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13 septembre 2015 7 13 /09 /septembre /2015 00:04

Voici quelques éléments à télécharger pour mieux connaître la pensée du physicien et philosophe Bernard d'Espagnat. Il faut cliquer sur le lien pour télécharger soit un fichier .pdf, soit une vidéo, soit encore une page web.

Sur Bernard d'Espagnat, lire ceci :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20150801-bernard-d-espagnat.html

Conférence à l'Université Paris-Diderot le 22 Mai 2012 sur "Physique quantique et réalité, la réalité c'est quoi ?" :
http://www.asmp.fr/fiches_academiciens/textacad/espagnat/12-05-22_PhysiqueQuantique&Realite.pdf
http://www.univ-paris-diderot.fr/Mediatheque/spip.php?article348

Entretien avec Thierry Magnin au Collège des Bernardins à Paris le 30 septembre 2009 sur "Physique et Réalité" :
http://www.asmp.fr/fiches_academiciens/textacad/espagnat/09-30-30_InterviewBernardin.pdf
http://www.ekouter.net/qu-est-ce-que-la-matiere-conversation-avec-bernard-d-espagnat-au-college-des-bernardins-432

"Valeur et objectivité de la science chez Simone Weil", contribution au colloque "Simone Weil et la Science" les 1er et 2 novembre 2008 au FIAP Jean Monnet (Paris) :
http://www.asmp.fr/fiches_academiciens/textacad/espagnat/0812_simone_weil.pdf

"Corrélations, causalité, réalité", contribution à un colloque organisé en Sorbonne par l'UIP le 2 juin 2007 :
http://www.asmp.fr/fiches_academiciens/textacad/espagnat/sorbonne_iup_2007.pdf

"Science, progrès et vérité" dans "Conflits actuels", 17, 2006-1, pp. 41-50 :
http://www.asmp.fr/fiches_academiciens/textacad/espagnat/sc_progres_verite.pdf

"Le matérialisme en question" dans "Le Monde" du 17 avril 2006 :
http://www.asmp.fr/fiches_academiciens/textacad/espagnat/materialisme_lemonde.pdf

"Physique contemporaine et intelligibilité du monde", exposé prononcé lors de la 2e journée scientifique organisée par la Fondation Robert Laurent-Vibert le 24 avril 2004 à Lourmarin :
http://www.asmp.fr/fiches_academiciens/textacad/espagnat/lourmarin_science.pdf

"Physicien du réel voilé", dans "La Recherche" du 1er mai 1997 :
http://www.larecherche.fr/actualite/aussi/bernard-espagnat-physicien-du-reel-voile-01-05-1997-85841

"Le scientifique qui quitte son labo pour la spiritualité", Reuters le 17 mars 2009 :
http://blogs.reuters.com/faithworld/2009/03/17/the-scientist-who-leaves-room-for-spirituality/

Vidéo, entretien avec Étienne Klein pour la réédition de "À la recherche du réel "  :
https://www.youtube.com/watch?v=ypBDwXD6hqw

SR








 

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11 septembre 2015 5 11 /09 /septembre /2015 06:59

La découverte d’un nouveau virus géant très différent des autres pourrait révolutionner la définition du vivant et mettre en évidence l’un des nouveaux fléaux qui guettent l’humanité en cas de réchauffement climatique.


_yartiMollivirusSibericum01

Après l’explosion thermonucléaire globale, les catastrophes climatiques majeures, la météorite qui fonce contre la Terre, la conquête des Martiens (ou de tout autre être différent et inconcevable physiologiquement, araignées géantes, etc.), voici une nouvelle version de l’Apocalypse terrestre : l’invasion du monde d’aujourd’hui par des virus géants d’hier.

Cela pourrait faire penser à la bande-annonce d’un film catastrophe mais l’hypothèse est pourtant plausible maintenant. Des chercheurs ont réussi à mettre en "réveil" un virus géant vieux de… 30 000 ans. C’est la découverte annoncée le 8 septembre 2015 par la publication d’un article sur le Mollivirus sibericum (accessible ici) à la suite des travaux réalisés par un laboratoire du campus de Luminy, à Marseille.

Depuis qu’il y a un réchauffement climatique, le permafrost de Sibérie est en train de fondre. Cela permet quelques découvertes, comme des bébés mammouths congelés depuis 50 000 ans. Cela permettrait aussi de faire ressortir dans la nature des microorganismes congelés depuis des dizaines de milliers d’années, voire des centaines de milliers et même des millions d’années.


4 nouvelles espèces de virus géants

Ce n’est pas le premier virus géant découvert. C’est le quatrième. Le premier, appelé Mimivirus (famille des Megavirus), fut annoncé le 28 mars 2003 [B. La Scola et al., "A giant virus in amoebae", "Science", vol.299, n°5615, p.2033] par la même équipe sous la direction de Didier Raoult et Jean-Michel Claverie. Le caractère viral avait été détecté à partir d’un organisme récupéré en 1992 dans une tour de climatisation industrielle à Bradford, en Angleterre, et pris à l’origine pour une bactérie. Mimivirus pour "Mimicking microbe virus" mais aussi pour rappeler "Mimi l’amibe" dont le père, médecin militaire, de Didier Raoult avait imaginé les aventures lorsque ce dernier était enfant pour lui expliquer la théorie de l’Évolution.

_yartiMollivirusSibericum02

La même équipe dirigée par Jean-Michel Claverie et Chantal Abergel, du Laboratoire Information génomique et structurale de Marseille associé au Laboratoire Biologie à Grande Échelle de Grenoble, au Génopole d’Évry, aux hôpitaux de Marseille, au CEA et à l’INSERM, avait découvert le 29 juillet 2013 une des deux espèces de Pandoravirus (l’une dans le sédiment d’un lac à Melbourne en Australie et l’autre dans les sédiments côtiers du Chili) qui totalisent environ un million de paires de bases et entre 1 500 et 2 500 gènes [N. Philippe et al., "Pandoraviruses : amoeba viruses with genomes up to 2.5 Mb reaching that of parasitic eukaryotes", "Science", vol. 341, n°6143, p.281].

Cette équipe avait aussi réussi à isoler le Pithovirus sibericum, à partir d’une carotte de glace vieille de 30 000 ans issue du permafrost sibérien. Le virus géant présentait alors des propriétés inédites [M. Legendre et al., "Thirty-thousand-year-old distant relative of giant icosahedral DNA viruses with a pandoravirus morphology", PNAS, vol. 111, n°11, p.4274 publié le 4 mars 2014].


