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14 décembre 2022 3 14 /12 /décembre /2022 04:41

« La justice, la bonne foi, et la droiture doivent être le fondement de la politique. » (Tite-Live).




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Par les hasards de l'actualité, deux personnalités politiques très différentes en tout point de vue ont été réunies ce mardi 13 décembre 2022 : l'ancien Président de la République Nicolas Sarkozy et le député du Nord Adrien Quatennens. Et pas n'importe quelle actualité, l'actualité judiciaire, et c'est pour cette raison que je ne pouvais pas écrire que ces deux personnalités ont été mises à l'honneur. Parce qu'elles ont été condamnées toutes les deux.

À la suite de son procès commencé le 5 décembre 2022, Nicolas Sarkozy a été reconnu coupable de corruption active et de trafic d'influence ce mardi 13 décembre 2022 par la cour d'appel de Paris et condamné à trois ans de prison avec sursis, dans l'affaire dite des écoutes téléphoniques. Il avait été condamné en première instance le 1er mars 2021 à trois ans de prison dont un an ferme par la 32e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris. On restera donc sur une certaine faim pour connaître la vérité : s'il y avait eu effectivement corruption, la peine serait bien trop faible ; la peine pourrait cependant paraître bien sévère en absence de preuve concrète.

Quant à Adrien Quatennens, le tribunal de Lille l'a condamné le 13 décembre 2022 à quatre mois de prison avec sursis et à 2 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral, pour "violences sans incapacité commises par conjoint" entre octobre et décembre 2021 et pour "envoi régulier et malveillant de messages" entre août et septembre 2022, sans que ces messages n'aient de "caractère ni harcelant, ni malveillant, ni menaçant". Une décision qui devrait être définitive en raison de l'accord de l'intéressé dans une procédure de comparution de reconnaissance préalable de culpabilité. Là encore, pour une simple gifle, cela pourrait sembler coûter cher (mais la sanction exemplaire est un signal intéressant donnée aux conjoints violents).

Tandis que son groupe parlementaire de France insoumise s'est contenté de l'exclure pendant quatre mois, Adrien Quatennens, qui entend bien rester député et continuer à exercer la plénitude de son mandat, a demandé que cessent le harcèlement dont il faisait l'objet. De quel harcèlement parlait-il ? Celui des journalistes et de ses adversaires politiques ou celui de la justice ?


Et nous revoici dans cette réflexion déjà ancienne sur les différences entre la loi, la politique et la morale. En d'autres termes, peut-on encore exercer des responsabilités politiques lorsqu'on a été condamné par la justice ?

Certes, la gravité des accusations et des peines est très différente, mais le contexte aussi. Nicolas Sarkozy est condamné plus gravement mais cela n'a plus d'impact politique, ni pour la vie politique (il est retiré de la vie politique depuis six ans), ni pour la vie de son parti dont il n'est plus membre. Tandis que pour Adrien Quatennens, sa peine est beaucoup légère, mais elle impactera nécessairement sur la vie politique, car il est toujours député et rien ne l'oblige à démissionner (sinon peut-être une certaine décence), et elle impactera bien sûr sur la vie de son parti dont il était le "coordinateur" (c'est-à-dire le grand chef), héritier de Jean-Luc Mélenchon qui a dû trouver précipitamment un remplaçant (Manuel Bompard) dans des conditions si peu démocratiques que plusieurs députés FI les ont contestées.

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Pour Nicolas Sarkozy, qui a d'autres affaires en cours de jugement et qui est encore sous le coup d'une condamnation à un an de prison ferme (le 30 septembre 2021 dans l'affaire Bygmalion), le combat sera principalement son honneur. Il est un combat solitaire qui vise à préserver la postérité. Jacques Chirac a déjà ouvert la voie des Présidents de la République condamnés par la justice, mais Nicolas Sarkozy voudrait éviter la prison ferme, même aménagée par un bracelet électronique. Il n'attend plus rien de la politique, sinon peut-être, en sourdine, dans ses rêves les plus fous, qu'on vienne le chercher en sauveur à la prochaine élection présidentielle ou à l'occasion d'une prochaine profonde crise. Son actualité judiciaire est ainsi complètement découplée de l'actualité politique. Pas son actualité onirique.

Pour Adrien Quatennens, c'est totalement différent. Voilà un parlementaire, c'est-à-dire un homme qui rédige la loi, qui fait la loi, qui, lui-même, a été en infraction à la loi, et en plus, pour une affaire de violence faite aux femmes. Il aura des difficultés à convaincre ses électeurs de la sincérité de ses actions en faveur des femmes, de leur protection. Il n'est probablement pas violent mais il a violenté dans un excès de colère. C'est justement l'exemple de l'honnête homme, bon père de famille, bien sous tout rapport, qui a fait une "boulette" (le mot n'est pas assez fort, il faut penser à la victime). En d'autres termes, sa crédibilité politique sera proche de zéro, et cela, tant au moins qu'il n'ait pas refait confirmer son mandat parlementaire par ses électeurs qui peuvent s'être sentis floués, dupés, parce qu'ils l'avaient choisi sans avoir su qu'il serait plus tard condamné pour violence conjugale.

La suite, on la connaît même si elle peut présenter deux chemins diamétralement opposés. Ou le harcèlement dont il est la cible se renforcera et, acculé, dégoûté, écœuré par l'étalement de sa vie privée (une séparation affective n'est jamais joyeuse), il jettera l'éponge lorsqu'il en aura marre et fera autre chose. Ou, au contraire, il se maintiendra coûte que coûte, dur comme un roc, parce qu'il n'a jamais su quoi faire d'autre que la politique (comme Nicolas Sarkozy), quitte à pratiquer un cynisme démesuré... sous le regard désolé et dépité de son ancienne compagne et encore actuelle épouse. Et dans l'espoir qu'un jour, médias et électeurs oublieront.

Au fait, et la question du titre, alors ? La justice harcèle-t-elle la classe politique ? C'est depuis la fin des années 1980 qu'on pourrait le dire et pourtant, c'est faux. La justice ne ferait que son travail, selon l'acceptation citadine classique, mais il faut bien admettre que certaines cibles sont irrésistibles.


NB du 17 mai 2023 (IMPORTANT) : le 13 décembre 2022, il s'agissait pour Nicolas Sarkozy des réquisitions du parquet général et pas du verdict qui a été prononcé le 17 mai 2023 et est bien plus sévère.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (13 décembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La justice harcèle-t-elle la classe politique ?
Nicolas Sarkozy.
Adrien Quatennens.
François Fillon.
Patrick Balkany.
Claude Guéant.
Alexandre Benalla.
Jérôme Cahuzac.
Éric de Montgolfier.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221213-sarkozy-quatennens.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/nicolas-sarkozy-et-adrien-245494

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/12/13/39744925.html




 

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13 décembre 2022 2 13 /12 /décembre /2022 04:48

« La France est aujourd’hui majoritairement du côté du parti de l’autorité, de la fermeté, de la liberté. Appelez cela centre droit, centre, droite républicaine, peu importe : l’axe stratégique du pays se trouve ­clairement là. » (Nicolas Sarkozy, "Journal du dimanche", le 22 octobre 2022).



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C'était sa fête le 6 décembre. Depuis lundi 5 décembre 2022 se déroule son procès en appel sur l'affaire des écoutes téléphoniques et la suspicion de corruption. Si l'ancien Président de la République Nicolas Sarkozy défraie plutôt la chronique judiciaire actuellement, il n'en reste pas moins présent sur le plan politique alors que son (ancien) parti est en train de se chercher un nouveau président. Retour sur sa longue interview au "Journal du dimanche" publiée le 22 octobre 2022.

C'est vrai que Nicolas Sarkozy, qui a définitivement quitté l'avant-scène de la vie politique depuis son échec dès le premier tour à la primaire ouverte de LR en novembre 2016, ne peut pas s'empêcher d'être un observateur passionné de cette vie politique qui l'a si longtemps tenu en haleine. Depuis 2017, il nourrit une sorte de fascination, un mélange d'admiration et de jalousie, vis-à-vis du Président réélu Emmanuel Macron. Bluffé par son audace, son volontarisme. Bien sûr aussi par son exploit de se faire élire Président de la République à 39 ans, alors que lui a dû attendre 52 ans, et pourtant, on ne pouvait pas dire que son ambition et son impatience n'étaient pas de mise (maire de Neuilly-sur-Seine à 28 ans). En connaisseur, il a salué la performance. Plus encore après la réélection.

La campagne présidentielle de 2022 a été très étrange pour Nicolas Sarkozy : son objectif était de ne pas mettre de bâtons dans les roues de son ancien parti, mais pourtant, il ne pouvait pas soutenir sa candidate officielle Valérie Pécresse, une de ses meilleures ministres pendant son quinquennat, plus perspicace qu'on pourrait le croire, qui avait réussi à réformer les universités de manière magistrale, sujet généralement très sensible (se souvenir du projet Devaquet).


Au contraire, Nicolas Sarkozy a choisi de voter pour Emmanuel Macron dès le premier tour en avril 2022. Il ne l'avait pas annoncé publiquement mais dans le JDD, il l'a finalement confirmé : « Comme chacun le sait, puisque j’ai été très transparent pendant la campagne présidentielle, je l’ai soutenu. Et si c’était à refaire, je le referais. ». Au second tour, ce fut publiquement qu'il a soutenu le Président sortant, au risque d'être critiqué pour une sorte de corporatisme d'anciens Présidents de la République.

C'est probablement ces petites phrases qui ont conduit les trois candidats à la présidence de LR à se démarquer de l'ancien Président de la République, certes avec courtoisie mais aussi avec fermeté. C'était même le concours du plus antisarkozyste ! Ce qui est assez incroyable quand on sait que LR et l'UMP, c'était Nicolas Sarkozy depuis 2004. Que c'était Nicolas Sarkozy qui a transformé le nom en Les Républicains en 2015. Et que, pour de nombreux sympathisants et électeurs, Nicolas Sarkozy reste le dernier leader identifié de cette famille politique, faute d'avoir des successeurs (chefs de parti, candidats) à la hauteur des enjeux.

Nicolas Sarkozy a expliqué son vote du premier tour en insistant sur le fait qu'un vote, ce n'est pas forcément voter pour ses préférences, mais c'est aussi empêcher un cauchemar pour la France, comme, par exemple, se retrouver avec un second tour présidentiel entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon : « La politique n’est jamais un choix de valeur absolue, toujours un choix de valeur relative. C’est la différence entre les intellectuels et les praticiens, entre les idéologues et les politiques. On prend la meilleure des possibilités. Je ne voulais pas de M. Mélenchon ni de Mme Le Pen. Dans l’intérêt de la France, la meilleure décision possible était donc d’aider le Président Macron. ».

Parce que dans les sondages, seuls Emmanuel Macron pouvait atteindre le second tour, et en votant pour Valérie Pécresse, on l'aurait handicapé et on aurait risqué de l'en empêcher. L'ancien Président n'en était ainsi pas moins dur pour son ancienne ministre : « Pour pouvoir choisir un candidat au second tour, encore fallait-il qu’il y soit qualifié. Ou qu’il ait une chance crédible de l’être. ».

Du reste, Nicolas Sarkozy n'a pas été le seul de LR à faire la même d'analyse puisque de nombreux élus ou anciens élus de LR ont fait de même, alors qu'ils étaient restés à LR en 2017 : Jean-Pierre Raffarin, Éric Woerth, Christian Estrosi, Renaud Muselier, Hubert Falco, Christophe Béchu, Damien Abad, etc. ont, eux aussi, franchi la frontière de la majorité présidentielle parce qu'ils ont compris que le paysage politique avait été profondément et durablement modifié en trois pôles : extrême droite populiste, extrême gauche populiste et centre modéré. Pour eux, il n'y aurait plus de place pour LR, phagocyté électoralement par Renaissance.

Certes, Nicolas Sarkozy est resté prudent dans son analyse en s'écartant d'un soutien sans faille : « Est-ce à dire que je suis d’accord avec tout, ou satisfait de tout ? C’est une autre histoire. ». Mais il a surtout songé à l'intérêt national dans ces temps troublés : « J’ai toujours pensé que, face à un pays qui a démontré, à travers son histoire, ses capacités éruptives, avoir un Président calme, modéré, refusant toute forme d’excès, était la meilleure solution. On ne répond pas à une situation éruptive en étant éruptif soi-même : il faut du sang-froid, de la mesure et de l’expérience. Il me semble que le Président Macron possède ces qualités. (…) Le Président a des intuitions et une expérience incontestables. ».

La dureté de Nicolas Sarkozy à l'égard de Valérie Pécresse se ressentait implicitement dans son analyse : en gros, le pays est de centre droit, mais sa représentante est incapable de l'incarner. Si bien qu'il faut se contenter d'Emmanuel Macron : « Je me suis toujours méfié des donneurs de leçons. Mais si j’avais un souhait, c’est que la matrice politique du Président se rapproche davantage de la matrice du pays telle que je la ressens. (…) J’observe qu’il peut parfois avoir la tentation de s’arrêter au milieu du gué. Ce sont les inconvénients du "en même temps". ».

En outre, il a observé que l'absence de majorité absolue à l'Assemblée Nationale va handicaper grandement le Président de la République pour faire adopter des réformes essentielles. Lui-même avait initié la dernière révision constitutionnelle, celle du 23 juillet 2008 qui avait drastiquement limité l'usage de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, ce qui, pour cette législature, va devenir dramatique : « Il est dans la position d’un chasseur qui n’a pas une ressource infinie de munitions. Emmanuel Macron n’est pas faible parce qu’il utilise le 49-3 : il est affaibli parce qu’il n’a pas eu la majorité absolue. ».

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La proposition de Nicolas Sarkozy est donc simple : au lieu de continuer à gouverner avec une majorité relative très aléatoire (la soirée du 24 novembre 2022 a été très instructive à ce sujet), alors changeons cet état de fait et construisons une majorité absolue. Comment ? Il n'y a pas trente-six solutions : en faisant une alliance entre la majorité présidentielle (Renaissance, MoDem et Horizons) et Les Républicains. Arithmétiquement, la majorité absolue serait atteinte.

Pour Nicolas Sarkozy, il ne s'agirait pas à LR de se soumettre au macronisme, mais de négocier un contrat de réformes à faire durant le quinquennat (retraites, fiscalité, etc.). C'est politiquement possible puisque des personnalités comme Éric Woerth, en charge de la politique budgétaire de la France chez LR pendant un long moment, sont désormais députés Renaissance. Et les deux pièces maîtresses du gouvernement sont elles-mêmes d'origine LR : Bruno Le Maire qui pilote l'Économie et les Finances et Gérald Darmanin qui pilote l'Intérieur.

En somme, l'ancien président de LR a suggéré de faire comme en Allemagne quand une coalition n'arrivait pas à atteindre une majorité absolue des sièges : « Le 49-3 n’est pas la seule solution. Il pourrait également chercher à faire un accord politique en bonne et due forme avec toutes les bonnes volontés prêtes à constituer une majorité dans l’intérêt supérieur du pays. On ne se renie jamais lorsqu’on fait le choix de l’intérêt général. ».

Cette idée était d'ailleurs celle du Président Emmanuel Macron lui-même dès le soir du second tour des élections législatives. Il était prêt à négocier un accord pour élargir sa majorité parlementaire, et LR semblait un meilleur partenaire que la Nupes complètement mélenchonisée et, évidemment, que le Rassemblement national toujours lepénisé.

Le problème de la proposition de Nicolas Sarkozy, c'est que LR ne le souhaite absolument pas. Dès le 23 octobre 2022 sur Radio J, le pourtant très mesuré président du groupe LR à l'Assemblée Nationale Olivier Marleix a lâché : « [Quand il] dote Emmanuel Macron des vertus de calme et de modération, ce n'est pas le même Emmanuel Macron que nous fréquentons. ».

La réalité, c'est que les députés du groupe Les Républicains savent qu'ils jouent leur existence durant ce second quinquennat. Pour eux, l'impossibilité de se représenter d'Emmanuel Macron en 2027 leur ouvre une fenêtre d'opportunité qui les conduirait à renouer avec le succès et avec l'Élysée. Pour cela, pas question de faire partie de la majorité au risque de se retrouver aussi usés que ceux de la majorité présidentielle qui seraient alors au pouvoir depuis dix ans, voire, pour certains, depuis quinze ans. Et cela, quel que soit un éventuel accord de gouvernement à négocier (Emmanuel Macron accepterait sans doute les conditions de LR pour capter ce groupe parlementaire).

