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12 septembre 2018 3 12 /09 /septembre /2018 19:01

(verbatim)


Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180913-richard-ferrand.html


Allocution de Richard Ferrand, élu Président de l'Assemblée Nationale, le 12 septembre 2018 au Palais-Bourbon à Paris (ainsi que retranscription de la séance publique associée).

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-huit heures vingt.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Mes chers collègues, voici le résultat du scrutin pour l’élection du président de l’Assemblée nationale.

Nombre de votants : 505
Bulletins blancs ou nuls : 21
Nombre de suffrages exprimés : 484
Majorité absolue : 243

Ont obtenu :

M. Richard Ferrand : 254 voix (Mmes et MM. les députés du groupe LaREM se lèvent et applaudissent longuement, de même que de nombreux députés du groupe MODEM.)

M. Pierre Cordier. Pas terrible !

Mme la présidente. Mme Annie Genevard : 95 voix (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. Marc Fesneau : 86 voix (Mmes et MM. les députés du groupe MODEM se lèvent et applaudissent longuement, de même que plusieurs députés du groupe LaREM. – Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir et sur quelques bancs du groupe LR.)

Mme Ericka Bareigts : 31 voix (Applaudissements sur les bancs du groupe Socialistes et sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Mme Mathilde Panot : 17 voix (Applaudissements sur les bancs du groupe FI, sur plusieurs bancs des groupes Socialistes et apparentés et GDR ainsi que sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Autre : 1 voix

M. Richard Ferrand ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, je le proclame président de l’Assemblée nationale et je l’invite à prendre place au fauteuil présidentiel. (Mmes et MM. les députés des groupes LaREM et MODEM se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR, UDI-Agir, Socialistes et GDR.)

M. Pierre Cordier. Petite majorité ! (Nombreuses exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)

Plusieurs députés du groupe LaREM. Jaloux !

M. Jacques Marilossian. Petite réflexion surtout !

(À dix-huit heures vingt-cinq, M. Richard Ferrand remplace Mme Carole Bureau-Bonnard au fauteuil de la présidence.)
Présidence de M. Richard Ferrand

M. le président. Monsieur le Premier ministre, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement, madame et messieurs les présidents de groupe, mes chers collègues, c’est avec une profonde humilité, mêlée de gravité, que je me suis présenté à vos suffrages. C’est avec la même émotion que je m’adresse à vous au moment où vous me faites l’honneur de me confier la charge de présider nos travaux et notre institution. Notre assemblée, première et plus ancienne institution démocratique dont s’est doté notre pays, est indissociable des principes universels des droits de l’homme fondés par les immortels de la Révolution française.

Je suis un enfant de la campagne aveyronnaise, devenu Parisien une décennie, puis Breton d’adoption, dans le sillon de Kofi Yamgnane, ancien secrétaire d’État de François Mitterrand et mon prédécesseur dans ma circonscription d’élection. Je ne savais pas alors que tout commencerait en Finistère, ce bout du monde où je me suis enraciné. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Je n’avais pas programmé de me trouver un jour dans de telles circonstances, devant vous, députés de la nation, issus de tous les territoires et de toutes les familles de pensée. Et c’est avec un égal respect que je salue Annie Genevard, Ericka Bareigts, Mathilde Panot et Marc Fesneau, en leur disant que j’ai parfaitement conscience que mon élection est plus le fruit de réalités politiques majoritaires que l’issue d’une compétition de talents. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LR, Socialistes et apparentés et GDR.)

En ce moment qui touche au plus profond le fidèle amoureux de la République que je suis, les joies comme les peines de la vie envahissent l’esprit et fabriquent une forme inédite d’émotion intérieure. Accéder au « perchoir », comme on dit, résulte d’une élection. Se hisser à la dignité et à l’exigence de la fonction relève d’un défi singulier, que je m’attacherai à relever. Là où je suis à cet instant me viennent à l’esprit la hauteur de vue de Jean-Louis Debré, le verbe ample et généreux de Philippe Séguin, la force de conviction de Louis Mermaz et d’Henri Emmanuelli, comme la passion républicaine de Claude Bartolone. Et comment ne pas saluer Laurent Fabius, qui préside au respect de notre Constitution, et François de Rugy, placé face aux enjeux vitaux de sauvegarde de notre planète ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)

J’ai parlé de « gravité » au commencement de mon propos parce qu’au-delà des sentiments, il y a la vie politique, qui donne à ce moment une intensité particulière. Chacune et chacun d’entre nous est ici par la confiance que le peuple français a placée en lui. Chacun, ici, représente à égalité la nation, et c’est pour moi un honneur tout particulier d’avoir reçu la confiance des représentants de la nation.

La foi en l’avenir est une impérieuse nécessité face aux crispations du monde, à l’accélération des transitions et aux bouleversements qui génèrent doutes, guerres, souffrances, mais qui offrent aussi tant d’opportunités. Ce qui nous porte toutes et tous, je le sais, c’est la volonté de défendre une certaine idée de l’intérêt général et une conception du progrès et de la solidarité dans notre vie en société. Soyez certains, mes chers collègues, que je serai garant de cette pluralité de convictions et d’actions. Ne doutez pas, madame la présidente Valérie Rabault, messieurs les présidents Christian Jacob, Marc Fesneau, Franck Riester et Jean-Christophe Lagarde, Jean-Luc Mélenchon et André Chassaigne, de mon estime personnelle et de ma détermination à faire vivre les expressions démocratiques dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir ainsi que sur quelques bancs des groupes LR, Socialistes et apparentés et GDR.)

Je suis fondamentalement attaché à des valeurs simples : le travail, la loyauté, le sens de l’honneur et le respect de la parole donnée. Ce sont là, à mes yeux, les traductions concrètes, effectives, dans la vie, de notre devise, « Liberté, égalité, fraternité » : liberté que rien ne peut entraver et que seule la loi peut encadrer, dans le respect de notre Constitution ; égalité qui donne à chaque citoyen le droit et les moyens de réussir sa vie, égalité entre les femmes et les hommes, qui implique qu’aucun citoyen ne soit entravé du fait de son sexe ; fraternité dans le rassemblement républicain. Rappelons aussi notre indéfectible attachement à la laïcité, qui garantit cette liberté intime et intérieure de croire ou de ne pas croire, et qui garantit la liberté des consciences comme la liberté des croyances, dans le strict respect des uns et des autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs des groupes MODEM et UDI-Agir.)

Mme Cécile Untermaier. Très bien !

M. le président. Notre institution est sacrée, et je veillerai de toute mon énergie à sa vigueur comme au respect qu’elle appelle, sans lesquels notre République serait mise à mal. Nos débats sont souvent passionnés, et nos comportements, généreux d’enthousiasme – disons-le ainsi. (Sourires.)

M. Pierre Cordier. C’est joliment dit !

M. le président. Veillons ensemble à ce que les passions légitimes qui nous animent ne dégradent pas l’idée que nos compatriotes peuvent se faire de nous collectivement. Veillons à ce que la pertinence soit toujours mieux entendue que la seule impertinence. Cherchons ensemble à éclairer plutôt qu’à briller, afin que le législateur que nous sommes trouve toujours ce qui répond le mieux à l’intérêt général. Nous savons tous que nous devons renforcer encore la confiance de nos compatriotes dans notre assemblée, non pas en nous justifiant en permanence sur telle rumeur ou telle caricature dont on connaît la violence, mais en faisant connaître la réalité du travail effectué et partagé, et surtout sa fécondité.

Au fond, nos compatriotes veulent comprendre pourquoi un gouvernement et une majorité portent tel projet, tiennent tel cap, et pourquoi tel groupe s’y oppose, tous légitimement, au nom de leur propre conception de l’intérêt général. Loin des arguties et des ergotages, nos débats doivent mettre en lumière, précisément, les réponses différentes que peuvent apporter les parlementaires à des questions concrètes. Comment doit-on produire et consommer aujourd’hui ? Comment va-t-on pouvoir se soigner, se loger, se transporter ? Comment raffermir le pacte républicain, reconquérir la promesse républicaine qui cimente notre société ? Autant d’interrogations qui, en vérité, font notre quotidien sans que cela soit toujours véritablement perçu, tandis que polémiques enflammées et joutes oratoires donnent l’impression de prendre le pas sur la réelle profondeur des débats.

Nous devons ensemble nous attacher à mieux faire connaître et à mieux partager ce que nous faisons ici tous ensemble, en persévérant dans la modernisation de notre institution. Mieux co-construire nos politiques publiques, évaluer en amont et en aval les textes proposés puis adoptés, privilégier les débats de fond, veiller à la séparation des pouvoirs, dans le strict respect des prérogatives du Parlement, faciliter le travail des députés : ce sont là les engagements que je prends devant vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir, sur plusieurs bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe Socialistes et apparentés.)

La rénovation de notre règlement intérieur, sans attendre l’aboutissement de la réforme constitutionnelle, sera l’un des grands chantiers auxquels je souhaite associer tous les groupes et leurs présidents.

Mes chers collègues, notre assemblée est belle. Elle est belle parce que, tous ensemble, nous sommes la diversité de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LR et GDR.) Elle est belle parce que nous sommes des citoyens engagés, qui portons avec ferveur le désir de servir notre peuple et notre pays. Notre assemblée est belle quand elle se saisit de ce qui fera la vie des générations futures. Notre assemblée est belle quand elle s’engage pour l’Europe, espace de paix qui rompt avec la malédiction des siècles passés. Notre assemblée est belle quand elle débat et embrasse des sujets qui dépassent de loin le seul champ de la législation nationale. Notre assemblée est belle quand elle travaille à donner les moyens à chacun de nos compatriotes de maîtriser son destin et de ne pas subir les seules évolutions du monde ou du marché. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

Faire vivre notre devise nationale, c’est considérer qu’il n’y a pas de fatalité liée aux déterminismes sociaux – j’en porte témoignage. Je veux ici dire en particulier à tous les enseignants, à tous les professeurs de France que la République et l’Assemblée nationale les aiment et leur ont confié la plus belle des missions : émanciper par l’instruction et la bienveillance chaque enfant de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs des groupes MODEM, UDI-Agir et Socialistes.) Il faut qu’ils sachent, car nous ne l’exprimons que trop rarement, que tout républicain sait ce que notre pays leur doit, hier comme aujourd’hui. Ils sont les républicains en première ligne, qui permettent l’éveil des consciences, qui rendent aptes aux rencontres et aux opportunités de l’existence.

Aux enfants, aux jeunes, je veux dire que la France est terre d’espoir pour chacun d’entre eux, et que nous sommes là pour leur ouvrir les chemins qu’il leur reviendra de choisir avec l’énergie de leur jeunesse.

Plus personnellement, je veux exprimer une pensée pour tous ceux qui m’ont fidèlement accompagné dans les différentes étapes qui m’ont conduit ici. Ils se reconnaîtront, à commencer par celle qui partage ma vie et, bien sûr, mes enfants. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Ils se reconnaîtront là où ils sont, ceux qui m’ont jadis tant appris, tant donné, et ceux, toujours là, qui me donnent, encore et encore, soutien et énergie.

Permettez-moi, à ce stade, d’évoquer aussi le souvenir d’une amie, notre regrettée collègue Corinne Erhel, trop rapidement arrachée à notre affection, ainsi que le souvenir de mon compagnon de route et collaborateur Hervé Clabon, qui nous a quittés la semaine dernière. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LR, Socialistes et apparentés et GDR.)

Permettez-moi enfin de vous dire que je ne renoncerai à rien pour servir avec dévouement et détermination la responsabilité que vous m’avez confiée, pleinement conscient, comme me l’ont enseigné mes maîtres, que c’est notre honneur d’œuvrer pour une tâche dont nous ne verrons jamais le plein accomplissement. Je vous remercie. (Mmes et MM. les députés des groupes LaREM et MODEM ainsi que MM. les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir et sur plusieurs bancs des groupes LR, Socialistes et apparentés et GDR.)
Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq, sous la présidence de M. Hugues Renson.)


Source : Assemblée Nationale.

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20180912-discours-richard-ferrand.html

 

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12 septembre 2018 3 12 /09 /septembre /2018 18:25

Les députés ont élu leur nouveau Président ce mercredi 12 septembre 2018.

Richard Ferrand a été élu Président de l'Assemblée Nationale le 12 septembre 2018 à 18h30.

Inscrits : 576 voix.
Votants : 
Exprimés : 484 voix.
Majorité absolue : 243 voix.

Richard Ferrand (LREM) : 254 voix (élu au premier tour)
Annie Genevard (LR) : 95 voix.
Marc Fesneau (MoDem) : 86 voix
Ericka Bareigts (PS) : 31 voix.
Mathilde Panot (FI) : 17 voix.



Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180912-richard-ferrand.html

SR

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20180912-resultats-election-perchoir.html

 

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12 septembre 2018 3 12 /09 /septembre /2018 04:26

« Notre caractère est déterminé par l’absence de certaines expériences plus encore que par celles que l’on fait. » (Nietzsche, 1878).


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C’est ce mercredi 12 septembre 2018 à 15 heures, pour la rentrée parlementaire, que le nouveau Président de l’Assemblée Nationale sera élu par les députés en séance publique, pour prendre la succession de François de Rugy, nommé ministre le 4 septembre 2018 en remplacement de Nicolas Hulot. Ce petit jeu de chaises musicales a fait un heureux, l’actuel président du groupe LREM à l’Assemblée Nationale, Richard Ferrand, qui a une grande probabilité d’être élu au perchoir.

En effet, lors de leur réunion en séminaire à Tours le 10 septembre 2018, les 310 députés du groupe LREM ont désigné leur candidat. Comme ils ont la majorité absolue au Palais-Bourbon, leur choix sera nécessairement le choix de l’ensemble des députés. Quatre candidats étaient en lice dont le favori, Richard Ferrand, qui a obtenu 187 voix sur 299 votants et 291 exprimés. Une victoire large mais pas un plébiscite unanime (moins des deux tiers). Si deux candidats ne représentaient qu’eux-mêmes (Philippe Folliot 4 voix et Cendra Motin 15 voix), la candidature de l’ancienne ministre écologiste Barbara Pompili, actuelle présidente de la commission pour le développement durable, a obtenu 85 voix, ce qui est notable.

Mais dès lors que la redoutable présidente de la commission des lois, Yaël Braun-Pivet, furtive candidate, a renoncé le jour même de sa candidature, le 6 septembre 2018, après avoir qualifié Richard Ferrand de représentant de "l’ancien monde", renoncement après un coup de téléphone de Matignon ou de l’Élysée, il n’y avait plus beaucoup de suspens.

Comme je l’ai évoqué précédemment, le pouvoir actuel a raté l’occasion d’une véritable ouverture politique, celle d’installer au perchoir une femme pour la première fois dans l’histoire de la République. Mais encore fallait-il que ce ne fût pas la seule qualité du prochain locataire de l’Hôtel de Lassay !

Ainsi, la campagne interne de Barbara Pompili était assez désastreuse puisque son seul argument était d’être une femme. Or, si effectivement, elle est bien une femme, c’était un peu court politiquement pour oser espérer s’imposer et devenir le quatrième personnage de l’État (désolé pour le masculin).

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Et comme représentante de "l’ancien monde", Barbara Pompili était bien placée avec ses multiples retournements de veste : coprésidente du groupe des écologistes en 2012, sous-ministre socialiste en 2016 et députée En Marche en 2017, elle représente exactement ce que les électeurs détestent, l’arrivisme, ici dans sa version pseudo-écologiste comparable à celle de Jean-Vincent Placé (qui vient d'être condamné pour violences le 10 septembre 2018 à trois mois de prison avec sursis) et François de Rugy (ce dernier étant le champion puisqu’il a été candidat à la candidature socialiste à l’élection présidentielle !).

