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28 avril 2010 3 28 /04 /avril /2010 12:34

(dépêches)

 

Mort de l'astrophysicien académicien Evry Schatzman le 25 avril 2010 à 89 ans

 

http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid51389/deces-de-l-astrophysicien-evry-schatzman.html

Décès de l'astrophysicien Evry Schatzman
Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, a appris avec tristesse le décès de l’astrophysicien Evry Schatzman, membre de l’Académie des Sciences.

Communiqué - Valérie Pécresse
28 avril 2010
Brillant  élève de l’Ecole normale supérieure, agrégé de physique et docteur ès sciences, Evry Schatzman est considéré comme un des plus éminents spécialistes de la structure des étoiles et comme le père de l’astrophysique théorique dans la France de l’après-guerre.

Pédagogue reconnu, fortement impliqué dans l’enseignement supérieur, tant en France qu’à l’étranger – il a notamment enseigné à la faculté des sciences de Paris, puis à l'université Paris 7-Denis-Diderot et à l'université libre de Bruxelles- le Professeur Evry Schatzman a formé une génération de chercheurs en astronomie.

Chercheur de talent au C.N.R.S., fondateur du laboratoire d’astrophysique de Meudon, il a publié de nombreux articles dans les journaux de physique et d'astrophysique les plus prestigieux, sources d’inspiration pour les astrophysiciens à travers le monde. Ses travaux, qui ont principalement concerné la structure interne des étoiles, ont été couronnés par de nombreux prix. Il a notamment été récompensé par le Prix Paul et Marie Stroobant de l'Académie Royale des Sciences de Belgique en 1971, le Prix Holweck de la Société Française de Physique en 1975 et la médaille d'or du CNRS en 1983.

La ministre salue également la mémoire et le courage d’un homme, marqué par la Seconde guerre mondiale qui a su s’impliquer en faveur des droits de l’homme et mener les combats contre toutes les formes de totalitarisme.

Mis à jour le 28 avril 2010

http://www.insu.cnrs.fr/co/ama09/evry-schatzman-rejoint-les-toiles
Evry Schatzman rejoint les étoiles
Actualité - Lundi, 26 Avril 2010

 Evry Schatzman est le père de l'astrophysique française. En introduisant les concepts de la physique moderne dans la démarche de l'astronomie, et en s'impliquant très fortement dans l'enseignement supérieur, tant au niveau de la maîtrise qu'au niveau du DEA, avec la création de deux DEA, il a formé une nouvelle génération de chercheurs en astronomie-astrophysique, replaçant ainsi l'astronomie française au meilleur niveau mondial.

Né le 16 septembre 1920.
1939 Élève de l'École normale supérieure
1945 Agrégé de physique
1946 Docteur ès sciences
1945-1954 Chargé de recherche, puis maître de recherche au CNRS
1954-1976 Professeur à la faculté des sciences de Paris, puis à l'université Paris 7-Denis-Diderot à partir de 1970
1964-1972 Fondateur du laboratoire d'astrophysique de Meudon
1976-1989 Directeur de recherche au CNRS, à l'Observatoire de Nice, puis à l'Observatoire de Paris à partir de 1988
Autres fonctions
1949-1967 Professeur à l'université libre de Bruxelles
1984-1988 Chercheur à l'université de Californie (Berkeley)
Enseignement
Fonde l'enseignement d'Astrophysique théorique en 1959
Il créé et dirige deux DEA : « physique des milieux ionisés » et « astrophysique »
Il créé l'Ecole de Goutelas en 1976 et participe à la création de l'école d'Aussois en 1989
Œuvre scientifique
Évry Schatzman est astrophysicien. Ses principaux travaux ont porté sur :

l'astrophysique théorique, principalement la structure interne des étoiles
le triage gravitationnel dans les naines blanches. Chauffage de la couronne solaire par ondes de choc. Théorie des novae
le mécanisme d'accélération des rayons cosmiques
le freinage magnéto-hydrodynamique de la rotation des étoiles
le rôle de la diffusion turbulente dans l'évolution stellaire - Application au problème de l'abondance du lithium. Incidence sur la production des neutrinos solaires.
la cosmologie : matière et anti-matière en cosmologie
Fonctions et distinctions
Membre correspondant de l'Académie royale des sciences de Liège
Membre de l'Academia Europaea
Docteur Honoris causa de l'université de Barcelone
Prix Peccot
Prix Paul et Marie Stroobant de l'Académie royale des sciences de Belgique (1971)
Prix Robin de la Société française de physique (1971)
Prix Janssen de la Société astronomique de France (1973)
Prix Holweck de la Société française de physique (1975)
Médaille de l'Association pour le développement international de l'Observatoire de Nice
Médaille d'or du CNRS (1983)
Chevalier de la Légion d'honneur
Officier de l'Ordre national du mérite
Commandeur des palmes académiques
Commandeur de l'instruction publique
Prix Manley Bendall de l'Académie nationale des sciences, belles lettres et arts de Bordeaux
Principaux ouvrages
Astrophysique générale, E. SCHATZMAN et J.-C. PECKER , Ed. Masson (1957)
Science et Société, E. SCHATZMAN , Ed. Robert Laffont (1971)
Les enfants d'Uranie, E. SCHATZMAN , Ed. Le Seuil (1986)
La science menacée
L'outil théorique
Gestion de la Recherche
Commissions scientifiques multiples: CNRS, Ministère de l'Enseignement supérieur, CNES...
Création du Laboratoire d'Astrophysique de Meudon (1964-1972)
Sociétés savantes: SFSA, SFP, Académie
Travail éditorial: Astronomy and Astrophysics, BAG, Masson.......
Syndicalisme: Syndicat de l'Enseignement supérieur, Union Mondiale des Travailleurs scientifiques
Science et Société
1ere période: 1940-1959

La Science va permettre de résoudre les pbs sociaux
Membre du PC de 1946 à 1959
2éme periode: la déception,

Rejet de l'URSS mais pas de Marx et Engels 1959-1970
3ème période: 1970-

Remise en question totale du dogme : la théorie sociale et économique n'a pas la même nature que la théorie physique.
Acceptation du rôle de l'affectif, non contrôlé par la raison.
Le rationaliste
Membre de l'Union rationaliste depuis 1949, Président pendant plus de 30 ans (70-01)
Les principaux combats pour :  la laïcité, l'esprit critique
Les principaux combats contre l'obscurantisme : astrologie, les OVNI et la vie dans l'Univers, la parapsychologie

Nombreux articles dans les Cahiers Rationalistes et Raison Présente

L'humaniste

Combat contre le totalitarisme

Défense des droits de l'Homme

Défense de la démocratie

Place des femmes dans la société et en particulier en science

Nécessité d'une culture scientifique

pour vaincre l'obscurantisme
pour ne pas confondre science fondamentale et technique
pour rechercher la vérité, la vraie raison...
Des commentaires d'Evry Schatzman sur deux points concernant enseignement et recherche :
 « on fait de l'astrophysique pour comprendre ce qui se passe. »

« quand vous faites une thèse, ne vous contentez pas de donner des résultats, il faut expliquer d'où ça vient, quand vous dites qu'une étoile qui ne tourne pas est sphérique, vous êtes déjà en train de faire de la théorie. On ne vous demande pas de faire des maths, ce n'est pas le problème, le problème c'est d'aborder une représentation des processus physiques qui se déroulent dans vos objets ».

« une certaine culture - même en dehors du champ où l'on travaille - est essentielle à la découverte. »

« pour l'étudiant devenu chercheur, c'est d'aller dans les séminaires, non pas dans ceux de sa spécialité, mais dans ceux de la spécialité d'à côté. Dans sa propre spécialité, on ne fait que se conforter dans ses propres certitudes. En revanche, en écoutant quelqu'un d'une spécialité différente, on apprend du nouveau. »

Contact(s):
Philippe Chauvin, Responsable de communication Astronomie - astrophysique, INSU-CNRS
philippe.chauvin@cnrs-dir.fr, 01 44 96 43 36

http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/astronomie/d/deces-devry-schatzman-lastrophysique-francaise-en-deuil_23543/
Le 27 avril 2010 à 17h22

Décès d'Evry Schatzman : l'astrophysique française en deuil
Retrouvez toute l'actu de Futura-Sciences sur :    et n'importe quel mobile à l'adresse http://m.futura-sciences.com/
Par Laurent Sacco, Futura-Sciences  Grand spécialistes des étoiles, l’académicien Evry Schatzman vient de décéder le 25 avril 2010. Considéré comme le père de l’astrophysique théorique dans la France de l’après-guerre, il avait formé une génération d’astrophysiciens et écrit plusieurs ouvrages dont un célèbre traité d’astrophysique générale avec un autre académicien, Jean-Claude Pecker.
Evry Schatzman est né le 16 septembre 1920. Brillamment sorti de l’ENS, il a commencé sa carrière scientifique dans la tourmente de la Seconde guerre mondiale alors qu’il dut se cacher en raison de ses origines juives. Cela ne l’empêcha pas de se faire connaître pas des travaux sur les naines blanches qui l’orientèrent vers la théorie de la structure stellaire et, plus tard, les problèmes de la magnétohydrodynamique de l’atmosphère solaire. Il s’attaqua d’ailleurs à l’énigme du chauffage de la couronne solaire.

Une vidéo de présentation de SDO. Crédit : Nasa
On lui reconnaît un rôle majeur dans le développement de l’astrophysique théorique en France. Pendant longtemps, la communauté des chercheurs français, stérilisée par l’héritage du positivisme d’Auguste Comte, était restée fermée et ignorante des développements de la physique moderne. Il était alors difficile d’entendre parler de physique quantique ou de relativité avant de démarrer une thèse. L’astronomie ne faisait pas exception et se réduisait presque à de la mécanique céleste développée par des mathématiciens pour des mathématiciens et à la pure accumulation de données d’astrométrie ou de spectroscopie.
Tout comme les cours de mécanique quantique d’Albert Messiah, ceux d’Evry Schatzman allaient permettre à la jeune génération de chercheurs de l’après-guerre en France de combler le retard du pays. Soulignant l’importance de la démarche du physicien, il ne cessa de rappeler que : « on fait de l'astrophysique pour comprendre ce qui se passe ».

Les images prises récemment par SDO. Elles permetront d'affiner et de tester nos théories sur la structure des étoiles. Crédit : Nasa
Marqué par la Seconde guerre mondiale, où son père avait trouvé la mort en déportation, il s’impliqua beaucoup pour la défense des droits de l’homme et les combats contre les totalitarismes. Membre de l’Union rationaliste, il fut un pourfendeur de l’astrologie, de l’ufologie et de la parapsychologie mais fut étonnement hostile à la philosophie de Karl Popper. Il défendit la place des femmes dans la société et en science et on lui doit d’ailleurs un remarquable ouvrage sur les étoiles avec Françoise Praderie.
Il n’aura malheureusement pas l’opportunité de suivre la moisson de résultats et d'images superbes du Soleil qu’est en train de fournir le satellite Solar Dynamics Observatory (SDO).

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Evry Schatzman expliquant un point d'astrophysique. Crédit : CNRS

http://www.academie-sciences.fr/membres/S/Schatzman_Evry.htm

In memoriam

 
  
   
Evry Schatzman

(16 septembre 1920 - 25 avril 2010)
 
 

Evry Schatzman, né le 16 septembre 1920, Directeur de recherche émérite au CNRS, est décédé le 25 avril 2010. Il avait été élu Membre de l'Académie des sciences le 24 juin 1985 (section de sciences de l'univers).


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Formation et carrière 1939 Élève de l'École normale supérieure
 
1945 Agrégé de physique
1946 Docteur ès sciences
 
1945-1954 Chargé de recherche, puis maître de recherche au CNRS

 
1954-1976 Professeur à la faculté des sciences de Paris, puis à l’université Paris 7-Denis-Diderot à partir de 1970
 
19?? Fondateur du laboratoire d’astrophysique de Meudon
1976-1989 Directeur de recherche au CNRS, à l’Observatoire de Nice, puis à l’Observatoire de Meudon à partir de 1988
 
 

Autres fonctions
 
1949-1967 Professeur à l'université libre de Bruxelles
1984-1988 Chercheur à l’université de Californie (Berkeley)

 


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Œuvre scientifique
Evry Schatzman était astrophysicien. Ses principaux travaux ont porté sur :
- l'astrophysique théorique, principalement la structure interne des étoiles
- le triage gravitationnel dans les naines blanches. Chauffage de la couronne solaire par ondes de choc. Théorie des novae
- le mécanisme d'accélération des rayons cosmiques
- le freinage magnéto-hydrodynamique de la rotation des étoiles
- le rôle de la diffusion turbulente dans l'évolution stellaire - Application au problème de l'abondance du lithium. Incidence sur la production des neutrinos solaires.
- la cosmologie : matière et anti-matière en cosmologie


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Distinctions et Prix
Membre correspondant de l'Académie royale des sciences de Liège
Membre de l’Academia Europaea
Docteur Honoris causa de l'université de Barcelone

Prix Peccot
Prix Manley Bendall de l'Académie nationale des sciences, belles lettres et arts de Bordeaux
Prix Paul et Marie Stroobant de l'Académie royale des sciences de Belgique (1971)
Prix Robin de la Société française de physique (1971)
Prix Janssen de la Société astronomique de France (1973)
Prix Holweck de la Société française de physique (1975)

Médaille de l'Association pour le développement international de l'Observatoire de Nice
Médaille d'or du CNRS (1983)
Chevalier de la Légion d'honneur
Officier de l'Ordre national du mérite
Commandeur des palmes académiques
Commandeur de l'instruction publique


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Principaux ouvrages
E. SCHATZMAN et J.-C. PECKER
Astrophysique générale
Ed. Masson (1957)

E. SCHATZMAN
Science et Société
Ed. Robert Laffont (1971)

E. SCHATZMAN
Les enfants d'Uranie
Ed. Le Seuil (1986)

E. SCHATZMAN
La science menacée
Ed. Odile Jacob (1989)

E. SCHATZMAN
L'expansion de l'Univers
Ed. Hachette (1989)

E. SCHATZMAN et F. PRADERIE
Les étoiles
Interéditions/Editions du CNRS (1990)

Le 26 avril 2010
 
 
http://jfpicard.free.fr/Schatzman.html
Entretien avec Evry Schatzman
(J.-F. Picard, le 24 février 1987)



Ac. Sc.
 

Normalien de la promotion 1939, comment débute votre carrière d'astrophysicien ?

Dans une triste période. Pendant l'occupation, j'étais à Lyon dans le laboratoire de Max Morand. Nous étions trois, il y avait là Eugène Cotton, Cavassilas un immigré grec assigné à résidence qui avait des tas de problèmes pour se rendre à l'Observatoire de Haute-Provence et moi qui étais en évacuation de l'ENS. Avec le patron, Max Morand, on se voyait à toute heure du jour, on entrait, on bavardait. Il y avait un type de relation qui n'existent plus aujourd'hui. Quand Eugène Cotton m'avait vu arriver à Lyon au début de 1942, il m'avait tout de suite fait des avances en me passant une des éditions clandestines de la revue 'Action'. Dans un premier temps, je n'ai pas répondu. Là-dessus, mon père a été déporté (septembre 1942) et je suis allé voir Cotton pour lui dire que je voulais faire quelque chose. C'est alors que je suis entré dans ce qui était plus ou moins apparenté à un groupe d'étudiants communistes. J'ai donc adhéré au Parti à l'instigation d'Eugène Cotton à Lyon et j'ai milité dans une semi-clandestinité avant de plonger, à partir de juillet 1943, dans une complète clandestinité avec la bénédiction du directeur de l'Observatoire de Haute-Provence.

Le père d'Eugène, Aimé Cotton, n'était pas communiste ?

Pas du tout, mais il était à gauche, de même qu'Eugénie Cotton sa femme. Elle a beaucoup milité au Mouvement de la Paix, mais elle n'était pas membre du Parti. Eugène était le militant de la famille. C'est par lui que j'ai connu ma première littérature communiste, que j'ai lu 'L'origine de la famille' et que j'ai eu en main, sans avoir alors le temps de le lire, 'Matérialisme et empiriocriticisme' qui d'ailleurs me dépassaient beaucoup à cette époque. Puis, il a fallu tenter d'échapper au S.T.O. Pour me constituer un dossier en béton, j'ai pu utiliser plusieurs sources comme une organisation juive de résistance qui m'a fourni un extrait d'acte de naissance en blanc. Je garde de tout cela le souvenir d'une très grande solidarité entre Français.

Le milieu scientifique était-il d'esprit résistant ?

Bon, je dirais qu'il n'était pas collaborateur. Mais un autre facteur a joué également. Lyon était loin de Paris où il y avait eu des nominations à la Sorbonne de gens ouvertement collaborateurs. J'ai parfois logé une nuit ou deux chez Max Morand à des époques où des bruits de rafle circulaient. Mon entrée à l'Observatoire de Haute-Provence (OHP) s'est faite de la façon suivante, Dufay qui était directeur de l'OHP donnait des cours d'astrophysique à Lyon. Je suis allé le trouver à la sortie de son cours. Je me suis présenté : normalien en fin d'études, j'ai raconté ma petite histoire sur mon père et je lui ai demandé - on m'avait quand même dit que la réponse pouvait être favorable, je n'étais pas allé le trouver de but en blanc - s'il accepterait de me laisser vivre sous une fausse identité à l'OHP. La réponse fut immédiatement favorable.

Frais émoulu de l'ENS, vous ne connaissiez pas l'astrophysique. Est-ce à ce moment-là que vous avez été attiré par cette discipline ?

