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24 avril 2019 3 24 /04 /avril /2019 03:07

« Le principe d’une indemnisation chômage est un des fondements de notre modèle social. Il est bon, il est sain que nous ayons un système permettant de ne pas laisser seul et sans indemnisation, ceux qui, dans leur vie professionnelle, connaissent une interruption liée à l’activité économique. Il ne s’agit donc pas de revenir sur ce principe, mais bien au contraire de faire en sorte que ce principe puisse trouver une application efficace et durable. » (Édouard Philippe, le 26 février 2019 à Matignon).



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On parle en ce moment de la réforme des retraites, mais il y a aussi la réforme de l’assurance-chômage en cours. Elle est en train de "mijoter". Le Premier Ministre Édouard Philippe devrait indiquer « au printemps les paramètres et les mesures que nous retiendrons ». Ce sujet est évidemment très sensible puisqu’il s’agit du traitement social du chômage. La France, plus que d’autres pays, s’enorgueillit de parvenir à amortir le choc d'une crise économique par des airbags sociaux. L’assurance-chômage est, à cet égard, l’airbag le plus stratégique.

Le Président Emmanuel Macron s’était étonné, lors d’une participation au grand débat, que le sujet du chômage et de l’emploi était peu évoqué alors qu’il est déterminant dans le redressement de l’économie et l’assainissement des finances publiques. Il a eu beau jeu également de fustiger les partenaires sociaux le 25 février 2019 en disant qu’on lui reprochait de ne pas vouloir de concertation, mais quand il y avait une concertation, cela n’aboutissait à rien et alors, les partenaires sociaux s’en remettaient au gouvernement.

Ce raisonnement présidentiel assez boiteux a fait sortir de leurs gonds les deux parties, les syndicats et le Medef, dans un élan commun, parce que le cahier des charges imposé par le gouvernement était intenable, notamment avec le ou les milliards d’économies demandés afin de désendetter l’Unedic.

Effectivement, le 20 février 2019, les partenaires sociaux ont dû arrêter leurs négociations sur un constat d’échec. Il revient donc au gouvernement de reprendre l’initiative et d’imposer finalement ses propres mesures, après une nouvelle concertation de plusieurs semaines, cette fois-ci menée par le gouvernement.

Pour Édouard Philippe, cet échec est regrettable : « Nous avons laissé toutes ses chances à la négociation. Nous avons rédigé le document qui leur a été adressé après les avoir consultés et après avoir tenu compte de leur avis pour en élaborer le contenu. En affirmant le nécessaire désendettement de l’Unedic, nous avons pris soin de mentionner non pas un objectif budgétaire mais une fourchette d’économies suffisamment large pour que l’espace de discussion soit réel. Et nous avions indiqué aux partenaires sociaux que dès lors qu’ils atteindraient une cible à l’intérieur de cette fourchette, nous pourrions suivre leurs recommandations. ».

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Dans sa conférence de presse (dont on pourra lire l’intégralité ici) à Matignon le 26 février 2019, le Premier Ministre Édouard Philippe s’est d’abord réjoui de la baisse durable du chômage avec un taux en dessous de 9%, ce qui était sans précédent depuis dix ans. Pour lui, le retour à plus d’emplois est la priorité du gouvernement : « La lutte contre le chômage reste notre premier objectif. ». La réforme de l’assurance-chômage constitue le troisième levier de sa politique de l’emploi.

Le premier levier était la réforme du code du travail, qui permet une meilleure sécurisation des contrats de travail vis-à-vis des employeurs. Le deuxième levier était la réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage « avec le choix de privilégier enfin l’alternance en levant les blocages à son développement, et le choix de privilégier la formation des demandeurs d’emploi plutôt que les emplois aidés ».

Parmi les quelques pistes du gouvernement, deux mauvaises idées se sont glissées qui ne me paraissent pas aller dans le bon sens, même si je conçois la nécessité de faire des économies si l’on ne veut pas augmenter les charges sociales sur les salaires.

La première mauvaise idée, c’est de proposer de créer un malus pour les contrats courts, les CDD (contrats à durée déterminée). L’idée, fort louable, est de faire en sorte que le CDI (contrat à durée indéterminée) soit la norme, ce qui n’est plus le cas actuellement dans les embauches : « Nous considérons que les entreprises doivent être beaucoup plus responsabilisées dans leur choix de recourir aux contrats courts. (…) Vous comprenez bien qu’ayant libéré les entreprises des règles qui créaient des incertitudes défavorables à l’embauche, nous pouvons désormais refaire du CDI et des contrats longs la norme à l’embauche. ».

Le problème, c’est que cette mesure suit une logique complètement antiéconomique, elle serait financièrement catastrophique dans de nombreux secteurs, en particulier la restauration et le tourisme (ce qui est bien connu), mais aussi dans des secteurs moins connus pour ces contrats courts, comme par exemple, le secteur de l’audiovisuel. En effet, le recrutement d’un producteur d’émission ne peut se faire sur une durée indéterminée mais sur les périodes des grilles, à savoir, année scolaire ou mois d’été. Obliger les entreprises du secteur à recruter en CDI reviendrait à nier leur liberté éditoriale. Chaque secteur économique a sa propre logique et ses propres raisons de recourir éventuellement à des contrats courts. Vouloir imposer une mesure globale ne paraît pas pertinent.

Par ailleurs, n’imaginer que des dispositifs qui chargent encore plus les entreprises paraît contradictoire avec la volonté affichée par le gouvernement de mener une politique pro-entreprises. Ce n’est assurément pas en augmentant leurs charges qu’on réduirait le chômage. Mieux vaut trouver un argument incitatif pour recruter en CDI qu’une mesure punitive pour qui recruterait en contrats courts.

C’est une tentation très française de vouloir sans arrêt rajouter une taxe, avec une pléthore de synonymes (ici "malus"), alors même que le gouvernement avait répété qu’il n’augmenterait aucun impôt ni n’en créerait de nouveaux. Ce cette pratique qui a engendré la crise des gilets jaunes où l’on a confondu très hypocritement la sauvegarde de la planète avec le remplissage des caisses de l’État par l’intermédiaire de la taxe carbone.

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La seconde mauvaise idée, qui, elle, pourrait avoir un écho favorable à gauche (comme la première du reste), c’est de proposer une limitation du niveau des indemnités chômage : « Il est clair que les règles d’assurance-chômage, qui ne protègent pas suffisamment contre la précarité, indemnisent dans le même temps à un niveau dépassant de très loin ce qui existe ailleurs en Europe, alors même que le marché du travail des cadres est au plein emploi. ». L’idée est "lumineuse" : on imagine mal les cadres au chômage se regrouper et bloquer les ronds-points.

Dans cette petite phrase du Premier Ministre, on lit en filigrane qu’un cadre sans emploi serait au chômage par sa propre volonté, ce qui n’est évidemment pas aussi simple que cela (cela dépend des secteurs et des compétences). Mais surtout, l’indemnisation chômage n’est pas un droit acquis, une faveur octroyée par l’État ou par les partenaires sociaux par solidarité aux demandeurs d’emploi. C’est d’abord et avant tout une assurance. C’est donc ainsi qu’il faut l’imaginer.

Or, une assurance, c’est payer pour un risque, et être indemnisé lorsque ce risque devient réalité. Mettre un plafond (pour les cadres donc) aux indemnisations pourrait sembler juste, mais c’est en fait le contraire. Un tel plafonnement ne peut s’envisager qu’accompagné d’un plafonnement du paiement des cotisations chômage. Car si les cadres peuvent toucher une indemnisation qui peut s’avérer élevée, elle l’est en proportion des cotisations chômage payées qui sont également élevées.

La réforme de 2018 (celle qui a suscité la grogne des retraités) avait un but clair : augmenter la CSG et supprimer la cotisation chômage du salarié, si bien que le salarié y a gagné globalement. Cela a désavantagé ceux qui n’avaient pas à payer à l’origine de cotisation chômage, principalement les retraités et les fonctionnaires. Mais l’idée avait aussi un but moins avouable même si annoncé : c’était de transférer la compétence de l’assurance-chômage des partenaires sociaux vers l’État en supprimant ainsi les cotisations chômage et en intégrant l’assurance-chômage dans le budget de l’État. On imagine la conséquence "philosophique" de cette transformation : l’assurance-chômage ne serait plus une "assurance" mais un droit social, qui pourrait donc être modifié au gré des lois de finance.

En fait, le gouvernement n’a fait que la moitié du travail, dans cette étatisation (nationalisation) de l’assurance-chômage, puisqu’il reste encore des cotisations chômage patronales, qui, en fin de compte, sont techniquement de même nature que les cotisations salariales. Les réduire ou les supprimer ne changerait rien sur le "net à payer" du salarié, mais allègerait le coût du travail pour les entreprises. On n’en est pas là, à moins d’imaginer une nouvelle augmentation équivalente de la CSG, quitte à la coupler avec une augmentation équivalente du salaire brut (le salaire brut n’est pas vraiment brut puisqu’il ne prend pas en compte les charges patronales liées à ce salaire).

La plupart des réformes de l’assurance-chômage, depuis une trentaine d’années, ont eu pour objectif de redonner un équilibre financier au système (sans lequel le système peut imploser), et ce n’est pas facile en période de taux élevé et durable de chômage. Néanmoins, il y a plus de marge de manœuvre que pour les pensions de retraite.

En effet, non seulement il y a un nombre de retraités fixé et irréversible, mais avec le baby-boom, devenu papy-boom, il va éclater dans les années à venir, sans compter la hausse vertigineuse, en elle-même excellente, du nombre de personnes très âgées, ce qui renforcera le coût de la dépendance dans les vingt prochaines années.

L’assurance-chômage n’a pas cette problématique irréversible. Elle dépend du taux de chômage et si celui-ci baisse, l’équilibre financier peut rapidement être atteint. Non seulement avec la baisse des indemnisations, mais aussi, parallèlement, avec la hausse de recettes. L’assurance-chômage n’est donc prisonnière du triple levier montant des cotisations/montant des indemnisations/durée des indemnisations mais aussi du taux de chômage.