On peut regretter raisonnablement l’absence, au sein du groupe des députés LREM, de femmes d’État d’expérience qui auraient eu vocation à être Présidente de l’Assemblée Nationale, de la carrure d’une Simone Veil, d’une Michèle Alliot-Marie, d’une Ségolène Royal ou même d’une Christiane Taubira. Mais c’est la caractéristique de tout nouveau parti politique. Rien n’empêche que la fonction crée la personne qui l’occupe, si le "casting" est bon. Ce ne fut pas le cas de François de Rugy. Espérons le contraire pour Richard Ferrand.

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En ce sens, Richard Ferrand est l’hypothèse la plus "juste" des engagements présidentiels et il a eu raison de dire qu’il n’était pas un "chouchou" et qu’il a été normalement élu par des députés eux aussi légitimes. Ce procès en favoritisme pourrait être fait pour quasiment tous ses prédécesseurs.

Rappelons par exemple l’élection au perchoir de 1978, au pire moment du conflit chiraco-giscardien. Edgar Faure, ancien radical et donc centriste, Président sortant (élu en 1973), a voulu se faire reconduire. Il a été activement soutenu par le RPR de Jacques Chirac (Edgar Faure avait été nommé ministre par les gaullistes). Pour éviter la victoire du RPR, les giscardiens de l’UDF centriste (parti tout nouveau) ont soutenu au contraire Jacques Chaban-Delmas, pourtant baron gaulliste (adversaire présidentiel de Valéry Giscard d’Estaing en 1974 et opposant récurrent de Jacques Chirac). Résultat, Jacques Chaban-Delmas, dont la légitimité historique était déjà acquise, fut élu à fronts renversés !

Richard Ferrand, qui n’est député (breton) que depuis juin 2012 (élu avec la photo de François Hollande sur l’affiche), est plutôt dans le cas de Bernard Accoyer. Ce dernier fut président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale lors du mandat de Jacques Chirac puis Président de l’Assemblée Nationale lors du mandat de Nicolas Sarkozy (et fut désigné secrétaire général de LR après la désignation de François Fillon lors la primaire LR de novembre 2016).

Après avoir été socialiste, Richard Ferrand a sympathisé avec Emmanuel Macron, alors Ministre de l’Économie, en étant rapporteur de la loi Macron. Richard Ferrand fut même le premier député à croire en la démarche présidentielle d’Emmanuel Macron. En 2016, il fut le secrétaire général du mouvement En Marche pour organiser la campagne présidentielle et, après un court passage dans un ministère (écarté à cause d’une affaire judiciaire), il a pris en main en juin 2017 le pléthorique groupe des députés LREM, pour la plupart novices non seulement du Palais-Bourbon mais aussi de l’engagement politique en général. Cette fonction de président du groupe LREM sera donc probablement vacante dans quelques heures.

Parmi les responsabilités qu’avait assumées Richard Ferrand jusqu’à maintenant, il y avait aussi le poste déterminant de rapporteur général de la réforme des institutions. Vu la difficulté des débats parlementaires sur cette réforme très mal engagée en juillet 2018, son successeur à ce rôle essentiel aura une responsabilité très forte dans le dispositif du gouvernement actuel.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (11 septembre 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Richard Ferrand, l’adjudant-chef promu maréchal.
Résultat de l'élection du nouveau Président de l'Assemblée Nationale du 12 septembre 2018.
Richard Ferrand, candidat favori au perchoir.
Il faut une femme au perchoir !
Emmanuel Macron.
Édouard Philippe.
Nicolas Hulot.
Christophe Castaner.
La XVe législature.
Richard Ferrand et son affaire.
François de Rugy.
Claude Bartolone.
Patrick Ollier.
Jean-Louis Debré.
Raymond Forni.
Laurent Fabius.
Philippe Séguin.
Henri Emmanuelli.
Jacques Chaban-Delmas.
Edgar Faure.
Édouard Herriot.
Vincent Auriol.
Paul Painlevé.
Léon Gambetta.

_yartiPerchoir2018A02



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180912-richard-ferrand.html

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/09/13/36696834.html



 

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4 septembre 2018 2 04 /09 /septembre /2018 13:15

« La femme a le droit de monter à l’échafaud ; elle doit également avoir celui de monter à la tribune. » (Olympe de Gouges, 1791).


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C’est fait, ce mardi 4 septembre 2018, peu avant 13 heures, le remaniement du second gouvernement d’Édouard Philippe tant attendu depuis sept jours a été annoncé. François de Rugy (44 ans) a été nommé Ministre d’État, Ministre de la Transition écologique et solidaire, en remplacement de Nicolas Hulot, et, surprise de dernière minute, après la démission quelques heures auparavant de la très populaire Ministre des Sports Laura Flessel, ancienne championne olympique d’escrime, c’est Roxana Maracineanu (43 ans), ancienne championne du monde de natation, qui la remplace au gouvernement. Roxana Maracineanu (diplômée de Sup de Co Paris) a été élue conseillère régionale socialiste d'Île-de-France du 21 mars 2010 au 13 décembre 2015.

Inutile de dire qu’on imagine mal François de Rugy à la hauteur du poste, si c’est pour résister face aux "lobbies" de tous poils. Stéphane Travert, le Ministre de l’Agriculture, doit se frotter les mains avec un petit sourire ; il a manifestement gagné. Sans aucune expérience internationale, alors qu’une politique écologique ne peut être efficace que mondiale, François de Rugy reçoit au moins son bâton de caporal ministériel : étrangement, malgré les multiples retournements de vestes depuis quelques années, au contraire de ses "vieux" camarades écologistes Jean-Vincent Placé, Barbara Pompili, Emmanuelle Cosse, Cécile Duflot, etc., François de Rugy n’avait encore jamais été ministre. Il entre donc au conseil des ministres par la grande porte, numéro trois du gouvernement, avec range de Ministre d’État.

D’abord, quelques réflexions rapides sur ce remaniement minimaliste : Édouard Philippe voulait un remaniement plus large pour avoir une meilleure cohésion de son équipe, mais le choix présidentiel a prévalu, remplacer juste ceux qui sont partis. Élargir le remaniement, c’était prendre le risque d’ouvrir la boîte de Pandore : en effet, qui garder ?!

Ensuite, le choix du successeur de Nicolas Hulot devait se faire nécessairement sur l’aile gauche et pas sur l’aile droite déjà bien représentée individuellement et politiquement. Donc, l’hypothèse d’un retour d’un ancien mais furtif Ministre de l’Écologie, Alain Juppé, mentor du Premier Ministre, était peu envisageable. Tout comme celle de Jean-Louis Borloo, de toute façon trop amer après son rapport sur les banlieues. Parmi les hypothèses, la principale, Daniel Cohn-Bendit, fut levée dès la fin du week-end dernier, celle de Pascal Canfin, ancien ministre, dans la matinée, ainsi que d’autres personnes, comme Ségolène Royal, Barbara Pompili, Laurence Tubiana (proposée par Dany-le-Vert), etc.

La nomination de François de Rugy, faute de "mieux" (Daniel Cohn-Bendit, Pascal Canfin, etc.), semble hélas montrer une tendance au retour au "vieux monde". Bon, disons-le tout de suite, je n’ai jamais cru au "nouveau monde" et il y a une sorte de prétention extrême (typiquement pharaonique !) à croire qu’une fois qu’on arrive au pouvoir, on démarre une nouvelle période. Il faut être Bonaparte, De Gaulle ou Gambetta pour faire l’histoire républicaine (oui, même Napoléon fut un républicain en créant le Consulat).

Quelle est cette tendance au "vieux monde" ? D’une part, et je trouve cela très pertinent, nommer un animal politique et pas un inexpérimenté des joutes parlementaires et politiciennes. François de Rugy est un politique, d’ailleurs, c’est aussi sa faiblesse, il n’a jamais connu que la politique. D’autre part, vu sa personnalité qui n’a pas semblé déplacer des montagnes en 2017, sa nomination ressemble plus à une prudence qu'à une révolution. Rappelons qu’il fut candidat à la primaire du Parti socialiste et le 22 janvier 2017, il n’a même pas rassemblé 4% des voix (exactement, 3,9%) pour désigner une candidature qui, au final, n’a obtenu que 6,3% des voix le 23 avril 2017. On pourrait donc le jauger comme valant 0,2% des suffrages exprimés de l’an dernier, mais comme il a été "futé" (ou ambitieux), François de Rugy a finalement soutenu la candidature d’Emmanuel Macron et même, a adhéré à La République En Marche, lui permettant d’obtenir le perchoir, surtout grâce à son expérience de député comparativement bien plus grande que l’armée de novices qui est arrivée au Palais-Bourbon le 18 juin 2017.

Or, voici bien le risque du "vieux monde". Tous les passionnés d’écologie auront le droit d’être déçus par cette nomination : François de Rugy sera un fidèle soldat du macronisme et n’aura pas une pensée indépendante (comme pouvait l’avoir Nicolas Hulot, mais aussi Daniel Cohn-Bendit et probablement Ségolène Royal).

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Le risque, c’est que cette nomination fût avant tout motivée par le jeu des chaises musicales : le perchoir est "enfin" libre ! Or, depuis le début de la législature, il y en a un qui le "reluque" intensément : Richard Ferrand, président du groupe LREM à l’Assemblée Nationale. Il avait déjà dû quitter son ministère à cause de l’affaire le concernant, et cette affaire l’avait aussi empêché de se présenter honorablement au perchoir. Il avait même voulu que l’élection en 2017 se déroulât pour un demi-mandat, pour lui laisser le fauteuil en fin de législature, mais cette démarche était totalement anticonstitutionnelle, puisque le Président de l’Assemblée Nationale ne peut être élu que pour la totalité de la durée de la législature (cinq ans, ou moins en cas de dissolution).

Bref, la nomination de François de Rugy au gouvernement va donc éviter une confrontation avec Richard Ferrand qui a ainsi un boulevard pour atteindre le perchoir. Avec le nombre pléthorique de députés LREM (large majorité absolue) et la loyauté de ceux-ci, il y a peu de doute que c’est Richard Ferrand qui fera l’élection selon ses propres volontés.

Mais alors, l’élection de Richard Ferrand au perchoir dans les jours qui viennent (le mercredi 12 septembre 2018 à 15 heures, avant la rentrée parlementaire) est-elle incontournable ? Politiquement, et mathématiquement, oui. Mais pas forcément psychologiquement. Si une large campagne d’opinion se levait contre cela, avec l’impopularité croissante du Président de la République (plus basse que François Hollande à la même époque du quinquennat !), le "vieux monde" serait peut-être mis en difficulté.

Car enfin, c’est bien beau de vouloir la parité avec les femmes, c’est bien beau, mais jusqu’à maintenant, aucune femme Présidente de la République (et je suis heureux que ce fût ainsi, je n’aurais voulu ni Ségolène Royal en 2007 ni Marine Le Pen en 2017), aucune femme Premier Ministre (seule Édith Cresson a montré que c’était très audacieux de féminiser Matignon et ce fut presque comme un vaccin anti-femme), aucune femme Ministre d’État (notons que François Bayrou, Ministre d’État, fut remplacé par Nicole Belloubet à la Justice, mais sans le titre de Ministre d’État, au contraire du remplaçant de Nicolas Hulot), une proportion très faible de maires femmes (à l’exception de Paris avec un duel en 2014 entre Anne Hidalgo et NKM), et aussi, aucune femme au perchoir de toute l’histoire de la République française. Ségolène Royal a failli gagner le fauteuil en 2012, mais elle a été battue dans sa circonscription par un candidat socialiste dissident. Marylise Lebranchu aurait dû la remplacer mais elle avait trop envie d’être au gouvernement. Résultat, Claude Bartolone.

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Si Emmanuel Macron milite sincèrement pour la cause des femmes, voici l’occasion en or d’encourager l’élection d’une femme au perchoir. En quinze mois, parmi les députés LREM (car il ne peut s’agir que d’un membre de LREM), de nombreuses femmes ont montré leur talent, leur assiduité au travail parlementaire, leur indépendance d’esprit et même leur combativité. Que ce talent s’exprime donc au perchoir !

Des noms ? Je préfère ne pas en donner, car le risque, c’est de "consumer" trop rapidement les hypothèses. Mais se donner pour objectif de faire élire une femme au perchoir, dans une assemblée qu’on a vantée pour sa féminisation grâce au principe de parité dans les candidatures, c’est montrer, dans les faits, un véritable aspect de ce "nouveau monde" dont on voudrait tant être le chantre.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (04 septembre 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Il faut une femme au perchoir !
Emmanuel Macron.
Édouard Philippe.
Nicolas Hulot.
Christophe Castaner.
La XVe législature.
Richard Ferrand.
François de Rugy.
Claude Bartolone.
Patrick Ollier.
Jean-Louis Debré.
Raymond Forni.
Laurent Fabius.
Philippe Séguin.
Henri Emmanuelli.
Jacques Chaban-Delmas.
Edgar Faure.
Édouard Herriot.
Vincent Auriol.
Paul Painlevé.
Léon Gambetta.

_yartiMacron20180709A03


http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180904-perchoir.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/il-faut-une-femme-au-perchoir-207406

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/09/05/36678813.html


 

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4 septembre 2018 2 04 /09 /septembre /2018 12:59

L'annonce du remaniement ministériel a été faite ce mardi 4 septembre 2018 à 12h59 par l'Élysée.

François de Rugy est nommé Ministre l'Écologie pour succéder à Nicolas Hulot, démissionnaire le 28 août 2018, et l'ancienne championne de natation Roxana Maracineanu est nommée Ministre des Sports pour remplacer Laura Flessel qui a démissionné ce même 4 septembre 2018 pour raisons personnelles. Le conseil des ministres se réunit mercredi 5 septembre 2018 et est suivi d'un séminaire gouvernemental.

SR

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20180904-remaniement-ministeriel.html

 

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25 juillet 2018 3 25 /07 /juillet /2018 04:31

« Éloigner les députés des électeurs n’a visiblement rien produit de bon jusqu’à présent. Cette fois, la conséquence sera encore d’affaiblir les représentants du peuple et de les mettre un peu plus dans les mains des partis et, au bout du compte, rendre un peu plus puissante cette technostructure immuable, souvent pléthorique et presque systématiquement irresponsable qui, en réalité, gouverne derrière les ministres qui passent. Cette Constitution Macron donne un triste parfum de la victoire de la technostructure contre les représentants du peuple. » (Olivier Marleix, député LR, le 10 juillet 2018 dans l’Hémicycle).



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En tout en France, il n’y aurait plus que 6 députés communistes, 7 députés France insoumise, 19 députés socialistes, 2 députés UDI et 4 députés FN. C’est le résultat d’une simulation reprenant les résultats des élections législatives des 11 et 18 juin 2017 en appliquant la réforme des institutions voulue par le Président Emmanuel Macron et actuellement en examen. Un bon moyen de laminer les groupes politiques d’opposition et surtout, leur diversité sur l’échiquier politique. C’est d’ailleurs le seul but de cette réforme des institutions : affaiblir le Parlement et modifier le mode de scrutin pour détruire les oppositions. C’est sans précédent dans l’histoire constitutionnelle de la Ve République.

J’ai appris l’existence de ce mystérieux rapport parlementaire sur le scrutin proportionnel le mercredi 11 juillet 2018 par une déclaration du président du groupe LR à l’Assemblée Nationale Christian Jacob invité de "Politique Matin" sur LCP. Il a expliqué en effet que son collègue LR Olivier Marleix avait été chargé de faire des projections pour savoir quelle serait la composition de l’Assemblée Nationale élue les 11 et 18 juin 2017 si la réforme des institutions présentée par le gouvernement actuel avaient été appliquée. Olivier Marleix se serait fait aider du mathématicien Cédric Villani, député LREM de l’Essonne, pour la partie technique.

J’ai donc recherché ce rapport dans la base documentaire très fournie de l’Assemblée Nationale, mais je ne l’ai pas trouvé. J’ai compris pourquoi par la suite.

