Overblog Tous les blogs Top blogs Politique Tous les blogs Politique
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
MENU
14 octobre 2025 2 14 /10 /octobre /2025 19:38

(verbatim et vidéo)



Pour en savoir plus :
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20251014-lecornu.html



DÉCLARATION DE POLITIQUE GÉNÉRALE
DU PREMIER MINISTRE SÉBASTIEN LECORNU
LE MARDI 14 OCTOBRE 2025
À L'ASSEMBLÉE NATIONALE













XVIIe législature
Session ordinaire de 2025-2026
Séance du mardi 14 octobre 2025

Avertissement: version provisoire établie à 08:10
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

 5. Déclaration du gouvernement et débat

Mme la présidente

L’ordre du jour appelle la déclaration du gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
La parole est à M. le premier ministre.

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Il faut savoir tirer les bienfaits d’une crise. J’ai accepté la mission que m’a confiée le président de la République, parce que la France doit avoir un budget, parce qu’il y a des mesures d’urgence à prendre, sans attendre. C’est un devoir. Je l’accomplirai, sous certaines conditions, qui découlent, d’évidence, de la composition de cette assemblée.
Certains aimeraient voir cette crise parlementaire virer à la crise de régime.

Quelques députés du groupe EcoS

C’est déjà le cas !

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Cela n’aura pas lieu, grâce aux institutions de la Ve République et à ses soutiens. Mais cette crise a des racines. D’autres crises sont palpables, profondes, entremêlées : crises sociale, économique, financière, écologique, climatique, culturelle, internationale.
Aux crises habituelles s’ajoutent les crises imprévisibles, comme celles du covid ou de l’énergie, sans oublier les guerres. En s’ajoutant à certaines dépenses qui augmentent de manière automatique, elles expliquent pour l’essentiel la situation financière dans laquelle nous sommes. Là non plus, il ne faut rien oublier.

M. Laurent Jacobelli

C’est totalement faux !

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

En vérité, plus qu’une crise, je crois que nous changeons de monde, créant des fractures tout aussi locales que mondiales et des bouleversements géopolitiques majeurs.
Une révolution de même ampleur que la révolution industrielle remet tout en cause. Cette révolution digitale, sociétale, bouleverse notre façon de vivre : elle choque, elle effraie. Il y a le monde d’avant, il y a ce monde de demain. L’irruption de ce nouveau monde provoque mille conflits, mille raidissements. Nous vivons –⁠ et nous vivrons – dans une époque de crises. Soit on les subit, soit les utilise. Soit on change, soit on sera changé. Le dégagisme, c’est cela.

M. Hadrien Clouet

Là, on change !

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Ceux qui ne changent pas, ceux qui s’agrippent aux vieux réflexes et aux postures, disparaîtront. (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et LFI-NFP.)

M. Aurélien Le Coq

Ceux qui s’accrochent, c’est vous !

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

En politique, comme en tout. En France, comme ailleurs. Le basculement du monde ne s’arrêtera pas.
Au fond, c’est la place de la France et des Français dans ce nouvel environnement qui est en jeu. Restera-t-elle parmi les pays dont la voix compte ? Restera-t-elle indépendante ? Le déclin n’est pas certain, le progrès non plus. Tout dépend de notre capacité à innover, en matière politique comme en matière sociale, économique ou scientifique.
Innover, c’est vrai pour le gouvernement. J’ai pris acte de cet impératif. Innover, c’est assumer des ruptures. Le monde n’attend pas. Dans la vraie vie, nos concitoyens –⁠ pas les statistiques – travaillent, s’inquiètent, attendent des solutions. J’ai proposé un gouvernement de mission, d’objectifs. Il n’agira qu’avec l’Assemblée nationale et le Sénat. À nous, au-delà des divergences, des écoles de pensée,  des confrontations, de valoriser ce qu’il est possible de faire ensemble.
La défiance de nos concitoyens n’épargne personne. Ou bien la politique sert à quelque chose et les politiques trouvent des terrains d’entente ; ou bien ils ne les trouvent pas et la déception se répand autant que l’impuissance. Je vous propose d’avancer.
L’Assemblée, dans sa diversité et ses divisions, ressemble aux Français. Elle est le fruit du choix des Français. Elle traduit les doutes, peurs et espérances de millions de nos compatriotes. En un mot, cette assemblée n’a jamais été aussi représentative des Français. Il faut en tirer toutes les conséquences : jusqu’ici, on en a tiré essentiellement des conséquences négatives. On peut aussi en tirer des conséquences positives –⁠  il serait temps.

