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25 août 2022 4 25 /08 /août /2022 05:20

« Neil figure parmi les plus grands héros américains, non seulement de son époque, mais de tous les temps. » (Barack Obama, le 25 août 2012).



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J’irais plus loin que le Président Barack Obama, trop américanocentré : pour moi, Neil Armstrong est le héros le plus grand de tous les temps, tout pays confondu. Il est mort il y a exactement dix ans, le 25 août 2012 à Cincinnati, dans l’Ohio, à l’hôpital, à la suite d’une opération du cœur faite le 7 août 2012 (en 2014, 6 millions de dollars ont été versés à la famille par l’hôpital pour arrêter les poursuites pour une éventuelle faute médicale). Il avait 82 ans, né le 5 août 1930. Les funérailles ont eu lieu le 31 août 2012 dans la banlieue de Cincinnati, et ses cendres ont été dispersées dans l’océan Atlantique le 14 septembre 2012 (il aurait certainement voulu sur le sol lunaire, mais il n’y avait pas de navette disponible).

Oui, l’astronaute américain Neil Armstrong est le premier homme qui a marché sur le Lune. Cela aurait pu être un autre, mais ce fut lui. Il a concrétisé des rêves de générations de gosses, des rêves de Jules Verne, de Tintin… Il a incarné aussi une certain vision prométhéenne du monde : l’homme serait capable de tout, de tout faire. On sait bien sûr que c’est une prétention vaine, et ces derniers temps, la revanche de la nature est assez féroce, que ce soit la pandémie avec un virus nouveau, ou des bouleversements climatiques en chaîne (en particulier, des poussées caniculaires nombreuses alors que jusque-là, elles étaient encore assez rares), etc.

Mais c’est surtout la réussite d’une politique ultravolontariste, celle de John Kennedy qui, mécontent de l’avance soviétique dans le domaine spatial (Youri Gagarine, premier homme dans l’Espace le 12 avril 1961), a voulu supplanter le rival politique en mettant tous les moyens technologiques et scientifiques pour atteindre un objectif carrément fou à l’époque, aller sur la Lune en moins de dix ans ! Au-delà de la simple rivalité scientifique, c’était aussi pour compenser l’humiliation après l’échec du débarquement de la baie des Cochons (17 au 19 avril 1961) qu’il fallait remettre les États-Unis sur la voie de l’exploit prestigieux.

Ainsi, parmi les héros, parmi les explorateurs, parmi les sportifs courageux, Neil Armstrong était hors catégorie et son "culte" a immédiatement pris son essor dès son retour de la mission Apollo 11 (tous les bouquins de science pour enfants en parlaient dans les années 1970). Son nom est mythique, aussi par sa célèbre phrase (que j’ai eu l’émotion d’entendre en direct mais j’avoue qu’à l’époque, je ne connaissais pas un mot en anglais !) : « That’s one small step for [a] man, one giant leap for mankind. » [C’est un petit pas pour l’homme, mais un bond de géant pour l’humanité]. Sur la bande sonore, on n’entend pas l’article "a", il a donc prononcé "small step for man", généralisant en disant : un petit pas pour l’homme en général alors qu’il aurait voulu dire avec l’article indéfini "small step for a man", un petit pas pour un homme (en l’occurrence, lui).

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Étrangement, le premier homme sur la Lune a été très peu photographié durant sa mission. En effet, ce sont surtout des photos faites par lui qui ont été faites, et donc, représentant son compagnon de route Buzz Aldrin (l’homme au scaphandre avec le reflet, c’est ce dernier, ce n’est pas Neil Armstrong). Soyons juste : Neil Armstrong n’était pas le seul héros de cette mission, ils étaient trois dans l’équipe, Neil Armstrong, Buzz Aldrin (le seul survivant) et Michael Collins (mort l’année dernière) qui, lui, n’a pas posé son pied sur la Lune car il devait rester dans le module lunaire (quelle frustration !). Les trois ont été courageux, risquaient leur vie, et ont été honorés dès leur retour de mission par la planète entière (y compris par les Soviétiques, au même titre que Gagarine a été honoré par les Américains). C’étaient aussi tous les trois que Barack Obama a reçus à son bureau ovale à Washington, pour fêter le 40e anniversaire de l’exploit.

Petite précision : la date du premier pas est le 21 juillet 1969 si l’on se référencie au temps universel (UTC) mais c’était encore le 20 juillet 1969 à l’heure américaine, si bien que les deux dates sont données, selon la logique nationale (il est difficile de parler de fuseaux horaires terrestres sur la Lune !).

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Pourquoi Neil Armstrong a-t-il été choisi pour être le commandant de l’équipage d’Apollo 11 ? Il était un pilote d’avion et un astronaute expérimenté. Il avait participé à la mission Gemini 8 comme commandant de bord du 16 au 17 mars 1966, consistant à faire des premières opérations d’amarrage. Mais la mission avait été écourtée à cause d’un propulseur d’altitude défectueux. Ce fut Neil Armstrong qui a pris lui-même la décision de repartir sur Terre sans terminer la mission, pour ne pas risquer la vie des deux membres d’équipage. Ce qui l’a beaucoup déçu, mais à cette occasion, il a fait preuve d’un grand sang-froid et surtout, il a sauvé l’équipage (lui et David Scott).

Ce n’était pas la première fois qu’il faisait preuve de sang-froid en situation d’urgence absolue : déjà le 22 mars 1956, copilote d’un Boeing B-25, il avait réussi, avec le pilote (Stan Butchart), la prouesse de se poser sains et saufs après la désintégration de deux moteurs et le largage d’une fusée.

Neil Armstrong fut ensuite nommé commandant de bord de remplacement (les équipages sont toujours doublonnés) pour la mission Gemini 11 en septembre 1966 (à laquelle il ne participa pas). Neil Armstrong fut ensuite nommé commandant dans l’équipage de remplacement de la mission Apollo 8 en décembre 1968 (Buzz Aldrin a fait partie aussi de cette équipage de remplacement).

Ce fut probablement la mission Gemini 8 qui a qualifié Neil Armstrong pour commander la mission la plus importante d’Apollo. Depuis Gemini, on l’appelait "Mister Cool", « réputé pour son humour décalé mais surtout son sang-froid, son calme, sa capacité à prendre la bonne décision ». De pilote d’essai à astronaute, il avait déjà eu une très rigoureuse sélection et faisait partie de l’élite de pilotes susceptibles de piloter un avion spatial.

Après sa mission Apollo 11, Neil Armstrong a fait une tournée mondiale en automne 1969, puis s’est rendu en mai 1970 en URSS pour y faire une présentation scientifique à Leningrad, puis rencontrer le Premier Ministre soviétique Alexis Kossyguine à Moscou. Il a pu aussi découvrir le supersonique Tupolev Tu-144 mis en service en décembre 1975 (son premier vol a eu lieu en décembre 1968) ainsi que le centre d’entraînement des cosmonautes à la Cité des étoiles, à 25 kilomètres de Moscou.

Neil Armstrong a quitté la NASA en été 1971 et jusqu’en 1979, il a enseigné comme professeur d’ingénierie spatiale à l’Université de Cincinnati alors qu’il n’était diplômé que d’une maîtrise à peine achevée lorsqu’il a été recruté comme pilote d’essai en 1955. Ensuite, il a représenté certaines entreprises américaines pour les aider à promouvoir leurs produits, en particulier le constructeur automobile Chrysler en 1979. Il a également fait partie de deux commissions d’enquêtes sur des catastrophes spatiales, l’une sur Apollo 13 en 1970 et l’autre sur Challenger en 1986 (Ronald Reagan l’a nommé vice-président de la commission Rogers, dont étaient membres notamment le Prix Nobel de Physique Richard Feynman, Joe Sutter, le père du Boeing 747, et Chuck Yeager, premier pilote d’essai à avoir franchi le mur du son, le 14 octobre 1947).


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (20 août 2022)
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Pour aller plus loin :
Neil Armstrong.
Albert Einstein.
Roger Penrose.
La mort de l’horloge parlante.
Yves Coppens.
Cédric Villani.
Pierre-Gilles de Gennes.
Pierre Teilhard de Chardin.
Luc Montagnier.
La Science, la Recherche et le Doute.
François Jacob.
Jacques Testart.
Robert Edwards.
Katalin Kariko.
Klim Tchourioumov.
L’exploit de Blue Origin, la fabrique du tourisme spatial écolo-compatible.
John Glenn.
Michael Collins.
Atterrissage de la navette Atlantis le 21 juillet 2011.
SpaceX en 2020.
Thomas Pesquet.
60 ans après Vostok 1.
Youri Gagarine.
Spoutnik.
Rosetta, mission remplie !
Le dernier vol des navettes spatiales.
André Brahic.
Les petits humanoïdes de Roswell…
Evry Schatzman.
Le plan quantique en France.
Apocalypse à la Toussaint ?
Le syndrome de Hiroshima.
L’émotion primordiale du premier pas sur la Lune.
Stephen Hawking, Dieu et les quarks.
Les 60 ans de la NASA.
La relativité générale.
La PMA pour toutes les femmes désormais autorisée en France.
Bill Gates.
Benoît Mandelbrot.
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15 octobre 2021 5 15 /10 /octobre /2021 03:30

« Tâche d’être heureux… Laisse ce globe tranquille ! » ("Le Petit Prince" de Saint-Exupéry).



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L’astronome ukrainien Klim Tchourioumov est mort il y a cinq ans, le 15 octobre 2016 à Kharkov, d’un accident vasculaire cérébral, à l’âge de 78 ans (né le 19 décembre 1937). Le scientifique n’était pas forcément très connu, malgré la reconnaissance internationale dont il a bénéficié (membre de l’Académie des sciences d’Ukraine, de New York, de l’Union astronomique internationale etc.), n’a pas eu de Nobel, aurait pu tranquillement passer sa retraite oublié de tous (un peu comme Peter Higgs)… si ce n’était qu’il a vécu à la fin de sa vie l’une de ces merveilleuses émotions qui vous rendent tout le sens à votre existence, qui vous subliment toute votre carrière professionnelle et toutes vos passions personnelles.

Imaginez ! À 31 ans, vous découvrez un astre dans l’univers. Pas juste un astre pour songer et rêver comme un enfant. Un véritable astre, fidèle, qui va et qui vient vous voir de temps en temps. Cet astre, vous l’appelez par votre nom et le nom de votre (jeune) collègue (elle avait alors 24 ans) Svetlana Guérassimenko (en fait, elle était encore étudiante) qui avait fait une série de photographies du ciel à l’Observatoire d’Alma-Ata (au Kazakhstan) en septembre 1969. Et sur des clichés du 9, du 11 et du 21 septembre 1969, un objet vous intrigue. Vous croyez d’abord que c’était une comète connue, la 32P/Comas Sola, découverte le 5 novembre 1926 par l’astronome barcelonais José Comas y Sola, mais après bien des calculs et réflexions, vous en concluez qu’il s’agit plutôt d’un nouvel astre et vous le baptisez ainsi par votre nom et celui de votre étudiante.

La 67P/Tchourioumov-Guérassimenko (que j’appellerai par la suite Tchouri) est en effet une comète qui n’avait pas encore été répertoriée. Elle vient faire le tour du Soleil selon une orbite elliptique particulière. Elle a la taille du Mont-Blanc, ce qui fait qu’elle a à peu près la taille des planètes de Saint-Exupéry (j’exagère un peu, les siennes sont bien plus petites), mais elle n’est pas ronde, un peu bosselée, d’une taille de l’ordre de 4 à 5 kilomètres et elle pèse environ 10 milliards de tonnes. La comète passe près du Soleil tous les 6 à 7 ans et son prochain périhélie (c’est-à-dire le point de sa trajectoire où la comète est le plus proche du Soleil) aura lieu le 2 novembre 2021 (passant à 1,2 unité astronomique du Soleil, 1 ua correspond à peu près à 150 millions de kilomètres, la distance Terre-Soleil).

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En principe, découvrir un astre est plaisant mais cela ne va pas plus loin. C’est juste un nom dans un grand catalogue international. Ce qui a ému les deux découvreurs de comète, c’est qu’au précédent périhélie, qui a eu lieu 13 août 2015, l’Europe, dans son union et dans sa force collaborative, avait voulu mieux observer cette comète (et aussi les astres qu’elle approcherait).

Le projet, la folle aventure de la sonde européenne Rosetta et de son robot Philae, je l’ai déjà évoquée précisément ici. Ce fut un grand succès de la coopération européenne (Agence spatiale européenne, ESA). C’était un grand exploit scientifique et technologique avec des moyens finalement assez ringards. En effet, à cause des durées de voyage très longues, la conception des appareils (sonde, robot, instruments) a commencé dès 1993, à une époque avec des composants électroniques peu performants (initialement, la mission aurait dû avoir la possibilité de rapporter des échantillons de la comète mais ce fut beaucoup trop compliqué et coûteux, et cet objectif fut rapidement abandonné). La sonde Rosetta a été lancée le 2 mars 2004 et s’est approchée de Tchouri le 2 août 2014. Rosetta s’est mise ensuite le 10 septembre 2014 sur une orbite tchourienne à 29 kilomètres du sol, et le 12 novembre 2014, le robot Philae a "atterri" sur le sol de la comète.

C’était un énorme exploit, car la sonde était à près de 1 milliard de kilomètres de la Terre (exactement à 807 millions de kilomètres le 20 janvier 2014, à comparer aux moins de 400 000 kilomètres de la distance Terre-Lune). La sonde a dû parcourir 6,6 milliards de kilomètres pour atteindre la comète. Et le robot s’est posé avec une précision de 10 mètres sur le sol, tandis que Rosetta a frôlé la comète à 6 kilomètres de distance le 14 février 2015. Impossible de commander à distance (rappelons qu’il faut 8 minutes pour que la lumière parcoure 150 millions de kilomètres soit 16 minutes pour réagir à un fait quelconque, sans prendre en compte le temps de réflexion, soit à peu près 1 heure pour éventuellement commander à distance Philae !).

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Après deux jours de mesures, le robot s’est "reposé" (pour conserver son énergie) jusqu’à l’arrivée de Tchouri à proximité du Soleil et pendant près d’un mois, du 13 juin au 9 juillet 2015, le robot Philae a pu filmer, analyser le réchauffement de Tchouri par le Soleil, le dégazage, etc. Le robot a ensuite été immobilisé et le 12 février 2016, la comète Tchouri s’est tellement éloignée du Soleil que sa température au sol a chuté jusqu’à –180°C, soit plus basse que la température de fonctionnement de Philae (à "l’aller", entre novembre 2015 et juin 2016, le robot avait été "endormi" car la température était trop basse et hors veille, la sonde bénéficiait d’une source d’énergie par les panneaux solaires).

Le 30 septembre 2016, la sonde Rosetta a donc dit son dernier mot en étant programmée pour s’écraser sur le sol tchourien. Il était inutile d’encombrer l’Espace d’un objet inutile et cela a permis de faire encore quelques photographies à l’approche du sol. Il y aura encore du travail d’astrophysiciens pour une vingtaine d’années, le temps de tout observer, scruter, analyser des informations recueillies par cette mission.

Le 3 octobre 2016 (peu avant la disparition de l’astronome ukrainien), j’écrivais ainsi (désolé de me citer, mais autant le préciser par honnêteté) : « C’est vrai que Tchouri fait moins rêver que la Lune ou même Mars ou Vénus, mais il y a aussi les distances depuis la Terre qui sont incomparables. La mission Rosetta est un petit mélange de Jules Vernes, de Tintin et du Petit Prince. ».

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Ce qui fait rêver, ce n’est peut-être pas un rêve d’enfant mais c’est un rêve de passionné, c’est qu’une comète est une sorte de "terre" originelle (de morceaux de matière originelle) du Système solaire avant sa formation. En effet, les planètes qui proviennent aussi de cette nébuleuse originelle ont été transformées par l’énergie solaire. Les comètes, au contraire, se sont éloignées très rapidement du Soleil dès la formation du Système solaire il y a 4,5 milliards d’années, si bien que leur composition chimique est une sorte de photographie de l’époque, pas transformée par le Soleil. J’évoquais le concept d’une trempe dans l’Espace. Un peu comme les carottes glacières forées du Pôle Nord peuvent donner une indication de l’atmosphère d’il y a des dizaines de milliers d’années.

Le 12 novembre 2014, pour assister à l’atchourissage de Philae, le professeur Klim Tchourioumov a fait le voyage et était présent au Centre européen des opérations spatiales à Darmstadt, en Allemagne. Inutile de dire qu’il était très ému de savoir que l’être humain était parvenu, en moins de cinquante ans (quarante-cinq ans), à fouler de ses créations le sol d’une comète distante de près de 1 milliard de kilomètres de la Terre, de pouvoir prendre des photographies, de pouvoir les regarder presque en direct (avec le décalage déjà décrit). Il n’a survécu que deux semaines à la fin de la mission Rosetta.

Comme je l’ai écrit plus haut, la prochaine visite de la comète Tchouri aura lieu le 2 novembre prochain. Mais cette fois-ci, nous n’aurons pas de jumelles électroniques et spatiales. Ce n’est pas grave, le professeur Tchourioumov, du haut de son étoile, veille sur elle : « Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé. »


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 octobre 2021)
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Pour aller plus loin :
Klim Tchourioumov.
L’exploit de Blue Origin, la fabrique du tourisme spatial écolo-compatible.
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60 ans après Vostok 1.
Youri Gagarine.
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Les petits humanoïdes de Roswell…
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Apocalypse à la Toussaint ?
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L’émotion primordiale du premier pas sur la Lune.
Stephen Hawking, Dieu et les quarks.
Les 60 ans de la NASA.
La relativité générale.
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La Science, la Recherche et le Doute.
Bill Gates.
Benoît Mandelbrot.
Roland Omnès.
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12 octobre 2021 2 12 /10 /octobre /2021 11:12

« On voit bien qu’on est dans un monde qui est en rupture profonde et au fond, dont l’une des caractéristiques que nous ne devons pas oublier, ce qui fait notre force, je veux dire un pays qui retrouve aussi le fil du couple innover/produire, parce que la production de demain n’est pas celle d’hier. (…) Je suis convaincu que le levier de l’innovation est clef pour produire parce qu’il faut, en la matière, n’avoir aucune nostalgie. » (Emmanuel Macron, le 12 octobre 2021).




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Le Président de la République Emmanuel Macron a présenté le mardi 12 octobre 2021 au Palais de l’Élysée le Plan France 2030 qui vise à investir massivement dans la recherche française. L’idée est de faire émerger les futurs champions technologiques de demain et d’accompagner les transitions de nos secteurs d’excellence, automobile, aéronautique et espace. Dans un discours très long (plus d’une heure trente), qu’on pourra lire ou écouter dans son intégralité ici, le chef de l’État, ou plutôt, le chef de la startup Nation a détaillé les dix objectifs technologiques avec une dotation de 30 milliards d’euros, un montant sanctuarisé, dont 3 à 4 milliards d’euros seront dépensé dès 2022 et un plan construit avec l’Europe. Emmanuel Macron veut tourner la page de la crise sanitaire en regardant loin devant lui, dans neuf ans.

On pourra toujours rappeler qu’au même moment, le groupe Volkswagen vient d’investir 75 milliards d’euros pour sa recherche (l’enjeu de l’électrique nécessite des sommes colossales), et regimber en disant que l’État se serait souvent "trompé" dans l’anticipation technologique (Minitel, Diesel, etc.). Sans compter l’échec récent du non développement du vaccin contre le covid-19 par les chercheurs français.

Mais ce serait refuser de regarder le positif. Le positif, c’est que ce plan de 30 milliards d’euros se surajoute aux autres plans d’investissements de demain, celui de Nicolas Sarkozy en 2009 et celui de François Hollande en 2013. Quant aux choix technologiques, c’est faire du French bashing de dire que l’État s’est beaucoup trompé : le programme nucléaire français qui a permis de préserver une indépendance énergétique rare dans la plupart des pays étrangers, les projets d’Airbus, d’Ariane (Ariane 6 est en conception, lanceur plus puissant qu’Ariane 5, au moment où des entreprises de milliardaires entrent avec fracas dans le marché du spatial, pourtant très difficile d’accès), la construction navale, les voitures électriques, etc. ont montré que la France, bien avisée, est une pionnière d’excellence dans les nouvelles technologies s’il y a une volonté politique durable qui la soutient.

Probablement que de cette matinée, on retiendra le retournement de tendance sur le réinvestissement dans le secteur nucléaire après une dizaine d’années de mode visant à réduire la part du nucléaire dans la production électrique. La raison devait l’emporter : d’une part, le nucléaire ne peut pas être remplacé que par les énergies renouvelables (éolien et solaire) qui nécessitent de rouvrir des centrales à charbon ou autre, classiques, très polluantes ; d’autre part, face aux bouleversements climatiques et à l’objectif de réduire les émissions de CO2, le nucléaire est devenue l’énergie la plus verte (paradoxalement !), d’autant plus que le remplacement du pétrole par l’électricité dans l’énergie automobile va rendre nécessaire la construction de nouvelles centrales nucléaires. À l’exception des candidats Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon, la plupart des autres candidats susceptibles de concourir en 2022 ont proposé au contraire d’accroître le parc nucléaire français. Le premier à avoir posé courageusement cette question a été François Bayrou, en tant qu’Haut-Commissaire au Plan, qui a mis en garde contre la pénurie d’électricité à moyen terme et qui a proposé de compléter voire de renforcer le parc nucléaire.

Le discours du 12 octobre 2021, certes très long, a l’avantage d’être très construit. Emmanuel Macron a d‘abord exposé les trois défis majeurs, ses deux convictions pour l’avenir, les dix objectifs technologiques, les cinq conditions de réussite à sécuriser, enfin les quatre points de méthodologie.


I. Trois défis majeurs

Emmanuel Macron a d’abord évoqué trois défis majeurs : le défi climatique (« qui nous conduit à complètement repenser nos modes d’organisation collective » : production, énergie, industrie, déplacements, consommation, alimentation), le défi démographique (« colossal » et « un peu un impensé de nos politiques publiques »), et le défi des inégalités (qu’il « ne faut pas négliger », renforcé par « l’explosion des déséquilibres », due à la fois par « l’hyperfinanciarisation » et par « l’accélération des technologies numériques », qui crée « des chocs démocratiques », « un choc géopolitique » et « une forme de choc anthropologique » par « la révolution des usages »).

Au-delà des grandes dissertations, Emmanuel Macron y a inséré quelques petits éléments de compréhension immédiate, comme sur les masques alors qu’il rappelait que le monde était ouvert : « Je suis heureux de vous retrouver tous avec des masques aujourd’hui, je serai encore plus heureux le jour où vous n’en aurez plus, ça voudra dire qu’on sera totalement débarrassés de l’épidémie. Je n’oublie pas qu’il y a dix-huit mois, nous étions tous soumis au manque de masques. Personne ne pensait qu’on pouvait manquer de masques, c‘était l’une des choses qui avait le moins de valeur ajoutée. (…) Quand il y a de la dépendance et qu’on se retrouve dans des situations où il n’y a plus de coopération, c’est le drame. (…) On doit rebâtir les termes d’une indépendance productive, française et européenne. ».

Parmi les leçons de la crise sanitaire, il y a l’innovation et la rapidité des solutions technologiques (comme le vaccin) : « L’innovation est une source de solution pour mieux vivre, pour projeter une nation, un continent et peut-être le monde entier, vers des solutions qui sont bonnes pour l’humanité. ».

Il a aussi défini le "mal français" : « Notre triple déficit : déficit de croissance potentielle, déficit public, déficit du commerce extérieur. Ce triple déficit se nourrit depuis des décennies. La clef pour y répondre, c’est d’avoir une stratégie macroéconomique d’innovation industrielle qui permette justement de produire ces résultats. ».

Pondéré par les réussites françaises (esquisse d’une défense et illustration de son bilan économique) : « On ne part pas de nulle part. (…) La France est redevenue depuis deux ans le pays le plus attractif d’Europe. La France recrée des emplois industriels depuis deux ans, alors qu’elle en détruisait depuis 2008. La France est aujourd’hui en sortie de crise à un niveau d’emplois qu’elle n’avait pas connu depuis quinze ans. (…) On s’est mis à réinvestir sur la recherche et l’enseignement supérieur. Il y a des vraies réformes organisationnelles qui sont portées par nos universités, nos organismes de recherche. Le classement de Shanghai, qui est ressorti cet été, montre qu’on est quand même en train de revenir complètement dans la bataille. ».

Malgré la réussite du plan France Relance de 100 milliards d’euros de l’an dernier (dont 70 milliards d’euros sont déjà engagés), Emmanuel Macron a voulu renforcer les investissements d’avenir : « L’extraordinaire accélération du monde que nous sommes en train de vivre m’a conduit à penser que tout ce qu’on a fait là n’est pas suffisant et que si on reste à ce rythme et à ce niveau d’intensité (…), nous ne rattraperons pas notre retard, ou surtout, nous nous laisserons distancer dans les dix ou quinze ans qui viennent. ».


II. Deux convictions

Il a alors exprimé deux convictions pour l’avenir.

