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13 avril 2025 7 13 /04 /avril /2025 20:32

« La version russe du cessez-le-feu se résume à un dimanche sanglant. Il faut aider l’armée ukrainienne. » (Donald Tusk, Premier Ministre polonais, le 13 avril 2025).




 


Quel scandale ! On mesure, à quel point, en France et ailleurs, certaines officines ont été complètement dévoyées sur le sens des mots (ce n'est pas nouveau et il y a eu d'admirables auteurs pour décrire ce phénomène particulièrement éloquent).

Les deux bombardements meurtriers qui ont été décidés par l'armée russe de Vladimir Poutine a touché la population civile ukrainienne dans la matinée du dimanche 13 avril 2025, en pleine cérémonie des Rameaux, fête chrétienne, à Soumy (Sumy).

Ces deux missiles balistiques visaient la population civile et a atteint son objectif puisque 35 personnes ont été massacrées, dont deux enfants, et 117 personnes blessées. Selon la CNN, c'est l'attaque la plus meurtrière d'une zone civile depuis le début de l'année.


La ville de Soumy est une ville d'environ 260 000 habitants située au nord-est de l'Ukraine, à 30 kilomètres de la frontière russe, à 140 kilomètres de Kharkiv et à 130 kilomètres de Koursk (du côté russe).

Des images d'apocalypse ont marqué la population, comme ce bus rouge en plein centre-ville, frappé par un missile et complètement calciné (aucun passager n'a survécu), ou ces habitants qui circulaient nombreux dans les rues du centre-ville.
 


À écouter ces poutinolâtres adorateurs du massacre des peuples, ce nouveau massacre serait la faute de Volodymyr Zelensky, le Président ukrainien. On marche véritablement sur la tête, dans des inversions accusatoires complètement absurdes, surtout depuis que Donald Trump a retrouvé la Maison-Blanche. Rappelons que d'un côté, il y a un peuple, ukrainien, qui n'aspire qu'à la paix, qui n'a jamais eu de velléités agressives vis-à-vis de son voisin russe, dont on dit que les habitants sont leurs frères, et de l'autre, un autocrate (je ne confond bien sûr pas le peuple russe des oligarques russes), assoiffé de sang, et affamé de nouvelles conquêtes territoriales pour faire sa Grande Russie et surtout, maintenir le pouvoir de sa clique de voyous.

L'explication foireuse de Moscou, officiellement, c'était qu'une réunion de militaires aurait été visée, mais ces deux missiles balistiques, peut-être équipés de sous-munitions (destinées à faire le plus de morts possible) comme c'était le cas dans d'autres bombardements, visaient pourtant bien des civils et à ce jour, aucune des victimes ne semblait porter l'uniforme militaire. Et si c'était vrai, l'armée russe aurait pu avoir la décence de présenter ses excuses pour tant de civils massacrés. Bien sûr, les deux gamins qui sont morts étaient des militaires dangereux pour l'armée russe...

 


Trois jours de deuil ont été décrétés en Ukraine pour rendre hommage aux victimes. Elles méritent toutes notre compassion pour cette guerre folle issue d'une folie guerrière propre au siècle dernier (on connaît tellement bien la leçon). Plus les États-Unis se montrent mous voire lèche-derrière (je réemploie le vocabulaire de leur Président) vis-à-vis de Vladimir Poutine, plus l'autocrate du Kremlin se montre cruel et gourmand au dépens des Ukrainiens.

Le procureur général de Soumy a annoncé que parmi les victimes se trouvaient un garçon de 11 ans et un jeune homme de 17 ans qui ne demandaient qu'à vivre. Maryna Choudessa aussi est morte, avec sa mère : elle était institutrice et ses petits écoliers sont aujourd'hui traumatisés par sa disparition. Lioudmyla a, de son côté, déploré la mort de sa mère, Tetiana Kvacha, qui avait décidé de prendre le bus qui a été touché, ce qu'elle faisait pourtant rarement. Mauvais destin. Voulu par Vladimir Poutine et ses sbires (y compris ceux de la désinformation).
 


Parmi les victimes, il y avait aussi la musicienne Olena Kohut, organiste soliste à l'Orchestre philharmonique de Soumy et membre de l'Orchestre du Théâtre national de Soumy, également universitaire, enseignant dans une école d'art. Elle était reconnue pour sa maîtrise musicale (piano et orgue) et son dévouement au développement des jeunes talents.

En tant qu'organiste soliste, elle interprétait des mélodies qui captivaient le public et ses prestations avaient une immense portée culturelle. Olena Kohut a aussi interprété l'hymne ukrainien dans plusieurs églises à travers l'Europe pour promouvoir la culture ukrainienne.


Ses collègues du Théâtre national de Soumy ont exprimé sur Facebook leur grande affliction : « Le 13 avril 2025, à la suite d’une frappe de missile russe, notre famille du théâtre a subi une douleur indescriptible. Les blessures infligées ont tué notre collègue, artiste du théâtre orchestral, Olena Kohut. Olena était une personne extrêmement brillante, une véritable professionnelle, une collègue sympathique et une amie fiable. Sa musique, son sourire, sa gentillesse resteront à jamais gravés dans nos mémoires. Nous adressons nos plus sincères condoléances à sa famille, à ses proches et à ses amis. Nous partageons votre douleur et votre chagrin. Souvenirs joyeux et respect éternel. ».

« Une perte irréparable pour notre collectif, pour toute la communauté musicale, pour tous ceux qui ont connu et apprécié Olena en tant qu’artiste et personne », pour ses amis de l'Orchestre philharmonique de Soumy.

Les auteurs d'autres condoléances ont rappelé : « Camarades et élèves se souviennent d'Olena comme d'une personne qui transmettait non seulement ses connaissances, mais aussi son humanité, sa gentillesse et son optimisme. Elle savait libérer le potentiel de chaque élève et apportait un soutien sincère à ses élèves. ».
 


Il ne faut pas l'oublier, il ne faut pas les oublier, toutes ces victimes ukrainiennes meurtries dans leur chair et leur territoire. Le criminel de guerre sera jugé. Il payera. Rien ne sera oublié. C'est le destin de tous les auteurs du terrorisme, fût-il terrorisme d'État. Et honte à tous ceux qui justifient ces morts !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (14 avril 2025)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Soumy : grâce musicale versus vulgarité brutale.
Moonraker.
Olena Kohut.
Ukraine : Trump, porte-parole de Poutine !
3 ans de guerre en Ukraine.
Zelensky : Poutine, c'est l'anti-Europe !
L'aide de la France à l'Ukraine le 6 juin 2024.
Emmanuel Macron très gaullien à la télévision pour expliquer la gravité de la situation en Ukraine.
Débat parlementaire sur l'Ukraine : les masques tombent en France !
Ukraine : Sophia Aram traite à la sulfateuse les néopacifistes à la notoriété déclinante !
L'Europe face à Poutine.
Ukraine : Emmanuel Macron est-il un va-t-en-guerre ?
Rapport de la commission d'enquête n°1311 de l'Assemblée Nationale relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères (enregistré le 1er juin 2023).
Jean-Pierre Chevènement et ses relations avec la Russie.
François Fillon et ses relations avec la Russie.
Ukraine : Gabriel Attal attaque durement le RN et Marine Le Pen !
Soutien à l'Ukraine : la conférence de l'Élysée pour une défense européenne.
Conférence de presse du Président Emmanuel Macron lors de la Conférence de soutien à l'Ukraine le 26 février 2024 à l'Élysée (vidéos).
2 ans de guerre en Ukraine : Poutine zéro en histoire !
Amitié franco-ukrainienne : fake news et accord de coopération.
Lee Marvin, les Douze Salopards et la Russie.
La France Unie soutient l'Ukraine !
Condoléances cyniques.
Mort d'Evgueni Prigojine.

Sergueï Kirienko.
Victoria Amelina.

L'effondrement du pouvoir de Poutine.
Putsch en Russie : faut-il sauver le soldat Poutine ?
Poutine en état d'arrestation !
Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
L'Ukraine à l'Europe : donnez-nous des ailes !
Kherson libéré, mais menace nucléaire ?

Volodymyr Zelensky demande l'adhésion accélérée de l'Ukraine à l'OTAN.
6 mois de guerre en Ukraine en 7 dates.
Les massacres de Boutcha.
Le naufrage du croiseur russe Moskva.
L’assassinat de Daria Douguina.
Kiev le 16 juin 2022 : une journée d’unité européenne historique !
L'avis de François Hollande.
Les valeurs valent mieux que les bénéfices !
Poutine paiera pour les morts et la destruction de l’Ukraine.
Ukraine en guerre : coming out de la Grande Russie.
Robert Ménard, l’immigration et l’émotion humanitaire.
Ukraine en guerre : Emmanuel Macron sur tous les fronts.
Nous Européens, nous sommes tous des Ukrainiens !







https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250413-olena-kohut.html

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/14/article-sr-20250413-olena-kohut.html


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12 avril 2025 6 12 /04 /avril /2025 04:18

« C'est la France qui a fait de moi ce que je suis. Je lui garderai une reconnaissance éternelle. » (Joséphine Baker).



 


Cette petite phrase de reconnaissance, somme toute, elle est réciproque ; la France aussi est ce qu'elle est, grâce à Joséphine Baker qui est morte il y a cinquante ans, le 12 avril 1975 à Paris, à l'âge de 68 ans (née le 3 juin 1906 dans le Missouri). Elle est morte à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière d'un AVC qu'elle a eu deux jours auparavant, quelques heures après son dernier concert à Bobino, la célèbre salle parisienne « au cœur de ce quartier de la Gaîté dont le nom lui allait si bien ». L'émotion a été forte. Elle a reçu les honneurs militaires le 15 avril 1975. Ses obsèques furent célébrées d'abord à l'église de la Madeleine à Paris le 15 avril 1975 (« Des milliers de Parisiennes et de Parisiens remontaient la rue Royale pour accompagner son cercueil, déjà drapé de bleu-blanc-rouge, vers cette église de la Madeleine où la France enterre ses artistes. »), puis à l'église Saint-Charles de Monte-Carlo le 19 avril 1975 avant d'être inhumée au cimetière de Monaco.

Le 12 octobre 1936, dans "La Jumelle noire", la succulente Colette décrivait l'artiste élégante et éclatante : « Les voiles tombent, Joséphine Baker enjambe, comme une margelle, les étoffes qui la quittent, et d'un seul pas assuré, elle entre dans la nudité et dans la gravité. Le dur travail des répétitions d’ensemble semble l’avoir un peu amincie, sans décharner son ossature délicate. Les genoux ovales, les chevilles affleurent la peau brune et claire, d’un grain égal, dont Paris s’est épris. Quelques années, et l’entraînement, ont parfait une musculature longue, discrète, ont respecté la convexité admirable des cuisses. Joséphine a l’omoplate effacée, l’épaule légère, mobile, un ventre de jeune fille, à nombril haut. (…) Grands yeux fixes, armés de cils durs et bleus, pommettes pourpres, sucre éblouissant et mouillé de la denture entre les lèvres d’un violet sombre, la tête se refuse à tout langage, ne répond rien à la quadruple étreinte sous laquelle le corps docile semble fondre... Paris ira voir, sur la scène des Folies, Joséphine Baker, nue, enseigner aux danseuses nues la pudeur. ».
 


S'il fallait résumer Joséphine Baker par un seul mot, ce serait le mot liberté ! Elle est allée en France, elle a choisi la France pour avoir sa liberté qu'elle ne ressentait pas aux États-Unis, son pays natal. C'est, par anticipation, la réponse au discours dément de J. D. Vance, Vice-Président des États-Unis, le 14 février 2025 à Munich pour donner à l'Europe et à la France des leçons de liberté. Joséphine Baker, Américaine, est justement devenue Française pour être libre ! La France n'a pas de leçon à recevoir d'un pays qui a maintenu très longtemps la discrimination sur le critère stupide de couleur de la peau.

Joséphine Baker avait aussi un amour gigantesque pour la France parce qu'elle s'y est trouvée à l'aise, capable d'être reconnue pour ce qu'elle était, pour ce qu'elle faisait, sans a priori, sans préjugé. Elle s'est coulée dans le fameux creuset républicain de la Troisième République. Elle est arrivée en France en 1925, soit il y a un siècle, et les Parisiens l'ont adorée. Elle a acquis la nationalité française le 30 novembre 1937, peu avant la guerre.

France et liberté, cela donne... France libre, bien sûr. Faudrait-il être étonné de retrouver Joséphine Baker s'engageant dans Résistance française sous l'Occupation. En juin 1940, elle avait 34 ans et n'a pas hésité à s'engager et à devenir lieutenant de l'armée des ombres. Cet engagement n'était pas étonnant, elle l'avait déjà anticipé lorsqu'elle est devenue française : « Les Français m’ont tout donné. Je suis prête à leur offrir aujourd’hui ma vie. ». C'est cela, le patriotisme : pas seulement faire son service militaire mais s'engager dans l'armée française et utiliser tout son poids, tout son talent, toute sa notoriété au service de sa Nation.

Ses décorations plaident pour elle : Médaille commémorative des services volontaires dans la France libre, Médaille commémorative française de la guerre 1939-1945, Croix de guerre 1939-1945 avec palme de bronze (attribuée en 1961), et Chevalière de l'ordre de la Légion d'honneur (décoration attribuée le 18 août 1961). « Surtout, l’insigne qu’elle préférera entre tous, une petite croix de Lorraine en or reçue des mains-même du Général De Gaulle en 1943 et qu’elle finit pourtant par vendre pour reverser l’argent aux œuvres de la Résistance. ». Naturellement, la Médaille de la Résistance française avec rosette lui a fait aussi très plaisir, elle lui a été attribuée en 1946.
 


À cette occasion, le Général De Gaulle lui a adressé une lettre très chaleureuse datée du 14 octobre 1946 (il n'est plus au pouvoir) : « Chère mademoiselle Joséphine Baker, C'est en toute connaissance de cause et de tout cœur que je vous adresse mes sincères félicitations pour la haute distinction de la Résistance française qui vous a été attribuée. J'ai su et beaucoup apprécié naguère les grands services que vous avez rendus dans les moments les plus difficiles. Je n'ai été, par la suite, que plus touché de l'enthousiasme et de la générosité avec lesquels vous avez mis votre magnifique talent à la disposition de notre cause et de ceux qui la servaient. ». Le grand homme savait reconnaître les grandes dames.

La chanteuse et danseuse est toujours restée gaulliste, admirative devant l'engagement du général résistant. Par sa grande notoriété internationale, et sa popularité, elle a pu, pendant la guerre, ouvrir bien des portes peu accessibles pour le renseignement. Elle resta une fervente soutien à De Gaulle toute sa vie, jusqu'à être présente à la tête du cortège de la grande manifestation de soutien au Général le 30 mai 1968 aux Champs-Élysées.

Au-delà de De Gaulle, c'est toute la Nation française qui a été reconnaissante de l'engagement de Joséphine Baker, artiste mais aussi résistante, combattante et pas seulement en paroles, aussi en actes, à l'épreuve de vérité de la guerre, à l'épreuve du courage et de la fidélité aux valeurs. Elle a risqué sa vie pour la liberté et la paix de ses compatriotes français.

Et le meilleur moyen d'être reconnaissant, dans notre République mémorielle, c'est l'entrée au Panthéon. Comme deux autres femmes, Geneviève Anthonioz-De Gaulle et Germaine Tillion (et bientôt Robert Badinter), cette entrée a eu lieu de manière théorique, c'est-à-dire en laissant sa dépouille là où elle était, à savoir à Monaco qui, par sa princesse Grace Kelly, a accueilli l'officière chanteuse lorsque, surendettée, elle fut chassée (expulsée) de son château en 1969 pour des raisons financières.
 


Wikipédia raconte assez bien les enjeux de cette arrivée au Panthéon le 30 novembre 2021 : « La panthéonisation d'une descendante d'esclaves noirs américains et d'autochtones d'Amérique suscite une quasi-unanimité en France. Pour "Le Figaro", cet engouement s'explique par l'universalisme républicain dont l'artiste, récipiendaire de la Croix de guerre, est considérée être une figure exemplaire, a contrario d'un "fort courant venu d'Amérique" qui cherche à "assigner chacun à sa race, son sexe". Pour Chloé Leprince, sur France Culture, "dire que sa consécration dans la cathédrale républicaine du Panthéon fait consensus, c’est dire qu’elle fut à la fois celle qu’on assigna dans une posture fondamentalement façonnée par un regard raciste ; et aussi, celle qui s’est imposée en déjouant l’imagerie du bon sauvage, pour en faire son tremplin… et triompher". ».

Car c'est là la caractéristique majeure de Joséphine Baker, en plus de son talent artistique : elle ne s'est jamais prêtée à des jeux identitaires, elle ne s'est jamais considérée comme une personne "de couleur", n'estimant pas que la couleur de la peau était un élément fondamental chez une personne, a fortiori quand elle est artiste. C'est ce qui explique qu'elle se sentait si bien dans la France républicaine qui rejette en principe tous les communautarismes en faisant la promotion d'un modèle universaliste et humaniste : « J'ai pris les coups, mais je les ai pris avec le menton levé, dans la dignité, parce que j'aime et respecte si profondément l'humanité. ».