Le Mollivirus sibericum

C’est aussi dans la glace à plusieurs centaines de mètres de profondeur du permafrost que les chercheurs ont dénicher le Mollivirus sibericum, privé d’oxygène, ce qui lui a procuré un "instinct" de conservation très élevé.

Le Mollivirus sibericum est donc le quatrième type de virus géant trouvé au monde. Les chercheurs ont pu le repliquer en infectant des amibes du genre Acanthamoeba. Heureusement, celui-ci n’est pas dangereux pour l’homme mais ce qui est particulièrement surprenant, c’est qu’il est de nouveau actif après 30 000 ans d’inactivité.

Avant la publication de l’article scientifique, les chercheurs l’ont passé à la moulinette très fine de la caractérisation, en particulier pour analyser son génome, ses ARN messagers (qui transforment les gènes en protéines), etc.

Sa taille est de six dixièmes de micromètre, ce n’est pas un record (détenu par le Pandoravirus ; le virus Ebola peut atteindre, lui aussi, un micromètre) mais c’est malgré très grand, plus grand que certaines bactéries. Son génome est lui aussi très complexe avec 651 523 paires de bases dans son ADN (DNA en anglais). Il faut rappeler que le virus de la grippe ou celui du sida ne comportent qu’une dizaine de paires de bases, et le virus Ebola n’a que 19 000 paires de bases malgré sa taille.

_yartiMollivirusSibericum03

Au contraire des précédents virus géants, le Mollivirus sibericum est très original. Après la multiplication, il récupère près d’une centaine de protéines (là, c’est un record) dont onze font partie des composants des ribosomes, ces usines à protéines situées dans le cytoplasme des cellules hôtes. Au contraire des ribosomes, les virus ne savent pas produire des protéines avec les informations de l’ADN. Cette originalité est encore très mystérieuse car on ne sait pas encore à quoi peuvent servir ces protéines.


Une collaboration réussie avec la Russie

Jean-Michel Claverie a expliqué pourquoi son équipe avait poursuivi ses recherches dans le permafrost sibérien : « C’était un pari. Après la découverte des premiers virus géants, nous voulions savoir s’ils étaient des exceptions, comme cette limace de mer capable de photosynthèse, ou bien s’ils représentaient de nouvelles familles d’organismes. Alors, nous cherchons partout où il y a des amibes puisqu’ils en sont des parasites. Et c’est le cas du pergélisol. ». La diversité des virus géants déjà mis en lumière montre que ceux-ci ne sont pas rares dans la nature. Et pas uniformes non plus.

C’est un laboratoire de l’Académie des sciences de Russie à Pouchtchino, près de Moscou, qui avait contacté Jean-Michel Claverie en 2012 après avoir découvert qu’une plante congelée depuis 32 000 ans avait pu "renaître". Ils avaient aussi réussi à faire "renaître" des bactéries figées dans des sols datant de plus d’un million d’années. Spécialistes de l’étude des microorganismes dans le permafrost, ces chercheurs russes avaient proposé une collaboration avec les chercheurs marseillais pour rechercher des virus.


Vieux de 30 000 ans

C’est donc le second virus géant de plus de 30 000 ans (d’espèce et de genre différents) que cette équipe de biologistes marseillais a découvert dans le permafrost qui a su résister à une si longue période sans perdre son pouvoir infectieux et sa capacité de réplication.

Les deux virus de Sibérie sont très différents l’un de l’autre. Ainsi, le Pithovirus est très autonome car il se réplique dans le cytoplasme comme le virus responsable de la variole, alors que le Mollivirus a besoin du noyau de la cellule parasitée pour se répliquer, comme des virus courants (Papillomavirus, Herpesvirus, etc.). Par ailleurs, les deux virus géants ont des protéines inconnues mais très différentes l’un de l’autre. Plus qu’une découverte, c’est un champ d’horizon très étendu d’inconnus qui s’ouvre aux chercheurs.


Risques sanitaires ?

Pour l’instant, ces seuls virus géants ne sont capables d’infecter que des amibes dont ils sont les parasites, et l’homme ne risque rien. Mais rien n’interdit d’imaginer qu’il existe de nombreuses autres espèces de virus géant encore paralysées dans le permafrost qui ne demandent qu’à resurgir du passé, et qui pourraient infecter l’homme.

C’est cette inquiétude qu’il ne faut pas prendre à la légère, notamment en cas d’activités industrielles et de forage dans le permafrost, favorisées par une durée plus longue de dégel dans l’année, car cela pourrait faire apparaître de nouvelles maladies virales. Certes, 30 000 ans, à l’échelle de l’Évolution, c’est très faible et les virus géants de cette époque devraient être proches de ceux de maintenant ; de plus, l’homme devrait avoir développé des défenses immunitaires contre les "vieux" virus. Mais il pourrait y en avoir des nettement plus anciens, d'une époque antérieure à l'apparition de l'Homo sapiens.

En effet, les chercheurs russes ont maintenant la capacité de prélever sans contamination dans le permafrost des carottes de tourbe gelée remontant jusqu’à 3 millions d’années. L’équipe marseillaise poursuit donc ses investigations en remontant le temps.


Revoir la définition d’un être vivant

Au-delà de cette crainte d’une contamination nouvelle, c’est aussi une piste très intéressante pour conforter la thèse encore très discutable qui voudrait que les virus soient des êtres vivants. Or, ces virus géants, plus élaborés que certaines bactéries, seraient peut-être les restes d’organismes très anciens qui seraient très différents des trois branches connues du monde vivant, à savoir les archées, les bactéries et les eucaryotes (dont nous, homo sapiens, faisons partie aux côtés des autres animaux, végétaux, champignons, amibes, etc.). Ces trois branches ont pour ancêtre commun LUCA (last universal commun ancestor). Le Big Bang des paléontologues.

Cela signifierait qu’il aurait existé une quatrième branche dont les virus seraient les vestiges et qui n’aurait pas réussi à se développer comme les trois autres, les virus seraient alors réduits à se retrouver seulement des parasites des eucaryotes.

