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12 février 2025 3 12 /02 /février /2025 09:58

« La politique de la majorité nationale, avec trois priorités, vous les retiendrez facilement. La première, rétablir l'ordre. La deuxième, rétablir l'ordre. La troisième, rétablir l'ordre. Parce que je crois à l'ordre, l'ordre comme condition de la liberté. Quand il n'y a pas d'ordre, c'est la liberté d'abord qui est menacée. Je crois à l'ordre comme la condition de l'égalité. La loi du plus fort s'exerce contre le plus faible. Je crois à l'ordre comme la condition de la fraternité, comme une possibilité de la concorde civile. » (Bruno Retailleau, le 23 septembre 2024, Place Beauvau).




 


S'il y a bien eu une révélation politique depuis le début de la XVIIe législature, celle qui a suivi la dissolution de l'Assemblée, c'est bien Bruno Retailleau, nommé Ministre de l'Intérieur le 23 septembre 2024 dans le gouvernement Barnier et confirmé le 23 décembre 2024 par François Bayrou comme Ministre d'État, Ministre de l'Intérieur.

Considéré comme un représentant de l'aile droite de son parti Les Républicains, avec son petit air anachronique de vieux conservateur, l'ancien président du puissant groupe LR au Sénat s'est distingué des autres nouveaux ministres par sa personnalité et son dynamisme. Sans doute le seul nom connu des Français parmi les ministres qui ont siégé aux côtés de Michel Barnier, il a rejoint les poids lourds de la politique dans le gouvernement Bayrou aux côtés d'anciens Premiers Ministres.

La classe politico-médiatique a certainement sous-estimé les possibilités de Bruno Retailleau, qui a fait ses débuts auprès du seigneur de la Vendée, Philippe de Villiers. Pourtant, François Fillon, devenu le candidat incontournable de LR à l'élection présidentielle de 2017, donné même le favori des sondages avant "son affaire", avait largement laissé entendre qu'il nommerait à Matignon ce sénateur, clair dans des positions clivantes mais courtois dans ses relations.

Il avait surpris certains Français lorsqu'il s'était présenté contre Éric Ciotti à la présidence de LR en décembre 2022 (et contre Aurélien Pradié). À l'époque, personne n'imaginait qu'Éric Ciotti allait trahir son parti pour se vendre au RN, mais les grands élus avaient soutenu Bruno Retailleau qui rassurait et était capable d'unité. Éric Ciotti, très apprécié des militants LR, a finalement été élu, ce qui a mis LR dans la mouise après la dissolution.

Au contraire de Laurent Wauquiez, pourtant revenu à l'Assemblée en prenant même la présidence du groupe LR, Bruno Retailleau a accepté de prendre ses responsabilités et de devenir ministre même si c'était dans un contexte politique très difficile (sans majorité absolue). Il a fait preuve de courage pendant que l'ancien président du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes a préféré se planquer dans le confortable rôle d'observateur.





Les premières déclarations de Bruno Retailleau lors de son installation au Ministère de l'Intérieur, en répétant trois fois "ordre", semblaient des incantations au dieu sécuritaire et m'ont fait évidemment penser à Louis de Funès, dans l'excellent film "La Zizanie" de Claude Zidi (sorti le 16 mars 1978), maire et patron en confrontation avec Annie Girardot, sa femme maltraitée, lorsqu'il évoque son programme : « Mon programme, trois points : premièrement, le plein emploi ; deuxièmement, le plein emploi ; et troisièmement, le plein emploi ! ».





Ses débuts Place Beauvau ont été chaotiques, avec des déclarations intempestives (comme vouloir renoncer à l'État de droit, le dire est une profonde erreur quand on est membre d'un gouvernement), mais à la longue, il était à peu près le seul ministre du gouvernement Barnier à être visible, lisible, audible, à remuer ciel et terre pour renforcer la sécurité des citoyens. Le contraste avec son collègue de la Justice, Didier Migaud, était frappant, moins depuis que Gérald Darmanin s'est installé Place Vendôme. Les deux hommes semblent désormais entrer dans une saine émulation, dans une saine concurrence à celui qui en fera le plus.
 


Pour François Bayrou, très occupé jusqu'à maintenant sur les questions budgétaires, il laisse ses deux ministres s'occuper du régalien. Parfois, François Bayrou remet le débat en route, comme le vendredi 7 février 2025 sur RMC en proposant imprudemment d'ouvrir un large débat public sur ce que signifie être Français, qui n'est d'ailleurs pas sans faire penser à un autre débat ouvert tout aussi imprudemment en 2009 par un ancien grand rival, Nicolas Sarkozy, sur l'identité nationale.

Depuis près de cinq mois, son activisme lui a plutôt réussi : il semble de plus en plus apprécié par les sondés dans les enquêtes d'opinion, et on pense désormais à lui comme possible candidat LR à l'élection présidentielle.
 


Présent sur de nombreux fronts, dans les médias et sur le terrain, à l'Assemblée et au Sénat également, Bruno Retailleau était l'invité ce mercredi 12 février 2025 dans la matinale de France Inter où il a refusé d'exprimer ses intentions pour le prochain congrès de LR, un congrès de la refondation. Laurent Wauquiez, inquiet de la tournure des événements, avait envoyé il y a quelques jours une première salve d'avertissements contre son ancien ami pour rappeler un deal qui n'a pourtant jamais eu lieu : à moi le parti, à toi le gouvernement !

C'est à peine une ou deux heures après son interview sur France Inter qu'a été rendue publique la lettre que Bruno Retailleau a envoyée à tous les adhérents de LR : « J'ai décidé de me porter candidat à la présidence des Républicains. (…) Je veux faire pour mon parti ce que je fais à la tête de mon ministère : parler vrai et agir vite. ». Au moins, cela a le mérite d'être clair.

"L'entourage" de Laurent Wauquiez, également candidat à la présidence de LR (qu'il avait quittée en 2019), a répliqué immédiatement à l'AFP en affirmant que le Ministre de l'Intérieur « prend la lourde responsabilité d'ouvrir une guerre des chefs ». Comme si la présidence de LR était une chasse gardée !
 


Ce qui est surprenant, c'est que Laurent Wauquiez croit qu'il se place au même niveau que Bruno Retailleau dans une éventuelle course présidentielle. Et pourtant, il n'y a pas photo ! Laurent Wauquiez n'est pas apprécié des Français, et aucun frémissement n'a jamais eu lieu depuis toujours à son avantage, même il y a quinze ans. Parmi les handicaps qu'on lui colle à la peau, il y a celui de l'insincérité qui contraste réellement avec la sincérité de Bruno Retailleau qui n'a jamais eu d'arrière-pensée car il a toujours dit ce qu'il pensait et depuis cinq mois, il tente de faire ce qu'il disait (ce qui est beaucoup moins facile). Bruno Retailleau, au pire, on critiquera son impuissance, mais certainement pas son insincérité.

On ne s'étonnera pas que beaucoup d'anciens dirigeants de LR vont soutenir Bruno Retailleau, et parmi les premiers, un ancien président de l'UMP, Jean-François Copé, replié dans "sa" ville de Meaux, qui voit en Bruno Retailleau le candidat idéal non seulement à la présidence de LR mais aussi à la Présidence de la République. Son avantage, c'est qu'il capte un électorat tenté par le RN. Remettre Laurent Wauquiez à la tête de LR serait d'ailleurs le meilleur moyen de transformer ce grand parti d'élus (encore) en une secte crépusculaire. Si ce dernier ne veut pas de guerre des chefs, il y a une solution très simple, il lui suffit de s'effacer derrière Bruno Retailleau.
 


De toute façon, il y a des trains à ne pas rater. Aujourd'hui, il y a un moment Retailleau, et le principal concerné en est bien conscient. Pour François Bayrou, cela lui permet de renforcer la solidarité gouvernementale. L'objectif du Premier Ministre, lorsqu'il a constitué son gouvernement, c'était d'impliquer tous les chefs de parti pour éviter le désordre entre les partis gouvernementaux qui avait pourri l'action du gouvernement Barnier. Et puis, il faut bien le dire, Bruno Retailleau, c'est le seul dirigeant de LR qui reste encore audible par les Français. Les autres ont fait leur temps.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 février 2025)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
L'analyse de Bruno Retailleau après les élections de 2024.
Le candidat de l'unité ?
Bruno Retailleau.
Jean Tiberi.
Édouard Philippe.
Nicolas Sarkozy.
Laurent Wauquiez.
Aurore Bergé.
Alain Peyrefitte.
La sagesse inattendue de Jean-François Copé.
Yvon Bourges.
Christian Poncelet.
René Capitant.
Patrick Devedjian.

 


 



https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250212-retailleau.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/lr-bruno-retailleau-lance-l-259265

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/12/article-sr-20250212-retailleau.html



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8 février 2025 6 08 /02 /février /2025 03:41

« Il y a d’abord l’humiliation, dont il faut mesurer la violence et l’ampleur : Nicolas Sarkozy n’ira pas en prison mais il ne sera plus libre de ses mouvements. Sous écrou, c’est-à-dire enfermé chez lui, et contraint de négocier toute sortie avec un juge. » (Patrick Cohen, le 19 décembre 2024 sur France Inter).




 


Fallait-il donc que le mot bracelet soit désormais associé à un ancien Président de la République, en l'occurrence Nicolas Sarkozy ? Il se pourrait bien. L'information a été confirmée officiellement par la personne concernée le lendemain : Nicolas Sarkozy porte désormais, depuis le vendredi 7 février 2025, un bracelet électronique à la cheville qui a pour fonction de restreindre ses mouvements.

Ce n'est pas la première fois qu'une personnalité politique a été mise en prison en France. On peut en citer quelques-unes, sans être exhaustif : Alain Carignon, Bernard Tapie, Jean-Michel Boucheron (ex-député-maire d'Angoulême né en 1946), Patrick Balkany, Claude Guéant, Jean-Christophe Mitterrand, etc.

Mais c'est la première fois qu'un ancien Président de la République française est écroué. Quelqu'un qui a consacré plus de cinquante ans de sa vie au service des autres (oui, tous les responsables politiques se sont consacrés au service des autres, sinon, ils pourraient lézarder au soleil d'un île paradisiaque... tout le temps). Il ne fait pas de prison ferme, mais la pose d'un bracelet électronique est une humiliation particulière. Il a annoncé, par nécessité, qu'il se retirait de la vie publique. Par nécessité car il ne pourra plus être présent physiquement à d'éventuelles rencontres, réunions publiques, etc., mais aussi moralement car que pourrait-il dire, quels conseils donner lorsque lui-même n'est pas un modèle du genre ?

 


Cette mesure correspond à l'application de sa peine de un an de prison ferme, devenue définitive le 18 décembre 2024 après le rejet par la Cour de Cassation de son ultime recours, son pourvoi en cassation. Il a été condamné dans l'affaire dite Bismuth, d'une suspicion de pacte de corruption dont les seules preuves sont des écoutes téléphoniques illégales d'une conversation confidentielle entre une personne mise en examen et son avocat.

Je ne reviendrai pas sur le fond de l'affaire, n'étant ni juge ni juge de juge, même si je n'en pense pas moins, parce que la justice est la justice et si on ne la respecte pas, on ne respectera alors plus les institutions.

 


Avant l'application de sa peine, Nicolas Sarkozy, accompagné de sa femme et de sa fille, est allé passer quelques jours de vacances aux Seychelles, un déplacement de loisirs qu'il n'aura sans doute plus l'occasion, ou plutôt, le droit de faire avant une année au moins. Enfin, sauf autorisation du juge d'application des peines.

Du reste, il était de nouveau à la barre dans le très long procès du possible financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007 qui a commencé le 6 janvier 2025 et qui devrait s'achever le 10 avril 2025 au tribunal de Paris.


C'est le 28 janvier 2025, c'est-à-dire à son 70e anniversaire, que l'ancien Président a été convoqué par le juge d'application des peines pour préciser les modalités de sa peine : pose du bracelet électronique le 7 février 2025 en début d'après-midi, autorisation de sortie du domicile entre 8 heures et 20 heures, étendue jusqu'à 21 heures 30 les lundis, mercredis et jeudis pour lui permettre d'assister à son procès sur les soupçons de financement libyen (trois après-midis par semaine). Finies les sorties du week-end ou les soirées au restaurant.

 


Ce qui est notable, c'est qu'au cours de cet entretien, Nicolas Sarkozy n'aurait pas demandé au juge de bénéficier immédiatement d'une libération conditionnelle. Pourtant, la loi permet aux personnes condamnées de plus de 70 ans de pouvoir sans délai bénéficier d'une libération conditionnelle sous certains conditions. Ses avocats comptent en faire la demande, mais pas immédiatement. Pour quelle raison ? Montrer qu'il respecte la justice de notre pays ? Ou alors provoquer un sentiment de compassion voire de pitié ?

Il est vrai que ces temps trumpiens donnent son lot d'informations exceptionnelles chaque jour... mais la mise sous écrou d'un ancien Président de la République est quand même une information exceptionnelle, sans précédent dans l'histoire de la France, d'autant plus que Nicolas Sarkozy, s'il accepte la chose jugée définitivement, « continue à contester le bien-fondé de la condamnation », selon les déclarations de son avocate, Jacqueline Laffont le 7 février 2025 à l'AFP. Ce qui explique qu'il saisira « avant à la fin du mois » la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).

Dans sa chronique du 19 décembre 2024 sur France Inter, l'éditorialiste Patrick Cohen a bien analysé la gravité de l'événement : « En citoyen déchu : lui qui a voué sa vie à la politique ne peut plus se présenter à une élection, privé trois ans de droits civiques. Et il ne pourra même pas voter à la prochaine présidentielle. Il va perdre sa Grand-Croix de la Légion d’honneur, c’est la règle, ce qui n’est arrivé à aucun autre de son rang depuis Philippe Pétain. Il sera enfin le premier ex-Président à porter plainte contre la France, en demandant à la Cour européenne des droits de l’homme de la condamner pour ce procès selon lui, inéquitable. ».


 


Ce dernier a rappelé opportunément ce qui était en jeu : « Il y a dans ce dossier un point sensible, qui touche aux libertés, pas seulement celles de Sarkozy, les nôtres, à propos du secret des conversations entre l’avocat et son client. ».