L'Élysée expliquait ainsi dans un communiqué en 2021 : « Joséphine Baker portait une certaine idée de l’Homme, militait pour la liberté de chacun. Sa cause était l'universalisme, l’unité du genre humain, l'égalité de tous, avant l'identité de chacun. C’est tout cela, Joséphine. Un combat pour la France libre. Sans calcul. Sans quête de gloire. Dévouée à nos idéaux. ».
 


Cela a été le principal message du discours du Président de la République Emmanuel Macron lors de l'hommage solennel de la Nation à Joséphine Baker lors de sa panthéonisation le 30 novembre 2021 : de De Gaulle à Emmanuel Macron, Joséphine Baker a eu beaucoup d'admirateurs, parfois posthumes, au plus haut sommet de l'État.

Comme toujours, Emmanuel Macron n'a pas caché sa joie de s'exprimer sur Joséphine Baker : « Fulgurante de beauté et de lucidité dans un siècle d’égarements, elle fit, à chaque tournant de l’Histoire, les justes choix, distinguant toujours les Lumières des ténèbres. Et pourtant, rien, rien n’était écrit. ».
 


Après avoir retracé les débuts de sa vie d'Américaine, petite fille battue aux conditions de vie très précaires, le Président de la République a raconté l'artiste en France dans une stratégie d'acceptation de ce qu'on lui demandait de faire pour mieux oser l'audace personnelle : « En gonflant les joues et en écartant les genoux (…), le comique détourne bientôt le sensuel. Lui demande-t-on de danser nue vêtue d’une simple ceinture de bananes dorées ? Elle y consent, mais écorne l’érotisme à coup de grimaces, de gestes saccadés, balaie les clichés d’un revers de hanche et raille l’imagier nègre par ses roulements d’yeux moqueurs. Les stéréotypes, Joséphine Baker les endosse. Mais elle les bouscule, les égratigne, les tourne en burlesque sublime. Esprit des Lumières ridiculisant les préjugés colonialistes sur des notes de Sidney Bechet. Le triomphe est immédiat. (…) En quelques années seulement, Joséphine Baker forge sa légende. Elle épouse la scène, impose sa liberté, entre dans l’imaginaire et dans l’intimité des Français. Par son insouciance jamais inconsciente, son courage toujours gai, cette légèreté ourlée de tristesse qu’arborent ceux qui ont déjà vécu, l’Américaine réfugiée à Paris, devient l’incarnation de l’esprit français et le symbole d’une époque. ».

L'une des plus belles journées de Joséphine Baker fut sa prise de parole aux côtés de Martin Luther King lors de la Marche sur Washington, le 27 août 1963, habillée de son uniforme d'officière de l'armée de l'air française et de toutes ses décorations dont elle était fière. Le fossé social, politique, culturel, intellectuel, est énorme avec cette autre femme, sans culture et sans respect, qui s'est victimisée odieusement, parce que condamnée très lourdement pour avoir détourné massivement des fonds publics, argent de ses contemporains, et qui prétendait le 6 avril 2025 récupérer, en le souillant, le combat des droits civiques de Martin Luther King.
 


Le chef de l'État l'a martelé, le combat de Joséphine Baker n'avait rien d'identitaire : « Sa cause était l’universalisme, l’unité du genre humain. L’Égalité de tous avant l’Identité de chacun. L’Hospitalité pour toutes les différences réunies par une même volonté, une même dignité. L’Émancipation contre l’Assignation. (…) Et que nul aujourd’hui ne fasse mentir ou ne détourne son combat universel ! Ce n’était pas un combat pour s’affirmer comme noire avant de se définir comme Américaine ou Française ; ce n’était pas un combat pour dire l’irréductibilité de la cause noire, non. Mais bien pour être citoyenne, libre, digne. Complètement. Résolument. ».

Et puis, Emmanuel Macron a ensuite salué la présence au cours de cette cérémonie de douze personnes : « Vous êtes là ce soir. Fidèles à ses rêves. ». Il s'était adressé aux enfants adoptifs de Joséphine Baker, de mille horizons : « Akio et Teruya venus du Japon ; Luis de Colombie ; Jari de Finlande ; Jean-Claude, Moïse et Noël de France ; Brian et Marianne d’Algérie ; Koffi de Côte d’Ivoire ; Tara du Venezuela ; et Stellina du Maroc. Oui, ces douze enfants, cette famille permit à Joséphine Baker de prouver aux yeux du monde que les couleurs de peau, les origines, les religions pouvaient non seulement cohabiter mais vivre en harmonie. ».
 


Pourquoi panthéoniser cette artiste ? La réponse était assez évidente : « Joséphine Baker entre ici avec tous ces artistes qui l’accompagnent, tous ces artistes qui ont aimé le jazz, la danse, le cubisme, la musique, la liberté de ces années. Elle entre ici avec tous ceux qui, comme elle, ont vu dans la France une terre à vivre, un lieu où l’on cesserait de se rêver ailleurs, une promesse d’émancipation. Elle entre ici avec tous ceux qui ont choisi la France, qui l’ont aimée et l’aiment, charnellement, qui l’ont vue trébucher et ont continué de l’aimer, qui l’ont vue à terre et se sont battus pour la relever. Français par le sang versé, les combats menés, l’amour donné. Elle entre ici pour nous rappeler à tous, pour nous rappeler à nous-mêmes, qui mettons quelquefois tant d’entêtement à vouloir l’oublier, l’insaisissable beauté de notre destin collectif : nous qui sommes une Nation de combat, fraternelle, que l’on désire, que l’on mérite, qui n’est elle-même que lorsqu’elle est grande et sans peur. ».
 


Et de terminer en se tournant vers son cénotaphe (dans la crypte XIII) : « Vous entrez dans notre Panthéon parce que, née américaine, il n’y a pas plus française que vous. ».

Cinquante ans maintenant après sa disparition, Joséphine Baker reste un symbole d'actualité, celui d'une France républicaine soucieuse de ses enfants, réunis autour de ses trois valeurs cardinales, mentionnées sur le fronton de toutes les mairies de France : liberté, égalité et fraternité.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 avril 2025)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Osez Joséphine !
Hommage national à Joséphine Baker par le Président Emmanuel Macron le 30 novembre 2021 au Panthéon (texte intégral et vidéo).
Joséphine Baker.
Florence Arthaud.
Herbert Léonard.
Jeanne Calment.
Pierre Bachelet.
Gérard Lenorman.
Pierre Dac.
Marianne Faithfull.
Marcel Zanini.
Patricia Kaas.
Kim Wilde.

 



https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250412-josephine-baker.html

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/josephine-baker-et-son-amour-pour-259482

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/12/article-sr-20250412-josephine-baker.html


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23 mars 2025 7 23 /03 /mars /2025 03:51

« La véritable supériorité de l'homme, ce n'est pas de dominer, de vaincre la nature. C'est, pour le penseur, de la comprendre, de faire tenir l'univers immense dans le microcosme de son cerveau. C'est, pour l'homme d'action, de garder une âme sereine devant la révolte de la matière, c'est de lui dire : "Me détruire, soit ! M'émouvoir, jamais !" » (Jules Verne).


 


L'écrivain français Jules Verne est mort il y a exactement cent vingt ans, le 24 mars 1905 à Amiens, où il habitait et dont il avait été un conseiller municipal, à l'âge de 77 ans (né le 8 février 1828 à Nantes).

Jules Verne est un écrivain prolifique de romans d'aventures et d'anticipation mais aussi de pièces de théâtre et de poésie, curieusement peu honoré de son vivant (il n'a été membre que de l'Académie d'Amiens), mais c'est peut-être le lot des auteurs populaires par rapport à d'autres plus intellectuels. D'une tradition plutôt monarchique (orléaniste), Jules Verne n'a pas donné non plus son nom à beaucoup de grandes voies publiques mais surtout à des établissements scolaires en France (430 écoles, collèges ou lycées sont appelés Jules-Verne, soit parmi les vingt-cinq premières personnalités les plus célébrées).

Jules Verne est aussi très célébré à l'étranger, beaucoup de pays ont leur Société Jules-Verne et, par exemple, à Nijniy Novgorod, grande ville de la Fédération de Russie à l'est de Moscou, il existe même un complexe résidentiel Jules-Verne et une statue de l'écrivain (parce que les Russes ne sont pas restés insensibles à "Michel Strogoff"). Le Président russe Vladimir Poutine expliquait ainsi le 18 mars 2005 au Salon du Livre de Paris : « Il est rare de trouver aujourd'hui en Russie quelqu'un qui, enfant, ne se soit pas passionné pour Jules Verne ou Dumas. ».

Ce qui est impressionnant est la somme de ses œuvres qui ont fait l'objet de 4 751 traductions, soit, explique le site Wikipédia, le deuxième parmi les « auteurs les plus traduits en langues étrangères après Agatha Christie et devant William Shakespeare » en 2020. Un monument de la littérature française (inspiré notamment par Edgard Allan Poe, Victor Hugo, Daniel Defoe, George Sand, Walter Scott, etc.) où qualité est associée aussi à quantité. Jugez-en : 96 romans et nouvelles, dont 20 publiés à titre posthume (il avait plusieurs romans d'avance), 17 pièces de théâtre, 12 essais et 184 poèmes et chansons, sans oublier 14 discours (principalement comme membre de l'Académie d'Amiens ou conseiller municipal d'Amiens) et des tonnes de lettres (certaines publiées dans six recueils de correspondance), lettres notamment à Nadar, Alexandre Dumas fils, Émile Perrin, Théophile Gautier, Charles Lemire, Hector Malot, etc.


 


Si Jules Verne est si connu des gens, même après plus d'un siècle, c'est qu'il a réussi à allier littérature pour la jeunesse et romans d'anticipation. Ses romans d'aventures font rêver, et lui-même a inspiré beaucoup de monde, on peut même dire que c'est le premier auteur vraiment moderne de science-fiction, utilisant les nouvelles technologies pour aller au-delà de la réalité, voire inventant de nouvelles technologies pour aller encore plus loin. Son éditeur Pierre-Jules Hetzel voulait que Jules Verne proposât des œuvres vulgarisant la science. Même si c'est beaucoup plus tard, le roman de Céline "Mort à crédit" donne l'ambiance de cette époque où la technologie était un divertissement culturel, où les montées en ballon étaient une activité voire une curiosité dominicales, où la vulgarisation scientifique était la poursuite des Lumières voulues par la République, etc.

C'est pourquoi, dès son époque, ses œuvres ont fait l'objet de nombreuses adaptations, tant au cinéma que dans la bande dessiné (l'un des auteurs les plus inspiré fut Hergé qui a repris l'idée de Jules Verne d'aller sur la Lune et qui a imité aussi des personnages de Jules Verne, comme les Dupont/Dupond). Exotisme, exploration, voyage, science, technologie, rêve... la recette gagnante de Jules Verne qui a vu son succès décoller dès la sortie de "Cinq Semaines en ballon" en 1863 (il avait alors 35 ans).


 


Non seulement l'écrivain et certains de ses romans sont très connus, durablement connus, mais aussi des personnages de ses romans, comme Michel Strogoff, le capitaine Nemo, Phileas Fogg, etc. Et des équipements : le Nautilus a donné son nom au premier sous-marin nucléaire américain.

Je propose quelques citations de dix des œuvres les plus connues de Jules Verne.


1. "Cinq Semaines en ballon" (1863)

1.1. « – Faites entrer le docteur Fergusson dit simplement Sir Francis M...
Et le docteur entra au milieu d'un tonnerre d'applaudissements, pas le moins du monde ému d'ailleurs. C' était un homme d'une quarantaine d'années, de taille et de constitution ordinaires ; son tempérament sanguin se trahissait par une coloration foncée du visage ; il avait une figure froide, aux traits réguliers, avec un nez fort, le nez en proue de vaisseau de l'homme prédestiné aux découvertes ; ses yeux fort doux, plus intelligents que hardis, donnaient un grand charme à sa physionomie ; ses bras étaient longs, et ses pieds se posaient à terre avec l'aplomb du grand marcheur. »

1.2. « Le docteur Fergusson avait un ami. Non pas un autre lui-même, un alter-ego ; l'amitié ne saurait exister entre deux êtres parfaitement identiques. »

1.3. « À force d'inventer des machines, les hommes se feront dévorer par elles ! Je me suis toujours figuré que le dernier jour du monde sera celui où quelque immense chaudière chauffée à trois milliards d'atmosphères fera sauter notre globe ! »

1.4. « Là s'étalent sans ordre, et même avec un désordre charmant, les étoffes voyantes, les ivoires, les dents de requins, le miel, le tabac, le coton ; là se pratiquent les marchés les plus étranges, où chaque objet n'a de valeur que par les désirs qu 'il excite. »

1.5. « C'était là l'un des plus beaux spectacles que la nature pût donner à l'homme. En bas, l'orage. En haut, le ciel étoilé, tranquille, muet, impassible, avec la lune projetant ses paisibles rayons sur ces nuages irrités. »


2. "Voyage au centre de la Terre" (1864)

2.1. « La science, mon garçon, est faite d'erreurs, mais d'erreurs qu'il est bon de commettre, car elles mènent peu à peu à la vérité. »

2.2. « Jamais minéralogistes ne s’étaient rencontrés dans des circonstances aussi merveilleuses pour étudier la nature sur place. Ce que la sonde, machine inintelligente et brutale, ne pouvait rapporter à la surface du globe de sa texture interne, nous allions l’étudier de nos yeux et le toucher de nos mains. »

2.3. « Alors intervint l'action de la chimie naturelle ; au fond des mers, les masses végétales se firent tourbe d'abord ; puis, grâce à l'influence des gaz, et sous le feu de la fermentation, elles subirent une minéralisation complète. Ainsi se formèrent ces immenses couches de charbon qu'une consommation excessive doit, pourtant, épuiser en moins de trois siècles, si les peuples industriels n'y prennent garde. »

2.4. « C'était la maison d'un paysan, mais, en fait d'hospitalité, elle valait celle d'un roi. »

2.5. « Représentez-vous un homme grand, maigre, d’une santé de fer, et d’un blond juvénile qui lui ôtait dix bonnes années de sa cinquantaine. Ses gros yeux roulaient sans cesse derrière des lunettes considérables ; son nez, long et mince, ressemblait à une lame affilée ; les méchants prétendaient même qu’il était aimanté et qu’il attirait la limaille de fer. Pure calomnie : il n’attirait que le tabac, mais en grande abondance, pour ne point mentir. Quand j’aurai ajouté que mon oncle faisait des enjambées mathématiques d’une demi-toise, et si je dis qu’en marchant il tenait ses poings solidement fermés, signe d’un tempérament impétueux, on le connaîtra assez pour ne pas se montrer friand de sa compagnie. »

2.6. « C'était la maison d'un paysan, mais, en fait d'hospitalité, elle valait celle d'un roi. »

2.7. « Ah ! Femmes, jeunes filles, cœurs féminins toujours incompréhensibles ! Quand vous n’êtes pas les plus timides des êtres, vous en êtes les plus braves ! La raison n’a que faire auprès de vous. »

2.8. « Ah ! quel voyage ! Quel merveilleux voyage ! Entrés par un volcan, nous étions sortis par un autre, et cet autre était situé à plus de douze cents lieues du Sneffels, de cet aride pays de d'Islande jeté aux confins du monde ! »


3. "De la Terre à la Lune" (1865)

3.1. « Parmi ces cinq mille nébuleuses, il en est une que les hommes ont nommée la Voie Lactée, et qui renferme dix-huit millions d'étoiles, (…) dont l'une des plus modestes et des moins brillantes, une étoile du quatrième ordre, s'appelle orgueilleusement le Soleil. »

3.2. « L’homme a commencé par voyager à quatre pattes, puis, un beau jour, sur deux pieds, puis en charrette, puis en coche, puis en patache, puis en diligence, puis en chemin de fer ; eh bien ! le projectile est la voiture de l’avenir, et, à vrai dire, les planètes ne sont que des projectiles, de simples boulets de canon lancés par la main du Créateur. »

3.3. « Je ne crois donc pas trop m'avancer en disant qu'on établira prochainement des trains de projectiles, dans lesquels se fera commodément le voyage de la Terre à la Lune. »

3.4. « Ils ont plus souci de l'humanité en général que de l'individu en particulier. »

3.5. « À eux trois ils emportent dans l'espace toutes les ressources de l'art, de la science et de l'industrie. Avec cela on fait ce qu'on veut, et vous verrez qu'ils se tireront d'affaire. »

3.6. « Or, quand un Américain a une idée, il cherche un second Américain qui la partage. Sont-ils trois, ils élisent un président et deux secrétaires. Quatre, ils nomment un archiviste, et le bureau fonctionne. Cinq, ils se convoquent en assemblée générale, et le club est constitué. »

3.7. « Rien ne saurait étonner un Américain. On a souvent répété que le mot "impossible" n'était pas français ; on s'est évidemment trompé de dictionnaire. En Amérique, tout est facile, tout est simple, et quant aux difficultés mécaniques, elles sont mortes avant d'être nées. Entre le projet Barbicane et sa réalisation, pas un véritable Yankee ne se fût permis d'entrevoir l'apparence d'une difficulté . Chose dite, chose faite. »

3.8. « Divisant le nombre des victimes tombées sous les boulets par celui des membres du Gun Club, il trouva que chacun de ceux-ci avait tué pour son compte une moyenne de deux mille trois cent soixante-quinze hommes et une fraction. À considérer un pareil chiffre, il est évident que l'unique préoccupation de cette société savante fut la destruction de l'humanité dans un but philanthropique, et le perfectionnement des armes de guerre, considérées comme instruments de civilisation. »

