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3 juin 2020 3 03 /06 /juin /2020 03:32

« Le moindre sujet, même d’apparence minuscule, ne peut être connu que dans et par son contexte. (…) Ce que j’ai toujours cherché à percevoir et concevoir : la complexité dans son originel de tissu commun. J’ai toujours essayé de reconstituer ce tissu commun, parce que mon constat fondamental, c’est que toutes nos connaissances sont compartimentées, séparées les unes des autres, alors qu’elles devraient être liées. » (Edgar Morin, "Carnets de science" n°4 de mai 201).



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Il est toujours difficile d’évoquer les États-Unis. C’est un pays très contrasté et très dynamique, aux changements très rapides. Parler des Américains (dans le sens citoyens des États-Unis), c’est aussi stupidement généralisant que parler des Européens (alors qu’il n’y a pas un peuple européen mais plusieurs peuples européens). Les Américains de la Côte Est n’ont rien à voir à ceux de Californie, ni du Texas, ni du Middle West. La dernière semaine de mai 2020 en a donné une très amère illustration.

La récession est une catastrophe économique et sociale très rapide, mais la reprise se fait avec la même vitesse. Nos amortisseurs sociaux absorbent nos crises économiques en France, mais empêchent ou plutôt freinent le redémarrage. La crise de la pandémie du covid-19 est assez particulière, pas par sa mondialisation, mais par le fait que l’arrêt économique a été commandé par le confinement.

Avant la crise sanitaire, les États-Unis étaient un pays qui avait réussi à retrouver sa prospérité économique, avec même le plein emploi (3% de chômage dans certains États !), ce qui en faisait la fierté de Donald Trump dont la réélection devenait probable avec un tel bilan. Il insistait d’ailleurs sur le fait que cette prospérité était partagée, que ce n’étaient pas seulement les plus riches qui en avaient profité mais que toute une partie de la population souvent pauvre, parmi les minorités ethniques, en avait beaucoup bénéficié. Je ne sais pas si c’est exact, mais c’était le genre d’argument affiché.

Avec la crise sanitaire, cette prospérité s’est transformée en récession démente. Des dizaines de millions de personnes se sont retrouvées au chômage du jour au lendemain, et le confinement a accentué les inégalités sociales, du reste comme en France ou ailleurs. Des pans entiers de l’économie américaine se sont effondrés (exemple : les voitures de location). Et parallèlement, l’incapacité de Donald Trump à prendre la mesure de la gravité de la pandémie a fait que le bilan sanitaire est désastreux, avec (à ce jour) près de 110 000 décès dus au covid-19 et près de 2 millions de personnes contaminées (malgré les 18 millions de tests de dépistage), et les victimes sont souvent parmi les populations les moins aisées et les minorités ethniques (qui ont trois plus de chance d’en mourir).

Deux événements ont effectivement eu lieu cette même dernière semaine de mai 2020 qui marqueront sans doute l’histoire des États-Unis. Pas les États-Unis de Donald Trump, mais les États-Unis tout court.

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Le premier est un événement tragique qui a eu lieu le 25 mai 2020 dans la soirée, la mort de George Floyd, grand gaillard de 46 ans, à Minneapolis, tué lors de son interpellation par quatre policiers, dont un qui est resté le genou appuyé sur sa nuque, l’homme à terre, jusqu’à ce qu’il en soit mort.

 Je ne veux pas donner les noms de ces policiers qui ne méritent que les oubliettes du temps. Les quatre policiers ont été limogés. Le policier auteur de cet homicide a été arrêté le 29 mai 2020 pour deux chefs d’inculpation graves (meurtre de troisième degré et homicide volontaire coupable de deuxième degré). Ce policier aurait déjà été impliqué dans plusieurs plaintes à la suite d’interpellations "musclées", et son épouse, profondément choquée par cette mort, aurait demandé le divorce et serait solidaire de la famille de George Floyd.

George Floyd n’avait rien fait d’autre que payer des cigarettes avec un faux billet de 20 dollars, et rien n’indique à ce jour qu’il savait que ce billet était faux. Il avait un travail mais s’est retrouvé au chômage à cause du confinement. Selon les nombreux témoins et les caméras de surveillance, il s’était laissé arrêter et n’avait pas opposé de résistance. Pourquoi mourir ? Certains policiers peuvent vouloir jouer les gros bras. Surtout quand la peau est de couleur noire. Scène de racisme ? Probablement. Beaucoup de violences policières sont sur fond de racisme, mais il ne faut pas généraliser.

Hélas, ce n’était pas le premier homicide de ces circonstances, mais cette fois-ci, il a véritablement déclenché "quelque chose" de grave. De nombreux manifestants ont envahi des rues dans des dizaines de grandes villes, malgré la crise sanitaire, et chaque jour depuis cette mort. Ils demandent justice. La mémoire de George Floyd ne sera pas vaine, et les manifestants scandent : Je ne peux plus respirer. Car ce qui est choquant, et visible sur des films de smartphone, c’est que de nombreux passants avaient mis en garde le policier que George Floyd n’arrivait plus à respirer (il le disait lui-même) et il semble d’ailleurs que le policier soit resté sur lui pendant encore deux ou trois minutes après sa mort.

Beaucoup de manifestations dans beaucoup de villes américaines (dont Détroit, San Francisco, Los Angeles), ont dégénéré en émeutes, incendies, casses… Les gilets jaunes pourront comprendre à quel point la police française est "douce" par rapport à des actes insurrectionnels. Honte à Jean-Luc Mélenchon de mettre de l'huile sur le feu en faisant l’amalgame dans un tweet du 2 juin 2020 en s’en prenant à Christophe Castaner au sujet des manifestations à propos de la mort d’Adama Traoré (le 19 juillet 2016) : « La violence c’est vous et votre préfet qui la provoquez ! Ca suffit ! Le pays mérite mieux que votre jeu d’apprenti sorcier. Donald Trump n’est pas un modèle. ». Je dirais plutôt : cela suffit, Mélenchon, prenez vite votre retraite, 69 ans, il est largement temps !

Le plus impressionnant fut les manifestations près de la Maison-Blanche, à Washington, la nuit du 30 au 31 mai 2020, Donald Trump a dû se barricader plusieurs fois dans son bunker pour assurer sa sécurité physique. Le 1er juin 2020, Donald Trump est cependant apparu hors de son palais, allant à pied pas loin des manifestants jusqu’à l’église Saint-Jean avec une Bible à la main.

Ces émeutes, qui ont déjà provoqué la mort d’une quinzaine de personnes (dont une à Indianapolis le 30 mai 2020), ressemblent à celles de 1992 à Los Angeles (à l’époque, on avait filmé un fait-divers du même type avec un caméscope). Mais beaucoup disent que leur intensité se rapproche de celles qui ont eu lieu après l’annonce de l’assassinat de Martin Luther King il y a plus de cinquante-deux ans (pour dire, à mon sens de manière erronée, que rien n’a changé depuis ce temps-là).

Une situation aussi explosive est très inquiétante, surtout que l’épidémie dans le pays est loin d’être terminée (environ un millier de décès et une vingtaine de milliers de nouveaux cas de maladie chaque jour). Cela à quelques mois des élections présidentielles, et ce n’est pas le timide soutien de Joe Biden, l’adversaire du Président sortant, qui a de quoi rassurer une catégorie de la population particulièrement indignée et en colère (on a reproché à Joe Biden, qui se terrait depuis le début de la crise sanitaire, de ne pas être allé à Minneapolis).

Des manifestations calmes ont eu lieu également à l’étranger, notamment à Berlin, Londres, Paris, Bordeaux, Bruxelles, Dublin, Amsterdam, Manchester, Zurich, etc.

Une analyse simpliste pourrait laisser croire que ce serait la faute de Donald Trump. Évidemment, non, puisque le problème est très antérieur à son élection à la Maison-Blanche. Certes, Donald Trump a largement exprimé son soutien aux forces de l’ordre en général en disant qu’il les couvrirait éventuellement, ce qui pourrait être mal interprété… Et surtout, ses réactions face aux émeutes ont manqué de finesse et ont attisé le feu plutôt que l’éteindre, une sortie en disant que si cela continuait, il leur enverrait les chiens, une allusion à l’esclavage particulièrement mal venue ici, et dans son allocution du 1er juin 2020, il a menacé de déployer l’armée pour défendre l’ordre, ce qui n’était pas non plus un moyen d’apaiser la situation.

Et pourtant, il ne faut pas non plus oublier que dès la mort de George Floyd, c’est Donald Trump qui a saisi le directeur du FBI et qui lui a donné comme priorité de faire la lumière sur cette mort. Comme Barack Obama, Donald Trump a présenté ses condoléances à la famille de George Floyd. Le jeune maire démocrate de Minneapolis aussi soutient la famille de George Floyd et a licencié les quatre policiers, mais a été très ferme contre les émeutiers dans sa ville. Et du côté des manifestants, certains sont en colère contre les émeutiers car ils sont persuadés que les violences militent contre leur camp et que l’important serait d’aller demander la reconnaissance des droits à la Cour suprême. Beaucoup de policiers et de militaires ont été solidaires des manifestants en mémoire à George Floyd et ont posé un genou au sol en signe de solidarité.

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L’autre événement marquant est beaucoup plus heureux, puisqu’il s’agit d’une première mondiale, une entreprise privée, SpaceX (créée le 6 mai 2002 par Elon Musk), a réussi à envoyer dans l’Espace deux astronautes, Douglas G. Hurley (53 ans), commandant, et Robert L. Behnken (49 ans), tous les deux ayant déjà fait deux missions en navette spatiale.

Certes, c’était en partenariat avec la NASA avec de "substantielles" subventions publiques, mais c’est quand même une première commerciale. Rien n’empêcherait des mastodontes financiers comme Microsoft, Apple, FaceBook, Google, Amazon etc. de faire la même chose.

Le message publicitaire de SpaceX est clair : « The Commercial Crew Program represents a revolutionary approach to government and commercial collaborations for the advancement of space exploration. » [Le programme d’équipage commercial représente une approche révolutionnaire de partenariats public-privé dans le développement de l’exploration spatiale].

Initialement prévu le 27 mai 2020, le lancement de la fusée Falcon 9 a eu lieu le 30 mai 2020 à 21h22 (heure de Paris) et l’arrimage du Crew Dragon Demo 2 à la Station spatiale internationale (ISS) a eu lieu le lendemain, le 31 mai 2020 à 16h16 (heure de Paris).

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Paradoxalement, cette approche "privée" a redonné la souveraineté spatiale à la nation américaine qui, depuis près de neuf ans, devait passer par des fusées russes (Soyouz) pour envoyer des astronautes dans l’Espace. Historiquement, cela signifie en effet que depuis l’abandon des navettes spatiales (la dernière mission, STS-135, avec Atlantis, s’est achevée le 21 juillet 2011), les États-Unis retrouve un moyen de locomotion pour ses vols habités dans l’Espace. D’un point de vue commercial, ce n’est pas une perspective très réjouissante pour l’avenir d’Ariane Espace, avec l’arrivée de nouveaux concurrents pleins d’ambition (sans compter que la Chine se développe aussi à vive allure dans le domaine spatial).

Ces deux événements représentent bien cette diversité que sont les États-Unis, un pays très avancé technologiquement, avec des entrepreneurs impressionnants (et redoutables), et parallèlement, un petit goût d’arriéré, des policiers assez bourrins, fortement tentés par le racisme primaire, et se croyant protégés par un pays qui a du mal, comme du reste beaucoup de démocraties, à décliner les droits écrits en droits réels pour tous ses citoyens.

D’où l’importance du Président des États-Unis, quel qu’il soit, dont le rôle est justement de rassembler ces Amériques-là dans un sentiment patriotique très fort à l’esprit des citoyens américains. Donald Trump a ainsi un geste historique à faire, celui d’apaiser la situation et de redonner confiance à ceux qui, se sentant exclus du rêve américain, n’ont plus rien à perdre. Donald Trump sera-t-il le Hoover de 2020, ou son Roosevelt ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (02 juin 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Deux faces des États-Unis : George Floyd et SpaceX.
Le dernier vol des navettes spatiales.
Kirk Douglas.
Alfred Hitchcock.
George Steiner.
Roman Polanski.
Le krach de 1929, de sinistre mémoire…
G7 à Biarritz : Emmanuel Macron consacré prince du multilatéralisme.
L’ardeur diplomatique d’Emmanuel Macron.
Le Sommet du G7 à Biarritz du 24 au 26 août 2019.
L’émotion primordiale du premier pas sur la Lune.
Michael Jackson.
John Wayne.
Dwight Eisenhower.
La NASA.
Richard Nixon.
Jean-Michel Basquiat.
Noël 2018 à la télévision : surenchère de nunucheries américaines.
Noam Chomsky.
George HW Bush.
Rakenews : le râteau de Forest Trump.
La guerre commerciale trumpienne.
Tristes Trumpiques.
George Gershwin.
Leonard Bernstein.
Spiro Agnew.
Michael Dukakis.
Vanessa Marquez.
John MacCain.
Bob Dole.
Bob Kennedy.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200530-spacex-george-floyd.html

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/deux-faces-des-etats-unis-george-224879

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/06/01/38339131.html





 

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28 mars 2019 4 28 /03 /mars /2019 03:41

« Cette conjonction d’une immense institution militaire et d’une grande industrie de l’armement est nouvelle dans l’expérience américaine. Son influence [est] totale, économique, politique, spirituelle même (…). Dans les assemblées du gouvernement, nous devons donc nous garder de toute influence injustifiée, qu’elle ait ou non été sollicitée, exercée par le complexe militaro-industriel. Le risque d’une désastreuse ascension d’un pouvoir illégitime existe et persistera. Nous ne devons jamais laisser le poids de cette combinaison mettre en danger nos libertés et nos processus démocratiques. Nous ne devrions jamais rien prendre pour argent comptant. Seule une communauté de citoyens prompts à la réaction et bien informés pourra imposer un véritable entrelacement de l’énorme machinerie industrielle et militaire de la défense avec nos méthodes et nos buts pacifiques, de telle sorte que sécurité et liberté puissent prospérer ensemble. » (17 janvier 1961, à Washington).



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Lorsque l’ancien Président des États-Unis Dwight D. Eisenhower (Ike pour les intimes) est mort à Washington il y a cinquante ans, le 28 mars 1969, à l’âge de 78 ans (il est né le 14 octobre 1890 au Texas), son ancien Vice-Président Richard Nixon, qui, après un échec et une traversée du désert, est devenu entre-temps lui-même Président des États-Unis, a dû se dire qu’il n’était plus observé par le "maître".

On ne le sait pas vraiment, mais c’était en tout cas la sensation du Président français Georges Pompidou lorsque son propre mentor, le Général De Gaulle, est mort le 9 novembre 1970, un an et demi après son élection à l’Élysée ; au-delà de la peine naturelle, il se sentait un peu plus libre de ses mouvements, il ne se sentirait plus sous surveillance permanente du père, l’œil du commandeur, il volerait réellement de ses propres ailes. Les deux Présidents, français et américain, ont eu l’occasion d’échanger cet étrange sentiment mêlé de perte affective et de liberté politique qu’ils allaient partager jusqu’à la fin de leur propre Présidence, pour chacun, écourtée pour diverses raisons personnelles.

