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20 octobre 2025 1 20 /10 /octobre /2025 04:44

« Je me demande si l'on n'en a pas trop fait pour les obsèques de François Mitterrand. Je ne me souviens pas qu'on en ait fait autant pour Giscard. »



 


Ci-dessus, c'est un petit échantillon d'un humour décapant. Cela prend moins bien aujourd'hui, mais la phrase a été prononcée en 1996, à l'époque où le Président Valéry Giscard d'Estaing, fondateur de l'UDF, parti auquel son auteur appartenait, remuait toujours (était bien vivant). Bien vivant, bon vivant, c'est sans doute ce qui caractérise ce faux rond de toujours maire centriste d'Issy-les-Moulineaux André Santini qui fête son 85e anniversaire ce lundi 20 octobre 2025.

Cette petite phrase lui a valu le Prix de l'humour politique, auquel il concourt régulièrement, tant ses petites phrases font les délices de ses amis parlementaires. Un humoriste. André Santini, c'est Edgar Faure, Bernard Blier et Jean Lecanuet (pour les mandats) réunis dans le même corps. C'est lui qui disait d'ailleurs que pour faire de la politique, pour rassurer les électeurs, pour avoir l'autorité sur l'administration, il fallait être soit grand soit gros. Lui a choisi assez tôt !

Sa réputation de personnalité drôle n'est plus à refaire. Savourez ces autres échantillons. 1989 : « Saint Louis rendait la justice sous un chêne. Pierre Arpaillange la rend comme un gland ! » [Pierre Arpaillange était Ministre de la Justice]. 1990 : «  Mgr Decourtray n'a rien compris au préservatif. La preuve, il le met à l'index ! ».1996 : « Alain Juppé voulait un gouvernement ramassé, il n'est pas loin de l'avoir. ».

À lui tout seul, il est un monument de la politique française, et à l'époque des mandats furtifs, il est parmi les rares à rester ce qu'étaient généralement les vieux dinosaures d'un ancien monde, à l'époque très ordinaires, mandats longs et cumuls : « Un certain cumul est plus une force qu'une faiblesse ! », disait-il au quotidien "Le Figaro" le 26 juillet 2010.


On considère généralement qu'André Santini est un homme de droite, mais c'est une erreur. À l'origine, il était membre du petit parti politique PSD, le parti social-démocrate, dont il était le secrétaire général de 1985 à 1995. Qu'était ce parti ? Je ne vais pas en faire dix tonnes, il a été créé en décembre 1973 par Max Lejeune, un ancien de la Quatrième République, en scission du parti socialiste en 1972, c'étaient les socialistes qui ont refusé l'union de la gauche et son programme commun, principalement par anticommunisme. Petit à petit, le PSD s'est rapproché du centre, a intégré la confédération centriste qu'était l'UDF puis, le 25 novembre 1995, a fusionné dans Force démocrate, nouveau nom du Centre des démocrates sociaux, le parti de François Bayrou qui a repris quasiment l'ensemble de l'UDF en 1998 sous l'appellation de Nouvelle UDF (devenue MoDem en 2007). Se positionnant au centre droit, il a soutenu Nicolas Sarkozy à l'élection présidentielle dès février 2007, est devenu membre du Nouveau Centre en 2007 puis de l'UDI à partir de 2012. Il a d'ailleurs été l'imposant président de la fédération régionale d'Île-de-France de l'UDF de 2003 à 2007, puis président délégué du Nouveau Centre.

S'il fallait résumer en un seul mandat André Santini, il dirait sans aucun doute maire d'Issy-les-Moulineaux, l'une des villes les plus peuplées de la région parisienne, qu'il dirige d'une main de maître depuis février 1980 (plus de quarante-cinq ans !). Il l'a modernisée, embellie, choyée. Auparavant, il était adjoint à Issy de mars 1977 à février 1980, et encore auparavant, premier adjoint au maire de Courbevoie de mars 1971 à mars 1977. Sa réélection en mars 2020 à l'âge de 79 ans pour un huitième mandat a été faite dès le premier tour avec 60,3% des voix dans une union entre Les Républicains, l'UDI (son parti) et LREM (futur parti Renaissance).

André Santini est entré au gouvernement relativement jeune (à 45 ans), le premier gouvernement de cohabitation dirigé par le maire de Paris Jacques Chirac. Il était Secrétaire d'État aux Rapatriés du 20 mars 1986 au 29 septembre 1987, puis, à la suite de la démission de Philippe de Villiers, Ministre délégué auprès de François Léotard chargé de la Communication du 29 septembre 1987 au 10 mai 1988. Il a retrouvé un portefeuille dans le gouvernement de François Fillon, comme Secrétaire d'État chargé de la Fonction publique du 19 juin 2007 au 23 juin 2009, probablement son cadeau pour avoir soutenu Nicolas Sarkozy dès le premier tour en 2007 (au lieu de François Bayrou, président de l'UDF).

Par ailleurs, il a eu de nombreux autres mandats, notamment à l'échelle nationale, député des Hauts-de-Seine de juin 1988 à avril 2001 (il a démissionné pour des questions de cumul des mandats, à cause du conseil général), et de juin 2002 à juin 2017 (sauf lorsqu'il était ministre). Il a notamment été président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée Nationale d'avril 1993 à avril 1994 et vice-président de l'Assemblée Nationale de juin 1997 à septembre 1998. Pour la petite histoire, son suppléant en 2007 était le sarkozyste Frédéric Lefebvre et son successeur dans sa circonscription est Gabriel Attal depuis 2017 (élu en battant le candidat UDI soutenu par André Santini, dont il était le candidat suppléant).

