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26 février 2025 3 26 /02 /février /2025 03:29

« J'ai la conviction que le Conseil est en permanence dans cet exercice de mise en balance de plusieurs principes qui peuvent paraître contradictoires. » (Richard Ferrand, le 19 février 2025 au Sénat).




 


Il n'y a plus aucun obstacle parlementaire pour l'entrée de Richard Ferrand au Conseil Constitutionnel. Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, les nominations faites par le Président de la République doivent obtenir une validation parlementaire (ou, plus exactement, un non-blocage parlementaire). La désignation du successeur de Laurent Fabius à la Présidence du Conseil Constitutionnel par Emmanuel Macron devait donc passer par deux auditions, une devant la commission des lois de l'Assemblée Nationale, présidée par Florent Boudié (REN), et une autre devant la commission des lois du Sénat, présidée par Muriel Jourda (LR). Elles se sont déroulées le mercredi 19 février 2025 dans la matinée et ont été suivi d'un vote.

On pourra écouter les questions et réponses de Richard Ferrand dans les deux commissions à partir des vidéos proposées à la fin de l'article.

La désignation de Richard Ferrand par Emmanuel Macron annoncée le 10 février 2025 a provoqué des polémiques, mais c'est assez récurrent pour ce genre de nomination. On soupçonne la politisation d'une instance juridique, mais ce serait une erreur de ne vouloir nommer que des professionnels du droit à ces postes. C'est comme trouver scandaleux de nommer un non-juriste au poste de ministre de la justice. Richard Ferrand l'a d'ailleurs reconnu devant la commission du Sénat : « Je ne suis pas un professionnel du droit, mais comme vous, un serviteur de la République et de ses territoires. ».

Le Conseil Constitutionnel est un carrefour entre politique et droit, mais il est avant tout une instance institutionnelle et, comme l'Élysée, comme chaque membre du gouvernement, chaque membre du Parlement, n'importe qui est susceptible d'y être nommé, sans l'obligation d'un diplôme quelconque. La démocratie signifie une autre légitimité qu'une compétence professionnelle, et on le sait bien puisque parfois, on peut reprocher l'incompétence. Un politique est celui qui ne sait peut-être pas mais qui est capable de s'entourer de gens qui savent et l'assistent pour prendre des décisions.
 


Dans la pratique, les Présidents du Conseil Constitutionnel ont toujours été des personnalités politiques avec des expériences notables. Qui dit personnalités politiques dit évidemment des personnes partisanes, donc, loin d'être consensuelles. Ainsi, des gaullistes nommés par un Président gaulliste : Léon Noël, Gaston Palewski, Roger Frey, Yves Guéna, Pierre Mazeaud et Jean-Louis Debré ; des socialistes nommés par un Président socialiste : Daniel Mayer, Robert Badinter, Roland Dumas et Laurent Fabius. Alors, pourquoi pas un macroniste nommé par Emmanuel Macron ? Réponse de l'intéressé aux députés : « Acceptez l'idée qu'avoir partagé des engagements ne crée pas forcément des liens de vassalité. ».

Pour tout dire, puisque je les ai tous cités, aucun Président du Conseil Constitutionnel n'a été hors parti. Au contraire, leur expérience d'acteurs pleinement politiques de la vie institutionnelle leur a apporté le point de vue de l'opérationnel, ce qui est important lorsqu'on devient un contrôleur. Il n'y a rien de pire qu'un contrôleur qui n'a jamais eu de responsabilité opérationnelle, car il peut donner des leçons de morale sans comprendre les vrais enjeux des décideurs (c'est le problème des grands corps de l'État parfois).
 


Il y a un principe qui l'emporte sur tout autre, c'est ce qu'a affirmé Richard Ferrand de la commission de l'Assemblée : « La loyauté primordiale à la Constitution l'emporte sur toute autre forme de reconnaissance. », rappelant Robert Badinter et son « devoir d'ingratitude » envers François Mitterrand.

Le journaliste Franck Mathevon, dans son éditorial du 19 février 2025 sur France Inter, expliquait ainsi : « En 1986, quand François Mitterrand promeut son Garde des Sceaux Robert Badinter, la droite hurle à la "provocation" (Jean-Claude Gaudin), ou contre une nomination qui "rabaisse la France !" (Michel d’Ornano). Mais jusqu’à la révision constitutionnelle de 2008, l’opposition n’a pas voix au chapitre. En 2016, quand François Hollande désigne son Ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius est donc le premier à devoir répondre au Parlement. Mais ce n’est qu’une formalité. Dix questions à l’Assemblée, autant au Sénat. 38 voix pour, 1 seul contre, 3 bulletins blancs. ».

L'argument d'avoir été et d'être encore un proche du Président de la République n'en est donc pas un pour faire barrage à Richard Ferrand. Celle de l'incompétence non plus, puisque pendant près de quatre ans, il a présidé l'Assemblée Nationale et a donc été au cœur de la construction de la loi. En devenir un contrôleur de la constitutionnalité ne paraît donc pas incongru. Quant à ce qu'on dirait "ses casseroles", c'est-à-dire ses affaires judiciaires, il n'a pas été condamné et a même été "blanchi", et même si les anciennes accusations laissent peut-être encore des doutes, il reste aujourd'hui officiellement innocenté. Ce n'est donc pas non plus un argument.

Le seul argument qui vaille pour s'opposer à la nomination de Richard Ferrand, c'est donc le combat politique. On le voit, les opposants s'opposent à la nomination d'un Président qui nomme une personnalité proche de ses convictions. En clair, c'est ordinaire, cela l'a toujours été. La petite différence maintenant, c'est qu'il n'y a pas de majorité à l'Assemblée et qu'il y a des opposants francs et massifs avec les insoumis et le RN.
 


Mais le danger, pour le Président de la République, n'est pas venu des oppositions. Il est venu de Laurent Wauquiez, président du groupe LR à l'Assemblée, qui a décidé de s'opposer absolument à la nomination de Richard Ferrand. Pour quelle raison ? Pour de très claires raisons politiciennes. Dans son combat contre le Ministre d'État, Ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau à la présidence de LR (résultat le 17 mai 2025), Laurent Wauquiez voudrait montrer sa totale indépendance avec le Président de la République. Ce qui est assez stupide puisqu'il veut être le président d'un parti qui est complètement intégré dans le gouvernement actuel nommé par Emmanuel Macron.

Pour Bruno Retailleau, ce serait incohérent d'être à la fois Ministre de l'Intérieur et opposé à la nomination du candidat présidentiel. La lutte était donc placé sous cette rivalité partisane très dérisoire. Bruno Retailleau, ancien président du groupe LR au Sénat, pourrait sans doute avoir un peu d'influence sur les sénateurs LR membres de la commission des lois du Sénat (officiellement, pas de consigne de vote), et Laurent Wauquiez sur les six députés LR membre de la commission des lois de l'Assemblée (officiellement, consigne d'avis défavorable).

Autrement dit, Richard Ferrand risquait d'être une victime collatérale de la guerre des chefs à LR. Ce qui faisait dire par Franck Mathevon : « Laurent Wauquiez en a fait un combat personnel, tout à son désir de démontrer qu’il est plus libre que son rival ministre Bruno Retailleau, dans une sorte de jeu de dominos : démolir Ferrand pour donner une claque à Macron qui bousculerait Retailleau. Au passage, Wauquiez nous dit aussi que les auditions parlementaires ne servent à rien, Ferrand peut raconter ce qu’il veut, ses six députés voteront contre. ».

Le résultat des courses, c'est que Richard Ferrand a bien failli être refusé par le Parlement, et à ce titre, ce serait à la fois historique (la première fois depuis 2008), et un véritable échec de l'Élysée qui n'avait pas eu besoin déjà de cela pour voir l'autorité présidentielle s'effondrer. Il demeure quand même historique puisque, à ma connaissance, c'est la première fois qu'une majorité contre une nomination a été prononcée, mais pas la majorité requise des trois cinquièmes. À ceux qui s'étonneront que la majorité de rejet ne soit simplement de 50% et une voix, il faut rappeler que cette nomination est une prérogative exclusive du Président de la République, et que la révision de 2008 a rajouté une contrainte supplémentaire pour éviter qu'une personnalité qui fasse trop polémique puisse être nommée. La Constitution ne propose donc qu'un blocage franc et massif contre la décision présidentielle.
 


Ce résultat, c'est qu'à une voix près, Richard Ferrand a échappé au désaveu et a donc vu sa nomination validée par le Parlement. En effet, pour que sa candidature soit rejetée, il fallait 59 voix. Il a reçu en tout 39 voix favorables et 58 voix défavorables, sur 116 votants et 97 exprimés. Attention au calcul : la majorité des trois cinquièmes se calcule à partir des suffrages exprimés, si bien qu'un votant qui vote blanc ou nul voit son vote exclu de ce calcul. De même que celui qui s'abstient. Sur les 97 exprimés, les trois cinquièmes donneraient 58,2 arrondis à 59 voix (58 voix est en dessous du seuil). Le scrutin était donc très serré.

Alors, avec ce calcul, certains ont dit, plutôt d'origine de gauche, que Richard Ferrand avait été validé grâce aux voix des seize députés RN membres de la commission des lois de l'Assemblée. Il faudrait plutôt dire sans les voix du RN, puisque justement, en ne prenant pas position, le RN n'a pas été pris en compte. Si ces seize députés RN avaient voté un avis défavorable, le seuil aurait été de 68 et il aurait été franchi avec 74 avis défavorables.

Les insoumis mais aussi LR craignent que la neutralité du RN puisse influencer sur la décision future du Conseil Constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité à propos d'un conseiller municipal mahorais condamné en première instance à une peine d'inéligibilité exécutoire immédiatement, sans attendre la confirmation de la peine en appel. Cette décision aurait une incidence directe sur le jugement en première instance du procès de Marine Le Pen annoncé le 31 mars 2025 car le procureur avait requis une peine d'inéligibilité exécutoire immédiatement, ce qui l'empêcherait d'être candidate à l'élection présidentielle de 2027 s'il advenait qu'elle fût prononcée.
 


Pour autant, y a-t-il eu un "deal" entre le RN et Emmanuel Macron ? Cela paraît peu probable tant les positions des deux sont politiquement très éloignées. Du reste, pour parler de "deal", il faudrait en apporter les preuves. Richard Ferrand n'est qu'un parmi les neuf membres du Conseil Constitutionnel et les voix des autres membres sont aussi importantes que la sienne. Le seul avantage est qu'il a voix prépondérante, mais à partir du moment où il y a un nombre impair de membres (aucun ancien Président de la République, membre de droit, ne siège actuellement), cette disposition ne sert à rien et est inutile. Donc, s'il y avait "deal", ce serait un "deal" inefficace car incertain sur les décisions à venir du Conseil Constitutionnel.

En revanche, on peut imaginer le raisonnement du RN, au-delà de vouloir montrer son envie d'ordre institutionnel : le rejet de la candidature de Richard Ferrand aurait engendré une nouvelle proposition présidentielle. Or, le plan B le plus probable aurait été la désignation de l'ancien Garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti qui, provenant de la gauche et d'une profession juridique (avocat), n'aurait pas pu recevoir d'avis défavorable de la part de la gauche, du moins gouvernementale. Et il aurait été un candidat nettement plus anti-RN que Richard Ferrand.

D'ailleurs, c'est ce qu'a confirmé le député RN Jean-Philippe Tanguy, qui n'est pas un macronphile patenté, c'est le moins qu'on puisse dire, sur Twitter : « Nous avons juste évité [Christiane] Taubira, [Éric] Dupond-Moretti ou un autre gauchiste. ». L'abstention des députés RN n'a donc rien d'un "deal". Matthias Renault, député RN, l'a aussi assuré : « Il n'y a aucun "deal", aucun affichage, aucune recherche de "respectabilité". ». Autre député RN, Bryan Masson : « Il nous a rassurés, il s'est engagé en expliquant qu'il ne devait pas y avoir de "gouvernement des juges". ». Un cadre du RN expliquait à France Info : « La gauche hurle au complot et verse dans le complotisme. (…) Richard Ferrand était le moins pire parmi tous les noms qui circulaient. ».
 


Ce qui est curieux, c'est de vouloir projeter plein de choses sur Richard Ferrand. Souvent, des fantasmes. Rappelons ainsi que le Conseil Constitutionnel ne fait pas la loi mais assure que la loi votée soit conforme à la Constitution. En d'autres termes, le suffrage universel assure la loi de la majorité, quand une instance comme le Conseil Constitutionnel assure la protection des minorités (le bloc de constitutionnalité). La loi de la majorité ne doit pas empêcher de vivre ceux qui font partie des minorités, c'est un élément majeur de la démocratie, du moins selon Albert Camus : « La démocratie, ce n'est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité. » ("Carnets", III).

De même, le Conseil Constitutionnel n'est pas un constituant, il ne peut pas modifier la Constitution. Une révision ne peut provenir que d'une action commune de l'exécutif et du Parlement, et le Conseil Constitutionnel est incompétent pour apprécier la justesse d'une révision constitutionnelle. En d'autres termes, il ne fait que suivre et appliquer les textes déjà écrits, mais il ne les fabrique pas. Quant à l'interprétation des textes, rares sont ceux qui prêtent à ambiguïté et les constitutionnalistes sont aussi là pour encadrer d'éventuelles interprétations audacieuses du Conseil Constitutionnel.
 


L'un des points souvent évoqués est l'éventualité d'un troisième mandat présidentiel d'Emmanuel Macron dans le cas où il n'achèverait pas son deuxième mandat : une démission puis une nouvelle candidature sont-elles possibles ? Même si le Conseil Constitutionnel donnait une interprétation souhaitée par le Président sortant, à la fin du fin, c'est quand même le peuple qui déciderait et si une majorité refuse cette candidature, le candidat ne sera pas réélu, c'est aussi simple que cela. Craindre cela signifie en clair que le candidat en question pourrait être réélu, ce qui serait donc une décision du plus grand nombre.

Cette disposition de limite à deux mandats successifs, copiée sur la Constitution des États-Unis par un Président fasciné par les États-Unis, n'a été introduite dans notre Constitution qu'en 2008, donc très récemment. À l'époque (le 29 avril 2008), j'avais exprimé mon opposition à cette disposition car elle limitait l'expression du suffrage universel et qu'on ne connaissait pas la suite de l'histoire.

La validation parlementaire de la candidature de Richard Ferrand au Conseil Constitutionnel ne concerne que sa qualité de membre de cette instance. Le Président de la République a ensuite la possibilité de nommer le Président du Conseil Constitutionnel parmi les neufs membres, par exemple Alain Juppé, comme cela est arrivé, après la démission de Roland Dumas, par la nomination d'Yves Guéna puis de Pierre Mazeaud qui étaient tous les deux déjà simples membres.

C'est en tout cas ce que le parti socialiste souhaiterait conseiller à Emmanuel Macron en raison du faible score de Richard Ferrand, en particulier Boris Vallaud et Patrick Kanner, les deux présidents du groupe PS dans les deux assemblées : nommer un autre Président que Richard Ferrand.

Réponse du Président de la République d'ici au 8 mars 2025, date du début du mandat de Richard Ferrand au Conseil Constitutionnel.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (22 février 2025)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Grandeur et décadence.
L'adjudant-chef promu maréchal.
L'homme et son affaire.
Richard Ferrand validé de justesse par le Parlement.
Alain Juppé à la rescousse de Richard Ferrand ?
Richard Ferrand bientôt proposé rue de Montpensier ?
Laurent Fabius.
Nominations au Conseil Constitutionnel en février 2010.
Les nominations présidentielle.
Jean-Louis Debré.
Pierre Mazeaud.
Yves Guéna.
Roland Dumas.
Robert Badinter.
Daniel Mayer.












https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250219-richard-ferrand.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/richard-ferrand-valide-de-justesse-259421

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/23/article-sr-20250219-richard-ferrand.html



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18 février 2025 2 18 /02 /février /2025 03:08

« [Le Conseil Constitutionnel] est le garant des droits et libertés que la Constitution garantit, et c'est donc un rôle fondamental qu'il a reçu, pas à l'origine. » (Alain Juppé, le 11 février 2025 sur RTL).




