« Chaque jour apporte son lot d’annonces hallucinées. Droits de douane invraisemblables, expulsions arbitraires, attaques contre la sécurité sociale, les retraites, la liberté d’expression, l’éducation, la justice, la Constitution, les vétérans, les droits des électeurs, les universités et la science. Donald Trump ne prend pas de décisions, il prend sa revanche. Chaque jour, la confiance dans l’Amérique perd du terrain. » (Claude Malhuret, le 30 avril 2025 au Sénat).
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Le sénateur Claude Malhuret, président du groupe Les Indépendants, République et Territoires au Sénat, est un orateur redoutable : la formule choc, le ton vaguement monocorde et pourtant, détonnant, visant toujours juste. Depuis quelques années, il a acquis en France cette réputation du verbe intelligent et incisif.
Soutien exigeant de la politique du gouvernement, Claude Malhuret cible généralement les populismes, les extrémismes, à l'intérieur comme à l'extérieur de la France. C'est rare dans la communication politique : les oppositions sont généralement plus percutantes que les soutiens, parce que c'est toujours plus facile (et rapide) de détruire, de dégommer, de critiquer, de fustiger, que de construire, de bâtir, de soutenir, d'argumenter une politique nationale. Alors, le sénateur s'est fait comme un fonds de commerce de dégommer les "dégommeurs" !
Parmi ses cibles privilégiées, il y a bien sûr Donald Trump. Lorsque, le 4 mars 2025, Claude Malhuret avait évoqué les débuts chaotiques de la Présidence Trump, pour s'interroger : « Pourquoi, devant tant de décisions insensées de leur Président, les Américains ne réagissent-ils pas ? », il ne s'attendait pas à créer un buzz (comme on dit). C'est déjà difficile, pour un parlementaire, de créer un buzz dans son propre pays, alors Outre-Atlantique... Ainsi, Claude Malhuret, qui n'est pas nouveau dans la vie politique française, ni non plus dans les relations internationales (il était président de Médecins sans frontières de 1978 à 1986) mais était inconnu des Américains, est devenu une petite star d'Internet aux États-Unis (au point d'être traduit !). Ce qui l'a intrigué, dans la vie politique américaine, c'est le silence complet des dirigeants démocrates, ou de l'ancienne candidate démocrate, comme s'ils étaient encore sidérés par leur défaite électorale de novembre 2024, incapables de prendre la voix de l'opposition à Donald Trump.
Fort de cette nouvelle notoriété, Claude Malhuret a profité des 100 jours de la Présidence Trump pour faire, le 30 avril 2025, une déclaration dans un salon du Sénat, traduite en anglais pour ses amis américains. Si je calcule bien, les 100 jours sont devenus les 200 jours le 8 août 2025. Et avec Donald Trump, le temps passe très vite avec les mille et unes transgressions qu'il impose sans cesse.
Toutefois, malgré le temps avancé, il m'a paru intéressant de reprendre cette déclaration de Claude Malhuret qui reste toujours d'actualité, car Donald Trump est un disciple du va-et-vient.
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Le sénateur français a comparé le comportement de Donald Trump à celui d'un voyou : « En faisant chuter la Bourse et le dollar, fuir les acheteurs d’US bonds, en enfermant son pays derrière une muraille douanière, et, comme Al Capone, en expliquant aux alliés qu’ils paieront ou qu’ils auront des ennuis, celui qui prétend redonner sa grandeur à l’Amérique est en train de la rabougrir. ».
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Claude Malhuret s'en est pris à la politique protectionniste de Donald Trump, aux taxes douanières qu'il a voulu augmenter et surtout à l'imprévisibilité de sa politique économique : « Chaque jour, l’incertitude augmente. On expose devant toutes les télévisions un tableau surréaliste de "tariffs" de 10 à 150% avant de les retirer le lendemain. On annonce la guerre économique à la Chine avant de s’aplatir en 48 heures. On menace de limoger le président de la FED avant de faire machine arrière devant la chute des marchés. Les executive orders sont contestés en justice, ce qui accroît la confusion. Le brouillard est le pire ennemi de l’économie et le Donald krach était inévitable. Il va se poursuivre, au rythme des pirouettes de ce roseau peint en fer. Personne ne sait ce qu’il fera après les 90 jours de pause, mais à l’évidence celui qui le sait le moins est Donald Trump lui-même. ».