3.9. « Oui ! Mon brave ami ! Songe au cas où nous rencontrions des habitants là-haut. Voudrais tu leur donner une aussi triste idée de ce qui se passe ici-bas, leur apprendre ce que c'est que la guerre, leur montrer qu'on emploie le meilleur de son temps à se dévorer, à se manger, à se casser bras et jambes, et cela sur un globe qui pourrait nourrir cent milliards d'habitants, et où il y en a douze cents millions à peine ? »


4. "Les Enfants du capitaine Grant" (1865)

4.1. « Voir est une science. »

4.2. « Il suffit que l'on respire pour espérer ! »

4.3. « Les Néo-Zélandais sont les plus cruels, pour ne pas dire les plus gourmands des anthropophages. Ils dévorent tout ce qui leur tombe sous la dent. La guerre pour eux n'est qu'une chasse à ce gibier qui s'appelle l'homme, et il faut l'avouer, c'est la seule guerre logique. Les Européens tuent leurs ennemis et les enterrent. Les sauvages tuent leurs ennemis et les mangent, et, comme l'a fort bien dit mon compatriote Toussenel, le mal n'est pas tant de faire rôtir son ennemi quand il est mort, que de le tuer quand il ne veut pas mourir. »

4.4. « Dans un Français, il y a toujours un cuisinier. »

4.5. « Cet homme grand, sec et maigre, pouvait avoir quarante ans ; il ressemblait à un long clou à grosse tête ; sa tête, en effet, était large et forte, son front haut, son nez allongé, sa bouche grande, son menton fortement busqué. Quant à ses yeux, ils se dissimulaient derrière d'énormes lunettes rondes, et son regard semblait avoir cette indécision particulière aux nyctalopes. Sa physionomie annonçait un homme intelligent et gai ; il n'avait pas l'air rébarbatif de ces graves personnages qui ne rient jamais, par principe, et dont la nullité se couvre d'un masque sérieux. Loin de là. Le laisser-aller, le sans-façon aimable de cet inconnu démontraient clairement qu'il savait prendre les hommes et les choses par leur bon côté. Mais sans qu'il eût encore parlé, on le sentait parleur, et distrait surtout, à la façon des gens qui ne voient pas ce qu'ils regardent, et qui n'entendent pas ce qu'ils écoutent. Il était coiffé d'une casquette de voyage, chaussé de fortes bottines jaunes et de guêtres de cuir, vêtu d'un pantalon de velours marron et d'une jaquette de même étoffe, dont les poches semblaient bourrées de calepins, d'agendas, de carnets, de portefeuilles, et de mille objets aussi embarrassants qu'inutiles, sans parler d'une longue-vue qu'il portait en bandoulière. »
 



5. "Vingt Mille Lieues sous les mers" (1869)

5.1. « On peut braver les lois humaines, mais non résister aux lois naturelles. »

5.2. « La mer est le vaste réservoir de la nature. C'est par la mer que le globe a pour ainsi dire commencé, et qui sait s'il ne finira pas par elle ! Là est la suprême tranquillité. La mer n'appartient pas aux despotes. À sa surface, ils peuvent encore exercer des droits iniques, s'y battre, s'y dévorer, y transporter toutes les horreurs terrestres. Mais à trente pieds au-dessous de son niveau, leur pouvoir cesse, leur influence s'éteint, leur puissance disparaît ! Ah ! Monsieur, vivez, vivez au sein des mers ! Là seulement est l'indépendance ! Là je ne reconnais plus de maîtres ! Là je suis libre ! »

5.3. « Oui ! Je l’aime ! La mer est tout ! Elle couvre les sept dixièmes du globe terrestre. Son souffle est pur et sain. C’est l’immense désert où l’homme n’est jamais seul, car il sent frémir la vie à ses côtés. La mer n’est que le véhicule d’une surnaturelle et prodigieuse existence ; elle n’est que mouvement et amour ; c’est l’infini vivant, comme l’a dit un de vos poètes. »

5.4. « Il semblait que ces visqueux tentacules renaissaient comme les têtes de l'hydre. »

5.5. « Cependant, le capitaine avait raison. L'acharnement barbare et inconsidéré des pêcheurs fera disparaître un jour la dernière baleine de l'Océan. »

5.6. « Pas de pitié pour ces féroces cétacés. Ils ne sont que bouche et dents ! »

5.7. « La mer était couverte de cadavres mutilés. »

5.8. « Ce ne sont pas de nouveaux continents qu'il faut à la Terre, mais de nouveaux hommes ! »

5.9. « Ce que les joueurs regrettent par-dessus tout, d'ordinaire, c'est moins la perte de leur argent que celle de leurs folles espérances. »


6. "Le Tour du monde en quatre-vingts jours" (1872)

6.1. « Phileas Fogg était de ces gens mathématiquement exacts, qui, jamais pressés et toujours prêts, sont économes de leurs pas et de leurs mouvements. Il ne faisait pas une enjambée de trop, allant toujours par le plus court. Il ne perdait pas un regard au plafond, il ne se permettait aucun geste superflu. On ne l’avait jamais vu ému ni troublé. C’était l’homme le moins pressé du monde, mais il arrivait toujours à temps. »

6.2. « Les passeports ne servent jamais qu'à gêner les honnêtes gens et à favoriser la fuite des coquins. »

6.3. « Et d'ailleurs, avec les habitudes d'insouciance des Américains, on peut dire que, quand ils se mettent à être prudents, il y aurait folie à ne pas l'être. »

6.4. « — Tiens ! Mais vous êtes un homme de cœur ! dit sir Francis Cromarty.
Quelquefois, répondit simplement Phileas Fogg. Quand j’ai le temps. »

6.5. « Et maintenant, comment un homme si exact, si méticuleux, avait-il pu commettre cette erreur de jour ? Comment se croyait-il au samedi soir, 21 décembre, quand il débarqua à Londres, alors qu'il n'était qu'au vendredi, 20 décembre, soixante-dix-neuf jours seulement après son départ ? Voici la raison de cette erreur. Elle est fort simple. Phileas Fogg avait, « sans s'en douter », gagné un jour sur son itinéraire, et cela uniquement parce qu'il avait fait le tour du monde en allant vers l'est, et il eût, au contraire, perdu ce jour en allant en sens inverse, soit vers l'ouest. En effet, en marchant vers l'est, Phileas Fogg allait au-devant du soleil, et, par conséquent les jours diminuaient pour lui d'autant de fois quatre minutes qu'il franchissait de degrés dans cette direction. Or, on compte trois cent soixante degrés sur la circonférence terrestre, et ces trois cent soixante degrés, multipliés par quatre minutes, donnent précisément vingt-quatre heures, c'est-à-dire ce jour inconsciemment gagné. En d'autres termes, pendant que Phileas Fogg, marchant vers l'est, voyait le soleil passer quatre-vingts fois au méridien, ses collègues restés à Londres ne le voyaient passer que soixante-dix-neuf fois. C'est pourquoi, ce jour-là même, qui était le samedi et non le dimanche, comme le croyait Mr. Fogg, ceux-ci l'attendaient dans le salon du Reform Club. »

6.6. « Qu'avait-il gagné à ce déplacement ? Qu'avait-il rapporté de ce voyage ? Rien, dira-t-on ? Rien, soit, si ce n'est une charmante femme, qui, quelque invraisemblable que cela puisse paraître, le rendit le plus heureux des hommes. En vérité, ne ferait-on pas, pour moins que cela, le Tour du Monde ? »


7. "L'Île mystérieuse" (1874)

7.1. « Voici ma pensée : les savants admettent généralement qu’un jour notre globe finira, ou plutôt que la vie animale et végétale n’y sera plus possible, par suite du refroidissement intense qu’il subira. Ce sur quoi ils ne sont pas d’accord, c’est sur la cause de ce refroidissement. Les uns pensent qu’il proviendra de l’abaissement de température que le soleil éprouvera après des millions d’années ; les autres, de l’extinction graduelle des feux intérieurs de notre globe, qui ont sur lui une influence plus prononcée qu’on ne le suppose généralement. Je tiens, moi, pour cette dernière hypothèse, en me fondant sur ce fait que la lune est bien véritablement un astre refroidi, lequel n’est plus habitable, quoique le soleil continue toujours de verser à sa surface la même somme de chaleur. Si donc la lune s’est refroidie, c’est parce que ces feux intérieurs auxquels, ainsi que tous les astres du monde stellaire, elle a dû son origine, se sont complètement éteints. Enfin, quelle qu’en soit la cause, notre globe se refroidira un jour, mais ce refroidissement ne s’opérera que peu à peu. Qu’arrivera-t-il alors ? C’est que les zones tempérées, dans une époque plus ou moins éloignée, ne seront pas plus habitables que ne le sont actuellement les régions polaires. »

7.2. « C'était l'immense mer, dont les flots se heurtaient encore avec une incomparable violence ! C'était l'Océan sans limites visibles, même pour eux, qui le dominaient de haut et dont les regards s'étendaient alors sur un rayon de quarante miles ! C'était cette plaine liquide, battue sans merci, fouettée par l'ouragan, qui devait leur apparaître comme une chevauchée de lames échevelées, sur lesquelles eût été jeté un vaste réseau de crêtes blanches ! Pas une terre en vue, pas un navire ! »

7.3. « Ah ! s'écria Cyrus Smith, te voilà donc redevenu homme, puisque tu pleures ! »

7.4. « Le souper fut bientôt dévoré, car on avait faim, et il ne fut plus question que de dormir. Mais, quelques rugissements de nature suspecte s’étant fait entendre avec la tombée du jour, le foyer fut alimenté pour la nuit, de manière à protéger les dormeurs de ses flammes pétillantes. »

7.5. « J’étais dans la justice et dans le droit, ajouta-t-il. J’ai fait partout le bien que j’ai pu, et aussi le mal que j’ai dû. Toute justice n’est pas dans le pardon ! »

7.6. « La nécessité est, de tous les maîtres, celui qu'on écoute le plus et celui qui enseigne le mieux. »

7.7. « Je meurs d'avoir cru que l'on pouvait vivre seul. »


8. "Michel Strogoff" (1876)

8.1. « Trop d'ambition a perdu les plus grands empires. »

8.2. « Il fut un temps, Sire, où, quand on allait en Sibérie, on n’en revenait pas ! »

8.3. « Eh ! Que diable ! Il faut bien bouillir quelquefois ! Dieu nous aurait mis de l'eau dans les veines et non du sang, s'il nous eût voulus toujours et partout imperturbables ! »

8.4. « Qu'importe ! L'hiver est l'ami du Russe. Oui, Nadia, mais quel tempérament à toute épreuve il faut pour résister à une telle amitié ! J'ai vu souvent la température tomber dans les steppes sibériennes à plus de quarante degré au-dessous de glace ! J'ai senti, malgré mon vêtement de peau de renne,
mon cœur se glacer, mes membres se tordre, mes pieds se geler sous leurs triples chaussettes de laine ! J'ai vu les chevaux de mon traîneau recouverts d'une carapace de glace, leur respiration figée aux naseaux. J'ai vu l'eau-de-vie de ma gourde se changer en pierre dure que le couteau ne pouvait entamer !... mon traîneau filer comme un ouragan ! Plus d'obstacles sur la plaine nivelée et blanche à perte de vue ! Plus de cours d'eau dont on est obligé de chercher les passages guéables ! Plus de lacs qu'il faut traverser en bateau ! Partout la glace dure, la route libre, le chemin assuré ! »

8.5. « À quatorze ans, Michel Strogoff avait tué son premier ours, tout seul, ce qui n’était rien ; mais, après l’avoir dépouillé, il avait traîné la peau du gigantesque animal jusqu’à la maison paternelle, distante de plusieurs verstes, ce qui indiquait chez l’enfant une vigueur peu commune. Cette vie lui profita, et, arrivé à l’âge de l’homme fait, il était capable de tout supporter, le froid, le chaud, la faim, la soif, la fatigue. »


8.6. « Elle se rappelait ses attentions pendant le voyage, son arrivée à la maison de police de Nijniy Novgorod, la cordiale simplicité avec laquelle il lui avait parlé en l’appelant du nom de sœur, son empressement près d’elle pendant la descente du Volga, enfin tout ce qu’il avait fait, dans cette terrible nuit d’orage à travers les monts Oural, pour défendre sa vie au péril de la sienne ! Nadia songeait donc à Michel Strogoff. Elle remerciait Dieu d’avoir placé à point sur sa route ce vaillant protecteur, cet ami généreux et discret. Elle se sentait en sûreté près de lui, sous sa garde. Un vrai frère n’eût pu mieux faire ! Elle ne redoutait plus aucun obstacle, elle se croyait maintenant certaine d’atteindre son but. »


9. "Les Tribulations d'un Chinois en Chine" (1879)

9.1. « C’est qu’il en est du bonheur comme de la santé. Pour en bien jouir, il faut en avoir été privé quelquefois. »

9.2. « L’existence me paraît très acceptable, du moment qu’on ne fait rien et qu’on a le moyen de ne rien faire ! »

9.3. « S’ennuyer seul dans la vie, c’est mauvais ! S’ennuyer à deux, c’est pire ! »

9.4. « En passant devant la porte de l'Est, son regard s'accrocha, par hasard, à une douzaine de cages en bambou, où grimaçaient des têtes de criminels, qui avaient été exécutés la veille. "Peut-être, dit-il, y aurait-il mieux à faire que d'abattre des têtes ! Ce serait de les rendre plus solides !" »

9.5. « Sa vie, il y tenait plus que jamais, et comme le disaient Craig-Fry, "Il se serait fait tuer pour la conserver". »

9.6. « Un proverbe chinois dit : Quand les sabres sont rouillés et les bêches luisantes, quand les prisons sont vides et les greniers pleins, quand les degrés des temples sont usés par les pas des fidèles et les cours des tribunaux couvertes d'herbe, quand les médecins vont à pied et les boulangers à cheval, l'Empire est bien gouverné. »


10. "Le Rayon vert" (1882)

10.1. « Avez-vous quelquefois observé le soleil qui se couche sur un horizon de mer ? Oui ! sans doute. L'avez-vous suivi jusqu'au moment où, la partie supérieure de son disque effleurant la ligne d'eau, il va disparaître ? C'est très probable. Mais avez-vous remarqué le phénomène qui se produit à l'instant précis où l'astre radieux lance son dernier rayon, si le ciel, dégagé de brumes, est alors d'une pureté parfaite ? Non ! Peut-être. Eh bien, la première fois que vous trouverez l'occasion, elle se présente très rarement, de faire cette observation, ce ne sera pas, comme on pourrait le croire, un rayon rouge qui viendra frapper la rétine de votre œil, ce sera un rayon "vert", mais d'un vert merveilleux, d'un vert qu'aucun peintre ne peut obtenir sur sa palette, d'un vert dont la nature, ni dans la teinte si variée des végétaux, ni dans la couleur des mers les plus limpides, n'a jamais reproduit la nuance ! S'il y a du vert-là, qui est, sans doute, le vrai vert de l'espérance ! »

10.2. « Alors, cette fantaisie devint une idée fixe, qui ne laissa plus place à aucune autre. Cela tournait à l'était d'obsession. On en rêvait nuit et jour, à faire craindre quelque nouveau genre de monomanie, à une époque où il n'y a plus à les compter. Sous cette contention d'esprit, les couleurs se transformaient en une couleur unique : le ciel bleu était vert, les routes étaient vertes, les grèves étaient vertes, les roches étaient vertes, l'eau et le vin étaient verts comme de l'absinthe. Les frères Melvill s'imaginaient être vêtus de vert et se prenaient pour deux grands perroquets, qui prenaient du tabac dans une tabatière verte ! En un mot, c'était la folie du vert ! Tous étaient frappés d'une sorte de daltonisme, et les professeurs d'oculistique auraient eu là de quoi publier d'intéressants mémoires dans leurs revues d'ophtalmologie. Cela ne pouvait durer plus longtemps. »

10.3. « Mais, ce que Miss Campbell ne leur dit pas, c'est que précisément ce Rayon-Vert se rapportait à une vieille légende, dont le sens intime lui avait échappé jusqu'alors, légende inexpliquée entre tant d'autres, nées au pays des Highlands, et qui affirme ceci : c'est que ce rayon a pour vertu de faire que celui qui l'a vu ne peut plus se tromper dans les choses de sentiment ; c'est que son apparition détruit illusions et mensonges ; c'est que celui qui a été assez heureux pour l'apercevoir une fois, voit clair dans son cœur et dans celui des autres. »

10.4. « C'était un "personnage" de vingt-huit ans, qui n'avait jamais été jeune et probablement ne serait jamais vieux. Il était évidemment né à l'âge qu'il devait paraître avoir toute sa vie. De tournure, ni bien ni mal ; de figure, très insignifiant, avec des cheveux trop blonds pour un homme ; sous ses lunettes, l'œil sans regard du myope ; un nez court, qui ne semblait pas être le nez de son visage. Des cent trente mille cheveux que doit porter toute tête humaine, d'après les dernières statistiques, il ne lui en restait plus guère que soixante mille. Un collier de barbe encadrait ses joues et son menton, ce qui lui donnait une face quelque peu simiesque. S'il avait été un singe, c'eût été un beau singe, peut-être celui qui manque à l'échelle des darwinistes pour raccorder l'animalité à l'humanité. »

10.5. « Vous n'êtes pas sans savoir, monsieur, que quelques savants ont traité scientifiquement cette question si palpitante : De l'influence des queues de poisson sur les ondulations de la mer ?... (…) Eh bien, monsieur, en voici une autre que je recommande tout particulièrement à vos savantes méditations : De l'influence des instruments à vent sur la formation des tempêtes. »


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Sylvain Rakotoarison (22 mars 2025)
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15 février 2025 6 15 /02 /février /2025 03:32

« Chacun va son chemin
Jusqu'à l'endroit du destin
Où se retrouvent les mains
Qui se quittaient déjà »
(
"Flo", 1989).