Première conviction : « Innovations de rupture, innovation technologique et industrialisation sont beaucoup plus liées qu’on ne l’avait intuité jusqu’alors. (…) Quand on se désindustrialise, on perd de la capacité à tirer de l’innovation dans l’industrie et donc, de l’innovation, même incrémentale, et c’est celle-ci qui nourrit le dialogue avec les innovations de rupture. C’est un continuum où tout se tient. (…) C’est une des raisons pour lesquelles nous avons (…) une innovation en santé qui a perdu des rangs au niveau de la compétition internationale. (…) L’opposition que j’entends encore beaucoup dans nos débats publics entre les startups et l’industrie, est une opposition du XXe siècle. Elle est éminemment fausse. Notre pays va se réindustrialiser par des startups technologiques et ce qu’on appelle le Deep Tech. Et nos grands groupes industriels vont survivre, se transformer et gagner la partie grâce à l’innovation de rupture de startups qu’ils auront incubées ou qu’ils auront rachetées ou aves lesquelles ils auront des partenariats. ».

Deuxième conviction : « Nous avons un besoin impérieux d’accélérer les investissements publics, créateurs de croissance, d’emplois et d’indépendance industrielle. ». Et cela sans mettre en danger les comptes publics : « Je crois que depuis quatre ans, on a montré qu’on savait consolider les comptes publics sans détruire de la croissance et en baissant même les impôts. (…) Mais dans ce temps d’accélération, il nous faut bâtir les termes d’une crédibilité qui nous permette justement d’accélérer l’investissement public dans l’innovation. ».

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III. Dix objectifs technologiques

Dix objectifs technologiques ont été alors définis par le Président de la République pour l’horizon 2030.

Les trois premiers points pour un investissement de 8 milliards d’euros.

1. Développer les réacteurs nucléaires de petites taille, innovants avec une meilleure gestion des déchets, pour 1 milliard d’euros : « Les 200 000 Françaises et Français qui travaillent dans le secteur du nucléaire, c’est une chance parce que c’est ce qui nous permet d’être le pays en Europe qui est parmi ceux qui émettent le moins de tonnes de CO2 par électricité produite. Nous devons réinvestir pour être à la pointe de l’innovation de rupture dans ce secteur. ».

2. Devenir le leader de l’hydrogène vert. Deux "gigafactories" (usines) d’électrolyseurs seront implantées pour produire de l’hydrogène : « On va essayer d’en produire beaucoup en France [de l’hydrogène] pace qu’on a la possibilité de faire de l’électrolyse et, en plus, de faire de l’électrolyse très décarbonée. C’est une énorme chance, c’est ce qui nous permettra d’être un leader. À côté de ça, on a de la très bonne recherche, on a de très bons acteurs : Air Liquide et quelques autres industriels. En plus, on a un tissu de startups, d’équipementiers, d’entrepreneurs, d’innovateurs qui sont prêts à y aller, et qui sont organisés. ».

3. Décarboner notre industrie. L’objectif est de réduire de 35% par rapport à 2015 les émissions de gaz à effet de serre (en 2021, on n’est qu’à 4% de réduction) : « Nous devons massivement investir pour aider [nos grands industriels] à décarboner. Ce sera un investissement public et privé, mais sans un investissement public, c’est impossible, c’est insoutenable. ».

Les deux points suivants pour 4 milliards d’euros.

4. Produire 2 millions de véhicules électriques et hybrides : « Tout ça ne marche que s’il y a une vraie stratégie coopérative, en particulier de nos grands constructeurs. Si les grands constructeurs français ne jouent pas le jeu (…), nous ne réussirons pas cette partie. ». Jouer le jeu, c’est avoir une solidarité de branche, comme c’est le cas dans l’aéronautique.

5. Développer le premier avion à bas carbone : « La France est un grand pays d’aéronautique. (…) Ce premier avion bas carbone (…) doit être un projet français, nous le lançons, mais l’objectif est de l’européaniser au maximum. ».

6. Développer une alimentation saine, durable et traçable pour 2 milliards d’euros : « Nous devons investir dans trois révolutions qui vont en quelque sorte être la suite de la révolution mécanique et de la révolution chimique qu’on a connues : le numérique, la robotique, la génétique. Ce sont les trois transformations essentielles. ».

7. Développer des biomédicaments contre les cancers et les maladies chroniques notamment liées à l’âge : « Il s’agit d’avoir une médecine qui est de plus en plus personnalisée et prédictive. On le sait bien. ».

8. Investir massivement pour être leader de la production des contenus culturels et créatifs avec trois territoires pour la French Touch, à savoir l’Arc méditerranéen, l’Île-de-France et le Nord (Hauts-de-France) : « Mieux vivre, c’est mieux nous nourrir, mieux nous soigner et pouvoir avoir l’imaginaire qui correspond à ce qu’est cet humanisme français. C‘est ça la France. (…) Les séries, les films que nous regardons sur les plateformes comme Netflix, Amazon, Disney+, plus les jeux vidéo auxquels nos enfants sont confrontés forgent nos imaginaires, nos accès à l’information, mais aussi nos accès à des représentations, à des héros, une forme de nouvelle anthropologie collective. Et c’est une réalité. Et donc, la France d’abord a quelque chose à dire là-dessus parce que nous sommes un pays de littérature, de création, de philosophie. Et ensuite, pace que je pense que les conséquences humaines, anthropologiques et politiques du rapport justement au contenu, à la création et à tout ce qui va se dire, se créer, s’échanger dans le monde en 2030 est essentiel pour nous. ».

9. Lancer une nouvelle aventure spatiale : « Il y a une accélération technologique, industrielle, des usages et de la géopolitique dans le spatial. (…) C’est ce qui d’ailleurs a présidé à nos décisions dans la loi de programmation militaire de créer un nouveau commandement de l’espace au sein justement de notre armée de l’air pour faire face à ces défis. (…) Que la France réussisse à innover dans les nouvelles explorations spatiales, les nouveaux usages et tout ce qui redéfinit les nouveaux termes de la souveraineté et de la confiance dans l’espace. Pour ça, à court terme [2026], nous avons plusieurs objectifs : les mini-lanceurs réutilisables (…), les microsatellites, les constellations de demain et l’ensemble des innovations technologiques et de service qui sont au cœur justement de ce nouvel espace. ».

10. Miser sur les fonds marins : « La France (…) est la deuxième puissance maritime du monde. (…) Je ne parle pas d’exploitation (…), je parle d’exploration. Mais qui peut accepter que nous laissions en quelque sorte dans l’inconnue la plus complète une part si importante du globe ? Et nous avons dans nos zones économiques exclusives, la possibilité d’avoir accès à ces explorations, qui est un levier extraordinaire du fonctionnement de nouveaux écosystèmes, d’innovation en termes de santé, en termes de biomimétisme, etc. Il y a des familles d’innovations derrière, justement, l’exploration des grands fonds marins qui est inouï. ».


IV. Cinq conditions de réussite à sécuriser

Pour réussir le Plan France 2030, Emmanuel Macron veut sécuriser cinq grandes conditions pour réussir.

1. L’approvisionnement en matériaux : « garantir notre approvisionnement en plastiques et métaux et investir dans le recyclage, ce qu’on appelle l’économie circulaire ».

2. L’approvisionnement en composants : « Nous voulons être en capacité de doubler notre production électronique d’ici 2030 et de construire une feuille de route vers des puces électroniques de plus petite taille pour rester un des leaders du domaine. Mais il faut les deux : produire davantage pour réduire notre dépendance et aller vers les plus petites tailles pour, là aussi, vers les applications les plus innovantes, réussir à moins dépendre. ». Un investissement de 6 milliards d’euros est prévu à cet effet.

3. Maîtriser les technologiques numériques souveraines et sûres, reprenant le plan quantique : « On doit sécuriser les briques les plus sensibles et nous devons investir sur les éléments les plus souverains pour sécuriser nos écosystèmes. ».

4. Investir dans nos talents (2,5 milliards d’euros) : « accélérer la formation sur des nouvelles filières ».

5. Assurer un capital pour investir : « Nous dépasserons largement l’objectif de 25 licornes pour 2025. J’ai compris que certains veulent aller au décacorne maintenant, et je suis totalement pour et le maximum. Mais continuer à développer en tout cas des très grands champions français. ». Pour info, une licorne est une entreprise valorisée de 1 à 10 milliards de dollars et une décacorne de 10 à 50 milliards de dollars.

À cet égard, sur le capital des entreprises innovantes, Emmanuel Macron a rappelé un problème très français (manque de gros capitaux à l’innovation) : « L’objectif (…), c’est de permettre à des startups qui sont dans les premières phases, d’industrialiser très vite leur innovation et de monter en un temps le plus rapide possible leur prototype, leur démonstrateur industriel, et donc de pouvoir avoir un investissement de 20, 30, 40, parfois 50 millions d’euros. (…) Au total, ce sont près de 5 milliards d’euros, dont 3 milliards en fonds propres, que nous sommes prêts à injecter pour la croissance de nos écosystèmes de recherche et d’innovation en la matière. ».


V. Quatre principes de méthodologie

Enfin, sur la méthode, le Président de la République a présenté quatre principes : la simplicité, la rapidité, la confiance à l’émergence, la prise de risque. Ce qui fait dire à Emmanuel Macron : « Ce que nous devons accepter, c’est la prise de risque massive. Et donc (…), il y aura beaucoup d’échecs derrière les dix objectifs que j’ai donnés. Il faut qu’il y ait beaucoup d’échecs. La seule chose qui est nécessaire, c’est qu’à chaque fois qu’il y a un échec, il puisse être le plus rapide et le moins coûteux possible. (…) Sortons d’une habitude prise qui consiste à dire que l’échec est un drame (….). Non. On va faire plusieurs paris technologiques et d’acteurs. (…) Mais il faut se mettre en situation de les avoir fait émerger vite, de leur avoir donné les moyens, d’avoir été coopératifs pour faire émerger les nouveaux acteurs, et d’avoir éliminé le plus vite possible nos échecs pour pouvoir rebondir. ».


Et quel est l’enjeu, en définitive ?

Le Président Emmanuel Macron a résumé ainsi l’enjeu majeur : « La clef de tout ça, c’est notre indépendance et la capacité à reprendre en main le destin de la France et de l’Europe. (…) L’objectif de la France de 2030 doit être cela : mieux produire, mieux vivre, mieux comprendre le monde, en servant un humanisme français et européen qui est le cœur de notre message, de notre promesse et de ce que nous avons encore  à faire demain. Il convient alors de construire les voies et moyens de le faire en étant plus indépendant en tant que Français et Européen. ».

Ce Plan France 2030 est un plan de sortie de crise sanitaire, cela explique pourquoi il est présenté seulement en fin de quinquennat, après un travail très minutieux de nombreux spécialistes (et étudiants aussi) des secteurs technologiques concernés.

Oui, je suis fier d’avoir voté pour un Président de la République qui se soucie autant de l’avenir de la France et des Français et surtout qui a une vision précise et solide de cet avenir. Il faut comparer avec les autres offres politiques qui ne manqueront pas de venir au fil de ces prochains mois de la campagne présidentielle. Je ne vois pas d’autres candidats aussi soucieux de l’avenir des Français et aussi conscient de ses responsabilités.

Là, ce n’est pas de la démagogie, le financement n’est pas tout, d’autant plus qu’il est largement réparti sur le temps et par cofinancement européen et privé, mais ce qui compte et ce qui a longtemps manqué, c’est l’impulsion politique, le volontarisme. Ce n’est pas la première fois qu’il apparaît, mais celui d’Emmanuel Macron est particulièrement percutant, précis et audacieux. Et il répond à cette interrogation de Bill Gates que j’avais eu la chance de rencontrer au Pavillon Gabriel le 24 octobre 2005 et qui, en louant le génie français dans la recherche scientifique, ne comprenait pas pourquoi les Français ne valorisaient pas leur innovation à grande échelle. C’est ce problème auquel s’attaque franchement Emmanuel Macron : que la valeur ajoutée de nos produits de la recherche reste en France. C'est essentiel pour perpétuer notre modèle social. Il faut savoir produire des richesses si on veut les redistribuer. C'est ce que veut pérenniser Emmanuel Macron.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 octobre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Emmanuel Macron, l’homme qui valait 30 milliards.
Le Plan France 2030 qui prépare l’avenir des Français.
Discours du Président Emmanuel Macron sur le Plan France 2030, le 12 octobre 2021 à Paris (texte intégral et vidéo).
Le plan quantique en France.
France Relance, 100 milliards d’euros pour redresser la confiance française.
Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !
35 milliards d’euros pour valoriser le potentiel national (conférence de presse de Nicolas Sarkozy du 14 décembre 2009).
Le discours de Nicolas Sarkozy du 22 juin 2009.
Texte intégral du discours de Nicolas Sarkozy au Congrès le 22 juin 2009.
Transgression à Marseille : recruter des profs plus "librement" ?
Emmanuel Macron sur les Talibans à Kaboul.
L’heureux engagement du Président Macron en faveur de la vaccination des jeunes.
Emmanuel Macron, la méthode forte.
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron, le 12 juillet 2021 à Paris (texte intégral et vidéo).
Emmanuel Macron face à la 4e vague (2).
Emmanuel Macron face à la 4e vague (1).
Emmanuel Macron et le qui perd gagne.
Emmanuel Macron a-t-il mérité d’être baffé ?
Emmanuel Macron au Rwanda : pas de repentance mais des responsabilités.
Napoléon Bonaparte selon Emmanuel Macron.
Du haut de ce Président, quatre ans vous contemplent.
Napoléon, De Gaulle et Macron.
Emmanuel Macron, deux ans après.
Emmanuel Macron et les 5 ans d’En Marche.
Le "chemin d’espoir" d’Emmanuel Macron.
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron, le 31 mars 2021 à Paris (texte intégral et vidéo).
Emmanuel Macron sera-t-il un Président réformateur ?

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211012-plan-france-2030.html

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12 octobre 2021 2 12 /10 /octobre /2021 10:59

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Pour en savoir plus :
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211012-macron.html







Discours du Président Emmanuel Macron le 12 octobre 2021 à Paris


Discours du Président de la République à l’occasion de la présentation du Plan France 2030


Monsieur le Premier Ministre, Mesdames Messieurs les ministres, Monsieur le haut commissaire au plan, Mesdames Messieurs les parlementaires, Mesdames et Messieurs en vos grades et qualité, chers amis, merci d'être aujourd'hui à l'Elysée pour ce moment un peu particulier.

D'abord parce qu'on va essayer de se projeter loin dans un moment où beaucoup nous concourent en quelque sorte à nous faire regarder à côté. Et je pense que c'est d'abord une bonne vertu personnelle, mentale, et c'est aussi très bon pour un pays comme le nôtre. Merci, parce qu'à travers vos 5 prises de paroles, vous avez illustré des convictions qui sont vos convictions personnelles. Mais vous avez un peu aussi rendu compte de tout le travail qui a été fait par celles et ceux, vous en êtes les contributrices et contributeurs dans cette salle, qui ont préparé depuis des mois cette stratégie, ce travail collectif et donc étudiantes et étudiants, chercheuses, chercheurs, universitaires, responsables d'organisations, de branches professionnelles, syndicales, entrepreneuses, entrepreneurs, investisseurs, parlementaires et évidemment, les ministres qui ont piloté ce travail, et je vous en remercie avec l'ensemble des grands organismes de recherche et de notre politique économique et industrielle.

Ce que je vais essayer ici, ce dont je vais essayer de rendre compte, est un peu le fruit de votre travail collectif, de notre travail collectif comme nation. Nous sommes confrontés à des défis qui ne sont pas neufs. On les voit poindre depuis maintenant quelques décennies. Ils sont en train de se consolider, de se raffermir et ils ont en quelque sorte présidé à ce que la France comme l'Europe ont fait ces dernières années, ce qui porte notre conviction collective et ce qui a été encore raffermi et conforté pendant la crise. Et que le rapport d'ailleurs, que j'avais commandé il y a quelques mois à messieurs BLANCHARD et TIROLE avec un collectif d'économistes, a pu confirmer. Donc, la planète est confrontée à quelques grands défis inédits dans leur concentration et leur convergence.

Un premier grand défi, vous l'avez tous rappelé, je crois que maintenant, il y a un consensus sur ce sujet, c'est évidemment le défi climatique, environnemental, c'est-à-dire le problème à la fois des dérèglements climatiques et de la raréfaction de la biodiversité. C'est un défi profond qui change évidemment nos moyens de produire, de produire d'abord de l'énergie, de faire de l'industrie, de nous déplacer, de consommer, de nous alimenter et donc qui nous conduit à complètement repenser nos modes d'organisation collective. Pour autant, il faut continuer à faire tout ce que je viens de dire, c’est une évidence. Et il faut d'autant plus le faire que la planète, elle, continue à grandir.

Le deuxième grand défi, il a été aussi éclairé par le plan dans un rapport récent, c'est le défi démographique. Il est colossal. C'était souvent, et ça a été ces dernières décennies, un peu un impensé de nos politiques publiques. Mais ce défi démographique, il a plusieurs composantes. C'est d'abord l'augmentation du nombre d'habitants sur la planète. Je ne veux pas ici reconvoquer des thèses malthusiennes qu'on connaît depuis longtemps, mais c'est un fait, quand on a de la ressource naturelle qui se raréfie, d'attention sur différents sujets et différents écosystèmes, on a une planète dont la population croît, mais elle croît, si je puis dire, très différemment. Et donc, nos sociétés sont confrontées à un vieillissement démographique et dans beaucoup de nos pays, même si la France a longtemps mieux résisté que d'autres à une chute de sa natalité et, à l'inverse, à une explosion démographique dans d'autres pays et donc à la pression des grandes migrations. Ces deux grands défis, d'ailleurs, se renforcent l'un l'autre, car les défis migratoires trouvent aussi leur source dans les déséquilibres climatiques que certaines régions connaissent aujourd'hui. Tout cela se tient. Mais ce deuxième défi démographique est très important, ce qui le déstabilise là aussi, nos modes d'organisation en société, le temps que nous passons au travail par rapport au temps que nous passons à nous former, puis à vivre plus âgés ensuite, et essayer de vieillir dans les meilleures conditions possibles, le mode de financement de nos modèles sociaux, etc., etc. Et il crée beaucoup de tensions aussi entre différentes régions du monde par les migrations.

Le troisième grand défi que nous sommes tous en train de vivre, c'est le défi des inégalités. Il ne faut pas le négliger. Il est bien pointé par, il y a beaucoup d'économistes qui sont ici qui l'ont montré, au fond, depuis le 18ème siècle, nos sociétés démocratiques reposant sur l'économie sociale de marché avaient une forme de consensus qui était qu'on crée de la valeur, mais il y avait toujours un progrès constant ; nos enfants vivraient mieux que nous. Ça s’est à peu près constamment vérifié avec l'exception terrible et historique des guerres, mais quelque chose est en train de s'enrayer dans notre système, qui est un dérèglement de l'organisation de notre économie mondiale, l’explosion des déséquilibres, en particulier, au sein de nos économies par deux phénomènes : l’hyperfinanciarisation, d’une part, mais peut-être encore plus ces dernières années, l’accélération des technologies numériques. C’est ce qu’on appelle la digitalisation maintenant qui est un formidable objet d’innovation, mais est aussi un levier d’accélération, en quelque sorte, de l’écartement de notre société avec des modèles comme le nôtre qui sont très protecteurs, et il faut s’en féliciter, j’y reviendrais, mais que nous avons plutôt conçus comme des modèles qui venaient corriger les inégalités qui se forgeaient, là où le système, en quelque sorte, est en train de les produire de plus en plus vite, et écartent les destinées individuelles de plus en plus vite. C’est un vrai défi. Tout cela est en train de créer une série de chocs, des chocs démocratiques dans nos sociétés, liés en quelque sorte au doute que ces crises, ces grands défis sont en train de créer dans nos sociétés quand la manière de produire de s'alimenter est faite de tension permanente. On le voit bien dans nos sociétés quand on est angoissé sur la manière de vieillir, quand les inégalités sont en train d'augmenter, qu'on ne voit plus les perspectives, on a un doute démocratique qui s'installe ; toutes les sociétés démocratiques sont en train de le vivre.

Nous avons à côté de ça un choc géopolitique qui en est la conséquence parce que quand il y a de la rareté sur les ressources, quand il y a de la concurrence exacerbée sur les modes d'innovation, quand en quelque sorte, ce sont des modèles qui jouent leur survie ou leur hégémonie, ça crée de la tension géopolitique.

Et puis, évidemment, tout ça a aussi créé une forme de choc anthropologique parce que la transformation, la révolution des usages, des usages liés en particulier au numérique, crée un changement profond de notre manière de nous organiser en société, d’imaginer, de vivre les émotions, de communiquer les informations. C’est le monde dans lequel nous vivons. Je le repose là en début parce qu’on ne peut pas penser la France de 2030, l’Europe de 2030, essayer de voir la dynamique qu’on peut prendre sur la décennie si on ne prend pas comme départ ces grandes tendances qui sont là mais qui sont en train de s’accélérer. Est-ce que la crise que nous venons de vivre, dont nous l’espérons collectivement dont nous sortons, la pandémie de Covid 19 a en quelque sorte remis en cause ces grands défis, ces grandes transformations ? Non, au contraire. Elle les a plutôt confortés. Mais je pense que nous nous devons collectivement essayer de tirer aussi quelques leçons de cette pandémie qui sont importantes, là aussi, pour penser la France de 2030. La pandémie nous a fait toucher du doigt d'abord notre vulnérabilité. Nous nous sommes rappelés, et c'est très cohérent avec les défis que je viens d'évoquer, que nous appartenions à l'ordre du vivant et donc que quelque chose qui se passe quelque part à 10 000 kilomètres de nous, peut-être entre l'humain et l'animal, peut bloquer totalement la planète et changer la face du monde et notre organisation collective. Et donc la première leçon que nous devons collectivement tirer de ce qui s'est passé, c'est que nous, en effet, nous sommes éminemment vulnérables. Et on ne peut pas penser notre projection à 10, 15, 20 ans en quelque sorte, comme si nous n'étions pas dans le vivant, de manière purement technique, comme si nous étions assimilables à des tableaux de chiffres, à des équations, à quelque chose qui est réductible. Nous avons cette vulnérabilité profonde.

La deuxième chose, c'est notre dépendance vis-à-vis de l'étranger. On avait voulu l'oublier parce que nous vivions dans un miracle, mais dont nous avions là aussi un peu oublié la fragilité, c'était que le monde était ouvert et que tout circulait parfaitement et librement. Je suis heureux de vous retrouver tous avec des masques aujourd'hui, je serai encore plus heureux le jour où vous n'en aurez plus, ça voudra dire qu'on sera totalement débarrassés de l'épidémie. Je n'oublie pas qu'il y a 18 mois, nous étions tous soumis au manque de masques. Personne ne pensait qu'on pourrait manquer de masques, c'était l'une des choses qui avait le moins de valeur ajoutée. Et d'ailleurs, nous en avions collectivement, implicitement, parce que ça n'a jamais été un choix assumé de la nation, on en avait délégué la production à des pays qui produisaient à beaucoup moins, à beaucoup plus bas coût que nous en disant “Ce n'est pas important, on en trouvera toujours.” Dépendance et expérience de la dépendance qui peut être dramatique parce que nous avons vu, à ce moment-là, quand il y a de la dépendance et qu'on se retrouve dans des situations où il n’y a plus de coopération, c'est le drame. Et donc on ne peut plus penser nos économies, nos systèmes de production, comme si tout était écrit pour que ça aille bien en toutes circonstances. Nous devons donc tirer cette leçon aussi de la crise qui est que la dépendance choisie et relative est une chose, c'est des termes de la coopération ; mais on doit rebâtir les termes d'une indépendance productive, française et européenne parce que je ne suis pas en train de dire qu'il faudrait tous se mettre à tout reproduire en France. Nous ne saurions pas le faire. Enfin il faut qu'au niveau de l'Europe, nous sachions reproduire ce dont nous avons besoin pour aujourd'hui et pour demain, deuxième leçon de la crise qui n'était pas un immédiat.

Troisième leçon de la crise, c'est quand même la force du modèle éducatif et social français. On a tenu parce que la nation a décidé d'investir pour être solidaire. Il ne faut pas, en sortie de crise, qu'on se mette à l'oublier en pensant qu'on pourrait passer à un autre monde. C'est une force inouïe. Et on aura d'autres crises de manière certaine. Et donc tout ce que nous devons penser pour la France de 2030 doit contribuer aussi à renforcer ce modèle qui est un modèle à la fois productif et solidariste, je dirais, mais qui est important, avec des équilibres qu'il faut constamment réajuster, qui sont des choix démocratiquement débattus.