M. François Cormier-Bouligeon

Très bien !

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Pour avancer, la première condition, élémentaire, est de pouvoir compter sur le soutien des députés qui défendent le besoin de stabilité. Je remercie toutes celles et ceux qui ont annoncé leur soutien.
,ai proposé au président de la République un gouvernement pour donner un budget sérieux et fiable pour la France, utile et bon pour les Français, dans les trois mois. Ce gouvernement incarne le renouvellement, avec l’entrée d’experts parmi les plus compétents de notre pays. (Rires, exclamations et applaudissements ironiques sur les bancs des groupes RN, LFI-NFP, EcoS et UDR.)
Chacun apporte une expérience incontestable. Je les en remercie : ils quittent des fonctions stables pour se frotter à une vie politique qui n’a pas toujours montré sa meilleure face ces derniers jours. Ils serviront le pays avec une nouvelle génération de parlementaires qui partagent l’envie d’avancer. Toutes et tous ont une feuille de route, tous ont conscience des difficultés.
Pour réussir à faire avancer notre pays avec une Assemblée nationale divisée, la seconde condition –⁠ que j’avais sans doute insuffisamment mesurée, je le reconnais devant vous – est de tenir le gouvernement le plus éloigné possible des divergences légitimes qui s’expriment à travers les partis politiques. Il est logique que chacun affirme ses convictions. Chacun pose ses lignes rouges, avec d’autant plus de force que des élections se profilent. C’est tout naturel.
Le gouvernement de la République assure la continuité de l’action de l’État et porte ses propres convictions, dans le respect de la diversité de ses membres, mais il doit incarner l’ouverture au débat et aux compromis. Qui recherche les points d’accord et d’action, plutôt que de cultiver les différences ? Parce que dans la situation du monde, marquée par une instabilité financière, militaire, économique, commerciale, migratoire et climatique, mieux vaut montrer une France unie qu’une France divisée.
C’est une évidence, qui est tellement évidente qu’elle disparaît, tant on se complaît dans des querelles intérieures. Ce que je vous propose, c’est de trouver un chemin commun, malgré les divergences. Le gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez. Là encore, c’est une rupture. (Rires, exclamations et applaudissements ironiques sur les bancs des groupes RN et LFI-NFP ainsi que sur quelques bancs du groupe EcoS.)
La troisième condition, pour réussir cette mission, est de redonner du sens à la politique. Pas par des mots, mais par des actes, par une nouvelle pratique du pouvoir, qui doit amener plus de progrès pour nos concitoyennes et nos concitoyens.
Partager le pouvoir avec le Parlement, voici incontestablement une rupture. Dans une assemblée divisée, un gouvernement, même en s’appuyant sur la majorité la plus relative, ne peut agir dans la durée sans tenir compte des oppositions. Ce n’est pas possible, ce n’est plus possible et, surtout, ce n’est pas souhaitable.
J’ai renoncé à utiliser l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. C’est la garantie pour l’Assemblée nationale que le débat –⁠ notamment budgétaire, mais pas seulement –, dans tous les domaines, vivra et ira jusqu’au bout, jusqu’au vote. Cette décision est forte de changements radicaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur quelques bancs des groupes DR et HOR.)

M. Sébastien Chenu

C’est du pipeau !

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

« La légitimité démocratique, c’est une démocratie où le Parlement a un rôle politique » expliquait Michel Debré, père de notre Constitution, le Parlement et le gouvernement ayant « chacun une semblable importance dans la marche de l’État et assurant les moyens de résoudre les conflits qui sont, dans tout système démocratique, la rançon de la liberté ».

M. François Cormier-Bouligeon

Très bien !