La véritable solution, et personne n’en doute, c’est qu’il y ait moins de chômeurs. Tout ce que fait le gouvernement sur le code du travail et sur l’assurance-chômage a malheureusement peu d’impact sur l’emploi qui est d’abord une donnée économique et pas sociale (en quelques sortes, les leviers du gouvernement n’agissent que sur les conséquences et pas sur les causes du chômage). Jusqu’à maintenant, le seul véritable levier de l’emploi, c’est l’investissement productif. Je doute, malgré les discours prometteurs, que celui-ci soit réellement encouragé dans les faits par des mesures effectivement incitatives…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 avril 2019)
http://www.rakotoarison.eu

(La première image est une parodie trouvée sur Internet du logo de "Pôle Emploi" à la suite d'une certaine déclaration présidentielle ; que son auteur non identifié soit remercié).


Pour aller plus loin :
Discours du Premier Ministre Édouard Philippe sur l’assurance-chômage le 26 février 2019 à Matignon (texte intégral).
Assurance-chômage : deux mauvaises idées du gouvernement.
L’inversion de la courbe.
La crise de 2008.
Faut-il toucher aux retraites ?
Le statut de la SNCF.
Programme du candidat Emmanuel Macron présenté le 2 mars 2017 (à télécharger).
La génération du baby-boom.
La réforme des sociétés anonymes.
L’investissement productif.
La réforme du code du travail.
La France est-elle un pays libéral ?
Le secteur de l’énergie.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190226-assurance-chomage.html

https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/assurance-chomage-deux-mauvaises-214266

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/02/27/37136834.html



 

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28 janvier 2019 1 28 /01 /janvier /2019 18:23

Né le 1er novembre 1928 à Paris, Marc Viénot a fait de brillantes études à l'IEP Paris (1948) et l'ENA (1953), et a fait sa carrière de haut fonctionnaire comme inspecteur des finances. Il fut détaché en 1974 pour travailler dans la banque. En 1986, il fut désigné PDG de la banque Société Générale et a empêché l'OPA contre sa banque par Georges Pébereau en 1988. Administrateur de Vivendi Universal, il fut un protecteur de Jean-Marie Messier.

SR

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20190128-marc-vienot.html


 

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12 novembre 2018 1 12 /11 /novembre /2018 22:36

(verbatim)



Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20181120-gilets-jaunes.html



Assemblée nationale
XVe législature
Session ordinaire de 2018-2019

Compte rendu
intégral
Première séance du lundi 12 novembre 2018


Présidence de Mme Carole Bureau-Bonnard

M. Éric Woerth, président de la commission des finances. Le vrai problème, en réalité, tient au temps dont le Parlement, et donc les parlementaires, dispose pour examiner ces textes. Je rappelle que la LOLF impose un délai d’une semaine pour recueillir l’avis du Parlement sur les décrets d’avance du Gouvernement. C’est donc un paradoxe que nous ayons eu bien moins d’une semaine pour examiner ce PLFR ! L’examen de ce texte en commission n’a pu avoir lieu que vendredi, et nous sommes aujourd’hui lundi : il est compréhensible que certains de nos collègues, notamment d’opposition, soient pour le moins mal à l’aise. L’opposition a des droits, qui doivent être respectés ; pour cela, la majorité a des devoirs, dont celui de lui laisser du temps pour examiner les textes.

Et d’ailleurs, ce n’est pas à la majorité de dire s’il y a lieu ou non d’amender un texte : c’est aux parlementaires de le faire ! J’ai été ministre du budget avant vous, je sais bien qu’aucun gouvernement n’a très envie de voir amender les textes qu’il présente. Tout gouvernement pense être l’alpha et l’oméga, et savoir exactement ce qu’il faut faire. Mais c’est le rôle de l’opposition de se saisir les occasions qu’elle rencontre.

(...)

Dernier point : les carburants. C’est une question à la fois politique et technique, comme l’ont révélé les oppositions lors du débat sur le PLF. J’ai une question à poser au Gouvernement et à la majorité à ce sujet : l’augmentation de la fiscalité énergétique vise-t-elle à compenser la baisse de la taxe d’habitation ?

Mme Cendra Motin. Mais non !

M. Laurent Saint-Martin. Ce n’est pas de votre niveau, cela, monsieur le président de la commission !

M. Éric Woerth, président de la commission des finances. Nous posons cette question depuis plusieurs semaines, sans obtenir de réponse. Les montants sont les mêmes : avouez que c’est troublant ! (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)

M. Hubert Wulfranc. C’est vrai !

M. Jean-Louis Bourlanges. Vous faites de la numérologie, à présent, monsieur Woerth ? (Sourires sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. Éric Woerth, président de la commission des finances. J’insiste : compensez-vous la baisse de la taxe d’habitation par l’augmentation des prélèvements sur les carburants ? Je suis persuadé que vous allez me dire que non, mais d’année en année, tout au long des deux trajectoires – celle de la baisse de la taxe d’habitation et celle des taxes sur les carburants –, les montants sont étonnamment semblables. Au fond, faites-vous payer aujourd’hui aux automobilistes ce que les contribuables locataires ne paieront plus demain ?

Mme Stella Dupont. Vous vous égarez !

M. Éric Woerth, président de la commission des finances. Pour conclure, ce PLFR témoigne bien d’un effort de sincérité, et d’un effort de clarification de la répartition des rôles entre PLFR et PLF. Cependant vous ne faites pas d’effort pour clarifier vos politiques : c’est pourtant cela, au fond, que les Français demandent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)



Source : Assemblée Nationale.
http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20181112-taxe-carburant-habitation.html

 

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11 octobre 2018 4 11 /10 /octobre /2018 23:51

Né le 28 juin 1927 à Paris, Raymond Lévy fut major à Polytechnique en 1946 et est sorti dans le Corps des Mnes. Il travailla chez ERAP puis fut vice-président directeur général d'Elf Aquitaine. Puis, il fut président-directeur général d'Usinor de 1982 à 1984. Prenant la lourde succession de Georges Besse assassiné par Action directe, Raymond Lévy est nommé par le ministre Alain Madelin président-directeur général du groupe automobile Renault de 1987 à 1992. Il a réussi à redresser financièrement le groupe après avoir lancé la R19 et la Clio. Il échoua cependant à faire des alliances avec Skoda et avec Volvo. Par son âge, il a dû quitter son poste qu'il laissa à Louis Schweitzer, ancien directeur de cabinet de Laurent Fabius à Matignon. En 1993, Raymond Lévy fut nommé président du conseil de surveillance de Lagardère. Il fut en outre conseiller municial de Vaucresson de 2001 à 2008.

SR

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20181010-raymond-levy.html

 

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15 septembre 2018 6 15 /09 /septembre /2018 04:23

« Ceux qui ont perdu toutes leurs économies n’auront retrouvé une vie normale que d’ici un ou deux ans. Dans quatre ans, on se sera tout juste remis. Mais on restera sous le niveau qu’on aurait atteint si on avait poursuivi une voie stable plutôt que la voie de la spéculation. » (Joseph Stiglitz, "Challenges", 27 août 2009).


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Dix ans que le système financier mondial s’est effondré. Dix ans que la France cherche à retrouver une certaine marge de manœuvre économique.

L’année 2017, pour la première fois depuis dix ans, le déficit public de la France est repassé en dessous du seuil fatidique de 3% du PIB, à savoir 2,6%. Le déficit de cette année 2018 devrait être encore meilleur, prévu à environ 2,3%. Bon, c’est clair que cela reste un déficit, et celui-ci est l’une des tares chronique des gouvernements des quarante dernières années. La bonne gestion, celle des ménages par nécessité, c’est zéro déficit. Ne pas dépenser plus que l’on ne gagne. Ou alors, investir pour l’avenir, s’endetter pour des investissements, mais pas pour des dépenses de fonctionnement. S’endetter pour préparer la vie de nos enfants et pas s’endetter pour faire vivre nos aînés.

Avant 1981, il y avait déficit public uniquement pour des raisons bien identifiées (les deux chocs pétroliers, par exemple) tandis qu’après 1981, François Mitterrand avait carrément théorisé l’existence permanente du déficit afin de satisfaire ses nombreuses clientèles électorales. Jacques Chirac et Édouard Balladur ont fait de même à la tête de leur gouvernement de cohabitation, et le Traité de Maastricht a renforcé la pérennité de ce seuil, 3% du PIB. Dès sa campagne présidentielle de 2002, François Bayrou avait mis en garde les Français contre ce déficit chronique et contre une dette devenue abyssale (elle est, à la fin de l’année 2017, de plus de 2 200 milliards d’euros, soit 96,8% du PIB, un sommet !).

Le programme du Président Nicolas Sarkozy contenait en 2007 beaucoup de mesures pour libéraliser l’économie française et assainir les finances publiques. François Fillon, le clown triste, avait même parlé de "France en faillite" (ce qui avait mis en colère Nicolas Sarkozy, mais pour une autre raison : il avait osé dire qu’il était à la tête d’un pays qui était en faillite, alors qu’il n’y avait qu’une seule tête, le Président, pas le Premier Ministre !).

Or, un événement a complètement cassé ces perspectives. En effet, cela fait maintenant dix ans qu’une grave crise financière mondiale a été déclenchée. Précisément, le 15 septembre 2008, la banque d’investissement Lehman Brothers a fait faillite. En fait, la crise se pressentait dès l’été 2007 avec la crise de subprimes. La titrisation des prêts bancaires pour l’immobilier aux États-Unis, les trop grandes largesses des banques à accorder des prêts à des ménages aux revenus trop bas, la hausse des taux d’intérêts, la chute de l’immobilier, la faillite des prêteurs incapables de se faire rembourser par la vente du bien immobilier dévalué de leurs clients.

Ce krach était un événement mondial majeur de même ampleur que le fameux 29 octobre 1929. À la différence près que les gouvernements, au lieu de laisser faire le marché, en 2008, ont cherché à soutenir le secteur bancaire.

En France, Nicolas Sarkozy a sans doute montré son plus grand sens de l’État à cette occasion. Il a soutenu l’économie française comme il a pu. Il a même créé un Ministère de la Relance (occupé par l’ancien fidèle Patrick Devedjian, qui fut secrétaire général de l’UMP). Il a su aussi faire prendre les bonnes décisions au niveau européen en faisant pression sur Angela Merkel.

Mais dans tous les cas, son quinquennat était "foutu" par cette crise. Il n’avait plus de marge de manœuvre, et la crise de la dette souveraine grecque en 2010, qui risquait d’enflammer la zone euro, a encore plus réduit ses libertés au point qu’il renonça à la création d’une assurance dépendance pourtant très attendue (et toujours pas créée huit ans plus tard).