 


Dans la soirée du lundi 10 février 2025 ont été rendues publiques les propositions de nominations pour le Conseil Constitutionnel. Trois membres sont à renouveler pour dans quelques jours (8 mars 2025), pour un mandat de neuf ans. Signe important cette année, le Président du Conseil Constitutionnel est renouvelable, c'est-à-dire que le Président de la République doit nommer le successeur pour neuf ans, soit jusqu'en mars 2034, c'est-à-dire au-delà de la fin de prochain mandat présidentiel. Le prochain Président de la République n'aura donc pas à nommer de Président du Conseil Constitutionnel... sauf s'il fait deux mandats (c'était la position d'ailleurs du Président Emmanuel Macron).

Depuis 2008, les nominations doivent être "vaguement ratifiées" par le Parlement. J'écris "vaguement ratifiées" car il faut qu'il n'y ait pas trois cinquièmes des commissions des lois de chaque assemblée qui s'y opposent. Gérard Larcher a choisi Philippe Bas, influent sénateur LR. Yaël Braun-Pivet a choisi Laurence Vichnievsky, ancienne députée MoDem (et surtout ancienne magistrate). Pour ces deux personnalités, aucune opposition ne semble s'exprimer au Parlement.

En revanche, la choix d'Emmanuel Macron de nommer Richard Ferrand pour succéder à Laurent Fabius a créé la polémique. Plusieurs critiques sont formulées à cette occasion : grande proximité avec le Président de la République (copinage), absence de compétence juridique et (on n'en parle pas ouvertement), casserole judiciaire (en fait, ancienne casserole judiciaire puisque l'affaire a été classée) (coquinage).

L'ancien Premier Ministre Alain Juppé n'a pas tenu à soutenir ouvertement Richard Ferrand, qui, lui-même, l'avait nommé au Conseil Constitutionnel en février 2019, en particulier parce qu'il a un devoir de réserve, mais il a voulu rappeler quelques points importants sur ces nominations hautement sensibles.


Pour cela, il était l'invité de Thomas Sotto à la matinale de RTL le mardi 11 février 2025.

Déjà, Alain Juppé a balayé le procès en incompétence juridique : « Je sais que les nominations au Conseil Constitutionnel sont toujours critiquées. Toujours, j'ai fait moi-même l'objet de critiques. Pourquoi ? D'abord, on dit : il ne faudrait que des juristes au Conseil Constitutionnel. Qu'est-ce que c'est un juriste ? Est-ce seulement un professeur de droit constitutionnel ? Je ne le pense pas. Dans sa composition actuelle, aujourd'hui, avant le renouvellement, sur les neufs membres du Conseil Constitutionnel, trois viennent du Conseil d'État, deux ont été avocats pendant de très longues années, et une est magistrate. Cela fait six sur neuf. (…) J'ai fait l'ENA, donc j'ai fait un peu de droit public. J'ai été inspecteur des finances, j'ai fait un peu de droit fiscal. Voilà. ».

Les critiques de nominations au Conseil Constitutionnel ont toujours été présentes depuis toujours. Alain Juppé a rappelé que sa propre nomination a été critiquée. Mais on peut aussi rappeler que la nomination du très chiraquien Jean-Louis Debré a été très critiquée ...par son prédécesseur direct, également gaulliste, Pierre Mazeaud.

Plus généralement, le Conseil Constitutionnel a été principalement composé de personnalités pleinement politiques, souvent en fin de carrière et très peu de juristes ou constitutionnalistes. On peut ainsi citer (sans être exhaustif) la nomination, depuis février 1959, de ces personnalités politiques suivantes : Léon Noël, Victoir Chatenay, Georges Pompidou (qui n'avait pas encore entamé de carrière politique), Bernard Chenot, Edmond Michelet, Gaston Palewski, Jean Sainteny, Pierre Chatenet, Paul Coste-Floret, Henri Rey, Louis Joxe, Robert Lecourt, Gaston Monnerville, Roger Frey, Léon Jozeau-Marigné, Maurice-René Simonnet, Louis Gros, Pierre Marcilhacy, Robert Fabre, Daniel Mayer, Robert Badinter, Maurice Faure, Étienne Dailly, Noëlle Lenoir, Marcel Rudloff, Roland Dumas, Monique Pelletier, Pierre Mazeaud, Yves Guéna, Simone Veil, Pierre Joxe, Jean-Louis Debré, Hubert Haenel, Jean-Jacques Hyest, Jacques Barrot, Lionel Jospin, Nicole Belloubet, Michel Charasse, Laurent Fabius, Jacques Mézard, Jacqueline Gourault, François Pillet et Alain Juppé.
 


On y compte trois anciens Premiers Ministres (Édouard Balladur avait refusé d'y être nommé) et un futur Premier Ministre, quatre anciens Présidents d'une assemblée, beaucoup d'anciens ministres et de parlementaires, dont au moins vingt personnalités politiques de premier plan à une certaine époque. Les grands constitutionnalistes y sont rares (et l'absence de Maurice Duverger symptomatique) : Georges Vedel, Alain Lancelot, Dominique Schnapper. Il y a eu aussi, pas en même temps, un père et son fils dans cette instance (les Joxe). On regrettera cependant le très faible nombre de femmes dans cette instance suprême (actuellement ne siègent que trois femmes sur neuf, dont une qui partira en mars 2025, et une autre femme rentrera également ; le déséquilibre restera donc le même).

Ensuite, Alain Juppé a insisté sur le principe d'indépendance que chaque membre du Conseil Constitutionnel applique : « Nous prêtons serment d'impartialité et de neutralité. Il faut un peu faire confiance à la déontologie des personnes. Et il y a un principe que nous respectons, qui est le devoir d'ingratitude. Donc, nous ne devons rien à la personne qui nous a nommés. (…) Si nous sommes nommés neuf ans, c'est que nous n'attendons plus rien à la sortie. C'est la garantie de notre indépendance. ».

Il a aussi tenu à préciser que cette instance ne fait et ne ferait jamais de politique, elle fait seulement du droit, c'est une sorte de bride pour garantir les droits des citoyens, en particulier des minorités : « Le Conseil Constitutionnel fait du droit. Cela dit, le droit n'est pas hors sol. ».

Inversement, l'ancien Premier Ministre a souligné que les cours suprêmes ne faisaient jamais bon ménage avec les autocrates : « Vous observerez que tous les régimes autoritaires qui veulent asseoir leur autoritarisme commencent par s'attaquer à la cour suprême. Cela a été le cas en Pologne. C'est le cas en Hongrie. Et ainsi de suite. ».

Pour Alain Juppé, avoir une carrière politique est un plus et pas un moins pour siéger au Conseil Constitutionnel : « [Le Conseil Constitutionnel] doit s'assurer du bon fonctionnement des pouvoirs publics, du bon équilibre entre le pouvoir législatif, le Parlement, et le pouvoir exécutif, le gouvernement et le Président. Et de ce point de vue, avoir à l'intérieur du Conseil Constitutionnel des hommes et des femmes qui ont une expérience du gouvernement ou une expérience du Parlement, c'est un gage de compétence et d'expérience. ».
 


À la question d'une possible troisième candidature d'Emmanuel Macron dans le cas où il démissionnerait et se représenterait immédiatement, Alain Juppé a refusé de donner son sentiment ni même son raisonnement, mais le Conseil Constitutionnel serait amené évidemment, dans ce cas, à statuer sur cette possibilité puisque c'est lui qui proclame les candidatures officielles à la Présidence de la République (vérifiant notamment que la condition des cinq cents parrainages soit bien respectée).

La date du mercredi 19 février 2025 sera cruciale puisque les auditions des candidats seront faites dans les deux commissions des lois, puis leurs votes. Ce sera peut-être l'occasion historique du premier rejet d'une nomination. C'est possible en effet que la candidature de Richard Ferrand soit rejetée en raison d'une conjonction de toute la gauche, de LR et du RN. Pour ces trois courants politiques, ce serait le moyen de signifier leur opposition frontale à Emmanuel Macron, y compris Les Républicains qui se trouvent au gouvernement et qui sont plongés dans une nouvelle guerre des chefs qui pourrait avoir une incidence sur ces votes.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 février 2025)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Alain Juppé à la rescousse de Richard Ferrand ?
Richard Ferrand bientôt proposé rue de Montpensier ?
Laurent Fabius.
Nominations au Conseil Constitutionnel en février 2010.
Les nominations présidentielle.
Jean-Louis Debré.
Pierre Mazeaud.
Yves Guéna.
Roland Dumas.
Robert Badinter.
Daniel Mayer.
 

 

 

 


https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250211-juppe.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/alain-juppe-a-la-rescousse-de-259267

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/14/article-sr-20250211-juppe.html



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14 février 2025 5 14 /02 /février /2025 03:47

« Si ce texte est, comme je le crois, considéré comme adopté ce soir, il faudra dès la semaine prochaine se tourner vers l’avenir pour trouver les clés, réfléchir, inventer un projet pour une sécurité sociale qui protège chaque Français et soit soutenable dans le temps long. C’est une immense refondation que nous avons à conduire. Nous devrons pour cela mobiliser notre capacité d’analyse, notre connaissance du monde de la santé, des besoins en santé, et aussi notre imagination : il en faudra beaucoup pour trouver ce nouvel équilibre. J’ai la certitude que nous y parviendrons, grâce au dialogue. » (François Bayrou, le 12 février 2025 dans l'hémicycle).




 


Il était 19 heures 45 ce mercredi 12 février 2025. La Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet s'est installée à son perchoir et a annoncé la couleur : la motion de censure déposée le 10 février 2025 par le groupe insoumis a été une nouvelle fois rejetée. Seulement 121 députés ont voté pour elle, alors qu'il en fallait au moins 289 pour être adoptée. Et elle a conclu : « La troisième partie et l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 sont considérés comme adoptés. ». En clair, après un très long marathon parlementaire, c'est tout le processus budgétaire, à savoir le projet de loi de finances pour 2025 et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, qui s'est achevé ce soir-là.

Le Premier Ministre François Bayrou a donc pu souffler... juste quelques minutes, car il entendait bien relancer immédiatement le processus budgétaire pour 2026, en recommençant cette fois-ci avec une page blanche, comme l'ont demandé de nombreux députés (PS et LR notamment), ce qui est beaucoup plus ambitieux que de repartir du budget de l'année précédente. François Bayrou a accompli sa première mission, celle de faire adopter les deux budgets publics. Il reste encore l'adoption par le Sénat (ce qui ne fait pas de doute) et l'éventuelle voie du Conseil Constitutionnel, déjà saisi pour le PLF qui a conclu le lendemain par sa décision n°2025-874 DC du 13 février 2025. Le Conseil Constitutionnel a en effet invalidé dix dispositions du projet de loi de finances pour 2025.


 


Revenons à la discussion de cette cinquième motion de censure contre le gouvernement Bayrou, à la suite de l'engagement de responsabilité pour la dernière partie (Dépenses) du PLFSS et l'ensemble du texte. François Bayrou est parvenu à faire du vote d'une motion de censure un non-événement, ce qui, depuis le 7 juillet 2024, est un réel exploit politique et institutionnel !

C'est la députée insoumise Marianne Maximi qui a ouvert le débat en présentant la motion de censure. Avec ces motions de censure à répétition, cela permet aux insoumis de faire parler leurs membres. Et surtout, de parler d'autre chose que du seul budget de la Sécurité sociale.


Et elle a répété la fable de la nouvelle farce populaire (NFP), que la gauche extrême aurait plus de légitimité à gouverner que le bloc central et LR qui comptent pourtant plus de députés : « Vous êtes toujours aussi minoritaires, toujours aussi illégitimes à imposer la politique économique austéritaire, votre obsession. Face à cette impasse, vous confirmez votre choix : l’autoritarisme et le déni de démocratie. Nous ne laisserons pas cette pratique devenir la règle ; voilà pourquoi, une fois encore, nous nous retrouvons face à vous. ».

Tout au long de son intervention, ce n'a été que caricatures excessives et insignifiantes : « Votre projet de loi est d’une violence sociale sans précédent ! Le mois dernier, une patiente de 20 ans est morte aux urgences, sur un brancard, après des heures d’attente. (…) À la souffrance des hôpitaux français, en grande difficulté, vous répondez par un budget austéritaire ! Fédérations hospitalières et organisations syndicales avaient pourtant fait le travail pour vous : elles estiment que la hausse des moyens doit être au moins de 6% pour répondre aux besoins et compenser l’inflation. Vous proposez moitié moins, ce qui revient à soumettre à une pression intenable notre système de santé. Ne nous objectez pas que les caisses sont vides. Nous vous avons alertés sur votre politique qui consiste à supprimer de façon aveugle des cotisations sociales au profit des grandes entreprises. Vous n’avez rien voulu entendre. Vous creusez le déficit du système et, pour combler les trous qui se forment, vous faites payer les malades. Demain, se soigner coûtera davantage en raison, entre autres, de votre taxe sur les complémentaires santé, sans encadrement des tarifs pour les assurés. ».
 


L'avenir pour 2026 : « Je profite de cette tribune pour alerter : le budget pour 2026, déjà en préparation, sera pire encore. Le ministre de l’économie a annoncé la couleur : le texte sera travaillé "avec les entreprises" et "il n’y aura pas de surtaxes sur les grandes entreprises". Le coup de pression de Bernard Amault semble avoir porté ses fruits. Autant nommer le Medef à Matignon ! ».

Hors-sujet en abordant le thème de l'immigration : « Depuis des mois, vous adhérez progressivement, mais sûrement, aux conceptions de l’extrême droite. Vous avez voté pour le dernier texte portant sur l’immigration, qui reprenait les idées des Le Pen ; vous avez approuvé la proposition de loi de vos alliés de la droite, qui attaque le droit du sol à Mayotte ; vous voterez demain pour le texte du député Attal, dont le populisme pénal prévoit de casser la justice des mineurs. Depuis quelques jours, le gouvernement instaure dans le pays un débat nauséabond sur ce que signifie le fait d’être Français. Tout cela pour contenter l’extrême droite et échapper à la censure : quelle déchéance, sachant que la plupart des députés macronistes ont été élus avec les voix du peuple de gauche, afin de faire barrage à cette même extrême droite ! ».

S'adressant à ses collègues socialistes, Marianne Maximi s'est désolée de leur non-censure : « Être responsable, c’est leur barrer la route et non maintenir le gouvernement le plus réactionnaire de la Ve République ! (…) Ne pas voter la censure, c’est accepter un budget austéritaire, amputé de 6 milliards. Ne pas voter la censure, c’est laisser la démocratie se faire piétiner et valider un gouvernement illégitime. Ne pas voter la censure, c’est laisser ce gouvernement reprendre une à une les idées et le programme du Front national. ». Jean-Luc Mélenchon avait d'ailleurs fait de cette ultime motion de censure la dernière possibilité pour rester encore dans le NFP, comme si le gourou vieillissant était le seul dépositaire des tables de cette alliance électorale de circonstance.


La réponse a été faite par l'orateur suivant qui était encore Jérôme Guedj pour le groupe socialiste, mis en accusation de non-censure. Le député de l'Essonne s'est amusé sur ce long cycle qui allait enfin s'achever : « C’est un peu "Un jour sans fin", le jour de la marmotte, au cours duquel nous répétons sans cesse ce que nous pensons du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Mais la pédagogie, me direz-vous, est faite de répétitions. Je le redis donc avec sérénité et tranquillité : ce n’est pas un bon budget, mais nous en avons besoin (…). C’est aussi un budget dans lequel nous avons pu, autant que possible, corriger, atténuer, voire supprimer certaines mesures néfastes. ».

