John Clarke, Michel Devoret et John H. Martinis ont reçu le Prix Nobel de Physique 2025 « pour la découverte de l'effet tunnel quantique macroscopique et de la quantification de l'énergie dans un circuit électrique ».
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Ce mardi 7 octobre 2025, comme chaque année, a été annoncée par l'Académie royale des sciences de Suède à Stockholm l'attribution du Prix Nobel de Physique. Je sais que la science ne peut être qu'internationale, les équipes de recherche sont en coopération permanente et directe partout dans le monde, mais pour autant, je ne peux m'empêcher d'être une fois encore fier d'être Français et fier de la recherche française en physique de très haut niveau. Parmi les trois lauréats se trouve un chercheur français, Michel Devoret, et il ne faut pas oublier que depuis 2022, nous avons déjà eu, nous la France, quatre physiciens français récompensés par le Prix Nobel de Physique : Alain Aspect (2022), Pierre Agostini (2023), Anne L'Huillier (2023) et Michel Devoret (2025). En moyenne, un Nobel de Physique attribué à la France par an depuis le début du second quinquennat d'Emmanuel Macron !
Trêve de cocorico et revenons à qui et à pour quoi.
Trois chercheurs ont été donc récompensés. L'Académie royale a l'habitude de prendre l'ordre des âges décroissants, mais je commencerai par le Français Michel Devoret, qui a 72 ans.
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Il a fait Sup Télécom en 1975, puis un DEA d'optique quantique à l'Université Paris-Orsay et un doctorat en physique atomique et moléculaire au CNRS, dans le laboratoire de photophysique moléculaire. Il a poursuivi avec un doctorat d'État (l'équivalent de l'habilitation à diriger des recherches) sur les transitions de phase de l'hydrogène solide au CEA de Saclay.
Au cours d'un passage postdoctoral à l'Université de Californie à Berkeley entre 1982 et 1984, Michel Devoret a travaillé au laboratoire de John Clarke pour mesurer des effets quantiques macroscopiques d'une jonction Josephson, avec également John Martinis, à l'époque doctorant. C'est sur ces recherches que ces trois chercheurs ont obtenu le Prix Nobel de Physique 2025 (c'est-à-dire quarante ans plus tard !). J'y reviens après les rapides biographies.
De retour en France, Michel Devoret a créé un groupe de Quantronique au CEA de Saclay, chargé d'étudier la physique mésoscopique et les circuits électriques quantiques, aboutissant à l'invention de la pompe à électrons et d'un bit quantique (appelé quantronium).
Après un passage aux Pays-Bas en 1996, il est nommé professeur de physique appliquée à la prestigieuse Université Yale de 2002 à 2024 où il travaillait également sur des nanotechnologies. Dans ce laboratoire qu'il a dirigé, il a conçu les premiers circuits quantiques supraconducteurs, bases de l'information quantique. Il a aussi beaucoup réfléchi sur les fondements de la physique quantique.
Membre de l'Académie française des sciences et de l'Académie américaine des arts et des sciences, Michel Devoret, qui a été professeur au Collège de France, à Paris, de 2007 à 2012 à la chaire de physique mésoscopique, a été également professeur à l'Université de Californie à Santa Barbara, à l'Institut de physique. Il est également un directeur scientifique du laboratoire de Google et de la NASA chargé de concevoir un ordinateur quantique, son job étant sur les matériaux supraconducteurs.
Les deux autres chercheurs récompensés sont le Britannique John Clarke et l'Américain John Martinis.
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Après un doctorat de physique à la prestigieuse Université de Cambridge, John Clarke, 83 ans, a beaucoup travaillé sur la supraconductivité et l'électronique supraconductrice. Il a en particulier développé des SQUID (dispositifs supraconducteurs d'interférence quantique) capables de détecter des flux magnétiques très faibles. Il est professeur de physique expérimentale à l'Université de Californie à Berkeley et membre de la Royal Society (élu en 1986).