Effectivement. J'étais alors branché sur la physique en général. La raison pour laquelle j'ai fait cette démarche était que Cavassilas, lui-aussi chez Morand, allait régulièrement faire des observations du ciel nocturne à Saint-Michel. Et je parlais avec lui du problème de ma cachette contre le S.T.O. C'est lui qui m'a dit que l'OHP était un endroit très retiré où l'on ne voyait personne. Ce que j'ai su après la guerre, c'est que Dufay a écrit à Georges Bruhat, directeur adjoint de l'ENS, pour recevoir un avis qui fut le suivant : « Il faut absolument que Schatzman puisse continuer de faire de la physique ». À partir de là, mon orientation s'est trouvée scellée. Mais il a fallu un peu de temps pour que je me mette à l'astrophysique. Sur ce plan, le directeur adjoint de l'époque, Charles Fehrenbach, m'a poussé. Il m'a fait intervenir dans un petit séminaire interne à l'Observatoire de Haute-Provence et c'est comme cela que je suis resté dans cette spécialité.

Qu'y avait-il alors l'Observatoire de Haute-Provence ?

Un télescope de un mètre vingt, qui était celui de Foucauld à Marseille et un autre de quatre-vingt centimètres -qui était encore à Forcalquier- qui avait été le télescope d'étude de site.Ce dernier avait été utilisé par monsieur de Kérolir qui avait fait de belles photos. Les gens de Forcalquier était très fiers de leur monsieur de Kérolir et de ses belles photos de galaxie. Le transfert du télescope à l'OHP était décidé, mais Kérolir s'y refusait et le CNRS n'avait pas les moyens d'effectuer l'opération. Il n'y avait donc qu'un télescope à Saint-Michel, celui de un mètre vingt avec un astronome qui était Fehrenbach. Je lui avais proposé mon aide en échange de l'hébergement. Pratiquement toutes les fois où Fehrenbach observait, il me mobilisait pour l'assister dans son travail. Cela consistait d'abord à mettre le télescope en situation, à orienter son axe polaire, etc. Fehrenbach disposait d'un spectographe minuscule et nous ne pouvions faire qu'un travail d'observation réduit. Quand je n'assistais pas Fehrenbach, j'essayais de lire de l'astrophysique, j'apprenais. C'est ainsi que j'ai commencé ma thèse. Le temps qui restait se passait à se procurer des produits alimentaires. Durant mon premier été, en 1943, nous avons eu la visite de Daniel Chalonge avec sa famille, ainsi que celle de Daniel Barbier qui est devenu, beaucoup plus que quiconque, mon introducteur dans la discipline. Dufay a dû venir un peu plus tard, en septembre et il a dû revenir à Pâques 1944. En 1944, il n'y avait plus personne. Juste un astronome de Marseille, Beloretzki qui est venu se réfugier à l'Observatoire de Haute-Provence parce que Marseille était devenue dangereuse. Vers février, sont arrivés et restés plusieurs mois Jean et Alice Daudin. Jean Daudin avait étudié les rayons cosmiques avec Pierre Auger à l'ENS et on lui doit un certain nombre de choses importantes dans ce domaine. Il est venu avec Alice Daudin qui voulait faire de l'astrophysique et leur plus jeune fille.

Ces chercheurs étaient les fondateurs de l'astrophysique en France...

J'ai connu les fondateurs : Chalonge, Barbier et Mineur. Chalonge et Mineur ont été assez tôt nommés astronomes à l'Observatoire de Paris. Ils ont dû être nommés astronomes adjoints vers 1925. Henri Mineur avait un caractère très marqué, il s'était fait beaucoup d'ennemis et il n'a jamais réussi à passer astronome titulaire.

Il était alcoolique dit-on...

C'est venu plus tard. Qu'il ait aimé la boisson jeune, il n'y a aucun doute, mais alcoolique au sens pathologique du terme, je crois que c'est survenu en liaison avec des histoires politiques. Henri Mineur était très proche du Parti Communiste et dans la période d'avant 1939, il avait servi d'intermédiaire à un certain nombre d'opérations en Europe, en liaison avec des partis communistes clandestins. Henri Mineur était quelqu'un qui tenait salon, chose qui a disparu, et il me racontait qu'une fois par semaine, il voyait venir chez lui Maurice Thorez, Georges Cogniot, sans compter les universitaires de gauche comme Jean Perrin, etc. Durant l'Occupation, il a été arrêté. Il faut croire que déjà l'alcoolisme le guettait puisqu'il l'a été dans un bar (l'anecdote m'a été racontée par Chalonge) On lui demande ses papiers et il sort une carte d'identité. Puis, mû par je ne sais quelle illumination, il dit au policier : « Si tu veux j'en ai une autre » et il en sort une autre à son vrai nom ! Il a été arrêté, il est passé par la Santé, mais chose troublante, il a été libéré assez vite. A la Libération, des résistants de son réseau l'ont accusé de les avoir dénoncés. Mineur qui s'était précipité en Normandie au moment du débarquement, avait adhéré tout de suite au Parti Communiste qui renaissait de ses cendres. Il s'est trouvé exclu à la suite de cette révélation qui a dû être faite à l'automne 1944 et a fait de la prison. Il a toujours nié avoir donné ses camarades, mais je me souviens d'un Mineur « pas à jeun » justement, vers 1949-1950, gémissant sur ses souvenirs d'amitié avec le milieu communiste et sur le fait que plus personne -dans ce milieu- ne voulait le voir ou le rencontrer. C'était vis à vis de moi une espèce de demande de faire quelque chose pour que cela change. Dans l'esprit de l'époque, je n'ai bien sûr rien fait du tout, je n'ai même pas essayé. Je ne me rendais pas du tout compte du genre de relations que cela représentait. J'étais très impressionné par le fait qu'on mettait en cause son honnêteté dans cette affaire. Avait-il réellement trahi ? Comme on le sait maintenant, les Allemands faisaient parler les gens en leur mentant...

Était ce un bon scientifique   ?

Sans aucun doute, il a fait un certain nombre de choses excellentes. Il s'est beaucoup occupé de dynamique stellaire et dans ce domaine, on lui doit -je ne dirais pas des résultats de tout premier plan - mais de très bons travaux. Et même dans sa période de déclin, il a encore produit des choses intéressantes. S'il avait été plus physicien ou s'il avait plus parlé avec des physiciens, il aurait pu faire une découverte qui a marqué les années 1950-52. Il analysait des données sur les étoiles variables, il en concluait d'abord que, du point de vue des propriétés, les étoiles variables constituaient deux classes différentes. Mais il n'avait pas eu suffisamment confiance dans ses propres données et il a fait la moyenne. En fait, il avait trouvé ce résultat avec deux ou trois ans d'anticipation sur ce qui s'est fait ensuite au Mont Wilson. Dans ses périodes de lucidité, c'était un bon scientifique.

Le groupe Barbier, Chalonge, Mineur était lié au groupe Perrin, c'est d'autant plus curieux que le milieu des astronomes est, dit-on, assez fermé.

Oui, mais ils étaient l'exception, surtout pour des raisons politiques. Chalonge et Mineur étaient de gauche, caractéristique exceptionnelle dans le milieu astronome qui était alors plutôt conservateur. Et qui l'est resté, politiquement et scientifiquement, jusqu'aux années soixante.
Esclangon, directeur de l'Observatoire de Paris jusqu'à son remplacement par Danjon en 1945, était opposé au choix de Saint-Michel pour créer l'Observatoire de Haute-Provence. Durant l'été 1943, Chalonge me racontait qu'Esclangon avait publié dans Paris-Soir un article expliquant que le choix aurait été bien meilleur près de Sisteron et Chalonge ricanait car Esclangon possédait un terrain à cet endroit. l'Observatoire de Haute-Provence, associé à l'Institut d'Astrophysique du boulevard Arago, constituait le Service d'Astrophysique et réalisait en somme essentiellement les ambitions du groupe Chalonge, Mineur, Barbier.

Vous parliez de conservatisme scientifique...

Lorsque Chalonge a voulu s'occuper de spectroscopie stellaire, il a dû aller chercher abri au laboratoire de Fabry pour faire de la spectroscopie. Pour les milieux traditionnels, la seule vraie astronomie était de position, avec un peu de mécanique céleste. Qu'il ait fallu constituer l'organisation de l'astrophysique en dehors du cadre des observatoires, me parait assez clair! À l'époque où j'ai commencé à connaître le milieu, c'est-à-dire essentiellement après mon retour des États-Unis en 1949 - j'avais passé un an à Princeton - l'astronomie française consacrait son activité à l'astrométrie, c'est à dire à l'utilisation d'un instrument méridien, pour mesurer des positions d'étoiles.

Le CNRS reprend le service de la carte du ciel avec celui des mouvements propres stellaires de Couderc...

Paul Couderc dirigeait effectivement ce service. Mais on ne faisait plus de photographies, on se contentait d'utiliser la collection de clichés pour comparer ceux qui avaient été pris à des dates différentes. Le programme 'carte du ciel' qui avait été international n'était plus suivi à l'époque que par Paris.

Le directeur de l'Observatoire de Paris, Jean Delhaye, raconte que dans un congrès, très peu de temps après la guerre, un Allemand avait dit que de toute façon les services de la carte du ciel en France ne marchaient pas parce que les astronomes français étaient incapables de positionner les étoiles avec précision...

Je sais que lorsque j'ai commencé à préparer notre ouvrage d'astrophysique générale avec Pecker en 1955, l'ensemble des données d'observation du méridien de Toulouse étaient inutilisables parce qu'on ne disposait pas, je crois, des données nécessaires aux corrections de réfraction atmosphérique. J'ai commencé à rencontrer l'astronomie française à l'occasion des réunions du Comité national d'astronomie, c'est à dire l'astronomie des observatoires. Et bien, si j'avais été dans le cadre « astronome », j'aurais eu envie de fuir. Ce conservatisme est lié à un problème institutionnel très profond qui doit dater de la classification des sciences d'Auguste Comte. Il existait dans les universités - où il y avait un observatoire - un certificat d'astronomie approfondie. Et ce certificat, jusqu'à ce que j'y enseigne à partir de 1949, était partout consacré à la mécanique céleste et à l'astrométrie. Il était ouvert aux mathématiciens parce qu'il ouvrait la porte à l'agrégation en étant un équivalent au D.E.S. de mathématiques. Le principal recrutement de l'astronomie française se faisait avec des gens qui étaient essentiellement de formation mathématique. Il n'y avait pas de physiciens. Par conséquent, il n'y avait pas en France d'état d'esprit susceptible de les rapprocher de l'astrophysique. De plus, l'astrophysique à sa naissance - à Harvard ou autre lieu à la fin du XIXème siècle - était une discipline manquant de rigueur, parce que les données n'étaient pas très bonnes et parce que la physique qu'il y avait derrière n'était pas non plus très sûre. Pour des gens qui s'intéressaient à la haute précision dans la mesure des mouvements des planètes, l'imprécision ou le flou de l'astrophysique avait un côté dépréciatif. À l'extrême, l'astrophysique ne pouvait être considérée comme une science.

Mais nos astronomes n'ignoraient pas ce qui se passait à l'étranger....

Bien sûr que si ! On ne se rend plus compte à quel point le milieu scientifique français pouvait être chauvin. Prenons un autre exemple : où enseignait-on la physique théorique en France avant guerre ? C'était chez Louis de Broglie, seule chaire de physique théorique en France peu avant son prix Nobel. Mais la physique de licence qu'on enseignait à l'Université ne contenait ni relativité ni mécanique quantique. La première introduction, je ne dirais pas de la mécanique quantique, mais de la constante de Planck, date de la réforme de la licence de physique en 1957 ! Joliot-Curie au Collège de France était marginalisé, car il faisait de la physique moderne. La physique moderne ne s'enseignait pas à l'époque. Je suis allé suivre les cours de Jean Perrin, ceux de Kastler pour un Certificat de physique approfondie, j'ai suivi en annexe un cours de calcul et probabilité, un cours de Francis Perrin sur la statistique quantique, mais tous ces cours étaient complètement en dehors des exigences prévues pour l'entrée dans l'enseignement. Autrement dit, vous aviez des bénévoles qui s'intéressaient à ces choses-là, mais ceux-ci étaient bien sûr une minorité.

Avec Perrin, Langevin, Cotton, il y avait cependant une physique moderne qui commençait à surgir en France.

Oui, avec des gens remarquables comme Langevin qui diffusait les théories d'Einstein. D'ailleurs, Einstein parlait de la relativité restreinte en la désignant sous le nom de la théorie Einstein-Langevin (Langevin avait fait des travaux de relativité restreinte indépendants de ceux d'Einstein) mais numériquement ce groupe de physiciens était très restreint. Le traité qui régnait quand j'ai commencé mes études -en dehors du cours de Bruhat qui contenait de la mécanique quantique en optique- était le traité de physique de Bouasse (en 45 volumes), dans lequel il n'y avait ni mécanique quantique ni relativité !  Pour vous donner encore une anecdote : en 1946, j'allais voir régulièrement Danjon qui me racontait qu'il était très ennuyé parce qu'un certain Monsieur Prunier, qui avait publié sous les auspices d'Esclangon la première partie d'un long article contre la relativité restreinte dans le Bulletin astronomique, lui apportait la seconde. Danjon me disait :
« Je ne sais pas comment faire pour me débarrasser de cet article ». Je le revois peu de temps après et il me dit : « ça y est, j'ai réglé la question. Il a déjà publié cette deuxième partie dans les Archives des sciences naturelles à Genève, donc je peux lui dire que nous ne publions que des articles originaux ». Cela évitait d'avoir des explications sur le contenu. J'ai beaucoup fréquenté, dans la période 1945-1947, Edmond Bauer qui enseignait la physique à Paris et que j'ai eu comme professeur en leçons d'agrégation. C'est quelqu'un que j'avais trouvé extraordinairement sympathique et avec lequel j'aimais beaucoup parler. C'est lui qui m'a dit, à l'occasion, que lorsqu'ils étaient tous les deux à Strasbourg, il avait converti Danjon à la physique moderne. Danjon avait parfaitement conscience de ses limites au point de vue des connaissances, mais il savait très bien où aller et voyait parfaitement l'état de l'astronomie française. On lui doit beaucoup en matière de radioastronomie. Quand la radioastronomie, qui avait été installée par Rocard, a cherché à faire scission, Danjon a tout de suite accepté une opération conjointe École Normale-Observatoire et cela a donné Nançay. Ensuite, il a accueilli les radioastronomes à Meudon et cela a été le début du bouleversement de cet observatoire.

Quel est le rôle d'Yves Rocard en matière de radioastronomie ?

Rocard était quelqu'un qui cherchait tous azimuts, tout ce qu'on pouvait faire de neuf. Il a aussi bien lancé la physique du solide à l'ENS que la radioastronomie.

Comment l'affaire est-elle passée à Meudon ?

Le laboratoire de Normale - j'ai oublié le point de départ de cette opération (l'ENS) - a cherché un point de chute en dehors de l'Ecole qui ne voulait pas prendre en charge toute l'affaire. Voyez Jean-François Denisse qui a été le responsable de cette opération. Nançay a été décidé en 1952, je crois. Mais, l'astronomie optique n'a pas senti au départ l'intérêt de la radioastronomie. Je mettrais ça en parallèle avec ce dont nous parlions tout à l'heure, les problèmes de l'astronomie fondamentale vis à vis de l'astrophysique. On avait à faire à un milieu très spécialisé qui ignorait tout des mécanismes physiques qui pouvaient être mis en évidence par la radioastronomie.

Le CNRS est donc resté en dehors de cet essor ?

Sur ce sujet, je n'ai que des souvenirs personnels, car je n'étais pas dans les institutions. Je me suis présenté plusieurs fois aux élections aux commissions du CNRS et je n'ai jamais été élu sauf en 1967. Je n'étais pas un « vrai » astronome, les gens comme moi qui ne connaissant pas les constellations, n'étaient pas considérés comme de vrais astronomes. Secundo, j'étais théoricien et la théorie n'était pas bien vu. Enfin tertio, j'étais trop marqué politiquement. J'ai longtemps cru que ma couleur politique avait joué un rôle là dedans alors que ce n'est pas vrai. Les deux autres facteurs ont occupé une place beaucoup plus importante. Je vous livre le souvenir de ce que j'ai perçu comme une insulte, comme une blessure. J'ai longuement négocié une opération qui s'est achevée par la construction de ce laboratoire à Meudon qui s'appelle le L.A.M. L'affaire était d'autant plus difficile à mener que je n'étais pas conseillé. De son lancement en 1964 jusqu'à l'ouverture des laboratoires en septembre 1971, cela a pris beaucoup de temps. Les problèmes venaient de l'Enseignement Supérieur, pas du CNRS. En 1970, l'année précédant notre déménagement, je me souviens d'avoir discuté avec André Lallemand, directeur de l'Institut d'Astrophysique, à propos de notre futur déplacement à Meudon. Qui irait, qui n'irait pas, sur quelles bases, etc. ? J'entends encore Lallemand me disant dans le couloir du deuxième étage de l'Institut d'Astrophysique:
« Vous les théoriciens, vous ne vous occupez pas de ce qui est important !
- Je ne sais pas, mais en ce qui me concerne je me suis occupé de ceci, de cela...
- Vous ce n'est pas pareil, mais les autres ! »
Cette dernière expression avait dans sa bouche une consonance abominable. Cela me rappelait l'occupation, les antisémites qu'on laissait déblatérer pour leur dire enfin qu'on était juif. Ils disaient la même chose : « Vous ce n'est pas pareil, mais les autres ! ». Que quelqu'un comme Lallemand ait pu me dire cela ! Cette histoire date d'il y a 17 ans et je l'ai toujours à travers de la gorge. Mais j'en reviens aux astronomes et à la physique. Quelqu'un comme Lacroute, directeur de l'Observatoire de Strasbourg, qui s'est consacré à cette opération très importante qu'est le catalogue informatisé stellaire et galactique, m'entretenait à l'automne 1944 des premiers résultats de Hans Bethe sur les réactions nucléaires dans les étoiles. Lui, il savait que ça existait. Il y avait quelques exemplaires comme lui -justement !- différents des autres. Mais le fait que le milieu astronomique dans son ensemble ait perçu cette activité de théoricien comme inquiétante a eu des conséquences fondamentales. Pour ce milieu, la vraie astronomie était une astronomie d'observation.

Et pourtant Lallemand est devenu patron de l'Institut d'Astrophysique...