Et la condamnation définitive pour corruption pourrait étonner : « Rien n’a marché : personne n’est intervenu, aucun service n’a été rendu, ni poste, ni argent, ni agenda. Mais en matière de corruption, l’intention suffit, c’est la loi. Or, ces intentions n’existent que dans les échanges privés entre Nicolas Sarkozy et son avocat et ami Thierry Herzog. Ce sont les seuls éléments à charge. Et le secret professionnel est un principe fondateur du métier d’avocat, et de l’organisation de la justice dans une société démocratique. (…) Il y a depuis le début de cette affaire un trouble que la Cour de Cassation n’a pas complètement dissipé (…). À noter, que dans notre code de procédure pénale, c’est le même article qui protège le secret des correspondances de l’avocat et le secret des sources du journaliste. ».

C'est pourquoi la décision de la Cour européenne des droits de l'homme, qui sera probablement annoncée bien après la fin de la peine de Nicolas Sarkozy, sera importante, tant pour l'honneur de Nicolas Sarkozy (mais qui s'en préoccupe politiquement aujourd'hui ?) que pour la garantie des justiciables que nous sommes tous susceptibles d'être un jour, à avoir une défense équitable.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (08 février 2025)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Un nouveau bijou pour Nicolas Sarkozy ?
Le doyen Nicolas Sarkozy.
L'honneur perdu de Nicolas Sarkozy.
Nicolas Sarkozy réagit à la dissolution dans le JDD (15 juin 2024).
Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
Discours du Président Nicolas Sarkozy le 16 décembre 2008 au Parlement Européen de Strasbourg (texte intégral).
Discours du Président Nicolas Sarkozy le 10 juillet 2008 au Parlement Européen de Strasbourg (texte intégral).

Sale temps pour Nicolas Sarkozy !
La justice harcèle-t-elle la classe politique ?
Carla Bruni.
La sagesse de Nicolas Sarkozy.
Pour qui votera Nicolas Sarkozy au premier tour ?
Bygmalion : Éric Zemmour soutient Nicolas Sarkozy.
Injustice pour Nicolas Sarkozy ?
Sarko et ses frères...
 




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250207-sarkozy.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/un-nouveau-bijou-pour-nicolas-259202

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/10/article-sr-20250207-sarkozy.html




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27 janvier 2025 1 27 /01 /janvier /2025 03:32

« Vous ne trouverez jamais, jamais non pas un euro, mais pas un centime libyen, dans ma campagne. (…) Je répondrai à toutes les questions comme je l’ai toujours fait, j’ai toujours assumé mes responsabilités et je compte bien le faire pendant ces quatre mois. » (Nicolas Sarkozy, le 9 janvier 2025 à la barre du tribunal judiciaire de Paris).



 


Drôle d'anniversaire, cette année ! L'ancien Président de la République Nicolas Sarkozy, le doyen des anciens Présidents encore en vie, fête ses 70 ans ce mardi 28 janvier 2025. S'il est arrivé au sommet de l'État à un âge "relativement" jeune, 52 ans, il n'a pas égalé l'un de ses lointains prédécesseurs, Valéry Giscard d'Estaing, installé à l'Élysée à l'âge de 48 ans, ni, bien sûr, l'un de ses successeurs, Emmanuel Macron, élu à 39 ans, détrônant Louis Napoléon Bonaparte dans le plus jeune âge à cette fonction. Attention, quand j'évoque le mot "doyen", cela ne veut pas dire "le plus âgé", car François Hollande a six mois de plus, mais le plus ancien à avoir exercé les fonctions de Président de la République.

Pour autant, Nicolas Sarkozy a toujours misé sur la jeunesse et le dynamisme, la combativité et la multiplicité des déclarations, des propositions, pour faire une carrière politique éclair. Alors, évidemment, et c'est valable pour tous les "jeunes", commencer à vieillir choque plus que des vieux de la vieille qui n'ont atteint le nirvana qu'à un âge canonique (François Mitterrand et Jacques Chirac, par exemple, mais je peux aussi citer François Bayrou aujourd'hui !).

Les rides, la fatigue, la lenteur ne l'ont encore jamais empêché de réfléchir à la vitesse de la lumière, d'avoir un mental qui tourne rapidement, de réagir au quart de tour, mais par l'apparence, voici maintenant un vieillard, qui ne s'embellit pas vraiment avec sa barbe de quatre jours assez caractéristique des bagnards ! Soixante-dix ans est en effet un âge relativement pas-trop-vieux de nos jours (François Bayrou va bientôt avoir 74 ans), mais c'est celui d'un patriarche, d'un sage, comme l'a Alain Juppé en se mettant le costume du Sage avec un grand S (membre du Conseil Constitutionnel), lui qui va avoir 80 ans cet été.

Et là, inévitablement, sourires ou fous rires s'esquissent dans l'association des deux : Nicolas Sarkozy et sage. Ce n'est pas la première association d'idée qui viendrait à l'esprit, c'est vrai, mais elle est réelle. Pire (ou mieux) : Nicolas Sarkozy sort des livres et ils sont plutôt bien écrits. Voire érudits quand il se met à parler d'art et de littérature du XIX
e siècle ! On avait mis longtemps à comprendre, à savoir que Jacques Chirac était un homme très cultivé, épris de culture asiatique, mais qui cachait bien sont jeu (dans l'avion, il lisait des revues d'art cachées par une couverture de PlayBoy pour rester fidèle à sa description d'inculte et populaire). On mettra peut-être aussi longtemps pour connaître la culture de Nicolas Sarkozy.


Évidemment, l'actualité de Nicolas Sarkozy est aujourd'hui judiciaire, je dirais multijudiciaire. Condamné déjà à de la prison ferme dans deux affaires, celle qui le préoccupe cette année n'est pas anodine : depuis le 6 janvier 2025, se tient un procès fleuve de trois mois (jusqu'au 10 avril 2025) à la trente-deuxième chambre du tribunal judiciaire de Paris qui le soupçonne d'avoir reçu 50 millions d'euros du trésor libyen de Mouammar Kadhafi pour se payer sa campagne présidentielle de 2007. Comme dans les deux autres affaires, aucune preuve ou fait sérieux n'existe vraiment, ce sont surtout des intimes convictions de juges dont on ne se permettrait pas de douter de l'impartialité malgré une "impression" d'acharnement judiciaire. Entre présomptions et preuves marquantes, il y a un fossé. Nicolas Sarkozy ne fait que rejeter catégoriquement ces accusations, et l'affaire est grave car il risque jusqu'à dix ans de prison !

Il persiste toutefois à croire en la justice de son pays, comme il l'a dit le 9 janvier 2025 pendant son procès :
« Je n’ai aucun compte à régler et certainement pas avec l’institution dont je sais pourtant qu’une partie m’a violemment combattu lorsque j’étais Président. Naïf ou enthousiaste, je fais confiance. ». Il avait pourtant exprimé deux minutes auparavant sa colère pour cette affaire : « Dix années de calomnie, quarante-huit heures de garde-à-vue, soixante heures d’interrogatoire, dix ans d’enquête. On a trouvé quoi ? Rien, me concernant. Il y a de quoi avoir la colère. Il n’y a pas eu de corruption. (…) L’argent de la corruption est le grand absent de ce procès et pour une raison simple : il n’y a pas d’argent de la corruption car il n’y a pas eu de corruption du candidat ! ».

 


Cette actualité judiciaire éclipse donc toute autre considération comme cette Arlésienne, une sorte de marronnier depuis treize ans, le retour de Nicolas Sarkozy dans la vie politique. Il faut bien comprendre qu'avoir beaucoup d'années devant soi comme ancien Président de la République est sans doute une torture. Atteindre l'Élysée est la conséquence d'une folle obsession en même temps qu'une folle ambition. Et surtout d'une folle passion, celle de la chose politique. Son locataire, au fond, ne sait faire que cela, que de la politique, et s'en priver est une véritable torture.

Il faut dire que nous étions habitués à des Présidents "finissants", soit parce qu'ils étaient malades, soit parce qu'ils étaient âgés, ou les deux : De Gaulle, Georges Pompidou, François Mitterrand et Jacques Chirac. Les trois premiers ont vécu très peu de temps après leur mandat (voire rien du tout). Le dernier a vécu encore autant que ses deux mandats (douze ans), mais dans un état de santé qui ne faisait poser aucune question sur son avenir politique.

Valéry Giscard d'Estaing a été le premier ancien Président de la République valide, en totale possession de sa forme physique et mentale, et avec un état psychologique de volonté de prendre une revanche sur le destin après son échec électoral à l'âge de 54 ans. Il aura vécu presque quarante années d'ancien Président ! Jusqu'en 2004 (pendant vingt-trois ans), il n'a fait qu'accumuler mandats électifs (conseiller général, député, député européen, président du conseil régional, président de l'UDF) et honneurs (Présidence de la Convention Intergouvernementale Européenne, Académie française). Il a même échoué à devenir maire d'une grande ville (Clermont-Ferrand).


Nicolas Sarkozy a pris ainsi la suite de cette histoire d'ancien Président "trop jeune" (il avait 57 ans en 2012), avec la même soif de revanche sur le destin. En été 2013, avec les premiers déboires judiciaires, Nicolas Sarkozy a quitté la vie politique, puis il a repris du service en automne 2014... jusqu'à reconquérir (sans trop de mal) la présidence de son parti, l'UMP qu'il a transformée en Les Républicains (VGE avait aussi pris la présidence de l'UDF de 1988 à 1995).

S'il n'a sollicité aucune nouveau mandat électif, il a fait mieux que Valéry Giscard d'Estaing puisqu'il s'est présenté à la primaire présidentielle de LR en novembre 2016 face notamment à Alain Juppé et François Fillon... et il a échoué dès le premier tour, un verdict qu'il a eu du mal à digérer mais qui lui a fait comprendre qu'il avait fait son temps, même parmi les siens. Il reste néanmoins que Nicolas Sarkozy est la dernière personnalité de droite à avoir été capable de se faire élire à la magistrature suprême depuis vingt ans, ce qui en fait un homme à part dans son camp.

Depuis cette mésaventure, Nicolas Sarkozy a définitivement renoncé à revenir dans la vie politique active, même en tant que recours, recours peu crédible d'ailleurs pour des raisons judiciaires. En revanche, il compte toujours influer sur le cours des événements, parce que la passion politique ne s'estompe pas du jour au lendemain. L'une des dernières pressions politiques qu'il a faite, c'est d'encourager son parti LR à prendre ses responsabilités et à former un gouvernement avec les macronistes dans cette Assemblée hyper-divisée : celui de Michel Barnier puis de François Bayrou.

Avant les élections législatives de l'été dernier, Nicolas Sarkozy avait montré ses bonnes capacités d'analyse politique. Interviewé par le "Journal du dimanche" le 15 juin 2024, il disait ainsi :
« J’ai l’impression de revivre la dissolution de 1997. (…) On donne la parole aux Français quand ils ne se sont pas exprimés depuis plusieurs années, pas juste après une consultation électorale. Le risque est plus grand qu’ils confirment leur colère plutôt qu’ils ne l’infirment. ». Il avait vu juste. Et il n'hésitait pas à décocher des flèches empoisonnées aux dirigeants de LR : « Les partis de Le Pen et Mélenchon feront toujours mieux que nous en termes de posture tribunitienne. Rester coincé entre ces deux forces est la certitude de la disparition. Nous avons besoin d’une droite républicaine. (…) L’autorité ne se réduit pas à un concept. L’autorité s’incarne. ».

Quant à son successeur direct, François Hollande est dans le même cas, quittant l'Élysée
à l'âge de 62 ans, ce qui est "relativement" jeune. Il s'est fait élire député de Corrèze en juillet 2024 (avec un score très médiocre puisqu'il n'a pas bénéficié d'une majorité absolue et n'a dû son élection qu'à une triangulaire PS-LR-RN). Lui aussi cultive le désir de revanche sur le destin... et compte bien retrouver la plénitude de ses pouvoirs entre 2012 et 2017. On parle pour lui de "trou de souris", ce qui fait un peu éloigné du concept de... grandeur de la France !



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Sylvain Rakotoarison (25 janvier 2025)
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Pour aller plus loin :
Le doyen Nicolas Sarkozy.
L'honneur perdu de Nicolas Sarkozy.
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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250128-sarkozy.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-doyen-nicolas-sarkozy-258735

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5 décembre 2024 4 05 /12 /décembre /2024 03:52

« Je dis aux Français qui nous regardent ou qui nous écoutent que la censure aurait de lourdes conséquences. (…) Chers collègues du nouveau front populaire et du Rassemblement national, si vous votez la censure, vous aurez fait entre vous un trait d’union qui s’appelle le renoncement national. Vous êtes le renoncement national ! Pour nous, les députés démocrates, lorsque l’essentiel est en jeu, peu importe les manœuvres politiciennes, peu importe les marchés financiers : seul compte l’avenir du pays. » (Philippe Vigier, le 4 décembre 2024 dans l'hémicycle).



 


On l'oublie un peu trop vite car les médias se penchent surtout sur les personnes et le "jeu", qui revient un peu trop souvent, de qui sera Premier Ministre, quel sera le nouveau gouvernement. Mais à la différence du 5 octobre 1962, la motion de censure qui a été adoptée le mercredi 4 décembre 2024 par la collusion de l'extrême droite et de l'extrême gauche n'a pas eu seulement pour effet de renverser le gouvernement : c'est la première fois dans l'histoire politique de la France que cette motion de censure faisait suite à l'application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, ce qui signifie aussi le rejet du texte associé, qui, ici, était le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 et, par voie aussi de conséquence, en l'absence de gouvernement, le projet de loi de finances pour 2025. Or, le rejet de ces textes budgétaires est une catastrophe économique et sociale pour les Français.

Ce qui est rigoureusement stupide, c'est que, aux yeux du RN comme de cette gauche irresponsable et cynique, la loi de finances pour 2024, adoptée l'an dernier sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était beaucoup plus antisociale etc. et pourtant, avec la censure, c'est bien ce budget 2024 qui sera reconduit automatiquement pour l'année 2025 (si la loi spéciale est adoptée avant le 19 décembre 2024). C'est cela qui est absolument grotesque et paradoxal et montre que le RN ainsi que la nouvelle farce populaire (NFP) ne se soucient pas du tout du bien-être des Français, car, je le répète, beaucoup de mesures en faveur des Français étaient consignées dans les projets de lois de finances rejetés.

Ce rappel préventif, avant le vote de la motion de censure, par certains députés et certains ministres, n'aura pas suffi à faire renoncer à ce chaos voulu par les extrémismes auquel le parti socialiste a accepté en toute conscience (et inconscience de leur rôle de parti gouvernemental) de s'associer.

