Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
24 février 2020 1 24 /02 /février /2020 03:45

« [La voix de Jacques Chirac] honore évidemment ceux qui l’ont aimé, dont je fais partie, je n’apprends rien à personne, ceux qui l’ont soutenu, ceux qui l’ont accompagné. Elle honore tous les républicains qui ont grandi sous son autorité et sous sa direction et elle honore tout simplement la France des villages, la France des terroirs. Nous sommes sensibles à votre présence, vous l’avez manifesté, et nous vous en sommes reconnaissants. » (François Baroin, le 19 novembre 2019 à la Porte de Versailles de Paris).



_yartiBaroinC01

Un bébé Chirac qui rappelle son attachement à son mentor et parrain (dans le vrai sens du terme), deux mois après sa disparition. François Baroin est encore pour quelques semaines le président de la très influente Association des maires de France (AMF) et c’était à ce titre qu’il a prononcé le discours d’ouverture du 102e congrès de l’AMF à la Porte de Versailles de Paris le 19 novembre 2019. Il recevait le Président de la République Emmanuel Macron dont les relations avec les maires ont été très contrastées : après un grand désaccord en 2018, la crise des gilets jaunes a fait comprendre à Emmanuel Macron que les maires étaient les relais indispensables pour la proximité et l’écoute des citoyens.

François Baroin a poursuivi son discours toujours dans cette profession de foi inspirée de Jacques Chirac : « Jacques Chirac aimait effectivement la France et les Français de tout son être, il les aimait sans réserve, avec beaucoup d’indulgence mais aussi beaucoup d’intuition. Il aimait une France vivante qui était faite d’humanité et d’une grande tolérance. Au fil des ans et des responsabilités (…), il avait arpenté sans relâche ces routes de France à la rencontre des Français. C’est là qu’il avait appris à connaître les maires, à mesurer l’importance des communes dans la construction de la cohésion de notre pays. ».

En clair, s’il fallait donner un slogan à François Baroin, le voici : France vivante faite d’humanité.

Pas étonnant que ce lien de filiation avec l’ancien Président de la République ait fait préférer à François Baroin sa mairie de Troyes à son mandat de sénateur de l’Aube, et plus généralement, ses responsabilités locales à une position nationale qu’il trouvait impossible et bloquée avec l’éclatement du paysage politique au printemps 2017. Plus que rester maire, il voulait rester le président des maires de France (qu’il est depuis le 27 novembre 2014), l’une des institutions les plus appréciées des Français.

Ce discours du 19 novembre 2019 n’était pas un testament, même si c’était le dernier congrès en tant que président de l’AMF pour François Baroin, en tout cas, pour ce mandat municipal, mais plutôt une introduction. À ce titre, il "se confrontait" au Président de la République, il était d’égal à égal, et il n’a pas hésité, malgré sa courtoisie et, il faut le dire, une certaine proximité politique, à lui asséner quelques vérités désagréables.

Ainsi, l’effort financier imposé aux municipalités a été consumé en quelques minutes par l’allocution présidentielle du 10 décembre 2018 qui a annoncé 17 milliards d’euros d’aide : « Le bloc communal, communes et intercommunalités, aura investi 16 milliards de moins que lors du mandat précédent. 16 milliards, c’est peu ou prou l’enveloppe représentant l’ensemble des mesures qui allaient dans la bonne direction pour soutenir le pouvoir d’achat, liées à vos engagements pris au lendemain du grand débat sur les gilets jaunes. 20% d’investissements publics en moins sur les quatre années qui viennent de s’écouler. 25%, en moyenne, de services publics d’accompagnement et de présence en moins, les mêmes proportions pour le tissu associatif de subventions en moins. 10% d’investissements publics en moins, pour un pays comme le nôtre, c’est 0,2 point de croissance, et nous avons eu du retard par rapport aux autres pays. ».

_yartiBaroinC02

Cet état des lieux sans concession laisse cet arrière-goût d’amertume : « Cette logique, cet équilibre, cet accompagnement doivent nous amener à dire stop. Vous en avez pris la mesure et vous avez pris la décision de bloquer ce cadre de la réduction de la dotation. (…) Les dotations ne sont pas une subvention. Nous ne tendons pas la main et nous ne demandons pas l’aumône. La dotation, c’est l’argent que l’État doit aux collectivités locales, à raison des impôts nationaux ou locaux qu’il a supprimés, pour pouvoir financer les services publics, soutenir l’investissement public, développer chacun de territoires. Nous avons ressenti tout cela comme une injustice, mais malgré cela, nous nous sommes encore battus. Nous avons touché le fond (…) quand, il y a un an, au moment de la publication des feuilles d’impôt sur la taxe d’habitation, certains, que nous ne qualifierons plus, ont demandé de balancer leur maire. Ce temps-là doit être définitivement derrière nous. Je sais votre engagement, je sais votre désapprobation personnelle, et je sais les regrets que vous avez exprimés, vous me l’avez dit et j’en porte témoignage. ».

Ni allégeance ni opposition systématique, ce type de discours a fait honneur à François Baroin dans le rôle de David face au Goliath élyséen. À 54 ans (l’âge de Valéry Giscard d’Estaing quand il a quitté l’Élysée), François Baroin a toujours refusé, depuis trois ans, de dire ce qu’il comptait faire pour l’élection présidentielle de 2022. On peut comprendre, car sa préoccupation immédiate, ce sont les élections municipales des 15 et 22 mars 2020. Il est donc normal de refuser de polluer son message politique pour une ligne d’horizon qui franchirait allègrement cet objectif à court terme.

Néanmoins, tout le monde y pense. François Baroin a une expérience politique déjà très longue, et il était déjà au gouvernement il y a un quart de siècle (en juin 1995). Il a occupé deux ministères stratégiques pour une ambition présidentielle, l’Intérieur et les Finances. En 2016, lors de sa candidature à la primaire LR, Nicolas Sarkozy en avait fait son numéro deux, en clair, son premier-ministrable. Ce duo était d’ailleurs complémentaire. Après la désignation de François Fillon, François Baroin était naturellement aux premières loges de la campagne présidentielle et lors du meeting de la dernière chance au Trocadéro de François Fillon le 5 mars 2017, il s’est même senti instrumentalisé parce qu’il avait accepté d’y venir, pensant que le candidat LR allait renoncer en raison de sa prochaine mise en examen. François Baroin faisait même figure de candidat de remplacement, après le désistement définitif de l’ancien Premier Ministre Alain Juppé.

Après l’échec de l’élection présidentielle, ce fut François Baroin qui mena la campagne des élections législatives de juin 2017 pour Les Républicains, et à ce titre, en cas de succès, il aurait été probablement le Premier Ministre, un peu dans le rôle, inconfortable, de François Hollande entre la présidentielle et les législatives de 2002, quand le candidat présidentiel a échoué et qu’il a fallu quand même faire campagne pour les législatives.

Avec la préemption du parti LR par Laurent Wauquiez, François Baroin a préféré se replier sur ses terres municipales, en sachant que ces terres sont nationales puisqu’il préside tous les maires. Après la défaite des élections européennes de mai 2019 et la levée de l’hypothèque Wauquiez, François Baroin est réapparu dans le dispositif de direction de LR aux côtés du nouveau président de LR Christian Jacob. Dans les textes, il n’avait jamais disparu puisque le président de l’AMF est membre de droit du bureau de LR, mais sous la présidence de Laurent Wauquiez, il restait absent.

_yartiBaroinC03

La réflexion sur 2022 peut être la suivante.

D’une part, la gauche a une incapacité structurelle à être unie. Le PS veut rester PS et se croit encore important. Le PCF n’a toujours pas disparu et gardera probablement encore quelques mairies. FI ne veut que phagocyter les deux précédent, bref, ces trois sont en voie de disparition parce que désunis. On a beau critiquer François Mitterrand qui n’était même pas "de gauche", il a été le seul à réussir, et c’était un exploit historique (même Léon Blum était dépendant des radicaux très influents en 1936), à unifier la gauche à son avantage. Lionel Jospin et François Hollande n’ont gagné en 1997 et 2012 que dans la lignée mitterrandienne, mais aujourd’hui, nul doute qu’il faille non seulement une refondation, mais aussi un leader charismatique. Ce ne sera pas Olivier Faure (!) et Jean-Luc Mélenchon est bien trop âgé pour un nouveau cycle d’une dizaine d’années…

D’autre part, quoi qu’on en dise, Emmanuel Macron et sa majorité LREM-MoDem ne sont pas du tout comme l’était le PS en 2016 (troisième année de mandat), ils ont montré une forte résistance aux européennes et peuvent compter sur un socle de 20 à 30% de l’électorat national.

Enfin, au contraire du PS, LR n’est pas en voie de disparition. Les Républicains ont un groupe fort à l’Assemblée Nationale et malgré l’échec des européennes, ils ont une implantation nationale et locale durable. Ils sont cependant désunis à la fois politiquement (une partie est dans la majorité), et sur le plan des ambitions personnelles, puisqu’il n’y a aucun leader qui s’impose vraiment.

Par conséquent, avec ces considérations, que peut-on dire ? Un second tour entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen reste le plus probable même s’il n’est pas certain. La présence d’une personnalité socialiste ou plus généralement "de gauche" au second tour paraît en revanche quasiment impossible. La seule surprise qui casserait cette dualité ne pourrait provenir que de LR.

Dans les sondages d’intentions de vote, aucune personnalité testée, pas même François Baroin, ne parvient à sortir du socle des européennes, c’est-à-dire environ 10% ou même moins. Mais ce sont des sondages à froid et cela change complètement lorsque la personnalité testée est vraiment partie en campagne. D’ailleurs, cela sert à cela, une campagne, faire bouger les lignes. La politique n’est jamais statique, c’est une dynamique, aux ressorts parfois mystérieux, mais c’est une dynamique.

À mon sens, François Baroin est la seule personnalité de LR qui serait capable de bouleverser la configuration actuelle. Avec ce rôle d’être un remplaçant politique d’Emmanuel Macron en cas de grave disqualification de ce dernier dans "l’opinion publique" pour une raison ou une autre, peut-être un événement futur dont on n’a pas encore l’idée. François Baroin a l’expérience, la bonne capacité à communiquer et surtout, il est un modéré, il est loin de ceux qui attisent les passions, hystérisent les camps, polarisent les électeurs, clivent sur des sujets polémiques. Et les Français ont plus que jamais besoin d’un rassembleur qui était pourtant le rôle qu’avait propsé Emmanuel Macron lors de sa campagne.

Mais avant de s’engager après le printemps 2020, François Baroin le dilettante devra répondre à cette question essentielle : en a-t-il vraiment envie ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (23 février 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Discours de François Baroin le 19 novembre 2019 au 102e congrès des maires de France à Paris (texte intégral).
En attendant François Baroin.
François Baroin, Premier Ministre très très virtuel (mai 2017).
UMP : François Baroin veut enterrer définitivement la ligne Buisson.
Le petit-fils spirituel de Jacques Chirac (mars 2007).
Retour au gouvernement (mars 2010).
Colère à Bercy (juin 2011).
Jacques Chirac.
François Fillon.
Rachida Dati.
Nicolas Sarkozy.
Patrick Balkany.
Christian Jacob.
Européennes 2019 : les six surprises françaises du scrutin du 26 mai 2019.
François-Xavier Bellamy.
Guillaume Larrivé.
Édouard Philippe.
Alain Juppé.
Jean-Louis Debré.
Dominique de Villepin.
Christian Estrosi.
La fondation de Les Républicains le 1er juin 2015.
Les Républicains en ordre de marche ?
Laurent Wauquiez.
Résultats détaillés de l’élection du président de LR le 10 décembre 2017.
L’élection du président de l’UMP le 29 novembre 2014.
Le retour aux listes nationales pour les européennes.
Mathématiques militantes.
Rapport de refondation de la droite du 7 novembre 2017 (à télécharger).
Les Républicains en pleine introspection.
Les Républicains, parti des expulsions.
La primaire LR de novembre 2016.
Gérard Larcher.
Jean-Pierre Raffarin.
Xavier Bertrand.
Valérie Pécresse.
Jean-François Copé.
Nathalie Kosciusko-Morizet.
Bruno Le Maire.
Les élections sénatoriales de 2017.
La XVe législature de la Ve République.
Les Langoliers.
Forza Francia.
Michel Barnier.
Bernard Debré.
Dominique Dord.
Virginie Calmels.
Michèle Alliot-Marie.
Patrick Ollier.
Charles Pasqua.
Marie-France Garaud.
Édouard Balladur.
Cinquième République.

_yartiBaroinC04



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20191119-baroin.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/en-attendant-francois-baroin-221791

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/11/18/37798857.html






 

Partager cet article
Repost0
23 février 2020 7 23 /02 /février /2020 03:08

« On se donne un renom de vertu à peu de frais : l’âme supérieure n’est pas celle qui pardonne ; c’est celle qui n’a pas besoin de pardon. » (Chateaubriand, 1850).


_yartiFillon2020B01

Ce lundi 24 février 2020 (en principe), commence le procès Fillon. C’est-à-dire, le procès de François Fillon, de son épouse et de son suppléant, pour l’emploi de collaboratrice parlementaire de son épouse. Trois ans après le début de l’affaire, et surtout, trois ans après une campagne présidentielle qui fut polluée par cette affaire au point que le débat public n’a pas vraiment porté sur les grands enjeux nationaux.

Des trois postulants à la candidature de LR à l’élection présidentielle de 2017, François Fillon est sans doute celui qui a tourné le plus facilement la page : au contraire de ses rivaux, vieux "animaux" politiques, Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, François Fillon était l’homme d’une seule élection, celle de 2017, grâce à une fenêtre d’opportunités. Tandis que les deux autres ont toujours cru ou su qu’ils étaient des candidats à l’élection présidentielle "de droit divin" !

Pour nourrir cette différence, voici par exemple des candidats d’une seule élection, c'est-à-dire qui avaient une occasion unique de pouvoir être élu pour la première fois grâce aux circonstances : Jacques Chaban-Delmas (1974), Raymond Barre (1988), Édouard Balladur (1995), Lionel Jospin (2002, pas celle de 1995 ingagnable), Ségolène Royal (2007), François Hollande (2012), François Fillon (2017), Emmanuel Macron (2017). Certains ont même échoué dans cette candidature d’une seule élection : Pierre Messmer (1974), Michel Rocard (1995, pas celle de 1969), Jacques Delors (1995), Philippe Séguin (2007), Laurent Fabius (2007), Martine Aubry (2012), Dominique Strauss-Kahn (2012), Manuel Valls (2017), etc.