Quand François Hollande, énarque HEC de la Cour des Comptes (donc, en principe, calé en économie et en finances) qui avait beaucoup misé, dans sa campagne interne au PS, sur la maîtrise du déficit public et de l’endettement public, se retrouva en concurrent numéro un de Nicolas Sarkozy, durant la campagne présidentielle de 2012, il avait beau jeu de pointer du doigt les "résultats" déplorables de ce quinquennat en termes de finances publiques et aussi de chômage tout en se faisant l’ennemi de l’invisible finance internationale. Rien qu’entre septembre 2008 et septembre 2009, il y a eu en France plus de 500 000 demandeurs d’emploi supplémentaires ! Une catastrophe sociale majeure. Quant au déficit, il fut historique pour l’année 2009, avec 7,2% du PIB (139 milliards d’euros !). Entre 2007 et 2012, la dette publique a progressé de près de 50%, du jamais vu pour un mandat, de 64,5% du PIB en 2007 à 90,6% du PIB en 2012 !

Et pourtant, il fallait savoir ce qu’on voulait : voulait-on faire comme le gouvernement américain en 1929, ne rien faire, laisser faire, laisser la pauvreté s’installer, ou au contraire, fallait-il relancer l’économie, refaire tourner la machine ? Nicolas Sarkozy avait choisi, sans doute avec raison, la seconde possibilité et à l’époque, il était même critiqué par les socialistes de ne pas en avoir fait assez, c’est-à-dire, en clair, de ne pas avoir creusé encore plus le déficit public ! Facile après de fustiger les conséquences secondaires.

Pourtant, avec la conjoncture hyperdéfavorable de la crise mondiale, les performances financières du quinquennat de Nicolas Sarkozy n’étaient pas si critiquables que cela, et tenaient la comparaison avec les autres pays comparables (la Cour des Comptes a même donné un brevet de "bonne gestion" en temps de crise). Rappelons que dès 2010, un plan d’assainissement des finances publiques (porté par François Baroin puis Valérie Pécresse) permettait de réduire le déficit public chaque année. À la fin du quinquennat, la croissance a même retrouvé les environ 2%.

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Quand François Hollande a pris les commandes de l’État, ce fut une nouvelle catastrophe, cette fois-ci fiscale : la croissance fut plombée pendant tout le quinquennat, ne dépassant pas 1% alors que la conjoncture internationale, au contraire, était à l’embellie. Le chômage a progressé énormément et le déficit n’a jamais été ramené en dessous du seuil fatidique de 3% du PIB malgré toutes les promesses tant de bateleur de campagne que de Président de la République.

Ce n’est qu’en 2017 que les finances publiques commencent à sortir un peu de l’eau. Ce n’est pas une opération magique avec l’arrivée du Président Emmanuel Macron mais plutôt des circonstances positives avec un discours volontariste en faveur des entreprises. Cependant, la croissance attendue, même si elle est là, risque d’être moins élevée que prévue. Les marges de manœuvre risquent encore d’être faibles pour la suite du quinquennat d’Emmanuel Macron.

La France revient de loin, en dix ans, avec la crise financière mondiale de 2008 et le choc fiscal de 2013, mais la page semble définitivement se tourner. Rien n’est perdu. Le pays reste encore la sixième puissance économique mondiale avec un PIB de 2 583 milliards de dollars. Elle vient certes de se faire dépasser par l’Inde en 2017 qui arrive derrière les États-Unis, la Chine, le Japon, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Mais il faut toujours regarder les grands ensembles, et l’Union Européenne reste en elle-même une puissance mondiale majeure, talonnant les États-Unis et encore très nettement au-dessus de la Chine.

C’est cette intuition qui guide Emmanuel Macron et qui va être sans doute l’enjeu principal des élections européennes du 26 mai 2019 : l’avenir économique de la France ne peut se concevoir qu’au sein d’une Europe unie et solidaire qui soit capable de peser économiquement mais aussi politiquement face aux autres grands ensembles économiques du monde. C’est là le chemin.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (13 septembre 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La crise financière mondiale de 2008.
Audit de la Cour des Comptes du quinquennat Hollande (29 juin 2017).
Audit de la Cour des Comtes du quinquennat Sarkozy (2 juillet 2012).
Un désastreux état des finances publiques en 2016.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180915-crise-financiere.html

https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/la-crise-majeure-de-2008-une-page-207640

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/09/15/36699901.html


 

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5 septembre 2018 3 05 /09 /septembre /2018 05:13

« Nous avons les garanties que cette réforme sera mise en œuvre dans de bonnes conditions. » (Édouard Philippe, au journal de 20 heures sur TF1 le 4 septembre 2018).


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Le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu aura donc bien lieu le 1er janvier 2019. C’est ce qu’a décidé le Président de la République Emmanuel Macron ce mardi 4 septembre 2018 et annoncé son Premier Ministre Édouard Philippe sur TF1 dans le journal de 20 heures du même jour, faisant patienter quelques longues minutes pour maintenir l’audience de la chaîne de télévision.

Le psychodrame avait un air surréaliste. Comme lorsqu’un champion de ski qui doit démarrer vers un tremplin, recule, a le trac, et commence à se dire qu’il va renoncer à sauter. Pendant plusieurs années, toute l’administration fiscale préparait cette petite révolution fiscale. Depuis plusieurs mois, les entreprises, nouveaux collecteurs d’impôts, se préparaient également, et ont investi dans des nouveaux logiciels, des remises à jour, des formations, des réunions, des simulations, etc.

La date butoir du 15 septembre 2018 était cruciale : c’est la date à partir de laquelle l’administration fiscale fournit aux entreprises le taux d’imposition de leurs salariés. Taux que le contribuable doit lui-même choisir avant cette date : taux moyen d’imposition (celui du ménage de l’année précédente), taux individualisé (correspondant à la part réelle de son salaire dans le ménage, en cas de revenus très différents entre les conjoints), taux neutre (pour garder mystère de la situation fiscale auprès de l’employeur, j’y reviendrai ici). Si vous n’avez pas fait de choix, le choix par défaut sera le taux moyen.

Le psychodrame, c’est lorsque le gouvernement travaille, le Ministre des Comptes publics Gérald Darmanin communique depuis plusieurs semaines sur les aspects concrets de cette réforme et que le grand chef, Emmanuel Macron, émet des doutes le 30 août 2018 depuis Helsinki. Et encore à Laval la veille, en marge de la rentrée scolaire. Douter et distiller le doute chez les Français, c’est généralement dans la perspective d’un rétropédalage. Cela s’était déjà fait pour l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Pour Emmanuel Macron, le choix était un dilemme : soit renoncer à cette réforme, et subir une flanbysation de son quinquennat ; soit persévérer avec des conséquences secondaires peut-être dramatiques pour lui : rendre invisible la baisse des charges sociales sur les salaires à partir d’octobre 2018 (compensation de la hausse de la CSG de janvier 2018, le décalage de neuf mois permettant à l’État un beau bénéfice), dans un contexte où le pouvoir d’achat est en berne (réduit par la hausse de l’inflation).

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L’astuce présidentielle, ce fut de faire porter toute la responsabilité des éventuels bugs de la réforme sur le seul gouvernement. Il pourra toujours dire : on m’avait dit que… Pourtant, ce prélèvement à la source, ce n’est pas une réforme d’Emmanuel Macron, c’est une réforme de son prédécesseur François Hollande, voulu par Manuel Valls en juin 2015 dans le seul but de satisfaire les "frondeurs" lors du congrès du PS à Poitiers. Rien à voir avec le "nouveau monde". Comme la réforme du contrôle technique automobile : juste un souvenir de Hollandie.

Dire que la plupart des pays étrangers comparables ont déjà un impôt prélevé à la source et que cela se passe bien n’est pas très honnête : aucun pays comparable n’égale la France dans l’usine à gaz qu’est l’impôt sur le revenu, avec ses nombreuses niches fiscales (qui ne sont pas une injure, encourager à donner à des associations humanitaires me paraît sain, cela revient presque à choisir soi-même les dépenses de l’État), ses nombreuses exceptions (toutes les professions qui sont réglementées, encadrées, etc.).

Pour les détails techniques, j’avais présenté le dispositif ici. Je veux cependant répondre à quelques arguments qui ont été débattus ces derniers jours.


1. Quelle est l’utilité de cette réforme pour l’État ?

Son utilité est quasiment nulle : le taux de recouvrement est déjà l’un des plus forts du monde. Il est d’environ 95% (l’URSSAF a un taux d’environ 99%). Bercy tablerait sur une augmentation de ce taux de recouvrement avec des gains estimés d’environ 700 millions d’euros (ce qui est plus faible que le coût aux entreprises, d’environ 1 milliard d’euros).

La seule réelle utilité des gouvernants futurs, c’est que les recettes fiscales suivront en temps réel la conjoncture : croissance plus forte, recettes immédiatement plus élevées. Mais le contraire aussi : si la croissance diminue (comme cela semble être le cas), les finances publiques en subiront les effets immédiatement, sans l’année de différé. Une utilité est présentée également dans le dernier point.


2. Pour un salarié ordinaire, sans autre revenu, peu de changements ?

Effectivement peu de changements en cas de situation fiscale simple. C’est pour cela que les deux tiers des sondés qui paient l’impôt sur le revenu seraient favorables à la réforme, selon un récent sondage. Peu de changements, voire quasiment aucun si le contribuable était déjà en mensualisation. Parce qu’il a cherché les petits avantages de la réforme, Édouard Philippe en a présenté un pour ceux qui étaient mensualisés : au lieu d’être débité le 15 du mois, leur compte bancaire le sera le 30 suivant, laissant ainsi un peu de jours supplémentaires de trésorerie. Et le paiement se fera sur douze mois au lieu de dix, réduisant donc la ponction fiscale mensuelle.

Le problème, c’est que les situations fiscales simples (seulement un emploi salarié, sans aucune autre source de revenus) ne sont pas nécessairement uniques. Il suffit d’un cas particulier, d’un emploi chez un particulier pour compléter les revenus, d’un revenu locatif issu d’un bien immobilier qu’on a hérité, de revenus issus de plusieurs employeurs, ou d’un employeur basé à l’étranger pour les frontaliers, etc., pour que les choses se compliquent très vite. Sans parler des dons aux œuvres de charité ou associations agrées (y compris partis politiques et syndicats) qui permettent certaines exonérations et dont le Premier Ministre a modifié le traitement pour éviter d’avancer trop d’impôts (je n’ai pas compris comment il compte le faire, en se basant sur les dons de l’année précédente ?).