Est-ce à dire qu’il faudrait faire un parallèle entre Eisenhower et De Gaulle, et même, entre Nixon et Pompidou ? Pas sûr.

Certes, Eisenhower et De Gaulle furent deux généraux, tous les deux de la même génération (à cinq semaines près, ils avaient le même âge), qui montrèrent leur sens de l’État et de la victoire sous la Seconde Guerre mondiale. Certes, chacun de son côté, ils ont publié des articles entre les deux guerres pour promouvoir l’usage des chars d’assaut (Eisenhower en corédaction avec le futur général George Patton). Mais Eisenhower fut un "vrai" général, en ce sens qu’il a brillé pour des raisons militaires. Il ne faut pas renier évidemment la compétence militaire de De Gaulle pendant la guerre, mais son action exceptionnelle fut d’ordre avant tout politique, représenter la France libre, à l’extérieur comme à l’intérieur de la France. Et son grade de "général" était "à titre provisoire", si bien que des ministres de la guerre sous la Quatrième République auraient voulu régulariser la position et le grade de De Gaulle dans l’armée, mais ce dernier a toujours refusé en leur disant : la mort régularisera bien assez vite.

Quant à Nixon et Pompidou, là encore, les deux dauphins étaient très différents. Nixon était un pur animal politique, ambitieux et prêt à tout (l’histoire l’a marqué plus tard) pour atteindre ses objectifs. Pompidou, c’était le contraire, c’était plus comme Raymond Barre ou même Emmanuel Macron, venus en politique par des chemins professionnels détournés, et ces trois personnages cités (avec Pompidou) n’envisageaient probablement pas le destin qu’ils ont eu lorsqu’ils ont fini leurs études.

Revenons à Eisenhower. Il était une personnalité politique à part des États-Unis. Très respecté et populaire, il fut la gloire de nombreux Américains d’après-guerre.

Formé à West Point (il en sortit lieutenant en 1915), Eisenhower n’a pas réussi à partir combattre en Europe pendant la Première Guerre mondiale ; il est resté au pays à former les futures recrues, comme capitaine. Après la Première Guerre mondiale, il a "grimpé" rapidement, major en 1920, puis, après 1925, il fut remarqué et formé pour des postes de commandement malgré des idées jugées trop révolutionnaires (usage des chars), et fut affecté auprès des généraux John Persing et Douglas MacArthur. Après un bref passage à Paris (en 1929), il a rejoint le Ministère de la Guerre. Promu lieutenant-colonel en 1936, puis colonel en juin 1941, puis général en septembre 1941, Eisenhower fut nommé auprès du général George Marshall en février 1942, et fut nommé commandant en chef des forces américaines en Europe en juin 1942.

Ce fut à partir de 1942 qu’il a pris sa pleine mesure dans les opérations militaires en Europe et en Afrique du Nord : faisant preuve de beaucoup de diplomatie pour rendre cohérentes l’ensemble des troupes alliées, il commanda le débarquement en Afrique du Nord (novembre 1942), le débarquement en Sicile puis en Italie (1943) avant de superviser le débarquement en Normandie (en juin 1944). Ce fut sur l’insistance de De Gaulle que le général quatre étoiles Eisenhower a accepté que la 2e division blindée du général Leclerc libérât Paris en août 1944 (à l’origine, les Américains ne voulaient pas perdre du temps à Paris qu’ils voulaient contourner pour foncer vers l’Allemagne).

Pour ces opérations, Eisenhower a été choisi par le Président Franklin Roosevelt car il souhaitait garder à ses côtés le général George Marshall. Par ailleurs, en 1964, Eisenhower a déposé dans un cimetière américain en Normandie des documents d’archive dont il a accepté l’accès seulement à partir du 6 juin 2044, au centenaire du débarquement en Normandie. Pas sûr que je serai encore là pour en avoir l’information, mais j’y compte bien !

Les armées sous commandement d’Eisenhower arrivèrent jusqu’à Berlin en mai 1945, parallèlement aux armées soviétiques venant de l’Est, et ils ont obtenu la capitulation sans condition de l’Allemagne nazie détruite sous un déluge de bombes. Avant même cette capitulation, Dwight Eisenhower fut promu "general of the army" (général cinq étoiles) le 20 décembre 1945 (il fut également créé compagnon de la Libération en juin 1945 par De Gaulle). Eisenhower fut en quelques sortes le Foch des Américains, en ce sens qu’il a dirigé l’ensemble des troupes interalliées jusqu’à la Victoire et qu’il l’a fait en ayant été capable de beaucoup de diplomatie pour coordonner des troupes de cultures très différentes.

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Eisenhower fut ensuite nommé gouvernement militaire de la zone américaine en Allemagne du 8 mai 1945 au 10 novembre 1945, puis chef d’état-major général des forces armées des États-Unis du 19 novembre 1945 au 5 février 1948, puis commandant en chef de l’OTAN en 1950, ainsi que commandant suprême des forces alliées en Europe du 2 avril 1951 au 30 mai 1952, basé à Paris puis à Louveciennes (le siège de l’OTAN fut déménagé à Bruxelles en 1967 après la décision de De Gaulle de retirer la France du commandement intégré). Par ailleurs, il fut aussi le président de la prestigieuse Université de Columbia du 7 juin 1948 au 19 janvier 1953.

Approché par le Président (démocrate) Harry Truman en 1948 pour être sur son "ticket" (comme Vice-Président) pour sa réélection, Eisenhower refusa (pour rester militaire), mais dès 1950, les responsables du Parti républicain l’ont convaincu de se présenter à l’élection présidentielle de 1948.

Eisenhower a eu quelques concurrents aux primaires républicaines, dont le général Douglas MacArthur. Lors de la Convention républicaine de Chicago en 1952, il a fallu deux tours à Eisenhower pour être désigné candidat. Au premier tour, il n’a eu que 595 délégués sur 1 206 (contre 500 au sénateur Robert Taft), et au second tour, 845 délégués. Le jeune sénateur de Californie Richard Nixon, très anticommuniste, fut choisi comme candidat à la Vice-Présidence.

Du côté démocrate, Harry Truman a renoncé à se présenter après des premières primaires décevantes, mais il pouvait se représenter car la limitation à deux mandats s’appliquait seulement à son successeur, après le vote du 22e amendement à la Constitution des États-Unis le 21 mars 1947 et sa ratification le 27 février 1951. Ce fut Adlai Stevenson, gouverneur de l’Illinois, son concurrent démocrate (Humbert Humphrey avait aussi participé à ces primaires démocrates de 1952).

La campagne pour Eisenhower fut très efficace, avec des slogans très porteurs : "We like Ike", "Ike is for us", "Ike and Dick, All-American Partners", etc. Sur le plan politique, Eisenhower s’en est pris à la politique de Truman contre la guerre de Corée et aux communistes à une époque où le sénateur Joseph MacCarthy dénonçait l’entrisme des communistes jusque dans l’armée américaine (bien qu’à l’origine démocrate, MacCarthy a soutenu Eisenhower et présidé la fameuse commission pour débusquer les communistes dans l’administration américaine, du 23 avril 1953 au 17 juin 1953, ce qui a conduit au départ de Charlie Chaplin). Le "ticket" Eisenhower/Nixon fut très complémentaire et efficace : à Eisenhower le discours sur l’avenir de la nation américaine, à Nixon les "basses œuvres", les attaques contre l’adversaire, les financements, etc. (Nixon fut même accusé d’enrichissement personnel mais l’affaire s’est arrêtée d’elle-même).

Ainsi, le général Dwight Eisenhower fut élu 34e Président des États-Unis le 4 novembre 1952 avec 55,2% des voix (et 83,2% des grands électeurs). C’était plutôt exceptionnel qu’un "jamais élu" fût élu à la Maison-Blanche (d’autres furent élus alors qu’ils étaient plutôt de la "société civile", comme Woodrow Wilson, voire Ronald Reagan, mais ils avaient déjà reçu des mandats de gouverneur ou de sénateur), même si le Président d’aujourd’hui, Donald Trump, est dans le même cas. C’était également exceptionnel que ce fût un militaire, même si au XIXe siècle, c’était moins exceptionnel. Malgré une crise cardiaque le 24 septembre 1955 d’Eisenhower, le même "ticket" Eisenhower/Nixon fut réélu le 6 novembre 1956 très largement, avec 57,4% des voix et 86,1% des grands électeurs. Le concurrent démocrate était toujours Adlai Stevenson et fut devancé par plus de 9 millions de voix (les Démocrates restèrent cependant majoritaires au Congrès). Dwight Eisenhower exerça donc les fonctions de Président des États-Unis du 20 janvier 1953 au 20 janvier 1961.

Durant sa Présidence, la diplomatie américaine fut très active : fin de la guerre de Corée (annoncée le 26 juillet 1953), détente dans les relations Est/Ouest après la mort de Staline et contacts avec les dirigeants soviétiques (visite officielle de Nikita Khrouchtchev aux États-Unis du 15 au 27 septembre 1959), mise en œuvre de la dissuasion nucléaire (notamment face à la Chine populaire, 16 mars 1955) et développement du nucléaire civil (discours devant l’ONU le 8 décembre 1953), condamnation de l’invasion de Suez par les Français, Britanniques et Israéliens, en raison d’une doctrine qui fut ensuite formulée le 5 janvier 1957 et qui visait à réduire au maximum la déstabilisation des pays arabes pour éviter l’expansion de l’influence communiste au Moyen-Orient.

Par ailleurs, voici quelques autres réalisations conséquentes de la Présidence Eisenhower : démarrage de la conquête spatiale (avec le lancement du premier satellite américain Explorer 1 le 31 janvier 1958 et la création de la NASA le 29 juillet 1958, en réaction au lancement de Spoutnik par les Soviétiques), grand programme de construction d’autoroutes (29 juin 1956), première loi sur les droits civiques (9 septembre 1957) et intégration de deux nouveaux États aux États-Unis (l’Alaska le 3 janvier 1959 et Hawaii le 21 août 1959).

Premier Président pour qui le 22e amendement de la Constitution fut appliqué, Dwight Eisenhower n’a pas pu se représenter pour un troisième mandat. Son Vice-Président Richard Nixon tenta de lui succéder mais il fut battu de justesse par John Fitzgerald Kennedy le 8 novembre 1960 en ne recueillant que 49,55% des voix et 40,8% des grands électeurs (contre JFK, 49,72% des voix et 56,4% des grands électeurs).

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Eisenhower a soutenu Richard Nixon lors des élections présidentielles du 5 novembre 1968 au cours desquelles Nixon fut élu avec 43,42% des voix (56,0% des grands électeurs) contre Hubert Humphrey, 42,72% des voix (35,5% des grands électeurs). Ike est mort deux mois après la prise de fonction de Nixon. Les deux hommes étaient liés également familialement par le mariage du petit-fils de Dwight Eisenhower, David, avec Julie, la fille de Richard Nixon (rappelons aussi que Ike s’appelait complètement Dwight David Eisenhower).

Je termine sur le dernier discours que le Président Eisenhower a prononcé en forme d’adieu aux citoyens américains, dans une allocution télévisée d’un quart d’heure (texte intégral lisible ici), le soir du 17 janvier 1961 avant de quitter la Maison-Blanche.

Après avoir évoqué les guerres qui ont éclaté dans le monde au XXe siècle, Eisenhower a donné un sens à la domination internationale des États-Unis : « En dépit de ces holocaustes, l’Amérique est aujourd’hui la nation la plus forte, la plus influente et la plus productive au monde. S’il est compréhensible que nous soyons fiers de cette prééminence, nous nous rendons pourtant compte que la première place et le prestige des USA ne dépendent pas simplement de notre progrès matériel inégalé, de notre richesse et de notre force militaire, mais aussi de la façon dont nous employons notre puissance dans l’intérêt de la paix dans le monde et de l’amélioration de la condition humaine. ». La traduction du discours provient de Pascal Delamaire.

Cette ambition était presque arrogante, du moins prétentieuse et sûrement pompeuse, même si, justement, Eisenhower mettait en garde contre l’arrogance : « Nos buts premiers ont été de préserver la paix, de stimuler les progrès de la réalisation humaine et de faire grandir la liberté, la dignité et l’intégrité parmi les peuples et les nations. Ne pas s’efforcer d’en faire autant serait indigne d’un peuple libre et religieux. Tout manquement dû à l’arrogance, au manque de compréhension ou de promptitude au sacrifice nous infligerait d’ailleurs un grave préjudice moral, ici comme à l’étranger. ». Paroles qui ont un goût prémonitoire.

Eisenhower mettait en garde aussi contre l’ennemi extérieur (le communisme) : « Nous faisons ici face à une idéologie globale hostile, athée dans son caractère, impitoyable dans ses buts et insidieux dans ses méthodes. Malheureusement, le danger qu’elle présente promet de durer longtemps. ».

Voici ce qu’il disait de la recherche scientifique : « Dans cette révolution, la recherche est devenue centrale, elle est également plus formalisée, plus complexe, et coûteuse. (…) Aujourd’hui, l’inventeur solitaire, bricolant au fond de sa boutique, a été dépassé par des troupes de choc formées de scientifiques dans les laboratoires et des centres d’essai. De la même manière, l’université libre, historiquement source d’idées et de découvertes scientifiques nées dans la liberté, a vécu une révolution dans la conduite de la recherche. En bonne partie à cause des coûts énormes impliqués, obtenir un contrat avec le gouvernement devient quasiment un substitut à la curiosité intellectuelle. Pour chaque vieux tableau noir, il y a maintenant des centaines d’ordinateurs. ».

Note en passant : ce qu’Eisenhower a dit était vrai pour les grands programmes scientifiques (spatiaux, nucléaires, etc.) mais pas forcément dans l’informatique où, au contraire, le mythe du petit génie dans son garage a prospéré (Apple, Microsoft, Google, FaceBook, etc.).

Il a cité trois menaces, ce qui a rendu très célèbre son discours par l’expression de la première menace qui est celle du complexe militaro-industriel (lire la citation du début d’article).

La deuxième menace que le futur ancien Président pressentait, c’était celle-ci : « Nous devons également être attentif à un danger à la fois aussi grave et opposé, à savoir que l’ordre public puisse devenir captif d’une élite scientifique et technologique. C’est la tâche de l’homme d’État que de mouler, équilibrer, intégrer toutes ces forces, anciennes et nouvelles, aux principes de notre système démocratique. ».

Enfin, la troisième menace paraît aujourd’hui, presque soixante-dix ans plus tard, teintée d’une très grande clairvoyance si l’on songe au réchauffement climatique (mais probablement qu’il songeait à d’autres sources d’inquiétude, et en premier lieu, à l’endettement public) : « Nous devons (…) éviter la tentation de vivre seulement pour le jour qui vient, pillant pour notre propre aisance et à notre convenance les précieuses ressources de demain. Nous ne pouvons pas hypothéquer les actifs de nos petits-enfants sans risquer de dilapider également leur héritage politique et spirituel. Nous voulons que la démocratie survive pour les générations qui viennent, pas pour devenir le fantôme insolvable de demain. ».

