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3 mars 2020 2 03 /03 /mars /2020 03:12

« Ce travail, qui a été conduit dans un contexte parfois tendu, a témoigné d’exceptionnelles qualités de sang-froid et de maîtrise. Pour assumer leur mission et tout simplement faire leur travail, beaucoup de députés, de la majorité comme des oppositions, ont dû faire face dès le début de leurs travaux à une stratégie d’obstruction délibérée de la part d’une minorité, une stratégie, je me permets de le rappeler puisqu’elle a été présentée et assumée comme telle, qui avait pour unique finalité d’empêcher la tenue du débat ou d’interdire le fait qu’il puisse arriver à son terme. » (Édouard Philippe, le 29 février 2020, devant les députés).


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Et de continuer : « Toutes les contestations doivent évidemment s’exprimer, mais il me paraît qu’elles doivent le faire dans le respect des institutions et des pratiques du débat républicain. Je n’ai pas le sentiment que ce à quoi nous avons assisté soit ce que les Français, favorables ou non au projet de loi, attendent de leurs représentants. Je n’ai pas non plus le sentiment que notre démocratie puisse se payer le luxe d’un tel spectacle, ni que notre pays puisse, au regard des défis auxquels il fait face, gaspiller l’énergie de ses représentants dans un tel exercice, énergie considérable, dévouée au bien public, que je veux saluer sur tous les bancs de cet hémicycle. C’est un bien dangereux et bien mauvais service que cette obstruction a pu lui rendre. ».

C’était la surprise générale, députés LREM compris, lorsque le Premier Ministre Édouard Philippe est venu à l’hémicycle de l’Assemblée Nationale le samedi 29 février 2020 dans l’après-midi pour annoncer l’utilisation de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Surprise car le compte-rendu du conseil des ministres exceptionnel du matin n’avait pas mentionné qu’il avait autorisé le Premier Ministre à engager la responsabilité du gouvernement sur son projet de réforme des retraites, comme l’y oblige la Constitution.

Évacuons rapidement les mauvais procès d’intention de l’opposition sur une supposée dérive autoritaire du gouvernement : l’article 49 alinéa 3 de la Constitution est un outil constitutionnel qui est apparu dès sa rédaction initiale, et l’ensemble a été ratifié par le peuple français le 28 septembre 1958, voulu par 31,1 millions de Français, soit 82,6% des suffrages exprimés avec une participation de 80,6% des inscrits. On ne peut donc pas dire que cette disposition est dictatoriale ! Seul, le Président Nicolas Sarkozy, dans la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, a limité sagement l’usage de cet outil aux projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale et à un autre projet ou proposition de loi par session, non pris en compte son utilisation à chaque lecture.

Ce dispositif était de toute façon nécessaire (et donc prévisible) dès lors que l’opposition a choisi de poursuivre l’obstruction avec le dépôt de 40 000 amendements pour la plupart de pure forme, visant à polluer et retarder le débat parlementaire.

Mais revenons à ce que dit l’article 49 alinéa 3 : « Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. ».

Ainsi, Jean-Luc Mélenchon, qui préside un groupe de seulement 17 députés (il en faut 58 pour déposer une motion de censure), avait protesté le 29 février 2020 car cela signifiait qu’il fallait mobiliser les députés d’opposition en plein week-end. Mais son agacement n’était pas justifié puisque dès le samedi 29 au soir, deux motions de censure ont été déposées et qui sont à l’ordre du jour de ce mardi 3 mars 2020, discussion à partir de 17 heures, après les questions au gouvernement, et vote solennel à partir de 21 heures 30.

Un certain nombre de contresens ont été apportés dans certains commentaires sur ce 49 alinéa 3 et sur ces motions de censure. Par exemple, que les députés de la majorité vont devoir apporter la confiance au gouvernement pour faire passer le projet de loi sur les retraites. Pas du tout !

Rappelons d’abord ce que dit l’article 49 alinéa 2 de la Constitution : « L’Assemblée Nationale met en cause la responsabilité du gouvernement par le vote d’une motion de censure. Une telle motion n’est recevable que si elle est signée par un dixième au moins des membres de l’Assemblée Nationale. Le vote ne peut avoir lieu que quarante-huit heures après son dépôt. Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure qui ne peut être adoptée qu’à la majorité des membres composant l’Assemblée. Sauf dans le cas prévu à l’alinéa ci-dessous [c’est-à-dire l’article 49 alinéa 3], un député ne peut être signataire de plus de trois motions de censure au cours d’une même session ordinaire et de plus d’une au cours d’une même session extraordinaire. ».

Cela signifie que la motion de censure n’est pas l’opposé d’une motion de confiance. Les députés de la majorité peuvent partir en vacances pour la discussion de ces deux motions de censure, leur suffrage est inutile : il n’est pas utile, pour eux, de voter contre ces motions de censure puisque seuls, comme le dit la Constitution, les votes favorables à la motion de censure sont comptabilisés.

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En d’autres termes, il ne s’agit pas d’enlever la confiance au gouvernement, il s’agit de le censurer, ce qui est beaucoup plus compliqué et c’est toute la subtilité de la Cinquième République par rapport à la Quatrième République. Cette dernière était particulièrement instable, les crises gouvernementales étaient nombreuses, car pour un sujet précis, le gouvernement pouvait perdre la confiance d’une majorité absolue des députés (dans l’esprit et les faits, car dans les textes, il fallait une majorité absolue d’opposants, mais les gouvernements démissionnaient avant même le vote).

En quelques sortes, la charge de la preuve a été inversée sous la Cinquième République : pour renverser le gouvernement, il ne suffit pas qu’il perde la confiance de la majorité absolue des députés, il faut qu’il soit censuré par la majorité absolue des députés. Certains diraient que cela signifie la même chose, mais pas du tout, on oublie les abstentionnistes ou les votes blancs : dans un cas, ils étaient favorables à l’opposition, dans l’autre, au gouvernement.

Sous la Cinquième République, on ne peut plus renverser de gouvernement par défaut de soutien. Par exemple, si Jean-Luc Mélenchon, qui n’est pas à une incohérence près, a annoncé qu’il voterait pour toutes les motions de censure, le groupe LR a annoncé, au contraire, qu’il n’était pas question pour ses membres de voter pour la motion de censure déposée par les groupes de gauche, et cela pour des raisons de cohérence politique évidentes.

Le résultat, c’est que depuis le début de la Cinquième République, le 4 octobre 1958, il n’y a eu qu’une seule motion de censure qui a été votée, le 4 octobre 1962 (par 280 députés, il en suffisait de 241), le gouvernement de Georges Pompidou a donné sa démission le 6 octobre 1962, mais l’exécutif avait finalement repris le dessus en dissolvant l’Assemblée Nationale le 9 octobre 1962. La cause, c’était le projet de loi constitutionnelle visant à faire élire le Président de la République au suffrage universel direct, voulu par De Gaulle.

En Allemagne (comme en Espagne, en Belgique, en Pologne et dans quelques autres pays), la situation est encore plus claire avec une motion de censure constructive (article 67 de la Loi fondamentale du 8 mai 1949), il n’est pas possible de censurer un gouvernement s’il n’y a pas une majorité "positive" pour le choix du futur Chancelier (ce qui fait qu’on imaginerait mal Jean-Luc Mélenchon, dans un tel cas, voter pour une motion de censure déposée par Christian Jacob, par exemple).

Habituellement, l’utilisation de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution est la conséquence d’une division de la majorité parlementaire sur un sujet déterminé. Il oblige ainsi la discipline de vote ou plutôt la discipline de non vote : il y a un gouffre entre refuser de voter pour un projet de loi particulier (du gouvernement) et vouloir le renverser (déposer et voter une motion de censure). On peut se rappeler à quel point les gouvernements de Raymond Barre étaient particulièrement attaqués par l’un des partenaires de la majorité, le RPR, sous la direction de Jacques Chirac, mais l’utilisation de l’article 49 alinéa 3 a permis de gouverner.

Pour cette fois-ci, l’article 49 alinéa 3 a pour but de clore l’obstruction assumée du groupe FI qui a empêché tout débat de fond sur la réforme des retraites. Les plus ennuyés, d’ailleurs, c’étaient les députés des autres groupes d’opposition qui espéraient bien faire plier le gouvernement sur certaines modifications qu’ils souhaitaient.

En dégainant l’arme absolue, le gouvernement peut passer à "autre chose" à très court terme (la crise du coronavirus occupe tous les esprits), et aussi à moyen terme, permet de faire avancer la réforme des retraites. Cette arme a surtout l’avantage de mettre plus à l’aise les députés de la majorité (même si deux députés LREM ont quitté leur groupe, opposés à cette pratique institutionnelle). En effet, un député LREM réticent sur la réforme des retraites, pourra ainsi se prévaloir auprès de ses électeurs de …ne pas avoir voté personnellement le projet. Il n’aura même pas à voter la confiance (ce qu’il a fait le 2 juin 2019), il lui suffira d’être absent ou de s’abstenir lors du vote des motions de censure.

En résumé, ce mardi 3 mars 2020, le gouvernement n’aura même pas besoin de recueillir la confiance de sa majorité, il lui suffira de ne pas avoir de majorité contre lui, ce qui sera assez prévisible dans la configuration actuelle. Tout ne sera alors que grandiloquence et jeux de rôles. Un théâtre typique …de "l’ancien monde".


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (02 mars 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Vous avez dit motion de censure ?
Article 49 alinéa 3 : le coronavirus avant la réforme des retraites ?
Retraites : Discours de la non-méthode.
Les deux projets de loi (ordinaire et organique) sur la réforme des retraites publiés le 24 janvier 2020 et leur étude d’impact (à télécharger).
Avis du Conseil d’État sur la réforme des retraites publié le 24 janvier 2020 (à télécharger).
Retraites : semaine de Sisyphe !
Les intentions du pouvoir.
Une seule solution : le référendum.
La réforme du code du travail.
La réforme de l’assurance-chômage.
Jean-Paul Delevoye.
Édouard Philippe sur les retraites : déterminé mais pas fermé.
Les détails du projet de retraite universelle par points annoncé par Édouard Philippe le 11 décembre 2019.
Discours d’Édouard Philippe le 11 décembre 2019 au CESE (texte intégral).
Discours d’Édouard Philippe le 12 septembre 2019 au CESE (texte intégral).
Rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) du 21 novembre 2019 (à télécharger).
La retraite, comme l’emploi, source d’anxiété extrême.
Grèves contre la réforme des retraites : le début de l’hallali ?
Rapport de Jean-Paul Delevoye sur la réforme des retraites remis le 18 juillet 2019 : "création d’un système universel de retraite" (à télécharger).
Faut-il encore toucher aux retraites ?
Le statut de la SNCF.
Programme du candidat Emmanuel Macron présenté le 2 mars 2017 (à télécharger).
La génération du baby-boom.
Bayrou et la retraite à la carte.
Préliminaire pour les retraites.
Peut-on dire n’importe quoi ?
La colère des Français.
Le livre blanc des retraites publié le 24 avril 1991.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200302-retraites.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/vous-avez-dit-motion-de-censure-221970

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/03/02/38070952.html





 

 

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29 février 2020 6 29 /02 /février /2020 03:16

« Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil Constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de Cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article. » (Article 61-1 de la Constitution depuis le 23 juillet 2008. « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil Constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil Constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause. » (Article 62 alinéa 2 de la Constitution depuis le 23 juillet 2008).



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S’il fallait ne garder qu’une seule mesure prise par le Président Nicolas Sarkozy au cours de son quinquennat, ce ne serait peut-être pas le statut de l’autoentrepreneur, ni la réforme sur l’autonomie des universités, ni le Traité de Lisbonne …mais la question prioritaire de constitutionnalité, abrégée plus simplement en QPC.

Cette disposition constitutionnelle est née il y a dix ans, le 1er mars 2010. Ou plus exactement, elle a été mise en œuvre le 1er mars 2010, mais son principe a été édicté dans la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 (la loi constitutionnelle n°2008-724 du 23 juillet 2008 a créé l’article 61-1 de la Constitution et modifié son article 62). Pour la mettre en application, il a fallu que le Parlement votât au préalable une loi organique organisant cet outil juridique redoutable (la loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009 complète notamment l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel) et il a fallu aussi deux décrets d’application (le décret n°2010-148 du 16 février 2010 et le décret n°2010-149 du 16 février 2010).

Comme l’a expliqué Marc Guillaume, secrétaire général du Conseil Constitutionnel, en 2010 : « Cette réforme a un triple objectif : donner un droit nouveau au justiciable en lui permettant de faire valoir les droits qu’il tire de la Constitution ; purger l’ordre juridique des dispositions inconstitutionnelles ; assurer la prééminence de la Constitution dans l’ordre interne. ».

La Cour de Justice de l’Union Européenne a validé le 22 juin 2010 la conformité de la procédure de QPC en France mais a rappelé la supériorité du droit de l’Union Européenne sur le droit national.

La QPC révolutionne complètement le droit et aussi la procédure législative. En gros, elle donne beaucoup plus de pouvoirs aux simples citoyens (à condition qu’ils soient justiciables) et elle garantit aussi les libertés individuelles, mais en même temps, elle insuffle une instabilité juridique qui peut placer certains domaines dans une incertitude aux incidences économiques.

Certains avaient voulu brosser Nicolas Sarkozy en dictateur, et pourtant, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 est la réforme institutionnelle qui a le plus, à ce jour, renforcé les pouvoirs du Parlement (notamment par le texte de référence pour l’examen en séance publique, celui modifié de la commission et pas le projet initial du gouvernement), et aussi renforcé les pouvoirs des citoyens. La question prioritaire de constitutionnalité est en outre l’oméga de réformes constantes dans ce domaine dont l’alpha fut la révision constitutionnelle initiée par le Président Valéry Giscard d’Estaing (loi constitutionnelle n°74-904 du 29 octobre 1974).

La QPC, qu’est-ce que c’est ? La définition du Conseil Constitutionnel est très claire : « La question prioritaire de constitutionnalité est le droit reconnu à toute personne qui est partie à un procès ou une instance de soutenir qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Si les conditions de recevabilité de la question sont réunies, il appartient au Conseil Constitutionnel, saisi sur renvoi par le Conseil d’État ou la Cour de Cassation, de se prononcer et, le cas échéant, d’abroger la disposition législative. ».

Pour simplifier, on peut juste dire qu’avant la réforme du 23 juillet 2008, il n’était pas possible de contester la conformité à la Constitution d’une loi déjà entrée en vigueur. Désormais, les justiciables jouissent de ce droit en vertu de l’article 61-1 de la Constitution.

Les conséquences sont donc très importantes : cela peut aller jusqu’à invalider une loi déjà promulguée, parfois depuis plus dizaines d’années, parce que jugée non conforme à la Constitution et au Bloc de constitutionnalité (défini comme la Constitution du 4 octobre 1958, mais aussi le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, en particulier, la liberté d’association, la liberté d’enseignement, la loi de séparation de l’Église et de l’État, etc., ainsi que la Charte de l’environnement du 29 octobre 2004).

Jusqu’au 1er mars 2010, la possibilité d’invalider une disposition législative pour raison d’atteinte aux droits fondamentaux par le Conseil Constitutionnel ne pouvait se faire qu’avant la promulgation de la loi (entre l’adoption définitive du texte par le Parlement et la promulgation par le Président de la République), et seulement sur saisine de parlementaires (le Conseil Constitutionnel n’a pas le pouvoir de s’autosaisir).

En d’autres termes, depuis dix ans, chaque justiciable peut remettre en cause la disposition d’une loi déjà appliquée si de sérieux arguments (vérifiés par l’un des deux corps, Conseil d’État ou Cour de Cassation, selon la nature de la disposition soumise) laissent entendre qu’elle porte atteinte aux droits et libertés.

Il y a trois critères pour saisir le Conseil Constitutionnel de la QPC : d’abord, que la disposition législative critiquée soit applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; ensuite, que la disposition législative critiquée n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil Constitutionnel (à l’occasion d’un contrôle de constitutionnalité a priori) ; enfin, que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

Cette petite révolution n’est donc pas à négliger et a évidemment créé de l’activité nouvelle chez les avocats (la QPC ne peut être posée que par avocat lorsque sa présence est nécessaire dans la procédure judiciaire en cours) qui y voient ainsi une disposition supplémentaire pour éviter un procès etc. (c’était le cas, par exemple, du procès de l’ancien Président Jacques Chirac, mais la QPC a été rejetée par la Cour de Cassation le 20 mai 2011, ou dans l’affaire Cahuzac, ou encore pour s’opposer à la validité d’une garde-à-vue dans l’affaire Grégory, dans une décision délibérée le 15 novembre 2018). C’est aussi une petite révolution dans l’organisation et l’activité du Conseil Constitutionnel qui a dû s’adapter à ce nouveau rôle qui nécessite beaucoup de ressources (temps, personnes, etc.).

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Le principe de la QPC est plutôt connu dans les démocraties anglo-saxonnes. L’histoire de la France a fait que notre pays a été souvent très réticent à toute force de contrôle de constitutionnalité, a fortiori lorsqu’il est a posteriori. Ce n’est qu’à partir de la Cinquième République (en 1958 donc) qu’existe un Conseil Constitutionnel, initialement chargé surtout de valider les élections nationales et qui désire s’instituer en "cour suprême" prête également à étudier non seulement la conformité des lois à la Constitution, mais aussi aux conventions et traités internationaux.

Depuis cette dizaine d’années, la QPC occupe désormais une grande part de l’activité du Conseil Constitutionnalité : chaque année, il prend trois à quatre fois plus de décisions pour une QPC que pour une DC, décision de constitutionnalité a priori, "classique".

À ce jour, 28 février 2020, en dix ans, 753 décisions de QPC ont été prises par le Conseil Constitutionnel depuis le 1er mars 2010, soit une moyenne de 75 décisions par an. Le bilan au 30 juin 2019 a fait état de 373 QPC issues d’une saisine du Conseil d’État et 439 issues d’une saisine de la Cour de Cassation. Dans ces décisions, 66 ont été des déclarations de non conformité partielle et 149 de non conformité totale. Le délai moyen pour prendre une décision de QPC est de 74 jours (le délai maximal est de 90 jours).

Les deux premières décisions de QPC ont été publiées le 28 mai 2010. La première (décision n°2010-1 QPC du 28 mai 2010) avait même eu un écho médiatique car elle concernait la "cristallisation" des pensions de retraite attribuées aux ressortissants de l’Algérie (plus généralement des anciennes colonies). La décision délibérée le 27 mai 2010 a déclaré contraires à la Constitution l’article 26 de la loi n°81-734 du 3 août 1981 de finances rectificative pour 1981, l’article 68 de la loi n°2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002, à l’exception du paragraphe VII, et l’article 100 de la loi n°2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007, à l’exception du paragraphe V (à effet au 1er janvier 2011).

Les deux dernières décisions de QPC ont été publiées ce vendredi 28 février 2020, la décision n°2019-827 QPC du 28 février 2020 sur les conditions de recevabilité d’une demande de réhabilitation judiciaire pour les personnes condamnées à la peine de mort (conformité) et la décision n°2019-828/829 PQC du 28 février 2020, sur la déposition sans prestation de serment pour le conjoint de l’accusé (non conformité partielle et effet différé).

Parmi les plus importantes décisions de QPC, j’en retiendrai une assez récente car elle a remis en cause une grande partie de l’instruction dans une affaire judiciaire très médiatisée.

La décision n°2018-744 QPC du 16 novembre 2018 soulevée par Murielle Bolle sur le régime de la garde-à-vue des mineurs qui a jugé non conforme à la Constitution des dispositions de l’article 9 de l’ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, dans leur rédaction applicable en 1984, résultant de la loi n°74-631 du 5 juillet 1974, « faute qu’elles aient prévu des garanties suffisantes propres à assurer le respect des droits des personnes placées en garde à vue, notamment lorsqu’elles sont mineures ».

On peut retrouver les nombreuses décisions de QPC sur le site Internet du Conseil Constitutionnel et dans ses rapports annuels.

Globalement, l’introduction de la question prioritaire de constitutionnalité est un apport majeur dans les libertés individuelles. Elle replace le citoyen au centre des lois, revivifiant la notion de démocratie. Plusieurs améliorations sont possibles, notamment par la prise en charge des frais de procédure en cas de non conformité à la Constitution.

Lors des vœux du Président de la République (François Hollande) aux membres du Conseil Constitutionnel le 5 janvier 2016, son Président de l’époque, Jean-Louis Debré a présenté un bilan provisoire de la QPC : « S’agissant de la QPC, inutile je crois d’y insister, elle est désormais pleinement installée et le temps où elle n’existait pas paraît déjà bien loin. Ce travail, qui a conduit le Conseil Constitutionnel à rendre en cinq ans plus de décisions qu’il n’en avait rendu en plus de cinquante ans, a été réalisé grâce à un effectif stable, en particulier le même nombre de collaborateurs qu’il y a neuf ans et un budget, cette année encore, en diminution. (…) Au total, notre budget aura, volontairement de notre part, été réduit de plus de 23% en cinq ans. (…) Ces neuf années [Jean-Louis Debré quittait son mandat quelques semaines plus tard] furent une expérience passionnante, en particulier en raison de l’aventure de la QPC qui a donné une dimension au Conseil que personne ne pouvait tout à fait anticiper. La QPC a, au fond, accentué les traits les plus éminents de notre institution : un rôle essentiel d’arbitrage et de régulation des pouvoirs publics ; une vigilance sans faille sur la garantie des droits et libertés, exercée dans des conditions totalement renouvelées ; enfin, indépendance et mesure, les qualités qui doivent caractériser toutes nos décisions. En résumé, avec la QPC, à la défense des grandes libertés s’est ajouté le souci des droits individuels de chacun. La QPC a l’avenir devant elle. ».

Il a proposé cette évolution : « Il pourrait être (…) permis, sous certaines conditions, au Défenseur des droits et aux autorités administratives indépendantes de saisir directement le Conseil [Constitutionnel] sans passer par le filtre du Conseil d’État ou de la Cour de Cassation. » (5 janvier 2016).

Enfin, Jean-Louis Debré a terminé son discours en citant Jean Jaurès le 30 juillet 1903 à Albi : « Dans notre France moderne, qu’est-ce donc que la République ? C’est un grand acte de confiance. Instituer la République, c’est proclamer que des millions d’hommes sauront tracer eux-mêmes la règle commune de leur action ; qu’ils sauront concilier la liberté et la loi, le mouvement et l’ordre ; qu’ils sauront se combattre sans se déchirer ; que leurs divisions n’iront pas jusqu’à une fureur chronique de guerre civile, et qu’ils ne chercheront jamais dans une dictature même passagère une trêve funeste et un lâche repos. ».

Avec la QPC, les libertés fondamentales ont souscrit un contrat d’assurance-vie. C’est toujours bon à prendre !…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (28 février 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les questions prioritaires de constitutionnalité.
Valéry Giscard d’Estaing et les institutions républicaines.
Institutions : attention aux mirages, aux chimères et aux sirènes !
Gilets jaunes : un référendum sur l’ISF ? Chiche !
Ne cassons pas nos institutions !
Non à la représentation proportionnelle aux élections législatives !
Vive la Cinquième République !
Réforme Macron des institutions (6) : le mystérieux rapport sur le scrutin proportionnel.
Réforme Macron des institutions (5) : l’impossible principe de proportionnalité démographique de la représentation démocratique.
Réforme Macron des institutions (4) : la totalité du projet gouvernemental.
Réforme Macron des institutions (3) : réduire le Parlement ?
Réforme Macron des institutions (2) : le projet de loi constitutionnelle.
Réforme Macron des institutions (1) : les grandes lignes.
Non à la suppression des professions de foi !
Le vote obligatoire.
Le vote électronique.
Démocratie participative.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200301-qpc.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/les-dix-ans-de-la-question-221887

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/02/27/38060035.html






 

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2 décembre 2019 1 02 /12 /décembre /2019 15:46

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Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20191202-mali.html


Discours du Président Emmanuel Macron le 2 décembre 2019 à Paris


Officiers, sous-officiers, soldats, marins, aviateurs, gendarmes,
Mesdames et messieurs,
Chères familles,

La liberté a souvent, hélas, le goût du sang versé.

L'histoire de notre pays l'enseigne. Et le drame qui s'est noué lundi dernier l'a tragiquement rappelé.

Loin de France, ce 25 novembre, treize de nos soldats sont tombés.

Le vent fouettait la plaine ocre et aride du Sahel lorsque des commandos firent appel à des renforts aériens.

L'ennemi, poursuivi depuis plusieurs jours dans le Liptako, avait été repéré, et le combat engagé. Mais dans la steppe piégeuse du sud-Mali, parsemé d'acacias prostrés, la tombée imminente de la nuit rendait difficile la progression au sol.

Il fallait agir vite pour porter l'estocade.
Dans ce théâtre vaste comme l'Europe, la fulgurance vient du ciel.

Cinq hélicoptères - deux Gazelle, un Cougar et deux Tigre - décollèrent de Ménaka et de Gao, appuyés par une patrouille de Mirage 2000 venant de Niamey.

La manœuvre s'exécuta : les Tigre et les Gazelle se mirent en chasse des terroristes. Le Cougar était prêt à extraire des forces au sol.

L'opacité totale.
Le silence, seulement troublé par le claquement mécanique des pales des rotors.

Les tourbillons de sable.
Et soudain, la fausse quiétude de cette nuit sans lune ni étoile rompue par le fracas sourd de deux explosions.

Le Cougar est l'un des deux Tigre venaient de percuter le sol.

Leurs équipages, treize de nos plus valeureux soldats, treize enfants de France, étaient tués sur le coup.

Ils étaient morts, en opération, pour la France.

Pour la protection des peuples du Sahel, pour la sécurité de leurs compatriotes et pour la liberté du monde.

Pour nous tous qui sommes là, réunis dans cette cour.

Au nom de la Nation, je m'incline devant leur sacrifice.
Je m'incline devant la douleur des familles.
Devant les parents qui pleurent un fils.
Les épouses, les compagnes qui perdent l'être aimé.
Devant les enfants que ce drame laisse orphelins, devant les enfants à naître dont cette guerre aura volé le père.

J'assure du soutien du pays tout entier les frères d'armes de nos treize morts.
Certains sont parmi nous. Tous les autres poursuivent le combat au Sahel. Je redis à tous, et à leurs chefs, ma confiance.

Nous pensons à eux en cette heure où la mission continue, sans trêve aucune.
Ils ont perdu treize frères d'armes. Pourtant à Niamey, à Gao, à Ménaka, ils se tiennent debout aux côtés de leurs camarades des armées du Sahel qui, elles aussi, payent le prix du sang. Engagés comme toujours. Soudés comme toujours. Sans d'autre but que d'accomplir leur devoir, comme ils le font depuis cinq années au Sahel.

Nous sommes à leurs côtés comme nous sommes aux côtés de l'armée de Terre, de toute la communauté militaire et de défense.

Nos treize soldats sont tombés.
Treize noms.
Treize familles.
Treize destins.

Le capitaine Nicolas MÉGARD avait 35 ans.

Cet enfant d'Ardres et de Calais rêvait depuis toujours de devenir pilote. Il s'était engagé à 20 ans comme sous-officier, avant de réussir le concours d'officier. Au Kosovo, au Mali, sur le sol français, il inspirait le respect et l'admiration de tous par ses qualités de tacticien et sa haute exigence envers lui-même. Il laisse une femme et trois enfants.

Le capitaine Benjamin GIREUD avait 32 ans.

Au service de la France depuis dix ans, ce fils des Alpes, passionné de montagne, était un travailleur acharné. Aguerri aux terrains difficiles du Tchad et du Mali, son sens du devoir autant que sa gentillesse étaient reconnus de tous.

Le capitaine Clément FRISON-ROCHE avait 27 ans.

Ce saint-cyrien brillant, major de sa promotion de pilote, avait grandi dans une famille de militaires qui lui enseigna le sens du dépassement de soi pour les valeurs les plus hautes. C'était sa première opération, qui devait marquer le début d'une longue carrière d'engagement, d'aventure, cette « poésie de l'action » pour reprendre les mots d'un de ses aïeux, écrivain. Nous pensons à sa femme, qui aura à apprendre à leur petite fille de sept mois l'héroïsme de son père.

Le lieutenant Alex MORISSE avait 30 ans.

Engagé depuis dix ans, ce jeune officier plein de promesses affrontait ses missions militaires avec le sang-froid, la détermination, la valeur des plus grands. Pilote d'hélicoptère Tigre très expérimenté, avec plus de 1 000 heures de vol, il avait la passion de la transmission. Son souvenir vivra longtemps dans les gestes des jeunes pilotes à qui il avait tant appris.

Le lieutenant Pierre BOCKEL avait 28 ans.

Cet Alsacien était un homme d'engagement qui, passionné pour l'aviation, avait passé dès l'âge de 14 ans son brevet de pilote. Son talent et son sens tactique étaient salués de tous. Durant ses huit années dans la vie militaire, il assura quatre missions au Mali. Sa future épouse et lui allaient devenir parents.

L'adjudant-chef Julien CARETTE avait 35 ans.

Cet enfant du Nord servait la France depuis plus de dix-sept ans. Mécanicien hors-pair, il s'était distingué en Côte d'Ivoire, au Tchad, au Burkina Faso, en Afghanistan et au Mali. Son sens de l'humour, son enthousiasme, son amour des siens manqueront autant à ses frères d'armes qu'à sa femme et ses deux jeunes garçons, dont il avait fait le centre de toute sa vie.

Le caporal-chef Romain SALLES de SAINT-PAUL avait 35 ans.

Cet enfant de France originaire de Colombie avait trouvé dans l'armée une seconde famille. En s'engageant, il avait voulu rendre à la France ce que la France et ses parents adoptifs lui avaient offert. Au Gabon, à Djibouti, au Mali, son dévouement impressionnait ses chefs comme ses camarades. Il était heureux de servir. Il laisse une épouse et deux petites filles.

Sept parcours exemplaires. Sept soldats d'exception. Sept hommes d'exception.
Et une même famille : celle de l’Aviation Légère de l’Armée de Terre, des bérets "bleu cobalt" du 5ème Régiment d’hélicoptères de combat de Pau, un régiment d’élite, qui a tant donné au pays et lui donne encore tant. Chaque jour.

Le capitaine Romain CHOMEL de JARNIEU avait 34 ans.

Engagé depuis sept ans, ce Vendéen né au bord de l’Atlantique dans une famille de militaires et de marins avait le goût des horizons lointains. Il avait commencé une carrière civile prometteuse avant d’être rattrapé par une vocation irrépressible : devenir militaire et servir son pays. Projeté à plusieurs reprises pour servir la France sur les théâtres d’opérations extérieures, il avait gravi rapidement les échelons pour devenir, il y a quelques mois, chef de groupement commando montagne. Il aimait passionnément la vie militaire au point d’avoir écrit un livre sur son quotidien au régiment. Puissent ses mots gagner bientôt le cœur des Français et lui faire gagner une forme d’éternité.

Le maréchal des logis-chef Alexandre PROTIN avait 33 ans.

Envoyé plusieurs fois au Mali, ce natif de Charleville-Mézières était un équipier commando irréprochable. En dix années d’engagement, il avait mille fois prouvé son professionnalisme et sa loyauté.
Nous partageons le deuil de sa compagne. Tous deux cultivaient le projet d’avoir un enfant.

Le maréchal des logis Antoine SERRE venait d’avoir 22 ans.

Cet enfant des Alpes, excellent athlète, était un amoureux de la nature et de la montagne. En entrant, avant même ses 18 ans, à l’Ecole militaire de haute montagne de Chamonix, il unissait ces passions à celle du service des autres. Son dynamisme et sa maturité impressionnaient ses pairs. Malgré sa jeunesse, il avait déjà effectué deux longues opérations au Mali.