 


Souvenir souvenir. L'auteur compositeur interprète français Pierre Bachelet est mort il y a vingt ans, le 15 février 2005 à son domicile de Suresnes. Émotion très forte à l'époque d'autant plus que le chanteur n'était pas encore très âgé, il avait seulement 60 ans (né le 25 mai 1944). L'une des nombreuses victimes d'une maladie qu'on a assimilé à un crabe sournois et sans pitié qui continue hélas à faire des ravages encore aujourd'hui.

On parle souvent de lui en citant prioritairement sa (certes belle) chanson "Les Corons" qui a donné beaucoup de reconnaissance aux travailleurs du Nord dont il était originaire. Mais Pierre Bachelet n'était pas seulement cette chanson. Il était d'abord un poète, d'une grande tendresse et d'une voix très posée. Même s'ils ne se ressemblent pas (ni physiquement ni pour l'œuvre), il y a quelques similitudes entre Pierre Bachelet et Jacques Brel, digne représentant de la chanson française (du moins francophone). Des éclairs dans le siècle, mais touchant les cœurs très fort.

À l'origine, Pierre Bachelet s'était destiné à confectionner des documentaires et aussi des illustrations sonores pour des publicités. Par son introduction dans le milieu de la télévision et du cinéma, il a composé quelques musiques de film dont l'une des premières pour le (célèbre) film "Emmanuelle" de Just Jaeckin (sorti le 26 juin 1974) fut un énorme succès commercial (Pierre Bachelet a vendu plus de 5 millions de disques pour cette musique, qui était aussi sa première chanson). En tout, il a composé plus d'une quarantaine de bandes originales de films ou téléfilms, en particulier "Histoire d'O", "Coup de tête", "Les Bronzés font du ski", "Les Enfants du marais", etc.


Après un premier album en 1975 sans retentissement, il a sorti un deuxième album qui a eu un grand succès avec sa très belle chanson "Elle est d'ailleurs" avec des paroles très fortes : « Elle a de ces lumières au fond des yeux/ Qui rendent aveugle ou amoureux » ; « Elle a de ces manières de ne rien dire/ Qui parlent au bout des souvenirs » ; « Et moi je suis tombé en esclavage/ De ce sourire, de ce visage/ Et je lui dis emmène-moi/ Et moi je suis prêt à tous les sillages/ Vers d'autres lieux, d'autres rivages/ Mais elle passe et ne répond pas ». La collaboration avec le parolier Jean-Pierre Lang donnait un cocktail éclatant. La carrière de Pierre Bachelet était lancée.

Dès lors, Pierre Bachelet est devenu un chanteur à succès, et son troisième album, deux ans plus tard, l'a très largement confirmé, avec sa fameuse chanson "Les Corons" : « Ils parlaient de 36 et des coups de grisou/ Des accidents du fond du trou/ Ils aimaient leur métier comme on aime un pays » ; « Au Nord, c'étaient les corons/ La terre, c'était le charbon/ Le ciel, c'était l'horizon/ Les hommes, des mineurs de fond ».

Il a sorti beaucoup d'albums dans les années 1980, avec en particulier un très grand succès, pour moi la chanson la plus émouvante de ses créations, "En l'an 2001" : « Moi j'aurai les cheveux blancs, je serai vieux demain/ Quand t'auras tes vingt ans en l'an 2001/ Petit bonhomme/ Tu viens d'éclore comme un ange humain/ Tout petit bout d'homme/ Qui tend la main pour faire ses premiers pas ».
 


Un très grand succès aussi pour "Vingt ans" retraçant mai 68 : « En ce temps-là j'avais vingt ans/ J'avais vingt ans pour très longtemps/ L'amour chantait sa carmagnole/ En descendant Rue des Écoles/ Affiche d'une main, de l'autre le pot d'colle ».

Et puis, il y a eu aussi son amour de la mer, et un album chanté en duo avec la navigatrice Florence Arthaud, notamment "Flo" : « Chacun est fait comme il est/ Chacun prend feu comme il peut/ Mais sous le ciel immense/ Tous les rochers du silence/ Tous les oiseaux en partance/ Se retrouvent parfois ». Une des chansons était un hommage à Éric Tabarly.

D'autres chansons moins connues sont aussi très belles. Citons-en deux autres.


"Vivre" : « Se dépêcher de vivre avant le point final/ Et brûler tous ses livres comme du linge sale/ S'entourer chaque nuit de cris et de rencontres/ Pour arrêter le bruit du tic tac de la montre » ; « Enfin savoir attendre/ Et vivre chaque jour/ Comme un état de grâce/ Et nous aimer toujours/ Malgré le temps qui passe ».

"Partis avant d'avoir tout dit" : « Partis avant d'avoir aimé/ Avant même d'avoir fini/ De commencer » ; « Dans sa chambre où tout l'attend/ Il a laissé là ses cours d'étudiant/ Une photo quelque part, dernières vacances/ Qui vous dit dans le silence ».

Je n'ai pas daté les chansons citées plus haut car cette indication est donnée ci-dessous, avec les vidéos sur Internet qui permettent de réécouter miraculeusement ce poète des temps déjà anciens, ceux principalement des années 1980, mais toujours très vivant dans les mémoires.



1. "Emmanuelle" (1974)






2. "Elle est d'ailleurs" (1980)






3. "Les Corons" (1982)






4. "Vivre" (1985)






5. "Marionnettiste" (1985)






6. "En l'an 2001" (1985)









7. "La chanson du bon Dieu" (1985)






8. "Vingt ans" (1987)






9. "Partis avant d'avoir tout dit" (1987)






10. "C'est pour elle" (1987)






11. "Quelque part... c'est toujours ailleurs" (1989)






12. "Flo" (1989)






13. "Pleure pas Boulou" (1989)






14. "Yé yé les tambours" (1989)






15. "La ville ainsi soit-il" (1995)






16. Journal du 15 février 2005 sur TF1






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18 décembre 2024 3 18 /12 /décembre /2024 03:06

« J'étais le secret, mais je connaissais l'histoire de mes parents. La seule chose que je ne pouvais pas vraiment faire, c'était dire la vérité sur mon identité, même si je pouvais raconter des choses en taisant les noms (…). Lorsqu'on est structurée par le secret, le fait de dire, c'est comme si tout votre statut d'existence s'évanouit, se dissout. C'est par le secret que tout était justifié, le fait d'habiter dans cet endroit caché, de ne pas porter un nom, toute mon existence se justifiait à l'aune du secret. » (Mazarine Pingeot, le 17 octobre 2024 sur France Inter).



 


L'écrivaine Mazarine Pingeot fête son 50e anniversaire ce mercredi 18 décembre 2024. En fait, elle pourrait fêter son 30e anniversaire seulement, parce qu'il y a un peu plus de trente ans, le 10 novembre 1994, elle est née aux yeux du grand public. En effet, le numéro de "Paris Match" publié à cette date venait de sortir des photos vaguement volées et plus ou moins consenties de Mazarine Pingeot avec son père... le Président de la République François Mitterrand.

En fait, dès le 12 septembre 1994, François Mitterrand avait évoqué l'existence de cette fille tant cachée lors d'une interview spéciale accordée à Jean-Pierre Elkabbach pour France 2 : depuis vingt ans, toute la classe politico-médiatique connaissait l'existence de Mazarine, mais personne ne le disait publiquement, mais les rumeurs sortant, à cette question, François Mitterrand a eu la meilleure réponse possible : oui, il disait avoir une fille de presque 20 ans, belle, intelligente, qui venait d'intégrer Normale Sup., quoi demander de plus pour un père aimant et heureux ?! De quoi couper l'herbe sous les pieds de tous les détracteurs potentiels, présents... et futurs !

Et il avait raison, nous étions dans les années 1990, pas dans les années 1970, à une époque, comme celle de la candidature de Jacques Chaban-Delmas, où le simple fait d'être divorcé constituait un réel handicap électoral (surtout quand son électorat était parmi les conservateurs). François Mitterrand venait, en quelques phrases, d'annoncer officiellement, de confirmer l'existence de Mazarine, de révéler un secret qui était quasi-constitutif de la vie de Mazarine, et de montrer qu'il était en adéquation avec la société, beaucoup plus tolérante sur les affaires de mœurs quand l'amour l'emporte.


 


Mazarine était le fruit d'un amour intense de François Mitterrand avec Anne Pingeot. Celle-ci a récemment accepté de publier le millier de lettres enflammées du futur Président de la République (1 218 lettres écrites entre 1962 et 1995 ont été publiées en 2016 aux éd. Gallimard). Une véritable compartimentalisation de l'amour. D'ailleurs, il racontait souvent à ses amis hommes, notamment son vieil ami Roland Dumas, qui vient de mourir plus que centenaire, qu'un homme devait avoir plusieurs femmes : une pour aimer, une pour se cultiver, une pour la mère de ses enfants, etc. !...

Exemple de lettre de François à Anne : « Non, je ne veux pas attendre ce soir, mon Anne, pour te dire, te redire quel bonheur c'est de t'aimer. Si l'on pouvait offrir la joie comme les iris ou une brassée d'œillets simples, je t'en enverrais un énorme bouquet. Il m'en resterait encore assez pour m'émerveiller de ces quatre jours que je viens de vivre, unis à toi, pleins de toi. Non, je ne peux pas attendre ce soir pour te dire quel bonheur c'est que de t'aimer. ». Ou encore : « Mais je peux parler pour moi et te dire que je t'aime. Voilà le grand mot est lâché. Je t'aime. Comment ? Je sais que tu ajouteras que je t'aime mal ou pas du tout. C'est ton affaire. Mais je t'aime, même mal, même pas du tout, mais je t'aime quand même. ».


Allez, encore deux autres extraits : « Avant de dormir j'ai pensé à cette joie secrète, profonde, aussi inquiétante qu'un ciel d'un bleu trop pur sur la Méditerranée : Anne existe. ». Et (pour le jeu de mots littéraire) : « Et surtout comment faire, comment faire pour ne pas poursuivre en moi-même la musique interrompue, et pour ne pas écrire ma partition avant de la déposer du côté de chez Anne ? Comment résister à la force heureuse de ces trois jours que je viens de vivre et qui n'étaient pas de folie mais de grâce ? À moins que la folie ne soit cette grâce suprême qui prête à chaque geste, à chaque mot, à chaque heure partagée cette résonance qui va si profondément en moi, et y demeure. ».

La seule, réelle, critique à formuler contre François Mitterrand, à ce sujet (j'en ai plein d'autres politiques !!), ce n'est pas sur le registre moral (à chacun ses mœurs et sa vie affective et je me garderais bien de commenter celle des autres), mais sur le registre financier : non seulement cette seconde famille a été nourrie aux frais de la République, et donc du contribuable, pendant au moins les quatorze ans de Présidence du patriarche, mais ce dernier a mobilisé de nombreux gendarmes pour effectuer en permanence des écoutes téléphoniques sur près de 2 000 personnes pour éviter la révélation de ce secret. Registre financier mais aussi éthique puisque par ces écoutes téléphones, 2 000 personnes ont vu leur vie personnelle violées par les gendarmes du Président (parmi lesquels des ministres, des journalistes, des acteurs, des écrivains, etc.). Il était là le scandale, et c'est sûr qu'aujourd'hui, ce serait beaucoup plus difficile d'avoir un tel comportement d'impunité judiciaire, même à l'Élysée.

La principale personne à plaindre était bien sûr la femme officielle, Danielle Mitterrand, qui a dû prendre beaucoup sur elle mais surtout, qui s'est rangée à une raison affective d'une grande lucidité (mais finalement très rare dans sa position) : Mazarine, née de cet amour extraconjugal, n'y pouvait rien et méritait d'être accueillie et aimée dans sa famille. Danielle a ainsi encouragé ses deux fils (Gilbert et Jean-Christophe) à accueillir avec bienveillance leur demi-sœur. Cela s'est montré de manière éclatante (et pourtant pas si évidente) lors de l'enterrement de François Mitterrand à Jarnac, peu de temps plus tard, le 11 janvier 1996, où les deux familles, l'officielle et la cachée, se côtoyaient sous le feu des photographes au premier rang dans une douleur commune à l'église Saint-Pierre (pendant qu'une messe était dite à Notre-Dame de Paris en présence de dizaines de chefs d'État et de gouvernement pour un dernier hommage). C'était la première fois que la fratrie se rencontrait.
 


On peut dire qu'avec le recul, il aurait été assez stupide de garder un secret que le visage même de Mazarine Pingeot aurait révélé, tant elle ressemble, surtout aujourd'hui, avec l'âge venant, étonnamment à son père. La bouche, les joues, les yeux, le nez...

Invitée de la matinale de France Inter le 17 octobre 2024, pour présenter son dernier livre "11 quai Branly" (éd. Flammarion), l'adresse de l'appartement très luxueux où elle logeait pendant son enfance (entre ses 9 et 16 ans), Mazarine Pingeot expliquait à quel point ce secret avait traumatisé son enfance. Cela la heurtait profondément lorsqu'elle révélait à des amis et des proches qui était son père qui était alors Président de la République : « On parlait tout le temps du Président, mais, moi, je connaissais une autre personne, j'étais contrainte et réduite au silence à propos du Président. Les hommes et femmes politiques sont souvent attaqués et ces attaques finissent toujours par concerner la personne, et, pour un enfant, cette confusion est très étrange. ».

D'autant plus que, pour préserver le secret, François Mitterrand cloisonnait les relations, si bien que Mazarine n'a jamais été au contact avec des interlocuteurs politiques ou diplomatiques de son père, au contraire de sa famille officielle : « Je ne le voyais jamais en représentation, dans ses fonctions. Là où je le voyais, c'était dans le lieu de l'intime, du père, je n'avais pas accès aux lieux du Président. ». Son père l'a d'ailleurs officiellement reconnu le 25 janvier 1984 (ce que je trouve tardif, elle avait déjà 9 ans), dans le domicile de Robert Badinter et l'acte notarié a été écrit à la machine de la "main" d'Élisabeth Badinter.

La révélation de son visage à tous les Français en 1994 a été également très durement vécue par Mazarine qui est passée d'un coup de l'ombre à la lumière : « Ça a été d'une grande violence pour moi, mais ça ne pouvait sans doute pas se passer autrement, la violence du secret répondait à celle de l'immense publicité. Mais voir son visage partout, quand on a été invisible, rend compliqué le fait de s'approprier sa propre image quand on pensait qu'elle n'existait pas. ». Depuis le 8 novembre 2016, elle s'appelle d'ailleurs officiellement Mazarine Mitterrand Pingeot.


J'ai évoqué son dernier livre, il s'agit en effet de son dix-neuvième ouvrage, essai ou roman, et cette boulimie d'écriture a sans doute un rapport avec son père qui n'aurait pas dédaigné une carrière littéraire s'il avait renoncé à sa carrière politique.
 


Agrégée de philosophie en 1997, Mazarine Pingeot a soutenu une thèse en philosophie et enseigne la philosophie dans l'enseignement supérieur, actuellement à Science Po Bordeaux. Mais son activité d'enseignante lui laisse le temps aussi d'écrire des livres et aussi des scénarios, voire d'assurer des chroniques dans des médias.

L'existence de Mazarine Pingeot m'a un peu fasciné, et j'avais donc un préjugé favorable sur la personne, même si je ne dois pas avoir du tout ses opinions politiques (elle a soutenu la candidature de Vincent Peillon en janvier 2017, sans doute par corporatisme philosophique, mais elle ne fera pas de politique car elle n'a pas l'âme militante, elle doute trop). J'ai donc assez stupidement, je l'avoue, acheté à la fin des années 1990 son premier livre, sorti en 1998 chez Julliard, et c'est vrai que rien que son titre m'avait mis la puce l'oreille : "Premier roman". Le titre est bien le livre : quelle prétention d'écrire un livre appelé "premier roman", comme si c'était d'abord un roman (en fait, un vague récit), et comme si c'était un premier, c'est-à-dire le premier d'une série.

Elle a quand même eu 60 000 exemplaires vendus, ce qui est déjà beaucoup (peut-être des "comme-moi"), et je dois dire que j'ai été très déçu, son nom, sa parenté, malheureusement, ont dû l'aider à démarrer cette carrière littéraire. Je l'écris avec un peu de regret car je n'aime pas réduire une personne à ce qu'elle ne contrôle pas, en particulier à sa famille, à son nom, etc. Pourtant, quelle prétention dans ce pseudo-roman et surtout, quel ennui ! La vie de quelques jeunes bobos qui n'ont aucun problème pour vivre sans emploi rémunéré, intellectuels, dans des appartements dorés, parisiens à outrance, un récit qui n'a aucun intérêt ni littéraire ni sociologique.