Lorsqu’on lit ce qui fut finalement le testament politique du général Eisenhower, on s’aperçoit que le peuple américain a eu beaucoup de chance de l’avoir hissé à sa tête (et le monde également, par effet indirect). Quand on voit aussi la qualité de la classe politique américaine actuelle, il peut être justifié d’avoir cet air nostalgique de passéiste avec cette réflexion bateau : avant-c’était-mieux. Il faut cependant dire aussi qu’il n’y a jamais eu de personnes exceptionnelles en dehors de circonstances exceptionnelles…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (26 mars 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Allocution télévisée du Président Dwight Eisenhower le 17 janvier 1961 à Washington (texte intégral).
Dwight Eisenhower.
La NASA.
Richard Nixon.
Jean-Michel Basquiat.
Noël 2018 à la télévision : surenchère de nunucheries américaines.
Noam Chomsky.
George HW Bush, seigneur républicain des États-Unis.
Les tweets moqueurs des Finlandais.
Rakenews : le râteau de Forest Trump.
La guerre commerciale trumpienne.
Tristes Trumpiques.
George Gershwin.
Leonard Bernstein.
Spiro Agnew.
Michael Dukakis.
Vanessa Marquez.
John MacCain.
Bob Dole.
George HW Bush a 94 ans.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190328-dwight-eisenhower.html

https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/dwight-eisenhower-le-foch-des-213833

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/03/18/37188839.html





 

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25 mars 2019 1 25 /03 /mars /2019 21:35

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Pour en savoir plus :
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Eisenhower's farewell address

Good evening, my fellow Americans.

First, I should like to express my gratitude to the radio and television networks for the opportunities they have given me, over the years, to bring reports and messages to our nation.

My special thanks go to them for the opportunity of addressing you this evening.

Three days from now, after half a century in the service of our country, I shall lay down the responsibilities of office as, in traditional and solemn ceremony, the authority of the Presidency is vested in my successor.

This evening I come to you with a message of leave-taking and farewell, and to share a few final thoughts with you, my countrymen.

Like every other citizen, I wish the new President, and all who will labor with him, Godspeed. I pray that the coming years will be blessed with peace and prosperity for all.

Our people expect their President and the Congress to find essential agreement on issues of great moment, the wise resolution of which will better shape the future of the Nation.

My own relations with the Congress, which began on a remote and tenuous basis when, long ago, a member of the Senate appointed me to West Point, have since ranged to the intimate during the war and immediate post-war period, and, finally, to the mutually interdependent during these past eight years.

In this final relationship, the Congress and the Administration have, on most vital issues, cooperated well, to serve the Nation good rather than mere partisanship, and so have assured that the business of the Nation should go forward. So, my official relationship with the Congress ends in a feeling, on my part, of gratitude that we have been able to do so much together.

We now stand ten years past the midpoint of a century that has witnessed four major wars among great nations. Three of these involved our own country. Despite these holocausts America is today the strongest, the most influential and most productive nation in the world. Understandably proud of this pre-eminence, we yet realize that America's leadership and prestige depend, not merely upon our unmatched material progress, riches and military strength, but on how we use our power in the interests of world peace and human betterment.

Throughout America's adventure in free government, our basic purposes have been to keep the peace; to foster progress in human achievement, and to enhance liberty, dignity and integrity among peoples and among nations. To strive for less would be unworthy of a free and religious people. Any failure traceable to arrogance, or our lack of comprehension or readiness to sacrifice would inflict upon us grievous hurt both at home and abroad.

Progress toward these noble goals is persistently threatened by the conflict now engulfing the world. It commands our whole attention, absorbs our very beings. We face a hostile ideology—global in scope, atheistic in character, ruthless in purpose, and insidious in method. Unhappily the danger it poses promises to be of indefinite duration. To meet it successfully, there is called for, not so much the emotional and transitory sacrifices of crisis, but rather those which enable us to carry forward steadily, surely, and without complaint the burdens of a prolonged and complex struggle—with liberty the stake. Only thus shall we remain, despite every provocation, on our charted course toward permanent peace and human betterment.

Crises there will continue to be. In meeting them, whether foreign or domestic, great or small, there is a recurring temptation to feel that some spectacular and costly action could become the miraculous solution to all current difficulties. A huge increase in newer elements of our defenses; development of unrealistic programs to cure every ill in agriculture; a dramatic expansion in basic and applied research—these and many other possibilities, each possibly promising in itself, may be suggested as the only way to the road we wish to travel.

But each proposal must be weighed in the light of a broader consideration: The need to maintain balance in and among national programs—balance between the private and the public economy, balance between the cost and hoped for advantages—balance between the clearly necessary and the comfortably desirable; balance between our essential requirements as a nation and the duties imposed by the nation upon the individual; balance between actions of the moment and the national welfare of the future. Good judgment seeks balance and progress; lack of it eventually finds imbalance and frustration.

The record of many decades stands as proof that our people and their government have, in the main, understood these truths and have responded to them well, in the face of threat and stress. But threats, new in kind or degree, constantly arise. Of these, I mention two only.

A vital element in keeping the peace is our military establishment. Our arms must be mighty, ready for instant action, so that no potential aggressor may be tempted to risk his own destruction.

Our military organization today bears little relation to that known of any of my predecessors in peacetime, or indeed by the fighting men of World War II or Korea.

Until the latest of our world conflicts, the United States had no armaments industry. American makers of plowshares could, with time and as required, make swords as well. But now we can no longer risk emergency improvisation of national defense; we have been compelled to create a permanent armaments industry of vast proportions. Added to this, three and a half million men and women are directly engaged in the defense establishment. We annually spend on military security alone more than the net income of all United States corporations.

Now, this conjunction of an immense military establishment and a large arms industry is new in the American experience. The total influence—economic, political, even spiritual—is felt in every city, every State house, every office of the Federal government. We recognize the imperative need for this development. Yet we must not fail to comprehend its grave implications. Our toil, resources and livelihood are all involved; so is the very structure of our society.

In the councils of government, we must guard against the acquisition of unwarranted influence, whether sought or unsought, by the military-industrial complex. The potential for the disastrous rise of misplaced power exists and will persist.

We must never let the weight of this combination endanger our liberties or democratic processes. We should take nothing for granted. Only an alert and knowledgeable citizenry can compel the proper meshing of the huge industrial and military machinery of defense with our peaceful methods and goals, so that security and liberty may prosper together.

Akin to, and largely responsible for the sweeping changes in our industrial-military posture, has been the technological revolution during recent decades.

In this revolution, research has become central; it also becomes more formalized, complex, and costly. A steadily increasing share is conducted for, by, or at the direction of, the Federal government.

Today, the solitary inventor, tinkering in his shop, has been overshadowed by task forces of scientists in laboratories and testing fields. In the same fashion, the free university, historically the fountainhead of free ideas and scientific discovery, has experienced a revolution in the conduct of research. Partly because of the huge costs involved, a government contract becomes virtually a substitute for intellectual curiosity. For every old blackboard there are now hundreds of new electronic computers.

The prospect of domination of the nation's scholars by Federal employment, project allocations, and the power of money is ever present—and is gravely to be regarded. Yet, in holding scientific research and discovery in respect, as we should, we must also be alert to the equal and opposite danger that public policy could itself become the captive of a scientific-technological elite.

It is the task of statesmanship to mold, to balance, and to integrate these and other forces, new and old, within the principles of our democratic system—ever aiming toward the supreme goals of our free society.

Another factor in maintaining balance involves the element of time. As we peer into society's future, we—you and I, and our government—must avoid the impulse to live only for today, plundering, for our own ease and convenience, the precious resources of tomorrow. We cannot mortgage the material assets of our grandchildren without risking the loss also of their political and spiritual heritage. We want democracy to survive for all generations to come, not to become the insolvent phantom of tomorrow.

During the long lane of the history yet to be written America knows that this world of ours, ever growing smaller, must avoid becoming a community of dreadful fear and hate, and be, instead, a proud confederation of mutual trust and respect.

Such a confederation must be one of equals. The weakest must come to the conference table with the same confidence as do we, protected as we are by our moral, economic, and military strength. That table, though scarred by many past frustrations, cannot be abandoned for the certain agony of the battlefield.

Disarmament, with mutual honor and confidence, is a continuing imperative. Together we must learn how to compose differences, not with arms, but with intellect and decent purpose. Because this need is so sharp and apparent I confess that I lay down my official responsibilities in this field with a definite sense of disappointment. As one who has witnessed the horror and the lingering sadness of war—as one who knows that another war could utterly destroy this civilization which has been so slowly and painfully built over thousands of years—I wish I could say tonight that a lasting peace is in sight.

Happily, I can say that war has been avoided. Steady progress toward our ultimate goal has been made. But, so much remains to be done. As a private citizen, I shall never cease to do what little I can to help the world advance along that road.

So—in this my last good night to you as your President—I thank you for the many opportunities you have given me for public service in war and peace. I trust that in that service you find some things worthy; as for the rest of it, I know you will find ways to improve performance in the future.

You and I—my fellow citizens—need to be strong in our faith that all nations, under God, will reach the goal of peace with justice. May we be ever unswerving in devotion to principle, confident but humble with power, diligent in pursuit of the Nation's great goals.

To all the peoples of the world, I once more give expression to America's prayerful and continuing aspiration:

We pray that peoples of all faiths, all races, all nations, may have their great human needs satisfied; that those now denied opportunity shall come to enjoy it to the full; that all who yearn for freedom may experience its spiritual blessings; those who have freedom will understand, also, its heavy responsibility; that all who are insensitive to the needs of others will learn charity; that the scourges of poverty, disease and ignorance will be made to disappear from the earth, and that, in the goodness of time, all peoples will come to live together in a peace guaranteed by the binding force of mutual respect and love.

Now, on Friday noon I am to become a private citizen. I am proud to do so. I look forward to it.

Thank you, and good night.

Dwight Eisenhower, le 17 janvier 1961 à la Maison-Blanche, à Washington.


Source : Wikisource.org

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-19610117-discours-eisenhower.html

 

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19 janvier 2019 6 19 /01 /janvier /2019 03:34

« Ambition : une bulle de savon qui voudrait être un peu plus grosse au moment qu’elle crèvera. » (Jean Rostand, 1959).


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Il y a cinquante ans, le 20 janvier 1969 à Washington, le trente-septième Président des États-Unis fut investi à la Maison-Blanche pour succéder à Lyndon B. Johnson. Richard Nixon, qui venait d’avoir 56 ans, accéda enfin à la dernière marche du pouvoir de la première puissance mondiale. La situation faisait que c’était loin d’être une promenade de détente : la guerre froide, la guerre du Vietnam, et le premier choc pétrolier faisaient de gouverner les États-Unis une tâche plus que difficile.

Richard Nixon a maintenant sa ligne dans les histoires pour… la manière dont il a quitté le pouvoir. Il fut le premier, dans l’époque récente, à avoir dû démissionner au cours de son mandat. Il fut aussi le premier à avoir combattu et gagné aux élections présidentielles après un premier échec. En général, les Américains n’aiment pas beaucoup les "losers" et le candidat rejeté par l’électorat a rarement une seconde chose, en fait, il ne l’avait jamais sauf dans le cas de Nixon (et d’Adlai Stevenson, mais lui n’a jamais gagné). C’est le contraire de la France où deux Président de la République ont été élus à la troisième tentative, après deux échecs électoraux (François Mitterrand et Jacques Chirac).

Né le 9 janvier 1913 en Californie, après des études de droit, Richard Nixon s’installa comme avocat en 1937 au sein d’un cabinet californien (après avoir voulu travailler pour le FBI). Après son mariage, il s’installa à Washington et s’engagea dans la marine après l’entrée en guerre des États-Unis, d’août 1942 à décembre 1945.

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De retour de l’armée (il en sortit l’équivalent de capitaine de corvette), il fut appelé par les républicains californiens pour se présenter contre le représentant (député) démocrate sortant. Il accepta, se réinstalla en Californie et fut élu représentant (député) le 5 novembre 1946 avec 56,0% des voix. Il fut largement réélu le 2 novembre 1948 avec 87,8% des voix.

Très ambitieux, Richard Nixon s’attaqua au Sénat aux élections suivantes. Il fut élu sénateur de Californie le 7 novembre 1950 avec 59,2% en discréditant (injustement) sa concurrente démocrate Helen Gahagan Douglas (seulement 40,8%) qu’il avait accusé d’être communiste. Nixon reçut à cette occasion le surnom de "Tricky Dick" (Richard la crapule).

Pour les élections présidentielles de 1952, le Président démocrate sortant Harry Truman fut discrédité dès le début des primaires démocrates et renonça le 28 mars 1952 à se présenter une seconde fois. Adlai Stevenson (gouverneur de l’Illinois) fut finalement choisi par le camp démocrate. Harry Truman avait proposé au général Dwight Eisenhower d’être le candidat des démocrates mais ce dernier a choisi de rentrer dans la compétition du côté républicain. Eisenhower a obtenu 26,3% des voix aux primaires républicaines, ce fut moins que son principal concurrent, Robert Taft (sénateur de l’Ohio) qui avait 35,8% (le général Douglas MacArthur a aussi concouru, avec seulement 0,5% des voix), mais à la convention républicaine à Chicago du 7 au 11 juillet 1952, au second tour, Eisenhower gagna l’investiture républicaine avec 845 délégués contre 280 à Robert Taft, sur 1 206. Richard Nixon fut alors choisi comme candidat Vice-Président parce qu’il était jeune (39 ans), parce qu’il représentait un État très puissant (la Californie) et parce que ses prises de position étaient dans le cadre d’un combat farouchement anticommuniste.

La campagne se fit avec cette distribution des rôles : à Eisenhower le fond, à Nixon les basses œuvres, la déstabilisation du camp d’en face. Nixon fut contesté dès le début de la campagne pour son financement vaguement occulte au point qu’Eisenhower était prêt à se séparer de lui, mais le 23 septembre 1952, Nixon retourna la situation en sa faveur en se défendant publiquement et reçut de très nombreux soutiens. Nixon était un animal politique.

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Sur le thème de la fin de la guerre de Corée, le "ticket" appelé "Ike and Dick" gagna les élections présidentielles du 4 novembre 1952 avec 55,2% des voix (remportant 39 États). Le même ticket fut réélu aux élections du 6 novembre 1956 avec 57,4% (remportant 41 États).

Ainsi, Richard Nixon fut bombardé Vice-Président des États-Unis du 20 janvier 1953 au 20 janvier 1961. Cependant, le second mandat de Vice-Président n’était pas prédestiné car ses attaques excessives contre les démocrates ont fait qu’aux premières élections intermédiaires, le 2 novembre 1954, les républicains ont perdu la majorité dans les deux assemblées du Congrès, un discrédit total qui a fait douter Nixon de son avenir politique.

Pourtant, son avenir politique était là, tout tracé, bien préparé grâce à Eisenhower qui l’encouragea à s’impliquer dans la politique présidentielle : Nixon fit plusieurs voyages internationaux (Asie du Sud-Est, Afrique, Amérique du Sud, Canada, Union Soviétique, etc.) et s’occupa aussi des problèmes intérieurs, de telle manière qu’il était un véritable Président bis et qu’il a acquis rapidement une stature présidentielle. Très contesté par des étudiants à Lima et à Caracas, au printemps 1957, Nixon fut félicité pour son courage à se présenter physiquement devant ces contestataires violents.

Pour la succession d’Eisenhower, il était donc très logique que Richard Nixon fût candidat aux primaires républicaines de 1960. Son principal concurrent était le gouverneur de New York, Nelson Rockefeller (qui fut plus tard le Vice-Président de Gerald Ford), leader des libéraux au sein du Parti républicain, mais ce dernier renonça quand il s’est aperçu de la grande popularité de Nixon au sein de l’électorat républicain.

