Nicolas Sarkozy en prison ce mardi !

21 octobre 2025 2 21 /10 /octobre /2025 04:39

« Et s'ils veulent absolument que je dorme en prison, je dormirai en prison, mais la tête haute. Je suis innocent. Cette injustice est un scandale. Je ne m'excuserai pas de quelque chose que je n'ai pas fait. » (Nicolas Sarkozy, le 25 septembre 2025 à Paris).

La condamnation à de la prison ferme, la pose d'un bracelet électronique, et maintenant, l'incarcération. Tout laisse croire à une graduation progressive de la justice contre l'ancien Président de la République. Nicolas Sarkozy est attendu ce mardi 21 octobre 2025 à la prison de la Santé, à Paris, pour entamer sa peine de cinq ans de prison ferme prononcée en première instance le 25 septembre 2025. Il y a une semaine, le 13 octobre 2025, le juge lui a notifié la date et le lieu de sa détention. Il va avoir un nouvel appartement de fonction...

Quoi qu'on en pense de Nicolas Sarkozy, de ses idées politiques, de son bilan politique voire de sa personnalité, voir cet homme de 70 ans entrer dans une prison est un véritable choc. Un choc institutionnel : d'un côté, cette mesure si controversée peut remettre en cause la confiance qu'on peut avoir en la justice, une confiance indispensable pour le bon fonctionnement de la démocratie ; d'un autre côté, c'est tout l'édifice institutionnel qui devient instable lorsque l'un de ses premiers magistrats, garant de l'indépendance de la justice et plus généralement du bon fonctionnement des institutions, se retrouve dans les mêmes lieux que les pires criminels.

Il y a les déclarations, les décisions, les peines, c'est la théorie, on peut en discuter, ou pas, et puis, il y a l'application des peines, et là, on rentre dans la pratique, dans le dur, le très dur. Donc, naturellement, il paraît logique, humain, d'avoir de l'affection pour Nicolas Sarkozy à ce moment particulier de son existence. Même si la position souvent dure de l'ancien candidat, contre l'aménagement des peines, pour des peines planchers, pour la tolérance zéro, contre le laxisme judiciaire, se retourne ici immanquablement contre lui.

On peut comprendre humainement l'expression de cette affection. Le Président Emmanuel Macron a ainsi justifié la réception de son prédécesseur à l'Élysée vendredi 17 octobre 2025. L'actuel locataire de l'Élysée a toujours voulu montrer qu'il laissait la justice dans sa plus grande indépendance, au point d'agacer Nicolas Sarkozy lorsqu'il a été radié de l'Ordre de la Légion d'honneur, mais cela n'empêche pas une certain affliction pour son sort. De son côté, l'ancien Premier Ministre Édouard Balladur, à plus de 96 ans, est allé visiter son ancien porte-parole ce lundi 20 octobre 2025. Quant au garde des sceaux, Gérald Darmanin, qui n'a jamais caché sa proximité politique avec Nicolas Sarkozy, au risque d'être contesté, a annoncé qu'il rendrait visite à l'ancien chef de l'État dans sa prison.

Sur les raisons de son incarcération, il y a matière à scandales. Le premier scandale est l'application immédiate d'une peine prononcée en première instance alors qu'il a fait appel. On dit généralement que c'est le cas fréquent pour un délinquant. Sauf que Nicolas Sarkozy n'est pas un "délinquant" comme un autre. De plus, on met en prison (alors que les prisons sont sur-remplies : 85 000 détenus pour 62 000 places) lorsqu'il y a un risque de récidive ou un risque de fuite pour échapper à son sort judiciaire, deux hypothèses hautement improbables puisqu'il n'a aucune intention de solliciter à nouveau les électeurs (il est du reste inéligible, comme Marine Le Pen), et il est beaucoup trop connu pour pouvoir sombrer, entrer, dans la clandestinité !