Et voici les candidats récurrents "de droit divin", ceux qui sont forcément candidats depuis le début de leur carrière politique en raison de leur forte ambition : François Mitterrand, Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Bayrou, Jean-Luc Mélenchon, Jean-François Copé, etc. (Alain Juppé et Jean-François Copé n’ont pourtant jamais été réellement candidats).

Il est assez évident que ce sont les "animaux" au cuir épais préparés à l’élection présidentielle dès le début de leur existence qui ont une meilleure chance de réussir que les autres (mais pas toujours).

François Fillon, lui, s’était retrouvé le candidat miraculé de la primaire LR de novembre 2016. Personne ne croyait en lui et pourtant, lui y croyait. Ce n’était pas nécessairement mon candidat, mais je n’avais pas été étonné qu’il fût désigné car c’était la candidature la mieux préparée pour 2017. Dès février 2013, François Fillon a travaillé pour bâtir un programme, en écoutant de nombreuses personnalités qualifiées, il en a rencontré quelque quatre mille en trois ans pour construire son programme. On pouvait être favorable ou opposé à ce programme, mais il était dense, réfléchi, et cohérent, mûrement préparé.

François Fillon fut, dans l’histoire de l’élection présidentielle, celui qui s’est le moins moqué des électeurs, celui qui les a considérés le plus comme des interlocuteurs adultes et intelligents (il n'était pas comme DSK en 1997 dans l'équipe Jospin, à griffonner sur la nappe en papier d'une table de restaurant la réforme des 35 heures pour trouver un argument de campagne, sans en avoir étudié toutes les conséquences). Et comme la loi était logiquement pour une incontournable alternance, le tour de François Fillon était là, à portée de la main.

Certes, un peu par hasard, ou plutôt, par défaut : Alain Juppé, trop âgé, trop consensuel dans un électorat clivé et déjà condamné à une époque qui insupporte la moindre infraction (avec sans doute raison, mais il faudra répondre à une question philosophique fondamentale : pour l’intérêt d’un pays, vaut-il mieux des dirigeants filous mais compétents et efficaces, ou des dirigeants honnêtes et transparents mais creux, vides, incompétents ? Je n’ai pas la réponse car la morale intervient ici contre la politique) et Nicolas Sarkozy, mis en examen dans plusieurs affaires, à la personnalité clivante qui peut susciter une forte adhésion tout autant qu’une forte détestation, ces deux candidats n’étaient pas forcément l’idéal pour le renouveau démocratique. Quant aux plus jeunes, Jean-François Copé, Nathalie Kosciusko-Morizet et Bruno Le Maire, ils leur manquaient de gouverner encore un peu la France avant de songer à la présider.

Quand il était Premier Ministre, d’une longévité remarquable (cinq ans), François Fillon a sans cesse porté attention aux parlementaires de la majorité, à leurs messages. En ce sens, c’était sans doute le candidat le plus à l’écoute du Parlement, ce qui aurait été intéressant à l’Élysée dans la pratique des institutions. Mais cela n’a pas suffi.

_yartiFillon2020B02

On a dit que l’affaire Fillon l’a laminé à l’élection présidentielle. Déjà, ce n’est pas vraiment le cas : François Fillon a fait un excellent résultat le 23 avril 2017 avec la casserole insurmontable qu’il a eue. Il lui a manqué moins de 500 000 électeurs supplémentaires (465 497 exactement) pour être qualifié au second tour, ce qui est très faible. Avec 20,01% des suffrages exprimés, il a même dépassé le score de Jacques Chirac pour sa réélection le 21 avril 2002 (19,88%), ce qui n’était pas une mince affaire déjà. François Fillon avait donc toutes les raisons d’en vouloir à la terre entière d’avoir échoué en 2017. Et pourtant, non, il était plutôt plongé dans une divine surprise, porté initialement par un vent favorable qu’il n’aurait jamais osé imaginer. Et malgré son affaire, il croyait qu’il gagnerait car il s’est toujours focalisé sur le fond de son programme et il pensait que les débats télévisés lui étaient très avantageux.

Au-delà du fond de l’affaire Fillon, j’avais déjà évoqué la manière terriblement mauvaise et contreproductive de se défense au moment de son éclatement. Semaine après semaine, après le 25 janvier 2017, il s’est sans arrêt enfoncé, avec aussi un argument qu’on a émis pour enfoncer Benjamin Griveaux : celui qui s’était bâti une image vertueuse d’homme droit et intègre chutait par son apparente vénalité. Au même titre que celui qui se montrait bon père de famille et bon mari aurait mérité le déshonneur d’une vidéo à caractère sexuel, selon des personnes qui mélangent tout, vie privée et affaires publiques (qui sont donc ceux qui voudraient faire justice eux-mêmes au nom de l’épouse ? De quoi se mêlent-ils ? Ne serait-ce pas exclusivement son affaire et cela dans le secret de l’intimité conjugale ?).

Car l’affaire Fillon, ce n’était pas qu’une seule casserole, c’était toute la batterie de casseroles : l’épouse rémunérée comme collaboratrice, mais aussi les enfants, et puis les costumes offerts par un avocat riche peu recommandable et visiblement encore aigri aujourd’hui (costumes acceptés après l’éclatement de l’affaire, quelle imprudence ! quel aveuglément !), et toutes les supputations, rumeurs, "fake news" comme on dit aujourd’hui, qui n’ont jamais été vérifiées ou plutôt, totalement inventées.

François Fillon est passé à autre chose, car malgré trente-six ans d’une vie politique particulièrement dense, il a aussi d’autres centres d’intérêt dans la vie dont, on l’a vu bien avant 2017 à une époque où il pouvait s’imaginer en retrait de la vie politique, la conduite de Formule 1 n’est pas des moindres (ni des moins coûteux, ce qui pourrait d’ailleurs expliquer l’apparente vénalité). D’ailleurs, avec Emmanuel Macron à l’Élysée, on pourrait même dire que François Fillon a l’avantage politique de son programme (sensiblement peu différent sur le plan économique) sans l’inconvénient d’une impopularité épuisante.

Aurait-il fait mieux qu’Emmanuel Macron sur les retraites, sur la transition écologique, sur la laïcité, etc. ? Difficile de dire, mais on pourrait imaginer que malgré son entêtement de 2012 et de 2016, voulu pour contredire ceux qui le traitaient de mollasson et d’inconsistant, comme je l’ai écrit plus haut, il avait l’avantage d’écouter les parlementaires. Son expérience politique aurait donc pu l’aider à mieux présenter les réformes. Et à les retirer à temps le cas échéant, sans prendre de front toutes les forces vives du pays.

Qu’attend donc François Fillon de son procès ? Seulement son honneur. Ce qui, pour lui, sa famille et ses proches, est essentiel, bien évidemment, mais ce qui, pour la France, est dérisoire. Laver son honneur et se dire victime d’un complot comme il l’a toujours très maladroitement proclamé au cours de sa campagne présidentielle. La justice passera, il est probable que dans tous les cas, cela ira en appel car la défense ou l’accusation, selon le verdict, sera mécontente et voudra avoir une seconde chance de démonstration. C’est d’ailleurs possible que le verdict définitif soit prononcé après la fin de ce quinquennat.

Faudra-t-il alors pleurer François Fillon si d’aventure il se retrouve totalement innocenté ? Non. Une élection, c’est la rencontre d’un homme et du peuple, mais aussi avec son unité de temps et de lieu. Après tout, c’est un peu comme l’amour : un prétendant bien sous tout rapport peut ne pas correspondre à l’état d’esprit de la convoitée au jour J, celui de la déclaration (le choix des genres ici est un tantinet sexiste, assumé par vieilles convenances).

Or, c’était clair que, innocent ou coupable, la question n’était plus celle-là en avril 2017. Car il faut différencier le droit (la justice), la politique et la morale. Sur le plan judiciaire, François Fillon pourrait être innocenté, mais on a bien vu que c’était inutile sur le plan électoral puisque l’élection est passée. Sur le plan politique, la manière de se défendre a été catastrophique. Il s’est enfoncé, alors d’autre, dans des situations bien plus inconfortables (car ce qu’on a reproché à François Fillon est très faible relativement à des éléments factuels d’autres candidats ou même d’élus à l’Élysée).

Mais c’est sur le plan moral que sa candidature s’est consumée, au point que ses plus fidèles soutiens l’ont peu à peu abandonné. C’est peut-être injuste mais c’était le cas aussi plus tard avec, par exemple, les homards de François de Rugy (et dans une moindre mesure, avec les errements affectifs de Benjamin Griveaux) : dès lors que la personne est considérée, à tort ou à raison, comme une personne amorale sinon immorale, sa capacité à convaincre politiquement, et, par voie de conséquence, à convaincre électoralement ne pouvait que s’effondrer.

On peut regarder les arrêts d’ascension politique dans l’histoire récente. Souvent, ils sont injustes : Alain Juppé qui s’est sacrifié pour protéger Jacques Chirac dans l’affaire des emplois fictifs de la ville de Paris ; Laurent Fabius accusé d’avoir mal agi dans le scandale du sang contaminé alors que justement, il croyait avoir su prendre les mesures pour éviter un tel désastre sanitaire ; Jean-François Copé, tombé dans une affaire dont il est rapidement sorti innocenté ; Valéry Giscard d’Estaing perdu pour quelques diamants qu’il avait distraitement laissés dans un tiroir ; et même Dominique Strauss-Kahn qui n’a jamais été condamné (rappelons-le) dans aucune des affaires sexuelles dans lesquelles il était impliqué. La moralité l’a emporté sur le droit.

Et après tout, pourquoi pas ? Ce qu’on demande maintenant aux responsables politiques, candidats aux plus hautes charges, ce n’est pas d’être exemplaires, c’est d’être insoupçonnables. Pas sûr que cela va continuer à susciter des vocations chez les personnes les plus vives et les plus intelligentes. La pauvreté intellectuelle de la classe politique américaine (au contraire de la classe politique française) donne peut-être un petit aperçu du futur du paysage politique français. À bon entendeur…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (22 février 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
François Fillon, victime de la morale ?
Une affaire Fillon avant l’heure.
François Fillon, artisan de la victoire du Président Macron.
L’élection d’Emmanuel Macron le 7 mai 2017.
Matignon en mai et juin 2017.
François Fillon et son courage.
Premier tour de l'élection présidentielle du 23 avril 2017.
Macron ou Fillon pour redresser la France ?
François Fillon, le seul candidat de l’alternance et du redressement.
Programme 2017 de François Fillon (à télécharger).
La Ve République.
L’autorité et la liberté.
Un Président exemplaire, c’est…
Interview de François Fillon dans le journal "Le Figaro" le 20 avril 2017 (texte intégral).
Interview de François Fillon dans le journal "Le Parisien" le 19 avril 2017 (texte intégral).
Discours de François Fillon le 15 avril 2017 au Puy-en-Velay (texte intégral).
Discours de François Fillon le 14 avril 2017 à Montpellier (texte intégral).
Discours de François Fillon le 13 avril 2017 à Toulouse (texte intégral).
Tribune de François Fillon le 13 avril 2017 dans "Les Échos" (texte intégral).
Discours de François Fillon le 12 avril 2017 à Lyon (texte intégral).

_yartiFillon2020B03



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200224-fillon.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/francois-fillon-victime-de-la-221744

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/02/20/38041613.html





 

Partager cet article
Repost0
16 février 2020 7 16 /02 /février /2020 15:04

« Elle ne veut pas rajouter du bazar au bazar. Mais intellectuellement, elle ne dit jamais "jamais". Elle n’aime pas se fermer des portes, elle sait se laisser porter par les opportunités. » (Un proche d’Agnès Buzyn il y a trois mois).


_yartiBuzynAgnes01

Il a fallu deux jours et demi pour que LREM et ses alliés (MoDem, UDI et Agir) désignassent leur nouvelle tête de liste aux élections municipales à Paris après le retrait de Benjamin Griveaux. C’est Agnès Buzyn (57 ans), Ministre des Solidarités et de la Santé depuis le 17 mai 2017, qui a été choisie ce dimanche 16 février 2020. Au gouvernement, elle est remplacée par le neurologue Olivier Véran (39 ans), très actif député LREM de Grenoble (rapporteur général de la commission des affaires sociales), probablement le meilleur choix possible pour la remplacer.

Une Ministre de la Santé non engagée politiquement et considérée comme compétente (professeur des universités et hématologue), et qui, sur demande présidentielle, va au charbon électoral, cela ne vous dit pas quelque chose ? Bien sûr, cela fait penser à Simone Veil, d’autant plus qu’il était déjà question d’Agnès Buzyn pour mener la liste LREM aux élections européennes du 26 mai 2019 (ce fut finalement Nathalie Loiseau) et que, coïncidence et hasard des croisements de vies, elle fut même la belle-fille de Simone Veil (d’un premier mariage).

Depuis plusieurs semaines, Agnès Buzyn hésitait à se présenter comme tête de liste sur le très stratégique quinzième arrondissement de Paris qu’il faudrait gagner pour conquérir la capitale. François Bayrou soutenait la candidature de la ministre à la mairie de Paris dès le 27 octobre 2019 sur France Inter. Un proche de la ministre expliquait alors la motivation du président du MoDem, par ailleurs candidat à sa réélection à la mairie de Pau : « Il pense que les médecins sont faits pour faire de la politique, car ils savent écouter et donner du réconfort. » ("L’Opinion" du 7 novembre 2019).

_yartiBuzynAgnes03

La désignation d’Agnès Buzyn procède évidemment de la volonté du Président Emmanuel Macron. Il a fait le pari que sa présence bouleverserait le jeu municipal à Paris avec Anne Hidalgo, Rachida Dati, Cédric Villani et le candidat écologiste. Si la ministre est deux fois plus populaire que le candidat initial de LREM, elle arrive encore loin derrière les deux favorites des sondages. Pour autant, elle peut profiter de ce "bazar" pour repolariser l’élection et recristalliser l’électorat. Rappelons que la liste LREM aux élections européennes du 26 mai 2019 avait obtenu 32,9% des voix à Paris avec 57,9% de participation (la liste EELV : 19,9% ; la liste LR : 10,2% ; liste PS : 8,2%).