Richard Nixon fut investi sans difficulté candidat à la convention républicaine à Chicago du 25 au 28 juillet 1960. Ayant recueilli 86,6% des voix dans les primaires, il fut désigné par 1 321 délégués, seuls 10 autres s’étaient portés en faveur de Barry Goldwater qui avait renoncé à la candidature à la convention (et n’avait pas participé aux primaires). Nixon a choisi, comme candidat Vice-Président, l’ambassadeur des États-Unis aux Nations Unies, Henry Cabot Lodge (ancien sénateur du Massachusetts), après avoir imaginé de prendre, entre autres, Nelson Rockefeller, mais aussi Prescott Bush, sénateur du Connecticut et père de George HW Bush, ainsi que Gerald Ford, représentant (député) du Michigan.

De leurs côtés, les démocrates ont investi, de manière inattendue au début des primaires, le jeune sénateur catholique du Massachusetts de 43 ans, John F. Kennedy avec pour colistier Lyndon B. Johnson, le leader de la majorité démocrate au Sénat, très influent dans les États du Sud. Nixon, avec ses 47 ans, n’avait plus l’avantage de la jeunesse ; en revanche, il avait l’avantage d’une solide expérience d’homme d’État avec ses huit années de Vice-Présidence très active aux États-Unis et à l’extérieur.

La logique aurait sans doute voulu l’élection de Nixon (qui est parti avec une légère avance dans les sondages) mais une campagne sert à ceci, à révéler les personnes. Or, John Kennedy, très charismatique, avait un réel talent pour séduire les foules. Par ailleurs, ce fut la première campagne électorale où la télévision a pris un poids déterminant parmi les outils de propagande.

Quatre débats télévisés ont eu lieu entre les deux candidats. Dès le premier duel, le 26 septembre 1960 à Chicago, Nixon est apparu fatigué et mal rasé (c’était le soir) face à un candidat frais et dynamique. Pourtant, ceux qui avaient écouté le débat à la radio l’ont trouvé bon, mais ceux qui avaient regardé le débat à la télévision ont donné leur légère préférence à Kennedy. Le premier débat fut le plus suivi, par 66,4 millions d’Américains (dans les sondages, à la radio, 49% ont dit que Nixon avait gagné et 21% Kennedy, et à la télévision, 30% ont dit que Kennedy avait gagné et 29% Nixon).

Sur le fond, Kennedy a matraqué sur le thème de la domination de l’Union Soviétique dans la course aux armements et du retard des États-Unis dans la possession de missiles balistiques de croisière. Ce thème, qui faisait vibrer la fibre patriotique des Américains, fut très porteur et Kennedy a promis une augmentation sensible du budget de la défense.

Le 8 novembre 1960, seulement 112 827 voix (sur 68 832 432 votants) séparèrent les deux candidats : John Kennedy remporta l’élection avec 49,72% des voix (gagnant 22 États et 303 grands électeurs sur 537) contre 49,55% à Richard Nixon (26 États et 219 grands électeurs).

Très déçu par cette défaite et refusant de contester les résultats litigieux dans le Texas et l’Illinois (favorables à Kennedy et certains ont émis le doute que la mafia aurait pu influencer le vote dans l’Illinois), Nixon retourna en Californie comme avocat et a écrit un livre de souvenirs qui s’est bien vendu.

Poussé par les républicains de Californie, Nixon se présenta sans succès au poste de gouverneur de Californie le 6 novembre 1962, il fut battu avec 46,9% des voix contre 51,9% en faveur du gouverneur démocrate sortant Pat Brown, avec une plus grande différence, en nombre de voix, qu’aux élections présidentielles de 1960 !

Cette seconde défaite électorale fut considérée comme son enterrement politique par les médias. Nixon s’installa à New York, comme avocat, et fit une tournée européenne en 1963 pour tenir des conférences et rencontrer les dirigeants européens.

Renonçant à se porter candidat aux élections présidentielles du 3 novembre 1964, Nixon a soutenu loyalement le candidat investi par les républicains, Barry Goldwater, qui fit un score catastrophique, seulement 38,5% des voix (6 États et 52 grands électeurs) contre 61,1% (44 États et 486 grands électeurs) en faveur du Président démocrate sortant, Lyndon B. Johnson, qui avait succédé à John Kennedy après l’assassinat de ce dernier, le 22 novembre 1963.

Cette victoire présidentielle des démocrates fut renforcée par un raz-de-marée démocrate tant au Congrès que pour les postes de gouverneur. Peu discrédité par cette défaite historique des républicains, Nixon contribua à leur remontée aux élections intermédiaires du 8 novembre 1966.

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Tout conforta l’idée que Nixon pourrait gagner les élections présidentielles en 1968. La guerre du Vietnam divisait profondément le camp démocrate (deux candidats aux primaires démocrates Eugene MacCarthy et George MacGovern étaient pacifistes). Contesté dans son propre camp, le Président sortant Lyndon Johnson a renoncé à se présenter le 31 mars 1968. Quelques jours plus tôt, le 16 mars 1968, Bob Kennedy annonça sa candidature. La victoire aux primaires démocrates en Californie fut déterminante pour Bob Kennedy mais il fut assassiné quelques heures plus tard, le 5 juin 1968. Entré dans la compétition le 27 avril 1968, ce fut finalement le Vice-Président sortant Hubert Humphrey qui fut choisi par les démocrates.

Du côté républicain, Nixon fut considéré le candidat le plus crédible avec également le gouverneur du Michigan, George W. Romney (père de Mitt Romney, candidat des républicains aux élections présidentielles de 2012). George Romney était contre la guerre du Vietnam mais ses maladresses l’ont dissuadé de poursuivre la course présidentielle dont il se retira le 28 février 1968. Les deux autres concurrents internes de Nixon furent Nelson Rockefeller, gouverneur de New York, et Ronald Reagan, gouverneur de Californie, élu largement à la tête de la Californie le 8 janvier 1966 avec 57,5% contre 42,3% en faveur gouverneur sortant Pat Brown, élection que Nixon avait perdue quatre ans auparavant.

Nixon remporta aux primaires républicaines la grande majorité des États, cumulant 37,5% des voix et 692 délégués sur 1 333, contre Ronald Reagan, qui, lui, remporta notamment l’État de Californie, et 182 délégués (il était même légèrement en avance en votes populaires, avec 37,9% car la Californie est un État très peuplé), et Nelson Rockefeller, avec 277 délégués et 3,7% des voix. À la convention républicaine à Miami Beach, du 5 au 8 août 1968, Richard Nixon fut sans difficulté désigné candidat et Spiro Agnew (dont j’évoquerai plus tard le parcours) compléta le "ticket" républicain comme candidat à la Vice-Présidence (face à George Romney, également candidat à la candidature pour faire partie du "ticket").

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Toute la campagne de Richard Nixon, favori des sondages, porta sur la loi et l’ordre ("law and order"). La présence d’un troisième candidat (indépendant) George Wallace (gouverneur de l’Alabama), favorable à la ségrégation ethnique, risquait de bouleverser les prévisions, candidat très conservateur capable de mordre sur l’électorat républicain dans les États du Sud mais aussi sur l’électorat démocrate ouvrier dans les États du Nord. Finalement, le 5 novembre 1968, Nixon fut élu avec 43,4% des voix et 301 grands électeurs sur 570 (remportant 32 États) contre 42,7% à son adversaire démocrate Hubert Humphrey (191 grands électeurs et 13 États) et 13,5% à George Wallace (46 grands électeurs et 5 États). Humphrey avait pourtant été aidé par le Président Lyndon Johnson qui avait annoncé l’arrêt des bombardements au Vietnam le 31 octobre 1968, quelques jours avant le scrutin, favorisant une remontée du candidat démocrate dans les sondages.

Le 20 janvier 1969, il y a donc cinquante ans, Richard Nixon prêta serment pour devenir le nouveau Président des États-Unis. Je propose son bilan présidentiel dans un prochain article.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (18 janvier 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Richard Nixon.
Jean-Michel Basquiat.
Noël 2018 à la télévision : surenchère de nunucheries américaines.
Noam Chomsky.
George HW Bush, seigneur républicain des États-Unis.
Les tweets moqueurs des Finlandais.
Rakenews : le râteau de Forest Trump.
La guerre commerciale trumpienne.
Tristes Trumpiques.
George Gershwin.
Leonard Bernstein.
Spiro Agnew.
Michael Dukakis.
Vanessa Marquez.
John MacCain.
Bob Dole.
George HW Bush a 94 ans.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190120-nixon.html

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/richard-nixon-1-la-volonte-au-211790

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/01/11/37010132.html





 

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1 décembre 2018 6 01 /12 /décembre /2018 04:32

« L’homme est un être raisonnable, mais les hommes le sont-ils ? » (Raymond Aron, 1961).



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Il n’aura pas attendu très longtemps pour suivre son épouse Barbara. L’ancien Président des États-Unis George Herbert Walker Bush est mort ce vendredi 30 novembre 2018 dans le Maine, à l’âge de 94 ans. S’il a fini sa vie diminué par son état de santé, il se donnait généralement une image sportive, et à son 90e anniversaire, il sautait encore en parachute. À cette date, il a été l’ancien Président américain survivant qui a été le plus âgé de l’histoire. Jimmy Carter, à peine quatre mois plus jeune, est aujourd’hui le doyen de ce petit club très fermé des anciens Présidents des États-Unis.

D’abord industriel dans le pétrole, si George H. W. Bush a commencé sa vie politique par un mandat électoral (représentant, équivalent de député, élu au Texas, du 3 janvier 1967 au 3 janvier 1971), il a surtout pris de l’importance au niveau national par ses responsabilités et compétences en géopolitique : nommé, par le Président Richard Nixon, ambassadeur des États-Unis à l’ONU du 1er mars 1971 au 18 janvier 1972, il fut le très stratégique directeur de la CIA du 30 janvier 1976 au 20 janvier 1977, nommé par le Président Gerald Ford juste après le scandale du Watergate. Le père de George H. W. Bush, Prescott Bush (1895-1972), qui a fait fortune dans le secteur bancaire, était l’un des "parrains" politiques de Richard Nixon. Chez les Bush, la politique était une affaire de famille depuis plusieurs générations.

Lors des élections présidentielles de 1980, George H. W. Bush fut candidat aux primaires républicaines, sans succès. Le candidat investi, ancien gouverneur de Californie (et ancien acteur de cinéma), Ronald Reagan, avait envisagé de prendre Gerald Ford sur son "ticket" pour la Vice-Présidence, ce qui aurait été étonnant de la part d’un ancien Président, le seul à n’avoir pas été élu. Finalement, George H. W. Bush fut choisi et élu deux fois Vice-Président des États-Unis du 20 janvier 1981 au 20 janvier 1989.

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Mais ce qu’on retiendra de George H. W. Bush, c’est bien sûr son élection à la Maison-Blanche le 8 novembre 1988 face à Michael Dukakis (le candidat démocrate) et son action comme "maître du monde" du 20 janvier 1989 au 20 janvier 1993.

Une période où le monde a particulièrement bougé : fin de la guerre froide avec la fin de la course aux armes nucléaires (et même une démilitarisation nucléaire de l’Europe), chute du mur de Berlin et dissolution de l’Union Soviétique (sans effusion de sang). Les bouleversements en Europe, libération politique, démocratisation et libéralisation de l’économie, ont cependant eu des effets négatifs avec la guerre civile en ex-Yougoslavie. Bush Sr a également agi pour renverser le trafiquant de drogue Manuel Noriega de la tête du Panama et pour conclure un accord de libre-échange avec le Canada et le Mexique (ALENA). Mais la "grande affaire" de politique extérieure de George H. W. Bush, ce fut la (première) guerre du Golfe, une réponse à l’annexion du Koweït par l’Irak de Saddam Hussein. Cette période a aussi connu la libération de Nelson Mandela et les négociations pour la future fin de l’apartheid et le partage du pouvoir en Afrique du Sud.

Malgré un succès certain dans ses initiatives diplomatiques, George H. W. Bush a été battu pour sa réélection le 3 novembre 1992 par un jeune gouverneur peu connu d’un État de l’Amérique profonde, Bill Clinton. La raison ? Ce que Donald Trump sait très bien : les élections aux États-Unis se gagnent toujours sur des enjeux de politique intérieure et jamais sur des enjeux internationaux.

Or, entre 1989 et 1993, la situation économique des États-Unis était fragile avec près de 8% de chômage en 1992 (un record depuis une dizaine d’années). Après la Présidence de Ronald Reagan qui a réduit massivement les impôts tout en investissant dans la course aux armements face à l’URSS, le déficit du budget fut colossal et pour le réduire, George H. W. Bush voulait réduire la dépense publique, ce qu’il n’a pas pu faire à cause d’un Congrès à majorité démocrate. Résultat, il a dû augmenter les impôts alors qu’il avait fait campagne en 1988 sur le refus de toute augmentation de la pression fiscale. Par ailleurs, le nombre de crimes a beaucoup augmenté sous sa Présidence (+20% !), des émeutes ont eu lieu à Los Angeles, et le Président n’a apporté aucune solution pour réduire cette insécurité.

On pourra toujours donner comme explication de l’échec électoral de George H. W. Busj la présence d’un troisième candidat, le milliardaire Ross Perot, qui lui a pris beaucoup d’électeurs. C’est le même problème que celui de Lionel Jospin en 2002 qui rendait responsable de son échec présidentiel les candidatures de Christiane Taubira, Jean-Pierre Chevènement, etc. La réalité, c’est que malgré cette configuration délicate où l’offre politique peut être plus importante, si celui qui est au pouvoir est populaire et fait adhérer la population à son action, il sera forcément réélu (et même, aura su éviter les candidatures "dissidentes").

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C’est justement l’objectif de l’actuel Président des États-Unis, Donald Trump : garder le soutien de la base du Parti républicain et ne se focaliser que sur la politique intérieure, se moquer du reste du monde au point de risquer de bouleverser les fragiles équilibres internationaux (économiques et politiques). Comme je l’avais indiqué il y a quelques mois, George H. W. Bush était ainsi l’anti-Trump, qui préférait l’intérêt général, au-delà du simple intérêt national, à son intérêt électoral propre.

George H. W. Bush (Sr) fut (malheureusement) "vengé" par l’élection de son fils George W. Bush (Jr) qui, en deux mandats (2001-2009), a, au contraire de son père, ravagé le monde par la guerre en Irak, comme réponse inadéquate aux attentats du 11 septembre 2001.

Honoré déjà dans son pays par un porte-avions à propulsion nucléaire qui porte aussi son nom, George H. W. Bush (le père donc) sera forcément regretté car il a été le dernier Président républicain "raisonnable", qui ne "jouait" pas "légèrement" à la guerre, comme ses successeurs du même parti. Pas sûr que dans le futur proche, un homme de sa stature surviendra dans une course jusqu’à la Maison-Blanche. C’est pour cette raison qu’il faut saluer cet homme qui vient de s’éteindre vendredi.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (01er décembre 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
George HW Bush, seigneur républicain des États-Unis.
Les tweets moqueurs des Finlandais.
Rakenews : le râteau de Forest Trump.
La guerre commerciale trumpienne.
Tristes Trumpiques.
George Gershwin.
Leonard Bernstein.
Spiro Agnew.
Michael Dukakis.
Vanessa Marquez.
John MacCain.
Bob Dole.
George HW Bush a 94 ans.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20181130-george-hw-bush.html

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/george-hw-bush-seigneur-210163

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21 novembre 2018 3 21 /11 /novembre /2018 03:20

« L’ironie est la pudeur de l’humanité. » (Jules Renard, 1927).