Le second scandale est sur le fond. Certes, il faudrait se plonger dans les 380 pages du délibéré (qu'on peut télécharger et lire ici) pour comprendre avec précision le chemin subtil des juges pour condamner Nicolas Sarkozy, mais cela reste encore bien mystérieux : on n'a retrouvé aucune somme du supposé argent libyen pour la campagne présidentielle du futur Président en 2007, alors, très justement, on a éliminé les accusations de corruption passive, de détournement de fonds publics et d'enrichissement personnel.

Alors, que reste-t-il ? L'association de malfaiteurs, au concept très flou, qui semble dire : on n'a pas pu vous pincer avec le cœur du sujet (financement de la campagne par de l'argent libyen), alors, on vous prend au filet sur un sentiment général qu'il y a quelque chose de louche dans les nombreuses allées et venues de vos collaborateurs à Tripoli. L'avantage, comme pour le pacte de corruption (affaire Bismuth), c'est que l'intention suffit à condamner, même s'il n'y a rien au bout, aucun fait avéré. Je passe sur la peine très lourde, cinq ans, ferme, et à exécution provisoire malgré l'appel.

On peut vouloir respecter la justice et s'interroger sur ce harcèlement de la justice contre Nicolas Sarkozy, pour des affaires qui n'ont aucunes véritables preuves. Le pire, ce sont certains adversaires politiques de Nicolas Sarkozy, bien contents qu'il aille en prison (comme si c'était une revanche politique voire morale à leur défaite électorale de 2007), qui admettent volontiers que la justification est peu compréhensible, mais qui se disent : qu'importe la raison, il le méritait pour d'autres choses. Sauf que ces autres choses, convenez-en, auraient été également instruites et jugées, puisque les juges n'ont rien voulu lui laisser passer.

Ce que je constate surtout, c'est que Nicolas Sarkozy a passé toute son existence à se consacrer à la chose publique, dès l'âge de 16 ans. Il aurait pu être un avocat égoïste, s'enrichissant tranquillement sur les litiges de ses contemporains, avec une petite vie bourgeoise, ses vacances, ses loisirs, etc. sans s'intéresser à l'avenir du pays ni du monde. Au contraire, il a passé sa vie au service des gens, de la collectivité, du pays. Il y a trouvé matière à épanouissement, bien sûr, dont la soif du pouvoir est probablement le plus grand des moteurs, mais il ne faut jamais oublier qu'il a travaillé des journées entières sans relâche pendant des décennies, tandis que d'autres réclamaient plus de congés payés, une semaine de 35 heures, un avancement de l'âge de la retraite, etc. Ce serait somme toute une belle ingratitude que le pays réponde à cet investissement personnel par cinq ans de prison ferme (même s'il les méritait).

Nicolas Sarkozy va entrer en prison avec majesté. Il va se victimiser, comme il sait le faire. Alain Carignon avait fait de même en 1995, il y a trente ans. Faudra-t-il s'en émouvoir ? Ce qui est sûr, c'est qu'il existe des aménagements de peine pour les personnes de plus de 70 ans. Il fera une demande de liberté dès le premier jour de détention. Le fait de faire publiquement du jogging juste après sa condamnation est une sorte de pied de nez, encourageant les juges d'application des peines à ne pas le considérer comme affaibli et mourant.

Aujourd'hui, Nicolas Sarkozy veut lutter jusqu'au bout pour faire admettre son innocence. Il ne lui reste plus qu'une carte à jouer, celle de "l'opinion publique". Son risque, c'est qu'elle s'en moque, qu'elle soit indifférente. Sa force, c'est de considérer que la justice n'est plus impartiale. Et depuis la révélation du mur des c@ns, cela paraît malheureusement acquis...

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (20 octobre 2025)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Nicolas Sarkozy en prison ce mardi !
Document : texte du jugement du 25 septembre 2025 (à télécharger).
Nicolas Sarkozy bientôt en prison : choc septique pour nos institutions !
Financement libyen : Nicolas Sarkozy condamné à 5 ans de prison ferme avec mandat de dépôt à effet différé avec exécution provisoire.
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