Et un peu plus loin dans le discours : « J’ai dit, au début de mon propos, que nous étions parvenus à limiter les effets les plus délétères. C’est pourquoi, je m’attends à une réaction immédiate, mais je suis désormais mithridatisé, nous n’avons pas la négociation honteuse. Nous n’aurons donc pas la non-censure honteuse. ». Ainsi que ceci (qui est tout le contraire des propos des insoumis) : « Ce sont autant de raisons qui me conduisent à considérer que, même si ce budget n’est pas un bon budget, il est moins mauvais que celui proposé par Michel Barnier. Je terminerai en évoquant un point, psalmodié de manière récurrente : l’idée selon laquelle la censure du gouvernement, donc l’absence de budget, ne serait pas si grave. Je connais trop le PLFSS et je respecte trop les acteurs qui le portent et ceux qui le font vivre, notamment dans les hôpitaux, pour ne pas reconnaître que ce serait un problème. (…) Je souhaite donc tordre le cou à cet argument un peu facile qui consiste à faire croire que le rejet du PLFSS n’aurait pas de conséquences. Je préfère ce PLFSS, aussi insuffisant soit-il. C’est pourquoi nous ne le censurerons pas, de façon à disposer d’un budget de la sécurité sociale. Cependant, nous devons dès à présent préparer les suivants ; sinon, nous nous exposerions à des difficultés plus sévères. ».

 


Jérôme Guedj a une nouvelle fois regretté l'absence d'une grande loi sur le grand âge : « Vous semblez avoir été frappés par une forme de procrastination gouvernementale, certes, vous n’êtes pas les seuls ; tous vos prédécesseurs, de droite comme de gauche, l’ont été avant vous, qui vous empêche d’appréhender l’ampleur de la transition démographique. Il nous a fallu beaucoup de temps pour prendre la mesure de la transition écologique. Nous sommes également confrontés à la transition numérique et à la digitalisation de la société. Mais nous sommes incapables de percevoir cette révolution anthropologique que constitue le vieillissement de la population, ou nous agissons de manière homéopathique, donc insuffisante, à coups de fonds d’urgence et de colmatages, comme c’est le cas dans ce PLFSS. Nous devons aussi définir une méthode de travail. En effet, il y a un hiatus entre la volonté des parlementaires qui ont demandé, à l’unanimité, l’année dernière, une loi de programmation sur le grand âge et les réponses très parcellaires qu’ils ont obtenues. Cela pourrait prendre la forme d’un plan ou, pourquoi pas, d’une stratégie nationale, en tout cas, nous avons besoin d’outils juridiques pour le faire. Laissez-moi vous donner un exemple : l’isolement des personnes âgées, qui constitue l’un des fléaux de notre société, ce que les Petits Frères des pauvres appellent la "mort sociale". À l’heure actuelle, aucun acteur public, hormis les centres communaux d’action sociale (CCAS) et leur volontarisme, n’est chargé de ce mal du siècle. La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) a commencé, de manière balbutiante là encore, à investir le sujet. À défaut d’en faire une grande cause nationale, faisons-en au moins un objet de politique publique, qui nécessite des supports législatifs. ».

Le député LR Thibault Bazin, rapporteur général de la commission des affaires sociales, a voulu remettre quelques cadrans des insoumis à l'heure : « Les jours se suivent et se ressemblent étrangement. Alors que nous examinons la quatrième motion de censure déposée par la France insoumise en huit jours, nous commençons tous à ressentir une certaine lassitude. Comme à son habitude, LFI persiste à rechercher le chaos institutionnel, au moment où l’adoption d’une motion de censure aurait un effet cataclysmique sur nos finances publiques. Je le répète depuis des semaines, non seulement en tant que rapporteur général de la commission des affaires sociales, mais aussi en tant que citoyen. (…) Depuis la censure du gouvernement de Michel Barnier, la France est privée de budgets et cela inquiète légitimement les Français. Il faut y remédier de toute urgence ; sinon, la facture de la censure s’aggravera encore. Cette facture ne sera pas que budgétaire mais également, et c’est peut-être le plus grave, sociale, là, vous pourrez parler de violence. ».

Et de replacer l'église au centre du village : « La France insoumise parle d’un budget austéritaire. Qu’en est-il vraiment ? J’ai regardé de plus près : toutes branches confondues, y compris le fonds de solidarité vieillesse (FSV), les dépenses pour 2025 s’élèveront à 666,4 milliards d’euros, soit une hausse de 23,5 milliards par rapport à 2024. C’est une hausse de 3,7%, bien supérieure à l’inflation attendue. L’année précédente, les dépenses avaient déjà progressé de 32,2 milliards. La hausse s’élève donc à 9,1% en deux ans. On est loin de l’austérité ! Ne mentons pas aux Français. Avec votre motion de censure, vous prenez le risque d’empêcher le déploiement de mesures attendues et utiles pour nos concitoyens, puisque le texte serait rejeté si votre motion était adoptée. Je pense à la réforme du calcul du montant de la pension des retraités agricoles, visant à l’aligner sur les vingt-cinq meilleures années de revenus, prévue à l’article 22. (…) Vous prenez le risque d’empêcher le triplement du fonds de soutien exceptionnel aux EHPAD, avec la dotation de 300 millions d’euros, obtenue en nouvelle lecture et prévue à l’article 21 quater. Vous prenez le risque d’abandonner la reconnaissance du statut d’infirmier coordonnateur dans les EHPAD, à l’article 21 ter. (…) Avec votre motion de censure, vous prenez le risque d’empêcher l’expérimentation, prévue à l’article 17 octies, relative à la prise en charge par l’assurance maladie de tests pour détecter une soumission chimique, y compris sans dépôt de plainte. Vous prenez le risque que ces mesures, attendues, partent à la poubelle avec l’adoption de la motion de censure. En réalité, vous fragilisez davantage ceux que vous prétendez défendre ! Il est encore temps de vous ressaisir. Dans l’intérêt général, pour la France, je vous invite à retirer votre motion de censure. (…) Si cette nouvelle motion de censure venait à être adoptée, il est évident que la France serait affaiblie, et le déficit encore plus catastrophique, à plus de 28 milliards. ».

Mais tout cela ne servait à rien, car tous les députés insoumis avaient déjà déserté l'hémicycle, se moquant totalement de l'avis de leurs collègues, signe habituel de leur irrespect des institutions.
 


Le député de Meurthe-et-Moselle a toutefois poursuivi en espérant améliorer les prochains PLFSS à l'avenir, pour en finir avec leur déficit : « Il faut s’assurer que chaque euro dépensé est justifié. C’est une question de justice, mais également un impératif pour la cohésion sociale et la pérennité de notre modèle. Dans l’intérêt du pays, il n’est pas, plus, possible de naviguer au gré des gouvernements, et de préparer un budget en quelques semaines à partir de mesures purement paramétriques. Plutôt que des rabots budgétaires imposés à l’aveugle, injustement préjudiciables au système, il faut de toute urgence œuvrer résolument, mais avec discernement, au redressement de nos comptes sociaux. Ainsi, nous pourrons relever les défis, en particulier ceux du vieillissement de la population et de la dénatalité. ».

Quelques pistes : « Nous devons nous attaquer au déficit abyssal de notre système de retraite, pas celui qui est apparent, celui qui inclut aussi les dépenses financées par l’État. (…) Certaines dépenses ne sont pas justifiées. Elles scandalisent nos concitoyens, qui participent au financement de notre modèle de protection sociale. Ceux-ci s’inquiètent des dérapages budgétaires, des déficits qui s’accumulent et se traduisent par une dette qui pèsera sur les générations futures, nous sommes aussi là pour elles. En avons-nous suffisamment conscience ? (…) Dit autrement : il faut conserver ce qui vaut, et modifier ce qu’il faut. Nous sommes vigilants : préservons l’accès aux soins dans nos territoires. (…) Le redressement de nos comptes sociaux passe par des réformes structurelles. Il ne faut plus les reporter. Les efforts doivent s’accompagner d’une réflexion plus générale sur notre taux d’emploi, ou sur notre natalité qu’il faut relancer, le désir d’enfants est plus de 40% supérieur au taux de fécondité constaté. À court terme, le plus crucial ne figure pas dans ce budget : c’est notre taux d’emploi, qu’il faut améliorer. Si nous avions un taux d’emploi similaire à celui de l’Allemagne, cela représenterait 15 milliards de recettes sociales en plus, et 5 milliards de prestations à verser en moins. Cette différence de 20 milliards comblerait l’essentiel du déficit de la sécurité sociale ! C’est le principal levier à utiliser. Nous ne pouvons en faire l’économie si nous tenons à la pérennité de notre modèle de protection sociale. Notre système est fondé sur le travail et la solidarité intergénérationnelle, deux principes fondamentaux de plus en plus dévoyés. (…) Il faut aboutir à l’allocation sociale unique. Cela simplifiera la vie des bénéficiaires, permettra de lutter contre le non-recours et de réduire les frais de gestion. Cela doit aller de pair avec un rétablissement des allocations familiales pour les familles qui travaillent, et qui ont été pénalisées par la mise sous condition de ressources de ces allocations, coup de rabot que l’on doit à la Présidence de François Hollande. Telle est notre priorité pour la France : mieux valoriser ceux qui travaillent afin d’assurer la pérennité de notre protection sociale. Il y va de notre cohésion et de l’avenir de notre nation. Notre boussole a toujours été et restera la France. ».

Pour les écologistes, Benjamin Lucas a fustigé ce PLFSS supposé austéritaire : « Mes chers collègues, nous vivons ici, et, à travers nous, tous les citoyens de ce pays, une expérience de Milgram à grande échelle. C’est notre soumission à la stabilité que vous éprouvez. J’interroge ceux de mes amis et camarades qui sont sincèrement tiraillés entre le rejet de votre politique et la peur de l’instabilité : jusqu’où irons-nous ? Pouvons-nous tout accepter au nom de la stabilité ? Pouvons-nous accepter en son nom une cure d’austérité qui affaiblira les services publics et les mécanismes de solidarité ? Vous prétendez réduire les déficits publics que vous avez creusés en baissant la dépense publique, ce qui affaiblira la puissance publique. (…) Les membres du gouvernement présents au banc cet après-midi en sont une illustration. Pouvons-nous accepter, au nom de la stabilité, que ce gouvernement compte en son sein deux anciens premiers ministres qui font partie des personnalités politiques les plus détestées du pays ? Pouvons-nous accepter, au nom de la stabilité, les provocations récurrentes d’un ministre de l’intérieur en roue libre, qui va jusqu’à remettre en cause les programmes d’histoire à l’école pour servir son discours aux relents colonialistes et ses obsessions néoconservatrices ? ».

Comme Marianne Maximi, l'orateur écologiste a fait du hors-piste en évoquant le thème de l'immigration (alors que la motion de censure est pour le PLFSS) : « Jusqu’à quel point vous compromettrez-vous moralement avec le lepénisme ? Ouvrir comme vous le faites un débat sur l’identité nationale est dangereux, non seulement parce qu’il pourrait faire se déchaîner les passions tristes et rances, mais aussi parce qu’il replierait notre pays sur lui-même, le rendant frileux, fébrile, lui faisant perdre la confiance qu’il place en son modèle républicain et l’amour qu’il se porte à lui-même, indispensable pour s’accepter tel qu’il est et grandir. Regarderons-nous notre nombril, obsédés par des querelles identitaires, pendant que nous attendent des défis mondiaux, géopolitiques, existentiels qui nous obligent à voir large, à penser haut ? ».


Pour s'amuser de la lassitude d'une quatrième mention de censure déposée par les insoumis en huit jours, le député ciottiste Olivier Fayssat a tenté un peu d'humour : « Nous avons désormais nos petites habitudes dans ce rendez-vous devenu récurrent et, pour vous épargner toute lassitude, le groupe UDR [ciottiste] prend soin d’alterner les orateurs, tantôt notre excellent collègue Maxime Michelet, tantôt moi-même. Si vous avez une préférence, je vous remercie par avance de ne pas en faire état, surtout si ce n’est pas à mon avantage. Si le groupe la France insoumise maintient ce rythme effréné des dépôts de motions de censure, la fréquence de nos rencontres pourrait nous conduire naturellement à nous appeler par nos prénoms. Cela étant, l’orateur change, mais le message reste similaire. La troisième partie du PLFSS ne nous convient pas plus que les deux premières, toutefois, nous poursuivrons en direction de la stabilité et nous ne censurerons pas. Annoncer un plan en trois parties en brisant si tôt le suspense est un exercice périlleux. Il m’oblige à une certaine concision car il serait redondant de s’étendre une fois de plus sur certaines de nos lignes rouges qui n’ont pas été franchies. (…) Notre intérêt à tous est que la sécurité sociale protège tous les Français et qu’elle ne fasse pas peser un poids insupportable sur la croissance et l’emploi, seules manières de garantir aux générations futures la même protection contre les risques de la vie. Certains de nos adversaires ne vous ont pas ménagé et je ne m’associe en aucun cas aux incorrections et autres inélégances dont ils se sont rendus coupables. J’espère que vous aurez apprécié cette parenthèse de douceur, sans brutalité ni agressivité. Je suis certain néanmoins que votre sagesse n’y verra pas des acquis que nous n’entendons pas vous concéder. ».

À la fin du débat parlementaire sur cette énième motion de censure des insoumis, le Premier Ministre François Bayrou a pris la parole avant la mise au vote : « Nous voilà, peut-être, au terme de ce marathon budgétaire. Si le Sénat approuve le projet de loi de financement de la sécurité sociale une fois que cette motion aura été repoussée, la France aura alors ses budgets, celui de l’action publique et celui de la sécurité sociale. Ce dernier est lourd de conséquences pour le pays. Il est bon de rappeler que la partie dépenses du PLFSS s’élève à 666,4 milliards d’euros ! Un tel budget garantit à l’ensemble de nos concitoyens la protection sociale à laquelle ils ont droit et qui est, beaucoup l’ont dit, le pilier central du pacte républicain, hérité du Conseil national de la Résistance. ».

Et il a décrit sa méthode : « Ce texte a été évidemment difficile à mettre au monde. Il est le fruit d’un dialogue, d’un compromis, le mot a été employé plusieurs fois à cette tribune. J’atteste que ce dialogue a été mené de bonne foi. Bonne foi de la part du gouvernement, de la part des groupes qui y participent ou le soutiennent, mais également de la part de plusieurs sensibilités qui, ne participant pas au gouvernement et ne s’y sentant pas représentées, ont accepté de dialoguer pour pour qu’un texte amélioré permette à l’Assemblée de se prononcer sans arrière-pensées à son sujet. ».

 


Le résultat de cette motion de censure a été proclamé en fin d'après-midi (scrutin n°791). 121 députés seulement ont voté pour elle, soit moins de 21% des députés, répartis ainsi : 71 insoumis (sur 71), 34 écologistes (sur 38), 15 communistes (sur 17) et 1 socialiste (sur 66), le même que pour la précédente motion de censure. C'est un peu plus que la précédente motion de censure qui avait reçu seulement 115 votants.

Si la page budgétaire de 2025 se tourne pour François Bayrou, il lui reste encore tous les autres sommets de l'Himalaya à gravir...



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (13 février 2025)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Mission accomplie : les budgets 2025 (PLF et PLFSS) définitivement adoptés (ouf !).
4 motions de censure et pas d'enterrement !
Emmanuel Macron à la télévision le dimanche soir !
Interview du Président Emmanuel Macron le dimanche 9 février 2025 sur France 2 (vidéo).
Sam Altman salue la France, centre névralgique de l'intelligence artificielle.
François Bayrou, le début du commencement.
La quadrature du cercle de Michel Barnier.

 



https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250212-budget.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/mission-accomplie-les-budgets-2025-259277

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/12/article-sr-20250212-budget.html



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7 février 2025 5 07 /02 /février /2025 03:23

« Le Président est nommé par le Président de la République. Il a voix prépondérante en cas de partage (article 56). (…) Le Conseil Constitutionnel veille à la régularité de l'élection du Président de la République (article 58). (…) Les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles (article 62). » (Extraits du Titre VII de la Constitution de la Cinquième République sur le Conseil Constitutionnel).



 


Depuis le début de ce mois de février 2025, les parlementaires parlent beaucoup, entre eux, d'un sujet institutionnel : qui sera proposé Président du Conseil Constitutionnel le 10 février 2025 ? C'est en effet à cette date que les candidats aux trois postes qui vont être vacants en mars 2025 seront connus.