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Le sujet est une véritable tragédie. L’incendie de forêt appelé "Camp Fire", qui a démarré le 8 novembre 2018 en Californie, a provoqué des dégâts gigantesques. Près de 4 000 pompiers se battent encore pour contenir l’incendie (il l’est à 75%).

Le bilan au 20 novembre 2018 est terrifiant : au moins 81 personnes en sont mortes, dont seulement 67 ont été identifiées, 993 habitants ont été portés disparus, au moins 17 148 bâtiments, dont 12 947 habitations, 483 magasins, 3 718 autres bâtiments, et 61 6100 hectares ont été détruits. La ville de Paradise, à l’appellation devenue oxymore, ville d’environ 27 000 habitants, est complètement détruite. À cela, il faut ajouter l’incendie "Woolsey Fire", démarré au même moment près de Los Angeles, atteignant Malibu, qui a tué 3 personnes et détruit au moins 616 bâtiments dont de nombreuses villas et ranchs (en particulier, l'ancien ranch de Ronald Reagan et aussi la villa qui a servi de décor pour l’émission de téléréalité "The Bachelor"). L’un des facteurs catastrophiques, c’est le grand vent qui permet au feu de s’étendre et de ravager les forêts.

Une tragédie et pourtant, le sujet a aussi servi de contexte à des plaisanteries au niveau mondial. La raison ? Le déplacement du Président des États-Unis Donald Trump en Californie le samedi 17 novembre 2018, pour voir l’étendue des dégâts et comprendre la catastrophe. La Californie est considérée comme un État particulièrement anti-Trump et Donald Trump lui-même serait prêt à refuser des aides fédérales parce que la Californie aurait été mal préparée à prévenir ces feux de forêt. Ce n’est pas la première fois qu’il y a de tels incendies en Californie, rien qu’en 2018, il y a eu 45 autres incendies de forêt, mais aucun incendie récent n’a eu une telle gravité.

L’hilarité mondiale est venue de l’une des stupidités nombreuses prononcées par Donald Trump. Il a en effet évoqué, à Paradise, une conversation qu’il a eue à Paris, lors des cérémonies du 11 novembre 2018, avec Sauli Niinistö, le Président de la République de Finlande. Pour mettre en cause la gestion locale des forêts, il a en effet déclaré, en parlant des Finlandais : « Ils passent beaucoup de temps à ratisser et à nettoyer et à faire des choses, et ils n’ont aucun problème. ». En d’autres termes, pour éviter les incendies, il suffirait d’enlever les feuilles mortes qui tombent dans la forêt !

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Une déclaration qui a fait sursauter tous les Finlandais et en particulier, leur Président Niinistö qui a démenti le contenu de sa conversation parisienne avec Donald Trump : « J’ai mentionné le fait que la Finlande est un pays couvert de forêts et que nous avons aussi un bon système de surveillance et réseau d’alerte. Et j’ai dit aussi que nous prenions soin de nos forêts. » (déclaration du 19 novembre 2018 au quotidien finlandais "Ilta-Sanomat").

Dès la connaissance de la déclaration en Californie, les internautes finlandais, touchés par l’attention trumpienne, n’ont pas hésité à déverser dans l’humour, la dérision, notamment sur Twitter. Beaucoup se sont fait photographier en train de ratisser la forêt. Certains exprimant ainsi leur « devoir civique », d’autres affirment que la pratique du ratissage est « enseignée à l’université » ! Une architecte a même posé avec son aspirateur : « Juste une journée ordinaire dans les forêts finlandaises ! ». Dans ce genre de cas, comme dans toutes les situations comiques, la créativité et l’imagination ne manquent pas parmi les internautes. Les mots-clefs sont alors "rakenews" pour sa proximité avec l’expression "fake news" (to rake signifie ratisser) et aussi "haravointi" (ratisser en finnois).

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Anne-Françoise Hivert, correspondante du journal "Le Monde" en Scandinavie, s’est aussi amusée le 20 novembre 2018 à rappeler une étude de l’Université Yale, publiée en 2015 dans la célèbre revue scientifique "Nature", qui a recensé 22 milliards d’arbres en Finlande, recouvrant 72% de la superficie. Il faut alors imaginer les 5,5 millions d’habitants du pays ratissant et ramassant les feuilles de leurs forêts, à raison de 4 000 arbres par personne, bébés et personnes hospitalisées compris ! De plus, il faut remarquer qu’en cette période, la plupart des forêts finlandaises sont recouvertes de neige, donnant peu de prises à des incendies.

Se prendre un râteau par des milliers de Finlandais mais aussi de Canadiens, entre autres, bien sensibilisés aussi sur les forêts, dans les réseaux sociaux, c’est sans doute la dernière anecdote impliquant Donald Trump qui n’est plus à une ineptie près. La moquerie a dépassé le désastre humain pour se recentrer sur le Président américain. La spontanéité et l’émotion sont des éléments intéressants à utiliser dans les déclarations politiques, mais à condition d’avoir un minimum de culture, et surtout, un minimum de logique et de bon sens…


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Sylvain Rakotoarison (20 novembre 2018)
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Pour aller plus loin :
Les tweets moqueurs des Finlandais.
Rakenews : le râteau de Forest Trump.
La guerre commerciale trumpienne.
Tristes Trumpiques.
Spiro Agnew.
Michael Dukakis.
Vanessa Marquez.
John MacCain.
Bob Dole.
George HW Bush.

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9 novembre 2018 5 09 /11 /novembre /2018 01:23

« Un esprit de masochisme national prévaut, encouragé par une corporation décadente de snobs impudents qui se définissent eux-mêmes comme des intellectuels. » (Spiro Agnew, le 20 octobre 1969 dans le "New York Times" pour dénoncer la manifestation du Moratorium Day contre la guerre du Vietnam).



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Entre l’innovateur territorial et le gaffeur corrompu. L’ancien Vice-Président des États-Unis Spiro Agnew est mort il y a vingt-cinq ans, le 17 septembre 1996, à Berlin, pas la capitale allemande mais la ville du Maryland. Il avait 77 ans, né le 9 novembre 1918. Son nom a été synonyme de magouilles, de corruption et d’affairisme et sa postérité s’arrête surtout sur le fait qu’il a été le second Vice-Président à avoir dû donner sa démission en cours de mandat et le premier pour des raisons de scandale financier. C’était le 10 octobre 1973.

Précisons qu’un Vice-Président aux États-Unis n’est pas comme le Premier Ministre en France. Il est élu en même temps que le Président des États-Unis (ils forment ce qu’on appelle un "ticket") alors qu’en France, le Premier Ministre, bien que responsable devant le Parlement, n’est que nommé par le Président de la République dans sa totale puissance et sa légitimité émane de lui et pas du peuple.

Fils unique d’un restaurateur venu du Péloponnèse aux États-Unis en 1897 (à l’âge de 21 ans) et qui a connu la pauvreté dans les années 1930, Spiro Agnew a servi dans l’armée comme commandant d’une compagnie de la 10e Division blindée en 1942 sur le sol européen et il a fait une année de plus pour la guerre de Corée, selon le livre de Frank F. White Jr. ("The Governors of Maryland 1777-1970", 1970).

Avocat spécialisé dans le droit social et homme d’affaires, il s’est engagé au parti républicain, dans son aile centriste et progressiste. D’ailleurs, il s’est implanté électoralement dans l’État du Maryland, où il est né (à Baltimore), dont la sociologie était plutôt de tendance démocrate (un État qui a compté trente et un gouverneurs démocrates à ce jour). Spiro Agnew était donc un réformateur, républicain apprécié des démocrates (le genre de tendance aujourd’hui introuvable au sein du parti républicain où le Tea Party fait maintenant figure d’aile modérée face à Donald Trump). Côté obscur : le Maryland était un État fortement corrompu, où régnait la collusion entre la politique et le crime pendant des décennies (années 1950 à années 1970).

Après quatre ans d’implantation locale à Baltimore (il fut à l’origine de la première loi sur les logements publics avec obligation de construire des espaces verts et des parcs dans les nouveaux lotissements), Spiro Agnew a été élu le cinquante-cinquième gouverneur du Maryland, le 8 novembre 1966 (il exerça peu longtemps, à peine deux ans, du 25 janvier 1967 au 7 janvier 1969), ce qui fut une performance pour un républicain (le cinquième du Maryland). Avec cette élection, Spiro Agnew fut le premier gouverneur d’un État américain d’origine grecque (le nom de son père était Anagnostopoulos). Le deuxième fut Michael Dukakis au Massachusetts entre 1975 et 1979. Pour la famille, c’était une très forte ascension sociale.

Son élection, purement personnelle (car les républicains n’ont pas eu la majorité dans les instances législatives), il l’a eue un peu par la chance, car les démocrates (sortants) étaient très divisés et se sont autophagocytés (il a été soutenu par des dizaines de milliers de démocrates). Il s’était engagé à faire une profonde réforme fiscale, en passant de l’impôt foncier à l’impôt sur le revenu pour financer les collectivités locales, et en rendant l’impôt sur le revenu progressif. Ce fut sa principale réussite comme gouverneur.

En bonne coopération avec le législatif dominé par les démocrates, il a aussi proposé un nouveau mode de gouvernance : « Ce sera la résolution de cette administration à poursuivre une voie d’excellence dans l’exercice de ses fonctions de gouvernement. Chaque programme, chaque loi, chaque crédit sera mesuré pour s’assurer qu’il atteint des normes élevées d’excellence. Ce sera la marque distinctive de la nouvelle administration pour exiger l’excellence dans les programmes et les services… à travers ce nouveau leadership. ». Spiro Agnew a voulu aussi doter le Maryland d’une nouvelle Constitution souhaitée par les électeurs, il a fait réunir une Convention constitutionnelle à Annapolis du 12 septembre 1967 au 10 janvier 1968 pour rédiger le nouveau texte mais la nouvelle Constitution fut rejetée massivement par les électeurs. Ce fut son principal échec comme gouverneur.

Soutenu en 1966 par les partisans de Martin Luther King, Spiro Agnew a perdu leur soutien après l’assassinat de leader charismatique, les émeutes de Baltimore et son refus, le 11 avril 1968, de rencontrer les étudiants du Bowie State College qu’il a fait fermer pour l’évacuer. Spiro Agnew a dit un peu plus tard, le 7 janvier 1969, quand il a démissionné de son poste de gouverneur pour la Maison-Blanche : « Regarder une ville brûler, marcher à travers des blocs anéantis comme par les bombes d’une attaque aérienne ennemie est douloureux. On ne peut pas sortir indemne d’une telle expérience. ». D’ailleurs, le Maryland n’a pas voté en faveur du ticket Nixon-Agnew en novembre. Effectivement, Spiro Agnew allait avoir un "destin".

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Aux primaires républicaines de 1968, Spiro Agnew a soutenu la candidature du gouverneur de New York, Nelson Rockefeller mais après l’abandon de ce dernier en mars 1968, il s’est mis à soutenir la candidature de Richard Nixon. Il a notamment prononcé un discours très élogieux pour Richard Nixon, qui « a combattu tout au long de sa carrière politique pour des principes et qui n’a pas hésité à payer le prix de l’impopularité en défendant ces principes, un homme qui peut négocier la paix sans sacrifier la vie, la terre et la liberté, un homme qui a eu le courage de se relever des profondeurs de la défaite il y a six ans et de faire le plus grand retour politique de l’histoire américaine, le seul homme dont la vie prouve que le rêve américain n’est pas un mythe brisé et que l’esprit américain, sa force et son sens de la stabilité, restent constants ».

La désignation de Spiro Agnew comme candidat à la Vice-Présidence par l’ancien Vice-Président Richard Nixon à l’élection présidentielle du 5 novembre 1968 a étonné et avait pour but d’être complémentaire et de permettre de se concentrer sur les relations entre les territoires et Washington. Lorsqu’il a été désigné le 8 août 1968 à la Convention de Miami, il était un inconnu au niveau fédéral : « Bien sûr, je ne suis pas connu, mais je me ferai connaître. ». Et c’était vrai, il a commencé à se faire connaître… comme un gaffeur à répétition (Joe Biden l’est aussi), c’est-à-dire que dans ses interventions, il commettait souvent des maladresses. Au fil de la campagne électorale, Spiro Agnew handicapait plus que n’aidait Richard Nixon, si bien que ses conseillers ont écourté son itinéraire de campagne.

Néanmoins, Spiro Agnew représentait bien une nouvelle génération de responsables politiques : « des banlieusards majoritairement autodidactes qui ont pris de l’importance non pas dans les salles enfumées des clubs politiques à l’ancienne, mais dans l’atmosphère éclairée par des lampes fluorescentes du supermarché et le monde homogénéisé des association de parents d’élèves » (Franck F. White).

Le "ticket" a été gagnant (élu de justesse avec 43,4% face à Hubert Humphrey) et il a été réélu très largement à l’élection présidentielle du 7 novembre 1972 (avec 60,7% des voix face à George MacGovern). Spiro Agnew a donc succédé le 20 janvier 1969 à Hubert Humphrey, Vice-Président sortant et candidat malheureux à la Présidence.

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Lors de la première élection de Spiro Agnew, Jacques Amalric, dans "Le Monde" du 8 novembre 1968, a présenté le nouveau Vice-Président des États-Unis, peu connu des Français, ainsi : « Ce fils d’un immigrant grec (…), qui a travaillé dur pour se faire une place au soleil, ainsi qu’il aime à le rappeler, est un parfait prototype de l’habitant des "suburbs", ces îlots confortables aux rues bordées d’arbres (…). Leur principal contact avec le monde extérieur est alors la télévision, et c’est sur les petits écrans qu’ils assistent tous les étés à la désagrégation de cités qu’ils se félicitent, avec un effroi rétroactif [rétrospectif plutôt], d’avoir abandonnées à temps. ».

Richard Nixon a donné à Spiro Agnew un peu de pouvoir. Le Vice-Président avait même un bureau à la Maison-Blanche (normalement, il siège au Capitole comme Président du Sénat) et il était chargé des relations entre l’État fédéral et les collectivités locales, avec un bilan qui a été positif même s’il a été masqué par les affaires financières et les controverses.

Pendant son mandat, malgré ses bourdes, ou plutôt, grâce à ses bourdes, Spiro Agnew était populaire car il avait un franc-parler qui l’honorait, à la limite du populisme, porte-parole de la majorité silencieuse, de l’Américain moyen, un peu comme bien plus tard Donald Trump (mais il n’y avait pas d’Internet). Ses saillies contre les pacifistes opposés à la guerre du Vietnam, contre les médias, etc. sont connues et étaient à l’époque très appréciées dans les milieux populaires. En 1972, Richard Nixon aurait voulu l’évincer de son second mandat, mais il n’y est pas parvenu. Spiro Agnew fut l’un des hommes les plus contrastés du moment, admiré par certains (il a su collecter les fonds républicains pour les élections) et détesté par d’autres, méprisé par les intellectuels, la jeunesse américaine, etc. Bref, un homme qui ne laissait pas indifférent.