Échantillon du livre : « Perdre son temps dans une ville est le meilleur moyen de la pénétrer de l'intérieur, de la connaître dans son intimité, de la laisser se dévoiler, d'adapter son propre rythme à celui des rues, sans rien lui imposer et sans rien lui voler. ».

Comme je lis souvent par auteur, je sais, c'est parfois injuste, j'avoue que je n'ai donc pas poursuivi avec elle, avec ses autres livres, dont certains ont obtenu encore plus de succès, comme "Bouche cousue" sorti en février 2005 (chez Julliard), un récit autobiographique qui s'est vendu à 200 000 exemplaires (c'est énorme).

Quelques extraits de ce récit autobiographique : « Certains ont peur de moi, mon secret les repousse, ils ne le connaissent pas, ont seulement quelques doutes, mais un secret se voit, il a un visage triste, une moue fermée, un regard éteint. Un secret porte le noir, émet des ondes radioactives, sans doute parce qu'on ne l'approche pas, même si on en brûle. ». Deuxième : « La mémoire, ce sont les livres qui l'ont. Il (mon père) collectionnait les éditions anciennes ou originales pour y sentir la présence des premiers lecteurs, des premières émotions, des premières lectures, peut-être même le toucher de l'auteur. Il me suffit d'y voir la marque de papa, de sentir sous la caresse du papier ce qu'il avait pu éprouver, en son temps. ».

Troisième : « La mort de papa, nous nous y attendions tous... Je le voyais tous les jours malade, mais à aucun moment je ne me suis véritablement dit qu'il allait mourir. Ce sursis pouvait durer éternellement ; je le voyais souffrir, et se désespérer de souffrir, devenant irritable, plus lointain. La maladie lui était une humiliation. Il n'a jamais réussi à l'accepter. Pour la première fois, il affrontait plus fort que lui. ». Quatrième extrait : « Je n'ai jamais pensé pouvoir lui reprocher quoi que ce soit. Aimer, paraît-il, c'est aussi accepter les faiblesses de l'autre. Je ne me suis jamais octroyé le droit de reconnaître des faiblesses à mon père. Sa seule faute en vérité est de n'être plus là. ».

Il est sûr qu'en vingt-cinq ans, on peut s'améliorer, avoir plus de maturité, etc., je n'en doute pas, mais il me faudrait quand même un prescripteur pour que je remette mon nez dans ses ouvrages, un ami, ou un prescripteur officiel (critique littéraire, journaliste, écrivain, etc.) dont je saurais la sûreté du jugement.

Je propose toutefois une vidéo où elle parlait de philosophie, en février 2024, pour présenter son avant-dernier ouvrage, un essai philosophique, "Vivre sans : une philosophie du manque" sorti en 2024 (éd. Climats). On comprend assez vite que Mazarine Pingeot a un bon talent de transmission, de pédagogie, à défaut peut-être d'être une écrivaine exceptionnelle.

Extrait de livre : « Dans la promotion du "sans", il y a une tentative de donner du sens, de faire montre au consommateur qu'en choisissant l'ascèse ( tout en consommant, bien sûr), il s'achète une éthique, il se purifie, il refuse le monde de l'excès et du gâchis. C'est bien cela qui est vendu dans le "sans", et pas seulement de l'absence : on vend une philosophie intégrée. ». Autre extrait : « Il faudrait alors sortir le "sans" de sa logique marchande, et même du schème de décroissance, pour qu'il désigne à nouveau cet excès vers le rien qui troue l'immanence du monde. ».


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Sylvain Rakotoarison (15 décembre 2024)
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Pour aller plus loin :
François Mitterrand.
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Jean-Pierre Elkabbach.
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Danielle Mitterrand.
Jacques Chirac.
Bernadette Chirac.
Brigitte Macron.
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25 novembre 2024 1 25 /11 /novembre /2024 03:05

« Il faut en finir avec ces bêtes immondes, avec ces barbares des temps obscurs, ces porteurs de ténèbres, oublier les serments pleins d'orgueil et de morgue qu'ils ont réussi à nous extorquer au sortir de ces années de guerre. La lumière n'est pas avec eux et les lendemains ne chantent jamais que pour les hommes libres. » (Boualem Sansal, le 25 août 1999).


 


C'est le journal "Marianne" qui a donné l'alerte dans son édition du 21 novembre 2024 : l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal aurait "disparu" lorsqu'il est rentré en Algérie le 16 novembre 2024. Il aurait été arrêté par la police algérienne à l'aéroport d'Alger pour "atteinte à l'unité nationale" et serait ainsi enfermé dans une prison algérienne. Selon ces journalistes, on reprocherait à Boualem Sansal ses propos tenus le 14 novembre 2024 (écouter la première vidéo ci-dessous) : « Quand la France a colonisé l'Algérie, toute la partie ouest de l'Algérie faisait partie du Maroc : Tlemcen, Oran et même jusqu'à Mascara. Toute cette région faisait partie du royaume. ». Crime de lèse-mythe !

Cette arrestation est d'autant plus scandaleuse que l'écrivain vient d'avoir 75 ans le mois dernier. Rappelons très rapidement qui il est : après de brillantes études et un doctorat en économie, Boualem Sansal a travaillé comme haut fonctionnaire de son pays ainsi qu'un universitaire, et il est devenu un romancier à succès à partir du 25 août 1999 avec la sortie de son premier roman "Le Serment des barbares" (éd. Gallimard), début d'une longue série d'ouvrages qui ont reçu de très nombreuses récompenses (dont le Grand Prix du roman de l'Académie française en 2015). Parmi ses livres (une quarantaine dont certains en coécriture, notamment avec Philippe Val), on peut notamment citer quatre romans, "Le Village de l'Allemand ou Le Journal des frères Schiller" (éd. Gallimard, 3 janvier 2008), où il fait l'analogie entre islamisme et nazisme, "2084 : la fin du monde" (éd. Gallimard, 20 août 2015), "Le Train d'Erlingen ou La Métamorphose de Dieu" (éd. Gallimard, juin 2018), "Vivre : le compte à rebours" (éd. Gallimard, 2024), ainsi qu'un essai, "Le français, parlons-en !" (éd. du Cerf, 2024).

Homme terriblement libre, le George Orwell algérien, Boualem Sansal ne mâche jamais ses mots et est très franc, ce qui fait qu'il ne se fait pas que des amis (la preuve avec son arrestation). Il affirmait notamment, le 23 octobre 2018 sur France Culture : « Pour les bien-pensants, critiquer l'islamisme, c'est critiquer l'islam. ». Il a sorti "2084" quelques mois après la sortie de "Soumission", le roman de Michel Houellebecq qui, finalement, évoque la même chose : l'arrivée au pouvoir des islamistes.


Cela a fait de lui un intellectuel solide et surtout indépendant, ce qui est finalement assez rare aujourd'hui. Il n'est pas à l'abri de déclencher des polémiques, comme lorsqu'il défendait le 25 décembre 2023 la présomption d'innocence de Gérard Depardieu (ce qui, d'ailleurs, me paraissait sage). Amoureux de la langue française (il n'écrit que dans cette langue), l'écrivain algérien a obtenu la nationalité française cette année, en 2024, afin de s'installer en France où sa femme (ancienne professeure de mathématiques à Boumerdès), très malade, est hospitalisée.

Le pessimisme de l'auteur franco-algérien paraît très fort lorsqu'il a lâché, le 4 septembre 2015, envisageant une dictature mondialisée des islamistes : « Dans cinquante ans, il n'y aura plus de pétrole et le problème de la répartition des richesses sera encore accru. Il faudra mettre en place un système encore plus coercitif. Une dictature planétaire, non plus laïque mais religieuse, pourrait alors se substituer au système actuel qui devient trop compliqué à cause de la raréfaction des ressources. ».

C'est un grand intellectuel qui a beaucoup d'influence parce qu'ils sont peu nombreux, en Algérie (et en France), à critiquer autant le pouvoir autocratique algérien. Boualem Sansal est un athée qui s'attaque principalement à l'islamisme, mais aussi aux mythes d'une Algérie qui, selon lui, n'a historiquement jamais vraiment existé. Il adore la France, mais, semble-t-il, la France d'il y a cinquante ans, et il regrette la dilution de l'identité française dans l'idée européenne et plus généralement dans un "Occident" uniformisé : « J'étais partout et nulle part, tout se ressemble, le tsunami de la mondialisation a gommé nos héritages, effacé nos traits intimes, on ne reconnaît ni les siens ni les autres. » ("Le Village de l'Allemand").

Le vrai scandale est que Boualem Sansal est désormais en prison pour avoir prononcé quelques phrases auxquelles le pouvoir algérien s'opposerait, comme si le débat des idées devait se faire en prison et pas dans les médias. Un scandale annexe en France est que les milieux politico-médiatiques de gauche ont généralement du mal à s'émouvoir de cette arrestation arbitraire sous prétexte qu'il ne développerait pas des idées "conformes" à leurs vues.

Personnellement, j'apprécie la position de Boualem Sansal sur l'islamisme et le risque d'une islamisation en France (ce qui le classerait faussement dans le camp de l'extrême droite alors que la menace islamiste n'est plus à prouver depuis l'assassinat d'enfants en bas âge juifs en mars 2012). En revanche, je ne suis pas du tout d'accord avec son déclinisme nostalgique de la France et des critiques qu'il émet contre Emmanuel Macron, que je trouve injustes car certaines évolutions de la France ne sont évidemment pas de son fait (loin de là) et même parfois il tente de s'y opposer (c'est d'ailleurs à se demander si cet antimacronisme primaire n'était pas une commande de la revue supposée s'appeler "Front populaire", tant les idées exprimées dans son interview d'octobre 2024 me paraissaient très simplistes alors qu'en même temps, il a une réflexion solide sur d'autres sujets). Du reste, j'espère très vivement que le Président de la République Emmanuel Macron, autrement que par un tweet, prendra des mesures diplomatiques pour réclamer efficacement la libération immédiate de Boualem Sansal.


Je propose ici, par deux voies, de l'écouter (je propose six vidéos en fin d'article où il a le temps de développer ses idées) et de le lire pour comprendre la pensée qu'il exprime, au moyen de quelques extraits sur des sujets importants.

Sur le mythe fondateur de l'Algérie : « Je suis un iconoclaste qui dénonce les mensonges de la guerre de libération. J'ose toucher à un mythe fondateur, mais un mythe est fait pour être discuté. L'Algérie a été construite par la France dont elle porte les valeurs du XIXe. Alger est une ville squattée. Ils sont loin d'avoir trouvé les clés. Aujourd'hui, elle tourne le dos à la Méditerranée en regardant vers l'Iran et les pays arabes. Chez nous [en Algérie], les politiques s'expriment comme des imams ténébreux. La France est le centre du monde par son immense culture et sa liberté. C'est le pays de l'équilibre par excellence. La liberté est une notion riche et profonde en Occident. Ici, en guise de liberté, c'est le foutoir, l'apostrophe, l'insulte et la bagarre de rues. » ("Le Serment des barbares", 1999).


Sur le pouvoir politique en Algérie : « Reconstituer un monde disparu est toujours à la fois une façon de l'idéaliser et une façon de le détruire une deuxième fois puisque nous le sortons de son contexte pour le planter dans un autre et ainsi nous le figeons dans l'immobilité et le silence ou nous lui faisons dire et faire ce qu'il n'a peut-être ni dit ni fait. Le visiter dans ces conditions, c'est comme regarder le cadavre d'un homme. » ("2084 : la fin du monde", 2015).

Sur Abdelaziz Bouteflika : « Bouteflika est un autocrate de la pire espèce (…). C'est pourtant lui que les grandes démocraties occidentales soutiennent et à leur tête la France de Sarkozy. (…) Je pense souvent à l'exil mais où, chez Bush, chez Sarkozy ? Remplacer un malheur par un autre n'est pas ce qu'on peut appeler une bonne décision. » (le 13 mars 2008, interview à Rue89).

Sur la colonisation française : « Comme 80% des Algériens [je suis nostalgique de la présence française]. Ce qui ne veut pas dire que nous sommes nostalgiques de la colonisation. Mais au temps de la présence française, l'Algérie était un beau pays, bien administré, plus sûr, même si de criantes inégalités existaient. Beaucoup d'Algériens regrettent le départ des pieds-noirs. S'ils étaient restés, nous aurions peut-être évité cette tragédie. » (le 18 septembre 1999, interview dans "Le Figaro").

Sur l'islam : « L'islam (…) se situe par essence dans le champ politique. Le prophète Mahomet est un chef d'État et un chef de guerre qui a utilisé sa religion à des fins tactiques et politiques. Par ailleurs, les textes eux-mêmes ont une dimension totalitaire puisque la charia (loi islamique), qui se fonde sur les textes sacrés de l'islam que sont le Coran, les hadiths et la Sunna, légifère sur absolument tous les aspects de la vie. » (le 4 septembre 2015, interview dans "Le Figaro").

Sur l'islamisme en France : « [Les Algériens sont] inquiets parce qu’ils constatent jour après jour, mois après mois, année après année, que la France ne sait toujours pas se déterminer par rapport à l’islamisme : est-ce du lard, est-ce du mouton, est-ce de la religion, est-ce de l’hérésie ? Nommer ces choses, elle ne sait pas, c’est un souci. Pendant ce temps, le boa constrictor islamiste a largement eu le temps de bien s’entortiller, il va tout bientôt l’étouffer pour de bon. » (le 13 décembre 2016, interview à la Fondation Varenne).

Une année auparavant, il disait déjà : « L'islamisation est en marche et connaît une accélération notable. Chacun peut l'observer. Aujourd'hui, l'islamisation est l'affaire de professionnels de la prédication, de la manipulation et des médias, dont Internet. Elle a des buts politiques offensifs. La masse critique qui déclenchera la réaction en chaîne n'est pas loin d'être atteinte. Elle posera d'énormes et insolubles problèmes en Europe. » (le 15 janvier 2015, interview à "Valeurs Actuelles").

Dans "Le Village de l'Allemand" : « Arrêter l'islamisme, c'est comme vouloir attraper le vent. Il faut autre chose qu'un panier percé ou une bande de rigolos comme nous. Savoir ne suffit pas. Comprendre ne suffit pas. La volonté ne suffit pas. Il nous manque une chose que les islamistes ont en excès et que nous n'avons pas, pas un gramme : la détermination. » (2015). Dans le même livre : « Il a compris que l’islamisme et le nazisme, c’était du pareil au même. Il a voulu voir ce qui nous attendait si on laissait faire comme on a laissé faire en Allemagne, à Kaboul et en Algérie où les charniers islamistes ne se comptent plus, comme on laisse faire chez nous, en France où les gestapos islamistes ne se comptent plus. ». Ou encore, pour être encore plus clair : « Hitler était le führer de l’Allemagne, une sorte de grand imam en casquette et blouson noir. En arrivant au pouvoir, il a apporté avec lui une nouvelle religion, le nazisme. Tous les Allemands portaient au cou la croix gammée, le truc qui voulait dire : Je suis nazi, je crois en Hitler, je vis par lui et pour lui. ».

Dans "Le Train d'Erlingen" : « Oui, l'Europe a peur de l'islamisme, elle est prête à tout lui céder. (…) La réalité en boucle n'a pas d'effet sur les gens, en apparence du moins. On l'a vu en Algérie durant la décennie noire : les gens qui, au début, s'émouvaient pour une victime du terrorisme ont fini après quelques mois de carnage par ne ressentir d'émotion que lorsque le nombre des victimes par jour dépassait la centaine, et encore devaient-elles avoir été tuées d'une manière particulièrement horrible. Terrible résultat : plus les islamistes gagnaient de terrain et redoublaient de cruauté, moins les gens réagissaient. L'info tue l'info, l'habitude est un sédatif puissant et la terreur, un paralysant violent. » (2018).


Sur la langue arabe : « L'Université (…), elle enseigne en arabe, ce qui se conçoit, à des étudiants qui ne pratiquent que leur langue et c'est marre [ça suffit !] : l'algérien, un sabir fait de tamazight, d'un arabe venu d'ailleurs, d'un turc médiéval, d'un français XIXe et d'un soupçon d'anglais new-age. » ("Le Serment des barbares", 1999).



1. Le 14 novembre 2024 ("Atelier de la langue française")






2. Le 8 octobre 2024 ("Front populaire")






3. Le 2 octobre 2024 ("Frontières")






4. Le 1er juillet 2023 ("Le Figaro")






5. Le 13 juin 2019 (Montpellier)





6. Le 12 octobre 2018 ("Dialogues")






Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (25 novembre 2024)
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Pour aller plus loin :
Boualem Sansal.
Le massacre d’Oran, 60 ans plus tard…
José Gonzalez.
Reconnaissance par Emmanuel Macron le 26 janvier 2022 de deux massacres commis en 1962 en Algérie (Alger et Oran).
Pierre Vidal-Naquet.
Jean Lacouture.
Edmond Michelet.
Jacques Soustelle.
Albert Camus.
Abdelaziz Bouteflika en 2021.
Le fantôme d’El Mouradia.
Louis Joxe et les Harkis.
Chadli Bendjedid.
Disparition de Chadli Benjedid.
Hocine Aït Ahmed.
Ahmed Ben Bella.
Josette Audin.
Michel Audin.
Déclaration d’Emmanuel Macron sur Maurice Audin (13 septembre 2018).
François Mitterrand et l'Algérie.
Hervé Gourdel.
Mohamed Boudiaf.
Vidéo : dernières paroles de Boudiaf le 29 juin 1992.
Rapport officiel sur l’assassinat de Boudiaf (texte intégral).
Abdelaziz Bouteflika en 2009.



https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241121-boualem-sansal.html

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/liberez-boualem-sansal-257780

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24 octobre 2024 4 24 /10 /octobre /2024 03:02

« Deux fous géniaux ont inventé cet univers qui, depuis soixante-cinq ans, réjouit toujours petits et grands. » (Anne Goscinny, le 22 octobre 2024 à Paris).