Christian Jacob a expliqué que ce rapport avait été censuré par la commission des lois de l’Assemblée Nationale parce que ses conclusions n’étaient pas conformes à ce qu’attendait la majorité : en effet, loin de renforcer la représentativité des petites formations, le projet d’instiller la proportionnelle au niveau national a au contraire réduit la présence des petits partis dans l’hémicycle. On comprend donc pourquoi ce rapport tarde à être publié.

On pouvait en savoir un peu plus sur ce mystérieux rapport lors de la discussion du projet de loi constitutionnelle au cours de la séance publique du 18 juillet 2018. Deux députés, un de la majorité, Christophe Euzet (LREM), maître de conférences en droit public à Perpignan, un de l’opposition, Olivier Marleix (LR), nommés rapporteurs, ont été chargés par la commission des lois de l’Assemblée Nationale d’une "mission flash" en février 2018 pour faire des projections électorales sur le mode de scrutin, en s’aidant du concours de leur collègue Cédric Villani. Leurs travaux n’ont toujours pas été présentés. Ils auraient dû l’être en avril 2018 mais à chaque demande de date d’Olivier Marleix, il a été répondu de manière très vague.

Finalement, le 18 juillet 2018, la présidente de la commission des lois, Yaël Braun-Pivet (LREM), qui est également une des rapporteurs du projet de loi constitutionnelle, a annoncé que la présentation de ces travaux à la commission des lois aurait lieu le 12 septembre 2018 et a donné une première raison pour leur non publication : « Si ce rapport n’a pas été publié, c’est parce qu’il n’a pas encore été rédigé. Il n’existe pas. J’aurais donc bien du mal à le publier. ». Et d’affirmer : « Le bureau de la commission des lois, réuni aujourd’hui [18 juillet 2018] à 14 heures 30, a entériné cet ordre du jour pour la reprise de nos travaux en septembre. Une fois rédigé, ce rapport sera donc présenté à la commission le 12 septembre, laquelle autorisera ou non, je ne puis en juger à ce stade, puisque la réunion n’a pas encore eu lieu, sa publication. ».

Philippe Gosselin a répondu à Yaël Braun-Pivet : « La mission a été lancée par la commission au mois de février, et ses conclusions étaient attendues pour avril. Depuis le mois d’avril, en réunion de bureau comme au sein de la commission, notre collègue Olivier Marleix a demandé avec insistance à quel moment il pouvait présenter ces conclusions. De façon évasive, madame la présidente de la commission, vous avez toujours répondu que l’on verrait le moment venu, que vous n’aviez pas votre agenda sur vous, et autres arguments du genre. En réalité, tout a été fait pour que les conclusions de ce rapport ne soient pas révélées en plein jour, car elles dérangent. Oui, en effet, le scrutin proportionnel soulève de vraies difficultés. Olivier Marleix a même été obligé d’en faire état la semaine dernière, dans le cadre de la discussion générale, car vous refusiez de publier ce rapport et de le soumettre à notre examen. La publication est une chose, mais l’examen en commission en est une autre : on assiste de ce point de vue à des manœuvres dilatoires, et je ne puis vous laisser dire ce que vous avez dit. Vraiment, ce n’est pas très honnête. ».


Le mystérieux rapport dévoilé par Olivier Marleix dès le 10 juillet 2018

Comme l’a dit Philippe Gosselin, il faut en effet revenir sur la déclaration de son collègue Olivier Marleix dans la discussion générale du 10 juillet 2018 pour avoir quelques idées du contenu du mystérieux rapport que la majorité a refusé de publier avant l’examen du projet de loi constitutionnelle.

Voici ce qu’Olivier Marleix a dit dans l’hémicycle le 10 juillet 2018 : « Comme vous l’avez rappelé cet après-midi, monsieur le Premier Ministre, depuis 1958, toutes les révisions constitutionnelles qui ont touché à l’équilibre des pouvoirs entre l’exécutif et le Parlement l’ont toujours fait systématiquement dans un même sens : donner plus de pouvoir au Parlement. Votre texte est donc la première révision qui aille en sens inverse. C’est la première fois que l’on fait voter par une majorité soumise la réduction de ses droits et son propre affaiblissement. (…) Ainsi, pour m’en tenir à la seule affirmation selon laquelle le Parlement sera plus représentatif, c’est exactement l’inverse qui se produira. En réalité, monsieur le Premier Ministre, vous proposez deux mesures qui sont, techniquement, en parfaite contradiction : d’un côté, l’introduction d’une dose de 15% de proportionnelle, censée favoriser la représentation de la diversité et des petits partis et, de l’autre, une réduction de 30% du nombre de députés qui, si l’on tient compte de ceux qui seront élus à la proportionnelle, représente en réalité une réduction de 40% du nombre des circonscriptions, qui passera de 577 à 344, ce qui aura pour effet de doubler quasiment la taille de ces dernières, diluant ainsi et faisant disparaître les plus petites, les bastions électoraux qui permettent aujourd’hui aux petits groupes d’avoir des députés. ».

D’où : « Les conséquences de votre réforme sont donc de deux ordres. Ce sera d’abord un écrasement des minorités politiques et de la diversité. Les petites formations gagneront en réalité beaucoup moins avec les 15% de proportionnelle qu’elles ne perdront avec la réduction de 40% du nombre de circonscriptions. [Ensuite, la réforme] fait disparaître les circonscriptions les plus marquées électoralement dans un marais favorable aux majorités. ».

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Olivier Marleix a alors fourni publiquement les conclusions de sa mission flash : « Je vais vous donner des chiffres, issus d’une mission que m’avait confiée la présidente de la commission des lois et sur lesquels a du reste travaillé l’un de nos collègues de la majorité. Des simulations faites sur la base des résultats de 2017 donnent des résultats assez édifiants : avec les règles issues du paquet constitutionnel que vous nous présentez, il n’y aurait plus (…) que 6 députés communistes, 7 députés de la France insoumise, 19 pour le groupe de la Nouvelle gauche [socialistes], 2 pour l’UDI et 4 pour le FN. Ces chiffres seront évidemment communiqués le jour où, comme je l’espère, madame la présidente [de la commission des lois], ce rapport pourra être inscrit à l’ordre du jour de la commission des lois. On aura donc, monsieur le Premier Ministre, après votre réforme, une Assemblée Nationale moins représentative qu’auparavant. ».

Les conséquences de ce résultat, c’est un affaiblissement de l’opposition parlementaire : « La difficulté qui en résultera tient à l’exercice démocratique : même en abaissant à 10 députés le seuil permettant de former un groupe politique, trois des sept groupes qui forment actuellement notre Assemblée Nationale auraient vocation à disparaître et la possibilité concrète pour les députés, même avec un groupe de 10, de participer au débat parlementaire serait fortement remise en cause, car les députés n’ont pas le don d’ubiquité. (…) Par soucis de justice, je voudrais aussi rendre un vibrant hommage aux 130 députés de LREM et du MoDem, 130 au minium, toujours sur la base des résultats de 2017, qui acceptent de sortir d’ici comme ils y sont entrés : par la volonté d’Emmanuel Macron, sans qu’il soit tragiquement question de volonté du peuple ou de force des baïonnettes. Mes chers collègues, je ne connais pas les noms des personnes concernées, mais je vous donnerai les études faites par votre collègue du groupe LREM, ces chiffres sont à votre disposition. ».

Autre conséquence : « La deuxième conséquence de votre réforme est ce que le professeur Dominique Chagnollaud appelle la désertification démographique, c’est-à-dire la quasi-disparition des députés en milieu rural. Dans 21 départements, il n’y aura plus qu’un seul député et Paris et le Nord auront, à eux seuls, autant de députés que 21 départements français réunis. ».

Olivier Marleix a terminé son intervention du 10 juillet 2018 ainsi : « Moins de représentants du peuple, c’est mathématiquement moins de diversité, si l’on reste, comme nous, membres du groupe LR, attaché au scrutin majoritaire. Monsieur le Premier Ministre, éloigner les députés des électeurs n’a visiblement rien produit de bon jusqu’à présent. Cette fois, la conséquence sera encore d’affaiblir les représentants du peuple et de les mettre un peu plus dans les mains des partis et, au bout du compte, rendre un peu plus puissante cette technostructure immuable, souvent pléthorique et presque systématiquement irresponsable qui, en réalité, gouverne derrière les ministres qui passent. Cette Constitution Macron donne un triste parfum de la victoire de la technostructure contre les représentants du peuple. ».

Revenons maintenant à la discussion parlementaire du 18 juillet 2018.


Différentes interprétations du futur rapport Marleix-Euzet ?

Hervé Saulignac a alerté, lui aussi, sur l’effet pervers de la réforme du mode de scrutin : « La représentation nationale doit connaître la réalité des effets de la proportionnelle telle que vous l’avez prévue sur la représentation au sein de notre assemblée (…). Les effets sur le pluralisme ne seront pas ceux que vous nous promettez. ».

Très présent sur le terrain institutionnel (et par ailleurs corapporteur de la commission d’enquête sur l’affaire Benalla), Guillaume Larrivé a enfoncé le clou : « La question posée par notre collègue (…) socialiste est essentielle. Que dit monsieur Saulignac ? Que le mode de scrutin proposé par le gouvernement réduira la diversité de la représentation des courants d’opinion. Le rapport de notre collègue Olivier Marleix, qui, à ce stade, a été censuré par la commission des lois, et la contribution de monsieur Villani à ce rapport démontrent avec a force de l’évidence mathématique que la conjonction de la diminution du nombre de parlementaires et de l’introduction d’un scrutin mixte aura pour effet de réduire la diversité de la représentation des courants d’opinion. ».

Olivier Becht n’a pas semblé non plus convaincu par la proportionnelle : « Je vous mets en garde contre l’idée que la proportionnelle assurerait davantage de pluralisme que le scrutin majoritaire. L’Assemblée Nationale élue en 1986 à la proportionnelle intégrale ne comprenait pas plus de groupes politiques que la nôtre, élue au scrutin majoritaire à deux tours. Sa composition était différente, ses groupes étaient différents, mais ceux-ci n’étaient pas moins nombreux qu’aujourd’hui. ».

Prenant la parole puisque son nom a été souvent cité à ce sujet, Cédric Villani a déclaré tout en nuances courtoises : « Je me réjouis que nos collègues suivent avec autant d’intérêt les travaux de la mission chargée d’apprécier les incidences d’une évolution du mode de scrutin des députés. À cette mission en cours, dont les rapporteurs sont Olivier Marleix et Christophe Euzet, j’ai pu contribuer au titre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Il est heureux qu’une réflexion technique puisse nourrir des débats politiques sans sombrer dans la technocratie. (…) Pour réaliser cette étude technique, j’ai demandé le concours d’experts bénévoles, qui ont travaillé en coordination avec nous. Ce travail rude a débouché sur des conclusions intéressantes. ».

Cédric Villani a critiqué le fait que ces conclusions fussent instrumentalisées par l’opposition : « Je vous fais remarquer que l’on ne peut pas séparer la question du nombre et de la représentativité des parlementaires, de celle du pourcentage de parlementaires élus à la proportionnelle. (…) Elles jouent en sens inverse. La réduction du nombre de députés favorise le fait majoritaire, mais la proportionnelle atténue ce fait majoritaire. Il faut considérer ces deux effets. ».

Le député mathématicien a donc insisté sur l’équilibre à trouver entre ces deux effets : « D’une part, monsieur Larrivé, vous avez dit (…) que vous n’êtes pas hostiles à une diminution du nombre de députés. Or, il est mathématique qu’une telle diminution accroît le fait majoritaire, donc tend à diminuer la représentation des partis minoritaires. D’autre part, pour compenser cette évolution, les constitutionnalistes et les experts en science du scrutin s’accordent à dire qu’il faut introduire, d’une manière ou d’une autre, une dose de proportionnelle. On peut discuter de la façon dont ce facteur sera pris en compte ; trente-six méthodes permettent de le faire. Mais cette discussion technique n’a pas sa place dans un débat constitutionnel. Nous aurons tout le loisir d’en reparler lors de l’examen du projet de loi ordinaire et du projet de loi organique. ».

Pourtant, le mode de scrutin pour élire les députés est intimement lié à la nature du régime politique et ce fut une grande erreur que celui-ci ne fût pas inscrit dans la Constitution afin d’éviter qu’une majorité puisse changer à elle seule la règle du jeu pour son propre intérêt.

Christophe Euzet, l’autre rapporteur de la mission en question, de la majorité, a tenu à rétablir un fait : « Je vous remercie (…) de m’associer à la mission d’information dont j’ai eu l’initiative avec monsieur Villani, et dans laquelle nous avons tenu à ce que les députés du groupe LR soient représentés, afin qu’elle ne soit pas taxée de partialité. ». Puis, très partisan, Christophe Euzet a rejeté les conclusions exprimées par Olivier Marleix : « Le 12 septembre, quand nous présenterons les conclusions de notre mission, j’invite tous ceux qui sont sensibles au sujet à venir nous écouter. Ils prendront la mesure du fait que, loin de détruire la démocratie (…), nous allons au contraire la dynamiser. Un scrutin populaire n’a-t-il pas révélé que le scrutin majoritaire que vous avez soutenu pendant des années a conduit à une crise de la représentation, celle-là même que vous dénoncez depuis trois jours, et que nous nous employons à résoudre ? ».

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Mais son argumentation ne fut pas très convaincante : « Venez écouter nos arguments. Peut-être serez-vous convaincus par l’idée que, sans chambouler le régime actuel, qui repose sur un scrutin majoritaire, on y peut introduire une part de proportionnelle qui fera entrer dans cette enceinte des partis politiques que vous vous êtes échinés pendant trente ans à maintenir à l’extérieur. ».

Car si les partis politiques qu’il a évoqués, c’étaient le Front national et le parti de Jean-Luc Mélenchon, justement, le scrutin des 11 et 18 juin 2017 a permis leur entrée au Palais-Bourbon et les simulations de la mission Marleix-Euzet ont démontré que ces deux partis s’effondreraient avec la réforme proposée.

Olivier Marleix a répondu à Cédric Villani et à Christophe Euzet de la manière suivante : « Monsieur Villani a entièrement raison lorsqu’il dit qu’il faut combiner les deux facteurs d’évolution : réduction du nombre de députés au scrutin majoritaire et introduction d’une dose de proportionnelle. Les travaux qu’il a fait réaliser et que vous découvrirez un jour montrent fort bien que les résultats auraient pu varier. Cependant, nous connaissons aujourd’hui les hypothèses que le gouvernement a retenues dans le projet de loi ordinaire. Il est incontestable que la réduction du nombre de circonscriptions, il y en aura 242 en moins !, aura un effet écrasant : les petits partis en perdront beaucoup plus au scrutin majoritaire qu’ils n’en gagneront grâce à la proportionnelle. Leurs gains se réduiront à quelques miettes. (…) Il n’est pas douteux qu’aux termes de l’hypothèse de travail que nous a fournie le gouvernement, la diversité, les petites formations, seront écrasées. Autant dire que l’intitulé du texte, qui nous promet une démocratie plus représentative, est pour le moins mensonger. ».

Marc Le Fur est intervenu pour donner une conséquence de la réforme des institutions sur la parité dans les assemblées : « L’une des hypocrisies qui entourent ce texte consiste à prétendre qu’il augmentera la proportionnelle, alors qu’il la réduira dans l’une des assemblées, en l’occurrence le Sénat, qui est déjà la moins féminisée, avec toutes les conséquences que cela aura pour les femmes. Je pense donc, mesdames, que vous devriez vous opposer comme nous à l’ensemble du texte ! ».