Le maréchal des logis Valentin DUVAL avait 24 ans.

Ce Rouennais, issu d’une famille d’agriculteurs normands, montrait une rigueur et un talent qui lui valurent d’être major de sa promotion d’opérateurs réseaux, et d’intégrer le commando montagne. Ses compétences rares et son savoir-faire en transmission radio en firent un atout précieux pour chacune de ses trois missions au Mali. Nous pensons à sa famille déjà endeuillée l’année dernière par la perte accidentelle, en entraînement, de son beau-frère, lui aussi chasseur alpin.

Quatre parcours hors norme, quatre soldats d’élite.
Quatre amoureux de la montagne, aussi, qui avaient décidé de rejoindre le prestigieux 4ème Régiment des chasseurs de Gap et de faire leur ce mot d’ordre à l’altruisme inouï : “Toujours prêt, toujours volontaire”.

Le maréchal des logis-chef Jérémy LEUSIE avait 33 ans.

Engagé au sein du 93ème Régiment d’artillerie de montagne de Varces, cet Angevin en était devenu une des figures les plus expérimentées. Ses qualités humaines rivalisaient avec ses qualités physiques. Il était une force de la nature, à la dimension de l'histoire de son régiment et de sa devise “de roc et de feu”. Il a porté cette flamme qui l'animait, au Tchad, en Afghanistan, au Mali de nombreuses fois, et laisse une compagne.

Le sergent-chef Andreï JOUK avait, lui, 43 ans.

Entré dans la Légion étrangère comme sapeur d'assaut il y a onze ans, ce Biélorusse avait suivi un parcours remarquable jusqu'à devenir commando montagne. Il fut projeté à plusieurs reprises au Sahel. Le 2ème Régiment étranger de génie de Saint-Christol se souviendra longtemps de ce soldat d'une bravoure extraordinaire, Français non par le sang reçu mais par le sang versé. Il était père de quatre enfants et avait fait le choix de défendre notre pays et nos valeurs.

Oui, treize destins français.
Treize visages, treize vies données.

Treize hommes que la fraternité des combats et des entraînements dans les sommets enneigés comme dans les cieux étoilés avait rapprochés et que la mort, à jamais, a unis.

Treize noms qui seront inscrits dès demain à l'encre de pierre sur le monument aux Morts pour la France en opérations extérieures.

Comme les noms de l'engagement de nos armées pour notre défense.
Comme les noms de la lutte de tout un pays contre ses ennemis.
Comme les noms de la guerre de toute une Nation contre le terrorisme.
Comme les noms du combat universel de la France pour la liberté.

Soldats !

Voyez vos communes de Pau, de Gap, de Varces-Allières-et-Risset et de Saint-Christol d'Albion, leurs élus rassemblés dans cette cour des Invalides, à la fois lourds du chagrin de votre disparition et fiers de votre engagement, de votre courage, de votre sacrifice. Voyez les maires des villes où vous êtes nés qui portent la peine de tout un peuple.

Les larmes coulent sur les flancs des Pyrénées, du massif des Ecrins, du Vercors, et des plateaux du Lubéron. Elles coulent aussi sur vos terres natales des Alpes, d'Alsace, d'Auvergne, de Mayenne, du Nord, de Normandie et de Vendée. Sur les terres où vous avez vécu et où vos proches vivent. Sur toutes les terres de France.

Mais ces larmes de tristesse sont mêlées d'espoir et de détermination.

L'espoir en notre jeunesse, en notre armée.
La détermination à faire triompher des valeurs de notre République.

Soldats !

Voyez ces enfants de France venus des quatre coins du pays, de vos villes et de vos villages. Peut-être les avez-vous croisés quelquefois.

Si jeunes, mais si reconnaissants pour tout ce que vous avez accompli.
Si conscients, aussi, de ce qu'ils vous doivent : leur avenir, leur sécurité.
Si conscients des rêves que vous n'avez pas tous pu accomplir et qu'ils poursuivront pour vous.

Soldats !

Voyez, devant vous, ces anciens combattants et tous les porte-drapeaux venus de nos régions. Par leur engagement et leur exemple, par leur présence, ils nous rappellent ce que nous devons à nos aînés.

Et ils vous inscrivent dans une Histoire, celle de la Nation, dont les fils s'entrelacent avec l'Histoire de nos armées.

Des batailles de Champagne à celles de Dolbro Polje, de la bataille des Alpes à la campagne d’Allemagne, de Narvik à Bir-Hakeim, ces lieux résonnent des exploits de vos unités et de leurs ancêtres, par-delà les siècles.

Jean VALLETTE d’OSIA, Albert de SEGUIN de REYNIES, Tom MOREL !
Tous ces héros dont les silhouettes veillent sur la Patrie, ici, aux Invalides.
Et dont les treize noms que nous pleurons ce jour sont les dignes héritiers.

Oui, voyez, Soldats, la Nation s'unir dans la diversité des opinions et des croyances, des horizons et des différences, autour de vous, des drapeaux bleu-blanc-rouge qui ornent vos cercueils.

Vos couleurs. Nos couleurs.
Les couleurs d'une Nation libre, toujours.
Et unie autour du sacrifice de ses enfants pour qu'elle vive libre, forte et fière.

Vous étiez treize soldats, treize engagés volontaires.

Engagés pour une idée de la France qui vaut d'être servie partout où il faut défendre la liberté des hommes et où la Nation le décide.
Un engagement profond, modeste et discret, qui n'est rendu public que par le sacrifice ultime.
Loin du fracas des mots inutiles.
Volontaires, car chacun avait choisi, seul, exerçant son libre arbitre, de parcourir tout le chemin de la force et de l'honneur d'être homme.

Ainsi, ce que nous saluons aujourd'hui, c'est non seulement le devoir de chacun de ceux qui, à leur place, servaient la France sous les armes, mais l'acceptation lucide et profonde de ce devoir, qui fait du soldat français un citoyen d'autant plus admirable.

Soldats !

Nous ferons bloc pour cette vie de peuple libre conquise grâce à nos armées, grâce à vous.

Chef d'escadron Nicolas MEGARD,
Chef de bataillon Benjamin GIREUD,
Chef de bataillon Clément FRISON-ROCHE,
Chef d'escadrons Romain CHOMEL de JARNIEU,
Capitaine Pierre BOCKEL,
Capitaine Alex MORISSE,
Major Julien CARETTE,
Adjudant Jérémy LEUSIE,
Adjudant Andreï JOUK,
Adjudant Alexandre PROTIN,
Maréchal des logis-chef Valentin DUVAL,
Maréchal des logis-chef Antoine SERRE,
Maréchal des logis Romain SALLES de SAINT PAUL,

Comme chef des Armées, j'ai décidé de vous promouvoir, ce jour, au grade supérieur.
Au nom de la République française, je vous fais chevalier de la Légion d’honneur.

Vive la République !
Vive la France !


Emmanuel Macron, le 2 décembre 2019 dans la cour d'honneur des Invalides, à Paris.

Source : www.elysee.fr/

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20191202-discours-macron-hommage.html

 

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24 novembre 2019 7 24 /11 /novembre /2019 01:28

François Baroin, élu en novembre 2015 pour cinq ans, président de l'Association des maires de France (AMF), a prononcé le discours d'ouverture du 102e congrès de maires de France, discours qui a précécé celui du Président Emmanuel Macron.

Cliquer sur le lien pour télécharger le discours (en format .pdf) :
https://medias.amf.asso.fr/upload/files/Congres/2019/20191119-Intervention-Francois-Baroin.pdf

Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20191119-baroin.html
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20191119-macron.html
http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20191119-discours-macron-amf.html


SR
http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20191119-discours-baroin-amf.html



 

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19 novembre 2019 2 19 /11 /novembre /2019 19:06

(verbatim)


Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20191119-macron.html



Discours du Président Emmanuel Macron le 19 novembre 2019 à Paris


Monsieur le Président du Sénat, mesdames messieurs les ministres, monsieur le Président du Conseil économique, social et environnemental, mesdames et messieurs les Parlementaires, monsieur le Président de l’Association des Maires de France, cher François BAROIN, mesdames et messieurs les membres du Bureau et du Comité directeur, madame la Maire de Paris, chère Anne HIDALGO, mesdames et messieurs les Présidents d’association d’élus locaux, mesdames et messieurs les Maires et Présidents d’intercommunalité, mesdames et messieurs les élus, mesdames et messieurs, chers amis,

Merci d’abord de m’avoir permis de partager à l’instant à vos côtés l’hommage rendu au Président CHIRAC, hommage affectueux et émouvant. Et merci de m’accueillir en cette deuxième journée, après avoir passé ces heures hier, en particulier aux côtés de tous nos amis et collègues ultramarins que je reconnais dans cette salle et qui font face à beaucoup des défis qui sont ceux de tout le territoire français avec en plus bien souvent des défis bien particuliers auxquels à chaque fois nous tentons de répondre. Merci madame le Maire de Paris, chère Anne. Merci monsieur le Président, cher François BAROIN, monsieur le Vice-président, cher André LAIGNEL, pour votre accueil, vos propos, vos interpellations. Et merci à vous tous, mesdames et messieurs les Maires, d’être là.

Nous nous retrouvons, mais en fait je ne crois pas que nous ne nous soyons vraiment quittés. A chaque fois que je me déplace dans l’hexagone comme en outre-mer dans les circonstances tragiques d’une catastrophe naturelle, d’un attentat comme dans les jours plus heureux pour inaugurer tel projet qui se lance, telle réalisation qui aboutit c’est votre visage à chaque fois que je vois parmi les premiers, votre connaissance du terrain qui me nourrit, votre sens précisément du terrain qui m’apprend. Et puis vous l’avez rappelé, il y a eu le Grand Débat. Ces dialogues que nous avons noués dans toutes les régions de France à Grand Bourgtheroulde, à Souillac, à Valence, Evry-Courcouronnes, Autun, Gargilesse-Dampierre, Bordeaux, Gréoux-les-Bains, Angers, Saint-Brieuc, Cozzano, à l’Elysée et dans bien d’autres lieux. Ce fut ça pendant des mois dans toutes les régions de France et j’ai tant appris de nos échanges. Tant appris, et, je dois dire, des aspirations de nos compatriotes, de leurs craintes aussi face aux bouleversements contemporains qu’ils veulent dans leur quotidien et que vous partagez avec eux. Tant appris de votre sens du dialogue, de l’unité, de la proximité. Tant appris, oui, j’ose le dire, de vous, de ces débats que nous avons eus ensemble, que nous avons eus encore il y a quelques jours à Epernay avec le Maire et son Conseil municipal. Et je dois bien le dire, si mon parcours avant de devenir Président de la République diffère quelque peu de celui de Jacques CHIRAC à qui nous venons de rendre hommage et qui avait forgé sa vision de la France dans ses fonctions locales en Corrèze et à Paris ou du président MITTERRAND qui l’avait forgée et il le rappelait là aussi durant ses décennies à Château-Chinon, ces heures passées à vos côtés ont agi et agissent pour moi comme un concentré d’expériences. Je ne suis certes pas Maire d’une commune de France mais je me sens chaque jour un peu plus à votre contact Maire de la commune France, c’est-à-dire à la fois gardien de l’essentiel, l’unité de la nation, et du quotidien concret, des vies, de la dimension humaine qui à la fin doit guider toute action publique.

Alors, cher François BAROIN, cher André LAIGNEL, vous avez évoqué quelques sujets lourds : finances locales, répartition des compétences, décentralisation. Tous ont une importance capitale. Sur ce dernier, je reviendrai dans quelques instants. Sur les autres, je pourrais utiliser justement le même propos que François MITTERRAND avait eu dans son discours de 1994 : « si j'avais voulu répondre à ces sujets point à point, j'aurais fait ministre ou Premier ministre, c'est d'ailleurs pour ça que je vous les envoie durant tous ces jours. » Mais comme vous, parce que les temps ont aussi changé, les exigences ne sont pas les mêmes et vous me diriez : qu'est- ce que c'est que ce Président qui ne répond pas à notre quotidien alors que nous, nous devons répondre au quotidien de nos concitoyens ? Je vais quand même rentrer un peu dans le concret.

Sur la taxe d'habitation, j'ai déjà plaidé à plusieurs reprises. D'abord, permettez-moi de le dire, sur la taxe d'habitation, comme sur les dotations, j'ai fait ce que je vous avais dit. Je suis venu à votre invitation durant la campagne présidentielle, je vous ai tenu ce discours, exactement, et j'ai demandé au Gouvernement de le mettre en œuvre. Je crois que vous êtes attachés à la même forme de transparence. Il est bon que ce soit ainsi. Après, sur la taxe d'habitation, si durant votre campagne, beaucoup de vos électeurs vous reprochent la baisse, faites-le moi savoir, et qu'ils viennent se plaindre. Et parfois, peut-être, vous aurez le droit d'empocher les félicitations qu'ils vous livrent à vous, et pas au gouvernement, parce que c'est ce qui va vous arriver. Je me permettrais de dire que, contrairement à beaucoup d'autres réformes, celle-ci ne s'est pas soldée par la suppression de la taxe d'habitation pour la remplacer par un autre impôt local, ce qui fut toujours le cas jusqu'alors, non, mais bien par la suppression d'un impôt compensé par l'Etat, qui descend en effet du département au bloc communal un impôt mais qui le compense par une part de transfert d'un impôt national. Et ça, ça n'avait jamais existé parce que ça veut dire que le payeur final de cette mesure, c'est bien l'Etat et ses économies. C'est une réalité.

Quant aux compensations, les ministres, le Premier ministre y reviendra. Je vous ai entendus, j'ai déjà plaidé il y a deux ans, ici même, la chose. Je l'ai expliqué plusieurs fois durant le grand débat. Si le système des dotations doit être rendu plus intelligent, je suis preneur de toutes les propositions. Il se trouve que le système d'aujourd'hui est voté par le Parlement sur la base des propositions du comité des finances locales. J'ai compris que beaucoup y siégeaient.

Simplement, le Parlement vote sur proposition du Gouvernement, conformément à mes engagements, une stabilité. C'est une bonne chose, mais la stabilité s'accompagne ensuite de variations en fonction de la réalité : si on perd des habitants, selon le potentiel fiscal, cela fait bouger le montant de la dotation. Nous connaissons les règles. Si elles peuvent être rendues plus intelligentes, il faut le faire. Maintenant, vous avez raison, le système est imparfait, il faut continuer de le transformer, de l'améliorer, et j'y reviendrai dans quelques instants.

Mais je crois que le moment que vit notre pays, que nous avons traversé ensemble ces derniers mois, le caractère parfois tragique de notre histoire, et vous l'avez rappelé, exige aussi que je puisse ici vous dire quelques mots, quelques convictions, au fond, de la manière dont nous, ensemble, Maires de France et Président de la République, nous pouvons rassembler les Français, comment nous pouvons ensemble faire en sorte d'être à la hauteur de ce moment, car en effet, ce qui importe, et je ne considère pas pour ma part que ce que notre pays a vécu il y a maintenant un an pendant des mois et des mois soit totalement derrière nous, cela vient de loin et cela durera. Cela exige beaucoup de force d'âme, de volonté, une volonté de transformer notre pays, d'agir, mais aussi, tout en agissant, d'unir et de rassembler pour ne pas laisser de côté une partie de nos territoires, de notre peuple et pour continuer à donner du sens à chacun. C'est bien cela dont je suis venu vous parler cet après-midi avant tout.

Trop de fractures, c'est le principal constat qui a émergé du Grand Débat national, fractures territoriales, fracture numérique, sociale, identitaire, culturelle aussi, trop de fractures, comme si la France n'était plus une. À chaque fois qu'un Républicain comme vous l'êtes, comme je le suis, entend ainsi désigner la situation de notre pays, c’est toujours un déchirement, précisément parce que la République est et ne saurait être qu’une. Parce que la République est et ne saurait être qu’indivisible. Cela ne veut pas dire qu’elle est la même partout – et vous êtes d’ailleurs les porteurs de cette diversité – mais cette diversité ne devrait pas diviser et justifier précisément que bloc à bloc on finisse par penser le territoire ou la société comme séparés. Jamais je ne me résoudrai à ce que la France, la nation, se réduise à un archipel. Et donc, notre rôle à nous, à vous qui êtes en charge de la commune, donc du commun, c’est de tout mettre en œuvre pour résorber ces fractures. C’est de faire bloc pour unir, pour rassembler les Français par notre action.

Unir et rassembler, cela passe d’abord et avant tout – et je veux ici le rappeler, on l’évoque souvent trop peu – par des rites républicains. Donc pour les pratiquer, vous savez l’importance dans la vie d’une commune. Les cérémonies commémoratives en sont, qui rappellent régulièrement aux Français les liens de sang qui ont façonné leur liberté. Je veux ici vous remercier toutes et tous pour votre implication lors de l’organisation du centenaire de la Première Guerre mondiale comme dans les différents anniversaires et commémorations, des débarquements de Normandie ou de Provence et de toutes ces célébrations encore ces jours derniers. L’année 2020 sera, de ce point, de vue particulière. Nous célébrons, entre autres, tout à la fois les 80 ans de l’appel du 18 juin, les 120 ans de la naissance du général de Gaulle, les 150 ans de la Troisième République. Quelques autres anniversaires importants. Vous serez une fois encore au rendez-vous. Et ces rendez-vous ne sont pas des habitudes. Ces rites précisément donnent du sens dans nos communes, partout dans la République, à ce lien de sang, à cette part d’histoire qui nous a fait libre. Et j’en sais toute l’importance dans les temps que traverse notre République. Ils sont autant d’occasions de rassembler les générations, de ne pas oublier, de comprendre, de continuer, d’associer toutes et tous. D’éduquer en impliquant plus profondément, comme nous sommes en train de le faire, l’école, et d’agir. Unir et rassembler, c’est aussi par notre action collective, notre ambition. Cela signifie en quelque sorte, recoudre cette France trop souvent déchirée, déchirée entre la ville, les banlieues, les différents quartiers, les campagnes, avec, je le sais, un exercice du mandat de maire parfois particulièrement difficile dans nombre de ces endroits.

Alors, ce que nous avons collectivement à faire, c’est un nouvel aménagement de notre territoire. Je le dis collectivement parce que c’est à la fois le Gouvernement, mais avec lui, les régions, les départements, les intercommunalités et les communes qui ont ce travail à faire, car toutes les compétences rassemblées sont à mobiliser. Il n’y a pas de fatalité à ces divisions. Je m’y étais engagé. Le Gouvernement a pris des mesures fortes à vos côtés, qui marquent là aussi un retour de l’État : le plan « Action Cœur de Ville » pour redynamiser les centres des cités moyennes ; l’Agenda rural porté par la concertation sur vos propositions avec plus de 170 actions proposées par la ministre pour nos villages ; l’installation de France Services dans chaque canton – j’inaugurerai le premier France Services vendredi à Amiens ; le plan de mobilisation nationale pour nos quartiers ; le plan très haut débit ; le développement d’infrastructures de proximité pour que ne demeure aucune zone blanche en matière de transports – et de ce point de vue, merci, Président, de que vous avez dit sur les concertations en la matière ; la loi d’orientation pour les mobilités devrait être ainsi votée ce soir à l’Assemblée nationale ; la création, sur la base d’une idée soumise par l’AMF, d’une Agence nationale de la cohésion des territoires mettant à disposition des collectivités, de nouveaux moyens d’ingénierie pour accompagner les projets, pour aider aux investissements, plus facile car ce qui bloque souvent c’est le manque de moyens. On le sait bien. La difficulté de porter tel ou tel projet et d’avoir les compétences, les bonnes personnes. Jamais autant n’avait été fait pour que ce beau principe républicain, l’égalité ne s’applique pas seulement aux femmes et aux hommes mais aussi aux territoires, pour que la République porte une même attention à notre capitale qu’aux villages, de quelques hommes, aux grandes villes qu’aux cités moyennes.

Nous arrivons tard, je le sais. Et je vous écoutais tout à l’heure. Et j’entends pleinement vos arguments. Attaquer des projets de regroupement forcé, de précipitation, de baisse drastique de dotation sur tel ou tel projet. Mais je voudrais, ici, de là où je suis, défendre le Premier ministre et son Gouvernement parce que je n’ai pas le sentiment que tout ce que vous avez décrit depuis tout à l’heure soient des mesures qui aient été portées par ce Gouvernement ou votées par cette majorité. Et j’ai peur que, comme ça peut vous arriver souvent d’ailleurs dans votre action, il n’ait eu à subir depuis 2 ans et demi les conséquences de beaucoup de réformes qui venaient parfois de loin alors même que son action essayait de mener le contraire. Je ne vous demande pas la patience. Vos concitoyens ne vous la donnent pas mais je nous demande collectivement le discernement qui est de ne pas reprocher aux uns les causes qui viennent d’ailleurs et de savoir reconnaître de manière un peu juste ce qui est fait. Mais tout cela est une épreuve parce que nous venons de loin, parce que parfois des bonnes décisions n’avaient pas été prises suffisamment tôt, parce que le monde tel qu’il s’organise aussi a accéléré les phénomènes de concentration. Le métropolisation, qui n’est pas le fait de décisions, quelles que soient d’ailleurs les majorités, mais qui s’observent partout dans le monde, qui est le regroupement des talents, des énergies dans quelques villes, quelques pôles d’attractivité. Mais qui a parfois été aidé par la concentration autour de grandes régions, de capitales régionales. Et les concentrations à Paris ou dans ces capitales-là de certains de nos choix.

Nous arrivons donc à un moment critique. Mais je ne crois pas là aussi qu’il y ait de fatalité. Et je veux être jugé sur les actes. Les actes, c’est une augmentation de la couverture numérique du territoire inédite. 14 000 lignes de fibre optique sont tirées chaque jour ouvrés depuis janvier 2019, 4 millions par an. Nous serons donc au rendez-vous du haut débit pour tous en 2020 et du très haut débit pour tous en 2022 comme je m’y étais engagé en juillet 2017. Les actes, c’est l’ouverture des 460 premiers France Services en janvier 2020. 200 000 nouveaux cafés dans nos petites villes d’ici quelques mois dans le cadre de l’agenda rural. Les actes, c’est la transformation en cours des logements, des centres-villes et des quartiers. Le choix résolu de privilégier le commerce de proximité pour revitaliser les centres-villes. Les actes, ce sont les 42 quartiers de reconquête républicaine qui bénéficient de renforts policiers spécifiques. Les actes, c’est ce travail quotidien résolu pour faire en sorte que chaque terre de France soit une chance pour celles et ceux qui y vivent, par plus de stages proposés, par les emplois francs développés, par une nouvelle ambition donner à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine avec des délais raccourcis et les nouveaux engagements en termes d’investissements que j’avais pris.

Les actes, c’est cela. C’est en train de se déployer. Cela va continuer d’arriver et c’est une transformation indispensable. Mais ça veut dire que collectivement, ce que nous avons à faire, c’est réinventer notre territoire. Et il n’y a, en la matière, pas de fatalité comme je le disais. Les métropoles sont là, ce à quoi nous avons travaillé beaucoup, des Maires qui soient à la tête de ces métropoles ou dans leurs périphéries le savent et c’est une nouvelle coopération entre ces territoires par ces décisions prises mais aussi par les décisions qui sont prises au sein des structures intercommunales comme entre elles pour permettre une mobilité plus adaptée, pour apporter les réponses en termes de pouvoir d’achat à celles et ceux qui travaillent dans ces métropoles mais qui souvent ne peuvent pas y vivre. Et nous avons entendu aussi ce message. Cette réinvention de notre territoire collectivement, c’est la capacité que nous devons donner dans nos quartiers les plus difficiles, les plus pauvres, à accéder aux meilleures formations, ce que nous sommes en train de faire, à l’égalité de la formation supérieure, à l’emploi sans stigmatisation. Ce qui est aussi les réinventer, permettre d’en tirer toute l’énergie parce qu’ils ont une ressource. C’est la vitalité démographique. C’est de réinventer par le télétravail les mobilités que vous portez et les projets innovants, j’y reviendrai, des coopérations dans le rural. C’est la redynamisation de nos centres-villes qui ont été désertés totalement par les commerces, par les habitants parce que des choix ont été opérés dans les années 80 et 90 qui ont conduit au fond à séparer notre espace selon les usages. Les gens n’en veulent plus. C’est aussi au titre de cela que j’ai été conduit à refuser certains projets que je ne considérais plus comme du jour. Le temps est à la redéfinition de l’espace et d’un commun.

Nos concitoyens veulent vivre près de l’endroit où ils travaillent pour pouvoir plus facilement travailler là où ils veulent, pouvoir plus facilement accéder à un commerce de proximité, de nouvelles formes de contact, de la culture. Ils ne veulent plus cet espace séparé selon les temps où on dort à un endroit, où on va travailler à un autre, où l’accès à la culture est ailleurs. Et c’est d’ailleurs cohérent avec le projet écologique que collectivement nous poursuivons. Il nous faut donc retisser cela. Cela va prendre du temps, ça dépend de votre engagement, de la clarté de nos choix et des instruments qui sont mis à votre disposition. Mais je crois très profondément que par toutes ces initiatives prises, et j’aurais pu citer encore beaucoup d’autres, celles des directoires d’industrie car là aussi nous sommes en train de reconquérir notre industrie.

Pour la première fois depuis 12 ans nous recréons dans notre pays de l’emploi industriel, nous réouvrons des usines dans des endroits qui les avait délaissées. Parce qu’il n’y a pas de fatalité. Il y a des projets qu’on doit vous aider à porter, des investissements qu’il faut faciliter et des règles lorsqu’elles sont plus claires au niveau national qui permettent enfin de réinvestir, de réembaucher. Plus de 500 000 emplois créés en 2 ans, ça aussi c’est pour cette ambition des territoires. Et donc cet aménagement nouveau de notre territoire, il est à construire à travers ces projets, ces nouveaux instruments et une ambition qui nous permettra de bâtir les nouvelles formes du vivre ensemble, de l’habiter, du déplacement et du travail dans une puissance économique solidaire et environnementale du 21ème siècle, celle que nous voulons bâtir.

Unir et rassembler, c’est notre viatique. C’est aussi tenir la cohésion du pays dans les dures épreuves des temps. Vous avez rappelé les événements tragiques : ceux de 2015, ceux aussi que nous avons vécus ces derniers mois, ces dernières semaines. Ces événements, qu’il s’agisse du terrorisme, des attaques, des violences urbaines, ont touché à chaque fois au premier chef, vous le savez ô combien, Madame la Maire de Paris, les maires que vous êtes. Ces événements ont bousculé notre pays, charriant les peurs, les angoisses, les tensions et parfois d’ailleurs laissant monter l’esprit de divisions et les confusions. Face à de tels enchaînements, notre responsabilité collective est de ne jamais jouer sur les peurs, de ne jamais rien céder aux haines, d’éviter aussi la précipitation parfois pour apporter des bonnes réponses. Opposer au tourbillon des amalgames la sérénité claire des principes républicains. Faire en sorte que le fil du dialogue entre les Français jamais ne se rompe.

A ce titre, je veux dire ici combien les mots qu’ont eus les maires de chacune des communes concernées par les événements que je rappelais ont sonné juste, qu’ils étaient à chaque fois frappés d’un grand sens de la République et de son unité. Mais les mots n’épuisent pas ce que doit être notre réaction collective face au regain des passions, de la division et de la haine. Ce qu’il nous revient de bâtir c’est la République en actes qui unit les Français simplement parce que la loi s’applique à tous et en tous points du territoire. Aussi devons-nous travailler ensemble pour assurer la sécurité de tous nos concitoyens au quotidien, lutter contre les incivilités, la délinquance, la violence qui minent au premier chef la cohésion du pays. Je sais que c’est votre engagement premier là aussi parce qu’à chaque fois vous me sollicitez, vous me proposez d’ailleurs bien souvent.

Nous prenons depuis 2 ans et demi nos responsabilités en la matière avec une volonté forte, des policiers et des gendarmes plus nombreux sur la voie publique. C’est l’engagement de recrutement de 10 000 postes supplémentaires, les premiers qui sortent de formation sont en train d’arriver sur le terrain et, il est vrai, ils sont particulièrement nombreux dans ces quartiers de reconquête républicaine où l’effort est mis en priorité. Mais c'est aussi dégager du temps sur le terrain pour nos policiers et nos gendarmes en investissant dans la procédure pénale numérique, en allégeant, ce qui a été fait dans le cadre de la Loi justice, les tâches administratives. C'est aussi le choix qui a été fait, après des années, sans que le sujet ne soit jamais ouvert, de décider du paiement des heures supplémentaires des policiers, parce que les heures payées, c'est plus de présence sur le terrain et c'est donc du temps utile pour vous. Cet effort se poursuivra, il est indispensable et c'est notre engagement. Mais, et vous le savez aussi, la sécurité du quotidien dépend de vous, de la qualité des coopérations entre la police nationale et municipale, entre les préfets et les élus que vous êtes, et de poursuivre ce travail amplement engagé.

Nous avons à ce titre, d'ailleurs, obtenu des avancées réelles grâce à l'initiative des parlementaires. Je pense en particulier à cette loi sur les rodéos, élaborée ensemble et qui permet aujourd'hui de saisir des véhicules, et qui permet, lorsque le travail est fait en partenariat sur le terrain, d'agir beaucoup plus efficacement. Dans 3 cas sur 4, police municipale et forces de sécurité intérieure sont liées par une charte de coopération qui organise échanges d'informations, partage de moyens techniques et numériques, formation et parfois même patrouilles communes. Mais là aussi, nous pouvons encore faire davantage, faire mieux.

C'est pourquoi je demande au Gouvernement d'étudier toutes les propositions qui sont faites par les différentes associations pour améliorer ce qu'on appelle parfois le continuum de sécurité, c'est-à-dire la mobilisation de tous les acteurs : forces de l'ordre, police municipale, agents techniques aussi parfois, les différentes mairies, forces et sociétés de sécurité privées, pour agir de manière encore plus efficace contre les incivilités, la délinquance et poursuivre le travail. Des propositions très concrètes ont été faites par plusieurs d'entre vous, et je souhaite qu'on puisse regarder et avancer. Certains fichiers pourraient être mieux partagés, je le sais bien, ceux des véhicules volés, par exemple. On pourrait agir plus efficacement et plus concrètement, regarder si certains pouvoirs de police ne pourraient pas être délégués dans certains cas, les dépôts, la verbalisation des poids lourds... Il y a des choses très concrètes que vous appelez de vos vœux, qui permettraient d'ailleurs non pas à l'Etat de se désengager, je le dis ici clairement pour lever toute ambiguïté, mais de mieux coopérer et de permettre aux maires qui le souhaitent de faire davantage plus efficacement, plus simplement. Le Gouvernement sera au rendez-vous, et ces propositions auront donc une réponse.

Mais au-delà de cette sécurité du quotidien, de ces incivilités, il y a, bien entendu, ce que notre pays continue de vivre, le terrorisme et le sujet de la radicalisation, qui, aussi, appelle une action conjointe. J'ai évoqué, il y a quelques semaines, la nécessité de bâtir une société de vigilance, c'est-à-dire la mobilisation de tous pour lutter contre ces reculs insidieux de la République qui, trop souvent, se transforment en drame. Vigilants, en vérité, nous le sommes déjà ensemble. 150 chartes ont ainsi été signées dans l'ensemble des communes concernées par des individus suivis pour radicalisation. Depuis un an, sous l'impulsion du ministre de l'Intérieur, comme je m'y étais engagé devant vous, les maires ont désormais droit de reconnaître. Le préfet vous informe régulièrement de l'État de la menace et peut vous transmettre des éléments nominatifs confidentiels. Là encore, comment ne pas voir que vous êtes, vous les maires, en permanence au contact et donc les mieux placés aussi, bien souvent, pour percevoir les signes faibles d'une dégradation de la situation, d'un glissement, et donc être des acteurs à part entière de cette société de vigilance, c'est-à-dire une société de l'attention collective et donc de l'action. Etat et communes sont les bras armés d'une République qui protège, d'une République qui avance aussi et s'impose dans chaque hall d'immeuble, dans chaque rue, dans chaque terre de France.