D'ailleurs, les premiers concernés par cet impact économique, ce sont les agriculteurs. Ceux-ci ont muré les permanences de certains députés, notamment François Hollande, qui avaient voté ou allaient voter la censure. Bien que fréquemment protestataires, les agriculteurs ont bien compris que l'instabilité gouvernementale ne les aidait pas. Ils ont compris que les mesures dûment négociées avec le gouvernement ne se retrouveraient pas rapidement dans leur concrétisation avec cette motion de censure et que la France serait en situation politiquement si faible qu'elle ne pourrait pas efficacement s'opposer à l'accord commercial entre l'Union Européenne et le Mercosur. Protestataires, mais favorables au maintien du gouvernement, quel qu'il soit ! Car sans gouvernement, aucune avancée possible. Plus généralement, les Français ne sont pas dupes des postures politiciennes motivées par les seuls intérêts partisans, sans s'occuper de la réalité quotidienne des Français.

Trois interventions en séance publique à l'Assemblée Nationale, entre autres, ont bien énuméré les catastrophes à venir à la suite de l'adoption de la motion de censure. Elles proviennent de la séance du mercredi 4 décembre 2024, l'une est une "question" d'un député du MoDem, la seconde la réponse d'un ministre à cette "question", et enfin, la troisième est l'intervention remarquée d'un chef de groupe au cours de l'examen des motions de censure. Rappelons que cette séance publique est la dernière de l'Assemblée Nationale puisque les travaux en séances publiques dans les deux chambres du Parlement sont interrompus tant qu'un nouveau gouvernement n'est pas nommé. En revanche, les missions et commissions parlementaires continuent leurs travaux.


Le premier intervenant que je veux évoquer est Philippe Vigier (66 ans), député MoDem, ancien Ministre délégué chargé des Outre-mer du 20 juillet 2023 au 11 janvier 2024 dans le gouvernement d'Élisabeth Borne. Biologiste et docteur en pharmacie, toujours bien réélu député d'Eure-et-Loir (la quatrième circonscription, celle de Châteaudun) depuis juin 2007, il a été président du groupe UDI d'avril 2014 à juin 2017 puis du groupe Libertés et Territoires d'octobre 2018 à septembre 2020, et il a tenté de conquérir la présidence du conseil régional du Centre-Val de Loire en décembre 2015, sans succès à cause d'une triangulaire avec la liste FN.


Son intervention dans la petite séance de questions au gouvernement, l'ultime pour Michel Barnier, n'était pas vraiment une question (comme souvent quand les députés font de la politique). Elle avait surtout pour but de lister les conséquences désastreuses d'une censure à court terme sur la vie concrète des Français, et de montrer que la collusion des irresponsables et des cyniques ne se préoccupait pas de leur vie quotidienne.

Ainsi, Philippe Vigier y est allé clairement : « Voter la censure, c’est renoncer à 7 milliards d’euros supplémentaires pour les hôpitaux et à un meilleur accès aux soins partout. Voter la censure, c’est renoncer à 2 milliards d’euros pour les EHPAD et à la revalorisation des soignants. Voter la censure, c’est renoncer à de nouveaux moyens de lutte contre la fraude sociale. Vous prétendez y être attachés, mais c’est faux. Voter la censure, c’est renoncer à l’accès direct et sans ordonnance au dispositif Mon soutien psy alors que la santé mentale est une priorité. Voter la censure, c’est renoncer à la réforme de la taxe soda, le meilleur outil de prévention du diabète et des maladies cardiovasculaires chez les jeunes. Voter la censure, c’est renoncer au cumul emploi-retraite pour les médecins dont on a tant besoin dans les déserts médicaux. Voter la censure, c’est renoncer à la revalorisation des petites retraites agricoles. Voter la censure, c’est renoncer au déploiement des soins palliatifs dans les départements où il n’y en a pas. ». Évidemment, les députés populistes ont réagi avec leur mauvaise humeur à cette intervention certes polémique mais qui dit pourtant la vérité.

 


Pour la forme, il a formulé quand même sa question au Premier Ministre : « Monsieur le Premier Ministre, comment convaincre nos collègues de renoncer à l’irresponsabilité tant qu’il est encore temps ? ».

Refusant d'intervenir à ce moment des questions, préférant se réserver pour l'examen des motions de censure, Michel Barnier a laissé son Ministre du Budget et des Comptes publics Laurent Saint-Martin répondre, avec la même tonalité : « Merci pour cette intervention qui liste nombre d’éléments dont nos concitoyens seraient privés si la censure était adoptée dans quelques heures. ».

Et d'embrayer sur les agriculteurs, puis d'autres catégories de travailleurs actifs : « Qui a dit : "Pour que le monde agricole obtienne les promesses qui lui ont été faites, il a besoin d’un budget" ? Non, c’est le président de la FNSEA ! Qui a dit : "Ce qu’on attend du politique est qu’il réduise l’incertitude. Avec la censure, c’est le noir complet" ? Un représentant de la Confédération des petites et moyennes entreprises. Qui a alerté : "Attention ! 40 000 emplois vont être supprimés avant la fin de l’année" ? Le président de la Fédération française du bâtiment. ».


Par ailleurs, en raison de l'inflation et de l'effet des seuils, le projet de loi de finances pour 2025 proposait de relever ceux de 2024 en les indexant à l'inflation. Avec le rejet du texte, ce sont les seuils de 2024 qui sont gardés : « Je vous épargne, mesdames et messieurs les députés du Rassemblement national, le langage fleuri tenu ce matin par un de vos électeurs qui serait pénalisé par votre action. Les impôts augmenteraient si la censure était votée. Cessez de dire que c’est un mensonge ! En cas de censure, vous le savez, 400 000 Français deviendront imposables et 18 millions verront leurs impôts augmenter. Mesdames et messieurs les députés, réfléchissez bien ! Si vous ne le faites pas pour le gouvernement, faites-le pour ceux dont je viens de parler, faites-le pour les représentants des PME, faites-le pour les agriculteurs, faites-le pour les Français ! ». D'après les estimations, ce seraient 3 milliards d'euros supplémentaires qui s'imposeraient aux Français sur leurs revenus.

Un peu plus tard dans l'après-midi de ce mercredi 4 décembre 2024, pour expliquer pourquoi il ne voterait pas la censure du gouvernement Barnier, le président du groupe LR à l'Assemblée Laurent Wauquiez a rappelé, à sa manière, les conséquences économiques et sociales désastreuses que provoquerait la censure : « Est-ce que notre pays peut encore se payer le luxe de semaines d’instabilité gouvernementale, alors que tout est à rebâtir ? Sûrement pas ! Vous avez beau éructer, nous voilà tous face à nos responsabilités. Évidemment, chacun fera son choix en son âme et conscience et ce choix, il faudra le défendre face aux Français. Il y a une chose qu’on ne peut pas accepter ici. On ne peut pas accepter que vous expliquiez, comme vous l’avez fait ces derniers jours, que la motion de censure ce n’est pas grave. On ne peut pas expliquer avec la légèreté qui est la vôtre que la censure n’aura pas de conséquences. On ne peut pas mentir aux Français, en disant qu’il n’y aura pas de conséquences. Il y aura des conséquences, qui seront payées par les Français et ceux qui se livrent au jeu minable d’aujourd’hui devront leur rendre des comptes. ».
 


Lui aussi avait sa liste des conséquences néfastes, en commençant par les contribuables les plus précaires : « La censure, ce que vous appelez "bullshit", ce sera l’augmentation de l’impôt sur le revenu pour 18 millions de Français. Ils paieront ce prétendu "bullshit" que les députés du RN balaient d’un revers de main ! Ce sont 400 000 travailleurs qui deviendront imposables, mais qui sont le cadet des soucis des députés du groupe Rassemblement national ! Voilà la manière dont ils défendent la France qui travaille ! Une fois encore, madame Le Pen, ce sont les Français qui paieront les conséquences de votre légèreté et de votre irresponsabilité ! ».

Et de poursuivre : « La censure, c’est la fin des aides d’urgence aux agriculteurs, la fin de tout ce que vous avez cherché à construire ces dernières semaines, madame Genevard, c’est la fin des allègements de charges, la fin des exonérations de taxes et la fin de la revalorisation de leurs retraites, eux qui travaillent dur mais touchent des pensions misérables. Il est facile d’aller sur les ronds-points pour prétendre flatter les agriculteurs, puis de les abandonner une fois dans l’hémicycle ! La censure, c’est la fin du plan d’urgence pour sauver les maisons de retraite de la faillite. La censure, c’est l’abandon du cumul emploi-retraite, qui permettrait de lutter contre la désertification médicale. La censure, et je vois bien que cela vous gêne, c’est renoncer à l’augmentation des effectifs de gendarmes, de policiers et de magistrats, si indispensable quand la sécurité doit être notre priorité. La censure, c’est porter un coup d’arrêt à la loi de programmation militaire, alors même que l’Europe est menacée à ses frontières. La censure, c’est la dette qui va continuer à filer, alors même que la France, avec le désordre que vous avez conjointement créé, est désormais moins crédible que la Grèce sur les marchés financiers. On lui impose 1 point de taux d’intérêt supplémentaire et ce sont les Français qui paieront l’addition. C’est 30 milliards d’euros de dette supplémentaire et d’intérêts dans les années qui viennent, c’est trois fois le budget de la justice ! ».

Sa liste s'allongeait : « La censure, visiblement ça vous gêne encore, c’est l’aggravation de la crise immobilière. C’est la fin du prêt à taux zéro, au moment même où le marché de l’immobilier s’effondre, ce qui met en péril nos artisans et nos entreprises. La censure, c’est l’incertitude économique pour tous ceux qui prennent des risques. C’est l’incertitude pour les entreprises, c’est l’incertitude pour les PME, c’est l’incertitude pour les commerçants, c’est l’incertitude pour les artisans, c’est l’incertitude pour les professions libérales. Vous n’en avez même pas dit un mot, madame Le Pen ! Cette incertitude, c’est celle des Français qui vont hésiter à consommer demain. Je prends d’ailleurs date aujourd’hui : par votre irresponsabilité, vous enfoncerez la France dans une crise économique et financière et vous en porterez la responsabilité aux yeux des Français, qui se souviendront de ceux qui ont allumé la mèche. Un pays a besoin de stabilité. Il a besoin de stabilité, il a besoin d’un budget, il a besoin d’un gouvernement. ».

L'intervention de Laurent Wauquiez était d'une certaine hauteur de vue, car il a voulu ramener l'enjeu sur l'intérêt général de la France. Il s'est notamment beaucoup inquiété de la perte de stabilité institutionnelle avec la censure : « Rien n’est pire, pour une économie, que l’incertitude. La censure, et c’est sans doute le plus grave, c’est faire perdre à notre pays son dernier atout. La France pouvait au moins compter sur la stabilité de ses institutions, mais vous vous délectez d’une plongée dans l’instabilité. Voilà l’image que vous donnez. La stabilité de nos institutions, c’est ce qui nous a toujours protégés, si bien que même dans les crises les plus graves, notre pays demeurait gouvernable. Alors que nous dansons au-dessus d’un volcan, vous nous proposez de faire un pas de plus en direction de l’instabilité institutionnelle qui a accéléré l’agonie de la IVe République. Vous vous apprêtez à ouvrir la boîte de Pandore de l’instabilité gouvernementale. Vous réveillez les vieux démons qui viennent de l’extrême gauche de la politique française, ceux de l’impuissance, de l’instabilité ministérielle et de l’incertitude économique. Si encore vous aviez des solutions ! Vous proposez le blocage sans solutions. ».

Pris au vif par les piques de Marine Le Pen, Laurent Wauquiez n'a pas manqué de condamner la posture de celle-ci : « Que vous le vouliez ou non, il ne peut pas y avoir de nouvelles élections législatives avant l’été : c’est ça, la vérité. Pendant que se jouait cette comédie d’une insoutenable légèreté, qu’avons-nous entendu ? "Vous ne nous avez pas traités avec suffisamment d’égards", voilà ce que nous avons entendu. Qu’est-ce que cela veut dire ? Que vous vous apprêtez à jouer avec le destin de la France, que vous vous apprêtez à faire tomber un gouvernement parce qu’on ne vous aurait pas traités avec suffisamment d’égards ? Est-ce vraiment cela, être à la hauteur des enjeux ? Est-ce bien l’image que vous voulez offrir ? ».

Et de tacler tous les démagogues : « Je n’oublie rien de la responsabilité de la France insoumise. Je n’oublie rien du danger que représentent ceux qui veulent autoriser l’apologie du terrorisme. Je n’oublie rien du danger que représentent ceux qui entretiennent une complaisance détestable avec l’antisémitisme et je n’oublie rien du danger de ceux qui ont trahi Jaurès et Clemenceau. ».

La responsabilité du RN a été fermement pointée du doigt (même si, à mon sens, Laurent Wauquiez a oublié la responsabilité du PS dans cette affaire) : « Toutefois, la réalité c’est que sans vos voix, madame Le Pen, la France insoumise ne pourrait rien. La réalité, madame Le Pen, c’est que vous vous apprêtez à voter pour ceux qui traitent les policiers d’assassins. La réalité, madame Le Pen, c’est que vous vous apprêtez à voter pour ceux qui traitent les terroristes de résistants. Honnêtement, la dignité devrait vous imposer un autre comportement. Quand on lit le texte de la motion de censure, on comprend toute l’hypocrisie de son soutien : il dénonce les plus viles obsessions de l’extrême droite et vous le voteriez ? Voteriez-vous un texte qui explique qu’il ne faut pas revenir sur l’aide médicale d’État ? Voteriez-vous un texte qui explique qu’il ne faut pas de loi plus ferme au sujet de l’immigration ? Voilà, madame Le Pen, ce que vous allez faire, voilà à quelles incohérences en sont réduits, dans cet hémicycle, les semeurs de chaos. ».