Lallemand était un instrumentaliste. Il a mis au point un instrument, mais je ne suis même pas sûr qu'il l'ait inventé lui-même. Instrument qui est d'ailleurs actuellement contesté pour des raisons fondamentales de fonctionnement. C'est un appareil d'un emploi difficile, dont la fiabilité est incertaine et qui coûte très cher. À ma connaissance, aucune observation astronomique faite par Lallemand avec son instrument, ne constitue une découverte. Pourquoi a-t-on nommé Lallemand ? Je le sais très bien puisque j'étais moi-même candidat à la succession de Danjon à l'Institut d'Astrophysique. Le directoire du CNRS qui devait nommer le nouveau directeur a nommé Lallemand à ma place.

Pour des raisons équivalentes à celles de votre non nomination au Comité national ?

À ma connaissance, elles sont différentes. Il faudra que je pose la question personnellement à Coulomb, ce que je n'ai jamais osé faire. Il était directeur du CNRS à l'époque. La phrase de lui qui m'est revenue est : « Plutôt un colonel que Schatzman ! ».

Jean Coulomb n'est tout de même pas quelqu'un de borné...

Non, au contraire, c'est un homme est très ouvert. Je l'apprécie beaucoup et je le considère comme quelqu'un qui a énormément de jugement. Je pense qu'il a dit cela comme une flèche dans la discussion, dans un contexte que j'ignore. À la direction de l'Institut d'Astrophysique, on redoutait probablement que je sois un peu autoritaire. On connaissait mes points de vue bien que je n'ai fait aucun rapport ; mais à l'époque, cela se faisait de façon beaucoup plus informelle, presque familiale. Il y avait en effet à l'Institut d'Astrophysique un certain nombre de gens dont je souhaitais qu'ils s'en aillent. Par exemple, un garçon qui s'appelait Peyturaux et qui travaillait sur le soleil. Peyturaux était quelqu'un dont on aurait pu faire un bon ingénieur - il aimait beaucoup se servir des machines outils - mais qui n'a rien fait de majeur sur le plan scientifique. Il y avait aussi Pierre Guérin, quelqu'un que je considère aujourd'hui comme il y a trente ans, comme une nullité scientifique. Et ce n'est pas parce qu'il croit aux OVNI que je le dis cela. Mais j'ai été le rapporteur pour sa thèse d'État, alors que j'étais dans une situation où je ne pouvais pas m'opposer au fait qu'on la lui accorde. Mais son travail était à la portée d'un bon taupin ! Il y avait aussi Laffineur, un protégé de Barbier, qui était un homme charmant, un ingénieur radio d'origine, que Barbier a voulu pousser vers la radioastronomie, en conflit d'ailleurs avec ce qui se faisait à l'ENS. Laffineur n'avait manifestement pas sa place en tant que chercheur dans l'institution. En fait, il avait le grade d'ingénieur mais on le laissait faire un travail de recherche. Et il y en avait d'autres dont les noms m'échappent.

Vous estimiez que l'Institut d'Astrophysique s'était complètement sclérosé ?

Non, on y trouvait aussi Chalonge et les trois personnes qui travaillaient avec lui : Lucienne Divan, Anne Marie Fringant et Jacques Berger. Pecker travaillait avec moi. Mais aussi bien l'un que l'autre, nous nous sentions enkystés dans l'Institut d'Astrophysique.

C'était donc une institution moins dynamique que vous l'auriez souhaité ?

Je vais vous en donner un exemple. Quand j'étais aux Etats-Unis, je participais chaque semaine à un séminaire qui se tenait à l'Observatoire de Princeton. En rentrant, je suis allé trouver Mineur pour lui proposer d'organiser un séminaire en France. Mineur adorait ce genre de choses et il m'a dit oui, en m'en confiant l'organisation. J'ai donc mis sur pieds un séminaire à l l'Institut d'Astrophysique, dont je me suis occupé durant une quinzaine d'années. Je n'y ai jamais vu venir ni Chalonge, ni Berger. Je n'y ai vu qu'occasionnellement Lucienne Divan, je ne me souviens pas d'y avoir vu Anne Marie Fringand qui s'est réveillée beaucoup plus tard. Barbier venait de temps à autre, Mineur les jours où il était debout, mais les autres c'est à dire Guérin, Peyturaux, etc... n'y mettaient jamais les pieds. Ce séminaire n'attirait que les nouveaux et en particulier quelqu'un qui travaillait chez Chalonge, Claude Van Veer et son mari, Franz. Les seuls où il y avait du monde étaient celui de Chalonge où il y avait quatre ou cinq personnes et celui de Barbier.

Ainsi que le votre ?

Où il y avait du monde, des jeunes. Les conditions matérielles dans lesquelles j'étais installé au deuxième étage de l'Institut d'Astrophysique étaient difficiles. À la fin de mon séjour en 1971, les gens étaient entassés les uns sur les autres. Les conditions de travail étaient devenues franchement mauvaises. La demande d'agrandissement était véhiculée via un directeur (Lallemand) qui ne la soutenait pas. Sur le plan strictement professionnel, j'ai un certain nombre d'amertumes. Certes, j'étais un peu marginal et marginalisant par rapport à une certaine communauté. Danjon m'avait recruté pour enseigner l'astrophysique dans le certificat d'astronomie approfondie, puis quand je suis entré dans le cadre universitaire comme maître de conférences, il ne m'a jamais marchandé son soutien. En revanche, il n'a jamais voulu me voir dans les instances de fonctionnement de l'astronomie.

Pourquoi ?

Je connais certaines causes. D'autres m'échappent. Il est certain que dans ce milieu, je passais pour quelqu'un de sévère, d'exigeant qui ne faisait pas de cadeaux. Beaucoup de gens devaient se sentir mis en péril s'ils avaient à m'affronter. Ce n'est jamais une bonne carte de visite. Pour la petite histoire, la personne à laquelle je dois mon audience auprès de Danjon, est un astronome américain d'origine russe, Otto Struve. Il m'a recommandé, probablement à l'occasion d'une conversation avec Danjon. Struve est un astrophysicien américain de très grande renommée, un observateur très astucieux, qui n'était pas intéressé par les données d'observation en elles-mêmes, mais par les significations qu'elles avaient du point de vue de la physique. Ce en quoi il surclassait tous les spectroscopistes français, sauf Barbier. Encore que ce dernier s'intéressait aux données d'observation, mais pas à la physique des milieux qui produisaient ces données. L'immense recueil de données du groupe Chalonge n'était jamais accompagné d'une réflexion sur sa signification. Le seul qui ait travaillé avec Chalonge et ait fait de l'interprétation, a été Kourganoff qui a interprété l'assombrissement centre-bord solaire, avec la mise en évidence de l'ion négatif d'hydrogène.

Nous en revenons à votre carrière 

Sur le plan personnel d'autres éléments ont joué en ma faveur. À une époque où son fonctionnement était beaucoup moins formel, j'étais soutenu par Chalonge dans la section CNRS. Lorsque j'ai reçu l'invitation à aller à Princeton, j'étais chargé de recherche. Je faisais partie de ces gens qui ont eu la chance d'entrer au CNRS directement dans ce grade. Je ne suis d'ailleurs pas entré dans la section d'astronomie mais dans celle de physique et c'est Francis Perrin qui m'a fait passer. Au moment de partir à l'étranger, comme la famille qui restait en France recevait le salaire du grade en dessous -j'avais une femme qui ne travaillait pas et deux enfants- j'ai demandé si on ne pouvait pas me faire passer maître, ce qui m'a été accordé.

Y a-t-il eu d'autres raisons de votre affectation à Meudon ?

À l'Institut d'Astrophysique, la croissance du nombre de collaborateur vers 1957-58 ne pouvait, selon moi, que se poursuivre alors qu'il n'y avait plus de place. J'avais beaucoup discuté avec Danjon de la possibilité de construire. Il y avait plusieurs solutions envisageables, mais Danjon ne tenait pas à agrandir l'Institut pour des raisons, je dirais, d'ordre personnel. Il ne pardonnait pas au CNRS d'avoir eu la possibilité de construire l'Institut sur un bout de terrain appartenant à l'Observatoire, sans que celui-ci ait été consulté. Danjon m'a laissé espérer assez longtemps une opération qui finalement a eu lieu plus tard et qui a été la construction du bâtiment, avenue Denfert. Mais à l'époque, je pensais que c'était désespéré et j'ai donc commencé à parler de Meudon.

Vous y aviez des contacts ?

J'avais des contacts scientifiques en particulier avec Jean-François Denisse. En 1956, a eu lieu à Stockholm un grand colloque d'astrophysique. On était cinq Français. J'étais alors béotien en la matière. Denisse était dans le groupe de Français et j'étais très impressionné par tous les problèmes abordés. Je me suis dit qu'il fallait investir ce secteur en France, si nous ne voulions nous retrouver à la traîne. J'en ai alors parlé à Denisse qui était d'accord avec moi. À l'époque, il travaillait avec Jean-Loup Delcroix. À la suite de ce colloque de Stockholm, on décide de créer un enseignement sur les plasmas. C'est comme cela que j'ai entamé des relations plus étroites avec Denisse. On s'est partagé la tâche Denisse, Delcroix, moi et Théo Kahane avec lequel on a travaillé pendant deux ans. La première année a été un enseignement libre. Je me souviens d'être allé trouver Joseph Péres, mon doyen, pour lui demander l'autorisation. Il était réticent, je ne sais pas pourquoi d'ailleurs. Je lui ai dit -sans malice- qu'il était question que le CEA dans son nouvel Institut d'Études Nucléaires, (l'INSTEN) crée un tel enseignement. J'ai vu mon Péres virer de bord en un clin d'oeil et m'accorder immédiatement cette autorisation. Je n'avais pas imaginé que la concurrence puisse être un argument, mais le résultat est que cet enseignement a été mis en place l'année suivante. En 1957, on a créé un DEA qui existe encore. Je m'en suis occupé avec Delcroix pendant une dizaine d'années puis comme j'avais deux DEA à faire marcher, astrophysique et physique des milieux ionisés, j'ai lâché le second. Voilà l'origine de mes relations avec Denisse. Je connaissais donc bien le groupe de Meudon. Pecker était à Meudon, on se voyait beaucoup.

Grâce à cet enseignement, on vous reconnaît la paternité d'une génération d'astrophysiciens...

D'aucuns disent que j'ai été la locomotive en France dans le domaine de l'astrophysique théorique ; si c'est vrai, c'est surtout par personnes interposées. Je veux dire par là qu'il y a ce j'ai fait personnellement et ce qu'ont fait ceux que j'avais formé. Autrement dit, c'est parce que des gens ont pris le relais que cela s'est opéré. J'ai beaucoup plaidé pour certaines directions de recherche qui se sont révélées fécondes. Si Jean Audouze fait aujourd'hui de l'astrophysique nucléaire, c'est parce qu'il a commencé une thèse d'astrophysique nucléaire avec moi en 1965. Il y a un certain nombre de choses qui ont marché, mais il y a aussi un certain nombre de choses dont je n'ai pas vu l'importance à l'époque où elles démarraient. C'est le cas de la radioastronomie pour commencer. Je n'ai pas compris tout de suite son importance, car il s'agissait d'une physique que je ne connaissais pas. Quand Pecker et moi avions rédigé notre livre en 1955, il a bien fallu traiter de radioastronomie et je me suis occupé de la partie « théorie des émissions radio ; pour ce faire, j'ai du plonger dans ce sujet dont j'ai compris à la fois l'intérêt et l'importance. C'était un problème de culture. Je vais vous l'expliquer à partir d'un exemple précis, relatif justement à la radioastronomie. Je me souviens, en 1950, être allé passer trois jours à Leyde où Oort m'a dit qu'ils avaient un problème d'interprétation des rayonnements émis par la nébuleuse du Crabe. À cette époque, je ne connaissais en matière de rayonnement que le domaine optique et j'ai cherché si, au moyen d'un certain nombre de processus optiques, on pouvait expliquer certaines particularités de la nébuleuse du Crabe. J'ai dû travailler un mois ou deux sur ce problème. Je n'ai rien trouvé et j'ai abandonné. Or à la même époque, Schlovsky en URSS, un théoricien qui était justement en contact avec des radioastronomes, a pensé à un mécanisme qui était l'émission de rayonnements par un électron qui tourne dans un champ magnétique. Cela s'appelle le rayonnement synchrotron. Schlovsky a montré que le rayonnement de la nébuleuse du Crabe donnait une information sur le champ magnétique du milieu ambiant. Mon ignorance totale de ce mécanisme de la physique faisait que je n'y avais pas pensé. J'ai trouvé la signification de ce genre de relation culture-découverte tellement significative, que dans un colloque organisé par Gérard Simon à Lille, j'ai donné cet exemple pour montrer comment une certaine culture - même en dehors du champ où l'on travaille - est essentielle à la découverte. C'est une affaire qui m'a servi de leçon par la suite.

Belle ambition, mais est-elle compatible avec une activité scientifique qui réclame toujours plus de spécialisation ?

Il existe des moyens. Le premier se situe au niveau des études : on ne peut couvrir tous les domaines, c'est vrai, mais il faut laisser suffisamment d'ouvertures vers un certain nombre de domaines pilotes. La deuxième possibilité, essentielle pour l'étudiant devenu chercheur, est d'aller dans les séminaires, non pas dans ceux de sa spécialité, mais dans ceux de la spécialité d'à côté. Dans sa propre spécialité, on ne fait que se conforter dans ses propres certitudes. En revanche, en écoutant quelqu'un d'une spécialité différente, on apprend du nouveau. Voilà l'un des grands défauts du milieu astronomique français -je ne sais pas s'il faut dire celui de l'ensemble du milieu scientifique- de ne pas être assidu aux séminaires.

Vous disiez tout à l'heure que vous aviez ramené cette pratique de communication des États-Unis.

Oui. J'avais fait un séminaire à Columbia en 1966 et j'étais très surpris -sur un sujet assez ponctuel- de voir que tout le département d'astrophysique était là. Je me suis rendu compte qu'ils étaient là pas seulement parce que ça les intéressait, mais parce que cela faisait un peu partie des exigences du département. Les graduate students en train de faire une thèse devaient écouter le séminaire. Pensez qu'à Meudon, où il y a 250 scientifiques, il y a un séminaire hebdomadaire tous les lundis à 11 heures et la moyenne de l'auditoire est de 30 personnes ! Quand il y a beaucoup de monde -ce qui se passe quand vous avez quelqu'un de très connu, une star du show biz- on atteint 100 personnes.Quand on a créé le LAM, j'étais toujours dans l'Enseignement Supérieur. Ce laboratoire a été financé sur un budget recherche-enseignement supérieur. L'une des raisons de son retard est la suivante : il y avait un budget faculté des Sciences pour créer le nouvel établissement du Quai Saint-Bernard. Je demandais un bâtiment pour un enseignement de 3ème cycle d'astrophysique. Le contrôleur financier a fait remarquer que ça aurait dû être inclus dans le projet Zamansky. Mais comme le ministère voulait conserver le projet, il a fallu le changer de ligne budgétaire et cela a pris un bout de temps.

Vous étiez un enseignant sévère parait-il...

Voyez la manière dont je terrorisais les gens - j'en ai eu une indication un jour par la façon dont on me sollicitait d'être dans les jurys de thèses -, j'ai appris par personne interposée que si les gens me demandaient d'être dans leur jury, c'était pour être sûr que je ne dirai pas ultérieurement que leur travail était nul ! Je disais : « quand vous faites une thèse, ne vous contentez pas de donner des résultats, il faut expliquer d'où ça vient, quand vous dites qu'une étoile qui ne tourne pas est sphérique, vous êtes déjà en train de faire de la théorie. On ne vous demande pas de faire des maths, ce n'est pas le problème, le problème c'est d'aborder une représentation des processus physiques qui se déroulent dans vos objets ». Je dois dire qu'il y a eu des cas où j'ai eu beaucoup de peine à faire entendre que le but de l'astrophysique n'était pas simplement de ramasser des données mais de comprendre. S'il y a une chose que j'ai peut-être obtenue, en tant que sillage de formation, c'est de faire reconnaître l'idée qu'on fait de l'astrophysique pour comprendre ce qui se passe.

Quelle fut la réaction de Danjon à votre départ à Meudon ?

C'est lui qui me disait : « Il y a de la place à Meudon, venez donc ! ». Rétrospectivement, je me suis rendu compte qu'au moment où je cherchais de la surface, j'aurais dû me tourner du vers Orsay. Il y avait de la place et je connaissais les physiciens. Mais j'avais une raison complètement idiote pour ne pas le faire, c'est qu'il y avait déjà là un professeur d'astrophysique, Kourganoff. Je ne pouvais pas doubler Kourganoff.

Finalement, le CNRS avait vu trop petit quand il a créé l'Institut d'Astrophysique à Paris en 1937 ?

Oui, mais il y avait aussi des éléments qu'on ne voyait pas clairement. Quand il a été question de la nouvelle faculté des Sciences quai Saint-Bernard, j'aurais pu avoir des mètres carrés, peut-être pas énormément mais quand même. Mais à l'époque, quitter l'Institut d'Astrophysique et sa bibliothèque, paraissait une opération scientifiquement coûteuse. Il y avait la crainte de ne pas pouvoir reconstituer aisément ailleurs un pareil potentiel de travail.

Le regroupement des sciences de la terre avec l'astronomie - comme il existe au CNRS sous l'impulsion de Jean Coulomb - sagit-il d'un dispositif spécifiquement français ?

Je ne connais pas assez bien l'organisation de la science aux États-Unis, en Angleterre ou en Allemagne pour répondre, mais pour autant que je sache, dans la façon dont fonctionne la NSF, s'il y a une jonction, elle se fait entre astronomie et espace, et pas avec la terre. Au CNRS, Coulomb devait présenter ce que les astronomes lui avaient préparé. Dans la mesure où il n'y avait pas de conflit au niveau des dépenses, il n'avait pas à plaider particulièrement le projet. Actuellement, ce serait vraisemblablement beaucoup plus difficile. D'ailleurs, c'est ce qui se passe à l'INSU où il faut plaider les projets les uns contre les autres, ce qui demande beaucoup plus de temps.

