utilisation que ce que l’autorisation de sa mise sur le marché préconisait. En matière sanitaire, jusqu’à preuve du contraire, ce n’est pas le peuple qui décide si un médicament est efficace ou pas, ce sont les faits que des études rigoureuses analysent sans biais majeur.

On peut aussi noter que le ministre de la santé a saisi le Haut conseil de la santé publique, une instance déjà présente avant la pandémie, alors qu’on avait reproché au gouvernement d’avoir voulu court-circuiter les instances de régulation sanitaire par la nomination d’un conseil scientifique dont le professeur Didier Raoult, je le rappelle, est encore officiellement membre.

Peut-être qu’il faudra quitter les champs de la médecine et de la science politique pour comprendre les ressorts de cette polémique, pourquoi une secte autour d’un gourou tient-elle autant à un médicament qui fait plus de mal que de bien aux patients du covid-19 ? Peut-être faudra-t-il des études sociologiques ou même psychologiques pour mieux comprendre ? Peut-être que cette défense d'un médicament inefficace est le résultat d'une peur, celle de l'ignorance de la médecine, celle de ne pas savoir (encore) soigner cette nouvelle maladie, celle, plus généralement, que l'être humain ne puisse pas tout maîtriser, tout contrôler de son environnement et de la nature, ce qui nécessite beaucoup d'humilité pour l'accepter, pour revenir à notre condition très petite et fragile d'être humain ?

Toujours est-il qu’il y a près de 350 000 personnes décédées du covid-19, et que près de 3 millions de personnes actuellement infectées, dont près de 55 000 en situation critique, attendent toujours le médicament miracle. S’accrocher à l’hydroxychloroquine, c’est leur enlever des chances supplémentaires de trouver les bons traitements, c’est-à-dire, ceux qui sont réellement, efficaces, pas ceux qui sont défendus par des grandes gueules et qui ne guérissent que des bien-portants.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (23 mai 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La Charte de déontologie des métiers de la recherche (à télécharger).
"Hydroxychloroquine or chloroquine with or without a macrolide for treatment of covid-19 : a multinational registry analysis" (la publication dans "The Lancet" à télécharger).
Hydroxychloroquine : l’affaire est entendue…
Madagascar : la potion amère du docteur Andry Rajoelina contre le covid-19.
Rapport de Jean Castex sur le plan de déconfinement le 6 mai 2020 (à télécharger).
Les attestations nécessaires pour les transports après le 11 mai 2020 (à télécharger).
Tout savoir sur le déconfinement à partir du 11 mai 2020.
Protection rapprochée.
Discours de Claude Malhuret le 4 mai 2020 au Sénat (texte intégral).
Covid-19 : les trois inepties du docteur Claude Malhuret.
11 mai 2020 : Stop au covid-19 ! (et traçage ?).
Discours du Premier Ministre Édouard Philippe le jeudi 7 mai 2020 à Matignon sur le déconfinement (texte intégral).
Professeur mégalo (vidéo).
Covid-19 : où est l’Europe de la Santé ?
Michel Houellebecq écrit à France Inter sur le virus sans qualités.
Unitaid.
Déconfinement : les départements verts et les départements rouges, la confusion des médias…
Didier Raoult, médecin ou gourou ?
Le déconfinement selon Édouard Philippe.
Covid-19 : le confinement a sauvé plus de 60 000 vies en France.
Du coronavirus dans les eaux usées ?
Le covid-19 n’est pas une "simple grippe"…

_yartiCovidN01



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200522-hydroxychloroquine.html

https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/hydroxychloroquine-l-affaire-est-224637

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/05/23/38316118.html



 

Partager cet article
Repost0
22 mai 2020 5 22 /05 /mai /2020 01:21

Le journal médical de référence "The Lancet" a publié le 22 mai 2020 les résultats d'une étude sur plus de 96 000 patients qui démontre non seulement l'inefficacité de l'hydroxychloroquine pour traiter les patients atteints du covid-19 mais aussi sa dangerosité. Le titre de l'étude est : "Hydroxychloroquine or chloroquine with or without a macrolide for treatment of covid-19 : a multinational registry analysis". Et leurs auteurs sont : Mandeep R. Mehra (de Boston), Sapan S. Desai (de Chicago), Frank Ruschitzka (de Zurich) et Amit Patel (de Salt Lake City et Nashville).

Attention : cette étude était une escroquerie, les données d'origine sont fausses et ont été frauduleusement transmises aux chercheurs ; la publication a été retirée par l'éditeur.

Cliquer sur les liens pour télécharger les fichiers (.pdf) correspodants.

L'étude complète :
https://www.thelancet.com/action/showPdf?pii=S0140-6736%2820%2931180-6

Annexes de l'étude :
https://www.thelancet.com/cms/10.1016/S0140-6736(20)31180-6/attachment/84423d57-4cf8-41d0-99ca-0e921f2c80ce/mmc1.pdf

Commentaires des travaux :
https://www.thelancet.com/pdfs/journals/lancet/PIIS0140-6736(20)31174-0.pdf

Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200522-hydroxychloroquine.html

SR
http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20200522-publi-lancet-hydroxychloroquine.html


 

Partager cet article
Repost0


 




Petites statistiques
à titre informatif uniquement.

Du 07 février 2007
au 07 février 2012.


3 476 articles publiés.

Pages vues : 836 623 (total).
Visiteurs uniques : 452 415 (total).

Journée record : 17 mai 2011
(15 372 pages vues).

Mois record : juin 2007
(89 964 pages vues).