Cette étude, qui va être présentée le 12 septembre 2018 devant la commission des lois de l’Assemblée Nationale, pourrait donc remettre en cause l’objectif que s’était fixé le gouvernement dans cette réforme des institutions, à savoir vouloir une démocratie plus représentative. La réalité, c’est que si cette réforme était adoptée, la représentation nationale en souffrirait et le fossé entre les citoyens et leurs députés s’élargirait encore plus.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (24 juillet 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Élections législatives des 11 et 18 juin 2017.
Réforme Macron des institutions (6) : le mystérieux rapport sur le scrutin proportionnel.
Réforme Macron des institutions (5) : l’impossible principe de proportionnalité démographique de la représentation démocratique.
Exemplaire et inaltérable, la République ?
Réforme Macron des institutions (4) : la totalité du projet gouvernemental.
Réforme Macron des institutions (3) : réduire le Parlement ?
Réforme Macron des institutions (2) : le projet de loi constitutionnelle.
Réforme Macron des institutions (1) : les grandes lignes.
Non à la représentation proportionnelle aux élections législatives !
Non à la suppression des professions de foi !
Protégeons la Ve République !

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180711-reforme-institutions-af.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/reforme-macron-des-institutions-6-206350

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/07/25/36584092.html


 

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24 juillet 2018 2 24 /07 /juillet /2018 05:05

« Je veux combattre cette idée complètement fausse, pour ne pas dire farfelue, selon laquelle réduire le nombre de parlementaires, c’est renforcer le pouvoir du Parlement. Pardon, mais c’est un mensonge car moins il y a de parlementaires, plus il est facile pour l’exécutif de les contrôler ! » (Jean-Christophe Lagarde, le 18 juillet 2018 dans l’Hémicycle).



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Je reprends ici mes chroniques sur la réforme des institutions. J’ai conscience que ce sujet n’est pas le plus "sexy" et passionne peu de monde, mais malheureusement, il est de l’enjeu national le plus important qui se noue en ce moment. Si l’on bouleverse l’équilibre des institutions, la France risque de basculer dans la situation institutionnelle de l’Allemagne, voire de l’Italie ou de l’Espagne, ce qui serait un coup dur porté à son avenir déjà assombri par les fractures nombreuses au sein de la société française.

Le député Arnaud Viala a d’ailleurs constaté en séance publique, le 18 juillet 2018, ce phénomène de désintérêt des Français pour ce sujet très important, en s’adressant au gouvernement : « Ce débat est non seulement fastidieux, pour ne pas dire autre chose, mais également insipide pour nos concitoyens. En venant en séance, j’ai croisé un journaliste qui me disait, l’air abattu, qu’il ne vendait pas ses papiers sur les débats de la réforme institutionnelle, malgré tous ses efforts d’en couvrir tous les aspects. Je crois néanmoins qu’il faut expliquer à nos concitoyens les conséquences de ce que vous voulez nous faire adopter. ».

Depuis le 10 juillet 2018, le projet de loi constitutionnelle (la réforme est composée de trois projets de loi, une constitutionnelle, une organique et une ordinaire) est examiné en séances publiques par les députés pour la première lecture. Cet examen a été suspendu sine die ce dimanche 22 juillet 2018 en raison de l’effervescence parlementaire provoquée par l’affaire Benalla. La discussion sur le sujet reprendra à la rentrée, après l’été.

Précisons qu’au contraire des affirmations peu crédibles du gouvernement, et en particulier de la Ministre de la Justice Nicole Belloubet qui défend ce projet de loi constitutionnelle au nom du gouvernement (elle est constitutionnaliste de métier), ce projet ne tend pas à donner plus de pouvoir au Parlement, comme cela avait été formalisé dans les précédentes révisions constitutionnelles, mais au contraire à les diminuer pour renforcer les pouvoirs de l’exécutif.

Comme je l’ai présentée, la réforme est composée de trois projets de loi, qui correspondent aux différentes strates des normes législatives. Or, parfois, la discussion peut se focaliser sur le type de norme dans laquelle une mesure doit être inscrite. Ce débat, peut-être un peu compliqué pour le grand public, est essentiel pour l’avenir du pays car les institutions constituent aujourd’hui le seul pôle de stabilité et d’efficacité de la démocratie française. Il est donc essentiel que leur esprit soit précieusement préservé, même si cela n’exclut pas quelques améliorations ponctuelles.

Pour cet article, je voudrais approfondir le concept de représentation parlementaire des territoires. Déjà, un mot, "territoire", qui semble avoir définitivement gagné sur le mot "région" pour parler de "province". Souvent employés au pluriel, les territoires désignent à la fois les provinces ("en région" pour les Parisiens), et toutes les collectivités territoriales (communes, syndicats de communes, métropoles, conseils départementaux, régionaux, etc.). C’est une notion à la fois vague et à la mode.

Le gouvernement, de manière à mon sens stupide, voudrait bouleverser la représentativité des députés. Aujourd’hui, il y a 577 députés élus au scrutin majoritaire uninominal à deux tours et si chaque député est élu par les électeurs de sa circonscription, et à ce titre, les représente dans les affaires locales, il représente aussi l’ensemble de la nation.

Cette représentation de la nation par chaque député, c’est l’argument de la Ministre Nicole Belloubet qui voudrait dédramatiser sur sa représentativité territoriale et démographique : en effet, moins il y a de circonscriptions, plus elles sont étendues, plus elles sont grandes en population et en superficie, et moins le député aura la possibilité de nouer un contact direct avec ses électeurs. La réponse à cet argument de représenter l’ensemble de la nation bien qu’élu par les électeurs de seulement une circonscription, c’est que cette représentation ne doit pas être théorique, hors-sol, mais bien s’incarner par le contact direct avec des électeurs, la connaissance de leurs problèmes, de leurs réussites, etc.

Le gouvernement souhaite réduire de presque de moitié le nombre de circonscriptions pour plusieurs raisons : d’une part, en réduisant le nombre des députés du tiers, d’autre part, en voulant faire élire le sixième des députés restants au scrutin proportionnel intégral à l’échelle nationale (des députés complètement hors-sol et totalement dépendants des appareils des partis), enfin, en voulant aussi faire élire les députés représentant les Français de l’étranger par un scrutin proportionnel complémentaire (ce qui n’aura aucun sens d’un point de vue représentation), sans compter qu’il faudrait bien réserver des circonscriptions complètes aux outre-mers, pour ne pas avoir des circonscriptions qui engloberaient à la fois la Nouvelle-Caldonie et Wallis-et-Futuna, par exemple ! (Ce qui est déjà le cas avec Saint-Martin et Saint-Bathélémy).

Le problème, c’est le principe de proportionnalité démographique en raison de certains territoires peu peuplés mais qui devraient quand même avoir une représentation parlementaire spécifique. Ce principe de proportionnalité démographique est constitutionnel et la jurisprudence du Conseil Constitutionnel a déjà montré que c’était un principe important pour découper les circonscriptions législatives.

Si l’on appliquait complètement ce principe, cela voudrait dire que certains départements comme la Lozère ou la Creuse n’auraient plus "son" député et ces départements seraient inclus dans des circonscriptions plus vastes comprenant des parties d’autres départements. C’est pourquoi tout le monde s’accorde sur le principe que dans tous les cas, les découpages doivent se faire avec cette règle : au moins un député et un sénateur par département.

Pour l’instant, il y a deux départements qui n’ont qu’un seul député, la Lozère et la Creuse, et c’est déjà très difficile pour ces députés d’assumer leur charge, de rester au contact de leurs électeurs, de faire les déplacements à l’intérieur de leur vaste circonscription. Avec la réforme du gouvernement, il faudrait compter au moins vingt-trois départements qui n’auraient plus qu’un seul député et un seul sénateur. Ce qui correspond à près du quart des départements. On voit déjà que le travail de ces parlementaires va être particulièrement difficile à assurer pour faire le lien entre la France réelle et le pouvoir.

Le gouvernement ne veut pas intégrer cette obligation d’un député et d’un sénateur au moins par département dans le projet de loi constitutionnelle, mais dans le projet de loi organique. Or, il paraît assez probable que le Conseil Constitutionnel pourrait s’autosaisir de ce sujet (il examine systématique la constitutionnalité des lois organiques) lorsqu’il s’apercevra que les contours de certaines circonscriptions violeront le principe de proportionnalité démographique.

Ce débat parlementaire s’est tenu le mercredi 18 juillet 2018 après-midi, juste avant que n’éclatât l’affaire Benalla dans la classe médiatico-politique.


Les opposants à la réforme du gouvernement

Voici les arguments pour constitutionnaliser le principe un député et un sénateur par département, principe qui ferait dérogation au principe de proportionnalité démographique (dans le cas où un département a nettement moins d’habitants que la moyenne des circonscriptions).

Guillaume Larrivé a craint la jurisprudence du Conseil Constitutionnel : « Dans le projet tel que le gouvernement le présente, la règle imposant un député et un sénateur par département est mise en œuvre au plan législatif, par un article du projet de loi ordinaire qui habiliterait le gouvernement à découper les circonscriptions en respectant ce principe. Voici la question que je veux poser par cet amendement : dans quelle mesure cette règle législative serait-elle conforme au principe constitutionnel d’égalité du suffrage et au principe selon lequel le découpage doit s’opérer sur des fondements essentiellement démographiques ? En effet, compte tenu de la très grande réduction du nombre de parlementaires que prévoit le projet de loi organique, la combinaison des trois textes signifie que vous confierez à la loi simple le soin de procéder au redécoupage, avec des écarts démographiques absolument considérables. L’écart entre le député unique d’un département faiblement peuplé et le député d’un département très peuplé serait extrêmement marqué, au point, selon nous, d’être contraire à l’exigence constitutionnelle actuelle d’égalité du suffrage et de découpage sur des fondements essentiellement démographiques. Voilà pourquoi (…) nous pensons nécessaire de poser dès maintenant dans la Constitution, par dérogation, au fond, au principe constitutionnel actuel de redécoupage sur les fondements essentiellement démographiques, ce verrou par lequel nous affirmerions que nous souhaitons un redécoupage assurant au moins un député et un sénateur par département. ».

Pierre Morel-À-L’Huissier (unique député de la Lozère) a apporté son témoignage d’élu rural d’un département très faiblement peuplé : « Je vais essayer de convaincre la représentation nationale (…). M. Larrivé a expliqué la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, que j’ai vécue. En 2009, après la révision constitutionnelle, il y avait deux députés en Lozère. Jean-Louis Debré, que j’avais rencontré préalablement, m’avait dit que la règle des deux députés était une tradition républicaine qui n’était inscrite dans aucun texte. Vous avez vécu cette réforme, madame la garde des sceaux ; vous savez donc de quoi je parle. Comment vous dire à quel point il est important que chaque département ait au moins un député et un sénateur, que c’est la représentation démographique minimale ? La Lozère s’étend sur 5 100 kilomètres carré. Le fait d’être le seul député du département, je le vis tous les jours, toutes les semaines, tous les mois je fais 7 000 kilomètres ! Toute la presse nationale a eu l’occasion de venir voir le zombie qu’est devenu le département de la Lozère. J’en appelle à toute la représentation nationale : préservez au moins un mandat de sénateur et un de député dans chaque département rural ! C’est une supplique : pour des raisons démographiques et démocratiques, cette règle doit être respectée pour préserver la représentation ! ».

Pierre Morel-À-L’Huissier a précisé son activité de parlementaire : « Pour rejoindre la Lozère, il faut passer soit par Clermont-Ferrand, soit par Le Puy-en-Velay, soit par Montpellier. Une présence permanente sur le terrain est nécessaire car nous sommes dans un milieu rural, où tout le monde veut nous voir, où, tous les samedis et tous les dimanches, de nombreuses manifestations ont lieu. Il faut ensuite aller à Paris, à plus de 500 kilomètres, et prendre l’avion. (…) Cette représentation minimale doit être inscrite dans la Constitution parce que je ne suis pas sûr de la jurisprudence à venir du Conseil Constitutionnel. ».

Pierre Morel-À-L’Huissier est revenu ensuite à la charge : « Madame la garde des sceaux, vous êtes d’accord avec nous sur le fond puisque vous renvoyez cette disposition à la loi organique. Qu’est-ce que cela vous coûterait d’accepter de l’inscrire dans la Constitution ? Nous sommes ici en assemblée constituante, je souligne, et vous invoquez, outre le Conseil d’État, le Conseil Constitutionnel, comme si c’était le deus ex machina. La loi organique lui sera soumise et, pour avoir vécu le précédent de 2009, je peux vous dire que c’est le Conseil Constitutionnel qui a décidé qu’en Lozère, il n’y aurait plus deux députés mais un seul, en se saisissant d’office. Il y a donc un risque évident. ».

Philippe Vigier s’est inquiété de la reconcentration des pouvoirs locaux par l’État : « Pourquoi souhaitons-nous au moins un député par département ? Il y a 80 000 habitants en Lozère. On pourrait donc très bien imaginer qu’à la suite d’un redécoupage établissant un ratio de 200 000 habitants par député, celui de la Lozère récupère le bout d’un autre département. Soyons logiques (…) ! Le département est une collectivité, dont chacun connaît l’ancienneté, qui a un rôle stratégique. Si encore vous supprimiez les départements, peut-être pourrions-nous comprendre qu’il y ait des débordements au-delà des frontières actuelles. Mais c’est une unité parfaitement reconnue, avec des organisations d’État. Si un département devait être privé de parlementaire, à l’heure de la reconcentration des pouvoirs, comment sera-t-il défendu, j’insiste sur le verbe, face à l’administration d’État ? Qui défendra la vision stratégique ? Il n’est pas indécent de dire que la stratégie de développement d’un département, dans chacun des domaines, économique, social ou environnemental, ne peut pas être uniquement laissée aux mains de l’appareil d’État. La présence d’un sénateur et d’un député est une garantie pour les habitants, au-delà des critères mêmes de proximité. ».

Plus tard, Philippe Vigier a apporté un autre argument sur l’équilibre des pouvoirs : « Un pouvoir équilibré, c’est un exécutif fort et un pouvoir législatif fort. (…) Ces mots ne sont pas des mots en l’air. Ce matin, nous étions en commission des finances avec plusieurs collègues. Au titre de cette commission, des pouvoirs nous ont été confiés, ainsi qu’au premier d’entre nous : Joël Giraud, le rapporteur général du budget. Il nous a expliqué que, dans le cadre de ses missions de contrôle, il était resté bloqué trente minutes à Bercy parce qu’il ne pouvait pas accomplir les missions prévues par la loi organique et disposer de la latitude d’exploration qu’il souhaitait. (…) Ce que je vous ai dit sur le pouvoir de contrôle qui nous est confié montre l’affaiblissement du Parlement. (…) Si le député de la Lozère est aussi celui de l’Hérault, puisqu’il y aura eu plus d’habitants de ce département que d’habitants de la Lozère à l’avoir élu, notre capacité d’investigation sera réduite à néant. ».

Jeanne Dubié a voulu sensibiliser les députés LREM de départements peu peuplés : « Je tenais seulement à vous dire que la Lozère ne sera pas la seule concernée. Il y aura aussi les Hautes-Pyrénées, par exemple, et bien d’autres départements de montagne et ruraux. Aujourd’hui, siègent parmi la majorité des députés qui connaissent cette réalité. Je les appelle à un peu de réflexion car cela fait un an qu’ils sont élus et se déplacent dans leur circonscription, qu’ils font des kilomètres et des kilomètres pour aller à la rencontre des élus locaux et de leurs concitoyens. ».


Le point de vue de la majorité

Voici les arguments contre la constitutionnalisation de ce principe de représentation (au moins un député et un sénateur par département).

Le député Sacha Houlié, porte-parole de LREM, a eu la mauvaise foi de dire à l’opposition que la réforme, au contraire, allait surreprésenter les territoires ruraux et peu peuplés : « Je rappelle (…) que le principe d’égalité réelle est appliqué au sein de chaque département, où une différence de plus ou moins 20% n’est pas tolérée, mais que celle-ci l’est entre les départements ! (…) Je suis bien placé pour savoir qu’il y aura indéniablement, demain, des différences entre les départements, mais elles répondent à un objectif que vous recherchez : une meilleure représentation des territoires. J’en veux pour preuve que, dans le département de la Creuse, il y aura toujours un député pour 120 000 habitants, dans le département de la Lozère, toujours un député pour 77 000 habitants, dans le département du Cantal, un pour 147 000 habitants, dans celui de l’Ariège, un pour 130 000 habitants. Ainsi, au final, les territoires ruraux seront mieux représentés que les territoires urbains au regard de leur nombre d’habitants, preuve s’il en est que nous tenons compte des territoires ! ».