Et puis la quatrième leçon de cette pandémie, à mes yeux, c'est que nous avons assisté à une extraordinaire accélération de l'innovation. J'y reviendrai sans doute à plusieurs reprises, c'est ce qui a aussi pour moi présidé au choix en sortie de crise, de vous proposer collectivement et d'essayer de nous projeter collectivement à 2030. C'est que nous avons, une fois encore, mais là, de la manière peut-être la plus vibrante, déjoué tous les pronostics scientifiques. Je ne l’oublie pas, il faut toujours être lucide sur ses propres défauts et les choses qu'on a parfois faites de manière approximative. Il y a à peu près un an, j'expliquais à nos compatriotes “Moi, les spécialistes me disent il y a très peu de chance qu'on ait un vaccin avant la fin de l'année.” C'était vraiment ce que les spécialistes me disaient. Parce qu’on ne me disait : “Jamais dans l'histoire de l'humanité, on a trouvé un vaccin en un an de temps. Ce n’est jamais arrivé”. Ce qui était vrai. On l’a fait, et il y a eu dans les dernières semaines de l’année 2020 une accélération exceptionnelle. Je pense que tous ceux qui l’ont vécu s’en souviennent, on a, d’un seul coup, écrasé tous les délais.

Donc la quatrième leçon de la crise pour moi, c’est que l’innovation est une source de solution pour mieux vivre, pour projeter une nation, un continent et peut-être le monde entier, vers des solutions qui sont bonnes pour l’humanité mais qu’en quelque sorte, les contraintes de l’innovation dans lesquelles on vivait jusqu’à présent sont en train de changer pour une forme d’accélération, de compression du temps, d’accumulation des moyens qui peuvent être mis à un moment donné, si on considère que cette innovation est une innovation qui peut tout changer. Et à ce moment-là, c'est assez simple : vous êtes dedans, vous êtes dehors.

Je dirais que c'est la cinquième leçon de la crise, il faut s'en féliciter, c'est qu'on a su recréer de la coopération internationale et européenne pour rester dedans parce que, soyons lucides sur nous-mêmes, si nous n'avions dépendu que de ce que la France aurait produit, je le dis pour tous ceux qui plaident le nationalisme excessif, la France ne produit pas de vaccins et elle ne produit toujours pas de vaccins ARN messager. Donc c'est parce qu'on a su participer à la coopération internationale qu’il y a eu cette compression de l'innovation extraordinaire grâce à de très grands scientifiques français travaillant à travers le monde, mais qu'on a su ensuite recréer de la coopération pour acheter et reproduire en Europe et le distribuer à nos compatriotes.

C’est cela les 5 leçons de la crise, il ne faut pas les perdre de vue quand on veut se projeter. Une fois que je dis ça, on voit bien qu'on est dans un monde qui est en rupture profonde et au fond, dont l'une des grandes caractéristiques que nous ne devons pas oublier ce qui fait notre force, je veux dire un pays qui retrouve aussi le fil du couple innover/produire parce que la production de demain n'est pas celle d'hier. Et donc, par rapport à ce que je dis aussi, je suis convaincu que le levier de l'innovation est clé pour produire parce qu'il faut, en la matière, n'avoir aucune nostalgie. Il n'est pas vrai que quand je dis qu’on doit travailler plus et produire plus, on ne fera ni l'agroalimentaire, ni l'industrie, ni les services d'hier, et encore moins ceux d'aujourd'hui. Ils sont en train de se transformer à marche forcée. La question, c'est comment nous sommes à la pointe de l'invention de ces derniers. C'est le seul moyen, en même temps qu'on saisit les défis que j'évoque, d'être à la hauteur du mal français qui est notre triple déficit : déficit de croissance potentielle, déficit public, déficit du commerce extérieur. Ce triple déficit se nourrit depuis des décennies. La clé pour y répondre, c'est d'avoir une stratégie macroéconomique d'innovation industrielle qui permette justement de produire ces résultats.

Alors, on ne part pas de nulle part. Depuis un peu plus de 4 années, je crois qu'on essaie profondément d'avoir une stratégie qui réponde d'abord à ce constat, ces grandes transformations et qui, si je puis dire, parte de ce socle de raisonnement et qui commence à produire des résultats d'avant depuis 4 ans transformés, commencer à transformer notre système éducatif, d'accès à l'enseignement supérieur, d'apprentissage et de formation professionnelle, d'accès au travail, à l'emploi. On continue avec la réforme de l’assurance chômage. On a réformé la fiscalité du capital très profondément et on a mis en place des réformes du travail, plus des réformes sectorielles.

Tout ça produit des résultats qui sont très tangibles et qui vont dans la bonne direction. La France est redevenue depuis 2 ans le pays le plus attractif d'Europe. La France recrée des emplois industriels depuis 2 ans, alors qu'elle en détruisait depuis 2008. La France est aujourd'hui en sortie de crise à un niveau d'emplois qu'elle n'avait pas connu depuis 15 ans. Et nous avons atteint un niveau d'apprentis et d'alternants que nous n'avions jamais connu, plus de 500 000 malgré la crise. Je ne veux pas ici égrener les choses, mais on voit bien que les choses sont en train de se transformer dans la bonne direction, qui est le fruit d'une stratégie macroéconomique qui reposait sur ces constats, qui produit des résultats et qui va dans la bonne direction. Et il faut s'en féliciter, il faut le consolider. De la même manière, on s'est mis à réinvestir sur la recherche et l'enseignement supérieur. Il y a des vraies réformes organisationnelles qui sont portées par nos universités, nos organismes de recherche. Le classement de Shangaï, qui est ressorti cet été, montre qu'on est quand même en train de revenir complètement dans la bataille.

Donc les résultats sont là, ils sont dans la bonne direction et ces résultats n'ont pas été fragilisés par la crise parce que nous avons à la fois eu un programme d'urgence pendant la crise, que le Gouvernement a porté et je l'en remercie, puis un programme de relance qui a été très coordonné au niveau européen, plan de relance européen et plan de relance français qu'il déclinait, qui a permis de consolider ces résultats et même d'accélérer la sortie de crise autour de trois piliers : la transition numérique, la transition écologique, la cohésion sociale et territoriale sur les 100 milliards français, dont 70 milliards sont déjà engagés. Dans ce cadre-là, nous avons même commencé à tirer les leçons de la crise telle que je l'ai évoqué, puisque le plan France relance est un plan qui, en accélérant les transitions qu’on avait fait, permet aussi de relocaliser et de rebaptiser un début de souveraineté. On a une composante robotique, on a une composante protéine qui est très importante et qui est plébiscité par le monde agricole. On a une composante santé, on se remet à produire du paracétamol en France, qu’on avait complètement abandonné ces dernières années. Donc, tout cela est cohérent, va dans la bonne direction, et est le fruit, je pense, d’un travail consolidé durant ces dernières années qui est celui du Gouvernement, des parlementaires et de l'ensemble des parties prenantes que vous êtes.

Néanmoins, l'extraordinaire accélération du monde que nous sommes en train de vivre m’a conduit à penser que tout ce qu'on a fait là n'est pas suffisant et que si on reste à ce rythme et à ce niveau d'intensité, parce que nous avons aussi pris ces décisions parfois 15 à 20 ans après certains de nos voisins européens, nous ne rattraperons pas notre retard ou surtout, nous nous laisserons distancer dans les 10 ou 15 ans qui viennent. Et donc, forts des constats que je viens d'évoquer, de tout ce qui a été fait, qui va dans la bonne direction, je pense que la stratégie 2030, elle, s'impose aujourd'hui parce qu’en raison des grands défis que j'évoquais et en quelque sorte de cette sortie de crise, nous vivons une extraordinaire accélération du monde de l'innovation et des ruptures. Et cette accélération me conduit à établir quelques convictions fortes que je vais ici exprimer et qui vont présider à cette stratégie.

La première conviction, c'est un peu le fruit de ce qu'on a tous vécu pendant la crise et ce qu'on avait commencé à vivre avant, c'est au fond qu’innovations de rupture, innovation technologique et industrialisation sont beaucoup plus liés qu'on ne l'avait intuité jusqu'alors. On avait dans nos débats politiques, intellectuels, théoriques, souvent séparés ces sujets. Et je pense qu'il faut tirer le constat que nous nous sommes trompés sur ce point. D'abord, la France a longtemps pensé qu'elle pouvait se désindustrialiser en continuant à être une grande nation d'innovation et de production. Je crois que maintenant, il est établi que c'est faux. Quand on se désindustrialise, on perd de la capacité à tirer de l'innovation dans l'industrie et donc de l'innovation, même incrémentale, et c'est celle-ci qui nourrit le dialogue avec les innovations de rupture. C'est un continuum où tout se tient. Beaucoup plus que les débats ne l’avaient montré jusqu'alors. Je parle ici sous le contrôle d'économistes industriels qui l'ont montré avant moi et beaucoup mieux que moi, mais c'est la réalité. Et donc, je crois que maintenant, c'est établi et on l'a vécu parce que sur le plan de la santé, nous avons laissé notre tissu d'industries pharmaceutiques flétrir, c'est une des raisons pour lesquelles nous avons, il faut bien le dire, une innovation en santé qui a perdu des rangs au niveau de la compétition internationale. Et donc, c'est un continuum. S'il n'y a pas d'industrie, si on ne réindustrialise pas le pays, il n’est pas vrai qu'on pourra redevenir une grande nation d'innovation et même de recherche. Et aussi parce que c'est ce qu'on produit avec l'innovation industrielle et ses débouchés qu'on peut financer une recherche fondamentale.

Ensuite, tout cela est lié, si je puis dire, dans l'autre sens, parce que l'innovation de rupture a complètement comprimé son temps entre l'invention et son industrialisation. Et au fond, toute l'organisation internationale est ainsi faite que l'ensemble des acteurs partout dans le monde sont en compétition instantanée, pour en quelque sorte réduire le temps qu'il y a entre l'idée géniale et l'idée de rupture et la possibilité pour que celle-ci change les pratiques. Et cela touche tous les segments qui sont ici présents. Nos grandes pharmas qui sont ici, là, nos grands groupes de métallurgie, on le sait. Et tout ça, c'est une compression du temps, mais c'est aussi une accumulation du capital et des batailles. Et donc, cette conviction a un point clé, ça veut dire qu’il faut qu'on mène en même temps la bataille de l'innovation et de l'industrialisation, on ne peut pas choisir, il faut les mener ensemble. Et ça veut dire qu'il faut qu'on mette beaucoup d'argent public et privé parce que le gagnant prend tout, comme disent les Anglo-Saxons. Et donc, c'est là où il y a une hyper concentration du capital et des talents que les choses se font et que vous êtes dans la partie ou que vous êtes sortis de la partie. Et donc nos quantum aujourd'hui ne fonctionnent pas. Donc, ça, c'est ma première conviction très forte, c'est qu'on doit vraiment sortir de cette opposition entre recherche fondamentale, recherche incrémentale et technologique et industrialisation massive, et essayer de comprimer tout ça.

Ce qui va avec, c'est qu'il faut sortir de deux types d'oppositions qui nous ont fait perdre beaucoup de temps dans nos débats et qui sont liées à nos tempéraments, à parfois ce que nous sommes. Les oppositions entre les différents secteurs et disciplines, de recherches académiques ou autres. Les frontières qui existent entre les sciences humaines, les sciences etc., tout cela est en train d’exploser totalement parce que les cadres sont en train d’être repensés, on y reviendra, mais le spatial est un domaine où, en même temps, on fait de l’hypertechnologie, on fait du quantique, des mathématiques, des sciences humaines, du droit et où tout cela est en train d’être convoqué très vite parce que c’est un cadre qui est en train d’être repensé par cette compression.

Et la deuxième chose, c'est que l'opposition que j'entends encore beaucoup dans nos débats publics entre les startups et l'industrie, est une opposition du XXème siècle. Elle est éminemment fausse. Notre pays va se réindustrialiser par des startups technologiques et ce qu'on appelle le Deep Tech. Et nos grands groupes industriels vont survivre, se transformer et gagner la partie grâce à l'innovation de rupture de startups qu’ils auront incubées ou qu'ils auront rachetées ou avec lesquelles ils auront des partenariats. Il n'y a pas de France industrielle contre la France des startups ; il n'y a pas de France des startups qui ne soient qu'à Paris, dans quelques bureaux de quelques arrondissements. Tout cela est faux. La réalité de la France des startups, c'est une France qui est partout sur les territoires. Et la réalité de la France industrielle, c'est qu'elle se nourrit des startups énergétiques. Première conviction : il faut tordre le cou, si je puis dire, à des oppositions, mais il y a une compression de toutes ses dimensions.

La deuxième conviction, qui est un peu sa conséquence, c'est que nous avons un besoin impérieux d'accélérer les investissements publics, créateurs de croissance, d'emplois et d'indépendance industrielle. Nous avons un débat et nous devons continuer d'avoir et il faut même le structurer sur la dépense publique. Il est important et moi, je n'ai jamais pensé qu'on pouvait construire l'avenir d'un pays à crédit ou à découvert, mais je pense qu'il ne faut pas que ce débat nous conduise à faire des erreurs profondes dans la nature des dépenses publiques. Et ça, c'est extrêmement important. Je crois que depuis 4 ans, on a montré qu'on savait consolider les comptes publics sans détruire de la croissance, et en baissant même les impôts. C’est exactement la trajectoire macroéconomique qui est suivie depuis 2017. Baisse historique d'impôts pour les ménages comme pour les producteurs ; baisse avant crise de la dépense publique récurrente avec de la vraie transformation et modernisation, et donc c'est la trajectoire pour moi qui a du sens.

Mais dans ce temps d'accélération, il nous faut bâtir les termes d'une crédibilité qui nous permette justement d'accélérer l'investissement public dans l'innovation, l'innovation de rupture et la croissance industrielle parce que c'est le seul moyen dans le même temps, de construire la production et la croissance qui va nous permettre de continuer à financer notre modèle social. Et c'est le seul moyen de construire les éléments de modernisation sectorielle qui va nous permettre de baisser la mauvaise dépense, c'est-à-dire la dépense curative. Si nous ne prenons pas ce virage de l'innovation et de l'industrialisation, nous continuerons de dégrader nos déficits extérieurs, parce qu'on continuera de dépendre et d'importer, et nous continuerons de créer trop peu d'emplois, trop peu d'opportunités pour nos jeunes et donc de les réparer par de la dépense publique. J’assume totalement un pays qui investit dans la création de nouvelles filières, l'investissement et l'apprentissage pour moins dépenser dans l'assurance chômage et la réparation des destins. Et c'est ce changement qu'il nous faut faire. Et c'est maintenant qu'il se joue parce que c'est maintenant que nos filières existantes, par une modernisation profonde, se transforment et gagnent la partie. Et c'est maintenant que nous créons de nouvelles filières.

Et donc, la clé, c'est de comprendre aussi, en quelque sorte par rapport à tous nos modèles, et je parle ici sous le contrôle collectif de nos ministres, nos parlementaires, cher Éric et bien d'autres qui connaissent beaucoup mieux que moi tous ces sujets. Je vois les parlementaires de la commission des finances, des Affaires économiques qui sont là en particulier. Je pense que nous avons en quelque sorte, dans nos propres attendus, en France depuis trop d'années, intégré une forme de sentiment de défaite en considérant que la croissance potentielle du pays était quelque chose dont il était écrit qu'elle ne changerait jamais.

Je pense qu'il nous faut réinvestir dans une stratégie de croissance qui consiste à dire qu’en faisant des investissements, qui sont, par leur gouvernance, leurs modalités, totalement distincts de la dépense récurrente. Ainsi, nous devons changer en profondeur les termes de notre croissance potentielle et augmenter la capacité de l'économie française à croître par son innovation, par sa réindustrialisation et par les politiques de formation pour produire de la richesse. De fait, il s’agit de se projeter vers l’avenir, et dans le même temps, rendre soutenable le modèle social français qui doit continuer à se moderniser et être plus efficace. En d’autres termes, c'est le seul moyen d'y arriver. En quelque sorte, je veux que nous retrouvions un cycle vertueux qui consiste à innover, produire, exporter et ainsi, financer notre modèle social. Et je pense que ce modèle vertueux, c’est celui qu’on peut retrouver par un investissement massif dans cette stratégie d’innovation et d’industrialisation qui vient en quelque sorte compléter, mais en poussant beaucoup plus loin, ce qui a commencé à être fait sur l’éducation, l’enseignement supérieur, la formation et l’investissement dans la recherche. Encore une fois, ce que nous avons fait ces deux dernières années, de très important avec la loi de programmation et de modification, est un élément de rattrapage que je ne sous-estime pas. Ceci dit, il faut maintenant porter une stratégie qui est nettement plus dans la rupture.

Partant de ces constats, de ces convictions, et en quelque sorte de cette ligne que je veux tracer, la stratégie pour 2030 doit nous conduire à investir 30 milliards d’euros pour précisément répondre à ce déficit qui est en quelque sorte le déficit de croissance français. Alors, je ne vais pas ici dire que nous allons être les leaders dans tous les domaines. Nous devons être lucides sur nos forces et nos faiblesses. Naturellement, je pense que ce n’est pas parce qu’on le dit qu’on le devient. Je crois à la capacité performative de certaines paroles mais je suis aussi lucide sur le fait qu’on parle là d’une compétition ouverte. Il faut simplement savoir où on veut aller, les moyens qu’on se donne pour y aller et les objectifs qu’on s’assigne. Par contre, je pense que nous devons dès maintenant nous dire dans quels secteurs et sur quels domaines nous pouvons être en tête en 2030, en tant que Français et en tant qu'Européens, et, il y a quelques secteurs où, très clairement, nous pouvons prendre le leadership. Il y a aussi des secteurs où nous avons pris du retard et où nous sommes menacés, mais ces secteurs, que nous n'avons pas le droit d'abandonner parce que si nous les abandonnions, en quelque sorte, nous construirions une dépendance, laisserions à nos enfants un tissu économique qui fait qu'ils n'auraient plus les mêmes questions à se poser. Nous avons aussi des secteurs sur lesquels il faut réinvestir pour leur caractère stratégique. On doit se dire, d'ici à 2030, qu’il est nécessaire de consolider nos parts de marché, de ne pas se laisser décrocher. Il y en a d'autres où nous pouvons très clairement faire plus que résister et être dans le peloton de tête. C'est avec cet objectif que j’ai, que nous avons collectivement bâti cette stratégie pour 2030.

La clé de tout ça, c'est notre indépendance et la capacité à reprendre en main le destin de la France et de l'Europe. Au fond, pourquoi faire tout cela ? Je crois qu'en tant que Françaises et Français, on a une petite idée : nous ne sommes pas le meilleur pays pour nous adapter aux évolutions du monde. Quand on nous dit : « Il faut faire cette réforme parce que les voisins l'ont fait », ça marche assez rarement en France. Nous n'avons pas cette mentalité, je l'ai plusieurs fois dit, assumant moi-même de l'être, je suis le premier des Gaulois réfractaires. Nous n'aimons pas quand on nous dit : « Vous ne faites pas bien les choses, etc. ». Cela ne fonctionne jamais chez nous. Par contre, nous n'aimons pas qu'on nous dise : « Il faut faire ça parce que les autres le font et il va falloir s'adapter », mais nous n'aimons pas perdre le contrôle de nos vies individuelles et du destin de notre nation. C'est ça ce qui nous caractérise, j’y crois profondément, et c'est d'ailleurs constamment le message de la France au monde et la promesse de la France. C'est de défendre une forme d'humanisme, c'est de dire : « Nous, on a toujours choisi. ». On a choisi la liberté, les Lumières, les droits de l'homme, l'exigence. Même lorsqu’il s’agissait de combats très difficiles, nous avons résisté. Nous avons résisté aux folies du monde même lorsque cela paraissait la vague dominante. Je crois que c'est ce qui est en cause et ce qui est en jeu pour 2030. Quand je dis bâtir notre indépendance, c'est vraiment de se dire comment la France construit une stratégie qui fait que nous pouvons défendre l'humanisme dans lequel nous croyons pour le siècle qui vient. Qu'est-ce que cela signifie bâtir cet humanisme ? Ça veut dire que compte tenu des défis que je viens d'évoquer, on voit bien que nous devons mieux produire, nous voulons mieux vivre, on veut mieux comprendre le monde. Mais, on veut le faire à chaque fois au service de nos valeurs et d'une certaine idée de l'humanisme qui est la nôtre. Nous croyons au progrès, scientifique, rationnel. Nous croyons que celui-ci doit être au service de l'humanité et que l'homme ne doit jamais être en quelque sorte au service d'un progrès technologique qui lui aurait échappé. Deux idées, très simples. Mais si, en quelque sorte, nous bâtissons toute notre stratégie là-dessus, je dirais que l'objectif de la France de 2030 doit être cela : mieux produire, mieux vivre, mieux comprendre le monde, en servant un humanisme français et européen qui est le cœur de notre message, de notre promesse et de ce que nous avons encore à faire demain. Il convient alors de construire les voies et moyens de le faire en étant plus indépendant en tant que Français et Européen. Parce que si nous déléguons en quelque sorte les moyens de mieux nous nourrir, de mieux comprendre le monde à d'autres : ce seront les préférences collectives d’autres puissances qui le feront. Les chinois sont en train de le faire mais avec un autre modèle. Ils n’ont pas le même modèle agro-alimentaire que nous, on le voit bien. Ils n’ont pas le même modèle d’innovation, du respect de la vie privée et autre. Même les américains n’ont pas le même modèle que nous. On a les mêmes valeurs sur certains sujets, mais nous n’avons pas les mêmes préférences collectives. On n’a pas les mêmes rapports à l'égalité et à la solidarité collective. Nos sociétés ne fonctionnent pas de manière identique.

Si nous, Européens, et en particulier nous, Françaises et Français, voulons choisir notre avenir, il est essentiel de gagner cette bataille qui est une bataille pour l'indépendance et une meilleure qualité de vie. Bâtir cet humanisme du XXIème siècle. Il s’agit de mieux comprendre, mieux vivre, mieux produire. Pour y arriver, il y a dix objectifs, qu’on va se donner. C'est le fruit de votre travail. Je ne suis là comme le notaire, le dépositaire de ce qui a été fait en essayant de lui donner une forme et de l'inscrire dans le cadre que je viens d'évoquer. D'abord, il faut mieux produire. Mieux produire au fond, c'est la question qui nous est posée, ce sont les tensions qu'on voit dans nos sociétés, dans tous nos secteurs, c'est de dire : plus personne d'entre nous ne met en cause le fait que nous devons faire face à un monde qui doit émettre de moins en moins de carbone possible, qui doit réussir à de plus en plus respecter la biodiversité et donc redevenir positif en biodiversité et neutre en carbone en 2050. C’est ça notre objectif. Et tout cela commence dès maintenant parce que nos premiers objectifs concrets sont en 2030. C'est vraiment une série de révolutions dans la capacité à produire l'énergie, à faire de l'industrie, à nous déplacer, à nous organiser.

 

Le premier objectif, l'objectif numéro un, c'est faire émerger en France, d'ici à 2030, des réacteurs nucléaires de petite taille innovants, avec une meilleure gestion des déchets. Sur ce sujet, pourquoi le mettre en premier ? Parce que le premier sujet, c'est la production de l'énergie. Pour produire de l'énergie, en particulier l'électricité, nous avons une chance, c'est notre modèle historique. Le parc installé, le nucléaire. J'aurai l'occasion de revenir dans les semaines qui viennent sur l'opportunité de construire de nouveaux réacteurs et sur la stratégie, puisqu'il y a d'abord un travail que nous avons demandé avec le Premier ministre et la ministre à RTE et qui continue d’avancer. Mais il faut bien le dire, le rappeler, les 200.000 Françaises et Français qui travaillent dans le secteur du nucléaire, c'est une chance parce que c'est ce qui nous permet d'être le pays en Europe qui est parmi ceux qui émettent le moins de tonnes de CO2 par électricité produite. Nous devons réinvestir pour être à la pointe de l'innovation de rupture dans ce secteur. Ça passe par une série de familles technologiques et il ne convient pas de les départager ici. Celles-ci ne sont pas exclusivement des choix industriels qu'on doit faire aussi à plus court-terme, à la fois sur le nucléaire et les énergies renouvelables. Nous devons absolument nous préparer à des technologies de rupture et des transformations profondes sur le nucléaire. La promesse de ce qu'on appelle les small modular reactor, qui sont les petits réacteurs, beaucoup plus petits et beaucoup plus sûrs parce que la sûreté est un point clé du débat sur le nucléaire. Il y a aussi les technologies pour mieux gérer nos déchets, certaines sur lesquelles nous commençons à avancer, certaines que nous n'imaginons même pas avec là aussi, un travail fait par nos organismes de recherche qui, pour certains, sont déjà très avancés par nos grands industriels historiques et également par des entreprises de taille intermédiaire, des start ups et des PME françaises qui sont en train de proposer des innovations de rupture en la matière.

Pour y parvenir, nous devons ouvrir le jeu de manière totalement inédite et nous sommes prêts à y investir 1 milliard d'euros d'ici 2030, en commençant très vite avec des premiers projets très clairs. De fait, il faut lancer plusieurs projets sur des familles technologiques différentes mais essayer d'avancer pour accélérer sur ce volet. C'est absolument clé parce qu'on sait qu'on continuera à avoir besoin de cette technologie. Au fond, on doit traiter deux sujets clés : améliorer toujours et encore la sûreté en baissant les coûts et réduire les déchets qui est un point clé quand on parle de nucléaire.