3. Quel sera le coût pour les entreprises ?

C’est là le véritable problème : l’État se décharge de sa mission éminemment régalienne de collecte des impôts sur les entreprises. Le Medef mais aussi la CGPME sont très opposés à la réforme, considérant que cela va plomber les entreprises, en particulier les plus petites. C’est sûr que les grandes entreprises ont les moyens en ressources pour absorber la réforme. En revanche, ce sera beaucoup plus difficile pour les PME voire les artisans, commerçants, et les indépendants en général.

Pour la première fois, en donnant son feu vert au prélèvement à la source, Emmanuel Macron a avancé contre les entreprises et pas en leur faveur. Or, l’idée général d’Emmanuel Macron depuis qu’il fait de la politique, c’est d’instaurer un climat et un terrain favorables aux entreprises, aux entrepreneurs, pour qu’ils investissent, qu’ils embauchent, qu’ils augmentent leur activité.

Dans cette perspective, réduction de charges, mais aussi simplifications administratives. Là, cette collecte de l’impôt va au contraire complexifier la gestion des entreprises.

Selon les estimations, le coût global pour les entreprises serait entre 320 millions et 1,2 milliard d’euros. Je ne sais pas si cette estimation correspond au coût d’investissement ou si le fonctionnement est pris en compte. Les entreprises auraient préféré éviter de telles dépenses qui ne renforcent pas leur activité.

Depuis plusieurs mois, Bercy avance un avantage pour les entreprises : quelques jours de trésorerie en plus, puisque les employeurs reverseront l’impôt à l’État entre huit jours et trois mois (selon la taille de l’entreprise) après le versement du salaire.


4. L’employé sera-t-il nu face à son employeur ?

L’argument est à mon avis le plus fort contre le prélèvement à la source, car il ne s’agit pas d’argument financier mais quasiment philosophique. Avec le prélèvement à la source, l’employeur devra collecter des informations supplémentaires sur ses employés.

Cet argument, employé aussi bien par Jean-Luc Mélenchon que Laurent Wauquiez, mérite qu’on s’y arrête. L’idée générale est que si le salarié, dans une entreprise, a son conjoint avec un revenu nettement supérieur au sien, le taux moyen d’imposition sera annoncé fort. En cas de négociation salariale, l’employeur pourrait donc imaginer que la situation financière du ménage de l’employé serait plutôt aisée et que l’augmentation pourrait attendre. Les bases de la négociation seraient viciées par cette information clef.

L’État a donc imaginé le "taux neutre" qui serait transmis à l’employeur collecteur. Le taux neutre, c’est le taux d’imposition qu’aurait le salarié s’il était célibataire sans enfant et sans autre source de revenu que son salaire. Ainsi, l’employeur ne saurait pas quelle est la situation fiscale réelle du salarié.

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Cette parade est pourtant doublement très théorique.

Pour le salarié, le taux neutre sera nécessairement inférieur au taux moyen de son foyer (aucune raison de cacher sa situation si le conjoint n’a pas de revenu ou un revenu plus faible ; on cache plus l’aisance que la pauvreté). Cela signifie que ce que son employeur va verser au fisc va être inférieur au montant réel de son impôt sur le revenu. Résultat, chaque mois, le salarié sera dans l’obligation de compléter, de sa propre initiative, par un virement approprié. Or, le fisc ne dira pas quelle différence il devra régler. Cela signifie que le calcul et le virement seront aux risques et périls du salarié contribuable : s’il se trompe ou oublie, il aura des pénalités de retard. Bref, pour le salarié, ce sera une grosse usine à gaz, très lourd à gérer. La lourdeur de ce taux neutre n’encourage pas son utilisation.

Pour l’employeur, la confidentialité restera douteuse malgré tout. En effet, il pourra facilement imaginer que l’utilisation du taux neutre signifiera que le foyer de son salarié bénéficie d’une plus grande aisance financière qu’affichée. Le résultat sur les rapports de force dans une négociation salariale restera le même. Certes, l’État ne fournira à l’employeur qu’un simple taux d’imposition, sans indiquer si c’est le taux neutre ou pas, mais avec le montant du salaire, ce sera relativement facile de savoir si c’est un taux neutre ou pas.

Du reste, les entreprises ne veulent pas avoir ces informations sur leurs employés, elles en ont déjà beaucoup (comme le numéro de sécurité sociale), ce n’est pas non plus leur intérêt de les collecter.

Parenthèses sur le numéro de sécurité sociale : les bugs (nombreux) des premiers tests de simulation du dispositif (en février 2018), ce fut un mélange entre les homonymes (Martin, Faure, Dubois, Morin, etc.). Ils ont été rectifiés en prenant en compte non pas l’état-civil (par exemple, il a existé deux députés socialistes Jean-Michel Boucheron, l'un né en 1946 et l'autre en 1948, également deux députés Philippe Martin, l'un né en 1949 et l'autre en 1953, etc.), mais leur numéro de sécurité sociale, assurément unique.

Mais cette utilisation, qui n’est pas une révolution aujourd’hui, reste une révolution d’il y a plusieurs années qui n’a pas eu beaucoup d’échos dans sa prise de conscience : en effet, pendant longtemps, il était même interdit de mélanger le fichier des contribuables (numéro de contribuable) et le fichier de la sécurité sociale (numéro de sécurité sociale). Maintenant, non seulement l’administration fiscale s’en sert pour renforcer la lutte contre la fraude et pour simplifier la déclaration de revenu, puisque la plupart des revenus salariés sont déjà connus de l’administration fiscale, mais elle s’en vante désormais pour montrer comment elle résout ses problèmes techniques.


5. Y aura-t-il une réaction psychologique aboutissant à la baisse de la consommation ?

Le Premier Ministre a dit ne pas y croire et il a probablement raison. Les Français ne sont pas des imbéciles. Même sans mensualisation, les contribuables savent qu’ils devront payer leur impôt sur le revenu et épargnent en conséquence. Il n’y a donc aucune raison que le comportement des consommateurs évolue énormément à cause du prélèvement à la source. Au contraire, pour les mauvais gestionnaires de leur compte bancaire, cette réforme va rationaliser leur trésorerie et ce sera plus simple pour eux.

L’autre aspect psychologique, c’est l’idée que le salarié peut se faire de son salaire (ressenti trop bas) par rapport à son employeur. En clair, que le "net net" est très faible. Cet aspect existait déjà avec les cotisations sociales. La négociation salariale se fait généralement sur la base du salaire brut, vu que l’employeur est impuissant face aux charges sociales qui peuvent évoluer au cours de la période du contrat du travail. C’est la seule référence fixe dont l’employeur est maître. Là encore, les salariés ne sont pas des imbéciles et ne pourront pas rendre responsable leur employeur d’un salaire net trop faible en raison du prélèvement à la source, pas plus en tout cas que le retrait des charges sociales.


6. Cela va-t-il déresponsabiliser les contribuables ?

L’idée que les contribuables, conscients de la contribution (d’où leur appellation) qu’ils versent à l’État, ne vont plus prendre conscience de cet acte si noble est un peu naïve.

Car cela fait longtemps qu’il y a ce désengagement de responsabilité dans beaucoup de domaines : d’abord, dans la mensualisation, et donc prélèvement automatique chaque mois, sans se soucier, ensuite, beaucoup d’impôts sont ainsi invisibles, comme la TVA (qui a mal au fisc chaque fois qu’il achète ?), ou encore la redevance pour l’audiovisuel public payée en même temps que la taxe d’habitation, la taxe sur les ordures ménagères payée en même temps que la taxe foncière, etc.

Les sites de commerce en ligne ont été pionniers dans la déresponsabilisation de l’acte d’achat. Il suffit que vous indiquiez une fois pour toutes le numéro de votre carte bancaire, et un seul clic (involontaire) peut vous faire livrer un produit non voulu (avec l’option "achat rapide"). Tous les prélèvements automatiques pour payer le téléphone, le gaz, l’électricité, l’eau, etc., eux aussi, déresponsabilisent. Plus généralement, la plupart des abonnements sont poursuivis par défaut avec prélèvement automatique. On ne fait plus l’acte de payer à chaque achat. Même le règlement à distance des petits achats par carte bancaire déresponsabilise le consommateur.


7. Individualisation de la situation fiscale et éclatement de la cellule familiale

Ce sujet (déjà évoqué) est, à mon sens, plus grave même que le problème de confidentialité avec l’employeur. C’est peut-être le but ultime et implicite de cette réforme fiscale.

La France a été, en Europe, un pays qui a toujours eu un taux de natalité soutenu, en tout cas, supérieur à ses voisins comparables. La raison est assez simple : pendant des décennies, la politique fiscale et sociale a toujours été d’encourager le fait d’avoir des enfants. Aides sociales (CAF, prime de rentrée, etc.) et réductions fiscales (avec le quotient familial) ont permis quelques avantages financiers (insuffisants toutefois à compenser les dépenses réelles qu’on a en ayant des enfants, évidemment).

Cette politique de natalité, pour être efficace, devait avoir deux conditions : premièrement ne pas attribuer ces aides ou allègement de manière sociale mais familiale, c’est-à-dire qu’à part peut-être les foyers très riches, aucune de ces aides ne doit être conditionnée selon le niveau de revenu mais selon le type de famille (nombre d’enfants, ou de personnes à charge, etc.) ; deuxièmement, ne prendre en considération fiscalement que la famille et pas les individus.

Or, ces conditions sont déjà largement malmenées avec la création de seuil de plus en plus bas pour bénéficier des allocations familiales, avec la remise en cause périodique du principe du quotient familial, sans compter les autres remises en cause qui vont à l’encontre de la cellule familiale (par exemple, remise en cause de la pension de réversion des veufs et veuves).

Le prélèvement à la source va accentuer l’individualisation de la fiscalité sur le revenu. En effet, à termes, pour réduire l’usine à gaz, il n’y aura plus de foyer fiscal mais seulement les personnes contribuables, sans considération de famille. Cela posera des problèmes aussi pour l’État, car par exemple, le mariage rend solidaires les deux époux des dettes fiscales de l’un et de l’autre. Une individualisation complète pourrait donc réduire le taux de recouvrement dès lors que l’un ne serait plus fiscalement solidaire de l’autre (sauf pour les impôts communs, comme la taxe d’habitation, amenée d’ailleurs à disparaître).