 


Il faut vraiment noter que toute l'intervention de Laurent Wauquiez relevait d'une certaine déception à l'égard du RN, comme s'il avait pu compter sur ce parti extrémiste pour servir l'intérêt national (à l'instar d'un autre qui s'est complètement fourvoyé, Éric Ciotti) : « Dans un parcours politique, il y a toujours un moment de vérité. Il y a des moments où on ne peut pas duper, esquiver ou feindre. Des moments où il faut choisir entre un intérêt personnel, madame Le Pen, et l’intérêt du pays. Des moments où il faut choisir entre son intérêt partisan et le sens de l’État. Madame Le Pen, je n’ai jamais été de ceux qui vous diabolisaient. Je n’ai jamais été de ceux qui vous donnaient des leçons de morale. Je vous le dis donc avec d’autant plus de force aujourd’hui : les Français jugeront sévèrement le choix que vous vous apprêtez à faire. Les Français jugeront sévèrement ceux qui prétendent redresser le pays et choisissent le désordre. Les Français jugeront sévèrement ceux qui voulaient se montrer responsables, mais font finalement le choix de l’irresponsabilité. Les Français jugeront sévèrement ceux qui prétendaient incarner l’ordre et choisissent aujourd’hui le chaos. Emmanuel Macron porte peut-être seul la responsabilité de la dissolution mais vous porterez, avec la France insoumise, la responsabilité de la censure qui plongera le pays dans l’instabilité. Je vous le dis donc une dernière fois : ressaisissez-vous ! Ressaisissez-vous, il en est encore temps ! Ressaisissez-vous et changez votre choix ! Ressaisissez-vous, parce que sinon, nous nous souviendrons longtemps de ce jour désolant. Nous nous souviendrons longtemps, madame Le Pen, qu’une alliance des contraires, portée par le cynisme, a plongé notre pays dans l’instabilité. Ressaisissez-vous, parce qu’il est toujours temps de faire le choix de la France ! ».

Au final, malgré l'avertissement toutes ces conséquences connues par les censeurs irresponsables et cyniques, sourds à l'intérêt populaire et aux arguments rationnels de leurs collègues, la motion de censure contre le gouvernement de Michel Barnier a été adoptée par une majorité de l'Assemblée, entraînant le rejet des textes budgétaires, la démission du gouvernement, une nouvelle période d'incertitude à la fois institutionnelle, politique, sociale, économique et financière. Les Français, dans leur bon sens, seront très sévères envers ces oiseaux de malheur qui ne cherchent qu'à détruire la France, diviser le peuple et semer la haine et la désolation dans tout le pays.



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (07 décembre 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Motion de sangsue : les conséquences économiques désastreuses de la censure.
Philippe Vigier.
Laurent Wauquiez.
Emmanuel Macron face à ses choix.
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 décembre 2024 (texte intégral).
La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !
L'émotion de censure de Michel Barnier.
La collusion des irresponsables.
Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
PLF 2025 : la majorité de rejet !
Michel Barnier : déjà deux mois !
François Guizot à Matignon ?
5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
Doliprane : l'impéritie politique.
Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
La quadrature du cercle de Michel Barnier.
 


https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241204-wauquiez.html

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/09/article-sr-20241204-wauquiez.html



 

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13 septembre 2024 5 13 /09 /septembre /2024 03:33

« Vous me connaissez : vous savez que j’ai la République chevillée au corps. Tranquillement, sereinement, et avec détermination, je resterai fidèle à ce que je suis : attaché aux institutions, au rôle du Parlement, à la séparation des pouvoirs, à l’indispensable bicamérisme. Sur chacun de ces points, je ne serai pas simplement intransigeant : je serai extrêmement exigeant ; attaché, aussi, aux valeurs qui ont motivé mon engagement politique et mon engagement social. » (Gérard Larcher, le 1er octobre 2020 au Sénat).




 


Le Président du Sénat Gérard Larcher fête son 75e anniversaire ce samedi 14 septembre 2024. Élu pour la première fois à la Présidence du Sénat le 1er octobre 2008, et après une interruption entre octobre 2011 et octobre 2014 où il a dû céder la place au socialiste Jean-Pierre Bel (le Sénat était alors de gauche), il entame depuis sa réélection d'octobre 2023 son cinquième mandat de trois ans. À ce titre, il commence à faire partie des Présidents du Sénat les plus longs tant de la Cinquième République que de toutes les républiques, même s'il a encore de la marge pour atteindre les premiers deux records.

Le premier, c'est celui du centriste Alain Poher au Plateau pendant vingt-quatre ans (huit mandats entre octobre 1968 et octobre 1992), et le deuxième, mais enjambant les deux dernières républiques, le radical Gaston Monnerville, vingt et un ans (entre mars 1947 et octobre 1968). Cette fonction correspondant au deuxième personnage de l'État, devant le Premier Ministre et le Président de l'Assemblée Nationale (en l'occurrence, depuis 2022, la Présidente de l'Assemblée), et a en quelque sorte le rôle du Vice-Président puisqu'il assure l'intérim présidentiel en cas de vacance de la Présidence de la République (cela s'est produit deux fois, en 1969 et en 1974, et a failli se produire une fois encore en 1994). C'est aussi le modèle américain, mais à l'envers, le Vice-Président est élu en même temps que le Président et a pour rôle de présider le Sénat. De Gaulle l'avait regretté lorsqu'on a rédigé la Constitution de la Cinquième République et voulait donner au Premier Ministre cette charge d'assurer l'intérim présidentiel, ce qui lui fut refusé car le Premier Ministre n'était "que" nommé par le Président et n'avait pas de légitimité personnelle directe dans notre démocratie représentative.

Gaston Monnerville et Alain Poher face à De Gaulle, Alain Poher face à François Mitterrand, Gérard Larcher face à Emmanuel Macron... les Présidents du Sénat ont souvent été des opposants institutionnels au pouvoir exécutif, mais des opposants courtois, polis, posés, qui n'ont rien à voir avec des opposants débraillés, criards et vulgaires comme on a pu en voir depuis 2017 parmi les députés. Il ne faut pas d'ailleurs que le Président du Sénat soit un représentant trop partisan ni un présidentiable car sa personnalité pourrait effacer celle du Sénat. C'est d'ailleurs pour cette raison qui l'a emporté, à sa première élection, sur un ancien Premier Ministre, Jean-Pierre Raffarin. C'est aussi pour cette raison qu'il a toujours refusé Matignon sous Emmanuel Macron.

La personnalité de Gérard Larcher se prête aux comportements consensuels et au fil de ses réélections, il a réussi à élargir sa base électorale, des sénateurs d'autres groupes que la majorité sénatoriale n'hésitant pas à voter pour lui car il représente bien les sénateurs. Quand j'écris qu'il représente bien les sénateurs, il ne faut pas croire que c'est par sa corpulence, au point même qu'il peut être victime de grossophobie parmi des enragés d'un antiparlementarisme anachronique et populiste. Il représente bien les sénateurs car il a réussi à incarner le Sénat dans sa diversité mais aussi dans son importance institutionnelle : au contraire de l'Assemblée tributaire des modes, des polémiques, des colères des électeurs, les sénateurs peuvent se permettre de prendre le temps de la réflexion, d'étudier beaucoup plus profondément des sujets alors que les députés seraient tentés de raisonner par idéologie ou consigne de partis. Des lois comme les premières lois de bioéthique ont été concoctées par des sénateurs, pas par des députés.

 


Il ne faut pas s'y tromper : la bonhomie n'exclut pas la détermination et la fermeté. Gérard Larcher a pris tout son rôle depuis 2022 et l'absence de majorité à l'Assemblée, encore plus depuis 2024, pour faire le lien entre les acteurs et éviter les crises éventuelles (politiques ou institutionnelles). Il s'amuse à dire que les sénateurs ne disent jamais oui par consigne de parti ni non par idéologie. Ce qui les rend plus indépendants et libres que les députés. Il a du reste noué des liens solides avec la Présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet.

Gérard Larcher a su formuler assez précisément sa doctrine sur le rôle du Sénat le 2 octobre 2017 lorsqu'il a été réélu pour la deuxième fois, contre-pouvoir mais pas anti-pouvoir, pas sans un coup de griffe à Emmanuel Macron qui venait d'être élu : « Le Sénat est, à mes yeux, le stabilisateur institutionnel indispensable à une démocratie apaisée. Il protège les citoyens des lois de pulsion votées dans la précipitation, sous la pression populaire ou médiatique du moment, des excès éventuels de l’exécutif influencé par la proximité d’élections nationales ou par sa chute dans des enquêtes d’opinion. C’est ce contre-pouvoir qu’incarne le Sénat. Un contre-pouvoir exigeant, qui n’est jamais un anti-pouvoir et qui sait s’opposer avec discernement, sans les excès des postures partisanes, qui n’ont jamais été dans sa nature. Notre ambition, ce doit être l’intérêt de la France. La force du Sénat est aussi de savoir résister aux artifices temporaires de communication ou aux effets de mode qui parfois caricaturent le passé, idéalisent le présent et feraient croire qu’on passe soit de "l’ombre à la lumière", soit de "l’ancien monde au nouveau monde" ! ».

 


Jeudi 12 septembre 2024, c'était donc tout naturellement que Gérard Larcher a accueilli, aux côtés de Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, et Laurent Wauquiez, président du groupe LR à l'Assemblée ("Droite républicaine"), le nouveau Premier Ministre Michel Barnier (issu du même parti), invité au dernier moment aux Journées parlementaires LR à Annecy. Cela semblait d'ailleurs être la foire aux ministères, laissant croire que LR avait gagné les élections législatives voire avait même obtenu la majorité absolue. Gérard Larcher, ancien Ministre du Travail sous Jacques Chirac, n'a jamais voulu diriger de gouvernement. Son truc, c'est le contre-poids du Sénat. Il est souvent présent dans les médias pour exprimer avec force le point de vue des sénateurs, dont le rôle essentiel est le lien des territoires avec les citoyens et le pouvoir central.

Comme Michel Barnier, Gérard Larcher a de l'ancienneté dans la vie politique. Vétérinaire spécialiste des chevaux, il a eu son premier mandat en 1979. Maire de Rambouillet, sénateur depuis 1986, il n'hésite pas à chercher de nouveaux talents pour les encourager dans leurs engagements politiques. Sans nul doute que dans le moment trouble que nous connaissons depuis ces derniers mois, sa figure de stabilité et de référence comptera dans les prochaines semaines pour éviter la crise et le blocage. À 75 ans, il est encore aussi enthousiaste que lorsqu'il était le benjamin de la haute assemblée (à l'âge de 37 ans). Il aura du mal à s'y faire : dans deux ans, ce vieillard n'aura même plus le droit de lire Tintin !



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 septembre 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Gérard Larcher, protecteur des institutions.
Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
Gérard Larcher réélu en 2023.
Gérard Larcher réélu en 2020.
Gérard Larcher réélu en 2017.
René Monory.
Christian Poncelet.
Jean-Pierre Bel.
Alain Poher.
Élections municipales de 2020.
Élections sénatoriales du 24 septembre 2023.
Élections sénatoriales du 27 septembre 2020.
Élections sénatoriales du 24 septembre 2017.
Élections sénatoriales du 28 septembre 2014.

 




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240914-gerard-larcher.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/gerard-larcher-protecteur-des-256622

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/12/article-sr-20240914-gerard-larcher.html


 

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21 juin 2024 5 21 /06 /juin /2024 03:13

« Moi, j'ai confiance dans le peuple ! C'est le geste le plus démocratique et républicain qu'il soit, celui que j'ai fait. C'est de dire à vous toutes et tous : il y a une colère qui s'exprime, moi, je l'entends. Et je vous dis, quel que soit le résultat, de toute façon, il y aura un jour d'après. (…) Moi, j'ai confiance dans le bon sens. Je pense qu'il y a une majorité silencieuse qui, comme vous, ne veut pas les extrêmes et qui, comme vous, ne veut pas que ce soit le désordre. » (Emmanuel Macron, le 18 juin 2024 après la commémoration de l'Appel du 18 Juin).





 


J'ai écrit que la dissolution de l'Assemblée Nationale et la campagne éclair des élections législatives faisaient ressortir les vieux dinosaures de la vie politique. C'est le cas de François Hollande (qui se présente dans une coalition de gouvernement avec le NPA et FI !), c'est aussi le cas de Lionel Jospin qui, tous les deux, aveuglés par la peur d'un gouvernement RN, sont prêts à s'allier avec ce qu'il y a de plus abject à l'extrême gauche (l'histoire le rappellera un jour très sévèrement). C'est le cas aussi de Manuel Valls qui, au nom de la même gauche que celle des deux précédents (Manuel Valls était le conseiller à Matignon de Lionel Jospin et le Premier Ministre de François Hollande), a condamné avec force la nouvelle farce populaire autant que l'extrême droite pour soutenir le camp présidentiel.

Mais c'est bien sûr aussi le cas à droite et au centre droite. Du trio des ténors de l'UMP puis de LR qui ont dominé la droite républicaine pendant deux décennies, seul Alain Juppé est soumis à son obligation de réserve en raison de son appartenance au Conseil Constitutionnel (qui statue sur la régularité des élections législatives), mais les deux autres ont réagi aux événements politiques accélérés de ces derniers jours, l'ancien Président de la République Nicolas Sarkozy le 15 juin 2024 dans une interview au "Journal du dimanche" (interrogé par Geoffroy Lejeune et Antonin André), et l'ancien Premier Ministre François Fillon, qui avait pourtant tourné la page de la politique, le 18 juin 2024 dans une tribune au journal "Le Figaro". Ces deux ténors majeurs de LR ne disent d'ailleurs pas tout à fait la même chose.

 


Pour les deux, comme pour Lionel Jospin et comme pour beaucoup de Français, il y a une incompréhension de cette dissolution. L'effet d'une douche froide. Mais après tout, De Gaulle avait fait la même chose deux fois en dix ans. Lire à la fin de l'article la justification présidentielle.
 


Nicolas Sarkozy ne comprend pas cet appel aux urnes quelques heures seulement après les élections européennes qui étaient déjà une écoute du peuple : « Donner la parole au peuple français pour justifier la dissolution est un argument curieux puisque c’est précisément ce que venaient de faire plus de 25 millions de Français dans les urnes ! On donne la parole aux Français quand ils ne se sont pas exprimés depuis plusieurs années, pas juste après une consultation électorale. ».

Et d'ajouter qu'il est peu probable que les Français ne disent pas la même chose en trois semaines d'intervalle : « Le risque est plus grand qu’ils confirment leur colère plutôt qu’ils ne l’infirment. ». Mais cela n'a pas beaucoup de sens de commenter la pertinence de la dissolution, car elle s'impose à tous.


D'où cette sentence contre la décision présidentielle : « Cette dissolution constitue un risque majeur. Pour le pays, déjà fracturé, parce que cela peut le replonger dans un chaos. Et pour le Président, à qui il restait trois ans de mandat, et dont j'aurais préféré qu'il les utilisât pour accomplir ce que les Français souhaitent. ». Ces propos sont un tantinet démagogiques, mais il faut remarquer l'emploi de l'imparfait du subjonctif, très rare dans la classe politique et chasse généralement gardée de Raymond Barre et de Jean-Marie Le Pen).

L'ancien Président de la République a notamment regretté de ne pas avoir assez influencé Emmanuel Macron sur les thèmes de la droite nationale : « C'est le plus important, je n'ai pas réussi à le convaincre que la matrice politique de la France s'incarnait dans ces trois mots : identité, sécurité, autorité. ». Ce à quoi Lionel Jospin a répondu : « Liberté, égalité fraternité » !