Une recherche donc passionnante qui vaudra peut-être les supputations nouvelles sur les origines de l’être humain, avec la découverte dans une grotte à Maropeng, près de Johannesburg, en Afrique du Sud, de nombreux ossements d’une nouvelle espèce d’hominidé, l’Homo naledi [Lee R. Berger et al., "Homo naledi, a new species of the genus Homo from the Dinaledi Chamber, South Africa", publié le 10 septembre 2015], annonce qui va encore un peu plus désarçonner la réflexion sur le chaînon manquant. Mais c’est une autre histoire…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (11 septembre 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Publication d’origine sur le Mollivirus sivericum du 08 septembre 2015 (à télécharger).
L’arbre de la vie.
Découverte du virus du sida.
Vaccin pour le sida ?
La grippe A.
Un nouveau pape de la médecine.

_yartiMollivirusSibericum04


http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20150908-mollivirus-sibericum.html

http://www.agoravox.fr/actualites/environnement/article/l-apocalypse-par-l-invasion-de-171677

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/09/11/32608564.html

 

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10 septembre 2015 4 10 /09 /septembre /2015 00:58

La découverte passionnante d'ossements dans une grotte près de Johannesburg sur une nouvelle espèce du genre humain rebat les cartes sur la compréhension des origines de l'homme.

Lee R. Berger et al., "Homo naledi, a new species of the genus Homo from the Dinaledi Chamber, South Africa", publié le 10 septembre 2015.

Cliquer sur le lien pour télécharger la publi (fichier .pdf) :
http://elifesciences.org/content/4/e09560.full.pdf

SR



 

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8 septembre 2015 2 08 /09 /septembre /2015 22:04

Il vaut toujours mieux prendre connaissance des publications scientifiques originelles lorsque la science s'invite dans l'actualité. C'est le cas pour ce quatrième virus géant découvert après 30 000 ans de conservation dans le permafrost sibérien.

Cliquer sur le lien pour télécharger la publication (fichier .pdf mais opération hélas payante) :
http://www.pnas.org/content/early/2015/09/02/1510795112.full.pdf

Précisions sur la publication.
Auteurs : Matthieu Legendre, Audrey Lartigue, Lionel Bertaux, Sandra Jeudy, Julia Bartoli, Magali Lescot, Jean-Marie Alempic, Claire Ramus, Christophe Bruley, Karine Labadie, Lyubov Shmakova, Elizaveta Rivkina, Yohann Couté, Chantal Abergel, and Jean-Michel Claverie
Titre : In-depth study of Mollivirus sibericum, a new 30,000-y-old giant virus infecting Acanthamoeba
Edition : PNAS 2015 ; published ahead of print September 8, 2015,
Edited by James L. Van Etten, University of Nebraska, Lincoln, NE, and approved August 12, 2015 (received for review June 2, 2015)

SR

 

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8 septembre 2015 2 08 /09 /septembre /2015 00:56

Il vaut toujours mieux prendre connaissance des publications scientifiques originelles lorsque la science s'invite dans l'actualité. C'est le cas pour ce quatrième virus géant découvert après 30 000 ans de conservation dans le permafrost sibérien.

Cliquer sur le lien pour télécharger la publication (opération hélas payante) :
http://www.pnas.org/content/early/2015/09/02/1510795112.full.pdf

Précisions sur la publication.
Auteurs : Matthieu Legendre, Audrey Lartigue, Lionel Bertaux, Sandra Jeudy, Julia Bartoli, Magali Lescot, Jean-Marie Alempic, Claire Ramus, Christophe Bruley, Karine Labadie, Lyubov Shmakova, Elizaveta Rivkina, Yohann Couté, Chantal Abergel, and Jean-Michel Claverie
Titre : In-depth study of Mollivirus sibericum, a new 30,000-y-old giant virus infecting Acanthamoeba
Edition : PNAS 2015 ; published ahead of print September 8, 2015,
Edited by James L. Van Etten, University of Nebraska, Lincoln, NE, and approved August 12, 2015 (received for review June 2, 2015)

SR

 

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8 février 2015 7 08 /02 /février /2015 23:16

Né le 10 mars 1923 dans le Nebraska, Val Logsdon Fitch travailla comme soldat sur le projet Manhattan dans le Nouveau-Mexique durant le Seconde Guerre mondiale, ce qui lui permit de rencontrer de grands physiciens comme Niels Bohr et Enrico Fermi. Puis, il a soutenu sa thèse de doctorat en physique en 1954 à l'Université de Columbia sur ses travaux de mesure des rayons gammaémis depuis un atome exotique (comme un atome qui, à la place d'électrons, est composé de muons). Pendant une vingtaine d'années à la célèbre Université de Princeton, il a travaillé sur le kaon. En utilisant un synchrotron en 1964, avec James Watson Cronin, il démontra la violation d'un principe fondamental de symétrie lors de la désintégration du kaon. Cela a conduit les deux physiciens à recevoir le Prix Nobel de Physique en 1980.

SR

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16 octobre 2014 4 16 /10 /octobre /2014 22:36

Lors de la réception de son Prix Nobel de Physique, le physicien quantique Paul Dirac (1902-1984) a fait une communication sur la Théorie des élections et des positrons le 12 décembre 1933 qu'on peut lire dans son intégralité (en langue anglaise).


Cliquer sur le lien pour télécharger la communication (fichier .pdf) :

http://www.nobelprize.org/nobel_prizes/physics/laureates/1933/dirac-lecture.pdf


SR

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17 septembre 2014 3 17 /09 /septembre /2014 07:55

« Comme une faible probabilité équivaut à une probabilité de réfutation élevée, il en découle que l’obtention d’un degré élevé de réfutation, d’invalidation potentielle ou d’assujettissement potentiel aux tests constitue l’un des objectifs de la science ; cet objectif n’est d’ailleurs rien d’autre, en réalité, que la recherche d’un contenu informatif élevé. » (Popper, "Conjectures et réfutations", 1962).


yartiPopper07On pourrait croire que la déchristianisation a rendu notre époque rationnelle, mais c’est plutôt le contraire. Le christianisme a plutôt accompagné la raison, parallèlement, parfois timidement et sûrement maladroitement, mais réellement, comme le montrent la lecture de l’encyclique de Jean-Paul II "Fides et Ratio" du 14 septembre 1998  ou celle du discours du Ratisbonne de Benoît XVI le 12 septembre 2006.

