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7 janvier 2018 7 07 /01 /janvier /2018 22:40

Née le 9 octobre 1947, France Gall a commencé à chanter très tôt, notamment "Sacré Charlemagne". Elle a été célèbre par son prix de l'Eurovision en 1965 avec "Poupée de cire, poupée de son" écrite par Serge Gainsbourg. Très brève compagne de Claude François puis de Julien Clerc, elle fut en couple tant musicalement qu'en privé avec Michel Berger dans les années 1970 et 1980 avec des chansons comme "Il jouait du piano debout", "Babacar", "Ella, elle l'a", "Evidemment". Atteinte d'un cancer qui est revenu en 2015, France Gall a fait sa dernière apparition publique le 30 janvier 2017 avant de s'éteindre le 7 janvier 2018 (hospitalisée depuis le 19 décembre 2017). Exposée au Mont-Valérien, elle fut enterrée le 12 janvier 2018 au cimetière de Montmartre, auprès de Michel Berger, mort à 44 ans le 2 août 1992 d'un infarctus, et de leur fille Pauline, morte à 19 ans le 15 décembre 1997 de la mucoviscidose.

Claude François :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180311-claude-francois.html

Serge Gainsbourg :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180402-serge-gainsbourg.html

SR

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20180107-france-gall.html


 

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27 décembre 2017 3 27 /12 /décembre /2017 03:28

« La relation entre l’homme et les dieux doit passer par les lamas et les lettrés qui, par leurs prières et leurs pratiques religieuses, peuvent obtenir des pluies plus abondantes, écarter l’épidémie de choléra qui sévit dans le village voisin, chasser le "mauvais esprit" qui a élu domicile sous un arbre trop proche de la maison. Dans un cas comme dans l’autre, pour que la nature soit clémente et favorable, il faut, non pas agir directement sur elle, mais prier, demander. C’est-à-dire attendre. » ("Birdim, village tamang, Népal. Compte-rendu de mission" in "L’Homme", 1975, tome 15 n°2 pp. 121-127).
 


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Les passionnés francophones des cartographies, de la géopolitique et de la géographie n’ont pas pu ignorer l’existence d’une excellente émission télévisée, "Le Dessous des cartes" diffusée sur la chaîne culturelle franco-allemande Arte. Son créateur, le géopolitologue et grand voyageur Jean-Christophe Victor est mort il y a juste un an, dans la nuit du 27 au 28 décembre 2016 à Montpellier, à l’âge de 69 ans (il est né le 30 mai 1947 à Paris). Sa voix claire et grave restera dans les mémoires. C’est l’occasion de le présenter succinctement et de lui rendre hommage.

En plus d’un quart de siècle de télévision, il était devenu "célèbre", et visiblement, cette "célébrité" ne lui était pas montée à la tête comme pour certains. Jamais focalisé sur lui-même, il se focalisait sur ses sujets, très intéressants et parfois, très étonnants. Son métier ? Présenter en peu de temps un aspect du monde contemporain, avec parfois des considérations historiques, économiques, géopolitiques, géographiques, voire géologiques.

La célébrité, on pourrait presque dire qu’il en a été plus une victime qu’un bénéficiaire. Il fallait faire son prénom, même si, comme disait Anne Goscinny : « Contrairement à ce qu’on dit, c’est plus facile de se faire un prénom quand on a déjà un nom connu. C’est plus facile que si on n’a rien du tout. Mais "connu", ça reste relatif. ». Il fut le fils du célèbre explorateur Paul-Émile Victor (1907-1995), né il y a 110 ans le 28 juin 1907, et de la journaliste et productrice de télévision Éliane Victor (1918-2017), morte il y a quelques mois le 7 mars 2017. Également arrière-petit-fils d’un ministre du gouvernement de Pierre Waldeck-Rousseau, Albert Decrais (1838-1915).

Ayant passé son enfance aux États-Unis, Jean-Christophe Victor fut sans le vouloir à l’origine d’une campagne à la radio de dons pour aider les enfants malades du cœur en 1958 : lui-même venait d’être opéré à cœur ouvert et la publication des lettres de sa mère a ému beaucoup de monde (un bloc opératoire a pu être financé dans un hôpital parisien grâce à ces dons). Cela a amené Éliane Victor à produire l’émission "Cinq colonnes à la une", puis les premières émissions télévisées consacrées aux femmes dans les années 1960 et 1970 (elle fut notamment une amie de Françoise Giroud).

Un père voyageur qui explore les pôles, une mère journaliste qui défriche à la télévision, cela donnait une belle ascendance pour un passionné des cartes et de leur vulgarisation : « Il y [avait des cartes] partout à la maison (…). J’ai eu la chance d’avoir comme père un homme merveilleux. On a eu des moments extraordinaires. Heureusement, d’ailleurs, car on ne le voyait pas beaucoup. D’ailleurs, ma mère en a eu assez. » ("Libération", début décembre 2016).

Dans ses études supérieures, Jean-Christophe Victor s’est passionné pour l’Asie : il a passé un diplôme aux langues orientales (de chinois) et un doctorat en ethnologie, résultat d’une étude sur l’écologie et la géologie de l’Himalaya qui l’a envoyé en mission ethnologique entre mars 1973 et octobre 1973 dans un village népalais. Il a également obtenu un DEA en science politique à la Sorbonne sur "La Crise afghane et ses conséquences stratégiques" (1982).

Dans son compte-rendu de mission dans le village népalais, publié en 1975, dans une revue scientifique (citée en tête de l’article), on retrouve déjà les exposés clairs, synthétiques et didactiques de son émission "Le Dessous des cartes". À la lecture, on croit l’entendre.

Par exemple : « La complémentarité entre activités agricoles et activités pastorales, et l’insuffisance de la production par rapport aux besoins de la population sont les faits saillants de la vie économique de ce village. Cette complémentarité, qui ne concerne que l’organisation de la production, ne détermine en rien la composition de la communauté. Il ne s’agit pas de deux groupes sociaux, dont l’un aurait essentiellement des activités pastorales et l’autre agricoles (…). C’est un seul et même groupe qui s’organise, d’une part au sein de chaque famille (…), d’autre part au sein du village (…). Il s’agit d’accorder les possibilités de chacun pour qu’un système d’échanges permette de mieux faire face aux problèmes de subsistance. » (1975).

Ou encore, un peu plus loin : « Bien qu’il n’y ait ni castes, ni classes sociales, ni même "niveaux de vie" fondamentalement différents, la population de Birdim se divise en une minorité de riches (possédants) et une majorité de pauvres (journaliers). Considérée comme richesse, la terre est rare. Mais cette richesse s’évalue non seulement par la quantité de terre possédée, mais aussi en fonction de sa proximité par rapport au village. (…) Il n’existe pas de division sociale entre cultivateurs sédentaires et pasteurs transhumants, puisque chaque propriétaire possède à la fois un peu de bétail et un peu de terre. Il lui faut donc être à la fois pasteur et agriculture. En pratique, le problème est résolu par l’entraide. Celle-ci n’est que rarement fondée sur les simples intérêts communs de deux propriétaires  sans lien de parenté (…). Pour obtenir ce genre de service, une petite unité familiale fera plutôt appel à sa famille étendue. » (1975).

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Après sa thèse, Jean-Christophe Victor a été reçu au concours du Quai d’Orsay et a été affecté à Kaboul peu avant l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS (il aurait préféré être affecté à Pékin). Devenu un spécialiste de la géopolitique de l’Afghanistan et du Pakistan au sein du Centre d’analyse et de prévision, chargé de faire des analyses et des recommandations stratégiques au Ministère des Affaires étrangères, de 1980 à 1989 (dont le directeur fut à l’époque Jean-Louis Gergorin), il développa sa capacité de synthétiser les grands enjeux d’une région du monde en quelques pages ou minutes, au point de vouloir en faire profiter le grand public dès 1990 : « Sur la troisième page, je devais donner des options et des idées en fonction de l’intérêt national français. J’ai vite pris la mesure du niveau de responsabilité politique, qui n’était pas du tout le même qu’en journalisme. » ("Libération", début décembre 2016).

En effet, entre 1990 et 1992, pour la Sept, il proposa un nouveau type d’émission télévisée "intelligente" appelée "Le Dessous des cartes" : exposer à un public non averti les enjeux historiques, politiques, diplomatiques, militaires, économiques, énergétiques, environnementaux, climatiques, géologiques, etc. d’un pays ou d’un groupe de pays à partir de cartes simplifiées et interactives. Selon l’expression de Jean-Christophe Victor lui-même : « Une approche transversale, modeste mais rigoureuse, une analyse qui tient compte des contraintes géographiques, de la diplomatie internationale, des moyens militaires. » ("Le Monde" du 25 novembre 1990).

L’émission, de seulement une douzaine de minutes, sur un ton assez monocorde qui pourrait paraître ennuyeux mais qui ne l’est pas en raison de l’extrême richesse et densité de l’information transmise, a été diffusée sur Arte entre 1992 et 2017, de périodicité hebdomadaire, d’abord le mercredi en milieu de soirée puis le samedi en fin d’après-midi (sur la Sept, l’émission était plus courte et quotidienne, avant les journaux télévisés de 20 heures des chaînes concurrentes).

Les thèmes abordés dans cette émission sont très nombreux et vont même jusqu’à de la prospective, reprenant la tradition du premier avril le 1er avril 2000 avec une émission très particulière : "Les réfugiés climatiques en l’an 3000". Quelques exemples de sujet : "Dayton, trois ans après" (27 juin 1998), "La Corée du Nord" (13 février 1999), "Ukraine, pivot géopolitique ?" (27 mars 1999), "Géorgie, dans le grand jeu caucasien" (17 mars 2004), "La cartographie des espèces menacées" (14 et 21 avril 2004), "Du GPS à Galiléo" (28 février 2009), "Migration, pourquoi part-on ?" (21, 28 mars et 4 avril 2009), "Qui s’intéresse à la Birmanie ?" (1er décembre 2012), "Cartographie de la corruption" (8 mars 2014), "Le transport maritime, cœur de la mondialisation" (23 janvier 2016), etc. Comme on le voit, la plupart des sujets anticipent l’actualité des années suivantes. À partir du 2 septembre 2017 ("Russie/Chine, une relation atypique"), l’émission a repris avec une nouvelle présentatrice, la journaliste Émilie Aubry.

