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15 octobre 2025 3 15 /10 /octobre /2025 04:33

« Le gouvernement de la République assure la continuité de l’action de l’État et porte ses propres convictions, dans le respect de la diversité de ses membres, mais il doit incarner l’ouverture au débat et aux compromis. (…) Ce que je vous propose, c’est de trouver un chemin commun, malgré les divergences. Le gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez. » (Sébastien Lecornu, le 14 octobre 2025 dans l'hémicycle).



 


Le Premier Ministre Sébastien Lecornu a prononcé ce mardi 14 octobre 2025 à 15 heures son importante déclaration de politique générale à l'Assemblée Nationale (on peut la lire ou la revoir ici). Une déclaration étrangement "courte" (31 minutes), qu'il a reconnue comme atypique : « Je sais, je n’ai pas obéi à l’exercice de style habituel d’une déclaration de politique générale en recensant chaque domaine d’intervention de l’État, en citant chacune des préoccupations de nos concitoyens dans leur travail, pour leur famille, leur village ou leur ville. Que personne ne se sente oublié : je pense sinon à tout, je n’en ai pas la prétention, en tout cas à toutes et à tous. Cela est facile : il me suffit de me sentir utile à mon pays. ».

Et encore : « Je ne vous ai pas fait un discours de politique générale convenu. Je reviendrai ici pour expliquer la politique que le gouvernement entend mener sur les sujets fondamentaux. Je me suis engagé à revenir pour expliquer le budget, parce qu’il traduit une politique pour la France, mais je reviendrai aussi pour aborder les questions de sécurité, d’immigration, d’énergie, de transition écologique, d’éducation et du numérique : sur tout cela, nous ferons des propositions, nous débattrons et à la fin vous voterez. ».


Quelques heures avant cet événement politique, l'éditorialiste politique Patrick Cohen s'interrogeait encore sur France Inter : « Beaucoup va se jouer après 15 heures sur les lèvres du Premier Ministre. Sébastien Lecornu dira-t-il le code qu’il lui faut prononcer pour que la trappe à caïmans ne s’ouvre pas sous ses pieds ? Il connaît le mot magique, comme on dit aux enfants, celui que le PS attend de lui : "suspension immédiate et complète de la réforme". Rien de moins. Qu’il le concède ou qu’il le refuse, dans les deux cas, la secousse politique sera forte. ».

La réponse, c'est que Sébastien Lecornu, avec sa manière simple et authentique, a défriché le chemin qu'il devait éclaircir pour cette déclaration de politique générale. À proprement dit, le gouvernement Lecornu II ne risquait rien cette journée du 14 octobre, mais seulement le surlendemain matin, le jeudi 16 octobre 2025, date de l'examen des deux motions de censure déposées lundi par le groupe FI et le groupe RN.

Il y a de sérieuses raisons de penser que les socialistes ne voteront pas la censure jeudi. Tout simplement parce que le Premier Ministre a prononcé les trois formules magiques. Magiques pour le PS, bien sûr.

 


Première formule magique, il n'y aura pas d'article 49 alinéa 3 de la Constitution pour le vote du budget, ce qui promet des débats parlementaires ardus dans une Assemblée éclatée : « Dans une Assemblée divisée, un gouvernement, même en s’appuyant sur la majorité la plus relative, ne peut agir dans la durée sans tenir compte des oppositions. Ce n’est pas possible, ce n’est plus possible et, surtout, ce n’est pas souhaitable. J’ai renoncé à utiliser l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. C’est la garantie pour l’Assemblée Nationale que le débat, notamment budgétaire, mais pas seulement, dans tous les domaines, vivra et ira jusqu’au bout, jusqu’au vote. Cette décision est forte de changements radicaux. ».
 


Deuxième formule magique, la taxation des grandes fortunes : « La fiscalité des très grandes fortunes, parmi nos compatriotes, a pu interpeller un certain nombre d’entre vous. Là aussi, il faut reconnaître qu’il peut y avoir des anomalies. Nous croyons que réussir par son travail est une bonne chose, nous voulons une société où il est bon de travailler, de réussir et d’innover. Nous voulons aussi être vigilants au consentement à l’impôt. Encadrer l’optimisation fiscale, en particulier celle qui passe par les holdings, est une première réponse. Nous demanderons à créer une contribution exceptionnelle des grandes fortunes que nous proposons d’affecter au financement des investissements du futur qui touchent à notre souveraineté, pour les infrastructures, la transition écologique ou la défense. Là encore, le débat parlementaire aura lieu. Il permettra à chacun de faire valoir ses arguments, en ne perdant jamais de vue que derrière la fiscalité se pose la question du consentement à l’impôt, de la confiance et de la justice. Le débat fiscal doit être aussi un débat sur l’emploi et la croissance, raison pour laquelle je ne suis pas favorable à ce que le patrimoine professionnel soit touché. Je ne détaillerai pas maintenant les mesures fiscales. J’ai ouvert le débat, sans tabou. Je vous exposerai moi-même, avec les ministres, les propositions que j’ai faites, les modifications que je soutiendrai et celles que je combattrai. Le gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez. Sans utilisation du 49 al.3, le gouvernement devra changer de méthode : il faudra des discussions préalables, des compromis, le souci du détail et ne jamais refuser la technicité, l’âpreté du débat. ».