La question porte évidemment sur le pourquoi d'un INAG avec un 'G' ?

On comprend cette réunion dans la mesure où les couches extérieures de l'atmosphère sont un milieu qui est peut-être plus astrophysique que géophysique. L'INAG avait une fonction très précise, il a été créé à l'époque où l'on commençait à envisager de très gros équipements. Denisse ne voyait ni le CNRS, ni les observatoires, suffisamment organisés pour accueillir les bureaux d'études nécessaires à la réalisation de ces grosses opérations, d'autant qu'elles pouvaient mettre en jeu des coopérations internationales. La première forme de coopération internationale est d'ailleurs antérieure à l'INAG. C'est l'ESO ( European Southern Observatory ) dont le siège est actuellement à Munich. Il a été créé car les Européens avaient besoin d'une station dans l'hémisphère sud. Les principaux initiateurs en étaient Danjon, Bertil Lindblad pour la Suède, Ian Oort en Hollande et Otto Heckmann en Allemagne. Il y en a un cinquième dont le nom m'échappe actuellement. Ils étaient cinq pour mettre en place l'Observatoire européens. L'ESO a commencé à fonctionner pour de bon, au Chili, en 1971.

Quelle est la place des astronomes français sur la scène scientifique internationale ?

La formation de base des astronomes français, jusqu'à la création de la maîtrise de physique en 1967, était insuffisante. Ils étaient peut-être sur le plan personnel des gens compétitifs, mais par défaut de formation de base, ils avaient un handicap. Ils avaient reçu une formation de bric et de broc, d'autodidactes, sauf exception bien sûr.

Y avait-il un pays leader ?

S'il n'y avait pas eu l'interruption hitlérienne, l'Allemagne était un exemple. Mais les nazis ont tout démoli à quelques exceptions près, le petit groupe d'Unsöld à Kiel d'une part et d'autre part le groupe autour d'une personnalité très riche qu'était Biermann à Munich au Max Planck. Ce dernier nous a expliqué un jour comment il était resté complètement à l'écart des effets politiques du nazisme. Les nazis visaient l'Université -qui était un symbole- mais ils ont oublié le Max Planck qui a même pu continuer à faire des travaux sur la relativité. L'Angleterre a aussi constitué un corps d'astronomes, mais actuellement, ce pays connaît des heures difficiles. Si vous regardez la revue européenne Astronomie Astrophysique , il y a des fluctuations dans le nom

bre de publications par pays d'origine, mais la France et l'Allemagne sont à peu près au même niveau. A l'heure actuelle, sur le plan international, on est écrasé par les publications américaines. Ce qui est du d'abord au nombre des Américains, mais aussi au fait qu'il y a beaucoup de Français, d'Allemands ou d'Anglais qui publient de préférence dans l 'Astrophysical Journal. Il y a d'ailleurs une inflation extraordinaire des publications scientifiques. L'Astrophysical Journal a du passer de quelques 2000 pages par an à 7 ou 8000 pages aujourd'hui et dans un format plus grand ! L'ensemble des publications en astrophysique atteint à l'heure actuelle -en prenant seulement les grandes revues, mais il y en a beaucoup de petites- les 30000 pages annuelles. Ce qui, pour revenir à des questions françaises, pose un problème de bibliothèque.

Evoquons le problème de la vulgarisation en cosmologie qui semble passionner le public. Que faut-il penser de quelqu'un comme Hubert Reeves par exemple ?

Il casse les pieds à un tas de gens ! Il me crispe un peu, pour des raisons philosophiques. Ce que je ne supporte pas chez lui, c'est une sorte d'indulgence pour cette espèce d'idéologie hindouiste floue. Il y a derrière tout cela une espèce de tendresse plus ou moins déguisée pour le paranormal... Ces choses m'agacent. Le mélange des genres n'est pas supportable.

Sur un autre plan, que pensez vous d'Yves Rocard et de la radiesthésie ?

Rocard s'est occupé exclusivement du signal du sourcier sur lequel il dit avoir fait des expériences probantes, ce qui est peut-être discutable, mais il n'a jamais mélangé les genres. Il n'a jamais fait d'affirmation au nom d'une idéologie.

Vos articles dans  la revue 'La Pensée' à la fin des années 1940 dénotent des positions hyper-rationalistes, une série notamment sur « empiriocriticisme et matérialisme ».... Ou d'autres à propos du principe d'incertitude d'Heisenberg où vous prenez la plume avec Haldane, pour casser la baraque....

Je ne suis pas sûr que je serai d'accord aujourd'hui avec ce que j'ai écrit il y a 35 ans. Il y a des passages que je ne désavoue pas, mais certains autres me font rougir jusqu'à la racine des cheveux ! J'ai participé à ce colloque qui a été organisé par François George, « Staline à Paris » et j'ai relu à cette occasion ce que j'avais écrit autrefois. Il y a des trucs dont je ne comprends même pas comment j'ai pu les écrire ! Quand je me remets en situation, j'aboutis à des contradictions complètes entre ce dont je me souviens de mon activité et ce que j'exprime comme idéologie. Quand j'écrivais un article - disons à intention idéologico-politique - je fermais les écoutilles!

Mais alors que Cogniot pouvait se couper de l'idéologie lorsqu'il s'intéressait aux poètes latins, vous, l'astrophysicien, vous étiez dans un domaine qui amène naturellement à poser le problème de la cosmogénèse. La coupure science-idéologie était donc beaucoup plus floue...

Vous savez, quand il s'agissait de juger la valeur relative des recherches soviétiques et américaines, cela ne me troublait guère. J'étais très lié avec les Américains et je me servais beaucoup plus de ce qu'ils faisaient que de ce que faisaient les Soviétiques.

Comment est venue votre collaboration à 'La Pensée' ?

À la fin des années quarante, j'avais été sollicité par René Maublanc pour un article sur la cosmologie de la création continue. Il est écrit dans un style très léniniste, très cassant, très amalgamisant. Peut être que je n'ai pas écrit ce que j'aurais dû sur la radioastronomie. J'ai aussi écrit sur la physique nucléaire, sur les plasmas, sur la structure interne des étoiles en général, sur la matière interstellaire, je me suis même un peu frotté au problème du soleil, mais cela représentait une trop grande dispersion encyclopédique. Cependant, je dois préciser que je n'ai pas touché au problème des galaxies.

Mais cet engagement vous a conduit à réfléchir sur la politique de la recherche et à faire du syndicalisme...

C'est vrai que l'histoire syndicale est aussi importante. À ce sujet, il faudrait que vous rencontriez Robert Sauterey, professeur de chimie à Jussieu. Il a été au CNRS lui-même en tant que chercheur et il s'est beaucoup occupé des réflexions qu'on a faites sur le statut de 1959. À l'époque, il y avait au Comité national des sections qui fonctionnaient en assumant toutes les responsabilités, c'est à dire l'évaluation scientifique, l'évaluation administrative et éventuellement le conseil de discipline. J'aurais souhaité - il y avait déjà un statut des fonctionnaires - que la fonction des commissions ne soit que d'évaluation scientifique et que tous les autres problèmes, respect des règles administratives ou respect des règles techniques, soient réglés par des commissions distinctes, de façon à éviter la confusion des pouvoirs. J'étais adepte de Montesquieu, mais cette proposition n'a jamais été retenue. Cela n'a même jamais pris à l'intérieur du syndicat. C'était une subtilité qui apparemment lui échappait. Un second point me paraissait important, qui nous éloignait d'ailleurs de la logique administrative. L'administration avait tendance à préciser les règles de fonctionnement alors que je pensais que, dans l'évaluation scientifique, les commissions devaient être libres de leurs propres règles. Je ne voyais pas comment dans une procédure d'évaluation scientifique on pouvait donner d'autres règles que celles que la commission se donnerait elle-même ; étant donné qu'il s'agit de domaine où, comme on disait à l'époque, l'étalon déposé au bureau des poids et mesures n'existait pas. C'était bien sûr parfaitement contraire au genre de préoccupation d'une administration qui voulait voir les choses écrites noir sur blanc.

Par rapport à ces nouveaux métiers de chercheurs quelle était la philosophie du syndicat ?

Il faut que je vous raconte l'histoire du syndicat des chercheurs. J'ai commencé à y prendre part à l'automne 1949, quand je suis devenu secrétaire de la section parisienne. C'était le moment où Barrabé - qui était secrétaire national - a demandé à se retirer. Je lui ai succédé au secrétariat général en 1953. Je suis devenu « Enseignement Supérieur » en 1954 et j'étais donc très sensible à l'argumentation des collègues C'est l'époque où l'on voyait se développer, entre l'enseignement supérieur et les chercheurs CNRS, des frictions considérables au sein du syndicat. Le point de vue était le suivant, je simplifie grossièrement : les chercheurs voulaient que les chercheurs cherchent et que les enseignants enseignent ; de leur côté, les enseignant ne remettaient pas en cause la constitution d'un corps de chercheurs. Lorsqu'en 1954, Mendès France a lancé l'idée de la constitution d'un organisme qui réunirait tous les organismes de recherche en France, aussi bien l'ORSTOM, que l'INH, que le CNRS, que la recherche agronomique, les chercheurs étaient favorable. Mais dans le syndicat, on craignait que cela n'entraîne une rupture entre enseignement supérieur et recherche. Il a donc pris partie contre ce projet.

N'y avait-il pas aussi des raisons plus politiques à cette hostilité ?

Je ne nierais pas qu'il y ait eu des préoccupations de politique politicienne. Mais je pense que les objections qui ont été faites là-dessus étaient sincères, d'autant plus que si nous avions une forte présence communiste au syndicat, il y avait des socialistes ou des apparentés socialistes dont nous ne voulions absolument pas nous couper car ils étaient très représentatifs d'une tendance -je dirais de gauche- dans l'Université. Barrabé lui-même en est un exemple. En fait, la crainte de la rupture entre l'enseignement supérieur et la recherche a été perçue comme une véritable préoccupation du syndicat. La relation chercheurs-enseignants n'a fait ensuite que s'envenimer au cours des années, les débats des réunions syndicales, quand il s'agissait des conseils syndicaux ou des congrès, étaient le lieu de vives altercation. Quand est arrivé 1956, j'ai beaucoup insisté pour la scission. Elle était accomplie au moment du congrès de la FEN à l'automne 1957. On me demandait si cette scission entre enseignement supérieur et recherche scientifique était politique, ce qui aurait pu paraître la cause la plus évidente. Et bien ce n'était pas une raison d'ordre politique.

Le PCF intervenait-il dans ces débats ?

Le Parti a joué un rôle important et je dois dire que si un jour je retrouve mes notes, j'aimerais écrire quelque chose sur le rôle des fractions. Je veux dire que nous avions des réunions des communistes du syndicat où l'on décidait ensemble de la politique qui allait être suivie et de l'attitude à adopter dans les séances plénières. L'usage en était établi dans le syndicat quand je suis arrivé en 1949. Je me suis trouvé tout de suite convoqué à des réunions de fractions. Un certain nombre se sont tenues chez Ernest Kahane lui-même et quand on avait un problème un peu plus compliqué, on demandait à un responsable des intellectuels de venir. Pendant longtemps, ce fut Laurent Casanova. Il venait discuter de la signification politique d'un problème syndical et de l'orientation à prendre. Quant à Georges Cogniot, il intervenait plutôt pour des opérations menées au niveau des intellectuels en général. J'ai le souvenir de réunions avec l'un et avec l'autre et même quelquefois les deux, mais j'ai plus le souvenir de réunions syndicales avec Casanova qu'avec Cogniot. Reste que le Parti était un monolithe. Quand on compare la petite oeuvre littéraire de Cogniot que sont ses commentaires de Lucrèce, très fins, très astucieux, avec ce qu'il pouvait être dans l'activité formelle du Parti, ce n'est pas le même homme. Quand on mettait en cause quelque chose qui se rapportait à l'appareil et aux structures et à la vie générale du Parti, Cogniot était un mur. Casanova lui, la dernière fois que je l'ai entendu, c'était à l'automne 1956, passé le vent du rapport Krouchtchev. Moi-même, je revenais d'un voyage en URSS qui m'avait profondément perturbé. On a eu un débat extrêmement flou, à la fin duquel Laurent Casanova a fait une improvisation superbe, mais qui, dans mon souvenir, était aussi creuse que ce qui avait précédé. Je me souviens de Jean-Pierre Kahane qui lui avait été conquis et qui disait : « C'est un magicien ! », une réaction surprenante...

Vous commenciez à avoir des doutes...

Mes doutes ont commencé bien avant, ils datent très exactement du procès Slansky en 1952. 

 


http://www.union-rationaliste.org/index.php/20100427351/Informations/Deces-d-Evry-Schatzman.html
Décès d'Evry Schatzman     
Écrit par Le bureau de l'Union rationaliste    
27-04-2010 
Nous apprenons la nouvelle du décès, le dimanche 25 avril, d’Evry Schatzman qui a présidé l’UR de 1970 à 2001 et en était resté le président d’honneur. Il était un astrophysicien de grande renommée.  Son éloge sera fait dans la presse et dans un éditorial de notre présidente. Une cérémonie est prévue à l’Observatoire de Paris. Elle aura probablement lieu le mardi 4 mai à 17 heures (surveiller la presse pour confirmation). La famille a souhaité la présence de l’Union rationaliste. 

http://www.union-rationaliste.org/index.php/Editoriaux/Editorial-avril-2010.html
Evry Schatzman (1920-2010)     
Écrit par le bureau de l’Union Rationaliste    
30-04-2010 
Nous venons d’apprendre avec tristesse la disparition d’Evry Schatzman, président d’honneur de notre association.

Evry Schatzman, décédé dimanche 25 avril, était une figure majeure de l’astronomie mondiale de l’après-guerre. Vice-président de l’Union rationaliste dès 1961, il n’était pas un savant perdu dans ses abstractions, mais un savant préoccupé par l’évolution du monde, portant une réflexion philosophique orientée vers l’action. Celle-ci a trouvé pleinement à s’employer au cours des trente années (1970-2000) de sa longue présidence de l’Union rationaliste.

Lors de sa création en 1930, l’Union rationaliste s’était donné pour tâche essentielle de faire connaître au grand public les grandes découvertes de la science contemporaine, les problèmes posés par ces découvertes, l’esprit et les méthodes du travail scientifique. Evry Schatzman a communiqué un nouvel élan à l’association. De nos jours, le contexte n’est plus celui des années d’après-guerre. Les interrogations sur la science se sont multipliées, et avec elles les interrogations sur la culture scientifique et sur l’enseignement des sciences. En parcourant quelques-uns des éditoriaux qu’il écrivit régulièrement pour les Cahiers Rationalistes, on ne peut qu’être frappé par le cœur et la ténacité avec laquelle il a mené, au fil des années, ce combat pour la raison et pour la science. On retrouve les réflexions liées à ce combat dans deux livres : Sciences et société, publié en 1971, et surtout La science menacée, paru en 1989. Il y dénonce, d’une part, les menaces extérieures venant de ceux qui considèrent le réalisme scientifique comme « destructeur du monde de la sensibilité et de l’émotion… », mais aussi de ceux qui confondent les découvertes et les applications. Parmi les menaces internes, il combat, d’autre part, le scientisme qui voudrait que le progrès scientifique entraîne ipso facto le progrès social, et en opposition un mouvement de pensée de plus en plus présent qui refuse les conclusions du savoir scientifique.

Evry Schatzman s’est souvent exprimé sur le malaise entre le public et la science. Il l’attribuait en grande partie à la forme de l’enseignement qui accentue le divorce entre la culture scientifique et ce que l’on appelle généralement la culture tout court. « Il faut distinguer entre enseigner ce qu’est la science et enseigner de la science ». « La formation rationaliste est une formation du jugement, une éducation de l’esprit. Elle est le contraire même de l’éducation dogmatique ». L’enjeu est d’importance : « La rencontre de la raison et de la démocratie, c’est la voie de l’élargissement de la démocratie et de l’épanouissement de la raison. »

Ces réflexions gardent toute leur actualité. L’Union rationaliste peut s’en inspirer pour donner un nouvel élan à son action.

Pour le bureau de l’Union rationaliste,
la présidente Hélène Langevin-Joliot

L’Union Rationaliste participera à l’hommage à Evry Schatzman prévu le mardi 4 mai à l’Observatoire de Paris 




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6 avril 2010 2 06 /04 /avril /2010 19:15

(dépêche)

 

Découverte de l'élément chimique 117 de la classification périodique

 

 

http://physics.aps.org/pdf/10.1103/PhysRevLett.104.142502.pdf

 

https://publicaffairs.llnl.gov/news/news_releases/2010/NR-10-04-02.html
News Release                               Printer-Friendly

  Contact: Anne M. Stark
  Phone: (925) 422-9799
  E-mail: stark8@llnl.gov    FOR IMMEDIATE RELEASE
April 6, 2010
NR-10-04-02

International team discovers element 117


Illustration of the newly created element 117.
Animation by Kwei-Yu Chu/LLNL
Click for animated video 
An international team of scientists from Russia and the United States, including two Department of Energy national laboratories and two universities, has discovered the newest superheavy element, element 117.

The team included scientists from the Joint Institute of Nuclear Research (Dubna, Russia), the Research Institute for Advanced Reactors (Dimitrovgrad), Lawrence Livermore National Laboratory, Oak Ridge National Laboratory, Vanderbilt University, and the University of Nevada, Las Vegas.

“The discovery of element 117 is the culmination of a decade-long journey to expand the periodic table and write the next chapter in heavy element research,” said Academician Yuri Oganessian, scientific leader of the Flerov Laboratory of Nuclear Reactions at JINR and spokesperson for the collaboration.

The team established the existence of element 117 from decay patterns observed following the bombardment of a radioactive berkelium target with calcium ions at the JINR U400 cyclotron in Dubna. The experiment depended on the availability of special detection facilities and dedicated accelerator time at Dubna, unique isotope production and separation facilities at Oak Ridge, and distinctive nuclear data analysis capabilities at Livermore.