Le deuxième objectif : devenir le leader de l'hydrogène vert en 2030. Là, je le dis en l'assumant totalement, je pense que ça fait vraiment partie d'un des secteurs où nous pouvons être leader. C'est, réellement, une filière dans l'énergie où nous pouvons encore le faire parce que nous avons des atouts. On a un premier atout, c'est encore une fois le nucléaire. Pour produire de l'hydrogène, il faut de l'électricité parce qu'il faut faire de l'électrolyse. Il y a beaucoup d'élèves d’école d'ingénieurs, donc j'ai l'impression de le dire à des citoyens qui le savent beaucoup mieux que moi, comment tout cela fonctionne, mais je le dis pour que ce soit clair, parce que sinon, on le perd de vue de nos débats. Donc, on a besoin de faire de l’électrolyse. Ça consomme beaucoup d’électricité. Si on produit de l’hydrogène en utilisant de l’énergie fossile, ça ne sert à rien. Il y a en fait deux grandes stratégies de production d’hydrogène vert. Il y a une stratégie qui consiste à aller faire les énergies renouvelables et faire l'électrolyse très loin et réimporter l’hydrogène, un peu comme on le fait le gaz liquéfié. Il y a une deuxième stratégie qui va être le cœur de la nôtre : on va essayer d’en produire beaucoup en France parce qu’on a la possibilité de faire de l’électrolyse et, en plus, de faire de l'électrolyse très décarbonée. C'est une énorme chance, c'est ce qui nous permettra d'être un leader. À côté de ça, on a de la très bonne recherche, on a de très bons acteurs : Air Liquide et quelques autres industriels. En plus, on a un tissu de start-ups, d'équipementiers, d'entrepreneurs, d'innovateurs qui sont prêts à y aller et qui sont organisés. Et donc, ce que nous devons faire absolument sur l'hydrogène, c'est ne pas répéter les erreurs que nous avons faites sur les énergies renouvelables. On a trop peu investi sur l'offre et la capacité à développer notre filière. On l'a laissé filer ailleurs. On doit développer notre offre industrielle dans l'hydrogène et donc investir massivement dans cette filière. Tout ça nous permettra de décarboner notre industrie, d'alimenter nos camions, nos bus, nos trains, nos avions. Ce qui est une voie absolument formidable. Ce qui fait que d'ici à 2030, la France doit pouvoir compter sur son sol au moins deux giga-factories d'électrolyseurs afin de massivement produire de l'hydrogène et l'ensemble des technologies utiles à son utilisation.

En parallèle de ce deuxième grand objectif, nous aurons aussi un objectif d'investissement de plus de 500 millions d'euros dans les technologies de rupture, dans les énergies renouvelables, en particulier les éoliennes, terrestres, en mer et le photovoltaïque. La stratégie d'investissement dans les énergies renouvelables est un point clé pour l'innovation de rupture. C'est ce triptyque, si vous voulez, nucléaire, hydrogène et énergies renouvelables par ses innovations de rupture qui nous permettra de produire différemment de l'énergie et de l'électricité et à commencer à contribuer justement à ce monde où on produit mieux, et plus décarbonée. Nous avons, comme vous le voyez, de vrais leviers. On a des vrais avantages historiques, mais il faut accepter d'y mettre les investissements que je viens d'évoquer pour atteindre ces objectifs.

Troisième objectif : décarboner notre industrie. Décarboner notre industrie, qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire qu’à côté de la production de l'électricité, on a de toute façon ce que font nos grands industriels. Ils sont, et c'est normal, des émetteurs de CO2 par leurs activités quotidiennes. Dans notre stratégie pour 2030, nous nous sommes engagés à baisser entre 2015 et 2030 de 35 % de nos émissions dans le secteur. C'est, comme vous le voyez, un point important, c'est même un effort colossal, baisser de 35 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2015 pour 2030, c'est une révolution productive. On est en 2021, on a fait 4 %. Donc, c'est simple, on ne va pas fermer ces usines. Parce que je ne serai pas cohérent sur ce que je vous ai dit sur l'indépendance productive. Alors, nous devons massivement investir pour les aider à décarboner. Ce sera un investissement public et privé, mais sans un investissement public, c'est impossible, c’est insoutenable. Si l'Europe ne conduit pas cette stratégie, sa base productive ira produire de l'autre côté du monde. Et donc, toute la stratégie européenne que nous avons commencé à lancer est une stratégie qui vise à accompagner les investissements du privé pour décarboner. Il s’agit de changer complètement le processus industriel, mettre un mécanisme d'ajustement aux frontières pour pénaliser les industriels hors Europe qui n'auraient pas fait ces réformes et essayer de bâtir des transitions climatiques tout en maintenant notre compétitivité productive et industrielle. La présidence française de l'Union européenne nous permettra, en tout cas, nous nous battrons pour cela, de faire avancer l'agenda sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. Mais, en parallèle, nous devons tous accélérer sur la décarbonisation de nos industries. C'est une stratégie qui est poursuivie au niveau européen, mais que chaque pays porte aussi et qui est extrêmement onéreuse. Les montants sont énormes pour chaque site industriel. Pour chaque site industriel, l'Allemagne vient d'annoncer sa stratégie. C'est la même chose que nous lançons aujourd'hui, de la même manière. Qu’est-ce que cela signifie ? Ça veut dire complètement transformer nos grandes aciéries, nos grandes cimenteries, pour leur permettre de continuer à produire d'ici à 10 ans en réduisant leurs émissions de CO2. L’acier, le ciment, les produits chimiques, ce sont les carburants de toutes les grosses industries, ce sont des bases pour notre tissu industriel, on ne peut pas les perdre, mais, on doit continuer de les produire en baissant beaucoup plus rapidement les émissions. Cette stratégie de décarbonation comprend des investissements massifs de plusieurs centaines de millions d'euros par site industriel. C'est évidemment la préservation de plusieurs milliers d'emplois industriels sur chacun des sites, mais, c'est aussi la clé pour qu'ils ne partent pas se délocaliser à l'autre bout du monde. En parallèle de cela, notre stratégie de décarbonation se complète par la digitalisation et la robotisation de notre industrie, qui est aussi un point clé. Vous l'avez rappelé tout à l’heure, cher Frédéric SANCHEZ. On a commencé à le faire avec France Relance. On va justement accélérer avec la stratégie France 2030 qui consiste à véritablement digitaliser et robotiser pour, là aussi, aller vers une décarbonation de notre industrie.

Au total, ce sont plus de 8 milliards d'euros qui seront investis pour réellement atteindre ces trois premiers objectifs de décarbonation de notre industrie et de financement d'un nouveau mix électrique et d'innovation dans la production d'électricité.

Reprendre le contrôle et produire mieux, comme je l'ai évoqué, c'est aussi répondre industriellement aux défis de nos modes de transport. C'est pour ça que le quatrième objectif pour moi est de pouvoir produire en France, à l'horizon 2030, près de 2 millions de véhicules électriques et hybrides. Alors, cet objectif, qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire qu'on le voit et l’imagine correctement. C'est toujours la même ligne directrice. Nous voulons continuer de produire. Nous croyons en l'industrie et nous savons que nous devons continuer à réduire nos émissions. C'est ce qu'on fait depuis plusieurs années. On doit pour cela continuer à convertir ce que l’on appelle notre parc automobile, et, donc, réussir à faire que les vieux véhicules polluants soient remplacés par de nouveaux véhicules, électriques ou hybrides, voire même des véhicules de dernières générations qui polluent beaucoup moins. Mais, il faut, là aussi, appuyer cette stratégie qui doit se compléter par une stratégie de transport collectif, de nouvelles formes de déplacement et une stratégie industrielle. Ce que nous ne voulons pas, nous, grandes nations de l'automobile, c’est devenir la nation qui roulera le plus vert avec des voitures qui ne sont plus produites chez nous, ça n'a aucun sens de faire ça. Soyons lucides sur nous-mêmes, les trente dernières années ont été cruelles pour l'industrie automobile française. C'est le fruit d'erreurs de politique industrielle. C'est le fruit de stratégies non coopératives entre les acteurs de l'industrie eux-mêmes. Ils ont une énorme responsabilité dans cette situation. C'est aussi le fruit d'un choix qui a été longtemps le choix français, d'une sous-compétitivité industrielle. Ça, c'est simple : quand on décide que l’on fait tout payer par le facteur travail, qu'on ne rémunère pas bien le capital, on sous-investit. Quand les acteurs décident de ne pas coopérer, eux-mêmes délocalisent ; et vous avez à peu près le résultat de l'industrie automobile française qui a détruit beaucoup d'emplois durant les dernières décennies. Je fais confiance en tous les acteurs, je les reverrai dans quelques semaines pour véritablement remobiliser les choses, puisque l’on prend des grands investissements, mais le changement, c'est aussi un changement de culture. On doit réinvestir massivement, aller à fond sur l'industrie automobile de demain. Nous ne referons jamais en France du moyen et haut de gamme en classique ; ce n'est pas vrai. Concernant cette bataille, objectivement, on s'est fait distancer et on le sait très bien. Luc est là pour la plateforme, qui joue un travail depuis maintenant quelques années, un travail extraordinaire. De fait, on a besoin d'aller sur les technologies de rupture et sur l'innovation. On a commencé à le faire sur les batteries. On va continuer à le faire sur les nouveaux véhicules. Tout ça ne marche que s'il y a une vraie stratégie coopérative, en particulier de nos grands constructeurs. Si les grands constructeurs français ne jouent pas le jeu – je le dis ici parce qu'ils ont leur part dans cette affaire – nous ne réussirons pas cette partie. Ce n'est pas qu'une politique de l'État. Ça ne marche que s’ils ont une stratégie d'investissement sur le tissu productif français, d'achats à l'égard de leurs sous-traitants et un comportement beaucoup plus coopératif.

Par contre, ce quatrième objectif, il est tenable, celui d'avoir pour 2030 près de 2 millions de véhicules électriques et hybrides. Ça consiste en quelque sorte à préserver les parts de marché au niveau européen, qui sont ceux de la France. Dans un marché qui va prendre de l’ampleur, qui va être en expansion, c'est vraiment de réussir à tenir. Cette révolution du véhicule électrique est en marche. Les primes et les bonus de France Relance ont permis de l'accélérer. Et là-dessus, nous avons montré l'efficacité de nos dispositifs. Nous devons continuer à y prendre part, tant sur le segment véhicules où nos grands acteurs sont en pointe, que sur le segment batteries que nous développons et que nous continuerons à développer. On a actuellement 3 giga-factories qui sont en développement. Je pense vraiment que cet objectif, de rouler électrique, et cet objectif à 2030 de 2 millions de véhicules hybrides et électriques, il est atteignable par la France. À la fin du mois, je reverrai l’ensemble des acteurs de la filière à la fois concernant les infrastructures et les investissements. Si nous continuons à investir sur les batteries, le tissu industriel et la montée, justement en modernisation et digitalisation, nous pouvons y arriver. C’est vraiment un objectif que je nous assigne collectivement puisque c’est absolument clé pour beaucoup de nos territoires pour là aussi avoir une stratégie de transition énergétique qui soit cohérente avec la production industrielle.
 

Le 5ème objectif, c’est produire en France à l’horizon 2030 le premier avion bas carbone. Je pense que c'est tout à fait faisable. Pourtant, les meilleurs experts m'ont dit « Jamais avant 2035. ». Ceci dit, les meilleurs experts me disaient il y a huit ans « on ne verra jamais des petits lanceurs », et il y a un an « vous n'aurez pas de vaccin », je me dis que je suis, à mon avis, beaucoup trop pessimiste à donner un horizon 2030 pour le premier avions bas carbone français. Sur tous ces sujets, c'est un sujet de mobilisation et de concentration des efforts. On ne doit pas être en quelque sorte les otages de nos processus passés. La France est un grand pays d'aéronautique. Sur ce volet, nous allons là aussi investir massivement pour permettre de déployer d'ici à 2030 ce premier avion bas carbone qui doit être un projet français, nous nous lançons, mais, l'objectif est de l'européaniser au maximum. Comme vous le savez, pour ce segment c'est la stratégie que nous avons depuis le début. C'est ce qu'on fait pour l'avion de combat du futur, c'est ce qu'on a fait historiquement pour les grands groupes industriels, et on doit continuer d'accélérer. Sur l'automobile et l'aéronautique, j'assume complètement ici leur place dans cette stratégie. Ce sont deux secteurs qui sont au cœur de l'imaginaire industriel français. Ce sont deux secteurs qui doivent être au cœur de l'avenir industriel français, et nous avons les moyens de le faire. On a eu des moments difficiles, en particulier dans l'automobile. On a eu des peurs difficiles, en particulier dans l'aéronautique, pendant la crise. Nous devons réinvestir massivement et trouver aussi des logiques d'acteurs. Je tiens vraiment à remercier l'ensemble des parties prenantes qui sont dans la salle et qui, ces dernières années, ont beaucoup œuvré pour qu'on retrouve une logique beaucoup plus coopérative sur ces filières et je pense que c'est essentiel. Mais, au total, ce sont près de 4 milliards d'euros qui seront investis sur ces acteurs des transports du futur.

Mieux produire, vous l'avez compris, va véritablement tourner autour de ces cinq grands objectifs. Ensuite, quand on parle de mieux vivre, mieux vivre c'est avoir une qualité de vie pour la population française et avoir une contribution française pour cette qualité de vie qui, à mon avis, repose sur quelques objectifs d'ici 2030.

Le sixième objectif que nous devons nous assignés, c'est précisément d'investir dans une alimentation saine, durable et traçable. C'est en quelque sorte accélérer la révolution agricole et agroalimentaire que nous sommes en train de mener et sur laquelle la France est un des pays leader. La France, là aussi, et c'est notre passé industriel et agricole, a à chaque fois réussi les objectifs agricoles que la nation lui assignait. Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, on a assigné comme objectifs à nos paysans de nourrir le pays, au niveau français puis au niveau européen. La ferme française l'a fait, elle a réussi à travers deux grandes révolutions historiques, celle de la mécanisation puis celle de la chimie. Mais, elle a réussi à produire, produire de plus en plus, nourrir une population qui était en croissance, la nourrir de mieux en mieux aux standards de qualité et exporter. N’enlevons quand même rien de cette fierté française qui a ensuite été transférée au niveau européen, on a réussi à le faire. Nous avons une transition aujourd'hui qui est en train de s'accélérer et le monde est en train de s'accélérer. C'est certainement l'un des secteurs qui est le plus au confluent de toutes les tensions que j'évoquais tout à l'heure. Il faut nourrir de plus en plus de monde, la biodiversité est devenue une denrée rare alors que ça n'avait pas de valeur il y a dix ans pour beaucoup, et, aussi, il faut décarboner la production. C'est donc l'un des secteurs qui est en train de se transformer le plus rapidement sous contrainte alors même que nos sociétés, depuis maintenant une quinzaine d'années, ont fait le choix d’acter le fait l'alimentation n'avait presque plus de valeur. Dans le panier moyen des Françaises et des Français, l’alimentation va beaucoup moins bien qu’il y a quelques décennies. Donc, au moment où il faut investir, faire toutes ces transformations, on a décidé, il y a une dizaine d’années, de dire que le prix qu'on devait assigner dans notre budget moyen était de plus en plus faible. Pour vous remettre dans notre vision stratégique, c’est ce qu'on est en train de faire depuis maintenant quatre ans, remettre de la valeur dans l'agriculture. En réalité, s’il n’y a pas de valeur, ce erroné de dire qu'on fera quoi que ce soit. Il faut donc dire : nos agriculteurs doivent être payés pour le travail fait. L'investissement fait. On doit aider à réinvestir et on doit aider à l'ensemble de ces transitions : Egalim 1 et Egalim 2, les stratégies de filières, les deux piliers, la PAC, etc. Parce qu'il nous faut réussir à ce que chaque agriculteur puisse vivre de son travail, qu'on réussisse une transition démographique au moment où nous avons un transfert de transmission entre générations inédites dans notre pays et produire de plus en plus avec une qualité et une sécurité alimentaire qui soit toujours améliorée.

Pour réussir cette nouvelle révolution de l'alimentation saine, durable et traçable, qui sont les trois objectifs que nous devons nous donner pour 2030. Nous devons investir dans trois révolutions qui vont en quelque sorte être la suite de la révolution mécanique et de la révolution chimique qu'on a connue : le numérique, la robotique, la génétique. Ce sont les trois transformations essentielles. Cela passe par de l'investissement, là aussi, mais également par des technologies de rupture dans la robotique agricole pour parfois permettre de sortir de certains pesticides, de sortir de certaines pratiques, pour aussi améliorer la qualité de vie et améliorer la productivité. La donnée est aussi là pour nous aider, elle permet à la fois une gestion plus fine des productions en fonction des différents aléas et le traçage des aliments – c’est évidemment ce que demandent les consommateurs – dans la diversité génétique pour des productions plus résilientes et plus solides dans les bio-solutions, dans la captation du carbone pour une agriculture qui soit compatible avec les exigences environnementales. C’est de fait la révolution dans laquelle nous sommes, c'est celle numérique, du robotique, de la génétique, et c'est celle qui nous permettra de continuer à produire pour nous nourrir en améliorant toujours la qualité de notre alimentation, en améliorant notre compétitivité et en baissant les émissions de CO2. Si on ne traite qu'un de ces termes, on ne répond pas à la question. Si on a une transition agricole qui ne règle que le problème de l'émission de CO2 de notre agriculture, c'est simple, on aura moins d'agriculture française, mais on importera plus de produits qui sont faits ailleurs sur des standards qui sont moins bons que les nôtres. C'est ça l'erreur, celle à ne pas faire. Il faut maintenir une stratégie française, qu'on veut dupliquer au niveau européen, mais qui là aussi passe par évidemment des transitions, des aménagements, mais aussi par de l'investissement pour permettre d'accompagner ces ruptures. Au total, 2 milliards d'euros, dont des fonds propres, seront consacrés à ces enjeux. Mieux vivre, c'est donc mieux se nourrir et réussir cette transformation profonde de l'alimentation d'ici à 2030.

Mieux vivre, c'est aussi mieux se soigner. Là-dessus, je serai très rapide parce que je l'ai déjà évoqué au mois de juillet dernier à travers le Plan Santé Innovation santé 2030. Mais, au fond, si on veut bâtir une stratégie de santé – plusieurs acteurs du secteur sont présents, qui ont beaucoup et qui continuent à beaucoup se battre sur ce secteur – on doit regarder là aussi nos forces et nos faiblesses. Nous avons une très grande recherche en matière de santé au sens large du terme. Nous avons un modèle français de CHU qui est à réformer, à moderniser, mais qui est une force française en ce qu’il lie la clinique et la recherche. Nous avons un système de santé qui est juste, et qui a tenu, sur lequel nous avons décidé d'investir beaucoup à travers le Ségur. Mais nous avons perdu et reculé sur ce secteur de la santé ces dernières années. La France était au premier rang de la production européenne il y a 20 ans. Nous sommes aujourd'hui au quatrième rang. C'est une réalité. C'est le fruit de la désindustrialisation que j'évoquais tout à l'heure, de mauvais choix qui se sont opérés concernant des ruptures dans ce secteur, dans des segments où les anglo-saxons, en particulier, sont allés beaucoup plus vite que nous. À titre d’exemple, les biotechs. Alors, justement, on a raté pendant plusieurs années cette porte, mais, les résultats sont là et ils sont assez cruels pour nous. Les traitements les plus innovants ont eu tendance à s'inventer ailleurs avec un impact majeur et avec un impact qui peut ensuite, je dirais, croître à la fois sur l'accès aux traitements, mais aussi sur notre capacité même à financer notre modèle. Donc, nous n'avons pas d'autres choix que celui d'accélérer et là, pour le coup, de revenir vraiment dans les meilleurs, à la tête du secteur de la santé. Nous avons les capacités humaines, nous avons les infrastructures de recherche et de pratique. Maintenant, c'est une question de choix scientifiques et technologiques et d'investissement collectif. À travers le plan Santé Innovation 2030, qui est un plan, sur notre santé, pour lequel j'ai, à la fois sur ces nouveaux crédits et ceux du PIA déjà annoncés, décidé d'investir 7 milliards d'euros. Quel est notre objectif ? C'est de nous dire : nous avons la possibilité d’être à la tête sur une médecine plus prédictive, plus préventive, plus innovante et avec un tissu productif davantage fabriqué en France. La révolution médicale, elle, se fera sur ces critères, c'est-à-dire la convergence des innovations de rupture en santé, mais aussi de la convergence avec le quantique, l'intelligence artificielle et tout ce qui nous permet, là aussi avec l'Internet des objets, de faire converger des familles technologiques qui étaient jusqu'alors séparées. C’est ce qui permet à la fois d'avoir les meilleurs traitements, de répondre aux défis d'un pays vieillissant comme le nôtre qui est celui des maladies chroniques, et de ne pas avoir une explosion de nos dépenses de santé collective. Il s’agit d'avoir une médecine qui est de plus en plus personnalisée et prédictive. On le sait bien. C'est de l'investissement dans des techniques de rupture. Donc, je ne reviendrai pas sur le plan que j'avais présenté en détails. Mais, il vient en complément de la loi de programmation pluriannuelle pour la recherche, qui a déjà beaucoup investi sur la santé et qui permettait sur beaucoup de filières de commencer à raccrocher, voire de consolider nos points forts. L'objectif concret que nous devons nous donner d'ici à 2030, c'est d'avoir au moins 20 biomédicaments contre les cancers, les maladies émergentes et les maladies chroniques, dont celles liées à l'âge, et de créer les dispositifs médicaux de demain en France. C'est un objectif très concret, mais il est atteignable au-delà de l'écosystème de santé et d'innovation en santé que j'ai rappelé il y a quelques semaines. Avoir au moins ces 20 biomédicaments et ces dispositifs médicaux de demain, c'est un objectif sur lequel nous devons concentrer tous les efforts et l'Agence d'innovation en santé sera un point, à mes yeux, extrêmement important pour y arriver.

Huitième objectif, c'est placer la France en tête de la production des contenus culturels et créatifs. Pourquoi je le mets dans le mieux vivre ? Parce que nous en avons fait l'expérience pendant cette crise. Mieux vivre, c'est mieux nous nourrir, mieux nous soigner et pouvoir avoir l'imaginaire qui correspond à ce qu’est cet humanisme français. C'est ça la France. Et donc, mieux vivre en 2030 et autres, c'est aussi être dans un pays, dans un monde où l'imaginaire, les histoires dans lequel nous évoluons sont les nôtres, en tout cas, font partie de notre histoire, de notre vision du monde, de nos valeurs, de ce que notre civilisation porte. Et je pense que cette bataille à dessein, je la mets là, est une bataille aussi d'innovations et de ruptures. Les industries culturelles et créatives sont des industries ouvertes qui sont en compétition. Les séries, les films que nous regardons sur les plateformes comme Netflix, Amazon, Disney +, plus les jeux vidéo auxquels nos enfants sont confrontés forgent nos imaginaires, nos accès à l'information, mais aussi nos accès à des représentations, à des héros, une forme de nouvelle anthropologie collective. Et c'est une réalité. Et donc, la France d'abord a quelque chose à dire là-dessus parce que nous sommes un pays de littérature, de création, de philosophie. Et ensuite parce que je pense que les conséquences humaines, anthropologiques et politiques du rapport justement au contenu, à la création et à tout ce qui va se dire secrets, s'échanger dans le monde en 2030 est essentiel pour nous. Si notre jeunesse en 2030 ou nous tous, nous n'avons le choix qu'entre des contenus qui sont produits, pareil, par d'autres grandes puissances, que nos histoires sont perdues, que nos scénaristes ne sont plus ceux dont nous lisons les histoires, que les fictions que nous regardons ne sont plus celles qui sont produites en France, que notre patrimoine culturel comme notre création contemporaine ne sont plus celles auxquelles nous avons accès, nous changeons le monde drastiquement. Et ce que je suis en train de dire est possible. Alors, la France a toujours réussi à construire un modèle, qu’on a longtemps appelé d'exception culturelle française parce que nous étions aux avant-postes. Nous sommes le pays qui a inventé les droits d'auteur, qui a protégé les créateurs, qui a inventé l'exception culturelle, qui a inventé justement la capacité à préserver une littérature, un théâtre, un cinéma qui ne soit pas digéré par l'uniformité mondiale. C'est un combat du mieux vivre et c'est un combat pour la France de 2030. C'est un combat qui est à la fois civilisationnel et créateur de valeur. Ce n'est pas un combat nostalgique du tout, c'est un combat très conquérant. Mais je pense qu'il est beaucoup plus important que beaucoup de combats dont on nous rebat les oreilles aujourd'hui. Parce qu'on ne peut avoir tous les débats derrière aujourd'hui si ce qui est en train de se passer continue de se jouer, ce seront des débats pour les archives. La question, c'est qui aujourd'hui bâtit l'imaginaire français, européen et mondial de demain et c'est une compétition. Ni plus ni moins. C'est une vraie compétition, avec des vrais chiffres. Aujourd'hui, les industries culturelles et créatives, ce sont 640 000 emplois, 91 milliards de chiffre d'affaires et l'industrie qui exporte. Aujourd'hui, je regarde beaucoup de nos voisins, ils investissent des milliards d'euros dans ces industries pour créer des studios, développer des séries et autres. Sur ce sujet, il y a évidemment tout le secteur privé qui doit être largement contributeur. Je ne pense pas du tout que ce soit à la puissance publique de développer les industries culturelles et créatives de demain. Mais dans le pays de COLBERT, des manufactures, de MALRAUX, nous avons cette tradition et il faut d'ailleurs l'assumer en la modernisant. Le rôle de la puissance publique est de déclencher des pratiques d'investissement et la création de filières, en tout cas, sa consolidation. Et donc, l'objectif à travers justement ce huitième objectif, c'est véritablement, avec les acteurs, de déployer une stratégie d'investissement massive pour nos studios, la formation de nos professionnels et les investissements dans le développement, justement, de nos contenus. Il s'agit là d'inverser complètement la dynamique telle qu'elle est en train de se jouer aujourd'hui. Plusieurs territoires ont d'ores et déjà été sélectionnés, identifiés. Qu'est-ce que cela veut dire ? C'est-à-dire que nous avons des grandes écoles, dont celle d'ailleurs des Gobelins, pour former les jeunes. Nous sommes en train de manquer de techniciens, de scénaristes, de professionnels dans tous les secteurs de la création. Nous devons avoir une stratégie de formation, de déploiement de ces métiers qui vont du moins qualifiés aux plus qualifiés, aux plus créatifs, dont la diversité est extrême. La deuxième chose est de parler aussi d'investissements concrets. Tous les grands pays qui veulent être compétitifs dans les industries culturelles et créatives sont en train de construire des grands studios parce qu'ils vont révolutionner, ils sont en train de révolutionner justement le modèle industriel de production de ces contenus. Nous devons être dans la partie. 3 sites ont déjà été sélectionnés, mais c'est la France entière qui doit y contribuer. Et ensuite, on doit accélérer et stimuler en quelque sorte les investisseurs privés, ils sont en train de continuer à accélérer, pour créer des synergies, investir encore davantage sur les nouveaux canaux et les nouveaux vecteurs. Sur ce sujet, cet objectif, je considère que c'est un élément essentiel du mieux vivre en 2030.