 


Et aussi à l'échelle locale, premier vice-président du conseil général des Hauts-de-Seine de mars 2011 à juillet 2002 sous la présidence de Charles Pasqua (il a redémissionné pour retrouver son mandat de député), président de la communauté d'agglomération Arc de Seine de 2004 à 2010 et vice-président de la métropole du Grand Paris chargé de la stratégie économique depuis janvier 2016... et plein d'autres fonctions comme l'indéboulonnable présidence du Syndicat des Eaux d'Île-de-France (SEDIF) depuis le 20 mai 1983 (quarante-deux ans !), c'est probablement l'une des fonctions annexes qui importent le plus à André Santini dont le maintien à la présidence n'a jamais été acquis car il avait de solides adversaires politiques, et présidence du conseil de surveillance de la Société du Grand Paris du 21 juillet 2010 au 10 juillet 2015.

Je me suis engagé dans sa campagne régionale en mars 2004. Il voulait être président du conseil régional d'Île-de-France avec l'étiquette de l'UDF, et n'a pas hésité à braver les listes UMP menées par le cacique Jean-François Copé, dans l'optique de battre le président socialiste sortant Jean-Paul Huchon. Les listes Santini ne sont arrivées qu'en troisième place avec 16,1% (ce qui était très honorable) derrière le PS (31,9%) et l'UMP (24,8%), mais devant les listes FN menées par Marine Le Pen (12,3%).


C'est un maire très exigeant et il est capable de piquer des colères contre le retard en séance d'un jeune conseiller municipal, à l'instar d'un prof... qu'il est ! Car André Santini, dans la "vie civile", est un docteur en droit. Il a pondu en 1985 une thèse de plus de 1 000 pages sur "Le régime fiscal des sociétés étrangères en droit comparé", ce qui l'a conduit à avoir une carrière universitaire ; auteur d'une quinzaine d'essais, il est maître de conférences. Il est aussi diplômé de l'IEP Paris (Science Po), des Langues O (Inalco), pour le japonais, et de l'Institut des hautes études internationales (il a aussi été membre de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée Nationale).

J'ai eu la chance de le rencontrer de nombreuses fois au sein de Force démocrate et de l'UDF pour des rencontres nationales (congrès, etc.) ou locales. À l'évidence, on ne s'ennuie jamais à son contact, il a une capacité à formuler les choses avec humour, autodérision et de manière très juste et synthétique. L'art de la formule est l'un de ses meilleurs talents. Il n'est pas donné à tout le monde.

Je propose deux exemples d'histoires qu'il a racontées et qui étaient très intéressantes.

La première, comme maire d'Issy-les-Moulineaux. Comme tous les grands maires qui veulent durer, il dorlote ses habitants, parfois, cela peut être dangereux. Ainsi, lors d'un événement public à Issy, André Santini s'est fait apostropher très vertement par un habitant, mais il n'a pas compris pourquoi. Il a demandé à un proche d'aller chercher à comprendre ce qui s'était passé. La raison était amusante : la mairie offre un petit lot de bienvenue à chaque naissance, un paquet rose ou un paquet bleu selon le sexe de l'enfant (André Santini est de la vieille école). C'est très sympathique pour les parents et c'est une manière de fêter le nouvel habitant (et pour André Santini, cela peut fidéliser le futur nouvel électeur, car lorsqu'on reste en mairie quarante-cinq ans, dix-huit ans est finalement une période assez courte !). Le problème, c'est que ce cadeau avait été adressé à la famille officielle alors que l'enfant en question était né d'une liaison extraconjugale, ce qui a révélé une liaison inappropriée et cassé un foyer.

L'autre histoire, elle est plus grave et je la date d'autour de 1996-1997. Devant une cinquantaine de personnes de son parti, lors d'un dîner-débat, André Santini tenait une conférence, parlait à bâtons rompus, comme dans un one-man-show, et il en est venu à un sujet très sérieux. Il est né à Paris mais ses origines sont corses, comme son nom, et il a bien sûr des "réseaux corses" qui lui permettaient de bien comprendre ce qui se passait en Corse depuis plusieurs décennies. Et il expliquait, même, il mettait en garde le gouvernement sur le fait que, d'après tout ce qu'il a entendu, il était hélas probable qu'il allait y avoir un fait d'une extrême gravité, un attentat ou un action violente d'une extrême gravité. Il ne menaçait pas, bien sûr, mais il s'inquiétait de ce qu'il entendait depuis la Corse. Ses analyses politiques ont souvent été justes et, hélas, celles pour la Corse aussi puisque le 6 février 1998, le préfet de région Claude Érignac (que j'ai connu à Nancy lorsqu'il était préfet de Meurthe-et-Moselle) a été (sauvagement) assassiné... (il n'imaginait pas que cela serait allé jusqu'à l'assassinat d'un préfet, ce qui est très rare).

Avec André Santini, on ne rigole donc pas toujours. Mais on ne s'ennuie jamais. Bon anniversaire à lui !



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (18 octobre 2025)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
André Santini.
Daniel Hoeffel.
Olivier Stirn.
Claude Malhuret.
Didier Borotra.
François Bayrou.
Jean-François Kahn.
Laurence Vichnievsky.
Monique Pelletier.
Olivier Falorni.
Henri Grouès.
Anne-Marie Comparini.
Marielle de Sarnez.

 


 




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20251020-andre-santini.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/andre-santini-le-grand-seigneur-263515

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/10/20/article-sr-20251020-andre-santini.html


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