“This is a significant breakthrough for science,” LLNL director George Miller said. “The discovery of a new element provides new insight into the makeup of the universe and is a testimony to the strength of science and technology at the partner institutions.”

“This collaboration and the discovery of element 117 demonstrates the fundamental importance of scientists from different nations and institutions working together to address complex scientific challenges,” ORNL Director Thom Mason added.

The two-year experimental campaign began at the High Flux Isotope Reactor in Oak Ridge with a 250-day irradiation to produce 22 mg of berkelium. This was followed by 90 days of processing at Oak Ridge to separate and purify the berkelium, target preparation at Dimitrovgrad, 150 days of bombardment at one of the world’s most powerful heavy ion accelerators at Dubna, data analysis at Livermore and Dubna, and assessment and review of the results by the team.  The entire process was driven by the 320-day half-life of the berkelium target material.


Illustration of the newly created element 117.
Animation by Kwei-Yu Chu/LLNL
Click for animated video 
The experiment produced six atoms of element 117. For each atom, the team observed the alpha decay from element 117 to 115 to 113 and so on until the nucleus fissioned, splitting into two lighter elements. In total, 11 new “neutron-rich” isotopes were produced, bringing researchers closer to the presumed “island of stability” of superheavy elements.

The island of stability is a term in nuclear physics that refers to the possible existence of a region beyond the current periodic table where new superheavy elements with special numbers of neutrons and protons would exhibit increased stability. Such an island would extend the periodic table to even heavier elements and support longer isotopic lifetimes to enable chemistry experiments.

Element 117 was the only missing element in row seven of the periodic table. On course to the island of stability, researchers initially skipped element 117 due to the difficulty in obtaining the berkelium target material. The observed decay patterns in the new isotopes from this experiment, as close as researchers have ever approached the island of stability, continue a general trend of increasing stability for superheavy elements with increasing numbers of neutrons in the nucleus. This provides strong evidence for the existence of the island of stability.

“It fills in the gap and gets us incrementally closer than element 116 — on the edge of the island of stability,” said Ken Moody, one of the LLNL collaborators and a long term veteran of superheavy element research. “The experiments are getting harder, but then I thought we were done 20 years ago.”

This discovery brings the total to six new elements discovered by the Dubna-Livermore team (113, 114, 115, 116, 117, and 118, the heaviest element to date).  This is the second new element discovery for Oak Ridge (61 and 117). In addition, Oak Ridge isotopes have contributed to the discovery of a total of seven new elements.

Since 1940, 26 new elements beyond uranium have been added to the periodic table.

“These new elements expand our understanding of the universe and provide important tests of nuclear theories,” said Vanderbilt University Professor of physics Joe Hamilton. “The existence of the island of stability, a pure theoretical notion in the 1960s, offers the possibility of further expansion of the periodic table with accompanying scientific breakthroughs in the physics and chemistry of the heaviest elements.”

Lawrence Livermore National Laboratory is managed by Lawrence Livermore National Security, LLC for the U.S. Department of Energy's National Nuclear Security Administration. Oak Ridge National Laboratory is managed by UT-Battelle, LLC for the U.S. Department of Energy.

Founded in 1952, Lawrence Livermore National Laboratory is a national security laboratory, with a mission to ensure national security and apply science and technology to the important issues of our time. Lawrence Livermore National Laboratory is managed by Lawrence Livermore National Security, LLC for the U.S. Department of Energy’s National Nuclear Security Administration.

http://erinn.fr/images/Documents/classification%20periodique.JPG

 

 

 

 

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21 janvier 2010 4 21 /01 /janvier /2010 08:38

(dépêche)


Comment l'Etat veut préserver la grotte de Lascaux ?


http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2010/01/21/01011-20100121FILWWW00752-pas-de-mystere-lascaux-mitterrand.php
"Pas de mystère Lascaux" (Mitterrand)
AFP
21/01/2010 | Mise à jour : 19:34 | Ajouter à ma sélection
"Il n'y a pas de mystère Lascaux", a déclaré aujourd'hui le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand au sortir de la célèbre grotte préhistorique de Dordogne, qui serait menacée de se détériorer sous l'effet d'une invasion de tâches noires.

Vêtu d'une combinaison blanche de protection, le ministre était venu à Montignac "prendre la mesure" et se rendre compte par lui-même de l'état de la grotte, souvent qualifiée de "chapelle Sixtine de la préhistoire" et lancer un conseil scientifique pour "conseiller et orienter les travaux de conservation" du site.

"Il n'y a pas de mystère Lascaux, ce n'est pas parce qu'on prend toutes les précautions pour aller voir ce lieu sans l'abîmer", "ce n'est pas parce qu'on sort avec des habits de cosmonautes [...] que nous avons constaté une sorte d'Hiroshima à l'intérieur", a-t-il déclaré à la presse.

Nomination d'un nouveau conseil scientifique

"Nous allons étudier les choses de très près, mais il y a une part de fantasme qui entoure ce lieu, on n'a pas du tout le sentiment de destruction programmé", a encore déclaré Frédéric Mitterrand.

Les tâches "sont très peu nombreuses", a-t-il dit alors qu'il a été sommé de "relever le
défi" par certains membres de la communauté scientifique inquiets de la prolifération de ces micro-organismes qui mettraient en danger les peintures et les gravures de 18.000 ans.

Il s'est toutefois défendu d'être "un expert" et a annoncé la nomination d'un nouveau conseil scientifique, dont le mandat est arrivé à échéance en juin 2009. La structure sera présidée par le paléoanthropologue Yves Coppens, professeur honoraire au Collège de France et codécouvreur du fossile Lucy en 1974.




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25 novembre 2009 3 25 /11 /novembre /2009 08:25

Une nouvelle découverte a eu lieu le 6 octobre 2009. Charles Darwin serait-il vaincu par un animal à quatre pattes ? Certainement pas encore maintenant.


Dans un article précédent, j’évoquais l’excellent documentaire "Espèces d’espèces" qui expliquait de manière claire et simple la nouvelle organisation du vivant.
 
Les observations du vivant et des fossiles constituent un élément-clef pour valider la théorie qui tend à expliquer l’existence des espèces vivantes actuelles sur Terre. Parfois, certains y voient des grains de sable qui enrayeraient la belle mécanique de l’évolution. Une interprétation très… tendancieuse et pour le moins erronée.
 
 
Des découvertes exceptionnelles
 
En 1832, l’ichtyologue suisse Louis Agassiz découvrit le premier individu fossilisé. On trouvera par la suite de tels fossiles partout dans le monde et en grand nombre, comme celui-ci retrouvé à Madagascar et datant de deux cents millions d’années. Ou comme cette découverte, au printemps 2004, à Cruzy (dans l’Hérault, en France), d'un fragment de mâchoire d’un individu fossilisé, datant de soixante-dix millions d’années. 
 
Le 23 décembre 1938 dans l’estuaire de la Chalumna River (en Afrique du Sud), un premier individu vivant, d’un mètre cinquante de longueur et de cinquante-sept kilogrammes, a été remonté dans les filets du pêcheur Hendrik Goosen. L’ornithologue sud-africaine Marjorie Courtenay-Latimer étudia le spécimen et c’est l’ichtyologue sud-africain James Brierley-Smith qui l’identifia.
 
Le 20 décembre 1952, au large de l’archipel des Comores (près de l’île d’Anjouan), un deuxième individu vivant a été pêché par Ahmed Hussein.
 
En fin 1953, un troisième individu fut pêché au large de Mutsamudu, capitale de l’île d’Anjouan, et fut transporté à Tananarive (à Madagascar) par le chercheur français Millot.
 
Le vingtième individu a été pêché en 1960 et le vingt-huitième en 1962.
 
Le 17 juillet 1987, les pêcheurs d’Ikoni ( aux Comores) ont repéré un individu d’un mètre dix pesant cinquante kilogrammes et ont alerté le plongeur française Jean-Louis Géraud pour le filmer dans son milieu naturel.
 
En juin 1998, en Indonésie (du côté des Sulawesi), un autre individu a été découvert dans un marché par un jeune biologiste californien, Mark Erdmann.
 
Le 30 juillet 1998, près de l’île Menadotua, dans l’archipel des Célèbes (en Indonésie), un deuxième individu indonésien a été capturé par un pêcheur et a prouvé l’existence de deux populations distinctes (aux Comores et en Indonésie, espacées de près de dix mille kilomètres).
 
En janvier 2000, deux individus furent repérés à cent cinquante-cinq mètres de profondeur dans une grotte sur les flancs volcaniques de Manado (en Indonésie).
 
En 2006, près des Sulawesi (en Indonésie), des Japonais ont filmé la nage d’un de ces individus.
 
Le 19 mai 2007, au large de la plage de Manado, au nord de l’archipel des Célèbes (en Indonésie), à plus de cent mètres de profondeur, un autre individu pesant cinquante et un kilogrammes et long d’un mètre trente et un a été ramené par le pêcheur Justinus Lahama accompagné de son fils Delvy. L’individu n’a survécu que dix-sept heures.
 
Enfin, le 6 octobre 2009 dans la baie de Manado, au large de l’île des Sulawesi (en Indonésie), à cent soixante et un mètres de profondeur, un jeune individu vivant a été pêché par des chercheurs japonais. Il mesurait trente et un centimètres et demi.
 
De quels individus s’agissait-il ?
 
 
De gros poissons bleus à pattes
 
Pour ceux venant du sud de l’Afrique et du canal de Mozambique, il s’agit du Latimeria chalumnae (du nom de la jeune ornithologue sud-africaine).
 
Pour ceux venant d’Indonésie, il s’agit du Latimeria menadoensis.
 
En d’autres termes, il s’agit de cœlacanthes. Les deux espèces se seraient séparées, selon les premières analyses ADN, il y a un million et demi d’années (leur génome est différent à 3,5%).
 
Le cœlacanthe est une sorte de gros poisson à quatre pattes qui existait déjà il y a trois cent soixante millions d’années et qu’on croyait disparu depuis la disparition des dinosaures, il y a soixante millions d’années. On a pu identifier cent vingt-cinq espèces de cœlacanthes fossilisés ayant vécu il y a trois ou quatre cents millions d’années.
 
L’animal est bleu foncé tacheté de blanc, se présente d’une longueur d’environ un mètre à un mètre cinquante et pèse d’une cinquantaine à cent kilogrammes. Les mâles sont légèrement plus petits que les femelles. Ils vivent dans les profondeurs marines (à plus de deux cent mètres) et vont chercher leurs proies vers six cents mètres de profondeur la nuit. Ils sont capables ouvrir leur mâchoire des deux côtés grâce à un joint intracranien (comme chez les grenouilles).
 
 
C’est vraiment un drôle d’animal
 
Il a des nageoires séparées du tronc par des sortes d’os : « leur succession rappelle vraiment l’humérus, le cubitus, le radius dans la nageoire pectorale, et le fémur, le tibia et le péroné dans la nageoire pelvienne » explique Gaël Clément, chercheur au Muséum d’histoire naturelle de Paris.
 
Il a des difficultés à nager notamment parce qu’il nage comme s’il marchait (deux à deux).
 
Par ailleurs, il a un début de poumon (en même temps que des branchies) et il est ovovivipare, c’est-à-dire que la femelle pond des œufs (de la taille d’une pomme) et qu’ils éclosent dans son ventre.
 
C’est le descendant des premiers crossoptérygiens qui sont apparus au Dévonien inférieur et ont disparu à la fin de l’ère secondaire. Il fait partie des sarcoptérygiens dont sont également issus les primates (entre autres).
 
On a cru au départ qu’il pouvait être à l’origine des tétrapodes (espèces terrestres) mais ne serait qu’un cousin d’une branche parallèle, les cœlacanthiformes. Les rhipidistiens (poissons à narines internes), l’autre branche, ont évolué vers les vertébrés terrestres (donnant naissance aux amphibiens, reptiles/oiseaux/dinosaures, mammifères et humains). Les deux branches se sont séparées il y a trois cent soixante millions d’années (voir l’article sur "Espèces d’espèces").
 
 
Du fantasme au dogmatisme créationniste
 
L’existence du cœlacanthe à notre époque fait beaucoup fantasmer. Certains l’ont appelé "fossile vivant" et d’autres "poisson dinosaure". Le fantasme, c’est d’imaginer comment les poissons ont quitté l’eau pour aller sur la terre. Le cœlacanthe pourrait apporter quelques indications supplémentaires. Le fantasme, c’est ce poisson sortant de l’eau avec deux jambes que les enfants ont pris l’habitude de dessiner en étudiant ces choses-là à l’école (j’ai dû en faire aussi moi-même). Une sorte d’inversion des sirènes. Cela peut donner lieu à beaucoup de loufoqueries, tant sur les objets, sur les idées que sur les poulets.
 
Mais certains fantasmes ne sont pas gratuits et nourrissent certaines idéologies, en particulier celle des créationnistes.
 
En effet, beaucoup de personnes se servent de cette espèce de cœlacanthe (donc encore vivante) pour mettre en défaut la théorie de l’évolution de Darwin. Dans un but assez tendancieux
 
Parmi les articles les plus lus sur le sujet, il y a celui du "Figaro Magazine" du 26 octobre 1991 intitulé "L’évolution condamne Darwin" dans un dossier préparé par Jean Staune qui dit beaucoup d’âneries qui sont hélas souvent reprises (il suffit de regarder sur Internet).
 
 
Mauvaise foi, naïveté ou ignorance
 
Dans le dossier en question, il est dit par exemple, cité par Guillaume Lecointre (du Muséum d’histoire naturelle de Paris) dans un article d’octobre 2000 : « Le cœlacanthe : en 1938, la première mauvaise nouvelle pour les darwiniens. C’était l’ancêtre de tous les vertébrés. On le croyait disparu depuis des millions d’années. On l’a retrouvé voici cinquante ans, bien vivant, au large des Comores. Il n’avait donc pas évolué depuis ses très lointains ancêtres : contrairement à ce qu’aurait voulu la théorie. ».
 
L’argumentation débitée ici est stupide pour ceux qui connaissent un peu la théorie de l’évolution.
 
Le cœlacanthe serait l’ancêtre aquatique des vertébrés terrestres, ce qui est doublement faux puisque d’une part, il ne peut pas être l’ancêtre alors qu’il vit encore de nos jours (de plus, les évolutionnistes ne parlent plus du mot "ancêtre" quand il s’agit d’une espèce identifiée), c’est comme si l’on dit qu’un cousin est un aïeul, et d’autre part, les vertébrés sont apparus bien avant cet animal qui n’est pas non plus à l’origine des tétrapodes (voir ci-dessus et l’article sur "Espèces d’espèces").
 
Par ailleurs, s’il est vrai que la morphologie du cœlacanthe n’a pas varié depuis la fin du Crétacé (les nombreux fossiles retrouvés semblent l’attester), cette supposée "non-évolution" ne contredit en rien la théorie de Darwin.
 
En effet, d’une part, la morphologie ne correspond qu’à environ 5% des gènes et le reste des gènes a très bien pu évoluer (ce qui serait difficile à vérifier sans l’ADN des individus d’il y a plusieurs dizaines de millions d’années), et d’autre part, le néodarwinisme a introduit aussi des stases, des périodes de stabilité relative qui peuvent avoir des durées plus ou moins longues.
 
Comme l’explique très bien le biologiste Patrick Forterre dans "Espèces d’espèces", même la bactérie moderne, c’est-à-dire actuelle, a évolué aussi longtemps que l’être humain, résultats, tous les deux, de trois milliards et demi d’années de lente évolution. Les trois cents millions d’années de "stagnation morphologique" du cœlacanthe ne contredit donc en rien à son évolution pendant cette période, notamment en ce qui concerne sa spécialisation dans des milieux particulièrement contraignants.
 
 
Une évolution par effraction de la Nature
 
Les périodes de stabilité des caractères peuvent aussi s’expliquer par le fait que ces derniers ont été déjà optimisés dans l’environnement dans lequel évolue l’espèce.
 
Les mutations génétiques ne sont que le fruit du hasard et pas celui de l’environnement : il y a toujours des erreurs dans le séquençage génétique et lorsque cette erreur, par inadvertance, améliore la durée de vie, la robustesse de l’individu dans son milieu environnemental, alors cet individu prend le dessus sur les autres moins bien protégés. C’est ainsi que l’évolution s’opère, par petites erreurs successives qui renforcent les individus. Celles qui au contraire les affaiblissent ne durent pas puisque leurs branches s’éteignent vite dans l’arbre de la vie.
 
Bref, ceux qui cherchent à utiliser les cœlacanthes vivants à notre époque comme des preuves irréfutables contre la théorie de Darwin en sont pour leurs frais : bien au contraire, le cœlacanthe, aux quatre nageoires charnues, c’est-à-dire avec des articulations entre le tronc et les doigts (qui deviendront dans d’autres espèces des bras et des jambes), est un précieux animal pour affiner la théorie de l’évolution.
 
 
En voie d’extinction ?
 
Comme les momies à la fin du XIXe siècle, les cœlacanthes ont fait l’objet de certains trafics, considérés comme des "objets" rares parallèlement à son intérêt scientifique. Saddam Hussein en aurait acquis un pour sa collection personnelle et l’Aga Khan aussi en 1996 pour en faire don à l’Institut de paléontologie de Pavie.
 
Il n’a pas été encore possible de maintenir en vie (plus de dix-sept heures) un cœlacanthe à la surface de la Terre, son milieu nécessitant la forte pression du fond marin (21 bars). Les deux espèces demeurent donc encore assez méconnues, notamment sur la durée de gestation, la fréquence, le taux de croissance… des paramètres qui pourraient aider à les protéger.
 
Les deux espèces sont considérées en effet comme en voie de disparition. Environ deux cents cœlacanthes ont déjà été pêchés depuis 1952. Entre 1987 et 1991, on avait évalué à six cent cinquante le nombre total d’individus encore en vie, en 1994, cela aurait chuté de 30% à cause de la pêche intensive près des côtés comoriennes, et selon les dernières estimations, ce nombre serait réduit aujourd’hui à cent cinquante individus, ce qui est dérisoire.
 