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De même, il a critiqué le choix de ses collaborateurs : « Les membres du cabinet sont nommés non pas malgré mais à cause de leur nullité. Un ministre de la santé qui ne sait même pas localiser sa vésicule biliaire expose ses théories fumeuses sur les dangers des vaccins ou l’origine du SIDA. Le ministre de la défense, entre deux rasades de gin, papote en ligne avec sa famille et ses amis sur les opérations militaires en cours sous les yeux des services de renseignements du monde entier. Le Chief Counselor for trade, ou plutôt le Chief Forger, invente un économiste fictif pour soutenir ses thèses absurdes. Le chargé des négociations sur l’Ukraine fricote depuis des années avec un oligarque proche de Poutine. Quant au Vice-Président, il a réussi l’exploit d’être en quelques jours plus détesté aux États-Unis que tous ses prédécesseurs, mais de l’être aussi dans toute l’Europe après son discours de haine à Munich. Il suffit de l’écouter pour imaginer l’interminable rage de dents qu’est sa vie. ».
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Et de se corriger : « Dans mon précédent discours, je comparais le nouveau gouvernement américain à la cour de Néron. Je me trompais. C’est la cour de Caligula, qui avait un jour nommé son cheval Consul. Mais au moins son cheval ne faisait de mal à personne. ».
La manière peu diplomatique de faire de la diplomatie était aussi pointée du doigt : « Chaque jour dans le bureau ovale, assis dans un fauteuil assorti à ses cheveux Trump fait défiler devant la presse les chefs d’État qui se succèdent comme dans une émission de téléréalité, effarés ou serviles, semblant se demander ce qu’ils font là, forcés d’ingurgiter des discours dégoulinant d’autosatisfaction, d’inculture vaniteuse, de grossièreté revendiquée et d’overdose de lui-même. Ils savent maintenant pourquoi ils ont été invités puisque Trump l’a expliqué : pour "kiss his ass". » [Claude Malhuret a préféré le dire en anglais dans le texte, et je me gardera de le traduire en français !].
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L'écœurement du sénateur, grand soutien à la résistance ukrainienne contre l'agresseur Vladimir Poutine depuis février 2022, était à son comble sur la gestion de la guerre en Ukraine. Il a eu du mal à avaler l'humiliation du 28 février 2025 : « Le pire bien sûr, c’est la trahison. Depuis l’humiliation de Zelensky dans le bureau ovale, qui a choqué le monde entier, et beaucoup d’Américains, chaque jour aggrave la capitulation devant Poutine. Vote à l’ONU en faveur de la Russie, aux côtés de la Corée du Nord et du Nicaragua, démantèlement des structures fédérales chargées d’examiner les ingérences russes aux États-Unis, nomination d’une directrice du renseignement que le propagandiste russe Soloviev qualifie lui-même à la télévision d’agent de Poutine, fermeture de Voice of America après 80 ans d’activité. Et ce pauvre Witkoff, l’ami des oligarques, chargé du dossier ukrainien dont il ne connaît rien et qui joue le perroquet du Kremlin chaque fois qu’il revient de Moscou. ».
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D'où cette formule : « Comme le dit un fonctionnaire du Département de la Sécurité : "Poutine est maintenant à l’intérieur". Aujourd’hui quand les chats mangent les souris, ils déclarent que les souris les avaient agressés. Et Trump les croit. Est-il sous kompromat ou simplement d’une crétinerie absolue ? Ce qui est certain, c’est qu’il est le meilleur Président russe de toute l’histoire américaine. ».
Et malgré le Sommet en Alaska, où Donald Trump a commencé à se rendre compte de la complexité de la situation, la critique sénatoriale reste pertinente : « Son plan pour un cessez le feu en Ukraine va au-delà des rêves les plus fous de Poutine : annexion de la Crimée, occupation de quatre oblasts, absence de garanties de sécurité pour Kiev et braquage des richesses minières. Il est bien évidemment inacceptable pour les Ukrainiens et catastrophique pour les Européens. ».