Il est d’ailleurs surprenant voire amusant de lire un sondege réalisé par Gallup en 1970 sur la perception que le peuple avait du Vice-Président. Il montrait la réputation de Spiro Agnew dans le pays : « un Vice-Président courageux, honnête, intègre et franc, un élu qui n’est pas un homme de main présidentiel, mais plutôt la voix de l’Amérique profonde, qui personnifie toutes les belles qualités et caractéristiques enrichissantes qui ont fait la grandeur du pays ». C’était sans savoir le niveau d’affairisme dont il serait redevable trois ans plus tard.

Les Américains sont plus lucides qu’en France sur les failles du système. Lorsqu’une personnalité politique est prise la main dans le sac, elle le reconnaît, elle s’efface honorablement et elle paie les pots cassés. En France, à de très rares exceptions près (comme Jérôme Cahuzac, eh oui !), quasiment aucune personnalité politique, même condamnée définitivement, même ayant purgé sa peine en prison, ne reconnaît quoi que ce fût de ses actes répréhensibles et certains sont même prêts à repartir à la bataille pour laver l’affront judiciaire (par exemple, le plus éloquent, Alain Carignon à Grenoble en 2020).

Les premières affaires de pots-de-vin furent révélées par les journaux en 1973. Les accusations contre lui concernaient tant des actes commis comme ancien gouverneur (on parlait d’argent caché au fisc) que comme Vice-Président (on parlait de corruption, ce qui était beaucoup plus grave).

Dans un premier temps, Spiro Agnew a nié en bloc, et dénoncé la calomnie. Il est même allé rencontrer Elliott Richardson, le procureur général des États-Unis (une sorte de super ministre de la justice, indépendant du gouvernement), mais ce dernier a courageusement refusé de l’aider. Les preuves contre lui étaient accablantes et le procureur du Maryland, Georg Beall, a annoncé à Spiro Agnew le 1er août 1973 qu’il poursuivrait l’enquête judiciaire.

Cherchant à bénéficier du vide juridique (la Constitution des États-Unis n’indiquait rien sur l’éventualité de poursuivre un Président ou un Vice-Président s’ils avaient commis un crime ou un délit au cours de leur mandat), Spiro Agnew a mis au défi le Speaker (Président) de la Chambre des Représentants Carl Albert de lancer une procédure d’impeachment (destitution) contre lui.

La politologue canadienne Karine Prémont a expliqué l’objectif de cette démarche sur Radio-Canada le 27 mars 2019 : « [Spiro Agnew] sait bien que les chances d’être destitué sont à peu près nulles. L’histoire l’a démontré. Et c’est la seule façon pour lui de prendre connaissance des actes d’accusation qui pèsent réellement sur lui. Et il joue aussi sur l’idée de peut-être gagner l’opinion publique à son égard. ».

Mais Carl Albert a refusé et l’inculpation allait suivre. Donc, dans un second temps, Spiro Agnew a reconnu les faits, du moins, il n’a pas contesté les accusations mais il n’a pas non plus plaidé coupable. Il a seulement négocié son départ immédiat de la Vice-Présidence en échange de ne pas aller en prison. C’est toujours troublant, ces négociations avec la loi.

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Gerald Ford a été désigné Vice-Président par Richard Nixon, désignation confirmée par le Congrès, ce qui, ici, pourrait sembler se rapprocher du mode de désignation d’un Premier Ministre en France. Mais comment aurait-il pu en être autrement quelques mois après une élection présidentielle ? On n’allait pas non plus proposer un poste de suppléant au Vice-Président alors que ce dernier est avant tout le suppléant du Président. Comme la démission de Richard Nixon a suivi d’assez près de celle de Spiro Agnew, Gerald Ford fut le (seul) Président des États-Unis à n’avoir jamais été soumis aux suffrages populaires (d’autant plus qu’il a échoué lors de sa tentative de réélection en 1976).

Bien plus tard, Spiro Agnew a laissé entendre dans ses Mémoires que Richard Nixon aurait été à l’origine des accusations qui l’ont fait tomber afin de défocaliser l’attention des médias sur le scandale du Watergate, scandale bien plus grave qui a finalement balayé Richard Nixon. Il aurait même reçu des menaces d’assassinat de la part du futur chef de la diplomatie américaine Alexander Haig (alors dircab de Nixon) s’il ne démissionnait pas.

Objet de sarcasmes ou de mépris de la part des journaux, Spiro Agnew avait depuis longtemps une dent contre la presse américaine, bien avant que le scandale sur ses affaires n’éclatât : « Il y a des journaux qu’on croirait seulement destinés à protéger le fond des cages à oiseaux. ». Une belle tournure pour exprimer la chienlit d’une certaine presse…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 septembre 2021)
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Pour aller plus loin :
Spiro Agnew.
Bill Clinton.
Jeff Bezos.
L’exploit de Blue Origin, la fabrique du tourisme spatial écolo-compatible.
John Glenn.
George W. Bush (fils).
Il y a 20 ans : George W. Bush vs Al Gore.
George H. W. Bush (père).
Donald Rumsfeld.
Louis Armstrong.
Jim Morrison.
Ella Fitzgerald.
Michael Collins.
George Floyd : la vie d’un homme, l’honneur d’un pays.
Décollage vers l'ISS.
Deux faces des États-Unis : George Floyd et SpaceX.
Walter Mondale.
Covid-19 : Donald Trump, marathonman.
Bob Kennedy.

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3 novembre 2018 6 03 /11 /novembre /2018 04:51

« Notre plus grande force ne vient pas de ce que nous possédons, mais de ce que nous croyons ; pas de ce que nous avons, mais de ce que nous sommes. ».



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Homme politique américain atypique d’origine grecque, le deuxième gouverneur américain à être d’origine grecque après Spiro Agnew (1918-1996), Michael Dukakis fête ses 85 ans ce samedi 3 novembre 2018.

Né à Brookline, dans le Massachusetts, qui fut sa base électorale et qu’il n’a jamais quitté, et diplômé en droit à Harvard, Michael Dukakis fut l’un des "sept nains" candidats aux primaires démocrates de 1988. On les a appelés comme cela parce que le Parti démocrate n’avait plus beaucoup de personnalités providentielles pour battre le Vice-Président de Ronald Reagan et cela avait suscité des vocations chez bien des élus démocrates (qui furent dans la future "génération Clinton").

Michael Dukakis a commencé très jeune sa carrière politique. Il fut élu à 29 ans représentant de la Chambre du Massachusetts (soit l’équivalent français de conseiller régional) le 6 novembre 1962. Il resta à ce siège jusqu’au 3 janvier 1971.

Le 5 novembre 1974, Michael Dukakis fut élu gouverneur du Massachusetts avec 53,5% des voix en battant le gouverneur républicain sortant Francis W. Sargent. Lors de son premier mandat de gouverneur, défavorable à la peine de mort, Michael Dukakis fit un geste symbolique important le 23 août 1977 en réhabilitant les anarchistes d’origine italienne Nicola Sacco et Bartolome Vanzetti qui furent jugés coupables de deux braquages, condamnés à mort et exécutés à la chaise électrique cinquante ans auparavant, le 23 août 1927, près de Boston.

Alors qu’il s’était fait élire avec la promesse de ne pas augmenter les impôts, il fut battu aux primaires démocrates de 1978 pour le renouvellement de son mandat : il n’a obtenu que 42,2% des voix, battu par Edward J. King (avec 51,1%) qui fut élu gouverneur le 7 novembre 1978. Michael Dukakis a perdu parce qu’il avait dû finalement augmenter les impôts, contrevenant à son propre engagement électoral.

Michael Dukakis a pris cependant sa revanche en battant avec 53,5% le gouverneur sortant Edward J. King (46,5%) aux primaires démocrates de 1982 et fut élu de nouveau gouverneur le 2 novembre 1982 avec 59,5% des voix. Son second mandat de gouverneur du Massachusetts a été exercé du 6 janvier 1983 au 3 janvier 1991 car il a été réélu le 4 novembre 1986 avec 68,8% des voix. Michael Dukakis développa au cours de ce double mandat les nouvelles technologies, ce qui favorisa la croissance économique de son État.

Petite remarque par rapport aux mœurs politiques françaises : aux États-Unis des années 1970 et 1980, les mandats n’étaient déjà pas l’apanage des élus. Ainsi, pas de fief, pas de candidature de "droit divin" parce que sortant. En France, c’était extrêmement rare de voir le maire sortant d’une grande ville ou un président sortant de région ou de département désavoué par les militants de son propre parti, l’empêchant de concourir pour sa réélection (si jamais il n’avait pas l’investiture de son parti, ce qui aurait été peu probable, il se serait malgré tout présenté en candidat dissident et aurait eu des chances de remporter quand même l’élection). Au Massachusetts, cela s’est donc passé deux fois, d’abord contre Michael Dukakis en 1978 puis contre son tombeur en 1982.

Il faut remarquer également que Michael Dukakis a choisi comme bras droit au début de son second mandat John Kerry. Ce dernier fut en effet lieutenant-gouverneur du Massachusetts du 6 mars 1983 au 2 janvier 1985, avant d’être élu sénateur du Massachusetts de 1985 à 2013, futur candidat démocrate aux présidentielles du 2 novembre 2004 face à George W Bush et futur Secrétaire d’État (Ministre des Affaires étrangères) de Barack Obama du 1er février 2013 au 20 janvier 2017.

La situation du Parti démocrate à la veille de l’élection présidentielle de 1988 fut désastreuse. L’échec de Jimmy Carter en 1980 puis de son Vice-Président Walter Mondale en 1984, a fait le vide des candidats potentiels chez les démocrates, d’autant plus que les deux mandats de Ronald Reagan furent considérés comme une réussite (malgré le début de l’Irangate et l’échec des républicains aux élections intermédiaires du 4 novembre 1986). Certes, la candidature de Gary Hart, ancien sénateur du Colorado, déjà prometteuse en 1984, avait été la plus probable mais un scandale sexuel l’a complètement brisé et il a dû renoncer en mai 1987.

Du côté républicain, George HW Bush a réussi à remporter les primaires républicaines le 14 juin 1988 avec 67,9% des voix face à Bob Dole à 19,2% et Pat Robertson à 9,0%. Le seul faux pas du candidat Georges HW Bush fut d’avoir désigné comme colistier Dan Quayle, sénateur de l’Indiana, qui s’est révélé un très médiocre homme politique.

Il y a donc eu beaucoup de nouveaux venus dans la course présidentielle chez les démocrates, souvent peu connus, aux côtés du candidat récurrent, le révérend Jesse Jackson (29,2%). Au-delà du gouverneur du Massachusetts Michael Dukakis (42,5%) qui a misé sur la bonne gestion économique de son État, sont entrés dans la compétition Al Gore (13,7%), jeune sénateur du Tennessee, qui a déclaré forfait le 21 avril 1988, Dick Gephardt (6,0%), représentant du Missouri et chef de la majorité démocrate à la Chambre des représentants, abandonnant le 29 mars 1988, Paul Simon (4,6%), sénateur de l’Illinois, stoppant le 7 avril 1988, et Bruce Babbitt (0,4%), ancien gouverneur de l’Arizona, qui s’arrêta le 16 février 1988. Joe Biden, sénateur du Delaware, a renoncé assez tôt, le 23 septembre 1987, Lloyd Bentsen, sénateur du Texas, aussi, comme Bill Bradley, sénateur du New Jersey (le 2 août 1987). Enfin, parmi les candidats potentiels, Mario Cuomo, gouverneur de New York, et Ted Kennedy, sénateur du Massachusetts, ont refusé de concourir (Ted Kennedy a soutenu Michael Dukakis). Entre parenthèses, j’ai indiqué les pourcentages de voix obtenus lors des primaires. La campagne de Joe Biden fut un désastre après la révélation, par Michael Dukakis, qu’il avait plagié un discours de Neil Kinnock, le leader des travaillistes britanniques.

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Au fil des étapes des primaires, il ne resta plus que deux candidats, Jesse Jackson (1 219 délégués, soit 29,7%) et Michael Dukakis (2 877 délégués, soit 70,1%). Ce dernier fut donc investi officiellement lors de la Convention démocrate à Atlanta du 18 au 21 juillet 1888, qui fut marqué par un discours long et ennuyeux de Bill Clinton. Parce qu’il avait obtenu un résultat très honorable, Jesse Jackson s’attendait à être désigné comme candidat à la Vice-Présidence, mais Michael Dukakis préféra choisir Lloyd Bentsen (1921-2006), sénateur du Texas, pour tenter de conquérir le Texas, État clef des élections générales et cela permettait aussi de faire le parallèle avec le ticket démocrate de 1960, John Kennedy, sénateur du Massachusetts, et Lyndon B. Johnson, représentant du Texas.

Ce fut d’ailleurs le bon choix puisque dans le seul débat entre candidats à la Vice-Présidence, le 5 octobre 1988 au Civic Auditorium de Omaha, dans le Nebraska, Lloyd Bentsen a complètement "pulvérisé façon puzzle" son concurrent républicain Dan Quayle qui avait osé se comparer à John F. Kennedy (seulement en termes d’expérience de mandat électif). Lloyd Bentsen lui répliqua sans détour : « Sénateur, j’ai travaillé avec Jack Kennedy. J’ai connu Jack Kennedy. Jack Kennedy était un de mes amis. Sénateur, vous n’êtes pas Jack Kennedy ! » ("Jack" était le diminutif de JFK). Son adversaire resta silencieux après ces paroles. Cette phrase "Senator, you’re not Jack Kennedy !" est devenue une "phrase culte" servant à se moquer d’une personne prétentieuse.

La réplique n’a pas suffi à remporter le Texas. En effet, les démocrates furent balayés par les républicains lors des élections générales le 8 novembre 1988. Durant la campagne, le Président sortant Ronald Reagan n’a pas hésité à aider George HW Bush en ironisant : « Vous savez, si j’écoutais encore Michael Dukakis, je serais convaincu que nous sommes en période de récession économique et que les gens n’ont plus de domicile, manquent de nourriture et de soins médicaux, et que nous devons faire quelque chose à propos des chômeurs. ».

Michael Dukakis a remporté le premier débat face à George HW Bush mais pas le second. Son caractère réservé fut souvent critiqué au cours de cette campagne et certains ont été très durs contre lui, l’accusant même d’avoir été soigné psychiatriquement. Le candidat démocrate a fait beaucoup d’erreurs, comme poser le 13 septembre 1988 dans un char pour contredire sa réputation contre les militaires, ce qui l’a rendu encore plus ridicule, et sa position contre la peine de mort ne l’a pas non plus aidé électoralement. Lors du débat du 13 octobre 1988, à la question : « Gouverneur, si Kitty Dukakis [son épouse] était violée et assassinée, seriez-vous en faveur de la peine de mort de manière irrévocable pour son meurtrier ? », Michael Dukakis a répondu : « Non, je ne le serais pas, et je pense que vous savez que j’ai toujours été opposé à la peine de mort durant toute mon existence. ».

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Sans surprise, George HW Bush remporta la compétition avec 53,4% des voix (48,9 millions de suffrages) et 426 grands électeurs, face à Michael Dukakis, 45,4% des voix (41,8 millions de suffrages) et 111 grands électeurs, avec une participation de 50,2% des électeurs inscrits. Michael Dukakis ne remporta que dix États ainsi que Washington DC. Il a cependant amélioré la performance des démocrates de 1980 et 1984.