Enfin, troisième formule magique, la plus importante, la suspension de la réforme des retraites jusqu'en janvier 2028 : « La maîtrise des comptes publics, la croissance, l’emploi, le renforcement de notre défense, la perspective de réformes utiles votées d’ici à 2027 reposent sur notre capacité collective à traduire en actes cette stabilité politique. La plus grande richesse du pays, c’est sa capacité collective à aller de l’avant. C’est pourquoi je proposerai au Parlement, dès cet automne, que nous suspendions jusqu’à l’élection présidentielle la réforme de 2023 sur les retraites. Aucun relèvement de l’âge n’interviendra à partir de maintenant jusqu’à janvier 2028, comme l’avait précisément demandé la CFDT. En complément, la durée d’assurance sera elle aussi suspendue et restera à 170 trimestres jusqu’à janvier 2028. ».
 


Cette annonce a été très largement applaudie surtout sur les bancs socialistes qui voient leur principale revendication se concrétiser. À cet instant, la non-censure de jeudi a été liée : le gouvernement a su trouver un compromis avec les socialistes et le RN et les insoumis ont perdu la bataille de la censure (à confirmer toutefois le jour du vote). C'est une petite victoire de Sébastien Lecornu, qui peut être de très courte durée, selon l'évolution du débat budgétaire qui s'annonce, comme je l'ai écrit, ardu, mais il peut sans doute envisager une durée de vie d'un peu plus grande que celle de Michel Barnier, jusqu'à la fin de l'année, voire, pourquoi pas ?, jusqu'à l'élection présidentielle au printemps 2027, puisque la suspension est pour les deux années.
 


Selon les données de Matignon, cette suspension a un coût budgétaire non négligeable et profitera plus à 3,5 millions de Français : en 2026, elle coûtera 400 millions d'euros et en 2027, elle coûtera 1,8 milliard d'euros. La condition de la suspension est la suivante : « Je veux être très clair : je n’endosserai pas n’importe quoi. (…) [La suspension] devra donc être compensée financièrement, y compris par des mesures d’économie. Elle ne pourra se faire au prix d’un déficit accru. J’ai pris des engagements, ceux que les oppositions demandaient. J’en prends un supplémentaire et il doit être entendu par chacun, y compris par nos prêteurs sur les marchés financiers : je n’endosserai pas un résultat qui mettrait en danger la crédibilité de notre pays, encore moins notre système de retraite tout entier. Je fais des pas en avant, à chacun, aussi, d’en faire. (…) Je le dis sans détour : suspendre, ce n’est pas renoncer, ce n’est pas reculer, si nous savons utiliser ce temps avec intelligence et avec la volonté d’avancer. La cohésion sociale, l’unité du pays et donc sa stabilité sont une force. La division, elle, a un coût. Chacun doit l’assumer. ».
 


Sébastien Lecornu a insisté sur l'importance de ce débat sur la suspension en proposant une grande conférence sociale, renforçant le "conclave" de François Bayrou : « Je le dis très directement : suspendre pour suspendre n’a aucun sens. La suspension en préalable de rien serait irresponsable. Cette suspension doit installer la confiance nécessaire pour bâtir de nouvelles solutions. La suspension pour faire mieux est la solution, si chaque acteur sait en tirer quelque chose. (…) L’Assemblée voulait que le gouvernement suspende la réforme en attendant un débat, une solution, un vote. Je le fais, ce qui permettra d’éclairer le débat lors de la future élection présidentielle. (…) Suspendre doit être une opportunité. Débattre de la question des retraites n’est pas seulement une équation financière. Cette question fait partie intégrante de notre contrat social et ce contrat a besoin, lui aussi, d’une refondation, d’innovations, de ruptures. Ce gouvernement est prêt à renforcer le paritarisme, à faire confiance à la démocratie sociale. Une fois encore, suspendre la réforme n’a de sens que si c’est pour aller plus loin. Je propose, dans les prochaines semaines, d’organiser une conférence sur les retraites et le travail, en accord avec les partenaires sociaux. Grâce à la suspension, cette conférence aura le temps de se prononcer avant l’élection présidentielle. Elle se posera la question de l’ensemble de la gestion de notre système de retraite. Certains veulent des systèmes par points, d’autres par capitalisation, d’autres veulent abandonner toute référence à l’âge. Ces propositions ne valent que si l’on sait qui est responsable. Aux partenaires sociaux de s’emparer ou non de cette responsabilité de gérer le régime. Ce serait revenir aux sources historiques de notre modèle de retraite, c’est d’ailleurs ce que font toujours nos voisins européens. Le gouvernement y est prêt. J’ai confiance dans la démocratie sociale, confiance dans la démocratie parlementaire. Si la conférence se conclut par un accord, le gouvernement le transposera dans la loi et le Parlement décidera. Sinon, il appartiendra aux candidats à l’élection présidentielle de faire leurs propositions et aux Français de les trancher. La conférence pourra rendre ses premières conclusions au printemps prochain. ».
 