Pour "nourrir" son émission, Jean-Christophe Victor et sa compagne Virginie Raisson, géopolitologue également, ont fondé en 1991 le Laboratoire d’études prospectives et d’analyses cartographiques, un institut indépendant de droit privé, qui fournit également à des organisations internationales ou des entreprises des analyses géopolitiques. Un statut privé qui détone dans le "milieu" des géographes plus habitués aux centres de recherches publics.

Durant toute sa carrière, Jean-Christophe Victor a donc beaucoup voyagé, beaucoup synthétisé, beaucoup exposé le monde autrement que par le petit bout de la lorgnette, prenant parfois à revers certaines idées reçues, replaçant parfois avec humilité la réalité géopolitique de l’Europe ou de la France dans le monde actuel. Il a donné également beaucoup de conférences, et plusieurs atlas ont été publiés en reprenant son émission télévisée, avec des données statistiques et cartographiques clefs. Après l’Asie, il voulait d’ailleurs consacrer son prochain livre sur le monde arabo-musulman. Il voulait aussi approfondir ses connaissances sur le monde polaire et le Groenland, après avoir initié un musée sur les pôles dans le Jura auquel a participé aussi le glaciologue Claude Lorius (musée inauguré à Prémanon le 19 février 2017).

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Dans une conversation avec Laurence Defranoux, journaliste de "Libération", au début du mois de décembre 2016 (publiée le 25 décembre 2016), Jean-Christophe Victor a raconté qu’il avait découvert que Google faisait plus du "léchage de bottes nationales" que de la neutralité pour gagner de l’argent : « Google Maps a choisi de ne pas prendre la référence internationale, que sont les cartes des Nations Unies, et de s’adapter à la vision de chaque partie. On a demandé à des chercheurs chinois, japonais, indiens de faire des tests, et on a pu voir que si vous êtes à Pékin, vous avez une certaine frontière dans l’Himalaya et qu’à Delhi, vous en avez une autre. Le même problème existe sur la représentation du Sahara occidental, du Chili, de la Crimée, d’Israël… Google accepte de faire disparaître des territoires entiers pour conquérir des marchés. C’est une profonde malhonnêteté intellectuelle. ».

Autre source d’agacement, selon le journal "Libération" : « ceux qui parlent de "bombe démographique" alors que l’analyse des courbes depuis 2000 ans montre que plus il y a d’habitants, moins il y a de pauvreté ». D’ailleurs, son dernier atlas sur l’Asie (chez Tallandier/Arte éditions) montre que dans ce continent s’est développée une classe moyenne de 600 millions de personnes qui sont, pour la plupart, sorties de la pauvreté et que la croissance démographique de l’Asie fut son principal atout qu’elle perdra en 2035 avec l’inflexion de la courbe démographique.

L’expérience de Jean-Christophe Victor et de ses "Dessous de cartes" fut une extraordinaire aventure, la démonstration que, d’une part, on pouvait informer le grand public simplement à partir de données très complexes, d’autre part, qu’une initiative de recherche et de pédagogie pouvait se développer avec succès hors du strict cadre public et académique.

Hommage soit rendu à Jean-Christophe Victor, plus ethnologue que journaliste, qui se moquait un peu de son apparence et qui peaufinait son message qui, au-delà de l’honnêteté intellectuel classique du chercheur, se voulait le plus neutre possible et le plus pédagogique possible. En somme, simplifier sans être simplificateur.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (27 décembre 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Jean-Christophe Victor.
Jean-Baptiste Duroselle.
Jean d’Ormesson.
Marguerite Yourcenar.
Albert Camus.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20161228-jean-christophe-victor.html

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/jean-christophe-victor-les-cartes-200038

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/12/27/35992111.html


 

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23 décembre 2017 6 23 /12 /décembre /2017 03:05

« Si Charlie Chaplin occupe une place majeure dans le monde du cinéma et de l’histoire culturelle du XXe siècle, c’est que, premier auteur complet de l’histoire du cinéma (producteur, scénariste, metteur en scène, compositeur), il a su donner au cinéma comique une profondeur d’humanité jusqu’aujourd’hui inégale. » (Michel Fragonard, "La Culture du XXe siècle, dictionnaire d’histoire culturelle", éd. Bordas, 1995).


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Son nom émerveillait, en tout cas, m’émerveillait quand j’étais enfant, synonyme de bonne soirée, aussi mythique que Wald Disney. Considéré par le magazine américain "Time" du 9 juin 1998 comme l’une des cent personnalités majeures qui ont façonné le XXe siècle, Charlie Chaplin est mort il y a quarante ans, le jour de Noël 1977 près de Vevey, chez lui, en Suisse. Il avait 88 ans (né 16 avril 1889 à Londres) et a été un acteur et réalisateur de cinéma exceptionnel. Un monument de l’histoire du cinéma.

Chaplin émerveillait parce que tout en lui fut émotion, tout en lui fut sensibilité. Ce fut sa mère qui lui donna ce goût de l’observation et de l’imitation des sentiments. Quand il était petit, sa mère regardait par la fenêtre les passants et le faisait rire en les imitant. Les émotions s’exprimaient par le visage et aussi par les mains. Il fut un modèle et un inspirateur pour de nombreux cinéastes, comme Jacques Tati (le personnage de Monsieur Hulot), Federico Fellini, Richard Attenborough, etc., mais aussi le mime Marcel Marceau, et les personnages de dessins animés Mickey Mouse et Félix le Chat.

Il a laissé environ quatre-vingts films en soixante-cinq ans de carrière. Il a commencé très tôt sur la scène (il n’avait que 5 ans), et dans les années 1910, il avait déjà acquis sa notoriété et la fortune avec ses nombreux films burlesques muets, assez courts, qu’il a réalisés en inventant le personnage de Charlot. Son inspirateur, Max Linder.

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Il y a eu plusieurs Chaplin : l’adolescent de théâtre, le jeune acteur comique, puis l’acteur confirmé, etc. Bien entendu, son rôle le plus célèbre est Charlot, personnage créé de toutes pièces pour décrire un monde social de désolation. Ce personnage, il l’a créé en 1914 et l’a tout de suite adopté. Il était à la fois inadapté et cherchant à s’adapter au monde. Pour preuves, ses vêtements : « Je voulais que tout soit une contradiction : le pantalon ample, la veste étriqué, le chapeau étroit et les chaussures larges. (…) J’ai ajouté une petite moustache qui, selon moi, me vieillirait sans affecter mon expression. Je n’avais aucune idée du personnage, mais dès que je fus habillé, les vêtements et le maquillage me firent sentir qui il était. J’ai commencé à le connaître et quand je suis entré sur le plateau, il était entièrement né. ».

Il faut préciser que son employeur, qui l’avait recruté avec un salaire élevé par l’intermédiaire du grand frère (Syd Chaplin) et qui fut séduit par son jeu de scène, l’avait trouvé trop jeune et l’avait laissé sans projet pendant quelques mois qui permirent à Charlie Chaplin de savoir et comprendre ce qu’était le cinéma. La moustache avait donc ce goût amer du besoin de se donner une prestance.

Dès novembre 1914, Chaplin est devenu une star du cinéma. Il pouvait revendiquer un salaire encore plus élevé, l’équivalent actuel de 55 000 dollars par semaine ! Succès après succès, la popularité fut très grande. Un troisième studio employeur fit de lui, en 1915, l’une des personnes les mieux payées du monde (plus de 30 millions de dollars actuels par an), ce qui, à l’époque, faisait déjà polémique ! Le patron du studio n’hésitait pas à assumer : « Nous pouvons nous permettre de payer ce gros salaire annuel à M. Chaplin car le public veut Chaplin et paiera pour le voir. » (John R. Freuler). C’est la loi de l’offre et de la demande.

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J’ai oublié de rappeler que Chaplin avait émigré aux États-Unis en 1912 pour faire du music-hall. Dès mars 1916, il a pu avoir son propre studio à Los Angeles. Or, à 26 ans, il aurait dû être mobilisé pour combattre durant la Première Guerre mondiale, mais ni les États-Unis ni le Royaume-Uni ne l’appelèrent et il fut d’ailleurs très populaire aussi au sein de l’armée, participant au moral des troupes. L’ambassade du Royaume-Uni aux États-Unis déclara : « [Chaplin] est bien plus utile à la Grande-Bretagne en gagnant de l’argent et en achetant des obligations de guerre que dans les tranchées. ». En juin 1917, un nouveau contrat avec un autre partenaire lui fit gagner l’équivalent actuel de 35 millions de dollars en échange de la réalisation de huit films. Il fit construire son propre studio qui fut inauguré en janvier 1918.

Charlot aurait pu n’être qu’un clown triste, pauvre et amoureux. En fait, il a été bien plus. Chaplin a véritablement créé le mythe du vagabond sentimental, inadapté social, pauvre. Pendant une vingtaine d’années, Chaplin a multiplié les succès avec des films comme "Une vie de chien" (14 avril 1918), "Le Kid" (6 février 1921), "La Ruée vers l’or" (26 juin 1925), "Les Lumières de la ville" (6 février 1931), "Les Temps modernes" (5 février 1936), etc. Ses films sont souvent une critique sociale acerbe contre un monde (souvent économique) sans pitié, violent, basé sur les profits, pour les uns, et sur la jalousie, pour les autres.

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Après 1923, Chaplin fut son propre patron (cofondateur de la United Artists) et a réalisé assez peu de films, misant plus sur la qualité que la quantité, seulement dix films en quarante-quatre ans, entre 1923 et 1967. C’était novateur : c’était la première fois qu’un réalisateur se permettait de produire lui-même son film. Il en avait les moyens.