On peut même croire que notre époque est parmi les plus rationnelles de l’histoire de l’humanité avec le développement exponentiel des découvertes scientifiques, le progrès permanent des technologies, et la diffusion généralisée des connaissances.

Mais il semblerait que ce ne soit pas certain, qu’il y ait beaucoup d’obscurantisme encore aujourd’hui, dans les esprits, que la superstition soit encore maîtresse dans beaucoup de strates des sociétés actuelles, que l’astrologie soit considérée par beaucoup comme une science, que les horoscopes soient probablement plus lus que les dernières nouvelles de la science dans un journal.

Les approximations journalistiques, les erreurs scientifiques émises régulièrement même au plus haut niveau des décideurs économiques ou politiques montrent qu’une démarche scientifique n’est pas évidente à tous, que la logique inébranlable de la science ne coule pas forcément de source, alors que les principaux enjeux actuels sont de plus en plus scientifiques (environnement, énergie, communication, transports, médecine, informatique, productique, etc.).

C’est pourquoi il est intéressant de revenir sur la pensée de Sir Karl Popper, grand philosophe britannique d’origine autrichienne qui s’était éteint à 92 ans, à Kenley (quartier sud de Londres), il y a juste vingt ans, le 17 septembre 1994, le lendemain de la disparition du cardinal Albert Decourtray. Ses cendres avaient été déposées le 28 octobre 1994 dans un cimetière de Vienne près de celles de son épouse décédée le 17 novembre 1985. Ils s’étaient mariés en 1930 et avaient décidé de ne pas avoir d’enfant à cause du contexte de la guerre.

yartiPopper05

En 1969 (révélé en 1998 par Edward Zerin), Popper se revendiquait plutôt comme un agnostique en recherche : « Je ne sais pas si Dieu existe ou pas. (…) Certaines formes d’athéisme sont arrogantes et ignorantes et doivent être rejetées. Mais l’agnosticisme, reconnaître que nous ne savons pas et rechercher, a complètement raison. (…) Quand je regarde ce que j’appelle le don de la vie, je ressens une grâce qui est en rapport avec certaines conceptions religieuses de Dieu. » (traduction personnelle).


Brève biographie

Né le 28 juillet 1902 à Vienne (en Autriche), Karl Raimund Popper a soutenu sa thèse de doctorat en psychologie en 1928 sur "La question de la méthode dans la psychologie cognitive", et a enseigné les mathématiques et la physique dans un lycée de Vienne avant de partir en Grande-Bretagne en 1936 (il y rencontra entre autres Erwin Schrödinger et Bertrand Russell), puis en Nouvelle-Zélande en 1937 où il resta pendant toute la Seconde Guerre mondiale (pays plus "tolérant" pour ses origines juives que l’Autriche envahie par l’Allemagne hitlérienne).

De retour à Londres en 1946 avec un poste de professeur et universitaire, Karl Popper s’est investi dans la logique, l’épistémologie et la méthodologie des sciences tout en poursuivant l’enseignement (jusqu’à sa retraite en 1969). Il a travaillé sur ses études philosophiques jusqu’à deux semaines avant sa mort, subitement malade d’un cancer, tirant sa révérence des complications, d’une pneumonie et d’une insuffisance rénale.

yartiPopper04

Ses premiers ouvrages datent du début des années 1930 avec "Les deux problèmes fondamentaux de la théorie de la connaissance" (1930-1933), qu’il a rédigé le soir après le travail et la nuit, dont le résumé est dans le célèbre "Logique de la découverte scientifique" (1934). Trois autres ouvrages importants sont "Misère de l’historicisme" (1944-1945), "La Société ouverte et ses ennemis" (1945) et "Conjectures et Réfutations" (1963).

Réfutable, c’est sans doute le maître mot de l’œuvre de Popper. En français. En anglais (sa langue d’écriture sauf pour ses premiers ouvrages en allemand), il s’agit de "falsifiable" qui n’a pas le même sens en français.


La réfutabilité, élément-clef d’une théorie scientifique

L’idée générale est qu’une proposition est scientifique si et seulement si elle est capable d’être réfutée. S’il est possible de déterminer une expérience visant à infirmer (ou pas) la proposition.

Cette intuition de départ provient de sa réflexion à partir des travaux par exemple d’Albert Einstein. L’idée classique de l’empirisme voulait que l’expérience, l’observation, permettait la validité d’une théorie scientifique. Mais la méthode inductive (on part de l’observation particulière pour arriver à formuler une loi générale) n’a aucun sens logique d’exactitude même si c’est la manière dont l’esprit humain fonctionne dans une première approximation (même si je ne vois que des Anglaises rousses, toutes les Anglaises ne sont pas, a priori, rousses par cette simple observation).

De plus, la physique relativiste ou même quantique empêche souvent cette validation par l’observation. D’où ce nouveau critère pour définir la science et la non-science : la possibilité d’être réfuté, ou invalidé. Cette réfutation peut se faire par l’observation ou par le raisonnement, par une démonstration logique.

Ainsi, des propositions comme "Dieu existe" ou "Dieu n’existe pas" ne sont pas des propositions scientifiques puisqu’elles ne sont pas réfutables : rien ne permettrait de prouver que Dieu n’existe pas, ou de prouver le contraire. Popper définit ainsi les limites de la science et de ce qu’il appelle la métaphysique, terme assez délicat à définir.

yartiPopper03

L’une des difficultés des théories de la physique moderne, c’est leur réfutabilité. J’évoque sans développer (car il faudrait de longs développements) la théorie de l’intrication quantique qui a mis beaucoup de temps à être validée : il a fallu développer un théorème mathématique puis imaginer des expériences ainsi que concevoir leur dispositif technologique pour avoir accès à une telle validation (ou invalidation).

C’est aussi en cela que Karl Popper était très moderne et en plein dans son époque de grande avancée de la théorie scientifique (entre les deux guerres mondiales). Popper souhaitait promouvoir une rationalité rigoureuse, hors de tout champ dogmatique.


Différence entre la vérification et la corroboration

La "corroboration" est le mot utilisé par Popper pour parler de "validation" relative, une théorie ne pouvant jamais être vraie de manière absolue, puisqu’elle peut être ensuite améliorée, complétée, etc. ou même infirmée par une nouvelle observation ; soit une théorie est réfutée, soit elle est corroborée par l’expérience ou la démonstration.