En ce sens, le prélèvement à la source est le chemin vers un véritable changement de société qui ne s’annonce pas ouvertement. Il n’y a plus d’armée, quasiment plus de communauté religieuse, la famille est la dernière structure sociale qui perdure dans le développement humain, même si parfois, elle est très diversifiée (monoparentale, homoparentale, etc.), elle reste à mon sens la cellule de base pour se structurer, pour acquérir tous les référents éducatifs, sociaux et culturels.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (05 septembre 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La ponction fiscale sera-t-elle plus douloureuse ?
Mode d’emploi du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.
Documentation de l’État sur la mise en place du prélèvement à la source (à télécharger).
Prélèvement à la source : qui va y perdre ?
Attention : déclarer ses revenus peut tuer !
Les contribuables, otages d’un congrès du parti socialiste.
Retenue à la source ?
La réforme fiscale de Jean-Marc Ayrault.
La "flat tax" à la française ?

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180904-prelevement-source.html

https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/prelevement-a-la-source-la-207424

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/09/06/36681018.html



 

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3 septembre 2018 1 03 /09 /septembre /2018 05:17

« Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. » (Mark Twain).



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Se fera-t-elle, ne se fera-t-elle pas ? Au début de l'été, le 5 juillet 2018, le gouvernement avait déjà décidé d'exclure de la réforme les revenus des 250 000 employés de maison recrutés par les particuliers. Mais pour l'instant, tout est organisé pour que cette grande réforme se fasse dans quatre mois : le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Le Président de la République Emmanuel Macron a déclaré le 30 août 2018 à Helsinki qu'il voulait faire cette réforme mais laissait toutefois entendre qu'il ne la mènerait peut-être pas jusqu'au bout, contrairement aux déclarations la veille du Ministre des Comptes publics Gérald Darmanin.

Ses mots exacts, très ambigus, ont été : « J'ai plutôt l'intention de conduire cette réforme à son terme. J'ai demandé au ministre de répondre aux questions qui se posent, avant de donner une directive finale. Je veux voir en détails ce que ça veut dire pour chaque salarié. J'attends des réponses précises. ». Cependant, la plupart des entreprises ont déjà investi pour ce changement qui ne peut pas se faire en quelques semaines. Les coûts estimés sont importants : 140 à 150 millions d'euros pour l'administration fiscale, plus de 4 millions d'euros pour la campagne de communication ...et 320 millions et 1,2 milliard d'euros pour les entreprises ! De quoi s'agit-il précisément ?

Les dernières déclarations des revenus 2017 en ligne ont été bouclées le mardi 5 juin 2018 à minuit. Bientôt, les contribuables français vont basculer dans l’inconnu. En effet, l’année 2018 sera une année révolutionnaire. L’impôt sur le revenu, actuellement calculé sur son avis d’imposition envoyé en août ou septembre de l’année suivant le 31 décembre de l’année de référence, était jusqu’à maintenant payable soit en trois tiers (deux le 15 février et le 15 mai reprenant le calcul de l’année précédente et un troisième tiers avec réajustement éventuel le 15 septembre) soit en dix mensualisations avec prélèvement sur un compte bancaire.

À partir du 1er janvier 2019, les Français paieront leur impôt sur le revenu en temps réel, c’est-à-dire en même temps qu’ils reçoivent leurs revenus. Il faut bien faire remarquer que c’est une véritable révolution à Bercy. Non pour les fonctionnaires des finances mais pour les contribuables et leurs employeurs. C’est le prélèvement à la source.


1. Historique

Passons rapidement sur l’historique. Ce type de perception est un véritable serpent de mer qui hante le Ministère des Finances depuis longtemps. Si politiquement il était difficile de le mettre en place sous le gouvernement de Lionel Jospin qui ne voulait faire aucune réforme qui fâche (par exemple : pas de réforme des retraites), dans la perspective de l’élection présidentielle de 2002, le ministère s’est quand mis en ordre de bataille.

Cela a coûté une démission, celle du maladroit Christian Sautter, très contesté par les syndicats du ministère. Mais finalement, la réforme d’optimisation des finances publiques a été amorcée avec le principe plus pragmatique de "l’interlocuteur fiscal unique", par Laurent Fabius, lorsqu’il était Ministre de l’Économie et des Finances. Cela a abouti à une informatisation des services fiscaux très performante et surtout, à la fusion des deux directions historiques, la direction générale de la comptabilité publique (appelée le Trésor public) et la direction générale des impôts en direction générale des finances publiques, décidée au conseil des ministres du 20 juin 2007 (présidé par Nicolas Sarkozy) et rendue effective le 3 avril 2008 (décret n°2008-310). C’était une véritable révolution puisque la tradition fiscale française qui remonte à une ordonnance de janvier 1320 voulait séparer les agents qui s’occupaient de l’assiette et ceux qui s’occupaient du recouvrement.

Puis, une loi de programmation sur les lois de finances (LOLF) a commencé à amorcer l’évaluation des politiques publiques dans le but d’optimiser au maximum les dépenses publiques (il y a eu donc beaucoup d’efforts réalisés en une quinzaine d’années, c’est pour cela qu’il est difficile de réduire encore drastiquement les dépenses publiques sans trancher dans les principales dépenses, à savoir l’aide sociale, d’où le débat actuel, à mon avis, très mal engagé par le gouvernement).

Le sujet du prélèvement à la source est revenu juste avant l’élection présidentielle de 2007 avec la remise d’un rapport sur le sujet le 27 mars 2007, puis… en plein milieu du quinquennat de François Hollande. Alors que Manuel Valls, dans la perspective de conquérir le Parti socialiste pour 2017 ou 2022, voulait donner des gages aux "frondeurs", lors du congrès de Poitiers, en juin 2015, la seule concession qu’il leur a faite, c’était justement le prélèvement à la source. Le Ministre des Finances Michel Sapin et son Ministre délégué au Budget Christian Eckert ont alors tout fait pour rendre irréversible cette mesure avant le début du quinquennat suivant. La mesure aurait dû s’appliquer à partir du 1er janvier 2018. Quand Édouard Philippe est arrivé à Matignon, l’une de ses premières décisions a été de repousser d’un an la mise en vigueur pour laisser le temps aux entreprises et organismes payeurs (notamment les caisses de retraites) de se préparer à cette mesure (on aurait pu aussi imaginer un enterrement de première classe).

Comme on le voit, ce n’est pas une mesure de droite ni de gauche, mais une mesure plutôt d’optimisation fiscale : le fisc fait sous-traiter la perception de l’impôt par les employeurs. Ce qui leur coûtera plusieurs centaines de millions d'euros en tout.


2. Mode d’emploi

Comment cela va-t-il faire ? Déjà, il faut préciser que l’impôt payé sera celui de l’année en cours et pas celui de l’année passée. Malgré cela, cela ne supprimera pas la corvée de la déclaration des revenus qui aura pour but d’ajuster ensuite le solde final dans l’année.

Concrètement, du point de vue des contribuables ordinaires, c’est-à-dire par exemple, d’un salarié qui aurait déjà opté pour la mensualisation, cela va peu changer si ce n’est que la somme sera prélevée en amont de son salaire. En clair, une ligne supplémentaire sera inscrite sur le fiche de paie pour intégrer l’impôt sur le revenu.

Le problème pratique, c’est que l’impôt sur le revenu est à taux progressif et donc variable, et pas forcément en fonction de la rémunération du salarié puisque sa situation fiscale dépend de celle de son foyer. Pour un couple dont les deux membres ont des revenus très différents, le taux global d’imposition ne sera pas nécessairement le même que pour un célibataire avec le même salaire.

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La première difficulté, c’est donc qu’il faut que les employeurs connaissent ce taux pour chaque employé. Ce taux est transmis par le fisc et pas par le salarié. À charge au salarié de choisir ce taux entre trois taux particuliers, et cela avant le 15 septembre 2018 : soit le taux global du ménage (taux pris par défaut par l’administration fiscale), soit le taux individualisé en cas de revenus très différents au sein du ménage, soit le taux neutre (directement en rapport avec le seul salaire que l’employeur verse).

Cette dernière possibilité permet ainsi à un salarié qui a un conjoint à salaire confortable de pouvoir rester discret sur son niveau de vie, dans la perspective, par exemple, d’une négociation salariale. C’est une possibilité de confidentialité entre l’employeur et l’employé.

Attention néanmoins, car si le salarié opte pour le taux neutre, c’est généralement pour ne pas transmettre le taux réel qui est forcément supérieur (sinon, il n’a pas de raison de vouloir payer par avance plus d’impôts que nécessaire). Cela signifie que tous les mois, de sa propre initiative, le salarié devra payer au fisc la différence entre le taux moyen et le taux neutre. Donc, appliquer cette possibilité de confidentialité va être une véritable usine à gaz pour le contribuable qui, s’il ne paie pas assez, se verra devoir en plus des pénalités… ce qui peut doublement le dissuader de l’utilisation de ce taux neutre.

Je parle d’employeur, mais cela peut être aussi les caisses de retraites pour les retraités, ou tout autre organisme qui rémunère d’une manière ou d’une autre (les indemnités chômage par exemple).

Il est parfois des cas où le revenu n’a pas d’organisme qui le verse. C’est le cas des revenus locatifs : les baux sont des contrats entre particuliers (sauf les baux commerciaux) et par conséquent, le locataire (celui qui paie le loyer) ne peut pas envoyer une partie de ce loyer au fisc. C’est donc à la charge du bailleur de verser tous les mois un acompte correspondant à ces revenus locatifs. Là encore, si la situation de revenus locatifs n’a pas variée par rapport à l’année précédente, le site merveilleux des impôts (impots.gouv.fr) indique quel est le montant mensuel (voire trimestriel s’il est assez faible) à payer hors prélèvement à la source. Là encore, cela rend plus compliqué qu’auparavant le paiement de l’impôt sur le revenu. En fait, cela s’apparente presque, appliqué au particulier, au paiement de la TVA.


3. Confidentialité des données personnelles

Le premier point délicat dans la mise en œuvre du prélèvement à la source est la confidentialité des données personnelles. En effet, en transmettant le taux d’imposition moyen à l’employeur, les services fiscaux lui donnent une information importante.