Parce que la pantomime faisait partie du jeu comique de Chaplin, ce dernier était très peu enthousiasmé par les progrès techniques se traduisant par l’arrivée du cinéma parlant. Au contraire, la voix ne pouvait que réduire l’effet comique de Charlot. C’était d’ailleurs ce qui s’est passé : Charlot a disparu avec les films parlés de Chaplin.

Le premier film parlé de Chaplin est un chef d’œuvre, sans doute sa meilleure production, peut-être la meilleure production de toute l’histoire du cinéma mondial. Son titre est "Le Dictateur" et est sorti le 15 octobre 1940, après les conquêtes victorieuses des nazis. Chaplin mime de manière excellente et hilarante Hitler (il joue aussi un second rôle, celui du barbier juif, sosie d’Hitler, capable de raser la barbe à une femme !), et ce mimétisme est probablement la meilleure satire de la folie nazie.

Au-delà de l’aspect comique (la fameuse scène d’Hitler jouant avec la planète comme un ballon, la rudesse de Mussolini, les discours animalesques aux foules, etc.), Chaplin porte évidemment un message d’engagement contre l’idéologie nazie, ce qui, d’ailleurs, fut très mal ressenti dans certains milieux isolationnistes aux États-Unis pas encore engagés dans la Seconde Guerre mondiale. Chaplin expliquait sa manière de voir ainsi : « Je crois au pouvoir du rire et des larmes comme contrepoison de la haine et de la terreur. ».

La dernière scène du film est une tirade longue, certes un peu moralisatrice comme saura le faire le cinéma américain par la suite, mais une véritable ode à la paix, à la tolérance et à l’humanisme, sans doute bien plus efficace que bien des discours à la SDN puis à l’ONU.

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Après "Le Dictateur", Chaplin tourna "Monsieur Verdoux", sorti le 11 avril 1947. C’est l’histoire d’un employé de banque (lui) mis au chômage par la crise de 1929 qui a l’idée de se marier à de riches veuves qui meurent rapidement après le mariage. La critique a été sévère contre ce film qui a cependant obtenu un certain succès commercial, notamment en France (avec 2,6 millions d’entrées) car le film se passe à Paris.

Le dernier film américain de Chaplin fut "Les Feux de la rampe" ("Limelignt"), sorti le 16 octobre 1952, film assez triste et mélancolique qui montre la difficulté d’un chanteur du music-hall à se retirer de la scène. L’histoire est presque autobiographique, comme si Chaplin disait définitivement adieu à Charlot, qui n’existait déjà plus avec l’arrivée du cinéma parlant. Dans ce film ont joué notamment Buster Keaton et Sydney Earl Chaplin, le deuxième fils de Charlie Chaplin (à ne pas confondre avec le grand frère Syd Chaplin). Sa fille Géraldine Chaplin y a fait une apparition (à l’âge de 8 ans), ainsi que son fils aîné Charles Chaplin Jr.

Pourquoi dernier film américain ? Chaplin et sa famille quittèrent New York le 18 septembre 1952 (à bord du "Queen Elizabeth") pour être présent à la première diffusion de son film à l’Odeon Theatre à Londres (le 16 octobre 1952). Il était sans illusion sur son retour. En effet, les États-Unis ont révoqué son visa de retour, à cause de la fièvre maccarthyste (David Bohm fut lui aussi victime de cette "hystérie"). Chaplin refusa de se plier aux interrogatoires pour pouvoir obtenir son visa et pour pouvoir retourner aux États-Unis : il resta donc en Europe : « Que je revienne ou non dans ce triste pays avait peu d’importance pour moi. J’aurais voulu leur dire que plus tôt je serais débarrassé de cette atmosphère haineuse, mieux je serais, que j’étais fatigué des insultes et de l’arrogance morale de l’Amérique. ».

Cette décision de ne pas retourner aux États-Unis était très hardie puisque toute sa fortune s’y trouvait. Ce fut son épouse qui régla toutes ses affaires à Los Angeles. Chaplin s’installa définitivement en Suisse en janvier 1953 et solda toutes ses affaires américaines en 1955 (son épouse prit la nationalité britannique et abandonna sa nationalité américaine) : « J’ai fait l’objet de calomnies et d’une propagande orchestrée par de puissants groupes réactionnaires qui, par leur influence et l’aide de la presse jaune américaine, ont créé une atmosphère malsaine dans laquelle les individus aux tendances libérales peuvent être persécutés. Dans ces conditions, j’ai trouvé qu’il était virtuellement impossible de continuer mon travail de réalisation cinématographique et j’ai par conséquent abandonné mon séjour aux États-Unis. ». Son séjour américain a duré quarante ans (1912-1952).

Son premier film après cette décision personnelle (avant dernier film de sa carrière) fut "Un roi à New York" sorti le 12 septembre 1957 (il a mis trois ans à le produire et réaliser), dans lequel son fils Michael Chaplin joue (le garçon de 10 ans aux idées déjà bien mûries). Satire de l’esprit américain intolérant du maccarthysme (et anti-anticommuniste), ce film ne sortit aux États-Unis que le 8 mars 1972 ! La scène de la prise des empreintes digitales à la douane montre l’humiliation que sont capables de faire subir les États-Unis à des stars déchues.

Au-delà de la critique du consumérisme en plein essor (le roi est réduit à faire de la publicité à la télévision pour payer son hôtel), quelques thèmes d’actualité sont traités dans ce film, notamment l’énergie nucléaire capable, selon le roi, de créer un "monde idéal". Étrangement, l’histoire de ce roi d’Estrovie ruiné par son Premier Ministre et détrôné par une révolution populaire préfigura la fuite du Shah d’Iran près d’un quart de siècle plus tard (d’autant plus étrange que le nom du roi est Igor Shahdov).

Après ce film, Chaplin reprit ses anciens films muets pour les rééditer et les resonoriser et commença à rédiger ses mémoires. Il a réalisé un dernier film où il apparaît à peine, "La Comtesse de Hong-Kong", sorti le 5 janvier 1967 (avec Sophia Loren, Marlon Brando et aussi ses enfants Sydney, Géraldine et Victoria, âgée de 10 ans) qui fut un échec commercial. En raison de son grand âge et de sa santé très faible (il a subi plusieurs accidents vasculaires cérébraux), il n’a pas pu achever la comédie dramatique "The Freak" qui avait pour but de lancer sa fille Victoria Chaplin dans la carrière cinématographique (il travailla sur ce film entre 1966 et 1975).

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Après vingt années de quasi-exil, Charlie Chaplin accepta de se rendre à Los Angeles pour recevoir le 10 avril 1972, à quelques jours de ses 83 ans, son second Oscar (au cours de la 44e cérémonie des Oscars au Dorothy Chandler Pavilion organisé par l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences). Ce fut un Oscar d’honneur décerné pour « l’effet incalculable qu’il a eu en faisant des films de cinéma la forme d’art de ce siècle ». Le première Oscar d’honneur, il l’avait eu à la 1e cérémonie des Oscars le 19 mai 1929 « pour sa polyvalence et son génie à jouer, écrire, mettre en scène et produire "Le Cirque" ». Ce fut une sorte de réconciliation entre les États-Unis et celui qui allait bientôt s’éteindre et qui fut un monument inégalé et reconnu du septième art.

Chaplin avait donné sa définition du bon acteur : « Un bon acteur sait mettre de l’émotion dans l’action et de l’action dans l’émotion. ». Ou encore : « Quand intelligence et sensibilité sont en parfait équilibre, on a le merveilleux acteur. ».

Après son enterrement le 27 décembre 1977, Charlie Chaplin ne se reposa pas encore tout à fait : son cercueil fut exhumé et volé le 1er mars 1978 par des brigands pour réclamer une rançon, mais ces derniers furent arrêtés le 17 mai 1978 et le cercueil retrouva sa place d’origine, dans le caveau alors bétonné pour éviter d’autres tentatives. Peut-être que ce malheureux épilogue a conduit Johnny Hallyday à se faire enterrer dans une île lointaine ?…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (22 décembre 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Charlie Chaplin.
Johnny Hallyday.
Pierre Granier-Deferre.
Barbara chantée par Depardieu.
Danielle Darrieux.
Lino Ventura.
Jean Rochefort.
Gisèle Casadesus.
Gisèle Casadesus a 100 ans !
Le cinéma parlant.
Jacques-Yves Cousteau.
Peter Falk.
"Big Eyes" de Tim Burton.
Mireille Darc.
Fadwa Suleiman.
Claude Rich.
Francis Veber.
Mimie Mathy.
Victor Lanoux.
Robert Dalban.
Acting.
Disparition de Zsa Zsa Gabor, Michèle Morgan, Claude Gensac, Carrie Fisher et Debbie Reynolds (dessin).
Kirk Douglas.
Jean Gabin.
Michel Aumont.
Grace Kelly.
Alice Sapritch.
Thierry Le Luron
Pierre Dac.
Coluche.
Charles Trenet.
Georges Brassens.
Léo Ferré.
Christina Grimmie.
Abd Al Malik.
Daniel Balavoine.
Édith Piaf.
Jean Cocteau.
Yves Montand.
Gérard Depardieu.
Michel Galabru.
Bernard Blier.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20171225-chaplin.html

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/charlie-chaplin-l-art-de-la-199926

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/12/23/35980567.html



 

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24 novembre 2017 5 24 /11 /novembre /2017 00:00

« Du plus loin que je me souvienne,
L’ombre de mes amours anciennes
Du plus loin, du premier rendez-vous,
(…)
Du plus loin qu’il m’en souvienne,
Si depuis, j’ai dit "je t’aime",
Ma plus belle histoire d’amour, c’est vous. »

("Ma plus belle histoire d’amour", Bobino, le 15 septembre 1965).