Les dirigeants et futurs dirigeants de LR veulent convaincre les électeurs que leur parti reste un pôle indépendant d'alternance au macronisme, hors des extrémismes populistes, tant de droite que de gauche. En renonçant à cette stratégie et en collant leur destin à celui de la majorité présidentielle, ils feraient, selon eux, le jeu du RN et de la Nupes en leur apportant sur un plateau d'argent un clivage cauchemardesque que beaucoup de Français rejetteraient pourtant.

Toutefois, cette irresponsabilité qui est à la fois cynique et calculatrice apparaît aussi comme un refus de servir l'intérêt national au profit d'intérêts de parti, ce qui a ainsi convaincu beaucoup d'élus et de cadres de LR à rejoindre Emmanuel Macron en 2022, faute d'avoir proposé une alternative audible, crédible et sérieuse.

C'est tout le dilemme de LR qui ne se dissipera pas le week-end prochain avec l'élection du nouveau président de LR. Plus que s'engager dans la voie de la reconquête, les prochaines positions des hiérarques archaïques de LR confirmeront sans doute, et involontairement, que, décidément, la marque est périmée et que Nicolas Sarkozy avait raison en avril 2022.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (06 décembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La sagesse de Nicolas Sarkozy.
Pour qui votera Nicolas Sarkozy au premier tour ?
Injustice pour Nicolas Sarkozy ?
Sarko et ses frères...

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221022-sarkozy.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-sagesse-de-nicolas-sarkozy-244538

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11 décembre 2022 7 11 /12 /décembre /2022 18:32

« Nous n'avons plus de grand homme, mais des petits qui grenouillent et sautillent de droite et de gauche avec une sérénité dans l'incompétence qui force le respect. » (Pierre Desproges).




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Ce week-end des 10 et 11 décembre 2022, les adhérents du parti Les Républicains départageaient les deux candidats arrivés au second tour pour la présidence de leur parti, Éric Ciotti et Bruno Retailleau. Cette élection s'est déroulée dans l'indifférence générale des médias et de la classe politique, comme si LR était devenu un petit parti politique, ce qu'il est devenu réellement depuis le 10 avril 2022 avec sa candidate Valérie Pécresse qui n'a même pas recueilli 5% des suffrages exprimés au premier tour de l'élection présidentielle.

Pourtant, les adhérents de LR s'étaient plutôt bien mobilisés, avec 72,7% de participation au premier tour le week-end précédent et 70,0% ce week-end. Arrivé en tête du premier tour avec 42,7%, c'est sans surprise que le député de Nice Éric Ciotti a franchi la barre des 50% pour se faire sacrer président de LR. Cela a été annoncé vers 18 heures 30 (avec une panne de lumière !) : Éric Ciotti a obtenu 53,7% parmi les adhérents de LR (soit 33 609 voix).

L'incertitude était plutôt au premier tour, la question de savoir si les militants acceptaient de changer radicalement le discours de LR par des attentions plus sociales et des innovations politiques, en suivant le jeune député Aurélien Pradié. Avec seulement 22,3%, éliminé de la compétition, Aurélien Pradié n'a pas su convaincre les adhérents acquis à la cause d'une certaine droite à la fois sécuritaire et libérale. En outre, ne sachant départager ses deux rivaux (qui pensent la même chose), il n'a pas donné de consigne de vote à ses électeurs.

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Bruno Retailleau n'a pas su impulser un nouveau souffle chez Les Républicains, ce qui était prévisible, étant donné qu'il ne proposait somme toute que l'immobilisme pour son parti, le refus de trancher sur des thèmes qui divisent profondément ce parti, même si les centristes de LR sont quasiment inexistants, partis depuis longtemps vers d'autres cieux plus favorables (et plus macroniens).

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La question de savoir comment Éric Ciotti va soutenir Laurent Wauquiez sera intéressante. En effet, comment peut-on être présidentiable quand on se terre dans sa collectivité (la région Auvergne-Rhône-Alpes), qu'on reste silencieux sur tous les sujets, en particulier les plus importants, et (disons-le) qu'on s'est fait oublier par beaucoup de ses propres électeurs ? L'avènement d'Éric Ciotti va donc être délicat à négocier avec Laurent Wauquiez. Car si Éric Ciotti s'est toujours voulu fidèle et loyal, désormais, il sera le chef, et dans tous les cas, il carbure seul, il est autonome intellectuellement et politiquement (la preuve, son élection).

Ainsi, les convictions d'Éric Ciotti peuvent se résumer à trois points qui, tous les trois, sont plutôt attractifs pour la plupart des électeurs, et pas seulement ceux de LR réduits à peau de chagrin. Premièrement, des propositions pour renforcer l'aspect sécuritaire, qui, à mon sens, ne seront pas plus efficaces que les mesures qui ont été mises en place depuis cinquante ans pour tous les gouvernements, mais qui sont très demandés dans les sondages, presque plébiscitées. Deuxièmement, une baisse des impôts et taxes, et même si l'on croit à l'État providence, aux services publics, somme toute, voire ses avis d'impôts diminuer est toujours souhaité (sinon souhaitable), ce genre de mesure ne peut pas attirer de répulsion sauf si elle est dans une volonté béante de démagogie (comme dans le cas de la candidate Anne Hidalgo qui proposait de doubler le salaire des enseignants), alors que dans le cas d'Éric Ciotti, cette proposition d'alléger drastiquement la fiscalité provient d'un raisonnement idéologique cohérent et limpide (réduire toutes les contraintes de l'État). Enfin, troisièmement, on l'avait oublié et l'unique débat de la présidence de LR le 21 novembre 2022 l'avait mis en lumière : Éric Ciotti est moderne et favorable aux mesures sociétales, c'est-à-dire que loin d'être un réactionnaire, il accepte de suivre la société quand celle-ci réclame certains aménagements, et cela, quoi qu'il en soit, reste plutôt à apporter à son crédit qu'à son débit intellectuel.

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En ce sens, Éric Ciotti est le contraire de François Baroin. Probablement celui qui avait le plus de capacité à être le candidat LR en 2022, François Baroin a brillé par son manque d'ambition et d'intérêt pour l'élection présidentielle. Face au vide absolu au sein de son parti, Éric Ciotti, au contraire, est prêt à relever tous les défis pour mener ses idées au pouvoir. Quitte à conquérir l'Élysée lui-même.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (11 décembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Éric Ciotti sacré meilleur communicant du parti Les Républicains !
Éric Ciotti.

La sagesse de Nicolas Sarkozy.
Présidence de LR : Ciotti vs Retailleau au cœur du système.
Présidence de LR : trois têtes pour un fauteuil.
Trois candidats et un enterrement ?
Lucien Neuwirth.

Bruno Le Maire.
Patrick Balkany.
Claude Malhuret.
Xavier Bertrand.
Bruno Retailleau.
Caroline Cayeux.
Christophe Béchu.
Aurélien Pradié.
Jean-François Copé.
Yvon Bourges.
Christian Poncelet.
René Capitant.
Patrick Devedjian.









https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221211-les-republicains.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/eric-ciotti-sacre-meilleur-245461

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/12/07/39737367.html






 

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21 novembre 2022 1 21 /11 /novembre /2022 22:01

« Je ne ferai pas la courte échelle à Emmanuel Macron sur la réforme des retraites (…). C'est peut-être le moment de ne pas lui servir la soupe. » (Aurélien Pradié, le 21 novembre 2022 sur LCI).



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Le 4 décembre 2022 aura lieu le premier tour dématérialisé pour désigner le prochain président du parti Les Républicains (un éventuel second tour est prévu le 11 décembre 2022 si besoin). Son précédent président, Christian Jacob, avait en effet démissionné le 30 juin 2022 à la suite de l'épouvantable épreuve des élections du printemps, moins de 5% pour la candidate LR Valérie Pécresse en avril 2022 et une érosion de la moitié du nombre de députés LR élus en juin 2022 par rapport à juin 2017.

Trois candidats se sont déclarés dans les conditions demandées par les statuts et se disputent le rôle de leader futur du parti : Éric Ciotti (57 ans), député de Nice, ancien président du conseil général des Alpes-Maritimes et ancien candidat à la primaire fermée de LR en décembre 2021, Aurélien Pradié (36 ans), jeune député du Lot depuis 2017 et secrétaire général actuel de LR, enfin, Bruno Retailleau (62 ans), président très apprécié du groupe LR au Sénat, ancien président du conseil régional des Pays-de-la-Loire et ancien président du conseil général de la Vendée, ancien dauphin de Philippe de Villiers.

Un seul débat télévisé a été organisé pour participer à leur campagne interne. Il a duré un peu moins de deux heures, diffusé en direct par la chaîne LCI ce lundi 21 novembre 2022 à partir de 20 heures 30, animé par Ruth Elkrief et Adrien Gindre.

Je propose ici d'exposer l'impression générale et les différenciations politiques.

L'impression générale de la compétition d'abord : à l'évidence, les trois candidats sont des "seconds couteaux", très loin de la notoriété des Alain Juppé, Nicolas Sarkozy et François Fillon. Et encore plus loin de la stature des Jacques Chirac, Édouard Balladur, Valéry Giscard d'Estaing et Raymond Barre. Depuis l'élection du Président Emmanuel Macron en 2017 flotte une impression de vide de leadership qui est à la fois étonnant (ce parti est l'héritier du mouvement gaulliste première formation historique pour la présidentialisation du débat politique et l'incarnation par un chef politique fort) et inquiétant (face aux autres partis qui ont, eux, un leader fort et bien identifié : Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen et bien sûr, Emmanuel Macron). Depuis 2017, LR subit aussi une lente érosion de ses cadres et élus rejoignant la majorité présidentielle (Édouard Philippe, Jean-Pierre Raffarin, Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, Christophe Béchu, Sébastien Lecornu, Christian Estrosi, Hubert Falco, Renaud Muselier, Éric Woerth, Damien Abad, Roselyne Bachelot, Caroline Cayeux, etc.).

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Éric Ciotti est depuis décembre 2021 le chouchou des militants, ayant des convictions très fortes sur au moins deux thèmes, l'immigration et la fiscalité, ce qui lui apporte des adhésions très fortes à sa personne mais aussi certaines répulsions très fortes (plutôt externes) car l'expression claire de ses convictions fortes clive nécessairement. Pour les commentateurs politique, Éric Ciotti est le favori de cette élection interne.

Bruno Retailleau est supposé prendre le rôle du sage, le candidat des élus (il a recueilli le plus grand nombre de parrainages de parlementaires LR), très apprécié au Sénat pour son action de rassemblement et de proposition (le 12 novembre 2022, il a fait adopter au Sénat, dont la majorité est LR et alliés, un amendement sur la retraite à 64 ans avec quarante-trois annuités au détour de l'examen du projet de loi sur le financement de la sécurité sociale, sans conséquence puisque le gouvernement fera passer le texte par un cinquième emploi de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution). Son credo est l'unité, avec le risque de laisser LR dans une position politique ambiguë qui a fait son effondrement depuis 2017.

Enfin, Aurélien Pradié est ce qu'on appelle un "jeune espoir" de LR qui a pris suffisamment d'envergure pour vouloir conduire son parti lui-même. Il bouscule les vieux caciques et il apporte du sang neuf, doublement, par sa jeunesse et nouveauté d'abord, et par l'originalité de ses thèmes, ensuite, puisqu'il refuse de se laisser piéger par les thèmes classiques de l'extrême droite (immigration, sécurité) pour aller sur le terrain d'un électorat populaire que LR a perdu depuis 2012.

Notons qu'aucun des trois candidats n'est énarque et que les deux premiers ont commencé leur carrière politique sous l'ombre d'une autre personnalité politique (Christian Estrosi pour le premier et Philippe de Villiers pour le deuxième). Quant à Aurélien Pradié, il a été vite "adopté" par Christian Jacob qui l'a bombardé au secrétariat général, à savoir, un poste opérationnel qui permet de connaître parfaitement l'organisation interne du parti, les fédérations locales, etc.

En d'autres termes, pour résumer, Aurélien Pradié est l'outsider qui aurait a priori peu de chance de gagner mais qui pourrait créer des surprises, avec une volonté de relance de LR particulièrement novatrice et de long terme (il est évident qu'il nourrit une ambition présidentielle mais il se garde bien de l'exprimer déjà et il est encore jeune), une modernité qui est adaptée à la situation des autres partis (RN, FI et Renaissance qui ont beaucoup de parlementaires jeunes). Éric Ciotti est le favori des militants et Bruno Retailleau est le favori des cadres et des élus.

Maintenant, venons-en à l'impression générale du débat télévisé.

Sans surprise, Éric Ciotti a le ton clair, la parole déterminée, il a une communication qui porte, même s'il dit n'importe quoi, il a un degré de conviction très fort, le plus fort de tous les trois. Il a par ailleurs taclé souvent son concurrent Bruno Retailleau qu'il a considéré comme son principal adversaire (alors qu'à mon avis, il aurait dû aussi contrer Aurélien Pradié qui pourrait faire bouger les lignes et contre lequel il se contentait de sourire !).

Bruno Retailleau, en revanche, a été souvent en retrait, vieilli par sa courtoisie d'un autre siècle qui laisse entendre une faible détermination, il est même apparu fatigué, sans enthousiasme, comme si sa candidature était une candidature de devoir auprès de ses amis grands élus (en particulier le Président du Sénat Gérard Larcher).

Enfin, incontestablement, Aurélien Pradié a largement survolé ce débat, n'hésitant pas à donner des rôles à ses contradicteurs en se mettant déjà à la place du futur président de LR, proposant à Bruno Retailleau de rester à la présidence stratégique du groupe LR au Sénat, et à Éric Ciotti d'aller conquérir la mairie de Nice en 2026 et de prendre le secrétariat général de LR. Ses deux concurrents ont souri mais ont peu protesté ! Aurélien Pradié est un audacieux et il sait bien qu'en politique, le bluff finit toujours par payer : Jacques Chirac en 1976 et Nicolas Sarkozy en 2002 le savent bien.

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Passons au fond.

Éric Ciotti n'a donc pas étonné sur ses convictions qu'il avait déjà eu l'occasion de développer lors de la campagne interne de 2021 pour désigner le candidat LR à la dernière élection présidentielle. Une plus grande fermeté pour éviter l'arrivée de réfugiés par la Méditerranée en supprimant les "pompes aspirantes" que sont les généreux droits sociaux en France (il se trompe complètement : les candidats à une nouvelle vie se moquent complètement de l'état des droits sociaux, ils ont juste l'intuition générale, probablement trompeuse, que leur vie sera meilleure dans tous les cas en Europe et, de toute façon, ils ne suivent pas l'actualité législative de ces pays). Et surtout, une politique fiscale très audacieuse : baisse ou suppression de nombreux impôts, notamment l'impôt sur les successions (« impôt sur la mort », a-t-il dit) et les taxes sur les taxes pétrolières.

Les trois candidats ont fustigé avec force le Président de la République Emmanuel Macron, allant jusqu'à considérer que LR était aussi opposé à la majorité actuelle qu'au Rassemblement national et qu'à la Nupes. Les trois candidats ont aussi fustigé Nicolas Sarkozy qui s'était écarté de LR en soutenant Emmanuel Macron en 2022, même si Éric Ciotti et Aurélien Pradié ont rappelé qu'ils ont commencé leur carrière politique en collant des affiches de Nicolas Sarkozy (Éric Ciotti ne veut pas être wokiste dans son parti en reniant Nicolas Sarkozy !). Tous sont aussi partisans de changer d'appellation, mais c'est surtout Bruno Retailleau qui l'a exprimé le plus clairement, en constatant que la marque Les Républicains était pourrie et qu'il fallait redonner un nouvel élan à ce parti.

