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14 septembre 2015 1 14 /09 /septembre /2015 06:23

Qu’as-tu fait de tes 20 ans ? Un Français a pu répondre : la guerre, et je l’ai gagnée !


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Ah, Marignan, souvenez-vous (quand vous étiez petit), c’était …en 1515. Plus exactement, le 14 septembre 1515. Il y a donc précisément cinq cents ans. Un demi-millénaire. Par les hasards des dates historiques, après avoir honoré Napoléon Ier (les 200 ans de Waterloo) et Louis XIV (les 300 ans de sa mort), voici que l’année 2015 célèbre un troisième monarque majeur de l’Histoire de France, le roi François Ier, premier de la branche Valois-Angoulême de la dynastie des Capétiens (qui n’est ni un pape, ni un ancien Président de la République, ni un autre Président de la République, ni un candidat centriste, ni un ancien Premier Ministre…).

L’année 1515 fut capitale dans la destinée de François Ier. Le 1er janvier 1515, le roi Louis XII est mort sans laisser de descendance masculine. C’est alors François Ier, fils de Charles d’Angoulême, le cousin de Louis XII, qui lui succéda selon la loi salique. Il fut sacré à Reims le 25 janvier 1515. Pour aider à convaincre d’être le seul héritier (il fut considéré ainsi par Louis XII dès    avril 1498), il avait épousé Claude de France, la fille de Louis XII, le 18 mai 1514 (les fiançailles avaient eu lieu dès le 21 mai 1506).

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Né le 12 septembre 1494 à Cognac, il avait alors 20 ans quand il accéda au trône de France. Il avait déjà acquis une solide réputation d’humaniste, de protecteur des arts et de la culture, encourageant l’impression des livres. Il fut d’ailleurs le roi symbole de la Renaissance en raison de ses ambitions italiennes initiées par ses deux prédécesseurs, Louis XII et Charles VIII, le dernier Valois direct.

Car le contexte de 1515, c’était que la France était depuis plusieurs dizaines d’années engagées dans des guerres en Italie (en tout, onze guerres entre le 2 septembre 1494 et le 3 avril 1559) : pour des raisons de succession dynastique, la France revendiquait le Duché de Milan et le Royaume de Naples. Des alliances parfois changeantes des Suisses, soutenant certaines fois les Milanais (dirigés par le jeune duc Maximilien Sforza et alliés au pape Léon X, un Médicis, et à l'empereur Maximilien Ier) et d’autres fois les Français, avaient permis à la France d’occuper une partie de l’Italie à la fin du XVe siècle et début du XVIe siècle.

François Ier renonça à Naples mais pas à Milan. Il ne perdit pas de temps et organisa la reconquête du Duché de Milan. Pour cela, il a fait construire une nouvelle voie pour franchir les Alpes et surprendre les Suisses (plus au sud que la route habituelle). Le chevalier Bayard participa à cette aventure, nommé lieutenant-général du Dauphiné dès le 20 janvier 1515 par le roi (Bayard fut acclamé par la foule grenobloise lors de son arrivée le 17 mars 1515). L'avant-garde des troupes françaises a été menée par La Palice, fait maréchal de France le 7 janvier 1515. Comme Napoléon plus tard, François Ier accompagna lui-même ses troupes en Italie et ce fut sa mère qui s’occupa provisoirement de la régence.

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La bataille de Marignan a eu lieu les 13 et 14 septembre 1515. Les affrontements se sont arrêtés avec le coucher du jour puis de la lune, rendant la nuit très obscure et plongeant tous les belligérants dans une grande confusion. Il est même rapporté que le roi de France aurait passé toute la nuit à moins de cent mètres d’un canon suisse ! La bataille fut terrible. Les Français et leurs alliés vénitiens (alliance depuis le 14 mars 1513, quelques semaines après la mort du puissant pape Jules II) avaient environ 35 000 hommes tandis que les Suisses et les Milanais 22 000 (ce sont des estimations). Elle fut particulièrement longue et meurtrière. Les Français ont pris l’avantage grâce à leur artillerie, la plus puissante de l’époque et le renfort des troupes vénitiennes. En tout, le bilan humain fut consternant, entre 14 000 et 18 000 morts, dont les deux tiers environ du côté suisse.

Certains ont raconté que le lendemain de la victoire, le roi se faisait adouber par le plus glorieux des chevaliers, Bayard. Narration parfois contestée mais pourtant très plausible. Bayard était le noble idéal pour le mettre en référence.

Le 17 septembre 1517, les troupes française entrèrent à Milan et Maximilien Sforza se rendit le 4 octobre 1515 (il fut exilé à Paris où il mourut le 4 juin 1530). François Ier a pu faire son entrée triomphale à Milan le 11 octobre 1515 avec l'allégeance du duc de Savoie Charles III (qui perdit beaucoup d'influence dans le Piémont) et du marquis de Montferrat Guillaume IX Paléologue.

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La victoire de Marignan sur les Suisses a abouti au Traité de Fribourg le 29 novembre 1516 pour maintenir une paix perpétuelle entre la France et la Confédération helvétique (qui a tenu jusqu’à l’invasion de la France révolutionnaire en 1792) et qui fut à l’origine de la neutralité suisse signée le 20 mars 1815 au Congrès de Vienne.