Pour l’instant, peu de fonds sont débloqués pour protéger le cœlacanthe, destinés surtout à écarter les poissons cibles des pêches intensives de l’environnement du cœlacanthe.
 
À peine un million d’années d’un côté, plus de trois cents millions d’années de l’autre. Il n’y a pourtant pas photo…
 
 
 
Sylvain Rakotoarison (25 novembre 2009)
 



Pour aller plus loin :
 
 
 
 
 
 
 
 
 

http://www.agoravox.fr/actualites/technologies/article/le-rival-de-darwin-65595 

http://www.lepost.fr/article/2009/11/25/1808841_le-rival-de-darwin.html

http://rakotoarison.lesdemocrates.fr/article-96

http://www.centpapiers.com/le-rival-de-darwin/10736/







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24 novembre 2009 2 24 /11 /novembre /2009 12:11
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24 novembre 2009 2 24 /11 /novembre /2009 09:05

Le 24 novembre 1859, il y a cent cinquante ans, Charles Darwin publiait sa fameuse théorie dans "L’origine des espèces", bible du courant évolutionniste. Le bicentenaire de sa naissance avait déjà été fêté le 12 février dernier. L’année 2009 est donc une année Darwin à double titre, et l’occasion aussi de vulgariser sur l’état actuel de nos connaissances dans ce domaine.

 

Le lundi 9 février 2009 à 20:35, je regardais un peu par hasard sur France 5 un documentaire extraordinaire.
 
 
De la vulgarisation scientifique pour vraiment tout le monde
 
Son titre dit quasiment tout : "Espèces d’espèces". Il a été réalisé par Denis Van Waerebeke, Vincent Gaullier et Raphaëlle Chaix et a même été récompensé en remportant le Grand Prix Pariscience du Festival international du Film scientifique de 2008. L’affiche de présentation (en anglais) est visible et téléchargeable (en .pdf) ici.
 
En moins d’une heure, et de façon plutôt amusante (les simagrées de Benoît Giros qui anime la voix off sont tout à fait à la portée des enfants), le documentaire se propose de revoir complètement notre vision des espèces, humaine, animales mais même végétales voire… plus !
 
 
Concept d’une espèce vivante
 
Pour cette révision complète, le documentaire aborde une problématique très ancienne : comment ranger, classer, répertorier toutes les espèces. On appelle cette science la "systématique".
 
Mais d’abord, qu’est-ce qu’une espèce ? Elle est définie par l’interfécondité : chaque être de la même espèce est capable de se reproduire, et leur progéniture doit être fertile. Cette idée annule évidemment toute notion de "races" humaines, l’être humain ne constitue qu’une seule espèce, mélangée en permanence depuis son apparition (voir un peu plus loin).
 
Aujourd’hui, on compte 1 749 577 espèces vivantes connues. Mais ce n’est que la partie non immergée de l’iceberg de la vie sur Terre. On en découvre dix mille nouvelles par an. Il y a des millions d’autres espèces qui vivent aujourd’hui et qui disparaîtront avant même qu’on puisse en connaître l’existence, et puis une dizaine de milliards d’autres qui ont disparu depuis l’apparition de la vie sur Terre. On évalue à entre cinq et cent millions d’espèces vivantes peuplant actuellement la Terre.
 
Ces statistiques relativisent le discours sur les espèces en voie de disparition : c’est un processus normal et naturel de l’évolution du vivant. Ce n’est toutefois pas une raison pour trop polluer et accélérer ce phénomène.
 
 
L’organisation du vivant
 
Il y a quelques siècles (et surtout au XIXe siècle), on a imaginé l’organisation de la vie avec un arbre de la vie : un tronc commun et des branches pour différentes espèces. Le tronc se dirige bien verticalement vers le haut et hop, on plaçait l’espèce humaine tout en haut, comme la flèche sur un sapin de Noël.
 
Oui, mais bon, tout cela était bien arbitraire. Cela nécessitait de donner un jugement de valeur sur des espèces supérieures à d’autres. Avec comme philosophie sous-jacente que l’humain est forcément au-dessus de toutes les autres espèces.
 
Ce documentaire casse donc cette idée (qui est encore très répandue de nos jours) avec une notion simple : même l’unicellulaire, même la bactérie d’aujourd’hui est aussi évoluée que l’espèce humaine. La preuve, c’est qu’elle a subi autant de transformations ou d’évolutions que nous. Sur le temps. Même temps de gestation.
 
La seule vraie différence entre l’humain et le reste du vivant, c’est que l’humain a la conscience des choses et peut s’amuser justement à réfléchir sur ce sujet. Au contraire des bactéries par exemple, mais finalement, qu’en sait-on vraiment ?
 
Même révolution des concepts : la frontière entre le règne animal et le règne végétal est très flou et bizarrement, ce n’est pas très grave, l’important est ailleurs.
 
Le film propose donc une autre solution pour classer la vie : l’arbre de vie, oui, ou plutôt, le buisson de vie. Un buisson sphérique.
 
En gros, l’arbre n’est plus vertical en une seule dimension, avec des ramifications à chaque branche, mais en trois dimensions (comme sur le schéma ici), sans bas ni haut, une sorte de sphère dont le centre serait l’unique espèce originelle, commune à tous les vivants (l’ancêtre commun, voir en fin d’article), et ensuite, le rayon grandit au fur et à mesure que le temps passe, si bien que si l’humain arrive tout en haut, en 2009, à la surface de la sphère, toutes les autres espèces vivantes, elles aussi, sont à la surface, au même niveau que l’humain, puisque ces espèces parallèles ont mis autant de temps que nous, les humains, à atteindre ce niveau d’évolution (du coup, cela donne un peu d’humilité à l’espèce humaine).
 
L’idée est donc assez facile à comprendre. Et avec les animations créées sur ordinateur, c’est assez captivant pour mieux voir en perspective.
 
Cette idée met cependant à mal la classification traditionnelle.
 
 
Remise en cause de quelques notions
 
Par exemple, il n’existe plus de reptiles qui regroupaient les crocodiles, les serpents et les lézards car les crocodiles sont beaucoup plus proches des oiseaux que des serpents et lézards, donc, on ne peut pas dissocier les oiseaux des reptiles, ni d’ailleurs des dinosaures (même ancêtre commun).
 
Idem pour les cétacés qui ont le même ancêtre commun que les hippopotames. Le groupe des poissons n’a donc pas de pertinence, les poissons osseux étant plus proches des mammifères que des requins etc.
 
 
À la recherche de nos lointains ancêtres…
 
Ensuite, le documentaire fait le processus inverse. Il part de l’espèce humaine et cherche à remonter, remonter, remonter etc. jusqu’au centre de cette sphère du vivant. Un peu comme dans une recherche généalogique.
 
C’est très intéressant. À chaque nœud de l’arbre correspond un paramètre particulier. Et un ancêtre commun, et des cousins vivants supplémentaires.
 
Le systématicien Guillaume Lecointre (du Muséum d'histoire naturelle de Paris) explique : « On peut voir un être vivant comme une série d’innovations acquises au cours de l’histoire de la vie ». L’arbre de vie raconte en fin de compte le corps humain. Chaque partie correspond à un nœud.
 
 
Une et une seule espèce humaine
 
Beaucoup de branches sont mortes. Par exemple, l’homme de Néandertal n’est pas un ancêtre de l’Homo sapiens (nous, humains) mais un cousin sans descendant (dont l’extinction nous reste encore mystérieuse).
 
C’est aussi une façon de rappeler que l’espèce humaine est unique. Le concept même de plusieurs "races" humaines ne peut donc avoir aucune justification scientifique dans la mesure où tous les êtres humains vivant actuellement sur Terre sont le résultat d’un métissage permanent (il n’existe pas de peuple ethniquement pur) d’une unique espèce. Claude Lévi-Strauss avait déjà jeté les bases de cette idée juste après la guerre (voir ce document à télécharger).
 
 
Les primates, une affaire de 7 millions de générations
 
Premier nœud encore en vie, à six millions d’années, celui de notre ancêtre commun avec les chimpanzé et les bonobos (tous des homininés). À sept millions d’années, avec le gorille des montagnes (les hominidés). Puis avec les orangs-outans (les homonoïdés).
 
Puis on arrive au nœud des hominoïdes : pas de queue, seulement un coccyx. Comme dix espèces de gibbons.
 
À vingt-cinq millions d’années, on arrive au nœud des catarrhiniens, qui nous rassemblent avec quatre-vingt-deux espèces de singes avec queue (babouin, macaque…). Le facteur innovant, ce sont les narines séparées et orientées vers le bas.
 
Si on remonte à soixante-trois millions d’années, on atteint le nœud des primates (en gros, hominidés, singes et lémuriens), avec un facteur commun, le pouce opposable, l’usage du pouce, qui fait que le primate est capable de se servir d’outil mais aussi de grimper aux arbres en s’accrochant aux branches. Mon chat meurt d’envie d’avoir un pouce. En sept millions de générations, le premier primate a donc donné naissance à l’être humain, l’homo sapiens.
 
 
Et la machine remonte le temps…
 
Petit à petit, à force de remonter, le spectateur peut voir quels sont nos points communs d’abord avec les rongeurs, puis avec les lions, baleines, gerboises, rhinocéros et taupes.
 
Ensuite, on remonte au nœud des thériens : l’existence d’une glande mammaire avec téton, et d’omoplates mobiles, comme chez le kangourou.
 
On remonte et on arrive au nœud des mammifères : corps couvert de poils et allaitement des petits, ce qui donne quelques étrangetés comme l’ornithorynque qui a un bec, des palmes et qui pond des œufs, mais reste quand même un mammifère.
 
Après, la branche est longue à remonter sans nœud ayant abouti à des espèces encore vivantes aujourd’hui jusqu’à cent trente millions d’années, au nœud des amniotes. Commun aux flamands roses. Notre point commun, c’est la membrane qui enveloppe l’embryon pour le protéger.
 
On remonte encore jusqu’au nœud des tétrapodes : un nombre pair de membres locomoteurs, et de un à huit doigts par membre. Là, nous sommes dans un groupe de 26 308 espèces.
 
Toujours remonter ; à quatre cent vingt millions d’années surgit le nœud des sarcoptérygiens (si si !) qui ont pour point commun la nageoire charnue (c’est l’étymologie grecque), c’est-à-dire de ne pas avoir les doigts collés au tronc mais séparés par un bras ou une nageoire, permettant donc de marcher, voler etc. Un cousin qui pourrait être très utile fait partie de cette catégorie.
 
Puis, nœud des ostéichtyens qui regroupent tous ceux qui ont des os et pas du cartilage. Cela place l’humain dans une famille de cinquante mille cousins maintenant.
 
On s’enfonce encore plus dans le centre de l’arbre. Nœud des gnathostomes qui ont de l’hémoglobine et une mâchoire, comme chez le gros requin blanc.
 
Arrive enfin le nœud des vertébrés. Puis des crâniotes qui possèdent une boîte pour protéger leur cerveau. Puis des myomérozoaires. Puis celui des chordés.
 
Le nœud des deutérostomiens surgit alors pour regrouper cinquante-huit mille espèces vivantes (ce qui reste un nombre dérisoire). En gros, le point commun des individus est qu’ils ont un orifice en haut (bouche), un orifice en bas (anus) et un conduit passant de l’un à l’autre (œsophage et intestins par exemple).
 
En remontant, on passe aux millions d’espèces au nœud des bilatériens dont la caractéristique est d’être construits avec un plan de symétrie, comme les mollusques mais pas comme les éponges.
 
Et on arrive à une amibe à sept cent millions d’années. Au nœud des métazoaires. Là, le point commun, c’est d’être pluricellulaire et mobile.
 
Puis, à un milliard d’années, on arrive à l’un des trois nœuds élémentaires de la vie : les eucaryotes. On inclut dedans non seulement les animaux, mais aussi les végétaux et quelques unicellulaires comme les micro-algues (considérées à tort comme des végétaux) et les paramécies (considérées à tort comme des animaux). Le point commun, c’est la structure de la cellule qui compose les individus : avec un noyau composé de la molécule d’ADN.
 
 
On change de règnes
 
Dans cet ordonnancement, il n’y a plus de règne animal ni de règne végétal (les deux sont classés chez les eucaryotes) mais trois branches.
 
Deux autres grandes branches existent effectivement à côté des eucaryotes : les bactéries (très diversifiées et évoluées ; on en connaît dix mille espèces mais il en existe plusieurs millions) et les archées.
 
Les bactéries ont été essentielles dans l’évolution puisqu’elles ont apporté l’azote aux végétaux et ont permis la digestion des animaux. Les archées, comme les bactéries, sont des unicellulaires sans noyau. Les archées se trouvent souvent dans des environnement très particulier et sont capables de résister à des conditions extrêmes comme un milieu très acide (pH proche de zéro), des hautes températures (supérieures à cent degrés Celsius), une pression élevée (deux cents bars) etc.
 
Enfin, l’humain a encore des points communs avec le pyrococcus, un exemple d’archée, par son code génétique et ses protéines identiques, bref, par le fait qu’ils constituent chacun… un être vivant.
 
Donc, trois branches : eucaryotes (cellules avec noyau), bactéries et archées, et donc, un ancêtre commun, si si… daté d’environ trois milliards et demi d’années, et que les scientifiques nomment LUCA pour "last universal common ancestor", le vétéran de la vie sur terre… mais qui n’exclut pas qu’à l’époque, il vivait avec d’autres formes de vie qui, elles, n’ont abouti à aucune espèces encore vivantes aujourd’hui.
 
Cette vision qui reste encore évidemment floue de l’origine du vivant peut être intégrée dans l’exobiologie, dans la recherche de forme de vie extraterrestre (sur Mars par exemple à défaut de l’imaginer à l’extérieur du système solaire).
 
 
La chance incroyable de vivre
 
À la fin du documentaire, le microbiologiste Patrick Forterre (de l’Institut Pasteur) donne une conclusion passionnante de cette perspective : « Clairement, tous les êtres vivants actuels descendent d’un ancêtre commun, nous avons tous un même ancêtre » (qui est donc LUCA).
 
Puis, il poursuit : « Moi, j’aime bien comparer les bactéries à des microordinateurs très récents et les eucaryotes, les hommes, à des gros ordinateurs des années 1950-1960 qui étaient plus gros et plus complexes, mais qui en fait étaient moins performants. Bon, c’est un peu caricatural, mais je pense que ça vaut la peine de réfléchir un peu en ces termes. Il ne faut pas raisonner en termes d’organismes plus ou moins évolués mais en terme d’organismes effectivement plus ou moins complexes mais surtout avec des stratégies de vie différentes ».
 
Et Patrick Forterre finit assez intensément : « C’est une chance incroyable, quand on y réfléchit, d’être en vie. Si le spermatozoïde d’à-côté avait gagné, bon, vous ne seriez pas en vie et puis on peut remonter ça à chaque génération ».
 
 
De nombreuses rediffusions
 
Le film a été rediffusé sur France 5 également le 18 février 2009 à 1:05 et le 23 février 2009 à 5:50 mais il est régulièrement diffusé en France, comme par exemple dans des écoles du Poitou-Charentes la semaine avant les vacances de la Toussaint où un thésard en paléontologie de Poitiers (Antoine Souron) venait débattre avec des lycéens du sujet du 20 au 23 octobre 2009, ou encore à l’occasion de la fête de la science le 20 novembre 2009 au lycée Camille-Claudel de Palaiseau suivi d’une conférence du chercheur Pierre Capy, professeur de Paris-Orsay et directeur du Laboratoire évolution, génomes et spéciation du CNRS à Gif-sur-Yvette.
 
Le documentaire a fait l’objet d’un DVD qui est sorti le 17 août 2009 et ce serait une bonne idée de cadeau pour Noël pour les enfants (et les adultes), mais il semblerait qu’il soit déjà épuisé (selon le site Amazon, par exemple).
 
 
Évolution
 
Pour approfondir le sujet, je vous conseille de lire l’ouvrage "Comprendre et enseigner la classification du vivant" sous la direction de Guillaume Lecointre, éd. Belin 2004 (ISBN 2-7011-3896-5) et d’écouter l’entretien de ce scientifique avec Antoine Spire. Ou bien de lire des ouvrages de deux scientifiques références sur l’évolution, Stephen Jay Gould et Richard Dawkins.
 
Dans un autre article, je parlerai d’un éventuel concurrent de Darwin (ou pas).
 
 
 
Sylvain Rakotoarison (24 novembre 2009)
 
 
Pour aller plus loin :
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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23 novembre 2009 1 23 /11 /novembre /2009 10:37

(dépêche-blog)


La méthode scientifique pervertie, par Xavier Driancourt, docteur

Changement climatique: La méthode scientifique pervertie

Dimanche, 15 Novembre 2009 17:45 | Écrit par Xavier Driancourt, PhD |   

Les controverses autour des méthodes scientifiques mises en oeuvre par les instances dirigeantes du GIEC, organisme placé sous le contrôle de l'ONU, pour l'étude du changement climatique, ont inspiré à M. Xavier Driancourt, lui même docteur en statistiques et spécialiste de modélisation, des réflexions sur les perversions qui entachent le processus de création du savoir scientifique placé sous la contrainte politique et financière. Il est urgent de remettre en question les méthodes scientifiques de la fabrication du savoir dans les champs de la science qui engendrent des décisions politiques aux conséquences économiques et politiques très lourdes.

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Témoignage sur l'évolution contemporaine du monde scientifique
Xavier Driancourt, PhD

J’ai été chercheur durant quelques années dans le domaine du machine learning, (disons pour simplifier : statistiques appliquées), à l’occasion d’un doctorat puis une fonction d’ingénieur de recherche, dans une équipe universitaire puis une start-up toutes deux en pointe au niveau mondial.