 


Mine de rien, Astérix n'est plus ce qu'il était, le jeune gaillard trentenaire plein de dynamisme. Aujourd'hui encore, il est un peu aidé par la potion magique du druide Panoramix, mais à l'évidence, le guerrier gaulois qui était plein de vigueur dans la quarantaine d'albums de bande dessinée qu'il a illustrés et égayés pour le plaisir de centaines de millions d'humains (400 millions d'exemplaires pour les locuteurs de 117 langues et dialectes !), n'est plus tout jeune.

C'est vrai que des commères comme cette brave Bonemine, la femme du chef, laissaient entendre que le guerrier préféré du village ne faisait pas son âge, qu'il était plus âgé qu'on ne le disait, peut-être quadragénaire (mon Dieu !). On le sait maintenant, sans avoir besoin de carbone 14, Astérix va fêter son 65e anniversaire ce mardi 29 octobre 2024. Son ami Obélix et leur chien Idéfix aussi, bien sûr (chapeau pour le toutou). Le 29 octobre 1959, c'est en effet la date de l'acte de baptême de la célèbre revue "Pilote" (le registre de l'état-civil de l'époque).

À cet âge-là, il est normal de partir à la retraite. Direction, l'EHPAD ! Lequel ? Eh bien, le Musée Grévin, pardi ! Le directeur Yves Delhommeau a ainsi accueilli les trois nouveaux pensionnaires ce mardi 22 octobre 2024 dans une salle prestigieuse du Musée Grévin, à Paris. C'était bien sûr l'occasion d'une petite cérémonie.
 


Pour l'occasion, les deux demi-sœurs de ces héros gaulois sont venues à leur rencontre. Sylvie Uderzo, fille du dessinariste Albert Uderzo, et Anne Goscinny, fille du sénateur René Goscinny (s'il l'avait voulu, il serait au Sénat à Rome, le chef), sont venues remercier Stéphane Barret, le sculpteur de la maison pour ces six mois de travail intensif. Une scène avec nos amis dessinés dans la forêt armoricaine et, pendouillant en-dessous d'une branche, un soldat romain en mauvais état, un peu sonné... à deux pas de la chanteuse américaine Beyoncé dont l'aura risque fort de rendre jalouse la belle Falbala.

Nos amis ont retrouvé quelques collègues venus aussi se reposer au Musée Grévin : on les a vus ainsi papoter avec le
Petit Prince, le Petit Nicolas (du même Goscinny et de Sempé), Titeuf, les Lapins crétins, Scrat de la série "L'Âge de glace", et quelques autres.
 


Anne Goscinny était très heureuse pendant cette inauguration : « On est très très heureuses de constater que ces personnages sont résolument immortels et pérennes, et ont trouvé le place ici, dans ce lieu tellement emblématique et de la France et de Paris aussi, avec à peu près 900 000 visiteurs par an. C'est quand même colossal. Et l'idée qu'Astérix et Obélix soient entourés de toutes les stars, en fait, stars parmi les stars, moi, je suis très fière. ». Quant à Sylvie Uderzo, c'est vraiment sa famille : « Nous, ce sont nos frères de papier. Donc, on n'a pas de souci avec ça. Ils sont dans nos vies depuis tellement longtemps. Donc, on est heureuses et en plus, ils sont plutôt sympas. Donc, on est fières (…). C'est vraiment (…) un honneur justement parce que ce n'est pas habituel de voir des personnages de fiction dans ce musée. ».

La réalisation n'était pas de tout repos. Stéphane Barret, qui a tout sculpté avec la société K-Sculpture et avec les costumes provenant des Ateliers Vertugadins, s'en est ainsi confié : « Ça a été relativement complexe à gérer. Contrairement à un personnage traditionnel où je gère le visage, et puis après, c'est les équipes des ateliers qui gèrent en partie le reste du personnage... Là, pour ces personnages-là, j'ai récupéré les 3D directement, avec les usinages des personnages, et là, j'ai géré la totalité du projet. » (entretiens proposés par "20 Minutes" le jour même).
 


Il n'y a pas d'aventure d'Astérix le Gaulois sans clin d'œil avec l'actualité et la société actuelle. C'est dans cette pure tradition goscinnienne que Sylvie Uderzo a ainsi fait un petit clin d'œil au Ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau qui considérait récemment que l'immigration n'était pas une chance pour la France : « Le mythe d’Astérix et Obélix a été créé par deux enfants d’immigrés, René Goscinny d’origine russo-polonaise et mon père italien, naturalisé Français à l’âge de 7 ans (…). Ils étaient très français, de leur pays, et ont eu le génie de retranscrire tout ce qu’il y a de plus français chez les Français avec leurs qualités et leurs défauts ! ». Une manière d'enfoncer le clou, un clou pourtant évident (il suffit d'énumérer tous nos artistes, écrivains, scientifiques, etc.).

Cette consécration est aussi celle du célèbre musée dont le directeur Yves Delhommeau a exprimé sa très grande joie : « Accueillir Astérix et Obélix parmi nos personnages de cire est un honneur. Ces héros font partie intégrante de notre patrimoine culturel et leur présence au musée était une évidence. ».


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Au fait, sont-ils vraiment à la retraite, Astérix, Obélix et Idéfix ? Pas du tout ; en fait, ils font du rab depuis des années ! René Goscinny est mort d'un stupide test cardiaque le 5 novembre 1977 et Albert Uderzo a poussé plus d'une quarantaine d'années supplémentaires, jusqu'au 24 mars 2020. Ce dernier survivant est parti après avoir préparé la suite en investissant officiellement Didier Conrad comme le dessinateur attitré des nouvelles aventures (avec les scénarios concoctés par Jean-Yves Ferri puis Fabcaro). Le dernier album, le quarantième, est sorti il y a un an, le 26 octobre 2023 sous le titre "L'Iris blanc" ( de Didider Conrad et Fabcaro) et a été le livre le plus vendu en France de l'année 2023 (plus de 500 000 exemplaires ont été vendus les dix premiers jours, et le tirage initial a été de 5 millions d'exemplaires). Le prochain est donc déjà très attendu.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (23 octobre 2024)
http://www.rakotoarison.eu


(Dessins provenant des albums réalisés par Goscinny et Uderzo, éd. Dargaud puis Albert René).


Pour aller plus loin :
Albert Uderzo.
René Goscinny.
Le peuple d’Astérix.
Pluralité dissonante.
Astérix, Obélix et Idéfix partent à la retraite.
Les Shadoks.
François Cavanna.
Charlie Hebdo.
Art Spiegelman.
Maus.
Jean Teulé.
Dmitri Vrubel.
La fresque qui fait polémique.
Sempé.
Maurits Cornelis Escher.
Reiser.

 





https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241022-asterix.html

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/asterix-obelix-et-idefix-partent-a-257350

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/24/article-sr-20241022-asterix.html





 

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12 octobre 2024 6 12 /10 /octobre /2024 03:49

« Son œuvre ne surprit que doucement et agréablement par le contraste rafraîchissant d’une manière si mesurée avec les styles éclatants ou fort complexes qui s’élaboraient de toutes parts. Il sembla que l’aisance, la clarté, la simplicité, revenaient sur la Terre. Ce sont des déesses qui plaisent à la plupart. On aima tout de suite un langage qu’on pouvait goûter sans y trop penser, qui séduisait par une apparence si naturelle, et de qui la limpidité, sans doute, laissait transparaître parfois une arrière-pensée, mais non mystérieuse ; mais au contraire, toujours bien lisible, sinon toujours toute rassurante. Il y avait dans ses livres un art consommé de l’effleurement des idées et des problèmes les plus graves. Rien n’y arrêtait le regard, si ce n’est la merveille même de n’y trouver nulle résistance. Quoi de plus précieux que l’illusion délicieuse de la clarté qui nous donne le sentiment de nous enrichir sans effort, de goûter du plaisir sans peine, de comprendre sans attention, de jouir du spectacle sans payer ? Heureux les écrivains qui nous ôtent le poids de la pensée et qui tissent d’un doigt léger un lumineux déguisement de la complexité des choses ! » (Paul Valéry sur Anatole France, le 23 juin 1927 à l'Académie française).


 


Avant-hier, c'était l'attribution du Prix Nobel de Littérature 2024 (à l'écrivaine sud-coréenne Han Kang). Un de ses lointains prédécesseurs, celui de 1921, était Anatole France. Il est mort il y a exactement cent ans, le 12 octobre 1924 à l'âge de 80 ans (il est né le 16 avril 1844 ; les hasards des nombres s'entrechoquent avec l'actualité, car Michel Blanc est né aussi un 16 avril). À l'annonce de sa mort, l'ancien et futur Président du Conseil Paul Painlevé, alors Président de la Chambre des députés, a exprimé ainsi son émotion : « Le niveau de l'intelligence humaine a baissé cette nuit-là. ».

Pour son 80e anniversaire, le Cartel des gauches, qui venait de gagner les élections, a célébré le 24 mai 1924 le grand écrivain place du Trocadéro à Paris. À la mort, son corps, embaumé, fut exposé au public (reçut la visite du Président du Conseil Édouard Herriot et du Président de la République Gaston Doumergue le 17 octobre 1924) et il bénéficia d'obsèques quasi-nationales à Paris.

Anatole France, également membre de l'Académie française, a marqué son temps avec ses œuvres littéraires, principalement des romans, mais aussi de la poésie et du théâtre ; il était aussi critique littéraire et journaliste (il a travaillé pour "Temps", "L'Union", "L'Humanité" et "Le Figaro"), et aussi collectionneur d'art. Il faut rappeler que la France est le pays qui compte le plus de Prix Nobel de Littérature (le dernier Français en date est la Française Annie Ernaux).

Le bien nommé écrivain de langue française Anatole France m'a toujours fasciné, ne serait-ce que parce qu'on avait baptisé de son nom l'avenue la plus large de mon quartier quand j'étais enfant. Je la traversais souvent. Quand vous êtes petit et que vous comprenez peu les choses des grandes personnes, l'univers des noms de rue qui vous entourent est essentiel dans votre éveil intellectuel. Évoluer aux côtés d'Anatole France, Verlaine, Coriolis, Hoche, Gambetta, Charlemagne, Thiers, La Fayette, les Goncourt, etc., ça peut vous donner des envies de vous cultiver, même à 7-8 ans. Il faut dire que la plupart des noms de rues honorent des personnalités de la Troisième République, et Anatole France fut un de ces grands maîtres de la République-là.

France n'était pas vraiment un patronyme. Son père s'appelait Noël Thibault (1805-1890), analphabète à 20 ans mais ensuite, propriétaire d'une librairie parisienne (appelée France-Thibault puis France) que fréquentaient de nombreux érudits, écrivains, journalistes, etc. notamment les frères Goncourt, parce qu'elle proposait des documents historiques de la période révolutionnaire.

À l'origine, Anatole France aurait dû reprendre l'affaire paternelle et faire une belle carrière de libraire. Son père ne croyait pas du tout en l'avenir de ses premiers écrits. Ses premiers métiers furent néanmoins libraire et bibliothécaire et il a commencé dans la littérature en rédigeant des poèmes par amour pour une femme inaccessible (une jeune et belle actrice).

Sa notoriété littéraire a débuté avec son roman "Le Crime de Sylvestre Bonnard" en 1881 (il a eu un prix de l'Académie française pour l'occasion). L'encyclopédie
Wikipédia explique doctement que cette « œuvre [fut] remarquée pour son style optimiste et parfois féerique, tranchant avec le naturalisme qui [régnait] alors ». Il fut alors un écrivain prolifique (le site de l'Académie française a inventorié plus de 90 livres publiés entre 1859 et 1922 !), riche, très influent car devenu également critique littéraire, aux idées politiques plus ou moins vagues, plus ou moins conservatrices, d'abord opposé au général Boulanger, puis séduit par lui puis enfin déçu par lui.
 


Pourrait-on même dire qu'il était l'équivalent de Jean-Paul Sartre ? C'est difficile de faire des comparaisons hors contexte, qui sont toujours foireuses, mais Anatole France n'était pas seulement un grand écrivain, il était un homme engagé, surtout, une conscience républicaine, comme la Troisième République savait en sécréter et savait les aimer et les honorer. Il était certes contemporain de Victor Hugo (inégalable écrivain du XIXe siècle), mais sans lui les quasiment trente dernières années de sa vie (Victor Hugo est mort en 1885). Ainsi, Anatole France a été membre de la Ligue des droits de l'homme, premier président du PEN Club français de 1921 à 1924 (son successeur est un autre écrivain emblématique de la Troisième République, Paul Valéry), une société savante international qui, depuis la fin de la guerre, promeut la liberté d'expression et les intérêts des écrivains, éditeurs, traducteurs, journalistes (élargi à blogueurs de nos jours), etc. (PEN signifie Poètes Essayistes Nouvellistes).

Il a rejoint Émile Zola durant
l'Affaire Dreyfus (il a déposé devant le tribunal le 19 février 1898 comme témoin de moralité d'Émile Zola, a rendu sa Légion d'honneur lorsqu'on a retiré à Émile Zola la sienne, etc.), a dénoncé le génocide arménien, et, plus généralement, a soutenu de nombreuses causes politiques au fil de son existence (il s'est rapproché de Jean Jaurès, a promu la laïcité, les droits syndicaux, s'est opposé à la politique coloniale, etc.).

Comme signalé au début, Anatole France a été élu à l'Académie française le 23 janvier 1896 au fauteuil 38. Il a succédé à Ferdinand de Lesseps qui venait de mourir le 7 décembre 1894, mais aussi à Adolphe Thiers et Henri Martin. Il a été reçu sous la Coupole le 24 décembre 1896 par le pédagogue Octave Gréard, futur vice-recteur de Paris. Son successeur direct fut Paul Valéry, puis Henri Mondor, et l'avant-dernier,
François Jacob. Il a rendu un hommage remarqué à Émile Zola et à Ernest Renan.

Longtemps parmi les "candidats" potentiels aux Nobels (cité en 1904, 1909, 1910, 1911, 1912, 1913, 1915 et 1916), Anatole France fut désigné Prix Nobel de Littérature en 1921 « en reconnaissance de ses brillantes œuvres littéraires, caractérisées par une noblesse de style, une profonde sympathie humaine, de la grâce et un véritable tempérament gaulois ».


Parmi les adjectifs qui peuvent le mieux qualifier Anatole France, il y a bien sûr indépendant, intellectuellement indépendant. Lorsqu'il l'a reçu à l'Académie française le 24 décembre 1896, Octave Gréard lui a déclaré entre autres : « L’œuvre de la raison humaine, quelques fins qu’elle poursuive, est pour vous inviolable. Vous n’y souffrez ni limites ni entraves. Que si certaines philosophies ne peuvent entrer dans l’ordre des faits que sous une forme dangereuse pour la société, il faut les châtier, dès qu’elles se traduisent en actes : la vie doit s’appuyer sur une morale simple et précise. Mais les droits de la pensée n’en demeurent pas moins intangibles. La pensée porte en elle-même sa légitimité. Ne disons jamais qu’elle est immorale. Elle plane au-dessus de toutes les morales. L’homme ne serait pas l’homme, s’il ne pensait librement. Cette indépendance sans réserve que vous revendiquez pour tous, vous la pratiquez pour vous. À vingt ans, vous vous plaigniez naïvement de n’avoir pas trouvé une explication du monde, en une matinée, sous les platanes du Luxembourg. Et la joie vous transporte, quand, quelques années après, à la lumière des idées de Darwin, vous croyez avoir surpris le plan divin. Ce n’était qu’une étape vers la religion d’Épicure, où votre esprit a trouvé l’apaisement, sinon le repos. Le monde n’est qu’un assemblage de phénomènes, la vie un perpétuel écoulement. Mesurée, discrète, sans aucun sacrifice de sincérité, mais toujours élevée dans l’expression, partout où vous la prenez directement à votre compte, l’apologie de la doctrine, lorsque vous la confiez à l’abbé Jérôme Coignard, se donne carrière sans ménagement ni scrupule. ».
 