Le Conseil Constitutionnel, basé au Palais-Royal, au 2 rue de Montpensier dans le premier arrondissement de Paris, est la première instance juridique en France. De Gaulle lui-même était très réticent et ne souhaitait pas une Cour Suprême comme aux États-Unis, en raison de sa fascination pour la légitimité populaire. Néanmoins, Michel Debré a obtenu la création de cette instance afin de faire un contre-pouvoir démocratique à des assemblées ou des gouvernements qui bousculeraient trop brusquement les droits fondamentaux ou la Constitution. C'est, en quelque sorte, le gardien du temple constitutionnel.

Ce n'est qu'à partir du début des années 1970 que le Conseil Constitutionnel a pris lui-même du pouvoir en élargissant le bloc de constitutionnalité non seulement à tous les textes constitutionnels mais aussi à des chartes et autres textes proclamant des droits fondamentaux, y compris la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l'État.

Si lui-même ne peut toujours pas s'auto-saisir, il a acquis deux pouvoirs importants par la suite grâce à des révisions constitutionnelles initiées d'une part par Valéry Giscard d'Estaing le 29 octobre 1974 (droit de saisine par au moins 60 députés ou 60 sénateurs, ce qui permet désormais à l'opposition de saisir le Conseil Constitutionnel), et d'autre part par Nicolas Sarkozy le 23 juillet 2008 (question prioritaire de constitutionnalité, saisine par un justiciable pouvant remettre en cause la validité d'une loi déjà promulguée qui ne serait pas conforme à la Constitution !).

Le Conseil Constitutionnel a donc trois activités : il veille à la constitutionnalité des projets et propositions de loi définitivement adoptés avant leur promulgation, seulement s'il est saisi et seulement sur les sujets de la saisine ; il veille à la régularité de l'élection du Président de la République et des parlementaires nationaux ; enfin, il statue sur les QPC (questions prioritaires de constitutionnalité), cette dernière activité devenant l'activité principale (depuis 2010, le Conseil a traité plus de 1 100 QPC).

Le Conseil est composé de neuf membres nommés pour neuf ans et non renouvelables (sauf sous certaines conditions). Le Président de la République, le Président de l'Assemblée Nationale et le Président du Sénat nomment chacun un membre tous les trois ans. Le Président de la République nomme par ailleurs le Président du Conseil Constitutionnel. Depuis 2008, les membres pressentis ne sont que proposés car il faut aussi qu'ils soient auditionnés par les commissions des lois des deux assemblées, et leur candidature peut être rejetée si une majorité des trois cinquièmes le décide. Les anciens Présidents de la République sont membres de droit du Conseil, mais ne siègent pas ni n'ont de rémunération lorsqu'ils sont restés dans la vie politique active ou qu'ils décident de ne pas siéger pour diverses raisons.

Le mandat de l'actuel Président du Conseil Constitutionnel, l'ancien Premier Ministre Laurent Fabius, se termine dans quelques jours. Nommé par François Hollande en février 2016, il laisse une place cruciale vacante. C'est à Emmanuel Macron de désigner son successeur, ou du moins, de le proposer.

Or, depuis la fin du mois de décembre 2024, Emmanuel Macron a choisi le successeur. Ce n'est pas encore officiel, mais il s'agirait de Richard Ferrand (62 ans). Cet ancien député socialiste a été le premier député à avoir rejoint Emmanuel Macron en 2015 et il fait partie des fidèles parmi les fidèles. Chef du parti macroniste, brièvement ministre, il a été élu Président de l'Assemblée Nationale du 12 septembre 2018 au 21 juin 2022. Il n'a pas été réélu dans sa circonscription du Finistère en juin 2022, si bien qu'il a été mis de côté des organes de la République depuis deux ans et demi.

Au-delà de son hyperfidélité au Président de la République, Richard Ferrand peut avoir deux handicaps dans cette nomination : d'une part, il a eu une casserole politico-financière, mais la justice l'a totalement blanchi ; d'autre part, son échec électoral ne le place pas en position naturelle pour un poste d'une si grande responsabilité. Les plus perspicaces rappelleront que Richard Ferrand, alors au perchoir, avait désigné Véronique Malbec, ancienne procureure générale de Rennes, au Conseil Constitutionnel où elle siège encore (jusqu'en mars 2031), alors que celle-ci avait été la responsable hiérarchique du procureur qui a classé sans suite l'affaire des Mutuelles de Bretagne.

Depuis quelques semaines, des députés EPR ont fait des sondes auprès de leurs collègues des autres groupes pour voir leurs réactions. Il semblerait que les députés Horizons et surtout du MoDem ne seraient pas défavorables à cette candidature. En revanche, les insoumis ne le rateraient pas, pas sur le plan judiciaire (la justice a tranché), mais sur le plan politique et institutionnel.

Ainsi, le chef des insoumis Manuel Bompard aurait déjà réagi le 2 février 2025 ainsi : « Le Conseil Constitutionnel ne peut pas être l'endroit où on recase ses amis. ». Les insoumis n'hésiteraient pas à dénoncer une manœuvre de l'Élysée pour permettre une troisième mandat à Emmanuel Macron dans le cas où ce dernier démissionnerait et se représenterait immédiatement. Trente-cinq jours s'écouleraient entre la démission et le premier tour de l'élection présidentielle, ce qui serait très court pour la recherche des 500 parrainages, l'organisation de la campagne, la location des salles, la production du matériel de campagne, etc. Le Président démissionnaire aurait alors un avantage sur ses concurrents.

Rapportés par le "Journal du dimanche" du 2 février 2025, les propos d'un responsable insoumis : « Le Président est d’ailleurs déjà reparti en campagne. Sa visite dans un bureau de tabac, son échange avec un influenceur sur une affaire de verbalisation abusive à un péage abondamment relayé sur les réseaux sociaux, le bain de foule à Colmar... ».

Pour le constitutionnaliste Benjamin Morel, interrogé le 2 février 2025 dans "La Tribune Dimanche", nommer Richard Ferrand serait également une erreur : « Un Conseil Constitutionnel présidé par un sherpa du chef de l'État, qui regrettait encore il y a un an que la Constitution empêche ce dernier de se représenter et ajoutait "changeons tout cela", pourrait-il être perçu par les citoyens comme un organe jugeant en droit, au-dessus des partis ? Peut-être le ferait-il. Mais cela ne serait pas reçu comme tel par l'opinion. ».
 


Emmanuel Macron a cependant de solides arguments à faire valoir pour promouvoir Richard Ferrand à la Présidence du Conseil Constitutionnel. Le premier, c'est qu'il vaudrait installer la tradition (« l'usage ») que le Président du Conseil Constitutionnel soit un ancien Président de l'Assemblée Nationale, ce qui conforterait le rôle de contrôle de la loi après l'avoir construite. Mais cet argument ne tient pas vraiment l'analyse historique : seuls, les deux derniers Présidents du Conseil Constitutionnel ont officié au perchoir, Jean-Louis Debré et Laurent Fabius. Le deuxième argument, c'est que ce n'est pas nouveau que le Président du Conseil Constitutionnel soit politisé, c'est-à-dire qu'il ait eu une action politique et militante dans sa carrière. C'était même le cas de tous les Présidents du Conseil Constitutionnel dont certains étaient des chefs de parti. Enfin, troisième argument, ce n'était pas rare non plus qu'il fût un ami personnel du Président de la République : Laurent Fabius pour François Hollande ; Jean-Louis Debré, Pierre Mazeaud et Yves Guéna pour Jacques Chirac ; Roland Dumas, Robert Badinter et Daniel Mayer pour François Mitterrand.

Et il y a un quatrième argument moins avouable. En cas d'élection de Marine Le Pen en 2027, le Conseil Constitutionnel deviendrait la base de résistance pour l'empêcher de violer l'État de droit. Y mettre à sa tête un homme habile et expérimenté qui connaît bien la vie politique deviendrait alors une assurance-vie de la République.

Quant aux deux autres membres à nommer, la Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet a déjà fait savoir qu'elle comptait proposer l'ancienne juge d'instruction Laurence Vichnievsky, ancienne députée MoDem de 2017 à 2024 dans l'ancienne circonscription de Valéry Giscard d'Estaing et battue en 2024 par un candidat écologiste (elle vient d'avoir 70 ans ce mercredi 5 février 2025), tandis que, selon "Le Monde", le Président du Sénat Gérard Larcher hésiterait encore entre deux sénateurs et anciens présidents de la commission des lois, Philippe Bas (ancien ministre, connu pour avoir défié le Président de la République en présidant la commission d'enquête sur l'affaire Benalla) et François-Noël Buffet (actuel ministre depuis 2024).

La publication du nom des trois candidats devrait intervenir le 10 février 2025 et les auditions se dérouleront le 19 février 2025. Le mandat de ces trois membres ira de mars 2025 à mars 2034. On doit s'attendre à ce que cette instance suprême soit plus politisée car parmi les trois sortants, deux n'étaient pas des politiques mais des juristes. Les trois proposés semblent faire partis tous les trois de la classe politique. Une odeur d'ancien monde.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (05 février 2025)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Richard Ferrand bientôt proposé rue de Montpensier ?
Grandeur et décadence.
L'adjudant-chef promu maréchal.
L'homme et son affaire.
Yaël Braun-Pivet.
Il faut une femme au perchoir !
François de Rugy.
Claude Bartolone.
Patrick Ollier.
Jean-Louis Debré.
Raymond Forni.
Laurent Fabius.
Philippe Séguin.
Henri Emmanuelli.
Louis Mermaz.
Jacques Chaban-Delmas.
Edgar Faure.
Édouard Herriot.
Vincent Auriol.
Paul Painlevé.
Léon Gambetta.


 







https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250205-richard-ferrand.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/richard-ferrand-bientot-propose-259163

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5 février 2025 3 05 /02 /février /2025 20:52

« Le budget que nous allons adopter aujourd'hui, je le crois, est une étape, c'est même le début du début du commencement du travail que nous allons faire. (…) Le gouvernement n'a qu'une ligne, restaurer une puissance publique digne de ce nom au service d'une nation qui doit retrouver sa solidité, sa solidarité et sa fierté. » (François Bayrou, le 5 février 2025 dans l'hémicycle).




 


Les deux motions de censure déposées par le groupe insoumis le 3 février 2025 ont été examinées ce mercredi 5 février 2025 après-midi au cours de deux débats indépendants. Elles étaient la réaction au double engagement de responsabilité du gouvernement de François Bayrou pour l'adoption du projet de loi de finances pour 2025 (PLF) et pour la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (PLFSS), autrement dit, à l'utilisation de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.

Au moment du débat parlementaire, il n'y avait plus de suspense. Dès le lundi 3 février 2025, le parti socialiste a fait savoir qu'il ne voterait pas la censure en raison de son esprit de responsabilité et de stabilité : la France a besoin d'un budget pour 2025 et ne peut pas se permettre une seconde censure sur le budget. Quant au groupe RN, après l'avoir implicitement annoncé le 4 février 2025, c'est quelques heures avant le vote qu'il a formellement confirmé qu'il ne voterait pas non plus la censure.


C'est donc un succès pour François Bayrou mais il a voulu avoir le triomphe très modeste. Il n'était pas question de fanfaronner ni de parader avec sa non-censure. Certes, il a réussi la première mission de son gouvernement, à savoir doter le pays d'un budget pour cette année en cours, et le plus tôt possible, ce qui, entre autres, permettra aux collectivités locales (communes, départements, régions) de construire leur propre budget.

En effet, comme le signalent la plupart des éditorialistes, cette non-censure est un sursis, un répit, pour le gouvernement Bayrou. Rien ne l'empêchera de tomber sur un autre sujet, par exemple, celui des retraites (Boris Vallaud a prévenu que les socialistes voteraient la censure si le retour à l'âge légal de 62 ans n'était pas proposé à l'issue de la grande conférence sociale).

 


Avant le vote de la motion de censure contre le PLF, François Bayrou a pris la parole : « Nous avons un budget imparfait. Et je voudrais dire à ceux qui l'ont remarqué que notre but, notre intention, est que ce budget, l'année prochaine, si nous arrivons à remplir les objectifs que nous nous sommes fixés, ce budget ne soit pas le même. Et donc, ce budget est une étape d'urgence. Et pourquoi est-il une étape d'urgence ? Parce que notre pays ne peut pas vivre sans budget. (…) Nous ne pouvions pas, en aucune manière, faire autrement. C'est pourquoi nous avons fait un choix. Nous avons fait un choix d'agenda en choisissant de repartir du texte qui avait été présenté par le gouvernement de Michel Barnier et examiné par le Sénat. C'était plus difficile, naturellement, mais ça répondait à une exigence, c'est que nous ayons un budget au début du mois de février, alors qu'autrement, il aurait fallu attendre avril. Et qui peut soutenir l'idée que les investisseurs qui ont besoin de lisibilité, que les entreprises qui ont besoin de stabilité, et que les foyers qui ont besoin de retrouver un minimum de cohérence dans l'action publique, qui peut soutenir l'idée que ça aurait été mieux d'attendre quatre mois pour avoir à peu près les mêmes discussions, à peu près les mêmes condamnations, à peu près les mêmes invectives. ».

 


Et le chef du gouvernement a terminé son intervention en prenant de la hauteur internationale : « Mais je voudrais dire un dernier mot. À l'heure même où nous avons ce débat, un peu, par moments, surréaliste, parfois décalé, l'Ukraine, avec plus de 100 000 morts, s'arc-boute sous les coups de l'armée russe sous les ordres de Poutine, qui, elle, a eu 200 000 morts. Le quarante-septième Président des États-Unis annonce qu'il va annexer le canal de Panama, l'immense Groenland, je rappelle que le Danemark est un État de l'Union Européenne et que la question, si cette menace se réalisait, se poserait à tous les États de l'Union Européenne la question de la réaction qui pourrait être la leur face à cette tentative de prise de contrôle. La Chine a passé le cap des 1 000 milliards d'excédent commercial. Et tout cela, ce sont des tsunamis qui s'avancent, irrésistibles, en tout cas, en face desquels nous demeurons paralysés. Et nous nous évertuons, nous nous ingénions, nous nous obsédons à rester, à nous enfoncer et à aggraver nos faiblesses et nos divisions. Le gouvernement n'a qu'une ligne, restaurer une puissance publique digne de ce nom au service d'une nation qui doit retrouver sa solidité, sa solidarité et sa fierté. ».

 


Ce qui est notable, c'est qu'il y a eu moins de députés qui ont voté pour ces deux motions de censure que pour la première motion de censure du 16 janvier 2025. L'hémicycle était d'ailleurs clairsemé, ce qui était normal puisque seuls sont comptés les votes des députés voulant la censure. Les autres pouvaient vaquer à d'autres occupations.

Pour qu'une motion de censure soit adoptée, il faut une majorité d'au moins 289 députés (sur le 576 actuellement en exercice, il manque le député de Boulogne-Billancourt qui est en train d'être élu les 2 et 9 février 2025).


Les résultats de la première motion de censure (celle contre le PLF2025) ont été annoncés par la Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet à 18 heures 09 : seulement 128 députés ont voté pour cette motion de censure, elle a donc été rejetée et le projet de loi de finances pour 2025 est donc réputé comme définitivement adopté.

 


L'analyse de ce scrutin (n°693) a montré que les 128 censeurs étaient composés de 70 députés FI (sur 71), 37 députés EELV (sur 38), 15 députés PCF (sur 17)... et 6 députés socialistes (sur 66). Cela signifie que 10% des députés socialistes ont refusé de suivre la consigne de ne pas voter la censure, c'est moins que le 16 janvier 2025 (ils étaient 8 au scrutin n°526), mais parmi ces 6, 2 n'avaient pas voté la censure le 16 janvier 2025, cela veut dire qu'au moins 10 députés socialistes sont susceptibles de voter la censure malgré une consigne de non-censure.

À cette annonce, si son voisin, le Ministre chargé des Relations avec le Parlement Patrick Mignola esquissait un franc sourire, François Bayrou lui-même restait impassible. Pas question d'être arrogant. Il a surtout encaissé cette nouvelle avec un peu d'émotion, comme le résultat de ses deux mois d'efforts et de concertations pour permettre l'adoption d'un budget (qui n'est parfait pour aucun groupe de l'Assemblée en raison des concessions). Il s'est juste dit qu'il avait trouvé un chemin.