Cette déclaration a enflammé l’hémicycle, beaucoup de députés se demandant comment Sacha Houlié pouvait savoir ces différences de représentation alors que la carte de découpage électoral n’a pas été transmis aux députés et beaucoup ont réclamé la convocation immédiate devant eux du Ministre de l’Intérieur (Gérard Collomb) pour savoir ce qu’il en était (Gérard Collomb fut sollicité encore plus le lendemain, quand l’affaire Benalla a éclaté).

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Auparavant, le rapporteur général de la réforme des institutions, par ailleurs président du pléthorique groupe LREM à l’Assemblée Nationale, l’ancien socialiste Richard Ferrand a pris les arguments de ses contradicteurs avec beaucoup de légèreté : « Je tiens tout de même à vous rappeler que l’article 6 du projet de loi qui vous sera soumis après la révision constitutionnelle (…) satisfait l’ensemble des amendements qui viennent d’être présentés, les uns après les autres. Je comprends bien que, par goût de l’anticipation, leurs auteurs voudraient que ce principe soit constitutionnalisé ; mais nous ne pensons pas que cela soit nécessaire. (…) Cela étant, je ne voudrais pas que nos compatriotes retiennent l’idée que seuls les auteurs de ces amendements se préoccuperaient de savoir s’il y aura bien et un député et un sénateur a minima par département ou par collectivité, puisque le projet de loi qui a été déposé et qui est en ligne le prévoit d’ores et déjà. C’est bien de le faire pour mémoire, mais c’est d’ores et déjà prévu. Nous ne souhaitons pas constitutionnaliser cette disposition car, d’un part, ce serait contraire à une forme de tradition républicaine et, d’autre part, je ne voudrais pas que les aspirants à l’alternance que j’entends sur tous les bancs se retrouvent, le moment venu, pieds et poings liés par des dispositions qu’ils pourraient regretter. ».

La Ministre de la Justice Nicole Belloubet a aussi répondu à ses contradicteurs : « Je répète que moins d’élus ne signifie pas moins de Parlement, mais au contraire, dans l’organisation que nous voulons mettre en place, un Parlement encore plus puissant et je vais vous expliquer pourquoi. ». À ce moment-là, le député Philippe Gosselin a lâché : « Arrêtez ! Il n’y a que vous qui y croyez ! ». Elle a poursuivi : « Moins d’élus, c’est un poids parlementaire affermi pour chacun des députés, qui représentera plus d’électeurs. ». Elle fut encore interrompue, cette fois-ci par la députée Valérie Boyer : « Madame, on souffre pour vous ! Vous n’en pensez pas un mot ! ». La ministre a repris avec mauvaise foi en prenant un mauvais argument puisqu’elle a mélangé sa réforme avec l’interdiction de cumul qui est déjà une réalité : « Moins d’élus, alors que vous ne pouvez plus cumuler les mandats, c’est également plus de temps consacré au débat en séance et en commission ainsi qu’à la circonscription, vous le savez. Moins d’élus, c’est également plus de moyens pour chaque parlementaire ».

Ce dernier argument montre que la réforme ne réduira en aucune manière le budget du Parlement, mais qu’elle remplacera des parlementaires élus par des technocrates, collaborateurs d’élus, qui ne seront ni élus ni légitimes à dialoguer avec les électeurs.

Nicole Belloubet a pris aussi la définition de la représentation nationale des députés : « Cela risque de vous fâcher, mais par honnêteté, tout en comprenant absolument la nécessité de préserver le lien entre un élu et les électeurs, je voudrais tout de même vous rappeler les termes de la Constitution, sur lesquels s’appuient cette jurisprudence du Conseil Constitutionnel : "Si [les] députés […] sont élus au suffrage universel, […] chacun d’eux représente au Parlement la nation toute entière et non la population de sa circonscription d’élection". ».

Ont suivi de vives réactions. Ainsi le député David Habib lui a lancé : « On voit que vous n’avez jamais été députée ! ». Elle lui a répliqué : « Non, je n’ai jamais été députée, mais, voyez-vous, monsieur Habib, l’histoire n’est pas définitivement écrite… ». Alors le député François Pupponi a traduit : « À la proportionnelle, vous avez vos chances ! ».

Ce à quoi a répondu le député Philippe Gosselin a répondu : « ’La tradition républicaine (…) consiste-t-elle à avoir des élus en lévitation, hors-sol, ignorants du quotidien de leurs concitoyens ? Oui, madame la garde des sceaux, nous représentons la nation, mais celle-ci n’est pas désincarnée : elle a besoin de députés qui vont sur le terrain à la rencontre de leurs concitoyens et des forces vives de la société, qui se tiennent aux côtés des bénévoles, de ceux qui travaillent chaque jour. Avec votre réforme, nous n’aurons plus cette proximité, ce lien avec les citoyens, alors que la distance entre les élus et les citoyens est déjà un vrai problème. C’est cette difficulté que nous voulons mettre en avant. Nombre d’entre nous, comme notre collègue Pierre Morel-À-L’Huissier, sont déjà contraints de passer des heures en voiture dans leur département. Si vous élargissez encore nos zones de chalandise, si j’ose dire, nos zones de travail et d’écoute, nous n’y arriverons pas. Il faut le dire. ».

Nicole Belloubet a aussi répondu à Guillaume Larrivé, cité plus haut : « Monsieur Larrivé, le Conseil d’État a dit, à propos de ce texte, que les dispositions du projet de loi relatives à la répartition ne faisaient pas obstacle au respect des exigences constitutionnelles, c’est-à-dire au principe d’égalité et à ses assouplissements lorsque ceux-ci s’avèrent nécessaires. ». Répondant plus tard à Christian Jacob et à Marc Le Fur, elle a répété la même réponse, plus précisément : « Le Conseil d’État, dans son avis du 17 mai 2018 sur les projets de loi ordinaire et organique, considère clairement que l’habilitation contenue dans l’article 6 du texte visé, laquelle prévoit le maintien d’un député et d’un sénateur par département, aboutit vraisemblablement à des décisions conformes à la Constitution. (…) Si le Conseil Constitutionnel n’est évidemment pas lié par les avis du Conseil d’État, il les examine toujours et, en général, en fait le plus grand cas. ». C’est bien sûr dans le "vraisemblablement" que tout va se jouer…

Les réponses au gouvernement

La députée Christine Pires Beaune ne fut pas satisfaite de la réponse du gouvernement : « J’avoue que les propos qui viennent d’être tenus ne sont pas de nature à nous rassurer car si rien ne s’oppose à ce que la disposition soit inscrite dans la Constitution, autant le faire ! Madame le garde des sceaux, je ne comprends pas votre argument selon lequel la diminution du nombre de parlementaires renforcerait le Parlement. Nous représentons certes la nation, mais la rencontre avec les citoyens nourrit notre travail d’élus. Je vais prendre un exemple car il est  très parlant : en 2015, j’ai tiré la sonnette d’alarme parce que la suppression de la demi-part des veuves allait avoir pour effet collatéral de faire entrer dans l’imposition locale des millions de Français et de Françaises. Cela, Bercy ne nous l’avait pas dit ; c’est parce que j’ai rencontré à ma permanence deux personnes qui sont tout de suite venues m’alerter que j’ai pu intervenir auprès du ministre pour corriger le tir. Demain, si nous sommes moins nombreux et que nous représentons deux fois plus de communes et d’habitants, nous ne pourrons plus faire ce travail sérieusement. Ce n’est pas un renforcement, mais un affaiblissement du Parlement qui se prépare ! Et quand vous dites que nous aurons plus de moyens, est-ce pour que nous ayons plus d’assistants parlementaires ? Mais ceux-ci ne sont pas élus par le peuple ! ».

Arnaud Viala en a remis une couche sur la représentation démocratique : « Ce qui fait nation en France, on vient de le constater avec l’événement heureux de la victoire de la coupe du monde, c’est ce qui fait que les citoyens se ressemblent tout comme ce qui fait qu’ils sont différents les uns des autres. L’identification territoriale, en particulier au niveau des départements, est avérée. Comment peut-on nier le besoin, pour les parlementaires, d’être des élus à la fois nationaux et présents sur le territoire ? Madame la garde des sceaux, à la question lancinante sur la meilleure représentation des Français avec moins d’élus, vous répondez que ceux-ci auront plus de moyens. Mais comment dire à nos concitoyens qu’en lieu et place du lien direct qu’ils ont avec leurs parlementaires, on va leur envoyer des assistants, aussi bien intentionnés et zélés soient-ils, pour les rencontrer et prendre en compte leurs aspirations ? C’est une ineptie si l’on souhaite une démocratie moderne et vivante. Donc, de grâce, écoutez-nous et entendez-nous avant de commettre une erreur que les Français vous reprocheront ! ».

Sébastien Jumel a cité un exemple du travail d’un député qui ne pourrait plus se faire efficacement après la réforme : « La loi sur l’accessibilité des bâtiments publics et des commerces aux personnes âgées est, en théorie, une bonne loi qui fait consensus. Dans la réalité, sur les territoires, les collectivités sont incapables de la mettre en œuvre faute de financement et les commerces doivent fermer lorsqu’ils sont contraints de l’appliquer. Lorsqu’il s’agit de contrôler la loi, cette expertise de proximité, cette connaissance du terrain est-elle ou non utile aux députés que nous sommes ? Vous n’avez aucun élément sérieux à nous opposer pour nous convaincre qu’avec moins de députés, ce travail serait mieux effectué. Enfin, au départ, votre majorité avait développé une sorte de petite musique populiste pour dire qu’il faudrait réduire le nombre de ces ronds-de-cuir de députés qui ne font pas grand-chose et qui coûtent cher. Mais aujourd’hui, vous dites que l’enveloppe budgétaire sera la même, qu’on remplacera les députés par des collaborateurs. Votre vision de la démocratie, c’est toujours plus de technostructures, toujours plus de technocratie. Un collègue a dit hier que demain, il y aurait plus de sous-préfets, de préfets et de directeurs d’administration centrale que de parlementaires. ». Et le député Philippe Gosselin a ajouté : « Alors qu’ils gagnent deux fois plus que nous ! ». Sébastien Jumel de terminer : « C’est une vision que nous ne partageons pas. J’attends de ce débat qui traîne en longueur des arguments sérieux que nous puissions exposer à nos concitoyens pour leur expliquer ce qui motive votre mauvaise réforme. Au fond, n’est-ce pas que vous souhaitez confisquer le pouvoir, éliminer l’opposition, gommer le pluralisme dans cette assemblée et priver les territoires de leur voix et de leur capacité à être représentés ? ».

Philippe Gosselin a insisté sur la jurisprudence du Conseil Constitutionnel : « Dans sa jurisprudence, le Conseil Constitutionnel a toujours exigé que des critères "essentiellement démographiques" président au découpage des circonscriptions. Quand il sera saisi de la loi ordinaire procédant au redécoupage de la carte électorale, il l’examinera à la lumière de cette jurisprudence. Si nous n’inscrivons pas aujourd’hui de critère territorial dans la Constitution, alors le Conseil Constitutionnel maintiendra sa jurisprudence et continuera d’exiger des critères "essentiellement démographiques". ».

Avec le sens de la formule, Bastien Lachaud, lui, a évoqué "1984" et la novlangue : « Dans un néoparler très pur, madame le garde des sceaux, vous nous expliquez à présent que moins de parlementaires, c’est plus de Parlement. Votre logique m’échappe : comment moins de députés pourront-ils faire plus, si ce n’est en donnant leurs pouvoirs à des assistants non élus ? Est-ce vraiment cela, votre conception de la démocratie ? (…) C’est aux parlementaires, élus par leurs concitoyens, qu’il revient, dans ce pays, de légiférer. (…) Il y a 70 000 habitants seulement en Lozère, et c’est une très bonne chose que ces citoyens aient leur député. Mais, en Seine-Saint-Denis, avec la réduction du nombre de parlementaires que vous souhaitez, il y aura plus de 200 000 habitants par député. La réduction du nombre de députés que vous souhaitez mettre en place aura donc pour conséquence d’instaurer une véritable inégalité entre les citoyens. Votre objectif est simple : éliminer l’opposition, concentrer les pouvoirs dans les mains de l’exécutif. Pour le dire en néoparler : "La République, c’est la monarchie !". ».

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Le député mosellan Fabien Di Filippo a démontré que l’augmentation des moyens ne serait pas suffisant pour compenser concrètement la réduction du nombre de députés : « Je suis élu dans une circonscription rurale de l’Est de la France, mais qui ne se situe pas dans un département rural. Sa superficie est égale à vingt-deux fois celle de la ville de Paris. Bientôt, quand la taille des circonscriptions aura doublé, elle sera peut-être trente-cinq ou quarante fois étendue comme la ville de Paris. Dans ces conditions, vous comprenez bien que l’exercice du mandat sera radicalement différent, en totale contradiction avec ce que vous avez essayé de démontrer à l’instant, madame la garde des sceaux. (…) Essayons d’en venir aux aspects concrets de cette réforme. Vous dites que les parlementaires auront davantage de moyens, puisque, contrairement à ce que pensent beaucoup de Français, la réduction du nombre de parlementaires n’entraînera aucune économie. Diviser l’enveloppe consacrée aux collaborateurs entre les députés qui resteront revient à la multiplier par 1,5 pour ces derniers. Moi qui emploie 2,5 collaborateurs, je pourrai en avoir 3,75. Mais, avec 3,75 collaborateurs, il ne sera pas possible de couvrir un territoire deux fois plus grand tout en assumant le travail parlementaire ! Votre réforme affaiblira donc le Parlement. Cette réforme affaiblira aussi la représentation des territoires, puisque les citoyens qui habitent loin des bourgs-centres auront plus difficilement accès à leur député. Le travail parlementaire sera aussi affaibli : non seulement il y aura moins de députés, mais encore ceux-ci devront passer plus de temps en circonscription. Enfin, cette réforme affaiblira le débat démocratique (…) : comment des groupes politiques réduits, qui ne compteront peut-être plus que dix députés, pourront-ils siéger dans différentes commissions et intervenir sur différents textes ? C’est une folie, ce que vous êtes en train de faire. Il faut dire la réalité de cette réforme ; c’est un affaiblissement du pouvoir législatif au profit de votre seul maître, Jupiter ! ».

Ugo Bernalicis a exprimé l’idée de faire de même avec les membres du gouvernement : « Si le raisonnement selon lequel moins de députés ferait des députés avec plus de pouvoirs et donc mécaniquement plus forts était aussi implacable, pourquoi ne pas l’expérimenter sur le gouvernement ? Réduisons le nombre de ministres encore davantage pour qu’ils soient plus efficaces ! De toute façon, ce type de raisonnement vaut à tous les niveaux : quatre ou cinq ministres seraient bien plus efficaces que des discussions interministérielles interminables. Mais c’est le raisonnement, somme toute assez classique, qu’on retrouve dans l’économie de marché : c’est la rareté qui fait la valeur ; si les députés étaient plus rares, ils en acquerraient davantage. Mais malheureusement, je crois que les députés ne sont pas des marchandises, ils ne sont pas à vendre. Ou alors, peut-être voulez-vous des assemblées de vendus à l’exécutif ? C’est peut-être votre projet. ».