Ce qui était intéressant, c'est que les clivages politiques ne sont pas venus là où l'on aurait pu le croire. Ainsi, il n'y a pas eu de clivage ni sur le besoin de fermeté face à l'immigration (en disant : « Il faut stopper l’invasion migratoire. », Éric Ciotti s'est référé à Valéry Giscard d'Estaing qui évoquait dans un quotidien en 1991 l'invasion migratoire dans un autre contexte, à l'époque, cela avait créé la polémique). Aurélien Pradié, qui a aussi insisté sur le fait qu'il y avait trop d'immigration, est allé dans le sens de ses deux concurrents en proposant surtout de faire adopter le nouveau concept de crime de passeurs, et de l'internationaliser (« le crime de passeur comme un crime relevant de la cour pénale internationale »), ce qui permettrait de mobiliser plus de forces pour empêcher l'activité de ces passeurs et les traduire en justice. De plus, pour lui, Frontex doit être le seul à pouvoir faire des sauvetages en mer : « Frontex serait cantonné aux sauvetages, déposerait les passagers dans des zones tampons et ne les ferait pas entrer sur nos territoires. ».

En revanche, le clivage a été net sur la réforme des retraites. En effet, Bruno Retailleau, qui a été au Sénat parmi les partisans d'encourager le gouvernement à adopter les conditions LR est pour la retraite à 64 ans. Donc, il a annoncé qu'il voterait la réforme des retraites si certaines conditions étaient contenues dans le projet, se montrant paradoxalement le plus macronien des trois. Éric Ciotti, lui aussi, veut cette réforme des retraites (à 65 ans), et la voterait sous condition également. Tandis qu'Aurélien Pradié a été très clair et est contre un allongement de l'âge de la retraite. Il a cité son jeune frère boulanger qui travaille tous les jours à 2 heures du matin et à qui il n'est pas la peine de lui expliquer ce qu'est la valeur travail. Il a souvent insisté le besoin pour LR de retrouver un électorat populaire (à l'écouter sur le vocabulaire, il pourrait ainsi refonder le MRP : mouvement républicain populaire !).

Autre clivage intéressant : Éric Ciotti veut baisser les impôts immédiatement. Aurélien Pradié et Bruno Retailleau lui ont répondu que ce n'était pas sérieux. Mais c'est Aurélien Pradié qui a été le plus convaincant en proposant d'abord de réduire les dépenses de l'État, puis, seulement ensuite, de réduire les impôts. Éric Ciotti pense au contraire qu'il faut faire un choc fiscal qui ferait rentrer plus d'argent dans les caisses de l'État. Aurélien Pradié veut faire voter chaque année, après la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, une « loi de finance et de gestion de la dette »). Dans ce débat, Bruno Retailleau a été dépassé par son orthodoxie sans aspérité en voulant réduire la dette publique, et donc en recherchant d'abord des comptes équilibrés : « Il faut être sérieux. On ne peut pas faire une baisse massive des impôts sans commencer aussi par récupérer de l’argent de l’État. ».

Reprenant un engagement de François Fillon en 2017, Aurélien Pradié a tenté de rallier les adhérents les plus conservateurs de LR en se disant favorable à l'uniforme à l'école et aussi à cette tenue unique à l'université.

Autre thème étonnant de clivage, l'IVG et la proposition ou le projet d'intégrer le principe du droit à l'avortement dans la Constitution, un engagement d'Emmanuel Macron soutenu très fortement par l'ultragauche. Pour Bruno Retailleau, pas question de le faire car c'est inutile ; aucun parti politique ne propose la remise en cause de la loi sur l'IVG et le Conseil Constitutionnel a même considéré que l'avortement faisait partie des acquis constitutionnels (comme la laïcité de 1905 seulement régie par une simple loi mais qui a été considérée à valeur constitutionnelle par le Conseil Constitutionnel il y a déjà quelque temps). En d'autres termes, il refuse de rentrer dans un débat américain qui n'a aucun sens en France.

Mais les deux autres n'ont pas du tout la même position. Éric Ciotti, sans développer, voterait cette constitutionnalisation en affirmant que la droite devait être ouverte, que ce sont les gaullistes qui ont autorisé le droit de vote aux femmes (De Gaulle en 1945), la contraception (Lucien Neuwirth en 1967) et l'avortement (Simone Veil en 1974). Et qu'il ne fallait pas laisser ces thèmes à une ultragauche féministe qui voudrait remettre tout en cause. Quant à Aurélien Pradié, le plus construit sur ce sujet, il a rappelé qu'il s'était engagé à l'UMP aussi avec cet héritage essentiel de Simone Veil et qu'il voterait l'inscription dans la Constitution du principe de la loi Veil.

En ce sens, Bruno Retailleau a montré ce qu'il était, un conservateur au sens classique du terme, tandis qu'Éric Ciotti a montré qu'il était plutôt un libéral dans le sens très réformiste du terme, un peu à l'instar d'Alain Madelin qui, sur les thèmes de société, a toujours été libéral. La position d'Aurélien Pradié est moins surprenante dans la mesure où il revendique la représentation de l'aile sociale de LR.

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Inversement, un thème politique crucial, facteur récurrent de divisions pour LR, a rassemblé les trois candidats : aucun ne souhaite être candidat à l'élection présidentielle de 2027 et tous les trois ont admis que le meilleur candidat possible de LR actuellement était Laurent Wauquiez. Éric Ciotti a expliqué qu'il souhaitait que Laurent Wauquiez soit désigné par LR explicitement candidat le plus tôt possible pour pouvoir être une incarnation des Républicains pendant tout le second quinquennat d'Emmanuel Macron. Bruno Retailleau et Aurélien Pradié sont opposés à une désignation trop rapide afin de protéger Laurent Wauquiez d'aléas électoraux, en repoussant la désignation à après les élections européennes de 2024 (mais Éric Ciotti connaît trop son parti et a répliqué qu'après 2024, on dirait alors qu'il y a les élections municipales et sénatoriales, en 2026 et on repousserait encore jusqu'à trop tard). En tout cas, l'idée de désigner le candidat LR par une primaire, fermée ou ouverte, est exclue, ainsi que l'agenda, à quelques mois de l'échéance. Aurélien Pradié voudrait revenir aux pratiques autocratiques du RPR, où le bureau politique désignait unanimement son leader comme candidat à l'élection présidentielle, avec ratification des militants. Bruno Retailleau semble le plus prudent dans ce thème, plus collectif, souhaitant éviter de montrer un cynisme trop ouvertement explicite !

Enfin, à la fin de l'émission, alors que ses deux autres compétiteurs n'ont pas été aussi clairs, Aurélien Pradié a sans doute été, paradoxalement, le champion le plus opposé à Emmanuel Macron, en déclarant clairement que, lui président de LR, Les Républicains déposeraient une motion de censure dans deux cas : la volonté du gouvernement d'adopter rapidement la réforme des retraites sans débat, et la régularisation massive des personnes immigrées sur le sol français. Or, seule une motion de censure déposée par le groupe LR peut avoir des chances d'être adoptée par une majorité absolue de députés, puisque le RN et la Nupes pourraient la voter, alors que LR ne voterait jamais une motion de censure déposée par la Nupes ou par le RN. Sur le thème des retraites, le groupe LR est très divisé sur la position à prendre puisque sur le principe, la majorité des élus LR est d'accord avec le gouvernement, et sur le thème des régularisations massives, il serait étonnant que la Nupes rejoignent LR et le RN en contredisant ses propres positions. Donc, le gouvernement a encore peu de chance d'être renversé, mais la phrase claire d'Aurélien Pradié l'a placé en premier opposant d'Emmanuel Macron.

En conclusion, je pense que le débat, s'il a été regardé par les adhérents de LR, pourrait faire bouger les lignes. Le moins connu en interne était sans doute Aurélien Pradié qui a montré de la pugnacité (il a souvent rembarré les journalistes voulant l'interrompre), de la vision politique avec des propositions concrètes et parfois originales, en tout cas, novatrices, et un indéniable sens du leadership. De plus, il a rassuré les partisans de Laurent Wauquiez puisque sa candidature pour 2027 n'est plus en discussion. De son côté, Bruno Retailleau a montré un évident coup de vieux, un manque de punch, et surtout, un grand manque d'originalité pour proposer de nouvelles solutions. Quant à Éric Ciotti, excellent comme d'habitude en communication (esprit clair aux idées exprimées clairement), ses idées sont les plus clivantes, ce qui a pour effet un bon score au premier tour mais peut-être un mauvais à l'éventuel second tour, comme lors du congrès de décembre 2021.

À l'évidence, cette élection interne reste très ouverte, et va juger surtout la capacité du candidat président de parti à redresser LR, à le remettre en ordre de marche pour l'élection présidentielle de 2027. En s'exonérant de manière salutaire d'un débat sur l'identité d'un futur candidat qui semble déjà connue...


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (21 novembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Présidence de LR : trois têtes pour un fauteuil.
Trois candidats et un enterrement ?
Lucien Neuwirth.

Bruno Le Maire.
Patrick Balkany.
Claude Malhuret.
Xavier Bertrand.
Bruno Retailleau.
Caroline Cayeux.
Christophe Béchu.
Aurélien Pradié.
Jean-François Copé.
Yvon Bourges.
Christian Poncelet.
René Capitant.
Patrick Devedjian.








https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221121-ciotti-retailleau-pradie.html

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/11/22/39718691.html






 

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6 novembre 2022 7 06 /11 /novembre /2022 04:25

« Je ne peux qu’y voir un rabougrissement, et j’espère que le Rassemblement national (…) n’est pas en train de céder au grand "compromis nationaliste", cette stratégie d’union des droites radicales, qui a échoué à la présidentielle, plutôt que de l’ensemble des patriotes de droite comme de gauche. (…) Il n'y a pas que l'immigration et l'identité, il faut parler des problèmes du quotidien et des problèmes sociaux. » (Steve Briois, le 5 novembre 2022).




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L'accélération des procédures a été une catastrophe médiatique pour le Rassemblement national qui tenait son 18e congrès ce samedi 5 novembre 2022 à la Mutualité de Paris. En effet, alors que cette journée devait être la consécration de la respectabilité du parti fondé par Jean-Marie Le Pen il y a cinquante ans, l'un des ses plus importants députés Grégoire de Fournas a été très sévèrement sanctionné par le bureau de l'Assemblée Nationale puis par l'ensemble de la représentation nationale la veille, le 4 novembre 2022 (j'y reviendrai).

La respectabilité, c'est juste un vernis sur une idéologie extrémiste qui n'a au fond jamais varié depuis un demi-siècle : le bouc émissaire de tous nos maux sont les étrangers, immigrés, extra-européens, et il n'y a pas loin entre la xénophobie et le racisme (car à ma connaissance, les immigrés suédois n'ont jamais été fustigés par ce parti). Dans le cas de cette polémique parlementaire, celui qui a été lourdement sanctionné Grégoire de Fournas aurait dû être nommé porte-parole du RN de Jordan Bardella, dont la victoire ne faisait aucun doute, dans la nouvelle direction du parti. Pour le RN, c'était donc un soulagement que le député ait fait cette embardée avant d'être nommé, car ainsi, il ne représentait pas ès qualités le RN (même si le groupe RN s'est complètement solidarisé).

Revenons donc à ce congrès très politique. Marine Le Pen, réélue présidente du RN au précédent congrès le 3 juillet 2021 à Perpignan et qui avait succédé à son père le 16 janvier 2011 à Tours (face à Bruno Gollnisch), avait démissionné temporairement de cette présidence le 13 septembre 2021 pour se consacrer pleinement à la campagne présidentielle. En tant que premier vice-président, Jordan Bardella avait assuré l'intérim, et le 21 juin 2022, Marine Le Pen a confirmé qu'elle démissionnait définitivement de la présidence du parti pour se consacrer pleinement à la présidence du groupe des 89 députés RN à l'Assemblée Nationale. Et cela lui permet aussi d'être moins tributaire des petites bricoles partisanes.

Le congrès avait donc un enjeu pas ordinaire : qui sera le successeur de Marine Le Pen, et par conséquent, le successeur de Jean-Marie Le Pen ? Deux candidats se sont présentés : Louis Aliot et Jordan Bardella. L'un proclamait : "Tout commence", tandis que l'autre se réjouissait : "On continue". Pour Louis Aliot, il était évident qu'il fallait laisser la présidence à celui qui, dans ce parti, avait réussi à se faire élire au poste d'exécutif le plus important de l'histoire du parti, la mairie de Perpignan en juin 2021.

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Louis Aliot, à 53 ans, a déjà un long passé de militant du FN/RN auquel il a adhéré en 1990 (à l'âge de 21 ans). Son accent du Sud-Ouest le fait présenter comme un représentant de la France provinciale, celle des territoires, en opposition avec la France de Paris et de la région parisienne que Jordan Bardella pourrait symboliser d'autant plus que ce dernier est lisse et le premier rugueux. Il a été secrétaire général du FN de 2005 à 2011, vice-président du FN de 2011 à 2018 et depuis 2021 (premier vice-président dans les années 2010). Conseiller régional de 1998 à 2015, il a été élu député européen de mai 2014 à juillet 2017, puis député national de juin 2017 à août 2020 (à ce titre, il a joué au rugby avec Alexis Corbière), enfin maire de Perpignan depuis juillet 2020. Par ailleurs, ancien directeur de cabinet de Jean-Marie Le Pen en 1999 et 2000, ancien collaborateur parlementaire de Marine Le Pen en 2011, il fut également son compagnon entre 2009 et 2019 selon Wikipédia.

Jordan Bardella est beaucoup plus jeune que Louis Aliot, il est carrément de la génération d'en dessous (il pourrait être son fils). À 27 ans, il a également déjà une longue vie de militant, adhérant à 17 ans au FN. Conseiller régional d'Île-de-France depuis décembre 2015, il a mené la liste nationale du RN aux élections européennes de mai 2019, qui a obtenu la première place avec 23,3% juste devant celle de Renaissance, et est ainsi élu député européen. Tête de liste aux élections régionales de juin 2021 en Île-de-France, il a fait un score médiocre (10,8% au second tour). Battu aux élections départementales à Tremblay-en-France en mars 2015, il a par ailleurs été candidat aux élections législatives en juin 2017 en Seine-Saint-Denis et a été éliminé dès le premier tour. Au sein du FN/RN, il a rapidement gravi les marches : collaborateur parlementaire de Jean-François Jalkh en 2015, il a été nommé porte-parole du FN en septembre 2017, puis directeur national du mouvement des jeunes FN entre mars 2018 et juillet 2021. Après avoir été choisi par Marine Le Pen pour mener la campagne des européennes en 2019, il a été bombardé vice-président du RN en juillet 2019, premier vice-président en juillet 2021 et président par intérim à partir de septembre 2021.

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Marine Le Pen a annoncé les résultats du vote qui a été clos le 3 novembre 2022. Sur 36 673 adhérents inscrits, 26 218 ont participé au vote, soit 71,5%. Sans surprise, Jordan Bardella a gagné, avec 22 130 voix, soit 84,8% contre 3 955 voix (15,2%) à Louis Aliot. Marine Le Pen a donc accueilli son successeur comme président du RN, Jordan Bardella. Est-ce à dire qu'il n'y a plus de Le Pen à la tête du RN ? C'est un peu rapide en conclusion, car c'est bien encore le clan Le Pen qui est à la tête du RN même si c'est une génération plus jeune. En effet, après avoir fréquenté la fille de Frédéric Chatillon, ancien président du GUD (mouvement d'extrême droite) et très proche de Marine Le Pen, il est depuis 2020, toujours selon Wikipédia, le compagnon de la nièce de Marine Le Pen, à savoir, la fille de Marie-Caroline Le Pen (la sœur aîné, qui avait suivi Bruno Mégret lors de la sécession en 1998) et de son ancien conjoint Philippe Olivier qui est député européen depuis 2019 et tenant de la ligne identitaire du parti, comme du reste Jordan Bardella.

Au-delà du président, c'est toute la direction du RN qui a été renouvelée. 100 membres du conseil national ont été élus ou réélus, en particulier : Sébastien Chenu, David Rachline, Marie-Caroline Le Pen, Steve Briois, Julien Odoul, Edwige Diaz, Laurent Jacobelli, Philippe Ballard, Jean-Lin Lacapelle, Julien Sanchez, Bruno Gollnisch, Wallerand de Saint-Just, Hélène Laporte, Laure Lavalette, Bruno Bilde, Ludovic Pajot, Philippe Olivier, José Gonzalez, Emma Minot, etc. 20 autres membres ont été nommés par Jordan Bardella, en particulier : Jean-Paul Garraud, Thierry Mariani et Jean-Philippe Tanguy.