Bien évidemment, évoquant ces sujets, je ne peux bien entendu rester silencieux sur la question du communautarisme, de l'islamisme politique tant évoqué ces dernières semaines et ces derniers mois dans notre pays. Je ne veux rien cacher ici de la réalité que beaucoup d'entre vous vivent. Dans certaines communes, dans certains quartiers, progresse depuis quelques années un projet de séparation d'avec la République. C'est une réalité. Ce sont les revendications sur les horaires réservés aux femmes dans les piscines, ces espaces publics où la mixité n'est plus possible, ce sont ces pressions exercées dans certains services publics, certaines entreprises, ce sont aussi des services communautaires qui cherchent à se substituer à la République, et les déscolarisations d'enfants auxquelles on assiste dans trop d'écoles. À chaque fois, les maires sont en première ligne. L'Etat agit et continuera d'agir.

Nous n'avons pas attendu ces dernières semaines et les débats qui, parfois, ont pu voir le jour. Non. Les lois ont été prises et les actions ont été conduites en la matière, avec efficacité, tout particulièrement par le ministre de l'Intérieur et le ministre de l'Education nationale, grâce, là aussi, à des initiatives parlementaires salutaires sur ce sujet. 12 lieux de culte ont ainsi été fermés, 4 écoles hors contrat, 9 établissements associatifs, près de 130 débits de boisson, toujours avec la coopération des maires. Cette action continuera d'être menée, et nous devons, là aussi, faire plus, ne jamais vous laisser isoler dans ce qui est un des grands combats républicains contemporains. Tout le Gouvernement est mobilisé et continuera d'agir. Le ministre de l'Intérieur donnera des instructions nouvelles aux préfets dans les prochains jours en la matière, et le gouvernement portera des actions concrètes nouvelles dans les prochaines semaines sur ce sujet.

Mais là aussi, je veux nous appeler collectivement à ne pas tout confondre. Dans les débats qui, souvent, se nouent sur ces sujets compliqués, on confond tout. On confond bien souvent la laïcité, la civilité et l'ordre public. La laïcité a un cadre, la loi de 1905. Il a été complété par des lois plus récentes, importantes, qui ont été le fruit d'ailleurs de longues concertations. C'est un cadre, un cadre de liberté et de respect, la liberté de croire et de ne pas croire, c'est un cadre de neutralité, ça n'est en aucun cas un cadre de combat ou d'exclusion. Ça n'est pas la notion qui doit nous conduire à mettre dos à dos, front à front, une part de la société française contre une autre. Ce serait une profonde erreur historique et une faute lourde politique. La laïcité a ce cadre, faisons-le appliquer. Respectons-le partout. C'est à cela que j'appelle le Gouvernement.

Mais bien souvent, ce qui traverse notre société, ce sont les sujets que je viens d'évoquer, légitimes, qui touchent la civilité, l'égalité entre les femmes et les hommes, le respect des lois de la République, l'ordre public, et c'est là qu'il nous faut collectivement nous réarmer, peut- être prendre des lois nouvelles, des décisions plus fortes. Mais ne confondons pas tout. Faisons- le avec la force de la République qui unit, jamais avec l'esprit de division. Il est inefficace et produit le pire. Le Gouvernement sera au rendez-vous de cette ambition en suivant ces principes.

Et puis, et ça vous touche tout particulièrement, dans les débats récents, un sujet est venu, celui des listes communautaires. Je suis, sur ce point, pragmatique et ouvert à toutes les propositions, à condition qu'elles soient efficaces et que, là aussi, elles respectent nos principes. D'abord, vous êtes, je pense, toutes et tous attachés à ce qui fait notre vie politique, qui est aussi un principe de liberté. Comment définirait-on les listes communautaires ? Qui en serait le juge ? Selon quels critères ? La vie politique est ainsi faite que les choses peuvent changer. Nous avons des règles claires, faut-il ici les bousculer parce que soudain, les esprits s'échauffent ? Je nous appelle collectivement à la prudence, pas la prudence qui mène à l'inaction, celle qui conduit à ne pas renoncer aux libertés de la République parce que le pire est parfois là, celle qui nous conduit aussi à voir toutes les conséquences de ce qu’on propose.

Et puis surtout il ne faut pas en la matière avoir quelque naïveté que ce soit. Il ne s’agit pas de proclamer l’interdiction pour régler le problème. Nous avons eu dans d’autres temps de la République ces débats. Fallait-il interdire ces listes antisémites pour réussir à chasser ces idées de la société française ? Qui peut penser d’ailleurs que de telles listes se présenteront à visage découvert, avec spontanéité et clarté ? Non. Si les choses étaient si simples nous n’aurions pas tant de difficultés. Ceux d’entre vous qui sont confrontés à ce phénomène le savent, ceux qui développent un projet communautariste, cet islam politique que j’évoquais, un projet de division de la nation en détournant une religion de ses fondements très souvent se cachent, se dissimulent. C’est là toute la difficulté. Et donc ce qui compte c’est le combat politique en actes, ce qui compte c’est l’intransigeance républicaine quand la prééminence de nos lois est remise en question, quand l’égalité entre les femmes et les hommes est combattue, remise en cause.

Ce qui compte c’est de faire tomber les masques de ceux qui combattent la devise inscrite sur les frontons des mairies qu’ils convoitent. Et ce combat, je sais que je peux compter sur vous pour le mener, sur tous les maires de France pour le mener et pour l’emporter. Et je veux vous dire une chose, vous pourrez compter sur moi mais en actes au quotidien, chaque jour pour les débusquer, les combattre, fermer les associations, fermer les écoles quand elles ne respectent pas absolument les lois de la République. C’est ainsi qu’il faut mener ce combat, je ne crois pas autrement. Et donc là aussi sur ce sujet, le Gouvernement poursuivra avec l’ensemble des forces politiques de notre pays le travail pour rassembler les meilleures idées, avancer et agir.

Mesdames et messieurs, préparant ma venue parmi vous, je relisais aussi l’histoire des Congrès des Maires de France et ce faisant l’histoire des maires de France et je me faisais cette réflexion toute simple en quelque sorte quand on reprend à la cavalcade cette odyssée commune depuis la Révolution française. A chaque fois qu’il a fallu bâtir la République, ses grands projets, construire son avenir cela s’est fait dans et à travers, par les maires : la liberté, la République et la démocratie neuves dès la Révolution française ; la construction de la République dès les lois de 71 et de 72 d’abord par les conseils départementaux puis par la loi de 1884 par le rôle qu’on donne au maire ; et la construction de notre école de la République, de nos écoles dans chaque commune, bien souvent aussi des infrastructures s’est faite par ce truchement. Et la solidité que notre République a su bâtir entre la défaite de 70 et 1914 c’est ce moment inouï où la République a su construire une espèce de pacte, d’ambition et de contrôle réciproque avec les élus locaux et ceux de la République. Permettre que rien ne soit remis en cause si le pire devait advenir à Paris avec les pouvoirs donnés dès 71 et 72 au niveau du département, en 84 aux communes, et permettre d’avancer avec des projets concrets. La solidité de notre pays elle procède de ce temps incroyable. Et à chaque moment que la République a été bousculée par des doutes, par le pire, parfois bousculée en son sommet elle a su retrouver ce socle, cette action concrète, cette stabilité des valeurs et des principes auprès de ses maires. Et il en est de même dans le moment que nous vivons.

Nous sommes dans un moment particulier de notre pays mais il suffit de regarder autour de nous pour nous apercevoir que nous sommes dans un moment historique pour toutes les démocraties occidentales et au fond pour le monde entier, un moment de doute, de crise. Regardez autour de nous, qui a un Gouvernement stable, une majorité claire ? Qui a une vie démocratique innocente, placide ? Je cherche les paradis, les exemples. Je n’en trouve pas. C’est bien parce que nous avons collectivement de nouveaux défis à relever, c’est que nous vivons la fin aussi d’une époque, de transformations profondes peut-être que nous n’avons pas toujours prendre à temps, mais aussi des défis contemporains qui agitent les peurs. Le défi technologique, le défi climatique, le défi démographique et la brutalité de ce monde contemporain. Pour réussir ces transformations comme à chaque fois que la République a été confrontée à ces grandes bourrasques, j’ai besoin de vous et c’est ensemble que nous bâtirons cette action utile. C’est aussi pour cela, fort de ce temps passé ensemble, de ces mois de débat de commune en commune, mais aussi de cette conviction chevillée au corps et inspirée par notre histoire que cet acte II comme je l’ai appelé, du mandat qui m’a été confié par les Français, j’ai voulu le bâtir autour de quelques sujets où votre rôle est déterminant. Je ne les couvrirai pas tous mais je veux ici simplement en mentionner deux.

Le premier, vous l’avez évoqué un instant, c’est celui de la transition écologique, de l’environnement. Elle se joue bien sûr sur le plan international. La France est au rendez-vous dans les négociations entre Etats, sur les baisses des émissions de gaz à effet de serre, la préservation de la biodiversité, la constitution d’un droit environnemental contraignant. Et vous savez, l’engagement de la France sur tous ces sujets. Elle se joue en Europe et vous savez combien la France porte une ambition climatique et environnementale dans notre Union européenne. Elle se joue aussi au niveau national, et là également, le Gouvernement prend ses responsabilités. Je connais peu de pays qui ont assumé la fermeture de toutes leurs centrales à charbon, la fin des exploitations des hydrocarbures, un plan pour la biodiversité. Ç’a été fait et c’est en train de s’appliquer, et ce n’est qu’un début de l’action qui est en train d’être conduite. La convention citoyenne, cher président, qui est en train de travailler au CESE en ce moment même, proposera au gouvernement, à moi-même de nouvelles actions concrètes qui scanderont notre travail collectif dans les prochains mois.

Mais en vérité, là aussi, c’est bien dans les territoires et par les communes que la transition se fait concrètement, la protection des espaces, la lutte contre la pollution, eaux usées comme déchets et donc le combat pour la biodiversité, c’est vous. Les plans pour décarboner les transports, pour rénover les logements et donc emporter la bataille de la baisse des émissions de gaz à effets de serre et du climat, c’est vous. Bien sûr, l'État doit fixer un cadre, une direction, donner des instruments. Mais ensuite, c'est aux communes qu’il importe de faire, très souvent, et c'est d'ailleurs là que les initiatives les plus innovantes, bien souvent, ont été prises.

Les maires ont un rôle clé. Ils ont aussi une connaissance du terrain de ses contraintes et parfois des tensions que ces sujets peuvent faire naître. Un maire sur cinq est agriculteur ou ancien agriculteur, ce qui donne une expérience. Et je dois le dire aussi bien souvent quelque bon sens. Cette transition, elle est complexe. Et là aussi, je vois qu'il y a des intéressés dans la salle. C'est statistiquement normalement vérifié. Cette trame des territoires, elle implique du bon sens et là aussi de savoir gérer les choses sans, je dirais, conflit inutile. Ce rôle en matière d'écologie, je commencerais par-là, ne doit pas conduire, ne doit pas vous conduire à prendre des décisions qui ne relèvent pas du pouvoir de police du maire. La toxicité d'un produit chimique, ça n'est pas la compétence du maire. Et je vais vous le dire, c'est une bonne chose pour vous.

Quand je vois des maires qui prennent des arrêtés pour interdire des pesticides dans leur commune, quel sens ça a ? Est-ce que la toxicité de ce pesticide, elle ne serait pas la même à Plougastel ou à Morlaix ? Aucun sens, aucun sens, il y a peut-être plus de fraises d'un côté ou de l'autre, c’est vrai. Et donc, c'est pour vous protéger aussi que ce pouvoir n'est pas donné, sinon, ce sera la guérilla terrible et surtout l'incompréhension généralisée. En la matière, j'en appelle à la modération, mais au-delà de cela, vous avez un rôle essentiel. Et je voulais aussi apporter quelques clarifications.

Si nous voulons aller plus loin, nous devons bâtir avec vous sur les territoires des filières d'économie circulaire luttant activement contre le gaspillage. En la matière, vous avez d'ailleurs bien souvent pris vous-même des décisions, c'est pour cela que sur ce sujet et sur un sujet particulièrement sensible, comme celui de la consigne des bouteilles plastiques, rien ne sera fait sans l'accord des maires. C'est bien dans ce sens que j'ai demandé au Gouvernement de poursuivre le dialogue au Parlement, conforté ceux qui ont pris de l'avance et investis, aider, faire parce que nous devons avoir une réponse forte et ambitieuse en la matière. Nos concitoyens l'attendent. Mais on ne doit pas pénaliser ceux qui se sont organisés parfois il y a plusieurs années et ont pris des investissements utiles et ceux qui ont trouvé la bonne organisation. Cela doit donc passer par une indispensable concertation.

Oui, je crois à une écologie de la liberté, de l'innovation. Je crois dans l'écologie des territoires et la capacité qu'on donne à ces derniers de trouver les bonnes solutions. Je crois dans ceux d'entre vous qui innovent pour préserver les espaces naturels et agricoles, planter des forêts urbaines, encourager la conversion des exploitations agricoles vers le bio et la haute valeur environnementale, qui développent des plans alimentaires territoriaux pour approvisionner les écoles et les marchés en circuit court, dans ceux d'entre vous qui développent massivement des transports en commun propres. Le bus à hydrogène, les nouvelles solutions pour remplacer la voiture, les véhicules en autopartage, les navettes y compris dans le rural, les pôles d'échanges qui pensent la ville du vélo, de la marche à pied, dans ceux qui inventent les réseaux intelligents, qui permettront d'intégrer les énergies renouvelables par essence intermittentes dans les systèmes électriques des villes, qui investissent pour la rénovation thermique des bâtiments municipaux, des logements.

Tout ce que je viens de dire est en train de se faire. Et la loi d'orientation pour les mobilités, largement concertée donne aux régions un rôle très important aux communes un rôle à leurs côtés. Et c'est donc un cadre, des instruments, une clarté de financement, mais là aussi, nous sommes en train de construire cette écologie concrète. Vous êtes en train de le faire. Ce qu'on doit apporter, c'est le cadre clair des responsabilités, ce que permet la loi d'orientation et les financements pour la compagnie. Les contrats de transition énergétique permettent dans certaines situations difficiles de le faire. La clarté qui sera donnée sur les dotations qui accompagnent la loi en sera une autre. Je souhaite que les prochains mois soient scandés par de nouveaux appels à projets pour accompagner très clairement tous ces projets que je viens d'évoquer dans le cadre et l'architecture de la loi qui a été largement concertée et qui sera de manière imminente ainsi votée. L'écologie du quotidien, l'écologie concrète, l'écologie française, c'est celle de nos territoires. Celle en action, et c'est pourquoi, là aussi, je crois très profondément, comme lorsque la République a eu à bâtir son école, votre rôle est indispensable.

Le deuxième sujet sur lequel je voulais attirer votre attention et vous dire combien au fond nous avons aujourd'hui pour mener cette action besoin de vous, c'est celui de la République sociale solidaire, de ce solidarisme contemporain auquel je crois profondément. Dans votre quotidien, vous êtes confrontés et vous avez apporté nombre de ces missions, bien souvent d'ailleurs en lien avec les départements qui en la matière joue un rôle essentiel. Cher président, vous avez à vous occuper des personnes éloignées de l'emploi avec les missions locales, celles en situation de difficultés ponctuelles ou durables, avec les CCAS, l'accompagnement des personnes âgées, les situations liées justement aux demandes d'asile et aux migrations que sur beaucoup de nos territoires nous connaissons.

Tous ces sujets sont majeurs, je n'y reviendrai pas. Vous êtes aussi au cœur d'une ambition économique indispensable. Mais il y a deux politiques, deux actions sociales indispensables à notre République. Et la construction de cette République solidaire du XXIème siècle où votre rôle est décisif, c'est l'école et la santé. Deux sujets qui à mes yeux caractérisent l'État providence du XXIème siècle que nous sommes en train collectivement de bâtir, auquel je crois profondément, qui est celui où l'on investit sur les personnes. Pas celui où on administre les choses, non. Mais où on décide d'investir sur nos concitoyens pour les aider à choisir leur vie, à la bâtir là où ils sont. Et là votre rôle, comme il l'a toujours été, est éminent : l'éducation. Vous le savez, l'ambition qui est la nôtre, merci président de l'avoir rappelé, elle est partagée, elle m'a conduit d'ailleurs parfois là aussi à corriger des choses qui étaient faites. Je le disais tellement partagé que je me suis engagé à ce qu'aucune école ne soit fermée sans l'accord du maire. Et depuis que j'ai pris cet engagement, c'est ce qui a été fait par le ministre de l'Éducation nationale, une grande vigilance qu'il a encore rappelée. Priorité donnée à l'école primaire parce que c'est là que se nouent les inégalités, réforme du lycée, réforme de l'orientation : jamais on n'a vu en si peu de temps, sauf à revenir à ces temps inauguraux de la République que je rappelais tout à l'heure, des investissements et de tels changements. Je sais aussi les inquiétudes. Comment financer les ATSEM supplémentaires face à l'augmentation des effectifs induite par l'école obligatoire dès 3 ans ? Comment prendre en charge les dépenses immobilières liées au dédoublement des classes de CP, CE1, CE2, le sujet des grandes sections maternelles ? Je veux ici rassurer, je sais les discussions en cours et vous aurez l'occasion d'y revenir avec le ministre. L'Etat a accompagné à hauteur d'un peu plus d'une dizaine de millions d'euros, et c'est vrai, pas la totalité de ce qui a été investi, et je remercie toutes les communes qui ont beaucoup fait sur le sujet, et nous continuerons d'accompagner. Et là aussi, ce dialogue continuera de se faire parce que nous avons besoin de cette ambition collective, parce que nos enfants, pour pouvoir bâtir leur vie, ont besoin d'une école ainsi construite avec moins d'élèves par classe et avec les réformes qui ont ainsi été décidées, parce que, aussi, nous avons besoin, pour réattirer des familles dans certains endroits, dans certains quartiers ou dans une part de notre ruralité, de leur offrir des écoles de qualité. C'est ça, l'objet de ces réformes.

Nous travaillons également ensemble à installer, dans tous les territoires de France, des CFA, de nouvelles antennes du CNAM, des unités d'enseignement supérieur, comme ces campus connectés dont l'objectif est de permettre à des étudiants habitant dans des territoires éloignés des grandes villes de bénéficier d'une offre complète de formation. Ce que nous allons déployer dans les prochains mois, ce que j'ai demandé au Gouvernement de faire, c'est, à rebours de ce que vous avez bien souvent vu, d'ouvrir dans des villes moyennes qui n'ont pas aujourd'hui d'université ou pas de formation supérieure, des antennes d'universités, certaines formations professionnelles ou académiques et parfois les deux. Pour permettre de se former au plus près de chez soi et répondre ce faisant aussi à des problèmes bien souvent de mobilité, de coût du logement dans les métropoles, de rareté du foncier que nous avons à vivre par ailleurs. C'est, là aussi, ce projet d'aménagement du territoire que j'évoquais tout à l'heure, qui est un pragmatisme que nous déclinons pour l'ambition scolaire. L'école de la République, celle de Jules FERRY, qui est enracinée dans chaque terre de France, s'est historiquement construite dans ce « main dans la main » entre le Gouvernement et les maires, et c'est ce fil qu'il nous faut tisser encore et encore.

Et puis le second pilier de cette République sociale, c'est la santé. Là aussi, vous n'avez pas attendu le gouvernement. Sur ce sujet, je dois bien le dire, j'avais envoyé au moment du Grand Débat des questions, mais celle qui est le plus remontée, et de très loin, spontanément à chaque fois, c'est la santé, disant d'ailleurs l'urgence de notre organisation collective et des errements de plusieurs décennies : déserts médicaux d'un côté, surpopulation dans les urgences de l'autre, centres hospitaliers professionnels qui n'arrivent plus à faire face à la demande sur certains territoires, disparition dans d'autres. C'est le fruit, là aussi, de dogmes qui ont longtemps vécu, on dépensera moins s'il y a moins de médecins. Bizarrement, les gens n'ont pas été moins malades. Et donc nous voilà avec un système de santé sur lequel il faut tout à la fois réinvestir mais qu'il faut aussi réorganiser. Je veux saluer ici l'engagement que, depuis plusieurs années, vous avez pris avec beaucoup de conviction pour développer des réseaux, porter des projets, ouvrir des structures. L'engagement que j'avais pris devant vous, c'est d'accompagner cela pour doubler les maisons de santé. C'est ce qui sera fait, et nous sommes sur cet objectif. L'engagement, c'est aussi, pour répondre à vos besoins, une réforme plus en profondeur qui a été annoncée il y a un an dans le cadre du plan Ma santé 2022, et qui, là, vous touche directement, la suppression du numerus clausus, mais ça touchera nos successeurs, parce qu'on met 10 ans au moins à former un médecin, mais collectivement, nous devons agir pour l'avenir, le recrutement de 600 médecins salariés que nous commençons à déployer dans les territoires les plus carencés dès à présent, le développement de la télémédecine, le renforcement du rôle des infirmiers, l'ouverture de 1 000 maisons de santé, comme je le disais, et l'encouragement, à vos côtés, de ces maisons de santé pluridisciplinaires en finançant ces assistants médicaux pour encourager les professionnels à venir et faire que les projets immobiliers que vous avez souvent portés soient accompagnés par des projets médicaux et que ces derniers soient aidés, aidés en leur payant cette assistante médicale ou cet assistant médical qui viendra les décharger d'actes médicaux et leur permettre de mieux travailler sur vos territoires. Là aussi, rien ne se fera sans vous. Il y a des formidables succès.

J'étais il y a quelques jours, je le disais, dans la Marne : deux maisons de santé en 2009, 14 aujourd'hui et 3 de plus qui sont en projet. J'ai vu des projets formidables en Gironde, où municipalités, ARS et centres hospitaliers agissent ensemble pour créer un centre hospitalo- communal ; à Pontarlier, dans le Doubs, cher président, non loin de chez vous, des acteurs locaux qui savent s'organiser pour mettre en place un cabinet éphémère, le temps justement que de nouveaux médecins s'installent plus rapidement ; en Saône-et-Loire, par la volonté d'un conseil départemental, tout un réseau de santé de proximité se met en place et des médecins revenir exercer dans les villes désertées. C'est ça, ce que nous accompagnons concrètement et que nous allons déployer plus fortement encore. Et donc le gouvernement, là aussi, sera au rendez-vous pour mettre les moyens et pour en rajouter. Je ne veux pas ici déflorer les annonces que le Premier ministre, la ministre des Solidarités et de la Santé feront demain en la matière, mais il est clair que l'urgence impose d'investir plus fortement encore et de construire une plus grande attractivité de nos hôpitaux, qu'ils soient d'ailleurs centres universitaires ou parfois plus en proximité, pour réussir à mener ce combat. Je voulais ici vous dire l'engagement du Gouvernement mais le rôle aussi essentiel que vous jouez. Mesdames et Messieurs, chers amis, j'ai conscience, une fois que j'ai dit tout cela, de la difficulté des temps, et vous l'avez rappelé.

Je veux conclure mon propos en vous disant aussi un mot de vous. J'ai à mon tour, en cet instant, une pensée pour Jean-Mathieu MICHEL, le maire de Signes, qui a consacré sa vie à sa commune, vous le disiez, tout à l'heure, en rappelant son engagement de 1983 pour finalement mourir dans l'exercice de ses fonctions, dans le courage de sa fonction, celle justement de faire respecter la vie en commun, de rappeler à l'ordre ceux qui, dans sa commune, venaient enfreindre la règle. Les signoises et les signois n'oublieront jamais ce grand humaniste qui les connaissait tous personnellement, et je veux avoir une pensée pour eux, pour le personnel de la commune et pour sa famille, dont la dignité fut exemplaire en cet instant. Cette tragédie, ainsi que les dizaines d'agressions dont les maires et les élus locaux, ces derniers mois, beaucoup trop d'élus de la République ont été victimes, rappelle la République et chacun de ses citoyens à ses devoirs. La République, je le redis ici, vous doit protection. La République ne peut en effet vous demander tant sans assurer votre sécurité, et en particulier celles et ceux d'entre vous qui craignent pour leur intégrité physique. Elle ne peut vous demander tant non plus sans vous donner les moyens de l'action. Et là aussi, c'est l'objet de ce texte de loi proposé par les ministres, défendu en ce moment même à l'Assemblée nationale, qui est le fruit du Grand Débat, qui est le fruit des propositions concrètes des maires de France, de leur pragmatisme, des indignations que j'ai récoltées, des interpellations que j'ai reçues, d'abord en reconnaissant et en soutenant davantage votre engagement. L'engagement, c'est la sève d'une nation, ce qui la fait, ce qui la tient, ce qui la grandit, l'engagement associatif, syndical, politique, et bien entendu l'engagement des maires. Ça fait des décennies qu'on parle du statut de l'élu, des décennies. Il y a des débats, et je veux reconnaître au Gouvernement de porter enfin une réforme tant et tant attendue. Le projet de loi Engagement et proximité, discuté encore ces dernières heures à l'Assemblée nationale, s'inspire de toutes ces idées, et donc oui, ce texte vous permettra de bénéficier d'une protection juridique dans le cadre de l'exercice de vos fonctions, et nous l'assumons. Oui, vous bénéficierez désormais d'un droit à la formation, et nous l'assumons. Oui, les élus locaux pourront mieux concilier leur vie personnelle et leur vie familiale avec, par exemple, le remboursement des frais de garde, et nous l'assumons. Oui, les maires ruraux qui dans les campagnes de France sont bien souvent tout à la fois : policiers, médecins, urbanistes, jardiniers, assistant social seront rétribués aussi à leur juste niveau d'engagement et nous l'assumons entre autres choses.

Je veux le dire ici parce que c'est une première. Mais votre moteur – je le sais, je le sais parce que je suis fait comme vous, je l’ai démontré – c'est de faire, de transformer, d'agir. C'est pourquoi le projet de loi renforce aussi vos marges d'action. Je ne reviens pas sur les marges d'action financière. On a commencé à l'aborder. Vous y reviendrez avec le gouvernement. Non, je veux évoquer les moyens d'action juridique que vous revendiquez légitimement. Il y a d'abord tout ce qui bride. Les normes qui vous enserrent, l'intercommunalité qui parfois vous freine. Vous avez un mot d'ordre : la souplesse. J'ai le même. Et pour moi aussi, rassurez-vous, ça va trop lentement. Et lorsque je suis allé, il y a quelques jours dans la Marne, j'ai réuni d'ailleurs les préfets et chefs de services de l'Etat déconcentré pour faire la revue de chantiers en la matière. Mais ça avance. Les normes, nous en réduisons d'abord le flux. On regarde trop peu souvent. 40 projets de décrets pris par les ministères en deux ans et demie. C'était 100 par an avant. 100 par an. Le stock. Les fameuses circulaires. Vous le savez, ces lois qui ne sont pas discutées au Parlement et ces décrets qui ne sont pas pris par les ministres mais tout ce qui fait la vie de l'administration et qui à la fin vous est parfois opposé. Ces circulaires – 65 % des circulaires existantes abrogées – je peux vous dire que ce travail de Pénélope, il a fallu le porter et il touche votre quotidien. Je n'ai pas entendu de protestation. Cela veut dire qu'elle ne servait pas forcément à grand-chose. Ce travail, il faut le poursuivre. Et là aussi, j'en appelle aux bonnes idées. Mais ne sous estimez pas une chose : simplifier, c'est complexe parce que supprimer un texte, une circulaire, c'est s'assurer qu'il ne servait à rien. Donc il faut tester les gens, il faut le vérifier. Vous le savez bien. Et donc, j'ai besoin de vous pour que ce travail se poursuive.

Un nouveau service, le rescrit normatif sera créé dans les préfectures et sera valable dès le début du mandat prochain et permettra de sécuriser tous les projets sur le plan juridique. De la même manière, déconcentrer la décision, c'est simplifier pour vous. On est plusieurs dans cette salle à être attachés à cela, je le sais. Plus de 1 000 procédures administratives ont été déconcentrées au plus près du terrain. Ça veut dire quoi ? Que sur ces 1 000 décisions, 1 000 types de décisions. Là où bien souvent, le préfet, le directeur d'administration locale vous disait : je ne peux pas vous donner la réponse, je dois demander à Paris, la décision peut se prendre sur le terrain de manière concrète. C'est plus de responsabilité, plus de rapidité, plus aussi de simplicité et de souplesse.

L'intercommunalité, nous l'assouplissons, répartition des compétences entre les communes, périmètres des EPCI, conseil des maires. Tout est mis en place pour tout à la fois mieux s'organiser et respecter les libertés locales. Et là aussi, les avancées qui émanent de ce débat, porté et acté encore ces dernières heures. Nous l’évoquions ensemble un instant, Président, le premier ministre et les ministres permettront utilement d'avancer et ce jusqu'au bout du chemin de ce texte de loi pour que les maires puissent choisir. Pour que les maires élus au suffrage universel ne puissent jamais être en quelque sorte simplement les récipiendaires d'instructions d'une autre collectivité.

Vous souhaitez aller plus loin encore dans la souplesse d'organisation. J'y suis prêt. De manière là aussi très concrète. Alors, vous m'avez interpellé sur ce point, monsieur le Président, et je veux y revenir d'abord pour dire qu’en la matière, là aussi, le texte de loi. C'est sur ce sujet, les seules décisions qui ont été prises par ce Gouvernement et cette majorité. J'entends vos protestations à juste titre. Mais il ne faut pas opposer au Gouvernement ou à vos parlementaires des décisions de jadis. Il faut quand même être clair sur ce point. Ou alors, citez-moi les discours où j'aurais porté de l'intercommunalité forcée. Citez-moi les discours où j'ai nié la force démocratique du maire. Citez-moi les discours et les actes qui ont fait le contraire. Chers amis, il vous est arrivé d'avoir des prédécesseurs, il faut les respecter. Vous n'êtes pas obligé de tout prendre. J'en prends déjà assez. Je considère qu’en ce moment, collectivement, nous prenons notre part, y compris des conséquences parfois dont les causes ne nous appartiennent pas totalement. Donc, continuons d'avancer collectivement. Et je veux insister pour vous dire que le Gouvernement est là, le Parlement est là et les réponses seront apportées comme vous l'avez voulu.