Comme je l’ai indiqué plus haut, il y a un moyen de préserver cette information confidentielle en appliquant à son salaire le taux neutre. Mais comme je l’ai précisé, c’est aux risques et périls du contribuable puisqu’il devra alors payer la différence d’impôts tous les mois avec ses propres calculs. La moindre erreur sera alors sanctionnée d’une pénalité.

Ce qui signifie en pratique que cette parade sur la confidentialité est assez "bidon", soit son utilisation est téméraire, soit elle est réservée aux ménages ayant la capacité financière de rémunérer un conseiller fiscal.

Cependant, est-ce vraiment si grave que l’employeur connaisse le taux d’imposition réel ? Après tout, l’employeur connaît déjà des informations confidentielles nombreuses sur ses employés, ne serait-ce que son numéro de sécurité sociale, sa situation familiale, son état-civil, etc.

Par ailleurs, le problème de confidentialité ne se conçoit que dans les petites structures. Les grosses structures sont souvent impersonnelles et gèrent trop d’informations pour pouvoir les instrumentaliser de manière individualisée (le supérieur n+1 n’a pas a priori accès aux informations personnelles de ses collaborateurs). Quant aux petites structures, en général, elles sous-traitent la paie à des entreprises extérieures, des cabinets d’expertise comptable, etc. qui, eux, n’ont aucune raison de vouloir utiliser leurs données en dehors du cadre du prélèvement à la source.

Il reste que le versement de l’impôt sur le revenu sera visible sur une ligne du bulletin de salaire. Cela signifie qu’en dehors des banques qui connaissent de toute façon la situation fiscale de leurs clients, tout organisme ou particulier qui lira un bulletin de salaire sera informé du niveau fiscal de la personne en question (je pense notamment aux bâilleurs).


4. L’année fiscale 2018 sera-t-elle une année blanche ?

Avec le système actuel, on paie durant l’année 2018 l’impôt calculé sur les revenus 2017. Avec le prélèvement à la source, on paie durant l’année 2019 l’impôt calculé sur les revenus 2019. En toute logique, comme tous les revenus de toutes les années sont imposables, la première année de la mise en application du prélèvement à la source, l’État devrait percevoir un double impôt : l’année 2019 pour les revenus 2018 et 2019.

Évidemment, ce serait très préjudiciable pour les contribuables (pourtant redevable des impôts des revenus autant 2018 que 2019), et donc pour la consommation et la situation économique en général. Ce serait d’ailleurs la manière (très ponctuelle) de combler les déficits ! Mais dans ce cas d’année à double imposition, il y aurait une révolution ! et dégradation de la situation économique par effondrement de la demande.

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Donc, dans sa grande générosité, l’État fait "grâce" de l’imposition sur les revenus 2018. On pourrait donc imaginer qu’il faudrait avoir de gros revenus en 2018, quitte à réduire la voilure en 2019, pour éviter une trop forte imposition. Là encore, ce n’est pas si simple que cela. D’une part, en mai 2019, le contribuable devra quand même remplir sa déclaration de revenus 2018, et lorsqu’il y a des différences de situation entre 2017 et 2018 et même (on ne le saura qu’en 2020), entre 2018 et 2019, il y aura un "lissage" effectué par l’administration fiscale. De même, les réductions d’impôt pour les dons et autres resteront appliquées, même ceux versés en 2018 (heureusement pour tout le tissu associatif).

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Ainsi, de fortes indemnités de licenciement ou de départ à la retraite reçues en 2018 seront comptabilisées malgré tout. Il y aura toute une réglementation pour dire si ce sont des revenus exceptionnels ou une évolution normale des revenus (augmentation, promotion, etc.) que le contribuable devra indiquer (les appréciations risquent d’être très peu objectives par rapport à certaines situations particulières).

C’est à cause de cette possibilité de "lissage" qu’on ne veut pas parler d’année blanche, terme qui sous-tendrait que les revenus reçus en 2018 compteraient fiscalement pour du beurre (il ne faut pas rêver quand même !).

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Plus généralement, ceux qui partent à la retraite autour du 31 décembre 2018 devraient être quand même les plus grands bénéficiaires de cette mesure, puisqu’ils auront une baisse effective et normale de revenus et qu’ils auront donc une baisse d’imposition immédiatement et pas en différé d’une année.


5. Intérêts ou pas des contribuables ?

Comme je l’ai dit, pour un salarié ordinaire qui ne reçoit que des salaires comme revenus, la situation ne va pas beaucoup changer, surtout s’il est déjà en paiement par mensualisation (sur dix mois), comme environ 60% des ménages. La seule différence sera que lorsqu’il changera de situation, sa situation fiscale changera immédiatement et pas avec une année de différence. Autrement dit, s’il perd son emploi, il n’aura pas à payer l’année suivante l’impôt calculé à partir de son salaire de l’année précédente mais seulement sur les indemnités éventuelles qu’il recevra.

L’intérêt va être peut-être chez les contribuables qui n’anticipaient pas le versement de l’impôt sur le revenu et donc, qui ne mettaient pas de côté l’argent nécessaire pour payer les trois tiers. Mais la mensualisation était déjà la solution et sans doute qu’après quelques déconvenues, ils l’avaient déjà adoptée.

L’inconvénient va être pour les contribuables à situation un peu plus compliquée, qui sont des indépendants, chefs d’entreprise ou qui reçoivent par exemple des revenus locatifs, ou d’autres situations (par exemple, qu’en sera-t-il pour les personnes payées en chèque emploi service ? il faudra que l’employeur particulier déclare avant le paiement du salaire). Vu l’épaisseur épouvantable du code général des impôts, il n’y a pas de doute que dès lors que le contribuable quitte les sentiers balisés du simple salarié ou du simple pensionné, sa situation pourra être très compliquée.

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Certains économistes craignent par ailleurs une baisse de la consommation des ménages au premier trimestre de 2019, en considérant que le salaire réellement perçu sera moins élevé et donc, que les ménages seront plus attentifs aux dépenses. Sauf que dans la situation antérieure, que ce soit par mensualisation ou par épargne pour préparer les tiers, les ménages faisaient déjà attention. Normalement, ce bouleversement dans la manière de payer l’impôt sur le revenu se fait à montants constants. Le contribuable ne payera pas plus et pas moins avec le prélèvement à la source qu’avec la méthode précédente.


6. Conséquence sur les organismes bancaires

Parlons aussi en mouvements d’argent. Avant le prélèvement à la source, il pouvait n’y avoir que trois mouvements seulement dans l’année (le versement des trois tiers), éventuellement dix en cas de mensualisation. Avec le prélèvement à la source, il y aura au moins douze mouvements dans l’année, pour un célibataire, mais en couple, ce sera au moins vingt-quatre mouvements pour le foyer fiscal, éventuellement jusqu’à trente-six en cas, par exemple, de revenus complémentaires de type revenus locatifs.

D’un point de vue bancaire, la mise en place du prélèvement à la source va multiplier les opérations bancaires, parfois d’un facteur douze ! (sans compter des rappels de trop ou pas assez perçus). Cela peut donc créer des frais supplémentaires de gestion pour les organismes bancaires (en serveur, stockage, vérification, etc.).


7. Intérêts ou pas des organismes payeurs (appelés "collecteurs") ?

Les organismes qui versent des revenus aux contribuables sont principalement les employeurs, c’est-à-dire les entreprises et l’État, ainsi que les organismes sociaux (caisses de retraites, Pôle Emploi, etc.), éventuellement les banques pour des investissements financiers.

Pour tous ces organismes, cela crée évidemment des frais supplémentaires et ce sont eux qui seront les plus lésés par ce changement. D’une part, ils devront adapter leur système informatique pour verser la partie de l’impôt dans les rémunérations, cela va coûter en équipements et surtout en heures travaillées. D’autre part, cela place l’entreprise dans une situation sociale plus compliquée, puisque le salaire net net (net de charges sociales et net d’impôt sur le revenu) réellement versé au salarié va être plus faible qu’auparavant, ce qui peut laisser un sentiment de manque de reconnaissance plus grand et un sentiment de frustration de la part du salarié.

Si les grandes entreprises sont formatées pour "digérer" un tel changement, ce sera beaucoup plus difficile pour les petites et très petites entreprises qui n’ont pas forcément la compétence comptable pour mettre en place cette mesure. C’est sans doute dans ce secteur que les risques sont les plus importants.

Car il y a aussi une autre difficulté : que faire en cas de bug ? C’est un risque surtout pour l’État. Les millions d’employeurs seront-ils aussi performants que l’État à récupérer l’impôt ? Ce n’est pas évident.

Et aussi, que faire en cas d’employeurs voyous ? Il y a déjà eu des cas où certaines entreprises ne versaient pas les charges sociales de leurs employés (généralement, l’URSSAF cherche à recouvrir rapidement les impayés). Que se passera-t-il, en cas de non-paiement des impôts de ses salariés, sur la situation fiscale des ceux-ci ? (l’administration fiscale se retournera contre l’employeur).

Dans sa communication très étudiée, le Ministère des Finances insiste sur un avantage du prélèvement à la source pour les entreprises, la trésorerie. En effet, voici un avantage donné aux entreprises : « Les entreprises reverseront l’impôt à l’administration fiscale plusieurs jours après le versement du salaire, d’où un effet positif sur leur trésorerie, de huit jours, dix-huit jours ou jusqu’à trois mois selon la taille de l’entreprise. ».


8. Intérêt de l’État ?

Le prélèvement à la source permettra-t-il un meilleur recouvrement de l’impôt sur le revenu ? Non. Pourquoi ? Parce que le taux de recouvrement est déjà l’un des meilleurs du monde, environ 94%. Il est impossible aux salariés, par exemple, de frauder. Ou aux rentiers qui ont placé leur argent dans un organisme financier européen. Il suffit de regarder le préremplissage de la déclaration de revenus qui est très performant : l’administration fiscale connaît déjà pratiquement tous les revenus des contribuables. Seuls, les revenus versés par des particuliers (legs, dons, loyers, pensions alimentaires, etc.) ou par des organismes localisés à l’étranger lui sont inconnus.

Le prélèvement à la source peut donc se concevoir comme moyen de meilleur recouvrement pour un État qui a un très faible taux de recouvrement. Ce n’est pas le cas, heureusement, de la France.

Le prélèvement à la source permettra-t-il de dégager plus de personnel de l’administration fiscale pour faire des contrôles ? La réponse est oui et non.