Popper se focalisait sur le caractère invalide de la vérification qui peut se schématiser logiquement ainsi (P étant l’énoncé à vérifier) :

Si P, alors Q.
Et Q.
Donc P.

L’exemple de la pluie permet de comprendre. S’il pleut, alors le sol est mouillé. Or, le sol est mouillé. Donc, il pleut.

Mais en fait, le sol peut être mouillé pour une toute autre raison que la pluie. Car il n’y a qu’un lien d’implication et pas d’équivalence. La seule "validation" qu’il est possible de faire, c’est de réfuter, pas de vérifier. Schématisé de cette manière :

Si P, alors Q.
Et non Q.
Donc non P.


S’il pleut, alors le sol est mouillé. Or, le sol n’est pas mouillé. Donc, il ne pleut pas.

Ce dernier schéma logique est le seul valide.

La démarche expérimentale visera donc seulement à réfuter une théorie (si elle est fausse), pas à la vérifier (si elle est vraie). Une "bonne" théorie est une théorie qui a résisté à toutes les tentatives de réfutation mais cela ne prouve pas pour autant qu’elle est vraie, rien n’empêche que dans le futur, elle ne soit réfutée par un nouveau test plus pointu, plus judicieux.


La théorie, du flou au net

Il considérait aussi que la connaissance scientifique doit procéder par approximations successives, qu’elle sécrète une succession d’erreurs qui, au fil du temps, sont corrigées par des théories plus évoluées. En clair, que la science n’apporte pas la vérité, pas de certitude, mais seulement une approximation de la vérité, de la réalité, et qu’elle tend, par le temps, par les observations ultérieures, à s’améliorer, à s’affiner, à se préciser.

yartiPopper01

C’est typiquement le cas pour la physique quantique qui n’a pas invalidé la mécanique newtonienne ni l’électromagnétisme maxwellien, mais qui les a complétés, les a fait évoluer pour en augmenter le champ d’application : « Jamais encore on n’a dû considérer qu’une théorie était réfutée à cause de la défaillance soudaine d’une loi bien confirmée. Jamais il n’arrive que de vieilles expériences donnent de nouveaux résultats. Il arrive seulement que de nouvelles expériences décident à l’encontre d’une ancienne théorie. L’ancienne théorie, même évincée, conserve souvent sa validité comme une sorte de cas limite de la nouvelle théorie ; elle est encore applicable, du moins à un haut degré d’approximation, aux cas où elle l’était avec succès auparavant. » ("La Logique de la découverte scientifique", 1934).

Au contraire du Cercle de Vienne dont il s’était approché au début de sa carrière (au sein duquel se trouvait le célèbre mathématicien néopositiviste Kurt Gödel), Popper ne rejetait pas la métaphysique dans l’élaboration d’une théorie scientifique, car elle pouvait servir de base de recherche et d’intuition, mais il convenait selon lui que les propositions métaphysiques fussent éliminées ou transformées en propositions réfutables au fur et à mesure que la théorie se développait.

Pour cela, dans "La Logique de la découverte scientifique" (1934), Popper a utilisé une très belle analogie avec un matériau qui cristalliserait sur la base d’une partie déjà solidifiée : « Les notions qui flottaient dans de hautes régions métaphysiques peuvent être atteintes par la science en croissance, entrer en contact avec elle et se précipiter. », la base étant alors l’ancienne théorie "corroborée".

Popper avait un exemple historique devant lui, dans son époque, avec les critiques constructives que le physicien Albert Einstein n’avait cessé de formuler à l’encontre de la théorie des quanta (parce qu’il n’était pas satisfait de l’issue probabiliste des quanta ; « Dieu ne joue pas aux dés. »), méthode qui a permis un affinement de la théorie pour répondre aux principaux points de …réfutation.

C’est d’ailleurs cela l’essentiel, Popper proposait logiquement que plus une théorie était précise, plus elle était réfutable, et donc, plus elle était scientifique (et sérieuse).


Prouver l’existence de Dieu ?

À propos du Cercle de Vienne, il est à noter pour l’anecdote qu’à la fin de sa vie, Kurt Gödel (1906-1978), parce qu’il était profondément croyant, avait cherché construire une preuve ontologique de l’existence de Dieu (vers 1970), mais il n’avait jamais osé la publier (finalement, elle a été publiée après sa mort, en 1987). Certains axiomes proposés n’étaient cependant pas réfutables et provenaient donc d’un énoncé dogmatique qui n’avait rien d’une preuve. L’idée était cependant ambitieuse …et audacieuse.


Indéterminisme de l’histoire

Sur le champ historique, dans "La Société ouverte et ses ennemis" (1945) et "Misère de l’historicisme" (1944-1945), Popper récusait tout fatalisme, tout déterminisme historique, par son "évolutionnisme", par son refus de toute dérive totalitaire (fasciste et communiste), ne croyait en aucune orientation prédéterminée d’un avenir qu’il considérait comme complètement ouvert, libre de tout historicisme. Il suggérait donc un système de pensée basé sur l’indéterminisme, à savoir que la connaissance s’affine progressivement par des essais et par des erreurs. Cela signifie qu’il est impossible de prévoir le cours des événements futurs avec une conception si fragmentaire (c’est la théorie du chaos vs la théorie du complot universel).

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C’est donc assez logique que Karl Popper défendait politiquement des théories plutôt libérales et démocratiques, sans tomber dans le piège de la liberté totale : « La liberté, si elle est illimitée, conduit à son contraire ; car si elle n’est pas protégée et restreinte par la loi, la liberté conduit nécessairement à la tyrannie du plus fort sur le plus faible. ». D’où ce besoin d’un État qui protège le plus faible : « C’est pourquoi nous exigeons que l’État limite la liberté dans une certaine mesure, de telle sorte que la liberté de chacun soit protégée par la loi. Personne ne doit être à la merci d’autres, mais tous doivent avoir le droit d’être protégé par l’État. (…) Nous devons construire des institutions sociales, imposées par l’État, pour protéger les économiquement faibles des économiquement forts. » ("La Société ouverte et ses ennemis", 1945).


