« Quand elle est morte, Margaret Thatcher a laissé aux Britanniques le sentiment d'une femme particulièrement clivante, très violente socialement, laissant des grévistes de la faim aller jusqu'au bout de leur cursus fatal, sans changer d'un iota sa détermination, mais aussi d'une véritable femme d'État (…), quelqu'un qui a saisi l'intérêt général et qui l'a servi avec une détermination de fer. Probablement qu'Emmanuel Macron serait flatté d'être comparé à cette première Dame de Downing Street. » (8 avril 2023).
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La femme d'État britannique Margaret Thatcher est née il y a exactement 100 ans, le 13 octobre 1925 (elle est morte il y a douze ans, le 8 avril 2013). Elle a considérablement marqué l'histoire politique de son pays, le Royaume-Uni, par une politique volontariste et courageuse, n'hésitant pas à braver une forte impopularité qui ne l'a pas empêché de gagner trois fois de suite les élections.
Députée d'octobre 1959 (elle avait 34 ans) à avril 1992, Ministre de l'Éducation et des Sciences du 20 juin 1970 au 4 mars 1974, dans le gouvernement d'Edward Heath, chef du parti conservateur du 11 février 1975 au 28 novembre 1990 (d'abord dans l'opposition), Margaret Thatcher est entrée dans l'historie en étant la première femme Première Ministre des Britanniques du 4 mai 1979 au 28 novembre 1990. Victime d'une révolution de palais interne au parti conservateur, par la fronde du pro-européen Michael Heseltine, Ministre de la Défense, elle a réussi à la contrecarrer au prix de se démission et du soutien à son dauphin John Major. Elle s'est retirée ensuite à la Chambre des lords après la fin de son mandat parlementaire, nommée par la reine Élisabeth II le 30 juin 1992.
Margaret Thatcher était très connue de ses homologues européens pour sa dureté dans les négociations financières nocturnes, avec son célèbre : « I want my money back ! » [Je veux retrouver mon argent !], sans pour autant n'avoir jamais pensé à proposer le Brexit (qui est désormais regretté par les Britanniques aujourd'hui), mais c'était une époque où l'Europe était moins "intégrée" (celle d'avant le Traité de Maastricht).
Femme de caractère, elle n'a jamais vraiment utilisé sa féminité, ni a été vraiment victime de celle-ci dans sa vie politique et a participé (avec d'autres, comme Indira Gandhi, Golda Meir, Benazir Bhutto, etc.) à l'idée qu'une femme pouvait être un homme politique, et même un homme d'État, comme un autre !
Ce qui a marqué le Royaume-Uni, mise à part sa longévité de onze ans et demi, ce qui est remarquable même si la Grande-Bretagne est réputée pour sa stabilité politique, c'est sa politique volontariste en faveur de l'économie britannique. Le Royaume-Uni, dirigé par les travaillistes durant les années 1970 (à l'époque des crises pétrolières), a vu sa croissance économique s'effondrer pendant cette période. Margaret Thatcher a initié un mouvement politique de fond de désengagement de l'État, également repris quelques mois plus tard par le Président américain Ronald Reagan, qui a abouti à mettre en avant le libéralisme économique à un moment où les économies planifiées des pays sous influence soviétique étaient moribondes.
Sur le plan intérieur, ce vent de libéralisme a eu plusieurs conséquences au Royaume-Uni. Politiquement, le courage de Margaret Thatcher à ne pas céder ni aux grévistes ni aux indépendantistes irlandais (ce qui a fait des dégâts humains) a été récompensé électoralement malgré parfois une forte impopularité (parce que son message était clair). Économiquement, le Royaume-Uni est redevenu une puissance économique leader, principalement par les nouvelles technologies et les activités financières de la City de Londres.
J'avais, il y a deux ans, en avril 2023, évoqué ce courage politique et imaginé une certaine comparaison avec Emmanuel Macron à l'époque de la réforme des retraites. On croit que cette période est très ancienne, tant la vie politique française bouge à une vitesse folle ; cette accélération n'est d'ailleurs pas sans rapport avec le changement des modes de vie, les réseaux sociaux, les immédiatetés qu'imposent les chaînes d'information continue, etc. Je me suis permis de citer mon article en tête de cet article car c'était significatif.
Et j'avais proposé cette citation très typique de la Dame de fer (mais aussi, finalement, de tous ceux qui ont eu à exercer le pouvoir dans les temps modernes) : « Si votre seul objectif est d'être aimé, vous serez prêt à tous les compromis à chaque instant et vous n'arriverez à rien. ».
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Et, nous nous entrechoquons avec la réalité politique du moment en France. Margaret Thatcher refusait tout compromis politique : ou ça passe, ou ça casse, mais il n'y a pas de demi-mesures, ne serait-ce que parce qu'elles ne seraient jamais efficaces. Trop ou pas assez.