Dans les faits, Anatole France a eu une sorte de consécration inversée : le 31 mai 1922, l'ensemble de son œuvre a été frappée d'une condamnation papale. De même, le mouvement surréaliste a beaucoup critiqué l'œuvre d'Anatole France, en particulier Louis Aragon : « Je tiens tout admirateur d'Anatole France pour un être dégradé. ». Selon l'agrégé de lettres classiques Claude Aziza : « La réputation de France devient ainsi celle d’un écrivain officiel au style classique et superficiel, auteur raisonnable et conciliant, complaisant et satisfait, voire niais, toutes qualités médiocres que semble incarner le personnage de M. Bergeret. Mais nombre de spécialistes de l’œuvre de France considèrent que ces jugements sont excessifs et injustes, ou qu’ils sont même le fruit de l’ignorance, car ils en négligent les éléments magiques, déraisonnables, bouffons, noirs ou païens. Pour eux, l’œuvre de France a souffert et souffre encore d’une image fallacieuse. D'ailleurs M. Bergeret est tout le contraire d'un conformiste. On lui reproche toujours de ne rien faire comme tout le monde, il soumet tout à l'esprit d'examen, s'oppose fermement, malgré sa timidité, aux notables de province au milieu desquels il vit, il est l'un des deux seuls dreyfusistes de sa petite ville… » (Wikipédia). M. Bergeret est le personnage central de "Monsieur Bergeret à Paris" (sorti en 1901).

Dans son hommage à Anatole France, Paul Valéry a jugé son œuvre littéraire ainsi : « C’est qu’il y avait en lui une souplesse et une diversité essentielles. Il y avait du spirituel et du sensuel, du détachement et du désir, une grande et ardente curiosité traversée de profonds dégoûts, une certaine complaisance dans la paresse ; mais paresse songeuse, paresse aux immenses lectures et qui se distingue mal de l’étude, paresse tout apparente, pareille au repos d’une liqueur trop enrichie de substance et qui, dans ce calme, se fait mère de cristaux aux formes parfaites. Tant de connaissances accumulées, tant d’idées qu’il avait acquises n’étaient pas quelquefois sans lui nuire extérieurement. Il étonnait, il scandalisait sans effort des personnes moins variées. Il concevait une quantité de doctrines qui se réfutaient l’une dans l’autre dans son esprit. Il ne se fixait que dans les choses qu’il trouvait belles ou délicieuses, et il ne retenait en soi que des certitudes d’artiste. Ses habitudes, ses pensées, ses opinions, la politique enfin qu’il a suivie se composaient dans une harmonie assez complexe qui n’a pas laissé d’émerveiller ou d’embarrasser quelques-uns. Mais qu’est-ce qu’un esprit de qui les pensées ne s’opposent aux pensées, et qui ne place son pouvoir de penser au-dessus de toute pensée ? Un esprit qui ne se déjoue, et ne s’évade vivement de ses jugements à peine formés, et ne les déconcerte de ses traits, mérite-t-il le nom d’esprit ? Tout homme qui vaut quelque chose dans l’ordre de la compréhension, ne vaut que par un trésor de sentiments contradictoires, ou que nous croyons contradictoires. Nous exprimons si grossièrement ce qui nous apparaît des autres humains qu’à peine nous semblent-ils plus divers et plus libres que nous-mêmes, aussitôt, nos paroles qui essayent de les décrire, se contrarient et nous attribuons à des êtres vivants, une monstrueuse nature que nos faibles expressions viennent de nous construire. Admirons au contraire cette grande capacité de contrastes. Il faut considérer avec une attention curieuse, cette nature d’oisif, ce liseur infini, produire une œuvre considérable ; ce tempérament assez voluptueux s’astreindre à l’ennui d’une tâche constante ; cet hésitant, qui s’avance comme à tâtons dans la vie, procéder de sa modestie première, s’élever au sommet par des mouvements indécis ; ce balbutiant, en venir à déclarer même violemment les choses les plus hardies ; cet homme d’esprit, et d’un esprit si nuancé, s’accommoder d’être simplifié par la gloire et de revêtir dans l’opinion des couleurs assez crues ; ce modéré et ce tempéré par excellence, prendre parti, avec une si grande et étonnante vigueur dans les dissensions de son temps ; cet amateur si délicat faire figure d’ami du peuple, et davantage, l’être de cœur et tout à fait sincèrement. ».


Et d'ajouter : « Sceptique et satirique devait être un esprit que distinguait son extrême avidité de tout connaître. Son immense culture lui fournissait abondamment les moyens de désenchanter. Il rendait aisément mythique et barbare toute forme sociale. Nos usages les plus respectables, nos convictions les plus sacrées, nos ornements les plus dignes, tout était invité, par l’esprit érudit et ingénieux, à se placer dans une collection ethnographique, à se ranger avec les taboos, les talismans, les amulettes des tribus ; parmi les oripeaux et les dépouilles des civilisations déjà surmontées et tombées au pouvoir de la curiosité. Ce sont des armes invincibles que l’esprit de satire trouve dans les collections et les vestiges. Il n’est de doctrine, d’institution, de sociétés ni de régimes sur qui ne pèse une somme de gênants souvenirs, de fautes incontestables, d’erreurs, de variations embarrassantes, et parfois des commencements injustes ou des origines peu glorieuses que n’aiment point les grandeurs et les prétentions ultérieures. Les lois, les mœurs, les institutions sont l’ordinaire et délectable proie des critiques du genre humain. Ce n’est qu’un jeu que de tourmenter ces entités considérables et imparfaites que poursuit d’âge en âge la tradition de les harceler. Il est doux, il est facile, périlleux quelquefois, de les obséder d’ironies. Le plaisir de ne rien respecter est le plus enivrant pour certaines âmes. Un écrivain qui le dispense aux amateurs de son esprit les associe et les ravit à sa lucidité impitoyable, et il les rend avec délices semblables à des dieux, méprisant le bien et le mal. ».
 


Je propose ici quelques extraits de l'œuvre d'Anatole France.

Sur la vie humaine : « Plus je songe à la vie humaine, plus je crois qu'il faut lui donner pour témoins et pour juges l'Ironie et la Pitié. L'Ironie et la Pitié sont deux bonnes conseillères; l'une, en souriant, nous rend la vie aimable, l'autre, qui pleure, nous la rend sacrée. L'Ironie que j'invoque n'est point cruelle. Elle ne raille ni l'amour ni la beauté. Elle est douce et bienveillante. Son rire calme la colère, et c'est elle qui nous enseigne à nous moquer des méchants et des sots que nous pourrions, sans elle, avoir la faiblesse de haïr. ».

Sur la pensée par soi-même : « À mesure qu'on avance dans la vie, on s'aperçoit que le courage le plus rare est celui de penser. ».

Sur la curiosité : « Pour digérer le savoir, il faut l’avoir avalé avec appétit. ».

Sur l'enseignement : « Tout l'art d'enseigner se résume à éveiller la curiosité naturelle des jeunes esprits pour la satisfaire ensuite. ».

Sur l'action politique : « Il est dans la nature humaine de penser sagement et d'agir d'une façon absurde. ».

Sur la guerre : « On croit mourir pour la patrie, on meurt pour des industriels. ».

Clivage : « J'ai toujours préféré la folie des passions à la sagesse de l'indifférence. ».

Dans "Jocaste et le Chat maigre" (1879) : « Il n'aimait pas ces courses au vent et à la pluie. Pour s'en dispenser, il se faisait admettre par ses grimaces à l'infirmerie, où il se pelotonnait sous ses couvertures comme un boa dans une vitrine de muséum. ».

Dans "La Rôtisserie de la reine Pétauque" (1892), des prémices véganes : « Un honnête homme ne peut sans dégoût manger la chair des animaux et les peuples ne peuvent se dire polis tant qu'ils auront dans leurs villes des abattoirs et des boucheries. Mais nous saurons un jour nous débarrasser de ces industries barbares. ».

Dans "Le Jardin d'Épicure" (1894) : « Nous appelons dangereux ceux qui ont l'esprit fait autrement que le nôtre et immoraux ceux qui n'ont point notre morale. Nous appelons sceptiques ceux qui n'ont point nos propres illusions, sans même nous inquiéter s'ils en ont d'autres. ». Et aussi : « L'espèce humaine n'est pas susceptible d'un progrès indéfini. Il a fallu pour qu'elle se développât que la terre fût dans de certaines conditions physiques et chimiques qui ne sont point stables. Il fut un temps où notre planète ne convenait pas à l'homme : elle était trop chaude et trop humide. Il viendra un temps où elle ne lui conviendra plus : elle sera trop froide et trop sèche. Quand le soleil s'éteindra, ce qui ne peut manquer, les hommes auront disparu depuis longtemps. Les derniers seront aussi dénués et stupides qu'étaient les premiers. Ils auront oublié tous les arts et toutes les sciences, ils s'étendront misérablement dans des cavernes, au bord des glaciers qui rouleront alors leurs blocs transparents sur les ruines effacées des villes où maintenant on pense, on aime, on souffre, on espère. ».

Dans "Crainquebille" (1904), apologie pour le président Bourriche : « Ce dont il faut louer le président Bourriche, lui dit-il, c’est d’avoir su se défendre des vaines curiosités de l’esprit et se garder de cet orgueil intellectuel qui veut tout connaître. En opposant l’une à l’autre les dépositions contradictoires de l’agent Matra et du docteur David Matthieu, le juge serait entré dans une voie où l’on ne rencontre que le doute et l’incertitude. La méthode qui consiste à examiner les faits selon les règles de la critique est inconciliable avec la bonne administration de la justice. Si le magistrat avait l’imprudence de suivre cette méthode, ses jugements dépendraient de sa sagacité personnelle, qui le plus souvent est petite, et de l’infirmité humaine, qui est constante. Quelle en serait l’autorité ? On ne peut nier que la méthode historique est tout à fait impropre à lui procurer les certitudes dont il a besoin. ».

Dans "L'Île des pingouins" (1908) : « Sans doute les raisons scientifiques de préférer un témoignage à un autre sont parfois très fortes. Elles ne le sont jamais assez pour l'emporter sur nos passions, nos préjugés, nos intérêts, ni pour vaincre cette légèreté d'esprit commune à tous les hommes graves. En sorte que nous présentons constamment les faits d'une manière intéressée ou frivole. ». Compétence politique : « Il a déjà trahi son parti pour un plat de riz. C’est l’homme qu’il nous faut ! » (On dirait de nos jours "pour un plat de lentilles", cf
Olivier Faure vendu à Jean-Luc Mélenchon).

Dans "Les Dieux ont soif" (1912), sur le vivre ensemble : « La nature nous enseigne à nous entre-dévorer et elle nous donne l'exemple de tous les crimes et de tous les vices que l'état social corrige ou dissimule. On doit aimer la vertu ; mais il est bon de savoir que c'est un simple expédient imaginé par les hommes pour vivre commodément ensemble. Ce que nous appelons la morale est une entreprise désespérée de nos semblables contre l'ordre universel, qui est la lutte, le carnage et l'aveugle jeu de forces contraires. Elle se détruit elle-même et plus j'y pense, plus je me persuade que l'univers est enragé. ».


Dans "La Révolte des anges" (1914) : « Il faut aimer qui nous aime. La souffrance nous aime et s'attache à nous. Il faut l'aimer si l'on veut supporter la vie ; et c'est la force et la bonté du christianisme de l'avoir compris... Hélas! je n'ai pas la foi, et c'est ce qui me désespère. ».

Et je conclus par l'amour de la langue. Dans "Les Matinées de la Villa Saïd" (sorti en 1921 chez Grasset), Anatole France a déclaré son amour au français (un tantinet sexiste !) : « La langue française est une femme. Et cette femme est si belle, si fière, si modeste, si hardie, touchante, voluptueuse, chaste, noble, familière, folle, sage, qu'on l'aime de toute son âme, et qu'on n'est jamais tenté de lui être infidèle. ». Anatole a aussi écrit : « Un dictionnaire, c'est l'univers par ordre alphabétique. ». Qu'il puisse faire des émules, qu'on puisse toujours chérir la langue française et surtout la respecter sans trop l'estropier !



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 octobre 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Anatole France.
Alexandre Dumas fils.
François Guizot.
Laura Blajma-kadar.
Jean-Pierre Elkabbach.
Jean-Louis Debré.
Brigitte Bardot.
Édouard Philippe.
Edgar Morin.
Bernard Pivot.
Yves Duteil.
Pierre Perret.
Françoise Hardy.
Paul Auster.
Christine Ockrent.
Dominique Baudis.
Racine.
Molière.
Frédéric Dard.
Alfred Sauvy.
George Steiner.
Françoise Sagan.
Jean d’Ormesson.
Les 90 ans de Jean d’O.

 





https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241012-anatole-france.html

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/anatole-france-figure-marquante-de-257035

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3 août 2024 6 03 /08 /août /2024 03:56

« Sentons jusqu'au fond de nous-mêmes notre jeunesse encore neuve... Peut-être que la mort ne viendra jamais ?... » (1905).




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La romancière française Colette (Sidonie-Gabrielle Colette de son vrai nom ; son père était le capitaine Jules-Joseph Colette, cela ne s'invente pas) est née à Saint-Sauveur-en-Puisaye (dans l'Yonne) il y a 150 ans, le 28 janvier 1873. Pendant des décennies, elle a dominé la vie culturelle française (et belge), en particulier à la Belle Époque, rapidement devenue mondialement célèbre pour sa littérature mais aussi sa vie de femme moderne. Un caractère, et une personnalité hors du commun.

Dans une notice bibliographique de son éditeur, on y lit : « Le seul nom de Colette évoque un chatoiement d'images qui illustrent une façon de vivre, heureuse, innocente et sans conformisme. Son œuvre épanouie entre les deux guerres reflète un monde clos et préservé que n'atteint pas l'inquiétude de ces temps troublés. ».

Malgré cet anticonformisme, elle a été intégrée dans l'un des saints des saints de la littérature française comme membre de l'Académie Goncourt en 1944 (elle était déjà membre de l'Académie royale de Belgique dès 1936) et même, en présidant cette Académie Goncourt de 1949 à sa mort, le 3 août 1954 (à l'âge de 81 ans). Des funérailles nationales furent votées, ce qui était une première pour une femme. Je m'étonne qu'on n'ait pas encore pensé à transférer ses cendres au Panthéon, auprès de femmes comme Germaine Tillion et de Joséphine Baker.

Personnage très riche de la littérature française, Colette était avant tout une femme moderne. Pas une féministe, au contraire de sa mère, Colette ne soutenait pas les suffragettes et si elle considérait que les femmes pouvaient autant réfléchir que les hommes sur les affaires de l'État et sur les affaires du monde, elle voyait toutefois un inconvénient à leur confier des responsabilités étant donné les quelques jours par mois ; elle estimait en 1927 que leurs ragnagnas les empêcheraient de prendre les bonnes décisions à ces moments précis de leur existence de femmes (car elles seraient « irritables, incontrôlées, imprévisibles »). Pas d'idéologie mais du pragmatisme.

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Si le personnage a brillé aussi par son côté sulfureux, c'est parce qu'elle affichait sa bisexualité ; non seulement elle a été l'épouse de trois maris successifs (dont Henry de Jouvenel de 1912 à 1923), mère également (d'une fille), mais aussi l'amante de femmes, un coming out qui était très nouveau et qui (bien évidemment) scandalisait les bonnes âmes. Son premier mari Willy (Henry Gauthier-Villars, de treize ans son aîné) lui imposait une fidélité pour ses relations avec les hommes, mais acceptait des "moments d'égarement" avec les femmes.

Grande lectrice durant son enfance et son adolescence, et aussi grande observatrice, Colette a laissé à la littérature française de nombreux ouvrages, des romans, des poèmes, des pièces de théâtre, aussi une épaisse correspondance. Sa série de romans "Claudine" vaguement autobiographique (parue à partir de 1900) fait intervenir des femmes bisexuelles. Elle a aussi écrit quelques essais comme "Le Pur et l'Impur" (écrit en 1931), des récits et réflexions sur les "plaisirs physiques".

On peut aussi citer "L'Ingénue libertine" (l'histoire de la jeune et jolie Parisienne Minne) en 1909, "Le Blé en herbe" (l'initiation sentimentale et sexuelle de deux adolescentes) en 1923, "La Chatte" (une femme jalouse car son mari lui préfère sa chatte) en 1933 et aussi "Gigi", une nouvelle publiée en 1944 qui raconte l'histoire d'une Parisienne adolescente à la Belle Époque (Gilberte), ouvrage qui a eu de nombreuses adaptations artistiques, notamment au cinéma et aussi au théâtre (dans sa première version, en anglais, à Broadway, en 1951, Colette a choisi Audrey Hepburn pour y tenir le rôle principal).

Mais je veux m'attarder surtout sur un de ses premiers ouvrages qui a aussi fait la réputation de Colette, son amour des chats, et plus généralement des animaux domestiques (aussi des chiens). Ce n'est pas exceptionnel qu'un écrivain travaille avec des chats (c'est même très courant), mais Colette a eu le don de les rendre tellement vivants que le lecteur s'invite dans l'intimité domestique de ces affections félines et canines.

Ainsi, parmi les pépites de Colette, cette grosse pépite que je n'ai pas encore citée, "Dialogues de bêtes", publié initialement avec quatre dialogues en 1904, puis sept en 1905 et enfin douze dialogues dans sa version définitive en 1930. Il s'agit de dialogues avec quatre personnages : le chat Kiki-la-Doucette (« chat des Chartreux »), le chien Toby-Chien (« bull bringé »), et ses deux maîtres, "Lui" et "Elle" (des « Deux-Pattes », « seigneurs de moindre importance »). L'impersonnalisation des humains permet bien sûr de mieux s'attacher au chat et au chien. Le ton est résolument direct, et ressemble à une bande dessinée (1905, c'était avant les bandes dessinées qui utilisaient régulièrement des animaux, comme Walt Disney etc.).