Cependant, je pense que cette désignation est une erreur pour LREM. J’ai l’impression qu’Emmanuel Macron manque un peu de sens politique. Je l’avais déjà remarqué avec la désignation de Nathalie Loiseau comme tête de liste aux élections européennes de 2019. Sans ses gaffes, quel aurait été le score de LREM ? Probablement supérieur à celui du Rassemblement national.

Le choix de l’un des poids lourds du gouvernement me paraît être une triple erreur.

D’abord, à cause du contexte gouvernemental actuel. Agnès Buzyn, comme Ministre des Solidarités et de la Santé, avait beaucoup de travail et son successeur aura du mal à la remplacer au pied levé avec la même efficacité et la même compétence : la gestion de la grave épidémie de maladies à coronavirus (COVID-19), d’autant plus que le 15 février 2020, a eu lieu le premier décès d’une personne atteinte de ce coronavirus en France (premier décès en Europe et premier décès hors d’Asie), l’examen du projet de réforme des retraites à l’Assemblée Nationale qui débute (en principe) le 17 février 2020, l’examen de la loi de bioéthique (PMA) qui revient en seconde lecture à l’Assemblée Nationale, sans compter aussi la plus grande crise hospitalière depuis des décennies, avec une grève des urgences qui a démarré le 11 juin 2019 (en septembre 2019, près de la moitié des services en France étaient en grève, soit 260), mouvement social d’autant plus difficile qu’un millier de chefs de service ont annoncé leur démission pour protester contre la situation financière des hôpitaux et leur manque de moyens.

_yartiBuzynAgnes02

Bref, en choisissant Agnès Buzyn pour Paris, Emmanuel Macron donne le signe qu’il préférerait s’occuper de politique politicienne et d’intérêts électoraux à servir pour l’intérêt général (coronavirus, crise hospitalière, réforme des retraites, PMA)… Son remplaçant, Olivier Véran, même si c’est probablement le meilleur choix possible, ai-je écrit plus haut, n’a pas la même expérience politique ni la même connaissance des dossiers que sa prédécesseure.

Ensuite, à cause du timing très court. Il ne reste qu’à peine quatre semaines (la campagne se termine vendredi 13 mars 2020) pour convaincre les électeurs que la candidature d’Agnès Buzyn est pertinente. Là aussi, c’est carrément mission impossible. Il aurait fallu désigner une personnalité qui était déjà très active pendant cette campagne et qui connaissait le programme et les équipes dans chaque arrondissement. Quant à une éventuelle fusion des listes avec celles de Cédric Villani, c’est beaucoup trop tard et même pas négociable pour le premier tour, d’autant que le dépôt des candidatures doit se faire avant le 27 février 2020 (il ne reste qu’une dizaine de jours).

Enfin, à cause de la nationalisation et de la politisation des élections municipales. En nommant une ministre très importante du gouvernement, Emmanuel Macron contribue à politiser ces élections locales alors que jusqu’à maintenant, il voulait au contraire en minimiser les effets nationaux. En clair, les électeurs parisiens devront se prononcer entre les différentes listes, mais pourront aussi être tentés de faire de ce scrutin à Paris un référendum pour ou contre l’action d’Emmanuel Macron. Deux autres ministres importants du gouvernement sont également têtes de liste, le Premier Ministre Édouard Philippe au Havre et le Ministre des Comptes publics Gérald Darmanin à Tourcoing.

Alors, Agnès Buzyn kamikaze ? Probablement, mais quand on s’engage en politique, il faut bien un jour prendre des risques et assumer de prendre des coups. À cet égard, Agnès Buzyn ne manque pas de courage ni de combativité…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (16 février 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Agnès Buzyn.
Benjamin Griveaux.
Municipales 2020 (1) : retour vers l’ancien monde ?
Les élections municipales de mars 2014.
Les élections municipales de mars 2008.
Scrutins locaux : ce qui a changé.
Le vote électronique, pour ou contre ?
Les ambitieux.

_yartiBuzynAgnes04



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200216-agnes-buzyn.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/agnes-buzyn-kamikaze-221576

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/02/16/38029986.html



 

Partager cet article
Repost0
15 février 2020 6 15 /02 /février /2020 03:04

« Être libre, ce n’est pas seulement ne rien posséder, c’est n’être possédé par rien. » (Julien Green, 1980).



_yartiBalkanyC01

Cinq mois en prison. Patrick Balkany est sorti de la prison de la Santé ce mercredi 12 février 2020 après y être entré le 13 septembre 2019 à l’issue de son procès en première instance. Son procès en appel vient de se terminer et le verdict sera prononcé en principe le 5 mars 2020.

Patrick Balkany a 71 ans et qu’on l’aime ou qu’on le déteste, il a visiblement été lessivé par ce séjour en prison. Grosse perte de poids, le visage transformé. La chaîne d’information continue BFM-TV semblait très balkanienne en ce sens qu’elle considérait que c’était un événement capital alors que le lendemain, elle ne retransmettait même pas le discours écologique du Président Emmanuel Macron au pied du Mont-Blanc alors que sa concurrente LCI, si.

On peut dire que ceux qui ont enfreint la loi doivent payer. Mais il se trouve que pour la (double) condamnation en première instance de fraude fiscale et de blanchiment de fraude fiscale (il n’y a pas de corruption), la peine de quatre ans de prison ferme reste très sévère. Il y a eu une part de provocation de part et d’autres : l’allure sûre de lui, volontiers insolent avec les juges, Patrick Balkany n’hésitait pas affirmer qu’il se représenterait à la mairie de Levallois-Perret en mars 2020 et qu’il serait réélu. On ne nargue pas impunément la justice. La prison dès la fin du procès était probablement un moyen de le rendre un peu plus humble, ce qui, avouons-le, n’est pas très judicieux pour une justice neutre et impartiale.

Toujours est-il que Patrick Balkany a été libéré pour raison de santé car celle-ci déclinait à vive allure. Une libération conditionnelle à faible contrainte (se présenter à la police quelques fois par mois, je ne sais plus exactement, deux ou quatre fois), et surtout, aucune caution. De toute façon, caution comme prison provisoire (puisqu’il n’a pas été condamné définitivement) sont généralement utiles pour des prévenus qui risqueraient de fuir à l’étranger. Patrick Balkany a d’ailleurs remis son passeport. Le lendemain, Patrick Balkany avouait qu’il avait pris quinze ans en cinq mois.

Cette après-midi du 12 février 2020, le couple Balkany est apparu soudain attachant. On sait qu’ils sont très liés l’un à l’autre. Avec même un zeste sinon une grande dose de népotisme. Depuis que son mari est à la Santé, Isabelle Balkany dirige les séances du conseil municipal comme maire par intérim, car …elle est la première adjointe. Et justement, il y a un conseil municipal (le dernier de la mandature) le 13 février 2020 au soir.

Si Levallois-Perret était la Roumanie, on serait tenté de dire que les époux Balknay seraient alors les époux Ceausescu. C’est évidemment très exagéré, mais finalement, en politique, le fonctionnement complémentaire par couple est assez rare, jusqu’au couple qui s’étripe par ambitions présidentielles incompatibles (Ségolène Royal et François Hollande).

C’était en préparant ce conseil municipal qu’elle a appris la libération future de son mari. Elle a tout laissé en plan pour aller devant la Santé. Face aux caméras, elle a attendu sagement que la porte s’ouvrît. Félicitations aux agents de la prison, c’est un métier difficile, ils ont toujours été corrects. Hop ! quelques électeurs en plus ! (ah non, ils ne se présentent pas à la prison).

_yartiBalkanyC02

Et l’on a pu ainsi voir une femme septuagénaire assez fatiguée mais avec le sourire et la bonne humeur. On comprend vite comment ils peuvent être élus et réélus : ils peuvent être très sociables, très conviviaux, en revanche, ils peuvent vous faire très mal si vous êtes leur cible. On pouvait avoir l’impression d’un couple de retraités qui revenait de l’hôpital après une chimiothérapie et que le mari est maintenant (presque) guéri (je dis presque car on ne guérit jamais de cette saleté, mais en plus, l’analogie fonctionne puisqu’il y a encore un verdict en appel).

Pour meubler, Isabelle Balkany (j’allais écrire Adajani !) a raconté ce qu’il resterait de sa journée : direction la maison de Giverny (je crois), et câlinothérapie pour le mari (c’était la semaine câlinothérapie, la veille, le Président chouchoutait ses trois cents poussins à l’Élysée). Et elle a raconté le détail qui tuait : elle allait devoir manier la serpillière ! (Sans le personnel de la mairie). Car les trois chiens vont être tellement heureux de retrouver leur papa qu’ils vont faire dans les couloirs. Les chats aussi seraient de la fête. Et les enfants ? Pas évoqués.

Comme vous l’avez compris, ce n’est plus une rubrique politique mais une rubrique "people". Ou presque : "Point de vue et Image du monde". On parle du couple Balkany comme de la famille royale (le comte et la comtesse de Levallois-Perret). Et le pire, c’est que l’empathie peut jouer à plein. Après tout, personne ne lui souhaiterait la prison, elle est inutile et dangereuse si les conséquences peuvent ruiner le corps. Il faudrait alors se pencher sur les détenus "ordinaires". A-t-on parlé, par exemple, de cette jeune détenue de 26 ans qui s’est suicidée le 5 février 2020 dans sa cellule de la prison de Caen ?

On ne peut pas considérer la prison comme inhumaine uniquement pour les personnes du grand monde, il faut aussi la regarder pour les détenus ordinaires. Christine Boutin, animée d’une passion chrétienne qui ne me paraît pas pertinent d'afficher trop explicitement sur le plan politique (par respect aux croyances de chacun), avait eu le bon goût de bosser sur les prisons en France. Des constats toujours terrifiants au fil des rapports et des missions.

L’interview de Patrick Balkany à une chaîne de télévision est-elle scandaleuse ? Oui, certainement. Au lieu de parader, même profil bas, il ferait mieux d’adopter réellement le profil bas, c’est-à-dire le silence médiatique. En clair, l’humilité. Sans gros cigare.

C’est parce que les responsables politiques mettent trop souvent en scène leur vie personnelle qu’ils ont parfois des retours de bâton désastreux. L’accident industriel du retrait de Benjamin Griveaux le rappelle : on ne peut pas être parfait tout le temps et la vie privée doit faire partie d’une intimité qui ne regarde que les proches. Mais à force de violer eux-mêmes cet espace secret, ils se mettent en danger car ils sont à découvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Et quelle va être la réaction des juges en le voyant parader une nouvelle fois lorsqu’il s’agira de lui choisir une peine dans quelques semaines ? Il est des mauvais élèves qui n’arrivent toujours pas à retenir leurs leçons… Misérables.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (14 février 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Balkany brisé ! Balkany martyrisé ! Mais Balkany libéré !
Patrick Balkany, les Misérables, l’homme providentiel et l’incertitude quantique.
Patrick Balkany en prison.
Bernard Tapie.
Jérôme Cahuzac.

_yartiBalkanyC03


http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200212-balkany.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/balkany-brise-balkany-martyrise-221522

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/02/14/38023164.html


 

Partager cet article
Repost0
14 février 2020 5 14 /02 /février /2020 08:47

« J’ai employé la première un mot nouveau, la vulgarité, trouvant qu’il n’existait pas encore assez de termes pour proscrire à jamais toutes les formes qui supposent peu d’élégance dans les images et peu de délicatesse dans l’expression. » (Madame de Staël, 1800).


_yartiGriveauxBenjamin01

Glauque Saint-Valentin. Dans une vidéo dépouillée de condamné à mort donnée à l’AFP, l’ancien secrétaire d’État Benjamin Griveaux a annoncé ce vendredi 14 février 2020 son abandon dans la conquête de la mairie de Paris. À un mois du premier tour des élections municipales, c’est une véritable catastrophe pour la majorité LREM alors qu’elle croyait avoir acquis virtuellement la ville de Paris après les beaux résultats des élections européennes de mai 2019.

C’est aussi quasiment sans précédent pour un candidat de cette importance politique, ou du moins, à l'exception de l’abandon européen de Philippe Séguin en 1999 (et de celui d'Alain Lipietz à l'élection présidentielle de 2002). Benjamin Griveaux a semble-t-il été victime dans la nuit précédant sa renonciation de la diffusion d’une sextape l’impliquant. C’est la première fois qu’un tel procédé, très courant en Russie pour discréditer certains candidats, est utilisé en France et laisse entrevoir un futur très nauséeux pour la vie politique. Ce n’est pas un poisson d’avril, mais ce n’est pas non plus une rose de la Saint-Valentin. C’est d’ailleurs surtout pour des raisons familiales que Benjamin Griveaux a jeté l’éponge, ne voulant pas que ses proches soient traînés dans la boue sur son sillage.

Comme pour les Balkany, peut-être Benjamin Griveaux bénéficiera d’une empathie qu’il n’a jamais eue pour l’instant. Un non-candidat est de toute façon toujours préféré au candidat. C’était le cas de Jacques Chirac après 2007. Benjamin Griveaux représentait à merveille l’arrogance du "nouveau monde" macronien. En fait, il était très typique de "l’ancien monde", celui des ambitions perdues.

À l’origine, Benjamin Griveaux, né quelques jours après Emmanuel Macron, IEP Paris, HEC mais pas ENA (dont il a raté le concours), était un jeune cadre plein d’espoir du Parti socialiste, proche de Dominique Strauss-Kahn et de Marisol Touraine, qui n’avait pas obtenu d’investiture aux élections législatives socialistes en 2017. Élu local (conseiller municipal de Chalon-sur-Saône et vice-président du conseil général de Saône-et-Loire présidé par Arnaud Montebourg), il aurait voulu être député PS à Paris.

Lié par son mariage à la famille du chef d’orchestre Marc Minkowski, Benjamin Griveaux a trouvé son salut avec la candidature d’Emmanuel Macron qu’il a soutenu dès 2015, le futur Président représentait pour lui le meilleur moyen d’assouvir sa grande ambition, tant sur le plan personnel que sur le plan des idées sociales-libérales. Pendant la dernière campagne présidentielle, il a fait partie du très peu nombreux staff des lieutenants d’Emmanuel Macron, aux côtés de Richard Ferrand et de Christophe Castaner, d’ailleurs, on ne voyait que ces trois seconds couteaux dans les médias pour défendre les idées du fondateur d’En Marche.