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

La rançon de la liberté, pour reprendre ce terme, c’est la responsabilité. Le gouvernement présente le budget qu’il estime souhaitable. Le Parlement l’examine, le discute, le modifie. C’est sa liberté. Et sans 49.3, sans majorité absolue, le Parlement aura le dernier mot. (Mme Dieynaba Diop, M. Olivier Faure et M. Emmanuel Grégoire applaudissent.) C’est sa responsabilité, et nous devons lui faire confiance. Nous ne devons pas en avoir peur ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR ainsi que sur quelques bancs du groupe DR.)

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Cela paraît de bon sens, c’est pourtant presque une révolution. À vous de saisir ce pouvoir qui est une chance, un bel exercice de responsabilité pour montrer à toutes celles, à tous ceux qui en doutent que la démocratie représentative n’est pas morte, que l’Assemblée nationale et le Sénat restent l’endroit du pouvoir de décision, du pouvoir d’agir. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR et Dem.) Quel parlementaire dira à ses concitoyens qu’il ne veut pas discuter le budget de l’État, le budget social de la nation ? N’est-ce pas le cœur même de la fonction parlementaire ? En renonçant au 49.3 il n’y a plus de prétexte pour une censure préalable. N’est-ce pas, d’ailleurs, ce que réclamait une grande partie de cette assemblée ? Je ne reprendrai pas ici les déclarations des uns et des autres.

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Vous le demandiez : c’est fait. J’avais promis une rupture, cela en est une. Les débats sur la fiscalité, sur le niveau des dépenses publiques, sur le déficit public : chaque parlementaire se prononcera. Les débats sur les moyens à allouer pour l’écologie, la sécurité, l’éducation, le logement, les collectivités locales, la culture, l’agriculture, nos services publics, chaque parlementaire s’en saisira. (Mme Christine Arrighi s’exclame.) Cette fois, son vote dictera la copie finale. On verra la position de chacun sur la dette, les impôts, les dépenses, les économies. Chaque vote sera un acte.

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Le budget sera donc au cœur du débat. Que contient ce budget initial ? Une maîtrise des comptes publics qui réduira le déficit : dans la copie proposée par le gouvernement, celui-ci est réduit à 4,7 % du PIB, contre 4,6 % après retrait de la suppression de deux jours fériés. Je l’ai déjà annoncé, dans tous les cas de figure, à la fin de la discussion budgétaire, ce déficit devra être à moins de 5 % du PIB, car cet impératif de souveraineté s’impose à nous tous. Nous ne pouvons placer notre pays dans la dépendance durable de prêteurs étrangers et je ne serai pas le premier ministre d’un dérapage des comptes publics. Aussi, dès 2025, nous aurons respecté les 5,4 % de déficit prévus par mon prédécesseur.

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Le gouvernement proposera un projet qui, par essence, est perfectible. Il est urgent de continuer à dépenser moins. L’État a engagé une revue de ses dépenses. Des économies seront faites ; il faudra désormais qu’elles s’inscrivent dans un cadre pluriannuel en s’appuyant sur une véritable réforme de l’État –⁠ j’y reviendrai dès demain devant le Sénat et devant vous dans les jours qui viennent. Concernant les dépenses de l’État, on peut faire beaucoup à la condition de repenser en profondeur l’action de celui-ci, de réussir sa transformation numérique, de moderniser ses interventions et d’alléger considérablement certaines procédures qui ne sont plus explicables. Tout le monde prône la simplification, nombre d’acteurs dans le pays la réclament : une majorité d’idées dans les deux chambres est possible à ce sujet.

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

D’autres économies seront engagées en luttant plus rigoureusement contre les fraudes, qu’elles soient sociales ou fiscales. Là encore, c’est une question de justice. Trop d’argent public est gaspillé parce qu’on ne contrôle pas assez à quoi il sert. Un projet de loi contre les fraudes a été déposé ce matin, en même temps que le budget de l’État et celui de la sécurité sociale. C’est la première fois. Vous pouvez vous en emparer. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.) Il y aura par ailleurs des baisses d’impôts pour les petites et moyennes entreprises, il y aura des hausses d’impôts ciblées et exceptionnelles pour certaines très grandes entreprises. Baisse d’impôts d’un côté, hausse de l’autre, afin de mieux répartir les efforts au sein des contribuables et garder une maîtrise de nos prélèvements obligatoires (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN), qui sont déjà très élevés, pour financer notre modèle de redistribution au profit des plus modestes.