Un bureau national a été choisi par le président mais sans beaucoup de pouvoirs. La vraie instance directive est le bureau exécutif qui est ainsi composé notamment de Jordan Bardella (président), Louis Aliot (premier vice-président), David Rachline, Hélène Laporte, Edwige Diaz et Julien Sanchez (quatre autres vice-présidents), et parmi les membres, Marine Le Pen, Jean-Paul Garraud, Sébastien Chenu, Philippe Olivier, etc.

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Je m'arrête sur une caractéristique intéressante qui est observable dès 2017 chez LREM/Renaissance et chez FI/Nupes et qui est aujourd'hui aussi observable au RN : la capacité à des militants très jeunes trentenaires (voire avant) de devenir députés et aussi responsables nationaux dans leur parti. Ces trois partis autour desquels le jeu politique et présidentiel tourne depuis 2017 (avec Emmanuel Macron, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, chacun représentant une génération, années 1970, années 1960 et années 1950), ont apporté un vent de renouvellement indéniable en renversant le paysage politique qui a prévalu pendant au moins quarante ans si ce n'est depuis le début de la Cinquième République, à savoir l'UDF/RPR-UMP-LR et leurs alliés d'une part, et le PS et leurs alliés d'autres part. Certes, il y a eu aussi du renouvellement dans ces anciens partis gouvernementaux, en confiant des investitures parfois à des très jeunes (je pense à Robin Reda par exemple chez LR en 2017), mais c'est relativement rare et plutôt l'exception alors qu'il y a de très nombreux députés très jeunes chez LREM/Renaissance, FI/Nupes et FN/RN. Notons d'ailleurs qu'avant septembre dernier, trois jeunes parlementaires se sont fait remarquer par leur ambition d'être un jour les dauphins : Aurore Bergé à Renaissance, Adrien Quatennens à FI et Jordan Bardella au RN. Adrien Quatennens a visiblement des empêchements, et Jordan Bardella est désormais le chef du RN (quant à Aurore Bergé, elle préside le groupe Renaissance, ce qui n'est pas une mince affaire quand on a une majorité relative). Le saut à la génération des années 1990 va faire vieillir ceux de la génération des années 1970 et des années 1980 qui espèrent encore nourrir une ambition nationale.

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Au moment où ces annonces sur les organes de direction ont été faites, en fin de matinée du 5 novembre 2022, Steve Briois, quatrième mieux élu du RN, maire d'Hénin-Beaumont, a exprimé sa grande amertume contre la victoire de Jordan Bardella, en raison de son éviction du bureau exécutif et de la vice-présidence, alors qu'il a été premier vice-président, secrétaire général (la fonction a été supprimée) et même président par intérim. Steve Briois est apparu comme un frondeur, ainsi que Martin Bilde, tous les deux souhaitant conserver la ligne ni droite ni gauche du FN des années 2010, rejetant le "rabougrissement" d'une éventuelle alliance des droites radicales qui ne marcherait pas.

La colère était palpable : « Alors que depuis de nombreux mois je tire la sonnette d’alarme sur une potentielle re-radicalisation, je ne peux voir dans mon éviction qu’une sanction pour avoir voulu sensibiliser sur un phénomène que les faits confirment, depuis les ronds de jambe faits à certains intégristes, jusqu’à l’adoption de positions droitardes, contraires à mon sens au "ni droite, ni gauche" qui a prévalu pendant des décennies au Front national. Certaines outrances me donnent encore raison. ». Les outrances font référence à Grégoire de Fournas.

Les mots sont durs, très amers, et montrent un véritable clivage au sein du parti, entre ceux qui, comme Jordan Bardella, souhaiteraient se rapprocher de l'extrême droite identitaire et tenter de faire revenir ceux qui sont partis chez Éric Zemmour, et ceux qui veulent absolument séduire une partie de la gauche désabusée (à l'instar de Florian Philippot qui a quitté la maison). Du reste, Jordan Bardella continue de voir régulièrement Marion Maréchal malgré son éloignement politique.

L'effondrement de la respectabilité avec l'incident à l'Assemblée Nationale et la sanction disciplinaire qui a suivi, la plus dure prise (seulement un autre député a été sanctionné aussi sévèrement depuis 1958 !), renforcé par la prise de pouvoir de la tendance clairement identitaire et extrémiste de droite, va sans doute engendrer d'autres mouvements d'humeur que celui de Steve Briois, peut-être de nouvelles scissions comme cela se passe dans ce parti dès qu'une ligne semble être sortie d'une certaine ambiguïté idéologique.

Pour Marine Le Pen, quitter la présidence du RN lui permet de s'attacher une image plus consensuelle et moins autoritaire, d'autant plus que les convictions très fortes de Jordan Bardella pourrait faire l'office de l'outrance d'Éric Zemmour pendant la campagne présidentielle ou de celle des députés de la Nupes depuis le début de l'été, à savoir un recentrage relatif de Marine Le Pen, élément capital si elle veut un jour séduire au moins 50% des Français. Il restera avant la présidentielle de 2027 l'épreuve des européennes de 2024 où il faudra au moins récidiver l'exploit de 2019 pour s'élancer dans la future campagne présidentielle.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (05 novembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Louis Aliot.
Jordan Bardella.
Marine Le Pen.

Le congrès du RN.
Grégoire de Fournas.
Incident raciste : 89 nuances de haine à la veille du congrès du RN ?
Le Front national des Le Pen, 50 ans plus tard...

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221105-rassemblement-national.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/rn-le-sacre-du-chouchou-en-pleine-244803

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/10/31/39691687.html








 

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4 novembre 2022 5 04 /11 /novembre /2022 17:57

« Le libre débat démocratique ne saurait tout permettre, certainement pas l’invective ni l’insulte, certainement pas le racisme, quelle qu’en soit la cible : il est la négation des valeurs républicaines qui nous rassemblent dans cet hémicycle. » (Yaël Braun-Pivet, le 4 novembre 2022 dans l'hémicycle).



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Je reviens sur l'incident que le député RN Grégoire de Fournas a provoqué en interrompant délibérément la question du député FI Carlos Martens Bilongo le 3 novembre 2022 au cours de la séance des questions au gouvernement sur la détresse du bateau Ocean Viking en Méditerranée avec, à son bord, des centaines de migrants rescapés d'un naufrage. Ce député RN avait crié : « Qu'il retourne en Afrique ! », tandis que l'orateur, Français d'origines angolaise et congolaise, était en train de parler.

Carlos Martens Bilongo a été très secoué par cette petite phrase et a publié un communiqué quelques heures après l'incident pour exprimer son indignation : « Je constate que tout le groupe du Rassemblement national a immédiatement fait bloc derrière celui qui m'a insulté. Qu'ils tordent les mots pour justifier l'injustifiable. (…) Cette sortie haineuse lève le masque sur le danger que représente toujours le Rassemblement national pour notre pays. (…) Cet épisode nous rappelle ce qu'est l'extrême droite en France : le mépris des institutions et la détestation de millions de nos compatriotes français. Je demande des excuses solennelles. Mais elles ne suffiront pas : ce député n'a plus rien à faire dans l'Assemblée. » (3 novembre 2022).

La Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet, qui présidait la séance, a dû suspendre puis clore définitivement la séance tant les esprits étaient énervés et excités par cette formule particulièrement scandaleuse. Depuis le début de la Cinquième République, c'était la septième fois qu'une séance de questions au gouvernement était interrompue définitivement, ce qui est donc, en soixante-quatre ans, très rare.

Le Bureau de l'Assemblée s'est finalement tenu de façon extraordinaire dès le lendemain, vendredi 4 novembre 2022 (à la veille du congrès du RN), au lieu du mercredi 9 novembre 2022 comme prévu initialement, afin de déterminer si l'Assemblée devait prendre une mesure disciplinaire à l'encontre du député Grégoire de Fournas et si oui, laquelle.

À cette réunion du Bureau, étaient présents : Yaël Braun-Pivet, les vice-présidents Caroline Fiat, Sébastien Chenu et Hélène Laporte, les secrétaires Christophe Blancher, Yannick Favennec-Bécot, Philippe Gosselin, Hubert Julien-Laferrière, Danièle Obono et M. Jean Terlier. Étaient excusés : les vice-présidentes Valérie Rabault, Élodie Jacquier-Laforge et Naïma Moutchou, les questeurs Marie Guévenoux, Éric Ciotti et Éric Woerth, les secrétaires Soumya Bourouaha, Caroline Janvier, Pierre Morel À L’Huissier, Claire Pitollat, Rémy Rebeyrotte et Laurence Vichnievsky. Étaient présents sans droit de vote : les présidents de groupe Marine Le Pen, Mathilde Panot, Jean-Paul Mattei et Laurent Marcangeli, ainsi que les représentants des présidents de groupe Sylvain Maillard, Christine Pirès-Beaune, Sandra Regol, Jean-Paul Lecoq et Olivier Serva mandatés respectivement par Aurore Bergé, Boris Vallaud, Cyrielle Chatelain, André Chassaigne et Bertrand Pancher.

À cette réunion, il a été adopté à l'unanimité (cette unanimité est importante, les élus du RN ayant quitté les lieux) la sanction la plus lourde que l'Assemblée peut prendre à l'encontre d'un député (selon l'article 71 du Règlement), en l'occurrence, la censure avec exclusion temporaire. Le communiqué dit exactement : « Après avoir entendu M. Grégoire de Fournas, en application de l’article 72, alinéa 4, du Règlement, le Bureau a décidé, à l’unanimité des participants au vote, de proposer à l’Assemblée Nationale de prononcer, en application de l’alinéa 5 du même article, la censure avec exclusion temporaire à son encontre, sur le fondement de l’article 70, alinéa 2, qui dispose que peut faire l’objet de peines disciplinaires un député qui "se livre à des manifestations troublant l’ordre ou qui provoque une scène tumultueuse". ».

L'article 70 du Règlement de l'Assemblée envisage sept causes de sanction. C'est l'alinéa 2 qui a été retenu : « Qui se livre à des manifestations troublant l’ordre ou qui provoque une scène tumultueuse. ». N'a pas été retenu l'alinéa 3 : « Qui se livre à une mise en cause personnelle, qui interpelle un autre député ou qui adresse à un ou plusieurs de ses collègues des injures, provocations ou menaces. ». Cela signifie que le Bureau n'a pas voulu polémiquer sur l'ambiguïté de l'interpellation, injure raciste contre Carlos Martens Bilongo ou pas.

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Il ne fait aucun doute de cette interpellation qui a été entendue par tous les députés présents (notamment le président du groupe LR Olivier Marleix installé près du groupe RN) et par ceux qui, à l'Assemblée Nationale, étaient chargés de retranscrire les débats dans le compte rendu intégral publié par le Journal officiel. La formule au singulier a été retranscrite car au pluriel (contrairement à ce que prétendent certains députés RN), Grégoire de Fournas aurait fait la liaison.

Du reste, comme je l'avais écrit précédemment, l'ambiguïté de la formule n'est pas le problème, que le député RN ait voulu évoquer la personne même du député FI ou le bateau en détresse, elle est particulièrement odieuse, notamment parce que même pour le bateau, qui ne provenait pas d'Afrique (pourquoi "retournerait"-il en Afrique ?), elle laisse entendre qu'il ne faut pas tenter de sauver ces centaines de personnes humaines ; c'est proprement dégueulasse, encore plus, à mon avis, que la simple injure raciste (mais les députés RN ne semblent bizarrement pas s'en rendre compte, c'est là que les valeurs clochent !).

Dans son blog, le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier pense aussi que ce n'est pas l'essentiel : « Parlait-il du navire ? Des personnes à bord (mais alors, au-delà même de la faute d’accord du verbe, c’est le pronom lui-même qui est erroné) ? Du député qui posait la question ? On ne le saura jamais avec certitude et, à vrai dire, là n’est pas la question. ». Pour lui, le tumulte est constitué par l'ambiguïté même de la formule : « En effet, quelle que soit la référence exacte de cette formule, son seul prononcé et, sans doute, son ambiguïté ont été perçus comme une provocation. Elle a immédiatement été assimilée à des propos racistes, ainsi qu’en témoignent l’ensemble des réactions de la classe politique qui a unanimement condamné ces propos, à l’exception du Front national, désormais dénommé Rassemblement national et parti dont est issu le député concerné. Le trouble fut tel que la Présidente de l’Assemblée Nationale a d’abord suspendu la séance, avant de l’interrompre totalement quelques minutes plus tard. ».

Ainsi, Jean-Philippe Derosier constate ainsi que : « le Bureau a refusé de dissiper l’ambiguïté de la phrase, tout en retenant qu’elle a elle-même troublé l’ordre et provoqué une scène tumultueuse ». Et il conclut par : «  Si son ambiguïté n’a pas été formellement dissipée, la gravité de la peine prononcée confirme qu’il s’agissait de propos racistes, peu importe qui ils visaient exactement. ».

Rappelons aussi que refuser de sauver un navire en détresse est criminel et que ce n'était pas la première fois que l'extrême droite serait restée indifférente au sort de migrants en détresse. André Bercoff avait raconté une anecdote musclée sur Bernard Tapie faisant courageusement la leçon dans un meeting du FN en 1992 (lire ci-dessus).

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Ce n'est donc pas une surprise que la sanction prise soit très sévère : effectivement, Grégoire de Fournas est interdit de participer aux travaux de l'Assemblée Nationale et de pénétrer dans son enceinte pendant quinze jours de séance (ce qui ne veut pas dire, comme de trop nombreux journalistes distraits l'ont écrit, quinze jours, mais bien quinze jours où l'Assemblée tient une séance, ce qui devrait l'interdire d'Assemblée jusqu'à la fin de la semaine du 28 novembre voire début de la semaine du 5 décembre 2022 selon le professeur Jean-Philippe Derosier). En outre, ses indemnités seront réduites de moitié pendant deux mois.

La sanction a donc été prononcée, selon l'article 72 alinéa 5 du Règlement, « par l'Assemblée, par assis et levé et sans débat, sur proposition du Bureau ». Ce qui a été fait en début de la séance du vendredi 4 novembre 2022. Tous les groupes sauf le RN se sont levés pour approuver cette sanction tandis que le groupe RN est resté solidaire de son membre Grégoire de Fournas qui était lâchement absent à ce moment-là : « L’Assemblée Nationale prononce la censure avec exclusion temporaire de M. Grégoire de Fournas. Il lui est désormais interdit de prendre part aux travaux de l’Assemblée nationale et de reparaître dans son enceinte jusqu’à l’expiration du quinzième jour de séance à partir de celle d’aujourd’hui. Je lui demande de bien vouloir quitter l’enceinte de l’Assemblée Nationale. ».

Comme l'a exprimé la Président de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet, « cette sanction est la plus sévère prévue par notre règlement intérieur et n’a, je souhaite que chacun mesure ce que cela signifie, été prononcée qu’une seule fois depuis 1958 ». Je croyais qu'il s'agissait d'un député dans les années 1960 où les débats pouvaient devenir très tendus, notamment à cause de la guerre d'Algérie (à l'époque, on avait attenté plusieurs fois à la vie du Général De Gaulle ; ce qui n'est plus le cas, que le Président de la République soit une cible réelle, depuis l'attentat contre Jacques Chirac le 14 juillet 2002).

C'est "Le Courrier picard" qui a rappelé qui était le précédent député sanctionné de la sorte (et ça ne m'a pas étonné !) : il s'agissait du député communiste d'Amiens Maxime Gremetz, qui, le 16 mars 2011, mécontent de voir, dans la cour du Palais-Bourbon, sa voiture bloquée par des voitures de personnes auditionnées par une commission parlementaire à propos de la catastrophe nucléaire de Fukushima (c'était le 11 mars 2011), en particulier les ministres Nathalie Kosciosko-Morizet et Éric Besson, était venu troublé la séance de la commission en interrompant les débats comme un malotru (alors que la planète vivait dans la crainte nucléaire au jour le jour !).