Il est important de rappeler que la censure du gouvernement de Michel Barnier a coûté entre 10 et 15 milliards d'euros aux finances publiques, ce qui est beaucoup plus que les 2,2 milliards d'euros estimés pour cette suspension de la réforme des retraites. Il est à noter aussi que cette suspension ne se traduira pas au niveau parlementaire dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale mais dans un projet de loi spécifique que le gouvernement déposera dans quelques jours ou quelques semaines.

Comme l'avait déjà exprimé le chef du gouvernement, il a deux urgences : faire adopter le budget du pays avant la fin de l'année, mais aussi traduire dans la Constitution l'Accord de Bougival pour la Nouvelle-Calédonie : « Nous avons une urgence sensible : la réforme institutionnelle concernant la Nouvelle-Calédonie. La fin de l’accord de Nouméa a laissé un vide institutionnel qu’il faut combler pour permettre la paix sur le Caillou. L’Accord de Bougival permet une réconciliation. Il doit être transcrit dans la Constitution. Le gouvernement proposera ce texte avant la fin de l’année afin que les Calédoniens puissent être consultés au printemps 2026. C’est une urgence. ».

La réforme de l'État n'est pas non plus en reste : « Qu’attend-on de l’État ? C’est la question centrale. La police, la justice, la sécurité, la défense, les relations internationales : dans ces domaines, les budgets ont augmenté depuis 2017 et continueront d’augmenter. L’État s’est renforcé parce que ce sont des missions que lui seul peut exercer. Pour le reste, quel doit être le niveau de décision local ? Qui est responsable de quoi ? Je proposerai un principe simple, celui de l’identification d’un seul responsable par politique publique. Il s’agira soit d’un ministre, soit d’un préfet, soit d’un élu. Il ne faut pas décentraliser des compétences, mais décentraliser des responsabilités, avec des moyens budgétaires et fiscaux et des libertés, y compris normatives. C’est aussi une formidable occasion de repenser complètement notre planification écologique et énergétique. Nous ferons des propositions précises sur le sujet. Le gouvernement peut-il engager cette réforme dans les trois mois ? Vous vous dites que cela prendra du temps ? C’est précisément parce que cela prendra du temps qu’il faut engager cette réforme tout de suite. Sinon, elle sera reportée une fois de plus, et jusqu’à quand ? Au plus tôt dans deux ans, après l’élection présidentielle. Nous n’attendrons pas. Des majorités sur ce texte sont possibles dans les deux chambres. Le gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez. ».


À la fin de sa déclaration, Sébastien Lecornu s'est fait plaisir en fustigeant les oppositions populistes et en rappelant qui était l'anti-France : « Et je vous le dis avec toute ma conviction, avec tout ce que j’ai appris aussi au ministère des armées, les seuls qui se réjouiraient d’une crise, d’une panne budgétaire en France, ne sont pas les amis de la France. ».
 


La conclusion de ce discours pourrait être celle-ci : « À condition d’oser discuter, d’agir et d’avancer, tout cela nous pouvons le faire ensemble dans les mois qui viennent si nous mettons fin à cette crise. Désormais, cela dépend de vous. ».

Le débat parlementaire qui a suivi était sans grande surprise. Le parti socialiste a rappelé qu'il faisait partie de l'opposition et qu'il était opposé à plusieurs options du gouvernement, mais il ne le censurera pas a priori en raison de ces trois formules magiques citées plus haut. La France peut continuer à avancer, l'esprit de responsabilité anime encore certains parlementaires, c'est réjouissant.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (14 octobre 2025)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Première mission de Sébastien Lecornu remplie : le gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez !
Déclaration de politique générale du Premier Ministre Sébastien Lecornu le 14 octobre 2025 à l'Assemblée Nationale (texte intégral et vidéo).
L'humilité de Sébastien Lecornu II sera-t-elle efficace ?
Composition du Gouvernement Sébastien Lecornu II nommé le 12 octobre 2025.
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Le moine-soldat Sébastien Lecornu.
Un gouvernement de 14 heures...
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Interview du Premier Ministre François Bayrou le 7 septembre 2025 pour Brut (vidéo).
Interview du Premier Ministre François Bayrou le 5 septembre 2025 sur RTL (texte intégral et vidéo).
Interview du Premier Ministre François Bayrou le 4 septembre 2025 dans le journal de 20 heures sur France 2 (texte intégral et vidéo).
Interview du Premier Ministre François Bayrou le 3 septembre 2025 dans "Paris Match" (texte intégral).

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François Bayrou, le début du commencement.
La quadrature du cercle de Michel Barnier.


 





https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20251014-lecornu.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/premiere-mission-de-sebastien-263847

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/10/14/article-sr-20251014-lecornu.html



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