Alors maintenant, comment aller plus loin ? Continuer à déconcentrer. J'y crois très profondément. Le Premier ministre a annoncé des décisions fortes, plus de 6 000 fonctionnaires qui seront ramenés sur les territoires. Il faut poursuivre ce mouvement. Et il faut le poursuivre en particulier de l'échelon régional à l'échelon local. C'est indispensable. Les grandes régions ont permis parfois de regrouper des services mais elles ont permis sur certains sujets, où elles ont plutôt conduit sur certains sujets, à recréer de la concentration régionale et à éloigner la décision du terrain. Ce n'est pas une bonne chose, et donc je souhaite que collectivement, le Gouvernement et le Parlement puissent avancer sur ce sujet de manière très concrète. On l'a évoqué avec plusieurs d'entre vous en matière de logement, sur beaucoup d'autres sujets et des décisions qui étaient parfois prises au niveau du département, soit au niveau de la région. Ce n'est pas bon. Et je dirais plus : le numérique dont on parle tant, auquel nous tenons, qui nous permet de recréer de l'industrie, de développer des emplois sur notre territoire doit nous permettre aussi d'être inventif en matière d'organisation de l'État. Pourquoi, parce qu'il y a le numérique, on devrait demander à tous nos agents, à tous nos fonctionnaires, d'aller dans la capitale régionale ou à Paris, pour faire des travaux d'intérêt général et expliquer à nos concitoyens « Vous voulez joindre vos fonctionnaires ? Internet ou le téléphone ? » Au contraire, on peut laisser ou remettre des fonctionnaires et des agents sur le terrain et grâce au numérique, leur permettre de faire des tâches communes pour le compte de la région ou même plus largement. Je crois que c'est beaucoup plus porteur d'avenir. Qui plus est, bien souvent dans des territoires où le déplacement est moins compliqué, le logement moins cher, les conditions de vie plus agréable. Et donc, il nous faut là aussi reconstruire ces équilibres nouveaux, réinventer les choses, changer des habitudes qui avaient été acquises.

C'est ce qui a commencé à être fait et qui continuera de l'être avec force. Et en la matière, le projet France Service est d'ailleurs un levier. Et croyez en mon exigence sur le sujet, ce ne sera pas un paravent. Ce sera bien une ambition nouvelle de la présence, des compétences sur les territoires et de l'innovation aussi pour tous nos services, comme d'ailleurs pour tous les grands partenaires de l'Etat. Je pense à la Poste qui peut permettre, non pas dans France Service, mais en allant au plus près de nos concitoyens comme elle commence à le faire en matière de santé, pour apporter du service jusqu'à nos concitoyens, pour lui inventer une nouvelle mission d'intérêt général dont, dans nos campagnes, les plus isolées ont besoin, dont, dans aussi certains quartiers de la République, certains ont besoin.
 

Différenciation, c'est le deuxième levier après la déconcentration. Nous avons commencé à le faire, beaucoup ont joué le jeu, ces fameux contrats permettent de mieux répondre. Il y a les contrats dits de cœur que les plus grosses collectivités ont souvent signés et qui produisent leurs effets, il y a aussi les contrats de différenciation, d'actions. De la Creuse, cher Président, jusqu'aux Ardennes, en passant par la Bretagne, à tous les niveaux, des contrats ont été signés par le Gouvernement qui ont permis de bâtir des actions concrètes de projets sur le terrain. De différencier, c'est une manière aussi d'avancer efficace, beaucoup plus forte. Et je souhaite que nous puissions franchir un pas supplémentaire. Je sais que nous sommes beaucoup dans cette salle à le vouloir par la réforme constitutionnelle qui permettra d'instaurer un droit à la différenciation. Et là, je sais compter sur chacun pour que nous puissions aller au bout de cette idée. Et puis la troisième, après la déconcentration, la différenciation, c'est la décentralisation.

Vous l'avez évoqué et je souhaite que sur ce sujet nous puissions avancer. Mais je vais vous dire quelque conviction en la matière. Il y a eu plusieurs vagues de décentralisation, et nous essayons collectivement d'en faire le bilan. Elles ont dans beaucoup de cas, réussi à mener une action plus concrète, en effet, plus proche des territoires. Mais le bilan que j'en tire pour l'Etat, trop souvent, l'Etat a essayé de garder une partie de la compétence et n'a pas fait toutes les économies. Et parfois d'ailleurs, nous avons collectivement perdu de la compétence, prenons les routes : est-ce qu'on est aussi bon sur ce sujet qu'il y a 40 ans ? Je ne suis pas sûr. Les ponts, on en parle en ce moment, est-ce qu'on est aussi bon ? Pas sûr. Donc il faut que la décentralisation s'accompagne de choix clairs du côté de l'Etat, il doit lâcher toutes les compétences quand il les décentralise, mais il ne faut pas que ça conduise à de la perte collective de connaissances et que d'un seul coup, on se réveille et qu'on se dise : là, on n'est plus aussi bons qu'avant.


Ensuite, on a parfois décentralisé des compétences sans donner les moyens comme le RSA et les départements. Est-ce que c'est de la bonne décentralisation ? Non, on l'a plusieurs fois évoqué. Ça fait maintenant des années, quasiment depuis le premier jour, que des débats sans fin se nouent pour savoir si la compensation est la bonne. Et qui plus est, on a décentralisé une compétence sur laquelle la collectivité en charge n'avait quasiment pas de moyens d'action. Est- ce que c'est de la bonne décentralisation ? Moi, je veux bien décentraliser des compétences, mais si la collectivité ne peut rien faire est un payeur aveugle, ce n’est pas cohérent. J'en ai tiré une conviction simple qui, peut-être, peut rendre les choses plus compliquées qu'elles ne le semblent au premier abord : quand on décentralise une compétence, il faut décentraliser les moyens clairement, et la dynamique des moyens clairement. Est-ce qu'il y a, sur chacune de ces compétences, une dynamique et une fiscalité claire ? Non. Vous me parlez du foncier pour les départements. Mais si le foncier avait la même dynamique que le RSA, ça se serait vu depuis longtemps. Nous devons prévoir des péréquations en permanence. Si les départements qui touchent le plus de foncier et de droits de mutation à titre onéreux étaient les départements qui avaient le plus de bénéficiaires de RSA à accompagner, la France serait plus heureuse. Rien à voir. Il y a une ressource fiscale, elle n'a rien à voir avec la dépense. Est-ce que c'est de la bonne décentralisation ? Vous conviendrez avec moi que non. On fait de la bricole en permanence, on fait de la péréquation tous les ans, vous le savez bien. Donc cette émotion me touche, mais elle n'est pas féconde. Si on veut avancer, il faut regarder en effet quelle fiscalité ou parts de fiscalité on donne aux collectivités en décentralisant.

Nous, nous avons un fétichisme français : l'autonomie fiscale. Je regarde les grands pays décentralisés autour de nous, ils sont beaucoup plus décentralisés que nous, ils n'ont pas d'autonomie fiscale. Ils ont une chambre qui, chaque année, en effet, discute des ressources fiscales qui sont affectées aux collectivités, chaque niveau avec des règles claires. Peut-être qu'il faut en arriver à cela, et moi, j'y suis favorable parce que, je vais vous dire, l'autonomie fiscale a deux problèmes. La première : il n'y a jamais une fiscalité qui correspond à la bonne compétence, donc il y aura toujours des péréquations et de l'illisibilité, c'est vrai. Les seuls qui peuvent avoir une fiscalité propre, ce sont les communes, qui ont une clause de compétence générale. C'est pour ça que j'assume le foncier. Et ne me dites pas : « il y a des gens qui sont exonérés qui ne payent pas. » Dans la commune de Troyes, il doit y avoir 70 % des gens qui ne payent pas la taxe d'habitation, on en parlait l'autre jour. Ce n'est pas pour autant qu'ils n'avaient plus de lien avec la vie dans la commune. Donc il n'y aura jamais la bonne fiscalité, en tout cas pour les départements et les régions.

Par contre, il faut qu'il y ait une dynamique fiscale qui corresponde à la dynamique des compétences, qu'il y ait une visibilité qui soit donnée, et c'est vrai que nous ne sommes pas bons sur ce sujet. Donc est-ce qu'on peut peut-être évoluer dans notre capacité collective à la fois à moderniser nos impôts, à clarifier les responsabilités fiscales et de compétences ? Je l'espère, parce que vous savez, sinon, on vit dans une société où, selon les niveaux, on augmente les impôts d'un côté, on les baisse de l'autre. C'est illisible pour nos concitoyens. Qu'est-ce qui s'est fait ces dernières années ? Je parle du mandat précédent. Vous l'avez dit, les dotations ont été baissées massivement, mais c'est de la fiscalité locale qui a souvent été augmentée massivement, souvent au niveau intercommunal, avec souvent d'ailleurs des gens qui ne savaient plus qui faisait quoi. Est-ce que c'est démocratiquement souhaitable ? Je vous livre ma conviction : non.

Donc oui à la décentralisation, mais oui à la décentralisation où les compétences sont accompagnées d'une décentralisation claire des financements qui vont avec, avec la bonne dynamique et la visibilité. Si on trouve des morceaux d'impôts nationaux qui ont cette dynamique, allons-y. Si on pense que c'est en regardant nos voisins qu'il faut le faire, j'y suis favorable, et dans ces cas-là, c'est un changement constitutionnel vers lequel il faut peut-être aller. Je le dis devant le Président du Sénat, j'y suis ouvert, plus que ça, à titre personnel, favorable. Et de l'autre côté, en décentralisant les compétences, il faut décentraliser les responsabilités. Et là aussi, on ne peut pas dire : je prends les compétences mais quand il y a un problème... Vous le savez, vous, quand il y a un problème on vient vous voir. Bon, quand ce n'est pas vous, c'est moi, si je puis dire, quand même bien souvent. C'est trop souvent le cas. On dit : j'ai les compétences. Les départements font un travail extraordinaire sur l'aide sociale à l'enfance. Quand il y a un gros coup de grisou, on dit que c'est l'Etat, comme si on avait oublié qu'on avait décentralisé les compétences. Je veux bien. On a décentralisé imparfaitement certaines compétences de mobilité ou de développement économique, dès qu'il y a un problème, on dit : c'est l'Etat. Quand une entreprise ferme, je n’ai jamais vu une région dire : « c'est ma responsabilité, je vais le faire. » On dit : « l'Etat ne nous aide pas assez. » On me parle de l'emploi. Si ça va avec la responsabilité, c'est simple, ça veut dire que maintenant, dans les élections régionales, quand les gens votent pour la région, ils disent : « je vote pour la politique d'emploi. » Et quand le Président, les parlementaires iront aux élections, ils diront : « attention mes chers amis, l'emploi, ce n'est pas chez moi, c'est la région. Moi, je n'y peux rien, à l'emploi. » On n'est pas ce pays-là. Je vais vous rassurer, l'Allemagne, grand pays fédéral, n'a pas décentralisé l'emploi.

Le problème qu'on a, c'est qu'on a décentralisé des compétences sans décentraliser les responsabilités, et je le dis aussi pour protéger les collectivités ici présentes. Personne en France ne veut avoir un RSA par département, personne. Ça n'est pas comme ça que la nation s'est bâtie. On ne va pas dire : « les politiques sociales, il faut complètement les décentraliser au niveau du département. » Donc les gens veulent prendre des compétences et pas les responsabilités. On ne peut pas avancer comme ça. Donc oui à un grand débat, une grande avancée sur la décentralisation, mais à condition de dire que la compétence va avec la responsabilité démocratique, et claire, et avec des financements clairs, qui ont la même dynamique, et là, nous serons heureux.

Sur cette base, j'y suis ouvert sur tous les sujets. On parlait de logement, j'y suis très ouvert. Vous parliez de culture, il y en a déjà beaucoup. On peut faire, là aussi. Plus de sport, j'y suis favorable suivant ces règles qui sont celles de la clarté et de la responsabilité partagée. Vous l'aurez compris, Mesdames, Messieurs, chers amis, je n'ai d'autre obsession que d'agir, de transformer, de faire avec vous, car à la fin, il n'y a que ça qui compte et c'est cela que nous laisserons : une action.

Alors je sais, les mois à venir auront un tour un peu particulier, avec les élections municipales qui se profilent. Certains d'entre vous se représenteront, et je sais que vous serez nombreux, avec aussi de nouveaux engagés actifs ou retraités, jeunes ou moins jeunes, femmes ou hommes, qui feront le choix de donner un peu de leur vie aux autres. Certains d'entre vous se revendiqueront d'étiquettes partisanes, d'autres non. Je crois, sur ce sujet, qu'il faut laisser une totale liberté, n'enfermer les maires dans aucun clivage.

Les élections locales ne sont pas là pour être utilisées à des fins partisanes. Vous avez besoin de rassembler et d'agir. Ce qui compte, c'est l'engagement. Ce qui compte, c'est que la République demeure vive. Ce qui compte, c'est que les maires de France unissent encore et encore la société, façonnent encore et encore le pays, continuent à forger ce que nous sommes, ce peuple enraciné, ces paysages, ces différences, et répondent à ces ambitions contemporaines, car oui, comme je l'ai dit, notre pays traverse, et je conclurai sur ce point, une période peut-être unique quand on se retournera sur elle, où ces fractures que j'évoquais sont là, où en même temps les opportunités sont à portée de main, où quelque chose se réinvente tout à la fois de nos vies, de nos territoires, de notre continent comme du reste du monde. Et je crois, dans ce moment, une fois encore, que votre rôle est en effet essentiel.

Alors oui, vous l'avez dit, Président, il y a un an, lorsque le pays s'embrasait, j'ai fait appel à vous, ou plus exactement je vous ai regardés et vous m'avez inspiré. J'ai regardé les premiers maires, les premiers d'entre vous qui ont, parce qu'il y avait certains de nos concitoyens qui étaient dans les rues ou les ronds-points, parce que la violence était là, qui ont ouvert leurs mairies, qui ont proposé. Certains sont venus me voir avec des propositions concrètes. Et de Poissy à Gargilesse-Dampierre en passant par toutes les communes de France, vous avez pris des risques, vous avez proposé et innové.

J'ai, en ce moment, une pensée et un remerciement particulier pour Vanik BERBERIAN qui, avec ces maires, est venu me présenter ses premiers cahiers qu'il avait ouverts en mairie. Il a aujourd'hui des combats plus intimes, mais il a eu beaucoup de courage, beaucoup de courage.

Mais j'ai une pensée pour vous toutes et tous qui vous êtes engagés, en vous confrontant de salles polyvalentes en mairies, de préaux d'école en salles de classe, parfois à la colère pour lui redonner un cadre. Vous avez écouté, vous avez souvent expliqué, vous avez aussi relayé. Je vous ai retrouvé à chaque fois avec des propositions, des voix portées et une ambition.

En concluant mon propos, je voulais vous remercier d'avoir fait vivre cette République si vivante, si diverse, mais debout, forte d'avoir donné un cadre aux colères et aux indignations et d'avoir montré, une fois encore, que notre République est forte. Notre République continuera, dans les mois qui viennent, à affronter ces peurs, mais je sais ce que nous avons vécu ensemble et ce que nous avons fait ensemble, et cela me rend formidablement optimiste. La République, ce n'est pas une nostalgie. La République, ce n'est pas non plus un immobilisme. La République, c'est une volonté. C'est un projet unique de liberté, d'égalité, de fraternité. Ce sont des droits, on les rappelle chaque jour, on se combat pour les étendre, mais aussi des devoirs, devoirs pour les responsables que nous sommes partout, devoirs pour nos concitoyens, et il faut leur rappeler toujours. S'il n'y a plus de devoirs, il n'y a pas de droit qui tienne. Devoir de respecter l'autre, devoir de respecter la quiétude et l'ordre public, parce que c'est la garantie de la liberté, de conscience, d'expression comme de manifestation, devoir de civilité car la démocratie interdit la haine, précisément parce qu'elle est libre, devoir d'aimer cette collectivité qui nous unit et qui, précisément, est celle qui prodigue des droits et sans laquelle rien ne tient. Et de la commune à la nation, tel est notre rôle : rappeler les droits et les devoirs à chacun, ne jamais oublier cet « en même temps » républicain auquel je crois profondément.

Oui, la République, c'est cette soif d'agir, ce sont ces mille fils tendus, cette amitié profonde que nous devons rappeler à nos concitoyens. C'est cela ce que, durant tous ces mois, vous avez montré. C'est cela, je vous parle très franchement, que nous aurons encore à faire jusqu'aux élections prochaines et au-delà, car nous ne réglerons pas en un jour ce défi et continuerons d'être devant, nous, et nous aurons à le porter, mais c'est ce qui nous unit, quelles que soient les sensibilités, les diversités. Alors je suis formidablement optimiste, en vous retrouvant ce soir et en vous sachant au travail dans les prochains jours avec le Gouvernement. Je vous ai vu à l'œuvre, je vous ai vu faire et avancer, et je sais qu'avec vous, la République, c'est une volonté de chaque jour. Nous l'avons et nous l'aurons.

Alors vive les maires de France, vive la République et vive la France.
Discours du Président Emmanuel Macron au Congrès des Maires et des Présidents d'intercommunalités de France

19 novembre 2019 - Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Président du Sénat, mesdames messieurs les ministres, monsieur le Président du Conseil économique, social et environnemental, mesdames et messieurs les Parlementaires, monsieur le Président de l’Association des Maires de France, cher François BAROIN, mesdames et messieurs les membres du Bureau et du Comité directeur, madame la Maire de Paris, chère Anne HIDALGO, mesdames et messieurs les Présidents d’association d’élus locaux, mesdames et messieurs les Maires et Présidents d’intercommunalité, mesdames et messieurs les élus, mesdames et messieurs, chers amis,

Merci d’abord de m’avoir permis de partager à l’instant à vos côtés l’hommage rendu au Président CHIRAC, hommage affectueux et émouvant. Et merci de m’accueillir en cette deuxième journée, après avoir passé ces heures hier, en particulier aux côtés de tous nos amis et collègues ultramarins que je reconnais dans cette salle et qui font face à beaucoup des défis qui sont ceux de tout le territoire français avec en plus bien souvent des défis bien particuliers auxquels à chaque fois nous tentons de répondre. Merci madame le Maire de Paris, chère Anne. Merci monsieur le Président, cher François BAROIN, monsieur le Vice-président, cher André LAIGNEL, pour votre accueil, vos propos, vos interpellations. Et merci à vous tous, mesdames et messieurs les Maires, d’être là.

Nous nous retrouvons, mais en fait je ne crois pas que nous ne nous soyons vraiment quittés. A chaque fois que je me déplace dans l’hexagone comme en outre-mer dans les circonstances tragiques d’une catastrophe naturelle, d’un attentat comme dans les jours plus heureux pour inaugurer tel projet qui se lance, telle réalisation qui aboutit c’est votre visage à chaque fois que je vois parmi les premiers, votre connaissance du terrain qui me nourrit, votre sens précisément du terrain qui m’apprend. Et puis vous l’avez rappelé, il y a eu le Grand Débat. Ces dialogues que nous avons noués dans toutes les régions de France à Grand Bourgtheroulde, à Souillac, à Valence, Evry-Courcouronnes, Autun, Gargilesse-Dampierre, Bordeaux, Gréoux-les-Bains, Angers, Saint-Brieuc, Cozzano, à l’Elysée et dans bien d’autres lieux. Ce fut ça pendant des mois dans toutes les régions de France et j’ai tant appris de nos échanges. Tant appris, et, je dois dire, des aspirations de nos compatriotes, de leurs craintes aussi face aux bouleversements contemporains qu’ils veulent dans leur quotidien et que vous partagez avec eux. Tant appris de votre sens du dialogue, de l’unité, de la proximité. Tant appris, oui, j’ose le dire, de vous, de ces débats que nous avons eus ensemble, que nous avons eus encore il y a quelques jours à Epernay avec le Maire et son Conseil municipal. Et je dois bien le dire, si mon parcours avant de devenir Président de la République diffère quelque peu de celui de Jacques CHIRAC à qui nous venons de rendre hommage et qui avait forgé sa vision de la France dans ses fonctions locales en Corrèze et à Paris ou du président MITTERRAND qui l’avait forgée et il le rappelait là aussi durant ses décennies à Château-Chinon, ces heures passées à vos côtés ont agi et agissent pour moi comme un concentré d’expériences. Je ne suis certes pas Maire d’une commune de France mais je me sens chaque jour un peu plus à votre contact Maire de la commune France, c’est-à-dire à la fois gardien de l’essentiel, l’unité de la nation, et du quotidien concret, des vies, de la dimension humaine qui à la fin doit guider toute action publique.

Alors, cher François BAROIN, cher André LAIGNEL, vous avez évoqué quelques sujets lourds : finances locales, répartition des compétences, décentralisation. Tous ont une importance capitale. Sur ce dernier, je reviendrai dans quelques instants. Sur les autres, je pourrais utiliser justement le même propos que François MITTERRAND avait eu dans son discours de 1994 : « si j'avais voulu répondre à ces sujets point à point, j'aurais fait ministre ou Premier ministre, c'est d'ailleurs pour ça que je vous les envoie durant tous ces jours. » Mais comme vous, parce que les temps ont aussi changé, les exigences ne sont pas les mêmes et vous me diriez : qu'est- ce que c'est que ce Président qui ne répond pas à notre quotidien alors que nous, nous devons répondre au quotidien de nos concitoyens ? Je vais quand même rentrer un peu dans le concret.

Sur la taxe d'habitation, j'ai déjà plaidé à plusieurs reprises. D'abord, permettez-moi de le dire, sur la taxe d'habitation, comme sur les dotations, j'ai fait ce que je vous avais dit. Je suis venu à votre invitation durant la campagne présidentielle, je vous ai tenu ce discours, exactement, et j'ai demandé au Gouvernement de le mettre en œuvre. Je crois que vous êtes attachés à la même forme de transparence. Il est bon que ce soit ainsi. Après, sur la taxe d'habitation, si durant votre campagne, beaucoup de vos électeurs vous reprochent la baisse, faites-le moi savoir, et qu'ils viennent se plaindre. Et parfois, peut-être, vous aurez le droit d'empocher les félicitations qu'ils vous livrent à vous, et pas au gouvernement, parce que c'est ce qui va vous arriver. Je me permettrais de dire que, contrairement à beaucoup d'autres réformes, celle-ci ne s'est pas soldée par la suppression de la taxe d'habitation pour la remplacer par un autre impôt local, ce qui fut toujours le cas jusqu'alors, non, mais bien par la suppression d'un impôt compensé par l'Etat, qui descend en effet du département au bloc communal un impôt mais qui le compense par une part de transfert d'un impôt national. Et ça, ça n'avait jamais existé parce que ça veut dire que le payeur final de cette mesure, c'est bien l'Etat et ses économies. C'est une réalité.

Quant aux compensations, les ministres, le Premier ministre y reviendra. Je vous ai entendus, j'ai déjà plaidé il y a deux ans, ici même, la chose. Je l'ai expliqué plusieurs fois durant le grand débat. Si le système des dotations doit être rendu plus intelligent, je suis preneur de toutes les propositions. Il se trouve que le système d'aujourd'hui est voté par le Parlement sur la base des propositions du comité des finances locales. J'ai compris que beaucoup y siégeaient.

Simplement, le Parlement vote sur proposition du Gouvernement, conformément à mes engagements, une stabilité. C'est une bonne chose, mais la stabilité s'accompagne ensuite de variations en fonction de la réalité : si on perd des habitants, selon le potentiel fiscal, cela fait bouger le montant de la dotation. Nous connaissons les règles. Si elles peuvent être rendues plus intelligentes, il faut le faire. Maintenant, vous avez raison, le système est imparfait, il faut continuer de le transformer, de l'améliorer, et j'y reviendrai dans quelques instants.

Mais je crois que le moment que vit notre pays, que nous avons traversé ensemble ces derniers mois, le caractère parfois tragique de notre histoire, et vous l'avez rappelé, exige aussi que je puisse ici vous dire quelques mots, quelques convictions, au fond, de la manière dont nous, ensemble, Maires de France et Président de la République, nous pouvons rassembler les Français, comment nous pouvons ensemble faire en sorte d'être à la hauteur de ce moment, car en effet, ce qui importe, et je ne considère pas pour ma part que ce que notre pays a vécu il y a maintenant un an pendant des mois et des mois soit totalement derrière nous, cela vient de loin et cela durera. Cela exige beaucoup de force d'âme, de volonté, une volonté de transformer notre pays, d'agir, mais aussi, tout en agissant, d'unir et de rassembler pour ne pas laisser de côté une partie de nos territoires, de notre peuple et pour continuer à donner du sens à chacun. C'est bien cela dont je suis venu vous parler cet après-midi avant tout.

Trop de fractures, c'est le principal constat qui a émergé du Grand Débat national, fractures territoriales, fracture numérique, sociale, identitaire, culturelle aussi, trop de fractures, comme si la France n'était plus une. À chaque fois qu'un Républicain comme vous l'êtes, comme je le suis, entend ainsi désigner la situation de notre pays, c’est toujours un déchirement, précisément parce que la République est et ne saurait être qu’une. Parce que la République est et ne saurait être qu’indivisible. Cela ne veut pas dire qu’elle est la même partout – et vous êtes d’ailleurs les porteurs de cette diversité – mais cette diversité ne devrait pas diviser et justifier précisément que bloc à bloc on finisse par penser le territoire ou la société comme séparés. Jamais je ne me résoudrai à ce que la France, la nation, se réduise à un archipel. Et donc, notre rôle à nous, à vous qui êtes en charge de la commune, donc du commun, c’est de tout mettre en œuvre pour résorber ces fractures. C’est de faire bloc pour unir, pour rassembler les Français par notre action.

Unir et rassembler, cela passe d’abord et avant tout – et je veux ici le rappeler, on l’évoque souvent trop peu – par des rites républicains. Donc pour les pratiquer, vous savez l’importance dans la vie d’une commune. Les cérémonies commémoratives en sont, qui rappellent régulièrement aux Français les liens de sang qui ont façonné leur liberté. Je veux ici vous remercier toutes et tous pour votre implication lors de l’organisation du centenaire de la Première Guerre mondiale comme dans les différents anniversaires et commémorations, des débarquements de Normandie ou de Provence et de toutes ces célébrations encore ces jours derniers. L’année 2020 sera, de ce point, de vue particulière. Nous célébrons, entre autres, tout à la fois les 80 ans de l’appel du 18 juin, les 120 ans de la naissance du général de Gaulle, les 150 ans de la Troisième République. Quelques autres anniversaires importants. Vous serez une fois encore au rendez-vous. Et ces rendez-vous ne sont pas des habitudes. Ces rites précisément donnent du sens dans nos communes, partout dans la République, à ce lien de sang, à cette part d’histoire qui nous a fait libre. Et j’en sais toute l’importance dans les temps que traverse notre République. Ils sont autant d’occasions de rassembler les générations, de ne pas oublier, de comprendre, de continuer, d’associer toutes et tous. D’éduquer en impliquant plus profondément, comme nous sommes en train de le faire, l’école, et d’agir. Unir et rassembler, c’est aussi par notre action collective, notre ambition. Cela signifie en quelque sorte, recoudre cette France trop souvent déchirée, déchirée entre la ville, les banlieues, les différents quartiers, les campagnes, avec, je le sais, un exercice du mandat de maire parfois particulièrement difficile dans nombre de ces endroits.

Alors, ce que nous avons collectivement à faire, c’est un nouvel aménagement de notre territoire. Je le dis collectivement parce que c’est à la fois le Gouvernement, mais avec lui, les régions, les départements, les intercommunalités et les communes qui ont ce travail à faire, car toutes les compétences rassemblées sont à mobiliser. Il n’y a pas de fatalité à ces divisions. Je m’y étais engagé. Le Gouvernement a pris des mesures fortes à vos côtés, qui marquent là aussi un retour de l’État : le plan « Action Cœur de Ville » pour redynamiser les centres des cités moyennes ; l’Agenda rural porté par la concertation sur vos propositions avec plus de 170 actions proposées par la ministre pour nos villages ; l’installation de France Services dans chaque canton – j’inaugurerai le premier France Services vendredi à Amiens ; le plan de mobilisation nationale pour nos quartiers ; le plan très haut débit ; le développement d’infrastructures de proximité pour que ne demeure aucune zone blanche en matière de transports – et de ce point de vue, merci, Président, de que vous avez dit sur les concertations en la matière ; la loi d’orientation pour les mobilités devrait être ainsi votée ce soir à l’Assemblée nationale ; la création, sur la base d’une idée soumise par l’AMF, d’une Agence nationale de la cohésion des territoires mettant à disposition des collectivités, de nouveaux moyens d’ingénierie pour accompagner les projets, pour aider aux investissements, plus facile car ce qui bloque souvent c’est le manque de moyens. On le sait bien. La difficulté de porter tel ou tel projet et d’avoir les compétences, les bonnes personnes. Jamais autant n’avait été fait pour que ce beau principe républicain, l’égalité ne s’applique pas seulement aux femmes et aux hommes mais aussi aux territoires, pour que la République porte une même attention à notre capitale qu’aux villages, de quelques hommes, aux grandes villes qu’aux cités moyennes.

Nous arrivons tard, je le sais. Et je vous écoutais tout à l’heure. Et j’entends pleinement vos arguments. Attaquer des projets de regroupement forcé, de précipitation, de baisse drastique de dotation sur tel ou tel projet. Mais je voudrais, ici, de là où je suis, défendre le Premier ministre et son Gouvernement parce que je n’ai pas le sentiment que tout ce que vous avez décrit depuis tout à l’heure soient des mesures qui aient été portées par ce Gouvernement ou votées par cette majorité. Et j’ai peur que, comme ça peut vous arriver souvent d’ailleurs dans votre action, il n’ait eu à subir depuis 2 ans et demi les conséquences de beaucoup de réformes qui venaient parfois de loin alors même que son action essayait de mener le contraire. Je ne vous demande pas la patience. Vos concitoyens ne vous la donnent pas mais je nous demande collectivement le discernement qui est de ne pas reprocher aux uns les causes qui viennent d’ailleurs et de savoir reconnaître de manière un peu juste ce qui est fait. Mais tout cela est une épreuve parce que nous venons de loin, parce que parfois des bonnes décisions n’avaient pas été prises suffisamment tôt, parce que le monde tel qu’il s’organise aussi a accéléré les phénomènes de concentration. Le métropolisation, qui n’est pas le fait de décisions, quelles que soient d’ailleurs les majorités, mais qui s’observent partout dans le monde, qui est le regroupement des talents, des énergies dans quelques villes, quelques pôles d’attractivité. Mais qui a parfois été aidé par la concentration autour de grandes régions, de capitales régionales. Et les concentrations à Paris ou dans ces capitales-là de certains de nos choix.

Nous arrivons donc à un moment critique. Mais je ne crois pas là aussi qu’il y ait de fatalité. Et je veux être jugé sur les actes. Les actes, c’est une augmentation de la couverture numérique du territoire inédite. 14 000 lignes de fibre optique sont tirées chaque jour ouvrés depuis janvier 2019, 4 millions par an. Nous serons donc au rendez-vous du haut débit pour tous en 2020 et du très haut débit pour tous en 2022 comme je m’y étais engagé en juillet 2017. Les actes, c’est l’ouverture des 460 premiers France Services en janvier 2020. 200 000 nouveaux cafés dans nos petites villes d’ici quelques mois dans le cadre de l’agenda rural. Les actes, c’est la transformation en cours des logements, des centres-villes et des quartiers. Le choix résolu de privilégier le commerce de proximité pour revitaliser les centres-villes. Les actes, ce sont les 42 quartiers de reconquête républicaine qui bénéficient de renforts policiers spécifiques. Les actes, c’est ce travail quotidien résolu pour faire en sorte que chaque terre de France soit une chance pour celles et ceux qui y vivent, par plus de stages proposés, par les emplois francs développés, par une nouvelle ambition donner à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine avec des délais raccourcis et les nouveaux engagements en termes d’investissements que j’avais pris.