Michael Dukakis a mal fini son dernier mandat de gouverneur du Massachusetts (en raison des hausses d’impôts), qu’il ne souhaita renouveler (il l’a annoncé dès le début du mois de janvier 1989), et le 6 novembre 1990, les républicains ont reconquis le poste. Michael Dukakis a ensuite été recruté comme professeur de sciences politiques dans deux universités, à Boston l’été et à Los Angeles en hiver. Parmi ses successeurs comme gouverneur du Massachusetts, il faut citer Mitt Romney, du 2 janvier 2003 au 4 janvier 2007, qui fut le candidat des républicains aux présidentielles du 6 novembre 2012 face à Barack Obama. Quant à Lloyd Bentsen, il fut nommé Secrétaire du Trésor (Ministre des Finances) du 20 janvier 1993 au 22 décembre 1994 par le (nouveau) Président Bill Clinton.

À la mort de Ted Kennedy le 25 août 2009, il était question que Michael Dukakis (âgé alors de 75 ans) pourrait assurer l’intérim de son mandat de sénateur du Massachusetts. C’est le gouverneur qui nomme le successeur si le poste de sénateur est vacant. Le gouverneur de l’époque était démocrate, Deval Patrick (du 4 janvier 2007 au 8 janvier 2015) et ce dernier a finalement nommé Paul G. Kirk, le favori de la famille Kennedy, le 4 septembre 2009 pour remplacer Ted Kennedy avec la promesse de ne pas se présenter à l’élection (il fut sénateur jusqu’au 4 février 2010 et laissa place à un sénateur républicain). Aux élections du 6 novembre 2012, Michael Dukakis a soutenu la candidature d’Elizabeth Warren, démocrate progressiste, qui a battu le sortant républicain au poste de sénateur du Massachusetts. En 2014, Michael Dukakis a fait la promotion des transports ferroviaires à grande vitesse avec un axe Nord-Sud sur la côte est.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (03 novembre 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Spiro Agnew.
Michael Dukakis.
Vanessa Marquez.
John MacCain.
Bob Dole.
George HW Bush.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20181103-michael-dukakis.html

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/michael-dukakis-celui-qui-a-209237

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1 septembre 2018 6 01 /09 /septembre /2018 05:15

« Il n’y a pas de fatalité extérieure. Mais il y a une fatalité intérieure : vient une minute où l’on se découvre vulnérable ; alors les fautes vous attirent comme un vertige. » (Saint-Exupéry, 1931).



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Il y a un homme qui, depuis le 30 août 2018, doit se mordre les doigts d’avoir voulu bien faire : le propriétaire d’une résidence à South Pasadena, dans la proche banlieue de Los Angeles. Sa locataire, elle aurait eu 50 ans le 21 décembre 2018, semblait en pleine crise d’épilepsie.

Le propriétaire s’inquiétait de son état de santé et a appelé la police. Celle-ci est arrivée comme dans une série télévisée. La femme n’était pas "coopérative" et semblait souffrir de troubles d’ordre mental (elle aurait souffert de problèmes alimentaires, d’une addiction aux achats compulsifs, d’une dépression depuis plusieurs années). Elle a discuté pendant une heure et demie avec la police et avec un psychiatre qui avait accompagné la police. Soudain, la femme a sorti un pistolet et l’a pointé vers les policiers. Ces derniers, surpris, ont alors ont tiré par légitime défense, selon le témoignage du lieutenant Joe Mendoza. Elle est morte avant d’arriver à l’hôpital. L’arme n’était qu’un simple pistolet à air comprimé.

Ce tragique drame aurait pu n’être qu’un fait-divers hélas relativement courant mais sans écho médiatique. La première fois que j’étais allé aux États-Unis pour une mission professionnelle, mes collègues m’avaient vivement recommandé de bien écouter les policiers si je me faisais arrêter sur la route au volant d’une voiture et surtout, de montrer mes mains bien sagement, car ils ont la gâchette facile.

Mais l’information a franchi les océans et est sortie en brève internationale jusqu'en France dès lors que cette femme était Vanessa Marquez, une chanteuse et une actrice connue du grand public principalement pour avoir joué le rôle d’une infirmière, Wendy Goldman, aux côtés de George Clooney, dans les vingt-sept premiers épisodes de la très célèbre série télévisée "Urgences" entre le 19 septembre 1994 et e 24 avril 1997 (du 1er épisode de la saison 1 au 19e épisode de la saison 3).

Les dépêches en France ont indiqué très laconiquement que Vanessa Marquez a été "abattue par la police" à Los Angeles, sans préciser plus d’éléments, si ce n’est parfois en indiquant que c’était lors d’un "contrôle", laissant entendre que la police américaine était brutale et inhumaine.

Je serai bien incapable de savoir exactement ce qu’il s’est passé et je pense que la justice, si ce n’est en interne la police, enquêtera à ce sujet. On peut imaginer qu’une personne qui sort un flingue pourrait s’en servir et que l’urgence, sans "s" cette fois-ci, c’était d’éviter qu’elle ne nuise à ses interlocuteurs. Et les nombreux drames, certains très récents, qui ont endeuillé les États-Unis (comme l’attentat dans une salle de jeu vidéo à Jackson le 27 août 2018 faisant deux morts plus son auteur) n’ont pas facilité à faire garder le sang-froid.

Faut-il croire que les forces de l’ordre françaises seraient mieux entraînées que celles des États-Unis à ce sujet ? J’aurais tendance à le croire, même si cela mériterait approfondissement. Pays de cow-boys, où l’arme à feu est aussi chérie que le stylo ou le smartphone maintenant, on pourrait croire que la règle est : on tire d’abord et l’on réfléchit ou l’on discute après (méthode Trump ?). Ce qui n’était pas le cas pour cet accident, puisqu’il y a eu, au contraire, une heure et demie de discussion avant le tir.

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Je voudrais ici évoquer un petit témoignage personnel sur des faits qui m’ont doublement impressionné : d’abord, avec cette crainte d’être touché par ce qu’on appelle un fait-divers, ensuite, avec cette admiration pour la réponse des forces de l’ordre.

L’aventure même pas au bout de la rue. De l’autre côté de la porte. Cela s’est passé …presque chez moi il y a une vingtaine d’années, dans un immeuble dans la banlieue parisienne. Seulement deux appartements par étage. Je ne croisais que peu souvent mon voisin de palier, environ 35 ans (mais je ne suis pas très doué pour deviner les âges), et une fois, il a sonné à ma porte très stressé pour me demander très courtoisement si j’avais des antidépresseurs. Non, je n’en avais pas et si j’en avais eu, je ne suis pas sûr que je lui en aurais fourni sans voir une ordonnance même périmée.

Un jour, je crois que c’était un dimanche midi, ce voisin était devenu "fou". Réellement fou. Une folie courte mais intense. Il criait, jetait tous ses meubles par la fenêtre, etc. Il y avait de la rage, de la violence, de la rancœur et surtout, du désespoir. Or, le désespoir m’a paru toujours très dangereux : quand on n’a rien à perdre (ou que l’on croit qu’on n’a rien à perdre), on peut tout se permettre.

J’étais très impressionné par une telle violence et j’étais aux premières loges. Ce que j’avais compris, c’était qu’il était seul dans son appartement et qu’il criait son désespoir ainsi, à la Terre entière, et de manière suicidaire. J’avais peur, disons-le franchement, car à l’époque, il y avait des échafaudages pour un ravalement de façade, si bien qu’il était facile, pour lui, d’aller par ceux-ci de son appartement au mien, mes vitres étant peu solides.

Je me suis aperçu de la situation (au début, je n’avais pas fait pas attention) quand, en regardant par la fenêtre de la cuisine, j’ai aperçu un attroupement, des badauds, des voisins, aussi des policiers et même des ambulanciers, bref, tout le monde qui regardait dans "ma" direction. J’ai pris peur et j’ai appelé la police pour savoir avant tout quel était le problème : un incendie ? une fuite de gaz ?… Mon interlocutrice, au standard, m’a conseillé ensuite de me tenir le plus loin possible de la porte d’entrée et d’attendre, et surtout, de ne pas sortir dans la cage d’escalier et ne pas gêner les forces de l’ordre.

Cela a duré une ou deux heures, je ne me souviens plus. Je craignais le pire pour ce voisin qui avait dû craquer. Je craignais qu’il se jetât du cinquième étage après avoir jeté tous ses meubles par dehors (spectacle de désolation sur le parking). Ce que j’avais compris, c’était que sa femme l’avait quitté et qu’elle avait emmené leur fille et qu’il en était malheureux. On pourrait dire un "simple" chagrin d’amour, mais le cuir n’est pas le même selon des individus. Il demandait le retour de sa femme, et au moins, qu’elle lui parle au téléphone. Un homme qui a disjoncté. Fragile (dépressif) et qui a craqué. Ce qui pourrait survenir à beaucoup de monde, dans une vie urbaine parfois absurde, au sens d’Albert Camus.

J’ai entendu les forces de l’ordre négocier avec l’homme, monter doucement les escaliers pour atteindre notre palier. C’était presque comme dans un film, je ne sais pas si c’était le GIGN mais cela y ressemblait. Des professionnels, bien équipés, très souples, silencieux, agiles, calmes, posés. L’avantage, c’était qu’à l’exception du "forcené", il n’y avait pas d’otage, pas de petite fille retenue en otage et à sauver. Juste un homme, dépassé par sa vie, qui pouvait commettre un acte définitif et qu’il fallait convaincre.

Pendant toute la discussion, j’ai été très impressionné par la finesse psychologique des forces de l’ordre. En gros, elles cherchaient, dans leur communication, à convaincre le voisin qu’elles n’étaient pas contre lui mais de son côté, pour le calmer. Parmi les bribes entendues, on lui disait que non, sa vie n’était pas finie, qu’ils n’allaient évidemment pas le tuer (que ce n’était pas une série américaine, justement !), que personne ne lui voulait de mal, et surtout, je crois que c’était l’argument massue, que sa fille avait besoin d’un père, qu’elle serait traumatisée si elle n’avait plus de père, s’il se jetait par la fenêtre.

Il a alors ouvert la porte, et s’est laissé emmener par elles. Probablement plus à l’hôpital ou chez un médecin qu’à la gendarmerie ou au poste de police. Dans le trip qu’il s’était fait, le voisin ne voyait plus d’autre issue qu’assiégé par les forces de l’ordre, il serait forcément tué par elle. Il n’envisageait pas de ressortir de chez lui vivant. La voix, plutôt rassurante, qui parlementait avec lui, a réussi à désamorcer toute cette angoisse, toute cette montagne qui avait surgi comme un volcan.

Le calme, le sérieux et surtout, le sang-froid des forces de l’ordre en France est vraiment à saluer. C’est pourquoi l’affaire Benalla est un scandale qui n’entache pas seulement le fonctionnement de l’Élysée mais aussi la réputation de la police, car justement, la police sait rester calme et ne pas répondre aux provocations de militants excités parfois très violents, car une bavure se retournerait toujours contre la police, quelles que soient les circonstances, et ce serait probablement avec raison.

La France est donc loin, très loin des États-Unis de ce point de vue. Mais ce n’est pas une raison pour dire sans plus de mot d’explication que la malheureuse Vanessa Marquez a été "abattue par la police au cours d’un contrôle". La situation était un petit peu plus compliquée, tant pour l’actrice que pour la police…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (01er septembre 2018)
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Pour aller plus loin :
Vanessa Marquez.
Micheline Presle.
Pauline Lafont.
Marie Trintignant.
Annie Cordy.
Philippe Magnan.
Johnny Hallyday.
Louis Lumière.
Pierre Bellemare.
Meghan Markle.
Pierre Desproges.
Georges Méliès.
Jeanne Moreau.
Louis de Funès.
Le cinéma parlant.
Charlie Chaplin.

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30 août 2018 4 30 /08 /août /2018 05:51

« Écoute, vieux, j’aurais aimé avoir le luxe, comme toi, de grandir et de vivre toute ma vie dans un endroit merveilleux comme l’Arizona. Mais en fait, quand j’y pense, l’endroit où j’ai vécu le plus longtemps, c’est Hanoi ! » (Réplique adressée à son premier concurrent électoral en 1982, citée par le "Journal du dimanche" le 3 février 2008).


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Comme Bob Dole, John MacCain aurait "fait" un excellent Président (républicain) des États-Unis. Hélas, comme la candidature de Bob Dole, la candidature de John MacCain est intervenue au mauvais moment et trop tardivement. Septuagénaire face à un jeune gaillard au charisme fou, le combat était forcément difficile (ce n’était pas l’âge, le handicap, mais la comparaison des âges). On pourrait faire une analogie entre l’élection et l’amour : c’est une question d’unité de temps et d’unité de lieu. Pour Bob Dole, son heure aurait dû être en 1992. Pour John MacCain, son heure aurait dû être en 2000. Parfois, deux excellents candidats concourent à cette élection si cruciale au monde. Parfois, deux candidats médiocres…

Casse-cou, tête brûlée, miraculé, enfant terrible, électron libre, indiscipliné, imprévisible, incontrôlable, mais intègre, honnête, franc, vertueux, basé sur l’honneur, John Sidney MacCain (III !) sera regretté par la plupart des citoyens américains. Il est mort chez lui à Cornville, dans l’Arizona, ce samedi 25 août 2018 à l’âge de presque 82 ans (il est né le 29 août 1936 au canal de Panama). Cela faisait quelques jours qu’il avait arrêté ses traitements. Il avait annoncé le 19 juillet 2017 qu’il était atteint d’un cancer du cerveau découvert après une opération pour retirer un caillot de sang près d’un œil. Un glioblastome ne laisse pas beaucoup de chance ni de répit au patient. Il a tenu un an. Même calvaire que pour Ted Kennedy.

L’enterrement a lieu ce samedi 1er septembre 2018 à la cathédrale de Washington. John MacCain sera honoré quasiment comme un chef d’État et déjà, Jimmy Carter, George H. W. Bush et George W. Bush, Bill Clinton, Al Gore et Barack Obama (son concurrent présidentiel en 2008) sont allés lui rendre hommage, devant sa dépouille. Mike Pence, le Vice-Président des États-Unis, sera présent à l’enterrement mais pas Donald Trump dont la présence avait été refusée par John MacCain lui-même. Entre les deux, c’était deux mondes qui s’affrontaient même s’ils provenaient du même parti, le Parti républicain, deux Amérique, deux idées d’une nation.

Donald Trump, c’est le bluff suprême, le hors-la-loi, l’affairiste, le spéculateur, le fort contre le faible, ne dites pas l’ultra-libéral car les mesures protectionnistes n’ont rien de libéral. John MacCain, au contraire, c’est l’honneur, l’honnêteté, le pragmatisme, la conciliation, la réconciliation, la volonté de surpasser les différences pour permettre à tous de s’épanouir, c’est l’humanisme et la solidarité, en quelques sortes.

Un exemple pour bien montrer la différence.