 


Sur l'éviction du président de LR Éric Ciotti, Nicolas Sarkozy ne partage pas son point de vue d'une alliance LR-RN parce qu'il considère que cela serait suicidaire pour LR dans la situation actuelle. Il s'est opposé à la fois sur le fond (pas d'alliance avec le RN) et sur la forme (il n'avait pas à prendre la décision arbitrairement tout seul) : « Je suis attaché à mes convictions. Je ne partage pas les siennes, mais pourquoi ne pourrait-il les défendre ? En revanche, il a eu le tort de trancher un débat avant qu'il ait pu prospérer. ». Du reste, des personnalités comme Gérard Larcher et Bruno Retailleau se sont senties trahies personnellement par Éric Ciotti alors qu'ils l'avaient eu au téléphone très peu de temps avant sa déclaration d'alliance.

Pour autant, Nicolas Sarkozy rejette toute diabolisation du RN car cela ferait son jeu. Il faut le combattre politiquement, pour les mesures qu'il défend, et pas moralement : « Le RN a fait un travail sur lui-même qui est indéniable. Combattre le Rassemblement national comme s'il n'avait pas changé, comme s'il y avait toujours le Jean-Marie Le Pen "du détail", serait une erreur grossière... ».


En revanche, l'ancien locataire de l'Élysée veut diaboliser la nouvelle farce populaire avec ses partis extrémistes : « LFI par son communautarisme, ses propos aux limites de l'antisémitisme, son engagement militant auprès du Hamas, est beaucoup plus problématique aux regards des règles républicaines que le risque fantasmé de peste brune. ». Ainsi, entre la peste RN et le choléra NFP, il a probablement déjà choisi même s'il ne le dit pas explicitement.

Quant à l'union des gauches, Nicolas Sarkozy l'a toujours envisagée et c'est probablement l'erreur politique d'Emmanuel Macron, elle s'est faite en juin 2022 malgré plusieurs candidats à l'élection présidentielle. Et il a rappelé : « Je n'ai jamais douté que la gauche referait son unité. Déjà en 2012, Jean-Luc Mélenchon s'était précipité dans les bras de François Hollande en dix minutes. Parce que quand le pouvoir est à portée de main, la gauche se rassemble. ».

Nicolas Sarkozy s'est fait également directeur des ressources humaines et a commenté l'ambition démesurée de Jordan Bardella : « [Il] a du talent (…). Il lui reste, et c'est une grande question, à combler un manque d'expérience puisqu'il n'a jamais été en situation de gérer quoi que ce soit, et qu'il a moins de 30 ans. ».

Lui qui avait tenté de convaincre Emmanuel Macron de faire un véritable contrat de gouvernement entre LR et la majorité présidentielle en 2022, il reste donc sur une position intenable : ni NFP, ni RN, ni Macron. Aujourd'hui, LR n'existe plus parce que ce parti a implosé par le ciottisme. Il lui faudra effectivement choisir entre ces trois "blocs" (terme que je n'aime pas du tout car cela fait comme si on bétonnait la vie politique, même s'il y a une belle référence historique avec le Bloc national de Clemenceau en novembre 1919).

 


Parlons maintenant de la tribune de François Fillon. La position de l'ancien candidat à l'élection présidentielle de 2017 est un peu différente même s'il rejette à la fois le RN et le NFP. Lui-même au soir du premier tour de l'élection présidentielle de 2017 avait été très clair : il avait appelé sans hésitation à soutenir Emmanuel Macron au second tour pour empêcher l'éventualité de l'élection de Marine Le Pen (beaucoup au sein de LR avaient été bien moins clairs à l'époque).

Toutefois, il faut aussi se souvenir qu'Éric Ciotti est un bon ami de François Fillon. Dans sa querelle fratricide contre Jean-François Copé au sein de l'UMP en 2012-2013, François Fillon avait pu compter sur le soutien indéfectible d'Éric Ciotti.

Comme pour l'ancien chef de l'État, l'ancien Premier Ministre a d'abord sérieusement attaqué l'alliance à gauche : « Le nouveau programme commun de la gauche fait apparaître celui de 1981 comme une bluette social-démocrate. Le comportement de LFI depuis son irruption à l'Assemblée est incompatible avec notre pacte républicain. ».

 


Mais il a aussi critiqué très vertement les idées du RN : « Je persiste à penser que l'extrême droit, malgré sa mue, n'est pas en mesure de redresser notre pays. Mais, pire encore, l'extrême gauche qui menace l'unité nationale doit être implacablement sanctionnée par les urnes. ». Le "pire encore" donne une idée de sa position s'il devait choisir entre les deux extrémismes.

Enfin, troisième pôle de refus politique, ne pas se soumettre à Emmanuel Macron : « Il faudra beaucoup d'efforts au chef de l'État pour éteindre le feu électoral qu'il a sciemment allumé. ». Toute l'opposition à Emmanuel Macron réside dans ce "sciemment".

Faut-il retourner aux sources de la Cinquième République ? Je rappelle donc qu'après la décision de dissoudre l'Assemblée prise par De Gaulle le 9 octobre 1962 (à la suite de l'adoption d'une motion de censure contre le gouvernement de Georges Pompidou), la plupart des députés gaullistes étaient sidérés et considéraient cette initiative de la dissolution comme un suicide collectif (on parle aussi de suicide politique pour le référendum du 27 avril 1969). Les ministres sortants se préparaient à la défaite électorale, retrouvaient un emploi à leurs conseillers et se disaient que c'était déjà pas mal d'avoir gouverné quatre ans en résistance au régime des partis.
 


La réponse d'Emmanuel Macron est très claire, puisque beaucoup de Français l'ont interrogé sur le sujet. Ainsi, le 18 juin 2024, sur l'île de Sein, il répondait à une dame très inquiète (et pas du tout impressionnée) : « Quelle a été la conviction du Général De Gaulle en 1940, puisque vous faites référence à cette mémoire ? Une confiance dans les Françaises et les Français, forte. Le chaos, il est lié à quoi ? À certains élus de la République qui, chaque semaine, au Parlement, font le désordre et donnent un spectacle qui n'est pas celui que vous voulez et que je ne veux non plus. Vous ne pouvez pas continuer comme ça. Il faut regarder les choses en face. Et qu'il y ait eu un coup de colère, vous savez, je suis le premier à qui ça a fait mal le 9 juin. Les résultats. Je l'ai pris vraiment pour moi, ça m'a fait mal. Et donc, en mon âme et conscience, c'est une des décisions les plus lourdes que j'ai eu à prendre, Madame. Si je pensais à moi, vous savez, je serais resté à mon bureau et j'aurais dit : on va continuer comme si de rien n'était. Mais on doit ouvrir les yeux. On ne peut pas laisser monter les extrêmes et la colère en disant : c'est comme si de rien n'était. Et donc, moi, j'ai confiance dans le peuple ! C'est le geste le plus démocratique et républicain qu'il soit, celui que j'ai fait. C'est de dire à vous toutes et tous : il y a une colère qui s'exprime, moi, je l'entends. Et je vous dis, quel que soit le résultat, de toute façon, il y aura un jour d'après. Sur les sujets de sécurité, de fin de mois, on devra aller beaucoup plus vite et plus fort parce qu'il y a une partie de cette colère qui est liée à cela. Mais je dois redemander un vote de confiance aux Françaises et aux Français. Mais moi j'ai confiance dans le bon sens. Je pense qu'il y a une majorité silencieuse qui, comme vous, ne veut pas les extrêmes et qui, comme vous, ne veut pas que ce soit le désordre. Donc, je ne l'ai pas fait pour moi, je ne l'ai pas fait sur un coup de sang, ce n'est pas un coup de dés, c'est un geste de confiance républicain. On ne peut pas craindre le peuple dans une démocratie. (…) Mais pourquoi vous voudriez qu'il y ait le chaos ? Il y a le chaos quand les choses se bloquent. On a connu tous ensemble les gilets jaunes, et on l'a connu pourquoi ? Parce que les gens n'adhéraient plus aux réformes, la vie était dure. Il y a quelque chose qui a émergé, d'ailleurs qu'on a eu du mal à anticiper, il a fallu le régler, ça a mis quelques mois. Mais pour les élections, ce n'est pas le chaos, c'est la démocratie. Et donc, elle suppose le respect. Encore une fois, moi, j'ai confiance en l'intelligence des Françaises et des Français. ».

Cet esprit de la pratique des institutions, c'est celui de De Gaulle en 1962, en 1968 et en 1969, c'est aussi celui de François Mitterrand en 1992 et c'est celui de Jacques Chirac en 2005. Aller aux urnes pour écouter le peuple, même quand le peuple est en colère, surtout quand le peuple est en colère. Au moins, on ne pourra pas le reprocher à Emmanuel Macron. Il ne reste plus qu'à mobiliser la "majorité silencieuse" ! Vaste affaire en si peu de temps.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (18 juin 2024)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Nicolas Sarkozy.
François Fillon.
Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
Sidération institutionnelle.
Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

 




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240618-sarkozy-fillon.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-6-nicolas-255311

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/20/article-sr-20240618-sarkozy-fillon.html


 

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13 juin 2024 4 13 /06 /juin /2024 03:07

« Quand on lève la garde pour se protéger le visage, on expose son cœur. Et inversement. » (Jo Nesbo, 2021).



 


Ce qui se passe chez Les Républicains depuis les élections européennes pourraient faire rigoler à grands éclats. En effet, la journée du mercredi 12 juin 2024 restera certainement dans toutes les mémoires tant dans la rubrique humour que dans la rubrique politique.

L'épisode (j'y reviendrai juste après) d'un président de parti enfermé dans son bureau et empêchant ses collègues de s'introduire dans le bâtiment, un peu comme les gosses le feraient dans une cour de récréation, me faisait penser à cette excellente bande dessinée de Christian Binet, l'auteur de la série des Bidochons, intitulée "Monsieur le Ministre" (en deux tomes). À un moment, les jeunes du parti veulent prendre le pouvoir en interne, alors ils se rebellent contre les vieux (les caciques qui dirigent le parti) et s'enferment dans les toilettes. Suit alors une négociation pour qu'ils rouvrent la porte des toilettes, etc. Le très observateur Binet faisait référence à la séquence des Rénovateurs de l'opposition, entre avril et juin 1989, où les jeunes loups quadragénaires de l'UDF et du RPR (dont Dominique Baudis, Michel Noir, François Bayrou et Philippe Séguin) voulaient mettre dehors Jacques Chirac et Valéry Giscard d'Estaing.

D'autres mettent un parallèle avec la guéguerre entre Jean-François Copé et François Fillon pour s'emparer de la présidence de l'UMP en 2012-2013. Mais je pense que c'est beaucoup plus grave que cela. Ici, il ne s'agit pas de la tambouille interne d'un parti politique, mais de candidatures pour les élections législatives et donc, à terme, pour un futur gouvernement. Cela ne concerne donc pas seulement les adhérents (raréfiés) d'un (désormais petit) parti politique, mais l'ensemble des Français.

J'écris "vaudeville", j'écris "rigoler", et on a raison de rire, un rire nerveux, car peut-être que les temps vont être durs, mais en fait, ce n'est pas drôle du tout, c'est même très grave et j'aurais même tendance à penser que ce qui se passe aux LR est une déflagration encore plus grave que celle provoquée par la dissolution.

Venons-en aux faits. Après l'allocution du Président Emmanuel Macron, le président de LR, Éric Ciotti, conformément à la doctrine de ce parti depuis 2017, a annoncé dès le soir du 9 juin 2024 qu'il n'était pas question de faire alliance avec la majorité présidentielle. Pas de surprise, mais surtout, pas de réaction hostile de la part des hiérarques de LR. Et puis, est venue cette (malheureuse ?) déclaration d'Éric Ciotti interrogé au journal de 13 heures le mardi 11 juin 2024 sur TF1. Il a annoncé vouloir faire une alliance entre LR et le RN, afin de présenter des candidatures uniques dans toutes les circonscriptions : « Nous avons besoin d'une alliance. Il faut une alliance avec le RN, ses candidats. Je souhaite que ma famille aille dans ce sens. ».

En quelque sorte, voyant le vent favorable au RN, il voudrait que les favoris lui fassent une place. Allez, Françoise Hardy manque, petit intermède (il y en aura deux autres dans cet article qui poursuit l'hommage à la chanteuse).

« Fais-moi une place

Dans ton avenir
Pour que j'ressasse

Moins mes souvenirs »





Le raisonnement d'Éric Ciotti est cynique mais réaliste : face à trois blocs importants, le RN, la majorité présidentielle et la gauche qui s'est unifiée comme par magie (j'y reviendrai dans un autre article), Les Républicains ne peuvent pas rester seuls dans cette aventure électorale et risquent de tout perdre, de n'avoir plus aucun député. Dans la tradition de la Cinquième République, il leur faut donc faire alliance. Ce raisonnement est à mon avis tout à fait pertinent et valable, mais c'est la conclusion qui devient complètement débile.

Car pour lui, LR doit donc s'allier au RN. Pas de candidature opposée à l'un ou à l'autre dans les circonscriptions. Marine Le Pen, qui s'est réjouie de cette prise de position, a tout de suite dit ok et, du coup, a jeté à la poubelle ses débuts de négociation avec Reconquête commencées lundi. Pour Éric Ciotti, dont la circonscription niçoise doit être très RN au lendemain des européennes, c'est la consécration.

Pourtant, politiquement, c'est débile parce que le programme économique d'Éric Ciotti est diamétralement opposé aux vagues déclarations faites sur le sujet par le RN : il souhaite instaurer l'ultralibéralisme, supprimer quasiment tous les impôts mais aussi les dépenses publiques.

Les réactions ne se sont pas fait attendre ! Tous les autres responsables LR ont condamné sans appel cette prise de position. Tous, sans exception, en particulier, bien sûr, Valérie Pécresse, Michel Barnier et Xavier Bertrand, ainsi que Gérard Larcher, ce qui était prévisible, mais aussi Laurent Wauquiez (qu'on n'entendait plus), Bruno Retailleau, Geoffroy Didier, même Nadine Morano, Brice Hortefeux, encore François-Xavier Bellamy et Cécile Imart, les acteurs LR des européennes. Tous ont condamné mais on ne sait pas toujours pour quelle raison, car il y a deux motifs à condamnation.