Les actes, c’est cela. C’est en train de se déployer. Cela va continuer d’arriver et c’est une transformation indispensable. Mais ça veut dire que collectivement, ce que nous avons à faire, c’est réinventer notre territoire. Et il n’y a, en la matière, pas de fatalité comme je le disais. Les métropoles sont là, ce à quoi nous avons travaillé beaucoup, des Maires qui soient à la tête de ces métropoles ou dans leurs périphéries le savent et c’est une nouvelle coopération entre ces territoires par ces décisions prises mais aussi par les décisions qui sont prises au sein des structures intercommunales comme entre elles pour permettre une mobilité plus adaptée, pour apporter les réponses en termes de pouvoir d’achat à celles et ceux qui travaillent dans ces métropoles mais qui souvent ne peuvent pas y vivre. Et nous avons entendu aussi ce message. Cette réinvention de notre territoire collectivement, c’est la capacité que nous devons donner dans nos quartiers les plus difficiles, les plus pauvres, à accéder aux meilleures formations, ce que nous sommes en train de faire, à l’égalité de la formation supérieure, à l’emploi sans stigmatisation. Ce qui est aussi les réinventer, permettre d’en tirer toute l’énergie parce qu’ils ont une ressource. C’est la vitalité démographique. C’est de réinventer par le télétravail les mobilités que vous portez et les projets innovants, j’y reviendrai, des coopérations dans le rural. C’est la redynamisation de nos centres-villes qui ont été désertés totalement par les commerces, par les habitants parce que des choix ont été opérés dans les années 80 et 90 qui ont conduit au fond à séparer notre espace selon les usages. Les gens n’en veulent plus. C’est aussi au titre de cela que j’ai été conduit à refuser certains projets que je ne considérais plus comme du jour. Le temps est à la redéfinition de l’espace et d’un commun.

Nos concitoyens veulent vivre près de l’endroit où ils travaillent pour pouvoir plus facilement travailler là où ils veulent, pouvoir plus facilement accéder à un commerce de proximité, de nouvelles formes de contact, de la culture. Ils ne veulent plus cet espace séparé selon les temps où on dort à un endroit, où on va travailler à un autre, où l’accès à la culture est ailleurs. Et c’est d’ailleurs cohérent avec le projet écologique que collectivement nous poursuivons. Il nous faut donc retisser cela. Cela va prendre du temps, ça dépend de votre engagement, de la clarté de nos choix et des instruments qui sont mis à votre disposition. Mais je crois très profondément que par toutes ces initiatives prises, et j’aurais pu citer encore beaucoup d’autres, celles des directoires d’industrie car là aussi nous sommes en train de reconquérir notre industrie.
 

Pour la première fois depuis 12 ans nous recréons dans notre pays de l’emploi industriel, nous réouvrons des usines dans des endroits qui les avait délaissées. Parce qu’il n’y a pas de fatalité. Il y a des projets qu’on doit vous aider à porter, des investissements qu’il faut faciliter et des règles lorsqu’elles sont plus claires au niveau national qui permettent enfin de réinvestir, de réembaucher. Plus de 500 000 emplois créés en 2 ans, ça aussi c’est pour cette ambition des territoires. Et donc cet aménagement nouveau de notre territoire, il est à construire à travers ces projets, ces nouveaux instruments et une ambition qui nous permettra de bâtir les nouvelles formes du vivre ensemble, de l’habiter, du déplacement et du travail dans une puissance économique solidaire et environnementale du 21ème siècle, celle que nous voulons bâtir.

Unir et rassembler, c’est notre viatique. C’est aussi tenir la cohésion du pays dans les dures épreuves des temps. Vous avez rappelé les événements tragiques : ceux de 2015, ceux aussi que nous avons vécus ces derniers mois, ces dernières semaines. Ces événements, qu’il s’agisse du terrorisme, des attaques, des violences urbaines, ont touché à chaque fois au premier chef, vous le savez ô combien, Madame la Maire de Paris, les maires que vous êtes. Ces événements ont bousculé notre pays, charriant les peurs, les angoisses, les tensions et parfois d’ailleurs laissant monter l’esprit de divisions et les confusions. Face à de tels enchaînements, notre responsabilité collective est de ne jamais jouer sur les peurs, de ne jamais rien céder aux haines, d’éviter aussi la précipitation parfois pour apporter des bonnes réponses. Opposer au tourbillon des amalgames la sérénité claire des principes républicains. Faire en sorte que le fil du dialogue entre les Français jamais ne se rompe.

A ce titre, je veux dire ici combien les mots qu’ont eus les maires de chacune des communes concernées par les événements que je rappelais ont sonné juste, qu’ils étaient à chaque fois frappés d’un grand sens de la République et de son unité. Mais les mots n’épuisent pas ce que doit être notre réaction collective face au regain des passions, de la division et de la haine. Ce qu’il nous revient de bâtir c’est la République en actes qui unit les Français simplement parce que la loi s’applique à tous et en tous points du territoire. Aussi devons-nous travailler ensemble pour assurer la sécurité de tous nos concitoyens au quotidien, lutter contre les incivilités, la délinquance, la violence qui minent au premier chef la cohésion du pays. Je sais que c’est votre engagement premier là aussi parce qu’à chaque fois vous me sollicitez, vous me proposez d’ailleurs bien souvent.

Nous prenons depuis 2 ans et demi nos responsabilités en la matière avec une volonté forte, des policiers et des gendarmes plus nombreux sur la voie publique. C’est l’engagement de recrutement de 10 000 postes supplémentaires, les premiers qui sortent de formation sont en train d’arriver sur le terrain et, il est vrai, ils sont particulièrement nombreux dans ces quartiers de reconquête républicaine où l’effort est mis en priorité. Mais c'est aussi dégager du temps sur le terrain pour nos policiers et nos gendarmes en investissant dans la procédure pénale numérique, en allégeant, ce qui a été fait dans le cadre de la Loi justice, les tâches administratives. C'est aussi le choix qui a été fait, après des années, sans que le sujet ne soit jamais ouvert, de décider du paiement des heures supplémentaires des policiers, parce que les heures payées, c'est plus de présence sur le terrain et c'est donc du temps utile pour vous. Cet effort se poursuivra, il est indispensable et c'est notre engagement. Mais, et vous le savez aussi, la sécurité du quotidien dépend de vous, de la qualité des coopérations entre la police nationale et municipale, entre les préfets et les élus que vous êtes, et de poursuivre ce travail amplement engagé.

Nous avons à ce titre, d'ailleurs, obtenu des avancées réelles grâce à l'initiative des parlementaires. Je pense en particulier à cette loi sur les rodéos, élaborée ensemble et qui permet aujourd'hui de saisir des véhicules, et qui permet, lorsque le travail est fait en partenariat sur le terrain, d'agir beaucoup plus efficacement. Dans 3 cas sur 4, police municipale et forces de sécurité intérieure sont liées par une charte de coopération qui organise échanges d'informations, partage de moyens techniques et numériques, formation et parfois même patrouilles communes. Mais là aussi, nous pouvons encore faire davantage, faire mieux.

C'est pourquoi je demande au Gouvernement d'étudier toutes les propositions qui sont faites par les différentes associations pour améliorer ce qu'on appelle parfois le continuum de sécurité, c'est-à-dire la mobilisation de tous les acteurs : forces de l'ordre, police municipale, agents techniques aussi parfois, les différentes mairies, forces et sociétés de sécurité privées, pour agir de manière encore plus efficace contre les incivilités, la délinquance et poursuivre le travail. Des propositions très concrètes ont été faites par plusieurs d'entre vous, et je souhaite qu'on puisse regarder et avancer. Certains fichiers pourraient être mieux partagés, je le sais bien, ceux des véhicules volés, par exemple. On pourrait agir plus efficacement et plus concrètement, regarder si certains pouvoirs de police ne pourraient pas être délégués dans certains cas, les dépôts, la verbalisation des poids lourds... Il y a des choses très concrètes que vous appelez de vos vœux, qui permettraient d'ailleurs non pas à l'Etat de se désengager, je le dis ici clairement pour lever toute ambiguïté, mais de mieux coopérer et de permettre aux maires qui le souhaitent de faire davantage plus efficacement, plus simplement. Le Gouvernement sera au rendez-vous, et ces propositions auront donc une réponse.

Mais au-delà de cette sécurité du quotidien, de ces incivilités, il y a, bien entendu, ce que notre pays continue de vivre, le terrorisme et le sujet de la radicalisation, qui, aussi, appelle une action conjointe. J'ai évoqué, il y a quelques semaines, la nécessité de bâtir une société de vigilance, c'est-à-dire la mobilisation de tous pour lutter contre ces reculs insidieux de la République qui, trop souvent, se transforment en drame. Vigilants, en vérité, nous le sommes déjà ensemble. 150 chartes ont ainsi été signées dans l'ensemble des communes concernées par des individus suivis pour radicalisation. Depuis un an, sous l'impulsion du ministre de l'Intérieur, comme je m'y étais engagé devant vous, les maires ont désormais droit de reconnaître. Le préfet vous informe régulièrement de l'État de la menace et peut vous transmettre des éléments nominatifs confidentiels. Là encore, comment ne pas voir que vous êtes, vous les maires, en permanence au contact et donc les mieux placés aussi, bien souvent, pour percevoir les signes faibles d'une dégradation de la situation, d'un glissement, et donc être des acteurs à part entière de cette société de vigilance, c'est-à-dire une société de l'attention collective et donc de l'action. Etat et communes sont les bras armés d'une République qui protège, d'une République qui avance aussi et s'impose dans chaque hall d'immeuble, dans chaque rue, dans chaque terre de France.

Bien évidemment, évoquant ces sujets, je ne peux bien entendu rester silencieux sur la question du communautarisme, de l'islamisme politique tant évoqué ces dernières semaines et ces derniers mois dans notre pays. Je ne veux rien cacher ici de la réalité que beaucoup d'entre vous vivent. Dans certaines communes, dans certains quartiers, progresse depuis quelques années un projet de séparation d'avec la République. C'est une réalité. Ce sont les revendications sur les horaires réservés aux femmes dans les piscines, ces espaces publics où la mixité n'est plus possible, ce sont ces pressions exercées dans certains services publics, certaines entreprises, ce sont aussi des services communautaires qui cherchent à se substituer à la République, et les déscolarisations d'enfants auxquelles on assiste dans trop d'écoles. À chaque fois, les maires sont en première ligne. L'Etat agit et continuera d'agir.

Nous n'avons pas attendu ces dernières semaines et les débats qui, parfois, ont pu voir le jour. Non. Les lois ont été prises et les actions ont été conduites en la matière, avec efficacité, tout particulièrement par le ministre de l'Intérieur et le ministre de l'Education nationale, grâce, là aussi, à des initiatives parlementaires salutaires sur ce sujet. 12 lieux de culte ont ainsi été fermés, 4 écoles hors contrat, 9 établissements associatifs, près de 130 débits de boisson, toujours avec la coopération des maires. Cette action continuera d'être menée, et nous devons, là aussi, faire plus, ne jamais vous laisser isoler dans ce qui est un des grands combats républicains contemporains. Tout le Gouvernement est mobilisé et continuera d'agir. Le ministre de l'Intérieur donnera des instructions nouvelles aux préfets dans les prochains jours en la matière, et le gouvernement portera des actions concrètes nouvelles dans les prochaines semaines sur ce sujet.

Mais là aussi, je veux nous appeler collectivement à ne pas tout confondre. Dans les débats qui, souvent, se nouent sur ces sujets compliqués, on confond tout. On confond bien souvent la laïcité, la civilité et l'ordre public. La laïcité a un cadre, la loi de 1905. Il a été complété par des lois plus récentes, importantes, qui ont été le fruit d'ailleurs de longues concertations. C'est un cadre, un cadre de liberté et de respect, la liberté de croire et de ne pas croire, c'est un cadre de neutralité, ça n'est en aucun cas un cadre de combat ou d'exclusion. Ça n'est pas la notion qui doit nous conduire à mettre dos à dos, front à front, une part de la société française contre une autre. Ce serait une profonde erreur historique et une faute lourde politique. La laïcité a ce cadre, faisons-le appliquer. Respectons-le partout. C'est à cela que j'appelle le Gouvernement.

Mais bien souvent, ce qui traverse notre société, ce sont les sujets que je viens d'évoquer, légitimes, qui touchent la civilité, l'égalité entre les femmes et les hommes, le respect des lois de la République, l'ordre public, et c'est là qu'il nous faut collectivement nous réarmer, peut- être prendre des lois nouvelles, des décisions plus fortes. Mais ne confondons pas tout. Faisons- le avec la force de la République qui unit, jamais avec l'esprit de division. Il est inefficace et produit le pire. Le Gouvernement sera au rendez-vous de cette ambition en suivant ces principes.

Et puis, et ça vous touche tout particulièrement, dans les débats récents, un sujet est venu, celui des listes communautaires. Je suis, sur ce point, pragmatique et ouvert à toutes les propositions, à condition qu'elles soient efficaces et que, là aussi, elles respectent nos principes. D'abord, vous êtes, je pense, toutes et tous attachés à ce qui fait notre vie politique, qui est aussi un principe de liberté. Comment définirait-on les listes communautaires ? Qui en serait le juge ? Selon quels critères ? La vie politique est ainsi faite que les choses peuvent changer. Nous avons des règles claires, faut-il ici les bousculer parce que soudain, les esprits s'échauffent ? Je nous appelle collectivement à la prudence, pas la prudence qui mène à l'inaction, celle qui conduit à ne pas renoncer aux libertés de la République parce que le pire est parfois là, celle qui nous conduit aussi à voir toutes les conséquences de ce qu’on propose.

Et puis surtout il ne faut pas en la matière avoir quelque naïveté que ce soit. Il ne s’agit pas de proclamer l’interdiction pour régler le problème. Nous avons eu dans d’autres temps de la République ces débats. Fallait-il interdire ces listes antisémites pour réussir à chasser ces idées de la société française ? Qui peut penser d’ailleurs que de telles listes se présenteront à visage découvert, avec spontanéité et clarté ? Non. Si les choses étaient si simples nous n’aurions pas tant de difficultés. Ceux d’entre vous qui sont confrontés à ce phénomène le savent, ceux qui développent un projet communautariste, cet islam politique que j’évoquais, un projet de division de la nation en détournant une religion de ses fondements très souvent se cachent, se dissimulent. C’est là toute la difficulté. Et donc ce qui compte c’est le combat politique en actes, ce qui compte c’est l’intransigeance républicaine quand la prééminence de nos lois est remise en question, quand l’égalité entre les femmes et les hommes est combattue, remise en cause.

Ce qui compte c’est de faire tomber les masques de ceux qui combattent la devise inscrite sur les frontons des mairies qu’ils convoitent. Et ce combat, je sais que je peux compter sur vous pour le mener, sur tous les maires de France pour le mener et pour l’emporter. Et je veux vous dire une chose, vous pourrez compter sur moi mais en actes au quotidien, chaque jour pour les débusquer, les combattre, fermer les associations, fermer les écoles quand elles ne respectent pas absolument les lois de la République. C’est ainsi qu’il faut mener ce combat, je ne crois pas autrement. Et donc là aussi sur ce sujet, le Gouvernement poursuivra avec l’ensemble des forces politiques de notre pays le travail pour rassembler les meilleures idées, avancer et agir.

Mesdames et messieurs, préparant ma venue parmi vous, je relisais aussi l’histoire des Congrès des Maires de France et ce faisant l’histoire des maires de France et je me faisais cette réflexion toute simple en quelque sorte quand on reprend à la cavalcade cette odyssée commune depuis la Révolution française. A chaque fois qu’il a fallu bâtir la République, ses grands projets, construire son avenir cela s’est fait dans et à travers, par les maires : la liberté, la République et la démocratie neuves dès la Révolution française ; la construction de la République dès les lois de 71 et de 72 d’abord par les conseils départementaux puis par la loi de 1884 par le rôle qu’on donne au maire ; et la construction de notre école de la République, de nos écoles dans chaque commune, bien souvent aussi des infrastructures s’est faite par ce truchement. Et la solidité que notre République a su bâtir entre la défaite de 70 et 1914 c’est ce moment inouï où la République a su construire une espèce de pacte, d’ambition et de contrôle réciproque avec les élus locaux et ceux de la République. Permettre que rien ne soit remis en cause si le pire devait advenir à Paris avec les pouvoirs donnés dès 71 et 72 au niveau du département, en 84 aux communes, et permettre d’avancer avec des projets concrets. La solidité de notre pays elle procède de ce temps incroyable. Et à chaque moment que la République a été bousculée par des doutes, par le pire, parfois bousculée en son sommet elle a su retrouver ce socle, cette action concrète, cette stabilité des valeurs et des principes auprès de ses maires. Et il en est de même dans le moment que nous vivons.

Nous sommes dans un moment particulier de notre pays mais il suffit de regarder autour de nous pour nous apercevoir que nous sommes dans un moment historique pour toutes les démocraties occidentales et au fond pour le monde entier, un moment de doute, de crise. Regardez autour de nous, qui a un Gouvernement stable, une majorité claire ? Qui a une vie démocratique innocente, placide ? Je cherche les paradis, les exemples. Je n’en trouve pas. C’est bien parce que nous avons collectivement de nouveaux défis à relever, c’est que nous vivons la fin aussi d’une époque, de transformations profondes peut-être que nous n’avons pas toujours prendre à temps, mais aussi des défis contemporains qui agitent les peurs. Le défi technologique, le défi climatique, le défi démographique et la brutalité de ce monde contemporain. Pour réussir ces transformations comme à chaque fois que la République a été confrontée à ces grandes bourrasques, j’ai besoin de vous et c’est ensemble que nous bâtirons cette action utile. C’est aussi pour cela, fort de ce temps passé ensemble, de ces mois de débat de commune en commune, mais aussi de cette conviction chevillée au corps et inspirée par notre histoire que cet acte II comme je l’ai appelé, du mandat qui m’a été confié par les Français, j’ai voulu le bâtir autour de quelques sujets où votre rôle est déterminant. Je ne les couvrirai pas tous mais je veux ici simplement en mentionner deux.

Le premier, vous l’avez évoqué un instant, c’est celui de la transition écologique, de l’environnement. Elle se joue bien sûr sur le plan international. La France est au rendez-vous dans les négociations entre Etats, sur les baisses des émissions de gaz à effet de serre, la préservation de la biodiversité, la constitution d’un droit environnemental contraignant. Et vous savez, l’engagement de la France sur tous ces sujets. Elle se joue en Europe et vous savez combien la France porte une ambition climatique et environnementale dans notre Union européenne. Elle se joue aussi au niveau national, et là également, le Gouvernement prend ses responsabilités. Je connais peu de pays qui ont assumé la fermeture de toutes leurs centrales à charbon, la fin des exploitations des hydrocarbures, un plan pour la biodiversité. Ç’a été fait et c’est en train de s’appliquer, et ce n’est qu’un début de l’action qui est en train d’être conduite. La convention citoyenne, cher président, qui est en train de travailler au CESE en ce moment même, proposera au gouvernement, à moi-même de nouvelles actions concrètes qui scanderont notre travail collectif dans les prochains mois.

Mais en vérité, là aussi, c’est bien dans les territoires et par les communes que la transition se fait concrètement, la protection des espaces, la lutte contre la pollution, eaux usées comme déchets et donc le combat pour la biodiversité, c’est vous. Les plans pour décarboner les transports, pour rénover les logements et donc emporter la bataille de la baisse des émissions de gaz à effets de serre et du climat, c’est vous. Bien sûr, l'État doit fixer un cadre, une direction, donner des instruments. Mais ensuite, c'est aux communes qu’il importe de faire, très souvent, et c'est d'ailleurs là que les initiatives les plus innovantes, bien souvent, ont été prises.

Les maires ont un rôle clé. Ils ont aussi une connaissance du terrain de ses contraintes et parfois des tensions que ces sujets peuvent faire naître. Un maire sur cinq est agriculteur ou ancien agriculteur, ce qui donne une expérience. Et je dois le dire aussi bien souvent quelque bon sens. Cette transition, elle est complexe. Et là aussi, je vois qu'il y a des intéressés dans la salle. C'est statistiquement normalement vérifié. Cette trame des territoires, elle implique du bon sens et là aussi de savoir gérer les choses sans, je dirais, conflit inutile. Ce rôle en matière d'écologie, je commencerais par-là, ne doit pas conduire, ne doit pas vous conduire à prendre des décisions qui ne relèvent pas du pouvoir de police du maire. La toxicité d'un produit chimique, ça n'est pas la compétence du maire. Et je vais vous le dire, c'est une bonne chose pour vous.

Quand je vois des maires qui prennent des arrêtés pour interdire des pesticides dans leur commune, quel sens ça a ? Est-ce que la toxicité de ce pesticide, elle ne serait pas la même à Plougastel ou à Morlaix ? Aucun sens, aucun sens, il y a peut-être plus de fraises d'un côté ou de l'autre, c’est vrai. Et donc, c'est pour vous protéger aussi que ce pouvoir n'est pas donné, sinon, ce sera la guérilla terrible et surtout l'incompréhension généralisée. En la matière, j'en appelle à la modération, mais au-delà de cela, vous avez un rôle essentiel. Et je voulais aussi apporter quelques clarifications.

Si nous voulons aller plus loin, nous devons bâtir avec vous sur les territoires des filières d'économie circulaire luttant activement contre le gaspillage. En la matière, vous avez d'ailleurs bien souvent pris vous-même des décisions, c'est pour cela que sur ce sujet et sur un sujet particulièrement sensible, comme celui de la consigne des bouteilles plastiques, rien ne sera fait sans l'accord des maires. C'est bien dans ce sens que j'ai demandé au Gouvernement de poursuivre le dialogue au Parlement, conforté ceux qui ont pris de l'avance et investis, aider, faire parce que nous devons avoir une réponse forte et ambitieuse en la matière. Nos concitoyens l'attendent. Mais on ne doit pas pénaliser ceux qui se sont organisés parfois il y a plusieurs années et ont pris des investissements utiles et ceux qui ont trouvé la bonne organisation. Cela doit donc passer par une indispensable concertation.

Oui, je crois à une écologie de la liberté, de l'innovation. Je crois dans l'écologie des territoires et la capacité qu'on donne à ces derniers de trouver les bonnes solutions. Je crois dans ceux d'entre vous qui innovent pour préserver les espaces naturels et agricoles, planter des forêts urbaines, encourager la conversion des exploitations agricoles vers le bio et la haute valeur environnementale, qui développent des plans alimentaires territoriaux pour approvisionner les écoles et les marchés en circuit court, dans ceux d'entre vous qui développent massivement des transports en commun propres. Le bus à hydrogène, les nouvelles solutions pour remplacer la voiture, les véhicules en autopartage, les navettes y compris dans le rural, les pôles d'échanges qui pensent la ville du vélo, de la marche à pied, dans ceux qui inventent les réseaux intelligents, qui permettront d'intégrer les énergies renouvelables par essence intermittentes dans les systèmes électriques des villes, qui investissent pour la rénovation thermique des bâtiments municipaux, des logements.

Tout ce que je viens de dire est en train de se faire. Et la loi d'orientation pour les mobilités, largement concertée donne aux régions un rôle très important aux communes un rôle à leurs côtés. Et c'est donc un cadre, des instruments, une clarté de financement, mais là aussi, nous sommes en train de construire cette écologie concrète. Vous êtes en train de le faire. Ce qu'on doit apporter, c'est le cadre clair des responsabilités, ce que permet la loi d'orientation et les financements pour la compagnie. Les contrats de transition énergétique permettent dans certaines situations difficiles de le faire. La clarté qui sera donnée sur les dotations qui accompagnent la loi en sera une autre. Je souhaite que les prochains mois soient scandés par de nouveaux appels à projets pour accompagner très clairement tous ces projets que je viens d'évoquer dans le cadre et l'architecture de la loi qui a été largement concertée et qui sera de manière imminente ainsi votée. L'écologie du quotidien, l'écologie concrète, l'écologie française, c'est celle de nos territoires. Celle en action, et c'est pourquoi, là aussi, je crois très profondément, comme lorsque la République a eu à bâtir son école, votre rôle est indispensable.

Le deuxième sujet sur lequel je voulais attirer votre attention et vous dire combien au fond nous avons aujourd'hui pour mener cette action besoin de vous, c'est celui de la République sociale solidaire, de ce solidarisme contemporain auquel je crois profondément. Dans votre quotidien, vous êtes confrontés et vous avez apporté nombre de ces missions, bien souvent d'ailleurs en lien avec les départements qui en la matière joue un rôle essentiel. Cher président, vous avez à vous occuper des personnes éloignées de l'emploi avec les missions locales, celles en situation de difficultés ponctuelles ou durables, avec les CCAS, l'accompagnement des personnes âgées, les situations liées justement aux demandes d'asile et aux migrations que sur beaucoup de nos territoires nous connaissons.

Tous ces sujets sont majeurs, je n'y reviendrai pas. Vous êtes aussi au cœur d'une ambition économique indispensable. Mais il y a deux politiques, deux actions sociales indispensables à notre République. Et la construction de cette République solidaire du XXIème siècle où votre rôle est décisif, c'est l'école et la santé. Deux sujets qui à mes yeux caractérisent l'État providence du XXIème siècle que nous sommes en train collectivement de bâtir, auquel je crois profondément, qui est celui où l'on investit sur les personnes. Pas celui où on administre les choses, non. Mais où on décide d'investir sur nos concitoyens pour les aider à choisir leur vie, à la bâtir là où ils sont. Et là votre rôle, comme il l'a toujours été, est éminent : l'éducation. Vous le savez, l'ambition qui est la nôtre, merci président de l'avoir rappelé, elle est partagée, elle m'a conduit d'ailleurs parfois là aussi à corriger des choses qui étaient faites. Je le disais tellement partagé que je me suis engagé à ce qu'aucune école ne soit fermée sans l'accord du maire. Et depuis que j'ai pris cet engagement, c'est ce qui a été fait par le ministre de l'Éducation nationale, une grande vigilance qu'il a encore rappelée. Priorité donnée à l'école primaire parce que c'est là que se nouent les inégalités, réforme du lycée, réforme de l'orientation : jamais on n'a vu en si peu de temps, sauf à revenir à ces temps inauguraux de la République que je rappelais tout à l'heure, des investissements et de tels changements. Je sais aussi les inquiétudes. Comment financer les ATSEM supplémentaires face à l'augmentation des effectifs induite par l'école obligatoire dès 3 ans ? Comment prendre en charge les dépenses immobilières liées au dédoublement des classes de CP, CE1, CE2, le sujet des grandes sections maternelles ? Je veux ici rassurer, je sais les discussions en cours et vous aurez l'occasion d'y revenir avec le ministre. L'Etat a accompagné à hauteur d'un peu plus d'une dizaine de millions d'euros, et c'est vrai, pas la totalité de ce qui a été investi, et je remercie toutes les communes qui ont beaucoup fait sur le sujet, et nous continuerons d'accompagner. Et là aussi, ce dialogue continuera de se faire parce que nous avons besoin de cette ambition collective, parce que nos enfants, pour pouvoir bâtir leur vie, ont besoin d'une école ainsi construite avec moins d'élèves par classe et avec les réformes qui ont ainsi été décidées, parce que, aussi, nous avons besoin, pour réattirer des familles dans certains endroits, dans certains quartiers ou dans une part de notre ruralité, de leur offrir des écoles de qualité. C'est ça, l'objet de ces réformes.

Nous travaillons également ensemble à installer, dans tous les territoires de France, des CFA, de nouvelles antennes du CNAM, des unités d'enseignement supérieur, comme ces campus connectés dont l'objectif est de permettre à des étudiants habitant dans des territoires éloignés des grandes villes de bénéficier d'une offre complète de formation. Ce que nous allons déployer dans les prochains mois, ce que j'ai demandé au Gouvernement de faire, c'est, à rebours de ce que vous avez bien souvent vu, d'ouvrir dans des villes moyennes qui n'ont pas aujourd'hui d'université ou pas de formation supérieure, des antennes d'universités, certaines formations professionnelles ou académiques et parfois les deux. Pour permettre de se former au plus près de chez soi et répondre ce faisant aussi à des problèmes bien souvent de mobilité, de coût du logement dans les métropoles, de rareté du foncier que nous avons à vivre par ailleurs. C'est, là aussi, ce projet d'aménagement du territoire que j'évoquais tout à l'heure, qui est un pragmatisme que nous déclinons pour l'ambition scolaire. L'école de la République, celle de Jules FERRY, qui est enracinée dans chaque terre de France, s'est historiquement construite dans ce « main dans la main » entre le Gouvernement et les maires, et c'est ce fil qu'il nous faut tisser encore et encore.

Et puis le second pilier de cette République sociale, c'est la santé. Là aussi, vous n'avez pas attendu le gouvernement. Sur ce sujet, je dois bien le dire, j'avais envoyé au moment du Grand Débat des questions, mais celle qui est le plus remontée, et de très loin, spontanément à chaque fois, c'est la santé, disant d'ailleurs l'urgence de notre organisation collective et des errements de plusieurs décennies : déserts médicaux d'un côté, surpopulation dans les urgences de l'autre, centres hospitaliers professionnels qui n'arrivent plus à faire face à la demande sur certains territoires, disparition dans d'autres. C'est le fruit, là aussi, de dogmes qui ont longtemps vécu, on dépensera moins s'il y a moins de médecins. Bizarrement, les gens n'ont pas été moins malades. Et donc nous voilà avec un système de santé sur lequel il faut tout à la fois réinvestir mais qu'il faut aussi réorganiser. Je veux saluer ici l'engagement que, depuis plusieurs années, vous avez pris avec beaucoup de conviction pour développer des réseaux, porter des projets, ouvrir des structures. L'engagement que j'avais pris devant vous, c'est d'accompagner cela pour doubler les maisons de santé. C'est ce qui sera fait, et nous sommes sur cet objectif. L'engagement, c'est aussi, pour répondre à vos besoins, une réforme plus en profondeur qui a été annoncée il y a un an dans le cadre du plan Ma santé 2022, et qui, là, vous touche directement, la suppression du numerus clausus, mais ça touchera nos successeurs, parce qu'on met 10 ans au moins à former un médecin, mais collectivement, nous devons agir pour l'avenir, le recrutement de 600 médecins salariés que nous commençons à déployer dans les territoires les plus carencés dès à présent, le développement de la télémédecine, le renforcement du rôle des infirmiers, l'ouverture de 1 000 maisons de santé, comme je le disais, et l'encouragement, à vos côtés, de ces maisons de santé pluridisciplinaires en finançant ces assistants médicaux pour encourager les professionnels à venir et faire que les projets immobiliers que vous avez souvent portés soient accompagnés par des projets médicaux et que ces derniers soient aidés, aidés en leur payant cette assistante médicale ou cet assistant médical qui viendra les décharger d'actes médicaux et leur permettre de mieux travailler sur vos territoires. Là aussi, rien ne se fera sans vous. Il y a des formidables succès.

J'étais il y a quelques jours, je le disais, dans la Marne : deux maisons de santé en 2009, 14 aujourd'hui et 3 de plus qui sont en projet. J'ai vu des projets formidables en Gironde, où municipalités, ARS et centres hospitaliers agissent ensemble pour créer un centre hospitalo- communal ; à Pontarlier, dans le Doubs, cher président, non loin de chez vous, des acteurs locaux qui savent s'organiser pour mettre en place un cabinet éphémère, le temps justement que de nouveaux médecins s'installent plus rapidement ; en Saône-et-Loire, par la volonté d'un conseil départemental, tout un réseau de santé de proximité se met en place et des médecins revenir exercer dans les villes désertées. C'est ça, ce que nous accompagnons concrètement et que nous allons déployer plus fortement encore. Et donc le gouvernement, là aussi, sera au rendez-vous pour mettre les moyens et pour en rajouter. Je ne veux pas ici déflorer les annonces que le Premier ministre, la ministre des Solidarités et de la Santé feront demain en la matière, mais il est clair que l'urgence impose d'investir plus fortement encore et de construire une plus grande attractivité de nos hôpitaux, qu'ils soient d'ailleurs centres universitaires ou parfois plus en proximité, pour réussir à mener ce combat. Je voulais ici vous dire l'engagement du Gouvernement mais le rôle aussi essentiel que vous jouez. Mesdames et Messieurs, chers amis, j'ai conscience, une fois que j'ai dit tout cela, de la difficulté des temps, et vous l'avez rappelé.

