« Intention de vote présidentielle : l’instabilité politique profite d’abord au RN, le camp présidentiel distancé. Si le 1er tour de l’élection présidentielle avait lieu dimanche prochain, le candidat du RN serait très largement en tête. » (Premier commentaire d'Elabe sur son sondage, le 1er novembre 2025).
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Je le fais assez rarement mais il m'a paru intéressant de regarder précisément quels sont les rapports de force entre les différentes forces politiques et surtout les différents candidats potentiels dans les intentions de vote envisagées en cas d'élection présidentielle prochaine. Il est toujours utile de rappeler que les sondages sont ce qu'ils sont, à savoir une photographie indicative de l'état de "l'opinion" à un instant t, et pas une analyse prédictive. La réalité, c'est qu'aucun sondage ne s'est révélé prédictift, et pourtant, ils sont très importants car, malgré tout, ils déterminent l'offre électorale : ils ne peuvent pas dire quels candidats vont gagner, mais ils peuvent encourager ou décourager certaines personnalités à se présenter, à être candidates, et cela, c'est déterminant pour la suite.
Je propose d'analyser, avec les réserves exprimées précédemment, donc, le sondage publié le 1er novembre 2025 par Elabe pour BFMTV et "La Tribune Dimanche" (qu'on peut télécharger dans son intégralité ici). C'est un sondage d'intentions de vote pour le premier tour de la prochaine élection présidentielle avec cinq configurations de candidats. L'enquête a interrogé un échantillon de 1 501 personnes, représentatif de la population, du 30 au 31 octobre 2025.
D'une manière générale, les sondages se sont nettement trompés pour les deux dernières élections présidentielles, en 2017 et 2022, puisqu'ils affichaient souvent Marine Le Pen en tête et il n'en a rien été. Toutefois, pour 2027, la course en tête du RN se ferait avec de 15 à 20 points d'avance sur le candidat qui arriverait en deuxième position, ce qui devrait lui assurer la qualification au second tour avec une quasi-certitude.
Pour augmenter encore la prudence de mes propos, j'insiste non seulement sur le caractère photographique d'un tel sondage (les personnes interrogées peuvent changer d'avis) et aussi sur la marge d'erreur des résultats proposés. Ainsi, je propose ce petit tableau fourni par Elabe qui rappelle les marges d'erreur (assez importante si l'on veut comparer deux candidats). Par la suite, je n'indiquerai que le résultat acquis mais il faudra se souvenir de la marge d'erreur. Ainsi, lorsqu'un candidat A obtient 12% d'intentions de vote et un candidat B 15%, il faut comprendre que A aurait entre 10% et 14% et B aurait entre 12,8% et 17,2% : cela signifie que le sondage laisse entendre que le candidat A pourrait avoir quand même plus d'intentions de vote que le candidat B.
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L'idée d'Elabe a été de vouloir tester plusieurs candidatures pour la plupart des forces politiques, lorsque celles-ci ne sont pas évidentes. Les candidatures évidentes sont les suivantes : Nathalie Arthaud pour Lutte ouvrière, Jean-Luc Mélenchon pour les insoumis, Fabien Roussel pour les communistes, Marine Tondelier pour les écologistes, Nicolas Dupont-Aignan pour Debout la France et Dominique de Villepin.
Arrêtons-nous un moment sur ces candidatures évidentes. Celle de Jean-Luc Mélenchon est ultra-évidente. Il en meurt d'envie malgré ses presque 76 ans qu'il aura à la date de l'élection, et il y a peu de raisons qui l'en dissuaderaient (même s'il était en baisse dans les sondages). Celle de Nathalie Arthaud aussi paraît acquise. Refusant le front républicain, LO a toujours prôné l'autonomie électorale et, au contraire de son alter ego trotskiste, le NPA, a toujours refusé toute alliance.
En revanche, d'autres candidatures dites évidentes sont douteuses et très incertaines. Celles de Fabien Roussel et de Marine Tondelier paraissent peu crédibles même si pas impossibles, tandis que celle de Dominique de Villepin est une pure vue de l'esprit. Alors qu'il en avait l'âge et qu'il était encore un ancien Premier Ministre récent dans la mémoire collective, en 2012, il avait été incapable de recueillir les 500 parrainages nécessaires pour se présenter. Il n'y a aucune raison qu'il réussisse là où il avait échoué il y a quinze ans, d'autant plus qu'il est seul, sans parti politique, sans militants, sans trésor de guerre. Il n'a que son verbe (talentueux) et sa capacité à se produire dans les médias (récurrente), ce qui est très largement insuffisant pour aller jusqu'au bout d'une candidature. Le sondage Elabe l'a situé à environ 4% d'intentions de vote. Ce résultat représente un biais car il ampute d'autant l'électorat du bloc central et de LR.