Maxime Gremetz a été pour cela sanctionné de la même manière que Grégoire de Fournas après la réunion du Bureau de l'Assemblée du 23 mars 2011. La très grande différence avec l'incident du 3 novembre 2022, c'est que son groupe communiste s'est désolidarisé totalement de Maxime Gremetz qui a même été interdit de parler au nom de son groupe jusqu'à la fin de la législature. Au lieu de cela, le groupe RN s'est entièrement solidarisé, ce qui montre bien que le RN est toujours de l'ADN de Jean-Marie Le Pen et du Front national des années 1970 et 1980, à savoir, un mouvement d'extrême droite, malgré le vernis de respectabilité que certains ont tenté (vainement semble-t-il maintenant) d'enduire.

D'ailleurs, certains observateurs ont fait remarqué que Grégoire de Fournas a créé le scandale un jour où Marine Le Pen (sa présidente) n'était pas physiquement présente, très soucieuse de cette image de respectabilité, ce qui aurait délié un peu les langues et laissé le naturel revenir au galop. Ce n'était pas non plus un hasard que c'était précisément Grégoire de Fournas que Marine Le Pen et Jordan Bardella comptaient nommer porte-parole du RN lors du congrès du lendemain.

Après le vote de sanction contre le député Grégoire de Fournas, Yaël Braun-Pivet s'est contenté de ce simple commentaire : « Depuis mon élection à la Présidence de l’Assemblée Nationale, j’ai eu à cœur de permettre à chacun d’exprimer ses idées, quelle que soit son étiquette politique. En effet, le pluralisme que nos compatriotes ont choisi par leur bulletin de vote doit pouvoir s’exprimer à chaque instant dans cet hémicycle. C’est la règle fondamentale de notre République : j’en suis la garante, tout comme je le suis du respect de notre institution et de celui que nous devons à nos concitoyens. Ne fragilisons pas notre démocratie qui, dans un monde aussi fracturé, est notre bien le plus précieux. J’en appelle à la dignité de nos débats, au refus de toute haine et de toute violence, fût-elle verbale, et au respect de nos valeurs, de nos concitoyens et de notre Assemblée Nationale. J’y veillerai à chaque instant. ». La plupart des députés présents se sont levés à ces paroles. Je salue la fermeté et la rigueur de Yaël Braun-Pivet qui se révèle être une excellente Présidente de l'Assemblée Nationale, indépendante et autonome (elle n'était d'ailleurs pas le choix du Président Emmanuel Macron).

La séance du 4 novembre 2022 s'est ensuite poursuivie par la discussion et le vote de la énième motion de censure déposée par l'opposition contre le projet de loi de finances du gouvernement. C'était donc l'occasion pour les orateurs des différents groupes d'évoquer l'incident de la veille, puisqu'il n'y avait pas eu de débat en séance entre-temps.

S'il fallait n'en garder qu'un, ce serait le commentaire de l'oratrice du groupe LR. En effet, la position des députés LR était essentielle pour son avenir qui se joue dans quelques semaines : à l'instar de leur président Olivier Marleix, ils ont unanimement soutenu la sanction contre Grégoire de Fournas car il s'agissait des valeurs républicaines à défendre.

Et cette oratrice, la députée Véronique Louwagie, qui allait être très dure contre le gouvernement et sa politique budgétaire même si le groupe LR n'allait pas voter la motion de censure, a été aussi résolument très claire sur les valeurs républicaines : « Je ne peux commencer mon intervention sans revenir sur l’incident qui s’est produit hier, ici dans l’hémicycle, durant la séance des questions au gouvernement. Je veux simplement dire que ces propos, considérés au singulier ou au pluriel, sont inacceptables. Au singulier, parce que dire à un élu de la République qu’il doit retourner en Afrique, c’est une honte absolue ; au pluriel, car balayer d’un revers de main la situation de ces femmes, de ces hommes et de ces enfants en danger en Méditerranée témoigne d’un regrettable défaut de cœur et d’humanité. Au nom des députés Les Républicains, je veux dire à Carlos Martens Bilongo tout notre soutien, nous comprenons et partageons sa peine et sa colère. ».

Cette mise au point était très importante car cet incident n'était pas une énième "dispute" de cour de récréation entre le groupe FI et le groupe RN comme l'extrême droite voudrait bien le décrire, mais bien un problème de valeurs du RN avec l'ensemble du reste de classe politique, y compris le groupe LR qui n'est pas précisément situé à gauche, scandalisé par les propos du député RN.

Cette unanimité des forces politiques hors RN montre que ce parti est tout de même très particulier et que ses électeurs ont intérêt à bien regarder pour qui ils votent. C'est ce que martèle Jean-Philippe Derosier depuis longtemps : « Le Front national reste le Front national, c’est-à-dire une formation politique remettant en cause des valeurs républicaines fondamentales, pourtant protégées par la Constitution. Ce n’est guère surprenant de la part d’un parti qui en prône ouvertement la violation, comme il l’a montré au cours de la campagne présidentielle. » [en proposant une procédure référendaire qui viole allègrement la Constitution actuelle].

Au moins pour cette fois, les députés ont été à la hauteur de la gravité de leur mission, en ne laissant pas passer certains immondices idéologiques envahir les institutions nationales. Pour cela, il ne faut jamais fléchir et ne rien lâcher.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (05 novembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Incident à l'Assemblée : la sanction disciplinaire la plus lourde de la Ve République !
Incident raciste : 89 nuances de haine à la veille du congrès du RN ?

Emmanuel Macron : climat, industrie et souveraineté ...et colère contre le cynisme de l'ultragauche.
Interview du Président Emmanuel Macron dans "L'Événement" le 26 octobre 2022 sur France 2 (vidéo).

Bruno Le Maire salue la majorité de la justice fiscale.
3 motions de censure pour le prix de 2 articles 49 alinéa 3 !
Emmanuel Macron s'exprime sur l'Ukraine et sur la pénurie d'essence : nous devons nous serrer les coudes !
Interview du Président Emmanuel Macron dans "L'Événement" le 12 octobre 2022 sur France 2 (vidéo).

Emmanuel Macron et la menace de la dissolution.
Le point chaud de la rentrée d’Emmanuel Macron : l’énergie.
Conférence de presse du Président Emmanuel Macron le 5 septembre 2022 sur l’énergie.
28 juillet 2022 : jour du dépassement de la Terre.
Le Conseil national de la refondation (CNR).
Le feu sacré d’Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron à Pithiviers.
Pas de session extraordinaire en septembre 2022.
Jacques Attali et Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron persiste et signe !

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221104-incident-raciste.html

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/11/08/39701670.html



 

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3 novembre 2022 4 03 /11 /novembre /2022 18:23

« Qu'il retourne en Afrique ! » (Grégoire de Fournas, le 3 novembre 2022 dans l'hémicycle).



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La nature profonde revient toujours au galop, d'une manière ou d'une autre, malgré les mots d'ordre policés de respectabilité et de responsabilité. Le Rassemblement national qui se réunit en congrès ce samedi 5 novembre 2022 pour départager qui, de Jordan Bardella, le chouchou de Marine Le Pen, ou de Louis Aliot, l'ex de Marine Le Pen, sera le président du RN pendant que Marine Le Pen continuera à présider le groupe des 89 députés RN élus à l'Assemblée Nationale en juin 2022.

Incontestablement, sa stratégie de respectabilité se heurte à la nature profonde de ce parti dont l'histoire demi-centenaire est éloquente. Lors de la séance des questions au gouvernement le jeudi 3 novembre 2022 à l'Assemblée Nationale, peu avant 17 heures, un député RN a interrompu un orateur en exprimant un sentiment présumé raciste qui a scandalisé l'ensemble des autres groupes de l'hémicycle.

Il s'agissait d'une question posée par le député FI Carlos Martens Bilongo sur les difficultés que rencontre l'Ocean Viking qui a secouru 234 candidats migrants rescapés d'un naufrage en Méditerranée. Ceux-ci sont bloqués sur le pont du bateau depuis une douzaine jours.

Certes, au-delà de la question légitime sur le sort de ces naufragés et de son volet humanitaire, le jeune député FI n'avait pas omis le côté volontiers provocateur de sa question puisqu'au-delà du gouvernement, il s'adressait aussi à ses collègues du RN : « J’aimerais dire à la collègue du Rassemblement national qui, du haut du perchoir de l’Assemblée Nationale, croit pouvoir organiser les opérations de sauvetage en Méditerranée, avec la plus grande désinvolture et sans autre mérite que d’être née dans un pays en paix : ne vous en déplaise, leurs vies comptent ! ».

Revenant au sort des rescapés, Carlos Martens Bilongo a poursuivi : « L’Ocean Viking a adressé aujourd’hui sa septième demande d’assistance aux autorités maritimes italiennes. L’île de Malte, tout aussi proche, n’a tout simplement pas répondu aux trois demandes qui lui ont été adressées. Le blocage de ces personnes est une violation grave du droit de la mer. L’évaluation du statut et de la nationalité des personnes secourues ne doit pas retarder le débarquement des survivants. Je ne peux que partager l’inquiétude de ces migrants, à l’heure où la nouvelle Première Ministre italienne s’est engagée à bloquer l’arrivée des immigrants en provenance d’Afrique. Quelle sera l’action du gouvernement français sur le sujet ? Quelle forme la coopération avec l’Italie prendra-t-elle ? Allez-vous vous saisir, avec les autres pays européens, de la question de la répartition des migrants ? Malte ne répond plus aux demandes de coordination de sauvetage. ».

En clair, le député FI demandait au gouvernement de s'activer pour les aider, auprès des autorités italiennes et maltaises, et plus généralement, de coordonner les politiques européennes. Et puis, il a commencé une phrase qu'il n'a jamais pu achever : « Les personnes secourues se trouvent dans une situation d’urgence absolue et les prévisions météo indiquent une détérioration significative du climat… ».

Ses propos ont été coupés par le député RN Grégoire de Fournas qui a crié dans l'hémicycle : « Qu'il retourne en Afrique ! ». Tollé général dans l'assistance. Beaucoup de députés se sont levés et ont demandé une sanction immédiate auprès de la présidente de séance, Yaël Braun-Pivet. Pour de nombreux députés, et pas seulement de gauche, cette saillie est tout simplement du racisme. Le sens en restait confus car personne ne connaît l'intention, si c'était de dire au député d'origines congolaise et angolaise de retourner en Afrique (mais il est né à Villiers-le-Bel), auquel cas ce serait une injure raciste très forte, ou si c'était de dire que le bateau doit retourner en Afrique, ce qui serait stupide car le besoin d'être secouru impose que le port le plus proche l'accueille (il y a obligation de sauvetage), et cette indifférence au sort de ces personnes en danger de mort est également contraires aux plus élémentaires des valeurs humanitaires.

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Dans un chahut inaudible, après avoir demandé quel député avait sorti cette idiotie, Yaël Braun-Pivet a été obligée de suspendre la séance de cinq minutes pour la reprendre très temporairement et pour dire : « Chers collègues, pouvez-vous me laisser parler, s’il vous plaît ? Compte tenu de l’événement grave qui vient de se dérouler, je vous propose d’en confier le traitement à la prochaine réunion du bureau de l’Assemblée, prévue mercredi prochain. Cette instance est la plus à même, selon moi, de déterminer si les faits qui ont été commis à l’instant sont passibles d’une sanction et de quelle sanction. Je vous propose donc, chers collègues, de porter ce point à l’ordre du jour de la prochaine réunion du bureau. ».

Une députée insoumise a alors réclamé une sanction immédiate, mais la présidente a expliqué : « Chère collègue, l’article 74 de notre règlement prévoit que les peines disciplinaires applicables aux membres de l’Assemblée sont : le rappel à l’ordre, le rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal, la censure et la censure avec exclusion temporaire. Ces deux dernières sanctions ne peuvent être prononcées que par le bureau. Si vous voulez que je prononce une sanction immédiate, ce sera donc un simple rappel à l’ordre ou un rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal. Compte tenu de la gravité des faits, je préfère renvoyer la question au bureau. Une réunion du bureau est prévue mercredi prochain. Le bureau de l’Assemblée est l’organe pluraliste compétent pour se prononcer sur ce qui vient de se passer dans l’hémicycle. ».

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En fin de compte, le gouvernement n'a pas pu répondre à la question car, à cause de l'état d'excitation de l'hémicycle, Yaël Braun-Pivet a finalement clos la séance jusqu'au lendemain : « Étant donné l’émotion légitime qui s’est emparée des membres de l’Assemblée et du Gouvernement, je lève la séance des questions au gouvernement. Nous nous retrouverons demain à quinze heures trente, pour la discussion de la motion de censure, ainsi qu’en a décidé la conférence des présidents. ».

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Le député Grégoire de Fournas, qui gère un domaine familial de viticulture dans le Médoc, favorable aux chasseurs et contre les éoliennes, avait déjà montré sur les réseaux sociaux sa grande tolérance des opinions qui frisaient le racisme. Il prétend qu'il a voulu parler du bateau et pas de l'orateur, mais au fond, ce n'est pas là l'essentiel. L'essentiel, c'est que ce député se moque bien du sort des centaines de personnes qui périssent dans la Méditerranée au nom d'une idéologie qui place l'immigration comme la raison de tous les malheurs du pays.

Alors que celle-ci est généralisée partout sur la planète et que nul n'est capable de savoir quel peuple aura besoin de quel autre peuple, car les hypothèses alarmantes sur les futurs migrations climatiques sont catastrophiques par rapport à ce qu'on vit actuellement. Or, on ne pourra jamais donner une réponse simpliste à un problème particulièrement compliqué et humain (le besoin de fuir son pays au point de mettre en danger sa propre vie).

Évidemment, le groupe FI était particulièrement satisfait d'avoir piégé ainsi un député RN, et cela juste deux jours avant le congrès de Rassemblement national qui aurait dû donner un nouvel élan, plus moderne et moins extrémiste. C'est donc peine perdue, la nature, comme je l'ai écrit, revient au galop. Il faut rappeler, insister, qu'exprimer du racisme n'est pas une opinion mais un délit. Le bureau de l'Assemblée Nationale va statuer pour savoir si l'interpellation du député était raciste ou pas et si des sanctions disciplinaires, voire avec des suites judiciaires, devront être prises.

Marine Le Pen n'est bien sûr pas sur cette longueur d'onde et jamais elle n'a émis ne serait-ce une parole ambiguë qui pourrait l'associer à du racisme. Ce n'est pas dans sa nature et son ambition est justement de se montrer au-delà de ces stupidités. Mais dans cet incident, elle a pris la défense de Grégoire de Fournas tandis que de nombreux députés lui demandent au contraire de l'exclure du groupe RN ou alors, cela signifierait que le groupe RN validerait les déclarations intempestives (imprudentes et inutilement haineuses) de Grégoire de Fournas.

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Le Ministre de l'Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin a tweeté dans la soirée : « Racisme d'un député à l'Assemblée Nationale : du FN au RN, le nom change mais les références hideuses et les habitudes ignobles restent. Quelle honte. ». Le Président de la République Emmanuel Macron a également été choqué par cet incident parlementaire. L'un de ses proches, le député européen Stéphane Séjourné a tweeté : « Ce qui s'est passé cet après-midi est d'une gravité exceptionnelle : cela implique des sanctions exceptionnelles. Nul ne peut ceindre l'écharpe tricolore après avoir tenu de tels propos : Marine Le Pen doit exiger sa démission sans délai. Indéfectible soutien à Carlos Martens Bilongo. ».

Pour le gouvernement aussi, et même surtout, c'est une opportunité de revenir aux fondamentaux : le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a ainsi réagi vers 22 heures sur LCI pour demander solennellement à Marine Le Pen de se désolidariser de ce député : « Madame Le Pen, si vous ne voulez pas que vos 89 députés soient associés à 89 nuances de haine, demandez sa démission ! ». Mais les propos d'Olivier Véran sont aussi politiques que moraux, lorsqu'il s'est adressé aux groupes de la Nupes pour leur dire de ne pas voter la même motion de censure que le groupe RN, comme cela a été déjà le cas les 24 et 31 octobre 2022, et probablement ce vendredi 4 novembre 2022, parce que le RN n'a pas du tout les mêmes valeurs républicaines que cette ultragauche d'opposition systématique.