Je veux conclure mon propos en vous disant aussi un mot de vous. J'ai à mon tour, en cet instant, une pensée pour Jean-Mathieu MICHEL, le maire de Signes, qui a consacré sa vie à sa commune, vous le disiez, tout à l'heure, en rappelant son engagement de 1983 pour finalement mourir dans l'exercice de ses fonctions, dans le courage de sa fonction, celle justement de faire respecter la vie en commun, de rappeler à l'ordre ceux qui, dans sa commune, venaient enfreindre la règle. Les signoises et les signois n'oublieront jamais ce grand humaniste qui les connaissait tous personnellement, et je veux avoir une pensée pour eux, pour le personnel de la commune et pour sa famille, dont la dignité fut exemplaire en cet instant. Cette tragédie, ainsi que les dizaines d'agressions dont les maires et les élus locaux, ces derniers mois, beaucoup trop d'élus de la République ont été victimes, rappelle la République et chacun de ses citoyens à ses devoirs. La République, je le redis ici, vous doit protection. La République ne peut en effet vous demander tant sans assurer votre sécurité, et en particulier celles et ceux d'entre vous qui craignent pour leur intégrité physique. Elle ne peut vous demander tant non plus sans vous donner les moyens de l'action. Et là aussi, c'est l'objet de ce texte de loi proposé par les ministres, défendu en ce moment même à l'Assemblée nationale, qui est le fruit du Grand Débat, qui est le fruit des propositions concrètes des maires de France, de leur pragmatisme, des indignations que j'ai récoltées, des interpellations que j'ai reçues, d'abord en reconnaissant et en soutenant davantage votre engagement. L'engagement, c'est la sève d'une nation, ce qui la fait, ce qui la tient, ce qui la grandit, l'engagement associatif, syndical, politique, et bien entendu l'engagement des maires. Ça fait des décennies qu'on parle du statut de l'élu, des décennies. Il y a des débats, et je veux reconnaître au Gouvernement de porter enfin une réforme tant et tant attendue. Le projet de loi Engagement et proximité, discuté encore ces dernières heures à l'Assemblée nationale, s'inspire de toutes ces idées, et donc oui, ce texte vous permettra de bénéficier d'une protection juridique dans le cadre de l'exercice de vos fonctions, et nous l'assumons. Oui, vous bénéficierez désormais d'un droit à la formation, et nous l'assumons. Oui, les élus locaux pourront mieux concilier leur vie personnelle et leur vie familiale avec, par exemple, le remboursement des frais de garde, et nous l'assumons. Oui, les maires ruraux qui dans les campagnes de France sont bien souvent tout à la fois : policiers, médecins, urbanistes, jardiniers, assistant social seront rétribués aussi à leur juste niveau d'engagement et nous l'assumons entre autres choses.

Je veux le dire ici parce que c'est une première. Mais votre moteur – je le sais, je le sais parce que je suis fait comme vous, je l’ai démontré – c'est de faire, de transformer, d'agir. C'est pourquoi le projet de loi renforce aussi vos marges d'action. Je ne reviens pas sur les marges d'action financière. On a commencé à l'aborder. Vous y reviendrez avec le gouvernement. Non, je veux évoquer les moyens d'action juridique que vous revendiquez légitimement. Il y a d'abord tout ce qui bride. Les normes qui vous enserrent, l'intercommunalité qui parfois vous freine. Vous avez un mot d'ordre : la souplesse. J'ai le même. Et pour moi aussi, rassurez-vous, ça va trop lentement. Et lorsque je suis allé, il y a quelques jours dans la Marne, j'ai réuni d'ailleurs les préfets et chefs de services de l'Etat déconcentré pour faire la revue de chantiers en la matière. Mais ça avance. Les normes, nous en réduisons d'abord le flux. On regarde trop peu souvent. 40 projets de décrets pris par les ministères en deux ans et demie. C'était 100 par an avant. 100 par an. Le stock. Les fameuses circulaires. Vous le savez, ces lois qui ne sont pas discutées au Parlement et ces décrets qui ne sont pas pris par les ministres mais tout ce qui fait la vie de l'administration et qui à la fin vous est parfois opposé. Ces circulaires – 65 % des circulaires existantes abrogées – je peux vous dire que ce travail de Pénélope, il a fallu le porter et il touche votre quotidien. Je n'ai pas entendu de protestation. Cela veut dire qu'elle ne servait pas forcément à grand-chose. Ce travail, il faut le poursuivre. Et là aussi, j'en appelle aux bonnes idées. Mais ne sous estimez pas une chose : simplifier, c'est complexe parce que supprimer un texte, une circulaire, c'est s'assurer qu'il ne servait à rien. Donc il faut tester les gens, il faut le vérifier. Vous le savez bien. Et donc, j'ai besoin de vous pour que ce travail se poursuive.

Un nouveau service, le rescrit normatif sera créé dans les préfectures et sera valable dès le début du mandat prochain et permettra de sécuriser tous les projets sur le plan juridique. De la même manière, déconcentrer la décision, c'est simplifier pour vous. On est plusieurs dans cette salle à être attachés à cela, je le sais. Plus de 1 000 procédures administratives ont été déconcentrées au plus près du terrain. Ça veut dire quoi ? Que sur ces 1 000 décisions, 1 000 types de décisions. Là où bien souvent, le préfet, le directeur d'administration locale vous disait : je ne peux pas vous donner la réponse, je dois demander à Paris, la décision peut se prendre sur le terrain de manière concrète. C'est plus de responsabilité, plus de rapidité, plus aussi de simplicité et de souplesse.

L'intercommunalité, nous l'assouplissons, répartition des compétences entre les communes, périmètres des EPCI, conseil des maires. Tout est mis en place pour tout à la fois mieux s'organiser et respecter les libertés locales. Et là aussi, les avancées qui émanent de ce débat, porté et acté encore ces dernières heures. Nous l’évoquions ensemble un instant, Président, le premier ministre et les ministres permettront utilement d'avancer et ce jusqu'au bout du chemin de ce texte de loi pour que les maires puissent choisir. Pour que les maires élus au suffrage universel ne puissent jamais être en quelque sorte simplement les récipiendaires d'instructions d'une autre collectivité.

Vous souhaitez aller plus loin encore dans la souplesse d'organisation. J'y suis prêt. De manière là aussi très concrète. Alors, vous m'avez interpellé sur ce point, monsieur le Président, et je veux y revenir d'abord pour dire qu’en la matière, là aussi, le texte de loi. C'est sur ce sujet, les seules décisions qui ont été prises par ce Gouvernement et cette majorité. J'entends vos protestations à juste titre. Mais il ne faut pas opposer au Gouvernement ou à vos parlementaires des décisions de jadis. Il faut quand même être clair sur ce point. Ou alors, citez-moi les discours où j'aurais porté de l'intercommunalité forcée. Citez-moi les discours où j'ai nié la force démocratique du maire. Citez-moi les discours et les actes qui ont fait le contraire. Chers amis, il vous est arrivé d'avoir des prédécesseurs, il faut les respecter. Vous n'êtes pas obligé de tout prendre. J'en prends déjà assez. Je considère qu’en ce moment, collectivement, nous prenons notre part, y compris des conséquences parfois dont les causes ne nous appartiennent pas totalement. Donc, continuons d'avancer collectivement. Et je veux insister pour vous dire que le Gouvernement est là, le Parlement est là et les réponses seront apportées comme vous l'avez voulu.

Alors maintenant, comment aller plus loin ? Continuer à déconcentrer. J'y crois très profondément. Le Premier ministre a annoncé des décisions fortes, plus de 6 000 fonctionnaires qui seront ramenés sur les territoires. Il faut poursuivre ce mouvement. Et il faut le poursuivre en particulier de l'échelon régional à l'échelon local. C'est indispensable. Les grandes régions ont permis parfois de regrouper des services mais elles ont permis sur certains sujets, où elles ont plutôt conduit sur certains sujets, à recréer de la concentration régionale et à éloigner la décision du terrain. Ce n'est pas une bonne chose, et donc je souhaite que collectivement, le Gouvernement et le Parlement puissent avancer sur ce sujet de manière très concrète. On l'a évoqué avec plusieurs d'entre vous en matière de logement, sur beaucoup d'autres sujets et des décisions qui étaient parfois prises au niveau du département, soit au niveau de la région. Ce n'est pas bon. Et je dirais plus : le numérique dont on parle tant, auquel nous tenons, qui nous permet de recréer de l'industrie, de développer des emplois sur notre territoire doit nous permettre aussi d'être inventif en matière d'organisation de l'État. Pourquoi, parce qu'il y a le numérique, on devrait demander à tous nos agents, à tous nos fonctionnaires, d'aller dans la capitale régionale ou à Paris, pour faire des travaux d'intérêt général et expliquer à nos concitoyens « Vous voulez joindre vos fonctionnaires ? Internet ou le téléphone ? » Au contraire, on peut laisser ou remettre des fonctionnaires et des agents sur le terrain et grâce au numérique, leur permettre de faire des tâches communes pour le compte de la région ou même plus largement. Je crois que c'est beaucoup plus porteur d'avenir. Qui plus est, bien souvent dans des territoires où le déplacement est moins compliqué, le logement moins cher, les conditions de vie plus agréable. Et donc, il nous faut là aussi reconstruire ces équilibres nouveaux, réinventer les choses, changer des habitudes qui avaient été acquises.

C'est ce qui a commencé à être fait et qui continuera de l'être avec force. Et en la matière, le projet France Service est d'ailleurs un levier. Et croyez en mon exigence sur le sujet, ce ne sera pas un paravent. Ce sera bien une ambition nouvelle de la présence, des compétences sur les territoires et de l'innovation aussi pour tous nos services, comme d'ailleurs pour tous les grands partenaires de l'Etat. Je pense à la Poste qui peut permettre, non pas dans France Service, mais en allant au plus près de nos concitoyens comme elle commence à le faire en matière de santé, pour apporter du service jusqu'à nos concitoyens, pour lui inventer une nouvelle mission d'intérêt général dont, dans nos campagnes, les plus isolées ont besoin, dont, dans aussi certains quartiers de la République, certains ont besoin.

Différenciation, c'est le deuxième levier après la déconcentration. Nous avons commencé à le faire, beaucoup ont joué le jeu, ces fameux contrats permettent de mieux répondre. Il y a les contrats dits de cœur que les plus grosses collectivités ont souvent signés et qui produisent leurs effets, il y a aussi les contrats de différenciation, d'actions. De la Creuse, cher Président, jusqu'aux Ardennes, en passant par la Bretagne, à tous les niveaux, des contrats ont été signés par le Gouvernement qui ont permis de bâtir des actions concrètes de projets sur le terrain. De différencier, c'est une manière aussi d'avancer efficace, beaucoup plus forte. Et je souhaite que nous puissions franchir un pas supplémentaire. Je sais que nous sommes beaucoup dans cette salle à le vouloir par la réforme constitutionnelle qui permettra d'instaurer un droit à la différenciation. Et là, je sais compter sur chacun pour que nous puissions aller au bout de cette idée. Et puis la troisième, après la déconcentration, la différenciation, c'est la décentralisation.

Vous l'avez évoqué et je souhaite que sur ce sujet nous puissions avancer. Mais je vais vous dire quelque conviction en la matière. Il y a eu plusieurs vagues de décentralisation, et nous essayons collectivement d'en faire le bilan. Elles ont dans beaucoup de cas, réussi à mener une action plus concrète, en effet, plus proche des territoires. Mais le bilan que j'en tire pour l'Etat, trop souvent, l'Etat a essayé de garder une partie de la compétence et n'a pas fait toutes les économies. Et parfois d'ailleurs, nous avons collectivement perdu de la compétence, prenons les routes : est-ce qu'on est aussi bon sur ce sujet qu'il y a 40 ans ? Je ne suis pas sûr. Les ponts, on en parle en ce moment, est-ce qu'on est aussi bon ? Pas sûr. Donc il faut que la décentralisation s'accompagne de choix clairs du côté de l'Etat, il doit lâcher toutes les compétences quand il les décentralise, mais il ne faut pas que ça conduise à de la perte collective de connaissances et que d'un seul coup, on se réveille et qu'on se dise : là, on n'est plus aussi bons qu'avant.

Ensuite, on a parfois décentralisé des compétences sans donner les moyens comme le RSA et les départements. Est-ce que c'est de la bonne décentralisation ? Non, on l'a plusieurs fois évoqué. Ça fait maintenant des années, quasiment depuis le premier jour, que des débats sans fin se nouent pour savoir si la compensation est la bonne. Et qui plus est, on a décentralisé une compétence sur laquelle la collectivité en charge n'avait quasiment pas de moyens d'action. Est- ce que c'est de la bonne décentralisation ? Moi, je veux bien décentraliser des compétences, mais si la collectivité ne peut rien faire est un payeur aveugle, ce n’est pas cohérent. J'en ai tiré une conviction simple qui, peut-être, peut rendre les choses plus compliquées qu'elles ne le semblent au premier abord : quand on décentralise une compétence, il faut décentraliser les moyens clairement, et la dynamique des moyens clairement. Est-ce qu'il y a, sur chacune de ces compétences, une dynamique et une fiscalité claire ? Non. Vous me parlez du foncier pour les départements. Mais si le foncier avait la même dynamique que le RSA, ça se serait vu depuis longtemps. Nous devons prévoir des péréquations en permanence. Si les départements qui touchent le plus de foncier et de droits de mutation à titre onéreux étaient les départements qui avaient le plus de bénéficiaires de RSA à accompagner, la France serait plus heureuse. Rien à voir. Il y a une ressource fiscale, elle n'a rien à voir avec la dépense. Est-ce que c'est de la bonne décentralisation ? Vous conviendrez avec moi que non. On fait de la bricole en permanence, on fait de la péréquation tous les ans, vous le savez bien. Donc cette émotion me touche, mais elle n'est pas féconde. Si on veut avancer, il faut regarder en effet quelle fiscalité ou parts de fiscalité on donne aux collectivités en décentralisant.

Nous, nous avons un fétichisme français : l'autonomie fiscale. Je regarde les grands pays décentralisés autour de nous, ils sont beaucoup plus décentralisés que nous, ils n'ont pas d'autonomie fiscale. Ils ont une chambre qui, chaque année, en effet, discute des ressources fiscales qui sont affectées aux collectivités, chaque niveau avec des règles claires. Peut-être qu'il faut en arriver à cela, et moi, j'y suis favorable parce que, je vais vous dire, l'autonomie fiscale a deux problèmes. La première : il n'y a jamais une fiscalité qui correspond à la bonne compétence, donc il y aura toujours des péréquations et de l'illisibilité, c'est vrai. Les seuls qui peuvent avoir une fiscalité propre, ce sont les communes, qui ont une clause de compétence générale. C'est pour ça que j'assume le foncier. Et ne me dites pas : « il y a des gens qui sont exonérés qui ne payent pas. » Dans la commune de Troyes, il doit y avoir 70 % des gens qui ne payent pas la taxe d'habitation, on en parlait l'autre jour. Ce n'est pas pour autant qu'ils n'avaient plus de lien avec la vie dans la commune. Donc il n'y aura jamais la bonne fiscalité, en tout cas pour les départements et les régions.

Par contre, il faut qu'il y ait une dynamique fiscale qui corresponde à la dynamique des compétences, qu'il y ait une visibilité qui soit donnée, et c'est vrai que nous ne sommes pas bons sur ce sujet. Donc est-ce qu'on peut peut-être évoluer dans notre capacité collective à la fois à moderniser nos impôts, à clarifier les responsabilités fiscales et de compétences ? Je l'espère, parce que vous savez, sinon, on vit dans une société où, selon les niveaux, on augmente les impôts d'un côté, on les baisse de l'autre. C'est illisible pour nos concitoyens. Qu'est-ce qui s'est fait ces dernières années ? Je parle du mandat précédent. Vous l'avez dit, les dotations ont été baissées massivement, mais c'est de la fiscalité locale qui a souvent été augmentée massivement, souvent au niveau intercommunal, avec souvent d'ailleurs des gens qui ne savaient plus qui faisait quoi. Est-ce que c'est démocratiquement souhaitable ? Je vous livre ma conviction : non.

Donc oui à la décentralisation, mais oui à la décentralisation où les compétences sont accompagnées d'une décentralisation claire des financements qui vont avec, avec la bonne dynamique et la visibilité. Si on trouve des morceaux d'impôts nationaux qui ont cette dynamique, allons-y. Si on pense que c'est en regardant nos voisins qu'il faut le faire, j'y suis favorable, et dans ces cas-là, c'est un changement constitutionnel vers lequel il faut peut-être aller. Je le dis devant le Président du Sénat, j'y suis ouvert, plus que ça, à titre personnel, favorable. Et de l'autre côté, en décentralisant les compétences, il faut décentraliser les responsabilités. Et là aussi, on ne peut pas dire : je prends les compétences mais quand il y a un problème... Vous le savez, vous, quand il y a un problème on vient vous voir. Bon, quand ce n'est pas vous, c'est moi, si je puis dire, quand même bien souvent. C'est trop souvent le cas. On dit : j'ai les compétences. Les départements font un travail extraordinaire sur l'aide sociale à l'enfance. Quand il y a un gros coup de grisou, on dit que c'est l'Etat, comme si on avait oublié qu'on avait décentralisé les compétences. Je veux bien. On a décentralisé imparfaitement certaines compétences de mobilité ou de développement économique, dès qu'il y a un problème, on dit : c'est l'Etat. Quand une entreprise ferme, je n’ai jamais vu une région dire : « c'est ma responsabilité, je vais le faire. » On dit : « l'Etat ne nous aide pas assez. » On me parle de l'emploi. Si ça va avec la responsabilité, c'est simple, ça veut dire que maintenant, dans les élections régionales, quand les gens votent pour la région, ils disent : « je vote pour la politique d'emploi. » Et quand le Président, les parlementaires iront aux élections, ils diront : « attention mes chers amis, l'emploi, ce n'est pas chez moi, c'est la région. Moi, je n'y peux rien, à l'emploi. » On n'est pas ce pays-là. Je vais vous rassurer, l'Allemagne, grand pays fédéral, n'a pas décentralisé l'emploi.

Le problème qu'on a, c'est qu'on a décentralisé des compétences sans décentraliser les responsabilités, et je le dis aussi pour protéger les collectivités ici présentes. Personne en France ne veut avoir un RSA par département, personne. Ça n'est pas comme ça que la nation s'est bâtie. On ne va pas dire : « les politiques sociales, il faut complètement les décentraliser au niveau du département. » Donc les gens veulent prendre des compétences et pas les responsabilités. On ne peut pas avancer comme ça. Donc oui à un grand débat, une grande avancée sur la décentralisation, mais à condition de dire que la compétence va avec la responsabilité démocratique, et claire, et avec des financements clairs, qui ont la même dynamique, et là, nous serons heureux.

Sur cette base, j'y suis ouvert sur tous les sujets. On parlait de logement, j'y suis très ouvert. Vous parliez de culture, il y en a déjà beaucoup. On peut faire, là aussi. Plus de sport, j'y suis favorable suivant ces règles qui sont celles de la clarté et de la responsabilité partagée. Vous l'aurez compris, Mesdames, Messieurs, chers amis, je n'ai d'autre obsession que d'agir, de transformer, de faire avec vous, car à la fin, il n'y a que ça qui compte et c'est cela que nous laisserons : une action.

Alors je sais, les mois à venir auront un tour un peu particulier, avec les élections municipales qui se profilent. Certains d'entre vous se représenteront, et je sais que vous serez nombreux, avec aussi de nouveaux engagés actifs ou retraités, jeunes ou moins jeunes, femmes ou hommes, qui feront le choix de donner un peu de leur vie aux autres. Certains d'entre vous se revendiqueront d'étiquettes partisanes, d'autres non. Je crois, sur ce sujet, qu'il faut laisser une totale liberté, n'enfermer les maires dans aucun clivage.

Les élections locales ne sont pas là pour être utilisées à des fins partisanes. Vous avez besoin de rassembler et d'agir. Ce qui compte, c'est l'engagement. Ce qui compte, c'est que la République demeure vive. Ce qui compte, c'est que les maires de France unissent encore et encore la société, façonnent encore et encore le pays, continuent à forger ce que nous sommes, ce peuple enraciné, ces paysages, ces différences, et répondent à ces ambitions contemporaines, car oui, comme je l'ai dit, notre pays traverse, et je conclurai sur ce point, une période peut-être unique quand on se retournera sur elle, où ces fractures que j'évoquais sont là, où en même temps les opportunités sont à portée de main, où quelque chose se réinvente tout à la fois de nos vies, de nos territoires, de notre continent comme du reste du monde. Et je crois, dans ce moment, une fois encore, que votre rôle est en effet essentiel.

Alors oui, vous l'avez dit, Président, il y a un an, lorsque le pays s'embrasait, j'ai fait appel à vous, ou plus exactement je vous ai regardés et vous m'avez inspiré. J'ai regardé les premiers maires, les premiers d'entre vous qui ont, parce qu'il y avait certains de nos concitoyens qui étaient dans les rues ou les ronds-points, parce que la violence était là, qui ont ouvert leurs mairies, qui ont proposé. Certains sont venus me voir avec des propositions concrètes. Et de Poissy à Gargilesse-Dampierre en passant par toutes les communes de France, vous avez pris des risques, vous avez proposé et innové.

J'ai, en ce moment, une pensée et un remerciement particulier pour Vanik BERBERIAN qui, avec ces maires, est venu me présenter ses premiers cahiers qu'il avait ouverts en mairie. Il a aujourd'hui des combats plus intimes, mais il a eu beaucoup de courage, beaucoup de courage.

Mais j'ai une pensée pour vous toutes et tous qui vous êtes engagés, en vous confrontant de salles polyvalentes en mairies, de préaux d'école en salles de classe, parfois à la colère pour lui redonner un cadre. Vous avez écouté, vous avez souvent expliqué, vous avez aussi relayé. Je vous ai retrouvé à chaque fois avec des propositions, des voix portées et une ambition.

En concluant mon propos, je voulais vous remercier d'avoir fait vivre cette République si vivante, si diverse, mais debout, forte d'avoir donné un cadre aux colères et aux indignations et d'avoir montré, une fois encore, que notre République est forte. Notre République continuera, dans les mois qui viennent, à affronter ces peurs, mais je sais ce que nous avons vécu ensemble et ce que nous avons fait ensemble, et cela me rend formidablement optimiste. La République, ce n'est pas une nostalgie. La République, ce n'est pas non plus un immobilisme. La République, c'est une volonté. C'est un projet unique de liberté, d'égalité, de fraternité. Ce sont des droits, on les rappelle chaque jour, on se combat pour les étendre, mais aussi des devoirs, devoirs pour les responsables que nous sommes partout, devoirs pour nos concitoyens, et il faut leur rappeler toujours. S'il n'y a plus de devoirs, il n'y a pas de droit qui tienne. Devoir de respecter l'autre, devoir de respecter la quiétude et l'ordre public, parce que c'est la garantie de la liberté, de conscience, d'expression comme de manifestation, devoir de civilité car la démocratie interdit la haine, précisément parce qu'elle est libre, devoir d'aimer cette collectivité qui nous unit et qui, précisément, est celle qui prodigue des droits et sans laquelle rien ne tient. Et de la commune à la nation, tel est notre rôle : rappeler les droits et les devoirs à chacun, ne jamais oublier cet « en même temps » républicain auquel je crois profondément.

Oui, la République, c'est cette soif d'agir, ce sont ces mille fils tendus, cette amitié profonde que nous devons rappeler à nos concitoyens. C'est cela ce que, durant tous ces mois, vous avez montré. C'est cela, je vous parle très franchement, que nous aurons encore à faire jusqu'aux élections prochaines et au-delà, car nous ne réglerons pas en un jour ce défi et continuerons d'être devant, nous, et nous aurons à le porter, mais c'est ce qui nous unit, quelles que soient les sensibilités, les diversités. Alors je suis formidablement optimiste, en vous retrouvant ce soir et en vous sachant au travail dans les prochains jours avec le Gouvernement. Je vous ai vu à l'œuvre, je vous ai vu faire et avancer, et je sais qu'avec vous, la République, c'est une volonté de chaque jour. Nous l'avons et nous l'aurons.

Alors vive les maires de France, vive la République et vive la France.


Emmanuel Macron, le 19 novembre 2019 à la Porte de Versailles, à Paris.

Source : www.elysee.fr/

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20191119-discours-macron-amf.html


 

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23 octobre 2019 3 23 /10 /octobre /2019 03:58

« Aujourd’hui, ma préoccupation, c’est une démocratie privée d’acteurs. Les anciens partis se sont dilués, les nouveaux se sont effacés. Le danger, c’est que faute de mouvements politiques qui structurent l’opinion, l’extrémisme, le populisme et même le communautarisme prospèrent sur le terreau de la peur. » (François Hollande, "Le Parisien", le 21 octobre 2019).



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Et voici que l’ancien Président de la République François Hollande refait parler de lui. Il faut dire que depuis deux ans et demi, il se croit irremplaçable et incontournable. Il croit qu’il reviendra à l’Élysée triomphalement en 2022, ou en 2027, ou en 2032 ou en… Il n’a toujours pas compris que contrairement à ses prédécesseurs et à son successeur, il n’avait pas la compétence pour le "job", et s’il a été élu, c’est par une double chance, une chance incroyablement improbable, les ennuis sofitéliens de Dominique Strauss-Kahn (rappelons que c’était lui, le favori de 2012), et la persistance d’un très fort antisarkozysme.

Maintenant, les deux anciens rivaux sont des "ex", et comme ils sont encore jeunes (sexagénaires), ils pensent encore avoir un rôle à jouer. Il ne faut pas le leur reprocher. Ancien Président de la République à 54 ans, Valéry Giscard d’Estaing a mis vingt-trois ans, presque un quart de siècle, à comprendre qu’il ne redeviendra plus l’incontournable et qu’il fallait trouver la lucidité de se retirer sur la pointe des pieds.

Nicolas Sarkozy, lui, a compris quatre ans après son échec de 2012, après son échec à la primaire LR de novembre 2016. Il a abandonné toute idée de retour et profite de la vie, de sa famille, des portes qui s’ouvrent un peu partout dans le monde (et probablement, bientôt, de quelques procès). À l’occasion, il aide son successeur en titre quand il le faut. Ce mardi 22 octobre 2019, Nicolas Sarkozy a en effet représenté le Président Emmanuel Macron, ce dernier en déplacement à Mayotte, lors de l’inauguration (sacre ?) du nouvel empereur du Japon Naruhito à Tokyo.

En fait, Emmanuel Macron avait proposé le rôle à François Hollande, mais ce dernier a poliment refusé. Représenter son ancien secrétaire général adjoint de l’Élysée ? De toute façon, François Hollande n’a pas une journée de libre, en ce moment, il mitraille de sa communication pour vendre son second livre depuis son départ de l’Élysée, "Répondre à la crise démocratique" (éd. Fayard), un livre en fait d’entretien avec Terra Nova. Certainement pas de la haute littérature, mais je ne juge pas car je ne l’ai pas eu entre les mains.

En revanche, j’ai lu l’entretien qu’il a accordé au journal "Le Parisien" publié ce lundi 21 octobre 2019 (propos recueillis par Jannick Alimi et Henri Vernet). L’imposture continue, mais heureusement, désormais sans conséquence ! La "séquence" du calendrier de François Hollande, c’est de dire : il faut changer les institutions. Les retraites, le chômage, la crise kurde en Syrie, le Brexit, la possibilité de faire naître des animaux avec des cellules souches humaines, etc., bref, tout cela, ce n’est pas important pour lui. Ce qui importe pour lui, c’est de casser justement ce qui fonctionne le mieux en France, ses institutions, installées grâce à la clairvoyance d’un héros que maintenant tout le monde regrette, même les héritiers de l’OAS, à savoir le Général De Gaulle.

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Je vais ici présenter ses quelques propositions, du reste pas du tout originales, et je lui épargne même cette question : "Pourquoi ne l’avez-vous pas fait pendant votre quinquennat ?", car "bien sûr", ses propositions ont mûri avec son expérience présidentielle et il a fallu tout ce temps pour y réfléchir. Du reste, il n’avait pas beaucoup de temps pour réussir une révision de la Constitution, puisqu’il n’a eu une majorité au Sénat et à l’Assemblée Nationale qu’entre juin 2012 et septembre 2014, situation qui aurait pu lui permettre de rassembler la majorité des trois cinquièmes nécessaire.

Mais avant, rappelons quand même son bilan en matière institutionnelle. Un bilan catastrophique, pour deux grandes réformes qui ont montré leur toxicité institutionnelle depuis qu’elles sont appliquées.

La première fut l’obligation du regroupement des communes à marche forcée, des grandes communautés de communes ou d’agglomération qui ont complètement noyé les petites communes. En effet, auparavant, tous les maires pouvaient être présents au sein du bureau exécutif d’un rassemblement d’une vingtaine de communes. Mais à soixante, cent, les maires des plus petites communes sont totalement exclus du processus décisionnel et cela devient une sorte de surstructure bureaucratique qui enlève de fait le pouvoir des citoyens, même si ceux-ci élisent en même temps que leurs conseillers municipaux les membres de ces rassemblements de communes (mais en une seule élection, donc, pour la plupart des électeurs, ils ne le savent même pas quand ils votent). Aucun avantage à rassembler des communes qui ne vivent pas dans le même bassin de vie, d’emplois, de culture. Et surtout pas des économies d’échelle. Au contraire, les administrations se superposent.

La seconde réforme institutionnelle fut ce fameux regroupement complètement artificiel des régions, en grandes régions. Le prétexte était de faire des économies. Hélas, une récente étude a montré que cela avait coûté plus cher aux contribuables que s’il n’y avait pas eu ce regroupement. En Occitanie, les dépenses de transports sont très chères, et il n’y a pas d’hôtel de région capable de réunir tous les élus (on avait cru qu’il y aurait moins d’élus, mais pas du tout, il y en a autant). De plus, les regroupements ont fait des régions très artificielles, comme le Grand-Est (quelle horreur, ce nom) alors que la Lorraine est tournée vers le Luxembourg et la Sarre (on parlait déjà dans les années 1970 du bassin économique Sarlorlux en prenant aussi la partie luxembourgeoise de la Belgique), la Champagne-Ardenne est tournée vers la Belgique et l’Alsace vers la Suisse et le Bade-Wurtemberg.

Au-delà de la stupidité financière (cela coûte plus cher, et quand cela coûte moins cher, comme en Rhône-Alpes-Auvergne, c’est par une politique de restriction budgétaire voulue par son président Laurent Wauquiez), et de l’absence de logique géographique (pourquoi pas de regroupement de la Bretagne dont le conseil régional était dirigé par Jean-Yves Le Drian ? pourquoi a-t-on gardé les Pays de la Loire qui était une région très artificielle ? à cause de Jean-Marc Ayrault ? etc.), cette réforme a même mis en danger l’identité des citoyens par rapport à leurs régions en donnant des noms de régions complètement désincarnés, comme "Hauts de France" pour la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie alors que j’aurais plutôt imaginé les "Hauts" dans les Alpes et pas proches de la mer du Nord. Tout comme le "Grand-Est" qui ne donne qu’un vague sentiment d’appartenance, certainement pas historique (enfin, au moins, ce n’est plus au Nord, car beaucoup de gens du Sud mettent les gens de l’Est au Nord ! ce qui est cependant vrai par rapport au Sud). Au point que l’excellent dessinateur Plantu avait proposé, dans un dessin humoristique, une carte de France avec pour régions : "En haut", "À droite", "En bas à gauche", etc. ! Le seul regroupement cohérent et positif était celui des deux Normandie. Les autres, cela coûte plus que cela économise. Imaginez Charleville-Mézières et Strasbourg dans la même région ! Ou Châtellerault et Biarritz.