En fait, tout est robotisé depuis longtemps, et l’obligation généralisée de déclarer ses revenus sur Internet depuis trois ans a automatisé de nombreuses tâches comme la saisie sur ordinateur. Quand on a fini de remplir sa déclaration en ligne, on reçoit immédiatement un avis d’imposition avec le montant total de l’impôt. Ce n’est certes qu’un avis provisoire, sous réserve de certains contrôles ou vérifications, mais globalement, il ne change pas ou peu de l’avis envoyé en août.

En clair, grâce à l’informatique, l’impôt se percevait déjà quasiment "tout seul". Le prélèvement à la source n’apportera donc pas beaucoup de gains de productivité supplémentaires.

En revanche, il y a un réel avantage en cas de volonté de faire évoluer la politique fiscale du pays. Par exemple, il sera plus simple de fondre l’impôt sur le revenu et la CSG avec le prélèvement à la source. Il sera plus simple aussi de supprimer toutes les niches fiscales et d’instituer une "flat tax" avec le prélèvement à la source dont c’est la philosophie première (c’est ce que suggérait l’industriel Serge Dassault). Il sera aussi plus simple d’élargir le nombre de contribuables payant l’impôt sur le revenu (aujourd’hui, seulement 42% des foyers fiscaux !) avec le prélèvement à la source.


9. Où va la famille ?

Le prélèvement à la source va dans le sens d’une évolution à mon avis inquiétante d’éclatement de la cellule familiale. La famille reste le lieu social de base pour construire et structurer les personnes, et si celle-ci peut être éclatée pour des raisons personnelles (séparations, recompositions, etc.), elle doit continuer à être encouragée par l’État qui doit aussi encourager la natalité (dont la baisse peut avoir des incidences économiques à long terme désastreuses).

Or, le prélèvement à la source permet à terme l’éclatement du foyer fiscal et peut aboutir à l’individualisation de l’obligation fiscale : on a vu à quel point le quotient familial avait été remis en cause lors du précédent quinquennat, ou encore, on a entendu la volonté de ne verser des allocations familiales que sur conditions de revenus et pas pour favoriser la natalité.


10. En définitive, le changement sera mineur

Comme on l’a vu, les principaux perdants du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu seront les entreprises qui joueront le rôle de percepteurs à la place de l’État. Les contribuables qui ont des situations compliquées auront aussi plus de difficulté à gérer leur situation fiscale sans sortir de leurs obligations.

Le grand bénéficiaire, c’est évidemment l’État, pour deux raisons. D’une part, il s’est allégé de sa fonction de perception. D’autre part, il peut bénéficier d’une meilleure trésorerie (il n’est pas obligé d’attendre plusieurs mois pour recevoir l’impôt) et surtout, il peut bénéficier immédiatement des effets de la croissance, sans attendre un an. Les finances publiques seront donc impactées en temps réel par la situation économique. Évidemment, le raisonnement tient aussi en cas de crise économique et de récession. Mais, on ne va pas être pessimiste, n’est-ce pas ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (31 août 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Documentation de l’État sur la mise en place du prélèvement à la source (à télécharger).
Prélèvement à la source : qui va y perdre ?
Attention : déclarer ses revenus peut tuer !
Les contribuables, otages d’un congrès du parti socialiste.
Retenue à la source ?
La réforme fiscale de Jean-Marc Ayrault.
La "flat tax" à la française ?

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180830-impot-prelevement-source.html

https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/prelevement-a-la-source-qui-va-y-205158

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/09/03/36669088.html


 

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18 juillet 2018 3 18 /07 /juillet /2018 04:09

« La victoire d’une grande cause ne se mesure pas seulement en atteignant le but final. C’est déjà un triomphe de se montrer à la hauteur de ses attentes au cours de sa vie. » (Nelson Mandela, 21 août 1989).


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L’équipe de France de football a remporté la coupe du monde de football le dimanche 15 juillet 2018 à Moscou. C’est la seconde fois qu’une telle victoire a été obtenue dans cette compétition, après le 12 juillet 1998. Vu le degré d’attente, de passion et d’intérêt populaire, cette victoire est avant tout une belle victoire et il n’y a qu’en France que certains ne veuillent pas la goûter à sa juste saveur. Les défaitistes, les snobinards, les rabat-joie, les pinailleurs, les aigris, etc. feraient mieux de s’isoler chez eux au lieu d’exprimer leur bile car ils devraient se rassurer, la France qui perd pourrait reprendre le dessus dans quelques semaines.

Dès le lendemain de la victoire, c’était la liesse aux Champs-Élysées lors du retour des guerriers reçus, en grandes pompes mais avec une grande décontraction, au Palais de l’Élysée par le Président de la République Emmanuel Macron. Évidemment qu’Emmanuel Macron n’y est pour rien sinon en participant, comme des dizaines de millions de Français, au soutien moral des joueurs français.

La France qui a gagné le Mondial de football n’est donc pas la France d’Emmanuel Macron, mais elle illustre très bien ce que le Président Emmanuel Macron voudrait promouvoir comme France. La France de la compétition. Notons que la réception à l’Élysée le 16 juillet 2018 aurait été maintenue même en cas de défaite à la finale, car atteindre la finale relevait déjà de l’exploit qu’il convenait de toute façon de saluer. Une France qui ose et une France qui croit en elle-même.

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Plusieurs leçons à tirer de cette victoire au-delà de la compétition sportive en elle-même et des manifestations de patriotisme spontanées plus ou moins bien placées. Il n’y a pas de victoire sans compétition, c’est-à-dire, dans la langue française, sans concurrence.

La compétition est un risque, celui de perdre. En fait, ce qu’Emmanuel Macron voudrait, ce n’est pas une France qui gagne (la victoire est un aboutissement, une finalité), mais d’abord une France qui veut gagner, c’est-à-dire, qui se donne les moyens mentaux, matériels, financiers et juridiques de vouloir gagner, ce sont les moyens de la victoire, entrer en compétition. Et quelle plus grande compétition que la globalisation qui n’a été voulue par personne mais qui est là, existe, et à laquelle il faut réagir ?

Une France qui entre en compétition, c’est une France du risque. La culture du risque est peu familière en France parce que le perfectionnisme y règne. On veut un beau tableau d’honneur, rien que des victoires. Et pour éviter les échecs, on ne concourt pas. Et pourtant, l’erreur est pédagogique. Un vieux latiniste m’avait appris ceci : c’est par l’erreur qu’on se forge les défenses pour être plus fort. Sans petits échecs, les gros échecs sont plus durs à encaisser et surtout, plus difficilement évitables.

On ne peut pas encourager les citoyens à prendre des risques dans leur vie, et donc, disons-le clairement, à créer leurs entreprises, car je me situe ici sur le plan économique, et ne pas saluer ce risque. Or, dans une compétition, tout le monde ne gagne pas. Paradoxalement, l’échec aussi doit pouvoir être salué et reconnu. Pas comme une infamie perpétuelle qui a jeté la honte sur des familles entières, mais au contraire comme une expérience, mal aboutie mais qui valait le coup, malgré tout, d’être tentée, d’être vécue.

C’est évidemment là que je reviens avec le sport, et si l’équipe de France de football a gagné, c’est sans doute grâce à son management très efficace.

Il y a d’abord le triptyque classique et néanmoins indispensable : le talent (sans talent, sans terrain initial propice, c’est difficile de gagner, d’être un champion), l’effort, c’est-à-dire le travail, la préparation (là, c’est le problème des personnes talentueuses : sans effort, leur talent est gâché, est mis en jachère, il faut au contraire faire fructifier le talent par l’effort), et enfin, eh oui, c’est valable dans tous les domaines, la chance, c’est-à-dire, les circonstances, bonnes ou mauvaises (elles peuvent être dans un sujet au baccalauréat, dans l’existence d’un business angel qui croit fermement à un projet d’innovation, dans l’amour pour une femme qui a encore le cœur libre, dans les difficultés des concurrents les plus redoutables, etc.).

Réduire une victoire à seulement de la chance est donc complètement stupide. La chance ne suffit pas même si elle fait partie des conditions nécessaires : elle n’est pas suffisante car il y a, au-delà du talent et de l’effort, un impératif absolu face à une occasion chanceuse : c’est l’intelligence de savoir la saisir, ce qui n’est pas forcément donné à tout le monde.

Je donne un double exemple dans l’histoire politique récente de la France, avec Lionel Jospin (période de la première victoire française au Mondial de football). En mars 1993, ce fut la bérézina pour les socialistes aux élections législatives. Lionel Jospin, ex-ministre et ex-chef du PS, fut lui-même battu dans sa circonscription près de Toulouse. Découragé, il décida d’abandonner la vie politique et de redevenir diplomate, comme il l’était en sortant de l’ENA. Il demanda à son ministre de tutelle, Alain Juppé, nouvellement nommé au Quai d’Orsay, un poste d’ambassadeur prestigieux (Berlin, je crois). Alain Juppé (qui s’en mordit les doigts par la suite) refusa. En 1995, l’absence de présidentiable socialiste évident (Michel Rocard sur le tapis par Bernard Tapie en juin 1994, et Laurent Fabius bloqué par l’affaire du sang contaminé) lui a ouvert un boulevard et il a su saisir sa chance. Doublement puisque, au premier tour de l’élection présidentielle de 1995, dominé par la rivalité entre Édouard Balladur et Jacques Chirac, il sortit premier, et, deux ans plus tard, il se retrouva Premier Ministre de la cohabitation la plus longue de la Cinquième République, dirigeant le gouvernement le plus long de la République (presque cinq ans). Malheureusement pour lui, une fois au pouvoir, il n’a pas su saisir sa chance d’être un sortant et a cru que son élection à l’Élysée ne serait qu’une formalité face à un Président vieillissant dont il n’a pas su évaluer correctement le potentiel restant, aveuglé par des sondages flatteurs. Dans cet exemple, le talent peut être confondu avec la compétence et l’intelligence, et le travail par à la fois la manière de gouverner et la manière de communiquer. La chance est loin d’être suffisante, évidemment.

Et ce triptyque n’est pas non plus suffisant pour pouvoir être le champion des champions. Il y a un parallélisme évident entre une équipe de sport collectif et un pays entier, une nation entière, car ce qui est valable pour une compétition de sport individuel ne l’est pas quand le collectif est là. En effet, il faut deux autres qualités pour être capable de gagner, deux qualités nécessaires mais, là non plus, pas forcément suffisantes : la passion et l’esprit d’équipe.