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C’était le 21 janvier 1986 au Zénith de Paris. Lui avait tout juste 37 ans. Elle 55 ans. Ils avaient joué ensemble dans une pièce autobiographique pour la chanteuse, "Lily Passion", une comédie musicale écrite par Luc Plamondon (qui collabora au premier opéra-rock français, "Starmania"). Une tournée ensemble, pour ce spectacle qui a mis quatre ans à mûrir (mis en scène par Pierre Strosser).

Une véritable amitié est née : « On a fait 40 000 kilomètres, j’ai pris 17 kilos, c’est dire si on a appris à vivre ensemble. ». Maintenant, Gérard Depardieu n’est pas loin d’atteindre les 69 ans (le 27 décembre prochain). Barbara, elle, est morte depuis presque vingt ans, le 24 novembre 1997. Elle avait alors 67 ans. Gérard Depardieu les a déjà dépassés.

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Comme l’explique France Inter, Gérard Daguerre, le (dernier) pianiste de Barbara, qui était à ses côtés pendant dix-sept ans, « avait conçu un album instrumental autour de Barbara parce que l’œuvre et la vie de cette femme, ce sont des textes mais aussi et autant des mélodies… ». France Inter poursuit : « Et puis, Daguerre a fait écouter ces musiques à Depardieu, ou Depardieu est tombé dessus, ils ne savent plus… Gérard Depardieu a posé sa voix sur une, puis deux, puis quatorze chansons. Et un disque est né, sans préméditation. ». Le disque est sorti le 10 février 2017, enregistré dans le petit théâtre de Précy-sur-Marne.

Parallèlement à ce CD, Gérard Depardieu et Gérard Daguerre ont fait et font plusieurs concerts sur le même thème à Paris, au Théâtre des Bouffes du Nord du 9 au 18 février 2017, et aussi au Cirque d’Hiver Bouglione, du 7 au 19 novembre 2017, toujours en hommage à Barbara, au vingtième anniversaire de sa disparition.

Mais Gérard Depardieu et Gérard Daguerre ont aussi accepté de faire un concert "privé" (et gratuit) dans le (mythique) Studio 104 de la Maison de la Radio, pour une prestation de presque deux heures retransmise en direct sur France Inter le vendredi 3 novembre 2017 à 20 heures.

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J’ai eu la grande chance de pouvoir assister à ce concert. Je connaissais mal le "chanteur" Depardieu et je connaissais beaucoup l’acteur, car j’ai vu un grand nombre de films avec lui, comme plein de monde. J’y suis venu surtout par curiosité et pour revisiter Barbara dont j’ai appris à connaître quelques chansons seulement à l’âge adulte (j’ai été biberonné plutôt avec du Georges Brassens et du Jacques Brel).

Je n’ai pas été déçu et ceux qui ont assisté autour de moi semblaient dans le même état d’esprit. J’ai ressenti beaucoup d’émotion, une émotion déjà de voir devant moi ce colosse qu’est Depardieu, un colosse gentil, lucide, qui assume tout, même le fait de ne pas être un "intello", comme il dit, qui assume le fait d’avoir une oreillette car il n’apprend pas les textes qu’il chante, donc, il a besoin d’un appui (et il n’a pas de prompteur, comme pour certains chanteurs). Il voulait remercier à la fin la personne à l’autre bout de l’oreillette.

Une émotion donc de voir cet acteur qui est un véritable monument du cinéma français, qui a reçu deux Césars du meilleur acteur ("Le dernier métro" et "Cyrano de Bergerac") et a réuni le plus d’entrées en salle en France derrière Louis de Funès, de toute l’histoire du cinéma français, qui est sujet parfois à quelques polémiques (fiscales, russes, etc.), mais qui finalement, synthétise la culture populaire française dans le fait de se faire approprier par une grande majorité, un peu à l’instar d’un Johnny Hallyday pour la chanson. Le jeune voyou des débuts (dans "Les Valseuses") au timide analphabète un peu benêt (dans "Tête en friche" avec la merveilleuse Gisèle Casadesus) en passant par le célèbre Obélix de Goscinny et Uderzo, il est un véritable acteur, celui qui réussit à se mettre véritablement dans son rôle.

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Et c’est la seconde émotion tout au long de ce concert : Depardieu était réellement, ce soir-là, Barbara. Son rôle, c’était Barbara. Alternant textes et chansons, Depardieu parlait comme Barbara, chantait comme Barbara. Je ne savais plus très bien où était Depardieu et où était Barbara.

Parmi les explications, Depardieu disait qu’il n’y avait pas de raison qu’il n’incarnât que des rôles d’homme. Alors, il s’est amusé à incarner le rôle d’une femme, d’une amie, Barbara. Ainsi, lorsqu’il parlait, le "je", le "moi", était toujours accordé au féminin, car il est Barbara. Un bon point pour les féministes grammaticaux.

J’ai compris qu’il parlait en son nom quand il a parlé de l’après-mort de Barbara avec un petit coup de gueule. Il a lâché deux ou trois phrases pleines d’amertume contre la vente aux enchères de tous les objets personnels de Barbara, deux ans après sa mort. Il estimait qu’il aurait fallu les réunir, ces objets, en faire un musée, pas de les vendre, de les disperser, ne pas vendre telle robe, telles chaussures, etc. et puis ? comment donner une valeur à ces choses sentimentales ? (s’est-il demandé avec encore plein d’émotion au cœur).

Ce qui était émouvant, c’est qu’en écoutant Depardieu, j’avais l’impression d’entendre Barbara chanter. Il a repris exactement la même intonation, le même rythme. C’était du grand art, un grand acteur, de réussir, lui, l’homme dont la virilité, au fil de sa carrière, ne peut pas vraiment être mise en doute dans son interprétation (surtout au début de sa carrière), à faire croire qu’il était une femme qui chantait, c’était très fort.

Les moments particulièrement émouvants, c’était par exemple quand il a chanté "L’Aigle noir", la chanson si célèbre, ou encore "Une petite cantate", chantée à nouveau à la fin, en bis, avec le public épaté, ou encore "Göttingen", "Dis, quand reviendras-tu ?", "Emmène-moi", "Marienbad"… En tout, il a interprété vingt-deux chansons ou textes, avec le pianiste Gérard Daguerre qui était revenu du Japon pour l’occasion.

Parmi les chansons, il y en a deux qui ont été écrites en 1995 pour Barbara par son fils Guillaume Depardieu (disparu à 37 ans le 13 octobre 2008). Il était alors longtemps hospitalisé pour un accident de la circulation et pour une infection nosocomiale qu’il a eue à cette occasion.

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En raison des droits d’auteur, ce concert diffusé en direct n’est pas podcastable sur le site de Radio France. "Depardieu chante Barbara", c’est sans doute le meilleur cadeau que pouvait offrir à la "Dame en noir" l’un de ses grands amis pour lui rendre hommage vingt ans après sa disparition. Une manière de la rendre encore plus que jamais vivante.

« Un beau jour, ou peut-être une nuit,
Près d’un lac, je m’étais endormie
Quand soudain, semblant crever le ciel,
Et venant de nulle part,
Surgit un aigle noir.
(…)
Dis, l’oiseau, Ô dis, emmène-moi !
Retournons au pays d’autrefois,
Comme avant, dans mes rêves d’enfant,
Pour cueillir en tremblant
Des étoiles, des étoiles. »

("L’Aigle noir", 28 mai 1970).


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 novembre 2017)
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Pour aller plus loin :
Barbara chantée par Depardieu.
Barbara.
Gérard Depardieu.
Le cinéma parlant.
Acting.
Thierry Le Luron
Pierre Dac.
Coluche.
Charles Trenet.
Georges Brassens.
Léo Ferré.
Christina Grimmie.
Abd Al Malik.
Daniel Balavoine.
Édith Piaf.
Yves Montand.

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16 novembre 2017 4 16 /11 /novembre /2017 02:45

« Ce qui m’intéresse, c’est la folie ordinaire des hommes, celle que chacun porte en soi et qui affleure au moindre événement. Je ne méprise pas l’action, mais j’ai un penchant pour la psychologie. Je suis un cinéaste de chambre. » (Pierre Granier-Deferre, cité par "Le Figaro" le 17 novembre 2007).


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Je continue un petit tour d’horizon du cinéma français et évoque les films du réalisateur Pierre Granier-Deferre, à l’occasion du dixième anniversaire de sa disparition. Il est en effet mort le 16 novembre 2007 à Paris, à l’âge de 80 ans (il est né le 27 juillet 1927 à Paris).

Contrairement à d’autres réalisateurs de la même époque (années 1960), il n’a pas fait partie de la "Nouvelle vague" et est resté un réalisateur "classique". Pendant les années 1950, il a appris le métier de réalisateur en assistant de grands cinéastes, comme Marcel Carné, avec "L’Air de Paris" (1953) et Denys de La Patellière, avec notamment "Un taxi pour Tobrouk" (1960) et aussi "Les Grande Familles" (1958).

Ce dernier film, sorti le 19 novembre 1958 et scénarisé par Michel Audiard, est un excellent film tiré d’un roman de Maurice Druon (prix Goncourt 1948) et qui décrit la vie de grands industriels sous la IIIe République, avec Jean Gabin, Bernard Blier et Pierre Brasseur (avec la participation de Louis Seigner). Un téléfilm, réalisé par Édouard Molinaro et sorti en trois épisodes en 1989, a repris le même scénario avec Michel Piccoli, Pierre Arditi et Roger Hanin (à la place des trois précédents cités) et avec la participation de Renée Faure et Évelyne Bouix. Jean Desailly, qui avait eu un grand rôle dans le film de 1958, a repris un autre rôle en 1989, trente ans plus tard.