Donald Trump s’en est pris de manière très primaire, pendant sa campagne présidentielle de 2016, le 30 juillet 2016, aux parents musulmans du capitaine Humayun Khan, un militaire américain d’origine pakistanaise qui avait perdu la vie en Irak en 2004 (le père avait parlé le 28 juillet 2016 à la Convention démocrate à Philadelphie, et Donald Trump s’était étonné du silence de la mère) : « Elle se tenait là, elle n’avait rien à dire, peut-être que… Peut-être qu’elle n’était pas autorisée à dire quoi que ce soit, me direz-vous. ».

John MacCain rétorqua, ulcéré, le 1er août 2016 : « J’aimerais dire à monsieur et madame Khan ceci : merci d’avoir immigré en Amérique. Nous sommes un meilleur pays grâce à vous. (…) Il est temps pour Donald Trump de donner l’exemple à notre pays et au Parti républicain. Bien que le parti l’ait nommé, cela ne lui donne pas le droit de diffamer les meilleurs d’entre nous. ». Eh oui, une petite phrase de bon sens et de grande reconnaissance, au creux d’un débat public bourré de puanteurs (de "boules puantes"), cela fait chaud au cœur, et la France n’a pas de leçon à donner aux États-Unis en termes de puanteurs électoralistes.

Mais les puanteurs, John MacCain les a connues surtout lors de sa campagne de 2000, quand le clan Bush a submergé les médias de mensonges ("fake news" !) et de calomnies à son encontre, sur sa vertu conjugale, sur sa supposée trahison au Vietnam (alors qu’il n’a trahi personne). Mais il avait le cuir, robuste, épais, qui en a connu d’autres, l’expérience d’avoir failli mourir des dizaines de fois, pas seulement au combat, parfois au bord de simples avions qui s’écrasaient. Alors, des joutes oratoires…

John MacCain n’était pas tombé lorsqu’il était petit dans la marmite de la politique. Car il était d’abord militaire, fils et petit-fils d’amiraux (de même noms et prénoms nés et morts respectivement 1884-1945 et 1911-1981) qui ont vaillamment combattu pendant la Seconde Guerre mondiale, ce qui leur a valu l’honneur de voir leur patronyme utilisé pour un destroyer lance-missiles de la Septième flotte américaine, le USS John S. McCain, mis en service le 2 juillet 1994 et toujours en opération dans les océans Pacifique et Indien (sur la dernière photo, il posait devant ce navire le 26 septembre 1996 avec sa mère, sa femme et deux de ses enfants). Deux fils parmi ses sept enfants sont également militaires (dont John Sidney MacCain IV).

Comme ses ascendants, après une formation un peu chaotique, John MacCain a poursuivi une brillante carrière militaire de 1958 à 1981. Il était au blocus de Cuba lors que la crise des missiles, et surtout, il a combattu au Vietnam. Le 26 octobre 1967, comme pilote, il fut chargé de bombarder une centrale électrique, sa vingt-troisième mission, mais son avion fut touché par un missile et, tombé à terre et blessé plusieurs fois, il fut pris par les troupes nord-vietnamiennes après un début de lynchage. Il a dû ses soins et sa vie grâce au fait que ses ennemis ont appris qu’il était le fils d’un amiral américain. On lui proposa même la libération en juin 1968 quand son père fut nommé commandant en chef de l’US Navy dans le Pacifique, mais il refusa, considérant que le code d’honneur voulait qu’il ne fût libéré qu’après ceux qui furent faits prisonniers avant lui. Il ne fut libéré qu’en mars 1973, décoré par le Président Richard Nixon à la Maison-Blanche, après plus de cinq années de prison à Hanoi, souvent d’isolement, de tortures (il n’a jamais lâché aucun nom mais a accepté de signer une confession), de souffrances, d’envie de suicide. Devenu sénateur, il est retourné dans sa prison à Hanoi le 19 octobre 1992 et y a rencontré les autorités locales. Il était alors favorable à la reprise des relations diplomatiques entre les États-Unis et le Vietnam. Ce passé de vétéran a fait de lui l’un des héros de l’armée américaine. Il quitta l’armée avec le grade de capitaine de vaisseau.

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On peut imaginer le sentiment de John MacCain envers Donald Trump quand ce dernier, le 18 juillet 2015 en Iowa, a déclaré stupidement : « C’est parce qu’il a été capturé que c’est un héros de guerre. Moi, j’aime les gens qui n’ont pas été capturés. ». Et de s’expliquer en conférence de presse : « Si une personne est capturée, elle devient un héros, selon moi. Mais elle doit faire d’autres choses aussi. Je n’aime pas le travail de John MacCain au Sénat parce qu’il ne prend pas soin de nos anciens combattants. ». Rappelons que Donald Trump n’a pas fait son service militaire (pour raison médicale selon lui).

Après sa carrière militaire, John MacCain commença une carrière politique au sein du Parti républicain. Mais comme je l’ai indiqué, il est arrivé tard sur le terrain politique puisqu’il avait déjà 46 ans. Profitant du retrait du représentant (député) républicain en Arizona, il fit campagne pour prendre la succession. Après avoir remporté les primaires de candidatures (31,8% face à un concurrent qui a obtenu 25,9%), il gagna l’élection le 2 novembre 1982 avec 65,9% des voix, et fut réélu le 6 novembre 1984 avec 78,1% des voix. Il fut donc représentant de l’Arizona à la Chambre des Représentants à Washington du 3 janvier 1983 au 3 janvier 1987.

John MacCain fut ensuite élu sénateur de l’Arizona le 4 novembre 1986 avec 60,5% des voix, pour reprendre la succession du chantre du conservatisme américain, Barry Goldwater (1909-1998), sénateur de l’Arizona de 1953 à 1987 et candidat républicain à l’élection présidentielle du 3 novembre 1964 contre le Président démocrate sortant Lyndon B. Johnson (Barry Goldwater fut soutenu à l’époque par les acteurs Ronald Reagan et John Wayne). John MacCain fut sans cesse réélu jusqu'à sa mort (sa prise de fonction ayant lieu le 3 janvier 1987, il resta ainsi plus de 31 ans sénateur) : 55,8% des voix le 3 novembre 1992, 68,8% des voix le 3 novembre 1998, 76,7% des voix le 2 novembre 2004, 58,9% des voix le 2 novembre 2010 et 53,7% des voix le 8 novembre 2016. En 2010 et en 2016, il fut toutefois sérieusement concurrencé lors des primaires de candidatures (il les remporta respectivement avec 56,2% en 2010 et 51,2% en 2016 alors que les élections précédentes, aucun candidat sérieux ne s’était opposé à sa candidature sénatoriale pour le Parti républicain).

Bien que républicain, John MacCain a toujours pensé de manière indépendante et à cause de son passé militaire, il a toujours été très franc, quitte à se retrouver en porte-à-faux avec son parti. Si dans le domaine économique, il était un libéral (modéré), il était plus progressiste que ses collègues républicains dans le domaine social et sociétal. Il approuvait les sanctions contre l’apartheid en Afrique du Sud ainsi que la légalisation des immigrés clandestins. Candidat aux présidentielles, il protesta contre la répression chinoise au Tibet, prônant son autonomie et a même reçu le dalaï-lama le 25 juillet 2008, en pleins jeux olympiques à Pékin.

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Comme représentant, il s’opposa au Président Ronald Reagan sur le maintien des troupes américaines à Beyrouth. Il fustigea le Président George W. Bush sur l’acceptation des tortures à Guantanamo (il savait dans sa chair ce qu’était la torture) et réclama la démission du Ministre de la Défense Donald Rumsfeld en 2003 après l’invasion de l’Irak en raison de la manière d’opérer (mais était partisan de la guerre en Irak et en voulut à la position des Français : « Ils me font penser à une vieille actrice des années 1940 qui essaie toujours de se faire inviter grâce à son physique, mais qui n’est plus assez belle pour ça ! »). Encore récemment, comme sénateur, il s’est souvent opposé à la politique du Président Donald Trump, notamment contre tout rapprochement avec la Russie (Vladimir Poutine l’avait même interdit de séjour en Russie depuis le 20 mars 2014, à cause de la crise ukrainienne, en riposte aux sanctions américaines).

Son appartenance politique ne l’empêchait donc pas de dire ce qu’il pensait et de tenter d’avoir une influence sur le cours des choses, ce qui fut le cas à propos de l’Obamacare (la couverture santé mise en place par Barack Obama que Donald Trump voulait démanteler) dont il évita l’abrogation partielle au Sénat le 28 juillet 2017 (le projet d’abrogation a été rejeté par 51 sénateurs contre 49, et parmi les 51, 48 sénateurs démocrates et 3 sénateurs républicains dont John MacCain et deux sénatrices républicaines). L’enjeu était important puisque, avec ce projet de Donald Trump, 17 millions d’Américains auraient pu se retrouver sans couverture d’assurance santé.

Parlementaire très travailleur (il fut cité parmi les vingt-cinq personnes les plus influentes des États-Unis par le magazine "Time" en 1997, et classé cinquième dans la liste des cent personnes les plus influentes au monde par "Time" en mai 2008), il a tenté de mieux encadrer le financement des campagnes électorales en 2001. Il fut aussi reconnu pour ses positions internationales, au point d’assister à la libération de plusieurs otages en Colombie, dont Ingrid Betancourt, invité par le Président colombien Alvaro Uribe, le 2 juillet 2008, alors qu’il était le candidat des républicains aux présidentielles.

John MacCain s’est en effet engagé dans le combat présidentiel au cours de deux campagnes, en 2000 et en 2008.

La première pour déterminer le successeur du Président démocrate Bill Clinton en 2000. Le début des primaires républicaines apporta le succès de sa candidature, contre toute prévision, dans le New Hampshire, le Michigan, et d’autres États du nord-est des États-Unis. Le favori George W. Bush remporta cependant les primaires avec 62,0% des voix et 2 058 délégués (John MacCain 31,2% des voix, soit plus de 6 millions de suffrages, et 1 délégué), et George W. Bush remporta les élections présidentielles du 7 novembre 2000. Lors du renouvellement du mandat de George W. Bush en 2004, John MacCain s’est pleinement investi pour le soutenir contre le candidat démocrate John Kerry qui était pourtant son ami (ce dernier aussi est un vétéran de la guerre du Vietnam) et qui lui avait même proposé d’être son colistier aux présidentielles.

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Après les deux mandats de George W. Bush, John MacCain tenta à nouveau sa chance aux primaires républicaines de 2008. Il a annoncé sa candidature le 28 février 2007 et fut soutenu au-delà du cercle républicain, notamment par le sénateur Joe Lieberman qui avait été le colistier (candidat Vice-Président) du candidat démocrate Al Gore en 2000, et par le général Norman Schwarzkopf, qui avait commandé les forces de la coalition lors de la guerre du Golfe en 1991. Plusieurs acteurs de cinéma de premier plan l’ont soutenu également, comme Bruce Willis, Clint Eastwood, Sylvester Stallone et Arnold Schwarzenegger (alors gouverneur de Californie).

Si en 2007, il a subi la forte impopularité du gouvernement républicain car il avait toujours soutenu la guerre en Irak, John MacCain était considéré en début de 2008 comme l’un des favoris avec l’ancien maire de New York Rudy Giuliani. Dick Morris, ancien conseiller de Bill Clinton à la Maison-Blanche, pronostiqua avec justesse, en février 2008 : « MacCain est le seul républicain à pouvoir battre Hillary Clinton. Mais s’il doit faire face à Barack Obama, il perdra. À cause de la dynamique dont bénéficie ce dernier et de leurs vingt-cinq ans d’écart ! ».

Le 8 janvier 2008, John MacCain arriva en tête, dépassant très largement Rudy Giuliani qui renonça à ses prétentions lors de son échec en Floride le 29 janvier 2008 et apporta son soutien à John MacCain, mais le conservateur Mitt Romney (qui fut le candidat républicain en 2012) le talonnait. Le Super Tuesday (le 5 février 2008) lui donna une avance décisive sur ses deux concurrents encore en course (Mitt Romney, qui s’est désisté le 7 février 2008 en faveur de John MacCain, et l’ultraconservateur Mike Huckabee). L’ancien Président George H. W. Bush et ses deux fils George W. Bush (Président sortant) et Jeb Bush (gouverneur de Floride, qui fut candidat aux primaires républicaines de 2016) apportèrent également leur soutien à John MacCain qui gagna la majorité des délégués le 4 mars 2008. Au final, durant ces primaires républicaines, John MacCain a recueilli presque 10 millions de suffrages (9,9 millions) soit 46,8%.

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La popularité de John MacCain, qui a toujours été très élevée dans les années 2000 malgré son âge avancé (72 ans au moment de l’Election Day), bénéficiait de ses positions très indépendantes et souvent très modérées qui séduisaient également la franche centriste de l’électorat démocrate. En février 2008, John MacCain était même le favori des présidentielles face aux démocrates englués dans une bataille interne sans complaisance (voire fratricide) entre Hillary Clinton et Barack Obama : dans les deux cas, les sondages lui donnaient plus d’intentions de vote qu’à son concurrent démocrate, quel qu’il fût.

Lors de la Convention républicaine à Saint-Paul (capitale du Minnesota), le 3 septembre 2008, John MacCain a obtenu officiellement l’investiture républicaine, avec 2 343 délégués contre 15 à Ron Paul et 2 à Mitt Romney. Dès le 7 septembre 2008, il annonça sur CBS (faisant du Macron futur) qu’il nommerait dans son gouvernement des démocrates. Mais le coup politique qui l’a fait progresser dans les sondages, ce fut juste avant la convention, le 29 août 2008, quand il a nommé la (jeune) gouverneure de l’Alaska, Sarah Palin, ultraconservatrice élue à ce poste le 7 novembre 2006, sans beaucoup d’expérience politique (mère de famille dans un milieu matériellement peu aisé). À ce titre et encore à ce jour, Sarah Palin fut la seconde femme candidate à la Vice-Présidence des États-Unis, après la candidature de Geraldine Ferraro, colistière de Walter Mondale en 1984 (et bien sûr, en dehors de l’unique femme candidate à la Présidence des États-Unis de l’histoire américaine, Hillary Clinton en 2016).

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Les deux derniers mois de la campagne présidentielle furent assez troublés par la grave crise financière du 15 septembre 2008. La compétence de Sarah Palin fut régulièrement mis en doute tandis que John MacCain, scandalisé par certaines attaques ad hominem contre son adversaire, a carrément pris sa défense le 10 octobre 2008 à Lakeville : « Barack Obama est une personne décente, une personne dont vous ne devez pas avoir peur si elle devient Président des États-Unis. ». À quatre semaine du scrutin, une telle déclaration était surréaliste, et a prouvé l’intégrité et l’honnêteté intellectuelle du candidat républicain. Mais peut-être pas sa suprême envie de devenir Président des États-Unis.

L’issue des élections du 4 novembre 2008, largement anticipée par les sondages, fut sans appel : Barack Obama a gagné avec 52,9% des voix et 365 grands électeurs, face à John MacCain, 45,7% des voix (soit 59 948 323 suffrages) et 173 grands électeurs issus des 22 États qu’il avait gagnés. John MacCain ne sera jamais Président des États-Unis. Comme Bob Dole. Quant à Barack Obama, malgré deux mandats, les résultats n’étaient peut-être pas en mesure de l’attente suscitée.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (29 août 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
John MacCain.
Bob Dole.
George HW Bush.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180825-john-maccain.html

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/john-maccain-conservateur-mais-pas-207229

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/08/30/36665546.html


 

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