Tolérance, démocratie et tyrannie

Toujours dans le même ouvrage cité, Popper insistait sur les limites de la tolérance : « La tolérance sans limite va nécessairement aboutir à la disparition de la tolérance. Si nous appliquons la tolérance illimitée même à ceux qui sont intolérants, si nous ne sommes pas prêts à défendre une société de tolérance contre les exactions des intolérants, alors le tolérant sera broyé et la tolérance avec lui. (…) Nous devrions donc revendiquer, au nom de la tolérance, le droit de ne pas tolérer les intolérants. Nous devrions revendiquer que tout mouvement prônant l’intolérance se met hors-la-loi, et nous devrions considérer l’incitation à l’intolérance et à la persécution comme un crime, de la même façon que nous devrions considérer que l’incitation au meurtre, ou au kidnapping, ou au retour du trafic d’esclaves, comme un crime. » (traduction personnelle). Étrangement, ces mots pourtant anciens, qui furent écrits pendant la Seconde Guerre mondiale, résonnent encore très juste dans une société comme la société française de 2014…

Le seul clivage que faisait Popper parmi les régimes politiques est la démocratie vs la tyrannie. Mais il a défini la démocratie ainsi : le régime dont les dirigeants pourraient être destitués par les dirigés sans effusion de sang. En cas de violence, le régime est défini comme tyrannique.

La conséquence, c’est que Popper a rejeté ainsi deux formes d’institution : la démocratie directe, car ainsi, le peuple ne pourrait plus s’autodestituer, et le scrutin proportionnel, car tous les partis seraient représentés à l’assemblée, et les partis majoritaires devraient alors former des coalitions, ce qui aboutirait à des petits partis qui seraient toujours présents dans les coalitions et pourraient ne jamais être destituables. Son régime idéal est donc la démocratie représentative avec scrutin majoritaire, préférablement le bipartisme qui permet d’avoir un parti qui s’oppose aux idées du parti majoritaire (et réciproquement), avec un système de primaires dans chaque camp pour porter la contradiction au sein même des partis, la confrontation des idées faisant progresser le système.


La démarcation de la science

Récompensé par de nombreuses gratifications honorifiques ou académiques, anobli "knight bachelor" par la reine Elizabeth II, Karl Popper a laissé une œuvre déterminante dans l’épistémologie en bouleversant la réflexion sur la science.

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Même si sa théorie de la réfutation a été elle-même parfois contestée (la réfutation ou la corroboration dépendent d’observations elles-mêmes tributaires d’autres théories qui doivent être, elles aussi, réfutables), il a apporté une pierre décisive dans l’édification de la frontière entre la science et la non-science : « J’en arrivai de la sorte, vers la fin 1919, à la conclusion que l’attitude scientifique était l’attitude critique. Elle ne recherchait pas des vérifications, mais des expériences cruciales. Ces expériences pouvaient bien réfuter la théorie soumise à l’examen ; mais jamais elles ne pourraient l’établir. » ("La Quête inachevée", 1981).

Dans le même essai, il soulignait également : « Les théories scientifiques, si elles ne sont pas réfutées, restent toujours des hypothèses ou des conjectures. ».

Pour Popper, toutes les lois scientifiques ont nécessairement une forme logique d’énoncés universels au sens strict, non vérifiables avec certitude (si l’on énonce que "toutes les Anglaises sont rousses", on peut conclure que toutes les Anglaises rencontrées sont rousses, mais pas toutes dans l’absolu), mais en revanche, réfutables (il suffit de rencontrer une seule Anglaise non rousse pour invalider la proposition d’origine).

Par ailleurs, aucune réfutation ne peut être concluante, car elle dépend des choix méthodologiques des scientifiques. En ce sens, ce critère de différenciation science/non-science est un avant tout critère méthodologique (« On ne doit considérer une théorie comme réfutée que si l’on découvre un effet reproductible qui la réfute. »).

Fort de ce critère, il est un peu plus aisé de ne plus donner foi à des théories… qui n’ont jamais été scientifiques (comme l’astrologie), et de permettre aux citoyens de sombrer le moins possible dans la crédulité irrationnelle.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (17 septembre 2014)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Théorie du chaos ?
Niels Bohr.
Paul Ricœur.
Evry Schatzman.
Albert Decourtray.
Maurice Allais.
La connaissance objective de Popper (article de Fabien Blanchot, septembre 1999).
Le critère de démarcation de Popper et son applicabilité (thèse de Jacques Muchel-Bechet soutenue le 13 mai 2013).
Enjeux politiques du rationalisme critique chez Popper (thèse de Christel-Donald Abessolo Metogo soutenue le 27 juin 2013).

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http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/karl-popper-1902-1994-la-156881

 

 



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4 février 2014 2 04 /02 /février /2014 07:04

La recherche scientifique est toujours passionnante. Parfois, il y a des découvertes exaltantes et surprenantes. Cependant, pour protéger l’humain de ses prétentions et vanités, les progrès technologiques auraient intérêt à toujours être accompagnés d’une certaine sagesse : « Sapience n’entre point en âme malivole et science sans conscience n’est que ruine de l’âme. » ("Pantagruel", Rabelais, 3 novembre 1532) cite-t-on, souvent et à raison, à cette occasion, provenant d’une lettre de Gargantua à son fils qui ajoute un peu plus loin : « Méfie-toi des abus du monde ; ne prends pas à cour les futilités, car cette vie est transitoire (…) ».


yartiSTAP01J’avais récemment rappelé l’importance de ne pas subordonner l’éthique au progrès scientifique, contestant la loi du 6 août 2013 autorisant l’expérimentation sur des embryons humains, donc, sur du matériel vivant humain.

Je l’avais fait en précisant deux choses : d’une part, l’éthique impose le respect de toute conception de la personne humaine, en toute circonstance ; d’autre part, qu’indépendamment des problèmes éthiques, la recherche à partir de cellules souches embryonnaires étaient dépassée et quasiment anachronique, en raison des grandes difficultés techniques (propension à développer des tumeurs, rejets etc.) et surtout, parce qu’une autre technologie existe et est bien plus performante, et en plus, elle s’exonère de tout souci éthique parce que seules sont susceptibles  d’être prélevées des cellules matures (chez l’adulte).

Il se trouve que parfois, la science avance vite. À peine avais-je terminé de rédiger mon article qu’une découverte révolutionnaire a été présentée à la communauté scientifique. Il se trouve que celle-ci confirme le peu d’avenir des cellules souches d’origine embryonnaire comme je l’avais écrit, mais pose aussi d’autres problèmes éthiques (que la loi française n’a d’ailleurs pas envisagés). Cela dit, même si la voie des cellules embryonnaires était redevenue "performante", les considérations éthiques n’en auraient pas été moins valides.