Mon esprit alors se trouble : en France, qui n'est pas, comme au Royaume-Uni, au contraire de l'Allemagne et de l'Italie, un pays à la culture du compromis, nous mettons, du moins, le "nous" est à préciser, la plus grande partie de la classe politique, le compromis comme le seul moyen, aujourd'hui, de s'en sortir. Sébastien Lecornu veut être le Premier Ministre du compromis, ce qu'avaient voulu être sans l'avoir été ses deux prédécesseurs Michel Barnier et François Bayrou.
Alors, certes, la situation parlementaire de la France de 2025 est très différente de celle de Margaret Thatcher. Elle bénéficiait, tout au long de son mandat, de confortables majorités absolues aux Communes, et il est probable (et même certain) que cela restera toujours ainsi au Royaume-Uni parce que les députés sont élus au très brutal scrutin majoritaire uninominal à un tour qui fait que le candidat arrivé en tête dès le premier tour, même s'il ne recueille pas 50%, est élu.
On aurait pu imaginer aussi cette certitude pour la France avec son scrutin majoritaire à deux tours (sauf en 1986), reproduisant le scrutin présidentiel (avec la différence de taille que plus de deux candidats peuvent se retrouver au second tour, avec des éventuelles triangulaires voire quadrangulaires), mais la réalité historique est qu'il n'y a pas eu de majorité absolue ni en novembre 1958 (les premières élections), ni en juin 1988, ni en juin 2022, ni en juillet 2024.
Ce n'est pas anodin que Michel Debré, le Père de la Constitution, avait réclamé le scrutin britannique en été 1958, mais De Gaulle le trouvait trop brutal et voulait un second tour dans la tradition de la Troisième République (qui a connu toutes les sortes de scrutin). Pour se donner un moyen de comparaison, si ce scrutin britannique avait été adopté en juin 2024, le Rassemblement national aurait obtenu une très large majorité absolue (gagnant toutes les circonscriptions dans lesquelles ses candidats étaient en tête).
La différence entre 2024 et les précédentes législatures sans majorité absolue, c'est que l'hémicycle est éclatée non pas en deux blocs avec quelques indécis, mais en trois blocs, dont les deux blocs extrêmes ne veulent évidemment pas gouverner ensemble mais sont prêts à s'entendre pour renverser les gouvernements qui tenteraient de se présenter. Et cette situation est loin d'être un épiphénomène si l'on en croit les sondages qui renouvellerait, avec quelques différences dans l'ordre d'importance, l'éclatement en trois blocs et l'impossibilité d'obtenir une majorité.
Cette situation est durable, ne provient ni des institutions, ni du mode de scrutin, ni même de la médiocrité de la classe politique actuelle (probablement réelle), mais tout simplement de l'éclatement des électorats populaires et de l'existence de plusieurs France politiques inconciliables (j'insiste sur le "politique" accolé à la France, car nous pouvons retrouver l'unicité de la France lors d'événements nationaux majeurs, quand il y a des attentats, mais aussi quand il y a des jeux olympiques ou d'autres victoires sportives, par exemple).
Le flou inquiète en politique. C'est tout le problème de Sébastien Lecornu qui veut trouver un compromis, mais qui, se rapprochant du PS, ne veut pas pour autant se séparer de LR. Est-ce une erreur ? Non, c'est juste un regard lucide sur la situation parlementaire actuelle, et ce sera valable à court terme pour tous ceux qui auront le pouvoir en France dans les prochaines années. On ne peut plus se payer le luxe de ne pas faire de compromis, comme Margaret Thatcher. Et pourtant, on sait bien que le compromis n'est jamais efficace car il va dans certaines directions trop mollement pour être rentables, tout en n'allant pas dans d'autres directions qui auraient pu être prometteuses.
Si Margaret Thatcher a pu affronter avec courage une "opinion publique" majoritairement contre sa politique, et persévérer dans ce qu'elle a cru être l'intérêt national de son pays, elle avait au moins son "opinion parlementaire" convaincue par elle. Ce qui n'est plus le cas de Sébastien Lecornu et d'Emmanuel Macron. Il faut maintenant une volonté de velours au lieu d'une volonté de fer.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (11 octobre 2025)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Margaret Thatcher et le courage en politique.
Un train peut en cacher un autre.
Le fantôme de Margaret Thatcher.
Prix Nobel de Physique 2025 pour la physique quantique à l'échelle macroscopique.
L'intelligence artificielle récompensée par les Nobel 2024 de Physique et de Chimie.
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Discours de Tony Blair à l'Assemblée Nationale le 24 mars 1998 à Paris (texte intégral et vidéo).
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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20251013-thatcher.html
https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/margaret-thatcher-et-le-courage-en-263768
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