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Les environ trente films réalisés entièrement par Pierre Granier-Deferre ont été parfois de grands succès, comme "La Horse" (sorti le 22 février 1970) avec Jean Gabin, Julien Guiomar et Pierre Dux, film qui a véritablement lancé sa carrière de réalisateur, ou encore "La Métamorphose des cloportes" (sorti le 1er octobre 1965), d’après un roman d’Alphonse Boudard, avec Lino Ventura, Charles Aznavour, Pierre Brasseur, Annie Fratellini (qui fut la femme de Pierre Granier-Deferre), Daniel Ceccaldi et Jean Carmet, "La Veuve Couderc" (sorti le 13 octobre 1971), d’après un roman de Georges Simenon, avec Alain Delon, Simone Signoret, Boby Lapointe et Jean-Pierre Castaldi, "Adieu Poulet" (sorti le 10 décembre 1975), scénarisé par Francis Veber, avec Lino Ventura, Patrick Dewaere, Victor Lanoux, Julien Guiomar, Pierre Tornade, Claude Rich et Valérie Mairesse, "Une étrange affaire" (sorti le 23 décembre 1981), avec Michel Piccoli, Gérard Lanvin et Nathalie Baye (un film très ambigu), ou encore "L’Étoile du Nord" (sorti le 31 mars 1982), d’après un roman de Georges Simenon, avec Simone Signoret, Philippe Noiret et Fanny Cottençon. Il a fait jouer aussi Romy Schneider et Jean-Louis Trintignant.

Pierre Granier-Deferre fut reconnu par la profession avec l’attribution, en 1982, du César du meilleur scénario pour "L’Étoile du Nord". Dans les années 1990, il a également réalisé quelques épisodes de la série télévisée Maigret avec Bruno Cremer (et il continua à scénariser quelques épisodes dans les années 2000).

Pour lui rendre hommage, je voudrais m’attarder avec deux de ses films très emblématiques. Ils ne sont probablement pas les plus connus ni les plus commerciaux, mais ils m’ont particulièrement frappé quand je les ai vus pour la première fois.

Le premier que je veux évoquer est "Cours privé" sorti le 12 novembre 1986. Je l’ai vu un peu par hasard et inutile de dire qu’une impression de malaise m’avait rapidement envahi. Ce fut sans doute le film le plus "osé" de Pierre Granier-Deferre, avec de nombreuses scènes de nudité, propres plutôt à la décennie précédente.

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L’histoire est la suivante : la très belle et jeune Jeanne (jouée par Élizabeth Bourgine) est professeur dans une école privée dirigée par un directeur assez douteux sur les relations humaines (joué par l’excellent Michel Aumont). Elle est tellement jeune qu’elle pourrait avoir l’âge de ses élèves. Suscitant la "convoitise" par sa beauté, elle séduit autant le directeur qu’un de ses collègues (joué par Xavier Deluc). Des photos sont diffusées dans l’école de manière anonyme évoquant des "parties fines" et représentant des jeunes femmes nues dont une, au visage caché, semble être Jeanne. Un engrenage de séduction et de chantage dans la mécanique d’un scandale étouffant. Jouent aussi dans ce film, entre autres, Emmanuelle Seigner et Pierre Vernier.

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Pourquoi ai-je particulièrement eu envie de signaler ce film ? Peut-être parce qu’il a déjà plus de trente ans et qu’il est probable qu’il n’aurait jamais pu sortir en 2017, avec une atmosphère de politiquement correct qui refuserait ce genre de "scandale sexuel" où sont entremêlés voyeurisme glauque, homosexualité féminine, chantage affectif, sexe collectif, et jeux de séduction dans un milieu professionnel particulier puisque faisant intervenir des adolescents.

Si Élizabeth Bourgine (elle vient d’avoir 60 ans au début du printemps dernier), évidemment, crève l’écran dans ce film, c’est aussi dans ce film que j’ai découvert Michel Aumont dont j’ai apprécié le jeu trouble engendrant ce malaise. Pierre Granier-Deferre a gardé Élizabeth Bourgine dans ses deux films suivant "Cours privé", à savoir "Noyade interdite" (sorti le 2 décembre 1987) avec Philippe Noiret, Marie Trintignant, Guy Marchand et Suzanne Flon, et "La Couleur du vent" (sorti le 2 novembre 1988) avec Philippe Léotard, Fabrice Luchini, Jean-Pierre Bisson et Jean-Pierre Léaud.

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L’autre film est dérangeant d’une autre manière, plutôt psychologiquement, avec "Le Chat" sorti le 24 avril 1971, d’après un roman de Georges Simenon, avec le duo mémorable de Jean Gabin et Simone Signoret (avec la participation d’Annie Cordy). C’est un couple de retraités qui ne s’aiment plus et qui vont refuser de se parler de vive voix, mais un chat va bousculer cette guerre de positions entre eux deux.





Au-delà de la tension psychologique très forte, ce film illustre aussi la grande urbanisation de l’époque où tout était construit pour l’automobile. La petite ville de Courbevoie, au début des années 1970, commençait à être engloutie dans le projet pharaonique de La Défense, au même titre que ses voisines Puteaux et Nanterre…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (16 novembre 2017)
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Pour aller plus loin :
Pierre Granier-Deferre.
Barbara chantée par Depardieu.
Danielle Darrieux.
Lino Ventura.
Jean Rochefort.
Gisèle Casadesus.
Gisèle Casadesus a 100 ans !
Le cinéma parlant.
Jacques-Yves Cousteau.
Peter Falk.
"Big Eyes" de Tim Burton.
Mireille Darc.
Fadwa Suleiman.
Claude Rich.
Francis Veber.
Mimie Mathy.
Victor Lanoux.
Robert Dalban.
Acting.
Disparition de Zsa Zsa Gabor, Michèle Morgan, Claude Gensac, Carrie Fisher et Debbie Reynolds (dessin).
Kirk Douglas.
Jean Gabin.
Michel Aumont.
Grace Kelly.
Alice Sapritch.
Thierry Le Luron
Pierre Dac.
Coluche.
Charles Trenet.
Georges Brassens.
Léo Ferré.
Christina Grimmie.
Abd Al Malik.
Daniel Balavoine.
Édith Piaf.
Jean Cocteau.
Yves Montand.
Gérard Depardieu.
Michel Galabru.
Bernard Blier.

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https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/les-audaces-de-pierre-granier-198728

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22 octobre 2017 7 22 /10 /octobre /2017 02:40

« Quand on me parle d'un personnage à interpréter, je sais d'une façon immédiate si je peux le faire, si ça me convient ou si ça ne va pas. »


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Danielle Darrieux vient de s'éteindre à 100 ans. Dans "Marie-Octobre" (réalisé par Julien Duvivier et sorti le 24 avril 1959), elle avait joué avec Lino Ventura. Parmi les acteurs français qui incarnent le mieux "l'esprit français", je citerais justement Lino Ventura, arrivé d'Italie (Angiolino précisément, pour comprendre cet étrange prénom qui pourrait remplacer un parquet). Il est mort soudainement à Saint-Cloud il y a trente ans, le 22 octobre 1987 à l'âge de 68 ans (il est né le 14 juillet 1919 à Parme).

S'il y avait un trait qui collait à la peau de l'acteur, comme l'élégance pour Jean Rochefort, c'était bien la tendresse. Une tendresse parfois un peu brutale mais toujours sincère. Un peu comme le cliché des Français, bagarreurs et copains en même temps, comme dans Astérix. Ce n'est donc pas étonnant de retrouver Lino Ventura dans le patrimoine national des Français, aux côtés des autres grands acteurs français des années 1960 à 1980. Il trônait parmi les acteurs les plus appréciés, les plus populaires. Un film avec lui, c'était le succès assuré ; il a joué dans de nombreux films  à grand succès qui ont totalisé 130 millions d'entrées !

Immigré italien dont le père a disparu, il est arrivé dans la banlieue parisienne le 7 juin 1927. Sa mère étant sans ressources, il n'alla pas à l'école et a fait de petits boulots pour assurer la survie du foyer. Parallèlement, poussé par des copains de son quartier, il commença à s'entraîner à la lutte gréco-romaine à l'âge de 16 ans. Il a épousé très jeune, à l'âge de 22 ans (le 8 janvier 1942), sa femme qu'il a rencontrée dans un de ses petits boulots. Parce qu'il avait gardé la nationalité italienne, il a été mobilisé dans l'armée italienne mais l'a désertée en juillet 1943 pour regagner Paris. Le couple resta caché jusqu'à la fin de la guerre.

Après la guerre et pendant un peu moins d'une dizaine d'années, Lino Ventura est devenu catcheur professionnel et a atteint en février 1950 le titre de champion d'Europe des poids moyens. De mauvaises blessures l'ont empêché de poursuivre cette carrière sportive qui évolua dans le rôle d'entraîneur.

Il fut présenté au réalisateur Jacques Becker qui cherchait un acteur italien avec une certaine carrure à opposer à Jean Gabin (finalement choisi après le refus de Daniel Gélin). Avec "Touchez pas au grisbi" (sorti le 17 mars 1954), qui a été vu par 4,7 millions de spectateurs, Lino Ventura fut alors propulsé star du cinéma (alors qu'il n'avait suivi aucun cours d'art dramatique) et domina par sa personnalité et son naturel le cinéma français pendant plus d'une trentaine d'années dans environ soixante-quinze films.

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Lino Ventura a joué comme "méchants" ou "policier" dans de nombreux films, parfois dans des rôles d'énervé (comme dans "L'emm@rdeur" avec Jacques Brel). Généralement, fort en gueule, cassant, sévère, mais capable de dévoiler une certaine tendresse, notamment auprès d'enfants dont il a la responsabilité, que ce fût sa nièce (dont le petit ami, joué par Claude Rich, était le fils du vice-président du Fonds monétaire international !) dans "Les Tontons flingueurs" ou sa fille (Isabelle Adjani) dans "La gifle".

Parmi les réalisateurs avec qui il a travaillé, on peut évoquer Jacques Becker, Gilles Grangier, Julien Duvivier, Jean Delannoy, Louis Malle, Édouard Molinaro, Claude Sautet, Denys de La Patellière, Henri Verneuil, Georges Lautner, Robert Enrico, Pierre Granier-Deferre, Jacques Deray, Jean-Pierre Melville, José Giovanni, Terence Young, Claude Pinoteau, Claude Lelouch, Francesco Rosi, Claude Miller, Yves Boisset, Pierre Tchernia, etc.