Pour le coup, on voit que le mot d'ordre de respectabilité, du port de la cravate, de sérieux dans le travail parlementaire imposé par Marine Le Pen connaît ses limites. Et au plus mauvais moment. Finalement, elle n'a plus besoin de son père Jean-Marie Le Pen pour avoir des petites phrases assassines, ses troupes lui suffisent amplement...


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (03 novembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Carlos Martens Bilongo.
Le congrès du RN.
Grégoire de Fournas.
Incident raciste : 89 nuances de haine à la veille du congrès du RN ?

Le Front national des Le Pen, 50 ans plus tard...

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221103-carlos-martens-bilongo.html

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/11/04/39696483.html





 

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25 octobre 2022 2 25 /10 /octobre /2022 05:25

« [L'article 49 alinéa 3], c’est une décision lourde, qu’aucun gouvernement ne prend à la légère. Ce n’est pas une facilité, mais dans des temps aussi troublés, cette décision s’imposait. Car je veux le rappeler ici, devant les représentants de la Nation : le contexte est grave. » (Élisabeth Borne, le 24 octobre 2022 devant l'hémicycle).




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Le 24 octobre 2022, la Première Ministre Élisabeth Borne a explicité la gravité de la situation : « À nos portes, la guerre fait rage en Ukraine. Et les conséquences de ce conflit sont palpables dans la vie quotidienne de chacun, quand les prix de certains produits s’envolent, quand on doit remplir sa cuve de fioul, quand les inquiétudes pour passer l’hiver nous invitent à la sobriété. L’inflation que certains avaient remisée dans les livres d’histoire est à nouveau là. Elle pèse sur le pouvoir d’achat, même si les Français sont les citoyens les mieux protégés d’Europe. (…) Ce contexte, ces crises, c’est le quotidien de nos compatriotes. Ce sont donc les préoccupations de mon gouvernement, et je sais qu’elles sont largement partagées sur les bancs de cet hémicycle. Dire cela ne signifie pas que la gravité de la situation imposerait une solution unique, que seul le gouvernement serait dans le vrai, que toutes les propositions différentes ne seraient pas à la hauteur. Dire cela, mesdames et messieurs les députés, c’est rappeler que nous avons collectivement l’obligation d’agir et d’apporter des réponses aux Français. Car les inquiétudes ou les angoisses ne peuvent que nourrir les populismes de tout bord. Face aux crises, l’efficacité de l’action publique, de l’État, est la première réponse à la tentation des extrêmes. Je ne rejetterai jamais une option par principe ou par tactique. Je l’examinerai toujours au prisme de la justice, de l’efficacité et de la cohérence. Ce sont mes principes, c’est la ligne de mon gouvernement. C’est au regard de ces fondamentaux que nous avons considéré qu’il était nécessaire d’engager la responsabilité de mon gouvernement. Les oppositions nous l’avaient dit il y a quelques semaines, quand j’avais reçu les présidents de groupes ; elles l’ont confirmé après plus de cinquante heures de débat dans cet hémicycle : elles refuseraient de voter un texte, quel qu’il soit. Nous ne pouvions pas laisser la France sans budget et les Français sans protection. ».

Effectivement, le mercredi 19 octobre 2022, la Première Ministre Élisabeth Borne est montée à la tribune de l'Assemblée Nationale pour annoncer sa décision d'engager la responsabilité de son gouvernement pour la première partie du projet de loi de finances pour 2023, selon l'article 49 alinéa 3 de la Constitution. Peu après, le lendemain, le jeudi 20 octobre 2022, elle l'a également appliqué pour la troisième partie du projet de loi du financement de la sécurité sociale pour 2023.

Ces deux décisions ne sont ni surprenantes ni scandaleuses, contrairement à ce qu'essaient de faire croire les oppositions, mais c'est de bonne guerre, chacun sur ses positions. Il n'y a rien d'antidémocratique de mettre en pratique un article (originel) de la Constitution qui a été ratifié le 28 novembre 1958 par le peuple français avec une très large majorité (82,6% des suffrages exprimés, et si l'on prend seulement par rapport aux inscrits, cela fait quand même les deux tiers, 65,9% des inscrits : on oublie un peu trop que cette excellente Cinquième République a été plébiscitée par le peuple, au contraire de la Quatrième République qui a dû s'y reprendre avec deux Constituantes pour aboutir laborieusement, par défaut et lassitude, à un texte à peine passable).

Il faut être logique : le gouvernement ne bénéficie pas de la majorité absolue à l'Assemblée Nationale, tout texte susceptible de recueillir plus de votes contre que de votes pour a pour vocation de ne pas être adopté sans cette procédure qui visait justement à permettre à un gouvernement ne bénéficiant que d'une majorité relative de quand même gouverner (Michel Debré pensait d'ailleurs que cette configuration serait la règle générale, alors qu'elle n'est intervenue que trois fois sur les seize législatures : en 1958-1962, en 1988-1993 et depuis 2022).

Cette utilisation de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution a été très souvent utilisé au cours de l'histoire, 92 fois depuis 1958, dont 4 fois par Michel Debré, 6 fois par Georges Pompidou, 8 fois par Raymond Barre, 7 fois par Pierre Mauroy, 4 fois par Laurent Fabius, 8 fois par Jacques Chirac, 28 fois par Michel Rocard, 8 fois par Édith Cresson et 6 fois par Manuel Valls, les plus gros contributeurs (supérieur ou égal à 4 fois), et il y a peu de doute qu'Élisabeth Borne, dans quelques années, en fera partie aussi.

La seule grande différence depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, et elle est vraiment de taille, c'est la limitation à un texte par session hors textes PLF et PLFSS (finances et financement de la sécurité sociale). Élisabeth Borne ne pourra donc pas user 28 fois de cette pratique comme l'a fait Michel Rocard en trois ans, lui aussi confronté à un gouvernement sans majorité absolue. Il faudra donc que le gouvernement choisisse avec justesse "le" texte qui pourra jouir de ce joker constitutionnel au cours de la session.

Il faut bien comprendre que pour le PLF et le PLFSS, le gouvernement était obligé de brandir le 49 alinéa 3 s'il voulait qu'il y ait un budget pour l'année 2023 et il le fera sans aucun doute pour 2024, 2025, etc. Rappelons que nos institutions, grâce à cet outil savamment étudié par les constitutionnalistes gaulliens de l'été 1958, évitent ainsi le risque récurrent de "shutdown" (blocage) à la suite d'un désaccord entre gouvernement et parlementaires, phénomène relativement courant le mois de janvier aux États-Unis, à savoir, l'arrêt de tous les services publics (et l'arrêt des versements des salaires de tous les fonctionnaires fédéraux, de toutes les subventions, aides, allocations et financements divers) tant que le budget de l'année qui commence n'est pas voté par le Congrès ! Entre 1976 et 2019, il y a eu 19 "shutdown" dont le plus long a duré trente-cinq jours.

La seule possibilité pour l'opposition de revenir au vote sur le texte en question est de déposer une motion de censure dans un délai de 48 heures. Trois motions de censure ont été déposées, deux par la Nupes pour les deux utilisations de l'article 49 alinéa 3 et une par le RN pour la première utilisation de l'article 49 alinéa 3 (l'absence de second motion de censure par le RN s'apparente donc plutôt à de la paresse intellectuelle). Ces trois motions de censure ont donc été discutées l'après-midi de ce lundi 24 octobre 2022 et aucune n'a recueilli le nombre de voix nécessaire pour être adoptée, à savoir 289 voix.

La première motion de censure (de la Nupes) a été défendue par la présidente du groupe écologiste Cyrielle Chatelain qui n'a pas hésité à faire une double démagogie à deux balles, avec cette envolée significative : « Votre budget donne un chèque en blanc aux plus riches, alors qu'ils polluent huit fois plus (…) que les 50% des Français les moins riches. ». En effet, fustiger les riches (alors qu'Élisabeth Borne a rappelé que c'était complètement faux, ce budget protégeait tous les Français et d'abord les plus modestes, pas les plus riches) et fustiger la trop grande timidité en matière écologique (alors que les Français au contraire vont déjà être très contraints par les lois en vigueur) sont simplement les fonds de commerce de cette gauche qui a désappris à gouverner et qui s'est installée durablement dans la protestation stérile.

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Quant à la motion de censure présentée par Marine Le Pen, la démagogie, l'outrance et la pauvreté de l'argumentation politique (ce qui est récurrent chez elle) sont observées : « En s’entêtant à exercer la fonction de cette manière, selon un logiciel dépassé, le Président prend le risque de conduire le pays au blocage. Lorsqu’il aura épuisé son droit de tirage du 49.3, il exposera le pays à une crise politique, voire, compte tenu de la défiance qui s’exprimera probablement alors, à une crise de régime. (…) Emmanuel Macron ne peut ignorer cette règle d’airain : quand l’article 49.3 n’est pas utilisé pour mettre un terme à une obstruction parlementaire, mais seulement pour interdire le droit d’amendement du Parlement, il a pour effet immédiat d’user le pouvoir qui s’en sert. Vos 49.3 jumeaux sont de ceux-là ; ils ne sont pas brandis du fait d’un blocage de l’opposition, elle n’a jamais cessé de délibérer loyalement, mais comme la marque d’un refus du gouvernement de discuter, de rechercher des compromis et de composer. (…) Avec deux 49.3 en deux jours, dès les premières discussions, ce mandat à peine commencé a déjà pris les allures d’une fin de règne. Une minorité présidentielle en plein doute, un exécutif barricadé dans ses certitudes, un gouvernement qui considère toute concession comme une capitulation, et plus généralement un régime qui n’a pas compris que quelque chose s’était passé il y a quatre mois : force est de constater que le pouvoir refuse toujours d’admettre qu’il a été institutionnellement invité à changer sinon de nature, du moins de comportement. Voilà la triste épopée solitaire d’un gouvernement usé avant d’avoir servi. (…) Je le dis, pour que personne, même en haut lieu, ne se méprenne : au Rassemblement national, nous ne craignons pas les menaces de dissolution. ». Comme on le voit, rien de constructif dans l'intervention très politicienne de la présidente du groupe RN, ce que les Français détestent le plus de leur classe politique, posture politicienne.

La Première Ministre Élisabeth Borne, dans sa réponse, a rappelé que voter la motion de censure, c'était d'abord refuser beaucoup d'aides que le gouvernement a proposées aux Français souvent les plus modestes : « Que nous reprochez-vous exactement ? Serait-ce d’avoir mis en place un bouclier tarifaire sur les prix du gaz et de l’électricité ? Ce bouclier tarifaire, c’est la mesure la plus protectrice d’Europe pour les ménages, les très petites entreprises et les plus petites communes. (…) Ce PLF étend à tous les producteurs d’électricité le dispositif qui permet de récupérer les marges exceptionnelles dégagées du fait des prix anormalement élevés. Contrairement à ce que j’ai pu lire et entendre, les énergéticiens seront bien mis à contribution. Ce nouveau dispositif, ce sont 7 milliards d’euros qui reviendront aux ménages, aux entreprises, aux collectivités. Pourquoi ne pas le dire ? Pourquoi ne pas vouloir reconnaître que nous faisons ce que vous faites semblant de réclamer à cor et à cri ? Voilà une nouvelle preuve que la Nupes et le RN surjouent la posture ! ».

Elle a regretté qu'aucune marge de compromis n'ait pu être construite avec la Nupes à cause des postures politiciennes : « Manifestement l’insoumission a gagné la partie, ne laissant pas de place à la construction et continuant à vivre dans un pays alternatif : celui où Jean-Luc Mélenchon serait parvenu au second tour de la présidentielle, qu’il aurait d’ailleurs gagnée, celui où des centaines de milliers de militants auraient été dans la rue il y a dix jours derrière leur grand leader. ».

Elle a aussi répondu à la démagogie écolopopuliste de Cyrielle Chatelain : « Le dérèglement climatique n’est plus un débat de scientifiques. C’est une réalité vue, perçue, ressentie par chaque Français. Mais peut-on sérieusement, madame la présidente Chatelain, laisser croire que ce gouvernement serait responsable du dérèglement climatique à l’échelle de la planète, ainsi que des incendies en Gironde l’été dernier ? ».

Quant à l'extrême droite, Élisabeth Borne n'a pas hésité non plus à ironiser sur elle : « La seconde motion de censure, présentée par le Rassemblement national, dissimule mal, derrière une apparence de sérieux, le simplisme, l’outrance et des fondamentaux idéologiques qui n’ont pas bougé depuis cinquante ans. Alors, vos leçons de démocratie, madame Le Pen, je les trouve tout simplement indécentes. (…) Ce que vous visez, c’est le désordre et la discorde, au prix d’une alliance contre nature avec la Nupes ! ».

Car, oui, le RN a décidé de voté aussi la motion de censure déposée par la Nupes, ce qui, sur le plan parlementaire, ne changera rien au résultat final, mais sur le plan politique est un acte important qu'a traduit la Première Ministre de cette manière : « La Nupes et le Rassemblement national ont l’un et l’autre déposé une motion de censure, mais je n’imagine pas un instant qu’ils puissent gouverner ensemble. En dépit des différences majeures que je vous connais, je relève dans vos discours respectifs des arguments qui vous sont tristement communs. Ce que je retiens surtout de ces deux textes, c’est que le seul point d’accord entre la Nupes et le Rassemblement national, c’est de vouloir l’échec du gouvernement. Au sein de la Nupes, certains veulent le désordre, ou plus clairement encore le chaos, ils l’affirment et le revendiquent, et le RN pense pouvoir en récolter tranquillement les fruits. Tous espèrent prospérer en bloquant notre action et en misant sur l’échec du pays. J’ai lu attentivement les textes de ces deux motions de censure. J’y retrouve des propos parfois sans lien aucun avec le projet de loi de finances. (…) J’ai entendu madame Le Pen se rallier à la motion de censure de la Nupes. Est-ce à dire qu’une alliance peut se passer de valeurs communes, de convictions partagées et d’ambitions convergentes ? Est-ce un gouvernement où sur les bancs des ministres, siégeraient côte à côte dans cette assemblée madame Le Pen, madame Panot, madame Chatelain, monsieur Bardella, monsieur Vallaud et monsieur Chassaigne que vous proposez aux Français ? ».

Et la conclusion a sonné comme la fin de la récréation : « La vie parlementaire est faite de moments de débats et de moments de vérité. L’examen de ces motions de censure en est un. Notre position est claire : chercher le dialogue, ne jamais renoncer à l’action au service des Français et donner un budget à la France. ».

Les votes ont été à peu près ce qui pouvait être prévu avant ce débat.

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La première motion de censure déposée par la Nupes n'a recueilli que 239 voix (scrutin n°358), elle a cependant récolté la convergence des populismes et des extrémismes de droite et de gauche, puisque, au-delà des 148 voix de la Nupes (il a manqué 3 voix écologistes), les 89 députés RN ont voté comme un seul homme pour la Nupes ainsi qu'un député du groupe LIOT (groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires) et Nicolas Dupont-Aignan (non-inscrit).

La deuxième motion de censure déposée par le RN n'a recueilli que 90 voix (scrutin n°359), 88 du groupe RN (il a manqué une voix RN), Nicolas Dupont-Aignan, et un député FI ! Les autres députés de la Nupes ont refusé de rejoindre le RN dans cette posture de censure.

Enfin, la troisième motion de censure déposée par la Nupes le 20 octobre 2022, discutée en séance de nuit (défendue par le député socialiste Jérôme Guedj, le "tombeur" de l'ancienne ministre Amélie de Montchalin), n'a recueilli que 150 voix (scrutin n°360), uniquement celles de la Nupes (il a manqué une voix écologiste). Pour cette motion de censure, le RN et Nicolas Dupont-Aignan n'ont pas voulu participer à ce scrutin.