Enfin, mieux comprendre. Il y a deux objectifs qui sont un peu plus en rupture. Mais quand on parle de la France de 2030 et de ce vers quoi nous devons nous projeter, je pense qu'on ne doit pas oublier de continuer à être des défricheurs. Et c'est à la fois notre histoire, ce sont des rêves fous, c'est ce qui a poussé beaucoup de jeunes et moins jeunes à aller vers les métiers, justement, de la science, de l'industrie, etc. Ce sont en quelque sorte les grandes odyssées d'exploration et d'aventures à la fois humaines, intellectuelles et de recherche. Et il y en a deux qui sont les deux derniers objectifs qui ressortent de vos travaux pour 2030, qui me paraissent extrêmement importants, c'est celui de l'espace et des grands fonds marins. Et je le dis à dessein parce que nous sommes une nation qui a un capital historique, industriel, géographique et imaginaire sur ces deux grands sujets. Ce sont deux sujets qui ont d'abord toujours attiré les grandes innovations. Par le spatial, nous avons toujours tiré les grandes innovations, dans l'aéronautique ou dans beaucoup d'autres secteurs. Et quand je parle du marin, nous sommes la deuxième puissance maritime au monde. Et donc on ne peut pas penser la France de 2030 sans penser ces deux espaces, si je puis dire, en tout cas, ces deux reconquêtes. Je vais essayer très rapidement de dire ce vers quoi nous voulons aller.

Notre neuvième objectif dans mieux comprendre, c'est de prendre toute notre part à la nouvelle aventure spatiale. Il y a ce qu'on appelle un New Space qui est en train de se construire. Il y a ici aussi beaucoup des acteurs de celui-ci et de bien plus experts que moi. Mais de quoi s'agit il ? Le monde qu'on pensait impossible est arrivé beaucoup plus vite qu'on ne le croyait. Et donc, le monde du spatial dans lequel nous vivions était un monde oligopolistique tenu par quelques Etats et dans ces États, quelques opérateurs qui ont eu un rôle et qui ont continué à avoir un rôle très important, qui ont permis d'ailleurs à des filières industrielles de se développer, de se consolider et d'avoir des résultats exceptionnels et qui sont très importantes pour la France. De nouveaux acteurs ont émergé beaucoup plus vite qu'on ne pensait ces dernières années. Vous les connaissez. Et ils ne sont pas arrivés par la grâce ou le hasard, investissements massifs de départements, d'agences d'Etat et d'argent fédéral et innovations de rupture portées par des acteurs innovants, c'est le modèle SpaceX. Beaucoup d'argent du département américain et un innovateur de rupture qui change des pratiques et des habitudes industrielles. Ça marche. On est en train, en tout cas sur ce sujet, d'avoir une accélération des pratiques industrielles de l'innovation, mais ce faisant aussi du comportement des puissances. Et donc, il y a une accélération technologique, industrielle, des usages et de la géopolitique dans le spatial. Je ne veux pas être ici trop long, mais c'est ce qui est en train de se passer. C'est ce qui d'ailleurs a présidé à nos décisions dans la loi de programmation militaire de créer un nouveau commandement de l'espace au sein justement de notre armée de l'air pour faire face à ces défis. Mais il y a des nouvelles conflictualités, il y a de nouveaux acteurs qui arrivent. Et donc, la question de la confiance, de la sûreté dans l'espace est en train de se poser dans des termes radicalement nouveaux. Je ne veux pas être ici trop long. Mais donc, tout ça suppose que la France, en assumant de travailler avec les acteurs établis, mais aussi avec des acteurs qui peuvent innover et changer la donne dans ce domaine, c'est le mariage que nous devons réussir culturellement ensemble à faire, que la France réussisse à innover dans les nouvelles explorations spatiales, les nouveaux usages et tout ce qui redéfinit les nouveaux termes de la souveraineté et de la confiance dans l'espace. Pour ça, à court terme, nous avons plusieurs objectifs : les mini-lanceurs réutilisables, qui est un objectif qu'on doit pouvoir atteindre d'ici 2026, mais aussi les micro minisatellites, les constellations de demain et l'ensemble des innovations technologiques et de services qui sont au cœur justement de ce nouvel espace.

Dixième objectif enfin dans ce mieux comprendre, c'est l'investissement dans le champ des grands fonds marins. La France, je le disais, est la deuxième puissance maritime du monde. Et il y en a aujourd'hui pour comprendre, connaître les grands fonds marins, des innovations de rupture à conduire pour mener ses explorations et pour permettre le travail scientifique. J’entends déjà le débat venir, je ne parle pas d'exploitation à ce moment-là, je parle d'exploration. Mais qui peut accepter que nous laissions en quelque sorte dans l'inconnu la plus complète une part si importante du globe ? Et nous avons dans nos zones économiques exclusives, la possibilité d'avoir accès à ces explorations, qui est un levier extraordinaire de compréhension du vivant, peut-être d'accès à certains métaux rares, de compréhension du fonctionnement de nouveaux écosystèmes, d'innovation en termes de santé, en termes de biomimétisme, etc. Il y a des familles d'innovations derrière, justement l'exploration des grands fonds marins qui est inouï. Et donc, notre volonté est aussi, pour cette France de 2030, d'assumer un investissement de la nation dans le champ des grands fonds marins qui soient la clé là aussi, pour ensuite évaluer les applications possibles et conduire ce cheminement.

Voilà les 10 grands objectifs pour à la fois mieux produire, mieux vivre et mieux connaître le monde de 2030. 10 grands objectifs dont vous voyez bien qu’à chaque fois, l'idée est de retrouver notre indépendance et en quelque sorte, de vivre mieux compte tenu des grands défis du monde que j'évoquais. Je crois qu'avec ces 10 objectifs, si nous arrivons ou à être leader ou à rattraper le retard ou à être dans le peloton de tête, nous pouvons nous dire : la France aura la possibilité de choisir son avenir, apportera une contribution au monde et permettra en quelque sorte de définir ce qu’est ce vivre mieux en choisissant notre destin. Pour ce faire, une fois que je dis tout ça, il y a des conditions de réussite. Et donc, il nous faut sécuriser les conditions de l'innovation. Les 10 objectifs que j'ai donnés, c'est une façon en quelque sorte menée par les finalités, plusieurs filières industrielles, d'innovation, de rupture ou de recherche. Et je l'assume. Mais on ne réussira pas tout cela au-delà des grandes réformes macroéconomiques que j'évoquais au début de mon propos si dans le même temps, nous n'arrivons pas à sécuriser 5 grandes conditions.

La première, ce sont les matières. Tout ce que je viens de dire, en tout cas la plupart de ce que je viens de dire, ne peut pas fonctionner si nous ne sécurisons pas autant que possible l'accès à nos matériaux. Nous avons vécu au début de la crise. On le vit en sortie de crise, aussi dès que l'économie mondiale qui accélère sur telle ou telle priorité est en concurrence, on a un problème d'accès aux matériaux. Là-dessus, nous devons être lucides, nous sommes en retard dans nos stratégies. Les Chinois ont intégré bien avant nous cette dynamique de rareté dans l'accès aux matériaux parce qu'elle s'est pensée bien avant nous comme une grande puissance qui pouvait être en surchauffe. Et donc, pour cela, on doit se mettre en situation, ce que nous avons commencé à faire, mais avec ce plan France 2030, on doit l'accélérer de garantir notre approvisionnement en plastiques et métaux et investir dans le recyclage, ce qu'on appelle l'économie circulaire. Et donc, dans le plan France 2030, il y a une série d'initiatives très concrètes sur l'approvisionnement en plastiques et métaux et l'économie circulaire pour sécuriser ces filières et permettre justement soit de moins dépendre, soit de réduire notre dépendance à l'importation sur ces métaux et matériaux. Autre élément clé pour la sécurisation de ces matériaux : la consolidation de la filière bois que nous avons commencé et qui est absolument clé, on le voit, et qui est un élément absolument structurant pour cette sécurisation. Pour pouvoir aussi produire demain nos batteries au lithium ou au nickel, nos moteurs électriques, qui sont faits de terres rares, nos solutions aéronautiques au titane, nous devons non seulement importer ces matériaux très concentrés géographiquement, mais les recycler massivement. Et donc sur tous ces métaux et terres rares, nous avons commencé le travail de cartographie de nos dépendances et donc l'idée de réduire au maximum celle-ci, sécuriser nos apports, mais là aussi, travailler sur nos chaînes de recyclage et de réutilisation de ces métaux et matériaux pour permettre, là aussi de réduire nos dépendances. Il s'agira à cet égard de faire émerger des acteurs français du recyclage chimique enzymatique, mais également de construire des usines qui permettront, par exemple, de recycler les terres rares. Et donc sur ses volets, et là vous le voyez bien, une stratégie de sécurisation de l'approvisionnement, il y a une stratégie de recyclage puisque nous en avons qui tourne dans notre industrie, qu'il faut pouvoir réutiliser. Mais il y a aussi une stratégie d'innovation, de rupture pour inventer soit des substituables, soit, véritablement avec les startups qui sont en train de le bâtir pour notre industrie, sécuriser beaucoup mieux notre approvisionnement en matériaux. C'est la première condition pour réussir tout ce que j'évoquais. Il faut le faire dès maintenant parce que si on part sur les 10 objectifs que j'évoquais en oubliant ça, nous ne réussirons pas la route.

Deuxième élément qui est à sécuriser, ce sont les composants. Là aussi, la crise nous a montré nos défaillances. Nous sommes en train de sortir de crise avec une crise, si je puis dire, une rareté extrême sur les semi-conducteurs, parce que tout le monde y va en même temps : l'automobile, les applications, la téléphonie, etc. Il y a un moment de surchauffe, il y a eu aussi des stratégies d'achats différentes, mais on voit bien qu'on a un problème. La crise nous a montré toutes ces défaillances. On l'a vécu aussi dans les composants, dans le domaine médical. On le voit donc dans les composants électroniques et robotiques, là aussi. De manière très claire, nous avons sur le sujet des composants, en particulier électroniques, un énorme défi. C'est la deuxième condition qu'on doit remplir si on veut réussir France 2030. L'Europe ne produit plus que 10 % des composants électroniques mondiaux. Elle a perdu une part importante de son autonomie sur plusieurs équipements de robotique et de numérique. Or, de plus en plus, tout est robotique, tout est électronique et donc on a besoin de sécuriser l'ensemble de ces composants sur la filière. Ce qui veut dire que nous devons avoir une stratégie européenne et française. Elle doit être européenne, compte tenu des masses et de l'enjeu. Mais il y a aussi de la concurrence intra-européenne, donc on doit assumer d'avoir une stratégie française. Nous voulons être en capacité de doubler notre production électronique d'ici 2030 et de construire une feuille de route vers des puces électroniques de plus petite taille pour rester un des leaders du domaine. Mais il faut les deux : produire davantage pour réduire notre dépendance et aller vers les plus petites tailles pour, là aussi, vers les applications les plus innovantes, réussir à moins dépendre. Cette stratégie, elle est absolument clé, elle doit aussi s'étendre à la robotique qui, on le sait, est désormais au cœur de la compétitivité industrielle comme je l'ai évoqué. Au total, sur nos composants physiques et électroniques, ce sont près de 6 milliards d'euros que nous investissons pour justement, là aussi, créer les conditions de possibilité d'atteindre nos objectifs.

La troisième condition, une fois qu'on a les matériaux, qu'on sécurise les composants, c'est évidemment de maîtriser les technologies numériques souveraines et sûres. Sur ce sujet, je serais très rapide parce que nous avons déjà posé les bases de cette stratégie à travers ce que nous avons mis en place : les plans pour l'intelligence artificielle, la cybersécurité, le cloud jusqu'aux ordinateurs quantiques. Mais il nous faut poursuivre et intensifier cette stratégie. Pourquoi ? Parce que nous sommes en train de créer des dépendances et des ouvertures partout. Est-ce que nous aurons un cloud totalement souverain à 5 ans ? Il y a plus d'experts que moi dans la salle, je crois que ce n'est pas vrai de se le dire, parce qu'on a pris beaucoup de retard et parce que la différence d'investissement entre la plaque européenne et américaine, c'est un facteur 10 aujourd'hui chez les acteurs privés. Par contre, on doit sécuriser les briques les plus sensibles et nous devons investir sur les éléments les plus souverains pour sécuriser nos écosystèmes. Et donc, là, c'est très complémentaire avec tout le travail que la French Tech fait admirablement, que font nos investisseurs qui sont là pour former, investir dans nos startups, les aider à se développer et continuer à monter en gamme, mais nous devons assumer d'avoir aussi des investissements publics au niveau national et européen pour consolider les stratégies que nous avons développée, en particulier dans le quantique, dans le cyber et dans le cloud, pour structurer véritablement les briques technologiques, les éléments les plus sensibles sur lesquels nous avons absolument besoin d'une solution européenne ou française lorsque la solution européenne n'existe pas. Cet élément est absolument clé.

Quatrième condition pour y arriver, ce sont les talents. Vous l'avez très bien dit, je serai très rapide, mais il y a dans France 2030 un investissement massif de 2 milliards et demi d'euros pour nos talents. Pourquoi ? Pour permettre d'accélérer la formation sur des nouvelles filières, d'accélérer la formation et peut-être de regarder l'accélération de certaines formations dans des segments de pointe et en lien avec justement, nos universités, nos écoles, nos organismes de recherche, de nous doter d'une stratégie à 10 ans, de prévision des besoins de concentration des moyens sur ces nouvelles filières et de définition de stratégies de nouvelles filières, au fond de démultiplier et passer à l'échelle, ce que nous avons fait depuis 4 ans à travers justement la réforme de l'enseignement supérieur et la loi de programmation, c'est un volet absolument clé. C'est pourquoi ces 2 milliards et demi sont évidemment une composante clé pour tenir les 10 objectifs que j'évoquais.

Puis le cinquième point, c'est le capital. Il n'y a pas de révolution industrielle et pas de France 2030 si on n'arrive pas à mener cette révolution du capital, alors elle a commencé. Je le disais, nous avons profondément changé la fiscalité sur le capital en rendant plus attractif l'investissement en France. Et on voit les résultats. Nous sommes redevenus les plus attractifs d'Europe. Nous avons réussi à structurer ensuite un capital qui accompagne les entreprises dans la croissance. C'est ce qu'on a fait avec les fameux fonds Tibi pour ramener une partie des investisseurs institutionnels vers ce qu'on appelle, pardon de cet anglicisme, le NextStage, donc aider à monter l'investissement et des tickets plus importants. Ce qui nous permet d'avoir de plus en plus de startups et de PME qui deviennent des ETI et qui deviennent des champions. Nous dépasserons largement l'objectif de 25 licornes pour 2025. J'ai compris que certains veulent aller au décacorne maintenant, et je suis totalement pour et le maximum. Mais continuer à développer en tout cas des très grands champions français. Donc pour y arriver, il faut continuer la stratégie macroéconomique qui est la nôtre, de continuer à investir beaucoup de capital et rendre attractif cet investissement en capital en France. Mais nous avons un point sur lequel nous sommes en difficulté et qui fait le lien avec tout ce que je vous ai dit depuis tout à l'heure, qui est l'investissement dans l'industrialisation de l'innovation de rupture et sur lequel, qu'il s'agisse d'ailleurs des secteurs très industriels ou de la bio, il y a une faille de marché parce qu'on n'a pas encore suffisamment d'investisseurs en France. Il faut beaucoup, beaucoup d'argent très vite au même endroit. Et si on perd la bataille avec l'industrialisation qui se fait ailleurs, souvent, on perd le marché avec. Or, un démonstrateur industriel, ce sont plusieurs dizaines de millions d'euros pour une start up et donc on change tout de suite d'échelle. Et donc c'est pourquoi, dans le cadre de ce plan France 2030, cinquième point sur lequel je voulais insister en préconditions dont nous voulons nous doter, c'est une stratégie en investissement, en capital qui est l'investissement dans la Deeptech et dans les start-ups industrielles. Et donc, Bpifrance, structurant là aussi un fonds de fonds et l'ensemble des acteurs du domaine, comme elle l'a très bien fait d'ailleurs pour les autres domaines que nous avons choisi depuis plusieurs années, sera en charge de ce programme.

L'objectif, c'est quoi ? C’est de permettre à des start-ups qui sont dans les premières phases, d'industrialiser très vite leur innovation et de monter en un temps le plus rapide possible leur prototype, leur démonstrateur industriel et donc de pouvoir avoir un investissement de 20, 30, 40, parfois 50 millions d'euros, vous le savez mieux que moi, pour pouvoir développer ce démonstrateur en France et commencer leur industrialisation en France. Si on arrive à faire ça, on arrive ensuite à développer l'industrie qui découle de ces innovations sur le sol français et à recréer encore plus d'emplois et a démontré ce que j'évoquais tout à l'heure, de la réconciliation entre les start up et l'industrie. C'est ce qui est en train de se passer, mais il faut pouvoir l'accélérer.

L'objectif que nous devons avoir en 2030 est d'avoir au moins 100 sites par an, 100 sites industriels, qui émergeront ainsi dans le cadre de cette Deeptech. Il nous faudra également accélérer dans ce cadre la croissance de ces entreprises à un niveau européen. Et l'idée, c'est de démultiplier ce qu'on a fait au niveau français, au niveau européen. Au total, ce sont près de 5 milliards d'euros, dont 3 milliards en fonds propres, que nous sommes prêts à injecter pour la croissance de nos écosystèmes de recherche et d'innovation en la matière.

Voilà les 5 conditions clés si on veut tenir nos 10 objectifs sur lesquels je voulais insister, sur lesquels on va investir en particulier.

Alors, pour conclure, un mot de méthode pour arriver à tout ça. Cette vision, c'est le fruit de ce constat établi, des crises que nous avons traversées tous ensemble ces 4 dernières années, et du travail collectif pour faire émerger une ambition, un rêve de la nation, mais aussi ce que j'appellerais une ambition raisonnable. Alors, pour y arriver, quelques éléments de méthode très simple. D'abord, l'ambition est là, 30 milliards d'euros pour 2030, auxquels s'ajoutent des fonds propres. C'est un investissement important, je l'assume et nous devons collectivement l'assumer compte tenu de ce que j'évoquais tout à l'heure, c'est le seul moyen de changer notre croissance potentielle, notre capacité à créer de la valeur dans la durée et donc notre capacité à continuer, voire à créer davantage d'innovation, d'emplois, de formation et donc prévenir les inégalités futures et choisir notre destin.

Il s'agit d'argent que nous lèverons sur les marchés et qui sera sanctuarisé. Et là, je pense qu'il faut être très modeste. Il faut s'inspirer de ce qui a été très bien fait avec les programmes d'investissements d'avenir et qui étaient une bonne méthode. C'est une bonne méthode parce qu'elle a permis de ne pas confondre l'investissement d'avenir avec les investissements courants, de le sanctuariser dans les règles budgétaires et de dire c'est un investissement qui a des retombées qui ne sont pas des services de court terme, mais qui sont justement de la création de richesse. Et donc ça, il faut absolument le garder. Et donc, dans la méthode, il faut garder, un, le fait que c'est un investissement nouveau - c'est du vrai argent, nouveau, en plus des PIA déjà décidé - deux, il sera sanctuarisé, et trois, on doit garder les éléments de méthode que les différents programmes d'investissement d'avenir ont appris à l'écosystème français. L'exigence, la transparence, les jurys indépendants sont des bonnes méthodes. Je le dis très sincèrement et je pense qu'il ne faut pas abandonner ces méthodes. Elles sont parfois critiquées. On n'est jamais content de ne pas gagner un concours, mais je pense que c'est malgré tout beaucoup mieux que l'arbitraire. Il y a des choix qui, à un moment, sont politiques. Il faut les assumer. C'est le choix d'une nation et ils sont démocratiques. Et à un moment donné, dans la technique des choix, il est important que ce soient les meilleurs jurés internationaux qui puissent décider de l'émergence de projets. Donc ça, nous devons le garder véritablement pour servir notre ambition et avoir une vraie innovation de rupture et garder la meilleure exigence en termes scientifiques et académiques. Ensuite, je souhaite que ce plan, c’est quelque chose qu'il nous faut essayer d'améliorer par rapport à notre expérience passée, soit encore davantage construit avec l'Europe.

Ces 18 derniers mois, c'est ce que nous avons essayé de mieux faire avec la chancelière Merkel sur la relance. Vous l'avez sans doute vu, on a lancé beaucoup de projets communs sur l'hydrogène, sur les batteries et beaucoup d'autres. Le plan France Relance va s'accompagner d'une stratégie allemande. Elle a commencé, le cycle démocratique allemand n'est pas le même, mais il est important qu'il y ait une synchronisation de nos approches et que ce plan soit au maximum européen. Je pense que c'est très important. Nous avons tous nos spécificités, nos différences. Elles doivent s'enrichir. Il y aura des éléments de compétition, c'est normal, de la même manière qu’il y a de la compétition en franco-français, mais nous devons au maximum créer des synergies entre Européens, car la vraie compétition est entre grandes puissances planétaires. Et donc, nous nous coordonnerons, nous nous associerons et je souhaite que la présidence française soit un élément de ces deux structurations.

Ensuite, ce plan doit commencer vite. C'est pourquoi, dès le 1er janvier 2022, les premiers crédits seront budgétés avec une cible de 3 à 4 milliards d'euros, mais ce qui permet assez vite de pouvoir enclencher une dynamique et de pouvoir ainsi ensuite, en fonction des choix que fera une fois le Gouvernement et le Parlement, pouvoir de manière transparente, avoir les crédits engagés, les crédits de paiement. Mais il faut de la sincérité budgétaire et que sur les premiers projets on puisse réussir à aller vite, car tout ce dont j'ai parlé a déjà commencé partout dans le monde.

La gouvernance de ce plan, elle sera finalisée d'ici la fin de l'année et donc c'est début 2022 que sera présenté en quelque sorte la manière de structurer le suivi de ce plan. Et je le fais à dessein et je vais vous le dire, instruit à la fois par l'expérience des dernières années et la conviction profonde qui est la mienne aujourd'hui. D'abord parce qu'on doit absolument garder ce que vous me permettrez d'appeler un « esprit commando ». Le grand risque que nous avons une fois qu'un tel plan est donné par le président de la République, je le dis pour l'avoir vécu, c'est que les acteurs en place disent : l'argent est là pour moi, je le reprends et au fond, vous ne financez pas vraiment la rupture. Ils financent les habitudes. Et donc, il nous faut créer les bonnes incitations et les bons anticorps et la bonne gouvernance pour être sûr que cet argent, il va être avec les acteurs existants, et qu’il puisse y avoir le bon niveau de concurrence, d'évaluation et de transparence. Donc, on va finaliser la gouvernance d'ici la fin d'année très tranquillement, mais je veux qu'on garde ce que j'appellerais donc un « esprit commando » et donc que l'équipe pilote fasse appel à tous les talents : universitaires, membres de la recherche, entrepreneurs, investisseurs, grands groupes privés. Et donc qu'on est une équipe assez unie qui permette avec nos administrations de pouvoir piloter cela avec quelques principes simples.