Avec l’élection d’Emmanuel Macron, ce fut la consécration. Élu député de Paris, il fut nommé le 21 juin 2017 Secrétaire d’État dans le second gouvernement du Premier Ministre Édouard Philippe, d’abord auprès de Bruno Le Maire à Bercy, puis, le 24 novembre 2017, Porte-Parole du gouvernement quand Christophe Castaner quitta ce poste pour diriger LREM (tout en restant cependant au gouvernement mais à un autre poste moins exposé).

Exprimant régulièrement son "envie" de la mairie de Paris, et suscitant beaucoup de rejet à cause des ambitions de concurrents internes et externes, Benjamin Griveaux a quitté le gouvernement le 27 mars 2019 pour se consacrer totalement à sa candidature à Paris. Désigné candidat officiel de LREM le 10 juillet 2019 face à de nombreux autres candidats (Cédric Villani, Hugues Renson, Mounir Mahjoubi, etc.), il n’a pas réussi à faire l’unité autour de lui avec le maintien persistant de la candidature de Cédric Villani qui s’est éloigné de LREM le 26 janvier 2020 après son entrevue à l’Élysée. Benjamin Griveaux avait pourtant réussi à faire l’union avec l’UDI et Agir, l’aile macroniste de LR, avec le désistement et ralliement du jeune député Pierre-Yves Bournazel.

Même s’il a essayé d’adopter une attitude décontractée et proche des gens durant ses premières semaines de campagne sur le terrain, la mayonnaise n’a jamais prise : il restait victime de son image nationale d’arrogant et d’ambitieux prêt à vendre père et mère pour atteindre ses objectifs. Le fait qu’il quitte aujourd’hui l’arène parisienne pour protéger sa famille a finalement de quoi rassurer sur son humanité (qui, du reste, n’aurait jamais dû être mise en doute).

Depuis un mois, Benjamin Griveaux était dépassé dans les sondages d’intentions de vote par la candidate LR Rachida Dati. Ses propositions complètement stupides pour Paris, comme déplacer la gare de l’Est pour construire un parc d’attraction, sans prendre en compte les conséquences désastreuses dans les transports pour les Franciliens et aussi les provinciaux venant de l’est de Paris, ont montré une absence inquiétantes de la connaissance des réalités économiques et sociales et n’ont pas pour autant suffi à remonter la pente.

_yartiGriveauxBenjamin02

Le retrait de Benjamin Griveaux va provoquer un véritable séisme dans la classe politique. Un double séisme.

Le premier est purement parisien et circonstanciel pour les élections de mars 2020, il sera vite oublié. Les listes de Benjamin Griveaux poursuivront-elles leur aventure mais avec une autre tête de liste, peut-être Pierre-Yves Bournazel ? Olivia Grégoire ? Peut-être Marlène Schiappa ? Agnès Buzyn ? Delphine Bürkli, la maire du neuvième arrondissement ? Ou au contraire, serait-ce l’occasion de retrouver l’unité perdue avec une fusion des listes de Cédric Villani ? Il ne faut pas négliger le fait qu’il est déjà très tard, chaque candidat a déjà formé ses listes, ses équipes, et le dépôt des listes est déjà ouvert depuis la veille, le 13 février 2020, si bien que certain dépôt ont pu être déjà réalisé (même si l’intérêt politique commande de déposer au dernier moment ses listes, pour laisser la possibilité d’une ultime modification).

Dans tous les cas, la confirmation d’un duel au sommet entre Anne Hidalgo et Rachida Dati est confirmée, car il sera toujours très difficile de reprendre une campagne en main au dernier moment, c’était le problème du retrait de Philippe Séguin de la tête de liste RPR aux élections européennes de juin 1999 et la difficulté, en quelques semaines, de reprendre le flambeau avec un autre candidat, Nicolas Sarkozy. Les électeurs penseront dans tous les cas que le meilleur candidat pour vaincre la maire sortante est Rachida Dati. Dans les faits, Benjamin Griveaux a montré qu’il n’était pas le meilleur candidat LREM.

Le second séisme est plus grave, national et plus durable. Car si Benjamin Griveaux s’est senti obligé de se retirer, c’est qu’il est d’abord une victime d’une attaque ignoble sur Internet. Et ce niveau d’attaque n’avait jamais été atteint. Il y a bien eu des calomnies qui ont été médiatisées dans le passé, je rappelle par exemple Dominique Baudis accusé à tort à Toulouse par une prostituée dans une affaire sordide, mais la nouveauté technologique qui permet avec Internet et les réseaux sociaux de diffuser très rapidement (même si très provisoirement) des images de caractère pornographique pour discréditer un candidat à une élection politique, disons-le clairement, c’est dégueulasse, et c’est très inquiétant.

Les auteurs de cette attaque n’avaient peut-être pas imaginé que quelques heures seulement après leur forfait, le candidat attaqué démissionnerait. Je ne veux pas savoir à quoi fait allusion cette attaque car je sais qu’il ne s’agit que d’affaires personnelles qui ne regardent qui sa vie privée, mais je mets en garde sur ce climat réellement délétère, les mœurs des uns et des autres ne doivent pas entrer dans le débat politique ni même public dès lors qu’elles respectent la loi. Il faut marteler que la transparence qu’on doit attendre des élus doit se limiter aux frontières de l’intimité.

Je ne vais pas inscrire "Je suis Benjamin Griveaux" parce qu’il y a des causes plus graves et urgentes, mais même si je doutais qu’il ferait un bon maire de Paris, j’apporte aujourd’hui tout mon soutien à Benjamin Griveaux et à sa famille pour l’épreuve qu’ils traversent, et espère surtout qu’il n’y aura pas d’autre victime politique de ces procédés, répétons-le, odieux et dégueulasses.

NB. Il est possible que la diffusion de cette vidéo soit plus un moyen de se faire de la publicité de la part d'un soi-disant artiste russe apparemment déjanté que d'attaquer un responsable de la classe politique. Cela ne retire rien aux réflexions et conclusions.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (14 février 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Benjamin Griveaux.
Municipales 2020 (1) : retour vers l’ancien monde ?
Les élections municipales de mars 2014.
Les élections municipales de mars 2008.
Scrutins locaux : ce qui a changé.
Le vote électronique, pour ou contre ?
Les ambitieux.

_yartiGriveauxBenjamin03




http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200214-benjamin-griveaux.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/benjamin-griveaux-ne-sera-pas-le-221502

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/02/14/38022664.html

 

Partager cet article
Repost0
10 février 2020 1 10 /02 /février /2020 03:29

« [Le Conseil d’État] appelle l’attention du gouvernement sur la nécessité d’assurer le respect de méthodes d’élaboration et de délais d’examen des textes garantissant la qualité de l’action normative de l’État et souligne l’importance de cette recommandation pour l’examen des nombreuses ordonnances prévues par les projets de loi. » (Avis du Conseil d’État n°399-528 et n°399-539 du 24 janvier 2020).



_yartiRetraitesD02

Saisine peu préparée du Conseil d’État, procédure accélérée au Parlement, ordonnances, absence de financement… il ne manquerait plus que le 49 alinéa 3 de la Constitution !… pourtant de sinistre mémoire pour Emmanuel Macron, alors Ministre de l’Économie, lorsque le Premier Ministre Manuel Valls le lui avait imposé en 2015 pour sa loi Macron.

La réforme des retraites en est, depuis le 03 février 2020, à sa "phase parlementaire". Depuis cette date, en effet, la commission spéciale de l’Assemblée Nationale sur le sujet examine les deux projets de loi correspondant à la réforme du gouvernement d’un système universel e retraite (les textes d’origine sont lisibles ici). Les députés commenceront l’examen en séances publiques à partir du lundi 17 février 2020, date qui a été choisie pour une nouvelle journée de grève.

Mais la commission spéciale n’aura probablement pas le temps de finir d’examiner les …22 160 amendements déposés : 299 pour les groupes LREM et MoDem, 283 pour le groupe PS, 489 pour le groupe PCF, 1 148 pour le groupe LR …et 19 713 pour le groupe FI. Les députés FI ont en effet une moyenne d’environ 1 000 amendements par personne. Des amendements de pure forme, une virgule par-ci, une virgule par-là. On appelle cela de l’obstruction, les responsables FI ne s’en cachent pas puisqu’ils revendiquent le droit de porter la contestation sur la seule carte qu’il leur reste à jouer, celle de l’obstruction parlementaire. À cet égard, le "psychanalyste énervant" (!) Gérard Miller a rappelé le 10 février 2020 la scène d’un excellent film de Frank Capra, "Monsieur Smith au Sénat" (sorti le 19 octobre 1939), où le jeune héros sénateur, joué par James Stewart, essaie de parler le plus longtemps possible en lisant lettre après lettre la Bible.

Ceux qui souhaitent un comportement un peu plus constructif ne peuvent que regretter cette attitude : comme la commission spéciale ne pourra pas terminer d’examiner ces dizaines de milliers d’amendements, certains peut-être intéressants et susceptibles d’être adoptés à l’unanimité sont noyés dans cette avalanche d’amendements, le texte sur lesquels les députés débattront le 17 février 2020 sera donc probablement le texte initial du gouvernement. Rappelons que grâce à la révision constitutionnelle voulue par le Président Nicolas Sarkozy, le texte de référence pour les examens en séances publiques est le texte adopté en commission, alors qu’auparavant, il était le texte du gouvernement.

En disant que c’est la seule carte à jouer, c’est un peu vrai. Les opposants ont tenté avec une grève très longue des transports en commun (RATP, SNCF), la plus longue de l’histoire de la Cinquième République, de faire reculer le gouvernement, mais sans succès. Quelques opérations illégales (au contraire de la grève) ont également échoué (coupures d’électricité, blocages de raffineries de pétrole, etc.).

On peut quand même comprendre les députés FI même si on ne les approuve pas. Car le gouvernement a vraiment tout fait pour saboter le débat national qu’il souhaitait sincère et réel (je ne doute pas de sa sincérité initiale).

Lorsque j’avais soutenu Alain Juppé à la primaire LR de 2016, je ne savais pas s’il allait gagner et j’avais même de sérieux doutes car mon expérience m’avait appris que les favoris des sondages n’étaient jamais élus (Raymond Barre en 1988, Édouard Balladur en 1995, Lionel Jospin en 2002, Ségolène Royal en 2007, Dominique Strauss-Kahn en 2012, et plus tard, Alain Juppé en 2017).

Mais j’avais ressenti une sorte de soulagement de le voir dans la compétition. Certes, il était déjà assez âgé mais il avait un avantage compétitif sur tous ses concurrents, tous partis confondus : il avait eu l’expérience des terribles grèves de l’automne 1995 et il en avait tiré quelques enseignements sur l’importance de la méthode, presque plus importante que le fond même d’une réforme ambitieuse. Ce fut probablement d’ailleurs cet esprit consensuel qui lui a barré la route de la candidature : quand on est candidat, il faut cliver, il faut rassembler son camp avant de gagner une partie de l’autre camp au second tour. C’était parce qu’il avait compris cela que Jacques Delors avait renoncé en décembre 1994. Alain Juppé aurait mis un peu de rassemblement dans un monde passablement éclaté. Il n’a pas réussi, car le monde était déjà trop éclaté.

Curieusement, celui qui dirige la majorité actuelle est un bébé Juppé : le Premier Ministre Édouard Philippe. C’est vrai, beaucoup des soutiens d’Alain Juppé se sont retrouvés à soutenir Emmanuel Macron, mais souvent seulement au second tour, comme beaucoup d’autres d’autres partis. On aurait pu imaginer que l’expérience de gouvernance d’Alain Juppé allait lui servir. Et finalement, à mon grand étonnement, non.

_yartiRetraitesE02

Tout le monde, et le gouvernement en premier, admet que cette réforme des retraites est une réforme de grande ampleur. C’est simple, tous les Français sont impactés. Jusqu’aux nouveaux-nés. Presque tous, puisque les plus âgés de la population active (la barre a été baissée) en ont été exemptés.

C’est une réforme importante, qui concerne une grande part de nos dépenses publiques (13% du PIB), et qui va s’installer dans le temps (jusqu’en 2047 ?). En clair, au moins deux générations de Français vivront quotidiennement au rythme de cette réforme.

Face à cet enjeu essentiel, le gouvernement ne propose aux parlementaires qu’un texte à trous, avec une absence totale de financement (c’était pourtant l’argument de la boulette sur le congé parental pour le deuil d’un enfant, j’y reviendrai), qui serait fixé par 29 ordonnances en relation avec les conclusions d’une "grande conférence sociale" sur le financement des retraites dont Laurent Berger, de la CFDT, avait proposé le principe. Au-delà de cette défaillance parlementaire qui fait peu de considération à la représentation nationale (on s’étonnera ensuite de l’antiparlementarisme qui sévit chez les populistes), le texte a été mis en "procédure accélérée", c’est-à-dire qu’il n’y aura qu’une seule lecture et pas deux lectures au Parlement.

Même la préparation du texte a été peu professionnelle : le Conseil d’État a été saisi le 3 janvier 2020 mais il y a eu de nombreuses saisines rectificatives les 9, 10, 13, 14, 15 et 16 janvier 2020. Ce grand corps de l’État a étudié le texte les 16 et 23 janvier 2020, publiant son avis le jour de sa présentation et adoption au conseil des ministres. Cela signifie qu’il y a eu des dispositions qui n’étaient même pas connues au moment de l’étude du texte !

L’avis du Conseil d’État (qu’on peut lire ici) est d’ailleurs sans complaisance pour le gouvernement : « L’étude d’impact initiale qui accompagne les deux projets de loi est apparue, pour certains dispositions, insuffisante au regard des prescriptions de la loi organique n°2009-103 du 15 avril 2009. Le Conseil d’État rappelle que les documents d’impact doivent répondre aux exigences générales d’objectivité et de sincérité des travaux procédant à leur élaboration (…). ». Et il ajoute par ailleurs : « Le Conseil d’État constate que les projections financières ainsi transmises restent lacunaires (…). ». En clair, le gouvernement demande aux députés de signer un chèque en blanc…

L’avis du Conseil d’État note aussi la précipitation du gouvernement : « Le Conseil d’État relève que la saisine des organismes qui doivent émettre un avis s’est effectuée tardivement, après que le projet de loi lui a été transmis et la plupart du temps selon les procédures d’examen en urgence. Si la brièveté des délais impartis peut être sans incidence sur les avis recueillis lorsqu’ils portent sur un nombre limité de dispositions, il n’en va pas de même lorsque la consultation porte sur l’ensemble du projet de loi, tout particulièrement lorsque le projet de loi, comme c’est le cas en l’espèce, vise à réaliser une réforme de grande ampleur. Au surplus, compte tenu de la date à laquelle ces avis ont été rendus, la possibilité pour le gouvernement de les prendre en compte est extrêmement réduite, y compris au stade de l’examen par le Conseil d’État, stade auquel au demeurant auraient déjà dû être intégrées les modifications pouvant le cas échéant en résulter. ».