Notons également qu'aucun député LR, ni non plus Emmanuelle Ménard, députée non-inscrite de Béziers pourtant proche du RN, n'ont voté pour l'une de ces trois motions de censure ni mêlé leurs voix à celles des populistes. Emmanuel Ménard s'est exprimée en fin de soirée : « Je suis d’accord avec une phrase de la motion de censure déposée par les députés de la Nupes : "les enjeux de santé et de protection sociale appellent un débat approfondi". Ils ont raison, même si je ne partage pas grand-chose d’autre de leur vision de notre société, une vision à sens unique, assortie de toujours plus de droits mais rarement de devoirs, occultant les responsabilités et les obligations qu’induit ce que l’on appelle simplement le civisme. (…) Parce que je combats cette vision candide de la société, je ne voterai évidemment pas la motion de censure. Ce faisant, il ne s’agit évidemment pas d’accorder un blanc-seing au Gouvernement. (…) Entre la démagogie de cette motion de censure et le déni de certaines réalités, il y a, me semble-t-il, la place pour une approche à la fois pragmatique et audacieuse de notre sécurité sociale. ».

Et la Première Ministre a répondu en conclusion du débat de la soirée sur la sécurité sociale, principalement à l'adresse de la Nupes : « Oui, mesdames et messieurs les députés, au-delà des postures, nous aurions pu adopter ensemble un texte. Mais je crois que les députés de la Nupes avaient peur que des débats se nouent et que des majorités se dégagent. Vous aviez peur qu’une discussion de bonne foi sur ce texte, animée par une volonté de compromis, ne fracture votre alliance. Vous avez choisi de préserver l’unité de votre accord politique, plutôt que de chercher l’unité au service des Français. Vous avez préféré nous contraindre à l’utilisation des outils constitutionnels à notre disposition, plutôt que de trouver des points de convergence. Je regrette cette posture. Je la regrette d’autant plus que sur ce texte, ce qui nous rapproche de certains d’entre vous est bien plus important que ce qui nous sépare. (…) Notre rôle est de garantir le financement de la sécurité sociale. Notre rôle est de protéger la santé des Français et notre modèle de solidarité, pas de risquer un rejet de la troisième partie du texte. (…) Avez-vous peur de montrer vos différences d’approche ? Avez-vous peur de prouver, une fois de plus, que vous rejetez par principe tout ce qui émane du gouvernement ? Nous, nous voulons que le débat se tienne et j’espère que nous retrouverons l’esprit de coconstruction qui a guidé les travaux en commission. (…) Nous chercherons toujours le dialogue : notre porte sera toujours ouverte à ceux qui, à droite comme à gauche, croient au dépassement des clivages et veulent construire des compromis. Mais nous ne renoncerons jamais à agir et à trouver des solutions au service des Français ! ».

Comme toujours dans les examens de motions de censure, les députés de l'opposition ont fait de la représentation théâtrale, ont fait dans la grandiloquence absolument stérile, ont fait surtout dans la posture politicienne. Ce qu'ils n'ont pas compris, c'est que les électeurs français, en donnant à Emmanuel Macron une majorité mais seulement relative, n'ont pas seulement imposer au Président de la République de faire de la concertation et de rechercher des compromis, ils l'ont imposé aussi aux groupes de l'opposition, et ceux-là ne l'ont pas compris. La bonne volonté de la Première Ministre Élisabeth Borne marquera date et si elle n'a pas son répondant parmi les oppositions, celles-ci seront le moment venu sévèrement sanctionnées par ces mêmes électeurs qui auront compris que ni la Nupes ni le RN ne recherchent au fond l'intérêt général, mais simplement de faire prospérer leur petit fonds de commerce au risque du chaos national.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (24 octobre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
3 motions de censure pour le prix de 2 articles 49 alinéa 3 !
Emmanuel Macron s'exprime sur l'Ukraine et sur la pénurie d'essence : nous devons nous serrer les coudes !
Interview du Président Emmanuel Macron dans "L'Événement" le 12 octobre 2022 sur France 2 (vidéo).

Emmanuel Macron et la menace de la dissolution.
Le point chaud de la rentrée d’Emmanuel Macron : l’énergie.
Conférence de presse du Président Emmanuel Macron le 5 septembre 2022 sur l’énergie.
28 juillet 2022 : jour du dépassement de la Terre.
Le Conseil national de la refondation (CNR).
Le feu sacré d’Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron à Pithiviers.
Pas de session extraordinaire en septembre 2022.
Jacques Attali et Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron persiste et signe !

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221024-motions-censure.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/3-motions-de-censure-pour-le-prix-244536

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/10/24/39681724.html











 

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3 septembre 2022 6 03 /09 /septembre /2022 05:20

« Cliver, c’est facile. Mais quand on dirige, il y a souvent beaucoup plus de courage à rassembler qu’à opposer. » (Bruno Retailleau, le 2 septembre 2022, dans "Le Figaro").




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Le parti Les Républicains (LR) est actuellement en pleine restructuration : dans l’opposition depuis 2012, il vient de perdre une troisième fois consécutive l’élection présidentielle, et pas de justesse, sa candidate Valérie Pécresse n’a même pas atteint 5% des voix. L’enjeu est donc son existence elle-même. Heureusement pour lui, il a su redresser les prévisions les plus pessimistes aux élections législatives, même s’il se retrouve derrière le RN et FI parmi les groupes d’opposition.

Son président depuis 2019, Christian Jacob a jeté l’éponge et LR se choisit donc cette année un nouveau président. La limite des dépôts de candidature a été fixée au 2 octobre 2022 (dans un mois) et l’élection aura lieu les 3-4 et 10-11 décembre 2022. L’objectif des cadres est d’éviter de recommencer la division fatale de 2012 entre Jean-François Copé et François Fillon.

La situation de LR de 2022 est pourtant très différente de 2012. En 2012, c’était un parti de gouvernement, avec une culture de gouvernement et beaucoup de responsables politiques avec beaucoup d’expérience, en particulier de chef d’exécutifs locaux ou de ministre. De plus, il y avait une grande force militante, dopée par l’élection présidentielle, 250 000 adhérents. En 2022, c’est très différent car beaucoup en sont partis à cause de ses dérives droitières, pour soutenir Emmanuel Macron. D’autres, un très petit nombre, ont rejoint, au contraire, des partis extrémistes, soit Éric Zemmour, soit Marine Le Pen. Et qu’en est-il des quelque 60 000 adhérents restants ? Sans doute des opposants irréductibles à la politique du gouvernement. C’est cet anti-macronisme viscéral des militants que doivent prendre en compte les parlementaires LR prêts à collaborer avec la majorité présidentielle.

Éric Ciotti a tout de suite annoncé sa candidature pour présider LR : il est arrivé en premier lors de la primaire présidentielle de décembre 2021 et entend bien capitaliser cet exploit. Il est le favori, adoptant une ligne sécuritaire très dure, et envisageant sérieusement des alliances avec le RN. Complètement opposé à cette ligne, le jeune député du Lot Aurélien Pradié, par ailleurs actuel secrétaire général de LR, devrait aussi présenter sa candidature sur une ligne beaucoup sociale. Pour lui, c’est une erreur d’être obsédé par la sécurité alors que les vrais problèmes sont d’abord le pouvoir d’achat, or, LR devrait défendre beaucoup mieux les classes moyennes qui ne sont jamais aidées et qui sont toujours assommées par les mesures fiscales et sociales de tous les gouvernements depuis quarante ans.

À l’évidence, un duel Ciotti vs Pradié ne semble pas avoir l’accord de la plupart des parlementaires LR, d’autant plus qu’Éric Ciotti est le favori. Selon un sénateur LR, entre 45 et 65 sénateurs quitteraient LR si Éric Ciotti était élu président du parti. Un nouveau schisme en perspective.

Il faut dire aussi qu’il n’y a plus de personnalité hors du commun, née pour gagner l’élection présidentielle et à l’ambition dès le plus jeune âge, dont le volontarisme se traduit aussi par la capacité de rassembler des personnalités très différentes. Sauf peut-être deux encore adhérents : Jean-François Copé et Laurent Waquiez. Ces deux-là, anciens ministres et chefs d’exécutifs locaux (maire de Meaux pour l’un, président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes pour l’autre), à l’ambition élyséenne assumée, auraient pu être ces présidentiables qui manquent tant. Mais les deux se sont consumés bien trop vite à leur heure de gloire, l’un après l’échec de 2012 (période 2012-2014) et l’autre après l’échec de 2017 (période 2017-2019). Aucun des deux ne souhaite ainsi s’exposer à nouveau dans une conquête d’abord d’un parti puis de l’Élysée, du moins pour le moment. En outre, leur image dans l’opinion est très négative. Ils préfèrent prendre du champ et attendre des jours meilleurs.

C’est là qu’intervient Bruno Retailleau. Les Français en ont entendu parler surtout à partir de la campagne présidentielle de 2017, il était le bras droit de François Fillon dont on le disait très proche (politiquement, géographiquement, sociologiquement) au point aujourd’hui de présider le club politique des fillonistes, Force républicaine. Mais les plus observateurs le connaissaient déjà à la fin des années 1990 avec une autre perception, comme le dauphin de Philippe de Villiers.

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Là encore, ils ont des proximités géographiques, ils sont du même département, la Vendée. Bruno Retailleau est originaire d’un village qui n’est pas loin du lieu où Philippe de Villiers a installé le parc du Puy-du-Fou. Et c’est dans ce cadre, en 1977, comme cavalier bénévole pendant ce spectacle, que Bruno Retailleau a fait la connaissance de Philippe de Villiers qui est devenu son mentor politique. Son village est Saint-Malô-du-Bois (1 600 habitants) dont le père de Bruno Retailleau a été le maire mais jamais lui, il s’était promis de ne jamais être le maire car il voyait son père épuisé par cette tâche.

Le courant est bien passé avec Philippe de Villiers qui l’a chargé d’un projet pour une partie du parc et il l’a adoubé politiquement : en 1988, il avait alors 27 ans, il a été élu conseiller général de la Vendée, réélu sans arrêt jusqu’en mars 2015 (le président du conseil général était Philippe de Villiers, de 1988 à 2010, qui l’avait poussé sur son canton de Mortagne-sur-Sèvre). En mars 1993, il a été élu suppléant du député Philippe de Villiers, et comme ce dernier, élu député européen en juin 1994, a démissionné pour cause de cumul, Bruno Retailleau est donc devenu député à l’âge de 33 ans, de 1994 à 1997 (député non-inscrit puisqu’au MPF). À l’origine, Philippe de Villiers était au PR (membre de l’UDF) mais en 1994, il a quitté l’UDF pour s’opposer à la construction européenne avec une sorte de poujado-populisme dans l’expression.

Ayant perdu son mandat parlementaire (Philippe de Villiers étant revenu dans sa circonscription), Bruno Retailleau s’est fait élire conseiller régional en mars 1998 jusqu’en mars 2004, vice-président du conseil régional des Pays de la Loire d’un président qui s’appelait …François Fillon (de 1999 à 2002), successeur du baron du gaullisme Olivier Guichard, ancien maire de La Baule.

Sa véritable émancipation date de septembre 2004, quand il s’est fait élire sénateur de la Vendée, réélu en septembre 2014 puis septembre 2020. D’abord non-inscrit puisque membre du MPF comme son mentor, il est devenu un grand notable provincial, surtout lorsqu’en 2010, Philippe de Villiers a pris la décision de se retirer de la vie politique. Bruno Retailleau était son premier vice-président et a été élu président du conseil général en novembre 2010, réélu en mars 2011 après les élections cantonales de mars 2011, jusqu’en mars 2015 où il a quitté cette instance départementale pour ne pas trop cumuler (il venait d’être élu président du groupe LR au Sénat, j’y reviendrai plus loin). Un président de département en même que sénateur, c’est la trajectoire très classique d’un élu local qui a réussi.

Mais entre-temps, en 2009, ce fut le clash politique entre Bruno Retailleau (appelé par François Fillon au gouvernement mais il a répondu négativement) et Philippe de Villiers qui y a vu une trahison politique. Philippe de Villiers l’a alors exclu des instances du Puy-du-Fou et Bruno Retailleau a quitté le MPF en 2010 pour se rapprocher de l’UMP auquel il a adhéré en février 2012, soutenant la campagne de Nicolas Sarkozy. Il fut aussi élu président de la fédération UMP de la Vendée. Le 22 novembre 2016 sur France Inter, il a expliqué : « Si j’ai quitté Philippe de Villiers, c’est pour sa radicalisation. ».

Le 7 octobre 2014, Bruno Retailleau a créé la surprise en se faisant élire président du groupe LR au Sénat, renversant le président sortant et ancien ministre Roger Karoutchi et battant aussi l’ancien ministre Gérard Longuet. Ensuite, sans surprise, il s’est fait réélire le 27 septembre 2017 et en septembre 2020.

Parallèlement, il a pris le leadership politique aux régionales, réussissant à remporter les élections régionales sur les sortants du parti socialiste : il a donc été élu président du conseil régional des Pays de la Loire de décembre 2015 à septembre 2017, reprenant le siège laissé par François Fillon onze ans plus tôt. En septembre 2017, il a démissionné pour être en conformité avec la loi sur le cumul des mandats et a transmis cette présidence à Christelle Morançais dont le nom fut cité en avril 2022 comme éventuelle future Première Ministre d’Emmanuel Macron réélu.

Depuis 2014, Bruno Retailleau est donc une personnalité qui compte au sein de l’UMP puis de LR. Bras droit de François Fillon, la victoire de celui-ci à la primaire LR de 2016 l’a plongé dans la lumière. Il était même considéré comme premier ministrable de François Fillon, du moins, l’un de ses principaux ministres potentiels en cas d’élection. De plus, il est connu pour être particulièrement unitaire. Le 5 septembre 2015 à La Baule, Bruno Retailleau avait réussi l’exploit de réunir sur la même photo Alain Juppé, Nicolas Sarkozy et François Fillon.

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Très apprécié des parlementaires (et surtout des sénateurs), il a tout été, à 61 ans, en politique, tout été sauf député européen, maire et surtout ministre. Sur le plan idéologique, il est finalement très peu différent d’Éric Ciotti, classé à l’aile droite, mais à la différence du député de Nice, il fait partie de la droite conservatrice traditionnelle, catholique, bourgeoise, libérale, totalement hostile à toute forme de complaisance avec le RN.

Présent au fameux meeting du Trocadéro du 5 mars 2017, il est resté fidèle jusqu’au bout à François Fillon, au même titre que Jérôme Chartier et Valérie Boyer (qu’on voit sur les images avec Éric Ciotti), malgré l’affaire Pénélope. Après 2017, il reste le meilleur représentant de François Fillon au sein de l’appareil. Son problème est qu’il s’est montré parfois velléitaire : ainsi, il avait hésité à se présenter à la présidence de LR en 2019, après la démission de Laurent Wauquiez. De même qu’en 2021, il avait hésité à se présenter à la primaire LR pour l’élection présidentielle. Il avait néanmoins obtenu le principe d’une primaire, soutenu aussi par Gérard Larcher, le Président du Sénat, pour déterminer le candidat LR.

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L’élection interne de décembre 2022 l’a placé encore dans cette hésitation. Celle-ci peut être formulée de cette manière : Bruno Retailleau préside actuellement le groupe LR au Sénat, le groupe majoritaire, et dans la configuration parlementaire actuelle, avec l’absence de majorité absolue à l’Assemblée Nationale, il considère que le groupe LR majoritaire au Sénat aura une influence décisive dans la rédaction des projets de loi durant cette législature et il entend donc continuer à exercer cette influence.

Toutefois, pendant l’été 2022, Gérard Larcher l’a convaincu qu’il était le seul à pouvoir empêcher l’élection d’Éric Ciotti qui signerait la mort de LR et sa disparition au profit d’une entité proche du RN. Surtout, Gérard Larcher l’a rassuré sur un point, qu’il a confirmé dans "Le Figaro" le 30 août 2022 : « Je ne vois aucune incompatibilité entre la présidence du groupe et la présidence des Républicains. Bruno Retailleau a toutes les qualités pour présider notre mouvement. ». Du reste, il est notable aussi que des sénateurs d’origine centriste, comme l’ancien ministre Marc-Philippe Daubresse, annoncent leur soutien à la candidature de Bruno Retailleau.

Dans une interview au journal "Le Figaro" mise en lien le soir de ce vendredi 2 septembre 2022, Bruno Retailleau s’est donc lancé et a annoncé officiellement sa candidature à la présidence de LR : « Je veux bâtir ce grand parti de droite, populaire et patriote, qui manque aujourd’hui à la France ». Un parti entre la Macronie et l’extrême droite.