L'un de ses meilleurs films fut sans doute "Garde à vue" (réalisé par Claude Miller et sorti le 22 septembre 1981) où il jouait le rôle d'un policier, dans l'enquête du meurtre d'un enfant, venu interroger un notable avocat la veille de Noël qu'il considérait comme un vieux pervers (joué par l'excellent Michel Serrault). Il a également joué le rôle du général Carlo Alberto Dalla Chiesa peu après l'assassinat de ce dernier par la mafia, dans un film de Giuseppe Ferrara ("Cent jours à Palerme").

Lino Ventura n'a jamais reçu de récompense de la profession, il a juste été nommé pour le César du meilleur acteur pour "Les Misérables" le 26 février 1983, mais il présida la deuxième cérémonie des Césars le 19 février 1977 pour remplacer Jean Gabin qui venait de mourir, et fut honoré après sa mort brutale le 12 mars 1988 à la treizième cérémonie des Césars.

Comme il a eu du succès très rapidement, Lino Ventura pouvait se permettre de refuser des offres de rôle qu'il pensait ne pas correspondre à sa personnalité. Ainsi, il a refusé des premiers rôles dans de grands films comme "Apocalypse now", "Rencontre du Troisième type", "La chèvre" (initialement en duo avec Jacques Villeret au lieu de Pierre Richard) et "Le viex fusil", terrible film mené finalement par Philippe Noiret.

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D'un naturel réservé et pudique, il refusait également toute scène de nudité, au contraire de nombreux de ses collègues. Il voulait aussi mettre à l'abri sa propre famille du star system. Avec sa femme, il a eu en effet quatre enfants dont une fille qui fut en situation de handicap dès la naissance (à cause d'un accident cérébral). Ce fut la première motivation de la création de l'association Perce-Neige par le couple Ventura le 6 décembre 1965 qui essayait de rattraper le manque de structures d'accueil pour les enfants en situation de handicap. Cette association a poursuivi son action bien après la mort de Lino Ventura et est à l'origine d'une quarantaine d'établissements en France. Cette action sociale autant que la popularité de l'acteur ont encouragé les mairies à baptiser de nombreuses structures (des salles des fêtes, des médiathèques, etc.) du nom de Lino Ventura.

Voici quelques extraits de plusieurs de ses grands films.


1. "Touchez pas au grisbi" sorti le 17 mars 1954 (Jacques Becker).






2. "Les Tontons flingueurs" sorti le 4 octobre 1963 (Georges Lautner).






3. "Ne nous fâchons pas" sorti le 20 avril 1966 (Georges Lautner).










4. "La Gifle" sorti le 23 octobre 1974 (Claude Pinoteau).






5. "Garde à vue" sorti le 22 septembre 1981 (Claude Miller).






Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (20 octobre 2017)
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Pour aller plus loin :
Danielle Darrieux.
Lino Ventura.
Jean Rochefort.
Gisèle Casadesus.
Gisèle Casadesus a 100 ans !
Le cinéma parlant.
Jacques-Yves Cousteau.
Peter Falk.
"Big Eyes" de Tim Burton.
Mireille Darc.
Fadwa Suleiman.
Claude Rich.
Francis Veber.
Mimie Mathy.
Victor Lanoux.
Robert Dalban.
Acting.
Disparition de Zsa Zsa Gabor, Michèle Morgan, Claude Gensac, Carrie Fisher et Debbie Reynolds (dessin).
Kirk Douglas.
Jean Gabin.
Michel Aumont.
Grace Kelly.
Alice Sapritch.
Thierry Le Luron
Pierre Dac.
Coluche.
Charles Trenet.
Georges Brassens.
Léo Ferré.
Christina Grimmie.
Abd Al Malik.
Daniel Balavoine.
Édith Piaf.
Jean Cocteau.
Yves Montand.
Gérard Depardieu.
Michel Galabru.
Bernard Blier.

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13 octobre 2017 5 13 /10 /octobre /2017 02:48

« Quand ma mère invitait une amie avec sa petite fille pour qu’elle joue avec moi, cela m’ennuyait prodigieusement. Du coup, je lisais devant la petite fille, que j’installais également sur une chaise pour qu’elle lise aussi ! Le reste du temps, j’étais un vrai diable, très farceuse, toujours prête à faire des blagues. Comme j’étais très souple, j’étais toujours en train d’escalader quelque chose. » ("Paris Match", le 23 mai 2014).


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Il y a trois ans, elle avait publié un livre de souvenirs pour expliquer, comme son titre laissait imaginer, que cent ans, l’âge qu’elle venait d’avoir, finalement, c’était passé très vite. Le 24 septembre 2017 à Paris, la comédienne Gisèle Casadesus est passée de l’autre côté du rideau, à l’âge de 103 ans et trois mois, un âge pas si exceptionnel dans sa famille exceptionnelle d’artistes, de musiciens, de comédiens (voir ici pour plus de détail), au point que Wikipédia n’hésite pas à parler de "dynastie" ce qui est un peu exagéré, car la famille Casadesus n’a jamais eu que le pouvoir d’émouvoir, de divertir, d’éblouir le peuple, sans autre arrière-pensée de pouvoir et d’argent. Elle a été inhumée à l’entrée du cimetière d’Ars, sur l’île de Ré, le 28 septembre 2017, après une cérémonie au temple protestant de Saint-Martin-en-Ré.

À l’âge de 91 ans, elle avait décidé d’arrêter le théâtre (elle a reçu un Molière d’honneur pour toute sa carrière en 2003) car c’est assez éprouvant physiquement de jouer un rôle sur les planches, mais elle s’était réservée encore pour faire du cinéma (elle a toujours eu une bonne mémoire). Ce n’est pas commun : elle a eu une carrière de quatre-vingt-trois ans ! Son dernier film est sorti en juin 2017, un court-métrage de vingt-six minutes d’Aytl Jensen pour la télévision : "Si loin, si proche". Son premier film est sorti… le 18 juin 1934, "L’Aventurier" de Marcel L’Herbier (avec Jean Marais).

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Le 4 juillet 1934, elle a eu le premier prix de comédie du Conservatoire d’art dramatique. Comme Michèle Morgan (partie le 20 décembre 2016 à 96 ans) et Jeanne Moreau (partie le 31 juillet 2017 à 89 ans), elle était une grande dame très respectée du cinéma français, reçue aussi bien par De Gaulle que par François Hollande qui lui a remis la médaille de grand officier de la Légion d'honneur attribuée le 17 septembre 2013, et elle fut récompensée une dernière fois par Emmanuel Macron le 12 juillet 2017 avec les dignités de grand-croix de la Légion d’honneur (en même temps que Monique Pelletier).





Comme beaucoup de monde, je l’avais vraiment découverte dans le film de Jean Decker "Tête en friche" sorti le 2 juin 2010, un film plein de tendresse. Gisèle tenait le premier rôle avec Gérard Depardieu. Si l’acteur talentueux m’avait paru en faire un peu trop, faisant un peu trop le cabotin à mon goût (un acteur si exceptionnel dans sa jeunesse), c’était très compensé par le rôle de la vieille dame tout en douceur, tout en fraîcheur, tout en amour.

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Rencontrée dans un jardin public, Margueritte lit "La Peste" de Camus à Germain, un jardinier illettré. Presque une histoire d’amour, mais aussi un récit poignant sur la vieillesse et la perte d’autonomie des personnes âgées. Le film (scénario de Jean Decker et Jean-Loup Dabadie d’après un roman de Marie-Sabine Roger, et musique de Laurent Voulzy) a bénéficié d'un casting prestigieux (y jouent aussi François-Xavier Demaison, Maurane, Régis Laspalès, Patrick Bouchitey, Claire Maurier, etc.). Mais ce long-métrage avait quelques défauts à mon avis : un certain manque d’épaisseur des autres personnages (autres que les deux héros) et les trop nombreux "clichés" sur les pauvres, sur les cancres, sur la psychologie d’un enfant mal aimé par sa mère, sur les méchants adultes qui malmènent leur mère dépendante, etc. Cela n’a pas empêché ce film d’avoir un succès commercial (plus de 1,3 million d’entrées), qui est mérité, justifié par la prestation majestueuse de Gisèle Casadesus et par les thèmes abordés, assez originaux.





Gisèle avait alors été interviewée dans une émission sur le cinéma au moment de la diffusion de ce film sur France 3 le 13 décembre 2012 et elle m’avait époustouflé par sa vitalité, son dynamisme, ses sourires de gentillesse, sa capacité à voir la vie comme un immense don à chérir : « J’ai la chance de faire ce que j’aime. Et je suis reconnaissante à mes parents et au bon Dieu qui m’ont fait une bonne santé. » ("Le Parisien", juin 2014). Sa recette pour rester jeune de caractère : « La présence à mes côtés de mes huit petits-enfants et neuf arrière-petits-enfants. Ils m’apportent la vie, la jeunesse et la joie, m’évitent de me replier sur moi-même et m’obligent à vivre avec mon temps. » ("Paris Match", le 23 mai 2014).





Jean Decker et Gisèle Casadesus partageaient un point commun : ils avaient tous les deux une maison sur l’île de Ré ; Gisèle depuis 1922 : « Ma mère cherchait à l’époque un endroit tranquille, sans casino, où l’on puisse vivre sans être importuné. » (Ré Télé, en 2014). Cette maison était le lieu de rencontre de toute la famille Casadesus. Juste avant le tournage de "Tête en friche", un jour, le réalisateur croisa l’actrice de 95 ans qui faisait du vélo : il l’a alors vertement blâmée d’avoir pris le risque de se faire mal en cas de chute, alors qu’elle devait tourner bientôt dans son film ! D’ailleurs, elle a arrêté la même année de faire du vélo et préférait se laisser alors transporter sur le porte-bagages du vélo de son fils aîné, Jean-Claude Casadesus (81 ans) ; elle avait arrêté de conduire à l’âge de 90 ans.