Mais revenons à l'intérêt premier du sondage. C'était de tester différentes possibilités de candidature pour cinq formations ou coalitions politiques. Pour le parti socialiste, le choix était entre Raphaël Glucksmann, l'ancien Président de la République François Hollande et le premier secrétaire du PS Olivier Faure. Pour le bloc central, trois hypothèses également : Édouard Philippe, Gabriel Attal et Gérald Darmanin (on a oublié François Bayrou, mais ses perspectives électorales seraient très basses, en dessous de 5%, voire 3% selon un sondage de l'IFOP publié le 29 septembre 2025 pour Sud Radio et "L'Opinion"). Pour Les Républicains, toujours trois postulants : Bruno Retailleau, Laurent Wauquiez et Xavier Bertrand. Encore trois possibilités pour Reconquête : Éric Zemmour, Sarah Knafo et Philippe de Villiers.
Enfin, la candidature du RN ne devait donner lieu à aucun doute, mais depuis la condamnation de Marine Le Pen et son inéligibilité à exécution provisoire, sa capacité à se présenter risque d'être mise à mal, si bien qu'a aussi été testée la candidature de Jordan Bardella.
Ainsi, Elabe a testé cinq configurations politiques d'un premier tour d'une élection présidentielle. En fait, vu le nombre important des candidats possibles, il aurait fallu tester plusieurs dizaines de configurations pour être très rigoureux et dénombrer tous les cas possibles, mais les modifications d'intentions de vote selon les hypothèses sont relativement circonscrites, si bien que malgré le faible nombre de configurations testées, on peut aboutir à quelques enseignements intéressants.
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Le premier enseignement, peu surprenante d'ailleurs, c'est que le RN surferait très largement en tête des intentions de vote autour de 35%, ce qui augmenterait de plusieurs points par rapport à il y a sept mois. L'autre fait marquant, c'est que ce résultat ne varie pas, quel que soit le candidat, Marine Le Pen ou Jordan Bardella. Ils sont interchangeables électoralement. C'est très rare. En gros, un peu plus d'un tiers de l'électorat attendrait que le RN soit au pouvoir à court terme, et sans préférence de leader alors que les deux candidats possibles ont des personnalités très différentes. Pour moi, cela reste un véritable mystère politique, basé sur des faits puisqu'en été 2024, il y avait bien effectivement au moins 30% de l'électorat à s'être déplacé pour voter pour un candidat du RN, que ce fût aux européennes ou aux législatives anticipées.
Le deuxième enseignement, c'est qu'on peut envisager les meilleurs candidats des quatre autres formations ou coalitions politiques testées.
En particulier, pour le bloc central. Édouard Philippe resterait, de loin, le meilleur candidat du bloc central, même s'il ne recueillerait qu'autour de 15% des intentions de vote, ce qui serait très bas. Il pourrait quand même aller jusqu'à 19,5% selon les hypothèses du candidat LR (et Jordan Bardella jusqu'à 37,5% des intentions de vote). En effet, là où Édouard Philippe obtiendrait 15% d'intentions de vote, Gabriel Attal en aurait seulement 12,5% et Gérald Darmanin 7% ! Incontestablement, Gérald Darmanin est hors jeu pour 2027 (il empêcherait la qualification au second tour) et semble lui-même l'assumer en restant au gouvernement, ce qui, en principe, annihilerait toute ambition présidentielle. En revanche, Gabriel Attal ne s'avouerait certainement pas vaincu d'avance.
Plus généralement, le score du bloc central est très inquiétant car il ne consoliderait pas sa capacité à être présent au second tour face au RN. La concurrence d'un candidat de gauche, Raphaël Glucksmann comme Jean-Luc Mélenchon, est très rude et ce serait la meilleure campagne qui déterminerait l'ordre au premier tour. Tout ce qu'on peut dire, c'est que la qualification d'Édouard Philippe au second tour n'est plus évidente, mais ça, je l'imaginais depuis longtemps (et lui certainement aussi) : de bons sondages de popularité ne font rien sur les intentions de vote, car des électeurs d'un camp différent peuvent vous aimer sans voter pour vous au moment décisif, car une élection présidentielle est avant tout une compétition entre plusieurs candidats dont on choisit celui qui a la préférence.