Le premier est à la fois moral et politique : il n'est pas question que Les Républicains fassent alliance avec le parti de Jean-Marie Le Pen, fondé par des anciens de l'OAS qui voulaient la peau de De Gaulle. Le second est moins clair, surtout procédural, certains s'indignent qu'Éric Ciotti prenne une décision si lourde de sens sans concertation, sans consulter le bureau politique, sans consulter les adhérents, bref, comme un autocrate, comme l'a très bien décrit sur tous les plateaux de télévision la maire de Taverny Florence Portelli, vice-présidente de LR. D'un côté le fond, de l'autre la forme, mais les deux se rejoignent.

Le problème de LR, c'est qu'Éric Ciotti est le président élu par les adhérents et que rien ne l'empêche de le rester. Problème juridique fort comme c'était le cas pour François Fillon désigné candidat à l'élection présidentielle par la primaire et rien juridiquement ne permettait de l'évincer. L'épreuve de force a donc eu lieu.


Le lendemain, mercredi 12 juin 2024, c'était la guerre des tranchées. En prévision du grabuge, Éric Ciotti a fait évacuer le siège de LR de tous ses permanents censés désormais travailler en télétravail. À midi, les portes du bâtiment se sont fermées, place du Palais-Bourbon. L'idée était motivée par la réunion prochaine d'un bureau politique contre lui. Qu'importe, les membres du bureau politique se sont installés pas très loin, rue Las-Cases, au Musée Social (cela ne s'invente pas, même dans les plus mauvais romans d'anticipation politique).

Résultat : la réunion du bureau politique de LR a été tenue, sans Éric Ciotti, et l'a exclu de LR pour avoir pris la décision de s'allier au RN. Ces membres du bureau politique ont d'ailleurs rappelé la célérité avec laquelle Éric Ciotti avait voulu exclure les membres de LR qui avaient rejoint Emmanuel Macron entre 2017 et 2022. Pendant ce temps, Éric Ciotti était dans son bureau au siège de LR et y est resté, bunkérisé ! Les responsables LR lui ont retiré les codes des comptes Twitter et de la boîte email de LR, ont retiré le chauffeur, si bien que pour retourner à Nice, Éric Ciotti devra prendre un taxi jusqu'à l'aéroport (quelle horreur !), etc. On retrouve ici les petites misères et humiliations que l'on peut trouver dans les affaires de harcèlement dans les entreprises.
 


Éric Ciotti a refusé ce verdict et a rappelé qu'il a été élu président de LR par les adhérents et que beaucoup d'adhérents lui ont apporté leur soutien, ce qui est plausible d'ailleurs. J'y suis, j'y reste ! Il y a désormais un choc de deux légitimités. Ah, la nostalgie d'une équipe soudée (comment, il n'y en a jamais eu ?). Qu'importe, deuxième intermède avec toujours Françoise Hardy.

« C'est le temps de l'amour
Le temps des copains
Et de l'aventure
Quand le temps va et vient
On ne pense à rien
Malgré ses blessures »






La situation est donc très grave car dans ce choc de légitimité politique, il y a des investitures qui doivent être données de manière urgente (le dépôt des candidatures se termine le 16 juin 2024). Ainsi, il y a une commission des investitures LR qui provient du bureau politique et refuse tout candidat LR voulant faire alliance avec le RN, tandis qu'Éric Ciotti lui-même délivre des investitures à "ses" candidats LR sur le terrain. De quoi rendre confus les choses non seulement auprès des électeurs, les leurs, mais aussi auprès des cadres locaux de LR. Quel pourrait être l'argumentaire de campagne avec des positions si différentes ?

En gros, on a un Éric Ciotti qui est exclu de LR mais tout en restant président de LR. Le bureau politique a pourtant annoncé qu'une présidence collégiale était mise en place (ce n'est pas la première fois !) avec la députée Annie Genevard, secrétaire générale de LR, et François-Xavier Bellamy, l'ancienne tête de liste LR aux européennes.

Cela me fait penser à 2015 quand Marine Le Pen avait fait adopter par le bureau politique du FN l'exclusion de son père, Jean-Marie Le Pen, mais juridiquement, ce dernier restait tout de même le président d'honneur du FN car c'était inscrit dans les statuts du FN (les statuts, c'est l'équivalent d'une constitution pour un parti politique, c'est difficile de les modifier, il faut l'accord des adhérents au cours d'une assemblée générale ou congrès).
 


Ces événements sont graves pour Les Républicains car ils remettent en cause leur propre existence. Petite séquence nostalgie : dire que LR était ce gros mastodonte UMP qui était hégémonique dans les institutions avec 358 députés sur 577 ! Tout cela est bien fini, depuis 2017, la fleur a fané vite, et 2024 pourrait en être le point final. Comme pour l'amie la rose. Troisième et dernier intermède avec hardyesse.

« Je me suis épanouie
Heureuse et amoureuse
Aux rayons du soleil
Me suis fermée la nuit
Me suis réveillée vieille
Pourtant j'étais très belle
Oui, j'étais la plus belle
Des fleurs de ton jardin
On est bien peu de chose
Et mon amie la rose
Me l'a dit ce matin
Vois le dieu qui m'a faite
Me fait courber la tête
Et je sens que je tombe »






Ce vaudeville n'est pas prêt d'être terminé. Cela va se jouer à coups de constat d'huissiers, voire de plaintes devant les tribunaux, sans aucun respect ni pour les électeurs ni pour leurs sympathisants. L'aspect administratif et juridique risque de mettre au second plan l'aspect politique qui est pourtant la seule chose qui compte dans une élection : que proposeront les candidats LR comme programme et avec qui comptent-ils gouverner.

En ce qui me concerne, je me réjouis que la digue anti-RN soit maintenue chez les dirigeants de LR, hors Éric Ciotti dont on connaissait déjà l'architecture cérébrale ultradroitisée. En particulier, la réaction de Laurent Wauquiez, Nadine Morano, Brice Hortefeux, entre autres, montre que l'indignation est quasi-unanime vis-à-vis de leur président pourtant effectivement légitime.

En revanche, je suis inquiet voire en colère contre les dirigeants LR supposés "modérés", en particulier Gérard Larcher : il condamne effectivement les propos d'Éric Ciotti, parce qu'il ne veut pas un gouvernement RN, mais il continue à dénigrer systématiquement Emmanuel Macron au lieu, au contraire, de chercher un terrain d'entente avec lui. En continuant à s'opposer de manière totalement stérile à Emmanuel Macron, Gérard Larcher et quelques autres font finalement le jeu du RN. Après tout, avec ses hypothèses, Éric Ciotti gagnerait dans ce jeu de dupes son Ministère de l'Intérieur et le reste de LR aurait tout perdu.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (12 juin 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
Sidération institutionnelle.
Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

 




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240612-les-republicains.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-1-vaudeville-255197

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10 octobre 2023 2 10 /10 /octobre /2023 05:38

« Si nous voulons gagner, il faut s'extraire du brouhaha et du tumulte. » (Laurent Wauquiez, le 1er octobre 2023 à Valence).




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Le président du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes (LR) Laurent Wauquiez a fait sa rentrée politique le dimanche 1er octobre 2023 à Valence devant les Jeunes républicains (jeunes de LR) réunis en campus (une sorte d'université d'été, mais en automne). Son discours était attendu parce qu'il reste, à cette heure, le candidat potentiel le plus probable de LR à l'élection présidentielle de 2027. En tout cas, c'est ce que voudrait le président de LR actuel, Éric Ciotti.

Pendant très longtemps, Laurent Wauquiez était un p'tit jeune de la vie politique française, benjamin à l'Assemblée Nationale, élu à 29 ans pour son premier mandat de député. Et au lieu de considérer cela comme un avantage, une force pour montrer dynamisme et renouvellement, il se serait plutôt teint les cheveux en gris pour paraître plus vieux que ses artères (c'est sans doute sans précédent !). Plus vieux et plus crédible. Malheureusement pour lui, un p'tit jeune à l'Élysée, c'est Emmanuel Macron qui l'a doublé il y a six ans.

Pourtant, Laurent Wauquiez était un meilleur fort en thème que l'actuel locataire de l'Élysée : lui est normalien, reçu premier à l'agrégation d'histoire, IEP Paris service public, DEA de droit public et bien sûr, ENA, sorti là aussi major et auditeur au Conseil d'État. Il a bossé particulièrement à la commission Stasi qui a abouti à la loi qui interdit tous les signes ostentatoires à l'école (notamment le voile).

Sous-ministre et ministre pendant tout le quinquennat de Nicolas Sarkozy, grand élu local depuis 2016 (il préside le conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes, la deuxième région de France, grâce à la réforme territoriale de François Hollande car sans elle, il serait resté seulement en Auvergne). Cette région (qui n'est pas "sa" région comme les journalistes l'écrivent un peu trop facilement, il n'est que le président du conseil régional pour un temps donné), c'est un peu la base de repli du grand fauve politique qui attend son heure.

Mais attendre son heure ? François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy attendaient-ils leur heure quand la situation ne leur était pas favorable ? Non, ils étaient en campagne permanente parce qu'ils étaient tenaces, persévérants, ils tenaient à aller jusqu'au bout de leur ambition. Après une défaite, ils se relevaient immédiatement et repartaient à l'attaque. Ils avaient ainsi une visibilité politique et surtout, à force, ils avaient acquis une certaine crédibilité.

Maintenant, à 48 ans, l'âge qu'avait Valéry Giscard d'Estaing quand il a été élu Président de la République en 1974, Laurent Wauquiez est plutôt en panne. Depuis au moins 2019 et l'échec désastreux de LR aux élections européennes, ce qui l'a conduit à démissionner de la présidence de ce parti. Le score ridiculement bas de Valérie Pécresse à l'élection présidentielle de 2022 n'a pas dû non plus le réjouir car le parti Les Républicains est en passe, suivant le PS d'une élection, d'aller à la disparition nationale complète. Grâce à leur bonne implantation territoriale, seules, les élections locales restent encore gagnables pour ces deux anciens grands partis de gouvernement que sont LR et le PS.

Sur le papier, Laurent Wauquiez est sans doute le candidat le plus capable de faire la meilleure performance de LR. Mais sur le papier seulement. Car concrètement, il ne met pas les moyens de son ambition. Si l'investiture de LR paraît relativement facile à obtenir pour l'élection présidentielle de 2027, l'idée qu'il fasse partie des candidats de la cour des grands n'est pas évidente. LR n'a même pas atteint 5% en 2022.

L'impossibilité de se représenter d'Emmanuel Macron pourrait certes ouvrir une fenêtre d'opportunités nouvelles. Mais Laurent Wauquiez oublie que LR n'est plus un parti hégémonique. Pour revenir en première division, il va falloir travailler dur. Un peu comme l'a fait François Bayrou pendant la campagne présidentielle de 2007 alors que l'UDF ne représentait qu'un parti de moins de 10% d'audience électorale.

Or, le candidat putatif ne travaille pas pour être qualifié parmi les grands candidats de 2027. Il suffit de relire son discours de Valence sur le sujet : « En 2027, cela fera vingt ans que notre famille politique n'aura pas remporté d'élection présidentielle. Vingt ans. Il est peut-être temps de prendre en compte avec humilité ce qui nous a éloigné des Français. Et si nous préparons cette élection comme les autres, nous la perdrons exactement comme les autres. Si nous voulons gagner, il faut s'extraire du brouhaha et du tumulte. Il faut le faire car 2027 ne sera pas une élection présidentielle comme les autres. Ce ne sera pas, j'en suis convaincu, une énième conquête individuelle ou la satisfaction d'une ambition personnelle. Ce sera pour un pays épuisé par autant d'années qui l'ont amené à commettre tant d'erreurs, l'heure du grand choix. Glisser définitivement dans le déclin ou y mettre un coup d'arrêt et remonter la pente. Alors, il faut se réinventer. Il faut oser dire ce qui bloque et abîme notre nation. Il faut oser imaginer un nouveau modèle. Il faut prendre le temps, ce que nous ne faisons plus, d'écouter les attentes et les aspirations des Français, des attentes et des aspirations parfois contradictoires. Il faut renverser la table. Il ne faut pas emprunter les mêmes chemins et les mêmes travers. Et ne vous y trompez pas. C'est à cela que je vais consacrer toute mon énergie, vous conduire à nouveau vers un grand succès collectif. » (1er octobre 2023).

Blabla creux. Si on analyse ces quelques mots, finalement beaucoup trop succincts pour faire confiance à un candidat à la Présidence de la République, on s'aperçoit que d'une part, il y a une part de pleurnicherie (nous avons perdu depuis vingt ans, m'ouin !), ce dont les Français se moquent. D'autre part, il y a l'affirmation que cette élection de 2027 ne sera pas une élection ordinaire ni personnelle et qu'elle sera collective : toutes les élections présidentielles sont particulières et, non, elles sont aussi des aventures individuelles, c'est justement l'osmose entre l'ambition collective et l'individu qui l'incarne le mieux qui permet la victoire.

Il y a également un décalage flagrant entre le sens des mots et la manière de les dire. Lorsqu'il a expliqué qu'il fallait renverser la table, le plus calmement possible, bien propre sur lui, comme un technocrate, qui l'a cru ? La crédibilité est proche de zéro, on croirait plus facilement un Jean-Luc Mélenchon en sueur qui hurlerait les mêmes mots, assurément ! En outre, il y a cette ultraprétention du responsable politique qui dit en gros : ou c'est le déclin, ou c'est moi ! Peu éloigné du jour et la nuit de Jack Lang. Mâtiné du "bon choix" (version 1978) de Valéry Giscard d'Estaing.

Enfin, et c'est le plus important, ce qu'on constate, et c'est à mon sens le plus troublant chez Laurent Wauquiez, c'est sa grande vacuité politique. Une vacuité constante d'ailleurs depuis qu'il fait de la politique. De toutes ces phrases, pas une seule conviction politique exprimée, pas même une seule valeur (ni valeur ajoutée). Du creux. Juste un contenant en attendant d'y mettre la sauce ou le plat !

Il faut rappeler la candidature de François Fillon qui, malgré son "affaire", avait quand même atteint le seuil des 20% en 2017, insuffisant pour participer au second tour mais il faisait partie des grands candidats. François Fillon était un grand bosseur et sans doute a-t-il été le candidat à l'élection présidentielle à avoir présenté le meilleur projet politique, le plus construit, le plus abouti, depuis le début de la Cinquième République. Ce n'était pas une surprise : il a commencé à bâtir son programme en février 2013 ! Laurent Wauquiez est déjà en retard avec cet agenda. François Fillon, pendant quatre ans, n'a fait que rencontrer toutes les forces vives du pays, les entrepreneurs, les syndicats, les artistes, les associations, les juges, les avocats, les médecins, les infirmières, etc. pour comprendre la France, comprendre le peuple français, comprendre les blocages, ce qui manquait, ce qu'il fallait changer. Lui, François Fillon, il ne disait pas qu'il allait écouter les Français, il allait les écouter, tout simplement.