Gisèle Casadesus avait reçu chez elle l’ancien ministre Daniel Vaillant, maire du dix-huitième arrondissement, le 13 avril 2013 pour fêter ses 99 ans. Elle habitait dans le dix-huitième arrondissement de Paris où elle est née : « Je n’ai jamais vécu ailleurs qu’ici, car je suis née dans cet immeuble ! Mon père avait d’abord habité à Montmartre, mais commençait à trouver son quartier trop agité. Mes parents ont donc choisi de s’installer à cette adresse en 1911, parce que la rue était tout à fait déserte ! (…) Enfin, mon frère Christian [décédé en 2014 à 101 ans] adorait y faire des fouilles qu’il revendait aux antiquaires du quartier, comme de vieux objets en étain. Je me souviens qu’une de nos grandes joies était de voir se monter la fête foraine du boulevard de Rochechouart » ("Paris Match", le 23 mai 2014).





Elle avait aussi répondu présente à l’ancien ministre Paul Quilès pour participer à un hommage à Jean Jaurès pour le centième anniversaire de son assassinat, en jouant le rôle d’une femme, née quelques minutes avant cet assassinat, parlant à son arrière-petit-fils étudiant qui prépare un mémoire sur Jaurès (spectacle créé par Claude Moreau : "Jaurès, une voix pour la paix" à Carmaux, en octobre 2013 puis en juillet 2014, elle avait alors 100 ans). Près de 5 000 spectateurs ont été émus par sa voix : « Son regard perçant, ses rides qui lui confèrent une beauté empreinte de sagesse, son jeu d’artiste plus que réaliste, en font la force du spectacle. » expliquait l’association "Histoire(s) du pays de Jaurès" le 14 juin 2014.


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Pour aller plus loin :
Jean Rochefort.
Gisèle Casadesus.
Gisèle Casadesus a 100 ans !
Le cinéma parlant.
Jacques-Yves Cousteau.
Peter Falk.
"Big Eyes" de Tim Burton.
Mireille Darc.
Fadwa Suleiman.
Claude Rich.
Francis Veber.
Mimie Mathy.
Victor Lanoux.
Robert Dalban.
Acting.
Disparition de Zsa Zsa Gabor, Michèle Morgan, Claude Gensac, Carrie Fisher et Debbie Reynolds (dessin).
Kirk Douglas.
Jean Gabin.
Michel Aumont.
Grace Kelly.
Alice Sapritch.
Thierry Le Luron
Pierre Dac.
Coluche.
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Christina Grimmie.
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9 octobre 2017 1 09 /10 /octobre /2017 12:06

« La fidélité du public me fait chaud au cœur. (…) Je pourrais presque me croire oublié, là, dans mon petit coin. Tout à coup, je réalise que je compte pour beaucoup de gens, que les Français ont de l’affection pour moi. Je ne le savais pas à ce point. Dieu, qu’est-ce que c’est bon de se savoir aimé ! L’amour, c’est ce qui vous porte. » ("Paris Match", le 19 février 2013).


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Quelques jours après la charmante centenaire Gisèle Casadesus, l’acteur Jean Rochefort a tiré sa révérence, à 87 ans, ce lundi 9 octobre 2017 à Paris. L’élégance, avec sa moustache, un poil précieuse, c’est sans doute ce qui pourrait le mieux caractériser cet acteur que j’ai toujours admiré, sa voix rassurante et autoritaire en même temps, une figure d’oncle ou de père telle que l’on pourrait l’imaginer dans un inconscient enfantin. Le mot "élégance" est en tout cas utilisé de façon presque systématique quand on parle de lui.

On parle de lui comme d’un monument de la culture française, représentant l’esprit français à l’instar d’un Astérix tout aussi moustachu. Avec son petit air d’aristocrate chevalin, il n’était pas toujours dans des premiers rôles, mais il excellait dans les seconds rôles. Sa trajectoire de comédien fut très dense à partir de 1953 (il avait alors 23 ans) : près de 120 films, environ 30 téléfilms sans compter la série "Les Bœuf-carottes"), autour de 35 pièces de théâtre (entre autres, des pièces de Peter Ustinov, Jean Giraudoux, Georges Feydeau, René de Obaldia, etc.), et exploitant à merveille sa voix et son talent de lecteur, plusieurs enregistrements de contes pour enfants. Il a aussi prêté sa voix de narrateur pour "Les aventures de Winnie l’ourson" diffusées sur France 3 à partir de 1985.

Parmi les nombreux films, Jean Rochefort a reconnu qu’il a parfois joué dans des "films avoines", c’est-à-dire des navets qui lui ont permis de financer sa passion pour l’équitation et les chevaux (il aurait fait naître une centaine de poulains) : « J’y vois aussi des petites choses dont j’ai un peu honte. Je ne suis qu’un homme après tout. J’ai parfois accepté des projets extrêmement moyens pour de mauvaises raisons : le besoin d’argent, la crainte du lendemain… tout ce qui fait les moments creux d’une vie. » ("Paris Match", le 19 février 2013). Ce qui lui a sans doute apporté une médaille assez rare, le Mérite agricole, en septembre 2004.

Parmi les récompenses de la profession : le César du meilleur second rôle en 1976 (pour "Que la fête commence" de Bertrand Tavernier), le César du meilleur acteur en 1978 (pour "Le Crabe-tambour" de Pierre Schœndœrffer) et un César d’honneur pour sa carrière en 1999. En 1976, son César était le premier des Césars en France, et il l’a obtenu à 46 ans.

En 2007 au Théâtre de la Madeleine, Jean Rochefort avait rendu hommage à ses personnalités admirées, comme Roland Barthes, Primo Levi, Paul Verlaine, Fernandel, Jean Yanne, Boby Lapointe. Avec Jean-Pierre Marielle, Claude Rich, Bruno Cremer, Jean-Paul Belmondo, Pierre Vernier, Annie Girardot (et Philippe Noiret), ils formaient une "petite bande" (issue de la même génération au Conservatoire) dans le cinéma français des années 1970-1980.

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Né le 29 avril 1930 à Paris, il passa son enfance et adolescence à Vichy pendant la Seconde Guerre mondiale et fut plutôt un cancre (comparé à un frère polytechnicien qui a fini ingénieur général de l’armement). Il entra au Conservatoire d’art dramatique où il rencontra la plupart des futures stars du cinéma français (voir ci-dessus) et commença au théâtre en 1953 avant de poursuivre sa carrière au cinéma à partir de 1958. L’un des films qui l’a beaucoup formé fut "L’Horloger de Saint-Paul" (1973).

Brillant dans les comédies, il joua notamment dans la série "Le Grand Blond avec une chaussure noire" et aussi dans la série "Un éléphant, ça trompe énormément" (une bande de copains avec Claude Brasseur, Guy Bedos et Victor Lanoux). Je le trouve au sommet de son humour et de son flegme dans l’excellent film "Le bal des casse-pieds".

Rompant avec sa réputation d’homme fin et délicat, distingué et élégant, Jean Rochefort s’était prêté en 2015 au jeu des "Boloss des belles lettres" en racontant brièvement un livre très connu avec le langage des "djeunes". Ce qui donnait par exemple pour "Madame Bovary" de Flaubert des phrases comme : « C’est l’histoire d’un petit puceau tout mou comme des Chocapic au fond de leur bol. ». Ou : « Ils vont crécher dans un bled perrave de Normandie. ». Ou encore : « Emma, elle se fait chi@r, donc elle commence à toucher la nouille à quelques keums. »… La vidéo a déjà eu presque 2,5 millions de visiteurs sur Youtube (et plus de 14 000 "likes" sur Facebook).

Il disait en 2013 : « Je suis acteur, le resterai jusqu’à mon dernier souffle. Je voudrais terminer ma carrière par le haut. ». Rappelant qu’il était contre les corridas et évidemment contre la viande chevaline, Brigitte Bardot lui a rendu cet hommage ce 9 octobre 2017 : « C’est une hécatombe d’étoiles qui s’éteignent avec la mort de Jean Rochefort. Avec lui, c’est toute une génération qui disparaît. Jean Rochefort en était un brillant représentant, élégant, dandy, lord, humour et fantaisie et surtout amoureux des chevaux et soutien inconditionnel dans mon combat contre l’hippophagie. Je l’adorais. ».


Voici quelques vidéos trouvées sur Internet pour lui rendre hommage.


1. "Le Grand Blond avec une chaussure noire" d’Yves Robert (6 décembre 1972)






2. "Le complot" de René Gainville (10 mai 1973)






3. "L’Horloger de Saint-Paul" de Bertrand Tavernier (16 janvier 1974)






4. "Le bal des casse-pieds" d’Yves Robert (12 février 1992)






5. "Les Bœuf-carottes ; épisode 3 : Émotions fortes" de Pierre Lary (1996)






6. "À voix nue" sur France Culture (janvier 2012)
Interviewé par Arnaud Laporte avec Claire Poinsignon (réalisé par Anne Secheret).






7. Boloss des belles lettres : "Madame Bovary" (2015)






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5 octobre 2017 4 05 /10 /octobre /2017 05:07

« Le bruit de crécelle de la caméra n’est pas le bienvenu lors des prises de vue sonores, elle se voit enfermée avec son opérateur dans une cabine insonorisée et se retrouve avec un fil à la patte. Allait-on oublier les travellings, les panoramiques et les subtilités du découpage ? Sûrement pas, mais l’on peut se féliciter que le cinéma soit né muet, car, privé des dialogues, il a été obligé d’inventer son propre langage qui en 1926, à l’arrivée du sonore, touche à la perfection. » (Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, "Grammaire du cinéma" éd. Nouveau Monde, 2010, cités par Wikipédia).