Maina Sage, députée UDI de Polynésie française, a insisté sur les spécificités géographiques de certaines circonscriptions : « Au nom de mon groupe, je voudrais vous dire qu’il est difficile d’accepter l’idée que notre représentation n’est fondée que sur une équation démographique. Notre pays est unique : j’ai déposé des amendements un peu provocateurs pour vous rappeler que la France n’est pas que continentale, mais mondiale, archipélagique. Nous sommes présents sur tous les océans, que vous le voulez ou non. C’est donc, je crois, un non-sens que de vouloir réduire cette représentation. Songez que 67,2 millions d’habitants sont représentés par moins de 1 000 parlementaires, et l’on veut encore réduire le nombre de ces derniers. La force de nos territoires, la force de notre nation, c’est justement sa diversité ; c’est cela qui fait notre caractère unique, que l’on essaye à présent de lisser. (…) C’est pourquoi je suis opposée à la fois à la réduction du nombre de parlementaires et à l’introduction d’une dose de proportionnelle. (…) Pour terminer, je rappelle que le territoire de la Polynésie française est grand comme l’Europe. Je vous entends parler de la taille de vos circonscriptions en kilomètres : moi, j’en parle en heures d’avion ! Ma circonscription est grande comme un territoire qui regrouperait Paris, Oslo et Athènes : j’ai soixante îles à couvrir, et je ne les visiterai certainement pas toutes en un mandat, c’est impossible. Et vous nous parlez d’un seul député, d’un seul sénateur : là encore, le ratio est intenable. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement visant à reconnaître, dans la Constitution, le caractère géographique de ces circonscriptions. ».

Patrick Hetzel s’est lui aussi adressé à Nicole Belloubet sur la jurisprudence constitutionnelle : « Vous savez bien (…) que nous courons le risque d’une censure par le Conseil Constitutionnel de la loi ordinaire prévue pour habiliter le gouvernement à redécouper les circonscriptions. Éminente juriste comme vous l’êtes, j’en conclus que vous êtes en train de leurrer le Parlement ! Je trouve cela extrêmement grave. (…) Vous savez pertinemment qu’en utilisant l’argumentation qui est la vôtre, dormez tranquilles, lorsque viendra la censure du Conseil Constitutionnel, nous n’aurons plus que les yeux pour pleurer. (…) Si l’on ne sécurise pas le dispositif, vous êtes la première à savoir ce qu’il se passera. La seule manière de le sécuriser, c’est de l’inscrire dans la loi constitutionnelle. ».

Cécile Untermaier a elle aussi fustigé la réforme du gouvernement : « Défendre la représentativité en diminuant le nombre d’élus est une performance qui exige beaucoup de talent mais qui s’avère absolument impossible. (…) Nous sommes tous très inquiets de voir des territoires sans élus nationaux. À cet égard, c’est un principe de non-régression démocratique qui vous est ici proposé, et vous devriez vous en saisir. ».

Le patron des députés communistes André Chassaigne a souligné l’importance d’un contact réel avec les électeurs, qui n’a rien à voir avec l’utilisation d’Internet : « La dévalorisation des institutions parlementaires est un constat, et elle nourrit, dans le champ politique, une forme de rejet. Or, réduire le nombre de parlementaires, que ce soit des députés ou des sénateurs, n’aidera pas à régler le problème. J’en suis persuadé parce que, depuis ma première élection, en 2002, j’essaie de développer la participation représentative, autrement dit la démocratie participative, qui est une exigence actuelle et l’une de nos missions en tant que parlementaires. Mais c’est très compliqué parce que cela demande du temps, de la présence physique, cela demande de faire de la politique autrement dans ce partage du pouvoir avec les citoyens (…). Contrairement à ce qu’on dit, la démocratie électronique, si elle constitue un outil à utiliser, ne suffira pas à couvrir l’éloignement du parlementaire par rapport à son territoire et à la population. La présence de proximité est nécessaire. Je le dis avec une certaine passion parce que je suis persuadé que si l’on continue à s’éloigner, ce fossé entre les parlementaires et le peuple s’aggravera. ».

Je termine enfin sur deux interventions intéressantes de deux députés de l’opposition, Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI, et Claude Goasguen, député LR de Paris.


Jean-Christophe Lagarde

Je m’arrête en effet sur l’intervention de Jean-Christophe Lagarde qui a le mérite de reprendre les différents enjeux de ce point précis de représentativité de la réforme institutionnelle du gouvernement en les résumant clairement.

1. La représentation des territoires : « Madame la garde des sceaux, vous connaissez bien le Conseil Constitutionnel [elle en était même membre jusqu’en 2017] : il se saisit de chaque loi organique. Vous dites que vous ne voulez pas mettre la disposition dans la Constitution pour la placer dans la loi organique, comme prévu. Mais le Conseil Constitutionnel peut très bien décider demain que la représentation se fait sur une base essentiellement démographique, et donc écarter le critère géographique. Si nous souhaitons inscrire cette réserve dans la Constitution, c’est pour que ce ne soit pas au Conseil Constitutionnel mais à nous, parlementaires, représentants de la nation et du peuple, de décider ! ».

2. Contre la réduction du nombre de parlementaires : « Je veux combattre cette idée complètement fausse, pour ne pas dire farfelue, selon laquelle réduire le nombre de parlementaires, c’est renforcer le pouvoir du Parlement. Pardon, mais c’est un mensonge car moins il y a de parlementaires, plus il est facile pour l’exécutif de les contrôler ! À 404 parlementaires, il faut en maîtriser 203 ; à 577, il faut en maîtriser 289. C’est Guy Carcassonne, un de vos prédécesseurs dans la pensée constitutionnelle, qui l’a largement démontré. ».

3. L’égalité entre les députés : « Si nous souhaitons qu’il y ait un député et un sénateur par département, c’est aussi pour assurer l’égalité entre nous, parlementaires. En effet, dans les départements où, comme dans le mien, il y aura sept députés pour représenter 1,5 million d’habitants, l’accès du citoyen au député sera toujours facile car, s’il ne peut atteindre celui de sa circonscription, il pourra s’adresser à celui de la circonscription d’à côté. Mais là où le député sera amené à représenter un département et demi, voire deux départements, non seulement les citoyens auront moins accès à leur représentant, donc moins la capacité d’interpeller le gouvernement à travers nous, mais en plus, le député lui-même aura plus de difficulté à travailler. Je reprends l’exemple de Pierre-À-L’Huissier : parcourir des milliers de kilomètres chaque semaine, c’est être moins présent à l’Assemblée, avoir moins de temps pour préparer les débats et donc moins peser dans le processus législatif. Avec cette mesure, un citoyen aura donc moins la capacité d’interpeller le gouvernement, et moins de chances que son député puisse changer la loi. ».


Claude Goasguen

Je finis par l’intervention de Claude Goasguen car, contrairement à ses collègues LR, bien qu’opposé lui aussi à la réforme, il n’est pas partisan d’inscrire le principe d’au moins un député et un sénateur par département dans la Constitution : « Mon intervention ira à contre-courant de la position de mon groupe car je ne pense pas que ce critère puisse être inscrit dans la Constitution. Tout d’abord, cela ferait du département une institution constitutionnelle, ce qu’il n’est pas. Non, le département ne figure pas dans la Constitution. ».

Pourtant, Claude Goasguen s’est trompé sur ce point, alors qu’il est un universitaire du droit. En effet, l’article 72 de la Constitution est très clair à ce sujet : « Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statuts particuliers et les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74. ». Par conséquent, le département a bien une existence constitutionnelle et la suppression des départements nécessiterait par exemple une révision constitutionnelle de cet article 72.

Claude Goasguen a poursuivi : « Nous n’avons aucun intérêt à le solidifier. Pourquoi cela ? Les départements sont une vieille institution, qui date de 1789. On parle beaucoup de disparition d’un certain nombre de départements au profit des métropoles, ce qui serait une bonne solution. Cela étant, je vous souhaite beaucoup de plaisir, madame la garde des sceaux, avec la loi organique. Vous vous heurterez en effet au principe d’égalité. ».

Et d’expliquer : « Le gouvernement se heurtera au principe d’égalité, auquel le Conseil Constitutionnel ne dérogera pas. Garantir un député et un sénateur minimum par département, c’est très intéressant mais, compte tenu de la diminution du nombre de députés, vous devrez en quelque sorte réaliser une péréquation : les députés des circonscriptions départementales peu peuplées représenteront moins de citoyens que la moyenne, et le surplus sera réparti sur les circonscriptions des autres départements. C’est donc un facteur de profondes inégalités démographiques. Comment justifierez-vous, devant le Conseil Constitutionnel, que, pour garantir un député à un département de 70 000 habitants, les députés de grandes villes représenteront un nombre de citoyens très supérieur à la moyenne ? Vous n’y arriverez pas ! Les membres du Conseil Constitutionnel s’arracheront les cheveux pour trouver une raison valable de déroger au principe démographique, qui est intouchable. ».

Cette inégalité ne sera d’ailleurs pas que démographique : « Certains députés seront élus à la proportionnelle, d’autres, pour les Français de l’étranger, seront élus à la proportionnelle, mais sur un autre critère ; certains représenteront des départements qui sont bien en dessous du niveau démographique moyen, d’autres représenteront des circonscriptions bien plus peuplées, en raison de cette sorte de péréquation que j’ai dénoncée. Vous aurez du mal à démontrer que c’est conforme au principe d’égalité. ».

La seule issue valable : « Il est donc de votre intérêt de renoncer à cette réforme ridicule, qui ne tient pas debout. Si vous voulez éviter les ennuis, le plus sage serait de renoncer à la modification du mode de scrutin pour les élections législatives, et plus particulièrement, à l’introduction d’une dose de proportionnelle. Je ne parle même pas du Sénat, car on atteint là le ridicule absolu. Je vous rappelle en effet que les sénateurs feront eux aussi l’objet d’une péréquation. Le nombre de parlementaires sera réduit plus que proportionnellement dans les grandes villes. C’est une réforme absurde, qui ne correspond pas à notre régime. Maintenez donc le mode de scrutin actuel : c’est la meilleure des solutions. ».


Épilogue

Les amendements visant à introduire dans la Constitution l’obligation qu’il y ait au moins un député et un sénateur par département ont été rejetés en scrutin public. En particulier l’amendement n°1843 visant à compléter l’article 24 de la Constitution par l’alinéa suivant : « Chaque département, chaque collectivité à statut particulier, chaque collectivité d’outre-mer régie par les articles 73,84 et le titre XIII compte au moins un député et un sénateur. ». Cet amendement a recueilli seulement 89 votes favorables contre 128, sur 217 exprimés et 222 votants.

Ce refus de constitutionnalisation de ce principe laisse la possibilité d’une mise en place d’un scrutin proportionnel intégral à l’échelon national, ce qui serait une grave erreur…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (23 juillet 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Réforme Macron des institutions (5) : l’impossible principe de proportionnalité démographique de la représentation démocratique.
Exemplaire et inaltérable, la République ?
Réforme Macron des institutions (4) : la totalité du projet gouvernemental.
Réforme Macron des institutions (3) : réduire le Parlement ?
Réforme Macron des institutions (2) : le projet de loi constitutionnelle.
Réforme Macron des institutions (1) : les grandes lignes.
Non à la représentation proportionnelle aux élections législatives !
Non à la suppression des professions de foi !
Protégeons la Ve République !

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180718-reforme-institutions-ae.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/reforme-macron-des-institutions-5-206330

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/07/24/36582474.html



 

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9 juillet 2018 1 09 /07 /juillet /2018 17:06

« Humble mais résolu (…), et je vais vous faire une confidence. Il y a une chose que tout Président de la République sait : il sait qu’il ne peut pas tout, qu’il ne réussira pas tout. Je vous le confirme, je sais que je ne peux pas tout, je sais que je ne réussis pas tout, mais mon devoir est de ne jamais m’y résoudre, et de mener inlassablement ce combat. Tout Président de la République connaît le doute, bien sûr, et je ne fais pas exception à la règle. Mais j’ai le devoir de ne pas laisser le doute détourner ma pensée et ma volonté. C’est une fonction qui, si l’on est réaliste, porte à l’humilité, ô combien ! mais à l’humilité pour soi, pas à l’humilité pour la France. Pour la France et pour sa mission, le Président de la République a le devoir de viser haut, et je n’ai pas l’intention de manquer à ce devoir. » (Emmanuel Macron, le 9 juillet 2018 à Versailles). Première partie.


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Par décret du Président de la République du 18 juin 2018 réunissant le Congrès par application du deuxième aliéna de l’article 18 de la Constitution, l’ensemble des députés et des sénateurs ont été convoqués à Versailles sous la Présidence du Président de l’Assemblée Nationale François de Rugy ce lundi 9 juillet 2018 à 15 heures. L’objet ? Écouter le Président Emmanuel Macron prononcer son (désormais traditionnel) discours annuel aux parlementaires, en présence du gouvernement (texte intégral ici).

Pensait-il que ce congrès aurait lieu la veille d’un match de football important pour la France ? Il y a donc peu de chance que les "gens" retiennent ce discours au-delà d’une journée…

Cependant, je reviendrai présenter les grandes lignes de fond de ce discours, mais je préfère m’attarder d’abord sur la forme qui pourrait profondément modifier l’équilibre institutionnel de la Cinquième République.

Certains députés LR et les députés FI ont refusé de participer à cette séance spéciale. Pour les deux, il y a un côté très cocasse que je vais expliquer ici.

Ce discours d’Emmanuel Macron, deuxième depuis le début de son quinquennat, le précédent a eu lieu le 3 juillet 2017, a duré près d’une heure trente et a été l’occasion pour le chef de l’État de faire un bilan de la première année de son quinquennat et d’exposer les perspectives d’action pour les années à venir.

C’est le mode de communication qu’Emmanuel Macron a adopté pour s’adresser aux Français. Au lieu de l’interview traditionnelle à l’occasion du 14 juillet, Emmanuel Macron préfère s’adresser aux institutionnels et surtout, éviter les questions des journalistes dont le niveau lui a toujours paru en deçà des enjeux de sa politique nationale. Après tout, cette idée de s’adresser aux parlementaires plutôt qu’à des journalistes de la télévision pourrait être un moyen de respecter la représentation nationale. Oui mais non. Enfin, pas tout à fait. Je m’explique.

La possibilité donnée au Président de la République de pouvoir s’adresser aux parlementaires a été acquise très récemment, par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 voulue par le Président Nicolas Sarkozy.

Pourquoi si récemment ? Parce qu’en 1873, les députés en avaient décidé ainsi. À l’époque, il n’y avait pas de Constitution. La République avait été proclamée le 4 septembre 1870 après l’effondrement du Second Empire, mais la majorité sortie des urnes en 1871 était largement monarchiste. Paradoxe. Les députés de la République étaient pour la restauration d’un royaume ! La dispute dynastique entre le petit-fils de Charles X (légitimiste) et le petit-fils de Louis-Philippe (orléaniste) et la polémique sur le drapeau ont finalement laissé la République progressivement s’installer dans les mentalités politiques et au fil des élections, partielles ou générales, la majorité s’est petit à petit déportée vers les républicains.

Ancien monarchiste favorable à une république conservatrice, Adolphe Thiers, devenu à la fois chef du gouvernement et chef de l’État, sous le titre de chef du pouvoir exécutif de la République française du 17 février 1871 au 31 août 1871, puis de Président de la République française du 31 août 1871 au 24 mai 1873, qui a assuré un traité de paix avec l’Allemagne le moins humiliant possible, a été un homme fort, pour ne pas dire "autoritaire". Il avait une forte influence sur les députés.

Mieux, présentant ses vues, Thiers était capable, par son talent oratoire, de retourner les opinions des parlementaires. Or, les députés voulaient préserver leur propre libre-arbitre et se satisfaisaient mal d’un chef de l’exécutif trop autoritaire. Encore majoritairement monarchistes, les députés ont alors renvoyé Thiers à ses études et choisi l’ectoplasme élégant, le maréchal Patrice de Mac-Mahon, brave militaire monarchiste qui n’avait aucun sens politique et qui a accepté d’occuper le poste en attendant un impossible accord entre légitimistes et orléanistes. On a alors fixé la duré de son mandat à sept ans, le temps, selon les députés, que la nature pourrait demander pour résoudre le problème dynastique (la mort du petit-fils de Charles X, sans descendance, supprimait purement et simplement le problème !).