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

La fiscalité des très grandes fortunes, parmi nos compatriotes, a pu interpeller un certain nombre d’entre vous. Là aussi, il faut reconnaître qu’il peut y avoir des anomalies. Nous croyons que réussir par son travail est une bonne chose, nous voulons une société où il est bon de travailler, de réussir et d’innover. Nous voulons aussi être vigilants au consentement à l’impôt. Encadrer l’optimisation fiscale –⁠ en particulier celle qui passe par les holdings – est une première réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR et HOR.)

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Nous demanderons à créer une contribution exceptionnelle des grandes fortunes que nous proposons d’affecter au financement des investissements du futur qui touchent à notre souveraineté, pour les infrastructures, la transition écologique ou la défense. Là encore, le débat parlementaire aura lieu. Il permettra à chacun de faire valoir ses arguments, en ne perdant jamais de vue que derrière la fiscalité se pose la question du consentement à l’impôt, de la confiance et de la justice. Le débat fiscal doit être aussi un débat sur l’emploi et la croissance, raison pour laquelle je ne suis pas favorable à ce que le patrimoine professionnel soit touché. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR. –⁠ « Ben voyons ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Je ne détaillerai pas maintenant les mesures fiscales. J’ai ouvert le débat, sans tabou. Je vous exposerai moi-même, avec les ministres, les propositions que j’ai faites, les modifications que je soutiendrai et celles que je combattrai. Le gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez. Sans utilisation du 49.3, le gouvernement devra changer de méthode : il faudra des discussions préalables, des compromis, le souci du détail et ne jamais refuser la technicité, l’âpreté du débat. La loi se fera ici, pas à Bercy. (Rires sur quelques bancs du groupe RN.) Je montrerai l’exemple en portant ici même, dans les tout prochains jours, la discussion générale du budget de l’État et du budget de la sécurité sociale. Une fois de plus, le gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR ainsi que sur quelques bancs des groupes DR, Dem et HOR.)

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Mesdames et messieurs les parlementaires, je veux maintenant vous parler d’un sujet majeur qui a traversé notre pays, qui l’a parfois fracturé : le mérite, la dignité et le courage des travailleurs, la légitimité d’une bonne retraite.

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

La fierté d’être travailleur, c’est la fierté de nos entreprises, qui ne sont pas seulement l’affaire des patrons mais aussi celle de tous les salariés. C’est celle de notre industrie, de toutes nos industries, et de leurs filières : électronique, automobile, nucléaire, chimique, métallurgique, aéronautique, militaire, etc.

M. Jean-Philippe Tanguy

Il n’en reste pas grand-chose !

Une députée du groupe EcoS

Et les aides-soignantes ? Les AESH ?

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Cette fierté, c’est celle du goût de l’effort partout et pour tous. L’effort mérite reconnaissance et récompense.

M. Sylvain Maillard

Il a raison !

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Le gouvernement sera du côté des travailleurs et de celles et ceux qui veulent travailler. Le travail est la condition indispensable de la croissance comme du financement de notre modèle social. Il nous faut nous attaquer à deux problèmes majeurs. Les Français, quand ils travaillent, sont productifs ; en revanche, ils accèdent trop tard au travail et en sortent parfois trop tôt. Le deuxième problème est qualitatif : nous avons en proportion trop d’emplois de service moins rémunérés et pas assez d’emplois industriels qualifiés.

M. Hervé de Lépinau

Il n’y a plus d’industrie !

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

C’est la raison pour laquelle il est urgent d’accélérer la réindustrialisation de notre pays par l’investissement et l’innovation (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR), mais aussi par notre politique énergétique.

M. Sylvain Maillard

Très bien !