Le discours de Laurent Wauquiez à Valence, n'importe quel leader politique de n'importe quel parti aurait pu le prononcer, puisqu'il n'a avancé aucune idée ! À croire qu'il s'est fait aider du site pipotron ! (lui, le moderne, qui aurait reconnu fréquenter le site yourporn). C'est amusant de voir les lecteurs du HuffingtonPost (par exemple) réagir à ce discours. L'un : « Je suis persuadé que même lui ne croit pas ce qu'il raconte. ». Un autre : « Il s'était caché où depuis toutes ces années ? Qu'il y retourne : on n'en veut pas. ». Un troisième : « Au moins il sait aligner les phrases en ne disant strictement rien. Si il continue comme ça jusqu’en 2027 au moins il ne s’embrouillera avec personne. Mais pas sûr qu’il arrive à convaincre quiconque non plus. ». Ou encore : « Le souci majeur de ce discours est qu'au lieu d'évoquer l'importance de devenir une figure emblématique française et de servir l'intérêt de la nation, il met l'accent sur la victoire de sa famille politique... Cela en dit long... ». À la décharge de Laurent Wauquiez, il s'exprimait devant les jeunes adhérents de son parti, c'était donc normal qu'il évoquât surtout la victoire de son parti (au même titre que devant des agriculteurs, on dira qu'on aime les champs de bettraves).

Alors, Laurent Wauquiez n'a-t-il aucun fond ? Certainement pas. Il est déjà une belle mécanique intellectuelle, dans la grande tradition française des grands fauves politiques, il lui manque juste du carburant : les carburants sont chers, en ce moment. Il n'est assurément pas un homme à conviction. Qui pourrait dire ses principales convictions, alors que cela fait près de vingt ans qu'il hante la vie politique nationale ?

Toutes ses envolées programmatiques ont des origines démagogiques. La première était contre l'assistanat (ce qui était fort de café : il se prétendait de la "droite sociale", lui, l'héritier de Jacques Barrot en Haute-Loire, et il voudrait casser le système de solidarité sociale). À l'époque, jeune sous-ministre, il fallait faire parler de lui. Le meilleur moyen (méthode Sarkozy), c'était transgresser. Rappelons du reste que l'une de ses premières réalisations au gouvernement (on le dit trop peu souvent), c'était de réunir l'ANPE et les Assédic en Pôle Emploi avec le succès qu'on sait.

Aujourd'hui, vouloir faire parler de lui, c'est toujours le cas, et l'éditorialiste Renaud Dély l'a bien compris dans sa chronique du 2 octobre 2023 sur France Info : « Il veut que "l’État laisse respirer les Français". Un discours aussi vieux que la droite. Illustré par le fameux cri du cœur de Georges Pompidou dans les années 60 : "Il faut arrêter d’emmerder les Français !". La tonalité anti-écologiste est néanmoins plus récente. Elle colle à l’air du temps politique. Depuis quelques années, Laurent Wauquiez est d’ailleurs l’un des thermomètres des oscillations du populisme dans le débat politique. ». Cette dernière phrase est essentielle pour comprendre Laurent Wauquiez.

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Tonalité anti-écologique ? Effectivement, la veille de son discours de Valence, le 30 septembre 2023, au cours du congrès de l'Association des maires ruraux de France réunis à l'Alpe d'Huez, en bon voisin, Laurent Wauquiez a fustigé la loi Climat et Résilience n°2021-1104 du 22 août 2021 en annonçant la sortie de la région Auvergne-Rhône-Alpes du Zéro artificialisation nette (ZAN), une disposition qui empêche toute nouvelle bétonisation des sols à partir de 2050 : « Je refuse qu'on mette sous cloche les décisions des élus de construire dans la ruralité. Les décisions prises par la technocratie, je dis stop. Notre région se retire donc du processus et on demande à la ministre de revoir sa copie. ».

C'était une déclaration plus démagogique que politique. Il était devant les maires ruraux et il a affirmé que cette loi Climat et Résilience était "ruralicide" ! Il a été forcément applaudi. Renaud Dély expliquait bien l'idée : « Pourquoi Laurent Wauquiez adopte-t-il ce positionnement ? Parce que c’est un créneau qui lui semble porteur en ces temps d’inflation où les Français sont plus inquiets pour leur porte-monnaie que pour l’environnement. (…) En matière de démagogie anti-écologique, Laurent Wauquiez va surtout avoir fort à faire avec la concurrence de Marine Le Pen et d’Éric Zemmour. Une surenchère qui devrait peser sur la campagne des élections européennes. Elle fait déjà le bonheur de partis populistes hors de nos frontières, aux Pays-Bas, en Allemagne et ailleurs. Pour l’heure, les records battus par les prix des carburants préoccupent davantage les électeurs que les records battus par les températures. ».

Au-delà du positionnement, la réalité concrète d'une sortie de la région du dispositif ZAN est absolument impossible et c'est pourquoi ses déclarations ont provoqué à la fois indignation et moqueries. En effet, une région n'est pas au-dessus des lois ! Spécialiste du droit de l'environnement, l'avocat Arnaud Gossement sur France Info le 8 octobre 2023 : « Cette déclaration [de Laurent Wauquiez] n'a aucun sens juridiquement. Il doit se soumettre à la loi de la République. ». Son confrère David Dokhan disait la même chose : « Le président d'un conseil régional n'a pas la compétence pour intervenir, modifier, ni amender la loi. ».

C'est d'ailleurs le problème constitutionnel pour donner plus d'autonomie à la Corse, à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française. L'article 72 de la Constitution est très clair à cet égard : « Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon. Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences. ». Les régions ne peuvent donc pas aller contre la loi de la République ! Si une région refuse d'aller au bout de la modification de son schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) pour fixer un objectif intermédiaire de la bétonisation des sols, c'est le préfet de région qui s'en chargera...

Pour autant, le dispositif ZAN est très compliqué pour les élus locaux, et il leur est aussi très contraignant, j'y reviendrai peut-être ultérieurement. L'idée d'empêcher toute nouvelle bétonisation des sols à partir de 2050 est très ambitieuse (cela pour favoriser la biodiversité) et surtout, très contraignante pour les communes. La loi fixe une étape intermédiaire, 2030, avec la réduction de 50% de la bétonisation, mais cela signifie une fois encore (comme avec la suppression de la taxe d'habitation) une pénalité pour les plus vertueux (une commune très bétoneuse aura un objectif moins contraignant en 2030 qu'une commune peu bétoneuse). Et pour les petites collectivités territoriales, c'est une catastrophe financière car elles n'ont pas les moyens en interne de modifier ou de rédiger tous les documents de planification obligatoires (pas d'ingénieur, pas d'avocat, etc.) et doivent donc passer par des cabinets de consultants très onéreux.

On comprend donc que la sortie de Laurent Wauquiez sur le ZAN est au mieux creuse et au pire démagogique, mais ne constitue pas un semblant de début de programme politique. Cette vacuité programmatique sera fatale pour LR. C'était contre elle que le député Aurélien Pradié s'était présenté à la présidence de LR l'an dernier. Laurent Wauquiez n'a aucune colonne vertébrale sur les convictions, sur ce qu'il aurait à présenter comme projet national s'il devait mener son parti aux élections (au contraire de François Fillon). Et peut-être aurait-il dû privilégier son mandat de député (un mandat national) à celui de président de conseil régional si un jour il voudrait se présenter pour présider aux destinées du pays.

Laurent Wauquiez revient ? En fait, non, il n'est jamais parti, mais on ne s'en était pas aperçu.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (08 octobre 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Laurent Wauquiez.
Gérard Larcher.

François Fillon.
Vincent Jeanbrun
Nicolas Sarkozy.
Valéry Giscard d’Estaing.
Jacques Chirac.
Bernadette Chirac.
Édouard Philippe.
Claude Malhuret.
Éric Ciotti.
Présidence de LR : Ciotti vs Retailleau au cœur du système.
Présidence de LR : trois têtes pour un fauteuil.
Trois candidats et un enterrement ?
Lucien Neuwirth.

Bruno Le Maire.
Patrick Balkany.
Xavier Bertrand.
Bruno Retailleau.
Caroline Cayeux.
Christophe Béchu.
Aurélien Pradié.
Jean-François Copé.
Yvon Bourges.
Christian Poncelet.
René Capitant.
Patrick Devedjian.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20231001-wauquiez.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/et-voici-que-laurent-wauquiez-250723

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/10/08/40067437.html



 

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10 décembre 2022 6 10 /12 /décembre /2022 19:10

« Nous n'avons plus de grand homme, mais des petits qui grenouillent et sautillent de droite et de gauche avec une sérénité dans l'incompétence qui force le respect. » (Pierre Desproges).




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Ce week-end des 10 et 11 décembre 2022, les adhérents du parti Les Républicains départageaient les deux candidats arrivés au second tour pour la présidence de leur parti, Éric Ciotti et Bruno Retailleau. Cette élection s'est déroulée dans l'indifférence générale des médias et de la classe politique, comme si LR était devenu un petit parti politique, ce qu'il est devenu réellement depuis le 10 avril 2022 avec sa candidate Valérie Pécresse qui n'a même pas recueilli 5% des suffrages exprimés au premier tour de l'élection présidentielle.

Pourtant, les adhérents de LR s'étaient plutôt bien mobilisés, avec 72,7% de participation au premier tour le week-end précédent et 70,0% ce week-end. Arrivé en tête du premier tour avec 42,7%, c'est sans surprise que le député de Nice Éric Ciotti a franchi la barre des 50% pour se faire sacrer président de LR. Cela a été annoncé vers 18 heures 30 (avec une panne de lumière !) : Éric Ciotti a obtenu 53,7% parmi les adhérents de LR (soit 33 609 voix).

L'incertitude était plutôt au premier tour, la question de savoir si les militants acceptaient de changer radicalement le discours de LR par des attentions plus sociales et des innovations politiques, en suivant le jeune député Aurélien Pradié. Avec seulement 22,3%, éliminé de la compétition, Aurélien Pradié n'a pas su convaincre les adhérents acquis à la cause d'une certaine droite à la fois sécuritaire et libérale. En outre, ne sachant départager ses deux rivaux (qui pensent la même chose), il n'a pas donné de consigne de vote à ses électeurs.

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Bruno Retailleau n'a pas su impulser un nouveau souffle chez Les Républicains, ce qui était prévisible, étant donné qu'il ne proposait somme toute que l'immobilisme pour son parti, le refus de trancher sur des thèmes qui divisent profondément ce parti, même si les centristes de LR sont quasiment inexistants, partis depuis longtemps vers d'autres cieux plus favorables (et plus macroniens).

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La question de savoir comment Éric Ciotti va soutenir Laurent Wauquiez sera intéressante. En effet, comment peut-on être présidentiable quand on se terre dans sa collectivité (la région Auvergne-Rhône-Alpes), qu'on reste silencieux sur tous les sujets, en particulier les plus importants, et (disons-le) qu'on s'est fait oublier par beaucoup de ses propres électeurs ? L'avènement d'Éric Ciotti va donc être délicat à négocier avec Laurent Wauquiez. Car si Éric Ciotti s'est toujours voulu fidèle et loyal, désormais, il sera le chef, et dans tous les cas, il carbure seul, il est autonome intellectuellement et politiquement (la preuve, son élection).

Ainsi, les convictions d'Éric Ciotti peuvent se résumer à trois points qui, tous les trois, sont plutôt attractifs pour la plupart des électeurs, et pas seulement ceux de LR réduits à peau de chagrin. Premièrement, des propositions pour renforcer l'aspect sécuritaire, qui, à mon sens, ne seront pas plus efficaces que les mesures qui ont été mises en place depuis cinquante ans pour tous les gouvernements, mais qui sont très demandés dans les sondages, presque plébiscitées. Deuxièmement, une baisse des impôts et taxes, et même si l'on croit à l'État providence, aux services publics, somme toute, voire ses avis d'impôts diminuer est toujours souhaité (sinon souhaitable), ce genre de mesure ne peut pas attirer de répulsion sauf si elle est dans une volonté béante de démagogie (comme dans le cas de la candidate Anne Hidalgo qui proposait de doubler le salaire des enseignants), alors que dans le cas d'Éric Ciotti, cette proposition d'alléger drastiquement la fiscalité provient d'un raisonnement idéologique cohérent et limpide (réduire toutes les contraintes de l'État). Enfin, troisièmement, on l'avait oublié et l'unique débat de la présidence de LR le 21 novembre 2022 l'avait mis en lumière : Éric Ciotti est moderne et favorable aux mesures sociétales, c'est-à-dire que loin d'être un réactionnaire, il accepte de suivre la société quand celle-ci réclame certains aménagements, et cela, quoi qu'il en soit, reste plutôt à apporter à son crédit qu'à son débit intellectuel.

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En ce sens, Éric Ciotti est le contraire de François Baroin. Probablement celui qui avait le plus de capacité à être le candidat LR en 2022, François Baroin a brillé par son manque d'ambition et d'intérêt pour l'élection présidentielle. Face au vide absolu au sein de son parti, Éric Ciotti, au contraire, est prêt à relever tous les défis pour mener ses idées au pouvoir. Quitte à conquérir l'Élysée lui-même.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (11 décembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Éric Ciotti sacré meilleur communicant du parti Les Républicains !
Éric Ciotti.

La sagesse de Nicolas Sarkozy.
Présidence de LR : Ciotti vs Retailleau au cœur du système.
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Aurélien Pradié.
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Yvon Bourges.
Christian Poncelet.
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Patrick Devedjian.






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5 décembre 2022 1 05 /12 /décembre /2022 04:47

« Qui sauvera Les Républicains et sur quelle ligne ? (…) Laminé à la présidentielle, LR doit se réinventer pour exister. Un duel se profile pour diriger le parti, en décembre, entre les très droitiers Éric Ciotti et Bruno Retailleau. » (Rémi Clément, "L'Express" le 11 septembre 2022).



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Ce week-end des 3 et 4 décembre 2022 a eu lieu le premier tour du vote interne au sein des 91 110 adhérents du parti Les Républicains pour désigner leur prochain président de parti.