Le premier, la simplicité, vous l'avez évoqué. En même temps que nous bâtissons cette gouvernance, on doit simplifier les gouvernances établies. Je pense qu'avec le temps, on a sédimenté beaucoup de structures. Nous allons tous être lucides sur nous-mêmes. Il y a beaucoup de commissions, de secrétariats, d'organismes, etc. Nous avons un modèle français du pilotage, de la recherche, de l'innovation et du développement industriel qui n'est plus adapté. Il y a des choses qu'on pourra faire dans le temps utile des prochains mois. Il y a des choses qui mériteront sans doute des débats démocratiques plus profonds. Je suis aussi lucide sur ma propre condition, je vous rassure. Mais il faut au moins les travailler, les nourrir et ne pas faire commencer cet exercice de manière impropre. Et donc, premier principe, la simplification. Simplification de l'organisation du pilotage de France 2030, simplification des procédures.

 

Deuxième point qui va avec, c'est la rapidité. C'est pour ça que je veux des crédits vite. Je suis frappé de tous les retours durant les consultations à la fois de nos jeunes en école d'ingénieurs, en université, de nos entrepreneurs, tous nous disent : on a des systèmes qui sont très intelligents, mais on met 4 à 5 fois plus de temps à avoir les crédits qu'ailleurs. De nos organismes publics, de nos structures, 4 à 5 fois plus de temps. C'est simple, c'est mortel ou éliminatoire pour un innovateur. Et donc, il faut garder la beauté du modèle que nous avons, ce que j'évoquais tout à l'heure, des jury indépendants, de la bonne science, etc. Mais faire de la bonne science avec 6 mois de retard, ça ne sert à rien. Si ailleurs, à l'autre bout de l'océan, des gens ont investi beaucoup plus fort, beaucoup plus vite sur les concurrents. C'est ce qui se passe aujourd'hui. Et nous mettons trop de temps à essayer de mener des tickets qui sont parfois trop uniformes. Et donc dans les critères de la rapidité, il y a pour moi un élément de pragmatisme. Il faut accepter de parier très vite sur des premiers projets, de leur permettre très vite même de se tromper. Mais la rapidité du premier investissement est clé. Les investisseurs privés le font beaucoup mieux que les investisseurs publics, je dois le dire, mais on doit acquérir ça dans la la feuille de route, si je puis dire, que je donne à la petite équipe. Rapidité.

Troisième élément clé, faire confiance à l'émergence. Ce sera un des éléments pour réussir ce qu'on est en train de se dire. Je connais tous les débats qui animent toutes les filières. Tout le monde est en train de se dire “Est-ce que l'argent va bien aller pour moi ?” Et tous les débats, c’est “Est-ce qu'il y a bien x% qui va bien pour les grands groupes, y% pour les PME ou les ETI ?” Faites-moi plaisir, sortez de ces débats. Si on part comme ça, on a déjà perdu. On a déjà perdu, je vous l'écris. La vérité que je suis obligé de constater, c'est que l'on doit essayer de capitaliser sur nos points forts, mais d'apprendre de nos erreurs. Quels sont nos points forts ? On a le CAC40 - c'est un gros mot en France - on a un tissu de grands groupes industriels. C'est une chance exceptionnelle. On est le premier pays européen à cet égard. Donc jouons là-dessus. C'est des grands groupes qui ont des capacités à investir, à tirer des filières. Formidable. On a un problème, l'innovation de rupture ne se fait plus dans les grands groupes et la valeur ne se crée plus dans les grands groupes. Ce n'est pas une offense, c'est une réalité. Donc il y a des grands groupes qui sont en train de se transformer très vite, il faut les aider. Mais si la stratégie des grands groupes est de tuer l'innovation qui vient des acteurs qui sont les plus innovants, ils se tueront eux-mêmes à terme ou ils aideront leurs compétiteurs. Et donc nous avons besoin d'un premier élément de coopération, c'est de considérer qu’il faut accepter de financer vite et de manière simple l'innovation où elle est. Et donc je ne sais pas dire aujourd'hui quel pourcentage ira à des grands groupes ou à des plus petits. Je sais simplement dire qu'il faut qu'elle puisse aller à des startups, des PME, des ETI, et qu'il faut qu'on ait à peu près quand même au moins 50% qui aille à ces acteurs-là. Mais peut-être que ce sera beaucoup plus, peut être que ça doit être un peu moins, et que le plus innovant gagne et appelle au financement. Mais c'est un point essentiel pour réussir cette stratégie.

La capacité à faire confiance à l'émergence, elle passe aussi par les politiques d'achat. Et là je parle pour l'Etat comme pour les grands groupes. Si nous avons des politiques d'achat qui ne sont pas cohérentes avec ce que je viens de dire du côté des grandes administrations publiques, des collectivités locales et des grands groupes français, tout ce que je viens de dire n’adviendra pas. Et donc dans la feuille de route que je donne aussi à l'équipe commando, c'est d'intégrer nos politiques d'achat. Pourquoi nous n'avions plus de masques en France ? Parce qu'il n’y avait plus aucun acheteur public qui achetait des masques en France, c'est ça la réalité. Pourquoi on n'a plus de sous-traitants industriels, ou si peu, ou en si grandes difficultés, de rang 2 ou 3 dans l'industrie automobile ? C'est parce qu'il faut bien dire que le reste de la chaîne a été les massacrer pour baisser les coûts et acheter ailleurs. Donc réveillons-nous en tant que nation et considérons que dans ce moment où l'innovation de rupture est clé, la vitesse, l'accumulation du capital sont clés, mais la coopération entre les acteurs d'un même écosystème est clé.

La coopération entre les acteurs est clé. Ce n'est pas de la naïveté, c'est de l'intérêt bien compris. Et donc, pour moi, le troisième principe clé, c'est cette confiance dans l'émergence confiance dans les acheteurs, dans les choix qui sont faits d'allocation, dans les choix qui sont faits en termes d'investissements, dans les choix en termes d'achats et de commandes publiques. Et donc dans la feuille de route d'ici janvier prochain, il y aura aussi un changement profond des règles et de notre organisation en la matière.

Dernier élément, vous l'avez évoqué, c'est la prise de risque. Ce que nous devons accepter, c'est la prise de risque massive. Et donc je le dis tout de suite pour purger les débats et, si je puis m'exprimer ainsi, soulager les acteurs, il y aura beaucoup d'échecs derrière les dix objectifs que j'ai donnés. Il faut qu'il y ait beaucoup d'échecs. La seule chose qui est nécessaire, c'est qu'à chaque fois qu'il y a un échec, il puisse être le plus rapide et le moins coûteux possible. C'est ça ce que nous devons réussir. Sortons d'une habitude prise qui consiste à dire l'échec est un drame, s'il y a un échec, il faut tout faire pour l'empêcher ; et il faut le rendre le plus pénible pour tout le monde et donc à la fin le plus coûteux possible ; et y avoir mis toute l'énergie du monde. Non. On va faire plusieurs paris technologiques et d'acteurs. Ce n'est pas nous qui choisirons, c'est à la fois les logiques scientifiques, d'innovation, d'organisation du marché et autres. Mais il faut se mettre en situation de les avoir fait émerger vite, de leur avoir donné les moyens, d'avoir été coopératifs pour faire émerger les nouveaux acteurs, et d'avoir éliminé le plus vite possible nos échecs pour pouvoir rebondir.

Voilà les quelques points de méthode qui, comme vous le voyez, correspondent à une petite révolution culturelle pour nous tous. Mais c'est essentiel parce que nous ne ferons pas la France de 2030 avec les termes, aussi culturels, qui ont parfois conduit à des échecs relatifs ou des ratés par le passé. Voilà les quelques points de méthode qui doivent présider aux travaux dans les prochains mois pour que, début d'année prochaine, nous puissions finaliser tout cela. Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais partager avec vous. Tout ce travail va être dès à présent décliné, d'abord par cette équipe sous l'autorité du Premier ministre. Ensuite, c'est un travail qui va impliquer l'ensemble des partenaires sociaux, des organisations professionnelles, des collectivités territoriales et l'ensemble des acteurs dans leurs différentes catégories que j'évoquais. Mais ce qui m'importe, pour terminer mon propos, de vous dire, c'est que je ne suis pas en train de vous parler d'un rêve impossible. Je suis en train de vous parler d'un rêve faisable si on s'en donne les moyens. Mais c'est parce que je crois profondément dans le moment que vit notre pays en sortie de crise. D'abord parce qu'il y a une accélération du monde et des transformations qui l’exige, et ensuite parce que je pense que nous ne devons céder ni à un court-termisme qui fait perdre tout sens à l'action publique, ni à une vision de long terme qui, en quelque sorte, nourrirait une forme de défaitisme. Je crois dans un volontarisme lucide. Je pense que la France est une grande nation qui a toujours été au rendez-vous de son histoire, toujours. Même de manière extraordinairement inattendue. Parce que nous avons l'esprit de résistance et l'esprit de conquête. J'ai défini les termes de ce défi. Je pense que nous avons les moyens de le prendre. Mais tout le monde a une part à y jouer : les étudiants ici présents, les chercheurs, les enseignants, les entrepreneurs, les investisseurs, les fonctionnaires, les responsables politiques, tout le monde dans sa part. Si nous nous mettons en quelque sorte tous en ligne pour dire “La France doit redevenir une grande nation qui choisit son destin et qui apporte sa contribution au monde pour mieux vivre face à ces défis.” On commençait avec des défis qui pouvaient avoir quelque chose d’accablant, je crois que nous pouvons terminer avec quelque chose qui relève du rêve possible, de l'ambition faisable, en tout cas de celle que je veux que, collectivement, nous nous donnions à nous-mêmes pour notre nation.

Je vous remercie.

Vive la République et vive la France !



Emmanuel Macron, le 12 octobre 2021 au Palais de l'Élysée à Paris.




Source : www.elysee.fr/

https://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20211012-discours-macron-investissement.html


 

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20 juillet 2021 2 20 /07 /juillet /2021 16:36

« En moi circule le sang d’une meilleure époque, à travers le siècle présent j’erre comme un somnambule. » (Paul Klee).



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C’est sûr que lorsqu’on est multimillionnaire, on peut tout se permettre, on peut tout acheter. Ceux de l’ancienne génération, c’étaient villas, yachts, œuvres d’art (défiscalisées), jet set, vignobles… Les plus téméraires investissaient dans des entreprises en manque de fonds propres, voire aidaient des jeunes créateurs. Mais quand tu as des milliards ? Eh bien, la mode des GAFAM, c’est de créer ses propres industries : centre de recherche contre le cancer, studios de cinéma, etc. et maintenant, pourquoi pas ? une agence spatiale privée. Le "maintenant" est un peu trop rapidement écrit par moi, puisque Blue Origin, la société spatiale créée par Jeff Bezos, le fondateur du site Amazon, devenu milliardaire, elle a été créée en septembre 2000. Cela ne date pas d’aujourd’hui.

Il a donc fallu près de vingt et un ans de développement et la collaboration de 2 000 salariés directs, sans compter tous les prestataires externes, pour acquérir une compétence qui était jusque-là réservée aux États : être capable d’envoyer des humains dans l’Espace. Même l’Europe ne l’a jamais fait, malgré sa grande expérience de l’Agence spatiale européenne (ESA) et de l’aventure du lanceur Ariane.

Quand on a de l’argent, on peut tout se permettre, même les rêves les plus fous. Les multinationales tentaculaires et planétaires sont aussi puissantes que des États, et d’ailleurs, il serait intéressant à concevoir que n’importe quel milliardaire pourrait se payer une armée personnelle pour prendre politiquement le pouvoir à un endroit du monde peu défendu militairement. Leurs motivations restent cependant plus économiques que politiques : se faire de l’argent !

C’est vrai que Jeff Bezos s’est fait doubler par Virgin Galactic, la société spatiale d’un autre milliardaire, Richard Branson, fondateur de Virgin, qui a fait un vol suborbital le 12 juillet 2021. Mais je pense que les deux essais n’ont pas grand-chose à voir sinon un choc des titans milliardaires qui veulent voir la Terre de loin. Et dans ce domaine, c’est quand même Elon Musk et sa société SpaceX qui a un temps d’avance puisqu’elle a été choisie par la NASA pour la suppléer.

L’actualité est plutôt déprimante en ce moment, et en France, ce mardi 20 juillet 2021, elle l’est particulièrement avec la confirmation de la brutale reprise épidémique, plus de 18 000 nouveaux cas en une seule journée, un taux de reproduction de l’ordre de 2, énorme… Alors, suivons ces milliardaires et rêvons avec eux. Le temps d’un article. Avant de rouvrir les yeux sur une réalité que j’évoquerai plus tard.

Ce qui s’est passé à 15 heures 12 (heure de Paris), ce mardi 20 juillet 2021, jour anniversaire du premier pas humain sur la Lune, n’était pas vraiment un exploit : à peine onze minutes seulement, une simple parabole. Je t’envoie en l’air, sorte d’ascenseur stratosphérique, je plafonne à 351 210 pieds (les ingénieurs américains ne sont toujours pas capables d’utiliser des unités en système international), cela doit faire exactement 107,049 kilomètres d’altitude (on dit qu’on est dans l’Espace à partir de 100 kilomètres, mais en pieds, d’autres disent que la limite est à 85 kilomètres). Donc, en gros, on envoie une forte poussée sur une capsule, on la pousse très haut puis elle retombe.

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En lui-même, cet essai n’a pas été plus un exploit que celui de Youri Gagarine le 12 avril 1961. Du reste, le lanceur utilisé est appelé "New Shepard", du nom du célèbre astronaute Alan Shepard, le premier Américain à être allé dans un vol habité le 5 mai 1961, trois semaines après Gagarine. Il a aussi commandé la mission Apollo 14 et a marché sur la Lune. Un sacré héros. Jeff Bezos sait baptiser ses fusées. La prochaine s’appelle déjà "New Glenn", en référence au collègue d’Alan Shepard, John Glenn, véritable premier Américain a être allé dans l’Espace, qui sera un plus gros lanceur. La mission du 20 juillet 2021 était nommée Blue Origin NS-16 (16e vol de New Shepard). Le décollage a eu lieu depuis Van Horn, dans l’extrême partie occidentale du Texas.

Mais je n’arrive pas vraiment à être un provocateur en disant que ce n’est qu’un saut de pomme de Newton (à trajectoire parabolique). Parce que la technologie est finalement assez novatrice, suffisamment pour être saluée.

Le lanceur et la capsule où se trouvaient les passagers se sont désolidarisés presque au sommet de la trajectoire. Aucun n’a été détruit (heureusement pour la capsule). Le lanceur a pu revenir à son point de départ (à quelques dizaines de centimètres, peut-être mètres ?) grâce à des jets de rétropropulsion. Cette technologie a aussi été utilisée pour l’atterrissage de la capsule, qui a été d’abord freinée par trois parachutes, puis par des jets de rétropropulsion pendant 2 secondes juste avant le contact au sol. Tout s’est passé avec douceur, une maîtrise parfaite des accélérations et des énergies. Avant ce vol, il y a déjà eu quinze vols de New Shepard, sans aucun passager, qui ont été de grands succès techniques (du 29 avril 2015 au 14 avril 2021).

De plus, cette mission était écolo-compatible, ce qui peut étonner, au contraire de la mission de Richard Branson. En effet, le lanceur et la capsule ne sont pas détruits et sont réutilisables pour d’autres missions (comme les navettes spatiales), ce qui est nouveau pour le lanceur, et l’énergie est de l’hydrogène qui ne pollue pas et ne produit que de la vapeur d’eau. Bien sûr, la question de la production d’hydrogène reste toujours en suspens, mais globalement, tout était recyclable dans cette mission (sauf peut-être les parachutes, puisque Jeff Bezos en a offert un morceau à l’un de ses coéquipiers).





C’est donc bien un exploit technologique. C’est aussi un exploit humain. Pouvoir envoyer des humains dans l’Espace, c’est aussi une folle entreprise privée : il n’y a qu’aux États-Unis que c’est possible. Pourtant, il n’y a pas qu’aux États-Unis qu’il y a des milliardaires. Elon Musk, Richard Branson et Jeff Bezos montrent un nouveau profil du capitalisme mondial : des explorateurs en plus de redoutables managers.

Je l’ai écrit, l’une des motivations de Jeff Bezos est son rêve d’aller dans l’Espace. Une autre est de faire de l’argent : son objectif commercial est de proposer aux touristes d’aller dans l’Espace. Cela n’apporte rien à la science et sans doute beaucoup au prestige de Jeff Bezos (et peut-être moins de bénéfices qu’imaginés ? car est-ce que le modèle économique est rentable ?), un peu à l’instar d’un vol du Concorde qui ne faisait qu’une boucle sans intérêt de Roissy à Beauvais (alors que le Concorde avait son intérêt lorsqu’on voulait faire en urgence le trajet Paris-New York).

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Jeff Bezos a voulu embarquer avec son jeune frère Mark (qui a été le commandant de cette mission) et il restait deux places (en fait, la capsule de 15 mètres cubes pourrait contenir six passagers). La troisième place a été mise aux enchères et remportée pour 28 millions de dollars, mais l’heureux bénéficiaire (anonyme) avait piscine le jour du décollage et a laissé sa place au jeune Néerlandais Oliver Daemen qui est désormais le plus jeune astronaute à être allé dans l’Espace dans l’histoire de l’exploration spatiale. En effet, étudiant en physique de l’Université d’Utrecht, il n’avait pas encore 18 ans au moment du vol (il est né le 20 août 2003). C’est son père qui a payé le très coûteux ticket du voyage.

La quatrième place fut pour l’aviatrice Wally Funk, qui, à 82 ans (elle est née le 1er février 1939), a battu le record de John Glenn de la personne la plus âgée dans l’Espace. Elle avait été sélectionnée comme astronaute dans le groupe Mercury 13 en février 1961 (elle n’avait que 22 ans) mais n’avait jamais eu l’occasion de voler alors qu’elle était meilleure que les hommes aux tests. Son vol à 82 ans n’était donc qu’un juste retour des choses, certes tardif, la reconnaissance de cette grande dame qui n’a jamais manqué de courage ni de détermination, et qui avait déjà fait 19 000 heures de vol aérien à son actif (elle avait payé pour aller dans le vaisseau de Virgin Galactic).





Bien que "touristes", installés devant de gros hublots pour bien voir la Terre petite (que Jeff Bezos a trouvée très fragile) et voir une partie obscure de l’Espace au-delà du ciel, ces quatre voyageurs d’un nouveau genre de la compagnie Blue Origin ont reçu un entraînement intensif et n’ont pas manqué de courage, c’est-à-dire de confiance envers les équipes techniques. Les passagers ont subi une accélération de 3 G à la montée et de 5 G à la descente. Aucun n’a vomi !

Actuellement, la Chine s’est beaucoup développée en matière de politique spatiale. Non seulement le pays de Xi Jinping a assuré de nombreux vols habités, mais il a construit sa propre station spatiale permanente. La Russie de Vladimir Poutine a aussi choisi d’investir massivement dans la défense spatiale en mettant au point des missiles capables de détruire des satellites, au point d’inquiéter sérieusement l’OTAN lors du sommet de Bruxelles du 14 juin 2021. L’Inde, Israël, et l’Europe sont aussi dans la compétition. Entre autres.

Finalement, les États-Unis manquent de projet potentiellement fédérateur comme le furent le programme Apollo et le programme des navettes spatiales. Ils ne sont même plus capables d’assurer un vol régulier vers la station spatiale internationale (ISS) et ont dû faire appel à SpaceX pour cela. Nul doute que l’initiative privée prendra pleinement sa place dans les futures ambitions spatiales des Américains qui auront probablement ce titre à la Tintin : "On a marché sur Mars"…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (20 juillet 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
L’exploit de Blue Origin, la fabrique du tourisme spatial écolo-compatible.
John Glenn.
Michael Collins.
Atterrissage de la navette Atlantis le 21 juillet 2011.
SpaceX en 2020.
Thomas Pesquet.
60 ans après Vostok 1.
Youri Gagarine.
Spoutnik.
Rosetta, mission remplie !
Le dernier vol des navettes spatiales.
André Brahic.
Les petits humanoïdes de Roswell…
Evry Schatzman.
Le plan quantique en France.
Apocalypse à la Toussaint ?
Le syndrome de Hiroshima.
L’émotion primordiale du premier pas sur la Lune.
Stephen Hawking, Dieu et les quarks.
Les 60 ans de la NASA.
La relativité générale.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210720-blue-origin.html

https://www.agoravox.fr/actualites/technologies/article/l-exploit-de-blue-origin-la-234526

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/07/20/39065691.html












 

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17 juillet 2021 6 17 /07 /juillet /2021 03:26

« Je ne sais pas ce que vous pourriez dire d’une journée au cours de laquelle vous avez vu quatre magnifiques couchers de soleil. » (John Glenn).



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L’astronaute John Glenn est né il y a 100 ans, le 18 juillet 1921 dans l’Ohio. Il a fait partie de cette génération de héros américains qui ont redoré le blason spatial des États-Unis après la double victoire de l’URSS de Spoutnik (le 4 octobre 1957) et de Youri Gagarine (le 12 avril 1961).

John Glenn fut le premier Américain à avoir fait un vol orbital autour de la Terre, lors de la mission Mercury-Atlas 6. John Glenn a décollé le 20 février 1962 au bord de la capsule Friendship 7 lancée par une fusée Atlas LV-3B, il fut ainsi mis sous orbite et après cinq heures de vol et après avoir effectué trois tours de la Terre, John Glenn a atterri dans l’Océan atlantique. Il fut également le troisième homme au monde à avoir fait un vol orbital dans l’Espace. Il a ouvert la voie de la conquête de l’Espace par la face américaine qui a abouti au programme Apollo puis aux navettes spatiales.

À l’âge de 20 ans, après l’attaque de Pearl Harbor, John Glenn s’est engagé dans les Marines pour être pilote de chasse. Il a continué son engagement militaire dans la guerre de Corée puis il est resté pilote d’essai (il a accumulé 9 000 heures de vol dont 3 000 dans un avion à réaction). Il fut sélectionné par la NASA le 9 avril 1959 pour faire partie des sept pilotes d’essai de la première promotion d’astronautes, dans le cadre du programme Mercury. De justesse pour la limite d’âge.

Cette sélection fut très rigoureuse puisqu’ils étaient 550 candidats sur la ligne de départ. Parmi les critères de sélection, une grande forme physique, un excellent esprit intellectuel, des grandes capacités de  travail tant en équipe que seul, et puis, une force psychologique exceptionnelle. Au-delà de l’âge (37 ans), John Glenn avait un autre handicap, il n’avait pas de diplôme universitaire car il avait abandonné ses études pour s’engager dans la guerre. Les sept sélectionnés furent considérés comme des héros à l’instar de Christophe Colomb avant même que voler dans l’Espace. John Glenn fut à la fois le doyen d’âge de ces sept héros et en même temps le dernier survivant pendant trois ans jusqu’à sa mort le 8 décembre 2016 dans l’Ohio, à l’âge de 95 ans.

Le (futur) colonel John Glenn aurait pu être considéré comme un héros de la guerre avant d’avoir été sélectionné comme astronaute, et il était déjà connu comme un des meilleurs pilotes d’essai après un vol supersonique le 16 juillet 1957 en battant le record de vol transcontinental (il a parcouru 3 935 kilomètres en 3 heures 23 minutes et 8 secondes). Il a évidemment été encore plus un héros après avoir effectué le premier vol orbital américain.

Il ne faut pas sous-estimer le courage et surtout les risques encourus. Parmi les sept têtes brûlées sélectionnées, une, Virgil Grissom, qui a fait un vol suborbital le 21 juillet 1961 et un essai habité du vaisseau Gemini le 23 mars 1965, a péri le 27 janvier 1967 avec deux autres coéquipiers dans un incendie lors d’un essai au sol en conditions réelles dans le cadre de la mission Apollo 1 (les trois hommes devaient voler au bord du module Apollo du 21 février 1967 au 7 mars 1967).

Force de caractère : ces sept premiers astronautes ont assisté le 18 mai 1959 à Cap Canaveral, au premier lancement d’une fusée Atlas, la même que celle qui les lancerait plus tard, mais la fusée a explosé en plein vol devant leurs yeux stupéfaits. Aucun n’a démissionné et l’un d’eux, Alan Shepard (qui fut par la suite commandant de la mission Apollo 14, il fut, le 5 février 1971, l’un des rares hommes à avoir marché sur la Lune), a juste lâché à John Glenn : « Eh bien, je suis content qu’on l’ai éliminée ! ».