Précipitation aussi pour sa propre saisine : « Le Conseil d’État souligne qu’eu égard à la date et aux conditions de sa saisine, ainsi qu’aux nombreuses modifications apportées aux textes pendant qu’il les examinait, la volonté du gouvernement de disposer de son avis dans un délai de trois semaines ne l’a pas mis à même de mener sa mission avec la sérénité et les délais de réflexion nécessaires pour garantir au mieux la sécurité juridique de l’examen auquel il a procédé. Cette situation est d’autant plus regrettable que les projets de loi procèdent à une réforme du système de retraite inédite depuis 1945 et destinée à transformer pour les décennies à venir un système social qui constitue l’une des composantes majeures du contrat social. ».

J’ai entendu ce lundi 10 février 2020 sur LCI le député LREM Frédéric Descrozaille, par ailleurs courageux car ils ne sont pas si nombreux que cela à défendre la méthode du gouvernement à la télévision, défendre cette procédure avec les deux semaines d’examen prévues en séance publique en comparaison avec les vingt heures du débat pour la peine de mort en 1981 ou avec les trente heures pour le débat sur la loi Veil en 1974. Comme disait Voltaire, comparaison n’est pas raison : comment mélanger une réforme qui aura une conséquence concrète sur tous les Français pendant plusieurs générations et des textes qui, tout aussi importants sur le plan des valeurs ou de la santé publique, ne concernaient qu’une infime minorité de Français, les doigts d’une main par septennat pour la peine capitale, quelques centaines de milliers de femmes par an pour l’avortement ? Là, on est sur des dizaines de millions de familles qui sont impactées.

On a parlé aussi de la procédure accélérée, qui était toujours voulue lors des réformes de retraites. Sauf que dans le cas d’aujourd’hui, il s’agit d’une "réforme systémique" et donc, d’une très grande ampleur : on ne bouge pas quelques paramètres, on change complètement la règle du jeu.

C’est pour cela que je pense que le gouvernement n’a pas d’autres issues que le suffrage universel, à savoir le référendum. Pour une réforme de cette ampleur, il faut placer le débat national au niveau même des citoyens. D’une part, les lois ne doivent pas être issues de la rue, et c’est pour cela que le débat national ne pouvait pas provenir des syndicats ni des grévistes. D’autre part, avec parallèlement la procédure accélérée, les trous à ordonnances du gouvernement et l’obstruction consécutive des députés FI, le débat national ne peut avoir lieu au Parlement. Il ne reste donc plus que les urnes, le niveau le plus noble.

Pourquoi vouloir faire une telle réforme contre les Français ? Il ne s’agit pas de financement mais de système. Il ne s’agit pas de faire un "RIC" qui permettrait de vouloir plus de policiers et moins d’impôts (cela sert à cela, d’élire une majorité : gouverner avec cohérence et réalisme). Il s’agit juste de changer de modèle social. Si le gouvernement pense qu’il est meilleur, la campagne référendaire serait le moyen idéal pour convaincre les Français. Et s’il n’arrive pas à convaincre, tant pis, la France s’en remettra : même De Gaulle a échoué en avril 1969.

Le jusqu’au-boutisme du gouvernement, aidé par les institutions (et je considère que les institutions sont bonnes, c’est au gouvernement de prendre ses responsabilités, c’est lui qui est aux commandes, et l’on a besoin d’institutions solides qui permettent au gouvernement de gouverner, regardons l’immobilisme dans des pays comme l’Italie, la Belgique, l’Autriche, et même l’Allemagne et Israël, incapables de trouver une majorité ou trouvant une majorité pour ne rien faire), relève maintenant plutôt du domaine de l’idéologie et pas du pragmatisme.

L’argument de l’inscription de cette réforme dans le programme présidentiel d’Emmanuel Macron n’est pas vraiment efficace : il serait valable si le Président de la République avait été élu dès le premier tour (peu probable en France, même sous De Gaulle !), mais il est sûr qu’aucun de ses nouveaux électeurs du second tour n’avait choisi ce programme au premier tour. Quant à la comparaison avec un référendum sur la peine de mort, qui est un sujet sur les valeurs et pas sur le niveau de revenu des retraités dans les cinquante prochaines années, elle me paraît douteuse (comme je l’ai indiqué plus haut) car on gouverne pour les Français, jamais contre les Français.

La saisine du peuple par référendum, après un débat parlementaire visant à améliorer les textes du gouvernement, serait ainsi une excellente idée pour la démocratie et un moyen noble pas seulement de sortie de crise mais aussi de prise en considération de l’avis des citoyens pour ce qui leur appartient de plus cher : les conditions du contrat social qui les lient à la nation.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 février 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Retraites : Discours de la non-méthode.
Les deux projets de loi (ordinaire et organique) sur la réforme des retraites publiés le 24 janvier 2020 et leur étude d’impact (à télécharger).
Avis du Conseil d’État sur la réforme des retraites publié le 24 janvier 2020 (à télécharger).
Retraites : semaine de Sisyphe !
Les intentions du pouvoir.
Une seule solution : le référendum.
La réforme du code du travail.
La réforme de l’assurance-chômage.
Jean-Paul Delevoye.
Édouard Philippe sur les retraites : déterminé mais pas fermé.
Les détails du projet de retraite universelle par points annoncé par Édouard Philippe le 11 décembre 2019.
Discours d’Édouard Philippe le 11 décembre 2019 au CESE (texte intégral).
Discours d’Édouard Philippe le 12 septembre 2019 au CESE (texte intégral).
Rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) du 21 novembre 2019 (à télécharger).
La retraite, comme l’emploi, source d’anxiété extrême.
Grèves contre la réforme des retraites : le début de l’hallali ?
Rapport de Jean-Paul Delevoye sur la réforme des retraites remis le 18 juillet 2019 : "création d’un système universel de retraite" (à télécharger).
Faut-il encore toucher aux retraites ?
Le statut de la SNCF.
Programme du candidat Emmanuel Macron présenté le 2 mars 2017 (à télécharger).
La génération du baby-boom.
Bayrou et la retraite à la carte.
Préliminaire pour les retraites.
Peut-on dire n’importe quoi ?
La colère des Français.
Le livre blanc des retraites publié le 24 avril 1991.

_yartiRetraitesD01



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200210-retraites.html

https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/retraites-discours-sur-la-methode-221406

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/02/10/38012196.html





 

Partager cet article
Repost0
30 janvier 2020 4 30 /01 /janvier /2020 03:44

« Il y a un contraste entre ces bons chiffres et le moral des Français qui n’a jamais été aussi bas. » (Ségolène Royal, le 28 janvier 2020 sur LCI).


_yartiRoyalSeg2020A01

Il est parfois des déclarations qui ne manquent pas d’audace. Ségolène Royal a habitué ses concitoyens à ce genre de réflexions. Depuis qu’elle a été virée de son très dépensier poste d’ambassadrice aux Pôles, depuis le conseil des ministres du 24 janvier 2020 (celui qui a adopté le texte "précis" de le réforme des retraites), l’ancien candidate perpétuelle à l’élection présidentielle a repris sa liberté. Autant dire qu’elle est incontrôlable depuis longtemps.

D’ailleurs, si elle a été remerciée, c’était justement parce qu’elle avait déjà pris un peu trop sa liberté avec sa hiérarchie. On revient de loin ! Pendant la campagne présidentielle de 2017, Ségolène Royal avait soutenu plus ou moins explicitement la candidature du Président actuel et trouvait même qu’il s’était inspiré de sa campagne de 2007 avec Désirs d’Avenir. Mais voilà, Ségolène Royal a été manuelvallsisée par Emmanuel Macron à partir de mai 2017, c’était aussi le sort réservé à François Bayrou par l’ingrat François Hollande en mai 2012 qui avait négligé son ralliement du second tour pour l’ignorer complètement.

En clair, parce qu’elle n’a pas été employée à sa juste valeur (au moins un ministère d’État, ce qui aurait fait cocasse aux côtés de François Bayrou), elle se jette à fonds perdus dans l’opposition et elle croit même qu’elle a une petite fenêtre d’opportunité. Car qui connaît encore des adhérents du parti socialiste en capacité de se présenter à l’élection présidentielle de 2022 ? Olivier Faure, son premier secrétaire ?! Qui est capable d’en citer un seul, ne serait-ce qu’avec une petite notoriété ?

Maintenant que les formalités d’usage ont été accomplies, Ségolène Royal se lance donc entièrement dans la bataille… Rien ne l’arrêtera, sinon le principe de réalité. Car elle est terriblement seule, encore plus seule que lorsqu’elle était ambassadrice (où elle pouvait compter sur des collaborateurs dont le rôle est en train d’être épluché par la justice, une enquête préliminaire a été ouverte le 15 janvier 2020). Qui croit encore en l’avenir présidentiel de Ségolène Royal ? François Mitterrand avait quatre ans de moins qu’elle en arrivant à l’Élysée et il était autrement plus endurant qu’elle.

Parler de son âge n’est peut-être très galant, alors, parlons de son bilan : qu’a-t-elle laissé de durable pendant ses années au gouvernement ? Pas grand-chose. Sûrement pas une volonté de faire la transition écologique. Quand on laisse les feux de cheminée à Paris, on ne se préoccupe pas beaucoup de la qualité de l’atmosphère francilienne. Quand on s’incline devant quelques "bonnets rouges" et qu’on renonce (au prix de très coûteuses pénalités) à l’écotaxe des camions qui polluent et détruisent les routes de France, de l’Allemagne à l’Espagne, on comprend pourquoi elle critique l’autorité d’Emmanuel Macron. Aucune autorité, mais du populisme à revendre, oui.

Dans la matinale de LCI, ce mardi 28 janvier 2020, elle a en effet déclaré : « Oui, nous sommes dans un régime autoritaire, c’est ce que pensent les Français. ». Évidemment, la volonté ne fait pas partie des outils de gouvernance de Ségolène Royal. Est-ce autoritaire d’être Président de la République, de convoquer un dimanche après-midi un député de sa majorité qui n’aurait jamais été élu sans sa victoire présidentielle et qui lui refuse de rentrer dans le rang pour l’élection présidentielle ? Drôle de régime autoritaire lorsqu’on laisse manifester trois fois par semaine, qu’on laisse les Franciliens privés pendant plus d’un mois des transports publics, que pendant plus d’un an, tous les samedis, des manifestants ont cherché la bagarre, parfois avec violence, et sont prêts, encore très récemment, à vouloir la tête du Président de la République démocratiquement élu

Mais Ségolène Royal n’est pas à cela près. Il y a deux ans, elle soutenait le candidat Macron et son programme, et maintenant, elle dit, croyant caresser dans le sens du poil une gauche éclatée et sans repère : « La réforme systémique est une très mauvaise idée. (…) Pourquoi casser ce qui marche et précariser ? Le système des retraites actuel est juste. ». Elle a peut-être raison sur le fond, mais pas elle. Ce n’est pas à elle de le dire. Philippe Martinez, oui, mais pas elle, qui retourne sans arrêt sa veste.

_yartiRoyalSeg2020A02

Le pire, et c’est aussi un typique populisme de gauche depuis quelques jours, uniquement par idéologie, c’est la réaction face aux "bonnes" statistiques du chômage publiées le lundi 27 janvier 2020 par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES).

Certaines personnes, pour refuser de s’en réjouir, parlent d’emplois précaires, de gens qui dorment dans leur voiture (qu’ils ont quand même), etc. Alors que les statistiques montrent que la précarisation s’est au contraire réduite, que le nombre de CDI est en hausse, que la durée des CDD est en hausse aussi.

C’est un peu comme les statistiques des créations d’entreprises, 800 000 par an ! C’est énorme. Oui, on peut parler des auto-entrepreneurs, pour qui c’est une activité souvent complémentaire, oui, mais cela représente 400 000, alors retirons-les, cela en fait encore 400 000 créations de (vraies) entreprises, et dans celles-ci, toutes les sortes d’entreprises ont progressé. Rappelons-nous que l’objectif de Jean-Pierre Raffarin, en 2002, objectif qui a été atteint et c’était déjà un exploit à l’époque, et il n’y avait pas encore d’auto-entrepreneurs, c’était 1 million de créations d’entreprises pour le quinquennat de Jacques Chirac, entre 2002 à 2007, soit 200 000 par an. Aujourd’hui, on en est au double. Et qu’on ne me parle pas de faillites, le nombre de faillites après trois ans a justement diminué.

Voilà, l’idéologie de la gauche refuse de croire que l’économie française s’est assainie et s’est améliorée. Alors, quand j’entends Ségolène Royal dire : « Heureusement que le chômage recule, car les aides aux entreprises s’élèvent à 40 milliards d’euros. », je m’étonne. Ah bon ? Et elle ? Ministre entre 2014 et 2017, on attend toujours "l’inversion de la courbe" ! Non seulement le chômage ne baissait pas, mais les aides aux entreprises étaient du même ordre qu’aujourd’hui. Quelle mauvaise foi ! Tout cela parce qu’elle voudrait refaire un tour à la présidentielle, du côté gauche. Je dirais, du côté maladroit.

Soyons au moins heureux de cet élément : jamais le chômage n’a autant baissé depuis la crise de 2008. Le nombre de personnes inscrites à Pôle Emploi (catégories A, B et C) au quatrième trimestre de 2019 s’établit à 5 442 900 personnes (3 308 800 pour la seule catégorie A). Ce nombre a diminué de 87 700 (1,7%) par rapport au trimestre précédent et de 2,9% sur un an. Sur la courbe, la montée du chômage s’est arrêtée vers le printemps/été 2018 et commence à baisser assez sensiblement depuis deux trimestres. On aurait envie que le gouvernement dans lequel travaillait Ségolène Royal ait pu avoir une si belle performance. Pour la catégorie A (3 674 400 demandeurs d’emploi), c’est une baisse de 3,3% sur un an (120 700 demandeurs d’emploi en moins sur un an !).