Mon équipe de recherche universitaire, ma start-up, mes travaux ou ceux de mes proches collègues, ont été à l’origine d’évolutions importantes autour des années 1990. Un tiers des chèques traités aux USA le sont avec des machines qui incorporent les logiciels de lecture automatique mises au point avec nos logiciels de modélisation. Durant quelques semaines le record du monde de fiabilité de décodage acoustico-phonétique sur une base de donnée de référence les plus en vue au niveau mondial l’a été avec un logiciel mis au point par un doctorant sous ma conduite. Les meilleurs systèmes de prévision français de circulation autoroutière, d’affluence aux centres d’appels carte bleue, et autres prévisions commerciales l’ont été avec un logiciel de notre entreprise. Etc.

Plusieurs faits m’ont frappé dans l’organisation du monde scientifique contemporain, m’amenant  à une réflexion générale sur l’évolution de la science. Cette réflexion m’a été salutaire lorsque je fus amené, en tant que citoyen, à observer le comportement du monde scientifique dans l’affaire du réchauffement climatique. J’ai porté en introduction de mon mémoire de doctorat plusieurs éléments de réflexion.

1- Au fondement de la méthode scientifique se trouve un principe fondateur : la vérifiabilité (ou son dual, la réfutabilité). Toute assertion scientifique doit être vérifiable (resp. réfutable), c’est à dire reproductible (resp. sans contre vérité) dans des conditions comparables. Un théorème doit pouvoir être démontrable et redémontré, une expérience de physique observable et réobservée, etc. La méthode de la relecture par les pairs qui est de règle dans les revues scientifique était à l’origine destinée à garantir la vérification. Or aujourd’hui la complexité des méthodologies scientifiques mises en place, le coût des matériels, et la multiplication frénétique des publications scientifiques (dont les 90% pourraient tout aussi bien être mises à la poubelle) souvent produites dans une course frénétique à la visibilité tous azimuts, font que les article se contentent de documenter la ligne générale de leur méthodologie et non leur méthodologie exacte, et les relectures se contentent de garantir la plausibilité des assertions, et non leur exactitude. Vérifier l’exactitude en ayant recours à la méthodologie exacte nécessiterait pour nombre de publications en physique, en statistiques appliquées, en sciences de la nature, en sciences humaines, des mois de travail et de couteux matériels. Or la relecture avant publication d’un article scientifique octroie en général quelques heures, tout au plus quelques demi-journées et aucun crédit de matériel. Ce qui était suffisant au 19ème siècle pour garantir l’exactitude ne garantit plus aujourd’hui que la plausibilité. En retour la méthode de la revue de plausibilité permet à des communautés entières de partager une culture souvent fertile avec une réactivité maximale.

2- La science se fragmente en d’innombrables spécialités aveugles les unes aux autres, chacune dotée d’une communauté internationale. Cela se justifie par l’immensité du champ scientifique et l’extension croissante de la sphère des connaissances humaines. Cela rend de plus en plus incontrôlable les coteries qui se cooptent de façon internationale pour se doter de la respectabilité apte à capter des capitaux publics ou privés, qu’elles soient nécessaires, pertinentes, ou tout simplement fumistes. De vieux chercheurs refusent de se recycler dans des thèmes réellement nouveaux et préfèrent radoter dans de vieux thèmes entièrement reformulés de façon à apparaitre superficiellement comme nouveaux. Des brevets doublons sont déposés sans que les experts nommés par les organismes publics d’octroi ne parviennent à déceler la fraude. Des fumistes ou des narcissiques vantent les mérites de méthodes rocambolesques qui depuis de nombreuses années échouent pitoyablement en dehors de leur contexte jouet.  Des prétentieux ou des arrivistes affichent des résultats apparemment excellents, en réalité complètement pipés pour faire croire à une efficacité illusoire. En retour j’ai vu des résultats inattenduement positifs venir d’approches novatrices mêlant de façon originale des disciplines initialement hétérogènes.

3- Chaque communauté va développer ses propres acceptations. La plausibilité remplace l’exactitude. Au total des cercles de respectabilité se développent parfois sur du sable. En retour j’ai aussi vu des communautés d’une extrême compétence juger avec vigilance les apports véritables des nouveaux travaux.

4- Chaque communauté scientifique se défend de façon darwinienne face aux communautés trop proches pour être neutres, trop éloignées pour être amies. Les territoires de budgets et de respectabilité se gagnent par de véritable guerres tribales. La vérification de l’exactitude étant hors d’atteinte du décideur administratif ou financier, les budgets se gagnent sur des dialectiques de respectabilité elles-mêmes souvent fondées sur du sable. J’ai eu l’immense chance de travailler dans un domaine ou nos travaux se traduisaient, après plusieurs mois par des résultats expérimentaux substantiels, et après plusieurs années d’ingénierie applicative, par des résultats industriels concrets qui venaient prouver leur qualité. Malgré cela j’ai vu des fumistes, j’ai vu des arrivistes, qui parvenaient à maintenir durant des années les décideurs administratifs ou financiers dans l’illusion que leurs travaux étaient d’aussi bonne qualité, par exemple en travaillant sur des problèmes jouets et en affichant des taux de succès illusoirement similaires à ceux d’équipes concurrentes qui travaillaient sur des problèmes immensément complexes issus du monde réel. En retour, combien de travaux d’une qualité remarquable n’ont pas eu la chance que nous avons eu de connaitre cette extraordinaire conjonction qui seule a permis leur concrétisation industrielle à l’issue de long travaux d’ingénierie applicative ?

5- Une part importante de la vie des équipes de recherche consiste à trouver des financements ou de la respectabilité. La plupart des chercheurs se comportent comme n’importe quel animal défendant son territoire, quitte à piétiner, mordre, voire dévorer son voisin. J’ai vu des chercheurs se piétiner de façon infecte pour quelques milliers d’euros de budget. J’ai vu des travaux qui auraient tout aussi bien pu terminer dans la poubelle pour le plus grand bien de l’humanité être encensés et décorés grâce à des accointances politiques. En retour, j’ai aussi vu des chercheurs à l’intégrité irréprochable véritablement épris d’idéal scientifique.

6- Des modèles informatico-mathématiques dotés d’une immense richesse fonctionnelle peuvent digérer une énorme quantité d’information sans jamais en tirer quoi que ce soit de pertinent. Seule la stabilité des modèles face aux fluctuations des données permet de prouver leur robustesse. Ces théories mathématiques ne sont apparues que récemment dans le champ de l’enseignement académique. Trop souvent les statisticiens « classiques » se dispensent d’effectuer des validations croisées qui consistent à partitionner des échantillons d’apprentissage et des échantillons de tests distincts afin de mesurer cette robustesse. En retour, des modèles informatico-mathématiques  robustes permettent de résoudre plus vite et même plus justement des problèmes jusque là insolubles pour des raisons de manque de mesures directes ou de complexité calculatoire.

7- Si vous masquez les véritables causes d’un phénomène, les corrélations avec d’autres phénomènes sans rapports finiront par apparaitre et donneront l’illusion d’avoir trouvé une explication. La couleur de la robe de la première passagère d’un paquebot sera forcément corrélée à l’une des innombrables variables que sont l’âge du capitaine, du lieutenant ou du timonier, ou le numéro de série d’un des innombrables composants de tout paquebot. Si vous connaissez certaines corrélations non causales pouvant avoir une incidence politique, alors il vous suffit de faire en sorte que les véritables causes du phénomène soient interdites de prise en compte pour que les corrélations non causales donnent l’illusion d’être les véritables causes. Alors vous accèderez au pouvoir politique. En retour, si vous êtes honnêtes, vous êtes amené à écarter les non-causes des machineries statistiques, de peur qu’une corrélation malencontreuse apparaisse et ne leur donne une importance illusoire.

L’utilisation de la science pour des décisions politiques majeures n’a donc aucun sens sans processus d’audit complet. Or toute la démarche politique autour de l’affaire du réchauffement climatique n'est pas une démarche fondée sur le sérieux, la transparence et la sincérité, mais une démarche hélas fondée sur la passion, sur le secret des données et des méthodes, et sur la propagande, avec exercice de pressions psychologiques sur le public et les scientifiques rebelles. La suite, on la connait : des données sources non fiables, voire trafiquées par des correctifs erronés et même inversés, des modèles non robustes, des corrélations biaisées par l’interdiction de prendre en compte les phénomènes solaires, mais glorifiant la mystérieuses ampleur de la prise en compte du taux de CO2, des milliards d’euros déversés chaque année dans les poches des alarmistes, des fonctionnaires onusiens et des politiciens avides de prouver que la chose politique serait plus utile et moins corrompue qu’elle ne l'est, d’honnêtes scientifiques raillés, voire professionnellement persécutés pour avoir émis des doutes, et d'autres terrorisés à l’idée d’en émettre.

La gigantesque et triste farce mondiale qu'est l’affaire du réchauffement climatique pose la question de l'évolution de la méthode scientifique au 21ème siècle, tout particulièrement lorsque des décisions politiques lourdes de conséquences peuvent en découler.

Xavier Driancourt
PhD , Computers Sciences & Statistics
Mastère MMFAI ENS Ulm
MBA IAE Paris





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21 novembre 2009 6 21 /11 /novembre /2009 17:29
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17 novembre 2009 2 17 /11 /novembre /2009 19:51

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Guillaume Lecointre à propos de l'Université Interdisciplinaire de Paris (octobre 2000)


Le créationnisme à visage découvert

Le créationnisme est un concept créé aux USA par des fondamentalistes religieux qui voudraient voir la Bible prendre place au cœur de l’enseignement. Plusieurs étapes ont jalonné son histoire, avec des procès retentissants. Actuellement, le créationnisme revêt un caractère discret et dangereux. Sous couvert d’ouverture d’esprit, d’œcuménisme, des institutions comme l’UIP diffusent jusque dans les sciences une spiritualité pernicieuse. Des scientifiques comme Dambricourt prêchent un moteur interne au vivant en lieu et place d’évolution. Un concept de dessein intelligent a émergé récemment, acceptant le fait évolutif « encadré » par un programme, manière détournée d’imposer une entité architecte de notre avenir. Les méthodes du créationnisme s’affinent, jouent sur les ambiguïtés et sur le langage, et avancent sans heurt majeur, avec l’aval du président Bush aux USA. Vous trouverez dans ce dossier quelques textes sur ce concept qui n’avance pas toujours à visage découvert et qui réclame notre vigilance.
 
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L’Université Interdisciplinaire de Paris

par Guillaume Lecointre - SPS n° 244, octobre 2000

La communauté scientifique nationale montre bien peu de vigilance face aux offensives spiritualistes d’allure respectable. Pour un réarmement intellectuel, les chercheurs scientifiques devraient retourner aux racines épistémologiques de leur métier.

Beaucoup de sectes rejettent la démarche rationnelle de la découverte du monde pour revendiquer des solutions spirituelles à tous nos problèmes scientifiques, sociaux, économiques et politiques. Un mariage science-religion serait garant de l’accroissement d’humanisme et de morale dont aurait besoin une gestion froidement rationnelle de nos sociétés. Comme si la religion avait le monopole de l’humanisme et de la morale ! Comme si notre économie libérale était rationnelle ! Cette erreur très courante résulte simplement de la confusion bien entretenue entre, d’une part, la science comprise comme démarche rationnelle et matérialiste de l’explication du monde, et, d’autre part, la science vue à travers ses applications directes (la technoscience), donc une science distordue par de multiples pressions politiques et économiques. Un véritable engagement politique digne des Lumières consisterait à s’emparer de la raison pour se battre sur le terrain politique et économique afin de trouver des solutions à nos problèmes, y compris pour injecter davantage d’humanisme et de morale dans nos rapports sociaux, économiques, et dans la vie publique. L’autre engagement, qui semble en vogue depuis qu’on parle de dépolitisation des masses, est d’attribuer la responsabilité de toutes les misères du monde à la démarche rationnelle de la découverte de ce monde. Pour sauver le monde, il faudrait que les scientifiques (et les décideurs qui les consultent) laissent un peu leur froide rationalité de côté pour s’ouvrir aux sagesses de la spiritualité, à l’inconnu, voire pour laisser parler leur foi. Un doigt de spiritualité dans la démarche scientifique résoudrait nos problèmes scientifiques et socio-économiques. C’est le degré zéro de l’épistémologie.

« Réconcilier » science et religion

Sans que notre communauté scientifique ne s’en émeuve, une organisation grassement financée par des fonds privés, l’Université Interdisciplinaire de Paris (UIP), se fait championne de ce discours avec l’appui de scientifiques renommés et prix Nobel (la renommée ne garantit pas la vigilance épistémologique). Sous l’impulsion de Jean-François Lambert et de Jean Staune, l’UIP a organisé depuis 1995 une dizaine de colloques, dont le dernier s’est tenu en Mars 2000 sur le thème « les limites de la sélection naturelle ». Cette organisation milite en fait pour un « nouveau paradigme », celui d’une réintroduction de la spiritualité dans le champ de la découverte scientifique. L’UIP est donc fondamentalement anti-matérialiste (normal, pour une organisation ayant reçu une bourse de 10 000 dollars de la fondation Templeton « pour le progrès de la Religion »), et donc anti-darwinienne. Mais pas créationniste : elle se veut évolutionniste, mais d’un évolutionnisme compatible avec la foi religieuse, où l’homme reviendrait au centre d’un Univers ayant évolué vers lui, et dont il est le dessein, ce qui permettrait « d’approcher rationnellement la croyance ». Pour que la « quête de sens » aboutisse, il faudrait réintroduire la spiritualité comme objet d’étude et comme outil permettant l’explication évolutionniste du monde. Dans ces conditions, l’ennemi à abattre, c’est Darwin et son matérialisme scientifique.

La fin de la mauvaise science

Mae Wan Ho, conférencière vedette cette année à l’UIP :
« Le paradigme mécaniste a dominé les sciences durant des siècles. Il a projeté une vision darwinienne à travers laquelle des entités égoïstes et isolées se bousculent et se concurrencent les unes les autres pour un combat pour la survie du plus fort. En donnant de mauvaises indications à des responsables politiques, il a créé et renforcé un régime social dysfonctionnel qui détruit notre planète et échoue à servir les besoins physiques et spirituels de la plus grande partie de l’humanité. Le débat autour du génie génétique a mis en lumière les dangers d’un courant scientifique dégénéré et discrédité qui est devenu l’instrument d’un système corporatiste. Une révolution organique est sur le point de mettre un terme à la mauvaise science et aux intérêts économiques qu’elle génère, et de restaurer les modes de vie holistiques qui peuvent régénérer notre planète et revitaliser l’esprit humain ».

L’UIP entretient donc un amalgame classique qui consiste à attribuer à Darwin les élucubrations sociologiques de l’évolutionnisme philosophique d’Herbert Spencer (voir le livre de Patrick Tort, 1996*), et donc de dénoncer le « darwinisme social » (qui n’est pas un darwinisme ! Voir Patrick Tort, 1999) pour recruter des adhérents sur une base humaniste. Qui irait contre plus d’humanisme ? Le plus drôle, c’est que les dysfonctionnements sociaux engendrés par le libéralisme économique sont attribués par l’UIP au darwinisme qui, selon elle, imprégnerait nos sociétés (voir l’encadré « La fin de la mauvaise science »), alors que, bien au contraire, Darwin avait pensé l’émergence, par voie de sélection naturelle, des mécanismes anti-sélectifs d’entraide au sein même des sociétés humaines, et par là posé les origines matérialistes de la morale (Darwin, La filiation de l’Homme et la sélection liée au sexe, 1871, traduction française 1999, ainsi que les livres de Patrick Tort). La « survie du plus apte » bêtement transposée au sein de nos économies et dans la société, ce n’est pas l’œuvre de Darwin, comme essaie de le faire croire l’UIP, mais l’œuvre de Spencer. Et c’est le libéralisme économique dans lequel évolue Staune dans ses activités de consulting et de conseil auprès des « managers » qui cause les dégâts sociaux dénoncés par l’UIP.

Un autre amalgame entretenu est de faire passer le matérialisme méthodologique qui est depuis la Renaissance la condition méthodologique de la science pour le matérialisme dialectique qui accompagne le marxisme. La ficelle est un peu grosse et surtout archi usée, mais elle permet au juriste américain Philipp Johnson de faire passer le darwinisme contemporain comme le pur produit d’une idéologie.

Parler biologie aux physiciens et physique quantique aux biologistes

On peut se demander si ces amalgames sont calculés ou s’ils résultent d’une ignorance pure et simple des questions historiques, scientifiques et épistémologiques traitées.

Il suffit à n’importe quel évolutionniste professionnel de lire le dossier de Jean Staune et Yves Christen sur l’évolution (Figaro Magazine du 26 Octobre 1991, voir l’encadré « Le Coelacanthe contre Darwin »), ou le livre de Michael Denton (L’Évolution, une théorie en crise, Flammarion), celui de Rosine Chandebois (qui veut « en finir » avec le darwinisme !), ou encore les publications d’Anne Dambricourt-Malassé (voir plus loin) ou de Philipp Johnson, pour s’apercevoir que la majorité des auteurs sont dans le second cas. Par contre, la biologie de Christen et Staune atteint de tels sommets qu’on se demande si le contenu ne serait pas calculé, comme semblent l’être les amalgames de Johnson entre matérialisme scientifique et idéologie.

Le Coelacanthe contre Darwin ?

Prenons l’exemple risible du Coelacanthe qui réfuterait Darwin parce qu’il aurait cessé d’évoluer. Dans le dossier de Jean Staune du Figaro-Magazine intitulé « L’évolution condamne Darwin » du 26 Octobre 1991, au dessus d’une photo de coelacanthe, on lit : « Le coelacanthe : en 1938, la première mauvaise nouvelle pour les darwiniens. C’était l’ancêtre de tous les vertébrés. On le croyait disparu depuis des millions d’années. On l’a retrouvé voici cinquante ans, bien vivant, au large des Comores. Il n’avait donc pas évolué depuis ses très lointains ancêtres : contrairement à ce qu’aurait voulu la théorie ».