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Il y a quatre-vingt-dix ans, le 6 octobre 1927, est sorti aux États-Unis le film "Le chanteur de Jazz" (titre original : "The Jazz Singer") réalisé par Alan Crosland (1896-1936). C’était un film musical produit par la Warner Bros Pictures qui avait une particularité : il est considéré comme le premier film parlant. L’acteur principal était le chanteur Al Jolson (1886-1950). La Warner Bros était une société de production cinématographique créée par quatre frères le 4 avril 1923.

Ce fut en effet le premier film long-métrage qui, non seulement, utilisait de la musique et des chansons en bande sonore, mais faisait aussi synchroniser quelques paroles (dans une séquence très courte pour ce film de 90 minutes).

La Warner Bros a utilisé le système Vitaphone qu’elle avait déjà essayé dans un court-métrage de 10 minutes avec le même acteur principal, Al Jolson, dans le film "Une scène dans la plantation" ("A Plantation Act"), réalisé par Philip Roscoe et sorti le 7 octobre 1926, qui était une sorte de spectacle chanté face à la caméra, avec quelques paroles synchronisées du héros : « Wait a minute ! Wait a minute ! You ain’t heard nothin’ yet ! » ["Attendez une minute ! Ouvrez grand vos oreilles ! Vous n’avez encore jamais rien entendu !"]. Cette phrase est devenue l’une des tirades "culte" du cinéma mondial (en tout cas, la première dans l’ordre chronologique).

Ces quelques paroles entendues dans ce court-métrage a eu un effet très fort sur le public en salle. C’était comme si le public avait assisté à un miracle : l’image parlait ! C’est pourquoi la Warner Bros a voulu reprendre cette tirade parlée dans un long-métrage.

Un autre film a permis aussi la réalisation de "The Jazz Singer", ce fut "Don Juan" réalisé par Alan Crosland (le même réalisateur) et sorti aux États-Unis le 6 août 1926, avec en acteur principal, une star, John Barrymore (1882-1942). Très long film d’amour (167 minutes) qui a apporté un grand succès commercial à la Warner Bros, il était le premier film sonore (mais non parlant). Toujours des intertitres pour les dialogues, mais beaucoup de musiques.

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"The Jazz Singer" fut une étape essentielle dans l’histoire du cinéma puisque certaines scènes (des chansons et un monologue) furent parlants. Le reste resta dans la forme classique du cinéma muet, à savoir l’utilisation d’intertitres pour raconter l’histoire et faire les dialogues. Avec ce procédé Vitaphone, le son était enregistré par un graveur sur un disque en cire, et il était commandé par un moteur électrique synchrone, le même que celui qui commandait la caméra.

Entre deux chansons, et entre plusieurs paroles écrites, l’acteur principal sortit une parole face à la caméra (donc face au public, mais destinée à sa mère dans le scénario) en reprenant la tirade de "A Plantation Act". Effet garanti sur le public habitué seulement au cinéma muet.

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Les coûts de production du film "The Jazz Singer" s’étaient élevés à 442 000 dollars de l’époque (soit environ 6 millions de dollars de maintenant), ce qui était énorme pour le cinéma de l’époque, une production dépassant rarement les 250 000 dollars. Mais l’investissement fut rentable puisque les recettes rien qu’aux États-Unis ont atteint 3 millions de dollars (de l’époque, toujours).

Le jour de sortie du film au théâtre de la Warner Bros à New York a été fixé pour que cela correspondît au Yom Kippour, un jour férié chez les Juifs, qui était le contexte clef du film. C’était très compliqué de projeter ce film, avec quinze bobines et quinze disques, et la projection fut une réussite tant technique que commerciale. On entendit dans la salle des ovations à la fin du film. Toutefois, aucun des quatre frères fondateurs de la Warner Bros n’a assisté à cette projection historique, car l’un d’eux, Sam Warner, est mort la veille d’une pneumonie et les trois survivants étaient partis l’enterrer en Californie.

Le succès renouvelé de "The Jazz Singer" montra la grande attente du public d’avoir accès au cinéma parlant. Une société de production concurrente, la Fox Film Corporation (fondée le 1er février 1915 par William Fox), chercha à simplifier les moyens techniques en réussissant à enregistrer le son de manière optique sur la pellicule du film, mais le procédé n’était pas très fiable, les reproductions rendaient la qualité du son de plus en plus mauvaise et cela devenait rapidement inaudible. C’était le procédé Movietone qui avait l’avantage de mettre sur le même support images et son.

L’introduction du cinéma parlant dans le marché mondial cinématographique n’était pas évidente et moins rentable que le muet : la réalisation d’intertitres en langue du pays destinataire coûtait bien moins cher que la réalisation de doublages (les populations nationales réclamant des films à leur langue, se moquant même, pour les Britanniques, de l’accent américain). De plus, pour préserver la qualité sonore, il fallait enregistrer plus d’images par seconde (24 au lieu de 16 images par seconde), ce qui faisait augmenter d’un tiers les coûts matériels. En Europe, le premier film sonore qui a eu un succès commercial fut "Chantage" ("Blackmail"), sorti le 30 juin 1929 et réalisé par (le jeune) Alfred Hitchock (1899-1980), qui fit doubler in situ son héroïne car l’actrice (tchécoslovaque) ne parlait pas anglais.

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L’histoire du cinéma a commencé quasiment avec l’histoire de la photographie, inventée par Nicéphore Niepce (1765-1833) vers 1824, et même sans la photographie dans l’idée de pouvoir utiliser des images différentes pour voir une apparence de mouvement. C’était le phénakistiscope inventé par le physicien Joseph Plateau (1801-1883) en 1832 avec des images peintes. L’ingénieur Jules Duboscq (1817-1886) adapta l’idée avec des images photographiques pour concevoir le bioscope en 1851. Ce fut l’astronome Jules Janssen (1824-1907) qui développa un appareil photo pour prendre plusieurs photos à répétition en 1874 (le revolver astronomique), dans le but d’observer le passage de Vénus devant le Soleil. D’autres à la même époque ont inventé différents appareils pour étudier le mouvement en le décomposant, avec des appareils comme le zootrope du médecin Étienne-Jules Marey (1830-1904) et du photographe Eadweard Muybridge (1830-1904) en 1878, comme le praxinoscope du photographe Émile Reynaud (1844-1918) en 1888, etc.

Le cinéma n’a véritablement "commencé" qu’à partir de l’industriel Thomas Edison (1847-1931), fondateur de General Electric et de Continental Edison, avec le kinétograph en 1892, puis de l’ingénieur Louis Lumière (1864-1948) avec le cinématographe en 1895 : la première projection publique d’un film a eu lieu le 28 décembre 1895. Mais tout cela était encore en recherche et pas accessible au grand public, car Louis Lumière considérait que c’était « une curiosité scientifique sans avenir commercial ».

Le premier véritable réalisateur de films à but de divertissement et pas de curiosité scientifique fut l’ancien illusionniste Georges Méliès (1861-1938) qui comprit l’intérêt pour le grand public de cette invention extraordinaire. Il réalisa à partir de 1896 plusieurs milliers de courts-métrages dont le célèbre "Le voyage dans la Lune", sorti le 1er septembre 1902, où il développa les premiers rudiments des trucages. Ce film, qui a connu un très grand succès commercial, a d’ailleurs été copié illégalement dès sa sortie, parfois par de grandes entreprises américaines, pour de faire de gros profits qui ne rapportèrent pas aux auteurs du film de 14 minutes.

L’industrie du cinéma (forcément muet dans ce premier temps) s’est vite développée en raison de l’enthousiasme du public, avec la mise sur orbite de nouvelles stars, souvent des comiques ou des chanteurs (à partir de 1910, Max Linder est devenu une vedette mondiale, avant Buster Keaton, Charlie Chaplin, etc.). La Première Guerre mondiale a ralenti le bouillonnement cinématographique en Europe mais a favorisé Hollywood qui est alors devenu la première place mondiale du cinéma, ce qui explique que le son soit venu des États-Unis, dans une collaboration entre Hollywood (cinéma) et Broadway (musique et spectacle).

Je résume bien sûr trop rapidement et très mal cette histoire beaucoup plus riche et subtile qu’exposée ici, mais l’idée était surtout de rappeler que le cinéma muet a été un élément majeur du cinéma tout court (donc parlant). On imagine mal cet art se développer de cette manière sans les metteurs en scène cherchant à faire comprendre par la seule image, et sans le son, un certain nombre d’éléments de l’histoire.

C’est ainsi que furent imaginées les différentes techniques de cadrage, les travellings, les gros plans et les montages élaborés, à l’instar de Giovanni Pastrone (1883-1959), inventeur du travelling, et surtout de David Wark Griffith (1875-1948), qui l’utilisa souvent dans ses productions. Ces principes de cadrage n’étaient pas réservés au seul cinéma puisque, très en avance sur son temps et probablement grâce à la proximité de son frère Martial Caillebotte (1853-1910), photographe et musicien, le peintre impressionniste Gustave Caillebotte (1848-1894) les avait déjà utilisés quelques décennies auparavant pour ses toiles représentant des scènes de vie quotidienne (œuvres rejetées ou ignorées par la critique jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale).


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25 septembre 2017 1 25 /09 /septembre /2017 08:26

Née le 14 juin 1914 à Paris dans une grande famille de musiciens et de comédiens, Gisèle Casadesus est arrivée au monde quelques jours avant l'embrasement de l'Europe dans la Première Guerre mondiale. Mère notamment du chef d'orchestre Jean-Claude Casadesus, elle fut actrice de cinéma et comédienne de théâtre et le resta jusqu'à un âge très avancé. Elle célébra le centenaire de l'assassinat de Jean Jaurès alors qu'elle était elle-même centenaire. Son frère et son mari sont morts également centenaire. Elle s'est éteinte après une vie pleine de couleurs à son domicile parisien.

Pour en savoir plus sur cette grande dame :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-123852330.html

SR

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20170924-gisele-casadesus-bref.html


 

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