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Le bilan des 100 jours est donc peu flatteur : « Je décrivais les débuts de la Présidence Trump comme une tragédie. Au bout de cent jours, il s’avère que c’est une farce. Mais une farce sinistre. Chaque décision du matamore de Mar-A-Lago a eu des effets désastreux. En économie le plongeon de la Bourse et du dollar, la hausse des taux et le début de récession. En politique étrangère le lâchage des alliés, la servilité devant Moscou et la guerre commerciale avortée contre la Chine où l’arroseur s’est retrouvé arrosé. En politique intérieure la bataille généralisée avec les États, les fonctionnaires, les universités et tant d’autres. Trump va de plus en plus vite, mais à reculons. ».
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Et de citer Charles Péguy, l'un des auteurs préférés de François Bayrou : « Les recettes mercantilistes, nationalistes, xénophobes et rabougristes sont en train de donner les résultats qu’elles ont toujours donné dans l’histoire et qu’a très bien résumé un écrivain français, Charles Péguy : "Le triomphe des démagogues est passager, mais les ruines sont éternelles". ».
Pour autant, Claude Malhuret a vu des motifs d'espoir : « Le pire n’est jamais certain. Le trot d’un âne ne dure pas longtemps, disent les Italiens. ». D'abord, le divorce entre Elon Musk et Donald Trump : « En trois mois, le trumpisme commence à se lézarder. L’alliance contre-nature entre des anywhere milliardaires et une base de somewhere a duré le temps d’une campagne électorale. Depuis, les milliardaires de la tech ont perdu leurs milliards et ceux qui ont cru dans leurs promesses ont perdu leurs emplois. Musk est déjà reparti pour tenter de sauver les meubles chez Tesla. Et Steve Bannon mène la révolte de l’aile populaire contre les oligarques des GAFAM. ».
Cela ne suffira pas à faire s'écrouler le trumpisme. Claude Malhuret a donc parlé de résistance active. Celle, certes insuffisante, des Européens pour l'Ukraine : « Ils préparent, difficilement, les moyens de continuer à soutenir l’Ukraine le jour où le caniche de Moscou décidera de lâcher définitivement Zelensky. Ils entreprennent, trop timidement, de se réarmer. ».
Mais surtout celle des Américains eux-mêmes : « Voici plus de quatre-vingts ans que nous avons construit ensemble le monde libre où nous vivons aujourd’hui. Et voici plus de deux siècles que nous partageons les mêmes valeurs : la démocratie, les droits de l’homme, la liberté d’entreprendre qui fait que chaque Américain et chaque Européen se sent au plus profond de soi appartenir à une même civilisation, au point que jamais les uns et les autres n’auraient pu imaginer qu’un jour, en aussi peu de temps, des dirigeants se donneraient pour but de creuser un fossé entre eux. ».
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Ce qui a amené Claude Malhuret à formuler son message final : « J’ai un message pour mes amis américains. Il faut que tous les défenseurs des libertés redoublent d’efforts. (…) Qu’ils convainquent enfin tous les Américains de se battre pour les valeurs qui ont fait de leur nation la plus libre, la plus riche et la plus puissante du monde. ». En anglais, cela donne ceci : « Every defender of liberty must step up their fight. (…) They must convince their fellow Americans to restore the values that made their nation the freest, richest, and most powerful in the world. ».
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Claude Malhuret n'a pas fait de message pour les 200 jours, ni ne le fera pour les 300 jours, etc. Mais il refera sans doute régulièrement le point sur la Présidence Trump. Parce qu'elle est atypique, parce qu'elle détruit tout ce qui a été bâti en plusieurs siècles d'État de droit et de relations internationales, le sénateur centriste veut croire que les Américains restent attachés à cette Amérique profonde, cette Amérique éternelle, phare du monde libre et référence pour les libertés, et qu'ils vont se ressaisir aux prochaines élections.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (23 août 2025)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Claude Malhuret et les Cent-Jours de Trump.
Déclaration de Claude Malhuret le 30 avril 2025 au Sénat (vidéo et texte intégral).
Claude Malhuret s'en prend à Néron et à son bouffon !
Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
Ukraine : Claude Malhuret se gausse de Jordan Selfie !
Claude Malhuret sur l'inscription de l'IVG dans la Constitution le 4 mars 2024 à Versailles.
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L'Iran et les femmes : Claude Malhuret contre la mollarchie.
Passe vaccinal : Claude Malhuret charge lourdement les antivax.
Covid-19 : les trois inepties du docteur Claude Malhuret.
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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250808-malhuret.html
https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/claude-malhuret-et-les-cent-jours-260803
http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/03/article-sr-20250808-malhuret.html
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