Plusieurs stupidités se superposent ici :

1. Le coelacanthe n’est pas l’ancêtre de quelque chose puisque c’est une espèce actuelle. Il ne peut être que groupe-frère de quelque chose. Les évolutionnistes ont cessé depuis longtemps d’utiliser le mot « ancêtre » à propos d’un animal identifié, ils utilisent le mot « groupe-frère de… » pour situer un animal dans l’arbre des êtres vivants. Le terme d’« ancêtre » est réservé à un animal abstrait.

2. Le coelacanthe n’est pas l’ancêtre des vertébrés, mais le groupe-frère d’un groupe comprenant les animaux à quatre pattes (les tétrapodes) et les poissons pulmonés appelés dipneustes. Les vertébrés sont apparus bien avant la lignée du coelacanthe.

3. La morphologie du coelacanthe actuel est presque identique à celle de fossiles du Crétacé. Si les cinq pour cent des gènes du génome qui contrôlent la morphologie restent stables sur de grandes périodes de temps, le reste peut très bien continuer à évoluer car le génome comprend une multitude de gènes aux fonctions très diverses dont les vitesses d’évolution sont très inégales. Le coelacanthe n’a donc pas cessé d’évoluer. Et même si l’on ne s’intéresse qu’à la stabilité morphologique, le néodarwinisme a incorporé les stases, périodes de relative stabilité évolutive.

4. La « théorie » n’a jamais « voulu » qu’un animal évolue à tout prix, ou même cesse d’évoluer. La théorie n’impose rien là dessus. Une partie des gènes peut rester stable un certain temps, tandis qu’une autre partie peut accélérer sa vitesse d’évolution. Ceci est connu sous le nom d’hétérobathmie des caractères.

Une foule de naïvetés et de données mal digérées, de critiques vaines ont été également véhiculées dans le livre de Michael Denton (L’évolution, une théorie en crise, Flammarion) que nous n’avons pas la place de reprendre ici. Pour une mise au point de ce que comprend Denton en évolution biologique, on se reportera à la section III du livre intitulé Pour Darwin (Sous la direction de Patrick Tort, PUF, 1997).


Mais il en va de même sur le terrain de la physique quantique, l’autre terrain de chasse des anti-matérialistes. Staune parle de physique quantique aux biologistes et de biologie aux physiciens. Mais les physiciens conscients ne s’y trompent pas. Voici ce que nous écrit Jean Staune dans Convergences, feuille de chou de l’UIP :

« Il y a un niveau de réalité qui échappe au temps, à l’espace, à l’énergie et à la matière, mais qui pourtant peut avoir dans certaines expériences une influence causale sur notre niveau de réalité. Cela ne constitue pas une preuve de la validité d’une vision « spiritualiste » du monde mais cela lui donne une crédibilité nouvelle tout en rendant le matérialisme plus difficile à penser. Le matérialisme est encore possible, mais il doit se transformer en matérialisme de Science-fiction, capable d’intégrer la déchosification de la matière ».

La physique quantique est donc lourdement mise à contribution pour servir le nouveau paradigme. C’est la stratégie des églises et des sectes : utiliser les frontières actuelles de la science, les difficultés temporaires et locales du front d’émergence des connaissances où tests et réfutations s’opèrent, pour proclamer la mort du matérialisme, du déterminisme et la naissance d’une nouvelle « science » spirituelle où une autre dimension jusque là imperceptible aux scientifiques (Dieu ?) aurait sa place. Le prêtre catholique Thierry Magnin nous explique d’ailleurs dans Convergences n° 5 (p. 4) qu’il y a des trous dans nos connaissances et qu’au bord, il y a le Christ. Pour finir, Michael Denton dans une interview qu’il donne à Nouvelles Clés, journal d’ésotérisme, à l’occasion de la traduction de son livre chez Fayard, L’évolution a-t-elle un sens ? regrette le moyen âge, époque harmonieuse où l’homme était au centre de toute la cosmologie et la science soumise au pouvoir théologique. Et dans son dernier livre, il défend franchement la pensée téléologiste selon laquelle le but ultime de toute l’évolution cosmique et biologique, l’homme, était inscrit dès le départ. Cette évolution réaliserait un dessein.

L’Université Interdisciplinaire de Paris

L’UIP laisse de plus en plus entrevoir son paradigme. Des séries de conférences constituent des « modules » dont les titres pour l’année 2000 sont édifiants : « Science et religion, une discipline émergente ? », où, entre autres, un moine thibétain cause du « Big Bang à l’éveil : science et bouddhisme ». Une table ronde s’intitule « Physique quantique et valeurs humaines ». Le module « science et société », au titre passe-partout, fait intervenir scientifiques, philosophes et théologiens pour servir le nouveau paradigme. En 1999, les intitulés étaient d’un ton plus pastel. Un programme de conférences s’intitulait « Science, conscience et sens » (on ratisse large), où intervenaient sept membres de l’Académie des sciences dans les locaux de l’Eglise Réformée de France et ceux de la Sorbonne. Sous le haut patronage de Jacques Chirac et sous la présidence de Federico Mayor, Directeur général de l’UNESCO, le congrès de 1999 s’intitulait « Un siècle de Prix Nobel : science et humanisme ». Un titre passe-partout bien banal, pour qui n’a pas connaissance du passé et des écrits des membres de l’UIP.

En fait, l’UIP est une reprise en mains de l’Université Européenne de Paris, elle-même anciennement Université Populaire de Paris qui organisait il y a plus de vingt ans en des lieux luxueux des conférences publiques sur le paranormal, la parapsychologie, l’astrologie, l’ésotérisme, etc. (Lecointre, 1997). L’UIP est actuellement financée - entre autres - par Assystem, Auchan, Nature et Découverte, France Télécom, Salustro Reydel (Audit et Conseil) et a bénéficié de certains appuis dans les media. Libération, sous l’action de la journaliste Dominique Leglu, a longtemps fait de la publicité pour les colloques de l’UIP jusqu’au printemps 1999 où le journal mit un terme à son partenariat. La Recherche, sous l’impulsion d’Olivier Postel-Vinay, directeur de la rédaction, a publié depuis 1995 un nombre impressionnant d’articles portant sur les chercheurs membres permanents de l’UIP ou sur leurs recherches (Bernard d’Espagnat, Christian de Duve, Marcel-Paul Schutzenberger, Ilya Prigogine, Anne Dambricourt-Malassé, Trinh Xuan Thuan, Jean-Marie Pelt…). Plusieurs de ces personnes signent des articles dans le journal d’ésotérisme Nouvelles clés de Patrice Van Eersel et Marc de Smedt, des spécialistes d’ésotérisme anciens compagnons de route du Planète de Louis Pauwels (voir encadré). La Recherche, en offrant ses pages au relativisme cognitif et aux membres de l’UIP, est maintenant très loin du rôle qu’il tenait jadis auprès des professeurs de la République. Pour finir, Staune répand la bonne parole dans les entreprises en donnant des conférences ou des articles intitulés « Les fondements scientifiques du changement dans l’entreprise. A la recherche d’un lien inattendu entre l’astrophysique et l’entreprise », « Manager dans la complexité », « Sens et management : comprendre la quête de sens des consommateurs et des salariés pour mieux y répondre ». A l’aide de l’astrophysique, Staune arrivera-t-il à donner au capitalisme un visage humain ?

L’UIP enrôle en douceur. Staune va chercher aux USA des professeurs d’universités et des Nobels ayant des choses à révéler sur Dieu (l’UIP est le principal partenaire du Center for theology and natural sciences à Berkeley, Californie). On imagine mal à quel point ils sont nombreux, dans un pays où le fondamentalisme protestant est un des plus puissants au monde et où son militantisme est actif jusqu’au coeur des universités. Staune prend pour un signe des temps les errements de l’association américaine pour l’avancement des sciences (celle qui édite le journal Science) qui organise des colloques sur les « questions cosmiques » et fait ses unes sur le « réchauffement science-religion ». S’est-il seulement demandé s’il fallait importer en France les conséquences sociales d’une Amérique non laïcisée ? Fort de l’argument d’autorité du grand-frère américain, et accompagné d’une brochette de Nobels, Staune ira inviter les scientifiques vedettes de notre hexagone, pour causer humanisme. On vous flatte, et vous vous trouvez pris au piège sur la « photo de famille ». Votre nom servira au crédit que d’autres porteront au prochain colloque. En 1992, André Adoutte et Pierre-Henri Gouyon, tous deux alors Professeurs à l’Université de Paris XI, se sont fait piéger en allant contre-argumenter les propositions de l’UIP au Sénat. Ils ne sont pas particulièrement enchantés de voir figurer leur nom sur la cassette vidéo. La formule semble bien fonctionner. Le colloque du mois d’avril 1999 était honoré de la présence de nouvelles personnalités comme le Directeur du Muséum National d’Histoire Naturelle de l’époque, Henry de Lumley, et la série de conférences « Science, conscience et sens » de Jean-Didier Vincent, Antoine Danchin et Jean-Marc Lévy-Leblond.

Parmi ceux-ci, les deux derniers ont témoigné de leur surprise lorsqu’un article (Lecointre, 1999a) relata leur participation, et dirent s’être fait piéger. L’UIP piège donc, mais certainement pas tout le monde. Les nouveaux-venus ou les occasionnels côtoient ainsi les scientifiques permanents de l’organisation, Bernard d’Espagnat, Christian de Duve, Jean-Pierre Luminet, Ilya Prigogine, Anne Dambricourt-Malassé, Trinh Xuan Thuan, Jean-Marie Pelt… Les nouveaux scientifiques (ou assimilés comme tels) français du cru 2000 sont Jacques Vauthier, Bruno Guiderdoni, Dominique Laplane, Philippe Pignarre, Basarab Nicolescu, Antoine Andremont, Tobie Nathan, Philippe Queau. Dans le milieu de la philosophie et des sciences humaines, l’UIP va ratisser dans le camp opposé à celui de Alan Sokal et Jean Bricmont. En philosophie, elle importe ce qu’il y a de plus médiatique, Luc Ferry et André Comte-Sponville (pour plus de détails, voir le livre récent de Jean-François Raguet : De la pourriture, Ed. L’insomniaque). Bruno Latour viendra porter la lumière relativiste sur tout ça. Dans une société où s’épanouissent les sectarismes religieux, un relativisme absurde en philosophie et en sciences sociales et les rayons d’ésotérisme à la FNAC (laquelle vend aussi l’abondante avalanche de livres des membres de l’UIP), fallait-il que la science soit contaminée ? Les repères épistémologiques s’étiolent y compris chez les scientifiques. L’Académie des sciences a perdu toute vigilance (Lécuyer, 2000). Elle publie les travaux de A. Dambricourt, dont « l’attracteur harmonique » n’est formalisé dans aucune de ses publications (voir encadré page 10), et de J. Chaline dont le programme de recherche complètement téléologiste (Lecointre, 1999b) est soutenu par les académiciens Dorst et Dercourt (Dorst qui participait en 1991 au dossier de Staune). Le secrétaire perpétuel de l’Académie, François Gros, présida même à l’automne 1997 une rencontre à Houlgate réunissant tout le gratin de l’UIP !

Lorsque la pertinence des propos se mesurent à la cote médiatique, où le vrai et le faux est affaire d’opinion personnelle et où réfuter une thèse est une atteinte à la liberté de penser, il est normal que l’intrusion spiritualiste rencontre peu d’obstacles. La conscience et le courage des scientifiques sont souvent limités par les nécessités de carrière (publications et visibilité). La conscience et le courage éditoriaux des journaux se déterminent bien plus en fonction de ce qu’écrivent les collatéraux et en fonction de la rentabilité et de l’image qu’ils se font de leurs lecteurs qu’en fonction de réelles convictions. Il est donc peu surprenant que Staune ait pignon sur rue, tant il est passé maître dans l’art de communiquer et sait, par la contamination qu’il produit, se donner des allures respectabilité.

Mis en ligne le 3 juillet 2004





 

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15 novembre 2009 7 15 /11 /novembre /2009 11:09

(dépêches)


Les océans terrestres auraient une origine extraterrestre


http://www.nature.com/nature/journal/v461/n7268/full/nature08477.html
Progress
Nature 461, 1227-1233 (29 October 2009) | doi:10.1038/nature08477


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Post a job for freeVolatile accretion history of the terrestrial planets and dynamic implications
Francis Albarède1

Top of pageAbstractAccretion left the terrestrial planets depleted in volatile components. Here I examine evidence for the hypothesis that the Moon and the Earth were essentially dry immediately after the formation of the Moon—by a giant impact on the proto-Earth—and only much later gained volatiles through accretion of wet material delivered from beyond the asteroid belt. This view is supported by U–Pb and I–Xe chronologies, which show that water delivery peaked 100 million years after the isolation of the Solar System. Introduction of water into the terrestrial mantle triggered plate tectonics, which may have been crucial for the emergence of life. This mechanism may also have worked for the young Venus, but seems to have failed for Mars.

http://www2.cnrs.fr/presse/communique/1702.htm
Paris, 29 octobre 2009

Nos océans, matière extraterrestre
Contrairement aux idées reçues, l'atmosphère et les océans n'ont pu se former à partir des vapeurs émises lors d'un volcanisme intense à l'aube de notre planète. Pour Francis Albarède du Laboratoire des sciences de la Terre (CNRS / ENS Lyon / Université Claude Bernard), l'eau ne fait pas partie de l'inventaire initial de la Terre mais provient de l'agitation entretenue dans le Système Solaire externe par les planètes géantes. Des astéroïdes couverts de glace sont ainsi parvenus sur Terre une centaine de millions d'années après la naissance des planètes. L'eau serait donc extraterrestre, tardive, et sa présence aurait facilité la tectonique des plaques avant même l'apparition de la vie. Les conclusions de l'étude menée par Francis Albarède font l'objet d'un article publié le 29 octobre dans la revue Nature.

Les agences spatiales l'ont bien compris, qui parle de vie parle d'eau. Il y a 4,5 milliards d'années, la Terre a reçu en héritage suffisamment d'eau pour que des océans se forment et que la vie trouve les niches favorables dans les mers et sur les continents nés de la tectonique des plaques. En regard, la Lune et Mercure sont des déserts secs et mortellement froids, Mars s'est asséchée très vite et la surface de Venus est un enfer brûlant.

D'après nos livres, l'océan et l'atmosphère se sont formés à partir des gaz volcaniques et l'intérieur de la Terre est la source des éléments volatils. Or, les roches du manteau sont pauvres en eau (les géochimistes évaluent sa concentration à deux centièmes de pourcent). Il en est de même sur les planètes sœurs de la Terre (Vénus et Mars). Principale raison avancée par Francis Albarède, lors de la formation du Système Solaire, la température ne serait jamais descendue suffisamment bas entre le Soleil et l'orbite de Jupiter pour que les éléments volatils puissent se condenser avec le matériau planétaire. L'arrivée de l'eau sur Terre correspondrait donc à un épisode tardif de l'accrétion planétaire.

Il est admis que les planètes terrestres se forment en quelques millions d'années par agglomération d'astéroïdes (de taille kilométrique) puis de proto-planètes (de la taille de Mars). L'arrivée du dernier de ces gros objets correspond à l'impact lunaire 30 millions d'années après la formation du Système Solaire. Dans un premier temps, ce remue-ménage se fait entre objets planétaires localisés en deçà de la ligne de neige, c'est-à-dire entre le Soleil et la ceinture des astéroïdes. Cet espace balayé par les vents électromagnétiques du jeune Soleil est alors trop chaud pour que l'eau et les éléments volatils s'y condensent.

La livraison majeure des éléments volatils sur notre planète correspondrait à un phénomène qui s'est déroulé quelques dizaines de millions d'années après l'impact lunaire : il s'agit du grand nettoyage du Système Solaire externe initiées par les planètes géantes. Du fait de leur très forte gravité, celles-ci envoient dans toutes les directions, y compris la nôtre, les derniers gravats planétaires couverts de glace. Pénétrant dans le manteau par la surface, l'eau aurait alors ramolli la Terre et réduit la tension à laquelle les matériaux se brisent. La tectonique des plaques débute alors, et avec elle, l'émergence des continents, conditions probablement nécessaires à l'apparition de la vie. Mars s'est asséchée avant que l'eau n'arrive à pénétrer en profondeur et, en ce qui concerne Vénus, personne ne sait quelles étaient les conditions avant le violent remodelage de sa surface, il y a 800 millions d'années, par un volcanisme intense.

À l'heure où l'on commence à explorer sérieusement l'habitabilité des planètes extra-terrestres, comprendre ce qui a fait de la Terre le seul havre qui abrite la vie est une question primordiale.



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© Francis Albarède.

Tentative de reconstruction chronologique de l'accrétion de la Terre (1)

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Notes :
(1) Les éléments indiqués en brun (U symbolise l'uranium, Pb le plomb, Hf l'hafnium, W le tungstène, I l'iode et Xe le xenon) sont utilisés pour dater précisément les événements. Une première phase (T Tauri phase) correspond à un épisode de fortes radiations électromagnétiques qui a interrompu l'accrétion des matériaux planétaires. Puis, l'arrivée de matière planétaire a permis l'accrétion de protoplanètes. Collisions après collisions, les planètes se sont ainsi formées avec leurs masses actuelles ; la dernière collision a donné naissance à la Terre et à la Lune (30 millions d'années après la formation du Système Solaire). Le chronomètre Hf-W date la séparation métal-silicate, c'est-à-dire la séparation noyau-manteau. Un apport tardif et lointain (au-delà de 2,5 unités astronomiques) d'astéroïdes chondritique, entre 80 et 130 millions d'années après la formation du Système solaire, aurait notamment véhiculé des matériaux contenant de l'eau et des éléments volatils à partir desquels se seraient formés les océans.

Références :
Volatile accretion history of the terrestrial planets and dynamic implications. Francis Albarède. Nature. 29 octobre 2009.

Contacts :
Chercheur l Francis Albarède l T 04 72 72 84 14 l albarede@ens-lyon.fr

Presse l Priscilla Dacher l T 01 44 96 46 06 l priscilla.dacher@cnrs-dir.fr
Communication INSU-CNRS l Christiane Grappin l T 01 44 96 43 37 l christiane.grappin@cnrs-dir.fr



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