On pourra toujours tenter de donner des explications, ce sont plusieurs indicateurs qui passent au vert, comme l’attractivité économique de la France qui attire beaucoup d’investisseurs étrangers, comme les créations d’entreprise. D’ailleurs, il suffit de voir que le chômage n’est plus une préoccupation des Français (ce qui est troublant néanmoins car à 8,6% de la population active, on est encore loin de dire qu’il a disparu). Toutes les catégories de demandeurs d’emploi en âge ont baissé : sur un an, 2,1% de moins pour les personnes de 50 ans ou plus, 4,0% de moins pour les 25-49 ans et 1,4% de moins pour les moins de 25 ans (en catégorie A).

Au lieu de s’en réjouir, on fait sa mijaurée (on pourrait dire : sa minorée !), dans un sentiment suicidaire de toujours fustiger son propre pays, même quand il commence à aller mieux (au point que ce n’est pas très patriotique).

On peut aussi parler des inégalités sociales, en hausse c’est vrai, mais attention au mode de calcul. Le problème n’est pas qu’il y ait des riches (au contraire) mais qu’il y ait des pauvres. Il ne faut pas combattre la richesse, il faut combattre la pauvreté. La gauche ne semble toujours pas l’avoir compris au risque de faire passer son idéologie pour de la simple jalousie.

C’est un peu comme le père de ses enfants, François Hollande : on ne peut pas se permettre de donner des leçons de gouvernance quand on a été incapable de bien gouverner la France pendant cinq ans. Un peu d’humilité ne serait donc pas superflue pour ce couple de "has been"…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (28 janvier 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Ségolène Royal et la baisse du chômage…
Ségolène Royal, adepte de la castritude aiguë.
Ségolène Royal et l’écotaxe.
Ségolène Royal avant la primaire socialiste de 2011.
Ségolène Royal et la démocratie participative.

_yartiRoyalSeg2020A03



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200128-segolene-royal.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/segolene-royal-et-la-baisse-du-221123

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/01/29/37983054.html




 

Partager cet article
Repost0
29 janvier 2020 3 29 /01 /janvier /2020 03:06

« Comme toujours avec le Président de la République, la conversation fut agréable. Nous partageons une vision sur bien des enjeux, mais aujourd’hui, j’acte une divergence majeure. (…) Entre l’appartenance à un appareil politique et l’engagement pour la ville qui m’a fait, je choisis de rester fidèle aux Parisiennes et aux Parisiens en maintenant ma candidature librement. Cette nécessaire clarification me donnera la plus grande légitimité pour porter un projet humaniste et démocratique de transformation de Paris. » (Cédric Villani, le 26 janvier 2020 à Paris).


_yartiMunicipales2020A01

Dissidence, double candidature, exclusion. Les prochaines élections ont un parfum d’ancien monde, celui des appareils politiques et des diktats au fond d’un bureau… ou plutôt, d’un politburo.

Dans seulement un mois et demi, ce sont les élections municipales en France. Elles auront lieu les 15 et 22 mars 2020, pour les deux tours. Il n’est pas trop tard pour qui ne sont pas encore inscrits sur la liste électorale de leur commune puisque le dernier délai n’est plus le 31 décembre 2019 mais le 7 février 2020, ce qui donne cinq semaines aux mairies de remettre à jour leur liste d’électeurs.

Le gouvernement aborde ces élections dans les pires conditions politiques et sociales : la réforme des retraites a laissé le paysage social dans un champ de ruines et les grèves ne sont pas encore terminées, des gilets jaunes ont encore manifesté le 19 janvier 2020, les manifestants anti-PMA se mobilisent également avec l’examen du projet de loi de bioéthique au Sénat en première lecture… Et pourtant, jamais la France n’a créé autant d’emplois industriels depuis des années, jamais la France n’a produit de nouveaux créateurs d’entreprises (qui ne sont seulement pas des auto-entrepreneurs) depuis des années, jamais la France n’a attiré autant d’investisseurs étrangers qu’aujourd’hui.

Alors que la bonne tenue de la liste de la majorité menée par Nathalie Loiseau aux élections européennes de mai 2019 avait donné beaucoup d’assurance au pouvoir au point d’imaginer que les élections municipales seront un nouveau tremplin pour LREM avant l’élection présidentielle, le gouvernement souhaite "sauter" l’épreuve électorale et ne se préoccuper que de son calendrier propre. Au départ, LREM avait simplement regardé les très bons scores de sa liste européenne dans les grandes villes, mais la situation a complètement changé car il ne s’agit plus d’une élection nationale mais d’une élection local avec des enjeux locaux et des notoriétés et réputations de personnalités.

Dans tous les cas, il sera toujours très difficile d’interpréter politiquement les résultats des élections municipales car ce sont d’abord quelque 36 000 batailles électorales très spécifiques à chaque commune. Mais on ne peut cependant pas dire que les enjeux de politique nationale y sont absents puisque lors des précédentes élections municipales en mars 2014, le principal parti d’opposition, LR, avait gagné de nombreuses villes de plus de 9 000 habitants, ce qui avait conduit François Hollande a nommé Manuel Valls à Matignon (contre toute attente et toute logique).

LREM aurait voulu faire de ces échéances l’acte un de l’implantation locale d’un mouvement politique qui n’a pour l’instant que des parlementaires (nationaux ou européens) et des élus locaux qui ne sont que des "transfuges" (sans connotations négatives) d’autres partis (des ralliements donc, mais pas des élections).

La réalité, c’est que les comportements des militants LREM à ces élections municipales sont complètement confus. J’avais déjà regretté l’absence de ligne politique claire lors des élections municipales de mars 2008 pour le MoDem qui était alors sur sa lancée des plus de 18% de François Bayrou à l’élection présidentielle de 2007 : des candidats MoDem faisaient alliance avec des listes UMP dans certaines villes, d’autres candidats MoDem avec des listes PS (parfois même d’union de la gauche), bref, c’était assez confus. Mais le comportement des candidats LREM en 2020 est encore bien plus confus puisque dans certaines grandes villes, il y a parfois plusieurs listes LREM ! On peut citer notamment Paris, Strasbourg, Biarritz (avec deux ministres candidats et adversaires !), etc.

Ces confusions, ces doubles candidatures ne doivent pas inquiéter les démocrates. Après tout, les électeurs trancheront. Du reste, comment s’offusquer que deux membres du même parti se combattent dans un élection municipale alors qu’on a eu le comble avec deux candidats RPR à l’élection présidentielle de 1995 ; Édouard Balladur et Jacques Chirac ? Il ne me semble pas qu’Édouard Balladur fût exclu du RPR en 1995, et il a même aidé Philippe Séguin, un ancien rival pour les élections municipales à Paris en mars 2001.

Pour l’électeur qui se fierait uniquement à des préoccupations de politique nationale, ce serait complètement illisible et incompréhensible. On comprend néanmoins qu’au-delà des légitimes ambitions de personnes (pas de vie politique sans ambitions personnelles), il y a aussi ce fameux "en même temps" du mouvement du Président Emmanuel Macron qui rend les choses très délicates : les LREM d’origine de gauche privilégient l’alliance à gauche et les LREM d’origine du centre et de droite privilégient l’alliance avec le centre et la droite.

L’enjeu politique est pourtant très clair avec ces élections municipales : au-delà des élections sénatoriales de septembre 2020 (renouvellement de la moitié du Sénat, ce qui aura une incidence en cas de révision de la Constitution qui nécessite une majorité des trois cinquièmes des parlementaires), c’est bel et bien la pérennité de LREM, en tant que mouvement politique, qui est en jeu, c’est-à-dire son implantation sur le terrain, communes après communes, afin de durer et d’exister au-delà d’Emmanuel Macron.

Historiquement, sous la Cinquième République, un seul nouveau mouvement politique, créé ex nihilo, sans rattachement à aucune philosophie politique, sans aucune tradition historique, a eu cette pérennité : ce sont les gaullistes (UNR, UDR, RPR, UMP, LR). Tous les autres, issus de l’ambition d’un seul, ont périclité après le retrait de leur leader (Jean-Pierre Chevènement, Philippe de Villiers, Charles Pasqua, Catherine Lepage, Brice Lalonde, Bruno Mégret, etc.).

Pour les mouvements créés ex nihilo encore présents, ces élections municipales donneront une idée de leur espérance de vie : LREM (Emmanuel Macron), FI (Jean-Luc Mélenchon), DLF (Nicolas Dupont-Aignan), Les Patriotes (Florian Philippot), Générations (Benoît Hamon), et d’autres (je ne vais quand même pas citer François Asselineau qui n’a jamais vraiment existé dans le paysage politique français, je le place plutôt à côté des Nicolas Miguet, ces genres de personnages qui cherchent à utiliser la vie démocratique à des fins exclusivement narcissiques).

On regardera donc surtout attentivement la situation des grandes villes dont l’enjeu politique dépasse le seul enjeu local. Par exemple, Grenoble a été la seule ville de plus de 100 000 habitants à avoir été conquise par les écologistes en mars 2014 (court-circuitant la liste socialiste qui voulait prendre la succession de l’équipe de Michel Destot). Qu’en sera-t-il en mars 2020 ?

Car le premier enjeu est le score des écologistes : leur capacité à gagner seuls une élection au scrutin majoritaire. Or, je crois que les médias sont allés un peu vite en besogne avec le score d’Europe Écologie Les Verts (EELV) aux élections européennes de mai 2019. Certes, 13,5% des voix avec 49,9% de participation, c’était honorable, avec la troisième place, mais cela restait quand même un score assez faible pour espérer obtenir plus de 50% des voix. Ce signifie seulement que dans certaines communes, les écologistes pourraient faire de bons résultats.

C’était par exemple le cas à Montpellier où la candidate investie par EELV, Clothilde Ollier est donnée favorite au premier et au second tours dans les sondages. Mais c’était sans compter sur la grande capacité politicienne des écologistes à s’autodétruire, puisque justement, EELV a retiré son soutien à cette candidate qui ne semblerait pas être exactement sur la même longueur d’onde que Yannick Jadot ! À mon avis, cela n’empêcherait certainement pas la victoire annoncée de l’ex-candidate écologiste, mais elle ne pourra pas être mise au crédit de EELV.

Dans les sondages, beaucoup de grandes villes donneraient de très beaux scores aux écologistes : Paris, Bordeaux, Lyon, Grenoble, Montpellier, Perpignan, Nantes, etc.

_yartiMunicipales2020A02

Ce n’est peut-être pas dans les résultats des listes écologistes qu’il faut voir que les écologistes ont le vent en poupe, mais plutôt dans les programmes municipaux de toutes les listes dans toutes les communes, quelle que soit la tendance politique : tout a été repeint en vert, en développement durable, en mobilités douces, en circuit court, en rénovation urbaine, en chasse des dioxydes de carbone, en chasse au gaspillage, etc. Finalement, si c’est tant à la mode, c’est parce que les électeurs le demandent. Or, je trouve que c’est la meilleure réussite de la tendance écologiste : qu’elle ne soit pas portée par un mouvement unique, exclusif, à la fois désordonné et quasi-totalitaire, mais par l’ensemble du spectre politique. C’est en tout cas le moyen le plus efficace pour qu’il y ait des réalisations concrètes à court terme.

L’autre enjeu, c’est la survie des deux principaux partis de gouvernementaux qui ont été bousculés par l’arrivée du macronisme, LR et le PS. LR ne semble pas craindre la disparition complète. Le PS, c’est moins sûr, à part les candidats sortants (Lille, Paris, Nantes, etc.), je ne suis pas certain que des électeurs voteraient pour une liste socialiste si les candidats n’avaient pas l’expérience ou la notoriété qui leur permetteraient de passer au-dessus du seul sentiment partisan.

Ce sera là le problème d’ailleurs de LREM : ce mouvement arrivera-t-il à remplacer des élus sortants qui, pour la grande majorité d’entre eux, sont appréciés de leurs électeurs ?

Prenons Paris. Si l’on en croit le sondage réalisé à Paris du 13 au 17 janvier 2020 par Ifop-Fiducial pour "Le Journal du Dimanche" et Sud Radio et publié le 19 janvier 2020, la situation de Benjamin Griveaux, tête de liste LREM à Paris serait plus qu’incertaine. En effet, Anne Hidalgo (liste PS-PCF) serait en tête avec 25% des intentions de vote, suivie de Rachida Dati (liste LR) avec 19%, Benjamin Griveaux (liste LREM-UDI) avec 15%, David Belliard (liste EELV) avec 14% et Cédric Villani (liste LREM dissidente) avec 13%. Les listes de FI et du RN ne seraient créditées que de 5% d’intentions de vote. Parmi les autres listes, celle de l’ancien conseiller en communication (!) de François Hollande recueillerait …1% des intentions de voix (soit le bruit de fond pour l’échantillon des 995 électeurs parisiens sollicités).

Quant au sondage plus récent réalisé par Odoxa pour "Le Figaro" et publié le 26 janvier 2020, Anne Hidalgo arriverait toujours en tête avec 23% d’intentions de vote, Rachida Dati en deuxième avec 20%, puis Benjamin Griveaux 16%, David Belliard 14,5% et Cédric Villani 10%. Pour le second tour, deux configurations d’alliance ont été testées. La première avec la seule fusion gauche-écologistes qui donnerait à Anne Hidalgo 39% d’intentions de vote (en tête donc elle serait élue), suivie de Rachida Dati avec 27%, Benjamin Griveaux 19% et Cédric Villani 15%. La seconde configuration, ce serait d’avoir également une alliance des deux listes LREM, ce qui ferait Anne Hidalgo+David Belliard avec 40% d’intentions de vote et Benjamin Griveaux+Cédric Villani avec 29%. Mais cette dernière configuration est peu probable en raison de la détermination de Cédric Villani à aller "jusqu’au bout".

D’ailleurs, s’il veut empêcher la réélection d’Anne Hidalgo, son vrai défi serait de faire une alliance avec les écologistes au second tour. Je rappelle qu’en cas de second tour, seules les listes ayant obtenu au moins 10% des voix au premier tour peuvent se représenter au second tour, et toute liste ayant obtenu au moins 5% au premier tour peuvent fusionner avec une liste pouvant se représenter au second tour.

Certes, à ma connaissance, les sondages évoqués ne prennent pas en compte la spécificité d’une élection municipale comme à Paris, où le candidat victorieux dépend des dix-sept secteurs (tous les arrondissements sauf les quatre premiers réunis à partir de 2020 en un seul secteur), ce qui en fait plutôt un scrutin de type élection présidentielle américaine.