Incontestablement, cette élection interne n'a pas passionné les Français, ni les médias. Un débat télévisé a eu lieu le 21 novembre 2022 sur LCI et cela s'est arrêté là. Il faut toutefois observer qu'il y a une dizaine d'années, les élections internes dans les partis restaient toujours "souterraines" et qu'aucun débat contradictoire n'était étalé sur la place publique au risque de donner des arguments nouveaux aux adversaires.

Le premier constat est la participation, que je trouve importante : près de 73% des adhérents ont pris part au vote (exactement 66 216 adhérents), ce qui n'est pas négligeable. Avec cette faible mobilisation médiatique, on aurait pu imaginer qu'elle fût inférieure à 50%. En fait, ce n'est pas étonnant. L'enjeu est crucial pour ce parti puisqu'il s'agit de son existence même dans le paysage politique qui est en jeu.

Ce parti, qui comptait près de 300 000 militants à l'époque faste du sarkozysme triomphant sous l'étiquette UMP, qui, rappelons-le, pouvait rassembler au premier tour plus de 40% des suffrages exprimés au niveau national lors des élections à l'époque où il se divisait en deux partis, l'UDF et le RPR parfois réunis dès le premier tour (la liste UDF-RPR conduite par Simone Veil aux élections européennes de juin 1984, par exemple). Depuis 2017, ce parti n'a pas été capable d'amener son candidat à un second tour d'élection présidentielle, et en 2022, avec la candidature de Valérie Pécresse, d'atteindre les 5%, seuil fatidique pour le remboursement d'une partie des frais de campagne.

Le débat du 21 novembre 2022 a montré sans ambages les lignes de fracture du parti. Et a fait connaître les trois candidats qu'on pourrait résumer très simplement ainsi. Le favori est incontestablement Éric Ciotti, arrivé au premier tour à la primaire fermée de 2021 ; le challenger est Bruno Retailleau ; l'outsider est Aurélien Pradié.

Ce que l'observateur politique a aussi appris de ce débat, c'est qu'il n'y avait pas de ligne de division sur un sujet qui compte beaucoup pour un parti politique qui se revendique prêt à gouverner : le nom de son candidat à la prochaine élection présidentielle, prévue en 2027. Les trois candidats admettent qu'il n'y a qu'un seul homme providentiel pour Les Républicains, et il s'appelle Laurent Wauquiez qui reste très discret dans le débat public national depuis 2019 et l'effondrement électoral aux dernières élections européennes. Le seul clivage, c'est de savoir quand il faudrait le désigner officiellement champion, tout de suite selon Éric Ciotti qui semble se montrer le plus wauquieziste (mais justement, j'y reviendrai plus loin), après les élections européennes de 2024 pour les deux autres candidats, pour lui éviter les conséquences politiques d'un éventuel échec à ces élections européennes (on voit le grand optimisme qui prévaut dans cette enceinte !).

Celui qui pouvait apporter une ligne politique claire et surtout nouvelle, innovante, a été éliminé ce dimanche 4 décembre 2022, ayant été celui des trois qui a obtenu le moins de voix, 14 765 adhérents, soit seulement 22,3% des votants. En effet, Aurélien Pradié voulait entraîner son parti, par sa jeunesse, son dynamisme et sa créativité, vers un terrain beaucoup plus social et beaucoup moins sécuritaire, au point qu'il était le seul à affirmer abruptement qu'à l'Assemblée Nationale, non seulement il voterait contre un allongement de l'âge légal pour prendre sa retraite mais qu'il déposerait une motion de censure contre le gouvernement s'il avait l'impression que le gouvernement voudrait escamoter le débat. Ses deux concurrents, en revanche, étant favorables à cet allongement, avaient annoncé qu'ils voteraient cette réforme selon certaines conditions que les sénateurs LR, présidés par Bruno Retailleau, ont déjà fait entendre à la majorité présidentielle.

Il faut dire qu'Aurélien Pradié n'a pas été aidé par ses amis putatifs. Le principal aurait pu être Xavier Bertrand, qui se voudrait plus "droite sociale" que ses rivaux. "Malheureusement", comme Aurélien Pradié a diagnostiqué que seul, Laurent Wauquiez pourrait être le candidat de LR pour la prochaine élection présidentielle, on comprend que Xavier Bertrand, qui est en dedans et en dehors, un pied dans sa tombe politique et l'autre pied pas loin, n'a pas souhaité lui apporter un soutien très appuyé. C'est dommage, car vu la forte participation (trois quarts), et la nouveauté que proposait Aurélien Pradié, il aurait pu avoir plus qu'un score de témoignage s'il avait bénéficié de meilleurs relais internes au parti dont il est pourtant l'actuel secrétaire général depuis trois ans.

Aurélien Pradié au second tour, cela aurait créé la surprise, et sans doute, une impulsion nouvelle pour un élan nouveau dont aurait besoin Les Républicains. Il y aura bien un second tour (le second vote aura lieu les 10 et 11 décembre 2022, le week-end prochain), avec le risque, quand il y a deux tours, d'une division supplémentaire entre les militants.

Sans surprise, chouchou des adhérents, Éric Ciotti est en tête avec 28 297 voix, soit 42,8% des votants, et il est en avance de plus de 5 000 voix par par rapport à son concurrent du second tour Bruno Retailleau, qui n'a rassemblé que 22 815 voix, soit 34,5% des votants.

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Il faut le dire, le match Ciotti vs Retailleau n'est pas un duel sur le fond programmatique de ce parti. Les deux candidats se rejoignent sur la plupart des points politiques, la différence est plus dans la forme. L'un, Éric Ciotti, est un audacieux, qui risque de renforcer les clivages mais qui montre un plus grand volontarisme, notamment pour deux sujets qu'il considère comme cruciaux, la fiscalité (baisse drastique des impôts et taxes) et la sécurité et l'immigration (avec des propositions qui contraignent encore plus, comme cela n'a pas arrêté d'être voté depuis plus de cinquante ans à l'époque de Raymond Marcellin avec le succès qu'on observe). L'autre, Bruno Retailleau, est beaucoup plus mesuré, réservé, voire fatigué, il représente le conservatisme discret, plus soucieux de faire moins de bruit pour assurer l'essentiel que de partir l'épée au vent conquérir de nouveaux territoires. Pourtant, sans conquête, sans reconquête, Les Républicains resterait dans les oubliettes du jeu politique national. En résumé, l'un est le candidat de la fidélité gaulliste, RPR, UMP, LR (Bruno Retailleau était dans le parti de Philippe de Villiers avant de rejoindre l'UMP) ; l'autre est le candidat de Gérard Larcher, le Président du Sénat.

Le clivage interne est d'ailleurs assez frappant : Éric Ciotti est le candidat des militants, de la base, de la vox populi ; Bruno Retailleau est le candidat des élus, des cadres, du sommet de la pyramide. C'est pour cela que je ne donne pas cher de la candidature de Bruno Retailleau au second tour.

D'une part, sur le plan philosophique, il n'y a aucune raison que les adhérents qui ont opté pour Aurélien Pradié au premier tour préfèrent Bruno Retailleau à Éric Ciotti (sur l'inscription du droit à l'avortement dans la Constitution, par exemple, Aurélien Pradié rejoint même Éric Ciotti contre Bruno Retailleau qui s'y oppose), car il n'y a pas de différence de fond entre les deux finalistes.

D'autre part, Bruno Retailleau est au fond le représentant du statu quo chez LR, même s'il est plus bruyant pour souhaiter un changement d'appellation (la marque LR a fait son temps, datant pourtant seulement du printemps 2015). Toutes les poussières du parti, son truc à lui, c'est de les pousser sous le tapis et d'atteindre voir venir tandis que ses deux concurrents préféraient au contraire trancher et clarifier les positions de LR.

Si Bruno Retailleau gagnait la présidence de LR, il paraît donc assez prévisible qu'en 2026, la direction de LR se réveillerait comme ce fut le cas en 2021 et se dirait : "flûte, on n'a pas de candidat, on n'a pas de programme, vite ! Préparons l'élection présidentielle !". On a vu ce que cela a donné en 2021-2022 : moins de 5%.

La candidature de François Fillon, en 2017, avait été très mûrement préparée, François Fillon travaillait sur son programme dès février 2013 et a rencontré de nombreuses personnes qualifiées sur tous les domaines pendant quatre ans pour affiner ses propositions. Il était sans doute le mieux préparer l'élection de 2017, en revanche, pas préparé pour un sou à se défendre en cas d'attaque ou d'affaire personnelles, et, à mon avis, pas préparé non plus à réagir à des crises majeures imprévisibles (gilets jaunes, pandémie de covid-19, invasion russe de l'Ukraine, etc.).

On pourrait penser qu'en 2027, comme c'était le cas en 2017, ce serait le tour du candidat de LR : en 2017, on se disait qu'après le discrédit de la gauche sublimé par l'impossibilité politique de François Hollande à solliciter le renouveler son mandat, le candidat LR serait forcément élu. En 2027, le Président Emmanuel Macron ne pourra pas se représenter pour un troisième mandat, et donc, dans l'état actuel des forces politiques, c'est une fenêtre d'opportunité pour Les Républicains : le candidat LR pourrait être le remplaçant. Sauf que pour l'instant, il y aura du travail, car on ne remonte pas la pente de 4% à 51% sans effort et sans réflexion.

Et le gros problème de LR, c'est que gagner l'élection présidentielle de 2027, c'est être, d'une manière ou d'une autre, l'héritier du macronisme, pas son opposant, car ce seraient les mêmes électeurs qui voteraient pour le candidat LR que ceux qui avaient voté pour Emmanuel Macron en 2022, face aux deux grands pôles d'opposition populiste que sont le Rassemblement national et France insoumise, eux-mêmes dotés de candidats inexpugnables, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon.

Et paradoxalement, s'il veut attirer à lui de nouveaux électeurs, ce parti devra se différencier du macronisme, et donc, jouer à l'opposant le plus résolu (face au gouvernement actuel) et aussi le plus rassurant (face au RN et à FI). Sans perdre sa capacité de rassembler les électeurs macronistes au second tour. Autant dire que la feuille de route est délicate. On est loin de l'hégémonisme de l'UMP fondée par Jacques Chirac et Alain Juppé en avril 2002.

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L'élection d'Éric Ciotti à la tête de LR ferait incontestablement bouger les lignes. Plus d'hésitante position face au gouvernement et opposition frontale. Probablement qu'elle ferait perdre des adhérents en route, en particulier ceux qui ne sont pas pour une révolution fiscale drastique (à la Reagan). En revanche, elle aurait le potentiel pour attirer d'autres électeurs, parmi ceux qui ne sont pas ou plus engagés, désabusés de l'évolution du paysage politique, ou ceux, pour la partie sécuritaire, qui se sont noyés dans l'extrême droite de manière très stérile puisque celle-ci n'est pas parvenue aux responsabilités.

Ce qui me fait sourire, c'est qu'on dit qu'Éric Ciotti est le plus proche de Laurent Wauquiez (des trois candidats). Mais je serais Laurent Wauquiez, je me méfierais de mes plus proches amis ! En souhaitant désigner Laurent Wauquiez dès l'année prochaine, 2023, Éric Ciotti pourrait facilement brûler cette hypothèse en cas d'intempéries fortes sur LR avant 2026 (je pense aux élections européennes de 2024). Et lui ouvrir un boulevard pour sa propre candidature à l'élection présidentielle de 2027. Après tout, il voulait déjà être ce candidat en décembre 2021, et même s'il ne la met pas en avant, son ambition présidentielle est bien réelle, probablement pour faire gagner ses convictions avant tout, mais en tout cas, face au vide de l'offre politique sur ce secteur de la vie politique, Éric Ciotti n'est pas le moins déméritant. Je serais Laurent Wauquiez, je choisirais pour le statu quo, qui me garderait bien au chaud mon statut de candidat putatif pendant tout ce quinquennat.

Le journaliste Paul Chaulet a publié un article dans "L'Express" le 28 septembre 2022 dont le titre est très éloquent : « Et si Éric Ciotti manipulait Laurent Wauquiez ? ». En évoquant les talents de marketing du député des Alpes-Maritimes, l'article explique : « Autant prendre un peu de sa lumière. Pour Éric Ciotti, la carte Wauquiez est une manière de briser un plafond de verre. Arrivé en tête au premier tour du congrès de 2021, il n'avait pas réussi à franchir la barre des 40% au second tour. Trop clivant. Ses concurrents s'étaient précipités dans les bras de Valérie Pécresse. ». Il a en tout cas franchi ce seuil de 40% le 4 décembre 2022.

Certes, le journaliste admet aussi : « Éric Ciotti ne s'imagine pas porter les couleurs de LR dans cinq ans. L'homme a conscience de ne pas boxer dans la même catégorie que Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. Il juge Laurent Wauquiez d'un niveau supérieur à ses rivaux, comme Xavier Bertrand ou Valérie Pécresse. ».

Mais en politique, il est des transformations rapides, qui font d'un responsable politique ordinaire, voire médiocre, une incarnation populaire très forte d'un courant politique.

L'exemple de Ségolène Royal est très instructif : rien n'était favorable à elle face aux poids-lourds de la politique qu'étaient, au sein du parti socialiste, Laurent Fabius, Dominique Strauss-Kahn et Martine Aubry. Et pourtant, elle les a pris tous de court en 2006 grâce à une bonne dose de marketing et de communication, et même si elle a échoué face à Nicolas Sarkozy en 2007 (la dernière victoire présidentielle de LR !), elle a fait toutefois un score très honorable qui pouvait la conduire au leadership de l'opposition (ce ne fut finalement pas le cas). François Hollande aussi, en 2011, n'avait aucune stature par rapport aux autres éléphants du PS, il n'avait même jamais eu de responsabilité ministérielle (comme aujourd'hui Éric Ciotti), et il a quand même gagné, non seulement la primaire socialiste mais également l'élection présidentielle de 2012.

C'est pourquoi cette élection du prochain président de LR est passionnante, car de celle-ci s'articulera sans doute toute l'évolution des pôles des partis de gouvernement dans les cinq prochaines années en France.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (04 décembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Présidence de LR : Ciotti vs Retailleau au cœur du système.
Présidence de LR : trois têtes pour un fauteuil.
Trois candidats et un enterrement ?
Lucien Neuwirth.

Bruno Le Maire.
Patrick Balkany.
Claude Malhuret.
Xavier Bertrand.
Bruno Retailleau.
Caroline Cayeux.
Christophe Béchu.
Aurélien Pradié.
Jean-François Copé.
Yvon Bourges.
Christian Poncelet.
René Capitant.
Patrick Devedjian.

_yartiLRcongres2022A04



https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221204-les-republicains.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/presidence-de-lr-ciotti-vs-245347

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/12/02/39731521.html








 

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