Par ailleurs, François Hollande a refusé d’appliquer la réforme régionale de Nicolas Sarkozy qui visait à faire élire un conseiller territorial qui siégerait à la fois dans les conseils régionaux et les conseils départementaux, ce qui aurait optimisé la structure intermédiaire entre la commune et la nation. De plus, il a rassemblé les cantons ce qui a dénaturé complètement l’intérêt des conseils départementaux dont le but était la proximité avec les endroits les plus reculés.

De ces erreurs politiques maintenant démontrées, il n’en a pas été question de cette interview. Mais François Hollande, dans son incompétence institutionnelle désormais connue, veut continuer le chamboule-tout au niveau national et républicain : à bas la Cinquième République et …vivent les institutions américaines ! Au moment même où on a pu observer les limites de ces institutions, non seulement depuis l’arrivée de Donald Trump, mais même lors de la première élection de Georges W. Bush dont le décompte des voix en Floride reste toujours incertain près de vingt ans plus tard. Le mode d’élection est aussi le résultat d’une histoire très particulière des États-Unis.

Mais revenons à l’entretien pour "Le Parisien". Dans son introduction, François Hollande a expliqué que le Président a trop de pouvoir et le Parlement pas assez, ce qui n’est pas vraiment très original, même François Mitterrand le disait avant 1981, et pourtant, aucun des deux n’a changé cette pratique (c’est une question de pratique et pas de texte : donner du pouvoir au Parlement, rien ne l’interdit ; par exemple, la majorité peut autoriser des commissions d’enquête).

En fait, François Hollande voudrait s’en prendre à l’ambivalence de notre Constitution, or, c’est justement cette ambivalence qui permet la souplesse et la stabilité : régime qu’on dit semi-présidentiel à parlementarisme rationalisé (selon l’expression de Maurice Duverger). François Hollande, refusant justement la spécificité institutionnelle française qui a montré ses preuves depuis soixante ans, voudrait en revenir au seul choix entre régime parlementaire et régime présidentiel.

Dans ce clivage manichéen, François Hollande a éliminé le régime parlementaire car l’élection du Président de la République au suffrage universel direct est un acquis qui est irréversible : non seulement les Français y sont attachés (les taux de participation le démontrent) mais en le leur supprimant, on enlèverait une partie importante de leur libre-arbitre et donc, de leur souveraineté.

François Hollande a ajouté un élément d’expérience personnelle : « Cette solution (…) n’est pas non plus conforme à un pays comme la France qui doit être en mesure d’affronter les crises. Pour être intervenu comme je l’ai fait au Mali et en Syrie, pour avoir surmonté l’épreuve des attentats, je sais ce que représente la prérogative présidentielle de devoir agir et agir vite. ».

Sur ce point, je suis bien sûr en accord avec l’ancien Président de la République, mais ce dernier propose cependant la suppression de l’article 16 (pouvoirs exceptionnels) et du 49-3 (vote de la loi engageant la responsabilité du gouvernement) qui sont justement les outils (surtout le dernier, 49-3) de cette capacité à agir vite. Rappelons d’ailleurs que cet article a été utilisé plusieurs fois en 2015 et 2016 pour le vote de ses propres lois ! (C’est toujours du Mitterrand dans le texte : la Constitution est dangereuse sauf quand c’est moi qui suis au pouvoir).

Mais après cette tirade sur son expérience, il a poursuivi immédiatement en mélangeant complètement les choses : « En outre, il suffit de regarder l’image que donnent les régimes parlementaires comme la Grande-Bretagne avec le Brexit, ou l’Espagne et l’Italie, avec des coalitions changeantes, voire impossibles, pour être convaincu que cette formule n’est vraiment plus la plus pertinente. ».

Il a tout mélangé. Car pour les "coalitions changeantes", ce n’est pas le type de régime qui est en cause mais le mode de scrutin, la proportionnelle, qui émiette l’assemblée autant que la nation est politiquement émiettée. Cela allait dans les années 1970 quand des grands courants politiques représentaient 30 à 40% de l’électorat, mais aujourd’hui, l’émiettement, dans toutes les démocraties, est tel que seul le scrutin majoritaire permet plus facilement la constitution d’une majorité. L’exemple de l’État d’Israël en est le meilleur exemple, puisque, au bout de deux élections législatives, il n’y a toujours pas de gouvernement et que de nouvelles élections vont probablement encore avoir lieu.

Par ailleurs, François Hollande a oublié le cas du Portugal et de l’Autriche (il y a eu des élections législatives récemment dans ces deux pays), pays à régime parlementaire, et qui, pourtant, élisent leur Président de la République au suffrage universel direct.

Quant au cas britannique, c’est très différent et cela ne concerne que le Brexit, qui est une séparation après quarante-sept ans de "vie communautaire" juridique (deux générations !), et les électeurs ont voté en 2017 pour une majorité de députés qui sont contre le Brexit approuvé par les mêmes électeurs en 2016. Le problème, dans ce cas particulier, c’est la cohérence du choix du peuple !

Tout comme on a reproché à Nicolas Sarkozy d’avoir fait voter le Traité de Lisbonne malgré le non de 2005, et pourtant, il avait clairement dit pendant sa campagne ce qu’il a fait en Europe, et il a été élu, du reste, les trois premiers candidats (Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal et François Bayrou) rassemblant les trois quarts des voix, s’étaient engagés de la même manière. Le fait démocratique n’est pas forcément une suite logique et cohérente (d’autant plus qu’en France, depuis 1978, il y a eu quasiment tout le temps des alternances à l’Assemblée, à chaque scrutin législatif sauf en 2002).

Bref, François Hollande a donné des arguments peu convaincants pour défendre la fin également de la dissolution de l’Assemblée Nationale, un outil dont il veut priver l’Exécutif alors que même les gouvernements de la Quatrième République pouvaient en user (par exemple, en fin 1955). Au contraire, de nouvelles élections sont l’un des moyens, entre autres, de résoudre une crise politique majeure (1962, 1968). Tout comme la motion de censure.

En fait, le système fonctionne tellement bien sous la Cinquième République que le gouvernement peut gouverner même en période de cohabitation, c’est-à-dire, quand la majorité parlementaire est différente de la majorité présidentielle.

Lui, il veut supprimer carrément le poste de Premier Ministre. Il y a un réel côté amusant de voir François Hollande vouloir supprimer le poste de Premier Ministre. Car sans Manuel Valls, quelle aurait été son autorité présidentielle ? On a vu quand c’était Jean-Marc Ayrault à Matignon, son double ectoplasmique. François Hollande a minimisé les dégâts de son quinquennat car il avait eu l’audace de nommer une personnalité (pourtant minoritaire dans son camp) qui a pu incarner, beaucoup mieux que lui, l’autorité et le pouvoir exécutif.

Du reste, on voit bien l’intérêt d’un Premier Ministre malgré ce qu’on a pu appeler l’hyperprésidentalisation. Je dirais plutôt l’hyperprésidentialisme, et pas –tialisation, car même sous De Gaulle, le Président de la République s’est préoccupé de tous les sujets gouvernementaux, pas seulement du prétendu "domaine réservé" des affaires étrangères. J’ai donné récemment l’exemple de l’éducation, où De Gaulle appuyait les réformes de René Haby dans les années 1960 contre la volonté du Ministre de l’Éducation nationale qu’il avait pourtant nommé.

L’intérêt de la fonction de Premier Ministre, on a pu le voir sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy et sous l’actuel mandat d’Emmanuel Macron. On ne peut pas dire que les Présidents étaient inactifs, et pourtant, respectivement François Fillon et Édouard Philippe leur ont été précieux et indispensables. François Fillon mettait en œuvre la politique présidentielle, se préoccupait d’avoir des soutiens et des relais au Parlement. Quant à Édouard Philippe, on voit bien aujourd’hui, surtout depuis le printemps, son importance majeure dans la gouvernance d’Emmanuel Macron. En gros, pour simplifier, le Président de la République est le compositeur et le Premier Ministre est l’interprète de la musique nationale.

Cette idée du régime présidentiel est loin d’être nouvelle en France. Elle a été proposée par Édouard Balladur dans les années 1980. D’autres y étaient favorables, comme Jacques Barrot. C’est ce que j’appellerais une "tarte à la crème" ou un marronnier, sujet qu’on ressort périodiquement quand on n’a rien d’autre à proposer.

Autre proposition très gadget, l’allongement du mandat présidentiel à six ans ! Le sextennat ! François Hollande veut américaniser les institutions (régime présidentiel), mais russifier le mandat présidentiel : en effet, Vladimir Poutine avait réformé la durée du mandat présidentiel qui est passée de quatre à six ans, toujours limité à deux successifs, ce qui lui permet de rester à la tête de la Russie (depuis décembre 1999) jusqu’à mai 2024.

Là encore, l’idée n’est pas nouvelle. Quelques années après la fin de son septennat, Valéry Giscard d’Estaing, dans son livre "Deux Français sur trois" a, lui aussi, bien avant François Hollande, proposé un mandat présidentiel à six ans. Il a pris les mêmes arguments que son lointain successeur : « Sept ans, c’est trop long (…). Cinq ans, c’est trop court. Comment admettre qu’un Président de la République ait un mandat plus court qu’un président de conseil régional ou un maire qui l’est pour six ans ? ». Finalement, ce fut Valéry Giscard d’Estaing qui poussa le Président Jacques Chirac et le Premier Ministre Lionel Jospin à faire le quinquennat en septembre 2000.

Le quinquennat était un vieux serpent de mer. Il a été proposé par le Président Georges Pompidou qui, malade, ne se voyait pas finir son septennat (il a eu hélas raison). La réforme a été abandonnée faute de majorité des trois cinquièmes au Parlement. Les arguments proposés étaient que cela allait renforcer le pouvoir présidentiel. Effectivement, la légitimité renouvelée de manière plus fréquente donne plus d’autorité au Président de la République, et pas moins. L’argument de la comparaison avec le mandat d’un simple élu local est assez désespérante pour un ancien Président de la République car les fonctions ne sont absolument pas comparables. C’est juste un sophisme.

Comme j’étais opposé au quinquennat (et favorable au septennat), je n’ai donc pas envie de défendre le mandat de cinq ans, mais je pense qu’il serait très difficile de rallonger le mandat présidentiel dans le contexte actuel où un an est déjà ressenti comme un siècle par les électeurs épris de réseaux sociaux, de zapping, de désenchantement systématique. Ce serait leur voler une partie de leur pouvoir. D'autant plus que le quinquennat a été approuvé par référendum.

En revanche, il y a une véritable difficulté qui est la concomitance de l’élection présidentielle et des élections législatives (qui n’est pas institutionnalisée par les textes et au moindre dérèglement, c’est-à-dire l’anticipation d’un des deux scrutins, l’autre ne suivrait pas, sauf dissolution dans le cas de l’élection présidentielle). Cette concomitance empêche tout débat national sur le programme parlementaire. Le meilleur moyen de découpler ces deux élections, c’est de rendre différente la durée du mandat du Président et de celui des députés.

En clair, comme on ne peut pas changer le mandat présidentiel sans entamer le sentiment démocratique, la seule solution serait de réduire à quatre ans le mandat des députés (c’est du reste la proposition également de François Hollande). Quatre ou cinq ans, ce sont les durées habituelles dans les démocraties (aux États-Unis, c’est deux ans pour les représentants). Mais est-ce si urgent ? A-t-on besoin de discussions byzantines quand la maison brûle ?

François Hollande a aussi une autre motivation pour préconiser le sextennat. C’est qu’il pense que les fruits de sa politique auraient mûri et que son action aurait été reconnue : « Je n’ose pas dire qu’en six ans, les résultats de ma politique économique auraient été sans doute plus visibles. (…) Il faut du temps pour qu’une politique se traduise dans la réalité. ». Pourtant, le chômage n’a jamais baissé sous son quinquennat et la dette est montée dans des sommets jamais atteints. Ce n’est pas un an de plus qui lui aurait permis cette "reconnaissance" si attendue des Français.

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Il a dit qu’il aurait voulu avoir six ans de mandat, mais il n’a jamais que navigué à courte vue, changeant sans arrêt de paradigme économique, social et fiscal : les emplois aidés la première année, le CICE la deuxième année, la loi Macron la troisième année, la loi El-Khomri la quatrième année. S’il avait eu une vision générale de la politique nationale dès 2012, il n’aurait même pas eu besoin de quatre années pour "sa" politique qui, du reste, n’a jamais démontré sa pertinence et encore moins son efficacité. C’est du pur nombrilisme (heureusement isolé) que de croire qu’il était un bon Président de la République mais incompris !

La réalité, c’est qu’il fut l’un des pires Présidents de la République, et probablement le pire (l’histoire jugera avec le recul), même si, sur certains sujets très difficiles, il a bien réagi et a pris ses responsabilités. Ce fut le cas pour l’intervention française au Mali. Également dans sa volonté de garder la France rassemblée, lors des attentats islamistes de 2015 et 2016.

Je termine ainsi sur cette réflexion à propos de la menace de radicalisation islamiste en France, position que j’approuve car elle est d’une grande sagesse et évite la démagogie habituelle voire généralisée de la classe politique et médiatique : « Sans qu’il soit besoin de stigmatiser une partie de la communauté nationale, et notamment les musulmans. J’ai toujours été attentif dans les circonstances les plus dramatiques, à unir les Français. Les terroristes islamistes n’ont qu’un seul objectif : nous diviser. Cessons d’inventer de nouvelles procédures et de proposer de nouvelles lois, elles existent. Appliquons-les ! ».


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (22 octobre 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
François Hollande veut américaniser les institutions françaises.
La Cinquième République.
Le scrutin proportionnel.
La cohabitation.
Le mandat présidentiel.
Le quinquennat.
François Hollande, vous éteindrez la lumière en sortant...
Hollande et le fichage systématique des trombines.
(Pas du tout candidat).
(Presque) pas candidat ?
La lepénisation de François Hollande.
Hors-sol.
Sept maux sur ordonnances.
L’entre-soi.
Le discours au Théâtre du Rond-Point le 3 mai 2016 (texte intégral).
Grande nation cherche Président de la République.
La méthode de François Hollande, efficace à 0%.
Le livret citoyen.
François Hollande, le grand calculateur.
François Hollande et le manque d’ambition.
François Hollande et Angela Merkel.
La déchéance de la République ?
L’annonce de la déchéance de la nationalité (23 décembre 2015).
La démission de Christiane Taubira (27 janvier 2016).
François Hollande sécuritaire (16 novembre 2015).
Loi n°2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement.

_yartiHollandeFrancois2019A04



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20191021-hollande.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/francois-hollande-veut-218774

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/10/22/37732371.html




 

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15 octobre 2019 2 15 /10 /octobre /2019 17:17

Le mardi 15 octobre 2019 a eu lieu le vote solennel du projet de loi de bioéthique à l'Assemblée Nationale. Voici l'analyse du scrutin.

Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20191015-bioethique.html



(verbatim)

Analyse du scrutin n° 2146
Première séance du 15/10/2019
Scrutin public sur l'ensemble du projet de loi relatif à la bioéthique (première lecture)

Pour l'adoption : 359
Contre : 114
Abstention : 72


Synthèse du vote
Nombre de votants : 545
Nombre de suffrages exprimés : 473
Majorité absolue : 237
Pour l'adoption : 359
Contre : 114
L'Assemblée nationale a adopté.


Mises au point
(Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4, du Règlement de l'Assemblée nationale)
M. Michel Fanget, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Philippe Chassaing, M. Stéphane Claireaux, Mme Émilie Cariou ont fait savoir qu'ils avaient voulu « voter pour »
M. Jean-Marie Sermier a fait savoir qu'il avait voulu « voter contre »
M. Paul Molac, M. Bertrand Pancher ont fait savoir qu'ils avaient voulu « s'abstenir volontairement »


 Votes des groupes

Groupe La République en Marche
Pour: 250
Contre: 8
Abstention: 25
Non-votant: 1

Groupe Les Républicains
Pour: 12
Contre: 75
Abstention: 15

Groupe du Mouvement Démocrate et apparentés
Pour: 28
Contre: 3
Abstention: 12

Groupe Socialistes et apparentés
Pour: 24
Contre: 2
Abstention: 3

Groupe UDI, Agir et Indépendants
Pour: 7
Contre: 13
Abstention: 7

Groupe Libertés et Territoires
Pour: 9
Contre: 3
Abstention: 5

Groupe La France insoumise
Pour: 15
Abstention: 1

Groupe de la Gauche démocrate et républicaine
Pour: 12
Contre: 1
Abstention: 2

Non inscrits
Pour: 2
Contre: 9
Abstention: 2


Qui a voté quoi ?


Groupe La République en Marche (304 membres)

Pour: 250

  • Bérangère Abba
  • Damien Adam
  • Saïd Ahamada
  • Ramlati Ali (par délégation)
  • Aude Amadou
  • François André
  • Pieyre-Alexandre Anglade
  • Jean-Philippe Ardouin (par délégation)
  • Stéphanie Atger
  • Laetitia Avia
  • Florian Bachelier
  • Delphine Bagarry
  • Didier Baichère
  • Frédéric Barbier
  • Xavier Batut
  • Sophie Beaudouin-Hubiere
  • Belkhir Belhaddad
  • Aurore Bergé
  • Hervé Berville
  • Grégory Besson-Moreau (par délégation)
  • Barbara Bessot Ballot
  • Christophe Blanchet
  • Yves Blein
  • Pascal Bois (par délégation)
  • Bruno Bonnell
  • Julien Borowczyk
  • Éric Bothorel
  • Florent Boudié
  • Brigitte Bourguignon
  • Bertrand Bouyx
  • Pascale Boyer
  • Yaël Braun-Pivet (par délégation)
  • Jean-Jacques Bridey
  • Anne Brugnera (par délégation)
  • Anne-France Brunet
  • Stéphane Buchou
  • Carole Bureau-Bonnard
  • Pierre Cabaré (par délégation)
  • Céline Calvez
  • Anne-Laure Cattelot
  • Lionel Causse
  • Danièle Cazarian
  • Samantha Cazebonne
  • Jean-René Cazeneuve
  • Sébastien Cazenove
  • Anthony Cellier
  • Jean-François Cesarini (par délégation)
  • Émilie Chalas
  • Philippe Chalumeau
  • Annie Chapelier
  • Sylvie Charrière
  • Fannette Charvier
  • Guillaume Chiche
  • Francis Chouat
  • Mireille Clapot
  • Christine Cloarec-Le Nabour
  • Jean-Charles Colas-Roy
  • Fabienne Colboc
  • François Cormier-Bouligeon
  • Bérangère Couillard
  • Michèle Crouzet
  • Olivier Damaisin
  • Dominique David (par délégation)
  • Jennifer De Temmerman
  • Marc Delatte
  • Michel Delpon (par délégation)
  • Nicolas Démoulin
  • Christophe Di Pompeo (par délégation)
  • Benjamin Dirx
  • Stéphanie Do
  • Loïc Dombreval
  • Coralie Dubost
  • Nicole Dubré-Chirat
  • Audrey Dufeu Schubert
  • Françoise Dumas
  • Stella Dupont
  • Jean-François Eliaou
  • Sophie Errante
  • Christophe Euzet
  • Catherine Fabre
  • Valéria Faure-Muntian
  • Jean-Michel Fauvergue
  • Jean-Marie Fiévet
  • Emmanuelle Fontaine-Domeizel
  • Pascale Fontenel-Personne
  • Paula Forteza (par délégation)
  • Alexandre Freschi
  • Jean-Luc Fugit
  • Olivier Gaillard (par délégation)
  • Albane Gaillot
  • Raphaël Gauvain
  • Laurence Gayte
  • Anne Genetet
  • Raphaël Gérard
  • Éric Girardin
  • Joël Giraud
  • Olga Givernet
  • Valérie Gomez-Bassac
  • Guillaume Gouffier-Cha (par délégation)
  • Perrine Goulet
  • Carole Grandjean
  • Florence Granjus
  • Romain Grau (par délégation)
  • Olivia Gregoire
  • Benjamin Griveaux
  • Émilie Guerel
  • Stanislas Guerini
  • Marie Guévenoux
  • Nadia Hai (par délégation)
  • Véronique Hammerer
  • Yannick Haury
  • Christine Hennion
  • Pierre Henriet
  • Danièle Hérin (par délégation)
  • Alexandre Holroyd
  • Dimitri Houbron (par délégation)
  • Sacha Houlié
  • Philippe Huppé
  • Monique Iborra
  • Jean-Michel Jacques
  • Caroline Janvier (par délégation)
  • Christophe Jerretie
  • Catherine Kamowski
  • Guillaume Kasbarian
  • Stéphanie Kerbarh (par délégation)
  • Anissa Khedher (par délégation)
  • Jacques Krabal (par délégation)
  • Sonia Krimi (par délégation)
  • Aina Kuric
  • Daniel Labaronne (par délégation)
  • Amélia Lakrafi
  • Frédérique Lardet
  • Michel Lauzzana
  • Célia de Lavergne
  • Pascal Lavergne
  • Fiona Lazaar
  • Gaël Le Bohec
  • Sandrine Le Feur
  • Didier Le Gac
  • Gilles Le Gendre
  • Annaïg Le Meur
  • Nicole Le Peih
  • Fabrice Le Vigoureux
  • Marie Lebec
  • Jean-Claude Leclabart (par délégation)
  • Charlotte Lecocq
  • Martine Leguille-Balloy (par délégation)
  • Christophe Lejeune
  • Marion Lenne
  • Roland Lescure (par délégation)
  • Monique Limon
  • Richard Lioger
  • Brigitte Liso
  • Alexandra Louis
  • Marie-Ange Magne
  • Mounir Mahjoubi
  • Sylvain Maillard
  • Laurence Maillart-Méhaignerie
  • Jacques Maire (par délégation)
  • Jacqueline Maquet
  • Jacques Marilossian
  • Sandra Marsaud
  • Denis Masséglia
  • Fabien Matras
  • Sereine Mauborgne
  • Stéphane Mazars (par délégation)
  • Jean François Mbaye
  • Graziella Melchior (par délégation)
  • Ludovic Mendès
  • Thomas Mesnier
  • Marjolaine Meynier-Millefert
  • Thierry Michels
  • Patricia Mirallès (par délégation)
  • Jean-Michel Mis (par délégation)
  • Jean-Baptiste Moreau
  • Naïma Moutchou
  • Mickaël Nogal
  • Valérie Oppelt
  • Catherine Osson
  • Xavier Paluszkiewicz
  • Sophie Panonacle
  • Didier Paris
  • Zivka Park (par délégation)
  • Hervé Pellois
  • Alain Perea (par délégation)
  • Pierre Person (par délégation)
  • Bénédicte Pételle (par délégation)
  • Valérie Petit (par délégation)
  • Bénédicte Peyrol
  • Michèle Peyron
  • Damien Pichereau
  • Laurent Pietraszewski
  • Béatrice Piron
  • Claire Pitollat
  • Barbara Pompili
  • Éric Poulliat
  • Natalia Pouzyreff
  • Florence Provendier
  • Bruno Questel (par délégation)
  • Cathy Racon-Bouzon
  • Pierre-Alain Raphan
  • Isabelle Rauch
  • Rémy Rebeyrotte
  • Hugues Renson
  • Cécile Rilhac (par délégation)
  • Véronique Riotton
  • Stéphanie Rist
  • Marie-Pierre Rixain
  • Mireille Robert
  • Laëtitia Romeiro Dias
  • Xavier Roseren
  • Gwendal Rouillard (par délégation)
  • Cédric Roussel
  • Thomas Rudigoz
  • François de Rugy
  • Pacôme Rupin
  • Laurent Saint-Martin
  • Nathalie Sarles (par délégation)
  • Jacques Savatier
  • Olivier Serva (par délégation)
  • Thierry Solère (par délégation)
  • Denis Sommer
  • Bertrand Sorre
  • Bruno Studer (par délégation)
  • Sira Sylla (par délégation)
  • Aurélien Taché (par délégation)
  • Buon Tan
  • Jean Terlier
  • Stéphane Testé
  • Vincent Thiébaut
  • Sabine Thillaye
  • Valérie Thomas
  • Alice Thourot
  • Jean-Louis Touraine
  • Alain Tourret
  • Élisabeth Toutut-Picard (par délégation)
  • Stéphane Travert
  • Stéphane Trompille
  • Frédérique Tuffnell
  • Alexandra Valetta Ardisson
  • Laurence Vanceunebrock-Mialon
  • Pierre Venteau
  • Olivier Véran
  • Marie-Christine Verdier-Jouclas
  • Patrick Vignal
  • Corinne Vignon (par délégation)
  • Cédric Villani (par délégation)
  • Guillaume Vuilletet
  • Martine Wonner
  • Jean-Marc Zulesi

Contre: 8

  • Patrice Anato
  • Anne Blanc
  • Aude Bono-Vandorme
  • Blandine Brocard
  • Yves Daniel
  • Typhanie Degois
  • Frédéric Descrozaille
  • François Jolivet

Abstention: 25

  • Lénaïck Adam
  • Christophe Arend
  • Danielle Brulebois
  • Yolaine de Courson (par délégation)
  • Dominique Da Silva
  • Jacqueline Dubois
  • Philippe Folliot
  • Thomas Gassilloud
  • Séverine Gipson
  • Fabien Gouttefarde
  • Yannick Kerlogot
  • Loïc Kervran
  • Fadila Khattabi
  • Sandrine Mörch
  • Anne-Laurence Petel
  • Jean-Pierre Pont
  • Jean-François Portarrieu (par délégation)
  • Benoît Potterie
  • Laurianne Rossi
  • Laetitia Saint-Paul
  • Jean-Bernard Sempastous
  • Marie Tamarelle-Verhaeghe
  • Liliana Tanguy (par délégation)
  • Nicole Trisse
  • Annie Vidal

Non-votant: 1

  • M. Richard Ferrand (Président de l'Assemblée nationale).

 

 

 

 

 

Groupe Les Républicains (104 membres)

Pour: 12

  • Valérie Bazin-Malgras
  • Marine Brenier
  • Fabrice Brun
  • Olivier Dassault (par délégation)
  • Julien Dive
  • Frédérique Meunier
  • Maxime Minot
  • Bérengère Poletti
  • Nadia Ramassamy (par délégation)
  • Robin Reda
  • Laurence Trastour-Isnart
  • Pierre Vatin

Contre: 75

  • Emmanuelle Anthoine
  • Julien Aubert
  • Nathalie Bassire
  • Thibault Bazin
  • Valérie Beauvais
  • Émilie Bonnivard
  • Jean-Claude Bouchet
  • Valérie Boyer (par délégation)
  • Xavier Breton
  • Gilles Carrez
  • Jacques Cattin
  • Gérard Cherpion
  • Dino Cinieri
  • Éric Ciotti
  • Pierre Cordier
  • Josiane Corneloup
  • François Cornut-Gentille (par délégation)
  • Marie-Christine Dalloz
  • Bernard Deflesselles
  • Rémi Delatte
  • Fabien Di Filippo
  • Jean-Pierre Door
  • Marianne Dubois
  • Virginie Duby-Muller
  • Pierre-Henri Dumont
  • Daniel Fasquelle
  • Jean-Jacques Ferrara
  • Nicolas Forissier
  • Laurent Furst (par délégation)
  • Claude de Ganay (par délégation)
  • Jean-Jacques Gaultier
  • Annie Genevard
  • Claude Goasguen
  • Philippe Gosselin (par délégation)
  • Jean-Carles Grelier
  • Patrick Hetzel (par délégation)
  • Sébastien Huyghe
  • Christian Jacob
  • Mansour Kamardine (par délégation)
  • Brigitte Kuster
  • Valérie Lacroute
  • Guillaume Larrivé
  • Marc Le Fur
  • Constance Le Grip
  • Geneviève Levy
  • David Lorion (par délégation)
  • Véronique Louwagie
  • Gilles Lurton
  • Olivier Marleix
  • Franck Marlin
  • Jean-Louis Masson
  • Jérôme Nury
  • Jean-François Parigi
  • Éric Pauget
  • Guillaume Peltier
  • Bernard Perrut
  • Didier Quentin
  • Alain Ramadier
  • Frédéric Reiss
  • Bernard Reynès
  • Vincent Rolland
  • Antoine Savignat
  • Raphaël Schellenberger
  • Éric Straumann
  • Michèle Tabarot
  • Guy Teissier
  • Jean-Louis Thiériot
  • Isabelle Valentin
  • Patrice Verchère
  • Charles de la Verpillière
  • Arnaud Viala
  • Michel Vialay
  • Jean-Pierre Vigier
  • Stéphane Viry
  • Éric Woerth

Abstention: 15

  • Damien Abad
  • Jean-Yves Bony
  • Ian Boucard
  • Bernard Brochand (par délégation)
  • Vincent Descœur
  • Éric Diard (par délégation)
  • Claire Guion-Firmin (par délégation)
  • Michel Herbillon
  • Sébastien Leclerc
  • Emmanuel Maquet (par délégation)
  • Gérard Menuel
  • Jean-Luc Poudroux
  • Aurélien Pradié
  • Jean-Luc Reitzer
  • Martial Saddier

 

 

 

 

 

Groupe du Mouvement Démocrate et apparentés (46 membres)

Pour: 28

  • Erwan Balanant
  • Géraldine Bannier
  • Stéphane Baudu
  • Justine Benin (par délégation)
  • Philippe Berta
  • Jean-Pierre Cubertafon
  • Bruno Duvergé
  • Sarah El Haïry
  • Isabelle Florennes
  • Bruno Fuchs
  • Brahim Hammouche
  • Élodie Jacquier-Laforge
  • Jean-Luc Lagleize
  • Fabien Lainé
  • Florence Lasserre-David
  • Philippe Latombe
  • Patrick Loiseau
  • Aude Luquet (par délégation)
  • Jean-Paul Mattéi
  • Philippe Michel-Kleisbauer (par délégation)
  • Patrick Mignola (par délégation)
  • Bruno Millienne
  • Josy Poueyto
  • Richard Ramos (par délégation)
  • Marielle de Sarnez
  • Nicolas Turquois (par délégation)
  • Michèle de Vaucouleurs
  • Sylvain Waserman

Contre: 3

  • Jean-Louis Bourlanges
  • Max Mathiasin (par délégation)
  • Jimmy Pahun

Abstention: 12

  • Jean-Noël Barrot
  • Philippe Bolo
  • Vincent Bru
  • Nathalie Elimas
  • Nadia Essayan (par délégation)
  • Laurent Garcia (par délégation)
  • Cyrille Isaac-Sibille
  • Bruno Joncour
  • Sophie Mette
  • Frédéric Petit (par délégation)
  • Maud Petit (par délégation)
  • Laurence Vichnievsky (par délégation)

 

 

 

 

 

Groupe Socialistes et apparentés (29 membres)

Pour: 24

  • Joël Aviragnet
  • Marie-Noëlle Battistel
  • Gisèle Biémouret
  • Christophe Bouillon
  • Jean-Louis Bricout
  • Luc Carvounas
  • Alain David
  • Laurence Dumont
  • Olivier Faure (par délégation)
  • Guillaume Garot
  • David Habib
  • Christian Hutin
  • Régis Juanico
  • Marietta Karamanli
  • George Pau-Langevin
  • Christine Pires Beaune
  • Joaquim Pueyo
  • Valérie Rabault
  • Hervé Saulignac
  • Sylvie Tolmont
  • Cécile Untermaier
  • Hélène Vainqueur-Christophe
  • Boris Vallaud
  • Michèle Victory

Contre: 2

  • Jérôme Lambert
  • Dominique Potier

Abstention: 3

  • Ericka Bareigts
  • Serge Letchimy (par délégation)
  • Josette Manin

 

 

 

 

 

Groupe UDI, Agir et Indépendants (28 membres)

Pour: 7

  • Olivier Becht
  • Pierre-Yves Bournazel
  • Philippe Dunoyer (par délégation)
  • Agnès Firmin Le Bodo
  • Philippe Gomès
  • Vincent Ledoux
  • Patricia Lemoine

Contre: 13

  • Thierry Benoit (par délégation)
  • Guy Bricout (par délégation)
  • Pascal Brindeau
  • Stéphane Demilly
  • Meyer Habib (par délégation)
  • Laure de La Raudière
  • Jean-Christophe Lagarde
  • Pierre Morel-À-L'Huissier
  • Christophe Naegelen
  • Nicole Sanquer (par délégation)
  • Joachim Son-Forget
  • André Villiers
  • Michel Zumkeller

Abstention: 7

  • Sophie Auconie
  • Paul Christophe
  • Béatrice Descamps
  • Antoine Herth (par délégation)
  • Maina Sage (par délégation)
  • Francis Vercamer
  • Jean-Luc Warsmann (par délégation)

 

 

 

 

 

Groupe Libertés et Territoires (19 membres)

Pour: 9

  • Jean-Michel Clément
  • Jeanine Dubié
  • M'jid El Guerrab
  • Olivier Falorni
  • Yannick Favennec Becot
  • François-Michel Lambert
  • Matthieu Orphelin
  • Sylvia Pinel
  • Philippe Vigier

Contre: 3

  • Charles de Courson
  • Paul Molac
  • Bertrand Pancher (par délégation)

Abstention: 5

  • Jean-Félix Acquaviva
  • Michel Castellani
  • Paul-André Colombani
  • Frédérique Dumas
  • Sandrine Josso (par délégation)

 

 

 

 

 

Groupe La France insoumise (17 membres)

Pour: 15

  • Clémentine Autain
  • Ugo Bernalicis (par délégation)
  • Éric Coquerel
  • Alexis Corbière
  • Caroline Fiat
  • Bastien Lachaud (par délégation)
  • Michel Larive (par délégation)
  • Jean-Luc Mélenchon
  • Danièle Obono
  • Mathilde Panot
  • Loïc Prud'homme
  • Adrien Quatennens
  • Muriel Ressiguier
  • Sabine Rubin (par délégation)
  • Bénédicte Taurine (par délégation)

Abstention: 1

  • Jean-Hugues Ratenon

 

 

 

 

 

Groupe de la Gauche démocrate et républicaine (16 membres)

Pour: 12

  • Huguette Bello (par délégation)
  • Marie-George Buffet
  • André Chassaigne
  • Pierre Dharréville
  • Jean-Paul Dufrègne
  • Elsa Faucillon
  • Sébastien Jumel
  • Jean-Paul Lecoq
  • Stéphane Peu
  • Fabien Roussel (par délégation)
  • Gabriel Serville (par délégation)
  • Hubert Wulfranc

Contre: 1

  • Manuéla Kéclard-Mondésir

Abstention: 2

  • Moetai Brotherson (par délégation)
  • Alain Bruneel

 

 

 

 

 

Non inscrits (13)

Pour: 2

  • Delphine Batho
  • Sébastien Nadot

Contre: 9

  • Louis Aliot
  • Sébastien Chenu
  • Nicolas Dupont-Aignan
  • José Evrard
  • Jean Lassalle
  • Marine Le Pen
  • Marie-France Lorho
  • Emmanuelle Ménard
  • Agnès Thill

Abstention: 2

  • Bruno Bilde
  • Ludovic Pajot





Source : Assemblée Nationale.