L'exercice s'est poursuivi avec un nouveau débat pour la motion de censure contre le PLFSS2025. C'était l'occasion pour François Bayrou, en concluant ce débat, de rappeler une nécessité : « Tout le monde voit bien, a souligné, à plusieurs reprises, majorité comme opposition, la certitude que nous ne pouvons plus nous contenter d'un examen annuel de notre budget [de la sécurité sociale] et qu'une pluriannualité, avec des orientations et avec des tendances dégagées qui seront autant d'engagements, que cette méthode pluriannuelle sera plus riche que la méthode habituelle dans laquelle nous sommes, d'une certaine manière, quelque peu enfermés. (…) C'est aussi un travail de refondation qui est nécessaire devant le projet de loi de financement de la sécurité sociale. ».
 


Et de remercier les députés pour le travail accompli pour ce PLFSS : « Le choix de responsabilité est aussi un choix de solidarité à l'égard des plus fragiles de nos concitoyens car c'est eux qui auraient été évidemment victimes si nous n'avions pas eu d'adoption de ce budget. C'est pour le gouvernement une manière de remercier l'Assemblée Nationale de son engagement et de son travail. ».

Là encore, les résultats, annoncés ce mercredi 5 février 2025 à 20 heures 16, ont abouti au rejet de cette motion de censure, car seulement 122 députés l'ont votée, soit encore moins que la censure contre le PLF2025.
 


L'analyse du scrutin (n°694) a fait état du détail de ces 122 votes : 71 députés FI (sur 71), 36 députés EELV (sur 38) et 15 députes PCF (sur 17). Cette fois-ci, aucun député socialiste n'a voté la censure, la consigne du bureau national du PS a donc été respectée à 100% !

Pour François Bayrou, c'est bien sûr un double succès (le PLFSS n'est pas encore terminé et il y aura encore des motions de censure dans les jours prochains), car sa méthode a fonctionné, celle de tenter un pont entre le gouvernement et le PS. Le plus gros succès politique, c'est d'avoir réussi à détacher le PS de la tyrannie parlementaire de Jean-Luc Mélenchon, gourou du chaos.

Pour le parti socialiste aussi, c'est un succès. En effet, la décision douloureuse de ne pas censurer le gouvernement, pour être utile et efficace, devait être respectée par chaque député individuellement (je rappelle que le mandat d'un député n'est heureusement pas impératif, c'est la base même de la démocratie française, et donc, qu'il vote toujours en son âme et conscience quelles que soient les consignes éventuelles de son parti). À 10% près, la consigne a été respectée.

 


François Bayrou paraissait assez sûr de lui sur cette non-censure, en ce sens que la démarche initiée dès décembre par le PS, c'est-à-dire de devenir responsable et de chercher à obtenir quelques avancées (selon le PS) tout en restant dans l'opposition, s'apparente à faire du saut en parachute (cette analogie vient de la journaliste Sylvie Pierre-Brossolette le 3 février 2025 sur LCI) : une fois qu'on a sauté, on ne peut plus revenir en arrière dans l'avion ! Le PS non plus ne peut revenir en arrière pour se remettre dans la nasse des insoumis car il perdrait tout : il est déjà qualifié de traître par les insoumis (mais c'est ordinaire, depuis plus d'un siècle, qu'un socialiste se fasse traiter de traître par un gauchiste) et s'il retournait en arrière, il serait critiqué par ses électeurs qui demandent un minimum d'esprit de responsabilité.

Quant au RN, c'est aussi un semi-succès car sa consigne de non-censure a été suivie à 100%. Certes, le RN n'est plus au centre des enjeux dès lors que le PS l'a remplacé, mais en ne votant pas la censure, il s'est distingué des insoumis, d'autant plus qu'il ne pouvait pas reprocher à François Bayrou d'avoir franchi une ligne rouge budgétaire, et cela lui a permis de ne pas montrer l'inefficacité de son vote de censure. Il réserve cet acte grave à un autre moment dont il sera maître.

Le Premier Ministre a pris la parole à l'issue de ce second vote pour engager la responsabilité du gouvernement, sur le fondement de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, sur la deuxième partie du PLFSS, la partie des recettes. Une motion de censure sera certainement déposée par les insoumis pour un examen à la fin de la semaine ou au début de la semaine prochaine, sauf s'il commence à se lasser de déposer des motions de censures (le groupe insoumis en a déposé déjà cinq depuis les dernières élections !).
 


La suite, c'est donc le véritable début du travail gouvernemental. En gros, François Bayrou est arrivé en deux mois à atteindre là où s'était arrêté le gouvernement Barnier en trois mois (ce qui est logique puisqu'il a repris ses travaux budgétaires). Il aura donc réussi à rattraper le retard budgétaire en seulement deux mois, ce qui est remarquable.

Déjà la veille, 4 février 2025, François Bayrou avait répondu à l'ancien ministre Paul Christophe, président du groupe Horizons à l'Assemblée, à la séance des questions au gouvernement, en affirmant bien fort que l'achèvement des adoptions budgétaires ne constituait pas une fin mais un début ! Ainsi, il avait déclaré : « Vous avez raison de signaler que cette étape initiale qui s’achèvera, je l’espère, avec l’adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale, au terme d’une succession de motions de censure dont vous connaissez tous la mécanique, ne constitue que le début du travail que nous avons à accomplir. J’ai utilisé l’image peut-être exagérée de l’Himalaya, chaîne de montagnes de 2 000 kilomètres qui compte dix sommets de plus de 8 000 mètres. ».


Et d'indiquer son action des prochaines semaines, en clair, préparer dès maintenant le budget 2026 : « Nous devons proposer une stratégie pour les très grands sujets qui vont de l’éducation nationale à la santé, je n’en dresserai pas la liste exhaustive, en passant par la réforme de l’État, par laquelle je commencerai. Dès le lendemain de l’adoption du budget, je demanderai à chacun des ministres et des départements ministériels de lancer l’analyse en profondeur qui partira non pas des moyens, comme on le fait habituellement, mais des missions de l’État. Ces missions sont-elles accomplies, bien accomplies ? La répartition des missions avec les collectivités locales est-elle bonne ? L’allocation des moyens est-elle juste et pertinente ? Ce travail en profondeur sur l’action de l’État est l’un des premiers que nous avons à conduire. Je vous rassure, ce ne sera pas le seul : tous les domaines que nous avons identifiés comme étant en difficulté dans notre pays seront examinés un par un dès le lendemain de l’adoption du budget. ».
 


Lorsqu'il a pris la parole sur la motion de censure contre le PLF ce mercredi, François Bayrou a donné les mêmes indications : « Nous avons à reconstruire la conception même de notre action publique et de l'allocation des moyens qui sont dévolus à cette action publique. Mission par mission. (…) Si ce budget est adopté, alors nous allons, dès la semaine prochaine, repartir de chacun des départements ministériels, en analysant pour chacun d'entre eux si les missions qu'il doit conduire sont bien réalisés et si l'argent public qui leur est apporté est bien placé. C'est cela, l'action que nous allons entreprendre. C'est nécessaire, difficile, mais il n'y a pas de possibilité de continuer comme nous le faisons depuis des décennies avec une méthode extrêmement simple, comment faisons-nous le budget ? Nous prenons le budget de l'année précédente, nous y affectons plus ou moins un coefficient d'inflation... Tous ceux qui viennent à cette tribune disent : il faut baisser la dépense publique. Tous ceux qui viennent à cette tribune disent : vous mettez trop d'impôts, les foyers sont frappés, les entreprises sont frappées. Et en même temps, chacun exige qu'on dépense plus pour la préférence dans l'action qui est la sienne. Chacun se plaint de ce que l'augmentation du budget auquel il a été attaché est trop faible, et dans le même temps, qu'on n'ait pas fait le rééquilibrage que l'on attendait. L'un est contradictoire avec l'autre. (…) On ne peut pas reprendre la méthode éternelle qui consiste à repartir du budget précédent pour bâtir le budget suivant avec un coefficient d'augmentation des dépenses des impôts et des taxes. L'immense travail que nous avons à faire est un travail de reconstruction. (…) J'ai confiance que tout le monde peut participer à cet effort de reconstruction. (…) Le budget que nous allons adopter aujourd'hui, je le crois, est une étape, c'est même le début du début du commencement du travail que nous allons faire. Le gouvernement, naturellement, y participera. ».

C'est clair que l'alpinisme du Pyrénéen n'est pas terminé : il y a d'autres sommets dans l'Himalaya, après les premiers pics budgétaires ! Et François Bayrou jouit de plus d'une quarantaine d'années d'entraînement. Le voici en pleine épreuve.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (05 février 2025)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
François Bayrou, le début du commencement.
La semaine de vérité et de responsabilité.
Lionel Jospin appelle le PS à ne pas censurer le gouvernement Bayrou.
François Bayrou et le sentiment de submersion.
François Bayrou, la cohérence du pacificateur.
Ce Bayrou, c'qu'il est Faure !
François Bayrou sera-t-il censuré ?
Les conclaves du cardinal Bayrou.
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Vœux 2025 d'Emmanuel Macron : aux Français de trancher ?
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L'émotion de censure de Michel Barnier.
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Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
La quadrature du cercle de Michel Barnier.



https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250205-bayrou.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/francois-bayrou-le-debut-du-259120

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/05/article-sr-20250205-bayrou.html


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24 décembre 2024 2 24 /12 /décembre /2024 03:20

« Il n'y a aucune sorte de conflit, de compétition (…). L'idée qu'il faille nécessairement créer un affrontement entre le Président de la République et le Premier Ministre, idée très répandue (…), cette idée-là n'est pas la mienne. Et l'idée qui est la mienne, je l'ai formulée il y a longtemps (…), c'est la coresponsabilité. Nous sommes dans des responsabilités différentes coresponsables de l'avenir du pays. » (François Bayrou, le 23 décembre 2024 sur BFMTV).



 


Le gouvernement Bayrou a (enfin) été nommé ce lundi 23 décembre 2024 à 18 heures 45 (on pourra lire l'intégralité de sa composition ici). Longue gestation, mais moins longue que le gouvernement Barnier, dix jours au lieu de quinze jours. Au contraire de Michel Barnier qui a fait nommer quarante et un ministres inconnus et un ministre médiatique (Bruno Retailleau), François Bayrou a voulu mettre des pointures.

Qui dit pointures dit personnalités d'expérience. Ainsi, on ne pourra pas s'étonner qu'il y ait des "revenants" puisque pour être pointure, il faut avoir été. Et cet objectif-là a été rempli, avec un défi, pouvoir diriger l'orchestre sans fausse note.


Le nouveau gouvernement comporte quatre ministres d'État. Déjà, un petit mot sur les ministres d'État : ce sont des "grands" ministres, des sortes de numéros deux, c'est des ministres avec un rang honorifique. François Bayrou en a choisit quatre, c'est beaucoup mais il y a eu plus. François Mitterrand en usait et en abusait, cinq dès 1981, représentant chaque tendance du PS. Il y avait même, à l'époque, Nicole Questiaux aux Affaires sociales, qui n'est finalement pas sortie de son anonymat (qui a fêté son 94e anniversaire jeudi dernier). Jacques Chirac, pendant la première cohabitation, avec fait de son (à l'époque) fidèle Édouard Balladur son unique ministre d'État, une sorte de Vice-Premier Ministre.

Mais le modèle de François Bayrou en la matière est certainement le gouvernement du même Balladur, formé le 29 mars 1993 : ce dernier avait choisi de nommer tous les chefs de parti de la majorité, pour les mouiller et avoir une certaine discipline gouvernementale. Quatre ministres d'État étaient nommés pour représenter les différentes sensibilités, en n'oubliant personne : Simone Veil (indépendante) à la Santé, Charles Pasqua (RPR) à l'Intérieur, Pierre Méhaignerie (UDF-CDS) à a Justice et François Léotard (UDF-PR) à la Défense. Puis Alain Juppé aux Affaires étrangères, François Bayrou (dont c'était la première participation à un gouvernement, il y a trente et un ans) à l'Éducation nationale, etc. Que des pointures politiques !


Et c'est le cas aussi pour le gouvernement Bayrou. Quatre ministres d'État, dont deux anciens Premiers Ministres : Élisabeth Borne à l'Éducation nationale, à l'Enseignement supérieur et à la Recherche ; Manuel Valls aux Outre-mer ; Gérald Darmanin à la Justice ; et Bruno Retailleau à l'Intérieur. De ces quatre grands ministres, Bruno Retailleau est le moins expérimenté.

 


Plusieurs remarques sur ces quatre ministres. Ce n'est pas nouveau, sous la Cinquième République, qu'un ancien Premier Ministre soit nommé à un ministère après avoir dirigé un gouvernement, mais c'est nouveau d'avoir deux anciens Premiers Ministres ! Quand on cherche des pointures, la parité homme/femme s'effondre : pour les cinq premiers membres du gouvernement, Premier Ministre compris, une seule femme. La parité du gouvernement, globalement, est respectée, mais pas pour les ministres d'État.

En outre, Gérald Darmanin était plutôt attendu aux Affaires étrangères. François Bayrou avait proposé la Justice à Xavier Bertrand. Cela ne s'est pas fait. Pour l'impétrant, il s'est agi d'obéir au RN qui refusait toute idée d'avoir Xavier Bertrand à la Justice (croyant à tort que l'ennemi intime de Marine Le Pen aurait alors une influence sur le verdict des juges le 31 mars 2025 dans l'affaire qui va risquer sa carrière politique, mais c'est mal comprendre le fonctionnement de la justice puisque François Bayrou lui-même, Ministre de la Justice, loin d'influer sur le cours de la justice, a dû quitter son ministère pour une affaire dont il a été finalement relaxé). Pour François Bayrou, c'est la conception de la justice de Xavier Bertrand qui n'aurait pas collé (il l'avait reçu pour en discuter). On imagine qu'avec Xavier Bertrand à la Justice et Gérald Darmanin aux Affaires étrangères, il y aurait eu cinq ministres d'État.

Ou avec Laurent Wauquiez à l'Économie et aux Finances (il aurait été certainement ministre d'État), mais ce dernier n'a pas eu le courage de sortir de sa zone de confort pour agir dans l'intérêt des Français.

Élisabeth Borne a travaillé avec Lionel Jospin, mais il serait bien sûr inadéquat de dire qu'elle représenterait ici le PS, voire, plus généralement, la gauche. Élisabeth Borne ne s'est construite politiquement que dans le sillage du Président Emmanuel Macron. Elle ne peut représenter que le macronisme, donc le bloc central.


 


En revanche, ce n'est pas le cas des trois anciens membres éminents du parti socialistes qui font désormais partie du gouvernement Bayrou. Manuel Valls, ancien Premier Ministre de François Hollande, est une recrue de choix. On a parlé de trahison depuis longtemps. Il reste qu'il a marqué le dernier quinquennat socialiste et qu'il était même candidat à la primaire du PS en 2011 et en 2017, il était un proche collaborateur de Lionel Jospin (toujours lui) et a représenté un courant social-libéral et rocardien très présent au PS, bien que minoritaire. On sait que Manuel Valls avait abandonné la politique française pour Barcelone, puis qu'il est revenu. Le fait aujourd'hui de se mouiller est courageux. Il a toujours eu des positions d'autorité très claires, notamment sur l'antisémitisme, sur la sécurité, sur le respect des valeurs républicaines, sur la lutte contre l'extrême droite. Une véritable complicité politique s'est nouée entre François Bayrou et Manuel Valls en 2012, mais insuffisante pour casser les frontières du PS. On peut ajouter que donner à un ancien Premier Ministre, au troisième rang gouvernemental, le portefeuille des Outre-mer, c'est aussi montrer que les Outre-mer sont une priorité, pour corriger le tir après la maladresse de ne pas être allé à Mayotte immédiatement après la catastrophe.