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Nous croyons à la promotion interne, à l’ascenseur social. Je demanderai au ministre du travail et des solidarités d’engager dès cet automne des négociations par branche…

M. Jean-Philippe Tanguy

Ça fait trois ans !

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

…pour développer des parcours permettant aux salariés en bas de l’échelle de devenir agents de maîtrise et cadres. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.) Le travail, le mérite, la volonté de progresser doivent être encouragés et récompensés. Comme le disait Gabriel Attal (Exclamations sur les bancs du groupe RN –⁠ Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR) à cette tribune, on ne peut pas rester des années au smic sans perspective de progression.

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Des nouveaux ministres sont arrivés avec de nouvelles idées. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’ils sont là.

M. Jean-Philippe Tanguy

Ce n’est pas la bonne raison !

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Le gouvernement présente un budget pour l’emploi, pour produire, pour que le travail paye. Nous soutiendrons la rémunération, le logement, la santé des travailleurs. Ce sera aussi un budget pour préserver l’outil de production, avec la reprise de la baisse de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises), impôt qui pèse sur la production de nos petites et moyennes entreprises. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et HOR.) Des propositions ont émergé de plusieurs groupes parlementaires, ici même, pour le pouvoir d’achat des travailleurs ;…

Une députée du groupe EcoS

Et les travailleuses ?

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

…là aussi, toutes seront examinées. Toutes seront débattues et font actuellement l’objet d’un travail technique préalable des ministres compétents. Une fois encore, le gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez.

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Être auprès des travailleuses (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe EcoS), des travailleurs, c’est aussi être auprès de celles et ceux qui ont travaillé toute leur vie et sont à la retraite. Nous respectons les travailleurs, donc nous respectons les retraités. Je vis avec quelques convictions simples : qu’il faut garantir l’équilibre de notre système, qu’il faut le financer pour les générations futures, qu’il faut pour chacun une retraite digne et pérenne. Il y a moins de cotisants qu’avant et plus de retraités. Cela s’impose à nous, comme dans plusieurs pays européens ; plus personne ne peut le nier. Mais je ressens aussi ce que la dernière réforme, pourtant nécessaire, a provoqué : des tensions, des inquiétudes, de la lassitude, parfois un sentiment d’injustice ou d’incompréhension, y compris –⁠ à tort ou à raison – dans sa dimension démocratique.

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Le gouvernement est-il prêt à un nouveau débat sur l’avenir de notre système de retraite ? La réponse est oui. Une réforme sociale, aussi nécessaire soit-elle, ne peut tenir que si elle est comprise et équitable. Cet enjeu reste un enjeu d’avenir. J’ai toujours indiqué que l’avenir de nos retraites serait au cœur de la prochaine campagne présidentielle. Mais nous devons entendre que ce débat est demandé dès maintenant par des forces politiques et syndicales légitimes. Paradoxalement, cette période de quelques mois d’ici à l’élection présidentielle peut être une chance pour avancer, y compris sur ce sujet difficile des retraites.

M. Erwan Balanant

Tout à fait !

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

J’ajoute que la plus grande richesse, pour notre pays, c’est la stabilité et la capacité à recréer la confiance entre les acteurs, notamment chez les partenaires sociaux. La maîtrise des comptes publics, la croissance, l’emploi, le renforcement de notre défense, la perspective de réformes utiles votées d’ici à 2027 reposent sur notre capacité collective à traduire en actes cette stabilité politique. La plus grande richesse du pays, c’est sa capacité collective à aller de l’avant. C’est pourquoi je proposerai au Parlement, dès cet automne, que nous suspendions jusqu’à l’élection présidentielle la réforme de 2023 sur les retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes EPR et Dem. –⁠ M. Yannick Monnet applaudit également.) Aucun relèvement de l’âge n’interviendra à partir de maintenant jusqu’à janvier 2028, comme l’avait précisément demandé la CFDT. En complément, la durée d’assurance sera elle aussi suspendue et restera à 170 trimestres jusqu’à janvier 2028. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. –⁠ Mme Violette Spillebout applaudit aussi.) Je le dis très directement : suspendre pour suspendre n’a aucun sens.

M. Erwan Balanant

Aucun !