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Je ne résiste pas à proposer quelques extraits issus de ce merveilleux petit fascicule. Des dialogues qui sont d'une étonnante modernité et du résultat précieux d'une observation détaillée de la vie animale.

Dans la préface signée de l'écrivain Francis Jammes (1868-1938), une lettre propose cette introduction des personnages : « Il semble parfais que l'on naisse. On regarde. On distingue alors une chose dont le dessous des pieds a l'air d'un as de pique. La chose dit : oua-oua. Et c'est un chien. On regarde à nouveau. L'as de pique devient un as de trèfle. La chose dit : pffffff. Et c'est un chat. ». Mais ce n'est pas de Colette, contrairement à ce qui va suivre.

Le prétendu égoïsme des chats : « Ils baptisent ainsi, pêle-mêle, l'instinct de préservation, la pudique réserve, la dignité, le renoncement fatigué qui nous vient de l'impossibilité d'être compris par eux ». En d'autres termes : « Le Chat est un hôte et non un jouet. ».

Dérangements gastriques. Toby : « Tu m'as vu, après, me traîner mélancolique, la tête basse, écoutant dans mon estomac le glouglou malsain de l'huile et cacher dans le jardin ma honte... ». Kiki : « Tu la caches si mal ! ». Toby : « C'est que je n'en ai pas toujours le temps. ».

Purger un chat à l'huile de ricin ? Lui donner le bain ? Kiki sait réagir avec efficacité : « Je l'ai si bien griffée et mordue qu'Elle n'a pas recommencé. Elle a cru, une minute, tenir le démon sur ses genoux. Je me suis roulé en spirale, j'ai soufflé du feu, j'ai multiplié mes vingt griffes par cent, mes dents par mille, et j'ai fui, comme par magie. ».

Kiki parlant d'une chatonne : « De quel cœur elle me fuit, confondant sa pudeur avec l'effroi ! ».

Toby parlant d'amour de chat : « Ne détourne pas la tête ! Ta pudeur singulière s'emploie à cacher ce que tu nommes faiblesse, ce que je nomme amour. ».

Le cri monstrueux du chat avant de vomir : « Les yeux dilatés, j'avale précipitamment une salive abondante et salée, tandis que m'échappent d'involontaires cris de ventriloque... Et puis voici que mes flancs houlent, autant et mieux que ceux de la chatte en gésine, et puis... ».

Dialogue barbare au menu. Toby : « Ah ?... Dis-moi, les oiseaux, est-ce que ça a le goût du poulet ? ». Kiki (dont les yeux brillent bleu soudain) : « Non... C'est mieux... c'est vivant. On sent tout craquer sous les dents, et l'oiseau qui tressaille, et la plume chaude, et la petite cervelle exquise... ».


User et abuser de l'amour des humains, une signature de chat : « Si je voulais, Chien, troubler le silence de cette chambre, je saurais habilement choisir, pour m'y laver, une chaise mal calée, dont les pieds martèleraient régulièrement : "Tic-toc, tic-toc, tic-toc" au rythme de ma langue. C'est un moyen que j'ai inventé pour me faire donner la liberté. "Tic-toc, tic-toc" dit la chaise. Elle, qui lit ou écrit, s'agace vite et crie : "Tais-toi, Kiki". Fort de mon bon droit, je me lave innocemment. "Tic-toc, tic-toc". Elle bondit affolée et m'ouvre grande la porte, que je tarde à franchir, d'un pas d'exilé... Dehors, je ris de me sentir supérieur à tous. ».

Philosophie hautement féline : « Mon Dieu, on peut aimer les gens et soigner son estomac. ».

Philosophie médicale : « La fièvre, c'est le commencement de ce qu'on ne nomme pas. ».

Nourriture sauvage : « Je ne puis manger que des oiseaux vivants, ou des souris très petites dont j'avale le cri... ».

Dialogue cano-félin. Toby : « Pourquoi t'amuses-tu à me faire peur ? Je n'ai jamais bien compris chez toi cette vanité qui consiste à exagérer une cruauté très réelle... Tu me nommes le dernier des romantiques, ne serais-tu pas le premier des sadiques ? ». Kiki : « (…) À mon tour, laisse-moi te dire : "Je suis un Chat". Ce nom seul me dispense... Une haine est en moi contre la souffrance, la laideur, une détestation impérieuse de ce qui choque à ma vue ou simplement mon bon sens. ».

Explication psychanalytique de la cruauté du chat : « Si le récit affaibli de ce que j'ai fait te bouleverse, comprends donc que j'ai voulu supprimer du monde, anéantir, en cette bête ensanglantée, l'image même, l'image menaçante de mon inévitable mort... ».

Rideau !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (28 janvier 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Colette.
Benoît XVI.
André Breton.
Louis Aragon.
Annie Ernaux.
Svetlana Aleksievitch.
Mylène Demongeot.
Jean Teulé.
José Saramago.
Annick de Souzenelle.
Philippe Alexandre.
Yves Coppens.
Charlotte Valandrey.
Sempé.
Fred Vargas.
Jacques Prévert.
Ivan Levaï.
Jacqueline Baudrier.
Philippe Alexandre.
René de Obaldia.
Michel Houellebecq.
Richard Bohringer.
Paul Valéry.
Georges Dumézil.
Paul Déroulède.
Pierre Mazeaud.
Philippe Labro.
Pierre Vidal-Naquet.
Amélie Nothomb.
Jean de La Fontaine.
Edgar Morin.
Frédéric Dard.
Alfred Sauvy.
George Steiner.
Françoise Sagan.
Jean d’Ormesson.
Les 90 ans de Jean d’O.

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http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/08/03/article-sr-20240803-colette.html






 

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31 juillet 2024 3 31 /07 /juillet /2024 22:40

Le patriotisme, c'est de savoir communier avec tous ceux qui contribuent au rayonnement de la France dans le monde, et à l'évidence, c'était le cas pour cette cérémonie d'ouverture hors de toutes les normes. Comment croire au patriotisme des prétendus patriotes qui, au lieu de simplement aimer la France, dénigrent matin midi et soir la France et ceux qui la font rayonner ?




 


L'art, c'est toujours révolutionnaire. Et ce qui s'est passé lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques et paralympiques le 26 juillet 2024 à Paris restera dans la mémoire collective mondiale pendant très longtemps. D'abord, parce que le spectacle grandiose d'hymne à la fois à la France, à Paris mais aussi à l'universalisme, et cela sans arrogance française, a donné aux peuples du monde une idée du génie français, pas toutes ses facettes, trop nombreuses, mais quelques facettes intéressantes.

La vasque s'envolant dans le ciel de Paris, la Seine guidant les équipes olympiques, la Tour Eiffel, bien sûr, comme phare de référence, et même la pluie battante, j'y reviendrai à la fin.

Ensuite, au-delà du grandiose, il y a l'originalité, l'idée que les Français, c'est un peuple qui n'a pas peur de ses libertés, qui n'a pas peur de se moquer de lui-même, qui n'a pas peur d'être léger malgré les graves problèmes d'actualité qu'il côtoie, c'est un peuple qui sait se divertir, et qui sait divertir les autres peuples, dans une sorte de globalité qui fait respirer le monde.

Les polémiques sur une petite scène, que certains ont cru voir La Cène, sont finalement amusantes. Ces faiseurs de polémiques se trompent de sujet. Ils sont aigris. Ce qui rassurent, c'est que ce sont toujours les mêmes, en France mais aussi dans le monde, qui dénigrent, fustigent, condamnent le génie français (trumpistes, zemmouriens, poutiniens, mélenchonistes, etc.), et ces polémiques renforcent en quelque sorte cet art qui n'était pas de la subversion ni de la provocation, mais simplement de la légèreté et de la créativité. Une simple mise en perspective. Sans idéologie d'arrière-boutique !

Bien sûr, pendant ces quatre heures de spectacle, il y a eu mille symboles, mille références, parfois contradictoires, mille clins d'œil. Mais peut-être à cause des polémiques, ce qui en est le plus ressorti est ce qui était le plus souriant, le plus léger, le plus rigolard, de cet humour potache français que Goscinny a su si bien incarner dans Astérix, cet esprit français.

 


J'ai nommé Philippe Katerine déguisé en Schtroumpf à poil, recouvert d'un bleu peau déconcertant, allongé dans le pur style de la décadence romaine dans un plat de banquet pour chanter un hymne au naturisme, un hymne pacifique, écologiste, pour l'égalité, la liberté, la fraternité. Pas de quoi casser la patte à un canard, même quand on est catholique pratiquant !
 


Inutile de rappeler (je l'ai déjà fait) que la scène a été plus inspirée par "Le Festin des dieux" de Jan van Bijlert que par "La Cène" de Léonard de Vinci, avec l'idée d'évoquer Apollon et Dionysos, somptueux banquet des dieux de l'Olympe avec ce jeu de mot (qui n'en est pas un, en fait) faisant référence aux Jeux olympiques (y aura-t-il la prochaine fois des dieux éclopés de la Paralympie ?).
 


Pour preuve de l'innocence artistique des auteurs du spectacle, leur directrice de communication Anne Descamps a accepté de présenter ses excuses le 28 juillet 2024, sans hésiter, car la provocation n'était pas dans leur intention et donc, leur ego d'artiste n'est pas atteint avec ces excuses : « Clairement notre intention n’était pas d’afficher un manque de respect à quelque groupe religieux que ce soit. À l’inverse, notre intention était de montrer de la tolérance et de la communion. Si des gens ont été offensés, nous nous en excusons. ».

Les râleurs sont bruyants mais ne sont pas nombreux puisque, selon les sondages, autour de 85% des sondés ayant regardé le spectacle l'ont applaudi, aimé, en ont été émus, si ce n'est fascinés (même si, bien sûr, ils n'ont pas tout aimé). Nos amis les Chinois, en tout cas, n'ont pas été aveugles et l'effigie de Phlippe Katerine dans sa nudité bleue fait désormais des ravages dans les réseaux sociaux !
 


Beaucoup de dessins, de compositions, reprennent l'idée, avec évidemment la référence française, il y a même des plats à déguster, des pâtisseries qui sont maintenant des Philippe Katerine. Il devrait faire un tour en Chine après les JO, il ferait un tabac ! Pour rappel, la Tour Eiffel était une horrible tour en ferraille, capable de montrer le génie français mais qui a eu de nombreux détracteurs français voire parisiens, et aujourd'hui, elle est le symbole tant de Paris que de la France. Je doute que le Philippe Katerine bleuté ait une aussi belle destinée historique (j'espère que ce n'est pas le cas pour sa vie à venir, car il n'est pas une tour en ferraille), mais cela montre bien les mécanismes de l'art : il doit surprendre, émouvoir, interroger, voire choquer pour qu'il s'inscrive dans un mouvement utile et original. Pas la peine de ressasser les vieilles lunes académiques, on les connaît déjà. En revanche, l'art avant-gardiste, qui sera classique dans quelques décennies, doit savoir s'accrocher face aux réactions parfois hostiles sinon affligeantes de certains qui y mettent plus leurs aigreurs d'estomac que leur sens critique.
 


En particulier, Esteban Grine, un internaute a transféré sur Twitter quelques images amusantes de l'effigie de Philippe Katerine que son épouse en Chine a découvertes, j'ai trouvé aussi une vidéo, des pâtisseries, de la pâte à modeler... Désormais, le Schtroumpf bleu est à la mode, sans pour autant savoir si l'hymne au naturisme a été correctement traduit aux Chinois qui, dans tous les cas, se montrent certainement plus ouverts que Vladimir Poutine qui a fait censurer ce passage.
 


Je termine cette évocation par un autre génie français, incarné depuis 2012 par François Hollande qui a démarré son quinquennat en pleine pluie, et qui l'a poursuivi avec de nombreuses cérémonies pluvieuses. Il n'est plus à l'Élysée mais il a dû porter la poisse par sa présence car la pluie très forte est tombée sur Paris et sur le spectacle d'ouverture pendant les quelques heures. Il faut donc remercier et saluer les milliers d'artistes qui ont, malgré tout, accepté de se produire sur cette pluie, les échos de ceux-ci après le spectacle étaient parfois dégoulinants (j'étais tout mouillé !), et il faut aussi saluer les spectateurs qui ont regardé pendant plusieurs heures sous la pluie, même les ministres (démissionnaires) n'étaient pas protégés par un préau, si bien que l'un d'eux a confié qu'il était trempé jusqu'au slip.

Les humains ne sont pas en sucre et s'en sont remis. Toutefois, ce n'est pas le cas pour les instruments de musique, pianos, violons, altos, violoncelles, contrebasses, etc., sous cette pluie battante. Cela a même alerté plus d'un téléspectateur. Quel gâchis de voir ces instruments s'abîmer sous la pluie ! "Le Monde" a sorti un article le 30 juillet 2024, signé de Marie-Aude Roux, qui est allé un peu plus loin sur cet exploit.


Quelques heures avant le spectacle, les musiciens de l'Orchestre national de France, un des deux grands orchestres de Radio France avec l'Orchestre Philharmonique de Radio France, avaient protesté car l'organisation n'avait pas assuré qu'ils seraient couverts d'un toit ou préau. Il s'est alors passé cette transaction : les musiciens allaient ranger leur instrument personnel qu'ils chérissent, et joueraient avec des instruments en fin de vie, bas de gamme, destinés à la pédagogie, qui peuvent être abîmés par la pluie, prêtés par l'Orchestre de Paris qui jouait aussi lors de la scène de la Conciergerie. L'Orchestre de Paris jouait avant l'Orchestre national de France et était à la Cour de Cassation, tandis que le second était basé au Trocadéro.
 


La clef, c'est que toute la musique de ces orchestres a été préenregistrée préalablement, et c'est la musique enregistrée que les téléspectateurs ont entendue lors de la Marseillaise, de Carmen ou encore à la fin (Aya Nakamura et Lady Gaga étaient également en play-back ; en revanche, pas Céline Dion qui a été grandiose et majestueuse malgré sa maladie, du haut de la grande Tour).

Les musiciens de l'Orchestre national de France ont donc bien joué en direct, mais seuls les spectateurs près d'eux ont pu entendre leur musique. L'article du quotidien précise : « Lestés d'oreillettes, les musiciens se sont surtout employés à respecter les clics et les tops afin que tout soit bien synchronisé à l'image. "Je sais bien qu'ils étaient en fin de vie, mais j'ai quand même une petite culpabilité vis-à-vis de ces instruments sacrifiés", glisse la musicienne, heureuse d'avoir pu, avec ses collègues, "transformer ce moment de galère en souvenir inoubliable". ».


Un souvenir malheureusement qui n'a pas été retransmis en images en raison de loupés de la réalisation, de nombreux plans ont été oubliés par rapport aux objectifs initiaux, en particulier ceux montrant les musiciens, qui ont pourtant fait de nombreuses répétitions auparavant pour ces quelques images... oubliées. Et l'article finit : « Certains ont dû jeter leur paire de chaussures trop détrempée, tandis que les habits de concert filaient au pressing. Mais tous savent que la fête était belle et ils sont heureux d'y avoir participé. ».
 


Ce n'est qu'une petite partie de notre génie olympique, puisque le véritable génie olympique, ce sont les médailles de nos athlètes qui, décidément, comme les artistes à l'ouverture, font honneur à la France qui se classe, ce mercredi 31 juillet 2024, après à peine cinq jours de compétition, en deuxième position sur 206 pour le nombre de médailles (26), juste derrière les Américains (29), et en première position pour les médailles d'or (8), à égalité avec la Chine (8) et le Japon (8), devant l'Australie (7). Cela n'a duré que l'espace de quelques minutes car une sportive chinoise a obtenu peu de temps après une neuvième médaille d'or pour la Chine redevenant la première nation olympique.
 


Parmi les sportifs qui font honneur à la France, citons (sans être exhaustifs) le nageur Léon Marchand (trois médailles d'or, dont deux records olympiques du 400 mètres quatre nages et du 200 mètres brasse) et la triathlète Cassandre Beaugrand (première médaille d'or olympique de triathlon française). Le génie français, c'est aussi de faire passer des épreuves dans la Seine ! Vive la France ! (et vive le reste du monde qui le vaut bien aussi !).


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (31 juillet 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le génie olympique français !
Festivité !
Ouverture des Jeux olympiques : Paris tenu !
Amélie Oudéa-Castéra se baigne dans la Seine : Paris tenu !
Fête de l'Europe, joies et fiertés françaises.
Adèle Milloz.
Éric Tabarly.

Coupe de France de football 2023 : victoire de Toulouse ...et d'Emmanuel Macron !
France-Argentine : l'important, c'est de participer !
France-Maroc : mince, on a gagné !?
Qatar 2022 : vive la France, vive le football (et le reste, tant pis) !
Après la COP27, la coupe au Qatar : le double scandale...
Vincent Lindon contre la coupe au Qatar.
Neil Armstrong.
John Glenn.
Michael Collins.
Thomas Pesquet.
Youri Gagarine.
Le burkini dans les piscines.
Les seins nus dans les piscines.
Roland Garros.
Novak Djokovic.
Novax Djocovid.
Jean-Pierre Adams.
Bernard Tapie.
Kylian Mbappé.
Pierre Mazeaud.
Usain Bolt.



 






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https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/le-genie-olympique-francais-256133

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