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La passion, c’est la foi en sa valeur, la confiance qu’on va gagner (c’est valable aussi pour les compétitions de sport individuel). La France, à cet égard (je parle du pays, pas du football), est largement en deçà de toutes les autres nations de ce point de vue : jamais un pays n’est composé d’autant de prophètes du défaitisme, d’apôtres du déclinisme, de gourous de la défiance, que la France. Croire en ses valeurs, croire en son potentiel, croire en sa puissance, ce n’est pas faire du bluff, c’est simplement activer le moteur de la réussite : si l’on ne croyait pas qu’on va gagner, les autres le croiraient encore moins. Qui les autres ? Les supporteurs, les clients, les électeurs, etc.

Le patriotisme aussi fait partie de cette passion et confiance en soi. Avez-vous vu beaucoup de voitures françaises en Allemagne ? aux États-Unis ? et combien de voitures allemandes en France ?

Pourtant, la France est l’une des premières nations scientifiques et technologiques. Le "on a gagné" du football pourrait se conjuguer par "on est un pays de science et de culture". Il suffit de regarder le classement par pays des Prix Nobel de physique, de chimie, de médecine, et pour la culture plus généralement, de Littérature (sans compter ceux qui l’ont refusé par orgueil suprême). Il suffit de regarder les succès technologiques comme Ariane, le Rafale, l’Airbus, le Concorde, le génie nucléaire, le TGV, la puce électronique, etc. (j’en oublie beaucoup).

Croire en nous, croire aux forces de notre pays, cela nécessite un état d’esprit, cela nécessite une éducation, une formation aussi, à défaut d’information. Savoir par exemple que la France est l’un des pays européens les plus attractifs pour les investisseurs étrangers. Ce n’est pas un hasard (on n’investit jamais quand on n’y croit pas). Avec des circonstances favorables pour la France (la chance !), à savoir le Brexit, qui va isoler économiquement Londres.

Mais là encore, la passion et la foi ne suffisent pas à la victoire. Il faut l’esprit d’équipe. En clair, le contraire du village gaulois ! C’est sans doute cet esprit d’équipe qui a fait la différence parmi les autres équipes ultraperformantes. Être soudé dans la compétition. Tous pour un et un pour tous.

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Je vais ici donner un petit exemple intéressant. Depuis plus d'une vingtaine d’années, il existe ce qu’on appelle des "doctoriales" qui sont une semaine de rencontres entre doctorants en fin de thèse dans un cadre particulier (plutôt agréable) rassemblés autour d’un projet commun, principalement économique. Les doctorants sont des chercheurs et sont donc des spécialistes techniques à haute valeur ajoutée mais savent-ils vendre leur savoir-faire, leur découverte, leur expertise ? C’est souvent leur talon d’Achille.

Car c’est le vrai problème de la France : notre pays a de très bons scientifiques, mais des valorisateurs assez médiocres. Faire de l’argent avec une découverte scientifique devrait être le credo d’une nation qui ne peut baser son économie que sur la haute valeur ajoutée (car dans l’incapacité à concurrencer les pays à faible salaire dans des domaines moins valorisables).

Mais en France, l’état d’esprit des chercheurs (je ne veux pas généraliser, il y a heureusement de très nombreuses exceptions) serait plutôt que la connaissance devrait être gratuite. Même le principe du brevet est peu accepté par les auteurs potentiels des brevets (il suffit de comparer par exemple le rapport entre Prix Nobel de sciences dures, c’est un critère comme un autre, et le nombre de brevets déposés, de chaque pays sur une dizaine d’années). Aux États-Unis, tout chercheur (même dans le public) a créé son entreprise pour exploiter financièrement ses travaux scientifiques. C’est très rare en France (on appelle cela "essaimage", ce qui est un très joli mot, français heureusement).

Les doctoriales ont justement pour objectif d’apporter cette sensibilisation économique aux apprentis scientifiques. Au-delà de l’intérêt du réseautage, comme dans toute formation professionnelle en général, il y a une meilleure connaissance de ce qu’est une entreprise (seule créatrice de richesse, rappelons-le !).

Ainsi, des projets sont proposés par groupe d’environ cinq ou six. Chaque membre du groupe a une fonction spécifique dans l’entreprise : directeur financier, directeur de la recherche, directeur commercial, directeur du marketing, directeur de la production, etc. Évidemment, au sein des doctorants, la fonction recherche et développement est la mieux connue puisque c’est leur métier. Le but du jeu est, en une semaine, d’imaginer un produit nouveau (même impossible à exister, c’est un jeu), et de préparer un business plan (à savoir, un plan de création et de développement d’une entreprise basée sur ce produit imaginaire. La semaine se conclut par une présentation de chaque groupe devant un jury de banquiers (c’est un jeu de rôles mais ce sont de vrais investisseurs) qui, à la fin, désigne le groupe qui aurait obtenu l’investissement si c’était la réalité (en fait, les membres du groupe gagnent un abonnement d’un an à une revue).

Il se trouve que la plupart des groupes sont très solides intellectuellement et même financièrement, et les différents projets sont très intéressants, très bien préparés, très bien présentés. C’est donc difficile, pour le jury, de départager les groupes. Et pourtant, ils ont trouvé un critère de différenciation très fort, et ce critère est essentiel dans la réussite d’un projet d’entreprise : l’esprit d’équipe. Dans les présentations, certains groupes sont très à l’aise collectivement, lors d’une question, c’est le membre "spécialisé" de la question (selon le thème) qui répond naturellement. Dans d’autres groupes, au contraire, c’est toujours le même qui répond aux questions (prenant naturellement le leadership, peut-être parce qu’il est un "leader" ou que les autres sont plus timides, qu’importe la raison). C’est le groupe qui a travaillé le mieux collectivement, c’est-à-dire qui a montré la meilleure cohésion de groupe, qui a finalement gagné le jeu.

En ce sens, au-delà des conséquences sur le sport lui-même (augmentation du nombre de jeunes voulant jouer au football), la victoire de la coupe du monde de football devrait faire réfléchir l’Éducation nationale et plus généralement, la nation elle-même, sur les moyens de renforcer l’esprit d’équipe en France. Tout le monde est indispensable pour gagner, même ceux qui pensent qu’ils sont inutiles. Car personne n’est inutile. S’il y a un enseignement à garder de cet événement sportif, c’est bien celui-ci : il faut développer l’esprit d’équipe en France. Et avec l’équipe de football, cela permet d’avoir un bon modèle de management, au-delà de toute considération technique. Vive la République, comme disent justement ces joueurs amoureux de la France qui leur rend bien aujourd’hui.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (17 juillet 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La France qui gagne.
Communion nationale et creuset républicain.
Faut-il haïr le football en 2016 ?
Les jeux olympiques de Berlin en 1936.
Les jeux olympiques de Londres en 2012.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180716-football.html

https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-france-qui-gagne-206185

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/07/18/36568954.html


 

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21 juin 2018 4 21 /06 /juin /2018 22:35

Né le 7 octobre 1937 à Budapest, le baron Édouard-Jean Empain fut un banquier et chef d'entreprise belge. Il fut notamment le président-directeur général du groupe Empain-Schneider de 1971 à 1981. Il a été sous le feu des projecteurs de l'actualité lorsqu'il fut kidnappé le 23 janvier 1978 avenue Foch à Paris. Les ravisseurs ont demandé 80 millions de francs pour sa libération, et pour montrer leur détermination, ils ont sectionné la première phalange de son auriculaire gauche. Il fut finalement relâché le 26 mars 1978 mais son entourage l'a accueilli avec hostilité en raison des révélations sur sa vie privée, si bien qu'il recommença une nouvelle vie, s'éloignant de ses proches et aussi de ses collaborateurs qui s'éloignaient de lui. Il quitta le groupe Empain-Schneider en février 1981 en cédant sa participation au groupe Paribas. Il appela Didier Pineau-Valencienne, le directeur des divisions industrielles polymères et pétrochimique chez Rhône-Poulenc, qui fut nommé directeur général en novembre 1980. Le procès de ses kidnappeurs a commencé le 2 décembre 1982. Les ravisseurs auraient pu s'en prendre également à Marcel Dassault, le baron de Rothschild, Liliane Bettencourt et Claude François. Le groupe Empain-Schneider, qui a racheté en 1988 Télémécanique et en 1992 Merlin Gérin, s'appelle désormais Schneider Electric et fait partie des entreprises du CAC40 employant 142 000 salariés, avec un CA de 24,7 milliards d'euros (2017) et une capitalisation au 17 septembre 2017 de 42,6 milliards d'euros.

SR

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20180621-edouard-jean-empain.html

 

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10 juin 2018 7 10 /06 /juin /2018 05:59

Le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu sera mis en application le 1er janvier 2019. Cela nécessite, pour chaque contribuable et chaque employeur, de se préparer avant le 15 septembre 2018. Voici, en fonction des cas, tous les documents officiels du Ministère des Finances pour comprendre le nouveau mode de perception.

Cliquer sur le lien pour télécharger le fichier .pdf correspondant.

Document "Tout savoir sur le prélèvement à source" [1,3 Mo] :
https://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/paslivret1.pdf

Document "Guide à destination des entreprises" [564 ko] :
https://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/pas-livret2.pdf

Document "Guide à destination des indépendants" [640 ko] :
https://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/pas-livret3.pdf

Document "Guide pour les réductions d'impôts pour les dons" [647 ko] :
https://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/livret_pas_dons.pdf

Document "Guide à destination des collectivités publiques" [453 ko] :
https://www.economie.gouv.fr/files/files/ESPACE-EVENEMENTIEL/PAS/livret-collectivites-territo.pdf

Brochure pour les chefs d'entreprise :
http://www.prelevementalasource-phasetest.fr/pas_phase_test/docs/brochure-Chef-Entreprise.pdf

Brochure pour les services de comptabilité et paie :
http://www.prelevementalasource-phasetest.fr/pas_phase_test/docs/brochure-comptable.pdf

Brochure pour les services des ressources humaines :
http://www2.impots.gouv.fr/pas_phase_test/docs/brochure-rh.pdf

Guide de participation en phase de test :
https://www.economie.gouv.fr/files/files/PAS_2019/PAS_2019_guide_participation_phase_test.pdf

Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180605-impot-prelevement-source.html

SR

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20180609-ministere-prelevement-source.html


 

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