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

La suspension en préalable de rien serait irresponsable. Cette suspension doit installer la confiance nécessaire pour bâtir de nouvelles solutions. La suspension pour faire mieux est la solution, si chaque acteur sait en tirer quelque chose. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR. –⁠ M. Jérôme Guedj applaudit également.)

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Mesdames et messieurs les parlementaires, résumons. L’Assemblée voulait que je n’utilise pas le 49.3 : je m’y suis engagé. L’Assemblée voulait débattre à nouveau des retraites : elle en débattra, et chaque parlementaire défendra ses opinions. L’Assemblée voulait que le gouvernement suspende la réforme en attendant un débat, une solution, un vote. Je le fais, ce qui permettra d’éclairer le débat lors de la future élection présidentielle. En revanche, je veux être très clair : je n’endosserai pas n’importe quoi.

M. Jean-Philippe Tanguy

Mais si ! C’est trop tard !

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Le coût de la suspension pour notre système de retraite est de 400 millions d’euros en 2026 et 1,8 milliard en 2027. Cette suspension profitera, à terme, à 3,5 millions de Français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.) Elle devra donc être compensée financièrement, y compris par des mesures d’économie. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR. –⁠ M. Jérôme Guedj applaudit également.) Elle ne pourra se faire au prix d’un déficit accru. J’ai pris des engagements, ceux que les oppositions demandaient. J’en prends un supplémentaire et il doit être entendu par chacun, y compris par nos prêteurs sur les marchés financiers : je n’endosserai pas un résultat qui mettrait en danger la crédibilité de notre pays,…

M. Éric Ciotti

C’est ce que vous faites !

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

…encore moins notre système de retraite tout entier. Je fais des pas en avant, à chacun, aussi, d’en faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Suspendre doit être une opportunité. Débattre de la question des retraites n’est pas seulement une équation financière. Cette question fait partie intégrante de notre contrat social et ce contrat a besoin, lui aussi, d’une refondation, d’innovations, de ruptures. (Mme Justine Gruet et M. Erwan Balanant applaudissent.) Ce gouvernement est prêt à renforcer le paritarisme, à faire confiance à la démocratie sociale. Une fois encore, suspendre la réforme n’a de sens que si c’est pour aller plus loin. Je propose, dans les prochaines semaines, d’organiser une conférence sur les retraites et le travail, en accord avec les partenaires sociaux. (Exclamations sur divers bancs.)

M. Sébastien Chenu

Un conclave !

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Grâce à la suspension, cette conférence aura le temps de se prononcer avant l’élection présidentielle. Elle se posera la question de l’ensemble de la gestion de notre système de retraite. Certains veulent des systèmes par points, d’autres par capitalisation (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR), d’autres veulent abandonner toute référence à l’âge. Ces propositions ne valent que si l’on sait qui est responsable. Aux partenaires sociaux de s’emparer ou non de cette responsabilité de gérer le régime. Ce serait revenir aux sources historiques de notre modèle de retraite, c’est d’ailleurs ce que font toujours nos voisins européens. Le gouvernement y est prêt.

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

J’ai confiance dans la démocratie sociale, confiance dans la démocratie parlementaire. (Rires sur les bancs du groupe RN.) Si la conférence se conclut par un accord, le gouvernement le transposera dans la loi et le Parlement décidera. Sinon, il appartiendra aux candidats à l’élection présidentielle de faire leurs propositions et aux Français de les trancher. La conférence pourra rendre ses premières conclusions au printemps prochain.

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Mais il y a aussi des urgences : comme s’y était engagé mon prédécesseur, j’ai inscrit dans le budget de la sécurité sociale une amélioration concernant les retraites des femmes. Là aussi, il s’agit d’un sujet consensuel. Inutile d’attendre ! (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.)

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

La conférence devra aborder d’autres sujets cruciaux, comme l’attractivité de certains métiers indispensables, le travail pénible, l’usure au travail et les carrières longues. Voilà une discussion qui était bloquée depuis vingt-trois ans. (Mêmes mouvements.) Paradoxalement, la rupture, c’est de conclure. Là encore, le gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez.