Pour le PS, les choses sont aussi claires et met en difficulté les éléphants et apparatchiks. En effet, c'est Raphaël Glucksmann qui aurait la préférence des électeurs socialistes car il arriverait à convaincre des électeurs macronistes, comme c'était le cas pour les européennes de juin 2024. Il n'y a pas photo par rapport aux solutions alternatives. Alors que Raphaël Glucksmann obtiendrait autour de 12% d'intentions de vote, François Hollande seulement 6,5% et Olivier Faure 5,5% ! Avec le PS, de toute façon, on part de loin puisqu'en 2022, sa candidate Anne Hidalgo n'avait obtenu que 1,7% des voix (pas des intentions !), arrivée quasiment dernière à l'exception des deux candidats crypto-trotskistes Nathalie Arthaud et Philippe Poutou.
Deux autres partis ont aussi été testés à droite et extrême droite.
Le candidat Les Républicains n'obtiendrait jamais plus de 10% des intentions de vote. Le plus performant serait Bruno Retailleau avec seulement 8%, ce qui reste mieux que le score réel de Valérie Pécresse en 2022, 4,8%. L'hypothèse d'une candidature de Laurent Wauquiez est catastrophique, avec seulement 3% des intentions de vote, et celle de Xavier Bertrand, qui croyait être le chouchou des sondages, ferait à peine mieux avec 5,5% (soit le niveau de Valérie Pécresse), pas de quoi gagner un second tour d'une élection présidentielle.
Enfin, le parti d'extrême droite Reconquête ferait un meilleur score avec Sarah Knafo comme représentante puisqu'elle se rapprocherait du score d'Éric Zemmour en 2022, à savoir 6,5% des intentions de vote (Éric Zemmour avait eu 7,1% en 2022). Les deux autres hypothèses, Éric Zemmour lui-même (presque 69 ans à l'élection) et Philippe de Villiers (78 ans à l'élection), ne sont pas probantes puisque le candidat de Reconquête ne recueillerait que 4,5% des intentions de vote.
Par conséquent, il semblerait qu'il n'y ait pas photo pour déterminer les meilleurs candidats dans le camp présidentiel, au PS, chez LR et à Reconquête. Mais l'élection est encore lointaine et beaucoup d'événements peuvent se produire pour influer sur l'importance des uns et des autres.
Le troisième enseignement, qui en découle, c'est que la situation laisse une énorme incertitude sur le candidat qui arriverait en deuxième position : du bloc central, insoumis ou socialiste ? Une campagne sert à cela, à polariser l'électorat. On a vu que Benoît Hamon était parti, lors de sa désignation en janvier 2017, très haut, autour de 18% et Jean-Luc Mélenchon plafonnait à en dessous de 10% dans les sondages. Les résultats de 2017 ont montré un retournement très fort, en raison de la très bonne campagne de Jean-Luc Mélenchon. Ce fut la même chose en 2022 où le candidat insoumis végétait à 8% quelques mois avant l'échéance. De même, la candidature de Valérie Pécresse était créditée de près de 18% dans les sondages juste après sa désignation en décembre 2021 et a finalement terminé en dessous du seuil fatidique de 5%.
Tout reste possible, sauf une chose qui semblerait acquise dès maintenant, c'est que, quelles que soient les vicissitudes politiques ou judiciaires, le ou la candidat(e) du RN sera présent(e) au second tour. Il faudrait un profond bouleversement politique pour empêcher cette hypothèse.
Mais le sondage d'Elabe, très prudent, s'est bien gardé d'aller plus loin et d'imaginer les seconds tours hypothétiques. Le RN risque bien de n'avoir que ses supporters du premier tour (avec une petite réserve de voix auprès de Reconquête et d'une très petite partie de LR). Obtenir 50% des voix plus une voix, c'est très différent d'obtenir 35% des voix. On l'a vu pour les élections législatives de l'été 2024 où une large majorité des électeurs étaient finalement opposés à la désignation d'un gouvernement RN et de Jordan Bardella comme Premier Ministre. Ce plafond de verre existait toujours en 2024, éclatera-t-il en 2027 ?
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (01er novembre 2025)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
La situation électorale à dix-huit mois de la prochaine élection présidentielle.
Sondage Elabe des intentions de vote à la présidentielle publié le 1er novembre 2025 pour BFMTV et "La Tribune Dimanche"(à télécharger).
Laure Miller.
Accords franco-algériens de 1968 : pas de quoi crier victoire pour le RN !
Roland Lescure.
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Interview du Premier Ministre François Bayrou le 3 septembre 2025 sur BFMTV (vidéo et texte intégral).
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Interview du Premier Ministre François Bayrou le 31 août 2025 à la télévision (vidéo et texte intégral).
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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20251101-sondage-presidentielle.html
https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-situation-electorale-a-dix-huit-264225
http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/11/02/article-sr-20251101-sondage-presidentielle.html
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