Pour éviter d’être trop pressés par l’exécutif, les députés ont séparé les fonctions de chef de l’État (Président de la République) des fonctions de chef du gouvernement (Vice-Président du Conseil). Vice-Président du Conseil car c’était le Président de la République qui présidait, en principe, le conseil des ministres. Au fil du temps, c’est devenu Président du Conseil. Le Président du Conseil pouvait être renversé par les députés par une motion de censure, tandis que les députés avaient désormais interdit au Président de la République de venir s’exprimer devant les parlementaires pour éviter la "mauvaise" expérience de Thiers.

Résultat, pendant trois Républiques, la Troisième, la Quatrième et la Cinquième République, la Constitution a interdit au Président de la République de venir parler aux députés ou aux sénateurs. La seule possibilité pour s’adresser à eux était au moyen de messages écrits, lus simultanément par le Président de l’Assemblée Nationale et par le Président du Sénat respectivement aux députés et aux sénateurs. Et cette lecture ne donnait lieu à aucun débat. François Mitterrand a usé souvent de cette faculté.

C’était donc sur ces antécédents que Nicolas Sarkozy, en 2008, voulait réviser cette disposition "vieillotte" de la Constitution en lui permettant de s’adresser directement aux parlementaires. La vie moderne, surtout médiatique, rendait l’usage des messages écrits un tantinet anachronique. Évidemment, fidèle admirateur des institutions américaines, Nicolas Sarkozy avait en tête le fameux discours de l’état de l’Union que le Président des États-Unis prononce chaque année (aujourd’hui, le Président de la Commission Européenne est également soumis à cet exercice devant des députés européens à Strasbourg en septembre).

Malgré une majorité des trois cinquièmes favorable à sa politique, Nicolas Sarkozy a vu cependant son projet à la baisse. Les parlementaires ont en effet réduit les possibilités d’expression présidentielle auprès des parlementaires à un seul discours par an, uniquement dans le cadre très solennel d’un congrès réuni à Versailles. Ils ont ensuite interdit la présence du Président de la République après son discours, laissant les parlementaires intervenir et réagir hors de sa présence.

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Avant Emmanuel Macron, ses deux prédécesseurs ont utilisé cette possibilité seulement une fois, pour une occasion rare. Nicolas Sarkozy pour présenter son emprunt pour les projets d’avenir, le 22 juin 2009, et François Hollande le 16 novembre 2015, en réaction aux attentats du 13 novembre 2015. Emmanuel Macron veut en contraire en faire un instrument de communication présidentielle. Pas quelque chose d’exceptionnel mais au contraire, un discours annuel à la nation, donc, conforme aux vues premières de Nicolas Sarkozy.

Alors, il y a un côté cocasse dans le boycott de ce discours. Aux députés LR qui ont refusé leur participation, il faut rappeler que cette procédure a été explicitement prévue par la Constitution grâce à l’initiative du propre fondateur de leur parti politique. Mémoire trop courte ?

Aux députés FI, il faut aussi leur rappeler la mémoire. Jean-Luc Mélenchon, qui était encore sénateur socialiste en 2008, fut de ceux qui ont justement empêché le débat en présence du Président de la République. De plus, les députés FI évoquent sans arrêt "Versailles" qu’ils mettent en opposition avec la République, rappelant l’historie de la Commune de Paris et des troupes versaillaises.

C’est dommage que ces députés FI connaissent visiblement très mal l’histoire de la République française car ce congrès des parlementaires réunis à Versailles constitue une réelle tradition républicaine française : sous la Troisième République et la Quatrième République, les parlementaires élisaient systématiquement le Président de la République à Versailles. Et même sous la Cinquième République, les révisions constitutionnelles, pour la plupart (hors référendum), ont été adoptées à Versailles. Bref, les actes les plus républicains ont été réalisés à Versailles. Cette ville ne peut donc pas être l’opposé de l’esprit républicain. Au contraire.

Or, la seule mesure concrète et précise que le Président Emmanuel Macron a annoncée lors de son discours du 9 juillet 2018 à Versailles, c’est justement le défi lancé par les députés FI. Vous voulez un débat en ma présence ? Banco ! Je suis pour ! Il a donc annoncé qu’il proposerait de rajouter dans la révision constitutionnelle, dont la discussion commence ce mardi 10 juillet 2018 à 16 heures à l’Assemblée Nationale, un amendement permettant au Président de la République de rester lors des interventions des parlementaires et de leur répondre. Pourtant, le gouvernement avait rejeté en commission un amendement du groupe socialiste qui allait dans le même sens.

La première réaction du député Jean-Luc Mélenchon, pourtant absent du congrès mais n’hésitant pas à tweeter des dizaines de fois au cours du discours qu’il a dû suivre en direct à la télévision (dans ce cas, autant le suivre sur place !), ce fut de dire qu’il avait gagné une bataille, celui de permettre la confrontation entre parlementaires et Président de la République. Il y était pourtant très défavorable en 2008.

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Or, cette possibilité accentuerait de facto l’hyperprésidentialisation de la Cinquième République. Le dialogue entre l’exécutif et le législatif était jusqu’à maintenant de la responsabilité du Premier Ministre. En permettant un débat (sans conséquence : il n’est pas question ici que les parlementaires censurent le Président de la République), la disposition réduirait l’autorité du Premier Ministre et présidentialiserait encore plus le régime. C’est donc étrange que Jean-Luc Mélenchon, qui ne cesse de contester cette présidentialisation depuis trois quinquennat, puisse applaudir l’une des dispositions qui va hyperprésidentialiser encore plus, par la pratique, la République.

Il avait oublié qu’Emmanuel Macron n’est jamais aussi bon que dans la réactivité face à l’adversité. C’est pourquoi il avait voulu être confronté aux journalistes excessifs Edwy Plenel et Jean-Jacques Bourdin sur BFM-TV le 15 avril 2018, parce qu’il n’est jamais aussi bon qu’en répondant aux attaques dont il est la cible. Par conséquent, il ne pouvait être que favorable, au contraire, à rester au congrès écouter ses contradicteurs et à leur répondre le cas échéant. Le risque est donc que le Président de la République perde sa hauteur de vue pour être ramené à un simple interlocuteur de députés de base un peu agités.

Lors du long débat de la révision de 2008, j’avais émis ma réticence le 29 avril 2008 à propos de cette mesure (§3.5) qui pouvait entrouvrir la boîte de Pandore, à savoir, dénaturer la Cinquième République, à l’équilibre savamment étudié entre parlementarisme et présidentialisme, en la transformant à l’Américaine, ce qui ne correspondrait pas du tout à l’esprit français.

Aux parlementaires de toute obédience de bien comprendre ce qu’un tel amendement signifierait pour l’avenir institutionnel du pays. Je ne doute pas de leur sagesse et de leurs réactions plus raisonnables qu’une simple pirouette dans une insipide polémique entre l’Élysée et la France insoumise…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (09 juillet 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Discours du Président Emmanuel Macron le 9 juillet 2018 au congrès de Versailles (texte intégral).
Vous avez dit hyperprésidentialisation ?
Le Président qui assume.
Emmanuel Macron au Congrès de Versailles le 3 juillet 2017.
François Hollande au Congrès de Versailles le 16 novembre 2015.
Nicolas Sarkozy au Congrès de Versailles le 22 juin 2009.
La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
Réforme Macron des institutions (4) : la totalité du projet gouvernemental.
Réforme Macron des institutions (3) : réduire le Parlement ?
Réforme Macron des institutions (2) : le projet de loi constitutionnelle.
Réforme Macron des institutions (1) : les grandes lignes.
Non à la représentation proportionnelle aux élections législatives !
Non à la suppression des professions de foi !
Protégeons la Ve République !

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180709-macron-congres.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/emmanuel-macron-au-congres-2018-1-205887

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/07/10/36549832.html




 

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26 mai 2018 6 26 /05 /mai /2018 03:07

« Nous connaissons tous l’affection de Gérard Collomb pour sa ville et la métropole lyonnaise. C’est une bonne nouvelle qu’il souhaite y consacrer du temps et de l’énergie. Le Président réorganisera l’équipe gouvernementale lorsqu’il le jugera nécessaire. » (L’Élysée à LCI, le 18 septembre 2018).



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La dernière phrase du communiqué de l’Élysée exprime assez explicitement l’agacement présidentiel. Mais quelle mouche a donc piqué le Ministre d’État, Ministre de l’Intérieur ? Dans un entretien à l’hebdomadaire "L’Express", Gérard Collomb a annoncé le 18 septembre 2018 qu’il serait candidat aux élections municipales à Lyon en mars 2020, et qu’il comptait démissionner de son poste de la Place Beauvau en juin 2019, après les élections européennes.

Certes, ce n’est pas nouveau, une démission de ministre pour conquérir une mairie : sous le gouvernement de Lionel Jospin, la très importante Ministre des Affaires sociales Martine Aubry l’avait fait pour prendre la succession de Pierre Mauroy à la mairie de Lille, et, également ministre, l’écologiste Dominique Voynet l’avait fait aussi pour Dole. Mais ici, plusieurs interrogations. Depuis plusieurs mois, Gérard Collomb semblait ne plus être à la hauteur pour son "job" de numéro deux du gouvernement chargé de la lutte contre le terrorisme. Fatigue, absence, l’esprit ailleurs… assurément, son esprit est à Lyon et pas à Paris.

L’affaire Benalla n’a pas renforcé sa crédibilité politique ni son autorité de Ministre de l’Intérieur, faisant celui qui ne savait rien, faisant celui qui ne prévenait personne. D’ailleurs, la version du Ministre de l’Intérieur pouvait ne pas plaire à l’Élysée, dans la mesure où il renvoyait la balle rue du Faubourg Saint-Honoré, une rue à traverser, selon maintenant l’adage présidentiel.

Mais ce qui surprend, c’est sa grande maladresse politique. Depuis quand un ministre dit-il publiquement quand il quitterait son ministère ? En disant qu’il comptait le quitter en juin 2019, il s’est pris pour le Président de la République en s’assurant qu’il resterait à ce poste au moins jusqu’à cette date, et que c’était juste par sa volonté qu’il ne resterait pas plus longtemps. Pour l’un des derniers poids lourds du gouvernement, c’est une démarche qui doit fait sursauter le Président (le vrai Président) Emmanuel Macron. Il y a fort à parier que sa survie au Ministère de l’Intérieur n’est plus qu’une question de semaines sinon de jours… d’autant plus que l’opposition, c’est de bonne guerre, ne cesse de lui envoyer des scuds en réclamant sa démission immédiate afin d’avoir un Ministre de l’Intérieur à plein temps. Surtout après avoir pollué l'annonce de la réforme de la santé le jour même.

Ce n’était pas la première fois que Gérard Collomb se prenait pour le Président de la République. Interrogé en mai 2018 pour l’un des multiples documentaires politiques qui marquaient la première année de l’élection d’Emmanuel Macron, Gérard Collomb a confié qu’entre les deux tours de l’élection présidentielle, il avait participé à un "dîner de pas-c@ns", si je puis dire ainsi. Les convives étaient des fidèles d’Emmanuel Macron réunis autour du futur Président, en particulier Gérard Collomb, et ils avaient invité à venir dîner Édouard Philippe, encore à LR. Gérard Collomb a alors expliqué avec un petit sourire sournois que les convives avaient été convaincus et que cela avait été l’entretien de recrutement du futur Premier Ministre. Ainsi expliqué, alors que lui-même était encore ministre et Édouard Philippe encore Premier Ministre, comment imaginer qu’Édouard Philippe puisse avoir encore de l’autorité sur son Ministre de l’Intérieur ?

Il est vrai que, depuis le début de l’été 2018, Emmanuel Macron n’est plus beaucoup le "maître des horloges" et il s’est pris à l'étranger, sans être prévenu, la démission brutale de Nicolas Hulot. De son côté, Daniel Cohn-Bendit a même expliqué publiquement qu’il avait refusé un ministère qu’on ne lui avait pourtant pas proposé ! Notons aussi que la démission de François Bayrou dès juin 2017 avait déjà réduit la lisibilité politique de son gouvernement et que d’autres "politiques" du gouvernement s’apprêteraient à imiter Gérard Collomb, c’est-à-dire à quitter le navire gouvernemental pour aller à la bataille municipale, en particulier Benjamin Griveaux et probablement Gérald Darmanin. Sans compter qu'Emmanuel Macron doit recadrer sans cesse ses troupes (par exemple, Christophe Castaner qui voulait augmenter encore les droits de succession le 14 septembre 2018).

Place Beauvau, avec le titre de Ministre d’État, c’est pourtant le couronnement de la très longue carrière politique lyonnaise de Gérard Collomb, souvent appelé dans la région le "loser" et qui n’a jamais dû ses premières élections qu’à des circonstances exceptionnelles. C’était aussi son premier portefeuille ministériel. Il aurait voulu être ministre sous Lionel Jospin ou sous François Hollande, mais sans succès dans un monde de moins en moins cumulard (il ne voulait pas lâcher Lyon).

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Reprenons sa carrière politique, justement. Agrégé de lettres classiques, ce qui n’est pas sans penser à l’historien de culture classique Édouard Herriot, Gérard Collomb milita à la Convention des institutions républicaines (CIR) dès 1968, microparti de François Mitterrand qui lui a permis de rejoindre et de conquérir le Parti socialiste en 1971. Gérard Collomb se retrouva donc socialiste et l’une de ses principales antennes lyonnaises. Dès mars 1977, il fut élu conseiller municipal de Lyon, dans l’opposition, et c’est un mandat qu’il occupe encore aujourd’hui, bien que ministre (quarante et un ans de longévité pour le moment !).

Grâce à la vague rose de juin 1981, Gérard Collomb est élu député de Lyon à l’âge de 34 ans, battant un député sortant UDF. Il fut réélu sans trop de souci en mars 1986, grâce au scrutin proportionnel, sur la liste socialiste conduite par Charles Hernu (ancien Ministre de la Défense et ami très proche de François Mitterrand, par ailleurs maire de Villeurbanne). En revanche, il fut battu face à Bernadette Isaac-Sibille (UDF), une très proche de Raymond Barre, en juin 1988, et de nouveau battu en juin 1997 par la même adversaire (pour la petite histoire, le fils de cette dernière, Cyrille Isaac-Sibille, engagé dans la vie politique lyonnaise depuis le milieu des années 1990, a été élu député MoDem avec l’investiture LREM en juin 2017, devenu par conséquent l’allié et même le soutien parlementaire de l’ancien adversaire de sa mère).

Pour compenser la perte de son mandat parlementaire, Gérard Collomb a été nommé membre du Conseil Économique et Social entre 1994 et 1999. Il s’est fait aussi élire conseiller régional de Rhône-Alpes de mars 1992 à novembre 1999. En revanche, il a progressé aux élections municipales successives à Lyon (tête de liste du PS), jusqu’à gagner trois mairies d’arrondissement en juin 1995, dont "sa" mairie du 9e arrondissement, ce qui lui a permis de siéger à la Communauté urbaine du Grand Lyon (présidée par Raymond Barre, maire de Lyon entre 1995 et 2001).

C’est à cause de la profonde division à droite (entre Charles Millon et Jean-Michel Dubernard) que ce socialiste plus proche de la sociale-démocratie conservatrice (au point de refuser de célébrer les mariages homosexuels) que du bolchevisme agité, a réussi à convaincre une majorité relative des électeurs lyonnais en mars 2001. Gérard Collomb fut ainsi (enfin) maire de Lyon à partir du 25 mars 2001 et jusqu’au 17 juillet 2017, pour ne pas cumuler avec ses fonctions ministérielles.