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Je le dis sans détour : suspendre, ce n’est pas renoncer, ce n’est pas reculer, si nous savons utiliser ce temps avec intelligence et avec la volonté d’avancer. La cohésion sociale, l’unité du pays et donc sa stabilité sont une force. La division, elle, a un coût. Chacun doit l’assumer.

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Mesdames et messieurs les parlementaires, il faut un partage du pouvoir entre le gouvernement et l’Assemblée, un partage du pouvoir entre le gouvernement et les partenaires sociaux, un partage du pouvoir aussi avec les collectivités locales –⁠ pas pour faire plaisir aux élus locaux, j’en suis un, mais pour être efficace, au service des Français. On le dit souvent, on le fait rarement.

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Pour commencer, nous avons une urgence sensible : la réforme institutionnelle concernant la Nouvelle-Calédonie. La fin de l’accord de Nouméa a laissé un vide institutionnel qu’il faut combler pour permettre la paix sur le Caillou. L’accord de Bougival permet une réconciliation. Il doit être transcrit dans la Constitution. Le gouvernement proposera ce texte avant la fin de l’année afin que les Calédoniens puissent être consultés au printemps 2026. C’est une urgence.

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Mais ce serait une erreur de croire que la Nouvelle-Calédonie est un cas à part. La question des outre-mer se pose aussi avec la même urgence. Un projet de loi concernant la vie chère est prêt. Il ne faut pas attendre. Certains territoires, aux Antilles et en Guyane notamment, réfléchissent par ailleurs à leur avenir institutionnel. Nous devons les accompagner. Un projet de loi constitutionnelle concernant la Corse, fruit de deux années de discussion, est également prêt. Rien ne serait pire pour l’État que de renier sa parole. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et LIOT.) Là encore, l’Assemblée nationale et le Sénat débattront et trancheront.

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Nos concitoyens veulent que le pouvoir soit proche d’eux, adapté aux réalités de terrain. Je proposerai donc en décembre un projet de loi pour renforcer le pouvoir local : seul ce nouvel acte de décentralisation permettra de réformer l’État de manière globale et d’améliorer le fonctionnement de tous nos services publics.

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Qu’attend-on de l’État ? C’est la question centrale. La police, la justice, la sécurité, la défense, les relations internationales : dans ces domaines, les budgets ont augmenté depuis 2017 et continueront d’augmenter. L’État s’est renforcé parce que ce sont des missions que lui seul peut exercer. Pour le reste, quel doit être le niveau de décision local ? Qui est responsable de quoi ? Je proposerai un principe simple, celui de l’identification d’un seul responsable par politique publique. Il s’agira soit d’un ministre, soit d’un préfet, soit d’un élu. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR et Dem.) Il ne faut pas décentraliser des compétences, mais décentraliser des responsabilités, avec des moyens budgétaires et fiscaux et des libertés, y compris normatives. C’est aussi une formidable occasion de repenser complètement notre planification écologique et énergétique. Nous ferons des propositions précises sur le sujet.

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Le gouvernement peut-il engager cette réforme dans les trois mois ? Vous vous dites que cela prendra du temps ? C’est précisément parce que cela prendra du temps qu’il faut engager cette réforme tout de suite. Sinon, elle sera reportée une fois de plus, et jusqu’à quand ? Au plus tôt dans deux ans, après l’élection présidentielle. Nous n’attendrons pas. Des majorités sur ce texte sont possibles dans les deux chambres. Le gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez.

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Mesdames et messieurs les députés, nous ne pouvons pas attendre, il y a urgence : urgence de tenir le calendrier d’adoption du budget et de voter le meilleur budget possible ; urgence de renforcer le dialogue social ; urgence, avant les élections municipales, de mieux répartir les compétences et de réformer l’État. Si les débats de cette assemblée débutent cette semaine, les discussions budgétaires permettront de répondre aux urgences pour la santé et l’accès aux soins avec France Santé, de défendre l’environnement et la sécurité, grâce à la loi de programmation militaire.