Alan Shepard (1923-1998) a été l’astronaute de la première mission, celle du premier vol suborbital américain, le 5 mai 1961, soit trois semaines après Youri Gagarine, alors que ce vol avait été prévu initialement pour le 26 avril 1960, puis le 5 décembre 1960, etc. John Glenn a regretté de n’avoir été que le pilote de remplacement pour les deux premières missions de leur petit groupe, des vols suborbitaux, car il se jugeait le plus apte, mais en fait, pour lui, c’était plus valorisant de faire le premier vol orbital. Il était devenu d’ailleurs si populaire que, comme Gagarine du côté soviétique, il était peu question de prendre le risque d’un second vol.

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La carrière d’astronaute de John Glenn s’est terminée le 16 janvier 1964 à sa demande. En effet, il se savait probablement trop âgé pour être recruté dans les futures missions Apollo et il a donc donné sa démission (il fut officiellement à la retraite le 1er janvier 1965).

La raison de son retrait avait une autre motivation : dès décembre 1962, il fut poussé par Bob Kennedy, à l’époque l’équivalent de Ministre de la Justice, à s’engager dans la vie politique au sein du parti démocrate et à prendre le siège d’un sénateur démocrate dans l’Ohio, son État natal. Il fut donc candidat dès le 17 janvier 1964 aux élections primaires pour désigner le candidat démocrate aux sénatoriales. Malheureusement, un accident domestique l’a empêché de faire campagne et il retira sa candidature le 30 mars 1964.

Après avoir été recruté par une entreprise privée, John Glenn n’a pas lâché la politique pour autant et a soutenu activement Bob Kennedy lors des primaires démocrates de 1968. John Glenn était très proche de Bob Kennedy au point de l’avoir accompagné à l’hôpital lorsqu’on a tiré sur lui. Le couple Glenn s’est alors occupé des enfants de Bob Kennedy et John Glenn fut parmi ceux qui ont porté le cercueil du candidat assassiné.

Malgré le soutien de la famille Kennedy à John Glenn dans l’Ohio, ce dernier n’a pas pu avoir le soutien du parti démocrate de l’Ohio en 1970 pour un siège sénatorial. Le vieux sénateur démocrate sortant Stephen M. Young ne s’est pas représenté et John Glenn fut battu de justesse aux primaires (49% contre 51%), mais le candidat démocrate Howard Metzenbaum a été battu par le candidat républicain Robert Taft Jr (Howard Metzenbaum a fini par gagner ce siège en 1976, faute d’avoir conservé son siège de 1974).

Autre sénateur de l’Ohio, le républicain Walter Bart Saxbe fut nommé procureur général des États-Unis (l’équivalent de Ministre de la Justice) par le Président Richard Nixon après un épisode de l’affaire Watergate (démission du procureur général précédent, etc.). Par conséquent, son siège de sénateur fut vacant et c’était au gouverneur de l’État de nommer un remplaçant jusqu’aux prochaines élections. Ce gouverneur, démocrate, John Gilligan, dont l’ambition était de se présenter à l’élection présidentielle, a proposé à John Glenn de le nommer lieutenant-gouverneur, ce qui l’amènerait à lui succéder lorsque le gouverneur aurait des responsabilités fédérales. Néanmoins, John Glenn refusa cette combine car il voulait être sénateur.

Pour autant, Howard Metzenbaum fut nommé sénateur en janvier 1974 par le gouverneur, mais lors du renouvellement en novembre 1974, John Glenn a fait une campagne très efficace, si bien il a arraché l’investiture démocrate à 54% contre le sortant Howard Metzenbaum qui avait été particulièrement méprisant pour les militaires ayant risqué leur vie, comme John Glenn, courageux militaire qui est parvenu à gagner le siège face au candidat républicain, Ralph Perk, le maire de Cleveland.

Ce fut ainsi que John Glenn, le héros de l’Espace, fut élu sénateur de l’Ohio, en novembre 1974, et il fut réélu sénateur en novembre 1980, en novembre 1986, et en novembre 1992, jusqu’en novembre 1998 où il ne s’est pas représenté (il a annoncé son futur retrait le 20 février 1997 et est resté en fonction jusqu’en janvier 1999). Sa parole était importante car il était ultraconnu.

En été 1976, John Glenn comptait tellement au sein du parti démocrate qu’il faisait partie de la "short list" des candidat possibles à la Vice-Présidence de Jimmy Carter qui venait de remporter les primaires démocrates. Jimmy Carter nomma en fin de compte un homme politique très expérimenté, Walter Mondale, protégé d’Hubert Humphrey, et le ticket gagna l’élection générale contre Gerald Ford (en équipe avec Bob Dole).

En 1984, John Glenn était donc un homme politique déjà expérimenté lorsqu’il a retenté l’investiture présidentielle, mais cette fois-ci comme candidat à la Présidence. Son concurrent était justement l’ancien Vice-Président Walter Mondale (Carter et Mondale avaient été battus en 1980 par Ronald Reagan). Au départ, John Glenn militait pour la candidature de Ted Kennedy, le jeune frère de JFK, mais Ted Kennedy refusa toute idée de candidature (après ses échecs en 1972 et 1980).

L’ancien astronaute pensait que seul un candidat de forte notoriété pouvait battre le charismatique Ronald Reagan. John Glenn a alors annoncé sa candidature le 21 avril 1983. Il était le favori des démocrates dans les sondages. Au cours de sa campagne, un fait nouveau aurait pu l’aider, la sortie le 21 octobre 1983 du film "L’Étoffe des héros" de Philip Kaufman. Loin de l’aider, ce film, qui pourtant l’encensait et le couronnant en héros, l’a placé dans un rôle qui n’avait rien à voir avec Président des États-Unis. Rapidement, il a perdu les primaires dans les premiers États, et abandonna la course présidentielle le 16 mars 1984. Walter Mondale fut choisi et échoua face à Ronald Reagan en novembre 1984.

Comme on le voit, John Glenn, bien que populaire, est toujours resté à la marge du parti démocrate, c’était un homme peut-être trop franc et sincère, probablement aussi parce qu’il avait une position centriste, or le climat très conservateur des années Reagan incitait les démocrates à vouloir un leader de l’aile progressiste.

Malgré cela, l’ancien astronaute était un sénateur on ne peut plus traditionnel, travaillant beaucoup, très actif sur de nombreux sujets pendant ses vingt-quatre ans de mandat. Il prônait l’arrêt de la prolifération de l’arme nucléaire, souhaitait plus d’attentions écologiques, etc. Il s’intéressa particulièrement aux problèmes de la vieillesse, non seulement trouver des moyens de financement pour se soigner (son père a failli vendre la maison familiale pour soigner son cancer), mais aussi sur le plan scientifique : il estimait qu’il fallait faire des recherches sur la vieillesse dans l’Espace et évidemment, il se proposa à partir de 1995 de retourner une seconde fois dans l’Espace. C’était à l’époque de la Présidence de Bill Clinton.

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On ne sait pas très bien s’il y a eu des pressions du gouvernement pour cela (probablement), mais toujours est-il que John Glenn fut sélectionné pour faire partie de l’équipage de la navette Discovery dans le cadre de la mission STS-95. Ce dernier avait réussi tous les tests nécessaires pour confirmer cette sélection. Il avait un double rôle dans cette mission : observer son corps pour avoir une connaissance scientifique approfondie du vieillissement dans l’Espace et réaliser les photographies de la mission. L’équipage de six personnes a décollé le 29 octobre 1998 et atterri le 7 novembre 1998, le temps de tourner 134 fois autour de la Terre (au lieu des trois ou quatre fois en 1962). À ce titre, John Glenn, qui fut le premier Américain à être allé dans l’Espace, fut aussi l’homme le plus vieux ayant été dans l’Espace, à l’âge de 77 ans. Il était encore sénateur et se retirait de la vie politique quelques semaines plus tard.

Une polémique a eu lieu pour savoir si cela avait été utile ou pas que John Glenn fît partie de la mission spatiale. Par la suite, pour justifier son vol, il a toujours prôné une utilité scientifique à faire des tours d’orbite, au point de fustiger le premier vol spatial "touristique". En effet, l’homme d’affaire californien Dennis Tito a payé 20 millions de dollars à l’Agence Roscosmos (l’équivalent de la NASA pour la Russie) pour faire un vol spatial et même un arrimage à la Station spatiale internationale dans le cadre de la mission Soyouz TM-32. Avec six coéquipiers, le millionnaire a décollé le 28 avril 2001 et est revenu sur Terre le 5 mai 2001. Il y a peu de doute que John Glenn aurait également critiqué avec la même fougue l’initiative du milliardaire britannique Richard Branson (71 ans, il est né le même jour de l’année que John Glenn) à faire un vol suborbital "pour le plaisir" le 11 juillet 2021 dans son avion spatial VSS Unity de Virgin Galactic.

Cependant, les études sur le vieillissement dans l’Espace n’ont pas été poursuivies après John Glenn et sont apparues comme un prétexte pour permettre à John Glenn de reprendre du service. Par la suite, n’ayant jamais eu sa langue dans sa poche, John Glenn a vivement critiqué, le 19 avril 2012 près de Washington, l’arrêt des missions des navettes spatiales.

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John Glenn fut l’un des quatre astronautes les plus honorés des États-Unis, avec le fameux équipage d’Apollo 11, Neil Armstrong (1930-2012), Buzz Aldrin (toujours vivant) et Michael Collins (1930-2021). À sa mort le 8 décembre 2016, il y a bientôt cinq ans, John Glenn fut honoré par toute la classe politique, tant le Président sortant Barack Obama que le Président élu Donald Trump, ainsi que l’adversaire de celui-ci, Hillary Clinton. Barack Obama : « Avec le décès de John, notre Nation a perdu une icône et Michelle et moi avons perdu un ami. John a passé sa vie à briser les barrières. ». John Glenn représentait bien le symbole de l’Amérique qui gagne, prête à prendre des risques, prête aussi à prendre ses responsabilités, voire à diriger politiquement. Néanmoins, il n’est pas sûr que la popularité de l’exploration spatiale soit compatible avec la dureté du combat politique.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (11 juillet 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
John Glenn.
John Glenn est mort.
Michael Collins.
Atterrissage de la navette Atlantis le 21 juillet 2011.
SpaceX en 2020.
Thomas Pesquet.
60 ans après Vostok 1.
Youri Gagarine.
Spoutnik.
Rosetta, mission remplie !
Le dernier vol des navettes spatiales.
André Brahic.
Les petits humanoïdes de Roswell…
Evry Schatzman.
Le plan quantique en France.
Apocalypse à la Toussaint ?
Le syndrome de Hiroshima.
L’émotion primordiale du premier pas sur la Lune.
Stephen Hawking, Dieu et les quarks.
Les 60 ans de la NASA.
La relativité générale.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210718-john-glenn.html

https://www.agoravox.fr/actualites/technologies/article/l-etoffe-des-heros-john-glenn-des-234404

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29 avril 2021 4 29 /04 /avril /2021 03:56

« Cette entreprise a été structurée pour trois hommes et je considère que mon tiers était aussi nécessaire que les deux autres. » (Michael Collins, 2001).



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L’astronaute américain Michael Collins est mort ce mercredi 28 avril 2021 en Floride à l’âge de 90 ans (il est né le 31 octobre 1930 à Rome). Michael Collins fut, avec Neil Armstrong et Buzz Aldrin, de l’équipe des trois astronautes qui est allée sur la Lune pour la première fois de l’humanité le 21 juillet 1969.

Ces trois noms sont entrés dans la légende de la grande aventure humaine de l’exploration spatiale au même titre que le nom du cosmonaute soviétique Youri Gagarine. Dès la fin de leur exploit, ils étaient inscrits dans les livres d’histoire et aussi dans les encyclopédies pour enfants. C’est donc avec beaucoup d’émotion que j’ai appris cette disparition, la même émotion que le jour de la disparition de Neil Armstrong, le 25 août 2012, que j’ai apprise grâce à une télévision d’Europe centrale, croate ou bosniaque, je ne me souviens plus, alors que j’étais en déplacement. De ce trio mythique, il reste donc Buzz Aldrin, pourtant le plus âgé (91 ans) qui a foulé le pied sur le sol lunaire, le deuxième homme, puisque le premier fut Neil Armstrong.

Michael Collins, lui, a été un équipier indispensable, mais il n’a pas eu la possibilité de fouler le pied sur la Lune. En ce sens, avoir fait tant de millions de kilomètres (à environ 350 000 kilomètres de la Terre) et laisser son voyage inachevé pouvait avoir un arrière-goût de frustration. Il fallait être très fort psychologiquement. Après la mission Apollo 11, Michael Collins a expliqué d’ailleurs qu’il s’était senti terriblement seul pendant que ses deux compagnons l’avaient quitté dans le petit vaisseau Eagle pour "atterrir" (alunir) sur la Lune.

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De toute façon, le pilote d’Apollo (le module principal s’appelait aussi Columbia) n’avait pas eu le même entraînement que les deux autres, car sa mission était très différente. La répartition des rôles avait été annoncée le 20 novembre 1967 : le commandement de la mission revenait à Neil Armstrong, le pilotage du module lunaire Eagle était attribué à Buzz Aldrin et le pilotage du module principal (module de commande et de service) Columbia était affecté à Jim Lovell. Buzz Aldrin était un remplaçant dans la mission Apollo 9. Finalement, le 9 janvier 1969, Michael Collins a remplacé Jim Lovell qui méritait de commander lui-même une mission (ce fut Apollo 13) et qui fut le remplaçant de Neil Armstrong pour Apollo 11. Des trois coéquipiers, chacun a déjà volé une fois dans l’Espace.

Pendant son entraînement, Michael Collins utilisait beaucoup le simulateur du module de commande principal pour se familiariser avec la technique mais aussi avec les réflexes. Car sa mission était encore plus grave que celle des deux autres : la vie de ses deux coéquipiers reposait sur sa propre action, avec le point le plus délicat : récupérer le module lunaire avec les deux passagers vivants. Pour cela, il a imaginé dix-sept scénarios pour ramener le module lunaire selon toutes les situations imaginables (dans un document de plus d’une centaine de pages).

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Les trois astronautes ont décollé le 16 juillet 1969 et se sont placés sur l’orbite lunaire le 19 juillet 1969. L’équipage a alors identifié exactement l’endroit où il atterrirait (alunirait) avec le module Eagle (près d’un cratère appelé par la suite Collins). Le module Eagle a quitté le module Columbia le 20 juillet 1969 pour descendre vers le sol lunaire. À ce moment, Michael Collins fut seul à bord du module principal, avec une très lourde responsabilité puisque toute la réussite de la mission reposait sur ses épaules. Il craignait de devoir laisser Armstrong et Aldrin sur la Lune et de revenir seul sur Terre. Un sentiment de solitude renforcé quand, dans sa course orbitale, il se retrouvait à survoler la face cachée de la Lune, il n’était plus en contact radio avec la Terre (pendant un peu plus de trois quarts d’heure à chaque tour de Lune).

Cinquante ans plus tard, le 10 avril 2019, Michael Collins admettait à la BBC : « J’aurais préféré marcher sur la Lune, mais cela me semblait une distinction triviale à l’époque. J’étais très heureux de mes responsabilités sur le vol. ». Le 21 juillet 1969, après deux heures trente de balade lunaire, Neil Armstrong et Buzz Aldrin ont décollé de la Lune et ont rejoint le module de Michael Collins.

Ensuite, tout l’équipage est reparti vers la Terre et leur module a plongé (amerri) dans l’océan Pacifique le 24 juillet 1969. Les trois astronautes ont été récupérés et placés en quarantaine pendant trois semaines pour éviter d’éventuelle contamination pathogène. Comme Gagarine une dizaine d’années avant eux, Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins ont été célébrés partout dans le monde, devenus des héros planétaires, reçus notamment par la reine du Royaume-Uni Élisabeth II et par le pape Paul VI.

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Comme je l’ai indiqué plus haut, tous les participants à Apollo 11 avaient déjà fait une expédition spatiale précédemment. Michael Collins a fait partie de l’équipage de la mission Gemini 10 avec John W. Young (1930-2018), qui était un vol habité dans l’Espace faisant partie des étapes de validation pour le programme Apollo. Ils ont décollé le 18 juillet 1966 et ont amerri le 21 juillet 1966 après avoir parcouru près de 2 millions de kilomètres.

Deux objectifs notamment avaient été fixés : d’une part, faire des sorties extravéhiculaires dans l’Espace et faire des manœuvres pour permettre de réaliser un "rendez-vous spatial", appelé ainsi pour désigner la rencontre entre deux vaisseaux (comme ce fut le cas pour ramener Eagle dans Columbia le 21 juillet 1969). Pour cela, les Américains avaient lancé également une Agena, étage d’un lanceur servant à envoyer des satellites, pour effectuer un exercice d’amarrage, puis un autre amarrage avec une Agena lancée pour une mission précédente qui n’avait pas réussi et qui n’avait plus d’énergie. À l’occasion de cette mission, Michael Collins est sorti deux fois dans l’Espace pour réaliser quelques opérations techniques.

Pour Michael Collins, Apollo 11 fut sa dernière mission dans l’Espace. Il avait de quoi être satisfait d’avoir réalisé un doux rêve de l’humanité. Pour comparaison, Gagarine n’avait participé qu’à une seule mission, il était prévu éventuellement une seconde mission mais un accident mortel est venu l’en empêcher prématurément.

Le Président Richard Nixon s’était beaucoup impliqué dans cette mission Apollo 11 qui était stratégique d’un point de vue géopolitique, les États-Unis reprenaient leur leadership technologique face à l’URSS. Il est venu saluer les trois astronautes à leur arrivée le 24 juillet 1969 alors placés en quarantaine dans un caisson de confinement mobile. Nixon insista pour nommer Michael Collins à un poste de sous-ministre, Secrétaire d’État adjoint aux affaires publiques (qui dépend du Ministère des Affaires étrangères), poste qu’il a occupé du 7 janvier 1970 au 11 avril 1971 dans une période très troublée aux États-Unis par la guerre du Vietnam (notamment). Il n’y resta pas longtemps, remplacé par une personnalité plus politique, un ambassadeur.

Michael Collins, Buzz Aldrin et Neil Armstrong ont été officiellement honorés par les États-Unis par la remise de la médaille d’or du Congrès le 7 août 2009, qui est l’une des récompenses les plus grandes du pays. Ils l’ont reçue en même temps qu’un quatrième astronaute célèbre, John Glenn (1921-2016).

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La mort de Michael Collins a eu lieu quelques jours après le décollage du spationaute français Thomas Pesquet et de trois autres astronautes, deux Américains Robert Kimbrough et Megan MacArthur et un Japonais Akihiko Hoshide. Ils ont décollé au bord du Crew Dragon de SpaceX le 23 avril 2021 à 11 heures 49 (heure de Paris) et ils se sont amarrés à la station spatiale internationale (ISS) le 24 avril 2021 à 11 heures 10 (heure de Paris). Pour Thomas Pesquet qui prendra le commandement de l’ISS dans quelques semaines et qui reviendra sur Terre en octobre 2021, c’est la seconde mission spatiale. Il serait partant également pour participer à la mission que la NASA souhaite préparer pour renvoyer des humains sur le sol lunaire en 2024 (c’est demain !), étape avant d’envoyer des humains sur Mars. Le rêve continue…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (28 avril 2021)
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Pour aller plus loin :
Michael Collins.
John Glenn.
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SpaceX en 2020.
Thomas Pesquet.
60 ans après Vostok 1.
Youri Gagarine.
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Rosetta, mission remplie !
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Les petits humanoïdes de Roswell…
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Apocalypse à la Toussaint ?
Le syndrome de Hiroshima.
L’émotion primordiale du premier pas sur la Lune.
Stephen Hawking, Dieu et les quarks.
Les 60 ans de la NASA.
La relativité générale.

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20 avril 2021 2 20 /04 /avril /2021 03:57

« Je conseille aux jeunes d’essayer beaucoup de choses différentes (…). Il faut tout tenter et, surtout, oser. Le plus grand mécanisme d’obstacle à la réussite est l’autocensure. » (Thomas Pesquet, "Le Monde" le 7 janvier 2019).




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S’il y a bien des héros des temps modernes à promouvoir dans notre société postmoderne, ce sont bien les astronautes, cosmonautes, spationautes. Ils ont pour cadre la planète et pas la nationa, au point même de rompre les manichéismes simplificateurs de la guerre froide (le premier de ces nouveaux héros fut le Soviétique Gagarine adulé en "Occident").

Pour le spationaute français Thomas Pesquet, cet héroïsme prend la marque d’une jeunesse qui semblerait figée dans une sorte d’intemporalité (alors qu’il a quand même maintenant 43 ans) et d’un talent médiatique incontestable. Un humble superhéros. Ce lundi 19 avril 2021, il a tenu une conférence de presse depuis Cap Canaveral, base de lancement aux États-Unis, pour dire au revoir aux Terriens. Il va en effet décoller le jeudi 22 avril 2021 à 12 heures 11 (heure de Paris) pour rejoindre la station spatiale internationale (l’ISS), où il va séjourner pendant six mois avant de revenir. Bien évidemment, comme ses trois compagnons d’équipage (deux Américains et un Japonais), il s’est fait vacciner contre le covid-19.

Les relations qu’il développe avec le grand public sont plus celles d’un champion sportif que d’un grand scientifique, les gens qui lui posaient des questions le tutoyaient naturellement, un tutoiement d’idole et de star.

Certes, il a de gros bras, il est un grand sportif (il le faut pour remplir ses missions), il a même rêvé, enfant, de devenir un nouveau Micheal Jordan, et quand il était jeune, il n’a cessé de faire du sport : judo (ceinture noire), basket, natation, plongée, rugby, parachutisme, alpinisme, voile, etc. : « Les sports collectifs, par exemple, apprennent à la fois la compétition et l’esprit d’équipe. Que fait-on si on est le plus nul de l’équipe ? Ou si, au contraire, on est le meilleur et on trouve que tous les autres ne sont pas assez bons ? Tous ces questionnements, un jeune va y être confronté dans sa vie active. Le sport individuel, lui, apprend le dépassement et la persévérance. ».

Mais Thomas Pesquet n’est pas qu’un grand sportif, il a développé de nombreuses autres qualités et compétences. Il aime aussi la musique (il joue du saxophone), il parle six langues (français, anglais, allemand, russe, mandarin et espagnol ; le russe et l’anglais sont les deux langues officielles de l’ISS), et il a suivi des études scientifiques longues. Il a été formé comme ingénieur en aéronautique à Toulouse (Sup’Aéro), puis a travaillé chez Thalès, puis au CNES (Centre national d’études spatiales), est devenu pilote de ligne, instructeur chez Air France, enfin, il a été sélectionné pour être un spationaute de l’Agence spatiale européenne (ESA) en mai 2009 : 6 candidats retenus pour 8 413 candidats ! Thomas Pesquet est le dixième spationaute français, après notamment Jean-Loup Chrétien, Patrick Baudry, Claudie Haigneré et Jean-François Clervoy.

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La sélection pour devenir spationaute, c’est plus strict que pour devenir énarque, polytechnicien ou normalien ! Thomas Pesquet est l’exemple typique de la réussite sociale par l’éducation, de la fameuse méritocratie républicaine. Petit-fils d’agriculteurs, fils d’enseignants, il n’a jamais eu aucun lien (ni sa famille) avec l’aéronautique et n’a pris la première fois l’avion qu’à l’âge de 20 ans : « Bien travailler à l’école, c’est une clef. Ce n’est pas la seule, bien sûr, mais c’est un vrai tremplin, un accélérateur social, j’en suis l’exemple premier. Je ne suis pas là pour faire la publicité de l’Éducation nationale, mais j’ai eu toutes ces ouvertures grâce au système éducatif. On ne travaille pas pour faire plaisir à ses professeurs ou à ses parents. On travaille pour se donner des chances. ».

Pour Thomas Pesquet, les qualités personnelles l’emportent sur le savoir académique pour être sélectionné par l’ESA : « On n’a pas besoin de cow-boy ou de héros pour la conquête spatiale, mais de gens qui savent travailler en équipe. Pour rester six mois dans la station spatiale internationale à gérer la promiscuité, les nombreuses tâches à réaliser et l’éloignement de chez soi, il faut être un joueur d’équipe. Il faut savoir s’entendre, communiquer, être aussi patient et calme. Ces qualités priment dans mon domaine, mais elles sont importantes dans tous les métiers. Ce n’est pas essentiel d’être le plus intelligent tout le temps. (…) L’équilibre mental est (…) clef, tout comme la capacité à s’adapter. Il s’agit de pouvoir rester soi-même en toutes circonstances. ».

Thomas Pesquet a suivi six années de formation, notamment à la Cité des étoiles, à Moscou, en Russie, où il a appris à piloter le vaisseau Soyouz, au centre spatial de la NASA à Houston, au Texas, ainsi qu’au centre spatial de Cologne, en Allemagne, où il a appris les instrumentations scientifiques et les bases de la médecine théorique et pratique. Sa première mission spatiale fut au bord du Soyouz MS-03 lancé au centre de Baïkonour, au Kazakhstan, le 17 novembre 2016. Il a rejoint la station spatiale internationale (l’ISS) le 19 novembre 2016 et y a séjourné pendant 196 jours. Sa première sortie hors de la station a eu lieu le 13 janvier 2017, une seconde le 24 mars 2017, avant de quitter l’ISS pour atterrir au Kazakhstan le 2 juin 2017.