Deux autres socialistes sont aussi importants, toujours dans la planète François Hollande : François Rebsamen, à l'Aménagement du territoire et la Décentralisation (avec quatre sous-ministres, donc poste très important !), a été le Ministre du Travail de François Hollande, mais surtout, le numéro deux du PS quand le numéro un s'appelait François Hollande. L'ancien maire de Dijon connaît bien François Bayrou car dans sa municipalité, le MoDem a fait partie de sa majorité dès 2008. Quant à Juliette Méadel, énarque proche de Laurent Fabius et de Ségolène Royal, elle fut porte-parole du PS d'août 2014 à décembre 2016, puis Secrétaire d'État chargée de l'aide aux victimes (en particulier du terrorisme) du 11 février 2016 au 10 mai 2017. Certes, elle s'est éloignée du PS (et s'est éloignée de la politique pour travailler à la Cour des Comptes), mais son engagement au sein du PS n'était pas "léger". Elle est nommée Ministre déléguée à la Ville.

Ces trois anciennes gloires du parti socialiste n'ont donc rien à voir avec Didier Migaud qui est parti aussi discrètement qu'il n'est venu (ce qui n'est pas gentil de la part des médias), car Didier Migaud était déjà loin du PS dès 2010, lorsqu'il a été nommé à la tête de la Cour des Comptes.

Regardons à l'histoire politique de la France. J'ai écrit que le modèle de François Bayrou est le gouvernement Balladur (1993-1995). On peut aussi voir l'analogie avec deux gouvernements de la Troisième République.

Le premier est le gouvernement constitué juste après les émeutes meurtrières du 6 février 1934 : on a recherché un ancien Président de la République de sa retraite, Gaston Doumergue (70 ans), et il a formé un gouvernement d'union nationale avec deux ministres d'État anciens Présidents du Conseil, un radical (gauche) Édouard Herriot et un républicain modéré (centre droit) André Tardieu. Dans ce gouvernement, il y avait de grosses pointures : Philippe Pétain, Louis Barthou, Pierre Laval, Albert Sarraut, Henri Queuille, Pierre-Étienne Flandin et Louis Marin.

Le second, en remontant encore plus loin, est le gouvernement le plus stable de la Troisième République, trois ans, celui dirigé par Pierre Waldeck-Rousseau, du 22 juin 1899 au 3 juin 1902. La montée de l'extrême droite consécutive aux passions suscitées par l'affaire Dreyfus a rendu obligatoire un gouvernement qui rassemblait de la gauche socialiste à la droite modérée. Pour cela, Pierre Waldeck-Rousseau a nommé à la fois le général Gaston de Galliffet, appelé par certains le "massacreur de la Commune", et son opposé, un transfuge du parti socialiste français, Alexandre Millerand (qui fut exclu de son parti pour avoir participé à un gouvernement "bourgeois"). On retrouve ici les transfuges de gauche considérés comme traîtres par leur ancien parti. Dans ce gouvernement, on y trouvait aussi Joseph Caillaux, l'inventeur de l'impôt sur les revenus, Théophile Delcassé, Ernest Monis et Georges Leygues.

La grande différence entre ces deux gouvernements et celui de François Bayrou, c'est qu'ils bénéficiaient, même provisoirement, d'une majorité parfois courte, à la Chambre des députés. Le gouvernement Waldeck-Rousseau bénéficiait ainsi d'un soutien de 262 députés sur 499, et le second gouvernement Doumergue de 456 députés sur 607. Le gouvernement Balladur a été sans doute le mieux servi de l'histoire avec un soutien durable de 492 députés sur 577. Le gouvernement Bayrou, en revanche, ne bénéficierait, actuellement, que du soutien positif de 210 députés sur 577. Peut-être plus avec le groupe LIOT.


Revenons à sa composition. Plusieurs ministres restent en place dans leur ministère, comme Sébastien Lecornu, Jean-Noël Barrot, Rachida Dati, Agnès Pannier-Runacher, Annie Genevard, Valérie Létard, Astrid Panosyan-Bouvet, Benjamin Haddad, Marc Ferracci, Thani Mohamed Soilihi (l'unique ministre mahorais, personnellement touché par la catastrophe à Mayotte), ou retrouvent leur ministère d'avant gouvernement Barnier, comme Catherine Vautrin, Aurore Bergé et Patricia Mirallès. Ce gouvernement a duré neuf mois, du 8 février 1934 au 8 novembre 1934.

 


Trois nouveaux ministres de plein exercice font leur entrée.

Éric Lombard, un "technicien", à l'Économie et aux Finances, pour rassurer les marchés : HEC, ancien patron de Generalli France de 2013 à 2017, il était le directeur général de la Caisse des dépôts et consignation depuis le 8 décembre 2017. Mais il présente aussi l'avantage de bien connaître la politique pour avoir fréquenté les cabinets ministériels des gouvernements de gauche pendant le second septennat de François Mitterrand dans les années 1990, en particulier auprès des ministres Louis Le Pensec et Michel Sapin, le Ministre de l'Économie de François Hollande dans les années 2010. Très grands, crâne d'œuf à l'allure quasi-giscardienne, Éric Lombard a été membre des Gracques, ces hauts fonctionnaires anonymes du parti socialiste qui avaient appelé à voter pour François Bayrou en 2007 dans une alliance PS-UDF (parmi les membres des Gracques, on peut aussi y voir Jean-Pierre Jouyet, François Villeroy de Galhau, l'actuel gouverneur de la Banque de France, pressenti lui aussi pour Bercy, Matthieu Pigasse, Denis Olivennes, ...et même un certain Emmanuel Macron). Certains imaginent d'ailleurs que le successeur d'Éric Lombard à la Caisse des dépôts et consignation, pourrait être le Secrétaire Général de l'Élysée Alexis Kohler, ce qui pourrait être perçu comme une sorte de désertion d'un Titanic élyséen (beaucoup de secrétaires généraux de l'Élysée ont dirigé cette Caisse). Éric Lombard supervise désormais la ministre déléguée chargée du Budget (plus exactement des Comptes publics), Amélie de Montchalin, qui est, elle aussi, une "revenante".

Laurent Marcangeli fait aussi son entrée au gouvernement à la Fonction publique. Il est depuis 2022 le président du groupe Horizons à l'Assemblée Nationale, il a été le maire d'Ajaccio de 2014 à 2022 et il a été élu pour la première fois député à l'âge de 31 ans, en juin 2012. La troisième nouvelle ministre "plein" est Marie Barsacq, aux Sports, à la Jeunesse et à la Vie associative, pour son expérience dans les associations et organisations sportives ; ses dernières responsabilités furent pour les Jeux olympiques et paralympiques de 2024, elle était la directrice de l'impact et de l'héritage au comité d'organisation.


 


Parmi les ministres délégués, on peut citer l'arrivée de Yannick Neuder (LR), député-cardiologue du Centre-Isère, à la Santé, de Véronique Louwagie (LR) au Commerce, tandis que Laurent Saint-Martin (et pas Laurent de Saint-Martin comme certains journalistes le disent), recasé du Budget au Commerce extérieur et Français de l'étranger.

Comme je l'ai expliqué précédemment, la composition d'un gouvernement ne peut soulever les passions car elle n'est rien en elle-même, seuls les actes comptent. Le PS a beau jeu d'affirmer que ce gouvernement serait d'extrême droite (avec Manuel Valls, François Rebsamen et Juliette Méadel, c'est un peu fort de café, Olivier Faure a abusé de substances hallucinogènes ou quoi ?), et il suffit d'aller voir ce qu'en pensent les hiérarques du RN pour se donner un avis complémentaire.

 


La vérité, c'est que le PS n'a pas eu le courage politique de participer au redressement national. François Bayrou leur avait réservé un tiers des ministères, c'était très généreux, et chacun dans son ministère aurait pu faire avancer ses idées. Il n'y a pas de lignes rouges qui comptent quand on travaille pour l'intérêt national. Il y a d'abord des compromis, des décisions communes sur des sujets qui suscitent beaucoup d'attente chez les Français, en particulier sur le pouvoir d'achat et sur le logement. Le PS, une fois encore, a raté son train de responsabilité.

Invité de BFMTV ce lundi soir, François Bayrou a tenté d'expliquer pourquoi il était certain qu'il saurait trouver les compromis pour lui permettre une stabilité gouvernementale. Après avoir lâché : « On ne va pas se jeter la censure à la figure ! », il a précisé ses intentions sur l'article 49 alinéa 3 de la Constitution : « Je n'utiliserais le 49-3 qu'à la dernière extrémité sur le budget. Je vais expliquer pourquoi. (…) Si on ne vote pas le budget, la Constitution ne laisse que deux issues au terme des débats. La première de ces issues, c'est le 49-3. C'est-à-dire, on dit à l'Assemblée Nationale : le gouvernement est engagé sur ce texte, et si vous votez contre, eh bien, vous emportez le gouvernement. C'est ce que l'on vient de vivre. Et il y a une deuxième issue proposée par la Constitution, c'est les ordonnances. C'est-à-dire, vous ne votez pas le budget, c'est moi le gouvernement qui vais décider tout seul. Et je pense qu'il vaut mieux utiliser, si le climat s'y prête et je ne m'engage, sur le budget, à rien, il vaut mieux utiliser le débat parlementaire plutôt que de faire des ordonnances. (…) Pour les autres textes, je n'ai pas l'intention d'utiliser le 49-3. (…) Pour les autres textes, j'ai l'intention d'aller au bout des débats. Il se trouve que je suis quelqu'un qui aime la démocratie parlementaire. Je suis de ce grand courant qui aime la démocratie au Parlement. Pourquoi ? Parce que les conflits qui s'opposent au Parlement, ce n'est pas des conflits qui éclatent dans la rue. Et donc, je suis pour que le Parlement fasse son travail, et qu'on le respecte. (…) Le Parlement, je veux qu'il aille au bout des débats. On lui proposera des textes, il votera pour, il votera contre. Et s'il vote contre, Assemblée Nationale et Sénat, eh bien on continuera avec les textes qu'il y avait avant. Je ne comprends pas pourquoi on veut transformer tout en psychodrame. Vous voyez bien (…), les Français... (…) La démocratie parlementaire, pourquoi est-ce qu'on est dans ces hurlements perpétuels ? Pourquoi est-ce qu'on se trouve avec des injures, des cris ? ».

Dans cette longue interview, le Premier Ministre paraissait à l'aise dans son rôle de chef d'orchestre. Il n'a plus qu'à distribuer la partition à ses musicien. Ce sera le 14 janvier 2025 à 15 heures, dans l'hémicycle. Son premier conseil des ministres aura lieu le 3 janvier 2025 à 10 heures. Ce temps de trêve des confiseurs sera mis à profit dans la préparation de sa déclaration de politique générale. François Bayrou l'a attendu des années. Il ne devra pas à la rater. Au-delà de sa petite personne, c'est la France qu'il ne faut pas rater.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (23 décembre 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Gouvernement Bayrou : un choc d'autorité ?
Composition du Gouvernement François Bayrou I nommé le 23 décembre 2024.
Le difficile accouchement du gouvernement Bayrou.
La méthode Bayrou réussira-t-elle ?
Terre de désolation.
La folle histoire de la nomination de François Bayrou.
François Bayrou, le papa Macron !
Le tour de François Bayrou !
La polémique entre Maurice Druon et François Bayrou en juillet 2004.
Le paysage politique français postcensure.
Motion de sangsue : les conséquences économiques désastreuses de la censure.
Philippe Vigier défend les Français face au renoncement national.
Laurent Wauquiez met en garde contre l'instabilité institutionnelle.
Emmanuel Macron face à ses choix.
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 décembre 2024 (texte intégral).
La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !
L'émotion de censure de Michel Barnier.
La collusion des irresponsables.
Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
PLF 2025 : la majorité de rejet !
Michel Barnier : déjà deux mois !
François Guizot à Matignon ?
5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
Doliprane : l'impéritie politique.
Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
La quadrature du cercle de Michel Barnier.





https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241223-gouvernement-bayrou.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/gouvernement-bayrou-un-choc-d-258313

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/23/article-sr-20241223-gouvernement-bayrou.html


 

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22 décembre 2024 7 22 /12 /décembre /2024 18:50




Pour en savoir plus :
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241223-gouvernement-bayrou.html



La composition du Gouvernement résultant du décret signé ce jour, lundi 23 décembre 2024 à 18 heures 45, par le Président de la République Emmanuel Macron sur la proposition du Premier Ministre, chargé de la Planification écologique et énergétique, François Bayrou, est la suivante :


4 Ministres d'État :

Mme Élisabeth BORNE (EPR), Ministre d’État, Ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ;

M. Manuel VALLS (ex-PS), Ministre d’État, Ministre des Outre-mer ;

M. Gérald DARMANIN (EPR), Ministre d’État, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice ;

M. Bruno RETAILLEAU (LR), Ministre d’État, Ministre de l’Intérieur ;


10 Ministres :

Mme Catherine VAUTRIN (ex-LR), Ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles ;

M. Éric LOMBARD, Ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique ;

M. Sébastien LECORNU (EPR), Ministre des Armées ;

Mme Rachida DATI (ex-LR), Ministre de la Culture ;

M. François REBSAMEN (ex-PS), Ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation ;

M. Jean-Noël BARROT (MOD), Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères ;

Mme Agnès PANNIER-RUNACHER (EPR), Ministre de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche ;

Mme Annie GENEVARD (LR), Ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire ;

M. Laurent MARCANGELI (HOR), Ministre de l’Action publique, de la Fonction publique et de la Simplification ;

Mme Marie BARSACQ, Ministre des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative ;


21 Ministres délégués :

Auprès du Premier Ministre :

M. Patrick MIGNOLA (MOD), Ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement ;
Mme Aurore BERGÉ (EPR), Ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations ;
Mme Sophie PRIMAS (LR), Ministre déléguée, porte-parole du Gouvernement ;

Auprès de la Ministre d’État, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche :

M. Philippe BAPTISTE, Ministre chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ;

Auprès du Ministre d’État, Ministre de l’Intérieur :

M. François-Noël BUFFET (LR) ;

Auprès de la Ministre du Travail, de la Santé, de la Solidarité et des Familles :

Mme Astrid PANOSYAN-BOUVET (EPR), Ministre chargée du Travail et de l’Emploi ;
M. Yannick NEUDER (LR), Ministre chargé de la Santé et de l’Accès aux soins ;
Mme Charlotte PARMENTIER-LECOCQ (HOR), Ministre déléguée chargée de l’Autonomie et du Handicap ;

Auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique :

Mme Amélie DE MONTCHALIN (EPR), Ministre chargée des Comptes publics ;
M. Marc FERRACCI (EPR), Ministre chargé de l’Industrie et de l’Énergie ;
Mme Véronique LOUWAGIE (LR), Ministre déléguée chargée du Commerce, de l’Artisanat, des Petites et moyennes entreprises et de l’Économie sociale et solidaire ;
Mme Clara CHAPPAZ, Ministre déléguée chargée de l’Intelligence artificielle et du Numérique ;
Mme Nathalie DELATTRE (RAD), Ministre déléguée chargée du Tourisme ;

Auprès du Ministre des Armées :

Mme Patricia MIRALLÈS (EPR), Ministre déléguée chargée de la Mémoire et des Anciens combattants ;

Auprès du Ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation :

Mme Valérie LÉTARD (UDI), Ministre chargée du Logement ;
M. Philippe TABAROT, (LR), Ministre chargé des Transports ;
Mme Françoise GATEL (UDI), Ministre déléguée chargée de la Ruralité ;
Mme Juliette MÉADEL (ex-PS), Ministre déléguée chargée de la Ville ;

Auprès du Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères :

M. Benjamin HADDAD (EPR), Ministre délégué chargé de l’Europe ;
M. Laurent SAINT-MARTIN (EPR), Ministre délégué chargé du Commerce extérieur et des Français de l’étranger ;
M. Thani MOHAMED SOILIHI (EPR), Ministre délégué chargé de la Francophonie et des Partenariats internationaux.


Le Président de la République réunira l’ensemble des membres du Gouvernement pour un Conseil des ministres qui se tiendra le vendredi 3 janvier 2025 à 10h00 au Palais de l'Élysée.