Elle a aussi permis une issue provisoire du différend franco-espagnol avec la signature du Traité de Noyon le 13 août 1516 par François Ier et Charles Quint, où Charles Quint reconnaissait la souveraineté française sur Milan tandis que François Ier renonçait à celle sur Naples. Charles Quint (cinq ans plus jeune que lui) fut ensuite son adversaire récurrent, l'héritier de quatre royaumes, ceux d’Espagne, d’Autriche, de Bourgogne et de Naples. Charles Quint lui souffla, à l’âge de 19 ans, la couronne impériale du Saint Empire Romain Germanique le 28 juin 1519 pour la succession de son grand-père Maximilien Ier. Charles Quint fut le dernier empereur à garder l’ambition carolingienne de représenter le monde chrétien face à l’empire ottoman qui s'était étendu jusqu'aux portes de Vienne, mais la France a toujours refusé une telle bipolarité qui l’aurait écartée du jeu diplomatique.

En outre, la France a conclu le 18 août 1516 avec le pape Léon X le Concordat de Bologne ("Primitiva illa ecclesia") qui a établi les relations entre la France et l'Église catholique en donnant un grand pouvoir de nomination au roi (enregistré au Parlement de Paris le 22 mars 1518). Ce concordat resta en vigueur jusqu'à l'instauration de la constitution civile du clergé adoptée par la Constituante le 12 juillet 1790.

Défait à Pavie le 24 février 1525 par Charles Quint (au cours de la bataille, Le Palice fut tué et reçut en épitaphe : "Hélas, s'il n'était pas mort, il ferait encore envie" compris en "il serait encore en vie"), François Ier réduisit les prétentions françaises sur l'Italie sans y renoncer vraiment. La défaite a entériné la longue rivalité entre la France catholique et les Habsbourg. Ces ambitions françaises sur l’Italie restèrent intactes jusqu’au XIXe siècle puisque les troupes françaises occupèrent Rome encore sous le futur empereur Napoléon III (lire Victor Hugo à ce sujet).

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Mais au-delà de ses conséquences diplomatiques, la victoire de Marignan fut un formidable outil de communication personnelle (pour ne pas dire propagande) à l’intérieur de la France, montrant un jeune roi courageux et victorieux, qu’une silhouette forte et malicieuse accentuait (il mesurait un mètre quatre-vingt-dix-huit). Il renforça d’ailleurs son pouvoir personnel, jusqu’à amorcer un absolutisme que Louis XIV symbolisa par excellence cent cinquante ans plus tard. C’est ce roi qui écrivait dans chacun de ses actes : « Parce que tel est mon bon plaisir. » reprenant une vieille formule latine : "Quod principi placuit legis habet vigorems". Le témoignage d’un ambassadeur de Venise fut éloquent : « Pour ce qui est des grandes affaires de l’État, de la paix et de la guerre, Sa Majesté, docile en tout le reste, veut que les autres obéissent à sa volonté ; dans ces cas-là, il n’est personne à la cour, quelque autorité qu’il possède, qui ose en remontrer à Sa Majesté. » (Marino Cavalli qui ajouta : « Et si le roi de France n’avait pas rencontré dans sa route un prince aussi puissant […] que l’est Charles Quint […], la dignité impériale appartiendrait derechef à la France. »).

Ce roi a signé le texte juridique le plus ancien encore en vigueur en France, à savoir, l'ordonnance de Villers-Cotterêts enregistrée par le Parlement de Paris le 6 septembre 1539 dans laquelle notamment il a instauré le droit de légitime défense (art. 168), a imposé l'usage exclusif du français comme langue administrative (art. 110) et a rendu obligatoire un registre des naissances dans un état-civil (art. 51).

François Ier a favorisé une cour pléthorique (de plus de dix mille personnes), a fait construire les villes du Havre et de Vitry-le-François (d’où son nom) et construire ou restaurer de nombreux châteaux (Saint-Germain-en-Laye, Fontainebleau, Ambroise, Blois, Chambord, le Louvre, Villers-Cotterêts, etc.). Il a par ailleurs augmenté énormément les impôts pour payer ses guerres (taille doublée, gabelle triplée, renforcement du protectionnisme douanier, etc.).

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François Ier est mort le 31 mars 1547 à 52 ans au château de Rambouillet, d’une septicémie et d’une insuffisance rénale, après plusieurs jours d’agonie. et fut enterré à la Basilique Saint-Denis auprès de son premier fils et de sa première épouse. Il a laissé à la postérité le nom et la date de la fameuse bataille de Marignan, qui est connue de nos jours de tous les écoliers chevronnés, même cinq cents ans plus tard ! Peu de souverains peuvent l’égaler sur ce registre de la mémoire, à l’instar de la guerre des Gaules de Jules César et des batailles napoléoniennes.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (14 septembre 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Louis XIV.
Congrès de Vienne.
Napoléon Ier à Waterloo.
Napoléon III en Italie.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20150914-marignan.html

http://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/marignan-victoire-marketing-a-la-171757

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/09/14/32618642.html




 

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