John Martinis, 67 ans, a été le doctorant de John Clarke (cela veut dire que ce dernier était son directeur de thèse) dans les années 1980 à Berkeley où il a travaillé avec Michel Devoret (post-doc). Il a aussi travaillé au CEA de Saclay puis au NIST (National Institute of Standards and Technology), et est professeur à l'Université de Californie à Santa Barbara.
Pour quoi ont-ils été récompensés ? Pour leurs travaux pendant les années 1980 sur l'effet tunnel macroscopique et la quantification de l'énergie dans un circuit électrique.
C'est un domaine passionnant car la physique quantique est l'ensemble des lois qui gouvernent l'infiniment petit, à l'échelle des particules. Mais on peut aussi obtenir des effets quantiques à l'échelle macroscopique.
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Le plus impressionnant est l'effet tunnel, comme expliqué sur ce schéma du Comité Nobel : normalement, une balle rebondit contre un mur ; l'effet quantique veut qu'une balle puisse traverser le mur.
Parmi les autres travaux, il y a la compréhension des supraconducteurs.
Dans un matériau ordinaire, les électrons sont libres de circuler dans le volume, avec une certaine résistance. Dans certains matériaux à certaines températures (en dessous de la température de Curie), les électrons peuvent circuler plus plus rapidement et sans résistance, liés par paires dites paires de Cooper. Ces matériaux sont alors supraconducteurs. Normalement, les électrons sont "individuels" et ne peuvent être au même endroit avec les mêmes propriétés. Dans un supraconducteur, les électrons se mettent en paires (de Cooper) et les deux électrons peuvent être de mêmes propriétés. La paire a donc une seule fonction d'onde dans le système quantique qu'elle constitue.
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En reliant deux supraconducteurs par une fine barrière isolante, on réalise une jonction Josephson qui a trouvé de nombreuses applications, en particulier la mesure précise des constantes physiques fondamentales et la mesure des champs magnétiques. Elle permet aussi de créer des outils pour explorer les aspects fondamentaux de la physique quantique, en particulier l'effet tunnel macroscopique à une jonction Josephson. C'est ce qu'ont réussi à démontrer l'équipe des trois chercheurs récompensés en concevant leur dispositif expérimental avec rigueur et finesse pour éviter toutes les interférences qui pollueraient les mesures.
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Le Comité Nobel a évoqué, parmi les applications de ces recherches, la cryptographie quantique, les ordinateurs quantiques et les capteurs quantiques.
Comme on le voit, ces dernières années, de nombreux chercheurs en physique quantique ont été récompensés par un Prix Nobel de Physique (ou de Chimie). C'est le signe aussi que la physique quantique a quitté le stade purement théorique pour investir le champ expérimental des applications, et en particulier des applications macroscopiques. Inutile de préciser que cela participe aux technologies qui seront développées dans un avenir plus ou moins proche.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (07 octobre 2025)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Michel Devoret.
Prix Nobel de Physique 2025 pour la physique quantique à l'échelle macroscopique (+ encore cocorico !).
L'intelligence artificielle récompensée par les Nobel 2024 de Physique et de Chimie.
Prix Nobel de Chimie 2023 : la boîte quantique ...et encore la France !
Katalin Kariko et Drew Weissman Prix Nobel de Médecine 2023 : le vaccin à ARN messager récompensé !
Prix Nobel de Physique 2023 : les lasers ultrarapides, la physique attoseconde... et la France
Le plan quantique en France.
En France, record mondial pour la fusion nucléaire !
Alain Aspect.
Benoît Mandelbrot.
Hubert Curien.
Peter Higgs.
Georges Charpak.
Robert Tournier.
Frank Drake.
Roland Omnès.
Marie Curie.
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20251007-nobel-quantique.html
https://www.agoravox.fr/actualites/technologies/article/prix-nobel-de-physique-2025-pour-263700
http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/10/07/article-sr-20251007-nobel-quantique.html
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