Haruko Obokata

La jeune biologiste japonaise Haruko Obokata (elle n’a que 30 ans) pourrait peut-être obtenir le Prix Nobel de Médecine pour l’édition 2014. C’est évidemment bien trop tôt pour le dire mais cette scientifique vient de publier, le 30 janvier 2014, plusieurs articles dans la célèbre revue "Nature" qui présentent effectivement une découverte révolutionnaire, en particulier cet article : "Stimulus-triggered fate conversion of somatic cells into pluripotency". Tellement révolutionnaire que le texte avait été soumis au comité éditorial le 10 mars 2013 et avait été rejeté à plusieurs reprises avant d’être enfin accepté avec tous les compléments nécessaires pour la rendre vraisemblable : « Mon manuscrit avait été rejeté de la publication plusieurs fois. ».

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Après son doctorat soutenu en 2011, Haruko Obokata a été recrutée en 2013 comme chef du laboratoire sur la reprogrammation cellulaire (Lab for Cellular Reprogramming) du Riken Center for Developmental Biology à Kobe (Japon).

De quoi s’agit-il ?
Des cellules souches.


La cellule souche, promesse d’un magasin de tissus humains

Pour tenter de soigner certaines maladies, en particulier les maladies neurodégénératives qui semblent devenir les "maladies du siècle", la science essaie de trouver un moyen de cultiver un certain nombre d’organes qu’on pourrait ensuite greffer sur le patient.

L’idée existe depuis une quinzaine d’années, celle d’utiliser des cellules souches, autrement dit, des cellules pluripotentes. Ces cellules sont des cellules indifférenciées, c’est-à-dire qu’il y a en elles tout en un. Elles peuvent se multiplier à volonté. Elles existent au stade initial de l’embryon, et après quelques temps de développement, chaque cellule se spécialise ensuite dans une fonction précise (un organe, un membre etc.).

Les cellules souches embryonnaires ont été mises en évidence chez la souris le 9 juillet 1981 par Martin Evans (Prix Nobel de Médecine 2007), Matthew H. Kaufman (disparu le 11 août 2013) et Gail R. Martin ["Establishment in culture of pluripotential cells from mouse embryos", "Nature", 292(5819), pp. 154-6], et chez l’humain le 6 novembre 1998 par James Alexandre Thomson, Joseph Istkovitz-Eldor et Benjamin Reubinoff ["Embryonic stem cell lines derived from human blastocysts", "Science", 282(5391), pp. 1145-7].

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Certains scientifiques avaient alors prélevé des cellules souches d’embryons humains pour faire les premières expériences.

Jusqu’en 2013, c’était interdit en France. Pourquoi ? Parce que lorsqu’on prélève une cellule souche d’un embryon, on détruit cet embryon. Or, l’embryon humain, comme "personne en devenir", est protégé par la loi et si la loi sur l’avortement permet sa destruction, c’est de manière dérogatoire et exceptionnelle (quand la femme est en "situation de détresse", expression en phase d’être elle aussi supprimée par le gouvernement actuel).

La loi n°2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique permettait quelques dérogations pour une période de cinq ans « lorsque [les recherches] sont susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs et à condition de ne pouvoir être poursuivies par une méthode alternative d’efficacité comparable, en l’état des connaissances scientifiques ». C’était le cas aussi pour la loi du 7 juillet 2011 sur l’expérimentation mais la loi du 6 août 2013 a brisé cette digue de protection à un moment où justement, cette recherche s’enlisait.


Plus besoin d’embryon pour produire des cellules souches

Et si l’utilisation des cellules souches embryonnaires s’est enlisée, c’est parce que depuis 2006, les biologistes John Gurdon et Shinya Yamanaka ont réussi à contourner l’impasse éthique en trouvant un procédé qui permet de reprogrammer génétiquement une cellule mature (donc différenciée, prélevée sans destruction chez un adulte) en cellule pluripotente (dite iPS), donc souche mais pas d’origine embryonnaire, et cette voie est d’autant plus encourageante qu’elle donne des résultats meilleurs (risque tumoral moindre) qu’avec des cellules souches d’origine embryonnaire. La consécration de cette voie fut l’attribution du Prix Nobel de Médecine le 8 octobre 2012.

Or, la découverte de Haruko Obokata va encore plus loin dans cette voie non embryonnaire, plus loin que les travaux de Shinya Yamanaka et a de quoi bouleverser la médecine regénérative, d’autant plus que la méthode est peu coûteuse, rapide et simple.

L’idée est toujours de produire des cellules souches à partir de cellules matures. En leur faisant subir une contrainte, ces cellules matures se transforment en cellules pluripotentes. Au contraire des cellules iPS qui subissent une manipulation génétique, les cellules de Haruko Obokata n’ont pas eu de traitement génétique, mais seulement une soumission à certaines contraintes.

C’est le cas par exemple en trempant une cellule mature dans un bain d’acide faiblement dosé (pH = 5,7) pendant vingt-cinq minutes à 37°C : la cellule se transforme au bout d’un certain temps en cellule pluripotente, comme par "miracle". Ce phénomène s’appelle désormais STAP pour "stimulus-triggered acquisition of pluripotency" c’est-à-dire : acquisition de pluripotence déclenchée par stimulus.


La surprise après les doutes

Haruko Obokata en est la première surprise : « C’était vraiment étonnant de voir qu’une telle transformation pouvait être acquise simplement par un stimulus extérieur à la cellule. ».

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Yoshiki Sasai, l’un des chercheurs cosignataires de l’article, se réjouit aussi : « C’est extraordinaire. Je n’aurais jamais pensé qu’une contrainte puisse avoir un tel effet ! ».

Teruhiko Wakayama, un autre chercheur de l’équipe, n’y croyait pas beaucoup : « Je pensais vraiment que c’était beaucoup de travail pour rien. ».

Le biologiste Rudolph Jaenisch, du Whitehead Institute à Cambridge, dans le Massachusetts (USA), qui n’a pas participé à ce projet, commente très étonné : « C’est vraiment inespéré. Il n’y a aucune manipulation génétique, seulement des conditions de culture, des contraintes, pour provoquer ces changements. Je crois que c’est assez remarquable ! ».