Il a considéré que le renoncement de Laurent Wauquiez à briguer cette présidence le plaçait dans une situation telle qu’il devait y aller. Même si Laurent Wauquiez venait d’exprimer quelques sympathies pour Éric Ciotti, l’objectif de Bruno Retailleau serait bien entendu de soutenir la candidature de Laurent Wauquiez à l’élection présidentielle de 2027, servie par un parti en ordre de marche. C’est pourquoi le sénateur de la Vendée a insisté sur le fait qu’il n’était candidat contre personne, pas même contre Éric Ciotti : « Dans notre état de faiblesse, un choc frontal pourrait nous briser. ».

Le timing est parfait pour Bruno Retailleau puisqu’il a annoncé sa candidature la veille des Journées des Jeunes Républicains à Angers, sorte d’université d’été de LR et rentrée politique du parti dont la question sur l’organisation monopolisera certainement tous les esprits dans les débats internes. Il l’a annoncée aussi le lendemain d’une visioconférence (le 1er septembre 2022 à 18 heures) avec l’ensemble du groupe LR au Sénat qu’il préside et qui lui a assuré le soutien de la quasi-unanimité des sénateurs.

Roger Karoutchi, qui fut son adversaire malheureux en 2014 (pour la présidence du groupe sénatorial), le soutient désormais : « Bruno Retailleau a pour lui en magasin la capacité de dire "je suis un type de droite, très ferme sur le régalien, mais j’accepte le débat". Je ne dis pas qu’Éric Ciotti ne saurait pas le faire, mais Bruno a l’expérience. Comme ni l’un ni l’autre ne sont candidats pour 2027, on a besoin d’un président de parti qui va faire en sorte d’ouvrir les portes et les fenêtres et de rassembler. ». Quant à Marc-Philippe Daubresse, il est déjà conquis : « Sa façon de parfaitement piloter le groupe au Sénat, avec tous les courants, est finalement une approche intéressante de ce que l’on peut rencontrer aux Républicains. Après l’enjeu essentiel est de plaire aux militants. ». Et vis-à-vis des militants, Éric Ciotti a une grande avance.

Bruno Retailleau devra donc aussi s’attendre à trouver une opposition à sa démarche. Alors qu’il était déjà question de sa candidature pour la primaire présidentielle, en octobre 2020, il avait reçu les critiques de deux personnalités importantes de LR avant de finalement renoncer. Ainsi, Jean-François Copé s’insurgeait en disant : « Pitié, pas lui ! » en estimant : « Il représente la tendance du parti la moins porteuse et la moins génératrice de toutes nos difficultés depuis Fillon. C’est la spirale de l’échec assurée. ». Quant à Aurélien Pradié, il était sans concession : « On a déjà testé cette ligne avec Fillon en 2017 et Bellamy en 2019, ça nous a rapporté 10% ! Si la grande famille gaulliste à laquelle j’appartiens devient un Tea Party à 10%, je me casse et rachète un club de surf sur la côte basque. Ma droite est celle de l’espérance, celle qui parle d’écologie, de justice sociale, celle qui a défendu les femmes avec la loi Veil, pas celle de la punition ! ». Ces deux propos ont été rapportés par "Valeurs actuelles" à l’époque (octobre 2020). Entre-temps, Valérie Pécresse a été choisie comme candidate contre Éric Ciotti, et a fait pire que cette ligne Fillon-Bellamy.

Que prône Bruno Retailleau ? Il l’avait résumé rapidement dans une interview accordée à Emmanuel Galiero dans "Le Figaro" publié le 24 mai 2022 : « L’enjeu, pour la droite, c’est d’abord la clarté. En voulant tout concilier, la droite a tout perdu. Nous devons repartir de l’essentiel. Ce qui fonde la politique, c’est une vision de l’homme dans son environnement. À l’heure où les problèmes de pouvoir d’achat et de communautarisme taraudent nos concitoyens, surtout les plus modestes, je crois que la droite doit repenser ensemble la question sociale et la question identitaire, en reposant cette question fondamentale : qu’est-ce qu’une politique qui garantit la dignité de chaque Français et l’unité entre tous les Français ? Et je pense que notre modèle de civilisation, qui a pour cadre la nation et pour moteur la liberté, fournit la base indispensable à cette réflexion. ».

La présence de Bruno Retailleau dans la compétition interne renforce l’incertitude de son issue. S’il n’est pas question de candidature à l’élection présidentielle, peut-être finalement que Bruno Retailleau vise un autre objectif, Matignon. Chef de parti, LR pourrait devenir la majorité de remplacement si jamais le Président de la République prenait le soin de dissoudre l’Assemblée durant son second quinquennat. À cet égard, l’opposant à Emmanuel Macron n’a jamais insulté l’avenir…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (02 septembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Bruno Retailleau.
Caroline Cayeux.
Christophe Béchu.
Aurélien Pradié.
Jean-François Copé.
Yvon Bourges.
Christian Poncelet.
René Capitant.
Patrick Devedjian.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220902-bruno-retailleau.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/les-republicains-bruno-retailleau-243583

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/09/02/39616185.html








 

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5 août 2022 5 05 /08 /août /2022 10:03

« Je suis l’homme le plus honnête du monde. » (Patrick Balkany, le 7 septembre 2013 dans "Salut les Terriens" sur Canal+).


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La saga des Balkany n’en finit pas d’étonner l’observateur politique. Mais depuis longtemps, il n’est plus question de politique, plus question même de justice. Juste une histoire balkanycentrée. Pour ceux qui n’étaient pas au courant dans la chaleur de l’été caniculaire, l’ancien député-maire de Levallois-Perret Patrick Balkany a été libéré (j’allais écrire relâché, comme pour un animal qu’on rend à la vie sauvage après quelques soins) de la prison de Fleury-Mérogis ce vendredi 5 août 2022 à 8 heures du matin.

L’homme s’est rendu à sa résidence secondaire de Giverny. Toujours à frimer et à parader, Patrick Balkany s’est contenté de dire que vivre en prison, c’était difficile et que ce n’était pas une vie. Mais ce qui frappait, c’étaient ses cheveux. Il avait l’air d’être de ces anciens chanteurs jeunes des années 1960 devenus septuagénaires sans s’en rendre compte, à continuer à porter des vêtements de jeunes… de l’époque… et laissant toujours pousser leurs longs cheveux (quand ils en ont encore). Ce qui nous a valu la fameuse réflexion philosophique : après six mois de prison, je vais aller chez le coiffeur ! On peine à imaginer qu’il n’y a pas de quoi se faire couper les cheveux en prison, car pour les condamnés à une dizaine d’années, à moins d’être sikhs, ils paraissent quand même un peu entretenus du cuir chevelu.

Mais justement, c’est cela, les Balkany, je mets au pluriel car sa femme est toujours là, toujours associée, toujours à compléter ce couple qu’on pourrait confondre avec des Ceausescu de banlieue, les crimes en moins, ou, pour rester dans la littérature française et dans des comparaisons moins excessives (et moins insignifiantes), avec les Thénardier. Car mine de rien, malgré leur dégradation sociale et politique, ils n’ont plus de mandat, malgré leur déchéance judiciaire, peut-être financière (c’est à voir), les Balkany sont encore une belle mécanique de communication.

À cet égard, Patrick-aux-cheveux-longs me fait penser à un ancien ministre très ambitieux du début des années 1990, Alain Carignon, qui a connu, lui aussi, la prison à partir de 1995 (il est aujourd’hui conseiller municipal d’opposition à Grenoble), qui, recevant en prison beaucoup de lettres de soutien de la part de ce peuple de Grenoble qui a été placé par lui dans différentes postes alimentaires, répondait depuis sa cellule… avec du papier quadrillé d’écolier. Il pouvait pourtant répondre normalement avec des feuilles blanches de format A4, mais le papier quadrillé d’écolier, cela apportait une sorte de promiscuité, de précarité, de proximité, de modestie, d’humilité qui concourait à sa victimisation (alors qu’il avait été condamné définitivement).

Je ne commenterai par les fautes que la justice a reprochées aux Balkany car finalement, ce n’est pas intéressant ni extraordinaire. C’est même assez banal et on se demandait surtout depuis une vingtaine d’années si Guignol se ferait un jour attraper par Gendarme. Incarcéré depuis le 13 septembre 2019 à la Santé, Patrick Balkany avait été libéré de prison le 14 février 2020 et placé sous bracelet électronique mais le 7 février 2022, sur décision de la cour d’appel de Rouen, il fut de nouveau incarcéré, cette fois-ci à Fleury-Mérogis, en raison de son attitude outrancière vis-à-vis de la justice, en particulier, en ne remboursant pas sa dette avec le fisc (de plus de 4 millions d’euros), en se moquant publiquement de la justice, en montrant beaucoup de légèreté avec elle. Cette insolence lui a coûté près de six mois de prison, mais à quelques jours de ses 74 ans (il est né le 16 août), il a été libéré sans bracelet électronique parce qu’il est âgé, qu’il a des problèmes de santé et parce qu’il a commencé enfin à rembourser sa dette fiscale.

Cigare, sourire carnassier, esprit de répartie très aiguisé, bluff, argent, arme, sexisme (il a été de ces députés qui ont sifflé le 17 juillet 2012 la ministre Cécile Duflot parce qu’elle portait une robe à fleurs dans l’hémicycle), réseaux multiples, haines et coquineries, Patrick Balkany a tout de l’homme politique "puant" par ses prétentions, ses médisances, sa cupidité, sa foi en son impunité… À propos de Cécile Duflot, il a précisé le 18 juillet 2012 au cours d’une interview dans "Le Figaro" : « Nous n’avons pas hué ni sifflé Cécile Duflot, nous avons admiré. Tout le monde était étonné de la voir en robe. Elle a manifestement changé de look, et si elle ne veut pas qu’on s’y intéresse, elle peut ne pas changer de look. D’ailleurs, peut-être avait-elle mis cette robe pour ne pas qu’on écoute ce qu’elle avait à dire. (…) Enfin, on peut regarder une femme avec intérêt sans que ce soit du machisme ! ». Cette précision, à mon avis, l’a enfoncé encore plus dans le sexisme le plus stéréotypé, avec cet argument nul de : si elle ne voulait pas être sifflée, elle n’avait qu’à ne pas porter de robe (du genre : elle a été violée mais elle l’a bien cherché avec sa jupe courte).

Sans doute le puant se révélait le mieux dans cette interview accordée le 16 novembre 2005 pour la "Vrai journal" de Canal+ à destination des étrangers : « Nous n’avons pas de misère en France. Il n’y a pas ce que vous appelez les pauvres. Bien sûr, il y a bien quelques sans domicile fixe qui, eux, ont choisi de vivre en marge de la société. ». Et l’impunité probablement lui paraissait aller de soi lorsqu’il ironisait ainsi le 12 juin 2013 dans "L’Express" : « Si on n’investit que ceux qui n’ont pas été condamnés par la justice, on n’a plus de candidats dans les Hauts-de-Seine. ».

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Et pourtant, il y a un côté tellement pitoyable à ce destin qu’il en deviendrait sympathique. C’est tellement gros qu’on le croit naïf avec ses gros sabots, comme un enfant qui n’a pas su résister à mettre les mains dans le pot de confiture, malgré toutes les caméras braquées sur le pot. Levallois-Perret est l’une des communes où il y a le plus de caméras de vidéo-protection, au point que son maire proposait « l’hôtel, comme tout le monde » au lieu de faire l’amour dans un parking sous peine d’être être filmé (le 7 septembre 2013 dans "Salut les Terriens").

Patrick Balkany a fait partie de ces jeunes ambitieux du RPR prêts à conquérir les Hauts-de-Seine (après une vaine tentative de déstabiliser un ministre giscardien important, Jean-Pierre Soisson, à Auxerre avec la bénédiction de Jacques Chirac) : il a conquis la mairie de Levallois-Perret en 1983, en même temps de Patrick Devedjian à Antony et presque en même temps que Nicolas Sarkozy à Neuilly-sur-Seine. Il a été élu député en 1988 et il a gardé ces deux mandats quasiment jusqu’en 2017 et 2020. Il a quitté son mandat de parlementaire en 2017 pour des raisons de cumul, et refusant de soutenir son rival LR perpétuel, il a soutenu la jeune candidate de LREM qui a gagné (Céline Calvez).

J’ai écrit "quasiment" car Olivier de Chazeaux, également de même bord que lui, l’a détrôné à la mairie en 1995 et dans sa circonscription en 1997, cela en raison des premiers déboires judicaires du couple (qui fut même ébranlé dans sa propre existence), mais en 2001 et 2002, le détrôné a reconquis tous ses mandats un à un, avec une capacité de rebondissement étonnante (on le disait alors fini). Sarkozyste, il n’a jamais été nommé ministre ou sous-ministre pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy car ce dernier devait être le premier au courant que cela aurait constitué une erreur politique fondamentale (ce qui confirme la grande lucidité de Nicolas Sarkozy).

Son épouse Isabelle Balkany, de un an son aînée, a repris le canton que le mari avait occupé pendant six mois et qu’il avait quitté pour raison de cumul, et elle est restée conseillère générale des Hauts-de-Seine et vice-présidente du conseil général sans discontinuité d’octobre 1988 à mars 2011, sous l’autorité de Charles Pasqua (puis de Nicolas Sarkozy et de Patrick Devedjian). En 2011, Isabelle Balkany comptait bien déboulonner Patrick Devedjian et lui ravir la présidence du conseil général, mais elle fut battue par le perpétuel opposant dans son propre canton, ce qui soulagea bien des responsables de l’UMP. Lors de la reconquête de la mairie de Levallois-Perret, en mars 2001, elle fut élue première adjointe au maire jusqu’à leur déchéance par la justice le 6 mars 2020, et à ce titre, elle a assuré l’intérim pendant que le maire était en prison. Elle n’a jamais réussi à devenir parlementaire, échouant aux élections sénatoriales de septembre 2011.

Alors que son mari, parce qu’il a été parlementaire entre 1988 et 2017, n’a jamais été décoré en France (les parlementaires n’ont pas le droit d’être décorés au cours de leur mandat), Isabelle, elle, a pu l’être, nommée chevalière de la Légion d’honneur le 30 janvier 2008 par la ministre Michèle Alliot-Marie. Mais elle fut exclue de l’ordre le 23 juin 2021 avec effet au 4 mars 2020 en raison de la confirmation de sa condamnation pour fraude fiscale. Cette exclusion, prononcée par arrêté du grand chancelier de la Légion d’honneur, a été simplement constatée car elle était de droit en raison de la confirmation de la condamnation.

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Dans cet univers impitoyable qui semble être un nouveau Dallas à la française, la différence, c’est que depuis quelques années, il y a quand même une justice qui est passée. On remarque par ailleurs que depuis 2019, le couple Balkany n’a reçu aucun soutien de responsables de LR, leur ancien parti qui les avait soutenu pendant des décennies. En revanche, comme à Grenoble avec Alain Carignon, ils continuent à recevoir des soutiens des habitants de Levallois-Perret qui considèrent qu’ils ont beaucoup œuvré pour leur ville sans prendre en considération que la commune est devenue l’une des plus endettées de France (à force d’attirer des sièges sociaux de grandes entreprises).

Ils pourraient donc mettre à profit ce petit capital de sympathie, non pour un retour en politique (ils ont été condamnés tous les deux aussi à une peine d’inéligibilité de dix ans, ce qui en ferait des octogénaires bien entamés pour leur éventuel retour), mais, pourquoi pas, dans le cadre de création littéraire ou cinématographique. Après tout, leur histoire, très particulière, pourrait valoir de l’or, et en fin de compte, pour Patrick Balkany qui avait joué des petits rôles, au début de sa vie professionnelle, dans deux films, "Soleil noir" de Denys de La Patellière (sorti le 25 novembre 1966), avec Michèle Mercier et Daniel Gélin, et "J’ai tué Raspoutine" de Robert Hossein (sorti le 3 mai 1967), ce ne serait qu’un retour aux sources…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (05 août 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Patrick Balkany, tête à claques !
Balkany brisé ! Balkany martyrisé ! Mais Balkany libéré !
Patrick Balkany, les Misérables, l’homme providentiel et l’incertitude quantique.
Patrick Balkany en prison.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220805-balkany.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/patrick-balkany-tete-a-claques-243110

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/08/05/39584419.html
















 

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