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Il y a des urgences et des projets de loi qui sont prêts : pour les polices municipales et la sécurité du quotidien, pour le statut de l’élu. Des discussions sensibles doivent se poursuivre, notamment sur la fin de vie. Des combats doivent sans cesse être menés, contre le racisme, l’homophobie et l’antisémitisme, pour l’égalité entre les femmes et les hommes. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, SOC et Dem. –⁠ Mme Justine Gruet applaudit également.)

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

La soif absolue de nos compatriotes pour leur sécurité, pour la justice et le respect de la loi doit être entendue sur chaque banc de cette assemblée. Les enjeux migratoires à venir, liés tant à la démographie, au réchauffement climatique qu’au terrorisme, sont un défi imminent qui ne peut être nié –⁠ j’y reviendrai, les ministres y reviendront.

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

À condition d’oser discuter, d’agir et d’avancer, tout cela nous pouvons le faire ensemble dans les mois qui viennent si nous mettons fin à cette crise. Désormais, cela dépend de vous.

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Je sais, je n’ai pas obéi à l’exercice de style habituel d’une déclaration de politique générale en recensant chaque domaine d’intervention de l’État, en citant chacune des préoccupations de nos concitoyens dans leur travail, pour leur famille, leur village ou leur ville. Que personne ne se sente oublié : je pense sinon à tout, je n’en ai pas la prétention, en tout cas à toutes et à tous.

M. Aurélien Le Coq

Et le vote de confiance ?

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Cela est facile : il me suffit de me sentir utile à mon pays. Et je vous le dis avec toute ma conviction, avec tout ce que j’ai appris aussi au ministère des armées, les seuls qui se réjouiraient d’une crise, d’une panne budgétaire en France, ne sont pas les amis de la France. (Applaudissements nourris sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem, HOR et LIOT. –⁠ Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.) Qui, parmi les Français, se sentira mieux si la France se divise plus encore,…

M. Emeric Salmon

C’est vous qui la divisez !

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

…si elle est plus faible, si elle repousse les questions de fond et les questions d’urgence à plus tard ? (Exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI-NFP.)

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Je ne vous ai pas fait un discours de politique général convenu. Je reviendrai ici pour expliquer la politique que le gouvernement entend mener sur les sujets fondamentaux. Je me suis engagé à revenir pour expliquer le budget, parce qu’il traduit une politique pour la France, mais je reviendrai aussi pour aborder les questions de sécurité, d’immigration, d’énergie, de transition écologique, d’éducation et du numérique (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP)  : sur tout cela, nous ferons des propositions, nous débattrons et à la fin vous voterez. (Mme Mathilde Panot s’exclame.)

M. Sébastien Lecornu, premier ministre

Je ne vous ai pas non plus présenté un programme de long terme, car ce gouvernement est un gouvernement de mission. L’urgence est de redonner son sens à la politique, de redonner confiance en la politique, de respecter les engagements de chacun, y compris ceux des oppositions. La vraie démocratie permet à celles et à ceux qui ne sont pas d’accord de travailler ensemble sans rien renier de leurs convictions. (Vives exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP suscitant des protestations sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR et HOR.) C’est ce qui se passe dans toutes les démocraties du monde et même dans tous les conseils municipaux de France. Osons : il suffit de faire un pas ; c’est comme cela que l’on avance pour la France et pour les Français ! (Les députés des groupes EPR, Dem et HOR ainsi que quelques députés des groupes LIOT et DR se lèvent et applaudissent. –⁠ Mmes Océane Godard, Céline Hervieu et Claudia Rouaux applaudissent aussi.)

M. Hervé de Lépinau

Alors les socialistes, vous allez être reconnaissants ?

Mme la présidente

Nous allons entendre les orateurs des groupes. La parole est à M. Laurent Wauquiez.





 







 


Source : Assemblée Nationale.

https://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20251014-discours-lecornu.html

.

Partager cet article
Repost0

commentaires


 




Petites statistiques
à titre informatif uniquement.

Du 07 février 2007
au 07 février 2012.


3 476 articles publiés.

Pages vues : 836 623 (total).
Visiteurs uniques : 452 415 (total).

Journée record : 17 mai 2011
(15 372 pages vues).

Mois record : juin 2007
(89 964 pages vues).