Ce qui est intéressant dans ces sondages, c’est que Rachida Dait a une capacité à rassembler au second tour (elle augmenterait beaucoup son score), mais insuffisante pour prétendre à la victoire. Dans "Le Monde" du 25 octobre 2019, Rachida Dati avait confié, en parlant de ses camarades LR (le fils de Jean Tiberi conduira à nouveau une liste dissidence dans le 5e arrondissement, avec peut-être son père en fin de liste) : « Il y a des gens dans ma famille politique qui se réveillent tous les matins en se demandant comment ils vont pouvoir me nuire. Cela va être une campagne de chiens. ». Quant aux deux listes LREM, si elles se maintenaient au second tour, elles n’auraient qu’une faible réserve de voix.

Avec les candidats en présence, Anne Hidalgo serait donc la favorite pour sa réélection, et pourtant, elle ne serait pas appréciée des Parisiens puisque dans le dernier sondage cité (Odoxa), 57% des sondés affirment qu’ils ne sont pas satisfaits de son mandat et 63% des sondés répondent non à la question "souhaitez-vous qu’elle soit réélue ?".

La situation parisienne, bien que très particulière, est pourtant très typique des problèmes de LREM : après les résultats des élections européennes de 2019, on disait Paris acquise à LREM, qui était plébiscitée dans les beaux quartiers généralement acquis à LR. Or, c’est oublier que la mécanique électorale ne se satisfait pas que d’un raisonnement arithmétique car la personnalité des candidats qui incarnent un mouvement politique est aussi importante que ce mouvement dans le cas des élections municipales. Typique aussi par sa complexité.

Car une frange modérée de LR (Agir) voulait d’abord faire ses propres listes menées par le jeune député Pierre-Yves Bournazel qui était crédité de 6% d’intentions de vote dans les sondages jusqu’à son retrait et son soutien à Benjamin Griveaux (candidat LREM mais aussi UDI). Or, ces 6% n’ont pas bénéficié à Benjamin Griveaux mais plutôt à Rachida Dati.

Paris est complexe car chaque arrondissement est un univers particulier. Ainsi, le maire du 15e arrondissement, le balladurien Philippe Goujon, très influent car le 15e arrondissement est l’arrondissement le plus habité et l’on ne peut guère gagner Paris sans gagner le 15e. Or, pour l’instant, il hésite sur son soutien, la ligne directrice de Philippe Goujon est : je veux soutenir le meilleur candidat pour battre Anne Hidalgo. Cédric Villani avait commencé à négocier avec lui, Benjamin Griveaux espère le convaincre, peut-être que les bons sondages de Rachida Dati lui feront changer d’avis…

Ce qui est frappant, c’est que la percée de Rachida Dati semble une surprise pour les journalistes. Pourtant, elle a plus d’un titre à être la meilleure représentante des Parisiens, et en particulier le fait d’être maire du 7e arrondissement depuis deux mandats et aussi, le fait de ne pas avoir cherché à affronter François Fillon lorsqu’il a débarqué, en 2012, dans cette circonscription en or comprenant le 7e arrondissement (à l’époque, il se préparait à se présenter éventuellement à la mairie de Paris pour 2014).

Les anciens grands partis LR et PS pourraient ainsi montrer des signes de résistance voire de résurrection dans de nombreuses villes, à Paris, donc, mais aussi à Nantes, à Lille, à Bordeaux, etc.

Le troisième enjeu concerne les deux grands partis d’aujourd’hui qui sont peu implantés dans les municipalités sortantes : LREM et le RN/FN.

En mars 2014, le FN avait conquis dix communes, ce qui était sans précédent dans l’histoire électorale (Hénin-Beaumont dès le premier tour, Béziers, Fréjus, Hayange, Beaucaire, Le Luc, Le Pontet, Mantes-la-Ville, Villers-Cotterêts et Cogolin), sans compter les deux communes dont la municipalité sortante était déjà d’extrême droite (Orange et Bollène). Le RN compte améliorer ses conquêtes en particulier dans une grande ville comme Perpignan (même si Louis Aliot semble être en perte de vitesse dans les sondages). Cependant, partant de très bas, le RN aurait donc des probabilités non négligeables d’améliorer ses performances de 2014.

Quant à LREM, ce sera également difficile de savoir s’il a gagné ou perdu. Il y a quelques batailles au grand jour, comme Paris, mais il sera difficile dans tous les cas d’y comprendre quelque chose, tant LREM est souvent désuni, avec des listes dissidentes dans certaines grandes villes. Les situations politiques de Bordeaux, Lyon, Metz sont assez compliquée à comprendre, sinon en ne prenant en compte que les ambitions personnelles, et même deux villes qui seront très probablement gagnées par un candidat LR, à Toulouse avec Jean-Luc Moudenc, maire sortant LR d’origine centriste et soutenu par LREM, et à Strasbourg avec Fabienne Keller, ancienne maire LR d’origine centriste (actuellement Agir et élue députée européenne sur la liste de Nathalie Loiseau), les bilans chiffrés seront très difficiles à établir.

D’autant plus difficiles qu’une circulaire du Ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a provoqué la colère des députés LR : celle-ci refuse de prendre en compte l’étiquette politique déclarée des candidats pour les communes de moins de 9 000 habitants. On comprend qu’en ne permettant de faire des statistiques électorales que pour les villes de plus de 9 000 habitants, il serait impossible de connaître le poids électoral respectif des grandes formations nationales. Si beaucoup de listes se présentent sans étiquette comme tel collectif d’intérêt local, d’autres sont politisées et cette politisation, accrue d’ailleurs à cause de la réforme de François Hollande qui a baissé le seuil de 3 500 à 1 000 habitants pour obliger à se présenter sur une liste bloquée non panachable, concerne aussi de nombreuses villes de moins de 9 000 habitants.

Et la situation du gouvernement reste elle-même incertaine en plein enfer social : Gérald Darmanin vient d’annoncer Le 26 janvier 2020 sa candidature pour retrouver la mairie de Tourcoing, et dans quelques jours, le Premier Ministre Édouard Philippe mettra fin au suspens sur sa candidature au Havre.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (27 janvier 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Municipales 2020 (1) : retour vers l’ancien monde ?
Les élections municipales de mars 2014.
Les élections municipales de mars 2008.
Scrutins locaux : ce qui a changé.
Le vote électronique, pour ou contre ?
Les ambitieux.

_yartiMunicipales2020A03




http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200121-municipales-2020a.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/municipales-2020-1-retour-vers-l-221108

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/01/21/37959661.html






 

Partager cet article
Repost0
27 janvier 2020 1 27 /01 /janvier /2020 03:27

« Il faut que je me concentre pour ne pas aller plus loin. » (Nicolas Sarkozy, le 20 janvier 2020 à Romorantin).



_yartiSarkozy2020A01

Ce mardi 28 janvier 2020, Nicolas Sarkozy fête son 65e anniversaire. C’était l’âge légal de la retraite avant l’arrivée des socialo-communistes au pouvoir en 1981. Mais à l’époque, l’ancien Président n’avait que 26 ans. De fait, l’âge légal de la retraite est maintenant à 62 ans et tout porte à penser qu’il passera à 64 ou 65 ans dans quelques années. L’âge d’équilibre, qui est un âge pour avoir un taux plein serait même introduit dans la réforme des retraites proposée par le gouvernement. Il a été retiré in extremis pour des raisons de grèves massives et de négociations avec les syndicats mais il reviendra nécessairement dans quelques mois, par un amendement lors de l’examen parlementaire (on peut lire le contenu de l’ensemble du projet de loi sur le système universel des retraites présenté et adopté le 24 janvier 2020 par le conseil des ministres ici, ainsi que sa volumineuse étude d’impact).

Mais revenons aux 65 ans de Nicolas Sarkozy. Il n’est pas inactif mais politiquement, il est en retrait depuis le 20 novembre 2016 après son échec à la primaire LR. En fait, il est ancien Président de la République depuis le 15 mai 2012 et comme certains de ses prédécesseurs, ou successeurs, on ne peut pas dire qu’il a repris de l’activité politique. Pourtant, ce n’est pas l’envie et les capacités qui lui manquent.

Reprenons tous les Présidents de la Cinquième République. Quand De Gaulle a atteint les 65 ans, c’était en novembre 1955 (l'année de naissance de Nicolas Sarkozy), il venait de vraiment prendre sa retraite politique (à la grande joie de son épouse Yvonne) après l’échec du RPF. Trois années plus tard, il retourna quand même au pouvoir, appelé par l’Histoire, rédigea une nouvelle Constitution et fut élu Président de la République pour dix ans. Son successeur direct, Georges Pompidou, à 65 ans …était déjà mort, hélas pour lui. Il les aurait eus en principe quelques jours après la fin de son septennat (en juillet 1976).

Valéry Giscard d’Estaing, comme Nicolas Sarkozy, a quitté l’Élysée à un âge relativement jeune, lui à 55 ans (Nicolas Sarkozy à 57 ans), si bien qu’il pouvait encore prétendre à servir les Français en restant dans la vie politique (qu’il a véritablement quittée en 2004, soit à l’âge de 78 ans). Lorsque VGE a eu 65 ans, c’était en février 1991, et à cette époque, il était le président de l’UDF (entre 1988 et 1996) et il a même été tête de liste aux élections européennes de juin 1989.

_yartiSarkozy2020A05

François Mitterrand, à 65 ans, était Président de la République depuis à peine six mois, en octobre 1981. À l’évidence, sa vie politique, bien que déjà très ancienne, était encore tournée vers l’avenir, jusqu’en 1995. Quant à son successeur direct (et rival), Jacques Chirac, qui a, lui aussi, les deux seuls de l’histoire républicaine, assumé deux mandats présidentiels dans leur totalité, il a eu 65 ans en novembre 1997, soit deux ans et demi après sa première élection à l’Élysée, et loin d’être le maître des horloges, il était déjà en cohabitation longue durée avec le Premier Ministre Lionel Jospin depuis près de six mois.

François Hollande, de la même génération que Nicolas Sarkozy, a eu 65 ans en août 2019 et n’a aucun mandat politique depuis mai 2017. Enfin, Emmanuel Macron aura 65 ans en décembre 2042, bien après son séjour à l’Élysée…

Ce qui est intéressant, c’est qu’il y a eu, jusqu’à maintenant, deux sortes d’anciens Présidents de la République, ceux qui ont renoncé à toute activité politique, ce fut le cas de De Gaulle et François Mitterrand, et ceux qui ont cru être encore indispensables à la vie politique, Valéry Giscard d’Estaing et Nicolas Sarkozy. Les deux premiers sont morts peu après leur départ de l’Élysée, en raison de leur grand âge, tandis que les deux autres évoqués, par leur jeune âge, ont occupé de nombreuses fonctions politiques après leur séjour à l’Élysée.

Valéry Giscard d’Estaing a presque tout été : conseiller général dès mars 1982, député, député européen, président de conseil régional, candidat à la mairie d’une grande ville et président d’un grand parti, et il aurait rêvé d’être candidat à l’élection présidentielle tant en 1988 qu’en 1995 (mais peu de monde le voulait, notamment les électeurs). Nicolas Sarkozy ne s’est pas représenté pour un mandat local ou national, sauf à la primaire LR pour être le candidat LR à l’élection présidentielle de 2017 et il a reconquis aussi le mandat de président de l’UMP/LR (élu en décembre 2014).

Jacques Chirac, lui, n’a jamais repris un mandat actif dans la vie politique ou partisane mais a quand même participé (au début) aux travaux du Conseil Constitutionnel dont il était un membre de droit, activité qu’il a arrêtée à cause de sa maladie et son procès (Nicolas Sarkozy a aussi arrêté cette activité en 2013 pour les mêmes raisons judiciaires). François Hollande n’a sollicité (encore) aucun mandat électif ni partisan et a refusé de participer aux travaux du Conseil Constitutionnel, mais entend rester quand même dans la course sinon présidentielle au moins éditoriale, se considérant comme le seul sauveur possible d’une gauche désorientée sinon explosée.

D’ailleurs, c’est intéressant d’écouter Nicolas Sarkozy. Voici un homme qui n’a jamais fait de sa vie que de la politique, qui est passionné de la vie politique depuis sa plus tendre adolescence, et qui se retrouve dans l’obligation d’arrêter la vie politique. Alors, maintenant en retrait de la vie politique, il lui est quand même très difficile de se taire.

_yartiSarkozy2020A06

Il n’hésite donc pas à exprimer sa fascination pour Emmanuel Macron, qui a qualifié très tôt de « moi en mieux » !… Contrairement à François Hollande qui avait pourtant nommé Emmanuel Macron au Ministère de l’Économie et des Finances après l’avoir nommé numéro deux de l’Élysée spécialement chargé de sa boîte à outils fiscale et sociale (le CICE par exemple), Nicolas Sarkozy s’est toujours de garder son dernier successeur. Au contraire, il le protège même s’il s’en éloigne un peu. Alors que François Hollande, lui, très aigri de ne même pas avoir pu se présenter, envoie sans cesse des scuds sur son ancien poulain.

_yartiSarkozy2020A03

Il faut aussi se rappeler que dans la couveuse du Premier Ministre Édouard Philippe (qui fut un directeur général de l’UMP, présidée par Alain Juppé, qui ne supportait pas l’idée d’avoir pour nouveau patron …Nicolas Sarkozy en 2004), il y a un "bébé Sarkozy" qui a pour l’instant bien réussi, le Ministre des Comptes publics Gérald Darmanin qui est (par exemple) l’auteur du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, faisant de la France l’un des pays qui a le meilleur taux de recouvrement fiscal.

Ainsi, Nicolas Sarkozy conseille discrètement. Et il parle quand même en public. Par exemple, le dernier discours en date, ce lundi 20 janvier 2020, à Romorantin, où il a participé à la cérémonie des vœux du député Guillaume Pelletier, nouveau vice-président de LR. Et qu’a dit Nicolas Sarkozy ? Qu’il fallait combattre les « quatre cavaliers de l’Apocalypse républicaine » que sont l’indifférence, l’abstention, l’antiparlementarisme et la haine de l’autre.

Le voici dans un costume imprévu de grand Sage. Le journaliste Serge Raffy l’a même nommé "Nicolas le Sage" dans "L’Obs" du 21 janvier 2020, ajoutant : « Aucun doute, l’ancien Président n’est pas rangé des voitures. Il est en embuscade, attendant patiemment son heure, tel un chasseur. Son gibier : Emmanuel Macron, pas encore assez épuisé par la meute. ».