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À son retour sur Terre, Thomas Pesquet, colonel de l’armée de l’air et de l’espace, a piloté l’Airbus A310 à Toulouse pour faire des vols paraboliques en 2018. Depuis son retour, il jouit d’une très grande popularité, considéré comme l’un des Français préférés par ses compatriotes (classé en quatrième place). Il a participé à beaucoup de projets culturels, des participations à des films, émissions de télévision, livres, bandes dessinées, musique, projets gastronomiques avec des grands chefs, événements sportifs. La raison ? Pendant son premier séjour à l’ISS, il a su garder contact avec la Terre sur des médias grand public (chroniques régulières à la télévision et à la radio), et, surtout, a partagé sa vie sur Internet, ainsi que ses dizaines de milliers de photographies personnelles qu’il a prises depuis l’ISS, en voulant montrer simplement la beauté de notre planète. C’est rare, un humain qui s’émerveille.

Un véritable phénomène de société ! Guillaumette Faure, dans "Le Monde" du 1er décembre 2017, pourrait même décrire une Pesquet-mania : « Sachez qu’il y a en France des gens qui se retrouvent par petits groupes pour dire du bien de Thomas Pesquet. Ils se donnent rendez-vous à Paris pour se redire à quel point il est modeste, gentil. "Et beau aussi", ce qui ne gâte rien. ».

Son vol du 22 avril 2021 est donc sa deuxième mission spatiale, annoncée le 22 janvier 2019 par la Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation Frédérique Vidal. La première était lancée grâce à la Russie, la deuxième grâce aux États-Unis, depuis Cap Canaveral, en Floride, dans un vaisseau privé Crew Dragon de SpaceX. Le spationaute a affirmé le 19 avril 2021 que piloter ce vaisseau, c’est comme conduire une voiture très moderne, guidée par GPS. En outre, au cours de la seconde moitié de son nouveau séjour à l’ISS, il sera le commandant de la station, à ce titre, le premier Français et le quatrième Européen à l’être.

Bonne chance à Thomas Pesquet pour son prochain voyage, et bravo à la France et l’Europe pour avoir su former un tel champion de l’Espace !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (19 avril 2021)
http://www.rakotoarison.eu


(La plupart des citations proviennent de l’entretien accordé à Laure Belot et publié dans "Le Monde" le 7 janvier 2019).


Pour aller plus loin :
SpaceX en 2020.
Thomas Pesquet.
60 ans après Vostok 1.
Youri Gagarine.
Spoutnik.
Rosetta, mission remplie !
Le dernier vol des navettes spatiales.
André Brahic.
Les petits humanoïdes de Roswell…
Evry Schatzman.
Le plan quantique en France.
Apocalypse à la Toussaint ?
Le syndrome de Hiroshima.
L’émotion primordiale du premier pas sur la Lune.
Stephen Hawking, Dieu et les quarks.
Les 60 ans de la NASA.
La relativité générale.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210419-thomas-pesquet.html

https://www.agoravox.fr/actualites/technologies/article/thomas-pesquet-bon-courage-au-232457

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/04/19/38930024.html




 

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22 janvier 2021 5 22 /01 /janvier /2021 03:19

« Il s’agit d’un effort absolument majeur, qui témoigne avant tout de la volonté du gouvernement et du Président de la République, de faire de la France un des acteurs majeurs de ces technologies au niveau européen et international. » (Communiqué de l’Élysée, le 21 janvier 2021).


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Le Président Emmanuel Macron a visité l’Université Paris-Saclay ce jeudi 21 janvier 2021. Ce n’était pas son premier déplacement dans l’une des universités phares de la France, qui a compté déjà de nombreux Nobel de sciences dures et où sont regroupés de nombreux laboratoires de recherche contribuant à l’excellence scientifique française, pôle exceptionnel du Grand Paris en pleine ébullition avec la perspective de la ligne de métro 18 prévue pour 2026 (dans cinq ans seulement).

Emmanuel Macron a notamment rencontré des étudiants pour leur annoncer quelques mesures importantes visant à rendre aux étudiantes la crise sanitaire plus facile à vivre, tant socialement que psychologiquement (le repas au restaurant universitaire à 1 euro pour tous les étudiants, 20% de présentiel dans les établissements universitaires, création de chèque-psy pour ne pas avancer les frais de consultation d’un psychologue).

Dans sa volonté de ne pas faire seulement de la "gestion de crise covid-19" mais aussi des impulsions pour préparer l’avenir national, Emmanuel Macron a fait le déplacement également pour lancer ce qu’il a appelé la stratégie quantique de la France.

De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’investir massivement dans l’un des domaines scientifiques majeurs du XXIe siècle, à savoir l’informatique quantique. Je vais tenter en quelques trop courts mots d’expliquer très grossièrement l’enjeu.

Depuis l’apparition des ordinateurs (depuis la fin de la guerre et plus particulièrement à partir du début des années 1980 avec le développement des ordinateurs individuels, l’informatique se faisait avec le basique "bit" qui est un composant binaire : soit en position 0, soit en position 1. Toute la programmation et les calculs ne sont qu’une suite logique de bits.

En cinquante ans, les ordinateurs ont bénéficié d’énormes progrès, notamment de la science des matériaux, dans l’électronique, dans l’énergétique, etc. Toute personne âgée de plus 50 ans qui a pu toucher des ordinateurs dans les années 1980 ont pu voir le chemin parcouru : la taille des composants et des ordinateurs, leur rapidité, la capacité des mémoires (vive ou de stockage), tout s’est miniaturisé et s’est "purifié". Plus le matériau du composant est "pur", plus il augmente ses performances physico-chimiques. Plus les circuits imprimés sont fins, plus les équipements associés sont petits, ou à taille constante, plus ils sont puissants.

Beaucoup de technologies ont été développées notamment pour graver plus finement (laser, etc.). Mais on peut comprendre aisément qu’il va y avoir une limite matérielle irréductible : la taille des atomes  (on prévoyait qu’on atteindrait cette dimension en 2020, ce qui est un peu en avance sur la réalité). Actuellement, on en est à des couches d’une dizaine d’atomes. Il va donc être compliqué de renforcer la puissance des ordinateurs sans technologie disruptive, en restant dans l’informatique qu’on pourrait qualifier de classique.

Deux voies sont possibles pour lever ce verrou matériel, il y en a peut-être d’autres d’ailleurs. Le premier que je n’indique que par simple intérêt, c’est l’ordinateur biologique : l’utilisation de synapses ou même d’ADN pourrait contourner les limites de la matière en permettant de faire des opérations logiques complexes sur un "matériel biologique" plus compact que les simples matériaux utilisés jusqu’alors.

L’autre voie, très importante depuis une quarantaine d’années (proposée notamment par le célèbre Prix Nobel Richard Feynmann  en 1982), et renforcée depuis une vingtaine d’années, c’est l’ordinateur quantique.

Qu’est-ce que l’informatique quantique ? Eh bien, au lieu d’être constitué de "bits" qui ne peuvent dire que 0 ou 1, l’ordinateur quantique est constitué de "qubits", autrement dit, de "bits quantiques" qui auraient bien plus de possibilités qu’être 0 ou 1, il y aurait en fait une grande possibilité d’états probabilistes. En théorie, le qubit pourrait même transporter une infinité d’informations (une infinité de combinaisons), ce qui pourrait rendre un ordinateur doté de qubits des centaines de milliards de fois plus puissant que les ordinateurs actuels.

Un ordinateur quantique calcule de manière parallèle et pas séquentielle. Sur l’article sur le sujet, Wikipédia cite Thierry Breton. À l’époque, il était le patron d’Atos (une entreprise qui a beaucoup investi avec Bull et le CEA dans l’informatique quantique) et aussi le président de l’ANRT (Association nationale de la recherche et de la technologie). Il évoquait ce sujet passionnant sur France Culture le 27 juin 2017 en prenant un exemple pour servir son analogie. On cherche dans une salle de mille personnes celles qui mesurent plus de 1,80 mètre et qui savent parler anglais. L’ordinateur classique va interroger chaque personne succeessivement et leur poser les deux questions, mettre un oui ou un non aux deux colonnes (taille, anglais) et ensuite, il va sélectionner ceux qui ont deux oui. L’ordinateur quantique, lui, va juste interroger la salle en demandant que ceux qui mesurent plus de 1,80 mètre et qui parlent anglais lèvent la main. On a immédiatement l’information souhaitée. C’est un peu cela, l’informatique quantique, un traitement généralisé en parallèle, d’autres algorithmes plus futés pour réduire leur durée, mais aussi une base matérielle à effet quantique.

Bien entendu, c’est l’idée théorique, il y a énormément de technologies déployées pour réaliser un ordinateur quantique. On peut utiliser de nombreux effets, dont l’intrication quantique. Pour être en zone d’effet quantique, il faut se débarrasser la plupart du temps des agitations atomiques dues à la température et donc être proche du zéro absolu (0 Kelvin, soit –273,15°C). Cela nécessite donc un environnement industriel lourd (un liquéfacteur pour fournir en hélium liquide).

Gagner en puissance de calculs, c’est-à-dire en gros, faire en quelques secondes ce que nos ordinateurs actuels ne pourraient faire qu’en plusieurs milliards d’années, c’est nous ouvrir de très nombreuses portes sur le progrès : meilleure modélisation de la météo, reconnaissance vocale, fonctionnement de l’univers, modélisation moléculaire plus complexe que la simple molécule de dihydrogène, et même, puisqu’on est en pleine pandémie, découverte de nouveaux médicaments.

Mais il y a aussi des inconvénients, car cette puissance de calculs peut aussi servir le "mal" et pas seulement le "bien" : les protections sur les transactions bancaires, sur les processus nucléaires, etc. pourraient être facilement détruites avec ces ordinateurs quantiques. Parallèlement au développement de cette nouvelle génération d’ordinateurs, il faut donc développer ce qu’on appelle la cryptographie quantique.

La France compte des laboratoires d’excellence dans ce domaine, en particulier à Paris-Saclay et à Grenoble. Le physicien français Serge Haroche a même reçu le Prix Nobel de Physique en 2012 sur ce sujet (avec son collègue américain David Wineland).

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Emmanuel Macron, peut-être par sa génération, mais pas par sa formation, est sans doute le Président de la République qui a le mieux compris les enjeux des hautes technologies. On l’a vu pour le développement des vaccins : ce n’est plus des grands groupes, comme dans les années 1960 et 1970, qui arrivent le mieux et le plus rapidement à sortir une technologie nouvelle, ce sont d’abord des petites structures, des start-up, qui ensuite s’associent à des groupes industriels pour leur phase de production.

À Paris-Saclay, le Président de la République a d’abord rappelé les mesures pour doper la recherche scientifique depuis 2017 : la loi de programmation pour la recherche (c’est sans précédent, et j’espère que cette loi sera renouvelée par les majorités suivantes), le programme d’investissements d’avenir, le plan France Relance, et enfin, le plan sur l’intelligence artificielle lancé à la suite du rapport remis le 29 mars 2018 par le député et mathématicien Cédric Villani.

Le plan quantique a pour objectif de mettre à la disposition des chercheurs, des start-up et des industriels, de nouveaux moyens dont la formation, de développer l’informatique quantique et d’investir massivement dans les technologies associées : communications, capteurs et cryptographie.

D’un point de vue financier, Emmanuel Macron a posé 1,8 milliard d’euros sur cinq ans, dont 1,050 milliard d’euros provenant pour moitié de l’État (programme d’investissements d’avenir) et pour moitié d’établissements affiliés (CEA, CNRS, INRIA), 200 millions d’euros de crédits européens et 550 millions d’euros du secteur privé (c’est un classique du genre qu’un représentant de l’État annonce un financement avec une partie qui ne vient pas du secteur public, donc, qu’il n’a pas).

Si on reste en dépenses publiques, cela signifie que la France va passer en rythme annuel de 60 millions d’euros à 200 millions d’euros, soit plus du triple, ce qui n’est pas négligeable, même si cela ne correspond qu’à une grosse moitié des dépenses publiques américaines (400 millions de dollars). Ces dotations placeront la France en troisième position d’investisseur public sur le quantique derrière les États-Unis et la Chine. Pour avoir une petite idée de l’évolution dans le temps, en 2005, seulement 75 millions d’euros avaient été consacrés en dépenses publiques aux États-Unis pour le quantique, 25 millions d’euros au Japon, 12 millions d’euros au Canada, 8 millions d’euros en Europe et 6 millions d’euros en Australie.

Cette enveloppe budgétaire permettra de financer notamment une centaine de bourses de thèse, une cinquantaine de bourses post-doctorales, et le recrutement d’une dizaine d’excellents chercheurs étrangers en séjour pendant une année dans un laboratoire français.





La répartition du 1,8 milliard d’euros selon les secteurs est le suivant : 350 millions d’euros pour les simulateurs quantiques, 430 millions d’euros pour les prototypes d’ordinateur quantique, 150 millions d’euros pour la cryptographie post-quantique, 250 millions d’euros pour les capteurs quantiques, 320 millions d’euros pour les communications quantiques. Le reste est consacré aux technologies à développer pour construire des machines quantiques comme 300 millions d’euros pour la cryogénie. Le quantique, c’est en effet, avant tout, l’étude de l’ultra-froid et de l’infiniment petit. Hypermétropes frileux s’abstenir !

Ce qui a été bien compris par le gouvernement, au-delà du besoin en investissements sonnants et trébuchants, c’est l’important d’une synergie complète entre les grands laboratoires universitaires ou issus de grands organismes publics, des industries, les start-up et les grandes entreprises, sans oublier, essentielles, les relations internationales qui oscillent toujours entre coopération et concurrence.

C’est donc très heureux qu’avec ce plan quantique, la France, fort de son potentiel très fort de recherche, se donne les moyens de se placer parmi les grands leaders mondiaux d’un des domaines essentiels à horizon 2030 voire 2050. On aura peut-être oublié qui a pris cette décision, mais on n’oubliera pas qu’elle a été prise…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 janvier 2021)
http://www.rakotoarison.eu



Pour aller plus loin :
1,8 milliard d’euros pour le plan quantique en France.
Apocalypse à la Toussaint ?
Bill Gates.
Benoît Mandelbrot.
Le syndrome de Hiroshima.
Au cœur de la tragédie einsteinienne.
Pierre Teilhard de Chardin.
Jacques Testart.
L’émotion primordiale du premier pas sur la Lune.
Peter Higgs.
Léonard de Vinci.
Stephen Hawking, Dieu et les quarks.
Les 60 ans de la NASA.
Max Planck.
Georg Cantor.
Jean d’Alembert.
David Bohm.
Marie Curie.
Jacques Friedel.
Albert Einstein.
La relativité générale.
Bernard d’Espagnat.
Niels Bohr.
Paul Dirac.
Olivier Costa de Beauregard.
Alain Aspect.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210121-strategie-quantique.html

https://www.agoravox.fr/actualites/technologies/article/paris-saclay-la-strategie-230377

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/01/21/38772765.html







 

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1 novembre 2020 7 01 /11 /novembre /2020 03:36

« La peur est notre émotion la plus profonde et la plus forte, et celle qui se prête d’elle-même à la création d’illusions défiant la nature. » (Howard Lovecraft, 1937).


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Nous avons eu la catastrophe nucléaire de Tchernobyl le 26 avril 1986. Nous avons eu les deux Tours infernales avec les attentats du World Trade Center le 11 septembre 2001. Nous avons eu le tsunami géant dans l’Océan Indien le 26 décembre 2004. Nous avons eu la catastrophe nucléaire de Fukushima le 11 mars 2011. Nous avons la pandémie de covid-19 qui mobilise l’attention de l’ensemble des pays et des peuples du monde depuis janvier 2020. Aurons-nous ce lundi 2 novembre 2020 une nouvelle catastrophe planétaire, le choc d’un astéroïde contre notre bonne vieille Terre ?

Le 31 octobre 2020, pleine lune pour Halloween dont les enfants sont privés de défilé pour cause de reconfinement. Le 1er novembre 2020, c’est la Toussaint. Pour les chrétiens, ce n’est pas la fête des morts mais la fête des vivants, la fête de tous les saints. Le gouvernement a exceptionnellement accepté qu’il y ait des messes à cette occasion. Le 2 novembre 2020, c’est la journée des défunts. Enfin, le lendemain, c’est l’élection présidentielle aux États-Unis.

Cette journée des défunts est particulière cette année. D’abord, à cause de la forte mortalité du covid-19. Le monde est éprouvé, avec près de 1,2 million de décès depuis le début de la pandémie, et hélas, tout laisse entendre que ce qu’on appelle la "seconde vague" sera bien plus meurtrière que la première vague du printemps dernier parce que les mois qui viennent vont être froid dans l’hémisphère nord. La France hélas, a été particulièrement touchée par le coronavirus SARS-Cov-2 (plus de 36 000 décès) au point de devoir subir un deuxième confinement après l’explosion vertigineuse du nombre de malades nécessitant une assistance respiratoire depuis quelques semaines.

Depuis le début de l’été 2020, la pandémie ne suffit plus à cauchemarder : le Web bruisse en inquiétudes diverses et variées sur ce lundi 2 novembre 2020. Non, pas à cause de la rentrée scolaire (une vraie rentrée scolaire malgré le confinement) mais à cause d’un astéroïde détecté il y a deux ans et qui s’approche vertigineusement de notre planète Terre.

Effectivement, et c’est très "fréquent", des astéroïdes peuvent s’approcher de la Terre dans leur trajectoire spatiale, dans leur "petit" tour galactique. L’hypothèse bien documentée d’une chute d’un astre extraterrestre sur la Terre pour expliquer la disparition des dinosaures il y a 65 millions d’années peut expliquer cette nouvelle peur du XXIsiècle.

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A contrario, c’est normal aussi d’avoir quelques réticences à croire aux premières rumeurs venues de l’Internet quand on évoque la fin du monde. Les Philippulus (du nom du prédicateur de malheur de "L’Étoile mystérieuse", dans les Aventures de Tintin de Hergé) sont nombreux et je me souviens de la crainte stupide du 21 décembre 2012 sous prétexte que les Mayas n’auraient pas continué leur calendrier. Comme si, ici et maintenant, nous allions subir le même sort de fin du monde le 31 décembre de chaque année sous prétexte que nos calendriers s’arrêtent le 31 décembre, raisonnement identique en poussant jusqu’au 30 juin suivant pour les calendriers scolaires (je n’ai pas dit solaires).

D’ailleurs, pour les amateurs de coïncidences, parmi les connaissances de la civilisation maya, il y a un site archéologique au Guatemala qui a été découvert en 1996 et qui a été appelé, cela ne peut pas s’inventer, "Corona" (à ceux, crédules, qui pensent que le covid-19 était connu dès 2004 simplement parce qu’il y a des publications scientifiques et des brevets qui parlent de coronavirus, mais ce n’était pas le même, on pourrait affirmer que c’était même connu bien avant !).

Revenons plus sérieusement à notre astéroïde du 2 novembre 2020. Découvert le 3 novembre 2018 lors de son dernier passage (premier passage observé), il s’appelle 2018 VP1 et son diamètre ne mesure qu’environ 2 mètres. Cela a suffi à de nombreuses personnes pour exprimer leur peur, jusqu’à construire des bunkers (on imagine que si cela avait fait disparaître une espèce aussi costaude que les dinosaures, le moindre bunker aurait été détruit dès le début de l’impact), ou à s’inscrire à des stages de survivalisme (mais là, on serait plutôt dans le recrutement pour sectes).

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Selon Jonti Horner, professeur d’astrophysique à l’Université du Queensland du Sud en Australie, l’astéroïde a été observé vingt et une fois en treize jours, ce qui a permis de placer treize points sur une trajectoire que les chercheurs ont donc pu modéliser avec une certaine précision.

Pour rassurer tous les Terriens, la NASA a publié un tweet le 23 août 2020 qui n’a fait que confirmer, pour certains internautes, le risque d’une collision : « Asteroid 2018 VP1 is very small, approx. 6.5 feet, and poses no threat to Earth! It currently has a 0.41% chance of entering our planet’s atmosphere, but if it did, it would disintegrate due to its extremely small size. ». Selon ces explications de NASA Asteroid Watch (le service de surveillance des géocroiseurs de la NASA), il n’y a donc (je traduis) que 0,41% chance que l’astéroïde atteigne l’atmosphère terrestre, et quand bien même l’atteindrait-elle que ce ne serait pas très grave puisque l’astre serait désintégré avant même d’atterrir au sol terrestre.

On se souvient d’ailleurs de la chute d’une météorite le 15 février 2013 dans le ciel de la ville russe de Tcheliabinsk, dans l’Oural ; l’astre avait un diamètre d’environ 19 mètres (beaucoup plus gros que 2018 VP1) et n’avait été détecté par aucun radar, ce qui a produit une énorme explosion à quelques dizaines de kilomètres au-dessus du sol et provoqué de gros dégâts et surtout, a blessé plus de 1 000 personnes. L’explosion a libéré une énergie équivalente à trente fois celle de la bombe nucléaire qui a détruit à Hiroshima.

Pour ce lundi 2 novembre 2020, il sera impossible de prédire à quel endroit exact du Globe le 2018 VP1 va "frôler" la Terre, ni à quelle heure, mais les calculs (qui peuvent se tromper) ont montré que l’astéroïde passerait a priori à 3,7 millions de kilomètres de la Terre, soit (très grossièrement) environ 10 fois la distance entre la Terre et la Lune. Dans les calculs, la distance minimale potentielle du passage de 2018 VP1 serait de 1 300 kilomètres de la surface terrestre, et dans ce pire scénario, l’astre resterait trop petit pour provoquer des dégâts.

Trois raisons donc de ne pas s’inquiéter : 1° l’astéroïde va passer trop loin de la Terre pour avoir un effet ; 2° dans le cas où il s’écraserait quand même contre la Terre, il serait détruit avant même d’arriver au sol ; 3° et même dans le cas où il ne serait pas détruit, il y aurait encore peu de chance qu’il tombe sur une zone habitée, puisque au moins 71% de la surface de la Terre est recouverte d’océans (sans compter les montagnes, les forêts et les déserts).

Du reste, des passages d’astéroïde à proximité de la Terre ne sont pas nouveaux dans l’histoire spatiale et en raison de la finesse des instruments d’observation et également des programmes d’observation et de surveillance, on les repère désormais plus nombreux ces dernières années, même si on ne les repère pas tous. Ainsi, selon le programme de surveillance des géocroiseurs de la NASA, on peut détecter plus de 90% des astres de diamètre supérieur à 1 kilomètre, mais seulement 25% lorsque le diamètre est compris entre 140 mètres et 1 kilomètre.

Ainsi, le 13 novembre 2019, l’astéroïde 2002 NT7 d’un diamètre de près de 2 kilomètres est passé à 61 millions de kilomètres de la Terre, soit quasiment la distance entre la Terre et Mars en été 2018 (distance certes exceptionnelle). Notons cependant que la collision d’un astéroïde d’une telle taille avec la Terre serait une véritable catastrophe, capable de détruire un continent et de provoquer un changement climatique global. (Qu’avez-vous fait le 13 novembre 2019 ?).

Le passage d’un astre le plus proche de la Terre a eu lieu le 16 août 2020 à 6 heures 08 (heure de Paris) avec l’astéroïde 2020 QG qui est passé à moins de 3 000 kilomètres de la Terre (2 950 exactement) au-dessus de l’Océan Indien et pas très loin de l’Antarctique. Tony Dunn a tweeté le lendemain, 17 août 2020 : « Newly-discovered asteroid ZTF0DxQ passed less than 1/4 Earth diameter yesterday, making it the closest-known flyby that didn’t hit our planet. ». (Qu’avez-vous fait le 16 août 2020 ?). D’un diamètre compris entre 2 et 6 mètres et d’une vitesse de 12,3 kilomètres par seconde (soit plus de 44 000 kilomètres par heure), cet astéroïde ne présentait pourtant aucun danger pour la vie humaine car en cas de collision, il se serait désintégré en pénétrant dans l’atmosphère terrestre.

Donc, don’t worry !!
(et bonne Toussaint).


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (31 octobre 2020)
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Pour aller plus loin :
Apocalypse à la Toussaint ?
Bill Gates.
Benoît Mandelbrot.
Le syndrome de Hiroshima.
Au cœur de la tragédie einsteinienne.
Pierre Teilhard de Chardin.
Jacques Testart.
L’émotion primordiale du premier pas sur la Lune.
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Léonard de Vinci.
Stephen Hawking, Dieu et les quarks.
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Max Planck.
Georg Cantor.
Jean d’Alembert.
David Bohm.
Marie Curie.
Jacques Friedel.
Albert Einstein.
La relativité générale.
Bernard d’Espagnat.
Niels Bohr.
Paul Dirac.
Olivier Costa de Beauregard.
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