Le précurseur de ce champ de recherche, Shinuya Yamanaka réagit, de son côté, ainsi : « D’un point de vue pratique sur les applications cliniques, je vois ceci comme une nouvelle approche pour produire des cellules quasi-iPS. Si la pluripotence est provoquée aussi à partir de cellules humaines avec une méthode identique, nous aurons besoin de la comparer avec les protocoles existants. ».

Si cette découverte a eu lieu, c’est avant tout grâce à la perspicacité de Haruko Obokata qui a développé cette technique depuis cinq ans quand elle a vu que des cellules matures ressemblaient à des cellules souches lorsqu’on les soumettait à une contrainte mécanique et elle a dû convaincre tout son entourage professionnel d’aller dans cette voie : « Au départ, tout le monde pensait qu’il s’agissait d’un artefact. Il y a eu des jours difficiles où j’ai moi-même vraiment douté. ».

La vie d’un chercheur est ainsi faite de doutes et d’intuition. Croire en soi-même est presque aussi important qu’avoir l’intuition géniale.


Le présent et le futur

L’équipe a ensuite utilisé la méthode de fluorescence pour démontrer que la cellule obtenue était effectivement pluripotente : après multiplication, elle a produit …un embryon (comme sur la première photo), et elle a réalisé des films pour démontrer aussi que les cellules souches provenaient bien de cellules matures.

En tout, douze types de cellules matures ont été testés (poumon, foie, cerveau, peau, sang etc.) et le procédé STAP donne des taux de "conversion" très supérieur à la méthode de Yamanaka (qui est de 1%) : 20 à 25% des cellules survivent aux stimuli générés, et parmi les survivantes, 30% se transforment en cellules pluripotentes (soit un rendement 6 à 8 fois supérieur aux cellules iPS).

Par ailleurs, au contraire des cellules souches embryonnaires ou des cellules iPS, les cellules STAP peuvent éventuellement se transformer en cellules placentaires.

Évidemment, cette technique est à ses balbutiements et nul doute que d’autres laboratoires de recherche, dans le monde, chercheront à reproduire ces expériences, voir à les optimiser. D’autant plus que le cas général de "stress" n’a pas été vraiment exploité, puisque ici, seul l’acidité a été le critère (fragile équilibre entre contrainte et survivance des cellules).

Ah, il y a aussi un petit détail essentiel : ces expériences ont été réalisées uniquement sur des cellules de souris, et c’est un embryon de souris qui s’est développé.

L’idée d’appliquer le procédé STAP à des cellules humaines (la finalité pour trouver une thérapie cellulaire adaptée) peut poser évidemment quelques problèmes éthiques.


Clonage humain

Ces problèmes éthiques sont différents de ceux rencontrés dans l’utilisation d’embryon humains, car il ne s’agit pas ici de détruire des embryons. Ces cellules STAP peuvent toutefois se développer en embryon (humain dans ce cas). Ce serait alors du clonage. Or, cette méthode assez exceptionnelle semble aussi la meilleure méthode pour cloner.

Le clonage humain pose certains problèmes éthiques d’ordre social (absence de paternité) ou psychologique (double génétique) que rencontrent déjà certaines personnes (orphelins, enfants adoptés, jumeaux etc.) indépendamment des problèmes médicaux qui pourraient survenir (complications, vieillissement cellulaire précoce etc.). De plus, quelle que soit la méthode, aucun clonage humain n’a été réalisé, du moins avec succès, malgré les annonces sensationnelles d’une secte il y a une dizaine d’années.


Une thérapie sans obstacle éthique ?

Mais insistons bien sur le fait que le production d’un embryon de souris issu d’une cellule STAP n’avait ici qu’un but démonstratif, celui de prouver que c’était bien une cellule pluripotente.

Certes, cela ouvre une voie royale au clonage mais l’idée principale reste la production de cellules pluripotentes afin de produire, ensuite, les cellules nécessaires au soin d’un patient. Et pour cette finalité thérapeutique, le procédé STAP ne se heurte à aucun considération éthique.

De plus, si l’on arrive par la suite à comprendre ce qu’il se passe, pas seulement à le décrire, peut-être serait-il une clef pour mieux combattre le cancer.

J’avais expliqué la semaine dernière que le gouvernement français avait deux trains de retard en ayant fait adopter la loi du 6 août 2013 qui autorise l’expérimentation sur les embryons humains. Je m’étais trompé, il a maintenant trois trains de retard.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (4 février 2014)
http://www.rakotoarison.eu



Pour aller plus loin :
L'article d'origine dans "Nature" (30 janvier 2014).

14 idées reçues sur les embryons humains.
L'avis conforme du Conseil Constitutionnel du 1er août 2013 (texte intégral).
La marchandisation de l'humain.
François Hollande.
Revenir à quelques valeurs...
La mort pour tous ?
L’embryon humain et ultralibéralisme.
Mariage des couples homosexuels.
Bientôt la PMA ?
Bientôt l’euthanasie et le suicide assisté ?
Documentation sur la proposition de loi sur les embryons humains (Sénat).
Ne pas voter Hollande pour des raisons morales.
En quoi le progrès médical est-il amoral ?
ADN, pour ou contre ?
Robert Ewards couronné avec trente ans de retard.
Trente années de bébés éprouvette (fécondation in vitro).
Le fœtus est-il une personne à part entière ?
Les transgressions présidentielles.
Cannibales et marchands à la recherche de l’embryon (27 avril 2009).


(Photos : embryon de souris fluorescent provenant d'une cellule STAP, et la biologiste Haruko Obokata).



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  http://www.agoravox.fr/actualites/technologies/article/cellules-souches-decouverte-147503

 

 

 

 

 

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2 février 2014 7 02 /02 /février /2014 09:12





"Stimulus-triggered fate conversion of somatic cells into pluripotency"
Haruko Obokata, Teruhiko Wakayama, Yoshiki Sasai4 Koji Kojima, Martin P. Vacanti, Hitoshi Niwa, Masayuki Yamato, Charles A. Vacanti
Nature Volume : 505, Pages : 641–647
Date published : 30 January 2014
Received :10 March 2013
Accepted : 20 December 2013
Published online : 29 January 2014

http://www.nature.com/nature/journal/v505/n7485/full/nature12968.html

 

 

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