_yartiSarkozy2020A02

Pourrait-il ressusciter d’ici à 2022 pour autant ? Deux ans, c’est bien court, mais il faut rappeler (c’est ce que François Hollande rappelle en ce moment dans les médias) qu’en janvier 2010, personne n’aurait misé sur l’élection de François Hollande, tout comme à la fin de l’année 1993, personne ne croyait à l’élection de Jacques Chirac. Bref, deux ans, c’est court pour se refaire une virginité politique et c’est long pour imaginer qu’il n’y aurait pas des événements quasi-apocalyptiques dans la classe politique (comme l’explosion en plein vol de Dominique Strauss-Kahn en mai 2011 et de François Fillon en janvier 2017).

En fait, les Français veulent bien aimer Nicolas Sarkozy s’il n’est pas au pouvoir et s’il n’est pas candidat (du reste, ce fut le cas de Jacques Chirac). Dès que Nicolas Sarkozy se remontre sérieusement prêt à relever le défi élyséen, il se retrouve détesté même par ses propres troupes, comme le 20 novembre 2016. François Hollande, considéré comme le pire des Présidents de la Cinquième République dans tous les sondages depuis 2017, est dans sa petite bulle mais n’échappe pas non plus à la détestation personnelle, mais contrairement à Nicolas Sarkozy, François Hollande n’aura aucun pouvoir pour influencer de manière déterminante la position du parti socialiste à la prochaine élection présidentielle.

Tandis que Nicolas Sarkozy, lui, a encore un fort ascendant sur son parti Les Républicains et probablement que son influence sera décisive lorsqu’il faudra désigner le futur candidat LR à l’élection présidentielle de 2022. Et j’ai déjà une petite idée de l’identité de ce futur "nommé"…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (26 janvier 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Nicolas Sarkozy à l’âge de la retraite.
Nicolas Sarkozy parle de littérature française.
L’échec à la primaire LR du 20 novembre 2016.
Nicolas Sarkozy et la chasse aux centristes.
Nicolas Sarkozy, star de "L’émission politique".
Nicolas en Sarkini.
Une combativité intacte.
Discours du 30 mai 2015 à la Villette.
Les 60 ans de Nicolas Sarkozy.
Je suis Charlie.
Mathématiques militantes.
Le nouveau paradigme.
Le retour.
Bilan du quinquennat.
Sarkozy bashing.
Ligne Buisson ?
Stigmatisation.
Transgression.
Sarcologie et salpicon socialistes.

_yartiSarkozy2020A04



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200128-sarkozy.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/nicolas-sarkozy-a-l-age-de-la-221025

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/01/25/37971376.html




 

Partager cet article
Repost0
7 janvier 2020 2 07 /01 /janvier /2020 03:29

« Rien ne sera plus comme avant (…). Oui [j’ai peur], même si c’est difficile de se rendre complètement compte de la situation. (…) Moi, je me sens toujours irresponsable et je le revendique, sinon je ne pourrais pas continuer à écrire. Mon rôle n’est pas d’aider à la cohésion sociale. Je ne suis ni instrumentalisable, ni responsable. » (Michel Houellebecq, "La Republica" du 14 janvier 2015).


_yartiCharlieHebdo5ans01

C’était il y a déjà cinq ans, le mercredi 7 janvier 2015, en fin de matinée. Deux terroristes islamistes ont fait irruption dans la salle de rédaction de "Charlie Hebdo". Ce fut le carnage. Douze assassinats. Douze morts et onze blessés.

Des morts parfois célèbres, rappelons-les ici : cinq dessinateurs "historiques" du journal, Cabu (76 ans), Wolinski (80 ans), Charb (47 ans), Tignous (57 ans) et Honoré (73 ans), l’économiste Bernard Maris (68 ans), la psychiatre Elsa Cayat (54 ans), les journalistes Michel Renaud (69 ans) et Mustapha Ourrad (60 ans), les policiers Ahmed Merabet (42 ans) et Franck Brinsolaro (49 ans) et l’agent de maintenance Frédéric Boisseau (42 ans).

Parmi les blessés, les deux journalistes Philippe Lançon et Fabrice Nicolino (ce dernier déjà victime d’un attentat en 1985) et le dessinateur Riss… Mais l’horreur n’était hélas pas terminée : le 8 janvier 2015, la policière Clarissa Jean-Philippe (25 ans) a été assassinée à Montrouge, puis le 9 janvier 2015 dans la prise d’otages de l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes, ont été assassinées quatre autres personnes : le cadre commercial Philippe Braham (45 ans), les étudiants Yohan Cohen (20 ans) et Yoav Hattab (21 ans) et le retraité François-Michel Saada (63 ans). Yoav Hattab a été tué à cause de son acte héroïque et courageux (il s’était emparé d’une arme du terroriste).

Les 10 et 11 janvier 2015, durant le week-end, de nombreuses marches blanches et manifestations (dont l’imposante marche à Paris du 11 janvier 2015) ont montré le niveau d’émotion des Français face à ces actes terribles et aussi de nos amis étrangers. Ces attentats furent suivis en France par de nombreux autres, en particulier le 13 novembre 2015 à Paris et le 14 juillet 2016 à Nice.

L’attentat de "Charlie Hebdo" n’était pas le premier de ce type en France, puisqu’il y a eu les assassinats commis par Merah en mars 2012 à Montauban et à Toulouse (notamment l’assassinat de très jeunes enfants juifs dans une école). Mais il fut sans doute le premier qui a fait vraiment comprendre que la France et même le monde allaient vivre une période de grande incertitude internationale au Moyen-Orient qui pouvait avoir des conséquences directes près de chez soi (encore le 3 janvier 2020 dans un parc à Villejuif, un nouvel assassinat terroriste).

_yartiCharlieHebdo5ans03

Parmi leurs derniers dessins, l’un, prémonitoire et provocateur, de Charb : « Toujours pas d’attentats en France : attendez ! On a jusqu’à la fin janvier pour présenter ses vœux… » et l’autre, d’Honoré : « Et surtout, la santé ! ».

Parmi les personnes complètement choquées, traumatisées, il y avait évidemment tous les proches des victimes, les rescapés, également ceux qui auraient dû se trouver parmi les victimes mais qui ont été absents pour une raison ou une autre (retard, autre réunion, etc.), notamment le médecin urgentiste Patrick Pelloux et les dessinateurs Luz et Willem. Et il faut aussi évoquer Michel Houellebecq.

Michel Houellebecq a été très touché par l’attentat de "Charlie Hebdo" qui a eu lieu le même jour que la sortie de son (à l’époque) dernier roman, "Soumission", qui fut annoncé depuis quelques semaines à grand renfort médiatique (comme toutes les sorties de romans de Houellebecq, peu fréquentes), et justement, ce 7 janvier 2015, le numéro 1177 de "Charlie Hebdo" sortait avec la une représentant Houellebecq caricaturé par Luz. Houellebecq était aussi à la matinale de France Inter (le 7 janvier 2015), au JT de la veille de David Pujadas sur France 2 (le 6 janvier 2015), etc. Il était partout. Le 7 janvier 2015, cela devait être "la journée Houllebecq".

"Soumission", c’est un roman très intéressant d’anticipation politique et religieuse. Plus un jeu qu’une prédiction, mais dont l’idée est très construite et cohérente, et surtout, très subtile et complexe. J’y reviendrai plus tard. Le roman parle d’une sorte d’hégémonie culturelle, cultuelle et surtout politique de l’islam. De quoi nourrir les peurs, renforcer la tension entre ceux qui ont peur de l’islam et les islamistes haineux qui en veulent aux incroyants. Bref, de l’huile sur le feu alors que l’incendie était déjà là. Au point de faire dire sur RTL, par Manuel Valls, le Premier Ministre de l’époque : « La France, ça n’est pas Michel Houellebecq, ça n’est pas l’intolérance, la haine et la peur. ».

Mais comme il l’a dit quelques jours plus tard dans un journal italien (les Italiens et les Allemands sont aussi friands de ses romans que les Français), Houellebecq n’est pas un politique, il n’est qu’un écrivain, il n’a pas à être utilisé pour allumer ni pour éteindre des feux, il écrit, avec sa passion, son écriture, son imagination.

Il est sans prétention politique ni religieuse, sa seule prétention est littéraire, artistique : « Parlons de liberté plutôt que de provocation. (…) Y a pas de liberté possible sans une dose de provocation. (…) Je ne peux pas me laisser dire : "vous êtes libre, d’accord, mais soyez responsable". Je ne veux pas qu’on dise ça. Il n’y a pas de limite à la liberté d’expression. Il y a zéro limite. (…) Il faut quand même que les gens comprennent qu’une fiction est une fiction. C’est une idée simple qui était encore comprise il y a assez peu de temps. Si elle n’est plus comprise… changeons de pays. (…) C’est le jugement de mes pairs qui importe le plus à mes yeux. Donc le jugement de Manuel Valls, je m’en fous un peu. Qu’il écrive deux ou trois romans, et on en reparlera. Chacun sa place. (…) Celui qui réussira à me récupérer, il n’est pas encore de ce monde. Qu’elle essaie. Let’s try. » (entretien avec Antoine de Caunes enregistré le 8 janvier 2015 et diffusé le 12 janvier 2015 sur Canal Plus).

La dernière phrase s’adressait implicitement à …Marine Le Pen. D’ailleurs, toujours dans son entretien avec Antoine de Caunes, il a lâché : « Une interprétation moyennement honnête du Coran ne pourrait aboutir au djihadisme. Il faut une interprétation très déshonnête du Coran pour aboutir au djihadisme. ».

Dans le "Nouvel Obs" du 14 janvier 2015, le journaliste Grégoire Leménager a raconté : « Même à la conférence de rédaction de "Charlie", ce mercredi 7 janvier (…), ça restait "le sujet de discussion du jour". Les gens étaient loin d’être d’accord. D’un côté Cabu, donc, qui "estimait que le livre servait la soupe au Front national". De l’autre Maris et Lançon, qui le trouvaient "très drôle". Et puis là-dessus, les tueurs. Fin de la discussion. (…) Dans les heures qui ont suivi, Houellebecq s’est évaporé. Comme si l’Histoire, avec sa grande kalach, l’avait balayé sur son passage. ».

Houellebecq fut touché aussi parce que dans cet attentat, il a perdu un ami, l’économiste Bernard Maris : « Oui [je suis Charlie], c’est la première fois de ma vie que quelqu’un que j’aimais se fait assassiner, quand même. » (entretien avec Antoine de Caunes sur Canal Plus).

Économiste plutôt "anti-libéral" qui faisait des chroniques régulières dans le journal satyrique ("Oncle Bernard") et qui intervenait dans les médias régulièrement (sur France Inter et aussi sur France 5), Bernard Maris avait trouvé en Michel Houellebecq le meilleur observateur du système économique actuel. Au point d’avoir sorti, l’année précédente, le 4 septembre 2014, un petit livre où il relisait Houellebecq dans le regard des grands économistes de l’histoire du monde (Marx, Keynes, etc.) : "Houellebecq économiste" (chez Flammarion) avec cette accroche : « Personne n’a comme Houellebecq l’intelligence du monde contemporain. ».

_yartiCharlieHebdo5ans02

Dans la quatrième de couverture, il est écrit : « Servitude, frustration, angoisse sous l’impitoyable "loi de l’offre et de la demande" ou celle de la "destruction créatrice" ; souffrance dans les eaux glacées du calcul égoïste et l’extension du domaine de la lutte qui conduira à la disparition de l’espèce… Tel est l’univers des héros houellebecquiens. Comme Balzac fut celui de la bourgeoisie conquérante et du capitalisme triomphant, Michel Houellebecq est le grand romancier de la main de fer du marché et du capitalisme à l’agonie. ».

Pour terminer ainsi : « Vous aimiez l’écrivain ? Il vous paraîtra encore plus grand sous ses habits d’économiste. Vous le détestiez ? Son respect du travail, des femmes, du lien amoureux, et son mépris pour le libéralisme et l’économie vous le feront aimer. ».

Dans ce livre, Bernard Maris a exprimé son admiration ainsi : « À ma connaissance, aucun écrivain n’est arrivé à saisir le malaise économique qui gangrène notre époque comme lui. (…) Personne n’a surpris cette petite musique économique, ce fond sonore de supermarché qui, de ses notes lancinantes et fades, pollue notre existence, ces acouphènes de la pensée quantifiante, gestion, management, placement, retraite, assurance, croissance, emploi, PIB, concurrence, publicité, compétitivité, commerce, exportations, qui tombent goutte-à-goutte sur notre tête et rongent notre cerveau au point de nous rendre fous. Car notre époque est folle dans sa prétention à masquer ce qui a torturé et torturera les hommes jusqu’à ce que l’humanité disparaisse (hypothèse houellebecquienne) : l’amour et la mort. ».

Et aussi : « Aucun romancier n’avait, jusqu’à lui, aussi bien perçu l’essence du capitalisme, fondée sur l’incertitude et l’angoisse. ».

Comme Houellebecq l’a dit, il n’est ni l’étendard de l’islamophobie ("Soumission" narre même le contraire, grand paradoxe !) ni celui de l’antilibéralisme (ses romans montrent des héros qui adorent les hypermarchés), il n’est qu’un simple observateur, bien placé, finement perspicace, avec un bon outil, son écriture, pour graver dans le marbre séculaire les perversions dérisoires de notre société, dont les attentats terroristes n’en sont, hélas, qu’un développement, horrible, dégueulasse, angoissant, parmi d’autres…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (06 janvier 2020)
http://www.rakotoarison.eu

(Les trois dessins sont, respectivement, de Luz pour la couverture de "Charlie Hebdo", de Charb et d’Honoré).


Pour aller plus loin :
5 ans de Soumission.
Mosquée de Bayonne : non assistance à peuple en danger ?
La société de vigilance.
N’oublions pas le sacrifice du colonel Arnaud Beltrame !
Strasbourg : la France, du jaune au noir.

_yartiCharlieHebdo5ans04


http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200107-charlie-hebdo.html

https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/5-ans-de-soumission-220522

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/01/06/37919846.html


 

Partager cet article
Repost0


 




Petites statistiques
à titre informatif uniquement.

Du 07 février 2007
au 07 février 2012.


3 476 articles publiés.

Pages vues : 836 623 (total).
Visiteurs uniques : 452 415 (total).

Journée record : 17 mai 2011
(15 372 pages vues).

Mois record : juin 2007
(89 964 pages vues).