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20191015-bioethique-scrutin-deputes.html

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27 juillet 2019 6 27 /07 /juillet /2019 03:09

« Jamais homme noble ne hait le bon vin : c’est un apophtegme monacal. » (Rabelais, 1534).


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L’indiscrétion a été diffusée dans tous les médias. Le Premier Ministre Édouard Philippe, qui est sur tous les fronts, et en particulier celui des EHPAD en pleine canicule, a trouvé le temps, ce jeudi 25 juillet 2019, de déjeuner "discrètement" avec l’ancien Ministre d’État démissionnaire François de Rugy.

Et depuis quelques jours, il y a une rumeur surréaliste qui court. François de Rugy pourrait revenir au gouvernement. On sait bien à quoi sert une rumeur. Elle sert à tester, à sonder l’environnement médiatico-politique. Des carrières ont été faites et défaites par ce genre de sondes. Un flop, et on oublie. Un enthousiasme, et c’est acté. Ici, on serait plutôt dans le flop.

La journée importante a été le mardi 23 juillet 2019. Une journée très mal venue dans le calendrier, comme s’il n’y avait pas des sujets d’actualités plus importants, comme la désignation de Boris Johnson, nouveau Premier Ministre du Royaume-Uni, ou encore la venue de Greta Thunberg au Palais-Bourbon (j’en reparlerai encore), le vote l’après-midi des députés pour la ratification du CETA, et toujours cette seconde canicule de l’été, en pleine montée des températures (et inquiétude pour les plus fragiles ou inconscients, un jogger est mort parce qu’il courait en plein soleil).

C’était précisément ce jour qui a été choisi, très arbitrairement, pour rendre deux rapports, celui du secrétaire général de l’Assemblée Nationale sur les dîners à l’Hôtel de Lassay de François de Rugy lorsqu’il était au perchoir, et celui du secrétaire général du gouvernement sur les travaux réalisés dans l’appartement de fonction. Matignon voulait aller vite pour en finir avec "l’affaire De Rugy", mais Édouard Philippe n’avait pas prévu que l’intéressé allait démissionner encore plus rapidement (ce qui montre ainsi la faible résistance psychologique face à une crise, on peut comparer avec François Fillon dans l’excès contraire).

Disons-le clairement, ce sont des rapports qui n’ont pas beaucoup d’intérêt. On le savait, du moins, on se doutait bien, que François de Rugy n’avait commis aucun acte illégal. Pour autant, la démission de François de Rugy était raisonnable et nécessaire, et son retour au gouvernement serait pire qu’une non démission. Il ne serait cependant pas le seul dans ce cas, Bernard Tapie a été réintégré au gouvernement de Pierre Bérégovoy après avoir démission à cause d’une affaire judiciaire (il y a un côté cocasse, lui qui voudrait se comparer à Pierre Bérégovoy "jeté aux chiens", à finir Bernard Tapie).

Oui, il y a une forme d’injustice à avoir été la cible d’un média particulièrement hostile non seulement à ce ministre mais aussi à la démocratie représentative dans son ensemble. Mais quelle erreur de vouloir se victimiser contre un site Internet. Dans le combat entre une personnalité politique et un journaliste, le journaliste gagnera toujours, et c’est heureux. C’est le principe du contre-pouvoir. C’est d’autant plus heureux quand le journaliste n’a rien publié d’inexact. Si l’on n’a pas le cuir assez épais pour faire de la politique, il faut choisir une autre voie pour sa vie.

Dès le début de l’affaire, François de Rugy s’est très mal défendu. Il a voulu montrer qu’il n’avait pas outrepassé la loi alors que le problème se situait sur le plan moral et pas sur le plus juridique. C’est là le tort principal de François de Rugy qui a eu l’indécence de venir pleurer pendant dix minutes sur un plateau télévisé, au journal de 20 heures sur France 2 le mardi 23 juillet 2019.

Il a expliqué qu’il était "blanchi", que l’affaire n’aurait même pas dû exister, mais les rapports dont il s’est vanté, qui parlent d’absence d’irrégularité, dénonce pourtant "en même temps" des manquements à la déontologie (comment ne pas parler d’irrégularité, qui est, somme toute, un mot léger et peu pénalisant ?).

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Ainsi, trois dîners ont quand même été épinglés comme étant des dîners à finalité familiale ou amicale, mais certainement pas professionnelle. François de Rugy a annoncé qu’il allait les payer (selon certains, chaque repas aurait coûté environ 2 000 euros, ce qui n’est pas Byzance).

Malheureusement pour l’ancien ministre, le fait qu’il ait précisé leur remboursement, loin d’apaiser l’affaire, n’a fait que confirmer que Mediapart a eu raison de publier son "enquête" : en effet, sans lui, le Président de l’Assemblée Nationale aurait dîné trois fois aux frais de la République (donc des contribuables) alors qu’il s’agissait juste de passer de manière privée la fête de Noël ou de la Saint-Valentin sans objectif professionnel. La conclusion qui s’impose est donc le contraire de ce qu’aurait voulu l’ancien ministre : heureusement que ce site de journalistes existât !

En fait, toute sa défense l’a plombé systématiquement. Les premières réactions (sur BFM-TV le 12 juillet 2019) ont été catastrophiques. On lui a reproché de manger du homard aux frais de la République. Première ligne de défense : je ne supporte pas les fruits de mer. Ou encore, je n’aime pas le caviar, ou encore, le champagne me fait mal à la tête. Quelle réponse ! On aurait alors tendance à dire : et en plus, il n’en mange ou n’en boit pas ! Pourtant, les dîners ont bien eu lieu, les aliments ont bien été consommés. Comment s’enfoncer tout seul ? Edwy Plenel a dû jubiler.

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Quant à sa démission, il n’aurait pas obtenu à temps ses relevés bancaires pour prouver qu’il a effectivement payé de sa poche ses cotisations à son parti en 2015. Lui, le numéro deux du gouvernement, n’a pas la possibilité que possèdent avec leur banque de nombreux simples citoyens à l’ère du numérique, on croit rêver comme justification ! C’est du vaudeville que la victime alimente elle-même.

De plus, dire que c’était juste une "avance sur trésorerie", cela ne peut avoir qu’un effet dévastateur dans "l’opinion publique". Il faudra le dire à la justice et aux employeurs lorsqu’ils découvrent qu’un employé a fait cela dans son entreprise (il semblerait d’ailleurs que l’ancien et futur député a arrêté ce genre d’avance seulement lorsque le déontologue de l’Assemblée a énoncé explicitement qu’il ne fallait plus payer les cotisations de parti avec l’indemnité de frais de représentation).

Oui, François de Rugy a le droit de penser que c’est injuste d’être ainsi attaqué car ce n’est que la pratique normale de celui qui était le quatrième homme de l’État. Il n’y avait rien de choquant… pour lui. Même les travaux de rénovation de l’appartement ne seraient pas choquants, car aucuns travaux n’avaient été fait depuis une quinzaine d’années (cependant, quinze ans, est-ce si long ?). On parle des Monuments de France, ce qui peut expliquer le coût élevé de la moindre rénovation. Cependant, épinglé encore, un dressing à 17 000 euros, ce qui fait une année de rémunération net pour de nombreux Français, cela fait cher pour un appartement habité seulement pendant quelques mois.

Édouard Philippe a même signé dès le 23 juillet 2019 une circulaire pour rendre obligatoire l’autorisation du secrétaire général du gouvernement en cas de travaux supérieurs à 20 000 euros. Ce qu’on pourrait contester, c’est le principe même que le ministre ou la personnalité politique soit celle qui décide des travaux de rénovation, alors qu’il n’est que locataire et pas propriétaire. Le propriétaire, c’est l’État (et donc les Français), cela devrait donc être un service de l’État qui donne, in fine, l’autorisation de travaux à partir du premier euro.

Ce que n’a pas du tout compris François de Rugy, c’est qu’il n’a pas un seul instant pensé aux Français, et notamment à ceux qui sont les moins aisés. Il n’a pas compris que cela pouvait choquer. Ce qui choque, ce n’est pas que François de Rugy eût le droit ou pas de se payer des dîners de luxe. La République les vaut bien, parfois. Ce qui choque, c’est le principe de servir du vin qui coûte un RSA par bouteille de 75 centilitres. Ne pas comprendre que cela choque, surtout après des semaines de manifestations de gilets jaunes, c’est une faute politique grave, c’est montrer qu’on ne comprend rien aux Français, à leurs conditions précaires pour certains, qu’on reste égocentré sur sa petite personne et qu’on pense plus à se servir qu’à servir, qu’a se défendre qu’à défendre l’intérêt général.

Celui qui pense en priorité aux Français (et pas à son injuste aventure qui lui a coûté un ministère) aurait immédiatement compris que la première chose à leur dire, c’était de présenter ses excuses, de montrer qu’il comprenait effectivement la raison du scandale, et même, pourquoi pas ? de faire œuvre de pédagogie en expliquant que oui, ces dîners étaient très luxueux, mais qu’il fallait aussi montrer une certaine image de la France.

François de Rugy ne sera donc pas une "affaire" (la justice ne devrait avoir rien à y redire), mais sera sûrement un cas politique intéressant peut-être dans les manuels d’histoire politique. Voici un homme qui a fait de la transparence son cheval politique depuis le début de sa carrière, au point qu’il est souvent allé, dans son comportement, au-devant de la loi, et c’est très estimable. On peut comprendre qu’il trouve injuste d’être épinglé sur justement ce sujet-là (c’est un peu la même chose que lorsque François Bayrou a dû renoncer à défendre sa loi de moralisation de la vie politique). Mais sa carrière, tout le monde s’en fiche, à part lui et son entourage. Ce qui compte, c’est l’action politique.

Or, le fait de ne pas comprendre où se situe le scandale démontre une chose qui est incontournable. C’est son éloignement des préoccupations et de la vie des Français. Et cela peut se comprendre : n’ayant jamais vécu que de la politique, comme collaborateur d’élu puis comme élu, François de Rugy a toujours vécu dans une sorte de vase clos, sans comprendre dans ses tripes la problématique des fin de mois qui concerne une très grande majorité des Français, même certains que l’on ne pourrait pourtant pas décemment considérés comme défavorisés.

Jean-Luc Mano, l’un des conseillers en communication de cette classe politique, a résumé le 23 juillet 2019 sur LCI la situation (avant le passage du 20 heures) par cette formule qui disait en substance : François de Rugy a montré qu’il n’était pas en infraction avec la loi, qu’il était honnête, mais aussi qu’il n’avait aucun sens politique.

C’est cela l’essentiel de la leçon à tirer de cette "séquence". Si François de Rugy a été incapable de trouver les mots pour se justifier lui-même, comment pourrait-il convaincre les Français de faire la transition écologique et comment pourrait-il les convaincre que c’est en payant des taxes supplémentaires ? Il n’est déjà pas capable de se sauver lui-même, alors comment pourrait-il sauver la planète ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (25 juillet 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
François de Rugy n’a décidément rien compris !
Le syndicat des homards contre-attaque !
François de Rugy et la République du homard géant.
François de Rugy et le bâton de maréchal du politicien manœuvrier.
Allocution de François de Rugy lors de son élection au perchoir (27 juin 2017).
Premier tour de la primaire socialiste du 22 janvier 2017.
Troisième débat de la primaire socialiste du 19 janvier 2017.
Deuxième débat de la primaire socialiste du 15 janvier 2017.
Premier débat de la primaire socialiste du 12 janvier 2017.
Programme de François de Rugy (à télécharger).
La primaire EELV de 2016 (premier tour).

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190723-francois-de-rugy.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/francois-de-rugy-n-a-decidement-216894

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/07/24/37519134.html





 

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8 avril 2019 1 08 /04 /avril /2019 03:03

« La majorité a toujours raison, mais la raison a bien rarement la majorité aux élections. » (Jean Mistler, 1976).



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La fin du grand débat et l’heure des décisions ont remis une fois encore dans l’actualité la perspective d’un scrutin proportionnel pour l’élection des députés. C’est une tradition française de vouloir changer les institutions quand les actions politiques ne fonctionnent pas. Il suffit de voir la litanie des Constitutions en deux siècles, une dizaine en France, une seule aux États-Unis (et aucune au Royaume-Uni !). Le pire, c’est le mode de scrutin qui est la règle du jeu et qui fait que tous les pouvoirs en place ont, qui leur chatouille, cette irrésistible tentation de changer les règles pour l’intérêt de son propre camp. François Mitterrand était passé maître dans cet art, notamment pour les élections législatives du 16 mars 1986 données largement perdantes depuis …au moins 1983 !

Aujourd’hui, profitant de l’aubaine des gilets jaunes, tous les nostalgiques de la Quatrième République crient "Proportionnelle ! Proportionnelle !" en sautant de leur chaise comme des cabris (oui, je parodie).

J’ai déjà longuement évoqué les méfaits catastrophiques du scrutin proportionnel particulièrement dans les institutions de la Cinquième République. Je voudrais insister sur un ou deux éléments particuliers tout en rappelant une chose qui pourrait paraître évidente : une chambre législative sert à légiférer. Or, pour légiférer, il faut avoir une majorité. Sans majorité, pas de loi, pas de gouvernement et donc, l’anarchie, probablement ce que voudraient certains gilets jaunes jusqu’au-boutistes (mais pas la majorité heureusement).

Si le processus électoral ne parvenait pas à faire systématiquement émerger un parti ou une coalition majoritaire (j’écris systématiquement car il peut toujours y avoir des cas particuliers mais ils n’ont pas eu d’incidence historique, comme les élections législatives de juin 1988), alors cela signifierait que les outils institutionnels empêcheraient de remplir la première mission d’une assemblée législative, à savoir, comme je viens de l’écrire, dégager une majorité pour former un gouvernement et pour voter des lois, si possible selon un programme politique cohérent et annoncé (par respect pour les électeurs).

Le scrutin actuel, majoritaire uninominal à deux tours, est-il antidémocratique ? Je ne le crois pas. La preuve, c’est qu’il permet que des majorités se dégagent et qu’un gouvernement puisse gouverner avec la stabilité et la durée dont il a besoin (on peut toujours envisager de réduire à quatre ans la durée du mandat des députés, mais certainement pas de vouloir tous les six mois les révoquer, ce qui conduirait au bout du compte à l’absence durable de gouvernement).

Représente-t-il mal le peuple français ? Je ne le crois pas non plus. Et je pense que c’est une erreur de le croire. Certes, il y a un effet majoritaire très fort qui a bénéficié à LREM, mais aussi au MoDem élu en même temps.

À ce propos, je tiens à souligner un élément intéressant. Lorsque François Bayrou était crédité de 15% à 20%, voire 23%, dans les sondages, en février-mars 2007, lors de la campagne présidentielle de 2007, beaucoup étaient tombés sur lui en disant : François Bayrou élu n’aurait jamais de majorité à l’Assemblée. Qui disaient cela ? Tout le spectre politique, mais surtout les socialistes qui craignaient d’être éliminés (une nouvelle fois) du second tour. Sauf un sénateur (encore) socialiste : Jean-Luc Mélenchon, qui avait bien compris ce qu’il s’est finalement passé en juin 2017. Avec une nouveauté : c’est que l’UDF (ou le MoDem), en 2007, était un parti qui provenait d’une longue tradition française (déjà sous la Troisième République avec le PDP), et donc, ne venait pas de nulle part, au contraire de LREM issue uniquement du Président Emmanuel Macron, sans tradition historique ni philosophique identifiable.

Mais qui, en 2007, imaginait qu’il y aurait un groupe MoDem à l’Assemblée Nationale dix années plus tard, et précisons quand même, un groupe plus nombreux que le groupe socialiste ? C’est l’effet majoritaire qui veut cela. Certains disent : c’est injuste. Non, au contraire, cela démontre que tout parti peut un jour se constituer une majorité à l’Assemblée. Tout le monde a sa chance de pouvoir un jour gouverner. Même les partis qui ne seraient jamais capable de représenter plus de 50% des électeurs (suivez mon regard).

La démonstration de juin 2017 est encore plus éclatante, puisque la majorité absolue a été attribuée, par les électeurs (rappelons que ce sont les électeurs qui l’ont voulu, et des électeurs qui ont voté librement, sincèrement et dans le secret de l’isoloir, sans contrainte morale ni matérielle), à un parti qui a été fondé en avril 2016, c’est-à-dire qui avait seulement quatorze mois.

La preuve que le scrutin majoritaire représente bien le peuple français, c’est que tous les courants politiques qui ont été représentés à un certain niveau à l’élection présidentielle d’avril 2017 ont obtenu une présence législative en juin 2017.

Le parti de Jean-Luc Mélenchon a pu constituer un groupe politique à l’Assemblée Nationale (distinct du groupe communiste et du groupe socialiste). De même que le parti de Marine Le Pen a eu 8 députés. Ce qui est beaucoup au scrutin majoritaire. Si le FN avait eu 36 députés aux élections législatives du 16 mars 1986, c’était grâce au scrutin proportionnel imposé par le cuisinier en chef François Mitterrand (à l’époque, les listes du FN s’appelaient déjà "Rassemblement national", comme quoi, on ne fait pas trop dans l’innovation dans ce parti). Ensuite, ce parti a eu 1 siège en juin 1988 (Yann Piat), puis 2 sièges en juin 2012 (Marion Maréchal et Gilbert Collard), tous les deux grâce à des triangulaires.

Les 8 sièges de juin 2017 montrent bien que le FN/RN peut désormais gagner malgré le scrutin majoritaire et c’est une imprudente stupidité de parler de plafond de verre pour ce parti. D’ailleurs, les élections législatives partielles entre 2012 et 2015 avaient montré que le FN était capable, désormais, d’être présent au second tour mais avait encore du mal à gagner le siège.

Pour quelle raison ? Parce qu’on oublie que la démocratie, elle n’est pas seulement positivement définie par ce que la majorité veut. Elle peut aussi être négativement définie par ce que la majorité ne veut pas à tout prix. Or, le FN/RN fait (encore) partie de ce que la majorité ne veut pas à tout prix. Cela signifie qu’il y a dans les élections des forces d’adhésion mais aussi des forces de répulsion. Cela a conduit à la réélection de Jacques Chirac en 2002 et à l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, même si je suis persuadé qu’Emmanuel Macron aurait été élu dans les autres configurations possibles du second tour (opposé à François Fillon ou même opposé à Jean-Luc Mélenchon).

Si le FN/RN n’a pas eu assez de sièges pour former un groupe politique, c’est parce qu’il y a encore beaucoup de force de répulsion. Mais qu’il se rassure, puisqu’il est en net progrès et le lissage de la communication du FN/RN et sa présence médiatique massive montrent que ce parti est comme un autre, sans exclusive. D’ailleurs, depuis au moins 2011, ce parti est fréquemment invité sur les plateaux de télévision, et plus particulièrement depuis 2017, à tel titre qu’on se demande ce que font les parlementaires du FN/RN en dehors de la communication grand public. En tout cas, ce parti ne subit pas de boycott médiatique, c’est la moindre chose qu’on peut dire.

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Revenons maintenant au scrutin proportionnel. Il y a un véritable paradoxe sur le fait que le principal sujet de mécontentement des gilets jaunes, c’est que l’élite politique, c’est-à-dire les élus seraient hors sol, ne seraient pas à l’écoute du peuple. Or, la proportionnelle aurait la conséquence de doublement éloigner les députés du peuple.

D’une part, le peuple ne pourrait plus choisir lui-même ses députés : il ne pourrait que choisir sa tendance politique mais pas les hommes et les femmes chargés de l’incarner. Car le scrutin de liste (bloquée, non panachable) imposerait les noms en dehors de tout circuit démocratique. Les têtes de liste, si les listes sont au-dessus d’un seuil, sont sûres d’être élues, même si elles font la quasi-unanimité contre elles. La proportionnelle empêcherait le choix des personnes.

D’autre part, la proportionnelle créerait des députés pour le coup véritablement hors sol. Ils n’auraient plus d’électeurs. Puisqu’ils n’auraient plus de circonscription. La meilleure preuve, c’est de se poser la question qui tue : connaissez-vous les noms des 73 députés européens français sortants ? Non ? Bon, c’est vrai, c’est un peu compliqué. Connaissez-vous au moins le nom d’un député européen qui a été élu dans votre grande circonscription ?

Si vous ne connaissez pas le nom des élus, n’attendez pas a fortiori que les élus vous connaissent. Ces élus, ils sont donc hors de votre contrôle (vous ne les connaissez pas, vous ne savez donc pas ce qu’ils ont fait, ni ce qu’ils ne font pas). La proportionnelle, c’est cela : l’éloignement total des députés du peuple qui les a élus. Et comme vous ne choisissez pas l’ordre sur les listes, vous ne pourrez même pas sanctionner les mauvais députés, ceux qui ne bossent pas, ceux qui ne respectent pas leur parole, puisque la constitution des listes restent hors de votre contrôle.

Au lieu d’aller labourer la circonscription, rencontrer les électeurs, planifier des réunions de cantons, etc., comme cela se passe aujourd’hui avec le scrutin majoritaire, les candidats potentiels vont faire une carrière d’apparatchiks dans leur parti pour être les mieux placés possibles sur la liste. Rien à voir avec la vie réelle. La proportionnelle va renforcer la professionnalisation du personnel politique et donc, renforcer l’entre-soi et l’endogamie politique.

Par ailleurs, le scrutin proportionnel ne serait pas plus démocratique que le scrutin majoritaire, au contraire, serait pire en termes d’engagements électoraux.

La proportionnelle entraînerait l’impossibilité chronique de former une majorité absolue à l’Assemblée. En effet, si en France en 1986 et dans d’autres démocraties européennes il y a quelques décennies, la proportionnelle n’empêchait pas la formation de majorité, c’était parce que le parti victorieux (ou la coalition victorieuse) l’était par adhésion et pas par défaut, il représentait alors plus de 35% voire 40%, 45%, ce qui permettait une majorité absolue des sièges. Or, maintenant, avec la crise qui s’aggrave et qui perdure, les partis ou coalitions qui gagnent les élections ne les gagnent que par défaut, avec des scores relativement bas, 30%, voire moins, ce qui empêche l’obtention d’une majorité absolue à eux seuls et les obligent à faire des compromis avec d’autres partis au contraire de ce qui était dit pendant la campagne électorale.

Dans son audition du 21 février 2019 à l’Assemblée Nationale, Alain Juppé a ainsi évoqué deux cas qui montraient que les électeurs n’avaient pas eu leur mot à dire sur la formation de deux gouvernements dans des pays importants de l’Union Européenne. Ainsi, en Allemagne, avant le scrutin de 2017, le SPD avait annoncé aux électeurs que jamais il ne retournerait dans la grande coalition avec la CDU de la Chancelière Angela Merkel, et finalement, après le scrutin, il a violé cet engagement auprès de ses électeurs, en formant avec la CDU un nouveau gouvernement. Il en fut de même en Italie où la Ligue de Matteo Salvini et le Mouvement 5 étoiles de Luigi Di Maio avaient soutenu avant le scrutin qu’ils ne s’allieraient pas, mais nécessité faisant loi, mais loi hors du contrôle des électeurs, les deux partis se sont finalement alliés pour former un nouveau gouvernement sans pour autant émané de la volonté (clairement exprimée) des électeurs.

J’ajoute pour ma part l’exemple de la démocratie israélienne où le scrutin proportionnel oblige systématiquement les partis modérés (gouvernementaux), principalement travaillistes et Likoud, à s’allier avec des partis religieux ou nationalistes qui ne représentent que quelques pourcents de l’électorat. Ces coalitions sont ainsi otages de petits partis extrémistes qui ne représentent absolument pas la grande majorité du peuple israélien. Il faut savoir par exemple que s’il a fallu anticiper les élections législatives du 9 avril 2019, c’était parce que Benyamin Netanyahou était considéré comme trop modéré, trop "centriste", notamment par Israel Beytenou, le parti d’Avidgor Liberman.

Ces coalitions auraient leur légitimité démocratique si elles avaient été annoncées avant les élections, et les électeurs les auraient approuvé ou refusé, mais là, ce sont des coalitions, des combinaisons, pour parler en langage Quatrième République, qui ont été réalisées à l’abri du regard démocratique, dans la petite cuisine derrière l’antichambre du pouvoir et sans avoir eu le quitus des électeurs (si ce n’est au bout du mandat, lors des prochaines élections).

En outre, l’éloignement des élus de leurs électeurs serait renforcé si, avec ou sans proportionnelle, on décidait de réduire le nombre de députés, car par simple arithmétique, un député ne pourrait pas rencontrer plus d’électeurs dans leurs permanences, il n’y aurait pas plus de samedis, plus de journées dans la semain où ils pourraient les rencontrer (tout en continuant à être présents à Paris pour faire les lois et contrôler le gouvernement).

Une étude jamais publiée (mais fuitée par l’opposition) avait d’ailleurs conclu qu’en adoptant le projet du gouvernement de réduction du nombre de députés et de modification du mode de scrutin, avec les arguments faux de meilleure représentativité, les petites formations étaient au contraire désavantagées si on faisait les projections sur les résultats des élections législatives de juin 2017. Tous ces arguments devraient conduire le gouvernement à ne pas fausser le jeu démocratique en gardant les règles électorales actuelles que même François Hollande n’avait pas osé toucher.

L’esprit de responsabilité appelle avant tout à respecter les électeurs. La proportionnelle est un scrutin qui rend opaque les majorités potentielles voulues par les électeurs, qui encourage les combinaisons politiciennes pour se maintenir ou conquérir le pouvoir, et c’est le scrutin roi qui éloigne encore plus les députés des citoyens. En ce sens, il serait particulièrement paradoxal de vouloir imposer, même de manière partielle, le scrutin proportionnel en le justifiant par la crise des gilets jaunes.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (06 avril 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La proportionnelle éloigne les élus du peuple.
Montesquieu, Alain Juppé et l’esprit des institutions.
Valéry Giscard d’Estaing et sa pratique des institutions républicaines.
Les risques d’un référendum couplé aux européennes.
Quatre idées reçues du Président Macron.
Grand débat national : un état des lieux plutôt que des opinions.
Affaire Benalla : des parlementaires qui font leur travail !
Institutions : attention aux mirages, aux chimères et aux sirènes !
Gilets jaunes : un référendum sur l’ISF ? Chiche !
Ne cassons pas nos institutions !
Non à la représentation proportionnelle aux élections législatives !
Vive la Cinquième République !
Réforme Macron des institutions (6) : le mystérieux rapport sur le scrutin proportionnel.
Réforme Macron des institutions (5) : l’impossible principe de proportionnalité démographique de la représentation démocratique.
Réforme Macron des institutions (4) : la totalité du projet gouvernemental.
Réforme Macron des institutions (3) : réduire le Parlement ?
Réforme Macron des institutions (2) : le projet de loi constitutionnelle.
Réforme Macron des institutions (1) : les grandes lignes.
Non à la suppression des professions de foi !
Le vote obligatoire.
Le vote électronique.
Démocratie participative.

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31 mars 2019 7 31 /03 /mars /2019 20:54

Le 27 mars 2019, trois membres du 2e gouvernement d'Édouard Philippe ont démissionné : Nathalie Loiseau, Ministre déléguée aux Affaires européennes pour mener la liste Renaissance aux élections européennes du 26 mai 2019, Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, et Mounir Mahjoubi, Secrétaire d'État chargé du Numérique, pour participer à la primaire LREM pour les municipales à Paris.

Le 31 mars 2019 au soir, ces trois personnes ont été remplacées par :
- Amélie de Montchalin (députée LREM de l'Essonne), Secrétaire d'État chargée Affaires européennes,
- Sibeth Ndiaye, Secrétaire d'État, porte-parole du gouvernement, et
- Cédric O, Secrétaire d'État chargé du Numérique.

Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190331-amelie-de-montchalin.html

SR

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20190331-remaniement-ministeriel.html


 

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