Source : Élysée
https://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20241223-composition-gouvernement-bayrou-i.html





 

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22 décembre 2024 7 22 /12 /décembre /2024 03:58

« C'était une nature... Un ancien modèle... Je l'ai su plus tard... C'est un genre qui me plaisait bien. » (Céline dans "Mort à crédit", 1936).



 


Comme maintenant on peut en avoir l'habitude, la formation du gouvernement Bayrou ne se fait pas de manière très facile (ni rapide). Je ne sais pas quand il sera (définitivement) nommé, probablement ce lundi (déclaré jour de deuil national pour Mayotte), mardi en dernière limite, veille de Noël, mais on peut déjà prévoir le message général des commentateurs, éditocrates et dénigreurs de service après le décret de nomination : tout ça pour ça ! Eh oui, la nomination d'un gouvernement, même si elle est faite par le Père Noël à quelques heures de Noël, n'a jamais rien de magique et ne résout pas grand-chose en elle-même, bien sûr.

De toute façon, à cause de l'irresponsabilité de tous les partis et groupes parlementaires qui, décidément, ne sont pas à la hauteur tant de cette Assemblée éclatée exceptionnelle que des enjeux nationaux (dette publique, guerre en Ukraine, transition écologique), on préfère la posture à la responsabilité.

À l'origine, François Bayrou souhaitait un gouvernement tripartite : LR, bloc central et PS (et alliés). Le PS a refusé alors qu'il préjugeait de la politique qui sera suivie par François Bayrou. Le PS a surtout eu peur de son ombre, car tonton Mélenchon a rouspété un peu trop fort ces temps-ci. Pourtant, François Bayrou est sincère quand il veut faire gouverner une grande coalition : il a assez de stature et d'expérience pour tenir tête à Emmanuel Macron et faire une politique qui unit et pas qui divise.

 


Ces derniers temps, le monde médiatico-politique a utilisé des expressions particulièrement horribles : "lignes rouges", "bougé", "feuille de route", "accord de non-censure", etc.

François Bayrou refuse le principe des lignes rouges : comment trois individus peuvent se mettre d'accord s'ils disent, avant tout, tout ce qui les sépare ? Le nouveau Premier Ministre veut au contraire chercher ce qui les unit, et il y a pas mal de choses, mine de rien, qui permettraient à la France d'avancer. J'en cite quelques-uns urgents : une loi pour renforcer l'aide à Mayotte, une loi pour aider les agriculteurs, une loi pour mieux combattre les narcotrafiquants, une relance de la politique du logement, secteur sinistré depuis 2012.


Bien sûr, l'urgence suprême est le vote de la loi de finances pour 2025, ce qui ne sera pas une mince affaire. D'où l'importance de la personne qui s'en occupera. Et on aurait pu imaginer Bernard Cazeneuve qui aurait été à la fois responsable et compétent (il a été Ministre du Budget). Le problème, c'est que Bernard Cazeneuve, loin d'être un saint, se positionne lui aussi pour l'élection présidentielle de 2027, si bien que pour lui, c'est Matignon ou rien, l'autre version de aut caesar aut nihil ! On a aussi proposé ce poste à Laurent Wauquiez mais pas question qu'il se salisse les mains, trop occupées à façonner 2027 !

C'est dommage, car cela aurait mis ces responsables politiques devant leurs responsabilités. Et l'idée (c'est la mienne !) de nommer à Bercy Charles de Courson, l'actuel rapporteur général du budget, le premier dans l'opposition, ne serait pas inadaptée car c'est un anti-macroniste notoire (en plus d'avoir fréquenté pendant plusieurs décennies le même parti que le Premier Ministre, à savoir le CDS).

Alors que ce même Laurent Wauquiez demande à François Bayrou une "feuille de route" (écrite si possible pour Édouard Philippe, on voit le niveau de confiance qui règne), le "bougé" de la troïka socialiste, les pieds nickelés du PS (Olivier Faure, Boris Vallaud et Patrick Kanner) n'a accouché de rien du tout, le PS a rougi de son audace et est rentré à la maison mère (la nouvelle farce populaire) honteusement, trop content de se faire manipuler par le gourou insoumis.


 


Ainsi, le risque d'être accusé de traître à la gauche, d'être exclu du PS, de devenir un pestiféré a fait renoncer beaucoup de monde à tenter le compromis en participant au gouvernement Bayrou, comme Carole Delga, Stéphane Le Foll, Marisol Touraine, etc. Seul François Rebsamen, un hollandiste de la première heure, semble s'écarter du droit chemin du NFP. Laurent Berger aussi aurait été approché et aurait refusé. Bref, à gauche, c'est courage, fuyons ! Ne resterait plus que Ségolène Royal... et pourquoi pas ? Cela aurait de la gueule, elle a recueilli plus de 16 millions de voix en 2007, elle, au moins, représente (vraiment) beaucoup d'électeurs de gauche, et ils ne sont pas si nombreux que ça !

À droite et au centre, ce n'est pas non plus un long fleuve tranquille. Il semblerait que François Bayrou souhaiterait nommer Xavier Bertrand à la Justice, mais le RN dégaine immédiatement, la haine personnelle de Marine Le Pen est-elle plus forte que les enjeux de la nation ? Piètre patriotisme. Aux Affaires étrangères, un choix cornélien entre le sortant Jean-Noël Barrot (du MoDem), et Gérald Darmanin qui ronge son frein, devrait être arbitré à l'Élysée. Quant à Élisabeth Borne, elle irait dans le secteur prioritaire de l'Éducation nationale.


 


La seule chose à peu près sûre, c'est le maintien de Bruno Retailleau à l'Intérieur, Rachida Dati à la Culture, et (probablement) d'Annie Genevard à l'Agriculture où elle semble appréciée.

Il faut bien comprendre que pour les journalistes et les experts en gouvernementologie, c'est un exercice épuisant que ces changements de gouvernement : il faut être sur le pont matin midi et soir, et voici que les non-vacances de Noël se profilent. Et cela tous les trimestres. Les députés doivent vraiment y aller mollo avec la censure, il y va de la santé mentale de nos journalistes politiques, il faut les ménager, ce n'est pas vrai qu'on puisse parler des heures et des heures pour ne rien dire sans avoir à la longue des conséquences fâcheuses pour sa santé mentale.

Il y a, dans cette valse des portefeuilles ministériels, un petit air de Quatrième République, celle-là même que certains voudraient nous ramener de force avec leur stupide Sixième République (rappelons que la Cinquième a été approuvée très largement par le peuple français). Mais la faute, pour une fois, n'est pas à Emmanuel Macron. La faute est d'abord aux électeurs qui ont choisi ces 577 députés (ce n'est pas vraiment une faute, c'est la démocratie, mais Emmanuel Macron n'est pas responsable du vote des électeurs), et ensuite, la faute à ces 577 députés incapables de s'entendre pour constituer une majorité. Pour cela, il n'y a ni besoin de Président de la République ni de Premier Ministre, sortant, censuré ou nouvellement nommé. Il suffit que 289 députés se réunissent (il y a plein de grandes salles à l'Assemblée) et se mettent d'accord ensemble. Rien à voir avec ce NFP qui voulait imposer Lucie Castets alors qu'il n'était même pas capable d'imposer André Chassaigne au perchoir.


 


C'est une mission quasi-impossible car ni le PS ni LR ne veulent agir de bonne volonté. Au moins, LR a pris ses responsabilités, mais ce n'est pas le cas du PS. Ces députés socialistes irresponsables qui ont mélangé leurs votes avec l'extrême droite et l'extrême gauche n'ont plus aucune leçon de morale à donner à Emmanuel Macron. Ils sont restés dans la posture politicienne aux dépens du bien-être des Français et on voit bien que lorsqu'on les prend au mot, ce qu'a fait François Bayrou, ils reculent. Il faut quand même être gogos pour en arriver à dire, le 19 décembre 2024 : « Nous n'avons pas trouvé de raison de ne pas le censurer. » (Olivier Faure, mais aussi Marine Tondelier). Et l'intérêt national, ce n'est pas une raison ?

La question reste la même qu'avec Michel Barnier : qui veut l'échec du gouvernement Bayrou ? Certainement pas ceux qui pensent à l'intérêt national et aux Français, les patriotes qui voient bien que la nation est en danger et qu'elle pourrait être bientôt gouvernée par des extrémismes et des populismes. Le pire n'est jamais sûr. François Bayrou avait donné son objectif d'avoir un budget dans deux mois : « J'espère qu'on peut l'avoir à la mi-février. Je ne suis pas sûr d'y arriver. ». Laissez-lui au moins le courage d'essayer !



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (22 décembre 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le difficile accouchement du gouvernement Bayrou.
La méthode Bayrou réussira-t-elle ?
Terre de désolation.
La folle histoire de la nomination de François Bayrou.
François Bayrou, le papa Macron !
Le tour de François Bayrou !
La polémique entre Maurice Druon et François Bayrou en juillet 2004.
Le paysage politique français postcensure.
Motion de sangsue : les conséquences économiques désastreuses de la censure.
Philippe Vigier défend les Français face au renoncement national.
Laurent Wauquiez met en garde contre l'instabilité institutionnelle.
Emmanuel Macron face à ses choix.
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 décembre 2024 (texte intégral).
La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !
L'émotion de censure de Michel Barnier.
La collusion des irresponsables.
Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
PLF 2025 : la majorité de rejet !
Michel Barnier : déjà deux mois !
François Guizot à Matignon ?
5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
Doliprane : l'impéritie politique.
Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
La quadrature du cercle de Michel Barnier.
 





https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241222-gouvernement-bayrou.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-difficile-accouchement-du-258299

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20 décembre 2024 5 20 /12 /décembre /2024 03:13

« Vous demandez (…) où je me situe dans la crise que le pays traverse. Je l’ai dit et je le répète : aucun des sujets que vous avez énumérés ne sera mis de côté, aucun ne sera exclu de l’action du gouvernement. J’espère, comme vous, que nous participerons tous à la mise au point des réponses. Ma méthode, c’est celle-là. » (François Bayrou, le 17 décembre 2024 dans l'hémicycle).




 


C'était la réponse du nouveau Premier Ministre, François Bayrou, au président du groupe socialiste Boris Vallaud, groupe essentiel pour le chef du gouvernement, lors de la très insolite séance de questions au gouvernement à l'Assemblée Nationale le mardi 17 décembre 2024. Faute de nomination encore, François Bayrou était le gouvernement à lui seul, cela faisait penser un peu à Lucien Grandgarçon dans l'excellente bande dessinée "Monsieur le Ministre" de Christian Binet, personnage devenu ministre de tout, personne ne voulant les ministères à problèmes (qu'ils sont tous).

Le groupe socialiste est en effet essentiel, crucial même, pour le nouveau gouvernement si celui-ci ne veut pas se retrouver, comme le gouvernement Barnier, à la merci du RN. Car il faut voir clair : si les députés socialistes n'avaient pas mêlé d'une manière totalement irresponsable leurs voix à celles des insoumis et de l'extrême droite le 4 décembre 2024, la motion de censure n'aurait pas été adoptée et le pays aurait été "moins en crise", avec au moins un budget pour 2025.

En cas d'absence de bienveillante non-censure, François Bayrou, avec la mauvaise volonté des uns (socialistes, écologistes) et des autres (LR), risque bien de se retrouver dans la même situation que Michel Barnier.


 


Répondant aux questions des députés, François Bayrou a bien entendu évoqué la catastrophe à Mayotte (il l'a redit deux jours plus tard à la télévision, il n'y a pas eu en France de catastrophe aussi dévastatrice depuis l'éruption de la Montagne Pelée en Martinique le 23 avril 1902 où 30 000 personnes ont perdu la vie). On a pu ressentir son sentimentalisme à plusieurs occasions, notamment pour Mayotte où il a rappelé la mémoire de vieux amis : « Je garde en mémoire le visage de ceux qui se sont battus pour que Mayotte soit française et devienne un département. Plusieurs d’entre eux étaient mes amis et mes aînés, Marcel Henry, Henry Jean-Baptiste, pour ne parler que des personnalités de la fin du siècle précédent. Ces hommes considéraient que la vocation de Mayotte était d’être le visage de la France dans la région. Ils ont fait confiance à la France et nous devons prouver qu’ils ont eu raison, à présent que Mayotte est confrontée à l’une des pires tragédies possibles. ».

 


S'il a obtenu Matignon tant convoité depuis 2007 et surtout depuis 2017, c'est probablement au pire moment institutionnel de la Cinquième République : à trois jours de Noël, pas de budget, une Assemblée éclatée en trois blocs fortement antagonistes, une situation des finances publiques déplorable avec une dette de 112% du PIB et un déficit de 6,1% du PIB. Pas étonnant qu'en prenant ses fonctions, il ait parlé d'être au pied de l'Himalaya. Mais il n'est pas un magicien.

À l'évidence, François Bayrou n'est pas l'homme providentiel. Il a ses limites et il pourrait bien montrer ce qu'est un artisan par rapport à un grand groupe international. Ou alors ce qu'est une petite voiture diesel (je n'ose pas écrire un tracteur !) par rapport à un SUV électrique. On l'a appelé à Matignon au pire moment, j'écris "on" car finalement, même si les conditions de sa désignation étaient assez rocambolesques, le fait que le Président Emmanuel Macron l'a nommé constitue une évolution sensible du cours de ce second quinquennat.


 


L'analogie avec une voiture diesel est pertinente en ce sens que la locomotive Bayrou est assez longue à démarrer. Il faut d'abord bien la chauffer. La polémique sur son déplacement à Pau au lieu de Mayotte était assez stérile et très politicienne. J'ai évoqué cette maladresse (car c'en est une) mais qui ne devrait pas avoir de conséquence sur les secours : le fait d'assister à un conseil interministériel de crise par visioconférence ne change rien à l'affaire, aux secours apportés aux Mahorais, et le fait de rester en métropole le temps de déterminer la composition du gouvernement n'est pas absurde. Il a choisi ses priorités, et l'absence de gouvernement peut aussi avoir un impact sur l'aide pour Mayotte et la préparation d'une future loi pour la reconstruction de Mayotte.

Il n'y a pas que cette maladresse. François Bayrou n'a plus été au gouvernement depuis juin 1997, sauf quelques semaines au printemps 2017. Depuis une trentaine d'années, il a soutenu le rythme qu'il s'est lui-même choisi, parfois très soutenu pendant ses campagnes présidentielles, mais souvenons-nous qu'en mars 2007, alors que sa campagne montait énormément en puissance, il a eu un petit coup de mou. Le poste de Premier Ministre est sans doute celui en France qui a l'emploi du temps le plus fou. Cela plus le fait qu'il est quand même septuagénaire, ce n'est pas comme il y a cinquante ans, mais il y a quand même une part de fatigue supplémentaire, font que François Bayrou doit gérer mille priorités à la seconde et que c'est épuisant. Il doit donc lui-même trouver une vitesse de croissance. Pour l'instant, il se focalise sur la formation du gouvernement et il n'a pas tort.

 


Quelle est la méthode Bayrou ? C'est de se réunir autour d'une table et de déterminer ce qui unit et pas ce qui divise. C'est pour cela que le Premier Ministre s'agace lorsqu'on lui parle de "lignes rouges". Ça ne sert à rien de tenter de se rassembler si c'est pour parler de ce qui fâche. Ceux qui en parlent en priorité n'ont rien de sincères lorsqu'ils prétendent vouloir être constructifs.

 


François Bayrou a consulté les partis politiques individuellement lundi, mardi et mercredi. Jeudi 19 décembre 2024, il a réuni, ensemble, ceux des partis politiques susceptibles de s'entendre, c'est-à-dire tous les partis représentés à l'Assemblée exceptés FI et le RN, mais il a bien insisté qu'il continuerait les contacts avec ces deux partis, qu'eux-mêmes avaient exclu toute idée de coopération.

Il leur a donné un jour pour savoir ce qu'ils comptent faire. François Bayrou a donné beaucoup de gages d'ouverture mais pour le PS et EELV, cela ne compterait pas.