Entre temps, il était parvenu à devenir sénateur du Rhône le 2 novembre 1999, grâce à la démission de Franck Sérusclat (il était le suivant de liste). Il fut réélu le 26 septembre 2004 et le 28 septembre 2014 et quitta le Palais du Luxembourg également pour ses fonctions de ministre. Sénateur-maire de Lyon, également président de la métropole de Lyon (qui a maintenant des attributions de conseil départemental), Gérard Collomb s’était fortement opposé aux lois limitant le cumul des mandats sous François Hollande, alors qu’il a été l’un des sénateurs les plus inexistants du Sénat (au point de voir son indemnité parlementaire réduite).

Politiquement, au sein du PS, Gérard Collomb a soutenu à fond la candidature de Ségolène Royal à l’élection présidentielle de 2007, puis, après une vaine tentative d’être lui-même candidat à la candidature en mars 2011, après un soutien à Dominique Strauss-Kahn puis François Hollande, il a été, dès juillet 2016, l’un des premiers parlementaires (socialistes), avec Richard Ferrand, à avoir soutenu la candidature d’Emmanuel Macron. Son soutien a été crucial pour Emmanuel Macron puisqu’il a permis d’utiliser ses réseaux politiques pour faire progresser la candidature du fondateur d’En Marche. C’est aussi grâce à la médiation de Gérard Collomb qu’Emmanuel Macron a pu recevoir le soutien crucial de François Bayrou en février 2017. Lors de l’investiture d’Emmanuel Macron à l’Élysée, Gérard Collomb fut aux premières loges, bénéficiant, très ému, d’une accolade très chaleureuse du nouveau Président.

Depuis le 17 mai 2017, il est désormais le Ministre de l’Intérieur, une responsabilité cruciale dans cette période troublée par les attentats. Voulant montrer de la fermeté pour les questions d’immigration, l’ancien socialiste Gérard Collomb fut même épinglé par l’ancien secrétaire général du RPR Jacques Toubon, devenu entre temps Défenseur des droits. Tout reste à front renversé. Mais c’est normal, car sa ligne de conduite, c’est de plaire à ses électeurs lyonnais, plutôt conservateurs.

À 71 ans, le voici prêt à se désinvestir de ses responsabilités nationales pour vouloir reprendre son mandat de maire en mars 2020, comme s’il était le seul capable de l’assumer. Comme un bon représentant de "l'ancien monde". Son macronisme précoce avait pourtant des visées lyonnaises : en été 2016, il ne croyait pas vraiment au succès électoral d’Emmanuel Macron, mais en revanche, il comptait sur lui pour en faire son dauphin à la mairie de Lyon. Comme quoi, l’histoire n’est jamais écrite…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (18 septembre 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Gérard Collomb.
Emmanuel Macron.
Édouard Philippe.
Richard Ferrand.
L’affaire Benalla.
Le premier gouvernement d’Édouard Philippe.
Le deuxième gouvernement d’Édouard Philippe.
La réforme des institutions, côté Place Beauvau.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180523-gerard-collomb.html

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/09/19/36717243.html



 

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24 mai 2018 4 24 /05 /mai /2018 03:08

« Ne touchons que d’une main tremblante à des institutions qui sont le socle de la République ! » (Pierre Mazeaud, alors Président du Conseil Constitutionnel, le 3 janvier 2006).



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Comme prévu, après l’adoption au conseil des ministres du 9 mai 2018 du projet de loi constitutionnelle sur la réforme des institutions, le conseil des ministres du 23 mai 2018 a adopté le second volet, à savoir les deux autres projets de loi complétant cette réforme, le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire. Les parlementaires et les citoyens ont donc maintenant la connaissance précise de la totalité du projet gouvernemental de réforme des institutions.

Alors que le 9 mai 2018, ce furent le Premier Ministre Édouard Philippe et la Ministre de la Justice Nicole Belloubet qui ont présenté le projet de loi constitutionnelle, le 23 mai 2018, ce fut le Ministre d’État, Ministre de l’Intérieur Gérard Collomb qui a présenté les deux autres projets de loi.

Il y a un petit côté surréaliste à ce que ce fût lui, précisément, qui les présenta, ces projets d’anti-professionnalisation politique, car il fut l’un de ces derniers dinosaures qui ont fait de la politique une profession.


Gérard Collomb

À bientôt 71 ans (dans moins d’un mois), Gérard Collomb a en effet multiplié cumuls et mandats électifs au cours de sa très longue carrière politique qui a débuté en 1968 (il avait alors 21 ans) lorsqu’il a adhéré à la Convention des institutions républicaines (CIR), un club politique dirigé par François Mitterrand avant que ce dernier ne conquît le Parti socialiste trois ans plus tard : conseiller municipal de Lyon à partir de mars 1977, jeune député du Rhône (il avait alors 34 ans) avec la vague rose de juin 1981 à juin 1988, secrétaire national du PS en 1986, conseiller régional de Rhône-Alpes de mars 1992 à novembre 1999, membre du Conseil économique et social de 1994 à 1999, maire du 9e arrondissement du Lyon de juin 1995 à mars 2001, sénateur de novembre 1999 à juin 2017, et enfin, grâce à la division de la droite, son bâton de maréchal, maire de Lyon du 25 mars 2001 au 17 juillet 2017, ainsi que président du Grand Lyon puis de la Métropole de Lyon du 20 avril 2001 au 10 juillet 2017. Il fut également président de l’Association des communautés urbaines de France de 2006 à 2007, président du réseau Eurocities regroupant les cent trente plus grandes villes d’Europe, de 2006 à 2008 et membre de très nombreux autres organismes annexes.

Enfin, alors qu’il n’avait fait partie d’aucun gouvernement jusque-là, il est Ministre d’État, Ministre de l’Intérieur depuis le 17 mai 2017, l’indispensable "dent dure" du Président Emmanuel Macron. Il est en quelques sortes, pour le Président actuel, ce que Gaston Defferre fut pour François Mitterrand.

Parce qu’il a échoué à sa réélection aux élections législatives de juin 1988 et de mars 1993, il a pu trouver un poste confortable au Conseil économique et social, en attendant mieux (qu’une place se dégageât au Sénat). Lorsque le gouvernement socialiste de Jean-Marc Ayrault a voulu limiter le cumul des mandats, Gérard Collomb y était opposé et on le comprend car selon "Libération" du 21 janvier 2014, il était, avec neuf mandats et fonctions, l’élu parmi les plus cumulards de France (le sixième plus cumulard de France !). Il a même refusé de voter cette loi au Sénat (en tant que sénateur-maire de Lyon). En 2016, sa trop grande absence au Sénat fut d’ailleurs sanctionnée par une réduction drastique de ses indemnités parlementaires. Cela fait quarante et un ans qu’il est (toujours) conseiller municipal de Lyon.

Ce 23 mai 2018, voici donc ce multi-récidiviste du cumul qui voudrait faire la leçon aux autres parlementaires !


Les trois promesses présidentielles

Parmi les principales mesures, je laisse de côté la réduction à 30% du nombre des parlementaires, déjà évoquée dans mon précédent article. J’indique seulement que le nombre de parlementaires proposé est de 404 pour l’Assemblée Nationale (au lieu de 577) et de 244 pour le Sénat (au lieu de 348). Je trouve particulièrement stupide de proposer un nombre pair. Dans une assemblée devant délibérer et prendre des décisions, il vaut mieux avoir un nombre impair pour pouvoir mieux départager et dégager une majorité absolue. J’espère donc que le nombre sera modifié au moins d’une unité.

Je laisse aussi de côté l’introduction de 15% élu au scrutin proportionnel, car j’ai déjà évoqué le danger de la proportionnelle (comme si les pays voisins n’avaient pas démontré la nocivité de l’ingouvernabilité du scrutin proportionnel, en particulier en Allemagne et en Italie, qui oblige à la constitution de majorités improbables qui n’ont jamais été voulues par le peuple). En fait, ce n’est pas 15% dont il s’agit, mais plus. Aux 61 sièges pourvus à la proportionnelle nationale (c’est-à-dire, totalement dépourvus de base territoriale et donc, hors-sol, seulement provenant des appareils des partis politiques, le pire de l’ancien monde), il faut en effet rajouter la dizaine de sièges des Français de l’étranger, ce qui veut dire que la dose est plutôt de 17% et pas 15%.

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La troisième mesure phare, déjà annoncée (comme les deux précédentes) le 4 avril 2018 et précisée ce 23 mai 2018, concerne l’interdiction du cumul dans le temps : pas plus de trois mêmes mandats successifs pour les députés, les sénateurs, les députés européens, les chefs d’un exécutif local (maires, présidents de conseil départemental, régional, d’intercommunalité) à l’exception des maires des communes de moins de 9 000 habitants et des structures correspondant à des territoires de moins de 25 000 habitants. Et l’application de cette mesure ne pouvant pas être rétroactive (pour éviter qu’elle soit invalidée par le Conseil Constitutionnel), cela s’appliquera seulement en comptant le mandat en cours comme premier mandat, ce qui signifie que pour les députés, cela ne s’appliquera pas avant juin 2032 !

L’argumentation pour limiter les mandats dans le temps est recevable : ne pas professionnaliser la vie politique (ce qui est peu intéressant ici : seuls les fonctionnaires, les professions libérales et les retraités peuvent faire de la politique, un salarié du privé ne peut se permettre de quitter son entreprise pour une vie politique qui ne pourrait jamais durer très longtemps financièrement) et renforcer le rajeunissement et la féminisation de la vie politique (on a vu qu’il n’y avait pas besoin de loi, la composition de l’Assemblée Nationale élue en juin 2017 montre que c’est la volonté politique des partis qui est déterminante).

Je reviendrai très spécifiquement sur cette mesure (au même titre que j’avais analysé précisément les deux précédentes mesures) mais je veux noter dès à présent plusieurs réflexions à ce sujet.

Cette mesure est une mesure d’affichage qui n’aura pas beaucoup de conséquence pour plusieurs raisons. Par exemple, si l’on reprend la carrière du multi-cumulard Gérard Collomb, eh bien… il n’a jamais exercé plus de trois mêmes mandats successifs, donc il n’aurait jamais été concerné par cette mesure (pour une raison simple, c’est qu’il a été un "loser" en politique, même s’il a finalement conquis et conservé la prestigieuse mairie de Lyon grâce aux divisions de ses adversaires).

L’autre raison que c’est une mesure d’affichage, c’est que si elle était appliquée aujourd’hui, elle concernerait seulement dix sénateurs ! Donc, elle n’a un effet qu’à la marge et ne révolutionnera rien, ne renouvellera qu’à peine plus que le renouvellement "naturel" de la vie politique.

Enfin, cette mesure ne sera pas appliquée aujourd’hui mais seulement dans trois mandats, c’est dire que, comme l’a fait judicieusement remarquer l’ancien ministre Claude Malhuret, président du groupe UDI-Agir au Sénat, le 23 mai 2018 sur Public-Sénat, d’ici à 2032, il y aurait encore l’occasion de plusieurs réformes des institutions par de nouvelles majorités, et donc, une majorité future pourrait toujours remettre en cause cette mesurette d’affichage.

C’est pour cette raison que les sénateurs LR et UDI, indispensables pour faire adopter dans son ensemble la réforme voulue par le gouvernement, ne font pas de cette limitation dans le temps un casus belli, car ils savent qu’elle a peu de conséquences à court et moyen termes.

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Ces trois mesures phares (réduction du nombre des parlementaires, introduction d’une dose de proportionnelle et limitation des mandats dans le temps), si elles sont maintenant officielles et formalisées, n’ont rien de surprenantes puisque déjà annoncées antérieurement.


Trois dispositions anecdotiques mais regrettables

Je souhaite terminer ici par trois autres mesures précisées par les deux nouveaux projets de loi.

1. Le projet de loi ordinaire veut habiliter le gouvernement à procéder au découpage des nouvelles circonscriptions législatives par ordonnances dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de cette loi. Même si cette méthode peut s’apparenter à un déni de démocratie, il faut admettre que les précédents découpages ont été réalisés de cette manière, tant en 1986 (sous la cohabitation) qu’en 2009. Ce n’est donc pas scandaleux que le gouvernement actuel veuille procéder de la sorte. Néanmoins, le risque est d’offrir une cartographie inédite en raison du grand contraste des territoires par rapport à leur population. Ainsi, si le projet précise bien qu’il y aura au moins un député et un sénateur par département, la réduction du nombre des parlementaires et la dose de proportionnelle aura pour conséquence qu’il y aura une trentaine de départements qui n’auront plus qu’un seul parlementaire de chaque assemblée, ce qui est  très faible par rapport à un territoire aussi vaste qu’un département (d’autant plus que les rares départements à faible superficie sont des départements très peuplés, comme en région parisienne, dans le Nord, dans le Rhône, etc.).

2. Le projet propose de renouveler intégralement le Sénat en septembre 2021 (« à titre exceptionnel »). Normalement, le Sénat est renouvelé par moitié tous les trois ans pour un mandat de six ans. Le principe du renouvellement partiel est volontaire, pour qu’il n’y ait pas de renversement brutal de majorité et pour préserver la continuité des institutions. Les derniers renouvellements ont eu lieu en septembre 2014 et en septembre 2017 et les prochaines auraient dû avoir lieu en septembre 2020 et en septembre 2023. Je ne vois pas ce qui impose un renouvellement intégral et je pense que ce ne serait pas vraiment conforme à la Constitution (le gouvernement ne peut pas dissoudre le Sénat). En renouvelant intégralement le Sénat, il ne serait plus possible de ré-organiser un renouvellement partiel, à moins de modifier la durée des mandats de chacune des deux séries de manière temporaire. Néanmoins, cette mesure ne fait pas partie d’une ligne rouge pour les sénateurs LR-UDI dans la mesure où elle n’est qu’une disposition transitoire.

3. Le projet propose qu’il y ait deux bulletins de vote lors des élections législatives, un bulletin pour élire le député de sa circonscription et un bulletin pour choisir la liste élue à la proportionnelle nationale. Ce qui est scandaleux, c’est qu’il précise qu’il n’y aura plus de profession de foi des candidats en papier envoyée au domicile de chaque électeur comme auparavant et que « les profession de foi des listes seront dématérialisées, mais resteront consultables en mairie par voie d’affichage ». Cela va pénaliser ceux qui n’ont pas accès à l’outil informatique ou qui sont éloignés de leur mairie. Il y a une différence entre faire la recherche sur un ordinateur des propositions des candidats et les recevoir passivement dans sa boîte aux lettres, passivement, certes, c’est-à-dire sans action volontaire, mais très utilement car avant de voter, beaucoup les lisent finalement, en cas d’hésitation. J’avais déjà alerté sur le sujet il y a un an et demi. La démocratie a un coût, il faut l’accepter si l’on veut appliquer l’un des principes fondateurs de notre République, l’égalité.

Maintenant que l’ensemble du projet de réforme des institutions a été finalisé, les parlementaires vont pouvoir débattre sur du concret, sur des textes, des mots, et pas de manière générale. Cette réforme n’obéit à aucune des ambitions affichées, elle n’est qu’un saupoudrage confus qui reste seulement conforme aux trois promesses faites pendant la campagne présidentielle. Elle ne révolutionnera rien (ce qui est heureux) mais risque de faire entrer des vers supplémentaires dans le fruit des institutions, en particulier la proportionnelle qui pourrait être fatale aux institutions à moyen terme (pas à court terme car la dose est faible mais rien n’empêchera une future majorité d’augmenter le "dosage" pour ses propres intérêts partisans). Au contraire de ce qui est affiché, c’est un mouvement vers le régime des partis.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (24 mai 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Réforme Macron des institutions (4) : la totalité du projet gouvernemental.
Réforme Macron des institutions (3) : réduire le Parlement ?
Réforme Macron des institutions (2) : le projet de loi constitutionnelle.
Réforme Macron des institutions (1) : les grandes lignes.
Non à la représentation proportionnelle aux élections législatives !
Non à la suppression des professions de foi !
Protégeons la Ve République !

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180523-reforme-institutions-ad.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/reforme-macron-des-institutions-4-204612

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/05/24/36429710.html



 

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