« La bêtise est infiniment plus fascinante que l’intelligence, infiniment plus profonde. L’intelligence a des limites, la bêtise n’en a pas. » (Claude Chabrol, 2010). Seconde partie.
Après avoir présenté la première partie de la carrière cinématographique de Claude Chabrol dominée par son égérie et épouse Stéphane Audran, voici un échantillon de la seconde partie, avec la domination d’une autre actrice très importante pour Chabrol, Isabelle Huppert. Suite des "échantillonnages"…
9. "Violette Nozière" sorti le 24 mai 1978
Le film (très engagé contre la peine de mort) raconte l’histoire de Violette Nozière et fut la révélation de l’actrice principale, Isabelle Hubert (nomination aux Césars) pour le rôle de Violette Nozière, aux côtés de sa mère Stéphane Audran (César), son père Jean Carmet, son amoureux Jean-François Garreaud, et aussi Bernadette Lafont, Fabrice Luchini, Jean-Pierre Coffe, etc. Violette Nozière fut condamnée à mort le 13 octobre 1934 pour avoir empoisonné ses parents et tué son père. Chabrol a choisi Isabelle Huppert et Jean Carmet comme principaux acteurs en référence à leur prestation dans "Dupont Lajoie" réalisé par Yves Boisset (sorti le 25 février 1975), où le personnage de Jean Carmet a violé puis tué celui d’Isabelle Huppert. Violette Nozière, pour se défendre à son procès, avait affirmé que son père avait abusé d’elle, ce qui n’a jamais été prouvé. Cet aspect "incestueux" (appuyé par le film d’Yves Boisset en reprenant les mêmes acteurs) ajoute du glauque au glauque, comme savait si bien faire Chabrol.
10. "Poulet au vinaigre" sorti le 10 avril 1985
Ce film policier aborde le sujet des magouilles immobilières et met en scène l’inspecteur Lavardin joué avec brio par Jean Poiret, aux côtés de Stéphane Audran, Lucas Belvaux, le notaire Michel Bouquet, Pauline Lafont, Pierre-François Duméniaud, etc. La prestation de Jean Poiret fut renouvelée avec le film suivant, "Inspecteur Lavardin" sorti le 12 mars 1986, aux côtés de Bernadette Lafont, Jean-Luc Bideau, Jean-Claude Brialy, Pierre-François Duméniaud, etc.
11. "Masques" sorti le 11 février 1987
Film au titre aujourd’hui "symptomatique", abordant le milieu de la télévision avec Philippe Noiret, le présentateur de télévision, Robin Renucci, le journaliste, Monique Chaumette, Anne Brochet, Bernadette Lafont, Pierre-François Duméniaud, etc. Cécile Mury de "Télérama" : « Claude Chabrol donne libre cours à son ironique perversité. (…) Faux amis, faux gentils, faux biographe (…) et vraie princesse, séquestrée à cause d’un mystérieux secret. » (29 mai 2010).
12. "Une affaire de femmes" sorti le 21 septembre 1988
Abordant un sujet très sensible, l’avortement sous l’Occupation (ce qui valait la peine de mort), Chabrol a adapté un roman de l’avocat Francis Szpiner (élu maire du 16e arrondissement de Paris en juin 2020). L’histoire repose sur un fait-divers réel. Avec Isabelle Huppert, Marie Trintignant, François Cluzet, Nils Tavernier, Marie Bunel, Pierre-François Duméniaud, etc.
Frédéric Strauss de "Télérama" : « Il y a du bovarysme, déjà, dans cette Marie jouée par Huppert comme une femme en fuite : échapper à la pauvreté, à la morosité, à son mari, qu’elle n’aime pas, et finalement à la réalité de sa petite entreprise. Chabrol met admirablement en relief ses contradictions, ses aveuglements. En revanche, il est sans merci pour la France de Pétain, ses rangs de traîtres érigés en juges garants de l’honneur de la nation. Un très grand Chabrol-Huppert. » (11 février 2012).
13. "Madame Bovary" sorti le 3 avril 1991
Flaubert, auteur fétiche de Chabrol, et "Madame Bovary", l’un de ses meilleurs romans, qu’il n’a osé adapter à sa "sauce" que tardivement, pour ne pas le rater. Et son adaptation est devenue "l’adaptation" du roman. Avec Isabelle Huppert dans le rôle d’Emma Bovary, Christophe Malavoy dans celui de l’amant, Jean-François Balmer du mari trompé, avec aussi Jean Yanne, le pharmacien, Pierre-François Duméniaud, etc.
14. "L’Œil de Vichy" sorti le 10 mars 1993
Lorsque je l’ai vu au cinéma, il y avait une grosse polémique qui n’avait, à mon sens, pas lieu d’être. Ce film est un documentaire sans commentaire, juste des extraits choisis des actualités que présentait aux Français le régime de Pétain. Évidemment, il faut alors le recul de l’historien et ne pas prendre pour argent comptant ce qui y est dit. Vu la période actuelle de "politiquement correct", peut-être que ce film ne pourrait plus sortir de nos jours. En tout cas, peut-être que la culture historique a baissé d’un cran et qu’il faille maintenant commenter ce qui était abject pour dire : attention, ceci est abject ; un peu comme les faux applaudissements dans les séries supposées comiques pour dire : attention, maintenant, il faut rire. Pour faire ce documentaire, Chabrol s’est aidé de deux grands historiens de la période, Robert Paxton et Jean-Pierre Azéma. La voix de Michel Bouquet vient quand même rappeler quelques faits historiques.
Chabrol a expliqué l’absence de mise en garde : « Un piège épouvantable : les images justement. "L’Œil de Vichy" est donc un étalage de mensonges, d’altérations de la vérité, de mauvaise foi. Il ne porte à aucun moment une accusation quelconque, car il n’en a pas besoin. La simple confrontation entre les images commentées et les faits suffit à expliquer, je l’espère une fois pour toutes, comment la France fut gouvernée entre 1940 et 1944, dans le mensonge et la duplicité et comment, pendant un temps, les Français, ou une partie, ont pu être dupes. » (10 mars 1993).
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