Passons d'abord rapidement avec Les Républicains. Leur blocage est assez étonnant. Bruno Retailleau se plaît au Ministère de l'Intérieur et François Bayrou veut le garder à ce poste régalien majeur : « Je pense que M. Retailleau a montré ces dernières semaines et derniers mois qu'il avait trouvé des décisions et des orientations qui répondaient à une partie de ce que l'opinion demande. ». Alors, qu'est-ce qui cloche chez LR ? Probablement cette question très personnelle : Laurent Wauquiez intégrera-t-il le prochain gouvernement ? Lâchement, il avait refusé pour le gouvernement Barnier, mais François Bayrou tient à ce que les chefs de parti ne soient pas hors jeu pour éviter les sabotages internes.

 


Tout en précisant bien qu'un Premier Ministre ne devait pas commenter une décision de justice, François Bayrou a aussi eu une petite pensée amicale pour Nicolas Sarkozy qui a été condamné définitivement à un an de prison ferme la veille : « J'ai affronté Nicolas Sarkozy durement dans ma vie, et quand j'ai appris ce verdict, ça m'a fait peine pour lui, ça m'a fait peine pour les siens. Et je sais ce que c'est que de se trouver devant l'appareil de la justice et ce sentiment-là, je ne l'efface pas. ». C'était aussi une réponse à l'entourage de Nicolas Sarkozy qui avait affirmé que, contrairement aux rumeurs, l'ancien Président de la République n'avait pas du tout fait de campagne souterraine pour empêcher la nomination du maire de Pau à Matignon.

Venons ensuite à la gauche républicaine. Elle se situe résolument dans l'opposition, mais contrairement à l'époque Barnier (pourtant pas si lointaine), elle semblerait devenir plus responsable avec la stabilité du pays (pressée aussi par les forces vives, les partenaires sociaux ayant fait un appel à la responsabilité).


Que veut cette gauche de gouvernement ? S'invitant sur France 2 dans l'émission "L'événement" ce jeudi 19 décembre 2024, François Bayrou leur a donné deux ouvertures majeures.
 


La première sur la réforme des retraites. Il a refusé la suspension de celle-ci (comme la gauche le demandait) car si on suspendait, on n'y reviendrait plus (« parce que, quand on suspend, évidemment, on ne reprend jamais »). Et en plus, les mesures avantageuses pour les petites retraites seraient alors supprimées. Il a souhaité la tenue d'une conférence sociale avec, autour de la table, le gouvernement, les groupes parlementaires et les partenaires sociaux. À l'écoute de l'écologiste complètement agitée Marine Tondelier sur BFMTV dans la soirée, on a compris qu'elle n'avait rien écouté de ce que proposait le Premier Ministre, à Matignon ou à la télévision. C'est pourtant une ouverture majeure, que François Bayrou a dû initier à l'arraché contre la volonté présidentielle. Modifier tout ce qui mériterait d'être modifié dans la réforme des retraites : les carrières longues, les femmes, etc.

 


L'autre ouverture, c'est qu'il ne compte pas utiliser l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, sauf en cas de blocage majeur, cela concerne le budget, car il faut bien en faire un (il compte le finaliser au milieu du mois de février 2025, ce qui est très ambitieux) : « Je n'utiliserai pas le 49 al. 3, sauf s'il y a blocage absolu sur le budget (…). Je souhaite le plus de dialogue possible. Et sur les autres textes, je n'utiliserai pas le 49 al. 3, sauf catastrophe. ».

Ces deux mesures étaient des demandes répétées de cette gauche qui se retrouve ainsi, aujourd'hui, devant ses responsabilités. C'est clair que la sincérité des positions de cette gauche depuis le 4 décembre 2024 s'effondrerait totalement si elle comptait malgré tout voter la censure du gouvernement. Ce serait la preuve que ses positions ne seraient que des postures politiciennes, exactement comme Marine Le Pen et son groupe RN lorsqu'il a fallu expliquer pourquoi ils allaient censurer le gouvernement Barnier alors que les trois quarts de leurs revendications avaient obtenu l'accord du Premier Ministre.

 


Sur France 2, François Bayrou a aussi rendu hommage au grand courage de Gisèle Pélicot, la multivictime des viols de Mazan, qu'il a remercié pour son souci de transparence.

L'insoumise enragée Mathilde Panot promet que le gouvernement Bayrou ne passera pas l'hiver. François Bayrou devra faire preuve de beaucoup de doigté et de diplomatie pour arriver à ce que la France soit (enfin) gouvernée. Encore faut-il que la classe politique le veuille bien ! Les Français observent et seront très sévères contre les irresponsables. C'est cette bataille de "l'opinion publique" que veut gagner François Bayrou avec ses deux ouvertures. C'est la seule qui compte, puisque tous ses interlocuteurs restent bloqués sur des considérations simplement électoralistes. On peut être sûr qu'il y a au moins un responsable politique, lui, François Bayrou, qui se préoccupe de l'intérêt national. Et même deux !



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (19 décembre 2024)
http://www.rakotoarison.eu


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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241219-bayrou.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-methode-bayrou-reussira-t-elle-258254

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/19/article-sr-20241219-bayrou.html




 

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15 décembre 2024 7 15 /12 /décembre /2024 03:21

« La politique ne peut pas se réduire à un champ de manœuvres, dans une sorte d’entre-soi d’où les citoyens sont exclus. » (Michel Barnier, le 13 décembre 2024 à Matignon).




 


Folle et éprouvant histoire. Après le montagnard Michel Barnier, voici le montagnard François Bayrou installé à Matignon ce vendredi 13 décembre 2024. La mission du nouveau Premier Ministre reste toujours impossible depuis le 7 juillet 2024, dès lors qu'aucune majorité constructive n'est capable de se former pour gouverner la France. Impossible ou, du moins, périlleuse, car François Bayrou croit aux miracles. Il doit avoir au moins un regret, celui que son indispensable Marielle de Sarnez ne fût plus là pour vivre ces moments mémorables.

Il a reçu dès le soir de son installation le Ministre de l'Intérieur démissionnaire, l'influent Bruno Retailleau, ancien président du groupe LR au Sénat, puis, ce samedi 14 décembre 2024, il a reçu, l'un après l'autre, le Premier Président de la Cour des Comptes Pierre Moscovici (ancien ministre socialiste), le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau, la Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet, enfin le Président du Sénat Gérard Larcher. D'autres consultions sont prévues dans son agenda, avec les chefs de groupes parlementaires et de partis.

La composition du gouvernement Barnier a été très longue à venir, seize jours en septembre. François Bayrou espère que la composition du sien ira plus vite car il y a des échéances. La première échéance est le début des vacances de Noël, et après le vendredi 20 décembre 2024, les Français ne seront plus réceptifs aux événements politiques avant le Nouvel An. Et puis, il y a cette loi spéciale, adoptée en commission le 12 décembre 2024, qui est examinée le lundi 16 décembre 2024 en séance publique. Ce sera étonnant qu'une telle loi, urgente pour percevoir les impôts et faire des emprunts, soit discutée avec des ministres démissionnaires et un Premier Ministre nouvellement désigné.

Il faut revenir sur les conditions de la nomination de François Bayrou à Matignon. Tout indique que la matinée du 13 décembre 2024 fut rude. Elle le fut pour le principal intéressé, François Bayrou, ce qui a été une première épreuve du feu qui vaut mille diplômes de forte personnalité. Mais elle le fut aussi pour les journalistes, tous mobilisés depuis la veille pour pronostiquer puis commenter la nomination du nouveau Premier Ministre. Au cours de la matinée, beaucoup se sont discrédités par leurs contacts "bien informés" et leurs "sources propres" en distillant des confidences qu'ils croyaient définitives, au point qu'on ne peut que penser au fameux sketch de Coluche sur les personnes bien informées.

François Bayrou est véritablement un miraculé ! Les Pyrénées ont remplacé les Alpes à Matignon, mais dans tous les cas, le locataire des lieux est un dur à cuire. En fait de chaîne de montagnes, c'est plutôt l'Himalaya au pied duquel il se trouverait, un « Himalaya de difficultés ». "Le Monde" est revenu sur les conditions de nomination de François Bayrou, alors qu'il avait malencontreusement annoncé avec assurance la non-nomination de François Bayrou. Dans un article publié le samedi 14 décembre 2024, les journalistes Claire Gatinois et Nathalie Segaunes ont précisé la chronologie de cette folle matinée.

 


Selon elles, le Président de la République avait fixé son choix : cela devait être Sébastien Lecornu. Pourquoi ? Pour justement ce que l'opposition de gauche reproche à Emmanuel Macron : pour que le Président puisse reprendre la main après avoir été éloigné des affaires pendant le gouvernement Barnier. À l'évidence, cette idée était complètement absurde dans le cadre d'une Assemblée comme celle qu'on a aujourd'hui. Cela aurait été une provocation frontale inutile qui pouvait avoir de fâcheuses conséquences pour les institutions et même pour lui-même. Comment peut-on avoir aussi peu le sens politique que lui ?

Vers 9 heures du matin, ce vendredi, Michel Barnier a fait installer dans la cour de Matignon tapis rouge et micros, mais sans savoir à qui il ferait la passation des pouvoirs. Le tapis rouge est donc resté toute la journée puisque la passation a eu lieu à 17 heures.


Entre-temps, c'était très éprouvant pour certains acteurs politiques. Un coup de téléphone à 5 heures du matin d'Emmanuel Macron à François Bayrou pour dire qu'il ne serait pas nommé Premier Ministre, puis, une rencontre à l'Élysée à 8 heures du matin, qui a duré près de deux heures. En ce début de matinée, pour les éditorialistes matinaux, c'était clair : François Bayrou allait être nommé Premier Ministre. Logique d'être reçu par le Président de la République, et longuement, pour envisager la composition du gouvernement et ses orientations politiques.

Mais des petits détails ont vite choqué les journalistes de la télévision d'information continue : par exemple, François Bayrou n'est pas sorti officiellement de l'Élysée, mais par une porte "dérobée", sans image, sans déclaration, discrètement. Puis, c'était l'attente, une longue attente. Incompréhensible alors que tout était en principe fixé. Le communiqué devait être publié avant midi. Le tapis rouge s'inquiétait et s'ennuyait. Les horloges s'excitaient.

Puis, des journalistes ont réussi à capter l'image de François Bayrou, rentrant à son bureau de Haut Commissaire au Plan : il faisait froid, François Bayrou, sans sourire mais sans tristesse non plus, a conseillé aux journalistes présents de ne pas rester là « se geler » et il expliquait : « ça ne servirait à rien ». La grande porte s'est refermée. Cette petite phrase était la confirmation de rumeurs qui parcouraient déjà le tout Paris : François Bayrou ne serait finalement pas nommé. On comprendra plus tard qu'il y a eu beaucoup de gens prétendument bien informés qui n'avaient aucune information fiable. Sans compter les manipulateurs.

D'après l'article du "Monde", François Bayrou aurait expliqué à Emmanuel Macron pourquoi ce serait une erreur de nommer Sébastien Lecornu, considéré comme un courtisan. Cette nomination rendrait le Président très « vulnérable ». Au contraire, pour François Bayrou qui s'est préparé depuis longtemps à la fonction, il s'agit justement de gouverner au centre, afin de construire des compromis dans cette Chambre ingouvernable. Le président du MoDem était très en colère et a tenté surtout de persuader le Président qu'il faisait fausse route : il perdrait certainement dans une confrontation aussi brutale que douteuse, puisqu'il ne bénéficie plus de majorité à l'Assemblée.

Et le dernier argument a pu faire pencher la balance : « La discussion entre les deux hommes, tendue, dure près de deux heures. Pour la première fois depuis 2017, François Bayrou menace de rompre, assuré que son parti suivra. "Je vous ai rejoint pour faire de grandes choses, pas de petites choses, lance-t-il à l’hôte de l’Élysée. Donc c’est très simple : si vous ne me nommez pas, je retire mes billes". ».

Le retrait du MoDem, un peu moins d'une quarantaine de députés, serait un sérieux coup porté contre le bloc central et rendrait inopérant l'argument crucial que le "socle commun" (bloc central et LR) est appelé à gouverner car il est numériquement plus fort que la nouvelle farce populaire (NFP).

La fin du premier entretien n'a donc pas été conclusif : « "Je réfléchis encore, et je vous tiens au courant", lui répond Emmanuel Macron. Le Béarnais s’éclipse par une porte dérobée, rue de l'Élysée, afin d’éviter les caméras postées devant le palais. Il a brûlé ses vaisseaux, se retrouvant dans la rue sans aucune certitude. ». Emmanuel Macron a alors sondé ses proches. Le nom de Roland Lescure est apparu, puis vite abandonné.


Mais l'incertitude n'a pas duré trop longtemps : « Emmanuel Macron rappelle le centriste quinze minutes après son départ, et lui demande de revenir à l’Élysée à 11 heures 30. Sa décision est prise : François Bayrou occupera Matignon. "C’est un homme qui en impose", ironise-t-on au palais, laissant entendre que l’agrégé de lettres classiques aurait forcé la main du chef de l’État. "François a une force de persuasion et des convictions. Certains disent des 'coups de colère'…", commente Erwan Balanant, député (MoDem) du Finistère. Une lecture de cet incroyable retournement qui plaît aux amis du désormais Premier Ministre. En s’imposant au chef de l’État, François Bayrou a "affirmé d’emblée son autonomie, car il est désormais de notoriété publique que le Président n’en voulait pas", affirme un intime du maire de Pau. De quoi permettre au Premier Ministre de ne pas être seulement perçu comme l’homme du Président, dans l’opinion. ».
 


Pour aller dans le même sens que cette narration, l'éditorialiste Alain Duhamel avait affirmé dès la veille que si François Bayrou n'était pas nommé cette fois-ci, il ferait un "carnage" ! On voit bien ici la grande différence avec Michel Barnier : ce dernier n'avait aucun contrôle sur le groupe LR à l'Assemblée, tenu d'une main de fer par Laurent Wauquiez. Au contraire, François Bayrou maîtrise totalement les positions du groupe MoDem à l'Assemblée.

Cette histoire est très étonnante. L'indécision, l'hésitation ont été réelles et récurrentes. Ce flottement a été en fait perçu dès avril 2022 : que faire de son second mandat alors qu'il a été réélu sans véritable campagne électorale en pleine guerre en Ukraine et Présidence française de l'Europe ?

Un Premier Ministre qui va imposer sa nomination au Président de la République, c'est une attitude peu gaullienne, mais elle n'est pas la première et a déjà été adoptée par ...un supposé gaulliste. En effet, Dominique de Villepin l'a fait aussi après l'échec du référendum sur le TCE en mai 2005, imposant sa nomination au Président Jacques Chirac qui avait pourtant choisi, selon "Le Monde", sa ministre Michèle Alliot-Marie.

Bien avant sa nomination, François Bayrou avait confié à des journalistes son point de vue sur la formation du gouvernement : « Ces négociations de partis, où chacun a ses lignes rouges, c’est pour moi inimaginable, ça ne peut pas marcher. ». Le principe des lignes rouges, c'est la censure assurée, puisque les uns vont faire d'une mesure leur ligne rouge et les autres, la mesure contraire leur ligne rouge à eux. Cela enferme le gouvernement nécessairement dans une impossibilité conceptuelle.

C'est pourquoi l'arrivée de François Bayrou est un signal très différent d'une nomination Lecornu. La gauche tend à tout amalgamer en prétendant que François Bayrou serait un "homme" du Président : comme je l'ai expliqué précédemment, il n'est pas un "bébé Macron" mais un "papa Macron". François Bayrou ne doit rien à Emmanuel Macron ; en revanche, la réciproque est fausse. De plus, François Bayrou a toujours exprimé ses désaccords le cas échéant devant le Président de la République. Librement.

Parmi les personnes heureuses de la nomination de François Bayrou, l'écologiste Daniel Cohn-Bendit qui, dès le 10 août 2024, avait adressé une lettre ouverte au Président de la République pour cette nomination, en concluant : « Macron n’est plus à la barre et Bayrou sera un Premier Ministre libre. ». On se dit que Dany le Vert n'est pas rancunier quand on se souvient de la campagne des élections européennes de juin 2009 où François Bayrou l'avait particulièrement taclé le 4 juin 2009 dans un débat télévisé. Autre temps, autre mœurs.



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Sylvain Rakotoarison (14 décembre 2024)
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